LA
PRATIQUE NEUROLOGIQUE 1
COLLABORATEURS
D' O, CROUPON, ancien chef de clinique de la Faculté.
D' G. DELAMARE, ancien préparateur il la Faculté de Médecine de Paris.
iy E. DESNOS, Secrétaire général de l'Association internationale d'Urologie.
D' GEORGES GUILLAIN, Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris,
médecin des hôpitaux.. - ..
D' Et HUET, chef du laboratoire d'électrothérapie de la clinique des maladies
nerveuses à la Salpêtrière.
D'' LA1V1VOIS; Professeur -adjoint. à la Faculté de Médecine, médecin des hôpi-
taux de Lyon. - ,
D' A. LÉRI, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris.
'dur François MOUTIER, ancien interne des hôpitaux de Paris.
D' POULARD, ophtalmologiste des hôpitaux de Paris.
.D' G. ROUSSY, Professeur agrège a-ta Faculté de Médecine de Paris, chef des
. travaux d'anatomie pathologique. ,
LA PRATIQUE
NEUROLOGIQUE
Publiée sous la direction de
PIERRE MARIE
Professeur à la Faculté de Médecine de Paris
Médecin de la Salpêtrière d
... 1
- - Par MM. 1\
O. CROUZON, G. DELAMARE, E. DESNOS, GEORGES GUILLAIN,
E. HUET, LANNOIS,
. A. LÉRI, FRANÇOIS MOUTIER, POULARD, ROUSSY \
Secrétaire de la Rédaction : O. CROUZON
Avec 302 figures dans le texte
. MASSON ET CIE, ÉDITEURS
LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS-VI'
1911 ï =====
Tous droits de traduction et de reproduction
réservés pour tous pars.
Copyright by \Iasson et C-1. igio
PREFACE
La Genèse de ce Volume a été ;1 la fois très simple et très
compliquée : 11 y a près de cinq ans, plusieurs de mes anciens
internes eurent l'excellente idée de se grouper pour écrire, en
collaboration, un livre de Séméiotique des maladies du système
nerveux suivant des données et un programme spéciaux dont
seront indiquées tout à l'heure les principales caractéristiques.
L'oeuvre marchait au mieux,-et elle semblait devoir aboutir dès la
fin de la première année; mais il fallut compter avec la série
ininterrompue de Concours par lesquels se trouvent, en France,
stérilisées comme il plaisir les forces vives des jeunes générations
médicales, si bien que, ballottés de Bureau Central en Agrégation
et d'Agrégation en Bureau Central, les malheureux auteurs durent
déployer une énergie peu commune pour mener il bien la tâche
qu'ils s'étaient fixée. Entre temps, j'avais demandé pour eux à
M. le Professeur Lannois, de Lyon, à M. Desnos, à M. Poulard de
vouloir bien apporter à l'appui de l'oeuvre commune leur maîtrise
sur un certain nombre de points de Neurologie Spéciale. Je suis
heureux d'exprimer à tous les trois ma très vive gratitude pour
leur aide amicale. ,
Il existe d'excellents Manuels de Neurologie, tant français
qu'étrangers, et les articles consacrés aux maladies nerveuses dans
nos plus récents Traités médicaux sont-parfaitement au courant
de la Science : sans peine on y trouve l'ensemble des principales
notions concernant chaque affection du système nerveux. Et
cependant, quelque .excellentes que soient les descriptions des
traités didactiques de Neurologie, elles ne reproduisent réellement
pas la clinique elle-même, avec toutes ses surprises, avec l'infinie
variété des aspects et des symptômes et la diversité d'interpréta-
tion dont chacun de ceux-ci est susceptible. Donnez a un étudiant
vi' PRÉFACE.
ou ;1 un médecin non rompu aux mille détails d'un examen neu-
rologique, le meilleur traité didactique qui se puisse rêver, et
vous verrez combien grand sera son embarras en lace du premier
cas un peu complexe qui se présentera à lui.
Seuls les Traités de Séméiotique sont en étal de parer à celte
difficulté; ils étudient chaque symptôme en lui-même et pour lui-
même, ainsi que pour la place qu'il tient dans le tableau clinique
de telle ou telle affection; et par cela même ils nous niellent à
même de reconnaître quelle est la maladie en présence de laquelle
nous nous trouvons. Certes il ne faut rien exagérer, et ce serait
une lourde erreur de croire qu'un Traité de Séméiotique peut être
comparé à ces « Flores » de poche qui, de questions en réponses,
d'accolades en tirets, conduisent immanquablement le lecteur ;1 la
détermination rigoureuse de telle ou telle espèce botanique. Les
choses vont quelque peu différemment en clinique; il n'existe pas
encore de machine dont on puisse retirer, imprimé sur un ticket,
le diagnostic d'un malade.
C'est donc, dans une certaine mesure, d'un Traité de Sémeio-
tique qu'il s'agit ici, mais la manière dont les auteurs de la Pra-
tique Neurologique ont compris et exécuté leur oeuvre, mérite
d'être signalée avec quelque détail. L'idée très louable et très
féconde qui les a dirigés est la suivante : Faire en sorte qu'un
médecin, nullement spécialisé en quelque sens que ce soit, puisse
se trouver en état de pratiquer un examen complet de tous les
appareils au point de vue de la pathologie nerveuse et de tirer de
cet examen toutes les conséquences qui en découlent.
Pour ce qui est de la Séméiologie nerveuse proprement dite, de
celle qui a trait aux symptômes dépendant directement des trou-
bles du système nerveux central ou périphérique, il va sans dire
que sous la plume de neurologistes éprouvés tels que (;uill;lill,
Léri, Crouzon, Roussy, Moutier, cette séméiologie a été traitée de
main d'ouvrier. Mais cela ne suffisait pas, il fallait que pour
l'oreille et le larynx, pour l'appareil visuel, pour l'appareil Il ri-
naire, les méthodes d'examen les plus convenables fussent non
seulement indiquées, mais démontrées dans tout leur détail ; il
fallait, en un mot, qu'avec la seule aide de la « Pratique Neurolo-
gique », l'étudiant, le médecin non spécialisé se trouvassent en
état d'employer de façon utile ces différentes méthodes d'examen
PREFACE. vu
et d'en tirer tout le parti nécessaire. Grâce il la collaboration pour
l'oto-laryngologie de M. le Professeur Lannois, dont on connaît
toute la compétence aussi bien comme oto-laryngologiste que
comme neurologiste ; pour l'ophtalmologie de M. Poulard, ophtal-
mologistc des hôpitaux ; et de M. Desnos, secrétaire général de
l'Association internationale d'urologie, pour l'appareil urinaire,
toute cette partie très difficile, très délicate, mais aussi très impor-
tante du programme, a été remarquablement remplie. l'appui
de cette assertion, on pourrait citer en exemple le chapitre qui,
dans la série de ces méthodes d'examen, est généralement consi-
déré comme de beaucoup le plus ardu et le moins il la portée du
public médical, celui qui a trait h l'examen des yeux et de la
vision. Qu'on lise ce chapitre de la « Pratique Neurologique ».
Nul plus que lui ne montrera l'esprit dans lequel ce livre a été
conçu, et la manière dont celte conception a été exécutée.
Voilà pour les méthodes d'examen clinique, tant au point de
vue de la Neurologie générale qu'au point de vue de la Neurologie
spéciale.
Mais il ne faudrait pas croire que la seule ambition des auteurs
de ce livre ait été de faire un livre de Séméiologie pure et simple.
Pour légitimer le litre qu'ils avaient choisi : la Pratique Neuro-
logique, ils ont voulu qu'en ce volume on trouvât, dans les direc-
tions les plus diverses, tous les renseignements qui peuvent être
utiles, non seulement pour poser le diagnostic clinique d'une
maladie nerveuse, mais encore pour en poser le diagnostic anato-
mique et anatomo-pathologiquc : la topographie médullaire, la
topographie radiculaire, les principaux points de l'Anatomie et de
la Physiologie nerveuse et musculaire, etc., etc., ont été exposés
par M. Guillain d'une façon parfaitement claire, quoique en un
petit nombre de pages, avec addition des schémas nécessaires.
Dans le même ordre d'idées, M. Moutier a donné un aperçu de
quelques points intéressants de Y Anthropologie appliquée à la
Neurologie.
Quand il est question ici de Neurologie, bien entendu ce terme
est [iris dans son sens le plus extensif et les auteurs de la « Pra-
tique Neurologique » n'auraient pas un instant admis que la
Psychiatrie fut bannie de leur OEuvre, le lecteur trouvera donc,
dans le présent volume, un exposé des notions psychiatriques
a*
YIII PRÉFACE.
indispensables pour la clinique journalière, et aussi tous les
renseignements nécessaires pour l'internement des aliénés.
La Pratique Neurologique n'aurait pas entièrement justifié
son titre si elle s'était désintéressée du but ultime de la pratique
médicale qui est la guérison, ou du moins le soulagement du
malade, par un traitement approprié. Il était donc indispensable
qu'une Partie Thérapeutique vint compléter les conseils autorisés
donnés par les auteurs sur l'ensemble de la séméiologie nerveuse.
On comprendra aisément que le cadre du volume ne permet-
tait pas de donner ici un manuel complet de thérapeutique ; il
fallait faire un choix, et ce choix M. Guillain, spécialement
chargé de cet article difficile, s'en est tiré d'élégante façon en
écrivant une série de chapitres isolés sur les points les plus impor-
tants de la thérapeutique en Neurologie : le traitement de la
Syphilis et de ses manifestations nerveuses; le traitement des
Algies ; le choix et l'emploi des Médicaments Hypnotiques, et enfin
l ? oerte.
D'autre part, M. Huet, chef du service éfectrothérapique de la
Clinique de la Salpêtrière, dans une importante contribution, a
traité, avec toute l'autorité attachée à son nom, les questions si
complexes de l'ÉLect1'o-rliflynostic et de l'Électnothé°o.loe ; les déve-
loppements donnés à cet article en font une sorte de compendium
d'électricité médicale appliquée aux maladies nerveuses.
Enfin, dans un ordre de faits tout différent, je signalerai la
bonne pensée qu'ont eue les auteurs de vouloir que non seulement
les praticiens, mais encore les étudiants et tous ceux que le désir
de s'instruire oriente vers les études neurologiques, pussent a
l'occasion trouver dans ce volume les données indispensables pour
tirer le meilleur parti possible de Y Autopsie des malades, tant
au point de vue macroscopique qu'au point de vue microscopique :
méthodes et formules usuelles de durcissement des centres 'lie ?
veux, méthodes et formules usuelles de coloration élective des
éléments nerveux, etc.
Mais il faut mettre un terme à celte énumération déjà trop
longue peut-être. Le lecteur se rendra aisément compte par
lui-même de la somme énorme de connaissances acquises, de
travail, et aussi de bonne volonté envers autrui que représente
cette OEuvre. Quand je considère les services considérables que
- mn;rac.
rendra ce livre aux éludes neurologiques, j'éprouve un réel senti-
ment de gratitude pour les élèves et pour les amis qui, en me
demandant avec une insistance trop flatteuse de présenter leur
OEuvre au public médical, m'ont, pour ainsi dire, donné place
parmi eux et fait prendre part à leur succès.
Les auteurs et les éditeurs de la Pratique Neurologique consi-
déreraient comme un acte de noire ingratitude le fait de ne pas
adresser publiquement a M. Crouzon leurs sincères remerciements
pour toute l'activité et le dévouement qu'il a déployés en qualité
de Secrétaire Général de cette publication collective. Si la
« Pratique Neurologique » a vu le jour, c'est a M. Crouzon
qu'elle le doit.
TABLE DES MATIÈRES
xn TAREE DES MATIÈRES.
TABLE DES MATIERES. , 1 1 xur
XIV ? %'' TABLE DES MATIÈRES. -. , -
TABLE DES jIATIÈRES. , XI'
xvi TAREE DES MATIÈRES.
TAULE DES MATIÈRES. XI'lI
xnu TABLE DES MATIÈRES. ' ? ?
LA
PRATIQUE NEUROLOGIQUE
. TROUBLES NERVEUX
DE L'APPAREIL OCULAIRE
par le Dr POULARD
Avant de rechercher la signification d'un trouble fonctionnel dans
l'appareil nerveux oculaire, il faut en constater l'existence et en mesurer
exactement l'étendue. Or, il existe, pour la recherche des troubles fonc-
tionnels du système nerveux oculaire, tant moteur que sensitif, des
moyens d'une précision très grande et quelquefois mathématique. Grâce
il eux, de tous les appareils nerveux de l'organisme, le plus facilement
exploitable, est, sans contredit, celui de l'oeil.
Des méthodes bien établies et une instrumentation perfectionnée per-
mettent de constater avec précision un trouble nerveux oculaire moteur
ou sensitif; l'hypothèse ne doit venir que plus tard, au moment de dé-
terminer le siège ou la nature des lésions plus profondes qui sont la cause
du trouble constaté.
La moindre parésie d'un muscle moteur de l'oeil est toujours consta-
table et même 111('nsurablt, mathématiquement. De petites lésions du nerf
optique, invisibles il l'oplitalmoscope. peuvent être décelées par un exa-
men subjectif bien fait de la vision. Mais, pour cela, il faut connaître et
surtout savoir utiliser l'instrumentation si précise et si simple, mise il
notre disposition.
Pour ces raisons, je crois utile de diviser l'élude de la séméiologie
oculaire en deux parties :
Dans la première, j'étudierai les divers moyens dont nous disposons
pour explorer les troubles fonctionnels du système nerveux oculaire (nerf
optique, nerfs moteurs du globe, nerfs des muscles intrinsèques, nerfs
des paupières, de la cornée, de la conjonctive).
Dans la seconde, passant en revue les diverses manifestations ocu-
laires qui peuvent se rencontrer au cours des maladies nerveuses,
nous déterminerons la valeur semeiologique de chacune d'elles.
PI\,ITIQOE : -¡¡ : UI\OL. 1
TPOVLARD.]
PREMIÈRE PARTIE
TECHNIQUE - -
DE L'EXAMEN^DU SYSTÈME NERVEUX DE L'OEIL
i
EXPLORATION DU NERF OPTIQUE ET DE LA RÉTINE ,
Au point de vue fonctionnel, il faut distinguer dans la rétine deux
parties, l'une centrale, 'très étroite et très sensible, correspondant à la
région maculaire, l'autre périphérique, bien plus étendue mais bien
moins sensible, comprenant tout le reste, c'est-à-dire presque toute
l'étendue de la rétine. En raison de leurs différences fonctionnelles
considérables il est indispensable, en pratique, d'explorer séparément
l'une et l'autre de ces deux régions.
La vue donnant à la fois des sensations de lumière, de couleur et de
forme, il faut éprouver séparément chacune de ces diverses fonctions
visuelles. Il arrive souvent, en pathologie, que l'une des fonctions (vision
des couleurs) se perd, tandis que l'autre (vision des formes) est con-
servée. '
EXPLORATION DE LA VISION CENTRALE
Vision centrale pour les formes. - '
(Acuité visuelle centrale.) .
L'acuité visuelle centrale peut être mesurée soit en plaçant devant l'aeil-
n une distance déterminée, invariable, des objets de différentes gran-
Jours, soit en plaçant à des distances, différentes, un objet de grandeur
déterminée, invariable (fig. z1 ). En règle générale, on emploie le premier
lig. ·1. - Les lettres P F D, bien que de grandeur différente, vont faire sur la rétine, en AB,
des images de même dimension. Cela prouve que pour prendre l'acuité visuelle, il faut
tenir compte de la distance entre l'oeil et l'objet qu'il regarde. ,
EXPLORATION DU NERF OPTIQUE ET DE LA RÉTINE. 3
de ces deux procédés. L'acuité visuelle se mesure à l'aide d'objets de -1
grandeurs différentes placés à 5 mètres de l'oeil observé.
L'objet employé, appelé « échelle typographique », est un carton blanc
sur lequel sont imprimées en noir des lettres de différentes grandeurs
(fig. 2). Partant de ce principe convention-
nel, que l'unité d'acuité visuelle correspond
à un angle de 55°, au-dessus de chaque ligne
on a placé un chiffre qui indique la distance
à laquelle les lettres de cette ligne devraient
être lues par un oeil possédant une .acuité
normale. '
Manière de procéder pour prendre
l'acuité visuelle avec une échelle typo-
graphique placée à 5 mètres. L'échelle
typographique est placée à 5 mètres, sur un
mur, à la hauteur des yeux, en honne lumière.
Le malade lit l'échelle en commençant par
les plus grosses lettres. Quand il s'arrête, la
mesure de son acuité visuelle centrale est
donnée par une fraction ayant comme numé-
rateur la distance d à laquelle est placé le
maladc et comme dénominateur la distance (D)
ü laquelle il devrait être si son acuité était
normale. Ce dénominateur est indiqué entre
les lignes.
Supposons par exemple que le malade,
placé à 5 mètres, ne lise que la seconde ligne,
son acuité visuelle sera
ne UJalalle peut, être incapable, il 7 mètres,
de lire les plus grosses lettres de l'échelle. C'est que son acuité est
. 51 '
moindre que 50 ou 10'. .
Dans ce cas, on le fait approcher il mi-chemin du tableau Il lit
)a première ligne. S611 acuité visuelle est de 50 = 20' deux fois
moindre que s'il lisait cette même ligne à 5 mètres.
Le malade, si près qu'on l'approche du tableau, ne peut lire aucun
caractère. Il faut alors employer le procédé suivant. On promène devant
ses yeux la main dont les doigts sont écartes, on cherche la distance il
laquelle il peut les compter et on note ensuite simplement : « Compte
(doigts il 1 mètre, ! 1 om,50" etc. »..
[POULARD.]
Fig. 2. - Echelle typographi-
que, pour la vision au loin,
on réduction. Entre les lignes,
la distance D il laquelle les
. lettres devraient être lues par
un oeil d'acuilé visuelle nor-
male.
! 4 4 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
Quand l'acuité visuelle est plus faible encore, on se contente de
rechercher si le malade voit passer l'ombre delà main devant son oeil, s'il
distingue les lumières, s'il localise les fenêtres de la pièce dans laquelle
il se trouve, s'il reconnaît le jour de la nuit. Quand cette recherche est
négative, la cécité est absolue. "
Difficultés à connaître et à surmonter dans la recherche de
l'acuité visuelle centrale. -Le but de l'épreuve précédente est de mesu-
rér la sensibilité de la^rétine pour les formes, l'acuité rétinienne. Or,
cette sensibilité rétinienne ne peut être prise exactement si, entre l'objet
et la rétine, vient s'interposer un élément de trouble visuel.
C'est précisément ce qui a lieu dans les états anormaux de la réfrac-
tion, quand par rapport à sa longueur l'oeil est trop réfringent (myopie)
(fig. 5), ou pas assez' réfringent (hypermétropie), ou bien quand la
cornée, au lieu d'avoir sa forme sphérique, prend la conformation d'un
ellipsoïde (astigmatisme). Dans ces conditions, une rétine parfaitement,
sensible perçoit des images troubles. C'est encore ce qui se produit quand
les milieux transparents de l'oeil sont voilés, la cornée par une taie, le
cristallin par une cataracte, le vitré par des nuages plus ou moins épais.'
On ne peut, dans ces conditions, avoir une idée précise de la sensibi-
lité rétinienne centrale qu'après avoir éliminé les voiles interposés qui.
troublent la vision (vices de réfraction, opacités de la cornée, du cris-
tallin, du vitré).
zig. z. Vices de réfraction de l'oeil; E, oeil de dimensions normales (emmétrope); M, oeil
trop long (myope); 11, oeil trop court (hypermétrope). Un faisceau lumineux parallèle F
venu d'un point lumineux lointain arrive à l'oeil, s'y réfracte et va former sur la rétine une
image : en e un point très net, en h et en m des cercles de diffusion, des images floues.
En h', e', m', représentation des images rétiniennes h, e : m.
EXPLORATION DU NERF OPTIQUE ET DE LA RÉTINE, - 5
L'élimination des opacités des milieux transparents est impossible.
Néanmoins, on peut encore, en tenant compte des troubles qu'ils causent
d'habitude dans un oeil sain, porter un jugement approximatif sur le
degré de sensibilité rétinienne. On recherche si la diminution de l'acuité
visuelle est proportionnelle aux opacités constatées, ou bien s'il y a dis-
proportion entre elles.
La chose est très différente si la diminution de l'acuité visuelle est
causée par des vices de réfraction. Dans ce cas, on peut, toujours, en
corrigeant le vice de réfraction, éliminer la cause du trouble èt obtenir
avec exactitude l'acuité visuelle. '
Correction des vices de réfraction. La correction exacte des vices
de réfraction est,- dans certaines circonstances, une chose compliquée et
difficile. Ne pouvant entreprendre ici l'étude des différents procédés pour
la détermination exacte de l'état de réfraction de l'oeil (ophtalmomètre,
kératoscopie, etc.), je tiens néanmoins à exposer une méthode très sim-
ple, qui pourra, dans presque tous les cas, permettre de mesurer l'acuité
visuelle centrale. -
Il faut, pour cela, une boite de verres contenant au minimum :
n - TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL .OCULAIRE. - w
3° Essayez les verres convexes sphériques en commençant par les plus
faibles. ' ,
ft) Ils permettent au malade de lire l'échelle.. C'est qu'il était hyper-
métrope avec une accommodation insuffisante. ' ,
b) Il n'est pas amélioré. Dans ce cas il y a probabilité de lésions
oculaires. Cependant, le trouble visuel peut encore être dù à de l'astig-
matisme. Donc continuez et. : '
5° Essayez les verres cylindriques. -
Prenez les concaves et placez-les devant l'oeil horizontalement, puis
verticalement, puis obliquement, décrivez une circonférence entière si
vous voulez.' , - , '
a) Le cylindre permet de lire l'échelle optométrique; concluez à une
diminution de la vision par astigmatisme. : "
b) Il n'améliore pas. Concluez : . Il a lésion de l'oeil. ,
Remarque : Pour l'essai des verres cylindriques, on laisse devant
l'oeil le sphérique concave ou convexe qui a donné le maximum d'amé-
lioration.
Enfin, comme contrôle, essayez quelquefois le trou sténopéique. ,
Le trou sténopéique est un petit. orifice au milieu. d'une plaque de
cuivre. Il existe dans la boîte de verres réduite, mais il est facile de se le
procurer autrement. Il suffit de percer un morceau de' carton avec une
épingle. Le malade regarde l'échelle à travers ce petit orifice.
Si la diminution de la vue dont se plaint le malade est due à une amé-
trôpié (myopie, hypermétropie ou astigmatisme), le trou sténopéique
améliore beaucoup la vision ; s'il s'agit d'une véritable amblyopie par
lésion nerveuse, l'utilisation du trou sténopéique diminue la vision.
L'expérience peut se faire aussi bien'pour la vision de près, -
L'utilisation des verres correcteurs est du plus grand secours dans la
détermination de l'acuité visuelle. Sans les verres, il est plus difficile
de répondre à la question : « Y a-t-il lésion du fond de l'oeil ? » Cepen-
dant, même dans ces conditions, vous pouvez acquérir des probabilités
très grandes. " - - ,
S'agit-il d'un myope ? La vision très mauvaise de loin, est très bonne
de près. Le trou sténopéique augmente la vision de loin. Dans l'am-
blyopie, la vision mauvaise de loin, reste mauvaise de près. ,
S'agit-il d'un hypermétrope dépourvu d'une accommodation suffisante
pour couvrir son hypermétropie ? La vision est proportionnellement plus
mauvaise de près que de loin. Le trou sténopéique améliore comme chez
le myope. '
S'agit-il d'un astigmate ? Le trou sténopéique améliore.
S'agit-il d'une amblyopie pa1'lésion de 1'oeil ? Vision de près et de loin
est proportionnellement la même. Trou sténopéique n'améliore pas la
vision, il la diminue au contraire. ' ,
Grâce- à l'utilisation d'ailleurs facile des verres et du trou sténopéique,
on peut toujours parvenir h mesurer la sensibilité rétinienne centrale, et
EXPLORATION DU NERF OPTIQUE ET DE LA RÉTIr. 7' . -
on ne s'expose pas à mettre sur le compte d'une lésion nerveuse ce qui .
est dû à un vice de réfraction. ,
Il faut se garder de croire que l'intégrité de la vision centrale signifie
intégrité de la rétine. La fovea centrals ne représente qu'un petit
nombre de fibres rétiniennes et, avant d'affirmer l'intégrité de la rétine,
on doit toujours explorer ses parties périphériques suivant une méthode
que je vais exposer tout à l'heure. "
D'autre part, la vision centrale maculaire peut, nous allons le voir,
être détruite et la perception périphérique rester intacte (scotome central).
Ce scotome central (amblyopie ou cécité centrale) avec intégrité de la
vision périphérique, peut être mis en évidence par un procédé que nous
allons indiquer maintenant pour l'exploration de la vision rontrnlepour
les couleurs.
Vision centrale pour les couleurs.
(Scolontes centraux pour les couleurs.)
Dans certaines affections nerveuses, l'oeil ne voit pas la couleur de
l'objet qu'il fixe, niais cette couleur est vue dès que l'objet se déplace
dans le champ visuel en dehors du point de fixation.
Les éléments nerveux de la région maculaire, si sensibles à l'état nor-
mal, sont atteints de cécité pour une, pour plusieurs ou pour toutes les
couleurs. On dit qu'il y a scotome central pour le vert, le rouge, etc., ou
pour toutes les couleurs. ' , * .
Il peut exister un scotome central non seulement pour les couleurs
(lumière monochromatique), mais même pour le blanc. Dans ce cas, le ..
scotome central est absolu. Il y a cécité de la région maculaire pour
toute lumière (blanche ou monochromatique). ,
La recherche de l'achromatopsie et de l'anopsie centrale peut se faire
de différentes manières : ' '
1° On peut se servir d'un carton ou d'une plaque métallique de cou-
leur noire présentant à son centre un petit orifice circulaire ou carré. ,
Derrière cet orifice, fixé par le malade, on fait passer des papiers ou
autres objets de diverses couleurs (blanc, bleu, vert, etc.). Si le vert seul
n'est pas reconnu, il y a scotome pour le vert; si aucune des couleurs
n'est perçue, il y a scotome absolu. ' --
Mais il vaut mieux se servir de l'arc périmétrique. L'observé étant,
placé suivant les indications de la page 10, on met au sommet de
l'arc un curseur mobile dont le malade fixe le centre. En ce point, on
fait d'ahord apparaître un petit index blanc qu'on remplace ensuite par -
des index colorés. " , .
11 est bon, pour affermir d'une manière indiscutable le diagnostic de
scotome central pour une couleur, de compléter l'examen par l'épreuve
suivante. Tandis que le malade fixe le centre de l'arc périmétrique, le
curseur est placé 15°, 20° ou 50" en dehors du centre. Puis, on fait appa-
a [POCLJ ! D,] .
il TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
raître au centre du curseur le même index coloré qui n'était pas vu au
centre [de l'arc périmétrique, quand l'oeil le fixait. Il est alors perçu
immédiatement et sa couleur reconnue. " '
Une .des dificultés de la recherche du scotome central, c'est d'obtenir
que l'oeil se dirige exactement sur l'objet qu'on lui demande de fixer.
L'oeil- voyant mal l'objet qu'il fixe .se porte instinctivement de côté.
.. Par le procédé de llaitz, au moyen du stéréoscope, on obtient l'immo-
bilisation de l'oeil, une immobilisation complète (fig. 4). Le malade,
. regardant 11 l'aide du stéréoscope, ne voit qu'un seul schéma par suite de
la fusion stéréoscopique des deux schémas
du carton. Avec des index blancs ou colorés
on explore chacun des schémas du carton en ;
allant de la périphérie au centre comme pour
la délimitation du champ visuel. On peut de
la sorte, non seulement constater l'existence
d'un scotome central, mais en déterminer la
forme et l'étendue (fig. 5). '
Il ne suffit pas de rechercher si la vision
pour les couleurs existe ou n'existe pas; il
faut quelquefois, s'il n'y a pas al)SC11CC totale
de vision pour une couleur, reconnaître une
diminution de la sensibilité rétinienne pour
- les couleurs du spectre. Ces recherches sont assez complexes. En
pratique on se contente de présenter il l'oeil observé des index colorés à
divers degrés de saturation. Cette exploration peut encore se faire en fai-
- sant varier l'éclairage des index.
Fig'. 4. Recherche et mensuration du scotome central il l'aide du stéréoscope (Morax).
rig. 5. - Scolome central des-
siné d'après l'examen au sté-
rcoscope (ltorax).
EXPLORATION DU NERF OPTIQUE ET DE LA RÉTINE. 9
Vision centrale pour la lumière.
La sensibilité .rétinienne à la lumière se détermine d'une façon
analogue à la sensibilité pour les couleurs. ,
On emploie comme index des tons gris allant du noir au blanc. Là encore
on peut prendre comme index un ton gris dont on fait varier l'éclairage.
EXPLORATION DE LA VISION PÉRIPHÉRIQUE
Champ visuel. Lorsque nous fixons un point de l'espace avec notre
rétine centrale, avec la macula, les objets environnant le point fixé vicn-
l'ig. 6. Schéma pour montrer la forme du champ visuel. L'oeil fixant le point 0, les objets
environnants, compris en deçà des lignes l' l", vont fairc imago sur la rétine périphérique.
Ils sont dans le champ visuel. \, X2, sections faites dans le champ visuel à diverses dis-
tances de l'oeil.
Fig. 7. - Schéma représentant la projection des champs visuels de l'OD et de l'OG.
La zone blanche marque le champ visuel pour le blanc.
Le trait plein marrlne la limite de perception du bleu.
Le trait - - - - du rouge.
Le trait ......................... du vert. (Morax.)
[POULARD ]
'10 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE. z
nent faire une impression vague sur les parties périphériques de notre
rétine. L'étendue de l'espace qu'un oeil, immobile, en fixation, peut ainsi
embrasser autour du point de fixation, autour de la ligne visuelle, c'est
le champ visuel. '
Le champ visuel comprend une portion de l'espace en forme de cône
ayant son sommet à l'oeil (fig. 6). Les sections de ce cône perpendicu-
laires à la ligne visuelle sont d'autant plus grandes qu'elles sont faites
en un point plus éloigné deJ'oeil. La forme d'une de ces sections est re-
présentée sur le schéma (fig. 7). '
Limites périphériques du champ visuel.
(Étendue du champ visuel.)
Pour cette exploration on se sert d'un instrument spécial fort simple,
1 e pél'i11lèt1'e (fig. 8).
11 est essentiellement constitué'par un demi-anneau de 50 cm de rayon
de courbure, uniformément noir sur sa face concave, gradué en degrés
sur sa lace convexe, le zéro occupant le
sommet de l'arc. Par son sommet, l'arc est
fixé à une. colonne, mais il peut encore
tourner autour de son axe, de manière à
engendrer un hémisphère. La position de
l'arc est marquée par une aiguille, qui se
meut avec lui sur un cadran placé à la face
postérieure de la colonne qui soutient l'arc
En AB, se trouve un cadre noir mobile
sur l'arc périmétrique (curseur), destiné à
recevoir les objets servant à l'exploration
de la sensibilité rétinienne.
, En E se trouve une seconde colonne
destinée à recevoir sur le support mobile qui
la surmonte, le menton de l'observé. Ce
support est disposé de telle façon que l'oeil
du malade se trouve occuper le centre de
lare périmétrique. On peut douleurs, en faisant varier légèrement la
hauteur du support mobile, élever ou abaisser le niveau de l'oeil et com-
penser ainsi les différences dans la hauteur de la face des observés.
L'observateur doit avoir près de lui un schéma semblable à celui de
la figure 7, et qui est la projection sur papier, la représentation gra-
phique d'une section du champ visuel perpendiculaire à la ligne visuelle.
Il se place en avant du malade et peut ainsi surveiller la position de l'oeil
en examen.
Le malade est placé comme je l'ai déjà indiqué, l'oeil en examen fixant
le centre de l'arc, l'autre oblitéré (fib. 9). L'arc périmétrique est
d'abord horizontal..Le curseur muni à son centre d'un petit index blanc
Fig. 8. Le périmètre.
EXPLORATION DU NERF OPTIQUE ET DE LA RÉTINE. 1)
est placé à l'une des extrémités de l'arc périmétrique, du côté temporal
de l'oeil en examen. On
le met peu à peu en
mouvement de la péri-
phérie vers le centre.
Invisible au départ, le
point blanc du curseur
est bientôt perçu par
le sujet. On note alors
le degré de l'arc auquel
correspond le curseur
et on reporte cette me-
sure sur le schéma
(fin. 10). Supposons
que le curseur soit
perçu à 60° sur l'arc
périmétrique, on fait
sur le schéma une mar-
que en a.
L'arc périmétrique
est ensuite placé dans
un autre méridien, à
155", par exemple. Sui-
vant le. même procédé
on promène le curseur
de la périphérie vers le
centre de l'arc. Au mo-
ment où il pénètre dans
le champ visuel, il est perçu. Un
note le degré sur l'arc et on re-
porte sur le schéma comme précé-
demment. Soit 60° le point où
l'objet est perçu. On fait sur le
schéma une marque en b. De la
même façon on détermine les points
c; d, e, ? g, h. On explore de la
sorte un plus ou moins grand nom-
lire de méridiens de la calotte sphé-
rique engendrée par la révolution
de l'arc périmétrique. En joignant
ensuite par une ligne circulaire
' toutes les marques du schéma, on
obtient, mesurée en degrés, la li-
mite périphérique du champ vi-
suel. Dans le cas pris pour exemple, on obtient un champ visuel rétréci.
[POULARD]
Fig. 9. - Manière de prendre le champ visuel il 1 mue
du périmètre (Morax).
1'in. 10. Reh'ccisspmcnL du CV obtenu par
la réunion des points a, b, c, (1, e : ? g, h.
Encoche du CY en E. Scotome en S.
12 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
Au début de certaines atrophies du nerf optique, le champ visuel ne
présente à sa périphérie que de légères irrégularités qu'il importe cepen-
dant, au plus haut point, de mettre en évidence. On n'y arrivera pas si on
se contente, comme cela est trop fréquent, d'explorer le champ visuel
dans un petit nombre de méridiens, par exemple, dans les méridiens à
45° d'intervalle. Il faut un examen plus serré, il faut que l'intervalle
entre les méridiens explorés ne dépasse pas 20°. Autrement on ne peut
affirmer catégoriquement l'intégrité du champ visuel. "
On voit, en effet (fig. 10), que l'encoche a1,'1,/Ib passe inaperçue si on
explore seulement les méridiens distants de 45°.
Il faut aussi recommander l'emploi de schémas semblables à celui
de la figure 7 sur lequel est représentée l'étendue moyenne dn champ
visuel physiologique. Cela facilite la comparaison entre champs visuels
normaux et pathologiques.
Champ visuel en deçà de ses limites périphériques.
, (Recherche des lacunes.)
Il ne suffit pas de déterminer l'étendue du champ visuel. En effet,
dans bien des circonstances pathologiques, un objet, .visible à la péri-
phérie du champ visuel, cesse d'être perçu dans un point moins excen-
trique, pour reparaître en d'autres points du champ visuel. Il existe, dans
l'intérieur du champ visuel, une zone au niveau de laquelle un objet
n'est point perçu. C'est ce qu'on appelle un scotome, ou mieux, une
lacune du champ visuel. -
Pour déterminer l'existence et le siège de ces scotomes, on procède
d'une manière tout à fait analogue à celle employée pour déterminer
l'étendue du champ visuel. Seulement, n'arrêtez pas l'index blanc sur
l'arc périmétrique au moment où il commence à être perçu, c'est-à-dire
à la limite du champ visuel; laissez-le continuer son chemin vers le
centre de l'arc, pénétrez dans le champ visuel, et, marchant lentement
vers le centre de l'arc, demandez an malade si cet index est perçu d'une
façon continuelle, pendant tout son trajet, s'il ne disparaît pas en un
point de son parcours. Vient-il il disparaître ? lisez l'indication périmé-
trique au point de disparition et reportez-la sur le schéma (fig. 10, q, sur
le méridien 15°). Laissez l'index poursuivre son chemin, et bientôt il sera
perçu à nouveau. Lisez l'indication périmétrique au point de réapparition
et marquez-la sur le schéma (o sur le mérid. '15°). ' ,
Explorez ainsi plusieurs méridiens en suivant la même méthode et
marquez les points m, 11,0, ]J" q, r, s. En joignant ces points par une
ligne circulaire vous déterminerez avec exactitude l'étendue du scotome
comme elle est déterminée sur le schéma de la figure 10 (S).
En procédant de la sorte, on explore toute l'étendue du nerf optique et de
son expansion à la surface interne du globe, la rétine; une lésion, même
minime, quelquefois invisible à l'ophtalmoscopc, ne passe pas inaperçue.
EXPLORATION DU NERF OPTIQUE ET DE LA RÉTINE. 13
Sensibilité de la rétine périphérique pour les formes.
(Acuité rétinienne périphérique.)
La rétine périphérique, comme la macula, peut subir des altérations .
portant sur sa sensibilité aux formes, aux couleurs, à la lumière.
La meilleure méthode pour explorer la sensibilité aux formes de la
rétine périphérique, serait d'employer, comme pour la recherche de
l'acuité visuelle centrale, des index parcourant l'arc périmétrique de la
périphérie au centre et sur lesquels seraient des lettres de différentes
grandeurs. Mais la faculté dissociatrice, l'acuité visuelle pour les formes
de* la rétine périphérique est si faible proportionnellement à la sensi-
bilité centrale, qu'en aucun point de son étendue, elle ne permet de dis-
tinguer la forme des lettres.
Pour remédier à cet inconvénient, on s'est servi, comme index, de
points noirs sur fond blanc, plus ou moins gros et plus ou moins distants
l'un de l'autre. Ce procédé, qui a permis de faire des expériences phy-
siologiques assez précises, n'est pas utilisable en pratique pour les
mêmes raisons qui empêchent l'utilisation de caractères d'imprimerie.
Voici un procédé, moins scientifique peut-être, mais beaucoup plus
pratique, et qui permet de mesurer avec assez de précision les diminu-
tions de sensibilité rétinienne périphérique. On procède exactement de la
même façon que pour la détermination de l'étendue du champ visuel;
mais, au lieu d'employer des index blancs volumineux, on se sert d'index
de plus en plus petits, de 5, de 2 ou de 1 millimètre de côté.
Grâce à ce procédé on constate facilement une diminution de la sensi-
bilité rétinienne. Par exemple, une rétine dont les fonctions sont affai-
blies perçoit très facilement un index de 5 millimètres et est incapable
de voir un index de 2 millimètres. ,
On peut ainsi, avec de petits index blancs, constater l'existence de
lacunes ou scotomes du champ visuel, dits scotomes relatifs. Dans les
scolomes absolus les grands index eux-mêmes ne sont pas perçus.
Sensibilité de la rétine périphérique pour les couleurs.
La rétine périphérique, peu sensible aux formes, l'est beaucoup plus
aux couleurs. -
Fréquemment un champ visuel normal pour le blanc est rétréci pour
les couleurs, car le rétrécissement du champ visuel pour les couleurs
ne suit pas forcément le rétrécissement du champ visuel pour le~
blanc. ,
A l'état physiologique, les champs visuels des couleurs sont concen-
triques les uns aux autres dans un ordre toujours le même (fig. 7). Dans
certains états pathologiques, cet ordre physiologique peut être modifié
(inversion des champs visuels pour les couleurs). '
' [POULARD] ]
1 ik TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
11 importe donc de pouvoir explorer la sensibilité de la rétine péri-
phérique aux couleurs, de « prendre le champ visuel des couleurs ». La
chose est fort simple et diffère à peine de la méthode employée pour l'explo-
ration du champ visuel avec l'index hlanc. On procède de la même .façon.
Il suffit de remplacer sur le curseur l'index blanc par un index coloré. On
peut, ici, comme pour le blanc, modifier la grandeur des index.
Sensibilité rétinienne périphérique à la lumière.
Cette exploration, qu'on a rarement l'occasion de faire, se pratique
comme pour le champ visuel; mais, au lieu d'un index blanc, on emploie
un index gris sur lequel on projette un éclairage plus ou moins vif.
EXPLORATION OBJECTIVE DU FOND DE L'OEIL
(Ophtalmoscopie.)
L'ophtalmoscopic permet d'examiner, à fort grossissement, l'intérieur
de l'oeil. C'est mieux qu'une « autopsie sur le vivant », c'est un examen
microscopique des lésions avec un grossissement considérable (fig. 11).
Des lésions intra-oculaires même minimes sont faciles 11 percevoir (hémor-
ragies, exsudats inflammatoires, troubles des milieux).
Mais, si parfait que soit ce mode d'examen, il faut bien savoir qu'une
lésion intra-oculaire réelle, amenant des troubles visuels subjectifs, peut
assez souvent ne produire aucune altération appréciable à l'ophtalmoscope.
Si l'examen objectif 11 l'ophtalmoscope peut se trouver en faillite, il en est
autrement de l'examen subjectif. Il est rare qu'une lésion intra-oculaire
appréciable ou non à l'ophtalmoscope ne donne pas lieu à des troubles
subjectifs. "
L'absence de lésions ophtalmoscopiques ne prouve donc pas l'intégrité
de la rétine; l'ophtalmoscope ne voit pas tout. Au contraire, un examen
Fig. 1 l. - Aspect du fond de l'oeil, A à l'image droite. B a l'image renversée (Morax).
EXPLORATION. DU NERF OPTIQUE ET DR LA RÉTINE. 15 5
subjectif bien fait laisse rarement échapper une lésion oculaire de quel-
que. importance. ' ' - , ,
En outre, l'exploration subjective est plus facile que l'exploration à
l'ophtalmoscope; elle peut être utilisée d'emblée .sans qu'il soit néces-
saire, comme pour l'ophtalmoscopie, d'une longue et difficultueuse
pratique. ,
Cette prépondérance de. l'examen subjectif sur l'examen objectif à
l'ophtalmoscope explique l'importance que nous avons, volontairement,
donnée au premier sur le second. Le neurologiste peut arriver facilement
à faire un examen ophtalmoscopique sommaire; exceptionnellement il
est capable de procéder à un examen ophtalmoscopique méticuleux, ou
d'interpréter correctement les lésions qu'il' voit. Presque toujours il-lui
faut recourir à l'expérience de l'ophtalmologiste. ,
Il est donc'inutile de décrire les multiples lésions du -nerf optique et
de la rétine. Je me contente d'indiquer les principales lésions qu'un
médecin, d'expérience modérée, peut apprécier à l'ophtalmoscope.
Troubles des milieux transparents. -. Le fond de l'oeil est visible il
condition que les milieux (cornée, cristallin, vitré, rétine) au travers
desquels on le regarde soient parfaitement transparents. Quelquefois ils
se troublent d'une manière diffuse qui empêche, de distinguer le fond de
l'oeil (trouble diffus du cristallin, du vitré, de la rétine) ; dans d'autres
circonstances, les milieux restent transparents, le fond de l'oeil est
visible, mais, de temps en temps, pendant l'examen, particulièrement
quand l'oeil se mobilise, des flocons nuageux ou noirs passent derrière la
pupille et obscurcissent un moment l'image rouge du fond -de l'oeil (flo-
du vitré). Dans certains cas aussi; les taches noires sont fixes et
siègent dans le cristallin (opacités cristallinienncs). '
Rétinite. Choroïdite. - Choriorétinite. Ces affections de la
rétine et de la choroïde sous-jacente donnent lieu à un trouble diffus du
fond de l'oeil à des flocons du vitré ou à des taches disséminées de cou-
leur rouge, blanche ou noire. Souvent le fond de l'oeil prend un aspect
tigré blanc et noir très, caractéristique. '
Ces rétinites, ces choroïdites, les troubles des milieux transparents
que nous venons d'indiquer, ne sont pas au nombre des lésions ner-
veuses dont traite-cet ouvrage, mais ce sont des affections qu'il faut
éliminer avant d'affirmer que le trouble visuel est le résultat d'une
lésion des voies optiques. De là l'utilité de pouvoir les constater par
un examen ophtalmoscopique sommaire
'.1. Le maniement de l'ophtalmoscope s'apprend par la pratique et sous la direction d'un
homme expérimenté. Les descriptions de cet appareil et de la manière de s'en servir
sont longues, difficiles à suivre, cl ne mènent à aucun résultat pratique. C'est donc avec
inLenlion qu'clIcs n'onI1]38 été données.
[FOULARD.]
1G ' TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE. ? - " II "
EXPLORATION DE LA IHOTILITÉ EXTRINSËQUE DES GLOBES OCULAIRES
INSUFFISANCE DE LA MUSCULATURE EXTRINSÈQ.UE
L'insuffisance fonctionnelle de la musculature extrinsèque du globe
donne lieu à des manifestations variables suivant le nombre des muscles
intéressés et le degré de leur insuffisance. Etudions les principales
d'entre elles : 1° les déviations des globes (strabisme) ;. 2° la limitation
du champ d'excursion des globes; 5° la diplopie. -
1° Déviation du globe (strabisme).
Reconnaissance d'une déviation oculaire.' - Les déviations du globe
oculaire en dedans (strabisme convergent), en dehors (strabisme diver-
gent), en haut ou en bas (stra-
bisme vertical), se reconnais-,
sent à la simple inspection
pour peu qu'elles soient accu-
sées (fig. 12, 15, 14, 15).
Dans quelques cas, un stra-
bisme léger peut être mis en
évidence nar le urocédé sui-
vaut. Le malade fixe un point
les deux yeux ouverts. S'il y a
déviation, l'un des yeux n'est
certainement pas dirigé vers
le point de fixation. On couvre
alternativement les deux yeux
du malade toujours en fixation.
Si on couvre l'oeil . strabique,
l'oeil resté découvert ne bouge
pas, il était en fixation. Si on
couvre l'oeil en fixation, l'oeil
strabique se déplace et se di-
rige vers le point de fixation.
La constatation de ce redresse-
......"1 1
ment démontre 1 existence au
strabisme.
Mensuration du strabisme.
Après avoir constaté l'exis-
tence d'un strabisme, il faut le
mesurer. Il est très important,
en effet, d'établir le degré d'in-
suffisance d'une fonction mo-
trice du globe, de suivre les améliorations ou les aggravations progres-
sives clans l'état d'un muscle paralysé.
Fig. '12. - Strabisme convergent (Morax). -
. Pig. 15. - Strabisme divergent (Morax).
Fig. 14. Strabisme surstim-vergent (Morax).
Fig. '15. - Strabisme deorsl1mve¡'genl (Morax).
EXPLORATION DE LA MOTILITÉ EXTRINSÈQUE DES GLOBES OCULAIRES. 17
Mensuration du strabisme à l'aide du périmètre. -- L'oeil dévié est
placé au centre de l'arc périmétrique. Le malade (fig. 1G) fixe avec ses
deux yeux un objet 0, situé au loin dans le prolongement du rayon pas-
sant par le sommet de l'arc périmétrique. finis ces conditions, la pupille
et la ligne visuelle de l'oeil sain se dirigent vers l'objet 0; tandis que la
pupille et la ligne visuelle de l'oeil strabique se portent dans une autre
direction suivant a L, s'il s'agit d'un strabisme convergent, suivant a'L'
si le strabisme est divergent.
Supposons que le strabisme soit convergent. La ligne a L, marquant
la direction pathologique de l'oeil, forme avec la ligne z0 0 un angle d
proportionnel ! lIa déviation de l'oeil. Pour mesurer cet angle, il suffit
d'établir en quel point la ligne visuelle a li rencontre l'arc périmétrique.
Pour cela l'observateur prend un objet brillant, une bougie, et il la
place d'abord au sommet de l'arc périmétrique. L'un de ses yeux, placé
derrière la bougie qui sert de guidon, vise la pupille du malade.
Si l'oeil était normal, l'observateur, dans cette position, verrait juste
au centre de la cornée l'image brillante de la bougie. Mais, dans le cas
actuel, l'image de la bougie se forme en un point excentrique de la
cornée, en dehors de la pupille'. On déplace alors la bougie (toujours
suivie par l'oeil de l'observateur) le long de l'arc périmétrique, dans le
sens de la déviation. L'image cornéenne se rapproche peu il peu de la
pupille et finit par se placer à son centre. On note alors le point de l'arc
périmé trique auquel se trouve la bougie. Et l'on obtient ainsi une men-
PllATIQUE ',EUROI.. 2
[POULARD.]
Fig. Ifi. Mensuration du strabisme il l'aide du périmètre; ABC, arc pèriméll'i'1uc; d et d',
angles de déviation; a, oeil en strabisme convergent; a', oeil eu strabisme divergent; b et
b', yeux normaux en fixation normale sur le point 0.
18 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE..
suration angulaire, en degrés, de la déviation. Le relevé sur le péri-
mètre donne, en degrés, la mesure de l'angle d que fait la ligne visuelle
déviée avec la ligne visuelle en direction normale c'est ce qu'on appelle
Y angle de déviation.
2° Limitation du champ d'excursion des globes.
Insuffisance des mouvements du globe. ,
Reconnaissance de l'insuffisance de certaines fonctions muscu-
laires. - Dans bien des circonstances, on ne constate aucune déviation
évidente du globe oculaire, il n'y a pas de strabisme apparent, et cepen-
dant, par suite d'une paralysie ou parésie d'un ou plusieurs muscles du
globe, l'oeil n'est plus dans un état d'équilibre parfait.
Dans certaines positions, quand l'oeil n'est pas obligé de se porter dans,
le sens d'action des muscles parésiés, les troubles sont nuls; il n'y a pas
de déviation, pas de diplopie. Mais, dès que fil se met en mouvement
dans le sens d'action des muscles paralysés, les troubles apparaissent.
A un moment donné, l'oeil parésié ne suit pas les mouvements de son
congénère, il reste en retard, et la diplopie survient; cependant, le
muscle parésié fait des efforts pour suivre, comme en témoignent les
secousses nystagmiq1les qui se produisent dans le globe; mais malgré
tout il s'épuise et, tandis que l'oeil sain continue son excursion, l'oeil
malade s'attarde, reste en chemin, cesse de suivre son congénère. 11 se
produit là un véritable strabisme.
Mensuration de cette insuffisance (Dynamomél1>ie des muscles de
l'ccil). - Si l'apparition de diplopie, de secousses nystagmiformes, de
strabisme dans certaines positions de l'oeil permettent de reconnaître une
insuffisance fonctionnelle dans la musculature extrinsèque des globes, on
peut, par d'autres moyens, mesurer exactement le degré d'insuffisance
de cette fonction, le degré de parésie du ou des muscles atteints. Cette
détermination se fait encore à l'aide du périmètre, transformé, pour la
circonstance, en dynamomètre des muscles de l'oeil. 1
Champ du regard monoculaire. Un oeil, pris indépendamment de
son congénère, la tête étant fixe,
peut occuper de multiples posi-
tions qui permettent à la pupille
de fixer successivement différents
points de l'espace. La portion de
l'espace dans laquelle sont compris
tous ces points que l'oeil mobile
peut fixer successivement avec sa
macula, constitue le champ du
regard monoculaire.
On a détermine, à 1 aide du périmètre, quelle était 1 étendue -du champ
du regard monoculaire à l'état physiologique; et on a pu établir un
]''ig. 17. Champ du regard normal
. mesuré au périmètre (Morax).
EXPLORATION DE t. : W noro,nrn, EXTRINSÈQUE DES CLOUES OCULAIRES. 1 \.1
schéma représenté ligure 17. On voit, d'après ce schéma, que les excur-
sions du globe atteignent en dehors 50°, en dedans 45°; en haut 45°, en
bas 50°. Mêmes considérations par les méridiens intermédiaires. Si une
des fonctions motrices du globe (adduction, abduction, élévation, etc.) se
trouve affaiblie, l'excursion sera moindre, le champ du regard monocu-
laire diminuera d'étendue dans le sens des muscles insuffisants, il mo-
difiera sa forme (fig. 18 et 1J ?
Prise du champ du regard. L'observateur, muni d'une bougie
comme pour la mensuration du strabisme, se place au sommet de l'arc
maintenu horizontal. L'oeil observé, placé au centre de l'arc, fixe la bougie.
A ce moment, l'observateur voit. l'image brillante de la bougie au centre
de la pupille.
Le malade est alors invité il suivre la bougie dans tous ses dépla-
cements.
L'observateur et, la bougie se déplacent alors horizontalement le long
de l'arc périmétrique par exemple vers le côté nasal de l'oeil en obser-
vation. L'oeil suit la bougie, l'image lumineuse est toujours au centre de
ia pupille. A un moment donné, l'oeil ayant atteint les limites de son
excursion, s'arrête, ne suit plus la bougie. A ce moment-la, l'image
lumineuse COl'l1l'Cnne abandonne la pupille. On note en quel point de
l'arc périmélrillue se produit cette séparation, et on reporte sur le schéma
tpii sert à prendre le champ visuel. ,
Même épreuve pour l'excursion temporale de l'uil observé. Mêmes
épreuves dans les autres méridiens verticaux ou obliques. On obtient
ainsi, en joignant eirculairement les points du schéma, le champ du
regard monoculaire (fig. 1 ï).
Il est une autre méthode plus précise que la précédente, et qui doit, 1,
mon avis, lui être préférée. On ne se sert pas de bougie. La position de
l'observé est la même. L'observateur promène le long de l'arc périmé-
trique un index blanc sur lequel sont gravées quelques lettres d'impri-
merie, en ligne horizontale pour explorer les méridiens horizontaux ou
voisins de l'horizontale; en ligne verticale pour explorer les méridiens
verticaux ou voisins de la verticale. L'oeil observé suit ces lettres et les
lit. A un moment, il cesse de les lire en partie ou en totalité. Les pre-
mières à disparaître sont les plus excentriques.
La disparition des lettres signifie que l'oeil ne les fixe plus avec sa
macula, qu'il cesse de les suivre, que l'objet vient de dépasser le point
d'excursion maximum du globe dans celle direction. On note ce point
maximum d'excursion sur le périmètre et on le reporte sur le schéma.
Quand on est fixé sur le siège précis d'une paralysie (par exemple,
une paralysie du droit externe), on peut se servir des méthodes précé-
dentes, non plus pour explorer tout le champ du regard, mais pour
mesurer l'insuffisance des excursions du globe dans le sens d'action du
muscle droit externe. On peut, par ce moyen, mesurer le degré de para-
lysie du muscle, en suivre les aggravations ou les améliorations. Le
. [POULARD]
20 - TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.' ? -...
périmètre devient alors un dynamomètre d'une extrême précision. On
peut donc, avec ce simple appareil, mesurer mathématiquement l'action
,d'un muscle, doser son msmn-
sance. " '
De plus, la paralysie isolée d'un -
muscle, du globe imprime au
champ du regard certaines défor-
mations ~ particulières, toujours
les mêmes (fig. 18 et 19). Ces de-
formations sont si constantes que
la seule exploration du champ du
regard peut permettre le diagnos-
tic du muscle paralysé. En tout
cas, cette exploration constitue
un élément de diagnostic fort im-
portant qu'il ne faut pas négliger.
Bien plus, dans le cas où plu-
sieurs muscles de l'un ou dés
deux yeux sont touchés ensemble,
il est souvent difficile, avec la
seule diplopie, de préciser un
diagnostic. Dans ces conditions,
l'exploration directe des muscles atteints au moyen du périmètre-dyna-
momètre sera de la plus grande utilité. '
3° Diplopie.
Quand, par suite d'une insuffisance musculaire, il existe une déviation
même très légère d'un des globes, les yeux ne se dirigent plus exacte-
ment vers l'objet fixé, l'image de cet objet vient se faire sur les rétines
en deux points qui ne se correspondent plus. 11 en résulte la perception .
de deux objets, une vision double, de la diplopie. ' ,
. Dans les cas très légers d'insuffisance musculaire, alors que tous les
autres symptômes de parésie musculaire sont absents, la diplopie
. existe; elle est la première et souvent la seule manifestation des paraly-
sies oculaires. Il importe donc de bien connaître ce symptôme et d'ap-
prendre à l'utiliser pour le diagnostic. ' '
Recherche de la diplopie. Il est, en général, facile de reconnaître
la diplopie, le malade se plaignant spontanément de voir double. Quel-
quefois cependant, il accuse seulement un trouble de la vision dans
toutes ou dans certaines directions du regard. Dans ce cas, il faut
éveiller son attention, lui faire analyser ses sensations, et, au besoin,
l'aider, par les moyens suivants, à constater lui-même sa diplopie.
Une bougie étant placée à distance devant le malade, on met sur l'oeil sain
un verre rouge. Le malade voit deux images, l'une rouge, l'autre blanche.
Souvent la diplopie ne se manifeste qu'à la périphérie du champ du
Fig. 18. Champ du regard .dans la paralysie
du droit interne de l'OD (Morax). -
1.'ig. 19. Champ du regard dans la paralysie
du nerf moteur oculaire commun de l'OG.
- L'excursion normale ne se fait qu'en dehors
- dans le sens d'action du muscle droit externe
qui est intact (Morax). "
EXPLORATION DE LA MOTJLITÉ EXTRINSÈQUE DES GLOBES OCULAIRES. oh ,
regard binoculaire.. Il faut donc avoir soin de porter l'objet dans les direc-
tions extrêmes. On arrive au même résultat
en laissant l'ohjet fixe, et en imprimant à la .
tête du malade des mouvements en différents
sens, en haut, en bas, à droite, à gauche, et,
au besoin dans des directions obliques.
L'existence de la diplopie peut encore être
décelée par le déplacement des objets quand
on couvre alternativement deux yeux. Le
malade dit s'il constate ou ne les constate pas
un déplacement de l'objet quand l'écran passe
d'un oeil à l'autre., .
Baguette de Maddox. On place devant 1 un '
des yeux, l'oeil droit par exemple, un appareil très simple formé de un
ou plusieurs cylindres dans la position indiquée sur la figure 20. L'objet
lumineux (une bougie) vu par l'oeil droit se trouve remplacé par une ligne
lumineuse verticale. Si les yeux sont .en bonne fixation sur l'objet lumi-
neux; la flamme de la bougie vue dans sa-forme nor-
male par l'oeil- gauche est traversée verticalement
par une ligne lumineuse (fig. 21). Si la fixation est
incorrecte, la ligne lumineuse est à droite ou à gaur
che de la flamme suivant le siège de la parésie ocu-
laire. 11 y a diplopie transversale homonyme ou croi-
sée. On fait ensuite tourner la baguette de 90° devant
le même -oeil droit. Si la fixation binoculaire est
bonne, on voit une ligne lumineuse qui coupe trans-
versalement la flamme- de la bougie (fig. 22). Si la
fixation est défectueuse, le malade voit une ligne lumineuse horizontale au-
dessus ou au-dessous de la flamme de la bougie. IL y a diplopie verticale.
- [POULARDE
Kig. 20. Dagnctle de Maddux.
Fi ? 21. - Recher- -
clic de la diplopie
avec la baguette
de ltaddux. En 1,
ia Uamme de la
bougie est traver-
sée par une ligne
lumineuse vcrti-
cale la fixation est
enrreele. En 2, la
ligne verticale lu-
mineuse est à côté
de la llamme de la
bougie : la fixation
est incorrecte, il y
a diplopie trans-
versale.
Fig. 22. Recherche de la diplopie avec la baguette de Maltdox.
En 4. la flamme de la bougie est traversée par une ligne lumineuse
transversale : la >fixation est correcte. En 5, la ligne transversale
lumineuse est au-dessus de la flamme de la bougie : la fixation est
incorrecte, il y a diplopie verticale. '
. 22 " -- TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE. ..
Mensuration de la diplopie (et, par suite, de l'insuffisance muscu-
.laire). - -Cette méthode est basée sur l'égalité de l'angle d'écartement
,des doubles images avec celui de- la déviation oculaire. La distance qui
sépare les deux imagés sur une surface de projection plane représente la
tangente de ces angles. Cette distance étant connue ainsi que celle qui
sépare l'oeil de la surface de. projection, on peut déduire le degré du stra-
bisme. ,
Un tableau représentant la projection centrale d'une sphère de 2 ? 25 due
rayon avec méridiens et cercles parallèles (tout à fait analogue comme forme
aux schémas du champ visuel), est placé à ? 2 du sujet à examiner.
. La tête de celui-ci, bien fixée, est à la hauteur du centre de la sphère;
un verre rouge couvre un oeil. L'observé voit deux images, l'une blanche
l'autre rouge, plus ou moins écartées l'une de l'autre. Grâce à un calcul
préalablement fait, on petit lire sur le tableau, dans le point occupé par
la fausse image, quel est le degré de déviation oculaire. ' ,
On peut suivre sur ce tableau, par la constatation d'un rapprochement
ou d'un éloignement des images, les améliorations ou les aggravations
qui se produisent dans la diplopie, ou, ce qui est la même chose, clans la
déviation oculaire. " ' : '...- .
Avec le même tableau, on peut, par un autre moyen, mesurer le degré
d'insuffisance des muscles parésiés. Le malade étant placé dans les con-
ditions de l'épreuve précédente, l'observateur promène unebougie dans
toute l'étendue du tableau en suivant les divers méridiens. Il note sur
chacun d'eux le point auquel apparaît la diplopie, c'est-à-dire le point
où commence l'insuffisance du muscle parésié. Ensuite, il joint par
une ligne la série des points et obtient ainsi une ligne appelée ligne de
démarcation. Sa direction et sa position varient, on le conçoit, avec- les
muscles paralysés et le degré de paralysie. ' "
. On peut également utiliser le mur quadrillé pour la mensuration de la
diplopie, il suffit d'inscrire sur ce mur la projection d'une sphère avec
cercles parallèles. "
III
EXPLORATION DE LA MOTILITÉ INTRINSÈQUE DU GLOBE
EXPLORATION DE. L'ACCOMMODATION
, L'accommodation est le pouvoir que possède l'oeil de s'accommoder
aux distances, d'augmenter ou de diminuer sa réfringence, 'suivant que
l'objet fixé. est plus près ou plus loin de l'oeil. Grâce à cette augmentation
de réfraction des milieux transparents, à mesure que l'objet se rapproche,
l'image de celui-ci se forme toujours nette sur la rétine, quelle que soit
sa distance par rapport à l'oeil (ng. 25). -
L'augmentation de réfraction est due à des modifications de forme du
: c EXPLORATION DE LA 110TfLITL INTRINSÈQUE DU GL'ODE. 23
cristallin, sorte de. lentille élastique, sous l'influence d'un muscle circu-
laire qui entoure sa circonférence, le muscle ciliaire. , "
Dans certaines circonstances, une altération du muscle ciliaire, un
changement dans la structure du cristallin peuvent supprimer- ou dimi-
nuer le pouvoir accommodateür de fil. ' ,
Comment constater une abolition ou une atténuation du pouvoir
'1("COMI-nod,itetir ? . '
Moyens pour explorer l'accommodation. - Ils sont très nombreux,
mais beaucoup d'entre eux supposent que l'observateur, ophtalmolo-
giste de profession, sait reconnaître l'état de réfraction du malade qu'il
observe (hypermétropie, myopie). ' " ,
Voici un procédé qui dispense de déterminer l'état de réfraction. 11 est
analogue à celui que j'ai indiqué au momént de la recherche de l'acuité
' ruLAan.7
Ivia. 23. Schémas destinés à montrer le rôle de l'accommodation pour adapter l'u'ii aux
distances. En A, l'objet lumineux est éloigné à l'infini, pratiquement au delà de 5 métrés.
Les rayons qu'il envoie, en arrivant il l'oeil, sont parallèles. Pour que l'image du -point
lumineux se fasse sur la macula (il['), le cristallin Ci ne se modifie pas. En B, le point
lumineux est plus près en os. Les rayons qu'il envoie sont divergents en arrivant à l'aeil.
le crishHin au- repos n'a pas une action réfringente suffisante pour collecter ces- rayons
divergents -et les faire converger en un point sur la macula )le. Il est oblige de se bomber
1;=, d'accommoder d'une certaine quantité proportionnelle il la divergence du faisceau itici-
dent. En C, le point lumineux 0' est encore plus proche, le faisceau qui en part plus
divergent. Pour que l'image de ce point aille se faire sur la macula, il faut que le cris-
lallin exerce une action réfringente plus grande encore et se bombe davantage C3. En a, b, c,
schémas montrant l'action réfringente différente exercée sur un faisceau parallèle par les
cristallins C, Cs C5 il divers, états d'accommodation. F £ F2 F3 les foyers de ces trois cristal-
lins. Les modifications de forme du cristallin, suivant ses différents états de réfringence, sont
marqués en quadrillé.
21 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
visuelle. Il se fait d'ailleurs dans les mêmes conditions, avec l'échelle
optoinctriquc placée il 5 mètres et la petite boite de verres.
Faites l'épreuve des verres concaves et convexes, comme elle est indi-
quée à propos de la recherche de l'acuité visuelle. Essayez d'abord la
série des concaves, ensuite la série des convexes.
Laissez devant-l'oeil, pour poursuivre l'examen : 1° le verre concave le
plus faible qui donne la meilleure acuité visuelle, ou bien : 2" le verre
convexe le plus ¡l : J1't.<¡ui : donne le maximum d'acuité visuelle.
L'oeil, ainsi muni de son verre, est rendu emmétrope; il voit l'échelle
sans accommodation, au repos; il est lotit prêt pour un examen très
précis de l'accommodation. "
Placcz devant lui un verre concave de 1 dioptrie. La vue se trouble :
c'est que l'accommodation est nulle. La vue reste claire : c'est que le
malade a au moins une dioptrie d'accommodation. Continuez, dans ce
dernier cas, à monter dans la série des verres concaves, prenez les
nos 2, 5, 4, 5, allez même plus haut jusqu'à cc que l'un des verres
trouble franchement la vue. Supposons que ce verre concave troublant la
vision soit le n° 5. Vous en concluez : l'accommodation est moindre que
5 dioptries, soit environ 4 dioptries. Le verre concave le plus fort qui, dans
ces conditions, peut être placé devntlll'oeil sans troubler nettement la vue,
mesure,' en dioptries, la puissance d'accommodation de l'oeil examiné.
Dans celte méthode, l'application devant l'oeil d'un verre concave,
diminue la réfringence et exige, pour que la vision reste nette, une aug-
mentation compensatrice de la réfraction du globe oculairc, c'est-à-dire
un certain degré d'accommodation. Le verre concave oblige t'accommo-
dation il se montrer, il se mesurera lui. Il mesure le pouvoir d'accom-
modation (fig. 24).
Telle est une façon précise de mesurer l'accommodation. On peut,
il est vrai, par d'autres moyens, se rendre compte d'une perle de l'ac-
commodation. La diminution ou la perte de la vision de près, tandis que
a vision au loin reste bonne, doit faire penser il une diminution ou perte
Fig. 24. Mesure de- l'accommodation il l'aide de verres concaves. Schémas pour expliquer
l'action des verres concaves sur l'accommodation : A, oeil normal ; C, cristallin au repos.
B, oeil en accommodation modérée : le cristallin cr se bombe et augmente sa réfringence,
son pouvoir convergent, pour compenser exactement l'aclion divergente de la lentille bicon-
cave L'. C, oeil en accommodation forte : le cristallin C" se bombe fortement, augmente
beaucoup sa réfringence, son pouvoir convergent, pour compenser exactement l'action diver-
gente de la lentille 1 ? Les lentilles 1/ et L" mesurent exactement la quantité d'accommoda-
tion mise en jeu par les crislallins C' et C".
EXPLORATION DE LA 310TILTTÉ INTRINSÈQUE DU GLOBE. 5
de l'accommodation, mais c'est la un signe incertain qu'il faut toujours
contrôler par le procédé que je viens d'indiquer.
Au lieu de mesurer la puissance d'accommodation il l'aide de verres
concaves, on pourrait le faire en plaçant un objet (lettres très fines),
il des distances de plus en plus rapprochées du sujet en observation,
muni des verres correcteurs de son amétropie s'il n'est pas emmétrope.
Ou note la distance il laquelle les lettres fines commencent à se troubler.
A ce moment l'oeil a donné son maximum d'accommodation.
Par un calcul facile on détermine la puissance d'accommodation de
l'oeil. Si le trouble apparaît à 50 centimètres, le sujet n'a pas 2 dioptries
d'accommodation, s'il apparaît seulement à 25 centimètres le sujet n'a pas
4 dioptries d'accommodation. C'est un procédé moins précis que le premier.
EXPLORATION DE LA MOTILITÉ PUPILLAIRE
La pupille il l'état normal, ne se tient guère en position fixe; elle mo-
difie continuellement ses dimensions, se dilate et se rétrécit alternative-
ment. Ces mouvements pupillaires sont provoqués par des causes mul-
tiples, la lumière, la convergence, l'accommodation, une sensation
cutanée, une pensée, une émotion. Ils se font tous par le mécanisme du
réflexe. La volonté nua sur eux aucune action directe.
Dans beaucoup de. circonstances pathologiques, ces mouvements
réflexes de la pupille sont abolis ou atténués.
Réflexe à la lumière.
1° Recherche à la lumière du jour. Le malade est placé au
grand jour, près d'une fenêtre. Il a le regard tourné un peu en haut
vcrs le ciel lumineux. L'observateur, placé devant lui, couvre avec ses
. [POULARD ]
Fig-. 21. - npt'herdw <lu l'l'lIexc pupillail'c à la IUll11 ? c du jour. - -1" temps : les yeux du
sujet, grands ouverts et dirigés vers la fenêtre d'où vient le jour, sont couverts par les mains
de l'observateur.
2G TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL. OCULAIRE.
deux mains les yeux grands - ouverts du malade (fig. 25). Vivement on
découvre un oeil, et la pupille frappée par la lumière se contracte devant
l'observateur (fig. 26). On répète M même expérience pour l'oeil du côté
opposé.
Il importe, dans cette épreuve, que les yeux du malade restent bien
ouverts sons la main de l'observateur, que les paupières ne clignent pas
au moment où l'oeil est découvert, que le regard soit bien dirigé au loin
vers le ciel, conditions qu'il est toujours facile de réaliser, sinon â `la
première épreuve, du moins aux suivantes. ' ,
2° Recherche à la lumière artificielle. Cette épreuve se fait dans
Une chambre noire ou obscure avec une lampe et une loupe. Le malade
Fig. 26. Recherche du réflexe pupillaire à la lumière du jour. il temps : 'l'observateur'
enlève brusquement sa main et voit la pupille se contracter sous l'action de la lumière.
Fig. 27. - Recherche du réflexe pupillaire à- l'aidé de la lentille convergente. Le faisceau
lumineux divergent f1 qui vient de la lampe A est recueilli par la lentille B et transformé
en un faisceau convergent f2 très lumineux qu'on envoie dans l'oeil. L'un des yeux est couvert
par la main. ' ,
EXPLORATION DE LA MOTILITÉ INTRINSEQUE DU GLOBE. 27 7
1 , , . - 1
est placé dans la position qui convient à l'examen ophtaliiioscopique. A
l'aide de la loupe, interposée entre la Lampe et,l'oeil de l'observé, on fait
arriver sur l'un des yeux un faisceau lumineux. Aussitôt la pupille se
contracte. Même expérience pour l'oeil de l'autre côté (fig. 27).
On peut se dispenser de loupe. La lumière d'une bougie ou d'une
queue de rat, d'une lampe électrique est suffisante. Tandis que le ma-
lade couvre l'un de ses yeux avec la paume de sa main, on fait arriver
brusquement la lumière sur l'autre oeil. Même expérience pour le second
oeil (fig. 28 et 29)." '. , " , " .
\ , . [POULARD.]
Fig. 28. Recherche du réllexe lumineux i'8J'aide de la bougie. 1 ? temps : la malade
couvre avec la main son oeil droit. Le medcjp examine l'oeil gauche. Il forme avec sa maiu
gauche un écran derrière lequel se trouve la bougie allumée. - .
Fis. 29. Recherche du réflexe lumineux à l'aide de la bougie. 2*' temps : le médecin
enlève brusquement sa main qui fait écran, la bougie éclaire lad et la pupille se contracte.
28 ' ; TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
. Dans ces épreuves il importe que le malade regarde au-loin; l'action de re-
garder un point rapproché provoquant toujours une contraction pupillaire.
D'ailleurs, pour plus de certitude, on peut et on doit répéter l'expé-
rience plusieurs fois de suite. ,
La constatation du -réflexe à la lu-
mière est plus facile encore à l'aide
des appareils ici représentés (fig. 50
et 51). Ils permettent d'opérer dans
l'obscurité et d'illuminer l'oeil brus-
quement. L'observateur donne ou in-
terrompt l'éclairage par simple pression
sur un bouton interrupteur. Il n'a
d'autre souci que de regarder à travers
l'appareil une. pupille très amplifiée',
dont il voit Ttvec facilité la contraction
depuis son début jusqu'à la fin. Ce
moyen permet de constater les réac-
tions pupillaires invisibles à l'oeil nu
et par les procédés habituels, d'éclai-
rage.
5° Réflexe consensuel. A l'état
physiologique normal; l'excitation lu-
mineuse d'une rétine amène la con-
traction synergique, simultanée, des
deux pupilles, celle de l'oeil éclairé (réflexe homolatéral) et celle dé
l'autre oeil (réflexe hétérolatéral). Pour rechercher l'existence ou l'absence
Fig. 30. - Examen du réllexe lumineux
à la loupe. A, lampe électrique avec
réflecteur; B, loupe; C, boulon inter-
rupteur permettant à l'observateur
d'interrompre à son gré la lumière.
Fig. ? Recherche du réflexe lumineux a la loupe. A. lampe électrique
et système de lentilles faisant converger la lumière sur l'oeil; B, loupe; C, interrupteur.
EXPLORATION DE LA ÎIOTILITÉ INTRINSÈQUE DU GLOBE. 2''
de ce réflexe, on procède comme dans le cas précédent, mais on observe
les mouvements de la pupille de l'oeil du côté opposé, restée dans une
obscurité modérée.
Quand on a préalablement constaté que le réflexe homolatéral n'existait
pas dans l'un des yeux, et qu'on veut rechercher dans ce même aeil l'eis-
tence du réllexe hétérolatéral, il n'est pas besoin de prendre la précau-
tion de le laisser dans une demi-obscurité. On peut projeter franchement
une lumière vive sur les deux yeux simultanément, ce qui rend l'inspec-
tion pupillaire plus facile et la réaction plus intense.
Un appareil électrique ingénieux a été fait récemment, qui facilite la
recherche du réflexe consensuel. Une coquille pouvant s'appliquer sur le
pourtour de l'orbite, porte il son centre une petite lampe électrique ali-
mentée par une pile sèche contenue dans le manche du petit appareil. On
peut à l'aide d'un bouton interrupteur, allumer ou éteindre à volonté la
lampe. La coquille étant placée sur l'oeil ouvert, on allume brusquement
la lampe et on constate le réflexe consensuel du côté opposé resté décou-
vert.
Il serait possible, avec un appareil électrique analogue à celui-ci, de
doser la quantité de lumière projetée sur la pupille. On pourrait, dans
ces conditions, non seulement constater l'existence, mais encore mes/{-
l'er le degré de la inutilité réflexe de l'iris il la lumière.
Une autre manière de constater l'existence du réflexe consensuel, con-
siste, en se tenant au jour, il faire l'occlusion d'un oeil, tandis qu'on
observe l'oeil découvert pour voir s'il ne se produit pas une légère dilata-
tion pupillaire.
4° Réflexe hémianopique. Dans certains cas d'hémianopsie, le
réflexe lumineux ne se produit pas quand les rayons lumineux frappent
exclusivement la moitié aveugle de la rétine; il se produit, au contraire,
si la lumière frappe la moitié voyante de la rétine. Quelquefois, la réac-
tion pupillaire se produit par éclairage des deux moitiés de la rétine,
mais avec une inégale intensité (réaction hémianopique relative).
La recherche de ce signe est difficile; il est indispensable, en effet, de
projeter dans l'oeil un faisceau lumineux étroit qui ne puisse diffuser sur
la portion voyante de la rétine. '
Pour cela, on se sert d'une lampe munie d'un écran opaque percé
d'un orifice étroit au travers duquel passe un petit faisceau lumineux
peu intense. Les rayons de ce faisceau lumineux sont recueillis et con-
centrés par une lentille placée entre la lampe et l'oeil du malade. Ils
arrivent ainsi au niveau de la pupille sous forme d'un petit filet de lu-
mière que l'on projette obliquement sur la portion hémianopique de la
rétine.
Il existe un petit appareil électrique formé d'un tube contenant une
lampe électrique et des lentilles disposées de telle façon que le petit
faisceau lumineux sortant vient converger il 4 centimètres de l'extrémité
du tube. On peut interrompre brusquement et à volonté la lumière.
[POULARD.]
aU TROUBLES NERVEUX. DE L'APPAREIL OCULAIRE
Réflexe dans le passage de la vision lointaine
à la vision rapprochée.
Quand les yeux passent de la vision lointaine à la vision rapprochée,
la pupille se contracte fortement. C'est ce réflexe qu'on appelle quelque-
fois réflexe il la convergence ou réflexe il l'accommodation.
En réalité, ce réflexe n'est lié ni il l'accommodation ni il la convergence.
Accommodation, convergence et rétrécissement pupillaire sont trois phéno-
mènes utiles ¡lia vision de près et qui se produisent tous les trois en
même temps sous l'action d'une cause commune et non sous une
influence réciproque. Ces réflexes peuvent, en elle ! , être atteints isolé-
ment, sans que l'altération de l'un d'eux empêche les autres de se pro-
duire. L'accommodation peut être nulle avec un réflexe pupillaire parfait,
la convergence peut être abolie et la pupille continuer à réagir normale-
ment dans la vision rapprochée. Les dénominations de réflexe a t'accom-
modation. réflexe il la convergence, ont donc l'inconvénient d'établir
entre ces diverses fonctions un lien causal qui n'existe pas.
Pour rechercher ce réflexe, l'observateur invite le malade il porter son
regard au loin. Puis, il lui demande de fixer brusquement son doigt
placé il 30 centimètres des yeux. Pendant ce passage de la vision loin-
taine à la vision rapprochée la pupille se contracte.
Réflexes aux excitations cutanées.
Le malade regardant au loin, on inspecte la pupille tandis que sont
pratiquées sur la peau des excitations diverses (piqûres, pincement, cha-
louillcmuut, courant électrique...). On voit la pupille se dilater lente-
ment et quelquefois d'une manière considérable. C'est un réllexe irido-
dilatateur.
Celte exploration doit être faite dans un endroit sombre, permettant
cependant l'observation de la pupille, mais empêchant l'action irido-con-
strictive de la lumière vive.
Réflexe à l'occlusion des paupières.
1" On demande à l'observé de fermer fortement les yeux. Au moment
où il les ouvre ensuite, on note si la pupille est plus étroite ou plus
grande qu'avant l'occlusion, si elle grandit au moment de l'ouverture.
'2" On demande encore de fermer les yeux, mais on s'oppose celte fois il
l'occlusion, en maintenant les paupières avec les doigts. Et on regarde
si, pendant cet effort d'occlusion, la pupille se contracte.
Il est certain (pie l'éclairage de la pièce dans laquelle on observe, doit
avoir une grande influence sur ces réflexes. Il faut toujours opérer dans
les mêmes conditions et dans un endroit sombre.
EXPLORATION DE LA 110TTT.TTI' INTRINSÈQUE DU GLOBE. 51
Réflexe d'origine psychique.
Il suffit d'attirer l'attention du malade sur un objet lumineux, de le
l'aire penser à un objet lumineux et on voit la pupille se contracter. Piltz
réussit également à provoquer un mouvement de dilatation en deman-
dant à l'observé de penser à un ohjet sombre.
IV
,
EXPLORATION DE LA CONJONCTIVE ET DE LA CORNÉE
Pour explorer la sensibilité de la conjonctive et de la cornée, on se
sert d'un fil de platine mousse et flambé avec l'extrémité . duquel on fait
de légers attouchements à-la surface de la conjonctive et de la cornée.
Le même procédé permet de rechercher l'existence ou l'absence des
réflexes cornécn et conjonctival. L'attouchement de la cornée et de la
conjonctive provoque l'occlusion des' paupières et souvent l'hypersécré-
tion lacrymale.
Quand on veut mesurer méticuleusement la sensibilité cornéenne, on
peut utiliser une série de cheveux de grosseur variable, avec l'extrémité
desquels on presse la . cornée jusqu'à ce que le cheveu s'incurve. Pour
chacun des cheveux de la série, on a' déterminé à l'avance le degré de
pression qu'il exerce au moment de son incurvation. On recherche le
cheveu le plus faible qui, au moment de son incurvation, parvient à
donner une sensation cornéenne.
On peut encore utiliser un instrument ingénieux, construit par le
11'' Cerise (fig. 52), et fondé sur la méthode précédente. Une aiguille note ,
sur un cadran la pression exercée par le cheveu au moment où la sensa-
tion est perçue. ?
[POULARD.]
l' i. 02. - Eslhésiomètrc du D' Cerise. - (A) 1, boite renfermant un ressort spécial ;
2, petit pignon; 3, grande roue dentée; 4, ressort de pression. - (C) 1, aiguille;
2, ressort : 5, petit pignon; 4 grande roue dentée; 5r platine.
52 . TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
. V ' ..
EXPLORATION DES PAUPIÈRES
La sensibilité des paupières au contact, à la douleur, à la température,
se fait de la même façon que pour le tégument.
Je n'ai pas besoin d'insister sur lamanière dont il faut explorer les divers
mouvements palpébraux (élévation,, abaissement, occlusion, écartement).
Il est également facile de rechercher les divers, réflexes palpébraux :
réflexes d'occlusion à l'excitation cornéenne ; à la projection de lumière
vive; à l'attouchement du bord palpébral; réflexe de défense à la projec-
tion vers l'oeil d'un objet pointu ou susceptible de blesser (réflexe de
crainte). Seule, la mensuration du ptosis mérite une description.
Mensuration du ptosis. On se sert du périmètre. L'oeil est placé
comme pour l'examen du champ -visuel, l'arc périmétrique est dans le
plan vertical. Partant du centre de l'arc on promène de bas en haut un
index sur lequel sont imprimées des lettres. L'oeil suit les lettres et les
lit jusqu'au moment où la pupille en ascension vient se cacher sous la
paupière en ptosis. On note le degré de l'arc périmétrique au niveau
duquel l'index cesse d'être perçu. C'est le degré du ptosis. Normalement,
l'oeil peut suivre l'objet et lit les lettres jusqu'à 45° (fig. ? ). '
On peut aussi, comme pour la mensuration d'un strabisme, utiliser la
la bougie en réflexion sur la cornée. Quand la cornée disparait sous la
paupière on note le point de l'arc où se trouve la bougie.
Fig. 53. Mensuration du ptosis à l'aide du périmètre. En A, la paupière a son excursion
normale. La pupille suit l'objet jusqu'en d sans disparaître sous la paupière qui s'élève en
même temps. En B, la.paupière n'a pas son excursion normale. La pupille suit l'objet jus-
qu'en d', mais, au delà de ce point, la pupille se cache sous la paupière arrêtée; d' marque
la limite extrême d'excursion de la paupière. PP', arc périmétrique vertical; en C, le zéro de
l'arc périmétrique. -
DEUXIEME PARTIE
VALEUR SÉMÉIOLOGIQUE
DES TROUBLES NERVEUX DE L'OEIL
i
DIMINUTION DE LA VISION - AMBLYOPIES ET AMAUROSES
Diminution de la vision. Innombrables sont les affections qui peu-
vent produire une diminution de la vue. Vices de réfraction, trouble des
milieux transparents intraoculaires (cornée, cristallin, vitré); affections
des membranes qui tapissent l'inférieur de la coque oculaire (scléro-
tique, choroïde, rétine), et enfin lésions des voies optiques dans toute
leur longueur, de la rétine il l'écorcc cérébrale. Il importe de connaîlre
toutes ces différentes causes de diminution de la vue, pour les éliminer
quand on soupçonne une lésion des voies optiques. J'ai d'ailleurs indiqué,
il la partie technique de ce chapitre, la manière de procéder à cette éli-
mination (Voir Acuité visuelle).
Actuellement je ne m'occupe que des diminutions de la vue imputables
aux lésions des voies optiques.
ACLYortESErAMAunosES. Le mot amblyopie, dans le sens large,
signifie toute diminution de l'acuité visuelle quelle qu'en soit la cause
(lésions du globe oculaire, des milieux transparents ou des enveloppes;
lésions des voies nerveuses reliant le globe au cerveau).
Plus souvent, on emploie le mot amblyopie dans un sens restreint. On
ne regarde pas comme des amblyopies : les affections du globe visibles à
l'oeil nu, comme les kératites, les cataractes, ou visibles à l'ophtalmo-
scope. comme les rétiniles, les ehoroïditos, les vices de réfraction; seules
les diminutions de vision sans lésions oculaires appréciables à l'oeil ou à
l'ophtalmoscope portent le nom d'amblyopies. L'amblyopie considérée
dans ce sens restreint, « l'amblyopie sans signes ophtalmoscopiques)). est,
dans l'immense majorité des cas, produite par une lésion de l'appareil
nerveux optique (lésion rétinienne invisible il nos yeux, lésion des nerfs
optiques, du chiasma, des bandelettes, des fibres optiques dans leur tra-
jet hémisphérique jusqn l' écOl'Cl' el'rébrale). Mais, la situation exacte des
lésions sur la voie optique, leur nature, connues dans quelques cas
(ht;llIianopsil'...), sont totalement ignorées dans d'autres (intoxication
alcoolique, urémique, etc.). '
L'amaurose ne diffère de l'amblyopie que par le degré de diminution
de la vue. La perle de la vision est totale dans t'amaurose. L'amblyopie
en s'aggravant progressivement aboutit il l'amaurose. Les causes de
l'amaurose sont celles de l'amblyopie.
PllATIQUB NEUI10L. 5
[POULARD.]
54 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
Amblyopie hystérique. La vision dans l'hystérie peut se
trouver modifiée sous diverses influences (') : '
1 ° Troubles visuels par action dynamique sur l'accommodation
(spasme..., asthénopie, etc.). Dans ce cas les troubles visuels ne sont
nullement le résultat d'une lésion des voies optiques. Ils proviennent
d'un trouble nerveux moteur du muscle ciliaire. Ils peuvent exister avec
une intégrité parfaite de la sensibilité rétinienne.. '
2° Troubles ,isuelsJ6sultant d'une lésion organique, circulatoire ou
inflammatoire. Tels sont l'hyperémic du nerf optique, la névrite optique,
la névro-rétinite, les exaspérations d'irido-choroïdite, les kératites, les
iritis, l'épisclérite, l'herpès cornéen,' etc.... Ces affections accompagnées
de lésions anatomiques. évidentes ne sont pas des amblyopies. Elles ne
sauraient non plus être mises sur le compte de la névrose. Elles sont peut-
être en relation avec les troubles des organes sexuels si fréquents chez
la femme, mais elles n'ont point de rapport avec l'hystérie.
71° Troubles visuels par action dynamique sur le système nerveux
optique (rétine, nerf optique, chiasma, capsule interne, écorce). ,
Ce dernier groupe est celui des amblyopies et amauroses hystériques.
Pour rester d'accord avec notre définition, nous ne devons considérer
comme amblyopie ou amaurose hystérique que la diminution ou la perte
de la vision d'origine nerveuse, la diminution de la 'sensibilité rétinienne
sans lésions objectivement appréciables. '
Amaurose bilatérale : Cécité absolue. Réflexes pupillaires conservés.
Elle a tous les caractères d'une cécité d'origine corticale. Elle est passa-
gère et guérit complètement au bout de quelques jours ou de quelques
semaines. Le retour de la vision, comme sa disparition, se fait d'une
manière brusque on progressive. Elle est curable complètement par la
persuasion aidée d'une médication^ locale quelconque (frictions à la
tempe, verres fumés, colorés, concaves, convexes).
On en fait le diagnostic par les caractères précédents et la coexistence
d'autres signes d'hystérie. Il faut la distinguer de l'amaurose par double
hémianopsie cérébrale (cécité corticale), de l'alnaurose par troubles cir-
culatoires cérébraux. L'embolie de l'artère centrale de la rétine, certaines
formes de névrite optique rétrobulbaire à début brusque, présentent des
lésions ophtalmoscopiques et s'accompagnent de modifications dans la
.réaction pupillaire. Je ne puis croire à la nature hystérique des amauroses
avec abolition du réflexe pupillaire.
Amaurose unilatérale.- Cécité d'un oeil. Réllcxe pupillaire conservé.
Presque toujours hémianesthésic du côté correspondant. Rétrécissement
du champ visuel du côté opposé. L'oeil, amblyope à l'état isolé, fonctionne
1. Beaucoup des troubles visuels que je signale ici n'ont rien il faire avec l'hystérie.
Mais il est difficile, dans un traité de pratique médicale, de rompre brusquement et sans
explication avec d'anciens usages, même s'ils sont ostensiblement mauvais. La même
réflexion s'applique à plusieurs des signes oculaires qu'on a coutume d'appeler stigmates
de l'hystérie. '
- DIMINUTION DE LA VISION. 55
souvent dans la vision binoculaire. Diagnostic et traitement comme pour
l'amaurose double.
Amblyopie hystérique. Souvent il n'y a pas perte, mais seulement
diminution de la vision. L'atteinte porte, en général, sur la vision péri-
phérique (Voir RÉTRÉCISSEMENT du champ visuel) , quelquefois sur la vision
centrale et périphérique en même temps. '
Dans certains cas, on aurait observé de l'achromatopsie hystérique.
Les objets sont vus dans leur forme mais sans leurs couleurs. Ils ont
une teinte grise d'intensité variable. .
Hyperesthésie rétinienne. Avec une amblyopie hystérique peut
coexister une hyperesthésie rétinienne à la lumière. Ce fait semble contra-
dictoire. Ce n'est qu'une apparence. La sensibilité rétinienne est, en effet,
dissociable. Une altération. de la vision pour les formes peut exister en
même temps qu'une exagération de la sensibilité à la lumière.
Stigmates oculaires de l'hystérie. Voici rémunération des signes
oculaires les plus importants attribués à l'hystérie :
Champ visuel du rouge et des autres couleurs plus étendu que celui du
blanc ; , -
Dyschromatopsie caractérisée par l'inversion spéciale du champ des
couleurs ; ,
Contracture de l'accommodation et contracture de la convergence, sur-
tout chez les enfants;
Polyopie monoculaire, symptôme qui accompagne la contracture de
l'accommodation ;
ou difficulté d'appréciation de la dimension véritable
des objets qu'on regarde; c'est encore un trouble accompagnant la con-
tracture de l'accommodation ;
Contracture primitive des mouvements associés de direction;
Illéhliarospasmc tonique ; -
Ptosis pseudo-paralytique ; -
Dissociation entre les mouvements volontaires et les mouvements
réflexes dans l'ophtalmoplégic ;
Défaut des mouvements associés de direction ;
Dissociation entre les mouvements associés de convergence et de direc-
tion ; ,
Dissociation des mouvements déterminés par les différents facteurs de
convergence;
Rétrécissement concentrique du champ visuel.
Cette énumération, longue mais encore incomplète, nous montre la mul-
t'phcité des troubles oculaires attribués à l'hystérie. Toutes ces manifes-
tations groupées provisoirement sous le nom d'hystérie se dissocieront
bientôt, parce qu'elles ne sont certainement pas le fait d'une même
affection nerveuse. Aussi, est-ce sans conviction et seulement pour sacri-
fier encore à un usage sur le point de tomber en désuétude que j'ai pro-
duit l'énumération précédente. " .
IPOVLARD.l
5fi ')'n()U) ! L);SE)iYEU\DHL'AÏ't'.\t : H ! LOOELA ! ! u ?
Amblyopies réflexes. - Certaines affections de l'organisme,
paraissant agir par action réflexe, amènent des troubles visuels avec dimi-
nution de la vue.
A) Troubles oculaires dans les affections du système utérin. Au
cours d'une affection de l'utérus (augmentation de volume, déplace-
ment, etc.) surviennent des obscurcissements de la vue, un rétrécis-
sement du champ visuel, souvent de la photophobie, des douleurs, du
larmoiement. Dans beaucoup de cas il y a parésie accommodative,
c'est-à-dire fatigue rapide dans le travail appliqué des yeux.
Tous ces troubles sont passagers. Ils disparaissent par le repos, revien-
nent pendant le travail. Il y a comme un manque de résistance de l'appa-
reil nerveux, quand on lui demande de fonctionner. Ces troubles oculaires
(comme d'ailleurs toutes les amblyopies réflexes) ne s'accompagnent pas
d'altérations graves; ils disparaissent en un temps plus ou moins long,
souvent plusieurs années. L'amélioration des organes génitaux exerce sur
eux une bonne influence.
B) Troubles visuels dans les affections de la face (nerf trijumeau).
Les névralgies dentaires, consécutives il des caries ou à des abcès,
amènent quelquefois des troubles semblables aux précédents. La névralgie
des dénis supérieures semble les provoquer plus facilement. La lésion
des branches cutanées du trijumeau (inflammation, cicatrices) peut avoir
un effet analogue.
C) Troubles visuels par vers intestinaux. Il manque des observa-
tions récentes et précises sur cette variété (\ ' : 1111 hlyopie fréquemment
signalée par les anciens auteurs.
Les troubles visuels que nous avons, suivant l'usage, groupés sous le
nom d'amblyopies réflexes, ne sont pas seulement constitués par une
altération des fonctions visuelles de la rétine. En même temps qu'une
diminution de la vue, et un rétrécissement du champ visuel, il peut y avoir
photophobie, douleurs, larmoiement, infection ciliaire, parésie ou contrac-
tion de l'accommodation. Le nom d'amblyopies ne leur convient donc
qu'en partie, il ne désigne qu'une partie seulement des troubles. Quant
au mécanisme de leur production, il est, pour le moment, fort mal
connu; l'explication par réflexe semble bien n'être que provisoire.
Amblyopie par double hémianopsie. Voir Ill : ml.worslc.
Amblyopie nicotino-alcoolique. Produite par l'action
isolée ou combinée du tabac et de l'alcool, elle est caractérisée par une
diminution ou abolition de la vision centrale avec conservation de la
vision périphérique.
L'existence d'un scotome central double, d'abord limité aux couleurs
verte et rouge (scotome relatif) et s'étendant ensuite au blanc (scotome
absolu) est caractéristique de l'amblyopie nicotino-alcoolique (flg. 54).
L'acuité visuelle s'atténue jusqu'à 1,10 cl au delà. Les signes opht : ))-
tlloscopiclucs, llcul accusés, consistent en une décoloration de la partie tem-
porale de la papille. L'évolution est lente. Le retour à l'intégrité parfaite
DIMINUTION DE LA VISION. 57
est de règle si les lésions ne sont pas trop accusées, si la diminution de
V n'est pas trop considérable et si le scotome central n'est pas absolu :
L'amblyopie nicotino-alcoolique est une altération dégénérative loca-
lisée aux éléments nerveux de la macula.
Amblyopies par le plomb, l'opium, la belladone, la
quinine, le salicylate de soude. Les troubles visuels dus à
l'intoxication saturnine sont souvent le fait d'une lésion du nerf optique
(névrite, atrophie) visible à l'ophtalmoscope. D'autres fois, l'examen le
plus minutieux ne révèle aucune lésion ophtalmoscopique, et les troubles
visuels rentrent dans le groupe des amauroses. ,
Le pronostic est grave quand if y a des signes ophtalmoscopiques de
névrite ou d'atrophie. Les cas les plus favorables sont ceux dans lesquels
l'amblyopie ou l'amaurose se développent brusquement.
Les troubles visuels causés par la quinine, l'opium, la belladone, le
salicylate de soude, le sulfure de. carbone, demandent à être connus,
mais ils sont rares et n'ont pas d'ailleurs, pour le neurologiste, une im-
portance primordiale. '
Amblyopie diabétique. Parmi les nombreux troubles ocu-
laires du diabète (cataracte, paralysie des muscles, rétinite, hémorra-
gies), on peut observer une diminution de la vision sans signes oplital-
moscopiques, une véritable amblyopie. Elle présente les mêmes caractères
que l'amblyopie nicotino-alcoolique : diminution de la vision centrale et
conservation de la vision périphérique, scotome central absolu ou relatif
(voir p. zig). Il faut toujours, en présence d'une semblable amblyopie
chez un diabétique, rechercher s'il n'y a pas, chez le même individu,
intoxication par le tabac et par l'alcool.
Amaurose urémique. A la suite d'une attaque urémique
grave (convulsions, perte de connaissance) ou légère (céphalalgie, lour-
deur intellectuelle, simples nausées) survient brusquement une cécité
absolue, sans signes ophtalmoscopiques. Les réflexes pupillaires sont
conservés. En un, deux, trois jours la vue revient complètement.
Autres amblyopies. Il peut encore survenir des amblyopies à
la suite d'hémorragies. abondantes, dans les anémies graves, avant et
après la syncope, dans la fièvre intermittente, etc.
Exceptionnellement, on voit des amauroses brusques et complètes, comme
celle de l'urémie, survenir chez des gens en apparence bien portants,
et qui n'ont aucun signe d'urémie, ou d'hystérie. Cette amaurose s'amé-
liore peu à peu et guérit en quelques jours. Les causcs en sont inconnues.
Amblyopie ex anopsia. Fréquemment les personnes qui sont t
on qui ont été atteintes de strabisme non paralytique présentent, dans un
oeil, une diminution de la vision, une amblyopie plus ou moins accentuée.
Cette amblyopie, dont la cause est attribuée à un défaut d'usage de l'oeil
strabique, ne s'accompagne d'aucune lésion rétinienne. Elle est d'ailleurs
curable en grande partie ou en totalité, surtout chez les enfants, par la
rééducation, le retour au travail de l'oeil amblyope. z
. [FOULARD.]
58 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
Amblyopie héméralopique. - Le malade, qui voit très bien ou
assez bien pour se conduire en plein jour, perd presque complètement sa
vision au crépuscule. Il voit très bien dans une pièce claire, et n'y voit
plus du tout dans un couloir un peu sombre. Il a besoin pour voir d'un
grand éclairage. Cette affection qui s'accompagne de lésions rétiniennes
périphériques (rétinité pigmentaire) et d'un rétrécissement souvent consi-
dérable du champ visuel est d'ordinaire congénitale et augmente d'inten-
sité avec l'âge. Cependant, l'héméralopie peut être acquise et passagère,
sans lésions rétiniennes persistantes, dans certains cas de débilitation
considérable de l'organisme. , ' ,
Comme on le voit, un certain nombre de ces amblyopies accompagnent
des maladies nerveuses connues (hystérie, lésions du trijumeau, altéra-
tion des voies optiques intra-cérébrales, hémianopsie) ; d'autres, tout en
conservant comme intermédiaire le système nerveux,^ ont pour cause
primitive une intoxication (alcool, tabac, etc.); d'autres paraissent liées
à des altérations du sang (diabète, urémie, etc.); d'autres, enfin, ne
trouvent place dans aucun de ces groupes et, par ce fait, démontrent
l'insuffisance des classifications étiologiques actuelles.
n
LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL
côté des affections qui atteignent la totalité des fibres de la voie
optique et par suite toute l'étendue du champ visuel, il en. est d'autres,
plus nombreuses, qui touchent une partie seulement des fibres optiques
. et n'altèrent que certaines portions du champ visuel. '
La destruction d'une partie des fibres optiques entraîne toujours la
perte ue la vision aans une partie
du champ visuel, elle produit une
lacune dans le champ visuel. Les
objets placés au niveau de cette
lacune,, encore appelée scotome, ne
sont point perçus. '
Les lacunes peuvent varier dans
leur siège, leur forme et leur éten-
due. Toutes ces variations sont .uti-
lisables pour le diagnostic de la
nature et du siège des lésions pro-
ductrices des lacunes. En effet, les
affections qui entamant. le .champ
visuel ne le font pas au hasard,
mais d'une manière spéciale, va-
riant avec le siège et même la nature des lésions nerveuses.
. La lacune peut être centrale (fig; 34). Elle peut siéger à la périphérie
(lacune périphérique) et présenter des formes variées : lacune périphé-
Fig. 34.
Lacune centrale ou scotome central.
LACUNES DANS LE CHAMP- VISUEL..59
rique concentrique ou rétrécissement concentrique du champ visuel
(fig. 55) ; : lacunes périphériques irrégulières ou en encoches (fig. 56) ;
lacunes binoculaires homolatérales hémiopiqucs ou hémianopsie. (Voir -
I-lÉ\ ! L1\oPSIE, p. 45.) Enfin, elles peuvent occuper une place intei'I1Ír ! -
dia ire entre la périphérie et le centre; ce sont des lacunes intermé-
diaires (fig : 57) parmi lesquelles une variété intéressante, les lacunes
binoculaires homolatérales. (Voir Hémianopsie.) ,
- - Cpoazaxn.7
Fig. 35. Lacune périphérique concentrique ou rétrécissement concentrique du champ visuel
t) , (Morax). -
Fig. 58. Lacunes périphériques en encoches.; rétrécissement irrégulier du champ visuel
(Morax). '
Fig : 57. - Lacunes- intermédiaires [moraux].
40 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
Nous avons vu (page 11) comment on mettait en évidence l'existence
de ces. lacunes. Il nous reste maintenant à établir, leur valeur séméiolo-
gique"leur signification.
Lacune centrale. Scotome central.
Les troubles subjectifs sa réduisent, en général, à une diminution de
l'acuité visuelle; dans d'autres circonstances, le malade constate, de lui-
même, qu'il voit l'objètdu'il fixe plus mal que ceux du voisinage; enfin,
il arrive aussi, dans certaines variétés de lacunes, que le malade voit sur
l'objet qu'il fixe une tache noire, ou un voile. '
Ce dernier fait ne se produit que dans certaines variétés de scotome.
Il ne s'agit pas alors d'une interruption des fibres de la voie optique,
mais d'une interruption des rayons lumineux entre l'objet et les éléments
visuels (cône et bâtonnets). Une lésion, une hémorragie par exemple,
siégeant à la surface de la rétine ou même dans l'épaisseur de ses couches
superficielles sans destruction des éléments visuels, peut réaliser ces
conditions. Le malade voit sa lésion, son hémorragie. , '
Ainsi, dans la figure 58, une lésion hémorragique, située en L, em-
pêche les rayons lumineux venus du dehors d'arriver cuAB sur les
cônes et bâtonnets encore sains. Ceux-ci perçoivent une tache plus ou
moins foncée, ils voient l'hémorragie qui fait écran entre eux et le jour
extérieur. Au contraire, une lésion, destructive située en L2 pu en AB
au niveau des éléments rétiniens, amènera la perte de la vision dans la
J<'ig. 58. K, fibres dn nerf optique; L lésion située à la surl'arc de la rétine; .
Lo, lésion des libres optiques avant leur entrée ou à leur entrée dans l'oeil. -
LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL. 4't
portion AB de la rétine, sans donner lieu à aucune sensation objective.
De là le nom de scotomes subjectifs donné à ceux-ci, tandis que les
autres sont appelés scotomes objectifs. '
Cette distinction est importante, puisque, dans le premier cas, le système
nerveux est lésé, tandis que dans le second les éléments rétiniens sous-
jacents à la lésion sont intacts. Cette différence fondamentale autoriserait
même à distraire les scotomes objectifs du groupe de scotomes ou. lacunes
du champ visuel. , '
La diminution de l'acuité visuelle centrale peut être plus ou moins
grande. Le scotome central peut exister pour certaines couleurs et faire
défaut pour d'autres. Quand le scotome existe pour toutes les couleurs
y compris le blanc, il est dit absolu; quand il existe seulement pour cer-
taines couleurs, il est dit relatif.
Le scotome central se montre dans certaines formes de névrites toxi-
ques, et dans les lésions maculaires de la rétine.
Amblyopie toxique nicotino-alcoolique. - Le scotome
central est le principal signe de l'amblyopie toxique. Quelquefois absolu,
il est souvent relatif, portant d'abord sur le vert, puis sur le rouge.. (Voir
Amblyopie toxique.) On ne voit à l'ophtalmoscope aucune lésion marquée
suffisant à établir le diagnostic. '
Amblyopie diabétique. Voir p. 57.
Lésions maculaires. Les lésions maculaires productrices des
scotomes sont le plus souvent des hémorragies ou une plaque de cho-
l'Qïdite, quelquefois un décollement de la rétine. Ces lésions sont toutes
visibles à l'ophtalmoscope. C'est à cette variété de lésions, particulière-
ment aux hémorragies, qu'appartiennent les scotomes objectifs. Us sont
en général absolus et présentent une étendue variable avec celle des
lésions.
Lacunes périphériques.
Lacune périphérique concentrique ou rétrécissement
concentrique du champ visuel. Le rétrécissement concen-
trique du champ visuel pour le blanc est fréquent dans l'hystérie, dont
il constitue un des signes importants (fig. 55). Il peut, en étendue, pré-
senter tous les degrés. Modéré dans. la plupart des cas, il peut se dévelop-
per jusqu'à ne laisser subsister qu'une zone étroite de vision centrale. On
voit même le rétrécissement couvrir ce restant de vision centrale et
amener de cette façon l'amblyopie hystérique dont nous avons parlé.
Il est, de plus, très changeant, très mobile; l'étendue du champ visuel
peut varier dans des proportions considérables d'un jour à l'autre ou
dans le même jour. Souvent deux examens successifs ne donnent pas les
mêmes résultats.
Le champ visuel varie encore .avec la manière dont on fait l'examen :
il est plus étendu quand l'index va du centre à la périphérie, moins
[POULARD.]
AI TROUBLES NERVEUX DE l ? 1t'l'11t11L OCULAIRE.
étendu quand l'index va de la périphérie au centre. La fixation prolongée,
la fatigue, les attaques convulsives le rétrécissent. Les variations de l'ac-
commodation, l'atropinisation, l'interposition de verres sphériques, même
de verres plans, de verres fumés, de verres colorés, sont autant de causes
modificatrices. Une augmentation d'éclairage diminue quelquefois
l'étendue du champ visuel, une. diminution d'éclairage l'augmente. Il est
encore modifiable par les excitations cutanées, à moins, dit-on, que la
portion du tégument excitée ne soit en anesthésie. --
Ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est la grande variabilité du champ
visuel hystérique sous des influences multiples, parfois insignifiantes,
souvent étranges et inexplicables.
La suggestion exerce, en tout cas, une influence indéniable sur les
(roubles oculaires hystériques connue sur les troubles hystériques en
général. On peut dire que la caractéristique principale des troubles ner-
veux hystériques, c'est leur modification facile sous l'influence de la
suggestion, qu'elle vienne de l'observateur ou de l'observé (auto-sugges-
tion).
Ainsi s'expliquent beaucoup de faits en apparence contradictoires. Ne
voit-on pas des hystériques, au champ visuel extrêmement rétréci, n'être
nullement gênées dans la vie ordinaire, tandis qu'un rétrécissement
semblable par suite de lésions rétiniennes (rétinite pigmentaire, glau-
come) produit une gène considérable. ,
Le rétrécissement du champ visuel de nature hystérique porte égale-
ment sur les couleurs. D'ordinaire, l'ordre physiologique des champs de
couleurs est respecté. Souvent il ne l'est pas. Dans ce cas, la vision du
rouge est la dernière intéressée. Le champ du rouge devient, dès le
début, plus étendu que celui du bleu. Celte inversion du champ des
couleurs est un signe d'hystérie meilleur que le rétrécissement simple.
Dans quelques cas, on peut trouver le champ du rouge bien plus étendu
que celui du blanc.
Le rétrécissement concentrique est le plus habituel des (roubles hysté-
riques de la sensibilité rétinienne, mais on peut, exceptionnellement,
constater un scotome central. Parfois môme, le scotome central coïncide
avec le rétrécissement concentrique. Dans ce cas, il existe 1111(' zonp annll-
laire dans l'étendue de laquelle la vision est conservée.
Plusieurs affections, autres que l'hystérie, peuvent donner un rétrécisse-
ment concentrique plus ou moins régulier du champ visuel (altérations
du nerf optique, rétinite pigmentaire, glaucome). Bien -qu'un examen
méticuleux décèle presque toujours des irrégularités dans les limites
périphériques du champ visuel, il vaut mieux, pour établir le diagnostic,
s'en rapporter aux autres symptômes concomitants (altérations ophtat-
moscopiques, héméralopie, etc.).
Lacunes périphériques irrégulières, en encoches.
Ces déformations irrégulières de la périphérie du champ visuet provien-
nentdes lésions du système nerveux optique situé en avant du olrirrwan,
LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL. AT,
lésions du nerf optique (névrite, atrophie), lésions de la rétine {plaque
de cho1'Ofdite, hémorragie, décollement, etc.).
Le diagnostic entre ces diverses affections se fait par l'ophtalmoscope.
Les lésions rétiniennes sont visibles. (Voir Ophtalmoscopie.) On peut éga-
lement constater une névrite légère (congestion, oedème léger, délimita-
tion imparfaite de la papille), plus facilement encore une névrite avec,
stase (tuméfaction considérable, papille sans limites, hémorragies, etc.).
L'atrophie ne se voit qu'à une période avancée.
En présence d'encoches du champ visuel sans lésions rétiniennes, sans
lésions papillaires, il faut penser à une atrophie optique qui commence.
Ces déformations irrégulières par lésion des voies optiques antérieures
contrastent avec les déformations si régulières que nous allons retrouver
dans les lésions des voies optiques au niveau et en arrière du chiasma.
- Lacunes périphériques binoculaires H011OLATÉRALES.
11B111A\OPSIE.
L'hémianopsic est un trouble visuel résultant de la lésion des voies
optiques au niveau ou au delà de leur entre-croisement, c'est-à-dire
entre le chiasma et l'écorcc cérébrale.- ,
La marche des fibres nerveuses qui constituent le nerf optique explique
bien ce symptôme (fig. 59). -
Les fibres du nerf optique droit se divisent au niveau du chiasma en
deux portions. L'une provenant de la rétine temporale reste du côté
droit, passe dans la bandelette droite, dans la partie droite du mésocé-
plale, dans l'hémisphère droit et se termine dans le lobe occipital droit.
C'est le faisceau direct.
L'autre portion vient de la rétine nasale, croise la ligne médiane au
niveau du chiasma, passe dans la bandelette gauche, dans la partie
gauche du mésocéphalc, dans l'hémisphère gauche et aboutit à l'écorce
occipitale gauche. C'est le faisceau croisé. ~
Même trajet pour les fibres du nerf optique gauche.
Par suite de cet entre-croisement, les tractus optiques au delà du
chiasma (entre le chiasma et l'écorce) sont formés, à droite, par les
fibres temporales de l'optique droit et nasales de l'optique gauche; à
gauche, par les fibres temporales de l'optique gauche et nasales de
l'optique droit.
Dans ces conditions, une interruption des voies optiques droites, en
arrière du chiasma, fera cesser les fonctions de la rétine temporale de
l'OD et de la rétine nasale de 1'0 G, des hémi-rétines droites. D'où cécité
de la partie gauche des deux-champs visuels.' C'est l'hémianopsie Ir.onzo-
latérale gauche.
La lésion des voies optiques de gauche, en arrière du chiasma, amène
de la même façon une hémianopsie droite.
Que la lésion siège au niveau du chiasma, au point d'entre-croisement
- [FOULARD] ]
? r TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE. -
des deux faisceaux venant des rétines nasales (fig. 40, 1), il. y aura inter-
ruptiondes fonctions de
la rétine nasale des deux
côtés. D'où cécité dans
lapbrtion temporale des
deux champs visuels.
C'est l'laémianopsie hé-
té°olaté°ale bitempo-
mle. - '
. Dans certaines condi-
tions exceptionnelles,
les lésions peuvent
atteindre les deux fais-
ceaux directs du chias-
ma ; il eh résulte une
cécité des deux moitiés
temporales de la rétine,
c'est-à-dire une hémia-
nopsie binasàle.
Il est bien évident
qu'une lésion unique
ne peut amener de
troubles bilatéraux du
champ visuel, que si
elle siège au niveau ou
au delà du chiasma. II
n'y a donc pas, à propre-
ment parler, d'hémia-
nopsic monoculaire.
Nous décrirons
d'abord le symptôme
hémianopsie. Nous ver-
rons ensuite quels sont
les aspects cliniques
variables de ce sym-
ptôme suivant le siège
et la nature des lésions
qui le produisent.
Hémianopsie ..l10molatérale. - L'hémianopsie homonyme peut
s'installer sans bruit, sans troubles du système nerveux. D'autres fois,
c'est à la suite d'un ictus qu'elle apparaît.
Dans quelques cas, le malade a conscience de son hémianopsie;
atteint d'hémianopsie droite, par exemple, il se plaint de voir mal les
objets situés à sa droite. Souvent, il croit n'y pas voir « de l'oeil droit ».
Les personnes qui passent devant lui de la gauche vers la droite dispa-
1 ig. 59. Schéma- des voies opliques. N, nerf optique ;
R, noyaux réflexes du mésocéphale ; GO, ganglion ophtal-
mique. 'En Irait plein : voies optiques de gauche.
LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL. 45
missent tout d'un coup, comme par enchantement, après avoir passé la
ligne médiane; leur sortie est plus lente, normale quand ils passent de
la droite vers la gauche. La lecture dans ces conditions est fort difficile,
le malade voyant nettement le mot qu'il fixe, mais ne distinguant pas à
l'avance le mot qui suit. Dans l'hémianopsie gauche, la lecture d'une
même ligne est facile, mais difficile le passage d'une ligne à la suivante.
Très nombreux sont les autres troubles visuels éprouvés par l'hémiano-
pique conscient de son affection, mais nous devons nous borner ici aux
symptômes les plus importants. Dans d'autres circonstances l'hémiopique
a'a pas conscience de son hémianopsie; il faut la mettre en évidence.
Signes pour déceler l'hémianopsie. - La tête prend quelquefois une
attitude spéciale; elle se place de façon que le côté de bonne vision soit
en avant. Dans 1liéiiiiaiiopsie droite, la tète se tourne vers la droite de
façon que le côté de bonne vision, le gauche, regarde en avant. Cette
attitude se voit non seulement chez les héinianopsiques valides, mais
encore chez les impotents dans leur lit, chez les inconscients. Elle n'est
pas constante.
Un malade de Gowers, atteint d'hemianopsie gauche, avait, au repas,
de la viande dans une assiette placée devant lui et des légumes dans une
autre assiette placée à sa gauche. Tous les jours il laissait ses légumes,
[POULARD.]
Fil(. W. - Lésions du chiasma. OD, oeil droit; OG, oeil gauche. 1. Lésion abolissaut les
fonctions des deux rélines nasales et donnant de l'hémianopsie bitemporale. 2. Lésion abo-
lissant les fonctions des deux rétines nasales et de la rétine temporale de l'oeil gaucho, d'où
cécité de l'oeil gaucho avec hémianopsie temporale de l'OD. 3. Lésion abolissant les fonctions
de la rétine nasale de l'OG et donnant hémianopsie temporale de l'OG.
- 4(i TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
et, au grand étoimeinent du personnel, il se plaignit il l'administration
de ce (pion lui donnait toujours de la viande sans légumes. Ce fait mon-
tre à quel point certains malades sont inconscients de leur hémianopsie.
Quand on projette brusquement vers un oeil sain un objet quelconque,
l'extrémité du doigt, la pointe d'un porte-plume, inconsciemment il se
tait un clignement brusque de défense. Chez t lieinianopsique, le même
clignement réflexe défensif se produit si la projection est faite dans la
partie conservée du champ visuel; pas de clignement si la projection
s'exécute dans la partie manquante du champ visuel.
On présente à t'hemianopsique une ligne droite tracée sur du papier
ou une règle, et on lui demande de diviser la ligne ou la règle en deux
parties égales. Il n'y parvient pas, la portion correspondant au côté hénl i-
anopsique est plus grande.
Le malade étant placé en face du médecin, celui-ci lui demande de
fixer son nez ou le milieu de son front. Puis, il promène ses deux mains
en agitant ses doigts dans le champ visuel à droite et il gauche du ma-
lade, en allant progressivement de la périphérie vers la ligne médiane.
Le malade ne voit ni les doigts ni la main du côté hemianopsique, il ne
voit qu'au moment où la main atteint la ligne médiane. Même expérience
peut être faite avec un papier blanc que l'on agite dans le champ visuel.
Mais ce sont la des moyens grossiers et il vaut mieux se servir du péri-
mètre, qui donne des renseignements très précis sur le siège, l'étendue
et la forme de l'hémianopsie. (Voir p. 10.) ,
Caractères du champ visuel dans l'hémianopsie. L'examen
périmétrique et la projection des résultats obtenus permettent de déli-
miter très exactement les portions restantes (portions hemiopiques) et
les portions manquantes (portions hemianopsiques) du champ visuel. Il
est facile de constater que les schémas ne sont pas identiques dans tous
les cas.
1° Souvent la ligne de démarcation entre portion restante et portion
manquante du champ visuel est absolument verticale et passe exacte-
ment par le point de fixation en suivant le méridien vertical du schéma
(fig.41,A).
2° La ligne de démarcation empiète quelquefois sur la moitié man-
quante :
a) Soit en formant un petit demi-cercle autour du point de fixation
(fig. 41, B) ; ,
ú) Soit sous forme d'une bande plus ou moins épaisse longeant le me-
ridienvertica) au-dessus et au-dessous du point de fixation (fig. 41, C).
5" Plus rarement, les lacunes du champ visuel sont beaucoup plus
étroites et prennent les formes d' hémianopsie en secteur (lig. 41, D),
t\' hémianopsie insulaire (Iig-. 41. E), d' hémianopsie péninsulaire
(Iig. 41, F). ,
La caractéristique de ces lacunes, c'est leur existence binoculaire, leur
tiomotateratite dans les deux yeux; elles soûl lotîtes les deux dans les
.- . z - LACUNES DANS LE CUAMP VISUEL. ' .47
moitiés droites, ou toutes clans les moitiés gauches des deux champs
visuels. On les dénomme d'ordinaire scotomes symétriques. On pourrait
aussi bien les appeler lacunes binoculaires homolatérales .
Exceptionnellement, il peut y avoir rétrécissement du champ visuel
restant, ce qui modifie l'aspect de l'hémianopsie. 1 - 1
L'amblyopie croisée de Charcot, qu'on ne constate plus maintenant,
était peut-être une hémianopsie véritable avec rétrécissement d'un des
champs visuels restants.
Persistance de la vision centrale. Dans l'hémianopsie, quelle que
soit sa forme, la vision centrale persiste.
Pour expliquer cette persistance de la vision centrale, on a émis des
opinions. La substance cérébrale préposée à la vision centrale est dans
de meilleures conditions circulatoires (Sachs) ; elle est pourvue d'une
double vascularisation (1<'orstér). '
Le faisceau maculaire compact, hien systématisé de l'oeil au corps
gcnouillé, se disloque, se diffuse au delà. Il y a dissémination corticale
de ce faisceau- de la vision centrale (Monakow, Bernheimer). '
Chaque macula a une représentation dans les deux hémisphères, l'en-
tre-croisement se fait au niveau du chiasma (opinion classique) ou au
niveau du corps calleux (J. Roux, P. Marie).
Hémianopsie double. Dans ce cas, il y a cécité complète ou
persistance de la vision centrale. En règle générale, il y a cécité com-
plète, sans persistance de la vision centrale. C'est là un fait qui appuie
sérieusement la théorie de la double représentation maculaire.
Si la vision centrale persiste, le champ visuel n'existe pour ainsi dire
plus, il est réduit à une zone très étroite entourant le point de fixation.
Si la vision centrale a disparu, la cécité est complète, mais c'est une
cécité particulière qu'on a coutume de désigner sous le nom de cécité
corticale. ' .
Une de ses plus étonnantes particularités, c'est la persistance des ré-
flexes pupillaires à la lumière. Ce fait a une grosse importance pour le
diagnostic du siège de la lésion qui provoque la cécité. Sur le schéma
(lig. 59), les'fibres de la voie optique vont de l'oeil il l'écol'ce cérébrale
des cunéus en deux étapes. Elles font un arrêt dans les ganglions du
111(,Isocéphile (corps gcnouillé externe, couche optique, tubercule quadri-
jjlueau antérieur). C'est dans ces ganglions, et particulièrement dans
le tubercule quadrijumeau antérieur, que se trouvent les centres ré-
tlexcs visuels et spécialement le centre réflexe pupillaire. La sensation
lumineuse transportée par le nerf optique file bien en partie au delà du
mésencéphale vers l'écorce, mais s'arrête en partie dans les noyaux du
mésucéphale; elle trouve là une voie de retour par les nerfs moteurs du
globe. 11 existe là un arc réflexe complet avec une voie centripète (le
nerf optique), un centre (noyaux du mésocéphale), une voie centrifuge
(les nerfs moteurs de l'oeil). '
Coupez les voies optiques en avant des noyaux du mésocéphale et vous
[FOULARD.]
as. TROUBLES. NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE
Fig. 41-(-.%). Hémianopsie homolatérale gauche. La ligne de démarcation verticale
- passe exactement par le point de fixation.
Fig, 41 (B). llcmianopsie homolatérales gauche. La ligne de démarcation empiète un peu
sur la moitié manquante en formant un petit demi-cercle autour du point de fixation.
Fig. 41 (C). Hémianopsie homolatérale gauche. La ligne de démarcation empiète un peu
sur la moitié manquante sous forme d'une bande longeant le méridien vertical.
" LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL. MI . -
Fig. 41 (D). Hémianopsie en secteurs homolatél'al1X
Fig. 41 (E). Hémianopsie insulaire. Deux îlots anopsiques, homolatéraux;
scotomes homolatéraux ou scotomes symétriques.
Fig. 41 (F). - Hémianopsie péninsulaire.
Deux péninsules anopsiques, homolatérales, symétriques.
Pratique "EUROI" - 4
- . [FOULARD.]
50 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
aurez une cécité complète avec perte des réflexes pupillaires. Coupez les
voies optiques en arrière des noyaux du mésocéphale et vous aurez une
cécité complète avec conservation des réflexes pupillaires. Cécité avec
conservation des réflexes pupillaires signifie : lésion cérébrale, sur les
voies optiques, en arrière des noyaux du mésocéphale, entre ceux-ci et
l'écorce occipitale ou sur l'écorce occipitale elle-même.
Hémiachromatopsie. Il y a doute sur l'existence d'une hémia-
chromatopsic véritable. Un fait certain, c'est qu'on rencontre de l'hémia-
chromatopsie dans des hémianopsies incomplètes en degré, dans des
hémianopsies en voie de régression; une zone achromatopsique a souvent t
été précédée par une zoneanopsique.
L'hémiachromatopsie pourrait bien n'être qu'une hémianopsie incom-
plète en degré.
Hémianopsie hétérolatérale bitemporale. Dans l'hémia-,
nopsic bitemporale, les portions temporales des champs visuels font
défaut; sur le schéma, ce trouble visuel prend l'aspect de la figure 42, A.
Les troubles visuels qui résultent de l'hémianopsie bitemporale sont
très accentués. Il est en effet plus difficile de se passer de la portion
temporale des champs visuels que de leur portion nasale, celle-ci étant
beaucoup moins étendue que l'autre.
Très souvent, dans cette forme d'hémianopsic, la portion restante du
champ visuel est altérée, plus ou moins rétrécic. Il peut y avoir aussi
amblyopie complète d'un oeil avec hémianopsie du côté opposé. Assez
souvent l'acuité visuelle centrale est diminuée, elle peut même baisser
considérablement. Enfin, c'est dans cette variété d'hémianopsie, et
dans les suivantes, qu'on voit souvent se développer des lésions ophtal-
moscopiques, témoignant d'une dégénérescence atrophique des fibres
optiques. C'est encore dans cette variété d'hémianopsie, qu'on pourrait
mettre en évidence le signe pupillaire de Wernicke.
Tous ces faits s'expliquent d'ailleurs bien par le siège particulier des
lésions productrices de l'hémianopsie bitemporale. Si l'on se reporte au
schéma des voies optiques, il est aisé de constater que l'hémianopsie bi-
temporale ne peut être réalisée que par une lésion siégeant au niveau
du chiasma, seul point où elle puisse couper du même coup la totalité
des fibres rétiniennes nasales qui viennent s'y entre-croiser (fig. 40, 1).
On conçoit facilement aussi qu'une lésion du chiasma ou de son voisi-
nage puisse amener une hémianopsie d'un oeil et une cécité de l'autre
(fig. 40, 2 et fig. 42, B). ' '
Enfin, la localisation périphérique des lésions productrices de l'hémia-
nopsie bitemporale explique les atrophies, les dégénérescences qui peu-
vent se produire dans le nerf optique.
Hémianopsie hétérolatérale binasale. - Dans l'hémianopsie
binasale, c'est la portion nasale des deux champs visuels qui fait défaut
(fig. 42, C). La gêne visuelle est dans ce cas moins accentuée que
dans l'hémianopsie bitemporale. '
LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL. ' ' -51
La perte des moitiés nasales des deux champs visuels, comme d'ail-
leurs la perte des deux moitiés temporales n'est pas une véritable hémia-
4*
'' [FOULARD]
Fig. 42 (A). - Hémianopsie hétérolatérale temporale.
Fig. 42 (il). Cécité de l'oeil droit avec hémianopsie temporale de l'OG.
Fig. 42 (C). Ilémianopsie hétérolatérale binasale.
52 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
nopsie. La véritable hémianopsie est celle qui amène la perte de deux
moitiés homolatérales droite ou gauche des champs visuels.
D'ailleurs, l'hémianopsie binasale comme l'hémianopsie bitemporale,
est toujours produite par une lésion, siégeant au niveau ou en avant du
chiasma; les hémianopsies véritables ont au contraire pour cause une
lésion des voies optiques en arrière du chiasma.
Variations sémiologiques de l'hémianopsie
suivant le siège des lésions.
Une lésion intéressant les voies optiques dans leur long trajet du
chiasma à l'écorce occipitale, peut amener des symptômes variés suivant
son siège. Les tractus ou les centres nerveux qui avoisinent les voies
optiques, peuvent, en effet, être atteints par la même lésion qui coupoles
voies optiques, et donner lieu à des symptômes associés. D'ailleurs, l'hé-
mianopsie peut elle-même présenter quelques différences suivant le point
où se produit l'interruption des fibres optiques intracràniennes. Ces :
symptômes associés et ces variations de l'hémianopsie aident grandement i
à localiser la lésion. '
Hémianopsie par lésion cérébrale corticale. Elle est
souvent précédée d'un ictus.
La moitié restante du champ visuel empiète assez souvent sur la moitié
aveugle (fig. 41, C).
Les hémianopsies doubles avec conservation de la vision centrale ou
avec cécité complète (cécité corticale), sont surtout le fait de lésions cor-
ticales. Cela s'explique d'ailleurs par la disposition anatomique des
cunéus qui se regardent par leurs faces internes, très voisines l'une de
l'autre. Une même lésion les atteint facilement. Cependant l'hémianopsie
double peut être également le fait d'une lésion bilatérale atteignant le
côté droit et le côté gauche simultanément ou à des époques différentes.
L'hémiplégie accompagne fréquemment l'hémianopsie d'origine corti-
cale ; mais plus souvent les lésions sous-corticales. Les hémianopsies
transitoires sont fréquentes chez les hémiplégiques. L'bémianesthésie
dénote l'extension de la lésion à la partie postérieure de la capsule
interne. Mais c'est là encore un symptôme aussi propre aune lésion sous-
corticale qu'à une corticale.
Aphasie. Toutes les variétés d'aphasie peuvent coexister avec
l'hémianopsie.
L'aphasie de Weniike, dans laquelle le malade ne comprend pas le
langage parlé ou écrit, mais peut parler. C'est une aphasie par défaut
d'impression. Elle dénote une lésion de la zone de Wernickc.
L'anarthrie, dans laquelle le malade comprend le langage parlé ou
écrit, mais ne peut parler. Elle résulte d'une lésion du noyau lenticulaire.
C'est une aphasie par défaut d'expression.
L'aphasie de Broca, dans laquelle le malade, ne peut ni parler, ni
: " - LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL.. 55
écrire, et comprend plus ou moins incomplètement le langage écrit ou
parlé. C'est un mélange de l'aphasie de Broca et de Fanarthric.
La forme d'aphasie la plus fréquente dans l'hémianopsie est la cécité
verbale qui peut se rencontrer à l'état de pureté. Et la fréquence de
l'aphasie s'explique fort bien à l'aide des faits et des conceptions modernes
sur les troubles du langage. La cécité verbale pure n'est pas, en effet, .
une lésion des fibres venant du pli courbé, ce. n'est pas une lésion du
territoire de l'artère sylvienne. La lésion productrice siège dans le terri-
toire de la cérébrale postérieure le plus souvent au niveau du lobule
lingual. Elle coupe les fibres visuelles et en même temps vient toucher
légèrement, prendre un simple contact avec la zone de Wernicke,,
l'unique partie du cerveau présidant aux fonctions variées du langage
(Voir page Aphasies). ,
Cécité psychique. C'est la perte de la mémoire visuelle des choses.
Le malade voit, mais ne reconnaît pas un objet qu'on lui montre, il ne
se rappelle plus sa signification, son usage, etc. '
Perte du sens de l'orientation. Ce trouble, qui n'est pas rare, se
caractérise par la diminution ou la perte de la faculté d'orientation. Une
personne connaissant parfaitement une ville se trouve un jour incapable
de rentrer chez elle parce qu'elle ne sait plus quel chemin, quelle direc-
tion prendre pour gagner son domicile. Un cocher de fiacre devient subi-
tement incapable de conduire sa voiture dans un endroit très connu, où
il avait l'habitude de passer journellement. Ce trouble ne paraît être
qu'une forme de la perte de la mémoire visuelle et doit rentrer dans le
groupe des aphasies. , .
Hémianopsie par lésion cérébrale sous-corticale.
Beaucoup des symptômes associés qui viennent d'être signalés dans
l'hémianopsie d'origine corticale, sont plus fréquents encore dans l'hé-
mianopsie sous-corticale. L'hémiplégie, l'hémiancsthésie se voient plus
souvent dans les lésions soUs-corticales que dans les lésions corticales.
La cécité verbale pure se rencontrerait exclusivement dans les lésions
sous-corticales.
Il existe encore quelques caractères propres aux hémianopsies sous-
corticales : La ligne de démarcation coïncide avec le méridien vertical si
la lésion s'avance assez loin, dans le voisinage du corps calleux (Pierre
Marie). Le malade verrait noir dans le champ aveugle. On a observé des
photopsies, des hallucinations visuelles.
, Hémianopsie par lésion des ganglions centraux.
Les symptômes associés auxquels donnent lieu les hémianopsies par
lésion des ganglions centraux sont, à vrai dire, mal connus. Les para-
lysies associées, les modifications pupillaires (mydriase, inégalité) sont
fréquentes. '
Le corps genouillé externe paraît être le seul ganglion dont la lésion
donne l'hémianopsie (Henchcn). Des'lésions partielles du corps, genouillé
externe seraient susceptibles de produire des hémianopsies en quadrant,
4 ?
[FOULARD.]
hA TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
des scotomes symétriques. llenclieu qui a signalé ces faits, admet môme
que les scotomes hémianopsiques occupent, dans le sens vertical, une
position variable suivant le siège de la lésion dans le corps genouillé, une
lésion supérieure dans le corps genouillé amenant des scotomes infé-
rieurs dans les champs visuels.
Hl'I1chen admet d'ailleurs une projection rétinienne analogue dans
toute la longueur des voies optiques, de la rétine il l'écorcc cérébrale.
C'est une opinion contredite (Bernheimer). Pour beaucoup d'auteurs, la
projection rétinienne ne dépasse pas le corps gcnouillé externe. Il n'y
aurait de véritable systématisation, de véritable représentation ou pro-
jection rétinienne que dans les voies optiques extra-cérébrales. Au niveau
du corps gcnouillé externe, il y aurait diffusion des sensations transmises
par les faisceaux systématisés des voies optiques extra-cérébrales. Néan-
moins, les opinions et les observations de Henchen doivent être connues
pour être étudiées et contrôlées.
On peut quelquefois rencontrer de l'hémiplégie et de 1 hémianestbésic.
En tout cas, l'existence de ces complications ne permet pas de nier l'ori-
gine mésencépbatique d'une hémianopsie.
Hémianopsie par lésion de la bandelette optique.
L'hémianopsie est ordinairement absolue. La ligne de démarcation passe
par le point de fixation. Très souvent dans les hémianopsies de ce siège,
certains nerfs crâniens sont intéressés, le M. 0. C., le M. 0. E., le pathé-
tique, quelquefois même le trijumeau ou le facial. Les paralysies ou
ranesthésie sont du côté opposé à l'hémianopsie. Rien rarement, il y a
hémiplégie ou hémianeslhésie. Assez souvent se produit une dégénéres-
cence atrophique du nerf optique.
Réaction hémiopique de Wernicke. - 11 est un symptôme sur lequel
Wel'l11cke a attiré l'attention. Le centre réllexe lumineux de la pupille
dont la voie centripète est le nerf optique, la voie centrifuge le M. 0. C.
siège dans les noyaux du mésocéphale (tub. quad. antér.) (fig. 59).
Si la lésion siège au delà des noyaux du mésocépliaie, entre ceux-ci et
l'écorce, l'excitation lumineuse de la moitié aveugle de la rétine doit logi-
quement provoquer le réflexe comme l'excitation lumineuse de la moitié
voyante. Si, au contraire, la lésion siège en deçà des ganglions du méso-
céphale, entre ceux-ci et la rétine, comme c'est le cas pour une lésion de
la bandelette, l'excitation lumineuse de la moitié aveugle de la rétine ne
devra pas. logiquement, donner lieu au réflexe pupillaire.
C'est ce qui aurait lieu d'après "'pn11cke. Malheureusement, la re-
cherche de ce signe est très difficile et dans bien des cas, il est impos-
sible d'arriver sur ce point a une solution précise (Voir Technique, p. 29).
Hémianopsie par lésion du chiasma. C'est dans cette
variété topographique qu'on rencontre l'hémianopsie bitemporale, l'hé-
mianopsic temporale unilatérale, l'hémianopsie temporale avec cécité de
l'autre oeil, l'hémianopsie hinasale.
On observe encore assez souvent une modification dans la forme et
LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL. i : ,
l'étendue des champs visuels restants, la dégénérescence atrophique des
nerfs optiques, la diminution de l'acuité visuelle centrale, la paralysie
concomitante de certains nerfs de la base du crâne.
On conçoit qu'une lésion siégeant au niveau du chiasma, dans le point
où se donnent rendez-vous toutes les libres visuelles, puisse facilement,
par extension, loucher la totalité des fibres nerveuses et amener une
cécité complète bilatérale. Dans une semblable cécité, il y aurait, aboli-
lion de réflexes pupillaires à la lumière, ce qui suffirait il la distinguer
de la cécité corticale.
Hémianopsie par lésion du nerf optique. - D'ordinaire.
une atrophie du nerf optique atteint le champ visuel sur tout son pourtour.
Cependant il peut arriver, que le rétrécissement soit plus accentué dans
une moitié ou dans deux moitiés homolatérales du champ visuel. Mais ces
rétrécissements n'ont pas la netteté des rétrécissements par lésion eu
arrière du chiasma, leurs limites sont moins géométriques, leurs contours
moins réguliers; ils sont souvent unilatéraux et rarement symétriques,
quand il y a bllatéralité; le champ visuel restant est presque toujours for-
tement altéré; la vision centrale très diminuée; il y- a des signes
ophtalmoscopiques précoces ou tardifs dans tous les cas.
Peut-être certaines actions morbides attaquent-elles avec prédilection
les faisceaux temporal ou nasal du nerf optique. Cela n'aurait rien d'im-
possible puisqu'on voit fréquemment des intoxications (alcool, tabac)
agir exclusivement sur le faisceau maculaire.
C'est, dans cette variété topographique qu'on a, dans des circonstances
d'ailleurs très rares, signalé des hémianopsies à ligne de démarcation
transversale.
Variations de l'hémianopsie suivant les causes
( ? o/tc<7e ? <N;)( ? e.)
Comme nous venons de le voir, l'hémianopsie, par des modifications
dans ses symptômes propres ou par l'adjonction de symptômes associés,
peut, suivant le siège des lésions, présenter des aspects cliniques multiples.
La nature, variable également, des lésions qui peuvent la produire est.
elle aussi, susceptible d'apporter des modifications cliniques.
II importe au plus haut point de les bien connaître. Car, s'il est inté-
ressant de déterminer le siège d'une lésion cérébrale, il est bien plus
important, au point de vue thérapeutique, d établir la nature véritable des
lésions productrices.
Parmi les hémianopsies, les unes ont une cause organique. (Hémia-
nopsies par lésion organique appréciable.) Les autres se produisent sans
qu mi puisse déceler l'existence d'une lésion organique en un point quel-
conque de l'encéphale. (Hémianopsie sans lésion organique appréciable.)
.1. Hémianopsie par lésion organique appréciable.
Presque lotîtes les alleclions cérébrales organiques, quelle que soit leur
[POULARD.]
oli 1; TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
forme nodulaire ou diffuse, leur siège central ou périphérique, leur na-
ture (syphilis, tuberculose, tumeur, traumatisme) sont susceptibles, de
produire à un moment donné l'hémianopsie.
Ne pouvant étudier toutes les affections cérébrales dans leurs relations
avec l'hémianopsie, il faut se contenter d'énumérer les principales
d'entre elles et indiquer la manière de les dépister.
Ramollissement. Artériosclérose concomitante; état défectueux
du coeur, àge avancé du malade. Autres troubles cérébraux de ramollisse-
ment : mémoire diminuée, affaiblissement intellectuel, etc.
Hémorragie. Début souvent brusque; appareil circulatoire ma-
lade (vaisseaux, coeur) ; examen des urines.
Tumeur. Céphalée, hébétude; néoplasie ailleurs; ponction lom-
baire (Voir Tumeurs cérébrales, p. 120).
Abcès. Examen de l'oreille, foyer de suppuration lointain, élévation
de température.
Traumatisme, - Choc, plaie à l'occiput ou à l'étage antérieur du crâne.
Maladie neigeuse caractérisée dont l'hémianopsie n'est qu'une ma-
nifestation. Tabes : Symptômes du tabes (signe d'Argyl Robertson,
signe de Westphal). Méningite : Symptômes de méningite : modifications
du pouls, constipation. Paralysie des nerfs de la face ou des yeux. Céphalées.-
Acromégalie. Il faut faire une place à cette affection particulière
qui, lésant le chiasma, donne lieu, nous l'avons vu, à des hémianopsies
de type tout à fait particulier.
Déterminer que l'hémianopsie a pour cause une hémorragie, un ramol-
lissement, une tumeur cérébrale, c'est une première étape dans le dia-
gnostic étiologique, mais non le but. Il faut encore rechercher la cause
première de l'hémorragie, du ramollissement, la nature de la tumeur.
Certaines hémorragies peuvent être produites par une affection car-
diaque ancienne d'origine rhumatismale ou indéterminée, par une arté-
riosclérose sénile. Certains ramollissements ont les mêmes causes car-
daiques ou vasculaires. Certaines tumeurs sont des néoplasmes.
Mais aussi, beaucoup de ces affections sont le fait de la tuberculose et
de la syphilis.
La tuberculose peut donner naissance à des lésions nodulaires volumi-
neuses, à de gros tubercules, qui provoquent les symptômes cliniques de
la tumeur cérébrale; elle peut aussi produire des lésions diffuses, dissé-
minées, une méningite. C'est par l'observation méticuleuse de l'orga-
nisme, par la découverte d'une tuberculose préexistante, par la marche
de la température qu'on peut arriver au diagnostic véritable.
La syphilis produit des gommes syphilitiques, lésions nodulaires qui
se comportent comme de véritables tumeurs; elle détermine des hémor-
ragies, du ramollissement en agissant sur la substance cérébrale par
l'intermédiaire du système vasculaire (artérite syphilitique); elle peut,
aussi, en diffusant dans les enveloppes cérébrales, donner une méningite.
C'est elle, enfin, qu'on trouve à l'origine d'un grand nombre de maladies
LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL. 37 7
nerveuses et particulièrement du tabes, causes fréquentes d'hémia-
nopsie. La syphilis est si souvent en cause dans les affections nerveuses
qu'il faut, en présence d'un cas douteux, penser toujours à elle et en
rechercher l'existence, non seulement par un examen clinique méticuleux
du malade, mais encore par tous les moyens que des découvertes récentes
ont mis il notre disposition (examen du sang et du liquide céphalo-rachi-
dien, recherche du spirille, réactions du sérum).
B. Hémianopsie sans lésion organique. L'hémianopsie
peut n'être le résultat d'aucune cause organique et se développer au
cours d'affections dans lesquelles on n'a trouvé jusqu'ici aucun substra-
tum anatomo-pathologique appréciable.
Migraine ophtalmique. C'est un scotome objectif binoculaire homo-
latéral Moebius). Le malade voit noir et n'a pas perdu toute sensation dans
la portion atteinte des champs visuels. La migraine ophtalmique est d'ail-
leurs productrice de scotomes de formes et de dimensions très diverses.
Hystérie. Certains la disent fréquente dans l'hystérie. Elle aurait
été constatée dans la névrose traumatique (Badal, Dejerine ;et Vialet).
On en a cité à la suite de métrorragies (Janet, Chevallereau). Plusieurs
nient son existence (Féré, Frend). Ces faits isolés sont, en tout cas,
discutables et demandent confirmation. Sans nier l'existence d'une hé-
mianopsie hystérique, il faut, toujours et avant tout, rechercher une
lésion organique, cause habituelle de l'hémianopsie, penser ensuite à la
migraine ophtalmique et à l'urémie sans oublierycomplétement que l'hys-
térie a pu, dans certains cas discutables, la réaliser.
Urémie. Le trouble habituel de l'urémie, c'est l'amaurose, la perte
complète et passagère de la vue sans aucune lésion du fond de l'oeil
(p. 57). Cette amaurose est une cécité corticale, tout à fait identique à la
cécité par double hémianopsie.
Il est rare de rencontrer dans l'urémie une véritable hémianopsie. Elle
est, dans certains cas, le reliquat d'une amaurose totale en régression ;
et ce fait montre bien l'analogiede l'hémianopsie avec l'amaurose uré-
nuque.
Pronostic. Les formes non organiques de l'hémianopsie (urémie,
migraine ophtalmique) n'ont, au point de vue visuel, aucune gravité,
elles guérissent toujours; toute leur gravité vient de l'affection qui les
produit (affection rénale, éclampsie, etc.).
Il en est autrement des formes organiques; elles sont toujours sé-
rieuses. Cependant, on en voit, surtout en cas de syphilis, guérir défini-
tivement. D'autre part, l'hémianopsie peut durer de longues années sans
être accompagnée de complications mortelles. Néanmoins, l'apparition
de l'hémianopsie dénote, dans l'immense majorité des cas, une altération
irrémédiable de la santé et constitue une menace de mort plus ou moins
prompte.
11 va sans dire que ce pronostic général de l'hémianopsie varie dans
les cas particuliers où il a été possible de déterminer la véritable cause
[POULARD.]
5S TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
de l'hémianopsie, suivant qu'il s'agit de syphilis contre laquelle on peut
beaucoup, de tuberculose contre laquelle on peut encore quelque chose,
du cancer contre lequel on est impuissant, de méningite, de tabès,
d'acromégalie, de traumatisme.
Traitement. Localement, il n'en existe pas. Seul, le traitement de
la cause (syphilis, tuberculose, tabes), est à instituer.
Lacunes intermédiaires, Scotomes insulaires.
Les lacunes intermédiaires ou scotomes insulaires ne se rencontrent
que dans les lésions du système nerveux périphérique (fig. 57 et fib. .I 0 S).
Et encore n'existent-ils guère dans les lésions du nerf optique (atrophie,
névrite). Ils sont, en général, le fait d'une lésion rétinienne (chorioré-
tinite, hémorragie, décollement). On peut toujours, avec l'ophtalmoscope,
constater la lésion qui produit le scotome.
L'existence d'une lacune dans l'étendue du champ visuel prouve que
la région de la rétine chargée de percevoir les objets placés dans cette
portion du champ visuel ne fonctionne plus, qu'elle est aveugle. Cette
portion altérée de la rétine est toujours située dans le point où la ligne
visuelle partant de l'objet fixé et passant par le centre optique de l'oeil
atteint la rétine. Cette règle permet, par le seul examen subjectif, d'après
le siège et l'étendue du scotome dans le champ visuel, de déterminer le
siège et l'étendue de la lésion rétinienne. Cette méthode est aussi pré-
cise que l'inspection directe du fond de l'oeil à l'ophtalmoscope.
ni
PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES
Symptômes.
Strabisme. - Le strabisme ou déviation de l'oeil se fait toujours dans
le sens opposé au muscle paralysé. L'oeil peut être dévié en dedans (S. in-
terne ou convergent), en dehors (S. externe ou divergent), rarement en
haut ou en bas (S. vertical), exceptionnellement dans des directions inter-
médiaires (S. oblique) (fig. 12, 15, 14 et 15).
Nous savons comment constater son existence et même mesurer son
étendue. Reste à établir sa signification.
Strabisme apparent. Nous jugeons de l'existence du strabisme par
les déplacements de la pupille en dehors de sa situation habituelle. A
l'étal normal, la ligne visuelle, allant de l'objet à la macula passe près du
centre de la pupille, un peu en dedans et en bas du centre pupillaire.
Dans certaines conformations de l'oeil (allongement, myopie; raccourcis-
sement, hypermétropie) la ligne visuelle peut passer légèrement en
dedans ou en dehors du point de passage habituel.
PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 511
Le regard prend alors un aspect auquel l'observateur n'est pas habitué.
On peut croire à l'existence d'un strabisme convergent ou divergent qui
n'existe pas en réalité. Dans ces conditions, en effet, la déviation appa-
rente, toujours légère, est physiologique et ne dénoie aucun trouble de
l'équilibre des globes.
Strabisme non paralytique. - TOlites les déviations oculaires ne sont
pas d'origine paralytique. Beaucoup déniants ou de jeunes personnes
louchent sans présenter la moindre paralysie. Ce strabisme est dû, dans
l'immense majorité des cas, Ù un vice ou il une inégalité de réfraction des
deux yeux.
Plusieurs caractères le distinguent du strabisme paralytique. Il survient
chez les personnes jeunes, chez les enfants. Il ne s'accompagne pas de
diplopie. Les muscles du globe ne sont pas paralysés, ce dont on peut se
rendre compte en prenant le champ du regard avec ou sans le périmètre.
La déviation secondaire est égale il la déviation primaire. Voici com-
ment on recherche ce dernier symptôme :
Quand le malade se présente au médecin, l'un des yeux fixe les objets
qu'on lui demande de regarder, tandis que l'autre est en déviation. C'est
la déviation primaire. On place alors devant l'oeil en fixation un écran,
ou mieux, un verre dépoli; aussitôt t'oeH dévié se met en fixation sur
l'objet tandis que t'ocit primitivement en fixation se dévie derrière le
verre dépoli : c'est la déviation secondaire. Cette déviation secondaire
est égale il la déviation primaire. Si on l'ait la même expérience en cas de
strabisme paralytique, la déviation secondaire est plus grande que la
déviation primaire. '
Un autre caractère de ce strabisme, mais qui n'existe pas dans toutes
les circonstances, c'est qu'il peut être alternant, porter tantôt sur un
d'il, tantôt sur l'autre. Cette alternance n'existe d'ailleurs que pendant
les premières périodes du strabisme non paralytique.
Il, est une autre circonstance dans laquelle on peut quelquefois rencon-
trer chez l'adulte un strabisme non paralytique; cest quand la cécité
survient dans un oeil ou dans les deux yeux. Dans ces conditions, le dia-
gnostic se l'ait en mesurant l'excursion des globes, le champ du regard.
Strabisme paralytique. Le strabisme paralytique se distingue du
strabisme non paralytique par tous les signes propres au strabisme non
paralytique que nous venons d'énumérer et par les symptômes suivants
qui appartiennent seulement, aux paralysies.
Diplopie (Voir Partie technique, p. 20). La diplopie ne porte pas
seulement sur l'objet en fixation, elle s'étend à tous les objets environ-
liants, Mais connue la perception de ces objets est très indistincte, le
malade ne remarque que la diplopie de l'objet en fixation.
Mouvement apparent des objets. Le malade s'efforce continuellement
pour ramener sur la fosse centrale de son oeil paralysé l'image de l'objet
fixé. Ces tractions du muscle paralysé impriment des mouvements conti-
nuels aux globes et par suite aux objets fixés.
[FOULARD] ]
00 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE., '' - ?
Vertige oculaire. La diplopie et le mouvement des objets provo-
quent, au début de l'affection, un vertige oculaire très marqué qui peut
s'accompagner de céphalalgie et de vomissement. "
Orientation FAUSSE... ? ...- Le malade a de la difficulté pour saisir rapide-
ment avec la main un objet fixé pai l'aeil paralysé. Si nous demandons au
malade strabique, et fixant avec l'oeil malade de toucher du doigt un
objet (en ayant soin que l'image du bras n'arrive point' assez tôt dans le
champ visuel pour êti-e elle-même faussement projetée) le doigt passe à
côté du but sans l'atteindre. - ' - ,
Cette épreuve réussit constamment dans les paralysies récentes,' tant
qu'une nouvelle adaptation n'est pas venue rectifier les erreurs de loca-
lisation produites par l'apparition brusque de la paralysie oculaire.
Déviation secondaire plus grande que la déviation primaire. Nous
nous sommes expliqués sur ce symptôme important (Voir Strabisme non
paralytique, p. 59). '
Rétrécissement du champ de fixation monoculaire. - On conçoit qu'un
muscle paralysé ou parésié n'ait pas la force de tirer l'oeil jusqu'à la limite
de ces excursions normales (Voir Technique, p. 18).
Position inusitée de la TÊTE. - La tète se tourne de façon que le muscle
paralysé ait le moins possible de contraction à donner. Elle se dirige,
de façon à porter l'oeil dans le sens d'action du muscle paralysé. Si, par
exemple, le droit externe de l'oeil droit est paralysé, la tète se tourne
à droite : , ' -
Occlusion d'un OEiL. Cette occlusion spontanée de l'oeil se fait dans le
but d'éviter la diplopie et les autres troubles qui en résultent.
Moindre netteté de la fausse IMAGE, - L'image fausse qui correspond il
l'oeil paralysé, est vue par une portion moins centrale et par conséquent
moins sensible de la rétine. La perception qu'elle donne est beaucoup
moins nette que si l'image venait se faire sur la macula. .
, Inclinaison fréquente de la fausse image. Les muscles de l'oeil.sont
susceptibles, suivant leur position anatomique ou suivant la situation du
globe oculaire au moment où ils se contractent, d'exercer sur ce globe
des actions multiples. Ils peuvent produire un déplacement vertical ou
un mouvement de rotation en même temps que l'adduction ou l'abduc-
tion. Lorsqu'un muscle rotateur est paralysé l'image perçue par l'oeil
correspondant est inclinée. Cette inclinaison constitue encore un bon
signe pour reconnaître l'oeil paralysé. '
Nystagmus. - Quand l'oeil se porte dans le sens d'action du muscle
paralysé, on voit apparaître des secousses nystagmiques du globe oculaire.
Ces mouvements, peu fréquents, -sont plutôt des saccades que de véri-
tables mouvements nystagmiques. Ils se montrent au moment où le
muscle devient insuffisant, et dénotent ses efforts inutiles pour entraîner
plus loin le globe oculaire. Ce nystagmus a donc pour particularité de ne
se montrer que dans' certaines directions du ;globe oculaire. C'est par cela
qu'il se distingue des autres variétés de nystagamus (Voir Nystagmus).
PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 61
Diagnostic A l'aide DE la DIPLOPIE.
Tous les signes précédents qui accompagnent les parésies ou paralysies
des muscles moteurs des globes servent à établir le diagnostic. Ils se
contrôlent les uns les autres. En général, il n'est pas nécessaire de les
rechercher et analyser tous pour arriver à déterminer le siège exact de
la paralysie. Dans certaines paralysies très accentuées, la déviation
oculaire en un sens et la limitation des mouvements du globe dans
l'autre permettent, à elles seules, de reconnaitre les muscles paralysés
(Voir Paralysie complète du M. O. G., du 5f. o. E.). Mais, le plus souvent, la
paralysie est incomplète, il y a seulement parésie, la déviation oculaire
n'est pas appréciable, la limitation des mouvements du globe n'est pas
évidente; le malade se plaint seulement de trouble dans la vue, de
vertiges, d'étourdissements, de vision double.
Ces paralysies incomplètes sont d'un diagnostic difficile, mais ce sont
les plus fréquentes et il importe de les reconnaître. Elles présentent un
symptôme principal et constant, la diplopie. C'est à l'aide de cette diplo-
pie, employée seule, que nous allons faire le diagnostic très exact de
la paralysie.
En présence d'une paralysie oculaire il faut déterminer successive-
ment : 1° le muscle paralysé; 2° le siège dans les voies optiques de la
lésion interruplrice; 5° la nature de cette lésion. '
Diagnostic des muscles paralysés. Il peut y en avoir un
seul ou plusieurs. Supposons qu'il n'y en ait qu'un seul. Lequel des
douze muscles moteurs des globes est atteint de paralysie ?
La paralysie de chaque muscle, nous le verrons, donne lieu il des
symptômes particuliers, qui la distinguent de celle des onze autres
muscles. Il suffirait, semble-t-il, pour arriver au diagnostic, de constater
les troubles produits par le muscle paralysé, et de rechercher ensuite
quel est celui des douze muscles moteurs des globes dont la paralysie
amène les mêmes troubles. C'est un procédé long. Et, d'ailleurs, la
mémoire se refuse à enregistrer les douze schémas symptomatiques des
paralysies de chacun des douze muscles moteurs des globes.
Il existe des méthodes plus simples, un chemin plus direct, plus pra-
tique et plus sur, pour arriver à la détermination du muscle paralysé.
Ces méthodes sont variables.
En voici une très simple, facile à employer, à condition de connaître
les trois principes suivants :
1° L'oeil est toujours dévié en sens contraire du muscle paralysé
ou mieux en sens contraire de l'action du muscle paralysé.
2° L'image est en sens contraire de la déviation oculaire.
5" L'écarlemenl des images augmente quand l'objet se meut dans le
sens d'action du muscle paralysé.
A l'aide de ces trois principes très simples, on peut, connaissant la
[POÜGARD.]
li3 12 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
fonction physiologique d'un muscle paralysé, déduire immédiatement le
sens de la déviation et de la diplopie.
PARALYSEES DES MUSCLES .MOTEURS DES GLOBES. ) ! 5
Diagnostic de la paralysie d'un seul muscle. - Le malade ayant un
verre rouge devant un oeil regarde une bougie placée devant lui à 2 ou
[POULARD.] ]
Fig. 44. (A) Diplopie croisée. (]-'il en dehors, fausse image en dedans (diplopie croisée),
paralysie de l'adduction. (B) Diplopie homonyme. OEil en dedans, fausse image en dehors
(diplopie homonyme), paralysie de l'abduction.
l'ig. 4J. (A) Diplopie verlicale, fausse image supérieure. OEil en bas, fausse image en haut,
paralysie de l'élévation. (11) Diplopie verticale, fausse image inférieure. OEil en haut,
fausse image en bas, paralysie de l'abaissement.
gaz TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
trois mètres. Il en voit deux, l'une rouge, l'autre de couleur normale.
Étudiez d'abord la diplopie transversale sans vous préoccuper des
déplacements verticaux. Quel que soit le muscle paralysé, vous aurez une
déviation transversale, car tous les muscles ont, à des degrés divers, une
action transversale.
Deux cas peuvent se présenter :
(I). Ou l'image fausse est projetée en dedans (diplopie croisée),
(II). Ou l'image fausse est projetée en dehors (diplopie homonyme).
. PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 65
Voilà le diagnostic fait par la' diplopie seule, sans qu'il soit besoin
d'utiliser les autres symptômes des paralysies oculaires : déviation du
globe, fausse projec-
tion, inclinaison des
images, etc.
Si dans un service
d'opthalmologie ou de
neurologie on dispose
d'une place assez
grande, on peut em-
ployer le procédé sui-
vant. ,
Sur l'un des murs
de la salle d'examen,
on trace des lignes ver-
ticales et horizontales
circonscrivant des car-
rés de 1 mètre de côté
(fig. 46). On subdivise
ensuite chacun de ces
carrés.de façon à obte-
nir des carrés de 20 cen-
timètres.
L'observé, un verre
rouge sur l'oeil droit,
est placé à distance du mur
quadrillé et regarde l'objet, une
bougie. Celle-ci- est d'abord pla-
cée au milieu du carré central.
Puis on déplace la bougie trans-
versalement à droite et à gauche
dans les grands carrés voisins.
On promène ensuite la bougie en
haut et en bas. On peut au besoin,
mais c'est le plus souvent inu-
tile, porter.la bougie dans les
grands carrés des angles.
Dans chacun de ces carrés on
constate la position des images,
on note ces constatations sur un
schéma (fig. 47) en désignant
l'image rouge par un trait rouge,
L image de couleur normale par un trait non ? on obtient ainsi une trans-
cription graphique de la diplopie.et.de ses caractères. Il. est facile, avec les
données de ce schéma, de faire ensuite posément le diagnostic delapàralysie.
PIIATIQUE JOEUIlOL. ' 5 -
- [FOULARD : ]
. Fig. 46.
Recherche de la diplopie sur le mur quadrillé (Morax).
Fig. 47. Schéma sur lequel on reporte les con-
statations faites sur le mur quadrillé. Ce schéma ,
nous montre la disposition des images dans la para-
lysie du muscle droit externe de l'OD. '
Hi TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.. - -
Cette exploration au mur quadrillé permet au besoin de mesurer le
degré de la paralysie oculaire et d'en suivre la marche progressive ou
régressive en projetant une sphère sur le mur quadrillé. 1 1
Fig. 48. - Schémas de diplopie.
PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 67
Diagnostic quand plusieurs muscles sont paralysés. - Il se fait
de la même façon que dans les cas où un seul mucle est paralysé.
Mais des difficultés peuvent se présenter. On conçoit, par exemple,
5*
[POULARD.] ]
Fig. 49. -7- Schémas de diplopie.
68 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
que, si deux muscles antagonistes sont touchés en même temps, les trou-
bles fonctionnels puissent être modifiés, les troubles diplopiqucs plus
complexes. Dans ces conditions, il est utile, pour compléter un diagnostic
incertain, de recourir à l'usage du périmètre, de faire la dynamométrie
des muscles, d'explorer la force contractile de chacun.
Si les muscles paralysés dépendent d'un même tronc nerveux, du
M. 0. C., par exemple, le diagnostic est facile (Voir p. (i9).
Vérification du diagnostic de paralysie d'un muscle. Quand,
au moyen de la méthode rapide que nous avons indiquée, on a déterminé
le muscle paralysé, il est bon de vérifier le diagnostic. Il suffit pour
cela de se rappeler les fonctions physiologiques de ce muscle et de recher-
cher si chacune d'elles fait défaut dans le muscle paralysé (Voir à la
suite Aspect clinique des paralysies) .
Aspects cliniques suivant le siège DE la lésion.
Diagnostic du siège. Quand, il l'aide de la diplopie ou des
autres signes de paralysie, on a déterminé le muscle ou les muscles
atteints, il faut encore, pour arriver à un diagnostic complet, localiser le
siège de la lésion dans les voies oculomotrices (diagnostic du siège).
Cela fait, il ne reste plus qu'à déterminer la nature de cette lésion
(diagnostic étiologique). Suivons les voies optiques de la périphérie vers
les centres.
1° Paralysie d'un muscle. Voici, pour chacun des muscles,
un schéma des déviations et des troubles diplopiqucs auxquels il donnc
lieu. Ces symptômes découlent mécaniquement des fonctions physiolo-
giques abolies. Le tableau indique successivement : 1" L'action physio-
logique du muscle; 2° Les déviations de l'oeil résultant. de la paralysie du
muscle ; 5° Les caractères de la diplopie (tig. 48 et ! >-9).
PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GDOBES. 69
70 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
par le muscle droit externe resté sain, et légèrement en bas par le grand
oblique également intact. L'oeil est incapable de se mouvoir en dedans,
en haut, en bas. Seuls sont possibles les mouvements en dehors dans
le sens d'action du droit externe et de légers mouvements en bas et en
dehors dans le sens d'action du muscle grand oblique.
La pupille est dilatée à des degrés divers, en général d'une manière
modérée. L'accommodation est paralysée. Ces troubles pupillaires et
accommodateurs sont normaux dans la paralysie totale du M. 0. C.,
puisque ce nerf tient sous sa dépen-
dance la contractilité de tous les mus-
cles intrinsèques du globe oculaire.
Dans les paralysies incomplètes on
retrouve les mêmes symptômes moins
accentués.
4° Paralysie d'origine pé-
donculo-protubérantielle.
Les paralysies d'origine pédonculo-
protubérantielle s'accompagnent de
troubles nerveux qui permettent de
les reconnaître avec facilité. Ils sont
variables suivant le siège de la lésion
dans la région pédonculo-protubéran-
tielle. Ces variations résultent de
l'entrecroisement à différentes hau-
teurs des voies nerveuses motrices
des yeux, de la face et des membres
(fig. 51).
Les libres du M. 0. C. s'entrecroi-
sent dans la région pédonculaire, les
fibres du facial et du M. 0. E, dans la
partie supérieure de la protubérance,
les fibres motrices des membres au-
dessous dans le bulbe. C'est d'ailleurs
l'ordre d'émergence de ces nerfs. Une
lésion pédonculaire touche le M. 0. C.
croisé, le facial et les nerfs des mem-
bres non croisés.
Une lésion protubérantielle touche
le M. 0. E. et le facial croisés, les
faisceaux nerveux des membres non
croisés.
La connaissance de ces notions ana-
tomiques permet de comprendre les
divers syndromes de Weber et de Millard-Gubler.
Syndrome de Weber (lésion pédonculaire) : paralysie du M. 0. C. d'un
1 i ? 51. - Schéma des régions pédon-
culaire A, protubérantielle B et bul-
baire C, destiné et montrer l'entre-croi-
sement successif des voies motrices des
yeux, de la face et des membres. Le
trajet des libres motrices est indiqué
par les cordons blancs m,1 ? )Il, ils
III. Nerf M. 0. C. déjà entre-croisé dans
, la région pédonculaire en I ? 'I et
VU, nerfs M. 0. E. et facial dont les
libres viennent de s'entre-croiser dans
la région protubérantielle, en Eg. La,
lésion L, (pédonculaire) coupe le M. 0. C.
entrecroisé et le faisceau moteur de la
face et des membres non entre-croisé
(syndrome de Weber). La lésion Lo
(protubérantielle) coupe le Il. 0. E. et
le facial entre-croisés, et le faisceau
moteur des membres non entre-croisé
(syndrome de 311llal'fl-Guhler).
PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DÈS GLOBES. 71
côté (côté de la lésion) ; paralysie de la face et des membres du côté opposé
(fig. 52 A).
Syndrome Millard-Guble1' (lésion protubérantielle) : paralysie du
M. 0. E. et du facial d'un côté (côté de la lésion) ; paralysie des membres
du côté opposé (fig. 52 B).
Des lésions pédonculo-protubérantielles peuvent encore amener des
syndromes type Foville, avec déviation conjuguée des yeux, dont je don-
nerai plus tard une description détaillée.
Syndrome type Foville dans les lésions pédonculaires : paralysie du
facial, des membres et de l'oculogyre du même côté. (Voir Déviations
conjuguées (fig. 55 A.)
Syndrome type Foville dans la lésion protubérantielle supérieure :
5 ?
[POULARDE
Fig. 52. La croix indique le côté de la lésion, les hachures le côté paralysé. A, syndrome
de Weber (paupière gauche tombante); B, syndrome de Millard-Gubler (oeil gauche en
strabisme convergent).
72 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
paralysie de l'oculogyre d'un côté ; paralysie du facial et des membres du
côté opposé (fig. 55 B).. '.>
Syndrome type Foville par lésion protubérantielle inférieure : para-
lysie du facial et de l'oculogyre d'un côté (côté de la lésion); paralysie
des membres du côté opposé (fig. 55 C).
Dans la paralysie de l'oculogyre droit ou gauche, les mouvements com-
binés des deux yeux vers la droite ou vers la gauche ne se font plus. En
outre, les yeux se dévient du côté opposé il l'oculogyre paralysé (déviation
conjuguée).
Quelques autres syndromes bulbo-prolubérantiels avec troubles de la
motilité oculaire, bien plus rares que les précédents, doivent cependant
être connus.
Fig. 55. (A; Syndrome type Foville dans les lésions pédonculaires (les deux yeux regardent
à gauche). (B) Syndrome type Foville dans les lésions protuleraticlles supérieures (les
deux yeux regardent à droite).
PARALYSIES 'DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 75
Syndrome de Benediht (de Vienne). Paralysie de la IIIe paire
accompagnée d'hémiplégie croisée avec tremblement. Benedikt considère
ce syndrome comme résultant d'une lésion du pédoncule cérébral au
niveau du noyau du M. 0. C, à
l'émergence des fibres nerveuses.
D'après les autopsies peu nombreuses
qui ont été faites, le syndrome de
Benedikt se montrerait dans les
lésions de la calotte du pédoncule.
Syndrome protubérantiel supé-
rieur de Reymond-Cestan. En
même temps qu'une paralysie des
mouvements de latéralité des yeux,
il existe une hémiplégie alterne attei-
gnant légèrement la force motrice,
mais produisant des troubles accen-
tués de la motilité volontaire (trem-
blement, incoordination, mouve-
ments athétosiques, asynergie céré-
belleuse) et des troubles très marqués
de la sensibilité (fourmillements,
anesthésie cutanée, anesthésie articu-
laire, perte du sens stéréognostique),
Ce syndrome se rencontre dans « les
lésions de la calotte de la partie
supérieure de la protubérance ».
Syndrome de Babinski-Nageotle.
ttémiasyncrgie, latéropulsion et
myosis, avec hémianesthésie et hémi-
plégie croisée. En même temps que le
rétrécissement pupillaire, il existe
une diminution de la fente palpébrale
et un certain degré d'énophtalnlie.
Dans les trois cas observés par les
auteurs qui ont donné leur nom à ce syndrome, il y avait aussi du nys-
tagmus. Tous ces troubles oculaires ont une origine bulbaire.
5° Paralysie par lésion isolée des noyaux pédonculo-
protubérantiels.
Paralysies dissociées. Les noyaux d'origine des nerfs oculo-
moteurs, bien qu'assez unis les uns aux autres, offrent néanmoins une
certaine indépendance. Les .différents noyaux du M. 0. C. sont eux-
mêmes anatomiquement, physiologiquement et cliniquement séparables
les uns des autres. Ils peuvent être lésés séparément. De là des paralysies
dissociées de l'iris, de l'accommodation, d'un ou 'de quelques-uns des
muscles extrinsèques. Les paralysies dissociées sont d'ordinaire le fait,
[POULARD.]
Fig. 55 (C). Syndrome type Foville dans
les lésions protubérantielles inférieures (les
deux yeux regardent à droite).
74 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
ou de lésions périphériques ou de lésions nucléaires. En ces deux points,
en effet, les fibres qui constituent le tronc du M. 0. C. s'éparpillent,
se séparent; se dissocient, en avant du côté de l'oeil, pour aller à
chacun des muscles, en arrière du côté du cerveau, pour gagner les
noyaux d'origine.
Les paralysies totales du M. 0. C. sont plutôt le fait d'une lésion inter-
médiaire portant sur le tronc nerveux. Cependant une paralysie d'origine
tronculaire peut aussi présenter des dissociations.
Signe d'Argyl Robertson. Il est caractérisé par la perte du réflexe
pupillaire à la lumière, coïncidant avec la conservation du réflexe pupil-
laire à la convergence. Pour l'expliquer, on admet l'existence dans le
M. 0. C. de fibres spéciales préposées à la transmission du réflexe lumi-
neux, sur lesquelles certaines infections, comme l'infection syphilitique,
se fixeraient avec prédilection. Ne voit-on pas certaines intoxications ou
infections (alcoolisme, etc.), agir d'une manière élective sur certains
faisceaux (f. maculaire) du nerf optique; la diphtérie n'atteint-elle
pas avec prédilection certaines fibres du M. 0. C., les fibres de l'accom-
modation. On peut aussi, mais plus difficilement, expliquer ce symptôme
par une localisation particulière de la lésion dans les points 1, 2, 5, 4 4
des voies optiques réflexes, sur les fibres reliant les noyaux réflexes aux
noyaux d'origine des nerfs oculomoteurs (lib. 59). ,
Ophtalmoplégie intérieure, intrinsèque. - Elle peut porter sur toute ;
la musculature intrinsèque, ou atteindre séparément l'iris et l'accom-
modation (Voir Paralysie de l'iris, p. 86, et P. de l'accommodation,
p. 9G).
Cette ophtalmoplégie intrinsèque, type de paralysie dissociée duM. O. C.,
est en général considérée comme étant, dans la plupart des cas, d'ori-
gine nucléaire.
Ophtalmoplégie extérieure, extrinsèque. Dans certaines condi-
tions, tous les muscles moteurs du globe (0. unilatérale) ou des globes
(0. bilatérale) sont paralysés, aussi bien les muscles dépendant du
M. 0. C. que ceux innervés par le pathétique et le moteur oculaire
externe. Cependant, la musculature intrinsèque reste intacte; il n'y a
point de troubles de l'accommodation, la pupille est mobile. Cette inté-
grité de la musculature intrinsèque contraste avec la paralysie des muscles
extrinsèques. '
Cette paralysie, ordinairement bilatérale, donne au malade un aspect
tout particulier. Les paupières, tombantes, couvrent en partie la pupille.
Le malade, pour voir, essaye de les relever par de fortes contractions du
frontal, plisse le front, et en même temps porte fortement la tète en
arrière. De là un aspect et une attitude spéciale désignés sous le nom de
« facies d'lIutchinson ». En écartant les paupières, on trouve les deux yeux
complètement immobiles, figés dans l'orbite comme des yeux en cire.
Pour regarder à droite, à gauche, en haut, en bas, le malade est obligé
de mouvoir la tète ou le corps.
PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 75
Cette ophtalmoplégie souvent héréditaire, familiale, peut être congé-
nitalc. -
Ophtalmoplégie totale. Elle se présente comme la précédente, avec.
cette seule différence que la musculature intrinsèque est prise en même
temps que la musculature extrinsèque.
Ophtalmoplégie nucléaire progressive. Dans certaines conditions,
particulièrement dans la syphilis et dans quelques maladies nerveuses,
on voit se prendre successivement les divers muscles extrinsèques etintrin-
sèques des globes oculaires. Il se développe une ophtalmoplégie progres-
sive. D'abord partielle, elle aboutit souvent à l'ophialmoplégie totale. Elle
[POULARD.]
Fig. 51. - Paralysie bulbaire asthénique.
76 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
parait résulter de lésions nucléaires. C'est une polioencéphalite analogue-
à la poliomyélite, une altération des cellules motrices des noyaux d'ori-
gine des nerfs moteurs des yeux. L'allure de cette ophtalmoplégie peut
être aiguë, subaiguë ou chronique. ,
Un type de forme aiguë est la poliencéphalite aiguë hémorrhagique-
de Wernicke, affection grave, accompagnée de. symptômes généraux
(céphalée, vomissements, vertiges, tendance au sommeil). '
Dans la forme chronique, plus fréquente, l'affection peut rester sta-
tionnaire ou devenir progressive. Dans ce dernier cas, elle se complique
de phénomènes bulbaires (polyurie, glycosurie, albuminurie, paralysie
glosso-labio-laryngée) ou médullaires (atrophie musculaire progressive).
C'est encore à ce groupe qu'il faut rattacher les ophtalmoplégies de la-
paralysie bulbaire asthénique (fig. 54). '
Paralysie du droit externe d'origine nucléaire. Le droit externe
peut être paralysé par suite d'une lésion du noyau du M. 0. E'. à l'emi--
nentia teres, ou par-
suite d'une lésion des
fibres de ce nerf dans
la-protubérance (Voir
Syndrome protubéran-
l'lEI., p. 70, fig. 55).
On peut recon-
naître le siège diffé-
rent de ces deux,
lésions. Dans le pre-
mier cas, la déviation
persiste malgré les
sollicitations de mou-
vement adressées au
malade. Dans le se-
cond cas, au moment,
où le regard veut se
porter du côté de la
paralysie, l'aeil sain
se met tout à fait en
dedans dans la com-
missure interne de-
l'aeil (fig. 56).
Dans le premier cas
paralysie nucieairej, u y a paralysie associée des mouvements ae laté-
ralité des deux yeux vers le côté paralysé. Dans le second (paralysie
radiculaire), il y a seulement paralysie d'un des moteurs oculaires-
externes,, et si l'on demande au malade de regarder du côté paralysé,
l'oeil atteint ne marche pas, tandis que l'oeil sain se porte en adduction,,
d'où strabisme convergent. «
Fig. 55. Coupe schématique de la protubérance il sa partie
inférieure. A, lésion touchant le noyau du M. 0. E. et le facial
(paralysie nucléaire) ; B, lésion touchant les racines protubé-
rantielles du facial et du M. 0. E. (paralysie radiculaire) (llorax).
PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 77
6° Paralysie par lésion des centres et voies supranu-
cléaires (mésocéphale, capsule interne, centre ovale, écorce céré-
brale). Les mouvements oculaires, si rapides, si variés, si complexes,
ne se font pas par l'action isolée d'un ou de quelques muscles, mais par
la contraction combinée, inégale et synergique de plusieurs d'entre
eux. Tous les muscles entrent en action dans les mouvements oculaires;
les uns, producteurs du mouvement, par leur contraction, les autres,
antagonistes de ces mouvements harmonieux, par leur tonicité ou même
leur contraction.' C'est par ce mécanisme que se font les mouvements
associés de latéralité, d'élévation, d'abaissement, de convergence, de
[POULARD]
Fig. 50. Schéma (d'après Iilocd et Onanolf) pour montrer la différence entre la paralysie
protubérantielle et la paralysie radiculaire. Paralysie protubérantielle : quand on demande
au malade de regarder du côté paralysé, les yeux se mettent en strabisme convergent (5).
Paralysie nucléaire : la déviation persiste, quel que soit le sens dans lequel on demande
au malade de regarder. - -
Fis. 5 î.- Schéma pour expliquer le mécanisme des mouvements combinés des yeux. C, muscle
ciliaire accÓmmodateur; I, constricteur de l'iris; M, 31, M, muscles extrinsèques moteurs du
globe oculaire; MOC, nerf moteur oculaire commun; P, nerf pathétique; MOE, Nerf moteur
oculaire externe; non, noyaux d'origine du mot; ? noyau d'origine du nerf pathétique;
1\", noyau d'origine du nerf MOE; A, centre mesencephalique d'association réflexe;
CA, centre cérébral d'association antérieur, sensitivo-moteur; CP, centre cérébral d'associa-
tion postérieur, sensorio-moteur. Les fibres qui partent des centres CA et CP constituent
les oculogyres. L
78 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE. 1
divergence. Ces mouvements combinés sont inexplicables sans l'existence
de centres encéphaliques combinant les actions musculaires, réglant
les mouvements associés (fig. 81).
Des centres nerveux d'association existent certainement au delà de
l'origine des troncs nerveux, les uns dans le mésocéphale, les autres
dans l'écorce cérébrale. Ils sont réunis entre eux et aux noyaux d'origine
des nerfs moteurs de l'oeil par des tractus nerveux, dont l'ensemble
forme la voie des mouvements associés. Le siège des centres d'associa-
tion, le trajet des fibres nerveuses d'association ne sont pas encore
exactement déterminés; cependant, les constatations cliniques jointes à
des recherches physiologiques ont permis d'établir, d'une manière assez
précise la voie des mouvements associés et plus particulièrement la voie
des mouvements associés de latéralité, de ce que Grasset appelle les*
nerfs oculogyres.
L'origine corticale des oculogyres est double, un centre antérieur ou
frontal sensitivo-moteur siégeant surtout dans le pied de la 2" frontale,
un centre postérieur ou occipital sensorio-moteur occupant la zone.*
visuelle occipitale.
Les impressions sensitives générales du globe peuvent avoir une action
incitative sur le centre sensitivo-moteur, les impressions sensorielles^
(lumineuses) ont également une action sur le centre sensorio-moteur. '
Sous l'inlluence de ces incitations, et si la volonté n'intervient pas,
les centres peuvent produire des mouvements oculaires par le méca-
nisme du réflexe automatique. Mais, ce sont avant tout des centres volozc-
taires, sur lesquels la volonté peut exercer une autorité complète.
Bien que des déviations conjuguées avec et même sans hémianopsie
puissent se produire dans les lésions du pli courbe, cette région ne con-
stitue pas un troisième centre des mouvements associés de latéralité. La
déviation des yeux se fait, dans ce cas, par retentissement sur les fibres
de projection centripètes ou centrifuges sous-jacentes au pli courbe.
Les fibres centrifuges seraient plus fragiles que les centripètes; de là,
l'existence de déviations conjuguées sans hémianopsie, c'est-à-dire sans
participation des fibres centripètes (J. Roux).
Dans le centre ovale, le faisceau antérieur chemine au voisinage des
fibres du facial; le faisceau postérieur est intimement mêlé aux radia-
tions optiques. ,
Dans la capsule interne, le faisceau antérieur chemine à la partie pos-
térieure du bras antérieur; les fibres postérieures accompagnent les
radiations optiques. '
Au niveau du pédoncule, on ne peut actuellement distinguer les fibres
antérieures des postérieures. Ces fibres ne semblent pas comprises dans
le faisceau de l'étage inférieur du pédoncule; elles occupent probable-
ment l'étage supérieur (la partie voisine de la couche optique).
Dans la protubérance a lieu l'entrecroisement des oculogyres, avant
de se rendre au noyau mésocéphaliquc du côté opposé. Il se fait dans la
PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 1 7 ! 1
région protubérantielle supérieure, avant celui des fibres du facial (Voir
syndromes Foville) . '
Il existe certainement dans le mésocéphale un noyau, un centre d'asso-
ciation réflexe des mouvements de latéralité des yeux, auquel viennent
aboutir les fibres des oculogyres, mais sa situation exacte est encore il
déterminer. Certains auteurs le placent au niveau de l'eminentia teres,
dans le noyau d'origine du M. 0. E.; mais cette localisation est discutable.
Telle est la voie, assez bien déterminée, des mouvements associés de laté-
ralité. '
Les mouvements d'élévation, d'abaissement, de convergence et de di-
vergence se produisent certainement par un mécanisme analogue, et le
système nerveux qui les règle doit être organisé sur un type tout à fait
semblable à celui qui régit les mouvements de latéralité. Mais le trajet des
libres ou le siège des centres sont inconnus au delà du mésoecphile.
Par contre, on sait qu'il existe dans le mésocéphale des centres chargés
de diriger les mouvements associés d'élévation, d'abaissement, de con-
vergence et de divergence. Ces centres paraissent occuper le voisinage
des tubercules quadrijumeaux.
Ces notions, bien qu'imprécises, vont nous aider à comprendre les
paralysies associées.
Troubles moteurs oculaires associés. Au-dessus des noyaux
bulbo-protubérantiels, origine réelle des nerfs oculo-moteurs, les lésions
ne produisent plus la paralysie isolée des muscles ou des troncs nerveux.
La paralysie qu'on observe est associée ou combinée; elle est constituée
par la perte d'un mouvement qui demande, pour être exécuté, l'action
combinée des deux yeux. Elle peut atteindre tous les mouvements asso-
ciés des globes oculaires dans tous les sens : mouvements associés de
latéralité vers la droite ou vers la gauche, d'élévation, d'abaissement,
auxquels il faut ajouter les mouvements associés de convergence et de
divergence.
Ces différentes paralysies peuvent se présenter isolées on réunies à
plusieurs chez le même individu. Les paralysies associées des mouve-
ments de latéralité sont de beaucoup les plus fréquentes.
Dans certains cas, les troubles moteurs oculaires associés amènent une
déviation latérale des yeux dans le même sens et au même degré, pour
les deux yeux, sans strabisme et par suite sans diplopie. C'est la dévia-
lion conjuguée des yeux, une variété de troubles oculaires associés.
Déviations conjuguées. a) Déviations conjuguées d'origine
motrice. Les déviations conjuguées peuvent résulter d'une paralysie
associée du mouvement en sens opposé de la déviation, ou d'une con-
tracture dans le sens de la déviation. Ce sont là des déviations conjuguées
par trouble moteur, des déviations d'origine motrice. Elles s'observent
dans des lésions siégeant sur le trajet que nous venons de donner aux
nerfs oculogyres : a) lésions de l'écorcc cérébrale frontale ou occipitalo-
pariétale ; b) lésion du centre ovale; c) lésions de la capsule interne,
[POULARD.]
80 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
partie antérieure au voisinage des fibres du facial ou partie postérieure
au voisinage des radiations optiques; d) lésions du pédoncule cérébral
dans l'étage supérieur (faisceau de la calotte), au voisinage de la couche
optique (fibres oculo-motrices du centre postérieur auxquelles semblent t
s'être réunies les fibres du centre antérieur) ; e) lésions protubérantiellcs
supérieure, moyenne et inférieure.
La déviation conjuguée paralytique présente, suivant le siège de la
lésion productrice, des variations symptomatiques contribuant beaucoup
il rétablissement d'un diagnostic précis.
Syndrome type Foville dans les lésions pédonculaires ou cérébrales :
paralysie du facial, des membres et de l'oculogyre du même côté
(fig. 53 A).
Syndrome type Foville par lésion protubérantielle supérieure : para-
lysie de l'oculogyre d'un côté; paralysie du facial et des membres
du côté opposé. C'est un syndrome de Weber modifié (fig. 55 B).
Syndrome type Foville par lésion protubérantielle inférieure : paraly-
sie du facial et de l'oculogyre d'un côté (côté de la lésion) ; paralysie
des membres du côté opposé. C'est un syndrome de Millard-Gubler mo-
difié (fig. 55 C).
Tel est le sens de la déviation dans les paralysies; il est tout opposé
dans les contractures.
C'est l'occasion de rappeler les lois formulées par Lando11ZY et Grasset,
sur les variations de la déviation suivant le siège de la lésion : dans les
lésions hémisphériques avec déviation conjuguée, le malade regarde
l'hémisphère lésé quand il y a paralysie, il regarde ses membres con-
vulsés quand il y a convulsion. Dans les lésions protubérantiellcs, le
malade regarde ses membres s'il y a paralysie, et sa lésion s'il y a
convulsion.
b) Déviations conjuguées d'origine sensorielle. A côté des
déviations conjuguées d'origine motrice, paralytique ou convulsive, par
lésion des oculogyres, il peut exister des déviations conjuguées sans
lésion motrice, d'origine sensorielle. La déviation conjuguéee, si fré-
quente chez les hémianopsiques, aurait cette origine sensorielle (Pierre
Marie, Dard). Le malade regarde où il voit; les yeux se dirigent d'une
manière réflexe vers le côté des sensations perçues, ils abandonnent le
côté d'où ne vient aucune incitation lumineuse. Cette déviation finit par
devenir une attitude permanente.
Si cette interprétation est vraie, on ne doit, dans les déviations oculai-
res de ce groupe, constater aucun trouble moteur paralytique ou convulsif.
Mais le domaine de ces déviations d'origine sensorielle ne sera bien défini
qu'après de nouvelles recherches sur l'intégrité motrice. On est encore
en droit de douter de l'existence de déviations conjuguées exclusivement
sensorielles.
Paralysies associées Beaucoup de déviations conjuguées,
sont des paralysies associées, la déviation conjuguée d'un côté étant le
PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 81 f
résultat d'une, paralysie, du côté opposé. Ces paralysies associées de laté-
ralité ont les mêmes causes que les déviations conjuguées paralytiques,
elles sont provoquées par une altération sur la voie des oculogyres.
Quant aux paralysies associées d'élévation, d'abaissement, de conver-
gence et de divergence, elles ont ordinairement pour cause une lésion
au voisinage des tubercules quadrijumeaux. Sans doute, elles peuvent
également résulter de lésions plus élevées dans l'encéphale, mais nous
en ignorons le siège.
51'I : C'l's VARIABLES SUIVANT LA CAUSE.
(Diagnostic étiologique.)
Les paralysies oculaires varient dans leurs caractères, non seulement
suivant le siège,' mais encore suivant la nature des lésions productrices.
Je me contente d'énumérer les différentes causes de paralysie en ren-
voyant le lecteur aux chapitres consacrés il chacune des affections.
Traumatisme. Fractures de la base : signes de fracture du crâne.
- TranIl1atis\11e orbitaire : il la suite d'un choc sur la tète, même
légcr, on peut observer des paralysies oculaires. Le plus souvent, c'est
une paralysie du M. 0. E. d'un côté ou des deux côtés. Cette paralysie
est le résultat d'une fêlure du rocher sur la crête duquel passe le M. 0. E.
Cette fêlure ne. s'accompagne d'aucun des symptômes graves habituels
dans les fractures du crâne. La paralysie des deux M. O. E. et le stra-
bisme convergent qui en résulte sont souvent les seuls troubles appre-
cial))es.t'iaie de. l'orbite par projectile, instrument piquant, etc.
Compression. Par une tumeur, un anevrysmc dans l'orbite. Dou-
leurs quelquefois, exophlahnie unilatérale, paralysies dissociées.
Tumeurs cérébrales (base). La tuberculose et la syphilis (li 10),
sont les causes les plus fréquentes. Réaction méningée, vomissements,
céphalée continue, paralysies multiples et diffuses, troubles de la vue, de
l'odorat, de l'ouïe. Ici, connue dans tous les cas de lésion cérébrale, la
ponction lombaire, sera souvent utile pour le diagnostic et quelquefois
pour le traitement.
Méningite. C'est encore la tuberculose et. la syphilis qui sont le
plus souvent en cause.
La méningite tuberculeuse s'accompagne de céphalée, de vomisse-
ments, de constipation, quelquefois de lésions du nerf optique, de trou-
bles de l'odorat et de l'ouïe.
La méningite syphilitique ourc des manifestations analogues, d'ordi-
naire elle s'installe lentement, progressivement, quelquefois rapidement;
elle guérit bien par le traitement.
La ponction lombaire permet souvent le diagnostic entre ces deux
variétés écologiques.
Maladies du système nerveux. Hémorragies des centres ou des
l'nAru,us veotcuL. 0
[PODLARD-]
82 TROUBLES XHRVEUX DE L'APPAREIL- OCULAIRE.
voies intra-céréhrales. Tumeurs du 4° ventricule. Polioencéphalile
supérieure. Paralysie bulbaire asthénique. Sclérose en plaques. Para-
lysie générale. Tabès : rarement complètes, légères, fugaces, récidivant
facilement, quelquefois persistantes; signe d'Argyl IVoberlson. Névroses,
hystérie (rare), le plus souvent ce sont des spasmes (ptosis spasuiodiques).
La paralysie de l'O. M. C. et l'ulllt,111uopléic ly·stérid«c ont été signalées.
Migraine : paralysie du JI. 0. C. seul, totale, récidivante, précédée d'une
migraine. Goitre exophtalmique (polioencéphalite d'après Brissaud). Zona
ophtalmique (rarement) . -
Maladies générales infectieuses. - Diphtérie : le plus souvent l'ac-
commodation est prise seule. Syphilis : peut présenter toutes les variétés.
Scarlatine. Diabète;
Certaines intoxications ou auto-intoxications. Diabète. Satur-
nisme, nicotine, oxyde de carbone, alcool, belladone. Botulisme. Vertige
paralysant de Gerlier ou Kuteisagari des Japonais.
Il est certain que les paralysies oculaires présentent quelquefois des
variations d'aspect, d'évolution, etc.... suivant la cause qui les a pro-
duites, mais, en général, le diagnostic étiologïque doit se baser sur la
constatation des symptômes concomitants, propres aux affections causales.
Il importe de remarquer le rôle important rempli, dans l'étiologie des
paralysies oculaires, par les infections ou intoxications au premier rang
desquelles il faut placer la syphilis.
IV
TROUBLES PUPILLAIRES
Modifications des dlmexsioxs pupillaires.
Pour bien comprendre et apprécier la multiplicité des causes suscep-
tibles de faire varier les dimensions pupillaires, il faut se rappeler avec
précision la physiologie des mouvements de l'iris et, plus particulière-
ment ici, l'inlluence exercée sur eux par le système nerveux.
L'iris reçoit deux ordres de filets nerveux (fig. 58) :
1° Des filets irido-constrictcurs venant des origines du M. 0. C., et
allant il l'iris par la voie du JI. 0. C. lui-même, en passant par le gan-
glion ophtalmique;
2" Des filets irido-dilatateurs, qui proviennent de deux régions diffe-
rentes : '
a) Des origines bulbaires du trijumeau (centre bulbaire');
b) De la moelle cervicale (centre spinal).
Les premiers (d'origine bulbaire), suivent la voie du trijumeau, les
seconds (d'origine spinale), liassent par le sympathique cervical, mais
bien vite viennent rejoindre le ganglion de Casser. Les uns et les autres
se rencontrent donc au ganglion de Casser, cl vont ensuite ensemble à
l'iris, par la voie de l'ophtalmique, branche du trijumeau.
' TROUBLES PUPILLAIRES. 85
La paralysie de l'appareil nerveux irido-constricteur amène l'irido-
dilatation (mydriase paralytique) ; son excitation amène l'irido-consiric-
tion (myosis spasmodique).
La paralysie de l'appareil nerveux irido-dilatatcur, qu'il vienne de la
moelle ou du bulbe, amène l'irido-constriction (myosis paralytique) ;
son excitation donne l'irido-dilatation (mydriase spastique).
Le mécanisme des contractions et dilatations pupillaires n'est certai-
nement pas aussi simple que pourrait nous le faire croire la description
schématique qui précède. Les filets irido-moteurs, avant d'arriver à l'iris,
traversent un ganglion, le ganglion ophtalmique. De plus, autour de
l'iris existe un plexus, le plexus ciliaire, formé par les filets nerveux des-
tinés à l'iris et dans les mailles duquel se voient un grand nombre de
cellules ganglionnaires.
Ces ganglions exercent certainement une action importante sur les
mouvements pupillaires. Il y a d'ailleurs longtemps que Fr. Franck a
démontré l'action tonique irido-constrictive et irido-dilatatrice du
ganglion ophtalmique, ainsi que son action réflexe irido-dilatatrice. Un
exemple : si on sectionne le moteur oculaire commun en arrière du gan-
glion, il y a mydriase, mais une mydriase incomplète. Si on sectionne les
nerfs ciliaires en avant du ganglion, la mydriase est complète. Pourquoi
cette différence ? Parce que le ganglion ophtalmique, après section du
I. 0. C., continue pendant quelque temps à exercer une action tonique
irido-conslrictive sur l'iris.
Autre exemple : l'excitation du tronc du M. 0. C. produit un resserre-
ment pupillaire très léger; l'excitation des nerfs ciliaires en avant du
ganglion donne une irido-constriction très marquée. Les fonctions du
M. 0. C. se trouvent donc modifiées, amplifiées au delà du ganglion.
Ces exemples, pris entre beaucoup d'autres, ont pour but d'attirer l'at-
tention du lecteur sur le rôle des altérations ganglionnaires en patho-
logie pupillaire. Il faut, en effet, à l'encontre des habitudes actuelles,
G*
' [POULARD.]
Tig. 58. Schéma pour expliquer le mécanisme des mouvements pupillaires. A, pédoncules
cérébraux; C, protubérance; B, bulbe; M, moelle; GS, ganglion sympathique cervical;
1. GG, ganglion gtuucute et origine des trois branches du trijumeau; S, branche ophtalmique
, du trijumeau; M, moteur oculaire commun; V, carotide; G0, ganglion ophtalmique; I, iris
' avec, c, le constricteur et, d, le dilatateur. En bleu, les voies irido-constrictives. En rouge,
les voies irido-clilatatrices. En vert, les voies vaso-motrices.
8 4 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
tenir compte de l'existence de ces ganglions, quand il s'agit d'expliquer
un trouble pupillaire.
La dilatation pupillaire peut donc être une mydriase paralytique
(SI. 0. C.), ou une mydriase spastique (sympathique); le rétrécissement,
un myosis paralytique (sympathique), ou un myosis spastique (M. 0. C.).
Ces variétés mécaniques de rétrécissement, et de dilatation pupillaires
ont des caractères spéciaux qui permettent de les distinguer entre elles.
Les uns, que nous étudierons plus loin, sont fournis par les troubles ner-
veux qui accompagnent ces variations pupillaires, les autres, que je vais
indiquer maintenant, se trouvent dans un examen soigneux de la pupille
elle-même. ; .
Mydriase paralytique (paralysie du M. 0. C.). La lumière, l'accom-
modation, la convergence sont sans action. Cependant, si la lésion siège
au noyau du sphincter, la pupille, dit-on, peut réagir avec la convergence.
Les excitations sensitives, sensorielles et psychiques donnent de la
dilatation.
Agents chimiques : l'atropine, qui paralyse le sphincter, augmente la
dilatation; l'ésérine, qui contracture le sphincter, la diminue, si, comme
cela est de règle, la paralysie du M. 0. C. s'arrête au relais du ganglion
ophtalmique. La cocaïne, excitatrice des terminaisons nerveuses du
muscle dilatateur de l'iris, augmente la mydriase en ajoutant à la para-
lysie du sphincter le spasme du dilatateur.
La chloroformisation produit une, mydriase paralytique, à la période
finale, au moment de l'agonie..
Mydriase spastique (excitation du grand sympathique). - La lumière,
la convergence, font rétrécir la pupille, parfois cependant d'une manière
moins prononcée. Les excitations sensitives, sensorielles ou psychiques :
ne donnent plus de dilatation. ,
Agents chimiques : l'atropine produit une mydriase maxima, ajoutant
la paralysie du sphincter au spasme du dilatateur. La cocaïne est sans
action, l'effet qu'elle produit (spasme du dilatateur) étant déjà obtenu.
L'ésérine rétrécit la pupille, mais moins qu'en cas de mydriase paralyti-
que.
Myosis spasmodique (spasme du M. 0. ( ? ). La lumière, la conver-
gence ont une action à peine appréciable, il n'y a même aucune action si
le. myosis est au maximum.
Agents chimiques : L'atropine, faisant disparaître le spasme, dilate la
pupille dans les conditions normales. La cocaïne n'agit pas, le spasme du
dilatateur n'étant pas assez fort pour vaincre le spasme du sphincter.
L'ésérine est sans action, l'effet qu'elle produit étant déjà obtenu avant
son instillation.
Myosis paralytique (paralysie du grand sympathique). - Le rétrécis-
sement n'est pas considérable. La lumière, la convergence peuvent encore
l'augmenter. Les excitations douloureuses n'ont plus d'action.
Agents chimiques : l'atropine produit une dilatation modérée, les deux £
TROUBLES PUPILLAIRES. 85
paralysies (sphincter, dilatateur) agissant en sens contraire. La cocaïne
dilatera la pupille si les terminaisons nerveuses dans le dilatateur sont
intactes, c'est-à-dire si la lésion siège avant le relais du ganglion cervical
supérieur. L'ésérine produit un myosis maximum ajoutant le spasme du
sphincter à la paralysie du dilatateur.
Les notions que nous venons de donner sur l'innervation pupillaire,
jointes, au besoin, à celles que nous donnerons plus loin à propos des
réflexes pupillaires, permettent de s'expliquer facilement l'action difté-
rente de la lumière, de la convergence, des excitations sensitives,
sensorielles ou psychiques, suivant les variétés de dilatation ou de rétré-
cissement pupillaires.
L'action des agents chimiques s'explique, elle aussi, facilement, il con-
dition de bien connaître le mécanisme d'action, sur la pupille, des trois
substances : atropine, ésérine, cocaïne.
L'atropine paralyse les extrémités nerveuses dans le sphincter (my-
driase paralytique) ; l'ésérine excite les terminaisons nerveuses dans le
sphincter (myosis spasmodique). Quant Ù la cocaïne, elle excite les ter-
miuaisons nerveuses dans le muscle dilatateur (mydriase spasmodique).
L'usage de ces collyres peut aider beaucoup au diagnostic des affec-
tions pupillaires. D'après Coppez ('), l'épreuve des collyres peut être faite
avec les mydriatiques seuls : l'atropine pour les pupilles étroites; la
cocaïne pour les pupilles larges.
a) Instillation de cocaïne dans un oeil à pupille large. Mydriase spas-
modique : dilatation supplémentaire nulle. Mydriase paralytique : dilata-
tion maxinia. Pupille normale : dilatation supplémentaire modérée.
b) Instillation d'atropine dans un oeil il pupille étroite. Myosis paraly-
tique : dilatation faible. Myosis spasmodique : dilatation normale.
L'examen des réflexes est de la plus grande importance. On peut,
dans la plupart des cas, Ù l'aide du réflexe constricteur seul, distin-
guer les diverses variétés de mydriase et de myosis. Mydriase para-
lytique : réflexe pupitto-constricteur absent. Mydriase spasmodique :
réflexe pupillo-eonstrictour présent. Myosis paralytique : réflexe con-
stricteur existe. On le constate facilement parce que le myosis para-
lytique est, en général, modéré. S'il est accentué, l'instillation de cocaïne
donne un peu de dilatation spasmodique et facilite la recherche du
réflexe. Myosis spasmodique : réflexe constricteur absent. Sa reelierhcc
est difficile parce que le myosis est souvent très accentué, et d'ailleurs
la cocaïne est sans influence.
I. L'élude de l'action des collyres, sur 'la pupille a clé faite par Frenkel, Schwartz,
Baas et Coppez. C'est ce dernier que j'ai fait les plus larges emprunts. Il y a encore
entre ces auteurs quelques divergences, mais elles sont légères et le neurologiste. doit
connaître et utiliser l'éprouve des collyres. rr;i. : wrr.. De l'inégalité pupill. Presse
médicale, sept. 1897. Schwaiitz. Die Bedcutnng der Auc/enstrtcracleta fiir Diag.
der 77))')t. 1898. 13.v.vs. Die semiotisclte Bedeulung der Pupillensiurungen, 189(5.
COl'I'EZ. Arch. cl'oPlital., février 1905.
(i**
{.FOULARD.} ]
811'fIlOL'nLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
Ces caractères distinctifs entre les variétés de rétrécissement et de dila-
tation pupillaires, chaque jour plus précis, ne le sont pas encore assez
pour permettre d'établir sur eux une classification. Les éludes récentes
n'ont pas encore atteint le but, mais elles montrent le chemin qui doit
conduire à la connaissance parfaite des troubles pupillaires. De plus,
elles sont déjà, nous allons le voir maintenant, d'une grande utilité pour
le clinicien, qui, dans sa pratique journalière, cherche à étahlir avec pré-
cision le diagnostic d'une affection nerveuse.
Dilatation PUPILLAIIOE, Myimuase.
A l'encontre de l'accommodation, la contraelilité pupillaire ne subit
avec l'âge aucune modification; en dehors de légères variations indivi-
duelles, seuls les étals pathologiques peuvent amener la perle ou la
diminution de la contractililé pupillaire.
Certaines affections du globe. Dans le glaucome, la pupille se di-
I;lté incomplètement il des degrés variables; dans certains traumatismes
graves du globe, la pupille peut s'élargir; dans bien des cas de cécité
binoculaire, les pupilles sont dilatées. En présence d'une dilatation pupil-
laire dont on recherche la cause, il est toujours facile d'éliminer les-
affections du globe.
Action de certaines substances médicamenteuses. L'atropine,
l'llomatrohilc, la duboisine, la daturine, t'hyoscyaunue, etc., donnent
une mydriase paralytique. La cocaïne provoque une mydriase spasmodi-
que.
Le chloroforme, au début de son action, produit une dilatation pupil-
)aire spasmodique, avec conservation des réflexes; plus tard la pupille se
resserre par paralysie du sympathique, et enfin, aux approches de la
mort, la pupille se dilate à nouveau par paralysie et, perd toute réaction.
Infections générales, syphilis, diphtérie. La diphtérie agit de
préférence sur l'accommodation (Voir Accommodation), mais peut en même
temps provoquer une mydriase paralytique. La syphilis amène la mydriase
paralytique, avec ou sans participation de l'accommodalion et des autres
muscles moteurs des globes (Voir Accommodation). Cette mydriase sur-
vient souvent, d'une manière précoce, peu de temps après l'accident
primitif, sans autre lésion appréciable du système nerveux. Elle a pour
le diagnostic de syphilis une valeur séméiologiquc considérable. A côté
de la mydriase tardive qui accompagne les maladies nerveuses géné-
ralisées (tabès, paralysie générale, etc.), il y a donc une mydriase
précoce et isolée.
Intoxications alimentaires (botulisme). Les mêmes intoxications que
pour la paralysie de l'accommodation (Voir Accommodation).
Affections du système nerveux. Excitation du sympathique
cervical. Dans certaines affections du sympathique cervical (com-
pression, etc.), avant la destruction des fibres nerveuses, il existe sou-
TROUBLES PUPILLAIRES.
vent une période d'irritation, pendant laquelle on constate lexislence d'une
légère dilatation pupillaire spasmodique. Ce signe pupillaire s'accom-
pagne d'autres symptômes d'irritation du sympathique cervical, entre,
autres, d'élargissement de la fente palpébrale et d'exophtalmie, de pâleur
et de refroidissement de la face. La dilatation qu'on observe dans le
goilrc exphotallllique rentre-dans ce groupe. ,
Paralysie du M. 0. C. La dilatation pupillaire qui existe dans la
paralysie du M. 0. C. est une dilatation moyenne, bien moindre que
celle qui suit l'instillation d'atropine.
11 faut se rappeler il ce propos les expériences de F. Franck, sur le
ganglion ophtalmique. La section des nerfs ciliaires il leur sortie du gan-
glion amène une dilatation pupillaire complète. La section du M. 0. C.
n'amène qu'une dilatation moyenne. La dilatation pupillaire maxima
semblerait donc ne se produire que dans les lésions du système ner-
veux, en avant du ganglion ophtalmique ou il son niveau.
méningites. Abcès du cerveau. Amènent quelquefois des dilata-
tions pupillaires.
Névroses, hystérie, épilepsie, certaines maladies mentales aux
périodes d'excitation. Des alternatives de dilatation et de rétrécisse-
ment pupillaire sont toujours un signe fâcheux au cours des maladies
mentales.
Dans l'accès d'épilepsie, il faut conclure il la simulation, s'il n'y a pas
mydriase avec abolition des réflexes. Il s'agit presque toujours en ce
cas de mydriase spastique.
C'est encore par action sur le système nerveux que se produisent les
mydriases spastiques qui accompagnent la forme spastique de l'hLlI11cranic
les accès de dyspnée, les vomissements, les affections de l'intestin et
des organes génilo-urinaires, les douleurs de l'accouchement, les vers
intestinaux, la colique saturnine, les douleurs viscérales du tabès, les
névralgies de la tête, l'urémie convulsive. C'est encore une mydriase
spasmodique que provoque l'excitation des nerfs sensitifs périphériques.
Importance proportionnelle des diverses causes de mydriase.
L'énumération simple des différentes causes de mydriase, telle que je
viens de la faire, ne donne pas une idée exacte de son étiologie. 11 importe
de mettre en évidence celles de ces affections qui la provoquent le plus
souvent. En pratique, si vous constatez une mydriase paralytique, recher-
chez l'existence d'une affection nerveuse organique. Dans la plupart des
cas, vous trouverez le labes ou la paralysie générale, moins souvent une-
lésion de l'encéphale (1 u meur' ou méningite). Si vous ne trouvez aucune
affection nerveuse systématisée, rappelez-vous que la syphilis produit
la mydriase souvent très près de son début, sans qu'il existe aucun
autre trouble nerveux appréciable. Neuf fois sur dix une mydriase para-
lytique est le fait de la syphilis ou d'une affection nerveuse comme le
tabès ou la paralysie générale, qui elles-mêmes sont le résultat de la
même infection spécifique. Ensuite seulement pensez aux autres causes.
G ?
[POULARD.]
88 ' TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE. -
Si vous ne trouvez aucune cause à une mydriase paralytique, vous
pouvez toujours (à moins qu'il ne s'agisse de l'introduction d'un mydria-
tique) tirer de ce symptôme une conclusion très importante, c'est que,
certainement, il existe une lésion grave du système nerveux, et que, à
côté de cette lésion appréciable, il y en a probablement d'autres, ou que
d'autres suivront si la cause n'est pas dépistée-, traitée et supprimée.
. Mydriase physiologique. Certains sujets ont, il l'état en apparence
normal, les pupilles assez dilatées. Un médecin hongrois pouvait à
volonté dilater ses pupilles.
Certaines fatigues nerveuses, entre autres celle qui résulte de l'abus »
des exercices génitaux, amènent une dilatation pupillaire, souvent accen-
tuée et qui persiste longtemps. Enfin, la mydriase se produit, sous des
influences psychiques, sous l'action de certaines pensées. Dans la peur,
dans les accès de terreur épileptique, il survient une mydriase considé-
rable et momentanée.
Rétrécissement pupillaire (myosis).
Affections du globe oculaire : Lésions irritatives de l'iris et de la cor-
née (iritis, synéchies, lésions cornéennes), '"
Substances chimiques : Agissant localement (ésérinc, pilocarpine)
ou par imprégnation générale de l'organisme (opium, nicotine, sommeil
chloroformiquc et même sommeil normal). Toutes ces substances, à
l'exception du chloroforme, amènent un myosis spastique.
Infections ou intoxications générales : Urémie, intoxication par
l'opium, la nicotine. La syphilis, dans certains cas, agit peut-être de la
même manière. '
Affections du système nerveux. On rencontre le myosis dans les
méningites, les méninge-encéphalites.
Il forme un des caractères de Y hémiplégie du type Avellis. Cette
hémiplégie est en effet accompagnée du syndrome oculaire sympathique
et par conséquent de myosis. Elle serait due, d'après Cestan, a une
lésion bulbaire dans la région du noyau du pneumogastrique et de la
colonne solitaire, laquelle représente le prolongement du tractus inter-
medio-lateralis de la moelle, origine du sympathique.
Une amblyopie hystérique avec myosis pourrait se rencontrer excep-
tionnellement.
En dehors de ces affections rares du système, nerveux, il en est
d'autres bien plus fréquentes dans lesquelles le myosis se voit très sou-
vent, c'est la syphilis cérébrale et spinale, le tubes et la paralysie
générale. L'existence d'un myosis doit attirer l'attention d'abord sur
ces trois affections.
La paralysie du sympathique cervical provoque un myosis paraly-
tique accompagné de rétrécissement de la fente palpébrale et d'un peu
d'énophtabnie, d'hypotonie et de congestion de la moitié de la face. Ces
TROUBLES PUPILLAIRES. 89
altérations du sympathique avec myosis se rencontrent dans les sections
chirurgicales ou traumatiques, la pachymeningitc cervicale, les paraly-
sies radiculaires du plexus brachial, certaines syringomyélies, certaines
angines phlegmoneuses, dans les adénopathics cervicales, les tumeurs
du médiastin, le goitre, les affections bronchiques et hlcuro-hulrrm-
naires.
L'irritation du M, 0. C. (branches ou noyaux) provoque le myosis, un
myosis spasmodique.
Le myosis, comme la mydriase, peut être réalisé par des lésions ner-
veuses variées, mais il faut savoir que c'est surtout la syphilis qui en est
la cause la plus habituelle.
Myosis physiologique ? Il existe un myosis comme une mydriase
physiologique. C'est ainsi que dans le sommeil la pupille est en myosis.
Certaines personnes ont les pupilles étroites, mais il faut toujours, en ce
cas, se méfier et rechercher soigneusement une cause pathologique. ? Déformations pupillaires.
La déformation pupillaire, rare dans les affections nerveuses, se ren-
contre au contraire très souvent dans les affections du globe oculaire.
La cause la plus fréquente de beaucoup est l'irilis, qui amène l'adhé-
rence de certaines parties du bord pupillaire, il la face antérieure, du
i; cristallin.
. Après disparition des phénomènes inflammatoires, la pupille reprend
son jeu normal dans ses portions non adhérentes, tandis que les points
adhérents du rebord pupillaire restent en place fixés au cristallin. De là
une déformation du champ pupillaire dans l'étendue duquel l'iris envoie
des prolongements angulaires en forme de piques ou de lances. L'atro-
pine qui dilate les parties de la pupille non adhérentes au cristallin,
laisse au contraire les autres en place. De ]a une accentuation très mar-
quée de la déformation pupillaire après instillation de ce mydriatique.
De plus, dans la plupart des déformations pupillaires consécutives à
une iritis ancienne, on constate avec facilité des dépôts de pigment
dans le champ pupillaire. Il y a, d'autre part, des commémoratifs rap-
pelant l'existence d'une, inflammation antérieure de l'oeil.
Le glaucome, il la période aiguë, donne il la pupille une déformation
légère, de forme ovalaire, sans angles. Le glaucome ancien, à la période
d'atrophie de l'iris, donne aussi des déformations pupillaires dues à la
rétraction de certaines parties de l'iris plus atrophiées que d'autres.
Mais dans le glaucome aigu ou ancien, le diagnostic est toujours facile
par la constatation de lésions oculaires concomitantes.
A l'état normal, l'iris est soutenu par le cristallin sur la face anté-
rieure duquel il s'applique. Si le cristallin vient à se luxer, à basculer,
une partie de l'iris ne sera plus soutenue et il pourra en résulter une
légère déformation pupillaire sans angles rentrants. Dans ce cas, la
no TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
portion non soutenue de l'iris se met souvent 11 tl't'mbloUPI' dans les
mouvements du globe. '
Enfin, la pupille peut être le siège d'une déformation congénitale qui
allonge en bas le champ pupillaire (colobonic de l'iris congénital).
Une intervention sur l'iris, une iridectolllie, peut donner l'aspect du
colobome (colobome chirurgical).
Les déformations pupillaires d'origine nerveuse diffèrent des précé-
dentes. La pupille est polycyclique à grand rayon, sans angles rentrants.
Elle diffère en cela de la pupille iritique aux contours angulaires. Elle en
diffère encore par l'action de l'atropine qui, dans les déformations
d'origine nerveuse, agit sur tout le pourtour pupillaire, sans laisser en
place aucune adhérence. Permanentes dans la plupart des cas, ces irré-
gularités peuvent être passagères ou changer de position sur le rebord
pupillaire.
Ces déformations pupillaires ont été constatées dans la paralysie géné-
rale, le tabès, on a même pensé en faire un signe de videur pour ces
affections. En réalité, on les rencontre souvent chez des personnes âgées
indemnes de paralysie générale, de tabès et de toute autre maladie
nerveuse. Elles semblent dues il des atrophies partielles des tissus de
l'iris. Peut-être sont-elles ducs, dans certains cas, à une altération de v
quelques filets nerveux indo-moteurs.
Inégalité pupillaire.
Toutes les causes de dilatation ou de rétrécissement pupillaire agis-
sant sur un seul oeil peuvent, on le conçoit, amener une inégalité pu-
pillaire : paralysie du constricteur ou contracture du dilatateur donnant
la dilatation pupillaire; paralysie du dilatateur ou spasme du constric-
teur donnant le rétrécissement pupillaire. L'inégale répartition, sur
les deux pupilles, de ces paralysies et contractures, amène l'inégalité
pupillaire.
. Cette multiplicité des causes productrices de l'inégalité pupillaire
explique les aspects variables sous lesquels elle se présente en pratique.
Le mécanisme de production et la signification précise des inégalités
pupillaires sont encore mal connus. Néanmoins, une inégalité pupillaire
constitue toujours un symptôme important. Elle doit déterminer le
médecin il rechercher meticulensement l'existence d'une (f /l'ecl'ion lIe1'-
veatse, plus particulièrement le tabès, la paralysie générale, la syphilis
cérébro-spinale sous toutes ses formes.
Inégalité pupillaire congénitale. Certains individus présentent,
dès leur naissance et toute leur vie. une inégalité pupillaire en général
peu accentuée et qui [tarait n'avoir rien de pathologique. Cette anisocorie
congénitale non pathologique existe sans doute. En tout cas, il ne faut
l'admettre qu'après avoir soigneusement recherché chez l'enfant ou dans
sa famille l'infection syphilitique ou toute autre tare morbide.
TROUBLES PUPILLAIRES. 91
Anisocorie variable. Anisocorie à bascule. L'inégalité pupillaire
peut varier - par suite du rétrécissement de la pupille dilatée. Il peut
même arriver, dans- ces conditions, que la pupille primitivement plus
étroite devienne la plus grande. C'est la mydriase à bascule. Frenkel
pense qu'il s'agit d'une mydriase spasmodique par excitation directe
ou réflexe du sympathique oculaire. On l'observe dans les mêmes affec-
tions que l'inégalité pupillaire habituelle. Elle peut exister dans le goitre
exophtalmique, la neurasthénie et l'hystérie.
A côté de cette mydriase à bascule spontanée, il existe une mydriase
à bascule provoquée. Ce phénomène, pupillaire résulte, d'après Piltz,
d'une inégalité dans l'excitabilité -réflexe des deux pupilles à la lumière,
à l'accommodation, à la contraction orbiculaire. Le malade présente un
réflexe à la lumière, très bon à gauche, très faible à droite. A un éclai-
rage modéré la pupille droite est plus étroite que la gauche. Donnez un
grand éclairage et la pupille gauche devient plus étroite que la droite.
Anisocorie transitoire. On la rencontre dans les méningites aiguës,
parfois dans l'attaque d'épilepsie. Elle se serait aussi montrée dans la
neurasthénie.' -
Mobilité pupillaire.
A l'état normal, en dehors de tout mouvement de convergence, de
toute variation brusque de lumière, la pupille n'est point fixe, elle modifie
continuellement ses dimensions, se dilate et se rétrécit alternativement.
Ces oscillations continuelles sont en rapport avec la vision, car elles dis-
paraissent en cas de cécité binoculaire. Si un seul oeil est aveugle, l'oc-
clusion de l'oeil sain arrête les mouvements pupillaires.
Dans certaines conditions pathologiques, ces oscillations s'exagèrent.
Ce phénomène, qu'on nomme hippus, se rencontre, rarement, dans
quelques maladies nerveuses (méningite tuberculeuse...). On le voit
aussi pendant la période de régression des paralysies de l'iris.
Troubles réflexes DE la pupille.
Perte du. réflexe : lumineux. Le réflexe. de l'iris à la lumière peut
faire défaut dans de multiples conditions.
L'iris peut être lésé dans son tissu, devenu rigide (iritis, glaucome).
Ces lésions se constatent en général très facilement à l'oeil nu.
D'autres fois la pupille ne réagit plus parce qu'elle est immobilisée
en mydriase ou en myosis par .une des substances chimiques que nous
avons signalées en étudiant la dilatation et le rétrécissement pupillaire.
H s'agit là d'une lésion isolée, périphérique, du système nerveux oculaire.
Dans la mydriase paralytique par l'atropine, le réflexe lumineux est com-
plètement aboli. Il persiste, au contraire, mais atténué dans la mydriase
spasmodique par la cocaïne. Dans le myosis spasmodique (ésérine, pilo-
. [PODLARD,]
92 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
carpine) ou paralytique, on constate encore mais difficilement le réflexe
lumineux à moins que le myosis ne soit maximal.
En général, la perte du réflexe lumineux vient d'une lésion du
système nerveux. Les mouvements réflexes lumineux de l'iris ont pour
voie centripète, la rétine, le nerf optique, pour centre réflexe les noyaux
dumésocéphale, pourvoie centrifuge le M. 0. C. (fig. 50). Toute lésion
interrompant cet arc réflexe amène la perle du réflexe lumineux.
L'interruption de la portion centripète de l'arc réflexe sera réalisée
dans toute affection de la rétine ou du nerf optique détruisant la totalité
des fibres nerveuses qui le constituent : section du nerf optique, atro-
phie complète avec amaurose, etc. L'amaurose complète est nécessaire
pour que l'excitation lumineuse provocatrice du réflexe pupillaire ne soit
pas transmise aux noyaux mésencéphatiques. Il suffit, en effet, de la con-
servation d'une très petite quantité de fibres sensorielles pour que la
transmission et par suite le réflexe aient lieu.
Toutefois, dans de rares circonstances, on aurait pu, malgré une
cécité en apparence complète, avec signes d'atrophie du nerf optique,
produire le réflexe pupillaire. De ces faits, qui demandent 'confirmation,
on a conclu : la voie réflexe centripète est constituée non par les fibres
sensorielles du nerf optique mais par des fibres spéciales, ne percevant
pas la lumière, réservées à la conduction réflexe. Ces fibres peuvent,
dans certaines atrophies optiques, persister et fonctionner encore quand
tout le reste du nerf optique est détruit.
Jusqu'à ce que cette opinion soit établie sur des faits précis, il faudra,
en présence d'une amaurose complète, de l'un ou des deux yeux, sans
lésions ophtalmoscopiqucs et avec persistance des réflexes, tirer la
conclusion suivante : Il s'agit très probablement d'une lésion des voies
optiques située au delà de l'arc réflexe, au delà des noyaux du mesoce-J !
pliafe, entre ceux-ci et l'éeorce cérébrale. La persistance des réflexes
pupillaires à la lumière, en cas d amaurosc complète, témoigne de ]'intl\.,
grité de l'arc réflexe sensoriel (nerf optique, noyaux mésencépfialiques.
M. 0. C).
L'examen des réflexes pupillaires a donc une grande importance pour
diagnostiquer le siège de la lésion. Il est encore très utile en cas de
simulation ou de troubles nerveux non organiques (amaurose hystérique).
Dans bien des circonstances, la voie centripète étant intacte, toutes
les fibres du M. O. C. paraissant l'être également, on constate néanmoins
l'absence du réflexe pupillaire il l'excitation lumineuse, tandis que le
réflexe persiste pour toute autre excitation (convergence, irritation
cutanée, etc ). Dans ces conditions, on est porté à admettre l'existence,
dans le tronc du M. 00 Co, de fibres spéciales à la transmission réflexe
lumineuse, et pouvant s'altérer isolément. On peut encore supposer que
la lésion qui produit la perte isolée du réflexe lumineux siège dans
les points où les fibres du M. 0. C. se dissocient, c'est-à-dire, à la péri-
)J1)('l'ie et au voisinage des centres Il)(''Sl'IH'(;phaliqlles (lîg. 3 ! 1, J, 2, ,4.
. " TROUBLES PUPILLAIRES. 95
Pour expliquer cette dissociation, certains auteurs (Coppez, l3aas) ad-
mettent une altération du noyau photomoteur et du neurone central pré-
ganglionnaire : , mais l'intégrité du neurone périphérique.
Le noyau d'accommodation-convergence, nullement altéré, transmet
toujours ses incitations au ganglion ophtalmique tout entier, et par
suite excite le neurone périphérique de la voie photomotricc réflexe
(I¡g. 30).
Signe d'Argyl Robertson : Tel que l'a décrit Argyl Robertson, c'est la
perte du réflexe pupillaire à la lumière avec conservation du réflexe
il la convergence et. accompagnement de myosis. Mais il garde toute sa
valeur séméiologique quand le myosis n'existe pas en même temps.
Ordinairement bilatéral, il peut ètre unilatéral.. Dans ce cas, la pupille
malade ne réagit pas, quel que soit l'oeil excité ; tandis que la pupille
saine réagit toujours, quel que soit l'oeil frappé par la lumière (Voir
lit, 50). Ce signe a une grande valeur séméiologique. C'est une des
principales et souvent, de longtemps, la première manifestation du
tabès, de la paralysie générale, de la syphilis cérébro-spinale.
Certains, Babinski entre autres, le considèrent comme un signe de
syphilis nerveuse. Et, de fait, presque toutes les affections nerveuses
dans lesquelles on le rencontre ont été précédées de la syphilis. C'est
au point que le signe d'Argyl Robertson, isolé ou associé, doit toujours
faire penser à la syphilis. On ne peut cependant affirmer qu'il n'existe
pas dans les affections nerveuses non syphilitiques. On l'a rencontré
dans la sclérose en plaques (une fois), dans quelques cas de syringo-
Inyélic, dans l'atrophie musculaire par névrite interstitielle hypertrophique.
Réflexe consensuel. A l'état normal, les contractions et dilatations
de la pupille ont lieu simultanément dans les deux yeux; le réflexe est
bilatéral, simultané. Ces mouvements iriens bilatéraux, simultanés, ne
se produisent pas seulement quand l'agent provocateur du réflexe exerce
son action sur les deux yeux, mais encore quand l'excitant réflexe
(lumière) agit sur un seul oeil (fîg. 59). L'excitation recueillie par l'un
des deux yeux est transmise aux deux centres excito-réffexes du mésen-
cépbale, et la réaction pupillaire est bilatérale. Si la voie centripète est
double, la voie centrifuge l'est également, chaque centre réflexe envoyant
des filets centrifuges aux deux noyaux photo-moteurs droit et gauche. La
distribution bilatérale du réflexe pupillaire se, trouve donc doublement
assurée par suite de la distribution bilatérale des voies centripètes et
centrifuges. Ce mouvement réflexe bilatéral de l'iris sous l'influence
d une excitation lumineuse unilatérale, c'est le réflexe consensuel.
Dans certaines conditions pathologiques, ce réflexe consensuel peut
présenter des modifications ou altérations, susceptibles de donner, sur
la nature et le siège des lésions en cause, d'intéressantes indications.
a) Eclairage successif de l'OD et de l'U 1.
Les réflexes homolatéral et hétérolatéral existent dans les deux cas.
[POULARD.] ]
94 TROUBLES .NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
Conclusion : Ni la portion centripète, ni la portion centrifuge de
l'arc réflexe ne sont interrompues.
Si la vision est bonne, on peut admettre l'intégrité des voies opti-
ques sensorielles de luit à l'écorce et l'intégrité des voies réflexes
centrifuges.
S'il y a amaurose d'un ou des deux côtés, concluez à une lésion
corticale organique ou fonctionnelle (hystérie) ou même à la simula-
tion, s'il y a des présomptions sérieuses.
TROUBLES PUPILLAIRES. : la
Ralentissement des mouvements pupillaires. Dans quelques cas
la pupille se contracte plus lentement que d'ordinaire, sous l'action de
la convergence; et elle ne reprend ensuite que lentement son étendue
primitive. Sa contraction et son relâchement sont ralentis. Ce phénomène
se voit particulièrement dans le tabès, dans la paralysie générale.
Réflexe pupillaire aux excitations cutanées. Son existence
démontre l'intégrité de l'arc réflexe irido-dilatateur, dont la voie centri-
pète est formée par le nerf sensitif excite et dont la voie centrifuge à
double origine (bulbaire et spinale) a été décrite ailleurs (p. 85 et fig. 58).
Il peut être utilisé en diverses circonstances, par exemple pour distin-
guer une anesthésie organique d'une anesthésie hystérique.
Réflexe pupillaire psychique (réflexe cortical, réflexe d'attention).
Un individu est placé dans une chambre noire, regardant au loin,
devant lui, sur un mur noir. Une lumière (bougie) est placée à côté de
lui, à 1 mètre environ, sur une ligne formant un angle de 45° avec la
ligne visuelle. L'observé, regardant toujours devant lui, est engagé il porter
son attention sur la lumière; aussitôt, la pupille se contracte et reste
contractée tant que l'observé maintient son attention sur la lumière.
Réaction pupillaire myotonique. Elle se voit dans le myosis
spastique. Sous l'influence de multiples excitants (lumière, convergence,
occlusion palpébrale). ce myosis peut se produire ou s'augmenter. Mais
après disparition de l'excitation, le myosis ne disparaît que lentement,
la dilatation pupillaire ne reparaît qu'au bout de 1 à 10 minutes.
Ce trouble réflexe pupillaire ne s'est vu, rarement d'ailleurs, que chez
des personnes atteintes d'affections nerveuses (tabès, paralysie générale).
On n'en connaît pas bien exactement la cause ni la signification.
Réflexe à l'occlusion des paupières.
1" La fermeture énergique des yeux provoque un rétrécissement de la
pupille qui se redilate quand le sujet ouvre les yeux.
2° Si on commande au malade de fermer les paupières et qu'on
s'oppose il ce mouvement, on voit la pupille se rétrécir en même temps
qu'elle s'élève et se. porte en dehors pour se cacher sous la paupière
supérieure.
Ces phénomènes existeraient le premier chez 41 pour 100. le second
chez 45 pour 100 des tabétiques.
Ce signe n'a pas été assez bien étudié pour qu'il soit possible d'en
tirer une conclusion valable. Il est, par exemple, certain que les réflexes
pupillaires à l'occlusion doivent varier avec les conditions d'éclairage au
moment de l'examen, et ces conditions n'ont jamais été nettement exposées.
Réflexe paradoxal. Il consiste en une dilatation pupillaire sous
l'action de la lumière et une constriction par diminution d'éclairage. La
signification de ce trouble pupillaire très rare est d'ailleurs mal connue. On
ne l'a rencontré que dans des maladies nerveuses variées très avancées.
Pillz signale encore comme réflexe paradoxal la dilatai ion pupillaire dans
la convergence et le rétrécissement, pupillaire dans le regard au loin.
[POULARD.]
96 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL. OCULAIRE
V
TROUBLES DE L'ACCOMMODATION
Le mécanisme nerveux de l'accommodation, sans doute aussi complexe
que celui des mouvements pupillaires, n'est pas encore aussi bien connu.
Il est cependant démontré que l'appareil musculaire chargé de l'accom-
modation reçoit son innervation du M. 0. C. La section ou paralysie du
M. U. C. supprime l'accommodation; son excitation l'exagère. Le sym-
pathique aurait aussi une action, son excitation produirait une diminu-
tion, sa section une augmentation de l'accommodation. C'est du moins ce
que tendent il démontrer les expériences encore discutables de Moral et
Doyen. Si ces expériences sont vraies, à côté de filets nerveux accommo-
dateurs fournis par le M. 0. C. il aurait des filets desaccommodatenrs
provenant du sympathique.
Paralysie de l'accommodation
Age. L'accommodation, très puissante chez l'enfant, s'attaibiit peu
à peu a mesure qu'on avance en âge. Chez l'emmétrope, l'insuffisance, de
l'accommodation pour la lecture se fait sentir vers 40 ans. Chez l'hyper-
métrope, l'insuffisance se montre plus lot, d'autant plus tôt que l'1lIur
nietropie est plus élevée. Le myope de trois dioptries n'ayant pas besoin
d'accommodation pour la lecture, ne se, trouve pas gêné par sa disparition.
Ces variations de l'accommodation avec l'âge doivent être connues. Ou
s'exposerait autrement à mettre sur le compte d'une paralysie ce qui est
l'effet habituel des années. (l est, par suite de ces faits, difficile de con-
stater une paralysie de l'accommodation chez une personne âgée. Cette
perte de l'accommodation avec t'age n'est nullement le résultat d'un
trouble nerveux ou musculaire, niais provient du durcissement pro-
gressif du cristallin qui perd peu à peu son élasticité.
Certaines affections du globe. Petites poussées de glaucome.
Luxation ou subluxation du cristallin. Aphakie congénitale. Début de
cataracte.
Ce sont la les seules affections du globe oculaire qui puissent détruire
l'accommodation. Les trois dernières sont dues à l'absence, au durcisse-
ment ou au déplacement du cristallin, elles ne résultent pas d'une paralysie
du muscle accommodateur. La première, au contraire, paraît résulter d'une
parésie de l'accommodation par compression des filets nerveux allant au
muscle ciliaire. Il est rare que le neurologiste qui constate une. absence
d'accommodation, se trouve en présence d'une de ces affections du globe.
Dans toutes les autres circonstances, de beaucoup les plus nombreuses, la
paralysie de l'accommodation est le résultat d'un trouble nerveux.
TROUBLES DE L'ACCOMMODATION. 97
Action de certaines substances médicamenteuses. Atropine en
instillations ou introduite dans l'organisme à dose toxique. L'homatro-
piné, la duboisine ont une action analogue.
Certaines infections générales. La diphtérie, parmi les troubles
d'intoxication nombreux auxquels elle donne lieu, amène souvent une
paralysie bilatérale de l'accommodation. Et cette paralysie présente ceci
de particulier qu'elle porte exclusivement sur l'accommodation et n'at-
teint nullement la contractilité de l'iris (type isolé). L'existence d'une
paralysie isolée de l'accommodation doit faire penser à l'intoxication
diphtérique. Souvent des angines légères attirant à peine l'attention du
médecin, prouvent leur nature diphtérique en amenant à leur suiteune
paralysie de l'accommodation. Elle a donc, dans ces conditions, une valeur
séméiologique importante.
En d'autres circonstances la paralysie de l'accommodation s'accompagne
d'autres lésions nerveuses intrinsèques ou extrinsèques du globe oculaire
(type associé).
La syphilis donne plus fréquemment que la diphtérie, des paralysies
de l'accommodation. Mais on ne rencontre pas le type isolé. L'iris est
en même temps paralysé. Toute la musculature intrinsèque est prise
(paralysie intrinsèque). Nous verrons que l'iris peut être touché, l'accom-
modation restant intacte. La syphilis peut atteindre isolément la mus-
culature intrinsèque du globe ou bien toucher en même temps d'autres
nerfs moteurs du glohe (type associé). -
On ne sait pas exactement sur quels points du système nerveux agit la
syphilis dans ces paralysies. Probablement sur les noyaux d'origine. Cette
hypothèse permet d'expliquer la paralysie dissociée du M. 0. C. Mais la
syphilis pourrait aussi bien agir sur les branches périphériques; voire
même exercer une action élective sur certaines fibres du M. 0. G. N a-t-on
pas vu la compression du M. 0. C. donner des paralysies dissociées.
Certaines intoxications alimentaires (Botulisme). Là encore la
paralysie de l'accommodation peut être isolée ou associée à d'autres
troubles de, inutilité des globes.
Affections du système nerveux. Excitation du sympathique cer-
vical. Si l'on en croit les expériences de Moral et Doyen, l'excitation
du sympathique produirait une diminution de courbure du cristallin et
par suite une diminution de l'accommodation, la section du sympathique
produirait une augmentai ion de courbure du cristallin, par conséquent
une augmentation de l'accommodation. Ces modifications expérimentales
de la courbure du cristallin sont bien difficiles à apprécier.
Paralysie du moteur oculaire commun. La paralysie du moteur
oculaire commun quelle qu'en soit la cause, traumatisme, compression,
tabès, paralysie générale, s'accompagne de paralysie de l'accommodation.
Tantôt, c'est nue paralysie complète, le muscle ciliaire ne se contractant
nullement; tantôt, c'est une paralysie incomplète simple, parésie, laissant
encore possible une accommodation de une ou quelques dioptries.
PnAT ! QUt : 'EUnOL 7
[FOULARD
i)8 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
L'iris est en mydriase plus ou moins accusée, jamais complète. Nous
avons vu que la musculature intrinsèque du globe (iris, accommodation),
innervée par le M. 0. C. pouvait être atteinte sans lésion des branches
extrinsèques du M. 0. C. L'iris est dilaté, l'accommodation est paralysée
(ophtalmoplégie intrinsèque).
Neurasthénie. Les neurasthéniques éprouvent souvent de très
grandes difficultés pour regarder de près. Ces troubles qui peuvent être
dus à une insuffisance, à une fatigue dans la fonction de convergence,
résultent quelquefois d'une insuffisance, d'une fatigue rapide de l'accom-
modation.
CO\'fR : lC1'lJltl : de L'ACCOMMODATION.
Bien plus rare que la paralysie, la contracture de l'accommodation,
appelée encore spasme de l'accommodation, présente cependant une assez
grande fréquence.
Certaines substances médicamenteuses : l'ésérine, la pilocarpine, les
mêmes substances que nous avons vues déjà provoquer le myosis donnent
aussi une contracture de l'accommodation. On la rencontre encore chez
beaucoup d'enfants, dont plusieurs, mais pas tous, sont d'un tempéra-
ment nerveux. Elle' est plus rare chez les jeunes gens et les adultes. Le
spasme de l'accommodation a été donné comme un symptôme de l'lrs-
térie. On le rencontre très fréquemment, il est vrai, chez des personnes
présentant les signes attribués cette névrose, mais on la trouve aussi,
et très souvent, en dehors d'elle. Il sera plus facile de classer ce symp-
tôme dans l'hystérie ou en dehors d'elle quand cette névrose sera
mieux connue et bien définie.
VI
TROUBLES DE LA MOTILITÉ DES PAUPIÈRES
PTOSIS paralytique.
Paralysie DU 11ELE\'EIiII de LA paupière supérieure.
Symptômes. Le ptosis ou chute de la paupière supérieure se pré-
sente sous des aspects cliniques variés, il peut être unilatéral ou bilaté-
ral, exister seul, à l'état isolé, ou s'accompagner d'autres troubles nerveux.
Ptosis isolé. Les inconvénients du ptosis diffèrent dans le ptosis
unilatéral et, dans le ptosis bilatéral.
Dans le ptosis bilatéral complot (fig. ? )), les paupières retombent sur
le globe oculaire et recouvrent la pupille, empêchant ainsi les rayons
lumineux de. pénétrer dans l'oeil. Pour éviter cet inconvénient, le malade
contracte vigoureusement son frontal, lire, en haut son sourcil, et, par
suite, élève un peu ses paupières. La contraction du frontal ne dégage
TROUBLES DE LA MOTIL1TÉ DES PAUPIERES. 99
pas suffisamment la pupille; pour y parvenir, il porte la tète fortement
en arrière. La chute des paupières, les plis frontaux, l'attitude de la
tête donnent au malade un aspect et une allure très particuliers qui
permettent, même au loin, de reconnaître un double ptosis (faciès
d'lIutchinson). Dans le
ptosis incomplet (pro-
ptosis), ces symptômes,
chute de la paupière,
contractions frontales,
extension de la tête, sont
moins accusés, quelque-
fois très légers. Ce double
ptosis est le plus souvent
une affection congénitale.
Le ptosis unilatéral
(iig. 50) est beaucoup
moins gênant. Le malade
laisse tomber sa paupière,
ne fait aucun effort pour
la relever, et se contente
de voir avec l'oeil resté
découvert. La difformité
qui en résulte parait être
le seul inconvénient. Ce-
pendant, quand le ptosis
unilatéral est complet ou
très accentué, la vision ne
se fait plus que par un oeil, et c'est un inconvénient sérieux de ne plus
avoir la vision binoculaire.
Ptosis accompagné ou associé. Le ptosis est souvent associé à
d'autres troubles nerveux du globe oculaire ou du reste de l'organisme.
Larecherche de ces symptômes associés est de la plus grande importance,
pour la localisation des lésions productrices du ptosis.
Souvent la chute de la paupière est accompagnée de la paralysie de
quelques branches motrices du globe oculaire ou d'une paralysie des
muscles intrinsèques. Le ptosis n'est, en ce cas, que la manifestation
d'une de ces paralysies dissociées que j'ai déjà eu l'occasion de dé-
crire (p. 75).
Souvent aussi, tout le M. 0. C. est pris, le ptosis n'est qu'un symptôme
obligatoire de la paralysie du M. 0. C..(p. 69).
Le ptosis peut aussi accompagner une hémiplégie, mie paralysie
faciale. C'est ce qu'on voit dans le syndrome de Weber, où il y a, d'un
côté du corps, hémiplégie, de l'autre, paralysie du M. 0. C. avec ptosis.
.Mais il existe aussi une association rarement constatée d'un ptosis isolé
avec hémiplégie du côté opposé. Ce syndrome, dit syndrome de
[POULARD.1
lig. 59. - Ptosis hilatéral (3lnras.
lui) TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
llloc'Ezuen, se serait rencontré dans une lésion à l'intérieur du lobe tem-
poro-sphénoïdal.
Diagnostic différentiel. Le ptosis vrai ou chute paralytique de la
paupière peut être confondu avec un certain nombre d'affections.
Certains neurasthéniques se plaignent souvent d'une sensation de
pesanteur et même de chute de la paupière, sans qu'il existe en réalité
aucun déplacement de la paupière. On rencontre aussi très fréquemment
des personnes qui, le matin au réveil « ne peuvent ouvrir leurs yeux »,
« sont incapables de lever les paupières ». Elles éprouvent des sensa-
tions semblables, après un travail assidu, une lecture un peu longue, etc.
Cependant la inutilité des paupières est intacte.
Dans ces conditions, le diagnostic est facile; il suffit d'être prévenu,
et d'examiner superficiellement la paupière. Dans beaucoup d'autres
affections, avec abaissement réel de la paupière supérieure, la distinction
du vrai ptosis est beaucoup plus difficile.
Certaines affections palpébrales, amenant un épaississement de la
paupière (larsile syphilitique, conjonctivite granuleuse, etc.), alourdis-
sent la paupière et déterminent un certain degré de chute palpébrale. La
fente palpébrale est nettement plus petite du côté malade. Néanmoins,
tous les mouvements de la paupière sont conservés.
Dans certains cas, d'ailleurs rares, la peau de la paupière perd son
élasticité, devient flasque, se distend, s'allonge et retombe en tablier sur
le bord ciliaire, simulant une chute de la paupière (blc·pl.nro-clnalnsis).
Une chute analogue se produit dans l'adipose palpébrale (ptosis adi-
peux).
La paralysie du grand sympathique amène un ptosis léger, auquel se
joignent du myosis, une légère enophlalinie, et, quelquefois, une dilatation
vasculaire du côté correspondant de la face.
Il existe un ptosis pseudo-paralytique hystérique, la paupière est
modérément abaissée, et, fait important, le sourcil du même côté s'abaisse
également. Une autre particularité : quand on demande au malade de
regarder en haut, ou qu'on essaye de relever la paupière, le ptosis s'ac-
centue. Il existe d'ailleurs, d'autres stigmates d'hystérie. En réalité, il
s'agit là d'une affection spasmodique, ou dans laquelle l'élément spasmo-
dique entre pour une large part.
Le blépharospasme peut aussi faire croire, au premier abord, à
l'existence d'un ptosis.
On peut rencontrer également, chez des personnes d'tige moyen, parti-
culièrement chez des femmes, un ptosis, toujours double, il évolution très
lente, mais qui peut, après quelques années, gêner la vision. C'est un pto-
sis myopathique, résultant d'une atrophie du muscle releveur. Il se ren-
contre également au début de certaines myopathies progressives (fig. 60).
Diagnostic du siège. Aspects cliniques variables suivant le
siège. Du mésocéphale à la paupière, les filets nerveux du releveur
suivent le trajet du M. 0. C. Du mésocéphale à l'écorce cérébrale, leur
TROUBLES DE LA MOTILITÉ DES PAUPIÈRES. 101
trajet, encore mal connu doit être analogue à celui des autrcs-mouve-
ments oculaires (Voir p. 77). Suivons ces voies nerveuses dans-leur
trajet précis ou problématique, et voyons ce que produit leur interruption
dans les différentes régions qu'elles traversent.
Une lésion périphérique touchant le muscle ou le filet nerveux du'
releveur dans l'orbite, peut donner une paralysie isolée de l'élévation
palpébrale. Elle peut aussi s'accompagner de symptômes de compression
des autres organes de la cavité orbitaire (paralysie des autres nerfs mo-
teurs, troubles sensitifs par compression du trijumeau, troubles visuels
par altération du nerf optique, exophtalmie, etc.).
Une lésion du tronc M. 0. C. donne en général une paralysie de
[POULARDE 1
Fig. 60. - Ptosis myopathique.
102 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE. -
toutes les branches du M. 0. C. (p. 69). Cependant on peut, même en
ce cas, rencontrer la paralysie dissociée d'une ou quelques branches du
M. 0. C., en particulier le ptosis.
Une lésion pédoncllloprotubémntièlle, . dOn).1e le syndrome de Webcr
p. 70), jamais de ptosis isolé.
La lésion des noyaux protubérantiels , origine du M. 0. G" peut,
comme une lésion périphérique, donner un ptosis isolé. C'est là le lieu
d'origine des paralysies dissociées, des ophtahnoplégies intérieure, exté-
rieure ou totale, des ophtalmoplégies nucléaires progressives que : nous
avons décrites ailleurs (p. 75). ?
L'existence de centres d'association des mouvements combinés d'élé-
vation des paupières n'est pas démontrée. C'est à une lésion de ces cen-
tres d'association qu'on est tenté d'attribuer les cas, d'ailleurs rares, de
ptosis bilatéral simultané.
Les lésions de la capsule interne ou du centre ovale ne donnent pas
de ptosis. L'étude anatomo-clinique ne nous a rien appris sur le trajet, en
ces régions, des fibres élévatrices de la paupière. Cependant, dans un cas
de tumeur, située à l'intérieur du lobe temporo-sphénoïdal, Mac' Ewen a
constaté une hémiplégie d'un côté, avec ptosis du côté opposé (syn-
drome de Mac' rlen).
On n'est guère mieux renseigné sur le centre cortical de l'élévation
palpébrale. Dans plusieurs observations cependant (Grasset, Landouzy,
. Chauffard) : , on a noté la coexistence d'un ptosis avec une lésion du pli
courbe du côté opposé. Ce sont là des faits indéniables, mais on ne peut
s'empêcher de remarquer combien ils cadrent mal avec les théories
logiques de Fleschsig, sur les fonctions de l'écorce cérébrale.
Diagnostic de la cause. Aspects cliniques variables suivant la
cause. - Étiologie. - Les causes du ptosis sont les mêmes que celles
des paralysies oculaires en général (Voir p. 81). Signalons cependant
quelques particularités du ptosis.
Ptosis traumatique curable. Souvent à la suite d'un traumatisme,
Æême léger, du front ou de l'arcade orbitaire, survient un ptosis qui
guérit spontanément en quelques jours. -
Ptosis congénital. Il est souvent accompagné d'autres anomalies
congénitales (insuffisance de l'élévation des globes, épicanthus, nystag-
mus, troubles intellectuels, etc.). On le rencontre quelquefois chez plu-
sieurs personnes delà même famille (ptosis congénital héréditaire). Il
présente parfois un phénomène très intéressant : la paupière immobile se
met en mouvement et se relève pendant la mastication. Cette influence
du centre masticateur sur les mouvements palpébraux, peut s'observer
aussi chez des individus sains en dehors de tout ptosis.
La cause véritable du ptosis congénital ne se retrouve pas toujours.
Souvent c'est la syphilis.
Vertige paralysant de Gerlier. - Cette affection débute par des dou-
leurs cervicales et s'accompagne de troubles de la vue, de résolution
TROUBLES DE LA MOTILITÉ DES PAUPIÈRES. 105
musculaire et d'un ptosis plus ou moins complet. Elle marche par accès
qui durent 10 minutes environ. Gerlier en observa une épidémie. Le
ptosis est le dernier symptôme à disparaître. '
Le ¡¡{osis myopatlrique, toujours double, évolue très lentement. Il est
le résultat d'une atrophie du relcveur. 11 marque souvent le début de
certaines myopathies progressives.
Traitement. Il faut traiter l'affection qui a causé le ptosis (syphilis,
intoxications, etc.). Dans certains cas, l'électricité a peut-être eu quelque
action bienfaisante.
Après plusieurs mois d'attente sans résultat, il faut recourir aux pro-
cédés chirurgicaux qui consistent il rattacher le rcleveur de la paupière,
soit au muscle frontal, soit au muscle droit supérieur, élévateur du
globe oculaire.
1..\GOI'IITAL)IIE PAIULYTllJCE.
.. Paralysie de l'oumculaire des paupières.
La lagoplualmie. c'est la perte du mouvement d'occlusion palpébrale.
La tagopinalune paralytique est toujours accompagnée d'une paralysie
faciale du même côté. Elle est due il la paralysie d'un des muscles inner-
vés par le nerf facial, l'orbiculaire des paupières.
Je ne m'occupe ici que des troubles oculaires consécutifs à la paralysie
de ce muscle, et laisse de côté tout ce qui a trait aux symptômes ou à
l'étiologie de la paralysie faciale (Voir Paralysie faciale).
Dans une paralysie faciale périphérique, totale, intéressant à la fois le
facial supérieur et le facial inférieur, on est frappé par ce fait que, l'un
des yeux, celui du côté malade, est largement ouvert, plus grand que
celui du côté opposé. Autour de l'oeil, la peau du front est plus lisse, le
sourcil plus élevé que du côté sain ('¡g. Ii 1).
Pendant l'examen de l'oeil. les paupières restent immobiles, la fente
palpébrale toujours large : aucun clignement ne se produit. Cette immo-
bilité contraste avec la mobilité des paupières du côté sain, lesquelles,
par des clignements réguliers recouvrent périodiquement, la surface du
globe oculaire. Si même on demande au malade de fermer un oeil, il est
incapable d'amener l'occlusion complète de la fente palpébrale (fig. 62).
Souvent aussi une autre particularité frappe l'observateur : l'oeil est
humide ; le bord palpébral. légèrement écarté du globe, forme avec celui-ci
un fossé rempli de larmes; quelquefois il existe un véritable larmoiement.
Tous ces symptômes résultent de la paralysie du muscle orbiculaire.
Ayant perdu sa ('olill'adilité il ne rapproche plus les paupières et déter-
mine la lagophtalll11l' : manquant de tonicité, il applique mal les pau-
pières sur le globe, d'où le sillon rempli de larmes le long du bord palpé-
bral inférieur. Le larmoiement est dû il la paralysie du musclc Ilo IIorner,
portion de l'orbiculaire en rapport avec les canalicules lacrymaux.
La cornée, en l'absence de clignement, n'est plus mouillée par les
[POULARD.]
104 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
larmes, elle se dessèche au contact de l'air et finit par s'ulcérer. L'oeil
devient rouge, s'enflamme et peut même s'infecter, si des germes, profi-
tant de l'ulcération, viennent s'y installer. De là, des complications, sou-
vent graves, pouvant entraîner des troubles . visuels considérables et
même la perte de l'oeil.
La lagophtalmie paralytique, n'est pas toujours aussi accentuée; elle
peut se rencontrer à des degrés divers. Les mouvements palpébraux peu-
vent être conservés. Dans l'effort d'occlusion, l'oeil se ferme presque
complètement; cependant, les bords ciliaires n'arrivent pas en-contact,
une ouverture persiste au niveau de laquelle la cornée reste découverte..
Dans quelques cas de paralysie orbiculaire on a constaté l'absence de-
larmoiement. Cela semble résulter d'une diminution, de la sécrétion
lacrymale. Le facial contiendrait des filets sécréteurs des larmes (comme
Fig. 61. Paralysie faciale gauche.-
TROUBLES DE LA MOTILITÉ DES PAUPrERES. -1 U
il contient des filets sécréteurs de la salive). Ces fibres sécrétoires se
détachent du facial, dans le rocher, au niveau du ganglion géniculé. De
là elles passent dans le grand nerf pétreux superficiel, le nerf vidien qui
lui fait suite, arrivent au ganglion splié.no-palatin, le traversent, pénètrent
dans le nerf maxilllaire supérieur, puis dans son rameau orbitaire lequel-
s'anastomose avec le nerf lacrymal lui-même (fig. 63).
Dans ces conditions, une lésion périphérique siégeant au niveau du
trou stylo-mastoïdien n'intéressera pas les filets sécrétoires et donnera du
larmoiement par paralysie du muscle de Corner; au contraire, une lésion
intra-pétreusc intéressant les origines, du grand pétreux superficiel sup-
prime les filets sécrétoires et par suite la sécrétion lacrymale (paralysie de
l'orbiculaire .sans larmoiement). Un signe qui dénote la prise du grand nerf
pétreux superficiel, c'est une paralysie de la luette et du voile du palais.
[POULARD.]
Fig. 62. Paralysie faciale gauche. Le malade essaye vainement de fermer les yeux.
106- TROUBLES : Vl;R1 ! iUX 1)l : L'APPAREIL OCULAIRE..
Troubles palpébraux dans les pamlysies du facial inférieur . La
lagophtalmie n'existe que dans les paralysies périphériques du facial
dues à une lésion siégeant entre le noyau hulbaire et la périphérie. '
Cependant, dans les paralysies
centrales, l'orbiculaire n'est pas
intact et on peut souvent déceler
,sa participation. -
Signe de Revillod : Si l'on demande il un hémiplégique atteint de pa-
ralysie faciale inférieure de fermer les deux yeux, il les ferme ; il peut
également fermer l'oeil du côté sain en laissant l'oeil du côté paralysé
ouvert; mais l'inverse est impossible, il ne peut fermer l'oeil du côté
paralysé en laissant l'autre ouvert.
Diagnostic différentiel. La lagophtalmie accompagne, en général,
la paralysie faciale, mais on peut encore la rencontrer dans bon nombre
d'autres circonstances.
L'exophtalmie, par propulsion mécanique du globe en avant écarte les
paupières et peut gêner leur occlusion. Le goitre exophtalmique peut
agir par le même mécanisme, mais plus souvent il produit une rétraction
des paupières due à la contraction spasmodique des fibres lisses de Mul-
ler. L'absence d'occlusion palpébrale, dans ce cas, constitue le signe de
Stehvag (Voir Goitre exophtalmique).
Elle peut aussi résulter d'une altération portant sur le muscle lui-
même, comme cela se voit dans certaines, atrophies musculaires pro-
agressives. Elle se rencontre encore dans, les rétractions cicatricielles
des paupières. Quelquefois, dans les maladies graves, aux approches de e
l'agonie, le clignement se fait mal, les yeux restent entr'ouverts, d'où la
production fréquente d'ulcérations à la partie inférieure de la cornée.
(Voir Paralysie faciale.)
Traitement. C'est celui de la paralysie faciale. Si au bout de plu-
sieurs mois le traitement médical ne s'est point montré efficace, il faut
rétrécir çhirurgicalement la fente palpébrale à l'aide d'une blépharor-
raphie partielle de la partie interne et externe de la fente palpébrale. On.
évite ainsi les complications que provoque l'ouverture permanente des
Fig. 65. Trajet supposé des fibres sécré-
toires des larmes venant du facial. A, nerf
facial; IL ganglion géniculé ; C, corde du
tympan; D, grand nerf pétreux superficiel;
E, ganglion sphéno-palatin ; F, ganglion de
uasser el les trois branches du trijumeau; G, nerf maxillaire supérieur; II, rameau orbilaire
du maxillaire qui anastomose ce uerf avec le rameau lacrymal de l'ophtalmique; I, nerf lacry-
mal ; li, glande lacrymale.
TROUBLES DE LA 310TLLlTÉ DES PAUPIÈRES. 107 :
paupières : larmoiement, érosions et ulcérations cornéennes, ectropion de
la paupière inférieure. La menace de complications cornéennes obligé,
quelquefois à faire une blépharorraphie précoce.
VII '
. EXOPHTALMIE
L'exophtalmie, symptôme commun à de nombreuses affections, con-
stitue la manifestation principale d'une maladie qui, sans être de nature
exclusivement nerveuse, donne cependant naissance à une multitude de
troubles nerveux, le goitre exophtalmique. C'est à ce titre qu'elle trouve
place ici.
EXOPHTALMIE DE LA MALADIE DE BASEDO ?
Les deux yeux font saillie entre les paupières fortement écartées ou
rétractées. Quelquefois, en effet, l'exophtalmie étant considérable, le globe-
saillant écarte les paupières;
d'autres fois l'oeil est modéré-
ment saillant, mais les pau-
pières rétractées, élargissent la
fente palpébrale et laissent voir
nne grande étendue de la sclé-
rotique (fig. 64).
Signe de Stelwag. Cette
rétraction des paupières con-
stitue le signe de Stehvag;
dans les cas très accusés, l'oc-
clnsion des paupières devient
difficile ou même impossible ;
une partie du globe oculaire
reste toujours à découvert
(lagophtalmie).
Signe de de Graefe.
Consiste en une sorte de désé-
quilibre, une absence de sy-
nergie, entre les mouvements
de la paupière supérieure et
ceux du globe. Quand le ma-
lade regarde en bas la paupière supérieure s'ahaisse moins vite que
le globe, elle s'attarde, elle s'arrête tandis que le globe continue à des-
cendre ; et on voit la sclérotique sus-cornéenne se decouvri' dans une
plus ou moins grande étendue.
[POULARD.]
Fig. 64. Goitre exophtalmique (E. Boix).
108 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
Signe de Roserzhach. Ce signe est constitué par la rareté ou même
l'absence de clignement. Comme les signes de Stclwag et de de Gracie,
il est dû à la rétraction spasmodique des paupières.
A côté de ces signes, plus fréquents et plus importants, qui caractérisent
l'exophtalmie si particulière de la maladie de Basedow, on peut rencontrer
d'antres troubles oculaires.
Modification de la sécrétion lacrymale. L'augmentation de la
sécrétion lacrymale peut résulter de l'exophtalmie elle-même, de l'écarte-
ment palpébral, de l'insuffisance du clignement. De là une irritation
cornéennequi provoque de la sécrétion..11 n'est pas nécessaire d'invoquer
un trouble nerveux.
Paralysies musculaires. Se voient quelquefois. Paralysie de la con-
vergence (Moebius), des abducteurs (Stelwag), des obliques (Jendrassil : );
oplhalrnoplégic extérieure (Ballet) ; parésic du facial ; parésie du tri-
jumeau. On peut aussi constater un léger tremblement des paupières,
du nystagmus, en relation sans doute avec le tremblement généralisé.
Trouble de la vue. Il existe quelquefois, une certaine fatigue
dans l'exercice de la vision, la fixation devient pénible. La rétine est
très sensible à la lumière, il y a de la pholophobie. Mais il faut bien
avouer qu'en général l'intégrité de la vue est complète et contraste
avec l'exophtalmie.
Cette exophtalmie du goitre apparaît lentement ou brusquement; se
montre avant ou après les autres manifestations de la maladif ! de Base-
dow. Elle peut exceptionnellement être unilatérale. Elle est toujours axile
et réductible.
Valeur séméiologiqne. L'exophtalmie avec les caractères que nous
venons de lui décrire, a une valeur séméiologique considérable pour le
diagnostic de la maladie de Basedow. II faut .toujours rechercher les signes
de de Graefe, de Stelwag, de llosenbach. Mais, en même temps, il faut
rechercher les autres symptômes de la maladie de Basedow, la ta-
chycardie, le goitre, le tremblement.
L'exophtalmie bilatérale peut être réalisée ou simulée par certaines
affections dyspnéiques comme l'asthme, les troubles circulatoires pul-
monaires, d'une manière passagère et peu accentuée ; t'anévrysme de
l'artère basilairc, maladie exceptionnelle accompagnée de symptômes
hullm-protnhérantiels; la thrombose des sinus, évoluant avec des svmp-
tÙmes infectieux locaux et généraux très accusés.
L'exophtalmie unilatérale peut être produite par des affections
nombreuses que je me contente de signaler : teshémorrhagies orbitaires,
l'emphysème de l'orbite, le phlegmon de l'orbite, la tenonite, l'ophtal-
moptégie totale, les productions de l'orbite néoplasiques, inflammatoires
ou vasculaires.
NYSTAGMUS OU Tltl : )1131.1 : )ll : \·l' U(;Ul,.tlltl ? Ion
VIII
NYSTAGMUS OU TREMBLEMENT OCULAIRE
Le nystagmus ou 1l'l'mblellH'nl oculaire est un mouvementdu globe invo-
lontaire, rythmique, d'une rapidité anormale et d'une faible amplitude.
Continu dans certains cas, il est intermittent dans d'autres.
L'aspect clinique du nystagmus nie semble trop variable pour que la
définition précédente puisse convenir à tous les cas. On pourrait attaquer
presque tous les caractères qui viennent d'être donnés pour définir le
nystagmus en général. En conséquence, il ne faut accepter cette défini-
tion que sous réserves.
On distingue plusieurs variétés de tremblement oculaire suivant le
sens des mouvements. Il y a un nystagmus horizontal . le plus fréquent,
un nystagmus vertical beaucoup plus rare, un nystagmus oblique, un
nystagmus rolaloire dans lequel le globe oculaire exécute des mouve-
ments autour de son axe antéro-postérieur. Le plus souvent ces diverses
variétés de tremblement s'associent les unes aux autres (nystagmus
mixte). C'est ainsi que le nystagmus rotatoire n'existe jamais seul.
Certains tremblements oculaires sont des oscillations douces, d'attirés
sont brusques, saccadés (nystagmus saccadé).
Le nystagmus peut subir certaines influences modératrices ou accélé-
ratrices : le sommeil l'arrête; il augmente pendant l'examen du médecin,
pendant la fixation; la direction du regard le fait varier, l'augmente ou
le diminue; le rapprochement inusité de l'objet en fixation tantôt le fait
apparaître, tantôt le l'ait disparaître; l'occlusion d'un oeil peut l'augmenter.
En même temps que le nystagmus, on peut observer des oscillations
de la tête qui se font autour du même axe que le nystagmus, mais en
sens contraire, comme s'il s'agissait de mouvements compensateurs. Les
excursions du globe sont souvent diminuées dans une ou plusieurs
directions, les champs du regard sont modifiés. Les troubles visuels qui
résultent du nystagmus sont souvent inappréciables (nystagmus congénital).
D'autres fois le tremblement oculaire s'accompagne d'un mouvement, d'un
tremblement analogue des objets, d'où une gène très grande de la vision,
des vertiges, des malaises, etc.
. \AItOETËS 1· : 'l'IOLOl : IlliL.
Les causes du nystagmus sont trop mal connues encore pour per-
mettre d'établir une bonne classification étiologique..) essayerai néan-
moins de mettre en lumière les points qui rapprochent ou éloignent
les unes des autres les différentes variétés de nystagmus.
Nous pouvons dès le début, établir deux grandes classes de nystagmus.
le nystagmus congénital et le nystagmus acquis.
[POULARD] ]
1111 Tllma3LES \EIWEU\ DE L'APPAtOEIL OCULATlm.
I. Nystagmus congénital. a. Presque toujours le nystagmus
congénital s'accompagne d'un affaiblissement de l'acuité visuelle. Les
troubles visuels sont très variés : troubles des milieux oculaires (opacités
cornéennes, l'l'ISti111rIlIC'nllls) ; inflammations intraoculaires (choroïdites,
rétinites); défauts de développement (llllct'ophta11111e, colobomes); albi-
nisme ; anomalies de réfraction à hauts degrés; cécité pour les couleurs;
hémorrhagies rétiniennes des nouveau-nés, etc.
Cette multiplicité des lésions oculaires montre que la cause du
nystagmus n'est pas telle lésion oculaire plutôt que telle autre, mais
l'altération de l'organe visuel quelle qu'en soit la cause (hémorrhagie,
choroïdite, cataracte, etc.) et la diminution de la vision qui en résulte.
La fréquence des altérations oculaires dans le nystagmus congénital donne
à ce groupe une assez grande cohésion, et le distingue de ta plupart des
autres nystagmus dont la cause est une altération du système nerveux.
b. Quelquefois cependant, on rencontre un nystagmus congénital
avec bonne acuité visuelle. 11 apparaît dans le regard inattentif, et dis- ,
parait dans la fixation. Souvent plusieurs membres d'une même famille
en sont atteints, témoignage de l'influence héréditaire. Audéoud l'a vu
chez sept membres d'une même famille. J'ai souvent constaté chez des
personnes adultes ayant un appareil visuel parfaitement intact, du
nystagmus très léger dans le regard vague. Le substratum anatomique de
ce nystagmus est complètement inconnu. Il s'agit peut-être d'une lésion ou
d'un vice de développement de certaines parties du système nerveux, dont
l'altération, nous le verrons, est susceptible de produire le nystagmus.
Dans le nystagmus congénital on ne perçoit jamais de mouvement,
apparent des objets.
II. Nystagmus acquis. A part le nystagmus des mineurs et
celui des affections de l'oreille dont les causes, encore mal connues, sont,
peut-être d'origine nerveuse; à part le nystagmus (pas un vrai nystagmus)
qui accompagne les rétrécissements très accentués du champ visuel, tous
les autres nystagmus accompagnent des affections nerveuses. Le nys-
tagmus est donc avant tout une manifestation nerveuse.
Nystagmus des mineurs. 11 survient chez les mineurs à la suite
d'un travail prolongé dans la mine, surtout à la suite d'un travail couché.
Souvent il disparait spontanément quand le mineur travaille au jour. Ce
nystagmus donne la sensation du mouvement des objets extérieurs, et
provoque ainsi des vertiges. Les mouvements volontaircs des globes
oculaires sont très diminués pendant, les périodes de nystagmus.
La cause en est mal connue. On l'attribue à la position couchée des
mineurs, à l'éclairage insuffisant. Mais on l'a vu se produire chez des
mineurs travaillant debout et suffisamment éclairés. Certains pensent
qu'il s'agit d'une intoxication. En réalité, on ne sait pas exactement par
quel mécanisme la mine agit pour déterminer le nystagmus. Il résulte, sans
doute, d'une fatigue ou d'une intoxication du système nerveux oculaire.
Nystagmus dans les affections de l'oreille. Une injection trop
.NYSTAGMUS OU TREMBLEMENT OCULAIRE. '" III t
vivement poussée dans le conduit auditif externe, ou une insufflation
d'air dans la trompe d'Eustactie provoquent momentanément un nystagmus
avec vertige et titubation.
Certaines maladies de l'oreille, surtout celles qui sont vertigineuses et
déséquilibrantes, s'accompagnent de nystagmus.
Les lésions opératoires ou spontanées du labyrinthe, les suppurations
de l'oreille peuvent amener des troubles analogues. L'introduction d'un
instrument dans une oreille, suppurante, le catbétérisme d'une fistule,
suffisent, chez certains malades, à provoquer un nystagmus passager.
Pour expliquer ce nystagmus auriculaire, on invoque des causes variées :
modifications de la pression labyrinthique, irritation ou interruption du
nerf vestibulaire qui transmet niai ou ne transmet plus aux centres mo-
teurs bulbo-protubérantiels, au cervelet et au cerveau, les impressions
fournies par les canaux semi-circoluires, considérés comme jouant un
rôle important dans l'équilibration.
Nystagmus dans les maladies nerveuses. Le nystagmus peut se
rencontrer dans un grand nombre de maladies nerveuses, mais avec une
fréquence inégale. Dans certaines affections, il est une manifestation rare,
dans d'autres, il constitue un symptôme habitue) de la maladie. C'est
le cas pour la sclérose en plaques, la maladie de Friedreich.
Vices de conformation de la tète et du cerveau : Il se produit indiffé-
remment dans toutes les déformations du crâne ou du cerveau. Cette
variété doit être attribuée il une altération du système nerveux.
Sclérose en plaques. On le rencontre dans la moitié des scléroses en
plaques. Il présente des modalités diverses. Il peut être léger ou très accusé,
continu ou intermittent; quelquefois, absent dans le regard vague, il "
apparaît dans la fixation; dans 1`2 pour 100 des cas, il ne se montre que
dans les mouvements latéraux des yeux; dans 16 pour 100 des scléroses,
les oscillations nystagmiques augmentent dans les mouvements laté-
raux. Ces dernières particularités sont intéressantes à constater dans
une affection dont l'un des principaux symptômes, le tremblement des
membres, augmente dans les mouvements intentionnels.
Le nystagmus de la sclérose en plaques n'est pas toujours persistant,
il peut, exceptionnellement, disparaître.
L'observation anatomo-cliniqne a permis de constater que le nys-
tagmus est plus fréquent quand la sclérose intéresse les centres encé-
plialiques, quand il existe des lésions de la protubérance, du cervelet,
du bulbe, des tubercules quadrijumeaux, du oc ventricule, des corps
restiformes, des couches optiques.
Affections des couches optiques, du 4e ventricule, corps restifornies,
du cervelet. Dans plusieurs autopsies de malades atteints de nystagmus,
on a rencontré des lésions de diflérento nature, intéressant les organes
nerveux précédents.
Tuberculose méningée : Il existe surtout dans les localisations basilaires
ou pédonculaires : c'est la cause la plus habituelle du nystagmus chez
IPOVLARD]
Il'2 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
l'enfant. Le nystagmus s'accompagne souvent d'autres manifestations :
névrite optique, paralysies oculaires, symptômes de méningite.
Syphilis cérébrale héréditaire, maladie de Friedreich, Ilérédo-
ataxie cérébelleuse. Parfois, chez l'enfant, dans les dix premières années,
on voit apparaître un nystagmus persistant; les membres supérieurs se
niellent à trembler dans les mouvements volontaires; les membres infé-
rieurs sont pris d'incoordination motrice; les réflexes rotuliens disparais-
sent. C'est le tableau clinique de la maladie de Friedreich. Le nystagmus
de 1'I1l"rédo-ataxie cérébelleuse est tout à fait analogue.
Tumeurs du cervelet (gliomes, sarcomes) : Il s'accompagne fréquem-j
meut de céphalées, vomissements, névrite optique, titubation. ,
Tubes, myélites diffuses, syringomyélie, etc. : Il n'existe guère dans le
tabès, si ce n'est dans cette affection décrite par Friedreich, sous le nom
de tabès héréditaire et dont il constitue un des syndromes habituels.
C'est un symptôme exceptionnel dans les myélites diffuses, la syringo-
uy-élic, etc. Il en est de même du nystagmus par traumatisme du crâne.
Hystérie : Il y l'ut quelquefois constaté. Plusieurs fois il était accom-
pagne de blépharospasine. Tantôt continu, tantôt intermittent, il survient
par crises de quelques minutes, provoquées ou exagérées par l'exci-
tation lumineuse.
Paralysies ou parésies oculaires. Ce n'esl point un véritable nystagmus
(Voir p. 00). Ce sont des saccades intermittentes qui se produisent quand
on demande au malade de tourner ses yeux dans le sens d'action du muscle
parésié. Il faut savoir le distinguer du véritable nystagmus.
Autres variétés rares de nystagmus. Le nystagmus se rencontre
encore dans l'agonie, dans certaines affections dyspnéiques. On voit
aussi une variété spéciale de nystagmus dans le rétrécissement considé-
rable du champ visuel, chez des personnes aveugles ou presque aveugles.
11 existe un nystagmus unilatéral, exceptionnel. On l'a observé sur
un oeil dévié ou amblyope. Les oscillations sont surtout verticales et beau-
coup moins rapides.
L'étude que nous venons de faire, démontre que, à part le nystagmus
des mineurs et le nystagmus auriculaire dont les causes sont encore
mal connues, à part le nystagmus lié à une affection oculaire diminuant
la vision (presque toujours congénitale), tous les nystagmus accom-
pagnent ou sont la conséquence d'affections nerveuses que nous avons ?
énumérées. En outre, des faits expérimentaux et anatomo-cliniques dans
le détail desquels nous ne pouvons entrer, nous permettent même de
localiser plus exactement le siège des lésions productrices du nystagmus.
Par conséquent, en présence d'un nystagmus sans altérations oculaires,
sans maladies de l'oreille, sans causes professionnelles, il faut penser à
une affection nerveuse, à l'une de celles que nous avons énumérées, et
soupçonner l'existence d'une lésion plus particulièrement localisée au
cervelet, à la couche optique, au 4e ventricule, au corps restifonne, à la
protubérance, aux tubercules quadrijumeaux, ou au bulbe.
TROUBLES DE LA SÉCRÉTION LACRYMALE. 115
IX
I TROUBLES DE LA SÉCRÉTION LACRYMALE
Hypersécrétion. L'hypersécrétion lacrymale se manifeste par
la production d'une quantité exagérée de larmes et, en conséquence,
l'apparition du larmoiement.
L'existence du larmoiement ne suffit pas pour conclure à une hyper-
sécrétion lacrymale. Dans la plupart des cas, en effet, le larmoiement est
dû, non à une hypersécrétion véritable, mais à l'hypoexcrétion des
larmes, it l'oblitération des voies d'écoulement des larmes (points lacry-
maux oblitérés oit évcrsés, oblitération du canal nasal, paralysie de l'orhi-
culaire, etc.). Cependant, il faut reconnaître que les voies lacrymales
oblitérées et enflammées peuvent produire de l'hypersécrétion par action
réflexe.
Valeur séméiologique. Le larmoiement peut être psychique, émo-
tionnel. Il s'exagère beaucoup dans certaines maladies nerveuses.
Habituellement, l'hypersécrétion lacrymale est provoquée par Y irrita-
tion de la cornée, des paupières, de la conjonctive, des voies lacry-
males, des fosses nasales. C'est un larmoiement réflexe. L'arc nerveux
(fi ? ()5) possède une voie centripète, les filets du nerf trijumeau, et
une voie centrifuge, très sinueuse, passant par le facial, le grand pétreux
superficiel, le nerf vidien, le ganglion le nerf maxillaire
supérieur et son rameau orbitaire anastomosé avec le nerf lacrymal.
Voilà pourquoi certaines paralysies faciales intrapétreuses diminuent la
section lacrymale (Goldzielici- '). L'expérimentation a d'ailleurs confirmé
ces faits (Ti-il)oti(leati). L'irritation pathologique du facial inlra-pétreux
ou des filets sécrétoires dans leur long trajet, pourra donc amener une
hypersécrétion lacrymale, leur section une diminution ou arrêt de la sé-
crétion.
L'action du trijumeau sur la sécrétion lacrymale est indiscutable :
il constitue la voie centripète de l'arc réflexe lacrynialo-séeréteur.
L'excitation du trijumeau (cornée, conjonctive, etc.) amène du lar-
moiement ; sa paralysie, une diminution de la sécrétion lacrymale de
cause réflexe.
Certains pensent qu'en dehors des filets centripètes excito-réflexes, le
trijumeau contient des filets, centrifuges excito-sécrétoires des larmes.
Quelques faits viennent à l'appui de cette opinion : l'hypersécrétion
lacrymale résultant de l'excitation du bout périphérique du nerf lacrymal,
aussi bien que de l'excitation du rameau orbitaire du nerf maxillaire
supérieur, la diminution de la sécrétion lacrymale dans la paralysie du
PHATIQUE XEUROL. 8
· (foulard.
1 l I¡ TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
trijumeau. Dans ce dernier cas, il est vrai, l'hypersécrétion peut être
attribuée à l'absence de la portion centripète de l'arc réflexe (trijumeau).
Mais, comment expliquer l'abolition, dans certaines paralysies du triju-
meau, non seulement de la sécrétion réflexe, mais encore de la sécrétion
psychique émotionnelle ? Enfin, le trijumeau contient des nerfs vaso-di-
latateurs par lesquels il doit avoir une action sur la sécrétion lacrymale.
Dans ces conditions, il côté de la voie secrétaire centrifuge passant par le
facial, il y aurait une voie secrétaire centrifuge, probablement vaso-
dilatatrice suivant le trijumeau. L'irritation pathologique du trijumeau,
pourrait, en ce cas, amener une hypersécrétion lacrymale, par action sur
des filets sécréteurs centrifuges.
Mais c'est la une simple opinion que la clinique n'a point encore bien
contrôlée. Elle est d'ailleurs beaucoup discutée. Pour Krauss, la diminu-
tion de la sécrétion lacrymale après résection du ganglion de Casser,
serait due à la lésion concomitante du grand nerf pétreux. D'autre part,
Gérard Marchand et Ilerbet n'auraient constaté aucune modification de
la sécrétion lacrymale après deux ablations du ganglion de Casser. Enfin
je pourrais ajouter encore l'argument suivant : La conservation de la
sécrétion psychique émotionnelle dans certains cas de kératite neuro-
paralytique tient peut-être au siège différent, des lésions. La sécrétion
psychique persisterait dans les lésions postérieures du trijumeau
(tronc, ganglion de Casser, tronc ophtalmique); elle manquerait au con-
traire dans les lésions périphériques (orbite), touchant le trijumeau après
qu'il a été rejoint par les filets sécréteurs du facial (nerf lacrymal).
Le rôle du symphatiquc dans la sécrétion lacrymale, n'est peut-être
pas à négliger complètement. Après la section du sympathique, il y a
une augmentation très passagère de la sécrétion lacrymale, due sans
doute à une action vaso-motrice.
Hyposécrétion. La sécrétion lacrymale est parfois très dimi-
nuée chez des individus paraissant il Y état normal. Les causes locales
d'hyposécrétion sont d'ailleurs très rares, elles n'existent guère en
dehors des lésions cicatricielles de la conjonctive (xerophtalll11e). L'by-
posécrétion lacrymale peut être le résultat d'une paralysie faciale quand
la lésion atteint les filets sécréteurs dont nous avons ailleurs étudié le
trajet (Voir p. 104). Elle existe enfin dans la paralysie du nel'f (¡'iju-
meau.
Sécrétions anormales. Dans de rares, mais indéniables cir-
constances on a, chez des hystériques, constaté la production sur la
conjonctive d'un suintement rouge qualifié « larmes de sang ».
TROUBLES SENSITIFS DE L'APPAREIL OCULAIRE. 115
X
TROUBLES SENSITIFS DE L'APPAREIL OCULAIRE
PffËXOMÈXES DOULOUREUX DANS L APPAREIL VISUEL.
Affections inflammatoires des annexes de ruz<7 : Une inflammation
du sac lacrymal, un abcès des paupières, une périostite orbitaire, une
suppuration du tissu cellulaire de l'orbite développée dans la paroi osseuse
ou venant des sinus, une tumeur de l'orbite, une adénite de la glande
lacrymale, peuvent provoquer des douleurs modérées ou intenses. Le
zona ophtalmique s'accompagne habituellement de névralgie.
Affections du globe : Une kératite (inflammation de la cornée), une
iritis (inflammation de l'iris), donnent des douleurs plus ou moins vives
dans le globe ou dans le pourtour de l'orbite. II en est de même du glau-
come (névralgie optico-ciliaire) dont les manifestations douloureuses
semblent être le résultat de la compression des filets ciliaircs du
trijumeau par le contenu hypertendu du globe oculaire.
Névralgie de la branche ophtalmique du trijumeau (Voir Névralgie
FACIALE, ZO\.1 OPHTALMIQUE) .
Migraine ophtalmique (Voir Migraine ophtalmique).
t\EST11ÉSIE DE L'OEIL.
Le globe oculaire possède une sensibilité particulière li pression qu'il
peut perdre dans certaines conditions. Cette anesthésie du globe à la
compression est très comparable a l'anesthésie testiculaire fréquemment
constatée au cours du tabès et d'autres affections nerveuses.
Cependant, par anesthésie de l'oeil, on entend, en général, la perte de
la sensibilité au contact dans les portions explorables du globe oculaire
et particulièrement dans sa portion la plus sensible, la cornée.
L'anesthésie cornéenne peut avoir une origine oculaire comme celle
qui survient dans le glaucome ou après des instillations de substances
anesthésiques (cocaïne, stovaïne, etc.). Dans ce cas l'anesthésie est limitée
au globe oculaire.
L'anesthésie cornéenne peut être d'origine cérébrale et accompagner
les hémianesthésies organiques ou hystériques. Dans ce cas l'anesthésie
s'étend très loin, aux paupières, à la face, à toute la moitié du corps.
Rappelons que l'absence du réflexe palpébral il l'attouchement de la cornée
est considérée comme un signe d'hystérie.
Enfin une troisième variété d'anesthésie cornéenne est celle qui accom-
pagne les lésions du nerf trijumeau entier ou de sa branche ophtalmique.
[POULARD ]
UC TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
Par opposition aux précédentes, on pourrait l'appeler anesthésie d'origine
névritique. Toutes les lésions du trijumeau, depuis son origine hulbo-
protubérantielle jusqu'à sa périphérie, sont capables de la produire. Elle
peut être la conséquence d'une lésion périphérique néoplasique ou
inflammatoire, sur le trajet intracranien ou intraorbitairc du nerf triju-
meau ou de sa branche ophtalmique. D'autres nerfs de la base du crâne
ou de l'orbite sont souvent atteints en même temps. Elle peut résulter
d'une lésion bntbo-protnberantiette (tumeur, ramollissement), atteignant
les origines du nerf trijumeau. Dans ce cas, l'anesthésie peut être ou
isolée ou associée a la lésion d'autres organes butbo-protuberantieis. On
observe aussi des paralysies alternes sensitives (anesthésie faciale d'un
côté et anesthésie des membres du côté opposé). Il peut t y avoir anes-
thésie et paralysie faciale d'un cote avec paralysie des membres du
côté opposé, l'anesthésie faciale constituant une adjonction au syndrome
de Millard-Gubler. On voit même la superposition d'une paralysie alterne
motrice et d'une paralysie alterne sensitive.
C'est dans cette variété d'anesthésie, par altération du nerf trijumeau,
qu'on observe les altérations cornéennes dont l'ensemble a été désigné
sous le nom de kératite neuro-paratytique.
Kératite neuro-paralytique. L'anestbesie par lésion du nerf
trijumeau se complique souvent d'une véritable kératite attribuée il des
troubles nerveux et dénommée pour cette raison kératite neuro-para-
y tique.
La cornée perd sa transparence habituelle, devient mate, se trouble
légèrement, répithélium est exfolié. Ces lésions commencent au centre
de la cornée et s'étendent ensuite vers la périphérie. Légères au début,
elles s'accentuent peu il peu, lentement; l'opacité augmente surtout au
centre qui prend une teinte uniformément grise. L'examen il la loupe
montre que ce trouble cornéen est formé par de petites taches grises
nombreuses très rapprochées les unes des autres. ,
La cornée peut rester longtemps en cet état ou s'éclaircir en laissant
toutefois une opacité plus ou moins accentuée; mais d'autres fois l'opa-
cité augmente, jaunit, se ramollit, s'ulcère, et produit de larges pertes
de substance à la surface cornéenne. C'est un véritable ulcère iufectieux
de la cornée auquel vient souvent se joindre l'hypopioll ou accumulation
de pus dans la chambre antérieure. Ces lésions cornéennes n'ont à vrai
dire rien de caractéristique, rien qui permette de dire : voilà une kéra-
tite neuroparalytique.
Ce qui, mieux que les lésions précédentes, caractérise celle kératite,
c'est l'absence des phénomènes irritatifs d'ordinaire si violents dans les
kératites ordinaires : ni douleur, ni photophobie, ni larmoiement.
La cornée est complètement insensible ! au contact, d'où la modération
des symptômes n;aeliom1l'k C'est sur l'examen de la sensibilité cor-
neenne qu'il faudra, dans tous les cas, établir le diagnostic de kératite
ncurn-haralytinlllu.
TROUBLES SENSITIFS DE L'APPAREIL OCULAIRE. 117 î
Les véritables causes de la kératite 11<'Ul'0-paralyticlue sont encore en
discussion.
Deux causes extérieures, la pénétration des poussières dans l'oeil et la
dessiccation de la surface cornéenne ont une action traumatique indé-
niable (théorie traumalique). L'oeil, insensible, ne se défend plus contre
les objets extérieurs, les poussières viennent s'appliquer il la surface de
la cornée, librement, sans déterminer aucun mouvement de défense, sans
provoquer le clignement réflexe des paupières. Ces poussières plus ou
moins volumineuses traumatisent la cornée, produisent des érosions
épithéliales autour desquelles la cornée, suivant son mode de réaction
habituel, s'infiltre et blanchit.
La dessiccation cornéenne résulte, d'une diminution de la sécrétion
lacrymale (Voir p. 1 : 1). La cornée, peu ou point humectée, se dessèche
vite au contact de l'air; l'éhitl]élimn s'c(li'itc et se desquame, la cornée
s'ulcère puis s'infiltre comme dans le cas précédent.
Les agents microbiens du cul-de-sac conjonctival et des bords palpé-
braux, les poussières apportées par l'air, pénètrent par ces portes
d'entrée dans la cornée qu'ils infectent (théorie infectieuse). Les
ulcères, primitivement mécaniques, deviennent infectieux. Ils peuvent
présenter tous les degrés de gravité et amener de nombreuses complica-
tions : iritis, hypopion, perforation cornéenne, fonte purulente de l'oeil.
L'action mécanique des poussières et de la dessiccation complétée par
la pénétration d'agents infectieux est certaine, indiscutable dans la
kératite nl'l11'o-paralytirlul'. La discussion ne porte que sur un point : la
destruction du trijumeau peut-elle, seule, sans l'aide des actions méca-
niques et infectieuses précédentes amener des altérations trophiques de
la cornée, une kératite trophique exclusivement nerveuse ? (théorie tro-
pliique). C'est très contestable.
Par contre, la destruction des filets trophiques du trijumeau, en dimi-
nuant la vitalité cornéenne, peut faciliter l'action des agents mécaniques
et infectieux venus de l'extérieur, ct joindrc son influence mauvaise à
celle qu'exercent déjà les troubles sensitifs en facilitant l'introduction
des poussières, et les troubles lacrymo-sécréteurs en provoquant la des-
siccation cornéenne.
En somme, la kératite n('lII'o-paralytiql1e ne semble pas pouvoir être
réalisée exclusivement par des troubles nerveux trophiques. Elle est le
résultat, de causes extérieures mécaniques (poussières, dessiccation) et
infectieuses, dont l'action est facilitée par les troubles nerveux sensitifs,
trophiques et lacrYIlIO-sl"crt'olel1l's qui accompagnent la destruction du
nerf trijumeau.
Traitement : La fréquence des complications oculaires dans la kératite
neuro-paralytique est telle qu'il faut presque toujours, pour préserver
la cornée, recourir il l,t 1]I('liluu'oraltltic. ou suture des paupières. C'est
le seul moyen de sauver l'oeil pendant l'évolution de la maladie. Cela ne
dispense pas de faire metiodenscment le Iraill'IIH'll1l'tiologifJl\('.
[POULAIW.] ]
118 8 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
. - ' XI .
TROUBLES DE LA PERCEPTION DES COULEURS
La vision des couleurs peut faire complètement défaut : c'est l'ach1'o"
matopsie, ou cécité complète pour les couleurs. Elle peut n'être que
partiellement perdue, c'est la dyscll1'oIÍwtopsir.
Tantôt-la dyschromatopsie atteint toutes les couleurs, c'est une sorte
d'amblyopie chromatique portant sur toutes les couleurs, à des degrés
variables, il est vrai, mais n'en laissant aucune intacte.
Tantôt la dyschromatopsie est constituée par la. perte complète de la
vision pour une ou plusieurs couleurs du spectre (vert, rouge), avec
intégrité de la vision pour les autres couleurs. Ce sont donc là deux cas
très différents l'un de l'autre.
Troubles congénitaux de la vision des couleurs.
Cécité pour toutes les couleurs. Elle est toujours liée à des alté-
rations importantes de l'appareil nerveux visuel, microphtalmie, colo-
bomes, nystagmus, altérations du nerf optique, affections qui dénotent
l'existence de troubles graves pendant la vie intra-utérine.
C'est d'ailleurs une affection très rare, s'accompagnant toujours d'une
grande diminution de l'acuité visuelle.
Les différentes couleurs du spectre sont vues incolores, grises avec
des clartés différentes.
' Gécité congénitale pour certaines couleurs (dyschromatopsie con-
génitale, daltonisme). La cécité congénitale partielle aux couleurs,
porte en général sur le rouge-vert. La cécité pour le jaune-bleu est
exceptionnelle.
Dans la cécité congénitale pour le rouge-vert : '10 le rouge est confondu
avec le gris ou le blanc; 2° le vert avec le gris ou le blanc; 5° le rouge
avec le vert. Les aveugles pour le rouge-vert ne voient dans le spectre
que du jaune et du bleu. -
. Le daltonisme se rencontre chez des personnes dont l'appareil visuel
est d'ailleurs parfaitement normal.
L'examen de la cécité pour une ou plusieurs couleurs du spectre peut
se faire de différentes manières : , -
Méthode des laines de IIolmg1'een. On se sert d'un grand nombre
de laines de couleur, choisies surtout dans les tons que l'aveugle pour
les couleurs confond le plus facilement. On donne à un malade un éche-
veau d'une certaine couleur et on lui demande de choisir tous les éche-
veaux de couleur analogue, sans s'occuper de leur plus ou moins grande
clarté. S'il réunit des échantillons disparates (vert, rouge, gris), on en
conclut qu'il y a dyschromatopsie. Par une détermination plus exacte des
TROUBLES DE LA PERCEPTION DES COULEURS. 110
couleurs de confusion, on précise le genre de dyschromatopsie (cécité
pour le rouge, pour le vert, etc.). -
Exemple : On donne un échantillon rouge, de saturation moyenne :
a) Le malade place a côté du pourpre des écheveaux de couleur bleue
ou brune : il est aveugle pour le rouge.
b) Il place il côté du rouge des écheveaux de couleur grise ou verte :
il est aveugle pour le vert.
Quelques précautions sont à prendre dans cet examen du sens des
couleurs : 1° la chambre d'examen doit être bien éclairée à la lumière du
jour, et non à la lumière artificielle toujours colorée; 2° il ne faut jamais
demander à l'observé le nom de la couleur.
En effet, certaines personnes ayant une perception normale des cou-
leurs, peuvent les dénommer inexactement. Par contre, des individus
atteints de dyschromatopsie, peuvent, sans les percevoir normalement,
dénommer exactement les couleurs. Une personne atteinte de cécité pour
le rouge voit cette couleur brune mais, connue les personnes qui l'en-
tourent, elle l'appelle rouge. Cette précaution, indispensable dans la dys-
chromatopsie congénitale l'est moins dans la dyschromatopsie acquise.
Les objets colorés servant aux épreuves ne doivent pas être trop petits,
un oeil atteint de scotome central pourrait, dans ce cas, passer pour
aveugle aux couleurs, bien que la plus grande partie de la rétine ait con-
servé toutes ses facultés cbromopsiques.
Autres méthodes. On peut se servir de laines disposées d'une
autre manière. Thomson suspend il une règle 40 écheveaux de laine
arrangés d'après leurs tons les plus propres à la confusion. Adler se
sert de crayons colorés et demande a l'observé de tracer des lignes avec
tous les crayons qui lui paraissent avoir le même ton. On peut aussi
utiliser des poudres colorées contenues dans de petits flacons de verre.
Troubles acquis DE la vision des couleurs.
Tout trouble acquis de la vision des couleurs dénote une lésion de
l'appareil nerveux sensoriel. Les altérations de la vision résultant d'une
lésion du système dioptrique (taies cornéennes, opacités cristalliniennes,
troubles du vitré), bien que produisant une diminution considérable de
l'acuité visuelle, n'altèrent point la vision des couleurs, s'il n'y a pas de
lésion concomitante de l'appareil nerveux sensoriel.
Les affections rétiniennes amènent à des degrés variables la dyschroma-
tohsic : rétrécissement irrégulier du champ visuel pour les couleurs, lacunes
d'achromatopsie, etc. En général, leur influence sur la vision des couleurs
est minime tant que les lésions rétiniennes ne sont pas très étendues.
Cependant une exception doit être faite pour la rétinite pigmentaire,
affection caractérisée, en dehors des signes ophtatmoscopiques, par de
t'hemeratopie, un rétrécissement du champ visuel considérable pour
toutes les couleurs et même le blanc.
[YOULARD.]
120 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
Le glaucome altère aussi la rétine et donne un rétrécissement accentué,
surtout nasal, du champ des couleurs, qui précède en général le rétrécis-
sement pour le blanc.
Les affections du nerf optique (atrophie, névrite), altèrent très rapide-
ment et d'une manière considérable la vision des couleurs. La dyschroma-
topsie constitue un bon signe de lésion du nerf optique. Elle s'accompagne
d'une diminution souvent considérable de la vision, ce qui la distinguerait
au besoin delà dyschromatopsie du daltonisme. Au cours d'un tabès d'une
paralysie générale, une diminution de la vision accompagnée de dyschro-
matopsie, doit faire penser à un début d'atrophie du nerf optique. '1
Il faut peut-être rattacher aux dyschromatopsies par lésion du nerf
optique, celle qui résulte de l'intoxication nicotillo-alcooliqlle et qui se
caractérise par l'apparition d'un scotome central pour le vert, puis pour
le rouge, enfin pour le blanc lui-même (p. 50).
Dans certaines lésions des lobes occipitaux on aurait constaté une
achromatopsie complète. Jl existe, en tout cas, des observations d'hemia-
chromatopsie par lésion d'un lobe occipital.
Pierre Marie a vu dans l'hémianopsie, certaines portions du champ visuel
manquant , revenir pour le blanc et continuer à faire défaut pour les couleurs.
11 en conclut que l'hemiachromatopsie marque une période de transition,
une étape, non obligatoire, dans la régression de certaines hérnianopsies.
J'ai moi-même constaté un cas d'hemiachromatopsie avec intégrité
apparente de la vision pour le blanc. Mais en employant de plus petits
index blancs, ceux-ci n'étaient plus perçus. Celte hemiachromatopsie était
donc une hémianopsic ou plutôt une hemidysopsie, atteignant com-
plètement la vision des couleurs et incomplètement celle du blanc.
Dans ces conditions, l'hémiadrrolllatopsie ne serait qu'un degré dans
l'hémianopsie.
Enfin, Y hystérie peut donner des troubles de la vision des couleurs
caractérisés par le rétrécissement, même par l'inversion des champs
visuels des couleurs (p. 54).
L'exploration de la vision pour les couleurs, dans les dyschroinatopsies
acquises, peut se faire avec les procédés que nous avons indiqués à pro-
pos des dvschromatopsies congénitales. Ces procédés conviennent quand
la cécité, pour une ou plusieurs couleurs, porte sur toute l'étendue du
champ visuel, quand toutes les portions de l'appareil chromo-percepteur
sont également défectueuses.
Mais, dans beaucoup de. dyschroinatopsies acquises il en est autrement,
la perception des couleurs ne fait défaut qu'en certains points du champ
visuel correspondant il certaines portions seulement de l'appareil 111'1'-
veux sensoriel.
Dans ces conditions on procède d'une tout autre façon. On explore le
champ visuel il la périphérie, au centre et dans les régions intermédiaires
il l'aide d'index colorés, comme je l'ai indiqué à la technique de, explo-
ration du champ visuel (p. 7 et suivantes).
TUMEURS CÉRÉBRALES. 12t
XII
TUMEURS CÉRÉBRALES
Troubles oculaires daxs les tumeurs cérébrales.
Il est très fréquent de constater des troubles oculaires par suite du
développement dans la cavité crânienne de neoformations variées qu'on
désigne sous le nom commun de « tumeurs cérébrales ». .
Ces troubles oculaires ont, dans la sl'lI1éiologie des tumeurs céré-
brales, une importance considérable. Le plus souvent, c'est avec eux
qu'on fait le diagnostic de l'existence et du siège de la « tumeur céré-
Orale » .
De ces troubles oculaires, les uns paraissent communs à toutes les
tumeurs cérébrales, quel que soit leur siège dans i'cncepate. D'autres
sont variables suivant le siège de la lésion.
Troubles communs à toutes les tumeurs cérébrales.
Obnubilations passagères. Très souvent, dès le début, le malade
éprouve des troubles visuels passagers, des obscurcissements brusques
de la vue, des nuages, des brouillards qui passent rapidement devant les
yeux. Dans l'intervalle, la vue reste bonne, souvent normale.
Les obnubilations passagères peuvent devenir très fréquentes, se
reproduire plusieurs fois par jour ou par heure. Dans ces conditions, le
malade, bien que valide par ailleurs, ne peut sortir seul. Les troubles
visuels l'arrêtent brusquement dans sa marche. En quelques instants, le
brouillard passe, la vision revient et la marche reprend. Les obnubi-
lations intermittentes peuvent exister bien longtemps avant l'apparition
du moindre signe ophtalmoscopiqne au fond de l'oeil.
Lésions du nerf optique. Les lésions du nerf optique au cours
d'une tumeur cérébrale sont si fréquentes qu'elles constituent un de ses
plus importants symptômes. Chaque fois qu'on soupçonne l'existence
d'une tumeur intracranienne, il faut explorer le nerf optique. Les atte-
rations sont d'ailleurs variables et se présentent sous des aspects diffé-
rents. Dans certains cas, c'est, une simple dégénérescence des fibres
optiques, une atropine simple. Le plus souvent il s'agit d'une névrite
optique, c'est-à-dire d'une altération inflammatoire du nerf optique, pou-
vant d ailleurs présenter divers degrés d'intensité.
Névrite oprinE. Le volume, le siège et la nature de la tumeur ne
sont certainement, pas sans exercer une influence particulière sur le
développement de la névrite. Mais les relations entre les diverses tumeurs
et les névrites auxquelles elles donnent, lieu ne sont pas encore élucidées.
Symptômes subjectifs : Obnubilations passagères : nuages brusques
et fugaces; diminution progressive de la vue; l'acuité visuelle centrale
[POUIARn.]
122 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.
baisse, le champ visuel se modifie dans sa forme et dans son étendue e
(rétrécissement irrégulier, encoches) (fig.56),Ia vision des couleurs
est très altérée. La vue peut, à la longue, se perdre en totalité. Il existe
souvent une grande disproportion entre les troubles visuels et l'intensité
des lésions ophtatmoscopiqucs ; ceux-là pouvant être légers, celles-ci
très accentuées.
Symptômes objectifs : Une papillite à divers degrés d'intensité. Cepcn
dant, dans les tumeurs cérébrales, la papillite intense est de règle;
la papille, très tuméfiée, prend l'aspect de ce qu'on appelle « la papillite
par stase ou la névrite par stase ». Si une papillite légère, si même une
atrophie papillaire, possèdent une réelle importance pour le diagnostic
de tumeur cérébrale, la valeur séméiologique de la papillite intense, de
la névrite par stase est beaucoup plus considérable. Cette importance
symptomatique tient à sa très grande fréquence dans les tumeurs intra-
cranieuncs et à sa rareté en dehors d'elles.
Il importe de réagir contre la coutume qui consiste à regarder cette
papillite intense comme un phénomène mécanique produit par une
hypertension intracrànienne. Elle peut exister sans hypertension et même
sans affection intracrànienne. De Gracie, l'auteur de la théorie par hyper-
tension, en a lui-même publié des exemples. D'autre part, il peut y avoir
hypertension considérable sans papillitc. Les exemples en sont extrême-
ment fréquents, ne serait-ce que dans l'hydrocéphalie.
Le véritable agent de la névrite et de la papillite paraît être le liquide
céphalo-rachidien sécrété, lypcrsécrété, pendant le développement de la
tumeur intracrànienne (néoplasme, gomme syphilitique, tubercu-
leuse, etc.). Il exerce une action toxique sur le nerf optique.
L'hypertension ne crée pas la névrite; elle facilite l'action du liquide
céphalo-rachidien; elle le fait pénétrer dans les gaines du nerf optique
jusqu'à son extrémité antérieure, jusqu'à la papille. Celle-ci, touchée
directement, réagit violemment sous l'action du toxique, et donne la
papillite intense des tumeurs cérébrales.
Atrophie optique. Elle peut résulter d'une compression au niveau
du chiasma ou il l'origine des nerfs optiques (tumeur de l'hypophyse, etc.).
Il se produit, au niveau de la papille, une dégénérescence simple sans
phénomènes inflammatoires.
Symptômes subjectifs : Diminution progressive de la vision. L'acuité
visuelle centrale tombe, le champ visuel se modifie dans sa l'orme et son
étendue (rétrécissement, encoches) (fig. 30); la vision des couleurs est
très altérée. La cécité survient souvent il une période avancée.
Symptômes objectifs : Une atrophie papillaire modérément accusée au
début, très accentuée plus tard.
Il faut retenir qu'une névrite optique évoluée, laisse une papille
atrophique analogue a celle de l'atrophie papillaire simple. L'oculiste
accoutumé il l'ophtalmoscopie peut cependant, il certaines particularités,
reconnaître si une papillile accentuée a précédé l'atrophie.
TUMEURS CÉRÉBRALES.- 123
Saillie des yeux. Cette saillie des yeux se produit à une période
avancée dans l'évolution de la tumeur.
Troubles variables suivant le siège (syndromes). A
côté de ces troubles oculaires communs à toutes les tumeurs céré-
brales, il en est de variables avec le siège de la tumeur dans l'encé-
phale.
Ces variations ont été étudiées antérieurement il propos de l'hémia-
nopsie (p. 52) ou dans d'autres parties de cet ouvrage. Je me contente
donc de les présenter résumées sous forme de tableau.
Tumeurs corticales. Iléniianopsic à caractères spéciaux (p. 52);
Aphasie, avec cécité verbale et surdité verbale (p. 52); Cécité verbale
pure dans les tumeurs sous-corticales (p. 55); Cécité psychique (perte
de la mémoire visuelle des choses) (p. 55).
Tumeurs cérébrales centrales sous-corticales. IIemianopsie à
caractères spéciaux (p. 55); Mêmes symptômes que pour les tumeurs
corticales.
Tumeurs cérébrales centrales avec lésion des ganglions centraux.
- Ilémianopsie à caractères spéciaux (p. 55); Paralysies associées sou-
vent (p. 70); Troubles pupillaires (mydriase, inégalité) (p. 87) :
l'onctions respectives des trois ganglions de la base (corps genouillé
externe, tubercule l)uadrijull1eau antérieur, couche optique) peuvent
être altérées.
Tumeurs de' la base. llemianopsies variables suivant que la com-
pression s'exerce sur la bandelette ou sur le chiasma (p. 54); Compres-
sion d'un nerf crânien M. 0, C., M. 0. E. ; Pathétique (paralysies)
(p. 00); Trijumeau (névralgie, anesthésie) (p. 115); Compressions
vasculaires; Thrombose des veines ophtalmiques.
Tumeurs du cervelet. Nystagmus (p. 109). Le nystagmus s'est
aussi rencontré à la suite de lésions situées ailleurs : corps restifol'Il1l's,
lésions bulbaires et protubérantielles, lésions des pédoncules cérébel-
leux, du 4e ventricule, etc.
Tumeurs de la protubérance. Syndrome de Millard Gubler. Syn-
drome modifié type Foville (p. 70).
Tumeurs des pédoncules. Syndrome de Weber. Syndrome modifié
type Foville (p. 70).
[POULARD.]
MALADIES DE L'OREILLE
. par le D' LANNOIS
Le nerf de la 8e paire ne doit pas être considéré comme un nerf
uniquc : il n'a cette apparence que dans son trajet intra-crànien. En
réalité, il constitue deux systèmes anatomiquement et pbysiologiqucment
distincts.
L'un est le système vestibulaire : des cellules sensorielles des taches
et des crêtes dites acoustiques qui se trouvent dans les ampoules et, dans
le vestibule part un réseau de fibrilles nerveuses se réunissant rapidement
pour former trois rameaux principaux. Le nerf vestibulaire qu'ils consti-
tuent bientôt pénètre dans le conduit auditif interne, traverse le ganglion
de Scarpa et s'unit au rameau auditif de la cochlée; mais au niveau du
bulbe il redevient distinct et gagne le noyau vestibulaire (noyau de
Deiters, noyau dorsal interne et noyau de Bcchterew).
De ta ses fibres ascendantes, entrecroisées ou non, se rendent au cer-
velet par le côté interne du pédoncule cérébelleux inférieur et finalement,
après un nouveau relai dans le noyau rouge de Stilling, arrivent à l'écorce
pariétale, centre de l'équilibration volontaire. Ce sont les lésions de
cet appareil qui déterminent les troubles de l'équilibration et le vertige :
ceux-ci ayant été étudiés dans une autre partie de cet ouvrage, nous
laisserons de côté leur étude détaillée. Nous devrons cependant y faire
fréquemment allusion en raison de la complexité des deux nerfs.
Le système auditif a son origine dans les cellules sensorielles de
l'organe de Corti : les petits plexus nerveux qui se forment il leur niveau
rencontrent le ganglion de Corti dans le canal de liusunilull et forment le
nerf auditif proprement dit qui pénètre dans le canal auditif interne, se
confond avec la branche vestibulaire et s'accole au facial et il l'inter-
médiaire de Wrisberg.
Arrivé près du bulbe, le rameau cocideaire s'isole a nouveau et pénètre
au niveau de la fossette latérale pour gagner le noyau ventral et le tuber-
cule latéral. De ces noyaux les libres suivent un trajet assez compliqué :
celles qui partent du noyau ventral contournent l'olive supérieure en
lui abandonnant quelques fibres, mais vont surtout à l'olive du côté
opposé en constituant le corps trapézoïde; celles qui partent du tubercule
latéral, après avoir constitué les stries acoustiques du plancher du 1" ven-
LES MALADIES DE L'OREILLE ET LE SYSTEME NERVEUX. 125
tricule, gagnent les unes l'olive supérieure et, les autres, plus- nom-
breuses, l'olive supérieure du côté opposé en s'entrecroisant avec celles
qui proviennent du nerf de l'autre côté.
Il résulte de tout ceci un point intéressant, c'est qu'il y a dans le bulbe
une semi-décussation du nerf côchléaire analogue à la semi-décussation
du nerf optique..
Les fibres auditives condensées au niveau de l'olive supérieure forment
le faisceau acoustique qui occupe la partie latérale du ruban de Reil
(lemniscus latéral) et gagne les tubercules quadrijumeaux, soit en tota-
lité (Van GeIW clit.en), . soit plutôt en partie, ; une notable quantité des
ILANNOIS.1
Schéma de la voie auditive (Testut et
Jacob).
A. vestibule et canaux demi-circulaires.
B, limaçon. C, bulbe rachidien.
D, cervelet avec D', ses noyaux cen-
traux. E, noyaux des nerfs moteurs
bulboprotubérantiels. F, F', tuber-
cules quadrijumeaux antérieurs et pos-
térieurs. G, noyau rouge. - H,
cerveau.
4. nerf vestibulaire avec 1', ganglion de
Scarpa. 2, 2', 2", noyaux bulbaires
des fibres vestibulaires. 5, fibres
courtes allant aux noyaux des nerfs
bulbo-protubérantiels. 4, fibres lon-
gues se rendant après entrecroisement
à la zone sensitivo-motrice de l'écorce.
5, fibres cérébelleuses se rendant suc-
cessivement aux noyaux centraux du
cervelet, à l'écorce cérébelleuse, aux
noyaux rouges,, puis par la capsule in-
terne à la zone sensitivo-motrice du
cerveau.
a, nerf cochléaire avec a', ganglion de
Corti. b, b', noyau antérieur et
tubercule acoustique. c, noyau tra-
pézoïde et corps trapézoïde. d, fais-
ceau acoustique central avec e, fibres
courtes allant aux tubercules quadri-
jumeaux et, par l'intermédiaire de
ceux-ci, aux noyaux des nerfs bulbo-
protubérantiels. - f, fibres longues se
rendant par la capsule interne aux
circonvolutions temporales.
12G MALADIES DE L'OREILLE.
fibres se rendant directement il la capsule interne et a l'écorce. 11 se
peut que le relai soit, non dans le tubercule quadrijumeau inférieur, niais
dans le corps genouillé interne (Cajal). Quoi qu'il en soit, toutes les fibres
auditives aboutissent au lobe temporal, soit il la partie moyenne de la
première temporale, soit Ù la première et a la seconde, soit enfin, connue
l'a dit Flechsig et comme j'ai de la tendance à le croire, à la temporale
profonde, la première et la deuxième temporale servant alors a l'cmma-
gasinet11ent des images auditives. On sait d'ailleurs qu'aujourd'hui il ne
faut pas donner aux localisations un sens trop étroit.
Les questions qui rattachent l'oreille aux maladies du système nerveux
sont très complexes et témoignent d'une influence réciproque. Nous
aurons donc des points très divers à traiter : pour plus de commodité,
nous les diviserons de la façon suivante : lu Rapports des maladies de
l'oreille avec les maladies du système nerveux; 2° Etude générale des
troubles de l'ouïe; 30 Maladies de l'oreille interne et dit 1/(')'/ acous-
tique; 4° Troubles nerveux déterminés par les lésions de l'oreille.
I. RAPPORT DES MALADIES DE L'OREILLE
AVEC LES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX
Il s'agit là d'un chapitre de l'étiologie générale des maladies de
l'oreille : c'est seulement à ce point de vue (pie nous envisagerons d'abord
ces rapports, devant étudier plus loin le retentissement des maladies de
l'oreille sur le système nerveux.
10 Lésions congénitales ou acquises au début de la
vie. On observe des troubles de l'ouïe, passagers ou permanents,
dans les diverses variétés d'hydrocéphalie, dans les hémiplégies ou les
diplégies qui reconnaissent pour point de départ l'étiologie de Little ou
les inflammations cérébrales de la première enfance et aboutissent à la
sclérose atrophique ou tubéreuse, ta lurcncél>lialic, ctc.0o pmt assurer
que si beaucoup de semi-idiots ne parlent pas, ce n'est pas toujours, selon ! aiormu)edËs<pnro) et d'itard, parce qu'ils n'ont rien à dire, mais
souvent aussi parce qu'ils sont des demi-sourds ou des sourds qui n'ont
rien Ù répéter.
2° Méningites. Les méningites ont une action plus évidente et
mieux connue. 1.a ptclt.trtértitz/ite hémorrhagique coexiste souvent avec
des bemorritagies dans l'oreille interne et surtout dans la cochléo (Moos
et Steinhl'iigge). La méningite tuberculeuse, les diverses méningites
P11ClllnOCoccÙjlle, ébalhienne, etc., peuvent se propager au labyrinthe
par les vaisseaux, en suivant la gaine du nerf acoustique ou du facial, ou
par les aqueducs du vestibule et du limaçon.
C'est la méningite cérébro-spinale épidémique dont l'action nocive
sur l'oreille est le mieux connue : la surdité est une des séquelles le
LES MALADIES DE L'OREILLE ET LE SYSTÈME NERVEUX. 127
plus souvent observées de cette grave maladie. Si la propagation du pus
se fait aux deux oreilles, la surdi-mutité en est la conséquence : les
auristes allemands font remarquer qu'il y a une augmentation évidente
de la fréquence de la surdi-mutité toutes les fois que la méningite
cérébro-spinale, maladie endémique dans le nord de l'Allemagne, subit
une recrudescence épidémique.
Dans le cas de surdité irrémédiable de l'enfance, on voit assez souvent'
l'évolution suivante : après un refroidissement, des maux de tète violents
s'installent, tous les signes d'une méningite aiguë se déclarent, (on a
maintenant des cas où ces signes sont corroborés par l'examen positif du
liquide céphalo-rachidien), puis au moment où l'on attendait la termi-
naison fatale, les symptômes graves s'atténuent et disparaissent peu à
peu, mais le malade reste irrémédiablement sourd. Le même syndrome
peut se produire chez l'adulte et aboutir il la surdité (voir les thèses
récentes de Mener, Coul'tl'llemont, P. Gauthier, M",c Evreinoff, etc.). On a
longtemps pensé qu'il s'agissait dans ces cas d'une labyrinthite aiguë
primitive, dite maladie de Voltolini, mais on admet actuellement que
l'inflammation purulente et destructive, de la cochlée est le plus souvent
consécutive il la méningite.
;¡C Hémorrhagie et Ramollissement cérébral. -11 existe
quelques rares observations anciennes de surdité croisée par hémorrhagie
cérébrale; mais elles semblent dues à des erreurs d'observation ou d'in-
terprétation, car nous avons dit que le nerf auditif subissait une semi-
déeussation au niveau du bulbe. Les lésions unilatérales du cerveau ne
pourraient donc donner qu'une hémi-surdité analogue a l'hémiopic des
lésions du centre visuel.
Lorsqu'il existe de la surdité croisée, c'est qu'il s'est produit dans
l'oreille interne une hémorrhagie (Moos) de même ordre que celles qu'on
trouve souvent dans les viscères par suite d'apoplexie cérébrale.
4° Tumeurs cérébrales. Les troubles auditifs sont fréquents
dans les tumeurs cérébrales. Ils peuvent prendre la valeur d'un signe
de localisation, par exemple dans les tumeurs de l'angle ponto-cérébel-
feux, qui sont d'ailleurs assez souvent des tUJl1enrs du nerf auditif lui-
même. Le plus souvent il s'agit de phénomènes il distance.
On en a donné diverses explications : une des plus répandues est celle
de l'hypertension labyrinthique, qui porterait soit sur les espaces péri-
lymphatiques (Steinbrùgge), soit à la fois sur les espaces endo- et péri-
lymphatiques (Ostmann), et qui se ferait par la gaine de. l'acoustique ou
le plus souvent par les aqueducs du limaçon et du vestibule.
D'autres auteurs et notamment lluguenin ont invoqué une véritable
névrite acoustique, explication déjà donnée pour le nerf optique et dans
laquelle il faut admettre l'irritation déterminée par des produits toxi-
ques sécrétés par les tumeurs. Enfin on a aussi invoqué une véritable
papillite par étranglement, du nerf acoustique au niveau de la tache criblée
du fond du conduit auditif interne.
[LANNOIS.]
128 MALADIES DE L'OREILLE.
5° Sclérose en plaques. Tabes. - Des troubles auditifs à
évolution rapide et à caractère de surdité nerveuse ont été signalés dans
la sclérose en plaques : on a même décrit des plaques Imlbo-protuhéran-
tielles intéressant les noyaux acoustiques et le nerf auditif lui-même
(Hess). Ce sont des faits très rares.
Le tabes s'accompagne très fréquemment de troubles de l'ouïe : on
observe chez les tabétiques de la surdité, des bourdonnements, de l'exa-
gération de la réaction galvanique, des hallucinations. Mais les conditions
pathogéniques de ces troubles ne paraissent pas univoques. Pierrot,
Marie et Walton ont décrit des lésions de l'acoustique, soit du nerf lui-
même, soit de ses noyaux d'origine : les recherches inspirées par les
travaux de Barany sur le nystagmus provoqué indiqueraient une certaine
fréquence de troubles labyrinthifJues, si toutefois les opinions de cet
auteur sont confirmées. Mais dans quelques cas (Pierrot, Collet), il faudrait
invoquer des troubles trophiques provoqués par les lésions du trijumeau.
En réalité, ces faits sont l'exception : le plus souvent, les troubles auditifs
du tabès sont liés aux lésions de l'oreille moyenne qu'il n'est pas rare de
trouver chez des malades pour la plupart déjà âgés, ayant eu la syphilis
et des affections diverses du naso-pharynx.
(i° Lésions des nerfs. Nous venons de voir qu'on a invoqué
le rôle trophique du trijumeau dans les lésions de l'oreille chez les tabé-
tiques : nous le trouverons plus nettement accusé dans les névralgies du
trijumeau et notamment dans celles qui ont pour origine des lésions den-
taires. D'ailleurs on sait actuellement que les interventions chirurgicales
sur le ganglion de Casser peuvent déterminer une otite neuro-paralytique
qui, mieux que la kératite neuro-paralytique, met en évidence le rôle tro-
phique de la 5° paire.
La paralysie du facial, en dehors des cas où le nerf est directement
lésé par le développement de l'affection auriculaire, détermine divers
troubles auriculaires (hyporexcitabilite de l'ouïe, ouïe douloureuse, ver-
tiges) qui sont en rapport, non avec la paralysie du muscle interne du
marteau, comme l'écrivent encore certains classiques, mais avec la para-
lysie du muscle de l'étrier.
Les lésions du sympathique provoquent des troubles auriculaires.
Berthold a constaté directement de la vasoconstriction dans la caisse par
excitation du sympathique et j'ai trouvé de la vaso-d datation après la
syinpathectoinie. C'est par l'intermédiaire du sympathique que s'expli-
quent les troubles de l'ouïe qui- se rencontrent parfois dans la grossesse,
certaines lésions de l'estomac, etc. l'ai récemment vu de la surdité et des
bourdonnements dans nn cas typique d'hemiatrophie de la face.
i" Névroses. La chorée donne parfois des bruits subjectifs ou.
même des bruits perceptibles pour l'observateur : ils sont déterminés
soit par la contraction du tenseur du tympan, soit plus souvent par des
contractions spasmodiques des muscles tubaires.
L'hystérie est assez fréquemment cause de troubles du côté de
ÉTUDE GÉNÉRALE DES TROUBLES DE L'OUÏE. 129
l'oreille : mais il y a longtemps que j'ai constaté et répété que l'anes-
thésie sensitivo-sensorielle au sens de stigmate, comme l'entendaient les
ncurologistes, n'existait pas. S'il y a de l'hémi-anesthésie cutanée, pro-
voquée ou non, on peut constater de l'anesthésie du conduit et de la
membrane tympanique, mais sans trouble sensoriel concomitant.
Par contre, l'hystérie détermine facilement de la surdité et de la surdi-
mutité associées ou non à la cécité, de l'hyperacousie douloureuse ou
hystérogéne, du vertige, d'ailleurs rare, des otalgies et surtout des algies
mastoïdiennes qui, si les malades ont eu auparavant des suppurations
de la caisse, peuvent faire croire à de vraies mastoïdites ou même aux
complications cérébrales des otites et qui guérissent par suggestion (Lan-
nois et Chavannc, Moure et Bouycr fils, etc.).
Dans l'épilepsie, les troubles auditifs ne sont pas rares : il est fréquent
de constater des auras auditives, bruits subjectifs, hallucinations audi-
tives, surdité. Ces symptômes font aussi partie de la crise elle-même,
connue on peut le constater dans certains cas où il n'y a pas perte de
connaissance. Enfin, ils peuvent exister, surtout la surdité, comme phé-
nomène post-paroxystique traduisant l'épuisement nerveux, au même
litre que certaines paralysies passagères. -
II. ÉTUDE GÉNÉRALE DES TROUBLES DE L'OUÏ
Colle-ci ne nous retiendra pas longtemps, car nous devons renvoyer
aux traités spéciaux pour l'étude, étiologique complète, les épreuves de
l'ouïe, l'acoumétrie, etc.
Rappelons seulement que la sensibilité acoustique peut être augmentée
(hyperacousic), diminuée (hypoacousie) ou modifiée (paracousie).
Hyperacousie. Elle est relativement rare. Elle existe chez beau-
coup de gens nerveux, neurasthéniques ou hystériques, chez ceux qui
ont de l'insomnie. On sait que c'est un des phénomènes les plus pénibles
de l'accès de migraine.
On l'a signalée également dans quelques affections du système ner-
veux, au début de la paralysie générale notamment. L'hyperacousie a été
donnée comme un symptôme de la paralysie faciale.
Elle se rencontre aussi dans quelques intoxications, par exemple à la
suite du sommeil chloroformique. ,
Elle est. souvent l'indice d'une sclérose au début qui ankylosc plus ou
moins complètement et rapidement la fenêtre de l'étrier.
L'hyperacousie n'a pas besoin d'être longtemps décrite : les bruits
ordinaires paraissent exagérés, les plus légers même résonnent étrange-
ment, deviennent douloureux et produisent de l'agitation.
Elle se manifesterait dans certaines maladies nerveuses sous l'influence
du courant galvanique. Le nerf auditif réagit en somme comme les
autres nerfs : la fermeture du couraut négatif au niveau du tragus ou du
PILITIQUE e : nor.. U
[LANNOIS.]
150 MALADIES DE L'OREILLE. " ?
conduit détermine une sensation sonore qui s'atténue pendant le passage
du courant et l'ouverture du négatif ne produit rien. La fermeture du
pôle positif ne donne rien, non plus que le passage du courant, et l'ou-
verture détermine une faible sensation sonore. Les recherches de Brenner,
de Erb, de Gradenigo, etc., ont montré que si, chez un sujet sain, il
fallait 6 milliampères pour déterminer une sensation sonore, n'en fal-
lait que 2 ou 5 clans les cas d'irritabilité de l'oreille interne ou du nerf,
dans le tahes, par exemple (Erb), ou dans les. affections llltl'a-Cl't111e1111eS,
les méningites et lés tumeurs (Gradenigo). L'hyperexcitabilité galvanique
serait donc du plus haut intérêt diagnostique, mais la valeur de cette
recherche paraît avoir été exagérée (Chavanne).
Sauf dans les cas où elle est très passagère, l'hyperacousie est d'un
mauvais pronostic, car il n'est pas rare de la voir précéder une surdité
de rapide évolution.
Hypoacousie et surdité. -(lu'elle soit liée à une lésion de l'ap-
pareil de conduction ou- de l'appareil de réception des sons, et c'est cette
dernière qui nous intéresse particulièrement ici, l'hypoacousie présente
des. degrés très divers, et il n'y a qu'une lointaine ressemblance clinique
entre le malade qui ne se doute pas de sa surdité et fait seulement répéter
ses interlocuteurs et celui qui, à la suite d'une syphilis du labyrinthe ou
d'une méningite, présente une cophose absolue. Ajoutons toutefois que
les surdités dites nerveuses présentent souvent un caractère d'intensité
et de gravité qui se rencontre rarement au même degré dans les surdités
de transmission.
Il y a donc grand intérêt à différencier ces deux variétés de surdité..
Malheureusement -les moyens d'investigation dont nous disposons pour
cela sont assez restreints : les examens avec les diapasons, malgré leur
relativité, comptent parmi les meilleurs.
L'épreuve de Weber est une des plus intéressantes : un diapason vi-
hrant, placé sur la ligne médiane (dents, vertex), est perçu dans l'oreille
sourde si la lésion porte sur l'appareil de conduction des sons, dans
l'oreille saine ou moins malade, si la lésion est labyrinthique. Par contre,
l'épreuve de Rinne, partout citée (transmission aérienne, chez l'homme
sain, plus longue que la transmission crànio-tympanique), n'a qu'une
valeur très discutable et doit être abandonnée.
L'épreuve de Schwabach est aussi instructive : soit un diapason, que
l'on sait perçu par une oreille saine pendant 50 secondes lorsqu'il est
appliqué sur le front. S'il est perçu pendant plus longtemps., pendant
40 ou 45 secondes, par exemple, c'est que la lésion est de transmission
(Schwabach prolongé); s'il n'est perçu que 10 secondes (Schwahach
diminué), c'est que la lésion porte sur le nerf ou sur le labyrinthe.
L'examen avec les diapasons de hauteur différente peut aussi rendre
des services, la perception des sons bas étant diminuée ou absente dans
les lésions de la caisse, celle des sons élevés dans les lésions du laby-
rinthe. On a même essayé de donner, par les recherches açoumétriqucs, un
ÉTUDE GÉNÉRALE DES TROUBLES DE l/OUIE. 13 L
moyen de diagnostic entre les lésions du labyrinthe et celles du tronc
nerveux lui-même : pour Gradenigo, dans les lésions du nerf, la percep-
tion des sons élevés serait relativement bien conservée (à condition, bien
entendu, que la surdité ne soit pas absolue) comme dans les lésions de la
caisse : celles-ci s'éliminent par l'examen otoscopique négatif. De plus,
il y aurait un épuisement beaucoup plus rapide de l'audition dans les
lésions du nerf.
L'examen avec les diapasons, non plus isolés mais en série, mis sur-
tout en oeuvre pal' Bezold, a également fourni de très intéressants résultats.
Il a montré qu'il existait chez les sourds labyrinthiques des lacunes et des
îlots auditifs. Les lacunes peuvent se rencontrer dans la continuité des
sons ou n'exister que pour la limite supérieure des sons, ce qui, pour les
partisans de la théorie dlfclr«lioltz, correspondrait il l'atrophie du nerf
auditif il la base du limaçon, la disparition de la limite inférieure des
sons indiquant au contraire une lésion de la pointe du limaçon. L'impor-
tance de la conservation de certains ilols auditifs se comprendra d'elle-
même lorsque nous aurons dit 1 1 Ill' ceux-lit seuls parmi les sourds-muets
sont susceptibles de faire des progrès par les exercices acoustiques et de
profiler spécialement de la méthode orale qui ont conservé un îlot acous-
tique allant de si3 à soT. On conçoit l'intérêt de cette recherche au point
de vue pédagogique.
Paracousies. - La surdité est fréquemment associée a des troubles
de paracousie. Il y a une paracousie de lieu qui se voit chez les sujets
ayant perdu une oreille : ils rapportent tous les sons perçus à la direction
de l'oreille restée saine. Cette paracousie s'atténue peu il peu et ne parait
pas exister chez ceux qui sont sourds depuis l'enfance.
La pctctcousie de TVillis ou surdité paradoxale est plus intéressante :
elle consiste dans ce fait que certains sourds entendent bien, beaucoup
mieux que les sujets sains, lorsqu'ils sont dans le bruit (chemin de fer.
bruit d'atelier, etc.). La paracuusie de "'illis est liée Ù des lésions ner-
veuses et est d'un fâcheux pronostic en ce qui concerne la fonction. Elle
est vraisemblablement due à ce que le nerf qui fonctionne mat est mis
en excès d'activité ou de réceptivité sous l'influence d'une plus forte
excitation.
La cZ1J}lacOllSie est une forme de paracousie qui fait percevoir deux
sons pour un seul : elle se rencontre plus fréquemment dans les lésions
unilatérales de l'appareil de conduction, mais a été aussi attribuée au
labyrinthe, ici encore avec l'aide de la théorie de llelinhollz : supposons
qu une libre répondant il 300 vibrations ne réponde plus d'un côté qu'à
.j50 vibrations alors que la similaire continue toujours dans l'oreille
saine à répondre à 300 vibrations, on aura deux perceptions pour une t'
seule. La dipiacousie est harmonique ou dysharmonique suivant 1 ri n \('1'-
vaiiequi sépare les deux sons perçus; elle est le plus souvent biauri-
culaire, mais peut exceptionnellement être mono-auriculaire.
Bourdonnements. Les irritations ou les dégénérescences du
ILANNOIS ]
me MALADIES DE L'OREILLE.
nerf auditif se traduisent par des bruits subjectifs, en vertu de cette loi
générale qu'un nerf, excité par une cause quelconque, répond clinique-
mont comme s'il l'était par son excitant spécifique (sensation tactile ou
douloureuse par la compression du cubital dans la gouttière de l'otecrane,
phosphènes par pression sur les globes oculaires, sensation gustative par
irritation mécanique de la corde du tympan). Ces bruits sont presque
aussi communs que l'hypoacousie et, bien que le parallélisme ne soit pas
constant, marchent généralement de pair avec elle : c'est dire qu'ils
reconnaissent connue origine toute l'étiologie générait ! des affections de
l'oreille. Comme conditions plus prochaines on peut admettre que le plus
souvent il s'agit d'une action irritative sur le nerf, de l'origine périphé-
rique de ses neurones jusqu'au centre cortical. Mais ce mécanisme n'est
pas le seul et il est vraisemblable que dans les bruits persistants il s'agit
plutôt de dégénérescence que d'irritation nerveuse.
Nous n'entrerons pas ici dans la description des variétés de bruits sub-
jectifs : les comparaisons les plus diverses sont employées par les ma-
lades. Le point intéressant serait de savoir si l'on peut tirer de l'élude
du bourdonnement des indications diagnostiques sur le siège de l'a1T'cc-
tion : il n'en est rien. Tout ce qu'on peut dire, c'est que les bruits à
tonalité grave sont en rapport avec les obstructions tubaires et les pro-
cessus aigus ou subaigus de la caisse, les bruits il timbre élevé, bruits
métalliques et bruits musicaux, avec les lésions primitives ou secondaires
du labyrinthe.
Vertiges. Nous avons déjà dit que nous ne les étudierions pas ici :
disons seulement qu'ils font partie de la triade caractéristique des affec-
tions du labyrinthe et du nerf auditif. Toutefois, connue ils dépendent
de la lésion d'une partie bien déterminée du labyrinthe, le vestibule et
les canaux semi-circulaires, on s'explique qu'ils puissent exister seuls,
en dehors de la surdité et des bourdonnements tributaires de la cochlée,
et inversement.
III. MALADIES DE L'OREILLE INTERNE
ET DU NERF AUDITIF
Nous ne pouvons que les passer rapidement en revue : il va lieu
(Tailleurs de les diviser en deux catégories distinctes, celles qui atteignent
les expansions nerveuses dans le labyrinthe, l'appareil de réception des
sons, et celles qui portent sur le nerf lui-même.
I. MALADIES DE L'OREILLE INTERNE
Les lésions du labyrinthe sont relativement plus rares que celles de
t appareit de transmission des sons : elles sont secondaires aux inllalllllla-
tions de la cavité crânienne, comme nous l'avons vu pour la méningite
MALADIES DE L'OREILLE INTERNE,
cérébro-spinale épidémique par exemple, ou hcauconp'Trlti ? m-cnt aux
lésions de la caisse (otites, ankyloses, etc.).
1° Troubles circulatoires. Ceux-ci pourront être Yanémie,
1lrr/p ? naie, Y hémorrhagie.
L'anémie du labyrinthe se rencontre dans toutes les conditions d'appau-
vrissement du sang (heillorrhagies, grossesse, chlorose, convalescence
des maladies graves) et se traduit par la triade; de la surdité, des bour-
donnements et des vertiges, avec prédominance de ces deux derniers.
Toutes les conditions qui amèneront l'afflux de sang à la tête, émotions,
digestion, ingestion d'alcool et inhalation de nitrite (("amyle, position
couchée, feront disparaître au moins passagèrement ces symptômes.
La congestion du labyrinthe, soit active (maladies infectieuses, inllam-
mations de la caisse, digestions difficiles, ménopause, goutte, hémor-
rhoïdes, intoxications diverses), soit passive (affections du coeur et du
poumon, compression du lIIédiastin et delà base du con, etc.), a la même
synrptomalologie : vertiges, bourdonnements et surdité avec accompagne-
ment de phénomènes congestifs du côté de la face, de l'oreille et du ccr-
veau. L'application de sangsues à l'apophyse mastoïde, la dérivation intes-
tinale, la révulsion Ù distance, les médicaments vaso-constricteurs, etc.,
seront alors indiqués.
L'hémorrhagie reconnaît les causes les plus diverses. Elle peut être
produite par toutes les conditions de l'hyperéniie que nous venons d'énu-
merer. Souvent la rupture est favorisée par des lésions vasculaircs anté-
rieures dues à la syphilis, au diabète, il la teucocytemie, a l'hémophilie.
La brusque cessation des règles, les intoxications médicamenteuses, l'apo-
plexie cérébrale ont pu être invoquées. Mais la cause la plus habituelle est
le traumatisme (secousses de toux de la coqueluche, explosions, travail
dans les caissons, etc.) et surtout les coups et les chutes sur la tète qui
déterminent la fracture du rocher. L honorrhagic n'est pas toujours géné-
ravisée il tout le labyrinthe et peut n'occuper que la cocltléc ou même une
partie plus limitée.
Ce sont toujours les mêmes symptômes que l'on retrouve. Mais ici la
surdité est souvent totale cl irrémédiable, et le vertige prend une intensité
considérable : c'est le type du vertige de Ménière. Ces cas traumatiques
ont une importance très grande dans le cas d'accident du travail et doi-
vent être bien connus des neurologistes qui ont souvent à se prononcer
sur leur gravité et leurs conséquences : il importe, qu'ils n'attribuent
pas au cerveau on au cervelet ce qui revient au labyrinthe.
La surdité, si elle est unilatérale, n'a souvent qu'une importance relative
au point de vue de la capacité de travail et ne peut donner lieu qu'a
une faible indemnité. Il n'en est plus de même du vertige, qui peut
rendre le blessé incapable de tout travail ou du moins du travail anté-
rieur (ouvriers d'usines, maçons, plombiers travaillant sur les toits, etc.).
Il faut savoir cependant que le vertige produit dans ces conditions va
assez souvent en s'atténuant, avec une très grande lenteur, il est vrai. Le
[LANNOIS.] ]
154. . MALADIES DE L'OREILLE'. -
caillot s'organise, devient fibreux, englobe et détruit les, extrémités du
nerf vestibulaire et amène ainsi la disparition plus ou moins complète du
vertige : il est donc très important de rapporter celui-ci à sa véritable cause. ".
2° Inflammations. - Les inflammations du labyrinthe sont simples
ou purulentes, aiguës ou chroniques, et n'intéressent le neurologiste
qu'en raison des problèmes diagnostiques et surtout des complications
auxquelles elles peuvent donner lieu. Comme conditions étiologiques, nous
retrouvons encore ici la méningite cérébro-spinale épidémique d'une part
et de l'autre les suppurations delà caisse. Si ces dernières restent limitées
dans l'immense majorité des cas, elle peuvent cependant envahir le laby-
rinthe en passant par les fenêtres ou en érodant la paroi osseuse de la
caisse ou de l'aditus : il en est ainsi dans la scarlatine, la diphtérie et, a
un moindre degré, dans la broncho-pneumonie, la rougeole, etc. La tuber-
culose fournit surtout les formes purulentes chroniques.
Chez les enfants, plus rarement chez les adultes/ il. survient parfois
de la fièvre intense à début brusque avec signes d'irritation méningée,
vomissements, délire, convulsions, coma : si l'enfant se rétablit, il reste
longtemps avec du vertige et de l'incapacité de se tenir debout qui finis-
sent par s'atténuer et de la surdité qui reste incurable : c'est ce qui cor-
respond à la description de Voltolini. Mais il est parfois difficile de dire
s'il s'est agi de lahyrinthite aiguë ou de méningite.
Ces symptômes sont aussi ceux que l'on pourrait rencontrer dans un
abcès cérébelleux et le diagnostic est fort délicat, d'autant plus que la pyo-
lahyrinthite, comme nous allons le voir, est la cause la plus habituelle de
l'abcès cérébelleux : l'intérêt se double ici de la possibilité d'une inter-
vention d'importance capitale. D'une manière générale, on peut dire que
la titubation cérébelleuse est d'allure chrieusé, tandis que dans la lahyrin-
thite on a plutôt la démarche de canard. Chez le cérébelleux le vertige
n'est pas modifié par l'occlusion des yeux, tandis que celle-ci exagère le
déséquilibre labyrinthique : les ycux, a-t-on dit, sont les béquilles du laby-
rinthe, mais ceci est loin d'être constant. 11. a en outre, en faveur de la
lésion cérébelleuse, la prostration, le ralentissement du pouls-, les altéra-
tions rétiniennes, etc. Nous retrouverons plus loin le nystagmus dont
l'importance est réelle.
.5° Syphilis. C'est une cause fréquente de surdité par lésions de
l'oreille interne : elle se montre parfois très précocement, le plus sou-
vent entre six mois et deux ans, mais peut être beaucoup plus, tardive.
Le début peut être lent, ce qui est rare. Le plus souvent la marche
est rapide, amenant la surdité en quelques jours; parfois enfin elle est
foudroyante. Dans ce dernier cas, le plus intéressant, le malade est pris
brusquement de.surdité, de bourdonnements intenses et un vertige subit
peut le précipiter à terre, avec ou sans perte de connaissance, comme
dans la forme classique du vertige de Ménière. -
Les lésions sont uni- ou bilatérales : malgré des travaux déjà nombreux,,
elles mériteraient d'être précisées par de nouvelles recherches. Dans les
.MALADIES DE L'OREILLE INTERNE. 15.'»
cas récents il s'agit surtout de lésions d'ordre inflammatoire et exsudât if
(infiltrations de cellules rondes, exsudais séreux ou ilemorriiagiques,
néol'ur«lat.ions conjonctives). Plus tard, la destruction de I'o1'allc l1C Corii
s'accompagne d'atrophie des cellules du ganglion de Rosentilai. La lésion
est probablement d'origine vasculaire.
Le diagnostic est facile si l'on se rappelle « qu'en dehors de l'hystérie,
facile à éliminer, et dn bouchon de cérumen, facile à constater, il n'y a
pas d'affection apyrétique susceptible de produire une surdité aussi
brusque que la syphilis «.Bien que quelques cas puissent s'amender sous
l'influence du traitement spécifique (on a aussi conseillé les injections de
pilocarpine), le pronostic est défavorable.
Nous n'avons parlé ici que de la syphilis acquise de l'oreille interne. La
syphilis héréditaire peut également atteindre le labyrinthe. S'il s'agit de
très jeunes sujets on aura de la surdi-mutité; chez les enfants plus âgés,
de 8 a 15 ans, c'est-à-dire dans la syphilis héréditaire tardive, la surdité
s'installe plus lentement, niais avec la même symptomatologie que dans
les formes rapides ou lentes delà syphilis acquise. On sait d'ailleurs que
c'était l'otite interne quitutcbinsou faisait entrer dans la triade caracté-
ristique de l'hérédosyphilis : elle y est en effet très fréquente, puisque si
lïutcbinson l'évaluait à 10 pour 100 des cas.Baratoux a porté ce chiffre il
55 pour 100. Elle est encore plus grave que la forme acquise et, sauf de
rares exceptions, peut être considérée comme incurable.
4° Labyrinthites infectieuses. Les maladies infectieuses tou-
chent plus souvent l'oreille moyenne, mais peuvent atteindre également
le labyrinthe, il en est ainsi de la grippe, de la rougeole, de la scarlatine,
de la diphtérie, de la fièvre typhoïde, du zona.
Le type le plus évident des surdités nerveuses infectieuses est fourni i
par la iabyrintbitc ourlienne. Les oreillons n'atteignent heureusement
l'oreille (pie dans un nombre de cas fort restreint, car lorsque cette atteinte
se produit, elle donne une surdité irrémédiable. Au cours des oreillons,
parfois dès le début ou même avant le gonflement, parotidien, le malade
devient brusquement sourd, de l'une ou des deux oreilles a la fois, avec
bourdonnements, vertiges, recrudescence des symptômes généraux et
de la fièvre. Chez les jeunes sujets, la lésion des deux oreilles produit la
surdi-mutité. La lésion n'est pas connue; il s'agit vraisemblablement
d'une poussée inflammatoire analogue à celle de l'orchite et détruisant
l'organe de Corti d'une manière irrémédiable.
5° Labyrinthites toxiques. Ce sont les troubles qui succè-
dent a l'administration de certains médicaments bien connus, la quinine,
l'acide salicylique et ses dérivés, à l'ingestion des champignons, aux
al1l'sthésies par l'éllicr ou le chloroforme, aux intoxications par le plomb,
le mercure, le tabac, etc.
Le type le plus connu est la surdité et l'ivresse (puniques : les bruits
de cloches, les sifflements, la surdité et le vertige s'observent après
l'administration de doses élevées ou répétées du médicament et dispa-
iiannois.-[
n< ! MALADIES DE L'OREILLE.
raissent généralement après cessation. Mais parfois tous les accidents
IH'rsis ! <'nl. Ll'III' IlIl"l'anisllH' ('st ('IH'Orl' obsl'III' : on a inyol{lH" 1111(' action
SUI' fp l'('I'\L'all 011 SUI' la 1l1O¡;f1(" SUI' Il' ganglion cl'I'YÍcal infl'rieur, SIII' l"
centre de l'audition. Pour les uns il s'agit d'une anémie du labyrinthe;
pour le plus grand nombre de phénomènes de congestion allant jusqu'à a
riiéinorrhagie : on a, en effet, constaté des exsudais et des pétéehies que
d'aucuns ont alfl'll)ll('S 111)Ir M l',tc(ion lircctc de la quinine, mais à la
congestion asphyxique à laquelle succombent les animaux intoxiqués.
Enfin, plus récemment, Willmack et IJJ'('Y ! 'IIS 0111 décrit des lésions de.
chronialolyse dans les ganglions de Corti et de Scarpa pouvant aller
jusqu'à la disparition des corpuscules de Nissl.
II. - MALADIES DU NERF AUDITIF
Le nerf auditif peut être atteint dans son trajet inlra-crùnien. dans
ses centres bulbaires, dans ses centres cérébraux.
1° Dans son trajet iul2'cr-c2'iuicn. Il y a des inl1allllnalions du nerf
auditif sous forme de névrite descendante (méningites et 5111't011t 111('lllll-
gite cérébro-spinale 1"pidl"llIiql](') et de névrite ascendante consécutive
aux labyrinthites.
Dans ces deux cas les lésions du nerf sont secondaires. Mais lïlll1alll-
tnation et l'atrophie du nerf peuvent être primitives, par exemple dans le
tabès, ainsi que nous l'avons indiqué précédemment. La syphilis dont
nous venons d'étudier l'action sur le labyrinthe, atteint fréquemment
aussi le nerf auditif dans son trajet (exostose du conduit auditif interne,
gommes circonscrites, méningite gommeuse) : j'ai trouvé dans un cas de
ce genre de la névrite, interstitielle avec dégénérescence des libres ner-
veuses qui présentaient un aspect moniliforme, et de nombreuses gaines
vides. Il est fréquent dans celle forme de trouver la paralysie faciale
associée à la surdité et au vertige.
Nous avons vu déjà Faction des tumeurs cérébrales sur 1<' ]](,l'l'at'OIIS-
tique el sur le labyrinthe. Sans revenir sur ce point, il va lieu d'indiquer
ici les tumeurs du nerf auditif lui-même : Lebert, 1'irc'IIw les ont consi-
dérées comme les plus fréquentes des tumeurs atteignant les nerfs crâ-
niens. Il y a peu de temps, K. Harimaun en a réuni 25 cas et depuis,
d'autres faits ont été publiés par .1. Lépinc, Porol, etc. Cn de III('S 1"It'.Yl's.
le D' Martial, a pu baser sa tbese sur 45 cas. J'ai eu moi-même l'occasion
d'en faire opérer deux par M. JIIII'<II)(1 et une communication que nous
avons faite ensemble est basée sur environ 70 cas auatomo-patboiogiques
ou cliniques et sur 44 cas où il y eut intervention.
Ce qui fait l'intérêt de. ces tumeurs, en effet, ces) qu'on peut les dia-
gnostiqll('l' d qlH' ]('111' ablation rhil'lll'gieall' ('sI J'(,latiYl'II)('nl fat'ill'. Ll'III'
sy)upto)nato ! ogieest celle des tumeurs de l'angle pfJl1to-red']H'lIl'IIX :
aux symptômes généraux des tumeurs et aux signes de compression
MALADIES DU NERF AUDITIF. - 157
cérébelleuse s'ajoutent une surdité complète, une participation précoce
du facial et des troubles dans l'innervation du trijumeau et des muscles
oculaires. L'unilatéralité des symptômes est un argument en faveur de la
tumeur du nerf, bien que les tumeurs du. cervelet s'extériorisant en
avant et en bas puissent donner à peu près les mêmes symptômes. Au
reste, l'indication opératoire est la même dans les deux cas, mais on
n'oubliera pas que l'intervention est ici particulièrement grave.
Les tumeurs osseuses de la base du crâne, les traumatismes peuvent
encore intéresser- le nerf auditif dans son trajet.
2° Dans ses centres bulbaires. Différents syndromes bulbaires liés
à l'athérome, à l'artério-sclérose et aux anévrysmes des artères vertébrales
ou du tronc basilaire, aux hémorragies limitées, peuvent s'accompagner
de surdité isolée : la lésion a porté dans ces cas sur le noyau antérieur et
le tubercule acoustique, origines du nerf cochléaire.
Le plus souvent les symptômes dominants sont des troubles de l'équi-
libre et du vertige et traduisent l'atteinte du noyau vestibulaire (noyau de
Deiters et de Bechterew) : on les désigne sous le nom de syndrome de
Bonnier ou syndrome du noyau de Deiters.
Ce syndrome est constitué essentiellement par : 1° du vertige plus ou
moins intense et brutal; 2° de l'effondrement par dérobement des jambes,
comme chez le tabétique ou le vertigineux labyrintlïique;.50 des troubles
oculo-mcteurs réflexes (parésie ou paralysie de la 6° paire, déviation con-
1 - [LANNOIS.]
Coupe à la limite du bulbe et de la protubérance, montrant les noyaux de terminaison du
nerf vestibulaire, et leurs rapports avec les déterminaisons auditives. (D'après Testai.)
138. . MALADIES DE L'OREILLE.
juguée; nystagmus); 4° un état nauséeux et anxieux; 5° des phénomènes.
Coupe transversale de la partie inférieure de la protubérance, montant les rapports du noyait
de Deiters avec le facial, le moteur oculaire externe, .la racine descendante du trijumeau.
(D'après Testut.)
Schéma emprunté à P. Bobinier, montrant les connexions du noyau de Deiters avec les noyaux
moteurs et sensitifs des nerfs mesocephaliques, avec le cervelet, avec la moelle.
TROUBLES NERVEUX LIÉS 11 : DES LÉSIONS ORGANIQUES. 159
auditifs passagers par lésion concomitante de quelques fibres de la racine
auditive; 6° des manifestations douloureuses dans le domaine du triju-
meau, surtout à la région temporale (D,iéulafoy), qui s'expliquent par les
connexions du noyau de Deiters avec les collatérales de. la racine sensitive
du trijumeau.
Il va de soi que ce syndrome n'est pas d'une rigoureuse fixité; c'est le
vertige qui constitue le phénomène essentiel autour duquel se groupent
les autres symptômes accessoires. C'est ainsi qu'on pourra voir s'y ajouter
des signes indiquant la participation du noyau du pneumogastrique (an-
goisse, ralentissement du pouls, etc.), celle des faisceaux blancs pri-
mordiaux (hémiparésie, 1)émianesthésie),. de la polyurie ou de la glyco-
surie. Je viens de publier une observation où au vertige et à la diplopie
s'ajoutait un peu d'irritation dans le domaine du facial : il s'agissait
d'une très minime hémorrhagie constatée à l'autopsie; elle a servi de
point de départ la thèse de Chèze.
5". Dans ses centres cérébraux. Nous avons vu que le noyau vesti-
lmlaire entrait en relation avec le vermis, centre d'équilibration réflexe,
et avec la corticalité du côté opposé au niveau de la pariétale ascendante,
centre d'équilibration volontaire : toutes les lésions portant sur ce long
trajet pourront s'accompagner de vertige et de troubles de l'équilibre.
Le nerf cochléaire a ses connexions, après son relais dans le noyau an-
térieur et le tubercule acoustique, avec l'écorce temporale, probablement
dans la temporale profonde. Mais les lésions de ce centre et de ce trajet
bulbo-cortical ne donnent pas lieu à des- symptômes facilement appré-
ciables, en raison de la semi-décussation du nerf au niveau du bulbe. Il
faudrait, pour faire apparaître la surdité, des lésions bilatérales : ces cas
sont exceptionnels, mais il est probable que parfois la surdi-mutité pré-
coce.reconnaît cette pathogénie.
Ce serait sortir de mon sujet que d'étudier ici les diverses variétés de
surdité verbale qui ont d'ailleurs été étudiées avec l'aphasie.
- IV. - TROUBLES NERVEUX
DÉTERMINÉS PAR LES LÉSIONS DE L'OREILLE
Pour la commodité de la description on peut les diviser en deux grandes
classes, suivant qu'ils s'accompagnent ou non de lésions organiques. Mais
cette division reste artificielle au moins pour' certains symptômes dont la
pathogénie n'est pas complètement élucidée, la paralysie de l'abduccns,
par exemple. ,
I. TROUBLES NERVEUX LIÉS A DES LÉSIONS ORGANIQUES
D'ORIGINE OTIQUE
Nous décrirons sous cette rubrique la paralysie, faciale et les C01J1pl1 : -
cations infra-crâniennes des otites. -
[LANNOIS.]
HO ? MALADIES DE L'OREILLE. -
1° Paralysie faciale. La paralysie du facial peut coexister
avec celle de l'acoustique, sans qu'il y ait d'autre relation entre elles
que la condition étiologique : c'est le cas pour la méningite cérébro-
spinale, pour une gomme siégeant dans le conduit auditif interne, pour
un traumatisme fissurant la pyramide rocheuse.
Mais dans un très grand nombre de cas la paralysie faciale est consé-
cutive à une lésion de l'oreille. Le fait est trop connu pour qu'il soit be-
soin d'y insister : les suppurations de la caisse, et surtout celles qui sont
tuberculeuses, le cholcstéatome, les caries de la paroi labyrinthique, sont
responsables du plus grand nombre des paralysies faciales d'origine
otique. Les extractions maladroites de corps étrangers avec des crochets
qui vont léser la caisse et le nerf dans le canal de Fallope, les interven-
tions sur la mastoïde et surtout l'évidement pétro-mastoïdien total,
comptent aussi la paralysie faciale parmi leurs complications les plus
fréquentes.
Le long trajet du facial dans le canal de Fallope et le massif du facial,
ses connexions avec la caisse, l'aditus ad mtrum et l'antre mastoïdien
expliquent facilement ses lésions dans tous ces cas. Mais des otites
moyennes, légères, catarrhales ou franchement inflammatoires, peuvent
aussi déterminer la paralysie faciale : on sait que Deleau et surtout Roche
soutinrent que toutes les paralysies faciales étaient d'origine otique. Il y
avait là une exagération manifeste qui devait faire tomber cette opinion
dans l'oubli. Elle contenait cependant une part de vérité et il n'est plus
douteux aujourd'hui que des inflammations. légères de la caisse ne puis-
sent se compliquer de paralysie faciale : un certain nombre des cas de
paralysie faciale rhumatismale ou a frigorie sont d'origine otique. Cela se
comprend d'ailleurs facilement si l'on veut bien se rappeler que le nerf
facial sur un trajet de 10 à 12 millimètres, dans la partie horizontale du
canal de Fallope, est en rapport direct avec la caisse dont il n'est séparé
que par une très mince lamelle osseuse souvent percée de trous ou
même largement déhiscente.
D'ailleurs cette origine otique de la paralysie faciale explique mieux
que toute autre théorie les douleurs périauriculairc, qu'on trouve souvent
au début, les formes récidivantes et les formes à bascule. Elle commande
l'examen de l'oreille dans tous les cas dits a frigore, car une thérapeu-
tique spéciale et souvent efficace découle naturellement de la constatation
des lésions auriculaires. '
A cette question se rattache celle de l'asymétrie de la mimique faciale,
hemimimie dé Pierret, que je considère comme étant fréquemment
d'origine otique (Lannois et Pautet). Chez les malades ayant eu des lésions
unilatérales de l'oreille,il est fréquent de constater cette hémimimie et de
pouvoir dire au patient quelle oreille a été malade. Dans ce cas, l'hémi-
mimie n'a qu'une médiocre importance et, avant d'en faire un stigmate
de dégénérescence, il est bon de s'assurer avec le miroir qu'il n'y a pas
de cicatrice ou de plaque calcaire sur la membrane tympanique.
TROUBLES NERVEUX LIÉS A DES LÉSIONS ORGANIQUES. 141
2° Complications intra-crâniennes des otites. Nous ne
pouvons naturellement que les indiquer très brièvement ici.
Les suppurations de la caisse et de l'antre et, en seconde ligne, les
labyrinthites suppurées en sont le point de départ. La propagation du
pus se fait parfois à travers l'os intact par les capillaires, osseux et les
veinules qui se déversent dans le sinus latéral. Le plus souvent cependant,
il y a de l'ostéite destructive et des lésions de la table interne. Enfin,
lorsqu'il y a de la labyrinthite suppurée, le pus passe par le conduit
auditif interne ou par les aqueducs du vestibule et du limaçon. Les autres
voies de pénétration et notamment le canal pétro-mastoïdien sont plus
exceptionnelles.
Lorsque le pus est arrivé dans la cavité encéphalique, il rencontre dans
la dure-mère im obstacle qui s'oppose à son extension; il s'accumule plus
ou moins au-dessous d'elle formant l'accès extTa-du1'CÛ ou sous-dural .
Si cette barrière se laisse facilement franchir, c'est la méningite otogène
qui se déclare ; si au contraire elle résiste un certain temps, l'irritation
locale détermine des adhérences entre les deux feuillets de l'arachnoïde
et le pus pourra pénétrer plus directement dans la substance cérébrale,
c'est l'abcès cérébral ou cérébelleux. Très souvent ces doux dernières
complications se font par l'intermédiaire de l'inflammation du sinus laté-
ral, la thrombo-phlébite du sinus latéral.
On peut dire, d'une manière très générale, que les affections aiguës de
l'oreille donnent plus facilement la méningite; les affections chroniques,
l'abcès cérébral. Les abcès extra-duraux se rencontrent à peu près avec la
même fréquence dans les formes chroniques et dans les formes aiguës.
Le siège de la lésion auriculaire a une très grande influence sur la
lésion cérébrale secondaire. Les lésions du-toit de la caisse et de l'antre
donnent les complications de la fosse cérébrale moyenne et l'abcès tem-
poro-sphénoïdal qui est le plus commun ; les caries de la paroi postérieure
de l'antre déterminent la thrombo-phlébite latérale, les abcès extra-
duraux de la fosse cérébrale postérieure et les abcès cérébelleux. Les laby-
rinthites suppurées donnent également un chiffre plus élevé de. ces der-
nières complications en raison de la facilité du passage du pus par le
conduit auditif interne.
La fréquence relative de ces diverses complications est variable suivant
les statistiques : une des plus souvent citées, celle de Kôrner, donne
il cas de sinusite pour 45 abcès cérébraux et seulement 51 méningites :
celle de Pitt, indique 25 méningites, 22 phlébites et 18 abcès céré-
braux, etc. -
En ce qui concerne les abcès cérébraux, je crois qu'on peut affirmer
que les sept dixièmes sont d'origine otique; les autres seraient le plus
souvent liés aux suppurations des cavités péricéphaliques et notamment
du sinus frontal. Quant au chiffre relatif des abcès cérébraux et cérébel-
leux, il a été très diversement interprété. Les abcès cérébelleux ont
d'abord été considérés comme rares jusqu'aux travaux de Mac Ewen,
- LdNN01S.]
142 MALADIES DE L'OREILLE.
qui démontre leur fréquence : leur proportion, d'abord évaluée à
5 pour 10, est indiqué comme étant de 1 pour 2 par I(Ül'l1l'r.
On trouvera ailleurs l'analomic pathologique et l'histoire clinique de
ces complications; rappelons seulement ici qu'aucune d'elles n'est plus
actuellement au-dessus des ressources chirurgicales. La Illrolnhu-phléhilc
latérale était considérée, il y a vingt ans, connue toujours mortelle : on
compterait difficilement aujourd'hui les cas guéris. Malgré quelques dé-
boires, l'ouverture des abcès cérébraux donne de nombreux cas de gué-
rison et la méningite otogène ette-memc, la thèse récente de L. Cautllier
en fait foi, peut parfois guérir spontanément ou céder à l'intervention
(trépanation, ponctions lombaires, etc.).
II. - TROUBLES NERVEUX D'ORIGINE OTIQUE SANS LÉSIONS ORGANIQUES
Nous examinerons ici les divers troubles réflexes d'origine otique et
les troubles psychiques.
1° Troubles réflexes. Ceux-ci sont très variés. Nous verrons
d'ailleurs que leur mécanisme n'est pas toujours aussi simple que l'il-
dique le nom sous lequel on les classe.
A) Réflexes otopathiques. L'excitation des branches du trijumeau,
surtout au pourtour de l'oreille ou dans le conduit, détermine souvent
des troubles de l'ouïe et des bourdonnements, ces derniers notamment
par la contraction rl'l1exc du muscle du marteau. Inversement, les exci-
tations sonores du nerf acoustique amènent un réllt'xe sur le tenseur du
tympan (innervé par le trijumeau), ])our-)ui faire tendre plus ou moins
la membrane tympanique et l'adapter à l'intensité de la source sonore. On
sait que. s'il y a des lésions de la caisse et de la fenêtre ronde ou de l'ex-
citabilité morbide du nerf acoustique, les bruits intenses peuvent déter-
miner le vertige auriculaire brusque par ce mécanisme de la tension
exagérée du muscle interne du marteau. z
Les réflexes peuvent se faire d'une oreille sur l'attire. L'expérience de
Celle est classique : la compression de l'air dans un conduit auditif,
diminue le son d'un diapason placé devant le conduit opposé; la voie du
rél1exe passe par la moelle, par un centre réflexe otu-sltinal. En clinique,
il n'est pas rare de voir une otite unilatérale amener une diminution de
l'acuité auditive du côté opposé, qui ira d'elle-mêmc en s'atténuant à
mesure que se fera la guérison de l'oreille malade.
B) Réflexes sensoriels. Ils se produisent surtout sur la vue, et
certains auteurs, comme Urbantschilsch, admettent que les affections de
l'oreille diminuent fréquemment l'acuité visuelle.
Le phénomène le plus intéressant est celui de l'audition colorée, phé-
nomène d'ailleurs assez rare, qui consiste dans ce fait qu'une impression
visuelle succède à la perception d'un son, note musicale, voyelle ou son
syllabique. Le plus souvent un sujet déterminé a toujours la même per-
ception lumineuse pour un son donné, mais ce n'est pas constant : d'ail-
TROUBLES NERVEUX D'ORIGINE OTIQUE SANS LESIONS ORGANIQUES. 143
leurs le même son déterminera des phénomènes de cl]romcsthésie variés
sur les divers sujets. Dans la grande majorité des cas, l'audition colorée
est la manifestation de l'existence de fibres commissurales reliant entre
eux les centres visuel et auditif; pour quelques-uns cependant, elle
serait un trouble purement psychique, voisin de l'illusion.
Inversement, les sensations lumineuses agissent sur l'organe de l'ouïe :
on a noté des bruits subjectifs par les excitations lumineuses, et d'Arsonval
a observé la surdité passagère par la fixation de l'arc électrique.
Enfin, d'après Urbantschitsch, on pourrait observer des sensations
gustatives et olfactives, sous l'influence des perceptions auditives.
C) Réflexes sensitifs. Ce sont des troubles d' hyperesthésie (irra-
diations douloureuses diverses, céphalée) et d'anesthésie (diminution de
la sensibilité du conduit et du pourtour de l'oreille) dans les lésions chro-
niques profondes de l'oreille.
D) Réflexes vaso-moteurs et trophiques. Ils sont fréquents, mais
d'importance très relative : rougeur de l'oreille moyenne dans les grat-
tages de l'entrée du conduit, hyperémie du pavillon dans les inflamma-
tions de la caisse, diminution de la sécrétion du cérumen dans les sclé-
roses diverses, etc.
E) Réflexes moteurs spasmodiques. Ils sont nombreux : un des
plus communs est la toux spasmodique. Chez un sujet sur cinq, la
.simple introduction d'un spéculum dans le conduit peut la déterminer. Elle
est due à l'irritation du filet du pneumogastrique qui s'épanouit a la partie
postoro-inférieure du conduit et à l'excitation réflexe du larynx. Certains
cas qui avaient pu faire penser à la tuberculose ont été guéris par l'enlè-
vement d'un banal bouchon de cérumen ou d'un corps étranger du conduit.
Dans le même ordre d'idées et reconnaissant le même mécanisme, on
peut citer de la dysphagie spasmodique, des contractions du voile du
palais, des troubles respiratoires .
Du côté des yeux on a signalé le blépharospasme et des contractions
spasmodiques des muscles du globe oculaire.
Le phénomène le plus intéressant est le nystagmus.
Le nystagmus peut exister il l'état de repos des globes oculaires ou
(lans les divers mouvements de ceux-ci : c'est le nystagmus spontané.
S'il se montre à la suite de certaines manoeuvres (rotation, excitation
galvanique, injection d'eau chaude ou d'eau froide), c'est le nystagmus
expérimentai provoqué.
. Le nystagmus spontané est un symptôme fréquent, mais inconstant,
des lésions du labyrinthe. On a dit tout d'abord qu'il se produisait dans
le regard du côté sain, si le canal semi-circulaire externe du côté malade
était seul touché ; qu'il se produisait dans tous les sens, si le labyrinthe
était envahi dans sa totalité.
Certains ajoutaient qu'il sc faisait dans le regard du côté malade,
s'il s'agissait de lésions cérébelleuses. Du moins sa disparition ultérieure
indiquait-elle la destruction totale du labyrinthe : les cellules du vesti-
ILANNOIS.]
144 MALADIES DE L'OREILLE; . '
buleetdes canaux semi-circulaires ayant disparu, il ne pouvait plus y
avoir de transmission d'excitations au noyau de Deiters et par lui aux.
noyaux moteurs oculaires et aux tubercules quadrijumeaux antérieurs.
On admet plus volontiers aujourd'hui que si le nystagmus spontané est
dirigé vers l'oreille malade, c'est qu'il y a excitation du canal semi-.
circulaire horizontal; que s'il se produit du côté sain, il indique l'aboli-
tion fonctionnelle du labyrinthe lésé et la prédominance non'compensée
du côté sain. Il est beaucoup plus difficile d'expliquer les cas où il se produit
du côté sain. Enfinyrce serait surtout. la discordance entre les constata-
tions du nystagmus spontané et les résultats de la recherche expérimen-
tale, qui devrait faire songer aux complications intracrâniennes.
Le nystagmus expérimental provoqué avait déjà été étudié par nombre
d'auteurs (Breuer, Mach, Crum-Brown, etc.) qui avaient surtout utilisé
la rotation : ils étaient arrivés à quelques résultats intéressants, mais qui
n'avaient pu pénétrer dans la clinique journalière. Il a donné lieu récem-
ment à une active poussée de nouvelles recherches à la suite des nom-
breux travaux de Barany. A l'état normal, l'épreuve galvanique, la pression
directe, le refroidissement ou le réchauffement des canaux semi-circu-
laires, la rotation, déterminent des mouvements oculaires en rapport avec
le canal semi-circulaire touché. Ce nystagmus, constitué par une contrac-
tion lente suivie d'une secousse rapide, a « sa direction constituée par
celle du courant endolymphatique qui lui a donné naissance ». Par
exemple, si le courant provoqué expérimentalement dans le canal semi-
circulaire droit se dirige chi sommet de l'arc vers l'ampoule et le vesti-
bule, la secousse lente des globes oculaires se fera dans le même sens,
c'est-à-dire vers la gauche et inversement. C'est là ce qui se produit à
l'état normal, et comme on s'est mis d'accord pour désigner le nystagmus
par le sens de la secousse rapide, on dira ici que le nystagmus est droit
ou homonyme. S'il ne se produit pas, c'est que le labyrinthe est détruit. Le
plus pratique est d'employer le courant d'eau froide. L'étude des réac-
tions normales et de leurs modifications à l'état pathologique peut
donc fournir d'utiles indications sur l'état du labyrinthe et de toute la voie
vestibulaire, mais la question est encore à l'étude et les résultats acquis
ont besoin d'être confirmés. Nous ne pouvons. donc insister davantage
ici et renvoyons aux articles spéciaux, et notamment à un rapport très,
complet de MM. Moure et Cauzard à la dernière réunion de la Société
française d'Otologie et Laryngologie.
Enfin les maladies de l'oreille peuvent donner lieu à des réflexes
spasmodiques graves par eux-mêmes, à des convulsions et à des crises
épileptiformes : on les a vues à la suite de lésions très diverses, corps
étrangers (surtout animés) du'conduit auditif, polypes de l'oreille, lésions
diverses de la caisse ou de la mastoïde. C'est un type d'épilepsie réflexe.
Mais les observations en sont au total assez rares, car beaucoup de celles
qu'on a publiées ne résistent pas à un examen critique qui les classera
de préférence dans l' hysté1'ie; celle-ci est facilement déterminée par la
TROUBLES NERVEUX D'ORIGINE OTIQUE SANS LÉSIONS ORGANIQUES. )45
présence de corps étrangers irritants dans le conduit. Je renvoie sur ce
point à la thèse de F. Chavanne.
. F) Réflexes moteurs paralytiques. - Ils sont plus rares que les
précédents, car il est plutôt de la nature des réflexes de produire des
troubles d'excitation que des phénomènes de déficit.
On a signalé des cas d'hémiplégie (peut-être étaient-ils hystériques),
de paralysie faciale réflexe disparaissant par l'enlèvement d'un bouchon
de cérumen : c'est au moins d'une exceptionnelle rareté et d'une inter-
prétation douteuse.
Plus intéressants sont les phénomènes qui se passent du côté de la
musculature oculaire. La mydriase unilatérale, la chute de la paupière,
la diplopie par paralysie dissociée du moteur oculaire commun. La plus
fréquente et la plus intéressante de ces paralysies est la paralysie du mo-
teur oculaire externe dont j'ai vu et publié plusieurs cas : un de mes
élèves, I-Ieyraud, en a réuni de nombreux cas dans sa thèse.
On la voit survenir dans l'otite aiguë simple ou avec réaction mas-
Ioïdienne, dans les mastoïdites compliquées --ou non de périsinusite ou
d'abcès extradural : elle se produit du côté lésé. Elle ne s'accompagne,
d'aucun autre phénomène général ou local qu'une douleur assez vive
dans la région temporale; elle guérit peu à peu sans laisser de trace dans
un temps qui varie de trois semaines à deux mois et demi, parallèlement
à l'atténuation de l'affection otique. Il va de soi que cette forme bénigne
n'a rien à faire avec les paralysies qui se montrent au milieu de l'appareil 1
grave des méningites otogènes ou des sinusites propagées au sinus caver-
Elle comporte un pronostic bénin, et il faut autre chose qu'elle
pour autoriser les graves interventions intracéphaliques.
La première interprétation qui vient à l'esprit est qu'il s'agit d'un
phénomène réflexe par l'intermédiaire du noyau de Deiters et par le
mécanisme que nous avons indiqué. Quelques auteurs, et Gradenigo sur-
tout, ont pensé qu'il s'agissait d'une forme de méningite séreuse loca-
lisée, mais le pronostic est bénin et d'ailleurs la ponction lombaire a
plusieurs fois démontré l'intégrité du liquide céphalo-rachidien. Il est
probable que, dans une partie au moins, il. s'agit d'une névrite par propa-
gation ou d'une névrite infectieuse. Mais il ne s'agit certainement pas
dans tous les cas d'un réflexe auriculaire. On consultera utilement sur ce
point un récent rapport de Lombard au Congrès de Budapesth.
2° Troubles psychiques. L'ouïe, a-t-on dit avec raison, est le
plus intellectuel de tous les sens, car c'est lui qui' nous donne, le mieux
les idées abstraites, et ce serait ici le lieu de rappeler que saint Augustin
refusait au sourd-muet la possibilité d'acquérir les lumières de la foi.
Mais l'exemple de nombreux sourds-muets est venu prouver que l'intel-
ligence pouvait se développer en dehors de la fonction auditive, car
nombre d'entre eux se sont révélés excellents littérateurs, artistes, etc.
Il n'en reste pas moins que le sourd ou le demi-sourd est' dans dès
conditions inférieures de développement intellectuel, qu'il a souvent
PRATIQUE i ! OEUROI.. , if0
{LANNOIS.]
)46 MALADIES DE L'OREILLE.
une mémoire infidèle, de l'incapacité de l'aire un effort d'attention sou-
tenue, un jugement moins vif.
En dehors des troubles intellectuels, les affections de l'oreille déter-
minent facilement des troubles des sentiments affectifs et delà volonté.
Le caractère triste, l'irascibilité, la tendance à la mélancolie se voient
souvent chez les sourds; ils sont déterminés il la fois par le sentiment
d'une infériorité qui peut les empêcher de gagner leur vie et qui du
moins va à l'encontre d'un instinct primordial de l'homme, la sociabilité,
et par les sensations désagréables qui accompagnent la surdité, bruits
subjectifs tournant il l'obsession, vertiges qui donnent en spectacle dans
la rue, etc. On conçoit facilement que dans ces conditions la neurasthénie
secondaire soit fréquente, que l'hypocondrie et la mélancolie apparaissent
et conduisent même le malade au suicide.
Dans un certain nombre de cas, les sourds, surtout s'ils sont vertigi-
neux, présentent volontiers des peurs morbides ou même de véritables
phobies; elles se rapportent le plus souvent à des imperceptionsd'espace
soit dans le sens vertical, soit dans le sens horizontal, bien que celles-ci |
puissent en rester distinctes. La plus fréquente de ces phobies est l' ag ? ¡
raphobie dont ai étudié avec Tournier les rapports avec le vertige auri-
culairc et que je ne puis qu'indiquer ici. On a noté aussi la dextrophobil',
la phobie de l'eau se manifestant au passage des ponts et distincte de la
peur de l'espace, etc. '
Enfin les maladies de l'oreille peuvent être une cause d' hallucinations
el de psychoses. Les bruits subjectifs prennent facilement, un caractères
rythmé et un timbre musical : chez un individu sain, l'intellect réforme
rapidement l'erreur sensorielle qui fait croire à un chant d'oiseau, il une
interjection, etc. Mais s'il s'agit d'un prédisposé, ce bruit rythmé ou non
va devenir un cri, une injure mille fois répétée, la cortieatite excitée
amènera le malade à répondre, le délire sera constitué. Celle, interven-
tion sensorielle dans la production de l'hallucination et de la folie, que
Calmeil indiqua le premier, n'a pas été admise pendant longtemps par
des psychiatres trop métaphysiciens. Elle ne prétend évidemment pas
expliquer tous les cas, mais elle prend actuellement, droit de cité en se
basant sur l'étude de quelques cas nets d'hallucinations unilatérales en
rapport avec des lésions localisées il une oreille et sur la fréquence des
troubles de l'ouïe chez les aliénés hallucinés.
Ajoutons enfin que, sous l'influence dune otite ou d'une mastoïdite
fébriles, on peut voir se développer un délire passager ou de la confusion
mentale : le mode pathogenitptc est ici le même que dans les autres
maladies infectieuses (pneumonie, lièvre typhoïde, etc.).
MALADIES DU NEZ
par le Dr LANNOIS
Les fosses nasales ont comme fonction essentielle un rôle respira-
toire; la fonction olfactive n'est qu'accessoire. Aussi présentent- elles une
double innervation, le trijumeau pour la sensibilité générale, l'olfactif
pour la sensibilité générale. ..
Nous ne croyons pas devoir entrer dans la description de ces nerfs.
Les troubles de la fonction, respiratoire au niveau des fosses nasales sont
ordinairement d'ordre inflammatoire ou mécanique (obstruction nasale)
et le système nerveux n'intervient qu'indirectement et accessoirement,
par exemple dans les réflexes vaso-moteurs, la migraine, l'affaissement
de l'aile du nez, la paralysie et la diplégie faciales.
Quant au nerf olfactif, il nous suffira de rappeler que son territoire de
distribution est localisé à la partie supérieure des fosses nasales au-dessus
du bord libre du cornet supérieur et surtout sur la face supérieure de
celui-ci; qu'à ce niveau on trouve des cellules sensorielles d'aspect
spécial munies d'un prolongement périphérique aboutissant aux cils
olfactifs et un prolongement central; que ces prolongements centraux se
réunissent en faisceaux qui traversent la lame criblée de l'ethmoïde.
Cette disposition explique pourquoi le nerf olfactif est si souvent lésé
dans les fractures de la base du crâne, la lame criblée étant manifeste-
ment un point faible qui cède souvent dans les traumatismes. Les filets
nerveux aboutissent aux glomérules du bulbe olfactif dont les cinq
couches et notamment les cellules mitrales constituent le premier relais
du neurone olfactif périphérique. De là les cylindres-axes vont constituer
le pédoncule olfactif qui aboutit à une pyramide triangulaire située sur
le bord antérieur de l'espace perforé, la tubérosité olfactive : cette partie
du nerf est très exposée dans les lésions méningitiques aiguës ou chro-
niques de l'étage antérieur du cerveau. Enfin de la tubérosité olfactive
partent les racines olfactives au nombre de quatre, une fondamentale et
trois accessoires, qui aboutissent en des points différents de l'écorce céré-
brale : il y a donc plusieurs centres corticaux pour l'olfactif.
Le premier est un centre temporal, celui auquel aboutit la racine
fondamentale, le lobule de l'hippocampe et la corne d'Ammon (Zucker-
kandl) ; il a seul actuellement le contrôle de l'expérimentation et de
- [LANNOIS ]
148 MALADIES DU NEZ.
l'anatomie pathologique. Un deuxième centre, frontal ou orbitaire, anté-
rieur de Broca, serait l'aboutissant de la racine accessoire supérieure et
occuperait surtout la partie orbitaire de la 5° frontale.' Enfin un troisième
centre, centre supérieur de Broca, se trouverait à la partie antérieure du
lobe du corps calleux entre son origine et le sillon fronto-limbique : c'est
là que Broca faisait aboutir la racine accessoire interne, mais il est
plus probable que celle-ci aboutit aux tractus de Lancisi et-au faisceau
olfactif de la voûte à trois piliers .(Zucl : erkand-1).
Nous décrirons d'abord : 1° les troubles de l'odorat et 2° les troubles
nerveux consécutifs aux maladies du nez.
1. - TROUBLES DE L'ODORAT
On peut observer des troubles par excès de la sensation olfactive, hYPe1'-
osmie, des troubles par défaut, hyposmie et anosmie, des troubles par
perversion, parosmie.
1° Hyperosmie. - C'est Une exagération de la sensibilité qui
permet la perception d'odeurs qui, d'habitude, restent ignorées ou qui
rend pénibles des odeurs habituellement bien tolérées. Elle est habituelle-
ment passagère et détermine rarement de manifestations secondaires :
on a signalé cependant de la céphalée, des vomissements, de l'excitation
et des palpitations et même de l'asthme. Elle n'agit ainsi que chez des
personnes particulièrement nerveuses. - .
Elle est parfois provoquée par l'application de cocaïne dans le nez et
élargissement de la fente olfactive, mais le plus souvent elle est d'origine
névrosique : on l'a signalée dans la grossesse, la neurasthénie, l'hystérie.
Elle est banale dans la migraine. Dans l'épilepsie, on a noté parfois une
superception d'odeurs comme aura.
2° Anosmie. - L'anosmie est la perte de l'odorat : elle est totale ou
partielle (hyposmie). On apprécie généralement le déficit en faisant sentir
au malade des odeurs usuelles, eau de Colognc,parfums de toilette divers
(eau de lavande, de rose, de violette, etc), en se gardant des substances
irritantes comme les sels, l'ammoniaque, etc. Lorsqu'on veut une appré-
ciation d'apparence plus exacte, on peut se servir de l'olfactomètre de
Zwaardemaker et Reuter; sans entrer ici dans le détail, rappelons qu'il
se compose essentiellement d'un tube de verre dont une des extrémités
recourbée se place dans la narine et dont le corps pénètre dans un
cylindre poreux (porcelaine, caoutchouc) qu'on imprègne de diverses
odeurs. Quand le tube de verre est complètement enfermé dans le tube
poreux, il n'y a pas d'olfaction : si on le retire, la sensation odorante sera
d'autant plus forte que le courant d'air passera sur une plus longue
étendue du cylindre. L'expérience a montré à Zwaardemaker qu'avec un
cylindre de caoutchouc, il fallait tirer le tube de 7 millimètres pour avoir
une sensation olfactive. L'unité de mesure s'appelle olfaclie. Mais ce
TROUBLES DE L'ODORAT. 149
chiffre varie avec la substance employée, la température, etc. ; il est donc
assez approximatif. , .
L'anosmic peut aussi ne porter que sur certaines odeurs, être uni- ou
bilatérale, être passagère, intermittente ou définitive. Elle s'accompagne
presque toujours de troubles de goût, - .
Ses causes très ^nombreuses ont été bien étudiées par Collet. On peut
les ranger en trois classes : Anosmie- respiratoire, anosmie essentielle,
anosmie centrale. .
L'aito&i7tie respiratoire -est très fréquente, mais ne doit pas nous
retenir ici. Elle est encore appelée mécanique ou périphérique; elle
résulte d'un obstacle quelconque au passage du courant d'air vers la zone
olfactive. Cet obstacle. pourra être une atrésie des narines, une paralysie
faciale avec flaccidité de l'aile du nez, un éperon de la cloison, une hyper-
trophie de la muqueuse, un polype ou une tumeur, un corps étranger, etc.,
ou plus simplement une hypertrophie de la muqueuse du cornet moyen
qui suffira à obstruer la fente olfactive. Le spéculum du nez suffira à déter-
miner sa nature.
1'anosmie essentielle, assez improprement désignée par ce- terme, est
en rapport avec l'état de la muqueuse et des terminaisons nerveuses. Elle
se produit par épuisement dans-l'usage immodéré des parfums, chez les
femmes, par exemple; l'action habituelle de substances à odeur péné-
trante, comme cela se voit dans les professions où on manipule des subs-
tances odorantes, amène la fatigue du nerf et aboutit à son épuisement
plus ou moins durable. Certaines substances ont une action toxique mani-
feste sur le nerf olfactif, atropine, tabac, cocaïne* par, exemple. 11 faut L
ranger à côté de ces causes toutes celles qui produiront des altérations
locales de la muqueuse et notamment les irrigations nasales avec des
substances irritantes (acide phonique, alun, sels de zinc), les reniflements
d'eau froide, etc. Il faut y ajouter les diminutions ou disparitions de
l'olfaction dans les lésions du trijumeau, après l'extirpation du ganglion
de Gasser, par exemple. On sait que Magendie avait pensé que le nerf de
la 5e paire renfermait les fibres olfactives : en réalité la lésion du triju-
meau détermine des troubles sécrétoires et trophiques qui peuvent gêner
le fonctionnement de la tache olfactive. - ' .
L'anosmie centrale est celle qui nous intéresse le plus ici : elle relève
de modifications, organiques ou dynamiques, du nerf olfactif, depuis ses
filets terminaux jusqu'à ses centres.
Les altérations organiques peuvent d'abord être liées à des anomalies
congénitales, comme l'absence ou le développement rudimentaire de
l'olfactif dont quelques cas' ont été publiés. Certaines maladies infec-
tieuses, la grippe notamment, peuvent donner de la névrite. On verra
l'anosmie dans les fractures du crâne intéressant la lame criblée et
détruisant' les filets nerveux, dans les exostoses, les méningites, les
tumeurs cérébrales, les abcès, l'hydropisie ventriculairc, les hémorragies
et les ramollissements. On l'a signalée dans le tabès et au début delà
- . LANNOIS.]
150 . MALADIES DU NEZ.
paralysie générale. Les vieillards ont souvent de l'anosmié qui paraît liée
à l'atrophie ou à la sclérose des bulbes olfactifs.
' Les anosmies d'ordre dynamique peuvent s'observer dans les névroses,
la neurasthénie et surtout l'hystérie. Rappelons cependant ici ce que nous
avons déjà dit du caractère artificiel de l'hémianesthésie sensitivo-senso-
rielle de l'hystérie. Chez les hystériques, on voit parfois les anesthésies
olfactives généralisées ou limitées à certaines odeurs. Elfes, sont guéris-
sables par suggestion, alors que les formes organiques sont assez souvent
incurables. c - ..
5° parosmie. - C'est la perversion de l'odorat.
La parosmie proprement dite consiste dans une fausse perception
d'odeurs qui existent réellement : le plus souvent elle donne une sensa-
tion désagréable, fétide, etc., à la place d'une odeur normalement suave
ou agréable. La parosmie se présente fréquemment sous forme d'isosmie
(Collet), la sensation étant toujours la même pour des odeurs très variées.
Elle dépend souvent d'un état nerveux, neurasthénie, hystérie, mélan-
colie ; elle peut être congénitale.
, La cacosmie se montre en dehors d'une sensation odorante réelle. Le
plus souvent elle est très pénible pour le malheureux qui en est affecté et
qui sent partout l'odeur du brûlé, du fromage putréfié, des matières
fécales, etc., qui trouve la même odeur intolérable à ses aliments et à sa
boisson.
- La cacosmie peut être réelle, liée par exemple à la syphilis ou àl'ozène;
mais le plus souvent elle est purement nerveuse et traduit une lésion des
voies olfactives. On l'a vue au début du tabès, dans des névrites toxiques
(antipyrine, cocaïne) ou infectieuses. On la rencontrera dans l'hystérie,
la neurasthénie, la mélancolie, la grossesse; elle constitue parfois l'aura
épileptique. Il s'agit dans tous ces derniers cas d'une véritable hallucina-
tion olfactive.
Le traitement de ces troubles de l'odorat doit être causal et utiliser
la strychnine, l'électricité, etc.
II. TROUBLES NERVEUX CONSÉCUTIFS AUX MALADIES DU NEZ
Les maladies du nez occasionnent des troubles nerveux extraordinaire-
ment variés. Les uns s'accompagnent de lésions organiques des nerfs
ou des centres, les autres sont d'ordre réflexe; enfin on peut observer
des troubles psychiques.
1° Troubles nerveux avec lésions organiques. -- L'in-
nervation très étendue du nez par diverses branches du trijumeau
explique suffisamment les névralgies faciales qui sont extrêmement fré-
quentes. Certaines formes de névralgie localisée doivent toujours faire
songer aux affections du nez et des sinus : on fait trop facilement le
diagnostic de névralgie sus-orbitaire essentielle sans examen des fosses
TROUBLES NERVEUX CONSÉCUTIFS AUX MALADIES DU NEZ. 151
nasales et surtout du sinus frontal. L'insensibilité de la partie interne
de la joue s'observe dans les tumeurs du sinus maxillaire, etc.
Les complications orbitaires ne sont pas rares dans les affections
du nez; elles sont de première importance dans les affections des sinus.
En dehors de la propagation, des inflammations et des tumeurs à l'orbite,
aux membranes et aux milieux de l'oeil (iritis,- irido-choroïdites, troubles
cristalliniens, etc.), on trouvera la congestion et l'oedème papillaire, la
névrite optique, la névrite rétro-bulbaire et l'atrophie papillaire, les
paralysies limitées à l'abduceiis, les ol3litllrrioplébies dissociées ou totales.
Ces complications sont particulièrement fréquentes dans les sinusites
sphénoïdales.
Les complications cérébrales se rencontrent surtout dans les sinusites,
et principalement dans la sinusite frontale. Elles sont plus rares dans les
sinusites sphénoïdales et les ethmoïdites, exceptionnelles dans les sinu-
sites maxillaires.
Ces complications sont de même ordre que celles que nous avons vues
succéder aux lésions de l'oreille; on trouvera des abcès extra- et intra-
duraux, de la pachy- et de la lepto-méningite, des abcès cérébraux, des
thrombo-phlébites. Les propagations peuvent se faire à travers des déhis-
cences qui existent dans quelques cas au niveau des sinus ou des cellules
ethmoïdales, plus souvent par l'intermédiaire d'une ostéite plus ou moins
apparente, parfois enfin par propagation par les voies veineuse et lympha-
tique. On sait en effet que les veines du nez ont des anastomoses avec la
circulation intra-céphalique, notamment par l'ophtalmique et le sinus
caverneux, par le sinus longitudinal ; d'autre part, les espaces arach-
noïdiens paraissent pouvoir communiquer avec les lymphatiques de la
pituitairc soit directement, soit par les gaines péri-neurales. Il n'est pas
besoin d'insister sur l'importance de ces voies de communication.
Nous renvoyons aux chapitres spéciaux pour l'étude de ces complica-
tions cérébrales des affections du nez. Rappelons seulement qu'une sta-
tistique de Hajek portant sur 54 cas donne 15 abcès intra- et extra-
duraux, 24 méningites, 2 encéphalites, 20 abcès, cérébraux et 11 throm-
])oses des sinus. -
'2" Troubles nerveux réflexes. Ceux-ci sont - extrêmement
nombreux et si on les a souvent exagérés, ils n'en constituent pas moins
des faits très intéressants. On peut avec Jurasz les diviser en trois
groupes : 1° réflexes à point de départ nasal et à manifestations
nasales; 2° réflexes à point de départ nasal et à manifestations
extra-nasales ; 5° réflexes à point de départ extra-nasal et à mani-
festations nasales.
Les conditions de production de ces névroses nasales sont assez
diverses' : les lésions du nez portent surtout sur la sphère sensitive, et les
excitations sensorielles sont exceptionnelles. Toutes les-lésions du nez,
depuis la simple congestion jusqu'aux polypes et aux ulcérations, les
Irallmatismes accidentels ou thérapeutiques, peuvent se rencontrer à leur
[LANNOIS.
- 152 - MALADIES DU NEZ.
point dé départ. Mais c'est surtout le terrain qui présente ici une impor-
tance exceptionnelle : on ne les trouvera que chez les prédisposés, neuro-
arthritiques, neurasthéniques ou hystériques. .
Expérimentalement ces faits sont d'ailleurs bien connus : Brown-
Séquard arrêtait la respiration par l'application d'eau froide sur la
muqueuse nasale; l'excitation de la pituitaire détermine des trouilles du
rythme respiratoire. Paul Bert et surtout François Frank ont -fait voir que
cette excitation, indépendamment de l'hydrorrhée et de l'éternuement,
pouvait donner de- la toux, 'du spasme de la glotte et de toutes les
bronches, du ralentissement du coeur, de la vasodilatation de la tête avec
vaso-constriction générale, tous phénomènes dont l'apparition peut être
empêchée par la cocaïnisation préalable de la muqueuse.
A) Réflexes à point de départ nasal et à manifestations nasales.
Ce sont les manifestations primaires : les voies respiratoires supé-
rieures doivent protéger le poumon, et les réactions nasales aux irritations
sont d'ordre défensif. C'est ainsi qu'il faut considérer l'exagération de la
sécrétion nasale et la rhinorrhée, l'éternuement et le coryza spasmodique.
B) Réflexes à point de départ nasal et à manifestations extra-
nasales. Quelques-uns ont la même signification que les précédents,
tels la toux, le spasme glottique, la contraction des petits muscles bron-
chiques, le catarrhe des voies aériennes : ce groupe ahoutit à l'asthme
d'origine nasale. La toux nasale, l'asthme nasal, grâce aux travaux de
Voltolini, Trousseau, Frankel, Ilack, Garel, Lermoyez, etc., etc., sont les
troubles réflexes du nez les plus certains et les mieux établis.
Le réflexe se fera encore par le pneumogastrique dans les troubles ner-
veux de l'appareil circulatoire avec irrégularités cardiaques, tachycardie
et même angine de poitrine. P. Bonnier a récemment attribué des consti-
pations et des entérites muco-memhrancuses à des lésions de la muqueuse
fortuitaire ! ...
-.C'est toute la pathologie qu'il nous faudrait passer en revue,. car on
a signalé encore « des troubles oculaires (épiphora, hyperémie et
oedème de la conjonctive, hlépharospasme, strabisme, etc.), des anomalies
de l'audition, des bourdonnements et des vertiges, des troubles de la
sphère génitale, des troubles nerveux divers (spasme du facial, névralgies
.du trijumeau ou éloignées, migraines, cauchemars, maladie de Basedow,
chorée, hystérie, épilepsie), des troubles vaso-moteurs (congestion cépha-
lique, érythème, oedème et autres modifications de la peau) ». Il nous
parait inutile de nous appesantir sur l'exagération manifeste à laquelle
ont pu donner lieu des faits aussi réels que la toux ou l'asthme d'origine
nasale. - "
C) Réflexes à point de départ extra-nasal et à manifestations
nasales. Us sont moins nombreux que les précédents. On peut citer
les éternuements et notamment cette forme curieuse de 1'(,,teintictiteizl
posl-}J1'andial que l'on voit revenir chez certains sujets après les repas,
au début ou pendant le travail de la digestion. '
TROUBLES NERVEUX CONSÉCUTIFS AUX MALADIES DU NEZ. 155
Mais les réflexes les plus singuliers de cette catégorie sont ceux qui se
rapportent à la sphère génitale. Le coït produit souvent chez l'homme de
\'étel'l1uelllent ou du coryza spasmodique, et la menstruation exagère les
manifestations nasales existantes. Quelques auteurs, et notallllllent Fliess,
ont constaté au moment des règles l'hyperélllie et la turgescence de la
muqueuse des cornets inférieurs et du tubercule de la cloison, « les
régions génitales du ncx H. tu versement la cocaïnisation ou la cautérisa-
tion de ces mômes régions feraient parfois disparaître les douleurs de la
dysménorrhée, et même, si l'on en croit Jérusalem et Fallmcr, celles de la
période de dilatation dans l'accouchement ! .
3" Troubles psychiques. L'obstruction nasale, quelle qu'en
soit la cause, qu'il s'agisse de lésions du nez lui-même ou du naso-
pharynx (végétations adénoïdes), a un retentissement assez inattendu sur
le développement intellectuel, surtout chez reniant. C'est là un phéno-
mène qui mérite d'attirer spécialement l'attention des praticiens : la
diminution de la mémoire, le défaut d'attention et l'impossibilité de
s'appliquer, l'apathie et la paresse intellectuelle constituent un ensemble
de troubles psychiques auquel Gllye a donné le nom d'apl'osexie et qui se
rencontre assez fréquemment. Il importe de le connaître, car l'ablation
de polypes du nez ou d'une cloison déviée, la simple cautérisation de
cornets hypertrophiés ou le curellage d'lm naso-pharynx encombré de vé-
gétations adénoïdes, suffiront souvent a te faire disparaître.
Le mécanisme de la production de cette dépression psychique en rap-
port avec l'obstruction respiratoire est encore mal connu. Pour Guye, il
s'agirait surtout d'un engorgement du système lymphatique d'Axel Key
et de Hetzius et de (roubles vaso-moteurs de la muqueuse entraînant une
gêne dans le fonctionnement cérébral. Mais il est d'autres cas, dans
l'ozène par exemple, où le système lymphatique est bien plus touché et
où le syndrome ne s'observe pas : aussi Zarniko altrilme-i-il les symp-
tômes dont il s'agit à la neurasthénie. Il faut évidemment aussi faire
jouer un rôle il la dépression générale de l'organisme par une hématose
insuffisante. ,
Nous venons de citer ta neurasthésie : celle-ci est fréquente dans les
lésions nasales. Mais elle ne reste pas toujours à l'état de névrose. Les
malades deviennent de véritables obsédés psychiques : nous l'avons déjà
vu pour les parosmies et nous retrouverons la même disposition dans
l'ozène et dans les cacosillies syphilitiques. Mais c'est surtout t'obstruc-
lion nasale qui préoccupe le malade, en fait un obsédé dont toutes les
facultés sont tendues vers l'acte respiratoire, un psychastenique ou un
désespéré qui songe au suicide. Nous suivons en ce moment deux
malades de ce genre et on en rencontre parfois dans les asiles d'aliénés.
La thèse récente de Couvert en cite de curieux exemples. Il nous semble
mutile d'insister sur l'importance d'un traitement approprié dans les cas
de ce genre.
[LANNOIS.] ]
VERTIGES (1)
par le Dr André LÉRI
DÉFINITION
Le vertige est une sensation illusoire de déplacement de notre corps
par rapport aux objets environnants ou de déplacement de ces objets
par rapport à notre corps, « la conscience d'un trouble dans la coordination
locomotrice » (llughlings Jackson).
Quel que soit le sens du déplacement, il s'agit toujours d'une sensation
purement subjective. Aussi est-ce à tort que l'on a qualifié de vertiges
certains déplacements anormaux, mais réels, objectifs, accompagnés de
la sensation de ces déplacements : ainsi, certains mouvements de rota-
lion, que l'on observe assez souvent chez quelques animaux, le lapin par
exemple, et que l'on pourrait observer chez l'homme, dans quelques cir-
constances exceptionnelles, ne sont pas des vertiges (2).
De même, c'est à tort que l'on a appelé « vertige epiteptiquc » le petit
mal comitial dont le syndrome essentiel est l'affaissement brusque avec
perle de connaissance, mais sans crise convulsive; la perte de connais-
sance, en supprimant les sensations même réelles, empêche que ce pseudo-
vertige soit jamais accompagné de la sensation erronée qui seule con-
stitue le vertige vrai. Comme nous le dirons, le vertige véritable existe
fréquemment au cours de l'épilepsie, mais dans de tout autres cir-
constances. ,
Pour la même raison, la brusque perte de connaissance de l'apoplexie
n'est dite parfois « vertige apoplectique » que par un abus de langage.
C'est aussi par erreur que l'on qualifie vulgairement de vertige toute
1. Cet article était écrit quand a paru le remarquable rapport de Lannois et Chavanne
(de Lyon) sur les « formes cliniques du syndrome de Ménière » ; cet important travail
nous a permis d'ajouter à notre étude quelques détails intéressants.
2. Pour Bonnier, au contraire, le vertige, qui est un trouble des centres bulbo-pro-
tubérantiets du nerf vestibulaire, « peut être ou n'être pas représenté dans le champ
des images conscientes » ; la sensation vertigineuse, trouble psycho-sensoriel subjectif,
n'en est qu'un des éléments. Le vertige proprement dit serait « un trouble objectif
d'incoordination motrice résultant d'un désordre de l'appareil d'orientation subjective
et se traduisant par l'impotence fonctionnelle de la sensation et de la locomotion (incli-
naison, latéro-pulsion, rotation, chute, effondrement, derobement) » (Escat).
DESCRIPTION ET VARIÉTÉS. 155
obnubilation plus ou moins complète de la conscience et des sens,
toute défaillance, d'origine cardiaque ou autre, toute sensation brusque
et momentanée d'anéantissement physique et mental, sans sensation
illusoire de déplacement.
DESCRIPTION ET VARIÉTÉS
Le déplacement illusoire, dont la sensation constitue le vertige, peut
paraître se produire dans les sens les plus divers. Le plus souvent le sujet
a l'impression qu'il tourne sur lui-même ou que le. monde extérieur
tourne autour de lui, quelquefois il se sent projeté en avant, en arrière,
droite ou il gauche, soit autour d'un axe passant par ses pieds, soit
parallèlement il l'axe de son corps; plus rarement il se sent soulevé en
l'air ou précipité dans un gouffre. Dans ce dernier cas, le sol tout entier
semble se dérober sous lui, la sensation est très différente de celle du
« dérobement des jambes » sous le tronc, avec fléchissement réel et par-
fois chute, que l'on observe souvent dans certaines maladies nerveuses, le
tabès, la maladie de Basedow, etc. Quant aux objets environnants, ils se
déplacent en cercle ou en ligne droite, ils se rapprochent ou s'éloignent,
ils s'inclinent à droite ou à gauche. A certaines de ces variétés on a donné
un nom : vertige rotatif ou vertigo girans, vertigo tituhans ou antéro-
postérieur, vertigo vacillans latéral ou vertical, etc.
Le vertige débute le plus souvent dans la position debout, surtout
pendant la marche ou la course, et diminue ou cesse quand le sujet
s'asseoit ou se couche. Il est fréquemment provoqué par un mouvement
brusque de la tête ou du corps ou par un déplacement rapide des objets
avoisinants. D'autres fois il débute brusquement, sans cause connue ; il
peut commencer et se prolonger pendant le décubitus horizontal, et l'in-
dividu a la sensation que le plancher s'effondre sous son lit, ou que le lit
bascule et oscille. L'occlusion des yeux fait souvent diminuer la sensation ;
dans d'autres cas elle l'exagère (').
Le sujet a toujours, au moins au début du vertige, la notion que sa
sensation de déplacement est purement illusoire; néanmoins cette sen-
sation provoque instinctivement des mouvements de protection et des
mouvements compensateurs de la tête,. des bras et surtout des jambes;
1. La sensation vertigineuse comprendrait pour Bonnier quatre variétés : 1° l'im-
perception d'espace ou suppression momentanée de l'orientation et de la localisation con-
scientes, état analogue au demi-sommeil; 2° la surperception d'espace ou hyperacuité
des perceptions d'espace allant parfois jusqu'à l'angoisse, par exemple dans le vertige
vertical des hauteurs ou dans le vertige horizontal de l'agoraphobie; 5° les illusions d'es-
pace ou inexactitudes des indications relatives à la position des objets et de notre corps,
illusions statiques ou cinétiques, illusions d'attitudes ou illusions de mouvements;
'(" les hallucinations d'espace, également d'altitudes ou de mouvements, également
appliquées aux objets environnants ou à notre propre corps, créations toutes psychiques
d'espaces vides ou pleins inexistants, d'un trou béant, d'un allongement des pieds ou de
tout l'individu, d'une personnalité dédoublée, etc.. (Bonnier, Lannois et Chavanne).
[A.LÉRL]
'.150 ? ' VERTIGES. -
il écarte les pieds et les déplacé en piétinant sur place, il étend, latérale-
ment les bras et les fait osciller ou les projette en avant et, se cramponne
aux objets environnants. Ces efforts ne sont pas toujours suffisants pour
éviter une chute, et dans plus d'un cas ils la provoquent plutôt qu'ils- ne
la préviennent (vertigo caduca). Cette chute est souvent favorable en ce
qu'elle fait cesser le vertige. L'ensemble de ces' mouvements variés ferait
partie intégrante du vertige tel que le comprend Bonnier, au même titre
que la sensation vertigineuse. - ..
Toute sensation vertigineuse est pénible et accompagnée de peur ou
d'angoisse plus ou moins violente. L'angoisse peut être assez prédomi-
nante pour obnuhiler la conscience, sans qu'il y.ait perte de connaissance;
toutes les idées se trouvent concentrées sur les sensations de translation
anormale et sur la crainte de la chute; la notion de l'irréalité du dépla-
cement s'efface et disparaît.
L'angoisse est parfois assez vive pour déterminer une syncope véri-
table; la perte de connaissance fait alors disparaître le vertige. Dans
quelques cas rares, au vertige intense fait suite une attaque épileli-
forme. Syncope ou convulsion peuvent être soit une conséquence de
l'angoisse due au vertige, soit un symptôme d'une affection qui, comme
l'artério-sclérose par exemple, peut déterminer à la fois des sensations
vertigineuses, des attaques syncopales et des crises convulsives.
Des troubles sensoriels ou viscéraux divers peuvent s'associer aux £
vertiges et aux phénomènes moteurs qui en sont la suite. Les plus
fréquents de ces troubles sont des troubles visuels; ils consistent . en
impressions lumineuses 'plus ou moins vives, colorées ou non, en
éblouissements, ou au contraire en sensations débrouillard et d'obscurité.
Les phénomènes auditifs, presque aussi fréquents, sont des bourdonne-
ments, des sifflements, des tintements d'oreille, etc. Des troubles gas-
triques sous forme de pesanteur, de nausées, de vomissements, des
troubles laryngés sous forme de chatouillement, de constriction de la
gorge, sont loin d'être rares. Tous ces troubles peuvent s'observer quelle
que soit la cause provocatrice du vertige, et il faut se garder de prendre
ces conséquences du vertige pour une indication de sa cause. Mais s'ils
n'ont pas de valeur par eux-mêmes quand ils surviennent au cours d'un
vertige déclaré, ils prennent par contre souvent une réelle importance
pour le diagnostic étiologique quand ils le précèdent, quand ils se
montrent comme phénomènes précurseurs ou comme aura de l'attaque
vertigineuse
PATHOGÉNIE .
Pour mettre un peu d'ordre dans l'exposé des innombrables variétés
écologiques des vertiges, il est indispensable de donner un aperçu
succinct de leur mode possible de production. .
La notion de la situation de notre corps et de ses .différentes parties
- PATHOGÉNIE. ' -157.
dans l'espace nous est fournie par la réunion d'un très grand nombre de
sensations. Les sensations musculaires,. les sensations ostéo-articulaires
et cutanées y prennent part; cette part est très considérable pour nous
fournir des indications sur la situation des différentes parties de notre
corps les unes par rapport aux autres, mais très atténuée pour nous
donner la notion de la situation de l'ensemble de notre corps par rapport
au monde extérieur. Les sensations visuelles ont dans cette dernière
notion une part beaucoup plus grande, ainsi que les sensations auditives ;
on le conçoit facilement.
Mais il est un organe spécial qui, rattaché à l'appareil auditif par
l'anatomie grossière, n'en fait pourtant partie intégrante ni par la phy-
siologie, ni même par l'anatomie un peu plus fine, et qui est spécia-
lement destiné à nous donner le sens de l'orientation de notre tête et de
noire corps dans l'espace : c'est le labyrinthe : Le labyrinthe est composé
de trois canaux demi-circulaires, placés dans des plans respectivement
perpendiculaires les uns aux autres, et du vestibule qui fait communiquer
ces canaux entre eux. En vertu de cette disposition et de cette communica-
tion, la pression du liquide qui remplit ces canaux varie dans chacun d'eux
avec chaque changement d'attitude de la tête. Ces variations de pression
excitent les extrémités nerveuses- d'un nerf spécial, le nerf vestibulaire,
qui transmet les excitations au. cervelet, organe central de la coordination
des mouvements, et au cerveau. Le liquide qui baigne le labyrinthe
baigne aussi le limaçon dans lequel se terminent les extrémités du nerf
de l'audition, le nerf cochléaire ; ce nerf cochléaire est simplement accolé
au nerf vestibulaire pour former la 8e paire crânienne, dite, nerf auditif,
mais ils ne sont nullement confondus ; leur trajet est indépendant, leurs
connexions centrales sont différentes, et, si leurs origines périphériques
peuvent être soumises à des influences semblables, les perceptions qu'ils
provoquent sont de nature essentiellement dissemblable : l'un est le nerf de
l'audition, l'autre le nerf du sens de l'espace.- On comprend cependant que
les altérations portant sur les extrémités ou sur le trajet de l'un d'eux
soient très fréquemment le point de départ de troubles portant sur l'autre.
De l'accord parfait de toutes les sensations qui nous indiquent la situa-
tion de notre corps et de toutes ses parties dans l'espace naît la notion
de l'équilibre parfait; de leur désaccord naît le vertige. Mais les troubles
de chacune de ces variétés de sensation ne détermineront pas le vertige
avec une égale fréquence et une égale intensité; les troubles du sens
musculaire, des sensations ostéo-articulaires et cutanées, influant peu sur
la notion de position .du corps entier dans l'espace, ne détermineront
guère à eux seuls un vertige notable; les troubles visuels ou auditifs purs
le provoqueront bien plus aisément ; les véritables altérations qui pro-
duiront le plus fréquemment les vertiges intenses sont celles qui
portent sur l'organe périphérique du sens de l'espace, le labyrinthe, sur
le nerf qui transmet ses sensations, le nerf vestibulaire, sur le centre
qui surtout les reçoit, le cervelet : .. ..
. , . [A. LÉRI.l
1 )R VERTIGES.
C'est donc dans l'oreille interne, le nerf auditif et le cervelet que
l'on trouvera l'origine de la plupart des grandes sensations vertigineuses,
accessoirement dans les organes de la vision, exceptionnellement peut-
être dans les voies de conduction et de réception des impressions sen-
sitives, ncri's périphériques, moelle et cerveau. Dans ces derniers cas,
cas d'altérations des centres nerveux autres que le cervelet, il est pos-
sible que le vertige survienne seulement par l'intermédiaire d'une lésion
portant spécialement sur les voies du sens de l'espace.
Dans les vertiges dits « réflexes », qui paraissent avoir pour point de
départ les extrémités sensitives d'un organe viscéral, l'estomac ou le
larynx surtout, il est possible qu'un spasme vasculaire réflexe ou une
altération sanguine toxique (fermentation gastrique, etc.) ne détermine
encore le vertige que par action spéciale sur les voies nerveuses du sens de
l'espace ou en modifiant la pression cndotymphatiquc du labyrinthe. Nous
en dirons autant des vertiges des maladies infectieuses aiguës etdes intoxi-
cations, des anémies et de la ménopause, de l'arterio-selerose, etc.
11 est logique de supposer qu'un symptôme aussi forcément subjectif
que le vertige peut être provoqué avec facilité par les diverses névroses;
on l'observe en fait assez fréquemment dans l'épilepsie, dans l'hystérie,
dans la neurasthénie surtout.
En somme, en dehors des lésions de l'oreille et du cervelet et peut-
être de quelques lésions des voies visuelles, on voit combien la patho-
génie de la plupart des vertiges est encore obscure et quelles nombreuses
interprétations on en peut donner. La cause d'un même vertige parait
d'ailleurs être souvent multiple. Pour Bonnier, le vertige est toujours
« un trouble nucléaire des centres bulbo-protubérantiefs, particulière-
ment des vastes noyaux étalés sous le plancher dru}" ventricule », qui se
traduit par la désorientation subjective et par des troubles objectifs d'in-
coordination motrice. Il peut être direct ou indirect : il est, direct quand
l'altération porte primitivement sur l'appareil d'orientation et ses centres;
il est indirect quand l'altération porte sur tout autre domaine ci rctcnlit,
« irradie » sur les centres de l'espace.
SÉMÉIOLOGIE
En présence d'un vertige, la cause peut en être évidente, le diagnostic
étiologique s'impose; dans le plus grand nombre de cas, la cause est à
rechercher.
A. LA CAUSE DU VERTIGE EST ÉVIDENTE
Il s'agit presque toujours de vertiges accidentels, de vertiges dits
« aigus ».
1° Il en est ainsi dans un certain nombre de conditions })/¡ysiolo-
gi'lues : vertiges physiologiques.
I;IIIOLOG11 ? . 15'J
Une rotation rapide autour de notre propre axe vertical ou autour d'un
axe vertical quelconque détermine pendant la rotation et après l'arrêt une
sensation illusoire de rotation des objets ou de notre corps en sens con-
traire : il y a un vertige rotatif. C'est le vertige des chevaux de bois par
exemple, le, vertige de la danse. La sensation vertigineuse est d'autant
plus nette et plus prolongée que le mouvement est plus rapide et que la
circonférence décrite est moins étendue. Elle est aussi d'autant plus
prononcée que nous avons moins, par le contrôle de la vue ou du sens
musculaire, la notion de la rapidité avec laquelle nous tournons; ainsi
le vertige rotatif s'exagère par l'occlusion des yeux; ainsi aussi, avec une
vitesse égale, le vertige est plus prononcé sur les manèges de chevaux de,
bois que sur les manèges de vélocipèdes où le tourneur a au moins l'illu-
sion, en pédalant, de contribuer, par une assez grosse dépense de force
musculaire, à la vitesse de sa rotation. Ce vertige rotatif est très facile-
ment provoqué par la descente rapide d'un escalier étroit en colimaçon.
Ce genre de vertige physiologique n'est pas toujours rotatif : ainsi
quand nous nous trouvons dans un train à l'arrêt et que nous regardons
un autre train se mettre en marche, nous avons la sensation illusoire de
notre déplacement en sens contraire et parallèle; c'est le vertige, de
translation.
Le vertige du mal de mer, le vertige du mal des montagnes sont,
comme les précédents, dus il de rapides modifications de la pression
endotymphatiquc de l'oreille interne.
Tous ces vertiges paraissent d'ailleurs se produire surtout chez des
prédisposés, chez des névropathes, et, pour un même sujet, dans des
conditions accidentelles défavorables, nerveuses, gastro-intestinales ou
menstruelles.
2° Par différentes manoeuvres on peut obtenir des vertiges provo-
qués.
Le vertige voltaïque ou galvanique a été décrit et étudié parPurkinn,
puis par l3renner, Hitxig, l : rl>; mais c'est aux récentes recherches de
Babinski que l'on doit tout ce que nous savons sur le mode et le méca-
nisme de production de ce phénomène et surtout sur ses modifications
pathologiques et leur importance séméiologique.
Voici en quoi consiste le vertige voltaïque : si l'on applique symétri-
quement sur les deux tempes ou les deux apophyses mastoïdes d'un sujet
normal les deux électrodes d'un courant continu dont on augmente pro-
gressivement l'intensité, il se produit d'abord une sensation de vertige,
puis une inclination latérale de la tète avec ou sans phosphènes, bour-
donnements d'oreille, goût métallique, nystagmus : celte inclination se
produit toujours chez le sujet normal du côté du pôle positif ().
I. La sensation subjective es ! toujours plus forte que l'inclination replie (Erb). Quand
le sujet est debout, les talons joints, la r6aclion est. plus nelle, parce que le corps enl ici'
parait s'incliner (Escal).
[.LEM]
160 - Vertiges.
Le phénomène se produit en général quand l'intensité du courant.1
atteints à 5 milliampères; il serait particulièrement net. chez les sujets
jeunes et pourrait être obtenu avec 1 où- 2 milliampères-; enfin, d'après
Babinski, on l'ohtiendrait plus facilement en appliquant les électrodes
au-devant du tragus et à sa-partie supérieure; il y aurait là un véritable
« point d'élection », et le vertige se produirait parfois rien qu'avec une
fraction de milliampère. - ....
Un mouvement de rotation plus où moins .prononcé accompagne quel-
quefois l'inclination; d'après Blhinski, , ce mouvement se manifesterait
parfois quand les deux électrodes ne sont pas placées symétriquement,
mais tout particulièrement quand, l'électrode positive étant au point
d'élection, l'électrode négative est abaissée au-devant du lobule de l'oreille ;
le pôle négatif semble jouer un rôle prépondérant, car, si la situation
des pôles est inversée, il ne se produit pas de rotation malgré l'asymétrie.
Comme l'inclination, la rotation se produit lentement et progressivement;
elle se fait aussi vers le pôle positif ('). '
Le vertige voltaïque avait été attribué par certains auteurs à des
troubles de la circulation encéphalique et à une irritation directe des
centres nerveux; pour d'autres, il dépendait de l'excitation du labyrinthe
et des extrémités du nerf vestibulaire. Babinski a démontré, par ses très
intéressantes constatations expérimentales et cliniques, que cette der-
1. Bii31îsKi. Sur les mouvements d'inclination et de rotation de la tête dans le
vertige voltaïque. Soc. de biologie, 25 avril 1905. .
Fig. 48. Vertige voltaïque (d'après Zimmern, Eléments d'.Éleél1'olhémpie clinique),
a) Les deux pôles d'un appareil galvanique sont appliqués aux tempes ; b) on augmente pro-
gressivement l'intensité du courant : la tête s'incline d'un côté. Si le pôle positif est placé
de ce coté, la réaction est normale; si c'est le pôle négatif, la réaction est pathologique : il
y à une lésion organique de l'oreille interne du même côté.
SJ1111OLO(;1 E. ' Ilii
ni ère hypothèse était la vraie; ses recherches sur les animaux ont,
même- permis de pousser plus loin l'analyse du mécanisme du vertige
voltaïque et du mode d'action de chacun des pôles. Eu constatant
d'abord que les lésions auriculaires déterminent, soit, chez l'homme, soit
chez les animaux ('), des modifications du vertige voltaïque dont nous
allons avoir à parler plus loin, Babinski a montré que ce vertige
était bien d'origine labyrinthique. En remarquant ensuite que le phéno-
mène était notablement plus prononcé quand l'excitation était bilatérale,
que quand elle était unilatérale (les deux électrodes étant appliquées d'un
seul côté près d'une oreille), il a montré qu'il ne résultait ni de ce que
le pôle positif attire plus la tête que le négatif, ni de ce que le négatif
repousse plus la tête que le positif : il ne pouvait s'agir de la prédomi-
nance d'action d'un pôle sur l'autre, mais bien de l'action combinée,
des deux pôles. Enfin, en dénudant le labyrinthe d'un pigeon et en
appliquant alternativement chacun des pôles, l'un sur le labyrinthe
même, l'autre a un demi-centimètre en dehors, il a démontré que l'exci-
tation du labyrinthe par le pôle positif détermine une inclination de la
tête, du côté excité, que l'excitation par le pôle négatif détermine une
inclination du côté opposé; il y aurait donc une véritable action attrac-
tive exercée par le pôle positif, une action répulsive exercée par le pôle,
négatif, ces deux actions s'additionnant dans la recherche clinique habi-
tuelle, l'action répulsive du pôle négatif étant d'ailleurs plus brusque et
bien plus intense. En détruisant alternativement, au cours de ces expé-
riences sur le pigeon, chacune des parties du labyrinthe, Babinski a
constaté que l'excitation du vestibule et des ampoules semble jouer un
rôle capital, alors que celle des canaux semi-circulaires serait peu im-
portante (2).
Babinski a été amené à ces belles et curieuses expériences par les
importantes remarques déjà faites par lui en clinique humaine, remar-
ques qui ont donné aux modifications pathologiques du vertige voltaïque
une importante valeur séinéiologique, et que nous résumerons ainsi :
1" Dans les lésions organiques d'une oreille interne, on constate
en général que l'inclination de la tête déterminée par l'application des
électrodes galvaniques aux tempes se produit non plus du côté où se.
trouve le pôle positif, mais du côté de l'oreille malade, quelle que soit
la situation de chaque électrode n. Dans d'autres cas, l'inclination est
seulement beaucoup plus prononcée d'un côté que de l'autre, et c'est
alors généralement du côté de l'oreille malade qu'elle est plus prononcée.
Quand les lésions organiques de l'oreille interne sont bilatérales,
I. Chez un pigeon dont on a tamponné le conduit auditif externe, le vertige voltaïque
subit une perturbation analogue à celle qui a été constatée en clinique humaine.
(Babinski. Soc. de hiot., H mars l ! )0r>.)
2. Babinski. Sur le mécanisme du vertige voltaïque. Soc. de biologie, 14 mars 1 005.
5. Babinski. De l'influence des lésions de l'appareil auditif sur le vertige voltaïque.
Soc. de biologie, '20 janvier 1901.
PHATIQUE XEUKOL. Il
IA. LÉRI]
'1 Iii VERTIGES.
ou bien l'inclinalion est encore plus marquée d'un côté, et c'est généra-
icment du côté de l'oreille la plus malade, ou bien elle manque complè-
tement, ou bien elle se fait directement en arrière.
Dans ces différents cas, on constate souvent une résistance exagérée
au vertige voltaïque; il ne se produit parfois qu'avec un courant de
10 à 15 milliampères au lieu de 2 Ù 3.
Dans les surdités de cause psychique, on ne constate pas ces modi-
fications anormales du vertige voltaïque. La recherche de ce phénomène
est donc de grande importance pour révéler la cause de certaines sur-
dités; elle a pu servir aussi il déceler des lésions méconnues de
l'oreille n'ayant donné lieu qu'à un minimum de signes fonctionnels.
.L'importance diagnostique du « phénomène auriculaire de Babinski » a
été confirmée par Cros, Napieratski, Mann('), etc.
2° La résistance au vertige voltaïque, que l'on constate notamment,
comme nous l'avons dit, dans nombre de cas de lésions de l'oreille
interne, diminue généralement par la ponction lombaire; souvent en
même temps, si la réaction était anormale, le vertige redevient normal ;
ces modifications semblent donc dues, en bonne partie au mains, à
l'augmentation de pression du liquide céphalo-rachidien dont on connaît
les relations directes avec le. liquide labyrinlhique. La résistance auor-
male au vertige voltaïque peut ainsi être parfois un signe objectif per-
mettant de déceler une augmentation de pression du liquide céphalo-
rachidien sY11lptomatiqlle d'une tumeur cérébrale (2).
On voit quelles intéressantes indications pratiques ou peut tirer de la
recherche du vertige voltaïque et quelle valeur séméiologillue inattendue
ce phénomène a aujourd'hui acquise.
Le vertige rotatoire peut être provoqué soit en faisant tourner rapi-
dement le sujet autour de son axe vertical, soit au moyen de dispositifs
spéciaux, comme l'appareil de Mach. Cet appareil se compose d'un plan-
cher horizontal mobile autour d'un axe vertical : on fait tourner le plan-
cher, le sujet étant assis, les yeux bandés, le dos contre l'axe et les pieds
sur le bord du plancher. A l'état normal, le sujet a la notion de la rota-
tion ; quand on arrête brusquement l'appareil, il a la sensation de con-
tinuer à tourner pendant quelques instants, mais en sens inverse; ces
sensations sont dues aux modifications de pression dans le liquide des
canaux semi-circulaires.
Dans les cas de « syndrome de Ménière », caractérisés cliniquement.
par le vertige, des bruits subjectifs et de l'hypoacousie, et qui tradui-
1. Cnos. Des modifications du régime voltaïque. Thèse Toulouse, HIO 1. - Napie-
d. Le vertige voltaïque dans les lésions de l'appareil auditif. Thèse Paris, 1909. -
]i,u.sKt. Le MWe ! )0«N/</MC fots Sfo ? )4' e /'appa)'e ! / n : <<ff ? Thcse l'aris, t ! ))r).
Mann. Uuer Schwiudel und ¡;JpichgewichssWrungeu nach Commotici cerelmi und ihren
Xachweis durch eine galvanische ! ! ca)<Lion. Medizin. Klinili., 11107, n°' 20 et 21.
2. De ces recherches, Babinski a déduit un mode de traitement des vertiges auricu-
laires en général par la ponction lombaire : comme nous le dirons, c'est aujourd'hui ce
traitement qui parait donner dans nombre de cas les meilleurs résultats. u
, SÉMIOLOGIE. 105
sent l'irritation de l'appareil vestibulaire, le vertige rotatoire provoqué,
persiste. Dans les cas de syndrome vestibulaire de Raymond, qui se
distinguent cliniquement du syndrome de Ménière par 1 absence d'orien-
tation dans la sensation vertigineuse, par les gros troubles de l'équilibre
et l'absence relative des bruits subjectifs, et qui traduisent la paralysie
de l'appareil vestibulaire, le vertige rotatoire ne peut être provoqué :
ce vertige rotatoire ne peut se produire, en effet, que si l'appareil vesti-
bulaire peut être excité par les modifications de pression du liquide
qu'il contient.
5" Toutes les maladies infectieuses aiguës peuvent donner
lieu au vertige, et cela surtout soit il leur début, soit il une période
tardive et dans les formes adynamiques.
On l'observe avec une graudc fréquence dans la fièvre, typhoïde et la
grippe, moins souvent dans le, typhus, la fièvre paludéenne, la fièvre
jaune, la peste, parfois dans la scarlatine, la pneumonie, les oreillons,
la variole. Il est plus marqué quand ces affections s'accompagnent de
bourdonnements et, de tintements d'oreille, intenses et surtout, se compli-
quent d'otites, mais il peut, exister en l'absence de tout signe d'altéra-
tion des voies auditives. Il serait dû soit aux modifications générales de
la pression sanguine, soit aux irritations anormales de l'appareil labyrin-
unquc on des centres de l'espace par les toxines microbiennes. Dans tous
ces cas, le vertige n'est qu'un élément accessoire dans l'ensemble 'du
tableau clinique, de la maladie infectieuse.
4° Le vertige n'est aussi qu'un des éléments d'une maladie spéciale,
localisée il certaines régions des environs du lac Léman (Gerlicr, Ladame)
et du nord du Japon (Nakano, MIura) : la maladie de Gerlier ou
vertige paralysant (en japonais kubisagari, c'est-à-dire « celui
dont la tête tombe »).
Celle maladie est caractérisée, par des troubles visuels avec vertige
plus ou moins net, par des parésies passagères et par des douleurs verté-
brales. Les troubles visuels consistent en diplopie, photopsie, photo-
phobie ; ils s'accompagnent d'obnubilation de la vue avec troubles de
l'équilibre plus ou moins prononcés, mais sans angoisse, sans nausées ni
vomissements : il s'agit d'un vertige ténébreux, plutôt atténué, et presque
jamais rotatif. Parmi les parésies, lc-ptosis est la plus constante; il est
généralement bilatéral et inégal; il peut ou non s'accompagner de parésie
des extenseurs de la tête et de parésie des membres inférieures, d'où les
types principaux distingués par Gerlier : type, de l'endormi (ptosis),
type du recueillement (paralysie des extenseurs de la tête), type de
l'aveugle ivre (paralysie des membres inférieurs). Les parésies des mem-
bres supérieurs sont d'ordinaire en rapport avec les mouvements profes-
sionnels habituels : la paralysie des extenseurs, « paralysie du trayeur »,
est la plus fréquente. La parésie des abaisseurs de la mâchoire s'observe
souvent; celle de la langue, des lèvres et des joues, celle du pharynx et
du larynx, celle de la vessie sont rares. Des douleurs spinales du cou ou
[A. LEM
104 ' VERTIGES.
des lombes, des névralgies de la face, du tronc ou des membres, accom-
pagnent ordinairement les parésies et les troubles visuels.
Tous ces symptômes surviennent par accès qui durent de une à dix
minutes ; les accès se reproduisent en série pendant deux ou trois heures.
Les séries se répètent, avec des intervalles plus ou moins prolongés, soit
de santé parfaite, soit d'affaiblissement musculaire plus ou moins pro-
nonce. pendant tout le cours de la maladie qui dure de un Ù. cinq mois.
La maladie elle-même, débutant brusquement et presque toujours pen-
dant l'été, peut se reproduire plusieurs années de suite. Les causes occa-
sionnelles semblent, être des excitations visuelles vives, des contractions
musculaires violentes ou répétées, la fatigue, les excès de toute, sorte et
spécialement les excès alcooliques. Mais la cause déterminante vraie,
parait devoir être cherchée dans les ébahies, car la maladie frappe à peu
près exclusivement les cultivateurs et les bergers, ceux qui sont en rap-
port fréquent, avec les étables; en hiver on ne l'observe que chez les ber-
gers qui couchent à l'étable; chez les femmes, les vieillards et les
enfants, on ne l'observe guère qu'au Japon où ces sujets sont aussi fré-
quemment dans les étables que les hommes adultes. T
En raison de sa limitation à certains pays, des épidémies locales et des
cas de contagion, Gerlier regarde le vertige paralysant comme une ma-
ladie infectieuse analogue au tétanos, dont le germe, sans doute naît
cryptogame, se développerait dans le fumier fermenté; Ladame cousi-
dère celle affection comme une névrose. A
B. LA CAUSE DU VERTIGE N'EST PAS ÉVIDENTE
Dans un très grand nombre de cas, la cause provocatrice du vertige
ne s'impose pas. Il peut être un élément très prédominant, voir même
isolé en apparence, d'un ensemble morbide dont les antres symptômes
sont à rechercher. 11 apparaît alors soit accidentellement, brusquement,
comme par hasard, révélateur momentané d'une altération le plus souvent
passagère, soit d'une façon habituelle, durable ou répétée, comme symp-
tôme. révélateur ou non, d'un trouble organique ou fonctionnel plus
persistant : dans ce dernier cas, le vertige, dit « chronique », peut être
constant, prolongé ou fréquent (Grasset).
Dans l'un et l'autre cas, des symptômes variables, auditifs, visuels,
gastriques, laryngés, etc., précurseurs de l'attaque vertigineuse, peuvent
être d'un grand intérêt pour mettre sur la voie du diagnostic causât.'
1° Vertige auriculaire. En présence d'un vertige de cause
inconnue, le premier appareil sur lequel il convient de porter son atten-
tion est l'appareil de l'ouïe.
Toutes les variétés de lésions des différentes parties de l'oreille peuvent
déterminer du vertige auriculaire par l'exagération de la pression infra-
labyrinthique : bouchon de cérumen dans le, conduit auditif externe; sclé-
rose, suppuration, fongosités, hémorragie de l'oreille moyenne ou
SÉMIOLOGIE. 11 î ?
obstruction de la (rompe d'Eustachc; congestion ou hémorragie de
l'oreille interne. ·
La plupart des vertiges physiologiques dont nous avons parlé sont des
vertiges auriculaires, ayant pour point de départ une brusque modifica-
tion de pression du liquide labyrinthique. De même, c'est peut-être son-
vent par une congestion, ou parfois par une hémorragie labyrinthique.
que les maladies infectieuses, la fièvre typhoïde, la grippe, la variole, les
oreillons déterminent des vertiges. La propagation au labyrinthe, à tra-
vers le conduit auditif interne, de la congestion, de l'inflammation ou de
l'oedème cérébral ou méningé, explique aussi certains vertiges des ménin-
gites et des tumeurs cérébrales.
Les modifications de la pression sanguine dans les artères labyrinlhi-
ques, et peut-être aussi les altérations de la crase sanguine, jouent sans
doute un rôle important dans un' certain nombre des vertiges ci-dessus,
dans les vertiges dits « réflexes », ainsi que dans les vertiges des artério-
scléreux et des hrighliques (P. Bonnier), voir des diabétiques et. des dys-
peptiques, des intoxiqués, des anémiques, des convalescents.
Toutes les modifications vasculaires et sanguines peuvent d'ailleurs
déterminer le vertige auriculaire, en agissant soit sur l'appareil récep-
teur des sensations du sens de l'espace, le labyrinthe, soit sur le nerf
transmetteur, le nerf acoustique, soit sur les centres percepteurs ou
coordinateurs, centres bulbaires, cervelet, et peut-être certaines portions
du cerveau.
De même aussi, le vertige des Icrbéliclcccs, qui est assez fréquent, prend
le plus souvent la forme du vertige auriculaire, soit par suite de lésions
variées de l'oreille (Pierre Marie et Wallon, Collet et Lannois), soit par
sclérose du nerf auditif (Pierrot), soit peut-être par lésion cérébelleuse.
Ce vertige peut être parfois d'origine visuelle par paralysie oculaire; il
semble pouvoir être aussi uniquement, psychique, dû Ù la surexcitahilité
mentale et à la véritable astasie-abasie plus ou moins atténuée que l'on
observe chez la plupart des tabétiques, même indemnes de toute incoor-
dination : quant aux troubles de la sensibilité profonde, ils jouent sans
doute dans la production du vertige vrai (indépendant de tout fléchisse-
menton derobement des jambes) un rôle beaucoup plus enace et accessoire.
Le vertige de la sclérose en plaques, très fréquent, presque toujours
rotatif, parfois très violent et très répété, est sans doute dû le plus sou-
vent aune plaque cérébelleuse ou bulbaire, atteignant ou non le centre
un les racines de l'auditif. Il peut être dû aussi à des troubles visuels
(diplopie, nystagmus, etc.).
Un voit que la presque totalité des vertiges peuvent être, directement
ou indirectement, d'origine auriculaire, mais pour beaucoup d'entre
eux cette origine n'est pas démontrée, et ils méritent de rester encore
dans l'un des cadres d'attente dont nous parlerons plus loin.
Le vertige auriculaire peut prendre toutes les formes : y'raloirc lc
plus souvent, il peut être oscillant, vacillant, titubant; il peut ou non
[A LÉRl.
nua .'VERTIGES.
entraîner la chute, être accompagné d'angoisse, de nausées et de vomis-
semons; il s'accompagne souvent de troubles oculaires sous forme de
diplopie, d'eblouissements, de Paonnes ou de brouillards, et de troubles
auditifs. Ce qui est bien plus caractéristique et, plus important pour le
diagnostic, c'est que presque tous les vertiges auriculaires sont précédés,
de plus ou moins longtemps, par des troubles subjectifs de l'ouïe, sous
forme de bourdonnements, de sifflements, de tintements, intermittents,
permanents ou paroxystiques. Les douleurs de l'oreille ne sont pas rares,
non plus que des manifestations objectives de la lésion auriculaire, rou-
geur et gonflement de la mastoïde, soulèvement du pavillon, otorrhée. etc.,
surtout de l'hypoacousie ou de la surdité : dans ces cas le diagnostic de
la cause est. évident, dans d'autres il se révèle par une exploration du
tympan et de la trompe d'l,ust;lclu. \ous n'avons à insister ici, ni sur les
signes des différentes lésions de l'oreille, ni sur les signes des affections
provocatrices des troubles auriculaires (maladies infectieuses, utenin-
gites, tabès, sclérose en plaques, tumeurs cérébrales, syphilis, etc.), qui
éclairciront le diagnostic étiologique et la pathogénie dans la grande ma-
orité des cas.
En dehors des vertiges auriculaires que nous avons signalés et que l'on
peut dire symptomatiques, parce que le syndrome vertigineux n'est
qu'un des éléments accessoires du tableau morbide dans une maladie
générale ou dans une maladie des centres nerveux, il est toute une caté-
gorie de vertiges auriculaires auxquels conviendrait plus ou moins, par '
opposition avec les précédents, la dénomination d'essentiels ou d'idio-
pathiques : dans ces cas, la lésion de l'oreille et ses manifestations clini-
ques prennent une importance prépondérante, la maladie causale est
effacée. On leur a donné à tous indistinctement le nom de vertige de
Ménière, de maladie de Ménière : on doit, avec Lannois et Chavanne, les
désigner sous le terme de syndrome de Ménière,
Le syndrome de Ménière est constitué par une triade sympto-
matique capitale : vertige, bruits subjectifs, hypoacousie ou surdité, et
par des symptômes' accessoires d'origine bulbaire, nausées, vomis-
sements, diarrhée, troubles respiratoires, modifications du pouls, nystag-
mus, strabisme, mydriase ou myosis, etc. Ce syndrome traduit l'exci-
tation de l'appareil vestibulaire.
Lannois et Chavanne distinguent des formes complètes, des formes
atténuées, des formes frustes et des formes psychiques de ce syndrome.
Parmi les formes complètes, ils reconnaissent des variétés apopiecti-
forme, aiguë, paroxystique, chronique avec paroxysmes, continue.
Il faut réserver le nom de maladie de Ménière il la variété apo-
plecliforme, modalité la plus rare, il est vrai, mais qui a été très exac-
tement décrite par cet auteur en '1801, et qui correspondrait exclusi-
vement Ù une hémorragie labyrinthique. Cette hémorragie ne se produit
que dans certaines conditions
SÉMÉIOLOGIE. 1117
1° Soit a la suite d'un traumatisme : traumatisme direct ayant déter-
miné une fracture du crâne, ou traumatisme indirect dont Passow
distingue il groupes : a) violences portant sur le crâne (coups, etc.);
b) ébranlement du corps par chute sur les genoux, les pieds, etc.;
c) variations exagérées de la pression de l'air dans le conduit auditif
externe (travail dans les caissons, etc.); d) bruits intenses (explosions,
armes à l'eu, etc.) ; e) bruits continus et répétés (forgerons, artilleurs, etc.) ;
2° Soit sans traumatisme : dans les caries du rocher, an cours de cer-
taines méningites, de maladies infectieuses aiguës ou de leucocythemie,
de syphilis, de néphrite, d'art ério-sclérose, etc.
Dans les formes non traumatiques, le début est brusque, apoplecti-
forme, et survient chez un sujet dont l'audition est normale. Ce vertige
est précédé par une courte aura sous la forme d'un sifflement, aigu et stri-
dent, parfois de tintement ou de bruissement; il y a quelquefois des
prodromes plus ou moins prolongés, semblables à ceux de l'hémorragie
cérébrale, précédant l'accès de quelques minutes à plusieurs jours, con-
sistant en céphalées, vertiges simples, bourdonnements, angoisse, vomis-
sements, sueurs, phosphènes, obnubilations de la vue, etc. Le vertige se
montre sous toutes les variétés et souvent sous plusieurs variétés succes-
sivement; il est violent d'ordinaire et entraîne le plus souvent la chute;
il est accompagné de bourdonnements, d'angoisse, de pâleur de la face,
de sueurs froides, de tendance syncopale; il est suivi presque toujours
de nausées et de vomissements. La conservation de la conscience pendant
l'accès était considérée par Charcot et Gilles de la Tomette comme un
des caractères essentiels du syndrome, de Meniere;on admet aujourd'hui,
avec Franki-lfochwart, que le vertige peut parfois déterminer la perte de
connaissance en dehors de toute influence traumatique ou epileptique.
L'accès dure de quelques minutes à un quart d'heure, rarement quelques
heures ou même quelques jours. Après l'accès persiste toujours une sur-
dite prononcée et permanente, souvent aussi des vertiges légers et des
bourdonnements.
Après un traumatisme, on peut observer une variété 'apoplecliforine
du syndrome de Ménière, plus souvent on observe la variété paroxystique
ou chronique.
A la suite ou non d'un ictus apoplectiforme violent, comme celui que
nous venons de décrire, un nouvel accès, généralement moins violent, se
déclare souvent quelques jours, quelques semaines ou quelques mois
après le premier : c'est la variété paroxystique du syndrome de Ménière,
ce n'est plus la « maladie de Ménière » proprement dite. A chaque nou-
vel accès la surdité augmente, les vertiges et les bourdonnements tendent
il devenir permanents : le « type paroxystique » passe au « type continu ».
Plus rarement le type continu survient d'emblée, marqué par un état,
vertigineux, des bourdonnements et une 'diminution progressive de l'ouïe,
chez des sujets qui présentaient, déjà antérieurement des troubles audi-
tifs subjectifs et objectifs; celte évolution continue est presque toujours
. [A. LÉRl.]
108 . VERTIGES.
entrecoupée de paroxysmes plus ou moins apoplectiques (variété chro-
nique avec paroxysmes). .
L'état du vertigineux chronique peut être extrêmement pénible; l'un-
goisse continuelle, les bruits subjectifs permanents, les hallucinations
visuelles, les culbutes subjectives répétées, le déséquilibre de la démar-
che, rendent l'existence insupportable, provoquent quelquefois des ten-
tatives de suicide et fréquemment des troubles psychiques et neurasthé-
niques très accentués. C'est dans ces cas surtout, qu'on observe la
« névrose de Ménière » décrite par Franid-Hochwart, les formes psychi-
ques de Lannois et Chavanne : troubles intenses de l'intelligence et de
la volonté, phobies et notamment agoraphobie, psychoses véritables chez
des prédisposés.
Le plus souvent heureusement, les vertiges deviennent plus rares quand
la surdité est devenue à peu près complète; mais celle-ci est irrémé-
diable.
En dehors de ces formes complètes ou compliquées du syndrome de
réméré, on observe très fréquemment des formes atténuées se tradui-
sant par une sensation d'étourdissement, d'ebtonissemcnt, de tournoie-
ment passager, à la suite de certains mouvements ou après la perception
de certains bruits violents par exemple. Frankl-Hochwart a décrit des
formes frustes où manquerait l'un des trois symptômes capitaux, hypo-
acousie, bruits subjectifs ou vertige typique; celui-ci pourrait être rem-
placé par un état vertigineux léger, du treinbleinent des jambes, une
sensation de dérobeinent du sol; la migraine otique est une variété de
ces formes frustes (Lannois).
Dans la plupart de ces cas, et toujours dans la variété apoplecliforme,
l'examen attentif de la caisse du tympan et de la trompe d'Eustache ne.
révèle aucune lésion de l'oreille moyenne ou externe; les réactions de
Pinne et de AVeber indiquent une lésion de l'oreille interne; le diapason
n'est entendu par l'intermédiaire des os du crâne que du côté normal.
L'épreuve du vertige voltaïque montre une inclinaison constante ou
plus prononcée soit du côté de la seule oreille malade, soit du côté de
l'oreille la plus malade, que celle oreille soit du côté du pôle positif ou
du côté du pôle négatif.
L'épreuve du vertige rotatoire montre que le malade a la notion de la
rotation de l'appareil, il a la sensation vertigineuse d'une rotation en
sens inverse au moment où l'appareil s'arrête et il présente du nys-
tagmus.
Au syndrome de Ménière. par excitation du labyrinthe, il faut opposer
le syndrome vestibulaire de iiaymoud, par paralysie ou déficit
de l'appareil veslibulaire. Ce défaut d'appareil d'orientation déter-
mine : 1° l'absence de toute orientation dans les sensations vertigi-
neuses de déplacement; 20 des troubles de l'équilibre pouvant aller
jusqu'à la chute; ? l'absence du vertige rotatoire provoqué par l'ap-
pareil de Mach; le malade n'a ni la notion de la rotation, ni la sensation
SEMIOLOGIE. -109
vertigineuse de rotation en sens inverse au moment de l'arrêt, ni les
mouvements compensateurs nystagmiformes qui se produisent il ce
moment.
2" Vertige visuel. Le passage rapide devant les yeux d'objets
qui paraissent en mouvement, la vue de la campagne ou surtout de gril-
iages dans un train en marche, par exemple, provoquent facilement des
sensations vertigineuses. L'amblyopie, qui empêche la distinction nette
des objets en mouvement, favorise ce vertige.
Le nystagmus. en provoquant un mouvement illusoire du monde exté-
rieur, est une cause plus importante de vertige.
Mais la cause la plus ordinaire et la plus gênante du vertige oculaire
est la diplopie, par paralysie ou contracture des muscles de l'mil d'ori-
gine périphérique ou centrale. Le vertige est d'autant plus prononcé que
la diplopie est survenue plus brusquement; il s'atténue avec le temps
par des manoeuvres compensatrices, soit que le sujet s'habitue à n'em-
ployer que I"oeil sain, soit qu'il terme la paupière de l'oeil malade, soit
qu'il corrige le strabisme par des verres appropriés.
Les troubles de la vision qui précèdent et commandent le vertige per-
mettront un facile diagnostic, de sa cause; l'examen de l'oeil complétera
ce diagnostic. On ne prendra pas pour un signe de l'origine oculaire du
vertige les sensations lumineuses variées qui accompagnent souvent le
vertige auriculaire.
Un vertige olfactif analogue pourra être déterminé par des altéra-
tions nasales.
.1° Vertiges dans les lésions du cervelet et du cerveau.-
La presque totalité des tumeurs du cervelet s'accompagnent de ver-
liges chroniques et de trouilles de l'équilibre qui se manifestent de façon
continue par la titubation ebrieuse et de farnn intermittente par des sen-
sations de tournoiement, du chancettement et des chutes. Les rapports du
cervelet avec l'organe du sens de l'espace expliquent celle fréquence du
vertige dans les tumeurs cérébelleuses, plus sans doute que l'éiroitesse
relative de la loge il parois inextensibles, osseuses et fibreuses, dans
laquelle ces tumeurs peuvent évoluer (ttitxig) ; certaines tumeurs ciré-
helleuses, celles du vermis notamment, pourraient cependant donner
lieu au vertige par elles-mêmes, sans irritation du nerf ou du noyau
vestibulaire (Lannois). On comprend aussi que le vertige ne fasse pas
habituellement partie du tableau des atrophies congénitales du cervelet.
La céphalalgie occipitale permanente et les vomissements répétés à
caractère cérébral, sans nausées, le peu d'intensité ordinaire des troubles
subjectifs et objectifs de l'ouïe, feront rapporter à une hnncur cérébel-
leuse les vertiges chroniques et les troubles de l'équilibre.
Les tumeurs du cerveau provoquent moins fréquemment, le ver-
lige que celles du cervelet : elles le déterminent, surtout quand elles
. [A. LÉRL]
1 iO VERTIGES.
siègent dans le lobe frontal ou la région rolamlique. Elles s'accompa-
gnent de troubles psychiques et moteurs variables, de céphalalgie, de
vomissements, parfois de syncope, très souvent de signes, oculaires ou
autres, de compression ou d'oedeme cérébral et méninge. On admet géné-
ralement que ces tumeurs déterminent le vertigo soit par stase, soit par
ischémie du cerveau; mais le, rôle que peuvent jouer dans la production
du vertige les troubles, passagers ou permanents (congestion, oedème,
compression), soit du cervelet, soit de l'oreille interne, n'est pas élucidé.
La cause cérébrale la plus fréquente du vertige est l'artério-sclé-
rose cérébrale; ce rôle de i'arterio-scterosc a été mis en lumière
d'abord par Grasset, puis par Mendel, Gançon. Grasset considère le ver-
tige artério-sclércux comme une véritable claudication intermittente
du cerveau, déterminée par le spasme des vaisseaux qui, dans 1'II't<"-
rio-sclérose de tout organe, précéderait le développement, des lésions
vasculaires définitives; l'anémie passagère déterminerait Je vertige sur-
tout par son action sur la région lmllto-lrratuluranlicllc. Peut-être
cependant faut-il faire intervenir aussi dans sa production et les Illodili-
. cations de pression et de perméabilité des artères labyrilllhiques (P. Bon-
nier) et les scléroses de l'oreille si fréquentes chez les arterio-sciercnx.
Le vertige des arlério-seléreux est un vertige chronique dont les crises
sont plus ou moins fréquentes (jusqu'à 40 dans la journée) et se repro-
duisent sans cause apparente ou le plus souvent à l'occasion d'un mouve-
ment brusque, surtout d'un brusque changement de position : le type en est
le vertige du saut du/il décrit par Régis. Il est le plus souvent simple,
il peut être, d'après Grasset, accompagné de crises épilepliforines, il
peut n'être qu'un des éléments du syndrome « pouls lent permanent avec,
crises vertigineuses, syncopales, épileptiformes ou apoplcctiforines ».
Dans ce dernier cas, il serait spécialement syrllplonlaliclue de l'artério-
sclérose bulbaire.
Ce vertige des arterio-scfereux ne se distingue en rien des autres ver-
tiges, si ce n'est par les phénomènes concomitants; le plus souvent il est
accompagné soit de quelques .symptômes ll'artl'rio-sd("rose viscérale ou
périphérique, soit surtout de quelques autres signes d'arterio-scierosé
cérébrale : céphalalgies surtout nocturnes, bourdonnements d'oreille,
somnolence ou au contraire insomnie, troubles du caractère, l'aligne
physique et mentale, enfin autres symptômes passagers de « claudication
intermittente du cerveau », amnésie, embarras de la parole, aphasie
transitoire (Régis), hémiparésie, très courtes attaques apoplectiques non
suivies d'hémiplégie.
C'est sans doute a )'arterio-sc)erose cérébrale qu'il faut rapporter la plu-
part des vertiges prodromiques de l'hémiplégie, sans doute aussi bon
nombre de vertiges de l'hémiplégie confirmée due il l'hémorragie ou au
ramollissement cérébral; dans ces derniers cas pourtant on peut aussi
incriminer, comme pour les tumeurs, la stase on l'anémie cérébrale.
Les vertiges de l'aortite et de l'insuffisance aortique sont dus aussi
SÉMÉIOLOGIE. ni
al'arterio-sclerosedontia lésion aortique n'est qu'une manifestation ;
sans doute aussi faut-il faire intervenir pour une part les fortes alter-
natives d'hypertension et d'hypotension sanguine, de congestion et
surtout d'anémie cérébrale. C'est également aux modifications de la cir-
culation cérébrale, à la congestion ou à l'hypertension, que l'on a attribué
les vertiges, moins fréquents, de l'insuffisance mitrale ou de l'insuf-
fisance Iricuspidienne.
Des vertiges, qui reconnaissent sans doute semblable origine, ont été
observés dans les maladies rénales et surtout dans la néphrite inter-
stitielle. Bonifier surtout a été frappé de la fréquence des vertiges, ainsi
que des bourdonnements, de la surdité, dans la néphrite interstitielle. Cet
auteur a attribué le « vertige nephrostenique », l' « olo-brightisme », non
seulement aux troubles de la circulation labyrinthique, mais aux altéra-
tions des terminaisons artérielles des « capsules », des « glomerulcs »
véritables, analogues il ceux du rein, que Schwalbc a décrits dans le
labyrinthe et les espaces sous-aracimddicns : il y aurait un trouble de la
sécrétion du liquide labyrinthique et du liquide dphalocr : 1chirlien ana-
logue au trouble de la sécrétion de l'urine, caractérisé aussi par un excès
de sécrétion albl1lllineuse. Dans certains cas, en dehors de l'artério-sclé-
rose labyrinthique, I"oto-selérose labyrinthique jouerait aussi un rôle
dans la production du vertige des arterio-sciereux et des nephritiques :
cliniquement une phase préalable d'éréthisme auditif, d'hypcracousie,
précédant l'hypoacousie, caractériserait cette dernière variété.
Au cours de la méningite cérébro-spinale ou tuberculeuse, de la
pachyméningite hémorragique, de la syphilis cérébrale ou méningée,
au cours et surtout au début de la paralysie générale, les vertiges ne
sont pas très rares; ils sont rarement très violents et consistent surtout
en sensations d'instabilité, en obnubilations avec trouhles visuels et audi-
tifs subjectifs. Il est difficile de spécifier quelle, part il faut faire dans ces
cas aux troubles circulatoires du cerveau, il ceux du cervelet ou du laby-
rinthe, ou à la propagation des lésions méningées à l'oreille interne.
Il faut rattacher aux troubles circulatoires de l'arlério-sclérose la plu-
part des cas du syndrome décrit par Bonifier sous le nom de syndrome
du noyau de Deiters. Il est constitué par : 1° du vertige plus ou
moins intense et brutal avec ou sans sensation vertigineuse; 2° l'effon-
drement par dérobement des jambes, trouble cérébelleux; 3° des trou-
bles oculo-motcurs (paralysie de la 0U paire, déviation conjuguée, nys-
tagmus, etc.) ; 4° l'état nauséeux et anxieux des lésions bulbaires; 5° des
phénomènes auditifs passagers; lio des douleurs dans le domaine du tri-
jumeau.
Dans tous ces cas, seuls les symptômes concomitants permettent de
reconnaître la cause du vertige; nous n'avons pu donner de ces causes
qu'une rapide ('numération.
4° Vertiges dans les névroses. Nous avons dit que le petit
[A. LÉRI
VERTIGES.
mal comitial qu'on appelle « vertige épileplique » n'est pas en réalité un
vertige. Le vertige vrai n'est pourtant pas rare dans l'épilepsie : il se
présente, soit comme une aura précédant une petite ou une grande attaque,
soit comme un symptôme de l'intervalle des crises convulsives, soit
comme manifestation isolée survivant aux attaques pendant la bromura-
tion (Charcot). H est précédé de sensations visuelles et auditives diverses
et peut affecter toutes les variétés du vertige cérébral : sensations de
tournoiement, de soulèvement, de dérohetrleni, etc.... L'existence de
phénomènes convulsifs ou paralytiques, d'obnubilation ou de perte de la
conscience, l'intégrité des organes de l'ouïe et de la vue, permettent de
rapporter ces vertiges à leur véritable cause.
La pathogénie peut en être aussi variable et. est aussi méconnue que
celle des différents vertiges cérébraux; pourtant la sensation illusoire de
déplacement naîtrait particulièrement sous l'influence : de contractures
unilatérales des muscles du con, d'après Fl'r¡'" ou de convulsions partielles
des muscles des yeux, d'après Huglings Jackson. Le vertige des éhilell-
leptiques n'est pas toujours la conséquence de l'épilepsie; vertige et epi-
lepsie peuvent être produits par une cause commune (épilepsie ah alire
loesa, épilepsie sénile et vertige des arterio-sclereux, etc.).
Au cours de l'hystérie, le vertige peut être le prélude d'une crise
convulsive ou une manifestation cérébrale isolée. On l'observe aussi dans s
le sommeil hypnotique et surtout au début de l'hypnose provoquée par
la fixation du regard. II se présente rarement sous l'aspect typique du
syndrome de Ménière. II guérit spontanément ou sous l'influence de la
suggestion. -
Le vertige n'est pas rare dans la migraine, surtout dans la migraine
ophtalmique, dans la maladie de Basedow, au début de la paralysie
agilanle (Charcot et Yulpian). z
Dans la neurasthénie, il est, avec la céphalée en casque, l'un des
symptômes les plus fréquents; les sensations illusoires de déplacement
apparaissent à toute occasion, regard au loin ou eu haut, mouvements de
la tête, efforts ou travail prolongé, etc.; elles se produisent dans tous les
sens, sous forme de tournoiement, d'inclinaison en avant, en arrière ou
sur les côtés, de titulaliun; mais elles ne sont pas assez intenses pour
entraîner une chute. Les vertiges des neurasthéniques peuvent revêtir la
forme du syndrome de Ménière continu ou intermittent, plus ou moins
complet et plus ou moins intense. La fréquence el l'importance des ver-
tiges clans la neurasthénie est un des principaux arguments qui ont fait
regarder celte affection par J. Teissier (de Lyon) et son élève Delmas
comme un syndrome cérébelleux. -
Kraf1't-ElJin considère ces sensations connue dues à des troubles vaso-
moteurs portant sur le labyrinthe; lIitzig veut y voir une origine pure-
ment mentale, un simple trouble de la conscience du moi, une exagération
de certaines sensations de mouvement. Régis a noté avec raison que
l'ensemble du syndrome de la neurasthénie peut être simulé par l'arlério-
SÉMÉI0L0G1E. 175
sclérose au début, à la période d'hypertension qui précède et présage
celle des localisations organiques; or, c'est précisément à celte période
de l'artério-sclérosc cérébrale qu'on observe surtout le vertige : bien des
vertiges dits neurasthéniques semblent être en réalité des vertiges arté-
rio-scléreux.
Le vertige mental de Lasèriuc est une sensation d'angoisse, violente,
subite et invincible, provoquée et répétée par la vue d'un objet donné,
toujours le même, accompagnée de hrouillard, d'obnubiiation de la vue,
de pâleur de la face, de défaillance des jambes.
Le vertige des hauteurs, très différent du vertige du ma) des mon-
tagnes, est un vertige purement mental provoqué par la notion du danger
il la vue d'un précipice; l'agoraphobie est un vertige du même genre. Ces
£ vertiges s'observent uniquement chez les sujets névropathes.
Certains vertiges du tabès seraient du même ordre et dus surtout à la
crainte de tomber; Grasset, Bonifier font rentrer le signe de Roinberg
parmi ces vertiges.
, 5° Vertiges réflexes. Les vertiges dits réflexes peuvent trouver
leur point de départ, au moins apparent, dans l'un quelconque des
viscères : les deux plus fréquemment en cause sont l'estomac et le
larynx .
f Le vertige stomacal peut prendre toutes les formes; généralement
modéré, il peut être assez intense pour provoquer une chute. 11 survient
surtout dans deux conditions différentes : soit Ù jeun, sous l'impression
de la faim, accompagné de symptômes gastratgiqucs et calme par l'in-
gestion d'une quantité même très petite d'aliments; soit trois ou quatre
heures après le repas, accompagné de pesanteur et de lenteur de la
digestion ou de douleurs gastriques plus ou moins vives, d'éructations,
de nausées, de vomissements glaireux et alimentaires, et calmi; par ces
vomissements. La première forme serait essentiellement névropathique :
à la seconde, beaucoup d'auteurs ont accordé un point de départ
gastrique, soit l'intoxication par la résorption de ptomaïnes accumulées
dans un estomac dilaté (Houchard) et particulièrement l'intoxication des
centres de l'espace, soit les troubles circulatoires agissant notamment sur
le labyrinthe, soit une distension des extrémités du pneumogastrique et
du sympathique transmettant une excitation jusqu'aux centres (llilzi).
Pourtant ce vertige, avec ses nausées et ses vomissements particulière-
ment importants, peut être provoqué par des excitations exclusivement
sensorielles ou morales, la vue d'un grillage, le claquement brusque
d'une porte, l'odeur de la l'innée, une émotion, par l'ingestion d'une très
petite quantité de liquide ou spécialement par l'ingestion, même- en
abondance très minime, d'un aliment déterminé; il ne se rencontre d'ail-
leurs presque jamais dans les affections organiques de l'estomac, cancer
ou ulcère (Charcot 1'1 Houyeret) et, d'après Lasègue, l'apparition de ces
lésions ferait disparaître un vertige gastrique habituel auparavant. Il
[A. LÈRI1
174 VERTIGES.
parait donc certain, de par ces caractères, que la névropathie joue dans
sa détermination un rôle, sinon exclusif, du moins très prépondérant.
Le vertige intestinal peut être provoqué par la constipation ou par la
diarrhée, mais surtout par la présence de vers intestinaux, oxyures,
ténias, ascarides.
Le vertige d'origine hépatique ou rénale s'observe au cours des lithiases
biliaires ou rénales.
Le vertige d'origine utérine s'observe dans les dysménorrhées, dans
les crises douloureuses de la ménopause, dans les métrites et. les salpin-
gites. On a signalé encore un vertige hémorroïdal , vésical, cutané,
dentaire, etc.
Dans tous ces cas, l'action d'un renexe est fort probable, mais l'état.
névropathique du sujet entre aussi en cause.
Le vertige larvngé s'observe soit au cours d'une lésion du larynx,
soit comme cons;' nonce d'une lésion bulbaire pouvant déterminer à la
fois le vertige et le trouble laryngé. Dans le premier cas, vertige laryngé
essentiel, il s'agirait d'une sorte de névrose analogue Ù l'asthme, ayant
pour point de départ une inflammation légère du larynx (laryngite chro-
nique, coqueluche des vieillards), parfois du pharynx ou des bronches.
Dans le. second cas, il s'agit presque toujours de vertige laryngé tabé-
tique : ce vertige peut survenir à toute période, mais surtout à la période
preataxique. - .
L'accès est précédé d'une sorte (l'aura constituée par une sensation de
brûlure, de chatouillement ou de constriction laryngée. Une suffocation
angoissante, avec augmentation du nombre ou de l'amplitude des respi-
rations, avec cornage, survient ensuite; puis enfin le vertige, assez
violent pour déterminer une chute et parfois une perle complète de con-
naissance et même quelques convulsions épileptiformes. L'accès ne dure
que quelques minutes, mais il peut se répéter plusieurs fois dans une
même journée. Il ne détermine qu'exceptionnellement des troubles
asphyxiques et même la mort.
La crise n'est sans doute pas due seulement, connue le pensait Charcot,
Ù l'irritation du nerf laryngé, mais plutôt à une altération bulbaire.
0" Vertiges des intoxications. -Ln certain nombre de médi-
caments, pris à assez forte dose, provoquent de façon constante le ver-
lige : tels la pelletiorine et l'écorce de grenadier, la quinine et les sali-
cylates qui déterminent auparavant des bourdonnements d'oreille et de
la surdité, la belladone et les diverses sotanees, l'opium et ses composés,
morphine, etc., qui produisent auparavant des troubles de l'accommoda-
tion et la dilatation de la pupille. En présence des vertiges accidentels,
intenses ou prolongés, on devra toujours penser il l'absorption d'un de
ces médicaments.
D'autres médicaments ne déterminent le vertige qu'à la suite d'un état,
nauséeux et souvent de vomissements, tels la digitale, l'ergot de seigle,
TRAITEMENT. 175
le tartre slibié, l'arsenic; les champignons vénéneux agissent de même.
L'inhalation d'oxyde de carbone ou de gaz d'éclairage produit aussi
un vertige intense connue l'un des premiers symptômes quand l'absorp-
tion a été massive, un état vertigineux prononcé avec faiblesse, anémie,
troubles digestifs, quand l'absorption a été lente et prolongée.
Le vertige de l'ivresse alcoolique est une sensation de tournoiement
du sujet on des objets environnants avec obscurcissement de la vue,
brouillards ou lueurs, faiblesse des jambes et troubles de l'équilibre,
olJl7lllJillti(Ill mentale.
Le tabagisme aigu provoque aussi des vertiges avec angoisses, sueurs
froides, nausées et parfois vomissements.
L'état vertigineux paroxystique ou intermittent de l'alcoolisme el du
tabagisme chronique, quelquefois assez prononcé pour amener des
chutes, serait surtout dû, d'après Grasset, à l'arlurio-sclérosc d'origine
alcoolique ou tabagique.
Il faut rapprocher des vertiges par intoxications exogènes les vertiges
des intoxications endogènes ou des dyscrasies, tels ceux qui se produisent
fréquemment dans la goutte soit accidentellement, soit de façon chro-
nique et paroxystique, ceux qui chez les urémiques préludent souvent
aux crises convulsives et chez les diabétiques au coma (vertige acétoné-
mique ? ) : l'examen des urines donnera de précieuses indications dia-
gnostiques et pronostiques dans bon nombre de vertiges de cause
inconnue ou douteuse.
Toutes ces intoxications d'origine externe ou interne provoquent cer-
tainement les sensations vertigineuses par des mécanismes très variables
et souvent combinés : ou bien les produits toxiques agiraient directement
sur le cerveau, sur le cervelet ou sur le labyrinthe; ou bien ils n'agi-
raient sur l'une ou l'autre de ces parties que par l'intermédiaire de
modifications de la pression sanguine ou de la structure des vaisseaux
(arterio-scterose) ; ou bien enfin certains de ces produits toxiques ne
détermineraient les sensations vertigineuses que par l'intermédiaire d'un
réllexe. dont le point de départ serait dans un viscère, et spécialement
dans l'estomac. On voit que, suivant les cas, ces vertiges toxiques
devraient entrer dans l'une ou l'autre des catégories ci-dessus décrites,
TRAITEMENT
11 n'y a pas de traitement applicable au vertige en général : le traite-
ment de chaque vertige varie avec sa cause.
Pourtant, d'une façon générale, on peut dire que le vertige est presque
toujours catme par le d('cubitus horizontal; aussi la première précaution
à prendre est d'étendre un sujet pris de vertige; on évitera ainsi une
chute possible et le plus souvent on catmera l'accès.
La plupart des vertiges diminuent aussi part l'occlusion des yeux et
4.LEHf]
1 iti VERTIGES.
par l'immobilisation. Ces règles sont notamment applicables au vertige
du mal de nier et, du mal des montagnes.
Les médicaments calmants et anesthésiques les plus divers ont été
employés dans ces cas avec des succès variables : le ehloral. l'eau chloro-
formée, l'opium, la cocaïne, l'antipyrine, etc.
Le vertige gastrique, a jeun est canne par l'ingestion d'une petite 1111all-
tité d'aliments ; celui qui succède de façon habituelle aux repas, et qui;
soulage le vomissement, est prévenu et guéri par le traitement silllld-
tané des troubles gastriques (généralement de ! "hypopepsie) et de l'étal
névropathique. Certains seront évités par la simple suppression de tel
ou tel aliment déterminé..
Les vertiges auriculaires seront traités souvent avec succès par dilfé-1
rentes interventions ontologiques : ablation d'un bouchon de cérumen,
désobstrue-Lion de la trompe, désinfection de l'oreille moyenne, ruolili-
sation des osselets, massage du tympan, évidement de la mastoïde, etc....
Mais ces traitements locaux seront insuffisants pour un certain nombre
de vertiges auriculaires, et notamment pour ceux qui résultent de lésions
de l'oreille interne, (syndrome de Ménière). Dans ces cas, on emploie
avec succès le traitement prolongé par la quinine préconisé par Char-
cot (0 gr. 50 à 1 gramme pendant des périodes répétées de 10 à
la jours) : on obtient par la surdité que provoque la quinine l'atténua-
tion de l'excitabilité de l'oreille interne; on accélère ainsi artificiellement !
l'évolution normale de la maladie de Ménière qui tend à la suppression
des vertiges par l'accroissement de la surdité. Le salicylale de soude
parait avoir donné de moins bons résultats. L ÏOrllU'1' de potassium mérite
d'être employé alternativement avec la quinine. L'électrisation, tardive,
prudente et progressive, a quelquefois produit une amélioration.
De tous les traitements des vertiges auriculaires, celui qui a assuré-,
ment donné les résultats les plus fréquents est la ponction lombaire
qui acte préconisée récemment, par Babinski (') et dont plusieurs auteurs
ont confirmé le pouvoir curatif ; elle agit sans doute en diminuant la
pression du liquide )abyrinthiqne('). Elle atténue ou fait disparaître le
vertige dans le plus grand nombre des cas; elle agit souvent favorablement,
aussi sur les autres troubles auriculaires du syndrome de Ménière, bour-
donnements et surdité, mais d'une façon moins fréquente et moins im-
portante. Elle est plus efficace dans les lésions labyrinthiques pures que
dans les lésions mixtes de l'oreille, plus efficace aussi dans les otites
cicatricielles que dans les otites sèches (Babinski). Elle doit être ten-
tée, sauf contre-indications spéciales, chez Ions les sujets qui ont. des
troubles auriculaires réfractaires aux divers modes de traitement local.
1. BA ! ! )XSK ! Soc. 11lédic, des Itôpil., 1902 et If)0 ? Annales des maladies de
l'oreille, février 1904.
2. Il cst intéressant de rapprocher celte influence atténuante de la ponction ]0111-
baire sur les vertiges pathologiques spontanés et son influence favorisante, signalée plus
haut, sur la production du vertige voltaïque provoqué.
APOPLEXIE ET COMA
par le D MOUTIER
Le coma (ro : u7.<o, je dors) est un sommeil morbide caractérisé par sa
profondeur et sa persistance. La connaissance, la sensibilité, le mouve-
ment sont abolis ou tout au moins profondément altérés. L apoplexie
r ? lOî ? 7GW,.['al)atS) n'est qu'une façon d'entrer dans le coma; elle est
caractérisée par un début brutal, par la suppression subite et instantanée
des opérations cérébrales, des sensations et de la inutilité. En cas de
survie au choc initial, à l'ictus en un mot, l'apoplectique est simplement
un comateux, c'est-à-dire un individu inconscient, dont les fonctions
respiratoires et circulatoires ne sont pas essentiellement troublées.
On sait que le mot « apoplexie » doit, être de moins en moins employé
aujourd'hui par suite de l'homologation regrettable établie entre le terme
« hémorragie » et lui. Il est donc avantageux de lui substituer le terme
« ictus », au sujet duquel aucune amphibologie n'est encore intervenue.
D'autre part, au point de vue clinique, il n'est, aucun avantage à vouloir
séparer les descriptions de l'apoplexie et du coma. Réduite au choc initial
l'apoplexie serait peu de chose, et d'autre part, on ne peut distinguer
facilement l'apoplexie du coma post-apoplectique. Nous réunirons donc
la description de l'ictus et de l'état d'assoupissement spécial qui lui est
consécutif.
Description clinique de l'apoplexie. -L'apoplexie est un accident
soudain, brutal, frappant tout l'organisme. Mais cette violence peut pré-
senter bien des degrés : il y a loin en somme de l'ictus du cardiaque
atteint de rétrécissement mitral que l'embolie foudroie au milieu d'une
phrase, à l'ictus plus tempéré du vieillard, qui. surpris à table, cesse de
manger, bredouille quelques mots inintelligibles, et s'affaisse, plus ou
moins nettement hémiplégique. Il peut y avoir de plus grandes variétés
encore en ces cas où se manifestent des prodromes. Les malaises prémo-
nitoires peuvent être à courte échéance : il s'agit par exemple d'un obèse
pléthorique, âgé déjà, que frappe une indigestion après un dîner copieux.
Quelques heures après les vomissements, surviendra l'ictus. Souvent le
malade s'aperçoit et s'étonne de ce qui se manifeste. Il signale à son
entourage la maladresse d'une main, l'engourdissement d'un membre,
les fourmillements d'une extrémité, ou bien accuse une anxiété que rien
1'n,\ TIQUE XEUROL, 1
[MOUTIER.-]
178 APOPLEXIE ET COMA.
ne justifie, se plaint de céphalée, de vertiges, de bourdonnements. Ce
vertige est parfois suivi aussitôt des phénomènes apoplectiques; le ma-
lade cherche en d'autres cas un appui pour échapper à la chute immi-
nente. Très souvent enfin, l'ictus survient pendant le sommeil. Quelques
gémissements, du stertor le révèlent parfois, mais c'est au matin d'ordi-
naire que l'entourage du malade constate le coma ou découvre l'hémi-
plégie avec obnuhilation intellectuelle. Dans d'autres circonstances, les
prodromes sont à longue échéance. L'entourage note une somnolence
établie petit à petit, une maladresse croissante de la main, de la
peine à marcher, de l'empalement de la parole. 11 peut y avoir apoplexie
progressive : avant le choc terminal se manifestent alors de petits
ictus, frustes, avortés, qui vont se répétant en nombre variable. Enfin,
au moment même de l'ictus, la perte de connaissance peut être relati-
vement faible; c'est là circonstance assez fréquente lorsque s'établit une
hémiplégie évidemment caractérisée. Il existe encore une forme d'apo-
plexie qui mérite d'être connue; c'est l'apoplexie troU/na/t'lue tardive
de Marie et Crouzon ou Spàlapoplexie des Allemands. L'ictus survient
dans ces cas plusieurs jours après le traumatisme, l'intégrité des fonc-
tions cérébrales ayant pu être à peu près complète dans l'intervalle. De
tels faits ont un haut intérêt pratique au point de vue médico-lob
surtout en ce qui concerne les accidents du travail. ^fp
Quels qu'aient pu être les phénomènes prémonitoires s'il en exista,
le malade est, dans la grande majorité des cas, en état de résolution
complète, insensible, immobile, sans connaissance. Supposons que nous
le voyions quelques heures après l'ictus, voici ce que nous pourrons con-
stater. Le malade est inerte : des appels réitérés ne peuvent le faire sortir
de sa torpeur. Il est allongé dans son lit et verse au gré des dépressions
du matelas. Congestionnée ou pâle, la face présente parfois une déviation
des traits, symptôme d'hémiplégie. Il est relativement rare de constater
de la déviation de la tète et du regard ('). Cette déviation est un indice
utile; on sait que le malade « regarde sa lésion » dans le plus grand
nombre des cas; la loi serait invertie quand la lésion est non plus cen-
trale, mais mésocéphaliquc. Déjà par conséquent, un seul coup d'oeil
permet de constater l'existence d'une hémiplégie. D'autres indications
compléteront le syndrome : c'est ainsi que la joue est flasque et se gonfle
à chaque expiration : le malade fume la pipe. De plus les membres du
côté atteint présentent parfois des convulsions, de la contracture pré-
coce, du tremblement, des secousses. Enfin, la résolution existe des
deux côtés, c'est vrai ; mais du côté sain se note encore un certain degré
de résistance, de tonicité, d'élasticité; du côté paralysé, au contraire,
les membres soulevés retombent, plus vite et plus lourdement sur le
plan du lit.
Devenons au visage; nous nous en étions écarté pour vérifier ou com-
I. La déviation de la tète el des geux peut se constater chez les aveugles.
APOPLEXIE ET COMA. 179
pléter le diagnostic éventuel d'hémiplégie, inspiré par les déviations de
la commissurc labiale, de la tête et du regard.
Dans les yeux saillants, humides, il moitié clos, les pupilles sont sou-
vent dilatées, parfois rétrécies, quelquefois inégales. Leurs réactions
sont atténuées ou nulles. Nous sommes frappés du bruit déterminé par
la respiration du malade. Celle-ci est bruyante en général, stertoreuse,
ronflante, renforcée par la vibration du voile parésie, ainsi que par
l'obstacle des viscosités pharyngiennes dont nul effort d'expectoration ne
libère l'arrière-bouche. Tantôt simplement bruyante, tantôt basse et sus-
pirieusc, la respiration prend parfois le rythme de Cheyne-Stokes. Le
pouls est plutôt ralenti, déprcssible, quelquefois irrégulier et dans ce cas
petit et fréquent. L'étude des réflexes ne permet pas toujours des conclu-
sions précises, leurs modifications étant plus ou. moins précoces ou tar-
dives selon les cas. D'une façon générale, les réflexes cutanés ou tendineux
sont diminués, parfois abolis, rarement normaux, exceptionnellement
exagérés. On noiera tout spécialement du côté malade l'affaiblissement
ou la disparition du réflexe cremasterien, des cutanés abdominaux, du
cornéen, du pharyngien surtout dans l'hémiplégie gauche (Pierre Marie)],
et parmi les réflexes tendineux, du patellaire. Les réflexes plantaires
peuvent présenter également d'importantes modifications; l'extension
des orteils peut être décelée quelques heures après l'ictus. Le signe de
Rabinsky est beaucoup plus précoce que les signes de Mendel ou
d'0111unlleim.
Les différents modes de sensibilité sont il peu près complètement
abolis : fréquemment cependant, le malade retire le membre pincé, se
plaint même parfois, mais il y a dans ces cas agnoscie, et non plus anes-
thésie vraie. Les fonctions végétatives sont plus ou moins altérées. Il y a
incontinence sphinctérienne et gâtisme; on note parfois, surtout pendant
les deux ou trois premiers jours, une constipation opiniâtre. t'alimen-
tation est en général relativement facile : on peut verser dans l'arrièrc-
gorge le lait et le bouillon, la déglutition s'opère de façon suffisante.
Mais il peut survenir des vomissements pouvant déterminer la suffocation
par chute des matières dans les voies respiratoires. Ajoutons qu'il est
important de s'assurer de l'état de la vessie et de l'évacuer au besoin.
L'examen des urines permettra la reconnaissance éventuelle d'albumine
ou de sucre.
Si, en présence d'un comateux, il est important et facile en somme
de reconnaître l'existence d'une paralysie, il est une question plus
difficile il résoudre. Le médecin l'a présente à l'esprit, et l'entourage
du malade est le premier à la poser : « Y a-t-il danger immédiat ? » En
d'autres termes, quel est le pronostic à porter. Pour satisfaire à cette
question, il importe de connaître l'évolution de la température chez les
apoplectiques. Immédiatement après l'ictus se produit une chute impor-
tante ; le thermomètre accuse 56 degrés, parfois 55 degrés seulement.
Trois il quatre heures au plus après l'accident morbide, il y a réascen-
[MOUTIER.]
1 gO APOPLEXIE ET COMA.
sion à 58 degrés ou 58", 5, et cette reascension est normale. Mais, si l'on
vient à constater 30 degrés ou davantage, le pronostic devient grave. Il
est peu près fatal si la colonne mercurielfe atteint 42 et mùllw 45 degrés.
D'autres symptômes, pris isolément mais surtout groupés, permettent
d'appuyer la gravité du pronostic. Tels sont un myosis prononcé, la
déviation conjuguée de la tète et des yeux, l'existence de contractures
généralisées ou localisées il un seul côté. Ce dernier symptôme révèle en
effet, ou bien une hémorragie méningée, ou une grande inondation ven-
triculaire, et l'on sait la gravité particulière de ces désordres. L'élévation
rapide et considérable du thermomètre se voit surtout dans les lésions
des noyaux de la base et de la protubérance. Supposons maintenant
que nous voyions le comateux plusieurs jours après son ictus, entre
le deuxième et le quatrième jour par exemple. tiàtons-nous de dire que
la mort rapide est en elle ! une exception en dehors des lésions bulbo-
protubérantielles et que, le plus souvent, le coma est plus effrayant que
vraiment redoutable. Quoi qu'il en soit, dès le second jour, l'assoupisse- , . :
ment souvent est moins profond. Des appels réitérés, des excitations'
cutanées ou visuelles amènent quelque réf1l'xc ou même quelque mouvez
ment conscient. En un mot, Ions les phénomènes morbides s'atténuent à
la fois.
En même temps que se récupèrent les fonctions cérébrales, les signes
d'une hémiplégie s'accusent d'ordinaire, et, même si le coma persiste.
la paralysie devient plus nette, mise en évidence par des contractures,
par une raideur spéciale du côté frappé. 1
Parfois persiste une flaccidité particulière. Dans ces conditions, la'
courbe thermométrique est encore une fois de la plus haute valeur. Nous
avons vu que normalement, après une chute très passagère, la tempéra*
ture remontait. Pendant plusieurs jours, il est habituel de constater
58 degrés environ; mais si l'on voit le mercure dépasser 5 ! ) degrés, il
atteindre 40 degrés et plus, le pronostic est fatal. Ici encore se peuvent^
rencontrer les signes de gravité déjà énumérésplus haut, myosis extrême,
déviation conjuguée persistante, contractures intenses, rythme de Cheyne-
Stokes. La disparition brusque de la déviation conjuguée, une résolution
complète succédant à de la raideur, sont encore de funestes indices.
La persistance du coma est à elle seule un présage dangereux. La survie
est exceptionnelle après quatre jours d'étal comateux. Enfin, un accident
nouveau peut être constaté, trouble trophiquedout l'évolution est à peu
près sûrement fatale, c'est le clecztbilus aculus, decubitus nntinosus de
Charcot.
On désigne sous ce nom une escarre dépendant de l'affaiblissement
général des tissus, mais l'onction avant tout de l'infection et de l'irrita-
tion de la peau par les déjections de l'apoplectique. Le début peut en être
extrêmement précoce : quelques heures après l'ictus, mais ordinairement
de deux à trois jours après, au centre de la fesse, du côté de l'hémiplégie,
s'aperçoit une plaque érythémateuse, uvlématiée, d'un rouge sombre.
. ' - APOPLEXIE ET COMA. 181
Puis surviennent rapidement des bulles pleines de liquidé citrin ou
louche.. Ces bulles ne tardent pas à se- rompre. La guérison. peut survenir
alors, mais le plus souvent le derme se sphacèle.. La, gangrène creuse un
puits rapidement élargi, sans que les escarres d'origine cérébrale pré-
sentent jamais la profondeur ou l'étendue des troubles analogues consé-
cutifs aux myélites. : .
On, voit donc toute la gravité de l'ictus et du coma post-apoplectique.
La persistance du sopor, l'escarre fessière, l'hyperthermie sont au cin-
quième ou sixième jour les trois grands' indices de gravité.. Les cas aussi
désespérés sont à vrai dire loin d'être constants. La.température retombe
à 57 degrés,, l'intelligence renaît peu à peu, quelques mouvements sont
exécutés. Une nouvelle question va dès lors être posée au praticien. Le
malade guérira, mais cette guérison sera-t-elle complète ? Il est Impos-'
sible de formuler une réponse bien favorable. Les guérisons. complètes
sont possibles, elles demeurent l'exception. Déjà l'on peut le plus souvent
diagnostiquer une hémiplégie, dont la persistance et l'intensité dépendent
de l'étiologie et de l'âge du malade. Mais en dehors même des paralysies,
la convalescence ménage de nombreux accidents, les uns prévus et
annoncés par le médecin, d'autres inattendus. Le malade peut. tout
d'abord, et c'est là fréquente éventualité pour les gens âgés,, ne jamais
sortir de son lit, et, gâteux, y demeurer jusqu'à la mort. On ne peut
d'ailleurs assigner aucune date à celle-ci; ce peut être demain, ce peut
être dans un nombre rigoureusement.indéterminé d'années,
La mort pourra être hâtée cependant par quelque escarre tardive ; il
est à remarquer que les troubles trophiques survenant longtemps après
l'ictus siègent non plus sur la fesse, mais tout au moins de préférence à
la région sacrée. Le rétablissement se fait en d'autres cas, mais demeure
incomplet : troubles aphasiques, affaiblissement de la mémoire ou de la
volonté, émotivité anormale, démence progressive, tout peut se rencon-
trer. Les rechutes enfin sont fréquentes et s'accompagnent d'un amoin-
drissement nouveau de l'ensemble des fonctions, tant intellectuelles que
physiques.
Diagnostic différentiel de l'apoplexie. Nous voulons parler ici du
seul diagnostic de l'ictus, et renvoyons à plus tard le diagnostic et la
valeur séméiologique du coma : peu d'accidents à vrai dire simulent
l'apoplexie. L'étiologie, l'âge, du malade, l'évolution des accidents contri-
buent à circonscrire bientôt le diagnostic. La syncope est en général
brève; le malade est pâle et non vultueux, caractères relatifs, il est vrais;
mais un examen soigneux met en évidence le trouble prédominant de
l'appareil circulatoire. L'hystérie et l'épilepsie, maladies à crises, simu-
lent parfois l'apoplexie. Le diagnostic peut être délicat. On s'appuiera pour
déceler l'hystérie sur les antécédents et l'alge des malades, sur la mise
en scène, sur l'absence de trouilles thermiques, respiratoires et circula-
toires. Il existe fréquemment du thrismus et un frémissement vibratoire
des paupières (Gilles de la Tourette). Le malade n'a éprouvé aucun vertige
. . [MOUTIER.]
182 APOPLEXIE ET COMA.
et la perte de connaissance est souvent fugitive : au réveil, il y a émission
abondante d'urines nerveuses et le tremblement est fréquent. On n'ac-
corde plus grande valeur à la recherche des stigmates, mais on pourra
déceler des zones hysterogenes.
Le diagnostic de l'ictus épileptique est parfois très difficile. Cependant
la répétition des accidents, leur brièveté, l'intensité du vertige, la cons-
tatation des morsures linguales, de mictions involontaires, la recherche
de l'aura, des équivalents, permettront de reconnaître le mal sacré.
Dans l'ictus laryngé, le malade ressent au larynx un vif chatouillement,
tousse, perd connaissance et tombe. Le retour à la normale est subit et
presque immédiat. L'ictus auriculaire s'accompagne de bruits subjectifs*'
extrêmement violents dans une oreille, avec vertige, intense et chute du
côté malade. La chute est d'une violence dangereuse; la durée de l'at-
taque est. connue dans l'ictus laryngé, extrêmement brève.
Description clinique du coma. Les pages précédentes où, dans une
même description, ont été compris l'apoplexie et l'état consécutif, nous
dispensent de revenir sur le coma isolé. Celui-ci, en effet, peut débuter
ou non par un ictus. Nous verrons il propos de sa valeur séméiologique
les caractères différents que lui imposent les etiotogies diverses.
Mentionnons seulement ici que l'intensité du coma peut être très va-
riable : dans les cas les plus légers (assoupissement, somnolence, sopor.
cataphore des anciens), on arrache le malade it sa torpeur par des appels.
des excitations répétées. Dans les états profonds ou carus, il y a suppres-
sion totale des réflexes et de la sensibilité. Parfois enfin, des alternatives
de torpeur et de lucidité, de dépression et d'excitation, de repos et de
délire ou de convulsions se répètent et se mêlent ; c'est lit le coma vigile
des anciennes terminologies.
11 est important de savoir chercher les causes éventuelles d'un état
comateux. Pour ce faire, chaque appareil doit être interrogé avec soin.
La présence de sang sur la tête fait envisager la possibilité d'un trauma-
tisme : le diagnostic se précise si l'on constate un écoulement de liquide
céphalo-rachidien par le ne ? l'oreille, ou si l'on reconnaît le trait d'en-
foncement de la voûte. On aura soin d'examiner la lace : pâleur ou con-
gestion, déviation, étal des yeux (ecchymose sous-conjonctivale) et des
pupilles; de noter le degré de résolution ou de paralysie, les contractures,
les convulsions. En étudiant les réflexes, il serait du plus haut intérêt de
constater l'extension des orteils (Babinski). ce qui impliquerait la certi-
tude d'une altération organique du faisceau pyramidal. Signalons encore
que des renseignements importants peuvent être fournis par l'haleine
(odeur d'acétone), les vomissements (présence de laudanum par exemple),
par la constatation d'oedènws, par l'examen des urines, du pouls, de la
respiration. Il est important de connaître et de suivre la température,
d'interroger l'état des viscères : il peut y avoir une pneumonie; le pa-
ludisme se décèlera par sa sptenomegatie. La peau peut présenter toute
une série d'indices, de premier ordre parfois : diabetidcs, éruptions
APOPLEXIE ET COMA. 1 R : i
furonculeuses traduisant également le diabète, plaques rosées de l'in-
toxication oxycarbonée, traces de violence (pendaison, strangulation).
Nous insisterons enfin sur la valeur de la ponction lombaire. On peut
trouver du sang (hémorragies des méninges ou des centres nerveux), de
la lymphocytose (méningite tuberculeuse, syphilis), de la pôlynucléose
avec microbes variables (méningites aiguës), plus simplement parfois de
l'hypertension, isolée ou associée à une faible lymphocylose (saturnisme).
Diagnostic différentiel du coma. Le coma étant un sommeil mor-
bide, ressemblera plus ou moins à tous les états qui comportent la
suppression ou l'affaiblissement de la conscience et du mouvement. Le
diagnostic peut donc être très difficile, surtout dans les cas atténués.
Le coma proprement dit montre une atteinte plus profonde de l'orga-
nisme que la somnolence des infectés ou l'assoupissement des conva-
lescents. Ces derniers donnent fréquemment d'un sommeil profond et
prolongé; mais cet état réparateur ne s'accompagne ni d'altération des
traits, ni de troubles des sensations. Le réveil est facile en général; et
les idées reprennent alors leur cours normal.
La stupeur est une prostration spéciale : le malade est hébété; on a de
la peine à fixer son attention, il ne se plaint pas, ne répond pas aux
questions posées, garde un instant les attitudes imposées, et cependant
cet état n'est ni le sommeil ni le coma. Il s'agit dune véritable inhi-
bition, d'un épuisement intense de l'organisme, en tous points compa-
rable à la stupeur locale des tissus contusionnés. Il y a lit une suspension
relative des échanges vitaux; et de même que localement it la stupeur
finissent par succéder la mortification et la gangrène, de même la stu-
peur générale est d'un pronostic sévère, et si elle n'est pas encore, le
coma, elle le précède souvent cependant. On la rencontre surtout chez
les épuisés et les grands traumatisés, niais également dans certaines
intoxications (urémie) ou bien au cours de la méningite tuberculeuse.
La léthargie, la catalepsie et 1" /¡ ! J/J110se sont encore des sommeils
morbides, spontanés on provoqués. On constate dans le premier de ces
états l'absence des réflexes, l'affaiblissement du pouls et de la respiration
et surtout t'tlyperexcitabititeumscntaire si spéciale. Nous insisterons sur
les attitudes figées de la catalepsie; ce trouble ne se rencontre pas seu-
lement dans l'hystérie, mais encore au cours des intoxications chroniques
comme l'urémie, des infections profondes comme la lièvre typhoïde, les
pneumonies graves, les méningites bacillaire ou à trypanosomes (maladie
du sommeil), etc. Dans ta genèse du sommeil hypnotique intervient la
suggestion. A côté de tous ces syndromes dans lesquels sans exception
l'état général reste excellent pendant un laps de temps extraordinaire, le
sommeil hystérique trouve sa place naturelle. On est souvent renseigné
déjà par les données acquises sur la névropathe que l'on examine. Fré-
quemment le début a été soudain, dramatique, marqué par un ictus
L'organisme ne souffre pas. Un battement, rapide fait vibrer les paupières
sur les globes oculaires convulsés, la température est normale, tarespi-
[MOUTIER]
18-4 . - , ' APOPLEXIE ET COMA. / >V .
ration câline, le pouls régulier : les mâchoires se serrent étroitement.
On peut déceler de l'hémianesthésie, constater la persistance du réflexe
abdominal et la flexion des orteils, parfois enfin, par excitation d'une
zone hystérogène, couper d'une crise convulsive le sommeil névropa-
thique. .
Il nous reste à écarter d'un mot l'asphyxie : la prédominance des
accidents circulatoires et respiratoires lui tracent, en dehors même des
conditions déterminantes, un tableau bien distinct du coma. '
Diagnostic étiologique de l'apoplexie et du coma. Ce diagnostic
est souvent difficile, et l'on ne saurait trop insister sur l'importance des
anamnestiques. Il peut être impossible de porter un diagnostic précis
sans l'interrogatoire des parents, des témoins à un titre quelconque. Le
diagnostic est évidemment facile, quand le coma dépend objectivement
d'un traumatisme, d'un empoisonnement, ou survient au cours d'une
paralysie générale, d'une méningite, d'une maladie cardiaque pour les-
quelles on soignait le malade auparavant. Et cependant, même en des cas
semblables, on ne saurait être assez prudent dans ses conclusions; il est
possible en- effet de voir coexister une encéphalopathie diffuse et un
rétrécissement mitral; un syphilitique peut être urémique, et de ce que
l'on a vu se succéder un certain nombre d'ictus anodins chez une hysté-
rique, il ne s'ensuit pas que le nouvel ictus participe a priori à la béni-
gnité antérieure des accidents. '
Le diagnostic de traumatisme est en général évident. Nous avons
insisté plus haut sur la valeur de la ponction lombaire et sur l'existence
des apoplexies tardives. Le traumatisme peut déterminer une contusion
cérébrale ou une compression par hémorragie; dans le premier cas il y
aura plutôt de l'agitation, plutôt de la dépression dans le second.
On constate parfois les contractures localisées de l'épilepsie bravais-
jacksonnienne; il s'agit généralement alors de fractures avec enfon-
cement. Une esquille peut même se détacher de la table interne et
déterminer un trouble morbide intense que l'examen extérieur n'explique
point. Certaines affections cérébrales déterminent également avec le coma
le syndrome jacksonnien; nous énumérerons brièvement la méningite en
plaques et le tuberculome des méninges, les tumeurs et les abcès du
cerveau. Le diagnostic est difficile si le malade est examiné dans le
coma, sans que l'on possède aucun éclaircissement sur la maladie anté-
rieure. Le tracé thermométrique donne peu d'indications dans ces cas.
La constatation de l'oedème papillaire serait évidemment d'un grand
intérêt. - ,
Les hémorragies méningées sont du nombre des affections qui peuvent
amener des convulsions localisées. Restreintes à un segment du corps
ou généralisées, convulsions et contractures sont précoces et d'un grave
pronostic. La ponction lombaire permet d'en distinguer certaines variétés,
mais non toutes; un examen négatif est donc sans valeur. Les grandes
inondations ventriculaires donnent un syndrome analogue.
APOPLEXIE ET. COMA. -Is5
Il.faut savoir que les .méningites dépendant de la bacillose ou de quel-
que infection traumatique ou septicémique (pneumocoque ou ménin-
gocoque), peuvent débuter ou plutôt se -révéler parmi ictus. Plus souvent
à vrai dire il y a somnolence^ ou stupeur et coma progressif. La.ponction
lombaire est ici d'un secours incomparable.
Le plus souvent, les troubles étudiés, ictus et coma, dépendent
el' hél1w1Tagies ou de ramollissements cérébraux. Ces accidents déter-
minent les syndromes typiques que nous avons précédemment décrits.
Il est malheureusement pratiquement impossible de discerner l'hémor-
ragie du ramollissement, et les hypothèses les plus étudiées ne se
vérifient pas toujours à l'autopsie. Cependant, avant 40 ans il s'agit le
plus souvent d'embolie cardiaque ou de thrombose syphilitique; après
cet âge, il n'est plus de données étiologiques précises. La courbe thermo-
métrique ne fournit aucun élément utile. Disons seulement avec Trous-
seau qu'en faveur du ramollissement se trouveront être une évolution
graduelle des accidents, l'absence de perte de connaissance, de choc, en
un mot l'intensité moindre du coma. Une marche violente, une atteinte
profonde des différentes facultés témoigneront plutôt d'une hémorragie.
Encore une fois .ce ne sont que des présomptions souvent contestables.
La ponction lombaire elle-même ne donne pas absolument toujours la-
solution requise.
Il est fréquent d'observer le coma progressif dans la paralysie géné-
Tale, des ictus dans le tabès et la sclérose en plaques. Ces troubles font
aussi partie du syndrome clinique du pouls lent permanent. Enfin, la
grande crise épileptique se termine par une phase de coma légitime avec
hyperthermie fréquente; les antécédents, les signes habituels (miction,
morsures, pétéchies cervicales) révéleront d'ordinaire la cause du mal. -
Il convient d'ajouter que le diagnostic peut rester en suspens, l'urémie,
les tumeurs cérébrales, les méningites, un hématome pouvant déter-
miner des accès épileptiformes.
Certains comas sont encore mal étudiés, tels sont les accidents du
coup de froid et de l'insolation. Leur diagnostic est facile; on sait que.
le coup de chaud s'accompagne d'une hyperthermie (42° à 45°) et d'une
agitation extrêmes (convulsions). Certaines maladies infectieuses,
variole, typhoïde, pneumonie, etc., s'accompagnent également de sopor;
le paludisme présente même des crises comateuses périodiques, que l'on
peut faire disparaître par injection sous-cutanée de quinine.
Innombrables sont les comas toxiques. Leur cause peut être intrin-
sèque ou extrinsèque. La goutte, l'éclampsie, le cancer, les affections
gastro-hépatiques s'accompagnent fréquemment d'assoupissement mor-
bide. Mais l' 1t1'émie et le diabète déterminent des accidents plus
fréquents et plus graves. 11 est rare que le coma s'installe d'emblée; il
est généralement précédé de crises épileptiformes, d'accès de dyspnée
pour l'urémie, de diminution de sucre avec embarras gastrique et odeur
d'acétone en l'haleine, puis de somnolence pour le diabète. Le visage est
[MOUTIER.]
186 APOPLEXIE ET COMA.
pâle dans les deux cas, la respiration coupée de pauses et inégale dans le
premier (Cheyne-Stokes),. suspirieuse et profonde dans le second
(Kussmaul-King). L'urine retirée de la vessie montre du sucre chez
celui-ci, de l'albumine chez cet autre. Nous n'insistons pas sur les signes
capables d'affermir le diagnostic, bruit de galop ou furonculose, etc.
Il convient de remarquer que l'enfant réagit avec intensité et présente
plus souvent des convulsions que de la dépression. Chez lui s'observent,
en dehors des néphrites, des méningites, causes banales, quelques fac-
teurs 'spéciaux de coma. tels l'helminthiase et la dentition.
Il nous reste à examiner les comas par intoxication extrinsèque. Le
diagnostic en est difficile, parfois impossible. si l'on ignore l'agent causal.
De plus, beaucoup de médicaments déterminent les mêmes réactions
morbides, et cela ne laisse point que de restreindre les éléments de
diagnostic en diminuant la valeur de la plupart d'entre eux. Les acci-
dents causés par les aliments, par les champignons sont de deux ordres :
excitation ou dépression. Il existe nettement deux catégories de poisons,
les uns convulsivants, les autres paralysants; les pupilles sont tantôt
punctiformes, tantôt dilatées. Ces accidents s'accompagnent généralement
de troubles gastro-intestinaux à grand fracas. Du reste, il n'est pas de
'toxique qui ne puisse amener le coma; beaucoup, à vrai dire, déter-
minent plutôt de la stupeur et du collapsus avec hypothermie que du
coma proprement dit, les centres circulatoires et le coeur lui-même étant
particulièrement touchés.
L'action de l'alcool est généralement renforcée par le froid : l'al-
coolique comateux est, pour cette raison, secoué d'ordinaire d'un
grand frisson de défense. Si les antécédents étaient inconnus, on pour-
rait se guider sur les vomissements et le caractère spécial de : toutes les
déjections de l'ivrogne. Il faut bien savoir que toute haleine empestant
l'alcool ne traduit pas une intoxication par ce produit; la charité popu-
laire se fait un devoir, en effet, de verser un cordial alcoolique entre les
dents de tout homme ramassé sans connaissance; ce petit détail est utile
à retenir.
Dans l'intoxication par Yoxyde de carbone existent de la congestion
du visage, des plaques rosées sur le corps. Le sang veineux coule ruti-
lant et présente un spectre caractéristique. Le coma est généralement
précédé de convulsions violentes. La convalescence, si le malade survit,
est longue, et marquée d'accidents nombreux, polynévrites, troubles
trophiques. Des convulsions encore précèdent d'ordinaire l'installation
du coma chez les saturnins. Celui-ci est donc rare d'emblée : délire ou
accès épileptiformes annoncent l'imminence des accidents nerveux plus
graves. L'urémie ressemble à s'y méprendre au saturnisme; les deux
intoxications impriment à la respiration le rythme de Cheyne-Stokes,
mais il y a plutôt mydriase lorsque le plomb est en cause, myosis s'il
s'agit de brightisme.
Le coma est parfois précoce, plus souvent tardif dans l'empoisonne-
APOPLEXIE ET COMA. 1X7
nient par le phosphore. Il se peut que on aie connaissance de la gastro-
entérite et de l'ictère antérieurs. Le foie est gros; la vessie ne renferme !
que quelques grammes d'une urine extrêmement albuinineuse; les
excréta présentent une odeur alliacée et une luminosité caractéristiques.
L'arsenic provoque unc yastro-cntéritc ciïrayante, cholériforme; le
malade est extrêmement cyanose, et le coma est coupé de convulsions
intenses. ,
Le myosis caractérise les accidents dus aux opiacés, la mydriase les
accidents déterminés par les solanées (belladone, atropine, jusquiame).
De la congestion et du délire accompagnent ceux-ci, de l'hypothermie et
de la pâleur ceux-ta. Les hallucinations sont très violentes; et l'on peut
parfois reconnaître grâce aux vomissements, à leur odeur, aux taches
empreintes sur le linge, l'agent efficient, laudanum d'ordinaire.
L'aconit, la strychnine, la digitale déterminent de la mydriase; le
pouls est misérallle et cléyressihle clans le .premier cas, extrêmement
ralenti dans le dernier. L'intoxiqué par l'aconit présente une somnolence,
un coma progressifs; s'il peut s'exprimer encore, il accusera un froid
intense et des fourmillements pathognomoniques aux extrémités, notam-
ment au bout du nez. Quant il la strychnine, ce toxique détermine un
véritable tétanos expérimental.
Traitement. Au moment de l'ictus, il convient de débarrasser le
malade des obstacles au fonctionnement de la circulation et de la respi-
ration. S'il existe un état syncopal marqué, on aura recours aux stimu-
lants dil1usibles tels que l'acétate d'ammoniaque, la cannelle, et surtout
aux injections sous-cutanées de caféine et d'éther. Si le visage est
vuttueux, s'il y hypertension manifeste du pouls, on pourrait, à la
rigueur, pratiquer une saignée on mettre quelques sangsues aux mas-
toïdes. En réalité, en dehors des accidents toxiques, urémie, empoi-
SOIlI1l'tlI('lll oxycarboné où la saignée a une indication précise, immédiate,
il vaut mieux ne pas saigner. La glace sur la tête, les injections de
sérum sont pour le moins inutiles ; on pourra mettre des sinapismes aux
jambes. Dans les intoxications, les tractions rythmées de la langue peu-
vent être d'un grand secours. Mais encore une fois, les causes d'un ictus.
d'un coma sont si multiples, que l'on ne saurait poser que des prin-
cipes très généraux.
On veillera au bon fonctionnement des réservoirs; un lavement sera
administré, la vessie sera évacuée. Enfin, sous prétexte de ne pas exposer
les comateux aux pneumonies de déglutition ou il la mort par suffoca-
tion, on ne laissera pas les malades se caehectiser faute de soins; et si la
déglutition est impossible ou dangereuse, on pratiquera le gavage à la
sonde. On vérifiera soigneusement la mise en place de l'instrument dans
l'oesophage (il y a cyanose si la sonde se trouve glissée dans les voies
aériennes). Ainsi, l'on pourra maintenir, prolonger les malades, et celle
prolongation est de première importance dans une affection où le
médecin est réduit il suivre au jour le jour l'évolution des phénomènes.
[MOUTIER] ]
188 APOPLEXIE ET COMA. -
Beaucoup de comateux par hémiplégie ou ramollissement meurent en
effet tout simplement de faim.
Après l'ictus, pendant le coma proprement dit, on veillera surtout aux
soins hygiéniques ; un matelas d'eau, des linges propres et même stéri-
lisés permettront, dans la mesure du possible, d'éviter les escarres. Au
cas où celles-ci, malgré tout, surviendraient, des pansements il l'eau
oxygénée, au permanganate de potasse, à la vaseline stérilisée additionnée
ou non de substances épidennisantes, la pondre de Lucas-Champion-
nière, permettraient d'enrayer les accidents. Le massage méthodique
des bords de la perte de substance serait, d'après Teller, un très utile
adjuvant. On asseoira le malade et on le fera se lever le plus tôt possible
afin de prévenir les troubles tropho-infectieux de la peau, afin de lutter
également contre l'hypostase et la pneumonie. L'cau-de-vie allemande
et surtout les lavements viendront à bout des constipations opiniâtres;
on surveillera toujours avec soin l'évacuation de la vessie.
L'alimentation sera modérée, laitages et bouillon. Si le malade se réta-
blit, il s'astreindra au régime le plus sévère : il ne devra, ni fumer,
ni boire ; il mangera peu de viande et s'alimentera légèrement le soir.
On s'efforcera enfin de rééduquer, s'il y a lieu, l'aphasique ou le para-
lytique. '
SOMMEIL MORBIDE, INSOMNIE
par le Dr MOUTIER
SOMMEIL MORBIDE
Le sommeil normal est la suspension de l'activité cérébrale volontaire.
Il n'existe pas d'anesthésie pendant sa durée. Le réveil est facile et ne
s'accompagne jamais d'amnésie pour les événements antécédents. Les
sommeils morbides présenteront donc à des degrés variables des carac-
tères opposés.
Le degré le plus atténué des sommeils morbides est la somnolence, le
plus accusé le coma, étudié précédemment. Dans la somnolence, le
malade a tendance il s'endormir il toute heure, en toute situation (H<7 ? 'co-
lepsie). Il est presque constamment assoupi, obnubilé; et s'il est aisé de
faire cesser, au moins relativement, cet état de torpeur, l'éveil est de
peu de durée, et le sommeil reparaît. Cette somnolence s'observe au
cours des grandes pyrexies. chez les convalescents, chez les accou-
chées, d'une façon générale chez tous les blessés, chez tous ceux qui ont
eu à subir un choc physique ou moral les ayant profondément déprimés.
Les intoxications provoquent encore l'assoupissement, trahissant en
maintes circonstances l'imminence du coma. Dans le vertige paralysant
de Gercer, au cours de l'évolution de la polioencéphalile supérieure,
aiguë, s'observent également des périodes de somnolence. Ces affections
sont, à vrai dire, de la plus grande rareté.
Une somnolence irrésistible, répétant incessamment ses attaques,
terrassant le malade; pour ainsi dire sans répit, le surprenant au milieu
d'une phrase, coupant un geste ébauché, s'observe au cours de la mala-
die du sommeil (méninge-encéphalite diffuse à trypanosomes). Le
sommeil est léger, facilement interrompu. Le malade demeure entre ses
crises hébété, le regard atone, présentant tous les signes d'une obnu-
hilalion intellectuelle profonde. Le diagnostic est en général aisé. La
maladie du sommeil présente une aire géographique particulière : les
malades observés en Europe ont séjourné au Sl'l11'gal ou dans la région
des grands Lacs. On peut déceler des trypanosomes dans le liquide
céphalo-rachidien. Il existe une asthénie extrême, de la céphalée, du
tremblement lingual, un certain degré de myotonie, mais les troubles
[MOUTIER.]
1 \10 SOMMEIL MORBIDE. ,
pupillaires font défaut. Insistons enfin sur l'hypertrophie ganglionnaire
et sur l'existence dune fièvre rémittente il grandes oscillations. On a
pu décrire également dans une autre méningite, dans la méningite tuber-
culeuse du nourrisson, une forme somnolente (Lesage et Alrami). Au
début existent seulement les accès de sommeil, mais « peu il peu, la
somnolence s'accentue, l'enfant dort constamment, ne se réveille que;
pour boire et se rendort dès qu'on cesse de l'exciter. La somnolence;
aboutit enfin aun coma profond ». '
Le sommeil, dans les tumeurs cérébrales, peut se présenter sous deux
formes. On observe soit des accès de somnolence passagère, soit de
véritables crises d'un sommeil souvent intense, persistant plusieurs
semaines ou même plusieurs mois. Le début de telles crises peut être
progressif chez un malade présentant par ailleurs divers symptômes de
tumeur encéphalique. Il peut au contraire être brusque, survenir en
pleine santé, présenter tous les caractères d'un signal-symptôme. Con-
fondu jadis avec le sommeil hystérique, le sommeil symptomatique d'une !
néoplasie cérébrale est souvent d'un diagnostic délicat. La coexistence
d'hémiplégies transitoires ou non, la constatation d'une stase papillaire,
contribueront il discerner l'étiologie précise. Ajoutons que ce sommeil
symptomatique est un phénomène inconstant : on l'observe dans certains
cas, il manque en un grand nombre d'observations sans qu'on en puisse
pressentir la raison. Il en existe plusieurs types. Nous distinguerons,
avec Raymond, des accès d'un sommeil normal ou presque : les malades
se réveillent facilement, causent et mangent élans l'intervalle des accès.
Dans un second ordre de faits, il existe une somnolence, une torpeur
continues avec obnubilation au réveil. Enfin, le sommeil de plus en plus
profond fait place au coma : le réveil est il peu près impossible.
On peut observer des phénomènes analogues (torpeur, sommeil) au
cours de la syphilis nerveuse; mais celte éventualité demeure exception-
nelle, l'insomnie, plutôt que le sopor, étant (le règle au cours de la
syphilis cérébrale. Dans la paralysie générale au contraire, la narco-
iepsic est fréquente. Elle l'est encore, mais avec des caractères plus
tranchés, dans l'épilepsie. Les malades éprouvent un besoin de dormir
subit, irrésistible, de courte durée en général, se reproduisant il des
intervalles plus ou moins rapprochés. Ce sommeil impérieux est accom-
pagne de ronflements; il précède parfois la crise épileptiquc légitime;
il en est le plus souvent un équivalent. Le sommeil est ici des plus
profonds. '
Au cours des sommeils morbides que nous venons de passer rapide*
ment en revue, le malade endormi demeurait inerte, passif en un mol.
Dans une série de faits tout différents, la période; de sommeil n'est nulle-
ment une période de repos absolu. Le cerveau du malade et le malade
lui-même, en partie du moins, présentent une certaine activité. Il en est
ainsi dans les sommeils artificiels observés chez les hystériques. Ces
états morbides sont en effet moins des sommeils que des manières
SOMMEIL MORBIDE. 1 fH
d'exister ou de vivre différentes de l'état normal, distinctes de lui
par l'amnésie qui suit le retour a la normale. Aussi un certain nombre
d'entre eux ont-ils été ajuste titre qualifiés d' « états seconds ».
Ces sommeils artificiels peuvent se, grouper en deux séries, selon
qu'ils s'accompagnent ou ne s'accompagnent pas d'ambulation.
Le sommeil sans aazbulotioa2 s'observe chez les hystériques ainsi que
dans les états cataleptiques associés. Le sommeil hystérique survient
chez les prédisposés par l'effet d'une émotion ou d'un traumatisme
insignifiants ou violents. 11 s'observe généralement chez les individus
présentant de grandes crises. Le malade tombe foudroyé (forme apoplec-
tique), ou s'assoupit doucement (forme narcoleptique). Le sujet endormi
ne ronfle pas. 11 demeure pâle, froid, les extrémités cyanosées. Le
système, musculaire n'est jamais en état de résolution complète; il existe
même fréquemment un degré notable de contracture. On observe tou-
jours un frémissement caractéristique des paupières et de l'orbiculaire.
Le pouls, la température de la respiration sont calmes le plus souvent.
11 existe; parfois de la suggestibilité pendant le sommeil. La durée de
ce dernier peut être de quelques minutes à plusieurs mois, à plusieurs
années. Il se manifeste toujours en ces cas une dénutrition intense.
La fin de la crise peut être calme, le réveil se faisant doucement,
mais une crisc convulsive la marque le plus souvent.
Les sommeils avec aanbaclatioz sont de deux ordres : spontanés (som-
nambulisme) ou provoqués (hypnose). Le somnambulisme est un état
morbide de l'enfance et de l'adolescence. C'est un sommeil, c'est-à-dire
un état d'obnubilation intellectuelle, au cours duquel un certain nombre
d'actes sont exécutés comme à l'état de veille, en apparence du moins.
Le somnambule se couche et s'endort comme d'habitude; mais il est rare
qu'une crise survienne sans que quelque fatigue ou quelque contrariété
n'aient troublé l'équilibre nerveux du sujet. Au milieu de son sommeil,
le dormeur marmotte, mâchonne, puis se lève, va, vient, travaille,
exécute souvent des actes dangereux (marche dans des conditions d'équi-
libre fort difficiles il maintenir, notamment). 11 se déplace les yeux mi-clos
ou grand ouverts, le regard fixe, les pupilles immobiles. L'anesthésié du
léguaient est complète; il existe même un certain degré d'anesthésie ou
mieux d'inhibition sensorielle : le somnambule, par exemple* ne voyant
que les seules lumières allumées par lui. Au bout d'un temps variable,
le dormeur se recouche. L'oubli est complet au réveil : tout s'est passé
dans la sphère du rêve.
L'hypnose n'est autre qu'un somnambulisme provoqué. C'est un
sommeil artificiel obtenu par suggestion. On l'obtient soit par l'influence
d'impressions sensorielles monotones (fixation .d'objets lumineux, audi-
tion de sons et de timbres constants, ou même isolement sensoriel
absolu), soit par l'influence d'une volonté étrangère (suggestion propre-
ment dite). Les effets du sommeil hypnotique ont été classés un peu
artificiellement par l'ancienne école de la Salpêtrière en léthargie, cata-
[MOUTIER.]
192 . INSOMNIE.
lepsie et somnambulisme. Il existe élans la léthargie une hyperexcitabitite
neuro-musculaire très intense; dans la catalepsie, au contraire, de la
contracture et la possibilité de garder presque indéfiniment les attitudes
les plus fatigantes. Dans le somnambulisme, le sujet hypnotisé subit les
différentes suggestions de son magnétiseur, sans que d'ailleurs la volonté
de celui-ci aille jusqu'à pouvoir lui faire exécuter autre chose que des
crimes de laboratoire avec des armes inoffensives. Il existe dans cet état
une hyperexcitabilite non plus neuro-musculaire comme dans la lé-
thargie, mais cutanéo-iuusculaire. L'oubli au réveil est en général
absolu. Fort en honneur il y a un certain nombre d'années, les études et
les méthodes hypnotiques ont perdu de leur ancien intérêt et de leur
prestige depuis que l'on a reconnu leurs inconvénients et même leurs
dangers.
Le somnambulisme spontané peut envahir la vie normale, se substi-
tuer finalement à elle. Il se constitue ainsi un véritable dédoublement
de la personnalité; un état second existe il côté de l'étal, primitif
de l'individu. Il se produit souvent des crises convulsives au départ
des deux états, Il semble finalement que l'état do veille soit l'état normal,
d'où le nom de vigilamblllisme donné il cet automatisme envahissant.
L'oubli est le plus souvent complet d'un état, pour l'autre; il se peut
cependant que. les malades en état de viguambutismc, souvent plus
alertes, plus intelligents que dans la vie ordinaire, primitive, aient
conscience et souvenir de cet état primitif.
Enfin, l'on peut, dans un certain nombre d'étals morbides, chez les
hystériques, les épileptiques, les alcooliques, observer des accès d'auto-
matisme ambulatoire spécial, avec amnésie au réveil. Ce sont là de véri-
tables fugues, il bien distinguer toutefois des déplacements impulsifs,
mais conscients, des aliénés voyageurs. Dans l'automatisme ambulatoire
que nous éludions ici, l'acte est soudain, irrésistible, ou précédé d'une
aura. Il est accompli intelligemment, sans violence, mais il est le plus
souvent sans but précis. Le malade part, voyage, sans que ce voyage ait
d'utilité, ou soit même en rapport avec les occupations normales ou les
préoccupations habituelles du sujet. L'absence peut durer plusieurs
jours, plusieurs mois, et le malade se réveille; parfois dans une ville
étrangère, sur un rivage ou sur une route totalement inconnus de lui, il
des centaines, il des milliers de kilomètres de son point de départ.
INSOMNIE
L'insomnie présente plusieurs modalités cliniques : ou bien le som-
meil larde à venir, ou bien les nuits sont (col11'técs, ou bien encore le
malade s'endort, mais se révcille bientôt, pour se rendormir avec une
difficulté plus ou moins grande. Ce sommeil coupé se trouve d'ailleurs
INSOMNIE. : 195
rendu plus pénible, encore par l'existence fréquente de cauchemars terri-
fiants..
L'insomnie résulte toujours d'une excitation anormale du système ner-
veux; mais elle peut être de cause générale, dépendre dune affection
systématisée, ou provenir d'une maladie strictement nerveuse ou mentale.
Les fautes d'hygiène et d'alimentation, l'abus des médicaments sont
une cause fréquente d'insomnie. II en est de inouïe de toutes les intoxi-
cations; et l'insomnie au cours du diabète, de la goutte, de l'urémie,
chez les alcooliques enfin acquiert une véritable valeur pronostique. Les
maladies chroniques la déterminent aussi. Les tuberculeux, les syphi-
litiques à la période secondaire dorment peu et dorment mal; il en est
de même encore au cours des affections cardiaques, dans les grandes
maladies de l'appareil digestif (notamment dans le cancer gastrique).
Un grand nombre d'affections aiguës chassent également le sommeil.
Dans un certain nombre de cas, l'éréthisme nerveux est particulière-
ment intense, et l'insomnie presque absolue peut s'observer. Il en est
ainsi chez les prurigineux, chez les sujets présentant une excitation
génitale anormale, ehez tous ceux qui souffrent enfin. L'insomnie est
notamment de règle au cours des névralgies.
L'insomnie symptomatique d'une affection nerveuse particulière est
rare; il n'est guère à citer dans cet ordre d'idées qur l'insomnie pl'od1'o-
mique des crises d'épilepsie.
Les préoccupations sont des causes fréquentes, banales d'insomnie.
Ces préoccupations sont tout spécialement intenses chez les aliénés, l'idée
fixe écartant toute possibilité de repos. Ajoutons que certains individus
ne peuvent parvenir il trouver le sommeil parce qu'ils ont peur de ne
pouvoir s'endormir, éprouvant de ce chef une véritable anxiété dès qu'ils
s'étendent. C'est là une véritable phobie de l'insomnie.
Signalons enfin l'insomnie évolutive ou insomnie dite essentielle des
vieillards. Il est fréquent, de rencontrer quelque intoxication rénale ou
hépatique à l'origine de celle variété.
11 est autant de traitements que de formes d'insomnie. On traitera ce
trouble morbide par la thérapeutique spécifique de la maladie causale;
on supprimera l'intoxication médicamenteuse, on instituera le régime
lacté ou la cure de déchlomration s'il y a lieu. Dans certains cas les ana-
phrodisiaques. dans d'autres les calmants directs de la douleur, opiacés,
cocaïne, seront les agents de choix. Enfin, les : lI1tine\'Yins proprement
dits, comme la valériane et les bromures auront leur part d'indications
précises. L'hydrothérapie (enveloppements froids, bains tièdes prolon-
gés), est un très utile adjuvant en la plupart des cas. Les hypnotiques
vrais doivent être au contraire maniés avec prudence : leur action
s'épuise vile, l'innocuité n'en est point toujours parfaite. Leur emploi est
il recommander seulement dans l'insomnie des neurasthéniques, des snr-
menés, des mentaux en général.
I'n.vruye XI : UR01.. 13
[MOUTIER.]
LES TROUBLES DE LA PAROLE
par le D MOUTIER
En dehors de l'aphasie, qui fera l'objet d'un chapitre spécial, le lan-
gage oral peut présenter des troubles variés dans un grand nombre
d'états pathologiques.
TROUBLES DU LANGAGE ORAL
Une démarcation fondamentale s'établit entre les malades présentant
de la mutité et les malades capables encore de suivre une conversation.
d'une façon si décousue soi t -elle.
1. Toute conversation est impossible avec le malade.
L'on se trouve en face d'un véritable muet. Il faut rechercher si celle im-
possibilité de converser tient à ce que le malade ne perçoit pas les ques-
tions posées, ou bien il ce que, tout en les comprenant, éventuellement,
il ne peut formuler sa réponse.
A) La parole n'est pas comprise. On sait que tout phénomène de
perception se décompose en deux actes élémentaires, un acte sensoriel
d'enregistrement simple, un acte intellectuel d'interprétation. Le trouble
de la compréhension du langage oral peut donc tenir soit à un (rouble
sensoriel périphérique, soit à un trouble de l'intelligence centrale.
a) Le malade entend-il les paroles qui lui sont adressées ?
L'examen de l'audition est extrêmement important et prime toute autre
recherche chez tout homme dont la compréhension du langage est défi-
ciente. Il ne suffit pas de s'assurer si le malade entend des bruits gros-
siers et intenses tels que ceux produits par le choc d'un couvercle de
métal, d'un objet en verre ou d'une claque dans les mains. tant recher-
cher l'état de l'audition pour les bruits plus délicats, tels que le tic-tac
de la montre, la vibration du diapason, etc. Il peut s'agir de surdité l'ul-
gaire, acquise ou congénitale (surdi-mutité) ou de; surdité labyrinthique.
Dans ce dernier cas, l'affection débute souvent par nn ictus; les phéno-
mènes fluctuent d'un jour à l'autre; les paroles prononcées sur union
normal mais articulées nettement, en détachant soigneusement les syl-
labes, sont souvent mieux saisies que les sons émis avec force et sur un
Ion élevé.
LES TROUBLES DE LA PAROLE. 1115
b) Le malade ne présente pas de trouble sensoriel. Il entend les
paroles, mais ne les comprend pas. On explore avec soin, en telle
occurrence, l'état général de l'intelligence. Le malade se rend-il seule-
ment compte que l'on cherche à nouer conversation avec lui ? Semblable
trouble s'observe chez les idiots, les aliénés, les déments organiques.
Il est assez fréquent d'observer en pareil cas, non pas une mutité
absolue, mais une nullité relative. Le malade peut parler, se tient il lui-
même des discours plus ou moins intelligibles, mais demeure silencieux
dès qu'on lui adresse la parole, et parait absolument ignorant des questions
posées .
Un malade qui ne comprendrait pas le langage oral malgré l'intégrité
de l'appareil auditif périphérique, malgré l'intégrité de l'intelligence
générale, devrait être tenu pour atteint de surdité verbale (Voir au cha-
pitre de l'ApHASIE). Nous faisons de grandes réserves sur la validité cli-
nique de cette l'orme, et croyons avec Pierre Marie que les cas de surdité
verbale pure publiés il ce jour relèvent simplement du cadre des sur-
dités d'origine périphérique.
t 13) Le malade comprend ce qu'on lui dit mais il n'exprime pas sa
pensée. Il est il cela trois ordres de raisons, soit que le malade ne
sache pas parler, soit qu'il ne le puisse pas, soit qu'il ne le veuille pas.
a) Depuis l'enfance, le malade ne sait plus 01/ n'a jamais su parler.
Dans cette catégorie rentrent les cas de surdi-mutité et ceux connus
sous le nom d'audi-ozutité. On sait que le plus grand nombre des sourds-
muets conserve en général quelques vestiges d'audition, ceux-ci étant
plus accusés dans la surdi-mutité congénitale que dans la surdi-mutité
acquise. `
On sait encore que le plus grand nombre des sourds-muets doivent
leur incapacité de parler il la surdité existant, soit dès la naissance, soit
dans l'enfance, puisque; les enfants ayant parlé mais devenant sourds il (i,
7 ans et même plus tard, sont frappés consécutivement de mutité. 11 est
rare épie cette mutilé soit absolue : les sourds-muets peuvent souvent
dire pa-pa, ma-ma. Les quelques mots conservés sont prononcés avec
une raucité très caractéristique qui persiste et caractérise encore leur
parole lorsqu'on arrive il les « éduquer ».\1L illl]JOrI(" au point de vue
dune hérédité possible; pour les descendants, de distinguer la surdi-
nuttité acquise de la siireli-mulité congénitale, infiniment plus grave.
La surdi-mutité vraie doit être' distinguée de la surdi-mutité hysté-
rique étudiée par Launois et son élève F. Chavanne. Celle-ci a plus sou-
vent un début brusque, fréquemment, traumatique. La durée en est géné-
ralement plus courte; la guérison peut être aussi brusque que le début.
On peut observer aussi la simulation de la surdi-mutité. On se souvien-
dra épie le sourd-mue) véritable ne fait jamais de fautes d'orthographe
puisqu il ne connaît les mots que par leur physionomie graphique, tandis
qu'un simulateur peu instruit sera bien plus porté à commettre des fautes
de ce genre. , : : .
[MOUTIER.]
100 LES TROUBLES DE LA PAROLE.
Quant Il l'attcli-nttclité (aphasie congénitale de ! ul>sm;ml), c;lle consiste
en ce que l'enfant, tout en entendant, est cependant muet. Il va de soi
que, par définition, il ne s'agit ici nullement d'idiots, mais d'enfants
âgés d'au moins on 4 ans (car, plus jeunes, on pourrait incriminer un
simple retard de la parole), chez lesquels l'intelligence semble normale
Mais l'est-elle réellement ? Il semble bien difficile de l'affirmer, quoique
plusieurs auteurs dignes de foi assurent qu'il en était ainsi dans quelques-
uns des cas observés par eux.
1) Le uzalccde zzr peztt as pazler (ou du moins, il ne peut émettre'
qu'un nombre de mots tout il fait insuffisant il assurer l'échange des
idées). La suppression du langage oral dépend ici de causes multiples. Le
trouble peut être d'origine périphérique ou d'origine centrale, et dans ce
dernier cas, le langage intérieur peut être intact ou non.
1° La mutité d' origine périphérique peut dépendre de malformation*
congénitales ou acquises des lèvres, de la langue, du voile du palais,
du larynx. Des paralysies laryngées peuvent également la déterminer,
soit par lésion du récurrent, soit par altération du tronc même du pneu-
mogastrique. La non-utilisation de la colonne d'air expiré peut égale-
ment déterminer le silence verbal.
20 La mutité relève de lésions centrales : le langage intérieur est
intact. Le malade sait très bien ce qu'il veut dire et quels mots il doit
employer, mais il est incapable de les prononcer. C'est là toute la série des
anarthries auxquelles viennent s'ajouter les dysarthries suffisamment
prononcées pour qu'une conversation soit matériellement impossible il
suivre.
Dans la sclérose latérale amyolrophique, l'anarlhie dépend des para-
lysies nucléaires ou sous-nucléaires de la phonation et de l'articulation. 11
s'agit ici de paralysies bulbaires vraies accompagnées d'amyotrophie et
de contractions librillaires des muscles atteints.
L'athrophie musculaire et les contractions fibrillaires font défaut dans
la paralysie d'origine cérébrale ou paralysie pseudo-bulbaire. Les ma-
lades présentent du rire et du pleurer spasmodiques, des signes évidents
d'hémiplégie cérébrale double, généralement plus accusée d'un certain
côté : Il existe de la dysphagie. Le voile est plus ou moins paralysé, le
souffle court. La colonne; d'air expiré semble mal utilisée (dyspneumie de
Pierre Marie). La bouche est entr'ouverte, laissant couler une salive abon-
dante. La paralysie labio-glosso-laryngée est d'abord incomplète : seules
les gutturales sont émises de façon défectueuse. Puis les labiales, les den-
tales sont étouffées. Le langage devient explosif, mais nasonné, assourdi,
étouffé, indistinct. Les malades parlent avec effort : ils ébauchent tous
les mots, mais aucun d'eux n'est complètement formé. Finalement, la
parole se réduit il un grognement incompréhensible. Les pseudo-bulbaires
d'abord et surtout, les dysarthriques, linissent par présenter une mutité
complète. Cette éventualité est rare et tardive. Mais même il cette époque
où leur langage est encore un peu' distinct, l'effort verbal est tellement
LES TROUBLES DE LA PAROLE. 197
pénible il ces malades, que la conversation leur répugne et qu'ils préfè-
J'('I1 ! . toujours écrire. Ils écrivent d'ailleurs de façon intelligible, limités
seulement sur ce point par le degré de leur paralysie motrice.
Il existe; un autre type d'anarthrie tout à fait différent du précédent.
Les malades atteints ne peuvent, contrairement aux pseudo-bulbaires.
ébaucher tous les mois, mais les mois qu'ils articulent, ou du moins
un grand nombre d'entre eux, sont complètement et correctement
formés. L'on ne constate bien entendu aucun signe manifeste de para-
lysie des organes de la phonation ou de l'articulation. L'intelligence est
rigoureusement intacte; le malade s'exprime facilement par gestes ou
parle moyen de l'écriture. Cette anarthrie coïncide toujours, semble-t-il,
avec une hémiplégie droite plus ou moins intense, mais généralement
assez prononcée. Elle dépend dune lésion en foyer située au niveau de
la zone lenticulaire (Pierre Marie) de l'hémisphère gauche, celte zone,
étant constituée par un quadrilatère cérébral compris entre deux plans
frontaux passant par les sillons marginaux antérieur et postérieur de
l'insula, entre deux plans sagittaux tangents en dehors au cortex insu-
laire, en dedans à l'épendyme ventriculaire. Cette variété d'anarthrie
est celle qui, se combinant avec un degré plus ou moins accusé d'aphasie
de Wernicke, réalise l'aspect clinique complexe du syndrome connu sous
le nom d'aphasie de Broca.
5" Le langage intérieur n'est pas intact. Il s'agit ici de l'aphasie
proprement dite ou aphasie de Wernicke (qui sera étudiée dans un cha-
pitre spécial). Il existe tout il la fois un trouble de la forme extérieure du
langage et un trouble intime de l'idéation.
C) Le malade ne veut pas parler. Dans quelques affections men-
tales s'observe un mutisme voulu. Ces faits doivent être, présents à
l'esprit du clinicien, qui sans cela risquerait de prendre pour une
aphasie maxima, ce qui n'est qu'un mutisme d'origine vésanique.
Ce mutisme peut dépendre; d'une idée délirante ou d'une préoccupa-
tion hypocondriaque, ou traduire simplement, ainsi que le fait observer
Séglas, la stupeur d'une dépression intellectuelle extrême. Enfin, les
affaiblis de l'intelligence, les déments, les idiots se taisent parce qu'ils
n'ont rien à dire. Ils demeurent sans paroles, parce qu'ils sont sans
idées. Ce sont les alogiques des anciennes classifications.
A côté du mutisme vésanique se place le mutisme hystérique, magis-
tralement décrit par Charcot. Dans ce mutisme, fréquemment intermit-
tent, le malade est simplement aphone, c'est-à-dire qu'il ne peut parler,
mais qu'il comprend les mots lus ou entendus, et qu'il peut s'exprimer
librement par l'écriture. Il ne peut ni chuchoter, ni même imiter les
mouvements d'articulation verbale de son interlocuteur. Le muet hysté-
rique cherche en effet il se faire comprendre tandis que le muet vésa-
nique est le plus souvent apathique. L'hystérique est expansif, l'aliéné
s isole. Séglas fait observer que certains aliénés, « tout en ne parlant
pas, écrivent ou se servent d'une mimique expressive. Mais alors, le fait
, [MOUTIER.] ]
J ! 1R LES TROUBLES DE LA PAROLE.
capital sur lequel on pourra se fonder, c'est que ces aliénés ne sont pas
aphones, et souvent, s'ils s'excitent, ils font entendre des sons plus on
moins articulés; parfois même on les surprendra à parler seuls, fut-ce
à voix basse. »
Il. Le malade peut exprimer ses pensées et une con-
versation avec lui est possible, mais son langage est
troublé de diverses manières. Ces troubles peuvent porter sur
la phonation et l'articulation des mots (dysarthries), sur le débit de la
parole, sur la constitution même et la formation des mois on des phrases.
A) Troubles de la phonation et de l'articulation. La dysarthrie
est un trouble moteur des organes de la phonation ; elle peut être d'ori-
gine paralytique ou d'origine spasmodique. Ces deux éléments, la para-
lysie et la spasticité, concourent parfois à la réalisation des syndromes
morbides.
Les troubles observés chez les dysarthiques portent soit sur la phona-
tion (larynx), soit, sur l'articulation (voile du palais, joues, lèvres,
langue). Il peut donc exister de la dyspnemnie, de la dysphonie,
de la dysarthrie proprement dite.
La dyspneumie (Pierre Marie) est l'émission et l'utilisation défec-
tueuses de la colonne d'air expiré. La voix des malades est soufflée,
éteinte; l'émission en est faible. La paralysie des cordes vocales se
traduit non seulement par de la faiblesse du son, mais par des anomalies
de la tonalité. Le son est retentissant, ou étouffé, grave ou aigu, parfois
l'un et l'autre alternativement chez le même individu. Cette dysphonie
s'observe en cas de paralysie unilatérale des cordes vocales. Enfin,
la parésie des muscles bucco-pharyngés, détermine toute une série de
troubles à proprement parler dysarthriques. Il y a tremble profond de
la formation littérale des lettres et des sons. Les voyelles sont peu
distinctes; certaines consonnes, les labiales, les dentales, les gutturales
surtout, ne peuvent être prononcées. Les différentes lettres sont émises
avec un timbre nasonné. Le malade balbutie : les mots sont hachés, avec
ou sans interversion de syllabes. Il bredouille : sa pensée va plus vite
que son expression verbale; les mots, incomplets, chevauchent les uns
sur les autres; la phrase est heurtée, il peine compréhensible. Les mots
sont fréquemment encore alnonnés, chevrotants. Le malade hésite enfin,
un certain degré de bégaiement apparaît. Ce n'est pas il proprement
parler le bégaiement vrai, que nous étudierons plus loin. La parole est
néanmoins, dans un grand nombre d'affections nerveuses organiques,
scandée, répétée, spasmodique; l'articulation coupée, suspendue par des
périodes d'arrêt plus ou moins longues, plus ou moins intermittentes.
En dehors de ces viciations du langage, rappelons que les dysar-
thriques présentent habituellement des troubles de divers ordres : benn-
plégie faciale ou totale, uni ou hilatérale, paralysies isolées du type
glosso-labio-Iaryngé, dysphagie, écoulement de la salive, crises de rire
ou de pleurer spasmodiques, affaiblissement intellectuel, gâtisme.
LES TROUBLES DE LA PAROLE.. ' 199
1° Dysarthries d'origine pa-1'étique. Ces dysarthries peuvent être
d'origine périphérique, bulbaire ou centrale. Dans les paralysies
laryngées,, le malade est aphone, la voix soufflée, souvent bitonale ; mais
tous les mots et toutes les lettres sont reconnaissables, 'distincts, cor-
rectement formés. Le son en est seulement étouffé. Dans les paralysies
linguales existent surtout des troubles de la prononciation de certaines
consonnes, des sifflantes et des dentales notamment; ce sont au contraire
les gutturales qui sont particulièrement déformées au début des para-
lysies du voile du palais, les labiales dans les paralysies des lèvres.
Nous n'insisterons ni sur les signes physiques concomitants, images
1,'Ilyilo,oscopicluies, déviation du voile, de la langue, des commissures
labiales, ni sur les symptômes fonctionnels, troubles de la déglutition,
de la respiration, etc. Ces paralysies sont consécutives ou bien à des
névrites infectieuses ou toxiques (diphtérie, polynévrite aiguë) ou sou-
vent à des lésions traumatiques (section de l' hypoglossengtamment).
Il existe enfin quelquefois.de légers troubles de la formation des labiales
dans la paralysie faciale. Les muscles atteints présentent de
l'atrophie, des secousses librillaires, la réaction de dégénérescence.
Ces caractères se retrouvent dans les dysarthries bulbaires. L'atro-
phie est même ici tout particulièrement intense et la trémùlation des
plus vives. Au niveau de la langue notamment, l'atrophie devient
caractéristique : la muqueuse se plisse et semble flotter à la façon d'un
sac trop grand pour ce qu'il renferme. Dans les troubles bulbaires, le
territoire musculaire atteint est généralement fort étendu, et l'on observe
fréquemment un syndrome labio-glosso-laryngé ou pharyngé. Des
paralysies isolées de l'hypoglosse peuvent s'observer cependant dans la
sgringomyélie, des paralysies dissociées des cordes vocales dans le
tabes. Mais, nous le répétons, les paralysies complexes sont les plus
habituelles ; on les observe tout particulièrement dans la sclérose latérale
ann/o/rop/ïK/Me. La langue est atteinte la première, puis se prennent les
lèvres, le voile du palais, le larynx enfin. Lorsque les troubles atteignent
leur maximum, le mutisme devient absolu. Un syndrome analogue
s'observe dans les paralysies bulbaires des poliencéphaliles à locali-
sation bulbaire. Il coexiste généralement des troubles respiratoires et
circulatoires redoutables par lésion du pneumogastrique, des symptômes
oculaires, une forte hyperthermie. Des syndromes glosso-labiés homo-
nymes ou alternes par rapport à lme hémiplégie concomitante peuvent se
rencontrer encore dans des affections méningées du bulbe ou dans des
compressions 1par tumeurs. Mais, nous y insistons
il dessein, le syndrome glosso-labio-laryngé typique, complet, intense,
révèle ;1 peu près à coup sur la sclérose latérale amyotrophiquc, facile à
reconnaître par l'atrophie des membres et l'exagération des réflexes
persistant malgré une fonte musculaire déjà intense. Le facial supérieur
est toujours intact dans les paralysies bulbaires étudiées; il est atteint
dans la paralysie bulbaire familiale.
- IMOVTIER.]
200 LES TROUBLES DE LA PAROLE.
Dans les dysarthries d'origine cérébrale, l'atrophie musculaire fait
à peu près complètement défaut le plus souvent, et la réaction de dégé-
nérescence manque toujours. Les troubles du langage, ânonnement, hési-
tation, lenteur du débit, balbutiement, s'observent le plus souvent dans
le syndrome pseudo-bulbaire. Les malades connus sous le nom de
pseudo-bulbaires sent des hémiplégiques doubles. Les lésions consistent
en lacunes disséminées dans les deux hémisphères, dans les corps striés
et la capsule interne. Ces lésions sont généralement peu étendues, et les
malades marchent encore, mais à petits pas. Le facies est, au repos,
immobile, hébété, la bouche cntr'ouvcrtc. Du reste, l'intelligence est
souvent affaiblie. C'est dans ces cas que s'observent les crises de rire et
de pleurer- spasmodiques. La voix de ces malades est éteinte, nasonnée,
explosive parfois; ils forment les mots, nous l'avons déjà dit, mais cette
formation est incomplète. On voit que le malade parle, ou plutôt essaie
de parler, mais on ne l'entend pas. Le pseudo-bulbaire diffère de l'anar-
thrique qui prononce correctement et il haute voix un certain nombre
de mots; il se distingue du bulbaire vrai par l'absence de secousses
fibrillaires et de réaction de dégénérescence. '
L'hémorragie et le ramollissement cérébraux déterminent parfois des
troubles très accusés du langage (aphasie, anarthrie de Pierre Marie),
lorsque les lésions intéressent la zone lenticnlaire ou la zone de Wernicke.
Mais, en dehors de ces cas particuliers, le langage de tout malade
récemment frappé d'un ictus présente quelques altérations. La parole
est épaisse, le verbe hésitant, les idées peu lucides. A ce syndrome
coopèrent en général, à des degrés variables, la dysarthrie linguale et
l'affaiblissement intellectuel.
Dans la paralysie générale enfin, les troubles du langage sont carac-
téristiques et suffisent pour permettre souvent de porter le diagnostic
précis avant tout autre examen. Les uns tiennent à la déchéance intellec-
tuelle, ce sont les défaillances de la mémoire, l'emploi de termes vagues
à la place des vocables précis; les autres sont véritablement dysar-
thriques. Ils sont précoces et peuvent être des signal-symptômes. Au
début, le malade hésite devant certains sons, comme si leur émission
rencontrait quelque obstacle presque insurmontable. Puis, avec un vio-
lent effort, le son est formé, mais sans netteté. Le malade ne prononce
pas exactement ce qu'il fallait prononcer, il accroche. Ces troubles
portent tout d'abord sur les labiales, puis s'étendent à peu près à toutes
les formes verbales 'selon que progressent les troubles parétiques des
lèvres, de la langue et leur trémulation caractéristique. Le langage se
réduit à une sorte de modulation chevrotante, et finalement quelques
sons gutturaux bientôt inintelligibles se font encore seuls entendre. Ces
troubles peuvent être passagers tout d'abord et susceptibles de rétro-
cession toujours incomplète d'ailleurs. Ils s'aggravent par la suite et
deviennent irrémédiables.
On observe encore des troubles dysarthriques dans la myasthénie et
LES TROUBLES DE LA PAROLE. 201
dans les myopathies. Dans la première de ces affections, le malade
s'exprime d'abord avec facilité et netteté : au bout d'un temps variable,
sa langue s'embarrasse, ses lèvres tremblent; la phrase, au début com-
préhensible, s'achève en un balbutiement indistinct. Au bout de quel-
ques instants de repos, l'élocution redevient normale. Dans les myo-
pathies, on n'observe guère qu'un vice de prononciation des labiales, lié
à l'atrophie de l'orbiculaire des lèvres. L'émission des sons est extrê-
mement lente; le; malade parle avec précaution, s'applique à bien pro-
noncer. Il y arrive d'ailleurs en général il peu près, il moins qu'à
l'atrophie des lèvres ne s'ajoute l'atrophie de la langue, exceptionnelle
à vrai dire.
2° Dysarthries d'origine spasmodique. -Ces dysarthries présentent
les caractères communs suivants : débit, saccadé, monotone, émission
forcée, explosive, parole extrêmement lente, souvent peu distincte.
La façon dont s'expriment les malades atteints de sclérose en plaques
est bien caractérisée. Le débit est ainsi monotone, la parole saccadée,
lente; le malade fait de violents efforts, pousse les mots, et les finales
sont souvent explosives. Le timbre est parfois nasonné. Ces caractères se
retrouvent dans la maladie de Friedreich, dans l'lééclo-ataxie cérébel-
leuse ; Pierre Marie les a également observés dans la névrite interstitielle
hypertrophique de Déjerine et Sottas. Dans tous ces cas, la parole est
scandée comme dans la sclérose en plaques, mais elle est plus explosive,
et surtout plus nasonnéc. Elle est en outre beaucoup plus indistincte et
l'on a souvent peine il suivre une conversation avec le malade, les
phrases finissant par se confondre en un inintelligible bredouillement.
La voix est, quelquefois mal posée, bitonale, quelquefois aussi extrê-
mement tremblée. '
On observe encore de la scansion dans la maladie de Little et surtout
(lans l'alhélose double. La parole est extrêmement lente; les mots sont
hachés, comme déformés par les mouvements involontaires des muscles
de la phonation et de l'articulation. Dans peu de maladies il est donné
d'observer d'aussi violents efforts pour émettre les sons du langage.
Dans lu paralysie agitante, le malade; parle encore avec effort, mais il
s'exprime d'une voix plutôt faible, par phrases courtes, articulant à peine
les mots, comme pressé d'en finir. La voix est plus ou moins trémulante,
et tout est dit sur le même ton.
A ces voix, uniformément ralenties, s'opposent des modes d expres-
sion tout différents, caractérisés par des accélérations passagères ou
durables, des interruptions violentes, des interjections involontaires.
Celle variété de dysarthrie spasmodique; s'observe dans les chorées, dans
les myoclonies. dans la maladie des lies. Le discours est coupé par les
contractions musculaires qui secouent le malade. La parole se précipite
eu général, le malade; se hâtant de placer le plus de mots possible dans
1 mt.cnalle de deux spasmes consécutifs. La convulsion de la chorée
hache la phrase, la coupant subitement même au milieu d'un mot, avec
. [MOUTIER.]
202 LES TROUBLES DE LA PAROLE.
ou sans claquement de langue et retournement de la tête. La convulsion
de la maladie des tics, plus violente encore, provoque un cri ou l'émis-
sion involontaire d'un mot, d'une formule, le plus souvent d'une; expres-
.sion injurieuse ou grossière (coprolalie). -
Ces troubles spastiques, si accusés, s'individualisent sous une autre
forme dans le bégaiement. On entend de façon banale, sous le terme
de bégaiement, la répétition des lettres, des syllabes ou des mots, répé-
tition précédée ou accompagnée d'un violent effort. Ce bégaiement simple
s'observe fréquemment chez tous les dysarthriques, chez les anar-
thriques en voie de rééducation, chez les aphasiques de Broca améliorés
(dyslalie corticale de Lamy). On le rencontre également dans l'¡;pilepsie
et dans la paralysie générale. Mais il est un bégaiement essentiel dont
l'aspect névropathique justifie la place que nous lui attribuons après les
dysarthries spastiques organiques. Les signes de ce bégaiement vrai sont
au nombre de quatre (Chervin) : 1° Début dans l'enfance; 2" Troubles
respiratoires plus ou moins marqués au moment de l'émission de la
parole (le sujet veut parler pendant l'inspiration, ou bien il ue sait pas
ménager la sortie de l'air contenu dans le thorax); )" Intermittence des
phénomènes : pendant un certain laps de temps (minutes, heures ou
même jours), le sujet parlera sans bégayer, puis, sous l'influence d'une
émotion, dune simple appréhension, ou même sans raison appréciable,
il se remettra à bégayer, pour retrouver ensuite son langage; normal;
4° Disparition totale des troubles de la parole dans le chant. Le bégaie-
ment n'a, par lui-même, aucune valeur séméiologique bien définie; on
l'observe cependant chez les nerveux à hérédité chargée. 11 existe fré-
quemment chez les ascendants ou collatéraux. On a décrit un bégaie-
ment hystérique, à début et terminaison brusques, Il consisterait en
hésitations, en répétitions lentes et traînantes, plutôt qu'en troubles
vraiment spasmodiques. Les anciens auteurs sont loin de s'accorder sur
ses symptômes et sur sa valeur. Mentionnons enfin une forme spéciale;
de crampe phonatoire, l'aphlongie. Le spasme débuterait, immédiatement t
après l'émission dans le bégaiement, il surviendrait avant que le son
fut seulement ébauché dans l'aphtongie (Steinert).
5" Dyslalies fonctionnelles ; Glésilé. Nous signalons la blésité seul
lemcnt pour mémoire. Ce mot est un terme générique qui désigne une
foule de défauts de prononciation caractérisés par la substitution, la
déformation ou la suppression d'une ou plusieurs consonnes (zézaiement,
sigmatisme, lambdacisme, grasseyement, etc.). Ces défauts peuvent être
d'origine mécanique (malformations palatines, dentaires), ils résultent le
[tins souvent d'une fausse manoeuvre ou de l'inexpérience de la langue
dans la prononciation de la consonne. Il arrive parfois que les gens
affectés de ces vices de prononciation ne saisissent pas par l'oreille la
différence entre la prononciation normale et la prononciation défectueuse.
B) Troubles du débit. Ces troubles sont fort nombreux et divers.
Le langage est précipité dans la chorée, dans sa maladie des tics.
LES TROUBLES DE LA PAROLE.
souvent encore dans la maladie de Parkinson, ainsi que nous avons eu
l'occasion de le mentionner déjà. Il est au contraire monotone et ralenti
dans la plupart des dysarthries spastiques, dans la sclérose en plaques
notamment.
La surdité provoque également de la monotonie du discours, résultant
du manque d'alternance entre les sons élevés et bas, forts et faibles. La
correction du langage est assurée en effet par la comparaison entre les
mots prononcés par le sujet et ceux qu'il entend autour de lui ((;lItZ-
mann) ; cette comparaison est impossible chez le sourd.
On observe dans un grand nombre d'affections mentales la bradylalie,
la logorrhée, la verbigéraiion, l'emphase et le; pathos, mais il s'agit la
plutôt de troubles de t'idéatiou même que de troubles de la parole, et il
n'y a pas lieu d'y insister ici. Nous noterons seulement encore la festina-
tion sirin;rlce par Pierre Marie dans plusieurs cas d'hémiplégie gauche.
Les malades présentaient une voix brève, menue, uniforme, extrême-
ment précipitée, à peine distincte, presque breelouillée, d'un timbre
assez élevé. Les mots s'enchaînaient étroitement les uns aux autres. Ce
langage rappelle celui d'un individu très essoufflé se dépêchant de dire
ce qu'il doit dire. La lésion dont relève cette manifestation dysartbrique
siège sur l'hémisphère droit, au niveau de la zone correspondante du
langage sur l'hémisphère gauche.
C) Variations du timbre. Rappelons la voix aiguë, enfantine, des
eunuques, des infantiles (Voir Infantilisme, gigantisme, nanisme) la voix
bitonale de l'adolescent, la voix grave de l'aC1'o1ltéyale.
On observe quelquefois des voix à timbre très élevé (voix eunuchoïdes)
qui ne dépendent ni d'un arrêt de développement, ni d'un défaut orga-
nique des organes laryngiens ou génitaux. Il s'agit d'un trouble, fonc-
tionnel dans l'émission et la pose de la voix, qui se rattache d'une
manière étroite au phénomène; de la mue. Cette manière, de parler dis-
paraît facilement en quelques jours d'exercices appropriés, et, chose
curieuse, ce n'est pas une voix de ténor que les sujets retrouvent, mais
le plus souvent une voix de baryton et quelquefois même de basse.
Des variations de timbre s'observent également élans les paralysies
laryngées dissociées, qu'elles soient d'origine périphérique ou bulbaire,
nous n'y reviendrons pas.
D) Troubles constitutifs de la formation des mots ou des phrases.
Les malades commettent des fautes de grammaire et de syntaxe, ou
bien emploient des tournures et (tes modes de langage rarement usités
ou même inutilisés par les individus normaux. Nous signalerons dans ce
dernier ordre d'idées l'abus de la périphrase, le parler à la troisième per-
sonne, l'embololalie ou interpolai ion de formules ou de mots étrangers
au discours, la déformation symbolique de certains mots ou de certaines
sentences, t'onomatomauie. l'écholalie, la coprolalie, la création et l'emploi
de néologismes le plus souvent sonores et préteutieux, l'absence de
logique ou même de compréhensibilité. Ces troubles relèvent de l'aliéna-
[MOUTIER] ]
2111 LES TROUBLES DE LA PAROLE.
lion mentale; beaucoup sont commandés par les hallucinations du malade.
Notons encore que l'emploi de la périphrase est fréquent chez l'tcplccr-
sique, épie la coprntatie est caractéristique de la maladie des tics déjà
étudiée, que l'écholalie (répétition des paroles de l'interlocuteur) cl
l'autoécholalie [répétition de ses propres paroles (Brissaud), palilalie de
Souques] se rencontrent chez les aphasiques, les épileptiques dans l'étal
crépusculaire qui suit la crise (A. Pick), dans les tumeurs cérébrales
(l3rissaucl).. -
Les fautes de grammaire (agrammatismc) et de syntaxe (akataphasie)
s'observent non seulement chez les aliénés, mais chez certains malades
atteints d'imbécillité ou d'idiotie modérée (on peut être minus habens à
des degrés très divers). Dans la sclérose cérébrale infantile, la parole est
souvent incomplète, c'est une sorte de parler nègre avec verbes à l'infi-
nitif. Des troubles analogues avec emploi de mots dénués de sens (jargon)
s'observent dans l'aphasie de Wernicke. Signalons enfin que les sourds-
muets, comme les aphasiques, parlent comme ils pensent et commettent
ainsi fréquemment de lourdes fautes de syntaxe.
TROUBLES DE L'ECRITURE
par le D MOUTIER
Les troubles de 1 écriture se répartissent en deux groupes. Les uns
intéressent le tracé, la forme de l'écriture; ce sont les troubles calh-
graphiques. Nous désignerons avec Jofïroy les seconds, anomalies des
idées exprimées, sous le terme de troubles psychographiques. Les
premiers répondent aux viciations des moyens d'expression; ils ne
portent que sur le contenant, sur l'enveloppe de l'idée. Les seconds tra-
duis('1111es déformations de la pensée elle-même.
I. L'écriture est impossible. Cette éventualité n'a rien
(l'exceptionnel; elle peut dépendre de simples causes mécaniques, elle
peut être liée à des désordres mentaux.
Liée à des obstacles mécaniques, l'agraphie totale s'observe dans tes
paralysies du bras droit chez les droitiers (pu n'ont pas eu le temps
¡]'("dlUll1('1' leur main gauche ou qui ne l'out pu, faute d'une culture
générale suffisante. Elle se rencontre également dans ces cas où le trem-
blement, la chorée, l'ctlccxie que nous étudierons plus loin en détail, sont
assez intenses pour prévenir le moindre; (racé. La crampe des écrivains
la détermine souvent encore.
Les désordres mentaux s'opposant il l'acte d'écrire sont de deux
ordres. Tantôt il s'agit de déficit intellectuel, d'absence de développe-
ment cérébral, comme chez l'idiot, le dégénéré, tantôt l'agraphie est le
résultat d'une idée fixe ou d'une phobie comme chez l'aliéné caractérise ?
Il. L'écriture est possible, mais incorrecte. -\ou, retrou-
vons ici la division signalée; en troubles ealligraphiepies et troubles psy-
chographiques.
A) Troubles calligraphiques élémentaires. Le (racé des lettres
la forme et, la direction des figues sont seuls modifiés ici. Les accidents
morbides qui les peuvent déterminer sont, le, tremblement, ]'afa,1. : Íe, la
clrorée, les spasmes ou crampes, lu paralysie.
Dans le tremblement, quelle que soit sa nature, l'écriture est petite,
menue, hésitante. Ces caractères, communs il toutes les formes, s'expli-
quent par ce que le malade, pour écrire, est obligé de s'appliquer et,
d'aller très lentement. D'un autre côté, plus les lettres seront petites,
plus il aura de chances, tout en allant avec lenteur, de bien former les
boucles ou les jambages. Le tremblement se révèle par de fines ondula-
[MOUTIER.] ]
206 TROUBLES DE L'ÉCRITURE. -
tions ou des zig-ziigs anguleux de faible amplitude en général. Les formes
se modifient naturellement selon que le tremblement est plus ou moins
étendu, rapide ou régulier, selon qu'il est perpendiculaire ou horizontal.
Il est toujours exagéré par la fatigue et par les émotions. =1\Tous le
trouverons très fin et très régulier dans le goitre exophtalmique et dans
la névrose trémulante héréditaire. Il est beaucoup plus irrégulier dans
la paralysie générale. Les malades atteints de sclérose en plaques ont
une écriture extrêmement appuyée (Rogues de Fursac) ; le trem-
blement y est presque exclusivement horizontal. Dans la paralysie
agitante enfin, l'écriture est tout spécialement réduite, en ses propor-
tions ; la raideur caractérisée des Parkinsoniens contribue pour une
grande part à cette micrographie. Ajoutons que le tremblement parkinso-
nien diminuant ou même cessant dans les mouvements volontaires,
le tremblement est peu marqué souvent dans le graphisme étudié,
tout au moins sur les premiers caractères tracés.
L'écriture de Yataxique est en général assez grande, presque toujours
lisible dans son ensemble, maïs. déformée par de brusques crochets. Ces
crochets sont très irréguliers ; les lettres prennent un contour anguleux.
On voit également paraître çà et là des traits, accessoires, indépendants,
jetés sur le papier, barrant souvent les caractères déjà tracés. Ces diffé-
rents troubles augmentent considérablement lorsque le malade ferme
les yeux. , ' , '
, La chorée exagère beaucoup les modifications précédentes. Dans les
formes les plus légères, le graphisme est compliqué de nombreux cro-
chets, et l'écriture peut être encore déchiffrée. Mais dans les formes
intenses, le tracé se réduit à des barres, à de vives ratures. La
plume égratigne un papier zébré de traits illisibles. Lorsque le malade
parvient malgré tout à former quelques jambages, les lettres empâtées et
sales, chevauchent les unes sur les autres ou s'écartent sans raison gram-
maticale. ,
Un des troubles les plus redoutables pour la netteté et même pour la
possibilité matérielle de l'écriture est la crampe des écrivains. Cette
crampe consiste en une difficulté d'écrire, les mouvements du bras et de
l'avant-bras, les gestes les plus déliés des doigts demeurant réalisables
et même faciles pourvu qu'ils ne concernent point l'acte d'écrire. Dans
la forme ordinaire ou spasmodique, à peine le malade a-t-il tracé
quelques lettres, parfois même à peine a-t-il saisi le. porte-plume',
qu'il voit se raidir, se contracter en flexion son index, en extension
son pouce. Les lettres ébauchées, chevauchent les unes sur les, autres;
toute écriture est bientôt impossible. Parfois des mouvements choréi-
formes ou athétosiques, un tremblement plus ou moins violent inter-
viennent et compliquent la difficulté du tracé. Dans certains cas, la
crampe affecte une forme paralytique. La main s'engourdit et reste
inerte sur le papier. On observe quelquefois des douleurs spontanées
ou provoquées le long des troncs nerveux principaux. ' ' '.
, TROUBLES DE L'ÉCRITURE.- 207
L'impotence; fonctionnelle du membre supérieur droit chez les droi-
tiers, gauche chez les gauchers, la paralysie en un mot détermine enfin
des troubles considérables de l'écriture. Ces troubles peuvent être pré-
monitoires. Dans l'ictus progressif, les troubles légers de la inutilité du
côté qui sera frappé, la parésie se décèlent par de la difficulté de l'écri-
ture. La main tremble, hésite, les caractères sont incomplets, leur tracé
défectueux et maladroit. Plus tard, lorsque le paralytique se rééduque,
l'écriture demeure longtemps défectueuse. L'hémiplégique saisit son
porte-plume avec difficulté, trace des bâtons plutôt que de véritables
lettres, ne peut, arrondir les boucles. Le graphisme est anguleux, les
lettres sont souvent de grosse dimension : l'ensemble est fort peu
lisible. Ces troubles sont naturellement beaucoup plus complexes lorsque,
a l'obstacle mécanique, s'adjoignent des troubles intellectuels et des per-
turbations fonctionnelles du langage. Nous aurons l'occasion d'insister
sur ces faits au chapitre de l'aphasie.
Un certain nombre d'hémiplégiques droits, emploient, en écrivant de
la main gauche, l'écriture en miroir, c'est-à-dire une écriture renversée
que l'on doit lire de droite il gauche ou redresser soit en la regardant
dans un miroir (d'où son nom), soit en examinant par transparence la
feuille couverte de caractères. L'écriture en miroir est donc disposée
comme les caractères sur les formes d'imprimerie. Cette écriture est
l'écriture naturelle de la main gauche, c'est-à-dire que les mouvements
qu'elle nécessite sont les symétriques des mouvements du bras droit
dans l'acte d'écrire. Cependant, ainsi épie le fait observer Rognes de
Fursac, elle n'est pas l'écriture normale de la main gauche, parce que
bien peu d'hommes sains ou de malades organiques s'en avisent et
songent spontanément à l'employer. La main gauche, copiant servilement
la main droite, écrit, le plus souvent comme elle de gauche à droite.
B) Troubles psychographiques. Ces troubles dépendent, non plus
d'un obstacle ou gêne mécanique de l'écriture, mais de désordres men-
taux qui viennent troubler non seulement la forme générale du tracé,
mais encore, modifier les idées transcrites. On observe ces troubles psy-
rhographiques dans l'aphasie, dans les étals d'obnubilation intellectuelle
permanente ou transitoire tels que l'idiotie, l'imbécillité, la période post-
paroxystique de l'épilepsie. On les rencontre avec leur plein développe-
ment dans les diverses formes d'aliénation mentale.
Nous reviendrons sur l'aphasie dans nn chapitre spécial. Qu'il nous
suffise de dire ici que l'intelligence même du langage est spécialement
troublée dans cette maladie.
Dans les états d'obnubilation intellectuelle (idiotie, imbécillité,
démences confusionnelles), les troubles notés dépendent avant tout de
la diminution de l'attention et de la mémoire et du développement de
l'automatisme, de l'pchographie. Lorsque le malade peut écrire, le tracé,
irrégulier et sale, montre des lettres indistinctes, embrouillées le plus
souvent. Certaines lettres, des mots ou des fragments de phrase sont
[MOUTIER.] ]
208 TROUBLES DE L'ÉCRITURE.
indéfiniment répétés, remplissant parfois des pages de leur graphisme
stéréotypé. Après la crise d'épilepsie, s'observent des troubles analogues.
L'écriture est tremblée, parfois diminuée de hauteur. Les lignes cessent
d'être parallèles et deviennent en général descendantes. Le tracé parait
lourcl, écrasé. De nombreuses fautes par inattention se décèlent : ortho-
graphe défectueuse, mots ou phrases sautés. L'automatisme est constant :
au sortir même de la crise, l'épilcptiquc est parfois capable de tracer une'
lettre seulement, lettre qu'il répétera machinalement des centaines de
fois. Ces troubles, cela se conçoit, sont beaucoup plus accusés dans l'écri-
ture spontanée et dans la copie, que lorsque le malade écrit sous dictée.
Les modifications de l'écriture portent dans l'aliénation mentale à la
fois sur le contenant, c'est-à-dire sur la forme du tracé, sur le contenu,
c'est-à-dire sur les pensées exprimées.
La forme générale du tracé présente des caractères distinctifs des plus
nets, tout au moins dans l'écriture spontanée. Deux groupes d'écritures
se séparent avec netteté. Dans l'un se rangeront les écritures des ma-
niaques, de tous ceux chez lesquels l'aliénation détermine une exubé-
rance, un débordement de l'individualité, comme dans le délire des
grandeurs, par exemple. Dans l'autre se placeront les mélancoliques, les
déprimés, tous les découragés, les timides, tous ceux qui concentrent
leur personnalité. Chez les premiers, les lignes sont parfois enchevêtrées,
désordonnées, parfois au contraire d'une rectitude presque exagérée. En
tout cas, abondent ici les encadrements dessinés dans la marge, les traits
hardis, assurés, épais, les lettres ornées, enjolivées de boucles ou de;
fioritures. Nous relevons encore dans l'écriture des exaltés l'abus des
majuscules, l'exagération invraisemblable des paraphes. Chez les
mélancoliques au contraire, l'écriture est menue, hésitante, le tracé
ordonné; les exagérations précédemment signalées font défaut.
On observe fréquemment sur les écrits des aliénés l'absence ou l'exa-
gération de la ponctuation, des libertés étranges prises avec l'orthographe
et la syntaxe. Ces malades aiment les changements d'écriture (penchée,
renversée, courante, calligraphiée, etc.); ils abusent des mots soulignés,
des incidentes de toute espèce, des post-scriptum. L'écriture en miroir
s'observe parfois chez eux. Ils écrivent le plus souvent couramment, sou-
vent même très vile, comme sous l'influence d'impulsions violentes.
Certains remuent les lèvres ou tendent l'oreille en écrivant, semblant
tracer leur graphisme sous la dictée de quelque hallucination. Certains
enfin ne peuvent écrire, soit qu'ils n'aient rien à dire (alogie confusion-
nelle), soit que quelque phobie les en empêche (folie du doute).
Nous serons très brefs sur les troubles idéographiques proprement
dits des aliénés. On peut, croyons-nous, les caractériser en insistant sur
l'affaiblissement de la mémoire, de l'attention et du jugement qu'ils
révèlent. L'aliéné montre en écrivant un véritable étal d'âme d'enfant.
Beaucoup de malades écrivent, écrivent sans cesse : cette, graphorrhée
emprunte le plus souvent le style épistolaire. Le contenu est incohérent,
TROUBLES DE L'ÉCRITURE.. 20V
incompréhensible souvent. De graves oublis interviennent : le malade
écrit une lettre, mais oublie l'adresse, la date, la signature. 11 aime les
ueologismes, les langages conventionnels, la versification. Sa puérilité
abuse des homonymies, des jeux de mots, des neologismcs pompeux sur-
tout. Les écrits des aliénés sont encore émaillés de formules répétées,
d'interjections symboliques, véritables fétiches imposés par une halluci-
nation ou commandés par une phobie. Les répétitions, les stéréotypies
témoignent des impulsions automatiques; les substitutions de mots, les
omissions de phrases, de la faiblesse du contrôle mental. Ces différents
signes de déficit (oubli, automatisme), déjà évidents dans l'écriture
spontanée apparaissent avec une netteté parfois plus grande encore dans
l'écriture sous dictée et dans les exercices de copie.
Aux troubles intellectuels de l'écriture s'ajoutent parfois chez les
aliénés des troubles mécaniques. 11 en est ainsi dans la paralysie géné-
rale. En effet, les paralytiques généraux présentent de la graphorrhée,
leurs tracés sont désordonnés, malpropres, enfantins. Les omissions,
l'echographic sont constantes; de plus, il est il peu près impossible au
malade de copier ou d'écrire sous dictée. L'écriture est déformée par des
ondulations et des crochets; la main du paralytique général tremble
eu effet et présente parfois un certain degré d'ataxie. Ce tremblement
et cette ataxie deviennent en certains cas très intenses et l'écriture du
malade se limite à des barres, il de grands crochets, absolument comme
chez les choreiqucs (choréisnie des paralytiques généraux. Joffroy).
Nous mentionnerons enfin l'importance des troubles du dessin chez
les aphasiques (Voir plus loin) et chez les aliénés. Ceux-ci dessinent-
comme ils écrivent, sans cesse et maladroitement. Leurs dessins, puérils
et naïfs, sont souvent minutieux et patients, mais insuffisants comme
technique. La perspective y l'ail défaut d'ordinaire (').
1. Pour en Unir avec les troubles du langage, il nous faudrait étudier encore les
troubles du calcul, de la lecture et de la mimique. Ce qui intéresse le neurologiste
il leur sujet se trouvera au chapitre de l'aphasie pour le calcul et la lecture, aux
chapitres de l'aphasie, de l'attitude et du faciès pour la mimique. '
/'1
( ItATlyl'F : \E : UIIUI.. 1't
[MOUTIER J
L'APHASIE
par le D' MOUTIER
Parmi les désordres du langage d'origine organique, les troubles apha-
siques occupent une place prééminente. 11 n'existe chez l'aphasique ni
délire ni confusion mentale au sens des aliénistes; l'intelligence peut être
diminuée, son affaiblissement n'atteint jamais celui de l'idiot; les altéra-
tions fonctionnelles observées ne dépendent enfin d'aucun trouble péri-
phérique. On peut définir par suite l'aphasie un trouble de la compré-
hension et de l'expression des signes normaux du langage indépendant
de la démence, de l'idiotie et de la paralysie.
EXAMEN D'UN APHASIQUE *i
I. Comment se fait la compréhension de la parole ? Re-
cherche de la surdité verbale des auteurs classiques.
Faire reconnaître et toucher par le malade différents objets placés devant
lui et qu'on lui nomme : Crayon. Plume. Encrier. Papicr.
Couteau. Fourchette. Assiette. Verre. Cuiller. Chapeau.-
Mouchoir, etc.... "
Faire exécuter des ordres simples :
Fermez les yeux. Ouvrez la bouche. Tirez la langue. Donnez
la main gauche. Levez la main droite. Ferme ? les mains. Tou-
chez votre nez. Montrez vos cheveux, etc.... ;
En faisant exécuter ces différents actes, on se rendra compte s'il existe
ou non de l'Apraxie (impossibilité d'exécuter correctement des ordres
cependant compris). Dans le cas où l'on soupçonnerait l'existence de ce
symptôme, pour le mieux étudier, on enjoindra au malade, comme le
recommande Licpmann, les actes d'une exécution matérielle un peu plus
difficile : Se brosser. Frapper il la porte-. Agiter une sonnette.
Attraper des mouches. Allumer une cigarette. Frotter une attu-
mette. Battre la mesure. Donner une chiquenaude. Coller un
timbre sur une enveloppe. Faire le geste de jouer du violon. Cache-
ter une lettre avec de la cire et un cachet, etc....
Si le malade comprend et exécute les ordres simples (au point de vue
oral) qui précèdent, on lui en donnera d'autres d'une complication orale
D'UN APHASIQUE. , 211
plus grande. Il sera donc nécessaire de donner ces ordres en grand
détail puisqu'ils doivent justement montrer si le malade n'est pas mis en
défaut par l'abondance des paroles :
A) « Vous voyez les trois morceaux de papier qui se trouvent sur
celle table; il y en a un grand, un moyen et un petit, vous chiffonnerez
le graud cl le jetterez il terre; vous nie donnerez le second; quant au
plus petit, vous le mettrez dans votre poche. »
B) « Au signal que je vous donnerai, vous vous lèverez, vous irez
frapper trois fois il la fenêtre avec le doigt, puis vous irez loucher le
boulon (le la porte et vous reviendrez devant la table, vous ferez alors
une fois le tour de votre chaise et enfin vous vous asscoirez. »
On peut encore combiner des actes plus ou moins compliqués au moyen
des objets qui se trouvent sur la table : « Engagez le porte-plume enlrc
les dents de la fourchette et, après avoir frappé deux fois sur la table avec
le manche de celle-ci, mettez-la dans le verre », etc., etc ....
Lorsqu'un des actes ainsi ordonnés n'aura pu être exécuté, nous lais-
serons écouler quelques minutes puis nous exécuterons nous-même cet
acte en faisant comprendre au malade qu'il doit reproduire nos mouve-
ments. On noiera s'il le fait ou non dans tous les détails.
Quand on se sera ainsi rendu compte du degré de compréhension du
malade on pratiquera un examen minutieux de 1' Audition, non pas en
frappant sur un verre ou sur un couvercle de métal, mais avec la montre
et le diapason, et à voix chuchotée.
En effet, un grand nombre de cas publiés sous la rubrique « Surdité
Verbale » ne sont que des cas de surdité purement auriculaire.
Freund a montré épie certains cas de surdité labyrinthique simulaient il
s'y méprendre la « Surdité Verbale Pure » ; on peut, notamment chez ces
malades, observer au début un état de prostration et des troubles de
l'équilibre qui en imposent pour un ictus cérébral.
Il. Examen de la parole. a) Parole spontanée. Faire
nommer par le malade les objets qu'on lui présente. Lui faire dire
son propre nom, son prénom, le nom de sa femme, de ses enfants.
Faire dire des mois en série : Jours Mois Saisons Alphabet.
Faire compter jusqu'à 20. Faire compter en arrière de 20 jusqu'à 1.
Faire compter de deux en deux, de trois en trois. Faire réciter une
prière oui une pièce de vcrs si la culture du malade le permet. Faire
nommer par le malade les différentes parties de son corps en les lui
désignant, en les lui faisant loucher. Lui faire raconter les conditions
dans lesquelles sont survenues l'aphasic et l'hémiplégie.
Pendant tout cet examen, on notera si le malade écorche certains mots,
Parapliasie, s'il lui arrive de prononcer des paroles n'appartenant
a aucune langue, Jargonaphasie, si sa prononciation des mots (exacts
en eux-mêmes) est plus ou moins altérée, Dysarthrie, - s'il a du
bégaiement, s'il a une tendance il employer les verbes à l'infinitif.
Parler nègre, ou il supprimer les mots secondaires, Parler tléya-
[MOUTIER.]
212 ` ? L' : 11'I I : ISI l : .
pltique, si ses phrases sont incorrectes et incomplètes au point de vue
grammatical, lc/7ctnmcctisnce. s'il a une tendance au bavardage, il
enfiler des mots les uns derrière les autres sans nécessité, Logorrhée.
si son débit n'est pas précipité, 1'esfinZCttioz.
Le malade est-il poursuivi par certains mots qui reviennent constam-
ment dans ses essais de conversation (Intoxication par un mot) ?
Émet-il des jurons ? Savait-il des langues étrangères ? Comment les
parle-t-il actuellement ? z
Dans le cas ou la parole spontanée serait réduite il un très petit nombre
de mots ou à quelques monosyllabes, faire l'expérience de Pl'oust-Lichl-
ltciur qui consiste à présenter différents objets au malade et à lui dire de
serrer la main du médecin autant de fois qu'il y a de syllabes dans le
nom de l'objet présenté (choisir autant que possible des objets dont le
nom ne se termine pas par une syllabe muette ; s'assurer de ce que l1'
malade se rend compte de ce qu'est une syllabe, ce qui est fort, rare).
On peut aussi. lorsque le malade savait lire. lui demander combien il
y a de lettres dans tel ou tel mot, mais c'est là une expérience moins
« orale » que celle des syllabes. ?
b) Parole répétée. Faire répéter des mois de deux à trois syllabes.'
Faire répéter des mots débutant par une même syllabe, mais présentant
une complication croissante : : 1
Exemple : tar, tarte, tartufe, tartare, tartelette, tardigrade, tarabuster.
Faire répéter une phrase du langage vulgaire :
Exemple : « S il fait beau demain nous irons nous promener à la cam-
pagne. »
Faire répéter des vers et plus particulièrement des alexandrins conte-
nant des inversions :
« Oui, je viens dans son temple, adorer l'Eternel. »
Faire répéter des mots dune langue étrangère, des assemblages de
syllabes vides de sens.
c) Chant. Laisser le malade chanter de lui-même une chanson' qu'il
connaisse. L'air en est-il exact ? Les paroles sont-elles toutes pro-
noncées ?
Faire répéter au malade ce que, l'on chante devant lui. Exemple : « La
Marseillaise ».
Faire siffler le malade (siffler simple ou siffler un air).
Faire crier le malade dans deux ou trois tons différons.
111. Examen de la lecture. a) Lecture des lettres. Pré-
senter à l'envers au malade le papier sur lequel se trouve la phrase à lire,
noter s'il retourne immédiatement le papier dans la bonne position (cas
habitue)). ,
Faire lire à haute voix quelques lignes d'un livre ou d'un journal.
Faire lire son propre nom au malade.
Si le malade ne peut lire à haute voix, s'assurer s'il comprend ce qu'on
lui présente à lire en lui donnant par écrit des ordres simples :
EXAMEN D'UN APHASIQUE. 2)
« Toussez », « ouvrez la bouche », « fermez les yeux », « mouchez-
vous ».
Faire lire des ordres plus compliqués :
« Levez votre petit doigt gauche ».
« Mettez la main gauche sur voire tête et louchez ensuite votre oreille
avec le pouce gauche » . '
Si le malade ne peut lire un ordre, peut-il, du moins, lire un mot
isolé ? Connaît-il encore les lettres ? caractères imprimés ordinaires
capitales écriture cursive ?
Faire lire des mots constitués par l'assemblage vertical des lettres qui
les composent (Thomas et Doux), ou des mots constitués par des lettres
capitales qu'on a coupées horizontalement par moitié et dont on a enlevé
la partie supérieure (F. Moutier), il s'agit donc de deviner le mot alors
qu'on n'a plus sous les yeux, pour ainsi dire, que les vestiges des lettres
qui le constituent. Ces tests ne peuvent être employés que chez des
sujets ayant n'eu une certaine instruction.
Faire lire en ne montrant les lettres qu'une il une.
Faire lire en permettant au malade de suivre avec ses doigts les con-
tours des lettres. '
b) Lecture des chiffres. Lecture de chiffres isolés. Si le malade
est hors d'état de parler, il montrera avec ses doigts, ou en frappant un
nombre égal de coups sur la table, qu'il se rend compte du nombre
d'unités contenues dans le chiffre.
Lecture de nombres de plus en plus compliqués (jusqu'à 5 et 6 chif-
fres). Si le malade parle trop mal pour prononcer ces nombres, lui
demander de les partager en tranches de 3 chiffres comme lorsqu'on veut
faire la numéral ion d'un nombre compliqué (F. Moutier).
Opérations d'arithmétique (addition, soustraction, etc.).
A ce propos interroger le malade sur la table de multiplication. '
c) Lecture de l'heure. Sur une montre le malade devra dire
l'heure.
Il devra mettre les aiguilles de la montre à l'heure qu'on lui indi-
quera.
cl) Lecture de la musique.
e) Reconnaissance des dessins, des emblèmes, des cartes à jouer. -
Jouer avec le malade une partie de bataille, d'écarté. Faire compter
de l'argent.
/') Lecture des mots écrits dans la main (I\allwinl\el). On prend
soin que le malade ne regarde pas, et avec une pointe mousse (allumette.
crayon) on écrit sur la paume de la main, lettre par lettre, le mot que le
malade doit reconnaître. -De même pour les chiffres et les nombres.
fi) Examen de la vision. L'acuité visuelle est-elle suffisante ?
Existe-t-il de l'héiuianopsie ? de 1 hemiachromatopsie ? du rétrécissement
du champ visuel ?
IV. Examen de l'écriture. a) Écriture spontanée avec la
[MOUTIER,]
14 L'APHASIE.
plume ou le crayon, de la main droite si celle main n'est pas immo-
bilisée par l'hémiplégie, sinon de la main gauche.
Le malade écrit-il en miroir ?
Lui faire écrire son nom, sa profession, et s'il ne sait quoi écrire lui
dire de mettre sur le papier le nom du jour qui vient après mardi, du
mois qui vient après juin, etc., pour éviter, en lui disant « mercredi »
ou « juillet », de le faire ainsi écrire il la dictée.
b) Écriture avec les cubes alphabétiques. Donner un nombre de
cubes quelconques ou seulement les cubes nécessaires pour former le
mot demandé. -
c) Écriture à la dictée. ' ,
d) Écriture en copiant. a) En transcrivant les capitales en cursives
(traduction). ) En copiant les capitales en capitales (reproduction,
dessin).
e) Écriture des chiffres. Chiffres isolés. Nombres plus ou moins
compliqués, opérations (l'arithmétique.
/) Écriture de la musique spontanément, à la dictée, en copiant.
g) Faire dessiner le malade s'il sait dessiner, sinon lui dire de des-
siner un carré, un losange, un triangle, un ovale, etc..
Lui faire copier un dessin simple, des figures géométriques plus ou
moins compliquées.
V. Examen de la mimique. - a) Mimique émotionnelle.
Examiner quelle est la mimique spontanée en présence des sentiments
et des émotions qu'on peut suggérer au malade dans la conversation.
b) Mimique conventionnelle. Les signes les plus simples sont
ceux de « oui » et « non », mais ils sont devenus tellement instinctifs
qu'ils sont presque toujours conservés. Il faudra doue; recourir en outre
à des signes conventionnels d'un usage moins habituel; faire le salut
militaire le geste du serment celui de la bénédiction un pied de
nez, etc.. ,
c) Mimique descriptive. Enjoindre au malade d'indiquer par gestes
quel est son métier (on aura, bien entendu, vérifié auparavant que ce
métier est susceptible d'être indiqué par gestes). Montrer le geste d'une
femme qui coud, le geste de conduire un cheval, le geste du rémou-
leur, etc...
S'assurer que le- malade comprend la mimique des personnes en pré-
sence desquelles il se trouve.
VI. Examen de la mémoire. a) Mémoire en général.
Interroger le malade sur l'histoire de sa vie, sur les circonstances qui ont
amené son infirmité. Le mettre à même, si possible, d'exercer son mé-
tier pour voir s'il ne l'a pas oublié. L'interroger sur certaines dates histo-
riques connues de tout le monde, sur la table clc mnltiplic',llion. lui
faire faire des opérations cl';u'itlmyliync 111ns ou moins complexes; faire
compter de l'argent. Lui donner un ordre qu'il devra exécuter le lende-
main et s'assurer alors s'il a exécuté ou non cet ordre. Faire au boni d'un
EXAMEN D'UN APHASIQUE. 215
certain intervalle (10 secondes par exemple) répéter des nombres ou des
mots, reproduire des dessins, l'attitude d'une maquette de sculp-
teur, etc.
b) Mémoire optique. Pour les personnes, pour les portraits, pour
les lieux connus de lui (par exemple, qu'est-ce que l'on voit sur la place
de la Concorde).
Mémoire optique pour les choses : faire reconnaître au malade diffé-
rents objets présentés ; s'il y en a qu'il ne reconnaît pas, lui permettre
de les toucher, de les sentir, de les goûter et noter s'il les reconnait
mieux alors.
Faire reconnaître des couleurs; faire grouper ensemble des laines
de couleur donnée. Demander quelle est la couleur de l'herbe, du sang.
de la neige, etc. .
Mémoire d'orientation : demander au malade par que) chemin il irait,
de telle place dans Paris il telle autre (par exemple, aller du Palais-Royal il
l'église Saint-Augustin). Lui faire, désigner le trajet sur un plan. Deman-
der aux parents du malade s'il pouvait sortir seul, s'il s'est déjà perdu.
c) Mémoire auditive. Produire derrière le malade, et sans qu'il
puisse voir ce que l'on fait, des bruits divers dont il devra indiquer la
nature : verser de l'eau dans une cuvette d'une certaine hauteur; froisser
du papier; frotter une allumette; faire claquer ses ongles; couper dans
le vide avec des ciseaux (connue font les coiffeurs), etc.
Demander au malade quel bruit font : le coq, le chat, le chien, l'hor-
loge, la locomotive quand elle s'ébranle, etc.
huiler soi-même les cris de différents animaux et constater si le ma-
lade les reconnaît et les attribue exactement à ces animaux, dont on peut
au besoin placer le dessin sous ses yeux.
el) Mémoire gustative. Faire déguster différents aliments ou con-
diments et constater si le malade les reconnaît. Lui demander quelles
sont les caractéristiques du sucre, du vinaigre, du sel, etc.
VII. Examen de l'intelligence en général. Facultés des-
criptives, facultés d'association (idées ou mots évoqués par d'autres
mots), de critique, de jugement. Moralité. Instruction générale. Facultés
professionnelles.
S mtormer des changements de caractère (fréquents) survenus depuis
le début de la maladie.
VIII. Examen de la motilité. Le malade était-il droitier ?
gaucher ? ambidextre ? ' ?
Est-il hémiplégique ? des membres seulement ou aussi de la l'ace ?
Ilnel. est l'état de la langue ? des lèvres ? du voile du palais ? du larynx ?
Ces organes présentent-ils de la paralysie ou un trouble quelconque dans
teur fonctionnement ? . ,
i a-t-il du rirc et du pleurer spasmodiques ?
1 ? istc-(-il des troubles de la déglutition ? quel est l'état du réflexe
pharyngé ? ' ? L
[MOUTIER ]
' : 2W . L'APHASIE.
Constate-t-on, lorsque le malade parle, les mouvements associés des
membres du côté droit observés par Pierre Marie et Sainton(') ? ` ? ,
Nous avons parlé plus haut de la recherche de l'Apraxie, il est donc
inutile d'y revenir ici. '
IX. Examen de la sensibilité. Sensihilité à la douleur; sen-
sibilité tactile; sens musculaire; sens stéréognostique.
La recherche des troubles sensoriels a été pratiquée au cours de l'exa-
men détaillé.
TYPES D'APHASIE
Nous ne signalerons ici que les types communément observés et dont
l'existence semble dûment établie. u
Négligeant également les hypothèses et les controverses, nous n'entre-
rons pas dans le détail d'un certain nombre de types décrits parles diffé-
rents ailleurs. Dans la plupart de ces cas, il s'agit en effet de faits isolés
ou de variétés rares, souvent aussi de formes théoriquement dérivées
d'un schéma et n'ayant par conséquent qu'un médiocre intérêt pratique.
On divise avec les classiques, les aphasies en deux groupes principaux,
les aphasies motrices, les aphasies sensorielles. Dans chacun de ces
groupes se rangent des aphasies corticales, c'est-à-dire par destruction
de la substance grise, des aphasies sous-corticales, c'est-à-dire par des-
truction de la substance blanche, la substance grise demeurant intacte.
Nous ne suivrons pas celte classification qui, selon les vues de Pierre
Marie, n'exprime plus la réalité des fails.
Nous admettrons qu'il existe une" seule forme d'aphasie, dite aphasie
intrinsèque (Pierre Marie) ou aphasie de Wernicke. Cette forme, carac-
térisée par les troubles du langage intérieur et le déficit intellectuel, cor-
respond, est identique à l'aphasie sensorielle des anciennes classifica-
tions. Elle présente les mêmes symptômes; sa localisation anatomique
est semblable. Les lésions qui provoquent son apparition intéressent la
zone temporo-pariétale.
En avant de celle zone, dans un quadrilatère (Pierre Marie) limité
par deux plans frontaux tangents aux potes antérieur et postérieur de
l'insula, et par deux plans sagillaux tangents l'externe au cortex de
l'insula, l'interne à l'épcndyme du ventricule latéral, se trouvent l'in-
sula, les capsules externe et interne, le noyau lenticulaire, les grands
faisceaux d'association inll'1-11('111161)li('l'Ifllll ? le pied de la couronne
rayonnante. Un foyer situé dans cette zone provoque l'nraarllcrie. Celle
I. Ces mouvements consistent en petites secousses dans la main ou le pied droit
qui se produisent seulement lorsque le malade parle; dès qu'il se tait ces secousses
cessent; ce sont de véritables mouvements associés causés très vraisemblablement par
l'effort que fait le malade pour parler. Ces mouvements associés a la parole ont été
constatés chez des aphasiques non hémiplégiques.
TYPES D'APHASIE. ' 217
anarthrie répond cliniquement il l'ancienne aphasie motrice sous-corti-
cale ; elle en diffère par sa localisation, l'aphasie motrice pure des classi-
ques étant liée il la destruction de la substance blanche du pied de la
.5e frontale gauche.
L'association de I'anarthrie et de l'aphasie de Wernicke (vaste lésion
du territoire de la cérébrale moyenne ou sylvienne) réalise l'aphasie de
Broca. Les symptômes de l'aphasie de Broca demeurent identiques dans
l'ancienne théorie et la description nouvelle; la localisation de cette
entité, la façon d'en comprendre et d'en grouper les facteurs, diffèrent
complètement en revanche. Dans la théorie classique, la destruction cor-
ticale de la ;'je frontale suffit il provoquer l'aphasie motrice vraie ou apha-
sie de Broca; dans la théorie de Pierre Marie, deux foyers distincts sont
nécessaires, l'un intéressant la zone lenticulaire, l'autre la zone temporo-
pariélale de Wernicke. Dans le. premier cas, l'aphasie de Broca est une
maladie; elle n'est qu'lI n syndrome (anarthrie de Brocaap)iasiede
Wernicke) dans le second.
En dedans de la zone de Wernicke. tout foyer intéressant les faisceaux
d'association du cerveau déterminera l'alexie.
Cette aphasie, extrinsèque connue l'anarlhic, peut être pure ou assu-
ciée à l'aphasie de Wernicke. ]1 existe donc, en résumé, cinq formes
morbides de (roubles dits aphasiques du langage : trois types fondamen-
taux, l'aphasie de Wernicke (aphasie intrinsèque), t'anarthrie et l'alexie
pure (aphasies extrinsèques); deux syndromes : l'aphasie de Broca et
une forme complexe alexie-aphasie de Wernicke.
L'aphasie de Wernicke. - L'aphasie proprement dite ou apha-
sie de Wernicke (aphasie sensorielle des classiques), est, avons-nous dit,
un tronhle de la compréhension et ¡'l'l' l'expression des signes normaux du
langage, indépendant de la démence et de la paralysie. Ces altérations
dépendent d'une destruction, par hemorrhagie ou par ramollissement, de
la zone de Wernicke de l'hémisphère gauche chez les droitiers, de Ihemi-
sphère droit chez les gauchers. Celle zone comprend le gyrus suprainar-
ginalis (pariétale inférieure), le pli courbe, les deux premières tempo-
rales, plus particulièrement le pied de ces dernières circonvolutions. La
lésion de celle zone ne détermine pas d'hémiplégie. Celle-ci dépend
évenlucllement d nue extension des lésions en avant vers les territoires
moteurs. De même I'héinianopsie, que l'on observe assez fréquemment,
dépend de l'extension des lésions vers le territoire visuel du cuneus.
L aphasique de Wernicke. ne présente pas de dysarthrie. 11 articule
iacuemeut et. rapidement; il est prolixe et bavard. Ses idées s'enchaînent
avec promptitude et souvent avec bizarrerie. Les mois qu'il émet, sans
difficulté d'articulation, sont incomplets, déformés; ce sont des il peu
près, non les termes exacts qui sont employés le plus souvent (drirliton
pour mirliton, par exemple, ti¡Thw pour terrine). De plus, le malade
emploie souvent un mot pour un autre (une pipe est appelée fourchette,
un éventail un moulin à venl). Des mots nouveaux, vocables dénués de
, [AfOUTIER.]
218 ' L'APHASIE.
sens, sont forgés. Cette jargonaphasie est d'ailleurs assez rare, du moins
avec quelque intensité.
Le langage de l'aphasique de Wernicke est le plus souvent prolixe,
incohérent, peu compréhensible. Ses phrases, émaillées de périphrases,
coupées d'interjections, compliquées de répétitions fréquentes de mots
ou de groupes de mots, sont mal construites, le verbe y est à l'infinitif,
l'article supprimé.
La parole de l'interlocuteur est en général mal comprise ; ou si quelques
mots sont entendus, une phrase un peu longue, un ordre un peu com-
plexe seront saisis il la seule, condition de les répéter en les décomposant
en tranches de deux il trois mots ou en ordres simples. Cette « surdité
verbale » d'intensité variable peut aller jusqu'à l'incapacité absolue de
comprendre un seul mot.
La parole répétée est très défectueuse; la para- et la jargonaphasie
peuvent s'y révéler alors qu'elles faisaient défaut, dans la parole spontanée.
La lecture il haute voix et la lecture mentale sont abolies ou en tout
cas fort limitées. Quelques mots sont compris ou lus correctement, mais
les troubles para et jargonaphasiques apparaissent bientôt, enfin la lec-
ture devient impossible.
L'agraphie est le plus souvent totale, si l'on en excepte la persistance
de la signature, geste machinal plutôt que graphisme réfléchi. Si l'écri-
ture persiste à quelque degré, on y remarque les mêmes troubles que
dans le langage oral (para et jargouagraphie). Le plus souvent, spontané- 1
ment ou sous dictée, l'aphasique de Wernicke trace seulement des traits*
informes, des lettres isolées ou plus rarement quelques mots. 11 copie
l'imprimé en imprimé, c'est-à-dire dessine le modèle au lieu de le tra-
duire en cursive ordinaire. 11 peut parfois cependant le transcrire correc-
tement en manuscrit ou traduire certaines lettres et en dessiner certaines
autres.
Il existe enfin chez l'aphasique de Wernicke un affaiblissement variable
du tout au tout, mais souvent prononcé de l'intelligence générale (cal-
cul, attention, mémoire, imagination, jugement, mimique) mis en relief
au cours de l'interrogatoire conforme au plan exposé ci-dessus.
En résumé, chez l'aphasique de Wernicke, difficulté de la com-
préhension du langage oral (surdilé verbale) d'intensité 1res variable,
pouvant aller l'impossibilité absolue de comprendre un seul mol,
conservation de la parole spontanée, troublée il vrai dire par la
paraphasie et la jargonaphasie. parole répétée, lecture il haute
voix, lecture mentale abolies ou très réduites, écriture spontanée,
écriture à la dictée, écriture en copiant abolies ou 1res réduites.
Un syndrome aussi grave est rare; il s'atténue souvent en tous cas. La
surdité verbale disparaît on du moins s'améliore; rapidement; le vocabu-
laire s'étend, les phrases se suivent plus complètes et plus claires. La
lecture demeure toujours très défectueuse, -et l'écriture ne fait presque
aucun progrès. Le langage spontané, sauf en certains cas de lésions
' TYPES D'APHASIE. 219
peu étendues, est donc seul il bénéficier franchement de l'évolution de la
maladie. Et parfois, il peut être difficile de dépister dans un langage par
ailleurs normal les quelques expressions paraphasiqucs qui demeurent
la signature de l'aphasie améliorée. Une grande difficulté dans la re-
cherche des substantifs et dans l'emploi du terme propre est particuliè-
rement fréquente et significative dans ces formes de' reliquat.
Anarthrie. Dans 1 anarthrie (correspondant cliniquement il
; l'aphasie motrice pure ou sous-corticale), le langage intérieur est res-
pecte. l'intelligence est intacte. Il existe un trouble unique de l'articula-
tion verbale. Le mutisme peut être absolu; le plus souvent, avec de
grands efforts, le malade, peut émettre quelques syllabes, quelques mots
sensés et employés il propos, ou quelques vocables dénués de sens. Les
mots les plus compréhensibles sont d'ailleurs souvent déformés. L'anar-
thrique ne peut ni lire il haute voix, ni répéter les mots entendus; en
revanche, il lit et écrit parfaitement et ne présente aucune trace de sur-
dite verbale. L'anarthrie coexiste toujours, semble-t-il, avec une hémi-
plégie; et le malade se sert de la main gauche pour écrire. Il arrive ainsi,
d'ailleurs, il se faire promptement et facilement comprendre, à condition,
toutefois que sa culture et son intelligence générales aient été suffi-
samment élevées pour que la perte de la main droite n'ait pas été un
malheur irréparable cl qu'il ait pu avoir l'habileté d'éduquer son côté
. gauche.
En résumé, dans 6t) ? < ? ? l'abolition ou le trouble de la pronon-
cialion, de l'émission des mois représente toute la maladie. La lecture
mentale, l'écriture, l'intelligence sont intactes.
De ternies les variétés, intrinsèques ou extrinsèques, d'aphasies, l'anar-
thrie pure est celle qui s'améliore le plus. Elle est même probablement
la seule dont on [misse guérir radicalement. Le plus souvent cependant,
l'amélioration, tout en étant sensible, est loin d'être absolue. Il persiste
un certain degré de dysarthrie; les mots sont émis avec etfort, fréquem-
ment déformés. L'accent est défectueux. la prononciation incomplète.
Le malade butte souvent sur certaines syllabes : ailleurs, il bégaie. Le
discours dans son ensemble est haché, scandé. L'on a l'impression très
nette épie I anarlluique eu voie d'amélioration fait des efforts dispro-
portionnés pour parler. Enlin, la syntaxe est toujours simplifiée (parler
nègre, style télégraphique) et l'intonation monotone (Brissaud).
L'aphasie de Broca. Les symptômes de l'aphasie de Broca
n'on ! point change ? seules, la conception et la localisation de l'aphasie
motrice élite corticale ou vraie, ont subi des modifications sur lesquelles
nous avons été plus haut suffisamment explicites.
L aphasie de Broca étant un syndrome, nous retrouverons ici, se modi-
fiant réciproquement, les caractères additionnés dl' ! "anart/n'ie el de
l'aphasie de TVl')'lIicloe. Le dosage de ces deux formes dans la cousti-
tution du syndrome de Broca est d'ailleurs éminemment variable d'un
malade à un autre. Par/'ois ? I11 : 11' ! hl'il' dOllline : Ic malade est presque
[MOUTIER,
220 . 1 ? 11'II : lsl I : .
muet, son intelligence demeure faiblement atteinte; parfois l'aphasie
de Wernicke l'emporte : la paraphasie et la jargonaphasie se laissent
reconnaître alors dans les quelques mots prononcés par le malade;
l'alexie, l'agraphie, la surdité verbale sont intenses; le déficit intellectuel,
considérable; parfois enlin, les lésions sont énormes, l'anarthrie et
l'aphasie de Wernicke sont l'une et l'autre très prononcées, il s'agit,
d'une aphasie de Broca maxima, forme que les anciens auteurs dési-
gnaient sous le nom d' « aphasie totale (') ».
Les aphasiques de Broca sont des hémiplégiques, comme les anar-
thriques; les aphasiques de Wernicke purs sont au contraire indemnes
de toute paralysie, avons-nous dit. Les aphasiques de Broca sont silen-
cieux (de par l'anarthrie constituante du syndrome), la parole est rare,
le vocabulaire limité. Les aphasiques de Wernicke sont prolixes et
s'expriment avec facilité. Les aphasiques de Broca présentent du déficit
intellectuel (de par l'aphasie de Wernicke constituante du syndrome);
l'intelligence des anarthriques est au contraire intacte.
Ces considérations générales permettent d'interpréter et de retenir
facilement les symptômes de l'aphasie de Broca. La suppression du lan-
gage oral spontané peut être complète, allant jusqu'au mutisme. Le plus
souvent, le malade peut encore émettre des vocables dénués de sens,
réponse stéréotypée il toute question. Ces expressions sont comparables
aux suivantes « ti ti ti clin din din - l'ou tou ta li sa ». Parfois/
les mots émis ont un sens, ce sont même en certains cas des phrases, que
le malade avec monotonie se tient prêt il employer en guise de réponse a
toute question. Ces formules de langage,- il à boire, sa va bien un petit
mieux, je sais je sais, parce que parce que ces jurons, ces vocables1
émotionnels sont inaltérables; c'est-à-dire que l'aphasique ne les perd
jamais, et ne peut le plus souvent en dissocier les éléments, c'cst-a-dire
en prononcer isolément les termes constituants.
Lorsque le malade fait quelques progrès, son vocabulaire s'accroît.
L'on peut constater alors et tout à la fois un certain degré de celte dysar-
thrie spéciale que nous avons étudiée, à côté d'un certain degré de para-
et de jargonaphasie. La prononciation est quelquefois plus nette et plus
complète, les mots émis plus nombreux dans le chant.
Les troubles de la lecture (aggravés par la dysarthrie), de l'écriture, de
la compréhension auditive verbale et de l'intelligence générale sont chez
les aphasiques de Broca ce qu'ils sont chez les aphasiques de Wernicke.
L intensité en est naturellement variable il l'infini. L'altération de la
lecture est quelquefois susceptible de la plus grande amélioration; mais
la plupart des aphasiques de Broca voient persister leur agraphie et
demeurent incapables de transcrire l'imprimé en manuscrit. La guérison
complète semble exceptionnelle.
En résumé, dans l'aphasie de Broca, la parole spontanée, la parole
I. L'hémianopsie est assez fréquente en ce cas.
TYPES D'APHASIE. 221
répétée, la. lecture à haute voix sont abolies, ou très altérées par les
troubles de l'émission verbale ou dysarthrie, par la paraphasie et la
jargonaphasie ; l'écriture spontanée, l'écriture à la dictée, l'éai-
ture en copiant sont nulles ou des plus réduites; - la lecture men-
tale est toujours altérée ; - il existe toujours, au début du moins,
un degré variable de surdilé verbale.
L'alexie. Si l'existence de la surdité verbale pure des classiques,
localisée au pied de la première temporale gauche, est des plus problé-
matiques aujourd'hui, la validité de l'alexie pure est au contraire des
plus réelles.
Cette variété d'aphasie relève d'une lésion du territoire de la cérébrale
postérieure (cuneus et voies d'association). Il existe un symptôme
unique, l'impossibilité ou la difficulté de la lecture mentale (le trouble;
de la lecture à haute voix étant simplement sous la dépendance du
trouble du langage intérieur). On observe toujours en même temps de
l'héinianopsic, et très probablement aussi, du moins au début, des trou-
bles relevant de la lésion de la zone de Wernicke adjacente.
Aphasie chez les gauchers, aphasies croisées. L'aphasie
est due le plus souvent il une lésion de l'hémisphère gauche chez les
droitiers, de l'hémisphère droit chez les gauchers. Cependant, on peut
observer des aphasies par lésion de l'hémisphère droit chez les droitiers,
gauche chez les gauchers : ce sont les aphasies croisées de Byrom
Bramwell.
[MOUTIER.] 1
L'APRAXIE
par le D' MOUTIER
L'apraxie est non pas une maladie à proprement, parler, mais un syn-
drome. Elle doit être définie l'impossibilité d'exécuter les mouvements
adaptés à un but, malgré la conservation de l'intelligence et l'intégrité
de la motilité. Elle consiste donc en un (rouble intellectuel des réactions
motrices soumises à la volonté.
Nous n'avons pas à discuter ici la valeur même de l'apraxie. Nous ne
rechercherons donc point si les phénomènes étudiés sont, vraiment nou-
veaux et si leur individualisation, leur isolement sont parfaitement légi-
times. Nous nous abstiendrons également de toute discussion sur la
valeur étiologique et diagnostique des manifestations étudiées. Faisons
simplement remarquer que les indications suivantes, établies d'après les
travaux de Liepmann, de Pick et de l'Ecole française de la Salpètrièrc
demeurent extrêmement schématiques.
Il existe diverses variétés d'apraxie('). La plus fréquente, la plus légi-
time aussi et la première en date est l'apraxie idéo-motrice.
A) Apraxie idéo-motrice de Liepmann ( 1000). C'est à celle
variété que convient essentiellement la définition préalablement donnée.
Elle consiste, répétons-le, en un trouble des actes volontaires, en une
non-adaptation intellectuelle des gestes nécessaires aune finalité donnée.
Mais pour qu'il y ait apraxie, il ne doit y avoir ni anestllésie, ni ataxie.
ni paralysie, ni surdité verbale, ni agnosie, ni trouble du jugement. Un
exemple fera mieux comprendre notre pensée. Supposons qu'un malade,
assis en face d'une table sur laquelle est déposée une brosse à dénis,
invité d'autre part à se brosser ies dents, n'exécute pas l'acte imposé ou
bien aille promener celte brosse au long de son nez ou de son oreille, il
y aura apraxie aux seules conditions suivantes. Le malade a entendu
(absence de surdité), il connaît la brosse à dents et en saisit l'usage
(absence d'agnosie), son étal, mental lui permet d'élaborer les raisonne-
ments nécessaires il la préparation puis à la réalisation de l'acte (absence
de troubles mentaux), il peut saisir la brosse et la manier correctement
1. Le mot apraxie a élé créé par Gogoi, en 1875. (.Ici auteur l'avait appliqué à la
« disparition de l'intelligence des choses ».
L'APRAXIE. 223
(absence de paralysie, d'ataxie. de tremblement, de choree, d'aihétosc).
Ceci expose, voyons comment se présentent les malades en général. Et
d'abord, il n'y a pas d'apraxie réellement pure. Les définitions données
supposent une dissociation des actes cérébraux indiscernable et de fait
indiscernee dans la pratique. De plus, l'apraxie se rencontre chez des
hémiplégiques, des aphasiques, des individus porteurs des lésions les
plus diverses; elle n'est donc jamais isolée, et il peut, être malaisé de
reconnaître parfois, parmi les manifestations plus complexes, cela seul
qui doive être tenu pour phénomène apraxique.
L'apraxie idéo-motrice de Liepmann est un trouble très nettement
psyctio-moteur. Le malade comprend l'ordre à exécuter; il sait l'exécuter
en théorie, mais il ne le peut pas en pratique. Cette impossibilité ou
cette maladresse peut être unilatérale ou bilatérale, s'observer du côté
opposé il la lésion ou du côte homonyme. C'est ainsi que l'apraxie du cote
gauche n'est pas exceptionnelle dans l'hémiplégie du côte droit du corps.
Le trouble apraxique peut être complet ou incomplet : complet, le
malade n'ébauche même pas l'acte voulu; incomplet (parapraxie), le
malade s'eftorcant de réaliser cet acte, fait un certain nombre de mouve-
ments. Ici, plusieurs éventualités sont il envisager : le malade peut
exécuter en partie l'acte à l'étude. mais il se trompe : il brosse, par
exemple, sa main au lieu de brosser son babil; ou bien il exécute
des actes sans signification aucune : il fait, par exemple, un moulinet
dans l'espace alors qu'on l'a prié de serrer le poing; ou bien il
remplace l'acte exact par un autre correctement exécuté, mais sans rap-
port avec ce qui était attendu : le malade fera le simulacre d'envoyer un
baiser quand on lui demande un pied de 11<'Z.
L'apraxie peut exister aussi bien pour les actes spontanés que pour les
actes commandés ou répétés. Elle peut porter sur les associations muscu-
laires les plus diverses, mais atteint particulièrement les gestes com-
mandés et la mimique. Les muscles intéressant surtout les actes purement
r(l1exrs ou semi-conscients (muscles du tronc, de la face, masticateurs)
sont le plus souvent indemnes. Les phénomènes apraxiques du type
Liepmann n'augmentent pas en général avec la complication des actes
à exécuter.
L'examen des apraxiques demande à être conduit avec méthode. On
écartera tout d'abord les causes d'erreur éventuelles. On recherchera
ensuite pour quelle catégorie d'actes (spontanés, commandés, répétés,
imités) existe l'apraxie. On fera exécuter au malade des mouvements
divers ; simples : lever la main, fermer les yeux, étendre le bras,
donner la main; ? s complexes : ouvrir têt oeil, donner tel doigt,
se frotter les mains, faire un signe de croix, un pied de nez; très
complexes : bourrer une pipe et l'allumer, fumer un cigare, cacheter
une lettre, mettre ses bas, verser de l'eau, se brosser les dents, tirer un
coup de pistolet (un malade de Pick épaulait, son revolver comme s'il se
tut agi d'un .fusil, un de nos malades de Bicetre tirait gravement sur une
[MOUTIER.]
224 Il 1 ? 1'1t : 1 \ ll ? .
pipe soigneusement bourrée mais non allumée, tel malade encore oublie
de couper le bout de son cigare et l'allume avec l'extrémité de l'allumette
non garnie de phosphore). On peut enfin prier le malade de choisir sur
la table un objet désigné : il le saisit sans hésiter du côté non atteint,
hésite et ne peut le choisir du côté apraxique (épreuve du choix d'un
objet. Liepmann.) , '
Le diagnostic de l'apraxie est souvent délicat. Il faut commencer par
s'assurer que les malades ne sont maladroits ou impotents ni par para-
lysie, ni par surdité périphérique : cela est quelquefois difficile. S'il s'agit
d'aphasiques, il pourra être plus malaisé de reconnaître si le malade
comprend, entend intellectuelle ment ce que l'on attend de lui. Le diffe-
rend nous semble être même parfois bien difficile à trancher, diverses
variétés d'aphasie n'étant, somme toute, que des syndromes apraxiques.
Certains apraxiques (les anarthriques notamment), ne savent pas cor-
rectement ouvrir la bouche, siffler, tirer la langue. On pourrait les
prendre pour des psellrlo-bulbaires; mais ils n'ont pas de paralysie à
proprement parler, ils présentent seulement de la maladresse, et d'autre
part les troubles de la mastication et de la déglutition font défaut chez
eux, le faciès demeurant également tout différent.
Dans l'ataxie, lc malade sait parfaitement ce qu'il doit accomplir,
niais ses mouvements sont mal coordonnés, saccadés. Toutefois.
l'ataxique vise un but précis, il se sert correctement de l'objet saisi,
en ce qui concerne du moins sa nature et sa destination exactes. Les
mouvements fixes et précis (se boulonner, mettre le doigt sur le nez)
sont plus atteints que les mouvements simples, grossiers pour ainsi dire.
Il en est tout autrement chez l'apraxique. Ce dernier, en effet, présente
un trouble aussi considérable, aussi irrégulier des actes délicats que des
actes simples, et ses mouvements ne s'accordent pas avec la valeur de
l'objet saisi ou du geste commandé.
Alors que dans l'apraxie les objets sont reconnus et que seule fait
défaut la façon motrice de s'en servir (Lewandowsl : p), dans l'agnosie les
actes sont absurdes, parce que le malade ne reconnaît pas l'objet. L'agno-
si'llie présente donc un défaut d'identification, l'apraxique un défaut
d'utilisation. Les actes de ce dernier conservent une certaine logique :
il prendra une brosse et brossera, mais frottera une écorthure de la
main au lieu de son habit; il prendra un porte-plume et le trempera
dans un verre au lieu de l'encrier, mais logique puisqu'il connaît le
porte-plume il fera ensuite avec lui le simulacre d'écrire. L'agnosique,
au contraire, tournera en tous sens le porte-plume, mais ne s'en servira
pas pour écrire.
Enfin, l'apraxique avec ses hésitations, son air perplexe, ahuri, sa
maladresse, son impotence même, donnera parfois l'impression d'un
aliéné. Il faudra s'efforcer de pénétrer son mécanisme intellectuel,
rechercher s'il connaît l'objet et sait exprimer verbalement la faconde
s'en servir. Le diagnostic sera parfois complexe et délicat.
- , . L'APRAXIE.. 225
Le syndrome apraxique étant dûment reconnu, que conclure de sa
présence ? Les conclusions actuellement autorisées sont des plus vagues.'
L'apraxie en effet, a été observée dans les lésions cérébrales en foyer,
tumeurs, hémorrhagies, ramollissements, hémiplégies avec ou sans
aphasie, et dans les processus diffus, encéphalites, paralysie générale,
méningites aiguës, au cours delà démence précoce, de la démence
sénile, etc. Sa constatation n'autorise pas davantage un essai de locali-
sation anatomique. Elle peut dépendre, à coup sur de lésions de la ré-
gion pariéto-temporale; mais Liepmann en fait un signe de lésion du
corps calleux, pont interhémisphérique, quand elle est homolatérale par
rapport au foyer (apraxie gauche avec hémiplégie droite par exemple).
B) Apraxie idéatoire de Pick (1905). Tout en étant voisin du
précédent, le syndrome est ici beaucoup moins franc. L'apraxie idéatoire
est, en effet, un véritable trouble de l'attention; elle s'observe, dans les
états crépusculaires de l'intelligence, chez. les déments, les paralytiques
généraux. Le trouble s'atténue lorsque le sujet fixe son attention; .il
augmente avec la complexité des actes : Il n'est jamais unilatéral et n'in-
téresse jamais les actes simples quasi-automatiques.
C) Apraxie motrice de Kleist (1907). = Cette apraxie intéresse les
actes compliqués au point de vue musculaire (et non plus intellectuel).
Le malade qui pourra tendre la main, croiser les jambes, ne pourra plus
monter un escalier, danser, sauter à pieds joints, se tenir en équilibre
sur la pointe des pieds. -
Phatique xeuiiol. - 15 .
P - : XJ : UllfJL. tMOCTIBjR
AGNOSIE
par le D' MOUTIER
L'agnosie est la perte de la faculté de transformer les sensations sim-
ples ou élémentaires en sensations supérieures ou perceptions propre-
ment dites. Elle' représente un trouble de l'idenlificalion secondaire des
objets. L'agnosique reconnaît donc la forme, les qualités sonores ou
colorées d'un objet; il peut en désigner les éléments constituants, mais il
ne peut en définir l'usage, il ne peut le nommer. Il a donc encore des
sensations, mais ne sait plus les interpréter. 11 s'exprime d'ailleurs cor-
rectement, et par la forme, et par le fond. Il n'est ni dément, ni apha-
sique.
L'agnosie est rarement totale. Le plus souvent elle porte, sur divers
ordres de sensations, sans les embrasser tous. Ainsi, un malade peut
présenter une agnosie tactile, visuelle, olfactive, gustative, l'agnosie audi-
tive faisant défaut. Plus souvent l'agnosie porte isolément sur un ordre
donné de sensations.
Dans l'agnosie tactile (trouble de l'identification secondaire ou asyni-
hulie), le malade peut déterminer plus ou moins exactement les qualités
d'un objet; il ne peut le nommer. Un crayon sera déclaré, rond, lisse,
pointu, dur. etc.; il ne pourra être déterminé « crayon ». Mais dès que
le malade ouvrira les yeux. l'objet sera immédiatement et exactement
nommé. Dans l'agnosie visuelle, le crayon sera déclaré rouge ou noir,
allongé, mat ou brillant, mince ou épais, etc., mais le malade pourra au
palper seul le reconnaître; en tant que crayon. De môme, l'agnosique
visuel décrira les caractères objectils visuels d'une sonnette, sans pou-
voir la nommer avec le seul concours de la vue. En revanche, dès qu'il il
l'entendra sonner, dès qu'il pourra la manier; il la nommera facilement.
On a peu étudié les agnosies auditives, olfactives ou gustatives isolées.
Elles sont fréquemment associées il d'autres agnosies et forment des syn-
dromes complexes. Certains malades ne peuvent de la sorte identifier
les objets, reconnaître leur nature, les nommer correctement en un mot
que par l'usage d'un sens unique, tous les antres fournissant les seuls
caractères élémentaires des corps.
Théoriquement, l'agnosie est donc un (rouble purement intellectuel.
En fait, il est extrêmement difficile parfois de faire le départ du trouble
jt AGNOSIE. 227
sensoriel périphérique (affaiblissement du tact, de la vue, de l'ouïe) et
du trouble cérébral. Cela est flagrant surtout pour rasynrbolie tactile
où. malgré la rigueur des définitions, l'ignorance du sujet dépend souvent
et simultanément d'une diminution de l'intelligence, d'une altération
motrice et d'un certain degré d'anesthésie. Il en est ainsi notamment
chez les hémiplégiques et les névritiques d'ordres divers. Les autres
agnosies, l'agnosie visuelle pure, l'agnosie visuelle associée à l'agnosie
tactile, gustative, etc. semblent former un groupe de symptômes à subs-
li-atiiiii anatomo-palhologique défini, représenté à peu près constamment
par les altérations généralement bilatérales et symétriques du terri-
toire de la cérébrale postérieure, notamment des lobules lingual et
fusiforme. '
Le diagnostic des agnosies est délicat. II repose sur l'existence de
troubles intellectuels purs ou du moins sur l'insuffisance des troubles
périphériques éventuellement existants à expliquer les accidents reconnus.
Il convient de distinguer avec soin l'agnosie tactile des paralysies motrices
ou sensitives, l'agnosie visuelle des cécités périphériques ou corticales
(hémianopsies) et 'de la cécité verbale. Dans celle-ci (ancienne aphasie
sensorielle) le malade voit et reconnaît toujours au moins la forme géné-
rale de l'écriture et de l'imprimé : il redresse en effet constamment la
feuille qu'on lui présente renversée : il ne peut lire, mais il sait qu'il y a
là quelque chose à lire : l'agnosique au contraire ne retourne pas la
feuille : il n'a aucune perception, aucune idée de ce qu'on lui met sons les
yeux, bien que son langage intérieur ne soit aucunement troublé. On
évitera enfin de prendre l'agnosique, multiple, complexe, pour un dé-
ment : l'agnosique se présente en effet comme un ignorant, non comme
un ètre déraisonnable. Ses seules apparences d'incohérence sont liées
à son défaut de reconnaissance des objets extérieurs, défaut qui l'amène
à d'inévitables fautes d'interprétation.
[MOUTIER.]
SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE
- - par Georges GUILLAIN
Avant de commencer l'examen d'un individu aliéné ou supposé tel, il
est indispensable d'avoir des renseignements anamnestiques précis. Il
faut connaître les antécédents héréditaires du malade et ses antécédents
personnels, savoir quelle a été l'histoire de sa vie, quelles maladies il a
laites, quelles intoxications il a subies, quels troubles psychiques il a
déjà manifestés au cours de son existence. Puis on se'fera exposer, sans
craindre d'entrer dans les plus minutieux détails ni d'insister sur les
faits en apparence les plus insignifiants, les prodromes, le mode de début,
la marche et l'évolution de l'affection mentale actuelle. Nous ajouterons.
d'ailleurs, qu'il ne faut accueillir qu'avec une grande réserve le témoi-
gnage de toutes les personnes qui sont en rapport avec le malade, sur-
tout dans les cas d'expertise médico-tégale.
L'étude du malade lui-même est parfois difficile. Beaucoup d'aliénés,
en effet, se refusent à tout examen médical dont ils ne comprennent ni le
but ni l'utilité. Aussi est-il parfois nécessaire d'user de quelque procédé
détourné pour entrer en contact avec les malades, et même de leur dissi-
muler que l'on est un médecin. Avec du tact et du jugement, on peut
presque toujours les examiner d'une façon suffisante pour prendre les
déterminations thérapeutiques nécessaires, pour conseiller un interne-
ment par exemple.
Il faut éviter d'examiner les malades aliénés devant toute une famille
assemblée, une ou deux personnes de l'entourage suffisent et elles
doivent être muettes. Il est préférable d'examiner les malades debout et
non au lit, à l'exception toutefois des cas où une affection générale
nécessite le repos absolu au lit. ,
On ne doit pas se contenter d'une étude des fonctions psychiques, il
faut pratiquer toujours, quand cela sera possible, un examen viscéral
complet.
De nombreuses questions se posent en présence d'un malade aliéné. Il
faut déterminer quel est le fonds intellectuel, quelles sont les idées déli-
rantes, savoir s'il existe des hallucinations, rechercher les tendances
réactionnelles du sujet. Des phrases très simples, telles que : « quel jour
sommes-nous ? » « où êtes-vous ? » « que ! âge avez-vous ? » permettront
SlsllfOf.OGII; l'SlClll.l'l'IiIQUI ? 22J
rapidement de voir si le malade est orienté élans l'espace et dans le
temps, s'il s'agit d'un dément ou d'un aliéné lucide. Ces phrases ne
doivent pas d'ailleurs être toujours prononcées d'une façon systématique,
car il ne faut pas examiner les aliénés par le procédé des (p)estionnaires.
On a. en effet, proposé des schémas de questions. Ce mode d'investiga-
tion des fonctions psychiques n'est nullement clinique. Ainsi que le dit-
fort justement Séglas, comment un schéma identique peut-il servir indif-
féremment il l'interrogatoire d'un confus ou d'un paranoïaque, d'indi-
vidus d âge, de sexe, d'éducation, de niveau intellectuel différents ? Sans
doute, pour certains détails précis d'un examen psychiatrique, on peut
s'aider d'un plan de questions préparées il l'avance, mais quand on voit
un malade pour la première Ibis, il est préférable d'avoir avec lui une
conversation en apparence normale. Dans cette conversation, le médecin
aura non seulement un rôle passif d'observateur, mais encore un rôle
actif en dirigeant les idées exprimées, en provoquant les sujets de l'en-
tretien, en faisant causer le malade, voire même en le faisant délirer.
Il est des malades avec lesquels il est facile d'entrer en conversation,
Iris les mélancoliques simples, les délirants systématiques, les persé-
cutés, les persécuteurs, les mystiques, les fous moraux, les obsédés, les
impulsifs conscients. Avec d'autres, on ne peut avoir un entretien suivi
(manie aiguë, délires hallucinatoires aigus). Certains ne répondent pas
parce qu'ils ont un affaiblissement intellectuel soit transitoire (confusion
mentale), soit permanent (démences) ; enfin, il est des malades qui,
volontairement, se renferment dans un mutisme absolu.
Les aliénés partent souvent spontanément (manie aiguë, délires hallu-
cinatoires, confusion mentale délirante, paralysie générale, etc.). 11 faut
écouter, sans les interrompre, les discours des aliénés : ils sont très
utiles pour orienter le diagnostic.
On notera avec soin la physionomie des malades, leur mimique, leur
attitude, leur tenue, les emblèmes dont parfois ils se revêtent. On étu-
diera leurs écrits.
Dans les laboratoires et élans les cliniques spéciales, on peut compléter
1 examen des aliénés par des recherches de physiologie, de psychologie
expérimentale, de psycho-physique; ces procédés, très intéressants et
très utiles au point de vue scientifique, ne sont pas souvent applicables
dans la clientèle privée; on peut d'ailleurs faire sans leur aide des dia-
;;uoslics cliniclnes.
On ne saurait trop insister sur le soin qu'il faut apporter à l'examen
des malades supposés aliénés, car, bien souvent, c'est du résultat de cet
examen que dépendra l'internement ou le non internement du malade.
On comprend quelle peut èlre la gravité d'une erreur de diagnostic, soit
que 1 on ait considéré comme aliéné un individu qui ne l'était pas, soit,
an contraire, qu'on ait méconnu un cas légitime d'aliénation mentale et
déclaré sain d'esprit un sujet qui pourra être dangereux et pour lui-
même et pour les autres.
[G. GUILLAIN.]
230 SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.
De nombreux auteurs classent les symptômes psychiques en trois
groupes en rapport avec l'intelligence, la volonté, la sensibilité morale.
Cette division est tout, à fait théorique; nous préférons, avec Morse)) ! .
Agostini, Séglas, étudier successivement les manifestations extérieures
de l'aliénation mentale qui se traduisent dans le langage, la conduite et
les actes, puis les principaux phénomènes psychiques (').
LES TROUBLES DU LANGAGE CHEZ LES ALIÉNÉS
Nous envisagerons d'abord le mutisme vésanique, ensuite les troubles
du langage articulé, du langage écrit et du langage mimique.
Le mutisme vésanique. - Certains malades aliénés sont abso-
lument muets. Il ne faut pas confondre le mutisme avec l'aphasie, erreur
qui, parfois, a été commise. Le mutisme est un symptôme dont la valeur
sémiologique est très importante en psychiatrie; il reconnaît des causes
très différentes.
Le mutisme par aboulie résulte de ce que l'acte de parler nécessite un
effort au-dessus des forces du malade. Le mutisme par obnubilation
s'observe dans la confusion mentale où le groupement des mots pour
former des phrases est impossible. Le mutisme par annihilation des fonc-
tions psychiques se constate dans la démence, la stupidité; les malades
ne parlent pas car ils ne pensent pas. Le mutisme par distraction existe
dans des cas de mélancolie avec stupeur où le malade est absorbé par
ses idées pénibles. Dans certains états maniaques, on peut voir un état
de mutisme passager résultant du tumulte des idées; la pensée est
devenue si désordonnée qu'elle passe la mesure de la mobilité possible
des agents de l'articulation (Séglas).
, ségalas a attiré l'attention sur les cas de mutisme résultant de la pré-
. sence d'hallucinations verbales psycho-motrices très développées, les-
quelles, d'ailleurs, peuvent agir de différentes manières. Voici comment
cet auteur expose la question : « Si l'on se rappelle cette remarque de
Stricker que l'on ne peut penser à la fois il deux mots différents à l'aide
de deux images verbales motrices et que l'hallucination verbale motrice
implique la participation du centre moteur d'articulation, on comprendra
aisément que si les hallucinés de cette catégorie tombent parfois dans
le mutisme, c'est parce qu'ils n'ont pas à leur disposition à la fois deux
images motrices différentes, l'une servant à l'hallucination, l'autre il
l'expression de la réponse sollicitée par leur interlocuteur. Quelque-
fois le mécanisme du mutisme peut être un peu différent; alors que les
malades pensent ce qu'ils voudraient dire, il se produit une hallucina-
tion motrice verbale, par suite de laquelle les mots s'échappent sans
I. Je me suis souvent inspiré pour la rédaction de ces pages d'un excellent article de
M. Séglas publié dans le Traité de pathologie mentale de M. Gn.m. : rr BALLET.
LES TROUBLES DU LANGAGE CHEZ LES ALlÉ\IS. 231
bruit de leur bouche, avant, qu'ils n'aient eu le temps de les prononcer
(fuite de la pensée, Piel'l'aecini). J) (S("glas.)
Le mutisme peut être sous la dépendance d'hallucinations qui défen-
dent au malade de parler. Dans d'autres cas, le malade ne parle pas parce
qu'il se croit indigne de parler, parce qu'il ne veut pas que ses ennemis
connaissent ses pensées, parce qu'il craint en ouvrant la bouche de respirer
un air empoisonné, parce qu'il est convaincu de ne plus avoir de
larynx, etc.
Le mutisme, dans la démence catatonique, est une manifestation du
négativisme. Quaut au mutisme hystérique, il est le plus souvent créé
par une idée fixe, il guérit fort bien par l'isolement et la suggestion. Il
faut enlin toujours penser il la simulation du mutisme.
Les troubles du langage articulé. L'intensité de la voix
est diminuée chez les mélancoliques, elle est souvent augmentée chez les
maniaques. Certains persécutés parlent à voix basse pour ne pas être
entendus de leurs ennemis imaginaires, les gens qu'ils supposent les
espionner. Il est des malades qui ont des timbres de voix différents en
rapport avec leurs diverses personnalités.
La diction des aliénés est souvent modifiée. Dans la paralysie générale,
l'excitation maniaque, les délires mégalonianiaques on observe la forme
déclamatoire. Katubamn a attiré l'attention sur la verbigération des cata-
toniques qui disent pathétiquement des mois vides de sens.
Les aliénés parlent parfois seuls il haute voix. Ces monologues dépen-
dent, soit de l'automatisme ! psychologique inconscient, soit des hallucina-
tiens. Si ce symptôme persiste longtemps, il indique une affection chro-
nique tendant à la déchéance intellectuelle.
Certains malades comme les maniaques, les alcooliques, parlent très
vite; les idées se présentent en niasse à leur cerveau, elles sont parfois
tellement, nombreuses qu'elles ne peuvent être exprimées correctement.,
aussi les malades bredouillent (choreoptirasie). Cette pseudo-incohérence,
du langage doit être distinguée de l'incohérence vraie des déments. A
l'opposé des excités maniaques, les mélancoliques parlent avec lenteur et
monotonie.
Les modifications de la syntaxe sont fréquentes (langage enfantin des
idiots, amnésies verbales des déments, etc.). Les aliénés font souvent des
oeotogismes. Certains nl'ologisIIll's par assonance tels qu'on les observe
dans l'('\l'll;1t1011 maniaque, la paralysie générale n'ont pas de significa-
tion : au contraire, les délirants systématiques créent des nl'ologislIll's
qui, pour eux, correspondent à des idées. La tendance de ces derniers
malades à créer des 111 ! ologisllws dénote un affaiblissement, intellectuel
grave.
Il Il 11\ a pas lieu d'étudier ici les dyslalies dépendant de matforma-
11l1l1S congénilales, de tremblements, d'affections organiques du système
nerveux, etc.
Troubles du langage écrit. Les écrits chez les aliénés ont
, [G. GUILLAIN.]
2;;2 I : JIIOLC1GI1; l'l-GI11.1'.I'litfll : l ? .
une valeur sémiologique très importante, ils aident bien souvent au
diagnostic des affections mentales. Certains psychopathes, comme les
inventeurs, les persécutés ont une véritable grapliomanle, les déments
eux-mêmes écrivent souvent de longues pages de griffonnages. On tiendra
compte dans l'examen des écrits de l'aspect du papier, de la forme et de
la dimension des lettres, de la signature (troubles calligraphiques de
loffroy). Le contenu de ces écrits renseignera sur la valeur intellectuelle
et sur les idées délirantes (troubles psycliograptuqucs de Jo111'oy).
En examinant la manière dont les malades exécutent l'acte (récrire, on
remarque que le maniaque, sans s'installer, prend une plume ou un
crayon et forme les lettres avec rapidité, que le mélancolique fait des
efforts multiples pour tracer quelques petits caractères et s'arrête, bientôt;
les hallucinés auditifs semblent écouter, etc. Tous ces détails doivent;
être notés, ils peuvent avoir leur utilité dans des cas de diagnostic dé-
licat.
Troubles de la mimique. H faut distinguer la mimique émo-
tive qui sert à l'expression des émotions et la mimique proprement dite
qui sert il l'expression de la pensée. '
La mimique émotive peut être exagérée (hypermimie) dans l'excitation
maniaque, les délires hallucinatoires ; elle peut être diminuée (hypolllimie) 1
dans l'hypochondrie, la démence; elle peut être abolie (amimie). D'après
Morselli il faut distinguer deux variétés d'amimic : Y amimie asthénique
ct l'a-mintie hpel°stltc·oiqtce. Dansl'aniituieastliéniquc que l'on observe
dans la stupeur, la démence, certains cas de paralysie générale, aucune
émotion ne se traduit sur le visage dont les traits sont dans la résolution.
Dans l'amimie byperstbénique, certains muscles du visage sont dans un
état de contraction permanente et déterminent une expression fixe, on
observe cette variété d'amimie dans la catatonie, le délire religieux, les
délires hallucinatoires.
Le langage mimique proprement dit peut être exagéré, c'est l'hyper-
sémie des états d'expansion, de l'excitation maniaque; il peut être di-
minué ou aboli, c'est l'lrr/posC : nzie ou l'asémie des états de dépression,
de la mélancolie, de la confusion mentale. Certains malades ont de
l'asémie volontaire. Le langage mimique est parfois perverti, c'est la
parésémie, ainsi certains paranoïaques font des gestes dont la significa-
tion n'est comprise que par eux. On peut comparer ces parasémies aux
néologismes du langage parlé.
Signalons enfin Yéchomimie, c'est la reproduction par lès malades des
gestes que l'on fait devant eux.
LES ACTES DES ALIÉNÉS
La connaissance des acjes des aliénés est indispensable pour préciser
le diagnostic des types cliniques en psychiatrie. Il est impossible, dans
, LES ACTES' DÈS ALIENES. 353
un article de sémiologie, de passer en revue tous les actes que peuvent
commettre les aliénés. Nous reproduisons, ci-dessous le tableau synop-
tique donné par Séglas (Traité de pathologie mentale de Gilbert Ballet,
p. 168). Cette classification, adoptée par Séglas, appartient à Spencer,
elle permet d'avoir une idée d'ensemble sur les modalités de la conduite
des aliénés, sur les différentes formes cliniques de la pathologie men-
tale. -
1° Actes concernant la conservation individuelle :
S34 SH,liIOLOGI1. PSYCHIATRIQUE... 1 z1-
L'AMNÉSIE. ' 25Ô
orient, déchirent, leurs vêtements. Les déments délirants se présentent
sous divers aspects. Le délire peut être la continuation pendant l'état de
veille d'un rêve commencé pendant le sommeil ; cette variété de délire
s'observerait assez souvent, d'après Régis, dans la démence sénile. La
démence, chez les paralytiques généraux, imprime au délire un type
contradictoire, incohérent. Dans les démences secondaires, dans les
démences vésaniques, les idées délirantes ne sont que la continuation de
celles qui préexistaient.
Il y a lieu de remarquer que, dans la démence, les fonctions organiques
sont fréquemment très bonnes; l'appétit est conservé, les malades
prennent de l'embonpoint, les règles chez les femmes sont normales. Les
maladies infectieuses intercurrentes donnent souvent peu de symptômes
cliniques appréciables, elles restent latentes et les déments meurent par-
fois sans que l'attention ait été appelée sur leur état de santé demeuré en
apparence normal.
11 ne faut pas confondre la démence vraie chronique et incurable avec
certains états transitoires d'affaiblissement intellectuel, tels qu'on en voi
dans la stupidité, la stupeur cérébrale, la confusion mentale. Dans ces
différents états pseudo-démentiels, qui sont curables, existe le syndrome;
de la confusion- des idées, de la désorientation dans l'espace et dans le;
temps. Ce syndrome peut s'observer à titre épisodique secondairement à
d'autres troubles psychiques (délires hallucinatoires, états émotionnels
profonds), on le rencontre dans les intoxications (alcoolisme, saturnisme),
dans les maladies infectieuses, élans les auto-intoxications (urémie, dia-
bète), dans certains cas de tumeur cérébrale. '
11 faut distinguer aussi la démence de la débilité mentale, de l'ioabécil-
lité, de l'idiotie qui sont des états psychopathiques congénitaux. Tandis
que la démence vraie représente une déchéance de l'individu par rapport
à lui-même, ils ne sont plus, eux, que l'expression d'une déchéance de
l'espèce (Séglas).
L'AMNÉSIE
Il existe un affaiblissement congénital de la mémoire, mais le terme
amnésie ne doit s'appliquer qu'à la diminution ou à la perte acquises de.
la mémoire.
Certains malades ont conscience qu'ils perdent la mémoire (neurasthé-
niques, intoxiqués par le tabac, paralytiques généraux au début), d'autres
ne s'en rendent pas compte (épileptiques, traumatisés, paralytiques géné-
raux à la période d'état).
La mémoire est une fonction psychique complexe. Elle comprend la
conservation (les souvenirs, leur reproduction, leur reconnaissance et
leur localisation dans le temps.
L'examen de la mémoire doit être fait avec méthode, il faudra étudier
chez les malades les diverses catégories de souvenirs : souvenirs du nom,
. - [G. GUILLAIN.]
256 . SÉAtlOLOGOE IJSYCiu,ATlUQm : . ? ''
de l'âge, des faits récents et anciens, des notions générales et spéciales
acquises durant la vie, des mots, etc., il faudra examiner comment se
fait la localisation de ces souvenirs dans le temps, examiner aussi com-
ment se fait la conservation des images nouvelles. - ..
Sollier a désigné, sous le nom de paramnésie de certitude et de
paramnésie de localisation certains troubles spéciaux de la mémoire.
Le sujet atteint de paramnésie de certitude est convaincu d'un fait qui
n'a pas eu lieu réellement ou n'est pas sur d'un fait qui réellement s'est
produit. Le sujet ^atteint de paramnésie de localisation a des souvenirs
qui sont exacts en eux-mêmes, mais qui sont localisés dans le temps
d'une façon erronée.
On distingue deux variétés d'amnésie : les amnésies organiques ou
dysmnésies et les amnésies fonctionnelles. Dans les amnésies organiques,
les images sont détruites ; dans les amnésies fonctionnelles, les images
sont oubliées.
Les amnésies organiques sont en général permanentes et progressives,
la perte de la mémoire se fait suivant une marche régulière, suivant la
loi de la régression de la mémoire. Cette régression porte sur les faits
récents, puis sur les acquisitions intellectuelles anciennes (connaissances
scientifiques, artistiques, professionnelles), sur les souvenirs personnels
qui s'effacent en remontant vers le passé, sur les sentiments. Les habitudes
contractées anciennement persistent en dernier lieu. Cette loi de régres-
sion est applicable aussi aux mémoires particulières. Ainsi, au point de
vue du langage, on voit disparaître successivement les noms propres, les
noms communs, les adjectifs, les verbes, les interjections. Tout s'efface,
comme l'a remarqué Ribot, du plus nouveau au plus ancien, du complexe
au simple. '
Les amnésies fonctionnelles, contrairement aux amnésies organiques
qui sont progressives, ont le plus souvent un début. brusque et sont cura-
bles. Elles se présentent en clinique sous différentes modalités. Dans
l'amnésie systématisée les malades perdent une certaine catégorie de
souvenirs à l'exclusion des autres, ainsi ils oublient par exemple tout ce
qui concerne telle ou telle personne. Dans l'amnésie localisée les événe-
ments dont le souvenir est' perdu appartiennent à telle période de la vie
du malade; l'épileptique qui a perdu le souvenir de sa crise a une
amnésie localisée. - "
Dans .1'ccmzesie rétrograde le malade a perdu le souvenir d'un événe-
ment et celui de tous les faits se rapportant à une période plus ou moins
longue de son existence précédant immédiatement cet événement. Cette
variété d'amnésie s'observe souvent après les traumatismes. Si le malade
a perdu le souvenir d'une période de son existence suivant immédiate-
ment un événement, l'amnésie est dite antérograde ou mieux antéro-
gmde de reproduction (Sollier). L'amnésie rétrograde peut exister seule,
mais l'amnésie antérograde est rarement isolée, l'amnésie est alors le plus
souvent 7,éti,o-aiitéi-oli@ade. -
- LES. HALLUCINATIONS.. ' 237 7
L'amnésie générale est rare. On aurait vu à la suite d'attaques hysté-
riques des. malades ayant perdu tous les souvenirs acquis durant leur vie.
Dans le somnambulisme hystérique avec dédoublement de la personnalité,
l'amnésie est périodique, les souvenirs des deux personnalités paraissent
indépendants les uns des autres.' , -
Il existe certains malades qui, conservant les souvenirs anciens, sont
incapables d'acquérir les- souvenirs nouveaux. Telle est l'amnésie anté-
1 : grade de. conservation de Sollier, l'amnésie continue ou amnésie
d'assimilation de Janet. Il ne s'agit pas ici, à proprement parler, d'une
amnésie, mais d'un troublé dans l'assimilation psychologique des images;
les souvenirs existent dans le subconscient, ils peuvent réapparaître dans
le délire, l'état somnambulique. '
LES HALLUCINATIONS
Esquirol donne de l'hallucination la définition suivante : « Un homme
qui a la conviction entière d'une sensation actuellement perçue alors-que
nul objet extérieur propre à exciter cette sensation n'est à la portée de ses
sens, est dans un état d'hallucination. »
Bail a proposé cette définition plus simple : « L'hallucination est une
perception sans objet. » ,
Il faut distinguer J'hallucination de l'interprétation délirante; dans ce
cas, les sensations sont perçues normalement, mais le malade interprète
la perception d'une façon erronée. 1
La plupart des psychiatres considèrent comme deux phénomènes dis-
tincts l'hallucination et l'illusion; mais cette opinion a été discutée et,
pour certains auteurs, l'illusion et l'hallucination ne seraient que deux
variétés d'un même . trouble psychologique, ne différant que par le point
de départ. L'illusion ne serait qu'une hallucination dont le point de
départ est-manifeste et l'hallucination une illusion dont le point de départ
est latent. Séglas pense que l'illusion et l'hallucination n'offrent pas des
différences de nature, elles ne seraient que .des. variétés d'un même
trouble pathologique ; il est d'avis qu'en théorie on peut faire rentrer les
illusions dans le cadre général des hallucinations, à condition qu'elles,
figurent dans un cadre spécial, les hallucinations périphériques, mais il
ajoute que, comme les hallucinations périphériques et centrales ont une
valeur sémiologique différente, il y. a intérêt en pratique à les distinguer
et à conserver l'ancienne division des hallucinations et des illusions. "
Les hallucinations peuvent être périphériques ou centrales. Les hallu-
ci.nations périphériques ont pour origine une excitation- de l'appareil sen-
soriel qui leur correspond. Suivant que cette excitation se produit dans
l'appareil sensoriel lui-même ou en dehors du, sujet dans le monde exté-
rieur, les hallucinations périphériques sont dites subjectives ou objec-
lives. Dans les hallucinations périphériques subjectives ou objectives,
. . [G. GUILLAIN.]
l'excitation première peut porter sur l'appareil sensoriel correspondant il
l'hallucination ou sur un appareil sensoriel différent, aussi ces hallucina-
tions sont distinguées en directes et indirectes ou réflexes (Ilahlhaurn).
Certains malades ont conscience que leurs hallucinations sont des phé-
nomènes pathologiques, d'autres au contraire n'en ont pas conscience.
11 existe différentes variétés d'hallucinations : les hallucinations senso-
rielles, les hallucinations coenesthésiques. les hallucinations motrices.
Les hallucinations sensorielles comprennent les hallucinations de l'ouïe,
de la vue, du goût, de l'odorat, du tact.
Les hallucinations de l'ouïe sont très fréquentes, la surdité ne les
empêche pas. Certains malades entendent des tintements, des sons mal
déterminés, c'est l'hallucination auditive élémentaire; certains autres
spécifient qu'ils entendent un bruit déterminé (roulement de tambour,
bruit de cloche, etc.), c'est l'hallucination auditive différenciée com-
mune. Enfin certains malades entendent des mots, des phrases ayant une
signification, c'est l'hallucination auditive différenciée verbale. Il est
des aliénés qui entendent leurs pensées se répercuter au dehors, avant
qu'ils ne les aient exprimées, ce phénomène constitue l'écho de la
pensée.
Les mêmes distinctions sont applicables aux hallucinations de la vue.
Les malades qui voient des flammes, des lueurs, ont des hallucinations
visuelles élémentaires; les malades qui voient des assassins, des cer-
cueils, des apparitions mystiques, etc., ont des hallucinations visuelles
différenciées communes. Les hallucinations verbales visuelles existent,
mais sont très rares. Les hallucinations se produisent souvent les yeux
ouverts, mais parfois seulement les yeux fermés, parfois seulement la
nuit dans l'obscurité. II est nécessaire, dans certains cas, de fermer les
yeux du malade pour les provoquer. Elles existent même chez les aveugles.
Les hallucinations peuvent n'intéresser qu'une seule moitié du champ
visuel (hallucinations lrénrioliclues). Certains auteurs ont vu que l'hallu-
cination se dédoublait par la pression du doigt sur le globe de l'oeil qui
modifie le parallélisme des axes optiques; Binet et Féré ont remarqué
expérimentalement que l'hallucination pouvait se réfléchir dans un miroir,
se dévier par le prisme.
Les hallucinations du goût qui s'observent spécialement chez les
malades ayant des idées d'empoisonnement, consistent en la perception
de saveurs amère, acide, terreuse, phosphorée, etc. ,
Les malades qui ont des hallucinations de l'odorat se plaignent de
sentir de mauvaises odeurs. Ils croient parfois que ces mauvaises odeurs
proviennent d'eux-mêmes et ils traduisent cette conviction en disant que
leur corps est décomposé, pourri.
Les hallucinations tactiles consistent en sensations de fourmillements,
de brûlures, d'attouchements, etc.
Les hallucinations coell( ! sihésir¡ues donnent aux malades la croyance
qu'ils ont des animaux dans leur estomac, des charbons brûlants dans
LES HALLUCINATIONS. 2;)\1
leur intestin. Certains sujets se croient en verre, en cire, en bois. Les
hallucinations génitales sont très importantes il connaître, elles ont joué
un rôle jadis dans les procès de, sorcellerie (les incubes et les succubes),
elles peuvent être la cause que des malades accusent des personnes de se
livrer sur eux il des actes obscènes et font ainsi des dénonciations calom-
nieuses qui parfois mettent en action la police. Les hallucinations kinl's-
lllésiques consistent en sensations de lourdeur ou de légèreté, en
sensations de chute, etc., elles appartiennent d'ailleurs il la classe des
hallucinations motrices.
Les hallucinations motrices on) été étudiées par Sellas; les sujets per-
çoivent des mouvements imaginaires partiels ou généraux du corps, ils
voient, tombent dans les précipices, sont soulevés de leur lit, ce sont les
hallucinations des anciennes sorcières qui allaient au sabbat en traver-
sant l'espace sur un manche; il balai, ce sont les hallucinations des am-
putes qui disent accomplir des mouvements avec leurs membres fantômes.
Sellas a montre que l'hallucination peut, encore être plus spécialisée,
intéressant une fonction spéciale, celle du langage dans ses éléments
moteurs : « C'est l'hallucination verbale motrice, orale ou graphique, con-
sistant dans la perception pathologique de paroles, non plus sous la forme
d'images sensorielles auditives ou visuelles, de mots entendus ou lus,
mais sous la forme d'images motrices à l'aille des mouvements adaptés de
l'articulation ou de l'écriture)) » (Séglas). Ces malades n'entendent pas
parler. ils sentent, parler. Le centre moteur d'articulation est en jeu dans
ces hallucinations. Séglas attire l'attention sur les faits suivants qui sem-
Idl'nlle démontrer : « C'est d'abord l'altitude des malades. Ils n eut plus ! air de personnes qui écoutent, mais remuent les 1¡"\Tes, semblent IIlar-
motter leurs paroles comme les individus qui parlent tout seuls leur r
pensée. Si on leur fait écrire leurs hallucinations, ils n'écoulent pas non
plus, mais font en écrivant des mouvements d'articulation.... Certains de;
ces hallucinés remarquent spontanément que leurs hallucinations ne peu-
vent se produire quanel ils parlent eux-mêmes ou lisent il haute voix en
articulant, ou inversement qu'ils ne peuvent parler eux-mêmes pendant t
la durée de l'hallucination Rappelons enlin certaines habitudes em-
ployées par les malades dans le but de faire cesser leurs hallucinations et
qui toutes tendent à s'opposer aux mouvements d'articulation, comme de
tenir la langue serrée entre les dents, de suspendre leur respiration, de
s'emplir la bouche' de cailloux » (Séglas). Certains malades se plaignent
que leur pensée leur échappe de la bouche avant qu'ils n'aient eu le
temps delà prononcer volontairement, c est la fuite delà pensée (Pie-
rocuini), ils disent alors qu'ils ne sont plus maîtres de leur langue, que
leurs idées leur échappent, qu'on parle par leur bouche, qu'on les force
;t lrwlcr, c,tu....
Les hallucinations sont parfois unilatérales. Ces hallucinations unila-
Iéralcs mt souvent comme point de départ un trouble fonctionnel ou des
lésions matérielles des organes sensoriels. Les hallucinations ((I/la(jo-
[G. GUILLAIN.]
240 vl;)It1)L(lGfl; l'Sl( : Ilf : \'l'ItIllUl ?
ni¡.;les sont les hallucinations de ces malades qui, par une oreille, enten-
dent, par exemple, des injures et par l'autre oreille, au contraire, des
compliments, des éloges.
Les hallucinations s'accompagnent de certains symptômes qui peuvent
servir il les l'aire soupçonner alors qu'un aliéné est dans le mutisme.
C'est ainsi qu'on observe, au cours des hallucinations, des modifications
du pouls et de la circulation, des réactions mimiques. Le malade, qui
présente des hallucinations de l'ouïe, a l'attitude d'un individu qui écoute ;
le malade, qui présente des hallucinations visuelles, a souvent la tête en
rotation, le regard fixe. Les hallucinations du goût s'accompagnent de
crachement, de mouvements de déglutition. Ceux qui ont des hallucina-
tions de l'odorat se bouchent le nez, etc
La valeur sémiologique des hallucinations est importante. Les hallu-
cinations se constatent dans de multiples circonstances, dans la période
intermédiaire à la veille et au sommeil (hallucinations hypnagogiques), il la
suite de la fatigue cérébrale, de l'inanition, dans le cours des maladies
infectieuses, des infections et des intoxications. Les hallucinations sont
très fréquentes dans les délires toxiques et infectieux, le délire halluci-
natoire, la confusion mentale hallucinatoire, dans les délires mystiques,
dans le délire de persécution.
LES IDÉES DÉLIRANTES
Le terme délire possède en psychiatrie une signification plus restreinte
que dans le langage ordinaire, il s'emploie couramment, pour désigner
un ensemble plus ou moins complexe d'idées morbides concernant le
« moi ou ses rapports avec le monde extérieur (Séglas). Ces idées déli-
J'anles des auteurs français correspondent aux Wahnideen des auteurs
allemands, aux de/usions des auteurs anglais.
Nous ne considérerons comme idées délirantes ni les idées fixes in-
conscientes ou subconscienles que Pierre Janet a étudiées chez les hys-
tériques et qui jouent un si grand rôle; dans la pathogénie des accidents
de cette névrose, ni les idées obsédantes ou obsessions. Les obsessions
se présentent en clinique avec des caractères très nets qui permettent
toujours de les reconnaître. L'obsession survient par crise dans le champ
de la conscience; le malade, qui a conservé la plénitude de ses facultés
mentales, lutte contre elle, inutilement d'ailleurs le plus souvent; cette
lutte est accompagnée de troubles vaso-moteurs, de congestion de la
face, d'angoisse. Quand l'obsession est satisfaite ou réprimée le malade
ressent un grand soulagement.
Les idées délirantes vraies, contrairement il ce épie l'on pourrait croire,
ne sont pas variables à l'infini; elles se réduisent à un certain nombre de
types; le cerveau délire toujours sur les mêmes thèmes. Sans doute il y a
des variations sur ces thèmes, des nuances dissemblables, elles tiennent
LES IDÉES DÉLIRANTES. 241
à des fadeurs secondaires comme l'éducation des malades, leur fonds
intellectuel, leur état social, leur profession, leurs tendances antérieures,
le caractère, le milieu où ils vivent.
Toutes les idées délirantes observées en psychiatrie peuvent se résumer
dans l'excellente classification suivante que nous empruntons à Séglas :
idées délirantes d'auto-accusation; idées de persécution; idées de dé-
l'ense; idées de grandeur; idées hypochondriaques; idées de négation ;
idées d'énormité; idées mystiques; idées erotiques; délires palingnosti-
flue, métabolique, de transformation corporelle.
Les idées d'auto-accusation. Les malades qui ont des idées
(['auto-accusation se croient indignes, coupables de fautes graves; ils ont
des accès de désespoir, de remords; ils craignent les châtiments, l'em-
prisonnement, l'échafaud, la damnation, l'enfer, etc.
Ces idées délirantes sont, très fréquentes dans la mélancolie délirante,
dans les périodes mélancoliques de la folie intermittente. Dans la para-
lysie générale les idées d'auto-accusation ont des caractères un peu spé-
ciaux il cause du fonds démentiel sur lequel elles évoluent, elles sont
mobiles, incohérentes, contradictoires. Certains persécutés sont aussi
auto-accusateurs.
Les idées d auto-accusation dans la confusion mentale il forme déli-
mnte sont la résultante de l'automatisme psychologique, le délire est
mobile il forme de rêve. Dans le délire alcoolique aigu, délire hallucina-
toire avec confusion mentale, les idées d'auto-accusation sont inconstantes,
variables, reliées aux hallucinations d'origine toxique : l'anxiété et la
teneur de l'alcoolique diffèrent de la douleur morale profonde dumélan-
colique vrai : ces idées se voient aussi dans le délire alcoolique chro-
nique.
Chez certains vieillards non déments on observe des accès de mélan-
colie anxieuse avec les mêmes caractères que chez l'adulte. Ailleurs, dans
la def ? ir.s<t/7f'. les idées d'auto-accusation ont, à cause de cet état
démentiel et de l'amnésie, un aspect clinique spécial ; les déments séniles
ont plus de sensiblerie que de douleur morale; leurs idées délirantes
sont fugaces et vile oubliées.
,Les idées de persécution. Chez les malades qui présentent
des idées de persécution il faut rechercher quelles sont les persécutions
qu'on leur fait subir, quels sont les persécuteurs, il quelle date ont com-
mencé les persécutions, pourquoi sont-elles continuées, enfin quelles
sont devant ces faits leurs réactions' ? ' ?
Les idées de persécution sont très importantes dans la paranoïa, le
délire de persécution de la folie systématique primitive. Les malades
ont en elles une conviction profonde, ils out tendance à réagir, à se
défendre, ;'t lutter contre leurs ennemis quand ils ont systématisé leur
délire; ils deviennent persécuteurs et sont ainsi des aliénés extrêmement
dangereux.
Dans les délires toxiques, comme le délire alcoolique aigu, les idées
Plt.iTIQ114 : Sl.UIIUL. 10
. [G. GUILLAIN.]
212 SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.
de persécution sont en rapport avec les hallucinations, elles sont mobiles
(délire il forme de rêve de Lasègue). Elles se rapportent souvent à des
faits qui se passent au moment même où le malade exprime ses idées;
au cours de son délire il a de l'anxiété, réagit, lutte, est capable de fuir,
de tuer ou de se suicider. Dans le délire alcoolique chronique les idées
de persécution ont fréquemment l'aspect de la jalousie.
Dans la confusion mentale les idées de persécution sont peu impor-
tantes ; elles ont dans ce délire onirique un caractère de mobilité. Elles
sont sans doute la conséquence de troubles de la perception.
Dans la mélancolie les idées de persécution sont vagues. Le mélanco-
tique ne désigne pas ses persécuteurs, il n'entre pas en lutte avec eux
comme le paranoïaque, il considère les persécutions comme un châtiment
juste et mérité de ses fautes. Parfois ces malades croient que leurs
familles, leurs enfants, leur entourage sont persécutés à cause d'eux. 11
faut rappeler toutefois que dans certains cas les idées de persécution des
mélancoliques se rapprochent beaucoup des idées de persécution des
paranoïaques.
Les vieillards ont parfois des idées de persécution il évolution chroni-
que comme les adultes, mais le plus souvent les idées de persécution des
vieillards sont secondaires il l'affaiblissement (les facultés et présentent
un caractère démentiel. Tel est le cas de ces vieillards amnésiques qui,
cachant leurs affaires et ne les retrouvant pas, s'imaginent qu'on les
vole.
Dans la paralysie générale les idées de persécution, quand elles exis-
tent, ont aussi un cachet démentiel. ,
Dans la forme paranoïde de la démence précoce et. chez certains
débiles les idées de persécution ont une systématisation incomplète, un
caractère de niaiserie. Elles s'accompagnent souvent d'autres idées déli-
rantes ; le délire est ainsi polymorphe.
Les hystériques ont parfois des idées de persécution.
Les persécutés peuvent devenir persécuteurs. Ainsi les paranoïaques
qui ont systématisé leur délire poursuivent leurs ennemis imaginaires
de leur haine, cherchant il se venger, peuvent, même commettre des
homicides. Chez une autre catégorie de malades les idées de persécution
active constituent presque toute la maladie, l'idée de persécution passive;
est très réduite. Tel est le délire des persécutés-persécuteurs ou raison-
nants de J. halret, le délire processif, le Querulanlenwahnsinn des
Allemands.
Les idées de défense. - Les idées de défense s'ohservent chez
les persécutés alors qu'ils systématisent leur délire. Certains de ces
malades ont la conviction profonde qu'il coté de leurs ennemis existent
des individus qui les protègent, qui les défendent; il sera toujours utile
pour le médecin d'apprendre quels sont ces défenseurs et quels sont les
procédés employés par eux. Ces idées de défense ont une certaine impor-
tance au point de vue médico-légal, car le persécuté ayant confiance en
LES IDÉES D ;Lttt.LVrrs. 245
elles ne réagit plus lui-même contre ses ennemis, devient ainsi moins
dangereux. Les idées de défense sont habituellement en rapport avec des
hallucinations.
Il est d'autres malades qui prononcent des paroles, font des gestes,
tracent des signes graphiques qui, dans leur esprit, doivent les protéger
contre leurs ennemis. C'est là une variété spéciale des idées de défense.
On peut comparer ces idées de défense des persécutés avec certains
phénomènes psychiques bien connus, telle l'habitude de se laver inces-
samment les mains qu'ont les obsédés atteints de délire du toucher,
telle l'habitude qu'ont les onomatomanesde prononcer certains mots pour
..neutraliser l'influence supposée mauvaise de certains autres mots.
C Les idées de grandeur. Certains malades croient avoir une
grande force, une santé merveilleuse, s'imaginent être très riches, ils
envisagent la vie avec optimisme, avec satisfaction. De telles idées s'obser-
vent avec une grande; fréquence dans la paralysie générale; les sujets
possèdent des pierres précieuses, des millions, des milliards, sont
heureux de vivre; ils sont généreux, libéraux, distribuent leurs énormes
richesses; mais ce délire des paralytiques a des caractères spéciaux dus il
l'état démentiel, c'est un délire mobile, absurde, incohérent, contradic-
toire. Les idées de satisfaction avec des caractères semblables se consta-
tent chez les débiles atteints d'excitation maniaque et dans la lsezt.clo-
paralysie générale alcoolique. Les idées de satisfaction, de capacité
existent dans une phase de la folie circulaire.
D'autres malades ont des idées de grandeur qui se présentent sous un
aspect différent, ce sont des idées orgueilleuses, ambitieuses, qui déter-
minent une' véritable transformation de la personnalité. Ces idées orgueil-
leuses et ambitieuses appartiennent surtout à la folie systématique qui
évolue depuis les idées de persécution jusqu'aux idées de grandeur où
les malades se croient pape, roi, empereur; le délire est très systématisé.
Les idées orgueilleuses dans la variété paranoïde de la démence précoce
sont mélangées à des idées de persécution, à des idées hypochondria-
(PICS, le délire est ici polymorphe. Elles existent aussi, mais mal coor-
données dans le délire alcoolique chronique, elles sont vagues et impré-
cises dans la confusion mentale délirante.
Les idées hypochondriaques. Les idées hypochondriaques
ont trait aux préoccupations des malades sur leur santé générale, sur
1 état de leurs organes. Certains sujets, comme les neurasthéniques,
s occupent d'une façon excessive de leur constitution physique, s'obser-
vent, s'analysent, interprètent toutes leurs sensations. Certains autres
ont ces mêmes craintes des maladies poussées Ù un degré excessif,
angoissant, on ne peut les raisonner; il s'agit alors de véritables idées
déliranles parfois très systématisées, c'est la folie hypocliondriaque.
Les idées hypochondriaques s'observent dans un état morbide que l'on
appelle l'hypochondrie essentielle, elles forment alors le fonds même de
la psychose.
[G. GUILLAIN.]
>>y. SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.
Très souvent, les idées hypochondriaques coexistent avec d'autres
troubles psychiques. Elles se voient dans la mélancolie, sont alors sou-
vent prédominantes dans le tableau clinique et réalisent une forme spé-
ciale de cette affection, la mélancolie hypochondriaque; elles s'accom-
pagnent assez souvent d'idées de négation.
Elles s'observent aussi dans les états mélancoliques de la folie inter-
inillen le et chez certains débiles.
Elle s sont fréquentes dans la forme dépressive de la paralysie gélll'-
rale, coexistent alors souvent avec des idées de négation. Certains para-
lytique s généraux se plaignent d'avoir des viscères petits, rétrécis, c'est
le délire niicromaniaquc que l'on peut voir également chez les débiles et
dans que loues intoxications telle que celle par le haschisch.
Dans la démence sénile, les idées hypochondriaques s'accompagnent
de gémissements, de plaintes monotones; elles évoluent sur un état
mental démentiel.
Chez les alcooliques chroniques les idées hypochondriaques sont en
rapport avec des troubles de la sensibilité. f
Les persécuteurs raisonnants ont parfois des idées hypochondriaques ,
ils accusent leurs parents, leurs médecins d'être la cause de leurs mau x
imaginaires. Ces aliénés sont dangereux, car souvent ils cherchent à s c
venger. Dans le délire chronique à évolution progressive de Magna n,
les idées hypochondriaques ne sont pas fréquentes; lorsqu'elles
existent, ces persécutés supposent des manoeuvres de leurs ennemis.
Les idées de négation. - Les aliénés négateurs disent qu'ils n'ont
plus d'estomac, d'intestin, de sang, de coeur, de cerveau; ils n'ont plus
d'intelligence, plus de pensées : ils n'ont pas d'âge, pas de famille. Ils
nient tout, tant élans leur propre existence que dans le inonde exté-
rieur.
Les idées de négation sont fréquentes dans certaines formes de mélan-
colie et très systématisées. Elles apparaissent, en général, assez tardive-
ment ; leur pronostic est grave, car elles prouvent la tendance de l'affec-
tion il la chronicité. Les idées de négation appartiennent au syndrome de
Cotard qui est caractérisé par les idées de négation, les idées d'immor-
talité, le délire d'énormité, le délire mélancolique, les idées de damnation
et de possession, les troubles de la sensibilité, l'anxiété mélancolique, la
folie d'opposition, la tendance au suicide et aux mutilations volontaircs.
Les idées de négation s'observent dans la paralysie générale, elles
peuvent même apparaître au début de cette affection. Elles ont le carac-
tère d'absurdité, d'incohérence qui est inhérent à tous les délires des
paralytiques généraux. Chez les débiles elles ont un aspect assez sem-
blable.
On constate des idées de négation dans la démence sénile. Parfois,
elles apparaissent chez les vieillards Il suite, d'un ictus apoplectique et
sont alors déterminées par des troubles de la cOEnestMsie.
Dans la confusion mentale, les idées de négation assez fréquentes.
LES IDÉES DÉLIRANTES. 245
dépendent des troubles de la perception. Chez les alcooliques, elles ont
aussi pour cause les (roubles de la sensibilité générale.
Les idées d'énormité. - Ces idées ont été décrites par Cotard.
On les observe dans la paralysie générale et la mélancolie.
Chez les paralytiques généraux les idées d'énormité ne présentent
aucune systématisation. Tel le délire de ces malades qui se plaignent
d'avoir des centaines d'estomacs, une érection perpétuelle, etc.
Chez les mélancoliques, les idées d'énormité font partie du syndrome
de Cotard. Ces malades ont des idées d'immortalité; ils ont un corps qui
ne peut pas mourir; leur taille est immense, ils touchent les étoiles.
Ces idées d'énormité et d'immortalité sont très pénibles pour les malades
qui préféreraient, disent-ils, la mort à d'éternelles souffrances.
Les idées religieuses. « En pathologie mentale, le terme
d'idées religieuses ou mystiques ne désigne nullement, connue on pour-
rait le croire au premier abord, un délire concernant la religion, les
croyances, les dogmes religieux différents. Il sert simplement, la plupart
du temps, il qualifier des idées délirantes diverses dont l'expression, la
formule rappelle des notions religieuses, une série, de croyances dans
lesquelles le sujet a été élevé ou dont il a simplement entendu parler. »
(Séglas.) .
Les idées religieuses s'observent dans des affections mentales très
différentes.
Certains malades atteints de folie systématique ont un délire mystique,
tels les persécutés par le démon. Ces sujets ont de multiples hallucina-
tions, ils voient le démon, entendent sa voix et ses cris, sentent son
odeur; le démon se livre sur eux il des attouchements (incubes et
succubes); d'autres croient être possédés par le démon qui habite en eux
et dont ils sont devenus les esclaves obligatoires, ou même sont con-
vaincus qu'ils sont le démon lui-même (démonomanie). On retrouve dans
l'histoire du moyen âge des cas nombreux de démonopathie; aujourd'hui
ces formes cliniques de la paranoïa sont beaucoup plus rares.
Les theomanes, qui peuvent être opposés aux précédents malades, ont
des relations avec Dieu; Dieu leur parle, leur apparaît, leur donne des
conseils. Ils croient être des êtres supérieurs, surhumains. L'idée déli-
rante, chez eux, revêt le caractère de la mégalomanie.
Quelques aliénés raisonnants sont des mystiques, des exaltés; ils se
font les apôtres fanatiques de religions nouvelles, créent des sectes philo-
sophiques, se livrent parfois à des auto-mutilations pour gagner le ciel.
Les hystériques ont parfois du délire religieux coexistant ou non avec
des crises convulsives; des épidémies de démonopathie se virent chez des
hystériques.
Le délire mystique a été constaté chez les épileptiques. Il présente
alors un début et une disparition brusques, un caractère onirique;
l'amnésie consécutive est totale.
Les mélancoliques croient avoir commis des fautes lourdes; ils méri-
te. CUILLAIN.
24ô . SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE. '
tent l'enfer, sont damnés. Ces idées de damnation sont particulièrement
fréquentes; elles appartiennent au syndrome de Cotard. Les idées de
damnation s'observent aussi dans les périodes mélancoliques de la folie
intermittente. '
Les débiles ont des idées religieuses exagérées, puériles, niaises; ils
ne voient dans les religions que les côtés petits et mesquins. Les obsédés
atteints de folie du doute ont des scrupules excessifs, des inquiétudes
incessantes pour des péchés imaginaires,.
Les paralytiques généraux, dans leurs conceptions inégal omaniaques,
se croient parfois Dieu, le fils de Dieu, etc. Leur délire religieux a,
comme tous leurs délires, des caractères de mobilité et d'incohérence
tout à fait particuliers. Dans les démences, et spécialement dans la
démence sénile, on' observe des idées religieuses pathologiques en rap-
port avec l'affaiblissement des facultés intellectuelles.
Les délires religieux que l'on constate dans certaines intoxications
(solanées vireuses, haschich, opium, alcool) ont les caractères hallucina-
toires oniriques des délires toxiques. '
Les idées érotiques. - Un groupe spécial d'idées érotiques com-
prend toutes les perversions sexuelles (exhibitionnisme, fétichisme,
sadisme, masochisme, uranisme).Les idées érotiques sont observées
dans un grand nombre d'affections mentales. Elles sont fréquentes dans
la phase initiale de la paralysie générale et même peuvent être le sym-
ptôme révélateur de la maladie; les paralytiques généraux font des excès
vénériens, commettent des attentats à la pudeur, présentent de l'exhi-
bitionnisme, etc.; on voit des individus, d'une honorabilité parfaite jus-
qu'alors, être conduits pour de tels faits devant la justice.
Les idées érotiques avec attitudes lascives, paroles obscènes, se voient
dans l'excitation maniaque, la manie puerpérale, etc. Les alcooliques
commettent des attentats il la pudeur, font des actes d'exhibitionnisme.
L'érotisme appartient aussi à Y intoxication par l'opium, le haschisch..
L'onanisme, l'exhibitionnisme, l'impulsion sexuelle sont fréquents
chez les épileptiques.
Les hystériques, dans leurs délires, ont souvent des idées érotiques.
Certains hystériques mythomanes inventent des scènes d'attentat à la
pudeur et portent des accusations mensongères contre des personnes
honorables; ces malades sont très dangereux.
Dans la démence sénile l'érotisme n'est pas rare.
Durant l'évolution du' délire de persécution, certains malades ont des
hallucinations du sens génital qui ne leur sont nullement agréables; ils
se plaignent de subir des attouchements, d'être violés. Ils accusent leurs
persécuteurs et portent plainte à la police.
Les mystiques disent avoir des rapports sexuels avec Dieu, avec le
démon (incubes et succuhes). On a vu des délirants mystiques se.livrer à
des individus qu'ils croyaient être des anges ou des envoyés de Dieu.
Les idées érotiques ont un rôle dans la psychologie des persécuteurs
THÉRAPEUTIQUE DES AFFECTIONS MENTALES. 247
amoureux qui poursuivent des personnes qui ne répondent nullement il
leurs sollicitations. Certains malades ontnn délire erotique chaste,
vouant un culte idéal il un être imaginaire.
Les idées erotiques sont fréquentes chez les psychasthéniques obsédés.
Ces malades sont obsédés par des mots obscènes, des images lascives.
Les délires métaboliques et palingnostiques. Ces idées
délirantes s'observent chez les débiles congénitaux et chez les déments.
Les malades qui ont un délire métabolique interprètent la nature des
personnes ou des choses qui sont autour d'eux autrement que les autres
hommes. Ainsi l'asile, pour eux, est un royaume. les médecins sont des
ministres, les surveillants des sénateurs. Le délire peut s'adapter aux
choses du passé, il est alors rétrospectif et métabolique : le nom des
malades n'est pas leur vrai nom, leur famille n'est pas leur vraie famille.
Ailleurs, le detirc métabolique concerne la personnalité même du malade
qui se croit en verre, en bois, ou changé en un animal (zoanthropie), en
, loup (lycanthropie).
" Le délire palingnoslique, ou délire de reconnaissance, est le délire de
ces sujets qui croient avoir vu jadis et reconnaître des personnes ou des
; choses qu'en réalité ils voient pour la première fois. '
THÉRAPEUTIQUE DES AFFECTIONS MENTALES
Nous n'avons pas l'intention d'envisager dans tous leurs détails les
multiples modalités du traitement des affections mentales; notre but est
d'indiquer les principales méthodes thérapeutiques utilisées en psychia-
trie et les conditions qu'exige la loi française pour faire interner les
aliénés.
La thérapeutique prophylactique est fort utile. L'alcoolisme et la
syphilis sont les facteurs les plus importants dans l'étiologie des aftec-
tions mentales : toutes les mesures qui tendront il diminuer la fréquence
de; cette infection et de cette intoxication auront pour corollaire la dimi-
nution de la fréquence des cas d'aliénation.
Le médecin devra, par son autorité, par ses conseils, empêcher les
mariages susceptibles de donner naissance à des individus tarés et dégé-
nères. Chez les prédisposés aux troubles psychiques il faudra éviter
toutes les causes de surmenage intellectuel, d'émotions morales. Ces
individus devront choisir de préférence les professions qui ne néces-
sitent pas la préparation de concours; ils devront vivre, s'ils le peuvent,
plutôt il la campagne que dans les agglomérations urbaines. Les excès
génitaux, chez eux, sont souvent néfastes. Nous ne pouvons insister sur
ces considérations d'hygiène physique et morale qui ont une grande
influence dans la prophylaxie des névroses et des psychoses.
La thérapeutique proprement dite des affections mentales comporte
des moyens différents.
[G. GUILLAIN]
248 SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.
L'alitement est indiqué dans les psychopathics aiguës, la manie, les
délires infectieux et toxiques, la confusion mentale; il ne convient pas
aux cas de délires systématisés chroniques. Les maniaques et les mélan-
coliques acceptent le plus souvent fort bien le repos absolu au lit. Sans
doute le maniaque, dans son agitation, se lèvera, mais il est facile, au
bout d'un temps plus ou moins long, quand cette agitation sera calmée,
de le ramener vers son lit. Il est indispensable que les malades soient
surveillés, que des infirmiers, des gardes soient autour d'eux, prêts il
empêcher les actes nuisibles; mais il ne faut pas user des moyens artifi-
ciels tels que la camisole de force pour maintenir les aliénés..Ce procédé
est un procédé barbare, il ne pourrait être justifié que dans le cas
d'absence de tout infirmier pour surveiller les malades; celte éventualité
ne doit jamais se présenter. On sait aussi quel est le danger de la cami-
sole de force en cas de fièvre. Magnan a dit avec beaucoup de raison :
« Tout malade fébricitant que l'on camisole est un homme mort. »
Somme toute, il faut éviter les moyens de contrainte quels qu'ils soient,
et adopter le procédé de traitement que les Anglais ont désigné par le
vocable significatif : no restreint.
Dans les cas de psychoses aiguës, l'alitement devra parfois être continué
pendant plusieurs semaines, voire même deux il trois mois; on pourra
toutefois, après la première phase, faire lever quelques heures chaque
jour les malades. Cette mesure a son utilité pour éviter la perte de
l'appétit et la constipation.
Durant tout le temps que le malade sera alité, on surveillera avec
beaucoup d'attention le développement possible des eschares. Les soins
de propreté doivent toujours être exigés et spécialement pour les gâteux.
Le régime alimentaire variera suivant les différents malades, suivant
qu'il existe ou non de la lièvre, des troubles gastro-intestinaux, des
(roubles rénaux ou hépatiques. Il faut éviter la dénutrition qui a une
influence mauvaise sur les fonctions mentales. Les toxiques comme
l'alcool seront proscrits. Certains malades refusent absolument de s'ali-
menter soit par suite d'idées d'empoisonnement ou de négation, soit par
idée de suicide, soit par dépression psychique profonde; il est absolu-
ment nécessaire de faire chez eux l'alimentation forcée.
L'hydrothérapie est employée sous diverses formes. Dans les états de
dépression mélancolique on conseillera l'application du drap mouillé
froid en même temps que seront faites à travers le linge humide des fric-
tions sur la peau pendant quelques minutes, puis le malade sera entouré
par un drap sec. Les états d'excitation maniaque seront calmés parfois
par l'application prolongée d'un drap mouillé froid entouré de couver-
tures de laine.
La douche froide en jet mobile, en éventail, en cercle, en pomme
d'arrosoir excite les mélancoliques; elle ne convient nullement aux états
de dépression des paralytiques généraux, car elle est susceptible de
déterminer des phénomènes de congestion encéphalique;.
THÉRAPEUTIQUE DES AFFECTIONS MENTALES. 249
La douche tiède il ;)2°, ;)1 ? 50° est sédative. D'après Beni-Barde
une douche prolongée durant cinq à huit minutes sur les côtés de la
colonne vertébrale diminue l'excitabilité réflexe du système cerchro-
spinal et par là est utile dans l'excitation maniaque prolongée.
Les hains froids doivent être employés dans les états maniaques
accompagnés d'hvperthernnic. Les bains tièdes il 54°, 5(i" sont des
sédatifs puissants, ils peuvent être très prolongés, même plusieurs jours
et plusieurs semaines, comme l'a conseillé ]\roepelin.
Le massage favorisant la circulation sanguine et lymphatique con-
tribue il relever la nutrition défaillante dans certains états dépressifs.
Parmi les agents de la thérapeutique médicamenteuse, nous ne citerons
que les plus importants, ceux qui, de l'avis presque unanime, donnent
des résultats utiles.
L'opium est fréquemment conseillé aux mélancoliques. Il diminue
l'anxiété, permet le sommeil, atténue les hallucinations.
On administre le chlorhydrate de morphine en injections sous-cuta-
nées, l'extrait d'opium, le laudanum. Les doses doivent être progressi-
vement croissantes; on peut donner, par exemple, jusqu'à 100 gouttes
de laudanum dans les 24 heures. Il faut toujours commencer par des
doses très minimes et n'arriver à ces doses extrêmes que dans des cas
de mélancolie avec angoisse très accentuée et somme toute exception-
nellement.
Le chlorhydrate (l"hyoscille serait, d'après Magnan, le médicament
spécifique du syndrome agitation. Une injection de 1. milligramme de
chlorhydrate d'hyoscine amène plusieurs heures de sommeil.
Chlorhydrate d'hyoscine........... centigramme.
Eau distillée de laurier-cerise ......... 10 c. c.
Une seringue de Pravaz contient 1 milligramme de chlorhydrate
d'hyoscine.
Le sulfate de dllboisine est un hypnotique très actif, mais non sans
danger. Marandon de Montyet l'a administré en injections hypodermiques
à la dose de 2 à 4 milligrammes. Nous croyons préférable de ne pas
dépasser un demi-milligramme à un milligramme par injection.
Sulfate de duboisinc.............. 0 gr. 0l t
Eau distillée stérilisée 20 grammes.
Une seringue de Pravaz contient un demi-milligramme de sulfate de
duboisine.
L'eryotille et l'ergot ini ne sont des agents vaso-constricteurs ayant une
action favorable dans les étals d'excitation dus à la congestion encépha-
11(lue. Anglade fait remarquer que ce sont les meilleurs sédatifs de
l'agitation maniaque survenant au cours de la paralysie générale.
Ergotine Yvon. En injecter un demi-centimètre cube ou un centimètre
cube.
[G. GUILLAIN J
250 : SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE. ; . ..
Ergotinine : , , , .
THÉRAPEUTIQUE DES AFFECTIONS MENTALES. 251
252 SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.
tique. L'isolement et le traitement psychique donne des résultais souvent
excellents chez beaucoup de psychaslhéniques, de mélancoliques. La
psychothérapie a beaucoup moins d'influence chez les malades atteints
d'idée fixe et d obsession. Chez les persécutés la persuasion est très
difficile et l'on ne peut arriver que rarement aies convaincre de l'absur-
dité de leurs idées. Aux malades atteints de délires infectieux et toxiques
on expliquera qu'ils sont le jouet d'hallucinations; aux malades qui ter-
minent un accès de confusion mentale on fera comprendre qu ils ont eu
une maladie sérieuse, on les adaptera au milieu nouveau où ils se trou-
vent. Combien utile encore est la psychothérapie, l'orthopédie morale,
chez les dégénérés pervertis, chez les arriérés, les idiots; il tous, le
médecin donnera la notion du bien et du mal, fera comprendre l'utilité
des principes de la morale privée et sociale. Chez les malades atteints
d intoxications chroniques par l'opium, la morphine, l'alcool et désirant
abandonner leurs funestes passions, la psychothérapie sera un adjuvant,
ires utile à leur volonté si souvent défaillante.
INTERNEMENT DES ALIÉNÉS "
La loi qui fixe le régime des aliénés eu France est la loi du 50 juin
1858, elle a été complétée par une ordonnance royale du J8 décembre
1859. Les médecins ayant souvent besoin de consulter ces lois, nous en
avons reproduit ci-dessous le texte.
LOI DU 30 JUIN 1838 SUR LES ALIÉNÉS 1
TITRE PREMIER
Des établissements d'aliénés.
Aiit. 1er. Chaque département est tenu d'avoir un établissement public, spécia-
lement destiné à recevoir et soigner les aliénés, ou de traiter, it cet effet, avec un
établissement public ou privé soit de ce département, soit d'un autre département.
Les traités passés avec les établissements publics ou privés devront être approuvés par
le Ministre de l'Intérieur.
Ain. 2. Les établissements publics consacrés aux aliénés sont placés sous la
direction de l'autorité publique. ,
AIIT. 5. Les établissements privés consacrés aux aliénés, sont placés sous la sur-
veillance de l'autorité publique.
Afiï. 4. Le préfet et les personnes spécialement déléguées il cet en'et par lui ou
par le Ministre de l'Intérieur, le président du tribunal, le procureur du roi, le juge de
paix, le maire de la commune sont chargés de visiter les établissements publics nu
privés consacrés aux aliénés.
Ils recevront les réclamations des personnes qui y seront placées et prendront ;'1 leur
égard tous renseignements propres à l'aire connaître leur position.
Les établissements privés seront visités, il des jours indéterminés, une fois au moins
ITf.III'.DIET Df.S : 1LIl : f ? 255
chaque trimestre, par le procureur du roi de l'arrondissement. Les établissements
publics le seront de la même manière, une fois au moins par semestre.
Aiit. 5. Nul ne pourra diriger ni former un établissement privé consacré aux
aliénés sans l'autorisation du gouvernement.
Les établissements privés consacrés au traitement d'autres maladies ne pourront
recevoir les personnes atteintes d'aliénation mentale, à moins qu'elles ne soient placées
dans un local entièrement séparé.
Ces établissements devront être, à cet effet, spécialement autorisés par le gouver-
nement, et seront soumis, en ce qui concerne les aliénés, à toutes les obligations pres-
crites par la présente loi.
ArT. 6. Des règlements d'administration publique détermineront les conditions
auxquelles seront accordées les autorisations énoncées en l'article précédent, les cas
où elles pourront être retirées, et les obligations auxquelles seront soumis les établis-
sements autorisés.
Ain. 7. Les règlements intérieurs des établissements publics consacrés en tout
ou en partie au service des aliénés, seront, dans les dispositions relatives à ce service,
soumis à l'approbation du Ministre de l'Intérieur.
, TITRE II I
Des placements faits dans les établissements d'aliénés.
SECTION I. DES PLACEMENTS VOLONTAIRES
A«t. 8. Les chefs ou préposés responsables des établissements publics et les
directeurs des établissements privés et consacrés aux aliénés, ne pourront recevoir une
personne atteinte d'aliénation mentale, s'il ne leur est remis :
1° Une demande d'admission contenant les noms, profession, âge et domicile, tant
de la personne qui la formera que de celle dont le placement sera réclamé, et l'indi-
cation du degré de parenté ou, a défaut, de la nature des relations qui existent entre
elles.
La demande sera écrite et signée par celui qui la formera, et, s'il ne sait pas écrire,
elle sera reçue par le maire ou le commissaire de police qui en donnera acte.
Les chefs, préposés ou directeurs, devront s'assurer, sous leur responsabilité, de
l'individualité de la personne qui aura formé la demande, lorsque cette demande n'aura
pas été reçue par le maire ou le commissaire de police.
Si la demande d'admission est formée par le tuteur d'un interdit, il devra fournir,
à l'appui, un extrait du jugement d'interdiction.
2° Un certificat du médecin constatait l'état mental de la personne à placer, et
indiquant les particularités de sa maladie^et la nécessité de faire traiter la personne
désignée dans un établissement d'aliénés etde l'y tenir renfermée.
Le certificat ne pourra èlre admis, s'il a été délivré plus de quinze jours avant la
remise au chef ou directeur; s'il est signé d'un médecin attaché a l'établissement, ou si
le médecin signataire est parent ou allié, au second degré inclusivement, des chefs ou
propriétaires de l'établissement, ou de la personne qui fera effectuer le placement.
En cas d'urgence les chefs des établissements publics pourront se dispenser d'exiger
le certificat du médecin.
Le passeport ou toute autre pièce propre à constater l'individualité de la personne : 1 placer.
Il sera fait mention de toutes les pièces produites dans un bulletin d'entrée, qui sera
renvoyé dans les vingt-quatre heures avec un certificat du médecin de l'établissement,
et la copie de celui ci-dessus mentionné, au préfet de police il Paris, au préfet ou au
sous-préfet dans les communes chefs-lieux de département ou d'arrondissement et aux
maires dans les autres communes.
Le sous-préfet ou le maire en fera immédiatement l'envoi au préfet.
[G. GUILLAIN.]
2;),1, v1.111111.11(II : l'S1'Clll : 1'flfl(ICE.
Si le le placement est fait dans un établissement privé, le préfet, dans le
trois jours de la réception du bulletin, chargera un oui plusieurs hommes de de.
trois jours de la réception du bulletin, chargera un ou plusieurs hommes de l'art du
visiter la personne désignée dans ce bulletin, -il l'elfel de constater son étal mental et
d'en faire rapport sur-le-champ, Il pourra adjoindre telle autre personne qu'il désignera
AI : 1'. 10. Dans le même délai, le préfet notifiera adminisfralivement les noms,
profession et domicile, tant de la personne placée que de celle qui aura demandé le
placement, et les causes du placement : 1" au procureur du roi de l'arrondissement du
domicile de la personne placée; 2° au procureur du roi de l'arrondissement de la
situation de l'établissement : ces dispositions seront communes aux établissements public' !
et privés. -
Aiit. 11. Quinze jours après le placement d'une personne dans un établissement
public ou privé, il sera adressé au préfet, conformément au dernier paragraphe de l'ar-
ticle 8, un nouveau certificat du médecin de l'établissement; ce certificat confirmera ou
rectifiera, s'il y a lieu, les observations contenues dans le premier certificat, en indi-1
quant le retour plus ou moins fréquent des accès ou des actes de démence.
Ai ! T. 12. Il v aura, dans chaque établissement, un registre cote et paraphé par le
maire sur lequel seront immédiatement inscrits les noms, profession, âge et domicile
des personnes placées dans les établissements, mention du jugement d'interdiction,
si elle a été prononcée, et le nom de leur tuteur; la date de leur placement, les noms,
profession et demeure de la personne parente ou non parente qui l'aura demandé.
Seront également transcrits sur ce registre : Il le certificat du médecin joint à la
demande d'admission; 2° ceux que le médecin de l'établissement devra adresser -il l'auto-
rité, conformément aux articles 8 et Il.
Le médecin sera tenu de consigner sur ce registre, au moins tous les mois, les chan-
gements survenus dans l'état mental de chaque malade. Ce registre constatera éga-
lement les sorties et les décès. '
Ce registre sera soumis aux personnes qui, d'après l'article et, auront le droit de
visiter l'établissement, lorsqu'elles se présenteront pour en faire la visite; après l'avoir
terminée, elles apposeront sur le registre leur visa, leur signature et leurs observations
s'il y -il lieu.
Aiit. 15. Toute personne placée dans un établissement d'aliénés cessera d'y être
retenue, aussitôt que les médecins de l'établissement auront, déclaré, sur le registre
énoncé en l'article précédent, que la guérison est obtenue. " . j
S'il s'agit d'un mineur ou d'un interdit, il sera donné immédiatement avis de la'
déclaration des médecins aux personnes auxquelles il devra ètre remis et au procureur
du roi.
AitT. 14. Avant même que les médecins aient déclaré la guérison, toute personne
placée dans un établissement d'aliénés cessera également d'y être retenue dès que la
.sortie sera requise par l'une des personnes ci-après désignées, savoir :
Il Le curateur nommé en exécution de l'article 5<8 de la présente loi ;
2° L'époux ou l'épouse ;
5° S'il n'y a pas d'époux ou d'épouse, les ascendants';
-4° S'il n'y a pas d'ascendants, les descendants;
5° La personne qui aura signé la demande d'admission, a moins qu'un parent n'ail
déclaré s'opposer à ce qu'elle use de cette faculté sans l'assentiment du conseil de-
famille ;
) ? Toute personne à ce autorisée par le conseil de famille.
S'il résulte d'une opposition notifiée; au chef de rétablissement par un ayant droit
qu'il y a dissentiment soit entre les ascendants, soit entre les descendants, le conseil de
famille prononcera.
Néanmoins, si le médecin de rétablissement, est d'avis que l'étal mental du malade
pourrait compromettre l'ordre; public et la sûreté des personnes, il en sera donné
préalablement connaissance au maire qui pourra ordonner immédiatement un sursis
provisoire à la sortie, -Il la charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au préfet.
INTERNEMENT DES ALIÉNÉS.. 2
Ce sursis provisoire cessera de plein droit à l'expiration de la quinzaine, si le préfet n'a
pas dans ce délai donné l'ordre contraire, conformément à l'article 21 ci-après. L'ordre
du maire sera transcrit sur le registre tenu en exécution de l'article 12.
En cas de minorité ou d'interdiction, le tuteur pourra seul requérir la sortie.
9wr. 15. Dans les vingt-quatre heures de la sortie, les chefs, préposés ou direc-
teurs en donneront avis aux fonctionnaires désignés dans le dernier paragraphe de
l'article 8 et leur feront connaître le nom et la résidence des personnes qui auront retiré
le malade, son état mental au moment de sa sortie, et, autant que possible, l'indication
du lieu où il aura été conduit.
Aiit. 1G. Le préfet pourra toujours ordonner la sortie immédiate des personnes
placées volontairement dans les établissements d'aliénés.
An1'. 17. En aucun cas l'interdit ne pourra être remis qu'il son tuteur, et le
mineur qu'à ceux sous l'autorité desquels il est placé par la loi.
SECTION II. - DES PLACEMENTS ORDONNES PAR L'AUTORITE PUBLIQUE
.IIT. 18. A Paris le préfet de police, et dans les départements les préfets, ordon-
neront d'office le placement, dans un établissement d'aliénés, de toute personne inter-
dite ou non interdite, dont l'état d'aliénation compromettrait l'ordre public ou la sûreté
des personnes.
Les ordres des préfets seront motivés et devront énoncer les circonstances qui les
auront rendus nécessaires. Ces ordres, ainsi que ceux qui seront donnés conformément
aux articles 19, 20, 21 et 25, seront inscrits sur un registre semblable à celui qui est
prescrit par l'article 12 ci-dessus, dont toutes les dispositions seront applicables aux
individus placés d'office. '
AUT. 19. En cas de danger imminent, attesté par le certificat d'un médecin ou
par la- notoriété publique, les commissaires de police à Paris, et les maires dans les
autres communes, ordonneront il l'égard des personnes atteintes d'aliénation mentale,
toutes les mesures provisoires nécessaires, 1\ la charge d'en référer dans les vingt-quatre
heures au préfet qui statuera sans délai.
AIIT. 20. Les chefs, directeurs ou préposés responsables des établissements seront
tenus d'adresser aux préfets dans le premier mois de chaque semestre un rapport rédigé
par le médecin de l'établissement sur l'état de chaque personne qui y sera retenue, sur
la nature de sa maladie et les résultats du traitement.
Le préfet prononcera sur chacune individuellement, ordonnera sa maintenue dans
rétablissement ou sa sortie.
ans. 21. A l'égard des personnes dont le placement aura été volontaire'et dans
le cas où leur état mental pourrait compromettre l'ordre public ou la sûreté des per-
sonnes, le préfet pourra, dans les formes tracées par le deuxième paragraphe de l'ar-
ticle 18, décerner un ordre spécial, à l'effet d'empêcher qu'elles ne sortent de
l'établissement sans son autorisation, si ce n'est pour être placées dans un autre
établissement.
Les chefs, directeurs ou préposés responsables seront tenus de se conformer à cet
ordre.
1r'r. ` ? ? . Les procureurs du roi seront informés de tous les ordres donnés en
vertu des articles 18, 19, 20 et 21.
Ces ordres seront notifiés au maire du domicile des personnes soumises au placement
qui en donnera immédiatement avis aux familles.
Il en sera rendu compte au Ministre de l'Intérieur.
Les diverses notifications prescrites par le présent article seront faites dans les
Cormes et délais énoncés en l'article 10.
Aiit. 25. Si, dans l'intervalle qui s'écoulera entre les rapports ordonnés par l'ar-
ficle ` ! 0, les médecins déclarent sur le registre tenu en exécution de l'article 12, que la
, [G. GUILLAIN.]
250 SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.
sortie peut être ordonnée, les chefs, directeurs ou préposés responsables des établisse-
ments seront tenus, sous peine d'être poursuivis conformément il l'article 50 ci-après,
d'en référer aussitôt au préfet qui statuera sans délai.
AII1'. 2t. Les hospices et hôpitaux civils sont tenus de recevoir provisoirement les
personnes qui leur seront adressées en vertu des articles 18 et 1 ! ), jusqu'à ce qu'elles
soient dirigées sur l'établissement spécial destiné à les recevoir aux termes de l'article '1"
ou pendant le trajet qu'elles feront pour s'y rendre.
Dans toutes les communes où il existe des hospices ou hôpitaux, les aliénés ne pour-
ront être déposés ailleurs que dans ces hospices ou hôpitaux. Dans les lieux où il n'en
existe pas, les maires devront pourvoir à leur logement, soit dans une hôtellerie, soit
dans un local loué à cet effet.
Dans aucun cas, les aliénés ne pourront être conduits avec les condamnés ou les pré-
venus, ni déposés dans une prison.
Ces dispositions sont applicables il tous les aliénés dirigés par l'administration sur un
établissement public ou privé.
SECTION III. - DÉPENSE DU SERVICE DE,, .1LI$\I : S
Aiit. 25. Les aliénés dont le placement aura été ordonné par le préfet et dont
les familles n'auront pas demandé l'admission dans un établissement privé, seront con-
duits dans l'établissement appartenant au département ou avec lequel il aura traité.
Les aliénés dont l'état mental ne compromettrait point l'ordre public ou la sûreté des
personnes v seront également admis dans les formes, dans les circonstances et aux con-
ditions qui seront réglées par le Conseil général, sur la proposition du préfet, et approu-
vées par le Ministre.
Aiit. 20. La dépense du transport des personnes dirigées par l'administration sur
les établissements d'aliénés sera arrêtée par le préfet, sur le mémoire des agents pré-
posés il ce transport.
La dépense de l'entretien du séjour el du traitement des personnes placées par les de-'
parlements dans les établissements privés sera fixée par les traités passés parle dépar-
tement conformément à l'article I".
Aiit. 27. Les dépenses énoncées en l'article précédent seront il la charge des
personnes placées ; à défaut à la charge de ceux auxquels il peut être demandé des
aliments aux termes de l'article 205 et suivants du code civil.
S'il v a contestation sur l'obligation de fournir des aliments ou sur leur quotité, il sera
statué par le tribunal compétent, à la diligence de l'administrateur désigné en exécution
des articles 51 et 52. '
Le recouvrement des sommes dues sera poursuivi et opéré à la diligence de l'admi-
nistration de l'enregistrement et des domaines.
Awr. 28. A défaut ou en cas d'insuffisance des ressources énoncées en l'article
précédent, il y sera pourvu sur les centimes alfeclés par la loi de finances aux dépenses
ordinaires du département auquel l'aliéné appartient, sans préjudice du concours de la
commune du domicile de l'aliéné, d'après les bases proposées par le Conseil général sur
l'avis du préfet et approuvées par le gouvernement.
Les hospices seront tenus à une indemnité proportionnée au nombre des aliénés dont
le traitement ou l'entretien était il leur charge et qui seraient placés dans un établisse-
ment spécial d'aliénés.
En cas de contestation il sera statué par le Conseil de préfecture.
SECTION IV. - DISPOSITIONS f,()3JlIt;\I : S A TOUTES LES PËUSOKNES
PLACÉES DANS LES ÉTABLISSEMENTS ()' ALIÉNÉS : 1r 29. Toute personne placée ou retenue dans un établissement d'aliénés, son
tuteur, si elle est mineure, son curateur, tout parent ou ami, pourront il quelque
INTERNEMENT DES ALIÉNÉS. 2J7
époque que ce soit., se pourvoir devant le tribunal du lieu de la situation de l'établisse-
ment qui, après les vérifications nécessaires, ordonnera, s'itya a lieu, la sortie immédiate.
Les personnes qui auront demandé le placement, et le procureur du roi, d'office, pour-
ront se pourvoir aux mêmes fins.
Dans le cas d'interdiction, celte demande ne pourra être formée que par le tuteur de
l'interdit. La décision sera rendue sur simple requête en Chambre du Conseil et sans
délai; elle ne sera point motivée.
La requête, le jugement et les autres actes auxquels la réclamation pourrait donner
lieu seront visés pour timbre et enregistrés en débet. ,
Aucunes requêtes, aucunes réclamations adressées soit à l'autorité judiciaire, soit it
l'autorité administrative ne pourront être supprimées ou retenues par les chefs d'éta-
blissements sous les peines portées au titre III ci-après.
A ! : r. 50. Les chefs, directeurs ou préposés responsables, ne pourront, sous les
peines portées par l'article 120 du Code pénal, retenir une personne placée dans un éta-
blissement d'aliénés, dès que sa sortie aura été ordonnée par le préfet , aux termes des
articles 16, 20 et '25, ou par le tribunal aux termes de l'article '2'.), ni lorsque cette
personne se trouvera dans les cas énoncés aux articles 15 et l 4.
Awr. 51. Les commissions administratives ou de surveillance des hospices ou éta-
blissements publics d'aliénés exerceront il l'égard des personnes non interdites qui y
seront placées, les fonctions d'administrateurs provisoires. Elles désigneront un de leurs
membres pour les remplir : l'administrateur ainsi désigné procédera au recouvrement
des sommes dues il la personne placée dans l'établissement et à l'acquittement de ses
dettes; passera des baux qui ne pourront excéder trois ans et pourra même, en vertu
d'une autorisation spéciale accordée par le président du tribunal civil, faire vendre le
mobilier.
Les sommes provenant soit de la vente, soit des autres recouvrements, seront ver-
sées directement dans la caisse de rétablissement, et seront employées, s'il y a lieu, au
profil, de la personne placée dans l'établissement. '
Le cautionnement du receveur sera affecté a la garantie desdits deniers, par privi-
lège aux créances de toute autre nature.
Néanmoins les parents, l'époux ou l'épouse des personnes placées dans des établisse-
ments d'aliénés dirigés ou surveillés par des commissions administratives, ces commis-
sions elles-mêmes ainsi que le procureur du roi, pourront toujours recourir aux disposi-
tions des articles suivants.
An1'. 32. Sur la demande des parents, de l'époux ou de l'épouse, sur celle de la
commission administrative, ou sur la provocation d'office du procureur du roi, le tribunal
civil du lieu du domicile, pourra, conformément 11 l'article 4,9 7 du Code civil, nommer
en Chambre du Conseil un administrateur provisoire aux biens de toute personne non
interdite placée dans un établissement d'aliénés. Cette nomination n'aura lieu qu'après
délibération du Conseil de famille et sur les conclusions du procureur du roi. Elle ne
sera pas sujette à l'appel.
Arr. 55. Le tribunal, sur la demande de l'administrateur provisoire ou à la dili-
fl'n'1' du procureur du roi, désignera un mandataire, spécial il l'effet de représenter en
justice tout individu non interdit et placé ou retenu dans un établissement d'aliénés, qui
serait engagé dans une contestation judiciaire au moment du placement, ou contre
lequel une : action serait intentée postérieurement.
la; tribunal pourra aussi, dans le cas d'urgence, désigner un mandataire spécial : 1
l'nll'el 11'intentor : m nom lle, ulùntes individus une action mobilière ou immobilière. L'ad-
mnustrateur provisoire pourra, dans les deux cas, être désigné pour mandataire spécial.
Ain. : iL Les dispositions du Code civil sur les causes qui dispensent de la tutelle,
sur les incapacités, les exclusions ou les destitutions des tuteurs, sont applicables aux
administrateurs provisoires nommés par le tribunal.
Sur la demande des parties intéressées, ou sur celle du procureur du roi, le juge-
ment (pn nommera l'administrateur provisoire pourra en même temps constituer sur
l'ilATIQUE NKUI101.. 1 i
2o8 8 SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.
ses biens une hypothèque générale ou spéciale jusqu'à concurrence d'une somme déter-
minée par ledit jugement.
Le procureur du roi devra, dans le délai de quinzaine, faire inscrire cette hvpothèfme
dans le bureau de la conservation : elle ne datera que du jour de l'inscription.
Aiit. 55. Dans le cas où un administrateur provisoire aura été nommé par juge-
ment, les significations ? faire à la personne placée dans un établissement d'aliénés
seront faites 1 cet administrateur.
, Les significations faites au domicile pourront, suivant les circonstances, être annulées
par les tribunaux.
Il n'est point dérogé aux dispositions de l'article 1 i;¡ du Code de commerce.
Ann. <î6. A défaut d'administrateur provisoire, le président, 11 la requête de la
partie la plus diligente, commettra un notaire pour représenter les personnes non
interdites placées dans les établissements d'aliénés, dans les inventaires, comptes, par-
tages et liquidations dans lesquels elles seraient intéressées.
Aaï. 57. Les pouvoirs conférés en vertu des articles précédents cesseront de
plein droit dès que la personne placée dans un établissement d'aliénés n'y sera plus
retenue. ,
Les pouvoirs conférés par le tribunal en vertu de l'article 52 cesseront de plein droit
;1 l'expiration d'un délai de trois ans; ils pourront être renouvelés.
Cette disposition n'est pas applicable aux administrateurs provisoires qui seront
donnés aux personnes entretenues par l'administrateur dans les établissements privés.
Aiit. 58. Sur la demande de l'intéressé, de l'un de ses parents, de l'époux ou de
l'épouse, d'un ami, ou sur la provocation d'office du procureur du roi, le tribunal pourra
nommer en chambre du conseil, par jugement non susceptible d'appel, en outre de
l'administrateur provisoire, un curateur à la personne de tout individu non interdit
placé dans un établissement d'aliénés, lequel devra veiller : 1° 11 ce que ses revenus
soient employés à adoucir son sort et à accélérer sa guérison ; 2' 11 ce que ledit indi-
vidu soit rendu au libre exercice de ses droits aussitôt que sa situation le permettra.
Ce curateur ne pourra pas être choisi parmi les héritiers présomptifs de la personne
placée dans un établissement d'aliénés.
Aitr. 59. Les actes faits par les personnes placées dans un établissement d'aliénés,
pendant le temps qu'elles y auront été retenues sans que leur interdiction ait été pro-
noncée ni provoquée, pourront être attaqués pour cause de démence, conformément il
l'article 1584 du Code civil.
Les dix ans de l'action en nullité courront, à l'égard de la personne retenue qui aura
souscrit les actes, à dater de la signification qui lui en aura été faite, ou de la connais-
sance qu'elle en aura eue après sa sortie définitive de la maison d'aliénés. ,
Et, ;1 l'égard des héritiers, à dater de la signification qui leur en aura été l'aile, ou de
la connaissance qu'ils en auront eue depuis la mort de leur auteur.
Lorsque les dix ans auront commencé de courir contre celui-ci, ils continueront de
courir contre les héritiers.
Aiit. 40. Le ministère public sera entendu élans toutes les affaires qui intéresse-
ront les personnes placées dans un établissement d'aliénés, lors même qu'elles ne
seront pas interdites. '
TITRE III
Dispositions générales.
Aiit. 41. Les contraventions aux dispositions des articles : 1, 8, 11, 12, du second
paragraphe de l'article 15, des articles 15, 17, 20, 21 et du dernier paragraphe de
l'article 29 de la présente loi, et aux règlements rendus en vertu de l'article fi, qui
eront commises par les chefs, directeurs, ou préposés responsables des établissements
publics ou privés d'aliénés, et par les médecins employés dans ces établissements,
INTERNEMENT DES ALIÉNÉS. 259
seront punis d'un emprisonnement de cinq jours à un an et d'une amende de cinquante
francs il trois mille francs, ou de l'une, ou de. l'autre de ces peines.
Il pourra être fait application de l'article -465 du Code pénal.
ORDONNANCE DU 18 DÉCEMBRE 1839
PORTANT RÈGLEMENT SUR LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ET PRIVÉS
CONSACRÉS AUX ALIÉNÉS
TITRE PREMIER
z Des établissements publics consacrés aux aliénés.
AH1'. I". Les établissements publics consacrés au service des aliénés seront
administrés, sous l'autorité de notre Ministre secrétaire d'Etat au département de l'inté-
rieur et des préfets des départements, et sous la surveillance de commissions gratuites,
par un directeur responsable, dont les attributions seront ci-après déterminées.
Art. 2. Les commissions de surveillance seront composées de cinq membres,
nommés par les préfets, et renouvelés chaque année par cinquième.
Les membres des commissions de surveillance ne pourront être révoqués que par
notre Ministre de l'intérieur, sur le rapport du préfet.
Chaque année, après le renouvellement, les commissions nommeront leur président
et leur secrétaire. '
Airr. 7.. Les directeurs et les médecins en chef et adjoints seront nommés par
notre Ministre secrétaire d'Etat au département de l'intérieur, directement pour la pre-
mière fois et, pour les vacances suivantes, sur une liste de trois candidats présentée
par les préfets.
Pourront aussi être appelés aux places vacantes, concurremment avec, les candidats
présentés par les préfets, les directeurs et les médecins en chef ou adjoints qui auront
exercé leurs fonctions pendant trois ans dans d'autres établissements d'aliénés.
Les élèves attachés aux établissements d'aliénés seront nommés pour un temps
limité, selon le mode déterminé par le règlement sur le service intérieur de chaque
établissement.
Les directeurs, les médecins en chef et les médecins adjoints ne pourront être
révoqués que par notre Ministre de l'intérieur sur le rapport des préfets.
AnI..1. - Les commissions instituées par l'article premier, chargées de la surveil-
lance générale de toutes les parties du service des établissements, sont appelées donner
leur avis sur le régime intérieur, sur les budgets et les comptes, sur les actes relatifs à
l'administration, tels que le mode de gestion des biens, les projets de travaux, les
procès à intenter ou à soutenir, les transactions, les emplois de capitaux, les acqui-
sitions, les emprunts, les ventes ou échanges d'immeubles, les acceptations de legs ou
donations, les pensions : 1 accorder s'il v tien, les traités : 1 conclure pour le service
des malades.
.Inr. : i. Les commissions de surveillance se réuniront tous les mois. Elles seront
en outre convoquées par les préfets toutes les fois que les besoins du service l'exigeront.
Le directeur de rétablissement, et le médecin en chef chargé du service médical
assisteront aux séances de la commission; leur voix sera seulement consultative.
Néanmoins le directeur et le médecin en chef devront se. retirer de la séance au
moment où la commission délibérera sur les comptes d'administration et sur les rapports
quelle pourrait avoir a adresser directement au préfet.
ART. li. - Le directeur est chargé de l'administration intérieure de l'établissement et
de la gestion de ses biens et revenus. -
[G. CUILLAIN ]
2liO SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.
Il pourvoit, sous les conditions prescrites par la loi, à l'admission et. à, la sortie des
personnes placées dans l'établissement.
Il nomme les préposés de tous les services de rétablissement; il les révoque s'il v a
lieu. Toutefois les surveillants, les infirmiers el, les gardiens devront être agréés par le
médecin en chef; celui-ci pourra demander leur révocation au directeur. En cas de
dissentiment, le préfet prononcera. ' -
Art. 7. Le directeur est exclusivement chargé de pourvoir à tout ce qui concerne
le bon ordre' : et la police de l'établissement dans les'limites dû règlement de service
intérieur, qui sera arrêté en exécution de l'article.] de la loi du 50 juin '1858 par notre
Ministre de l'Intérieur.
H résidera dans l'établissement.
ART. 8. Le service médical, en tout ce qui concerne le régime physique et moral,
ainsi que la- -police, médicale et personnelle des aliénés, est placé sous l'autorité du
médecin, dans les limites du règlement de service intérieur mentionné il l'article
précédent.
Les médecins adjoints, dans les maisons où le règlement intérieur en établira, les
élèves, les surveillants, les infirmiers et les gardiens sont, pour le service médical, sous
l'autorité du médecin en chef. -
Art. 9. Le médecin en chef remplira les obligations imposées aux médecins 1);il-
la loi du 50 juin 1858 et délivrera tous certificats relatifs il ses fonctions.
Ces certificats ne pourront être délivrés par le médecin-adjoint qu'en cas d'empê-
chement constaté du médecin en chef.
En cas d'empêchement constaté du médecin en chef et du médecin-adjoint, le préfet
est autorisé à pourvoir provisoirement il leur remplacement. ,
ART..10. Le médecin en chef sera tenu de résider dans l'établissement,
Il pourra toutefois être dispensé de cette obligation par une décision spéciale de notre
Ministre de l'Intérieur, pourvu qu'il fasse chaque jour, au moins, une visite générale
des aliénés confiés i. ses soins et qu'en cas d'empêchement il puisse être suppléé par un
médecin résidant. t.
Art. '11. Les commissions administratives des hospices civils qui ont. formé ou qui
formeront à l'avenir dans ces établissements des quartiers affectés aux aliénés, seront
tenues de faire agréer par le préfet un préposé responsable qui sera soumis à toutes les
obligations imposées par. la loi du 50 juin 1858.
Dans ce cas il ne sera pas créé de commissions de surveillance.
Le règlement intérieur des quartiers consacrés au service des aliénés sera soumis il
l'approbation de notre Ministre de l'Intérieur, conformément a l'article 7 de celte loi.
Art. 12. - 11 ne pourra être créé, dans les hospices civils, des quartiers affectés aux
aliénés, qu'autant qu'il sera justifié que l'organisation de ces quartiers permet de rece-
voir et de traiter cinquante aliénés au moins.
Quant aux quartiers actuellement existants où il ne pourrait être traité qu'un nombre
moindre d'aliénés, il sera statué sur leur maintien par notre Ministre de l'Intérieur.
Art. 15. Notre Ministre de l'Intérieur pourra toujours autoriser, ou même ordonner
d'office, la réunion des fonctions de directeur et de médecin. ,
ART. 14. Le traitement du directeur et du médecin sera déterminé par un arrêté
de notre Ministre de l'Intérieur.
ART. 15. Dans tous les établissements publics où le travail des aliénés sera intro-
duit comme moyen curatif, l'cmploi du produit de ce travail sera déterminé par le règle-
ment intérieur de ces établissements. : lnT. ,1 fi. Les lois et règlements relatifs : 1 l'administration générale des hospices et
établissements de bienfaisance, notamment en ce qui concerne l'ordre de leurs services
financiers, la surveillance de la gestion du receveur, les formes de la comptabilité,
sont applicables aux établissements publics d'aliénés en tout ce qui n'est pas contraire
aux dispositions qui précèdent. t.
INTERNEMENT DES ALIÉNÉS.
TITRE II
Des établissements privés consacrés aux aliénés.
\UT | 7. Quiconque voudra former ou diriger un établissement privé destiné au
traitement des aliénés devra en adresser la demande au préfet du département où l'éta-
hlissemenl devra être situé. .
ART. 18. Il justifiera : '
1° Ilu'il est majeur el exerçant, ses droits civils; .
2° Qu'il est de bonne vie el. moeurs; il produira : 't cet effet un certificat délivré par
le maire de la commune ou de chacune des communes où il aura résidé depuis trois
ails; .
5° Qu'il est docteur en médecine. ,
Art. 19. Si le requérant n'est pas docteur en médecine, il produira rengagement
d'un médecin qui se chargera du service médical de la maison, el déclarera se sou-
mettre aux obligations spécialement imposées, sous ce rapport, par les lois et règlements.
Ce médecin devra être agréé par le préfet qui pourra toujours le révoquer. Toutefois
celte révocation ne sera définitive qu'autant qu'elle aura été approuvée par notre
Ministre de l'Inférieur.
Aiit. 20. Le requérant indiquera dans sa demande le nombre et le sexe des pen-
sionnaires que l'établissement pourra contenir; il en sera fait mention dans l'autori-
sation. -
Tant. 21. Il déclarera si l'établissement doit èlre uniquement affecté aux aliénés
ou s'il recevra d'autres malades. Dans ce dernier cas il justifiera par la production du
plan de l'établissement que le local consacré aux aliénés est entièrement séparé de celui
qui est affecté au traitement des autres malades.
.\11'1'. 22. 11 justifiera :
l' Que l'établissement n'offre aucune cause d'insalubrité, tant au dedans qu'au
dehors, et qu'il est situé de manière à ce épie les aliénés ne soient pas incommodés par
un voisinage bruyant ou capable de les agiter;
2' Qu'il peut être alimenté en tout temps d'eau de bonne qualité et en quantité
suffisante;
5U Que par la disposition des localités, il permet de séparer complètement les sexes,
l'cnfance et l'âge mur; d'établir un classement régulier entre les convalescents, les
malades paisibles et ceux qui sont agités; de séparer également les aliénés épilchlirlucs;
1° Que l'établissement contient des locaux particuliers pour les aliénés atteints de
maladies accidentelles, el pour ceux qui ont des habitudes de malpropreté;
5° Que toutes les précautions ont été prises soit dans les constructions, soit dans la
fixation du nombre des gardiens, pour assurer le service et la surveillance de rétablis-
sement.
Aiit. 25. II justifiera également par la production du règlement intérieur de la
maison, que le régime de rétablissement offrira toutes les garanties convenables sous
le rapport des bonnes moeurs et de la sûreté des personnes.
Aiit. 24. Tout directeur d'un établissement privé consacré au traitement des
aliénés devra, avant d'entrer en fonctions, fournir un cautionnement dont le montant
sera déterminé par l'ordonnance royale d'autorisation.
Aiit. 25. Le cautionnement sera versé en espèces, ;1 la caisse des dépôts el consi-
rinations, et sera exclusivement destiné ;1 pourvoir, dans les formes el pour les cas
déterminés dans l'article suivant, aux besoins des aliénés pensionnaires.
Ain. 2G. Dans lous les cas où, par une cause quelconque, le service d'un établis-
sement privé consacré aux aliénés se trouverait suspendu, le préfet pourra constituer, à
1 l'fiel de remplir les fonctions de directeur responsable, un régisseur provisoire, entre
, [G. CUILLAIN.]
262 SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.
les mains duquel la caisse des dépôts et consignations, sur les mandats du préfet, ver-
sera ce cautionnement, en tout ou en partie, pour l'appliquer au service des aliénés.
AI\T. 27. Tout directeur d'un établissement privé consacré aux aliénés pourra, à
l'avance, faire agréer par l'administration une personne qui se chargera de le rem-
placer dans le cas où il viendrait il cesser ses fonctions par suite de suspension, d'inter-
diction judiciaire, d'absence, de faillite, de décès, ou par toute autre cause.
La personne ainsi agréée sera de droit, dans ces divers cas, investie de la gestion
provisoire de l'établissement et soumise, il ce titre, à toutes les obligations du directeur
lui-même.
Celle gestion provisoire ne pourra jamais se prolonger au delà d'un mois sans une
autorisation spéciale du préfet.
AUT. 28. Dans le cas où le directeur cesserait ses fonctions par une cause quel-
conque, sans avoir usé de la faculté ci-dessus, ses héritiers ou ayants cause seront
tenus de désigner dans les vingt-quatre heures la personne qui sera chargée de la régie
provisoire de l'établissement et soumise il ce litre il toutes les obligations du directeur.
A défaut, le préfet fera lui-même celle désignation.
Les héritiers ou ayants cause du directeur devront en outre, dans le délai d'un mois,
présenter un nouveau directeur pour en remplir définitivement les fonctions.
Si la présentation n'est pas faite dans ce délai, l'ordonnance d'autorisation sera
réputée rapportée de plein droit et l'établissement sera fermé.
Am. 2U. Lorsque le directeur d'un établissement privé destiné aux aliénés voudrai
augmenter le nombre des pensionnaires qu'il aura été autorisé il recevoir dans son éta-
bhsscment, il devra former une demande en autorisation à cet effet et justifier que les
bâtiments primitifs ou ceux additionnels qu'il aura fait construire sont, ainsi que leurs
dépendances, convenables et suffisants pour recevoir le nombre déterminé de nouveaux
pensionnaires.
L'ordonnance royale qui statuera sur cette demande déterminera l'augmentation pro-
portionnelle que le cautionnement pourra recevoir.
ART. 50. Le directeur de tout établissement privé consacré aux aliénés devra
résider dans l'établissement.
Le médecin attaché a l'établissement, dans le cas prévu par l'article 1 ! I de la présente
ordonnance, sera soumis il la même obligation.
AnT. 51. Le retrait de l'autorisation pourra être prononcé suivant la gravité des
circonstances, dans tous les cas d'infraction aux lois et règlements sur la matière, et
notamment dans les cas ci-après :
1° Si le directeur est privé de l'exercice des droits civils;
2° S'il reçoit un nombre de pensionnaires supérieur il celui fixé par l'ordonnance
d'autorisation;
.5° S'il reçoit des aliénés d'un autre sexe que celui indiqué par cette ordonnance;
4° S'il reçoit des personnes atteintes de maladies autres que celles qu'il a déclaré
vouloir traiter dans rétablissement;
5° Si les dispositions des lieux sont changées ou modifiées de manière qu'ils ces-
sent d'être propres il leur destination ou si les précautions prescrites pour la sûreté
des personnes ne sont pas constamment observées;
GO S'il est commis quelque infraction aux dispositions du règlement du service inté-
rieur en ce qui concerne les moeurs;
7° S'il a été employé il l'égard des aliénés des traitements contraires il l'humanité;
S° Si le médecin agréé par l'administration est remplacé par un autre médecin sans
qu'elle en ait approuvé le choix;
9° Si le directeur contrevient aux dispositions de l'article 8 de la loi du 51) juin 1858 :
'10° S'il est frappé d'une condamnation prononcée en exécution de l'article III de hl
même loi.
Art. 52. Pendant l'instruction relative au retrait de l'ordonnance royale d'auto-
. INTERNEMENT DES ALIÉNÉS. 2G;¡
risation, le préfet pourra prononcer la suspension provisoire du directeur et instituer
un régisseur provisoire conformément à l'article 2G.
Art. 55. Il sera statué, pour le retrait des autorisations, par une ordonnance
royale. '
Dispositions générales.
All1'. 51. Les établissements, publics ou privés, consacrés aux aliénés du sexe mas-
culin, ne pourront employer que des hommes pour le service personnel des aliénés.
Des femmes seules sont chargées du service personnel des aliénées, dans les établis-
sements destinés aux individus du sexe féminin.
L'application et l'exécution de la loi qui régit les aliénés appartiennent
à l'autorité administrative. La direction des asiles publics, la surveillance
(tes asiles privés dépendent du préfet du département. Les aliénés in-
ternes sont placés sous la protection de t autorite judiciaire.
La loi de 18.18 distingue des placements volontaires et des placements
d'office.
Placements volontaires. L'admission du malade (tout individu
atteint d'aliénation mentale quelle qu'en soit la l'orme) est demandée par
un parent, un ami ou une personne quelconque ayant des relations avec
lui. Les pièces suivantes sont nécessaires :
l" une demande d'admission écrite et signée par la personne qui la
requiert. Quand la personne ne sait pas écrire, la demande est reçue par
le inaire ou le commissaire de police qui en donnent acte. Cette demande
d'admission doit contenir les nom, prénoms, âge et domicile de la per-
sonne qui la forme et de celle dont le placement est réclamé, ainsi que
t indication du degré de parenté ou de la nature des relations qui exis-
tent entre elles. En pratique la demande d'admission est rédigée dans le
bureau de la direction de l'établissement d'aliénés; ,
2" un certificat d'un docteur en médecine;
5° des pièces établissant l'identité de l'aliéné et de la personne qui
réclame 1 internement. Quand un tuteur demande à placer un individu
interdit, il doit fournir il l'appui de sa demande un extrait (tu jugement
d'interdiction.
. Les familles paient seules tous les Trais du séjour dans l'asile d'aliénés.
Quand la famille est indigente et ne peut payer les frais de séjour, la
demande doit être adressée au préfet qui statue en se conformant au
deuxième paragraphe de l'article 25 section III de la loi de -18;;8. Le pla-
cement volontaire gratuit renlre dans la catégorie des placements d'office.
Quand un aliéné demande lui-même son admission dans un asile, son
mterncment est soumis aux conditions de l'article 8 (loi de 1858) quand
il peut payer les frais de séjour, sinon aux conditions du paragraphe 2 de
larticle 2J de celle mèlllC loi.
Placements d'office. Le placement d'office a lieu pour les aliénés
qui compromettent l'ordre publie et la sûreté des personnes. C'est il
t'arts le préfet de police et dans les départements les préfets qui ordon-
[G. GUILLAIN .
2U4' , ' / SEMIOLOGIE PSiCIIIfLT.I31UG. .' -
' nent le placement de l'aliéné par un arrêté. L'arrêté 'du préfet n'est pris
en général qu'après un examen médical. Le .certificat du médecin est
d'ailleurs accompagné d'un' rapport du commissaire, de police ou du
maire qui conclut à la réalité du danger que fait courir le malade main-
tenu eh liberté. " . ' ,
Les enfants peuvent être placés dans les asiles d'aliénés (placement
volontaire et placement d'office) dans les mêmes conditions- que les
adultes. '
Les étrangers-né sont pas soumis en principe aux lois françaises, mais
les étrangers aliénés dangereux peuvent. être internés. ,
Les aliénés militaires sont envoyés dans des asiles ordinaires désignés
par le Ministre et : avec lesquels l'administration de la Guerre a fait des
conventions. Dans certains pays comme l'Angleterre, la Russie, il existe
pour les militaires des asiles spéciaux.
Certificat médical. Il ne faut jamais rédiger un certificat d inter-
nement sans avoir vu soi-même le malade ; cette règle est absolue.
Le certificat doit être rédigé sur papier timbré à 0 fr. 60, sauf dans le
cas où il est délivré à un indigent pour un placement d'office, alors il
peut être rédigé sur papier libre avec la mention « certificat délivré gra-
tuitement ». 11 est utile, mais non obligatoire, que la signature du mé-
decin soit légalisée par le commissaire de police ou le maire du lieu. Si
le certificat est délivré après une consultation de plusieurs médecins, le
fait sera mentionné et tous les médecins signeront. ,
, Le. certificat doit être daté. Il lie doit pas avoir plus de quinze jours de
date au moment de l'admission du malade.
Le médecin qui signe ne doit être ni médecin attaché à l'établissement,
ni parent, ni allié, au second degré inclusivement, des chefs ou proprié-
taires de l'établissement ou de la personne qui fait effectuer le placement.
La loi n'indique aucune prohibition résultant d'un lien de parenté entre
le médecin qui certifie et l'aliéné à placer.
En cas d'urgence absolue, les directeurs des établissements publics
peuvent se dispenser d'exiger le certificat médical.
Le certificat médical doit spécifier l'état mental, les troubles psychiques
de l'aliéné ainsi que les principales particularités de l'aiiection. Il n'est
pas nécessaire de faire un diagnostic très précis. Le certificat doit con-
clure à la nécessité de transférer le malade dans un établissement d'alié-
nés et de l'y maintenir. ,
S'il s'agit d'un placement d'office, le certificat doit mentionner que
l'aliéné compromet l'ordre public et la sécurité des personnes. Pour ne
pas froisser les familles, on peut remplacer dans le certificat les mots
« asiles d'aliénés», par les mots « établissement spécial», mais les
directeurs d'asile ont le droit, s'ils le veulent, d'exiger l'expression
« asiles d'.aliénés ». '
Voici un spécimen de certificat proposé par. Régis (Précis de Psychia-
trie, 5e édition, p. 905).
? ' 1lTLIiII,)I11T DES ALIÉNÉS. 205
« Je, soussigné, docteur en médecine a......... certifie que \1 : ...... ? ;
(noms, prénoms, état civil, profession, domicile) est atteint d'aliénation
mentale. Cette aITection, qui remonte environ à se caractérise
par les symptômes suivants (dégénérescence ou démence, nature et
caractère des idées délirantes, des hallucinations, des impulsions ou ten-
dances morbides, etc.). ",
(Pour un placement d'office, ajouter : l'état d'aliénation de Z1......... ?
compromet l'ordre public et la sûreté des personnes.) -
Dans ces conditions je déclaré nécessaire, tant au point de vue du
iraitement de la maladie que de ses conséquences possibles, que.,)] ........
soit placé et retenu dans un établissement spécial d'aliénés.
En foi de quoi, etc.
1-........., le.... : .....
- SIGNATURE
- [G. GUILLAIN.
IDIOTIES
par le D' CROUZON
On désigne sous le nom d idiotie un tableau clinique caractérisé par
un déficit ou une absence des fondions de relation. le plus souvent d'ori-
gine congénitale, et associé par conséquent le plus souvent à un arrêt de
développement physique, qui se traduit par des malformations exté-
rieures ou viscérales.
Nous étudierons chez un idiot de la première ou de la seconde enfance,
les (roubles intellectuels, les troubles des fonctions, les troubles physi-
ques. Nous passerons ensuite en revue les variétés d'idioties basées sur
la clinique, sur l'étiologie et i anatomie pathologique.
Parole. Si l'on adresse la parole à un enfant idiot, il ne répond
pas, il peut pousser des cris inarticulés ou peut prononcer quelques
mots, mais d'une façon défectueuse. Moins l'idiotie est marquée, plus la
parole s'améliore, quelquefois les troubles consistent simplement dans
des défectuosités d'articulation ou de prononciation : bégaiement, zézaie-
ment, etc. Quelquefois, au milieu de phrases incomplètes, au milieu
d'une conversation limitée, l'enfant prononce avec netteté les jurons, les
mots orduriers (coprolalie).
Mémoire. Ces enfants qui ne prononcent que quelques mots ont
une mémoire très limitée : la mémoire se manifeste simplement par
quelques habitudes instinctives, le gesle d'ouvrir la bouche, par exemple'.
D'autres ont gardé la reconnaissance des lieux, des personnes, des objets.
A un degré moins avancé, elle peut se manifester surtout pour les
images auditives, puis pour la mémoire olfactive; la mémoire visuelle est
en général peu développée'. La mémoire motrice', au contraire, paraît rela-
tjyemenl indiscutable et elle a pu être d'un grand secours dans le traite-
ment médico-pédagogique inslilué par Buul"l1eville. Les mémoires gusta-
tiye et tactile sont en général très faibles.
Volonté. La caractéristique de l'idiotie esl l'absence totale de
volonté. Celle absence de volonté se manifeste chez l'idiot complet, mais
elle se manifeste également par la perversion de ta volonté chez les idiots
moraux : il y a volonté bizarre, comparable il celle de l'individu normal
qui, sous le coup de la colère, de la fureur, d'une passion quelconque,
commet un acte qu'il sait dangereux pour lui-même ou pour ses intérêts.
Sensibilité. L'examen de la sensibilité chez les idiots doit porter
IDIOTIES. M7 7
sur la sensibilité générale et sur la sensibilité spéciale. Les idiots sont
indifférents à tous les modes de la sensibilité quand l'idiotie est coll-
ptete;silona afïaireadesidiotsde moindre degré, cette sensibilité
peut arrivera être plus éveillée et même elle peut être tout à fait normale
chez les enfants arriérés.
Les sensibilités spéciales sont également altérées. La vue est conservée,
quant à la perception de la lumière, mais la vision est souvent incomplète
par suite de l'impossibilité de fixer l'attention.
De même pour l'ouïe, il y inattention auditive qui peut faire croire à
la surdilé, il y a indifférence à la. parole et aux bruits environnants. Quel-
quefois cependant ils paraissent n'entendre que. les bruits qui se rappor-
tent à leurs besoins, par exemple le bruit des assiettes qui annonce le
repas. Bourneville cite l'exemple du sauvage de l'Aveyron qui ne bron-
chait pas quand on tirait auprès de lui un coup de pistolet, mais qui
tournait la tête lorsqu'on laissait tomber derrière lui des noix qu'il affec-
tiouuait.
L'odorat peut présenter les mêmes troubles dus à l'inattention, mais il
est cependant des malades dont l'odorat a une finesse remarquable.
Le goût est tout à fait nul chez les idiots complets, ils ingurgitent sans
la moindre répugnance tout ce qu'on leur présente ou tout ce (pi Us trou-
vent : débris de légumes, ordures, excréments, etc.
Imitation, tics, mouvements. - Il y a chez les idiots une
tendance instinctive il imiter certains mouvements (mimétisme) : les
balancements de leurs voisins, la masturbation. C'est du reste une ten-
dance instinctive qui par l'éducation peut, suivant Bourneville, arriver à
donner au malade un certain nombre d'habitudes qui les rendront per-
fectibles.
Les tics sont très fréquents chez les idiots; ils ont été décrits dans la
thèse de Noir (1895), inspirée par Bourneville. Ces tics sont quelquefois
convulsifs; ce sont alors des mouvements des sourcils, des paupières, des
claquements de dénis, des grincements de dents ou des reniflements;
quelquefois c'est un mouvement convulsif des épaules qui peut pré-
senter le caractère de secousses électriques et qui se rapproche alors de
la lI1yoe ! onie.
Dans d'autres cas, les lies sont spasmodiques et ils se composent de
mouvements lents, analogues à ceux de Lathetosc.
, Les lies coordonnés sont plus fréquents encore, ce sont des mouve-
ments de balancement du tronc on de la tête, des chocs de la tète contre
les murs et quelquefois des grands tics qui peuvent consister dans une
série de mouvements diuerents constituant tout un acte (sauts, rotation).
EIIHn, ou peut dans certains cas, au cours de cet ensemble de tics, con-
stater 1 écholalie ou la coprolalie, comme dans la maladie des tics ordi-
naires. On peut aussi constater les manifestations psychiques des lies.
A cote des tics, on peut mentionner les manies que présentent certains
](ll11ls : les plus communes des manies sont la clasloinanie ou manie de
[CROU20N.]
208 .. : IDIOTIES. " - - ? .. : .
détruire, la pyromanie ou manie de mettre le feu ou manie devoir le
..feu, la krouomanie ou manie de se cogner, l'onychophagie ou manie de
manger les ongles, etc. z
L'ensemble des troubles que nous venons de décrire constitue les
troubles psychiques : il est un ensemble de troubles qui sont plus parti-
culièrement les troubles des fonctions.
, Troubles du mouvement. - La préhension des objets est dif-
ficile, la marche, le saut sont ignorés du malade dans l'idiotie complète.
Dans les idioties moins marquées, les mouvements et la marche existent,
mais sont hésitants et difficiles. Chez les arriérés, ils se rapprochent de
la normale. '
Troubles de la digestion. La mastication est incomplète, la
déglutition est difficile; certains idiots ruminent (mérycisme), il y. a gu-
tisme complet et continu chez les idiots complets et profonds.
Respiration et circulation. - La respiration peut être gênée
par suite de l'insuffisance fonctionnelle des lèvres.
La circulation est souvent imparfaite et les idiots ont quelquefois les
extrémités cyanosées par suite de leur impotence. '
Sécrétions. 11 v a souvent une salivation exagérée et écoulement
de cette salive; la muqueuse nasale s'écoule -aussi d'une façon souvent
exagérée. 11 n'existe pas en général de troubles de la sécrétion urinaire.
Fonctions génitales. L'onanisme est extrêmement fréquent
chez tous les idiots ; il s'observe chez tous les idiots de toutes les catégo-
ries, et ces malades s'y livrent soit par la main, soit par un. frottement
des cuisses; quelquefois ils présentent d'autres manifestations de la per-
version sexuelle : pédérastie, etc. '
A tous ces troubles psychiques et fonctionnels répondent des anoma-
lies de développement physique chez les idiots.
Troubles physiques. La taille est souvent inférieure à Celle
des enfants normaux; quelquefois, ils sont atteints de nanisme, la tête
présente toutes les malformations possibles : microcéphalle, acroco-
pli2lie, ctc.
Le prognathisme est fréquent, la face est asymétrique. On observe
également chez les idiots des malformations dentaires en dehors de
l'hérédo-syphilis (Robin, Thèse de Paris, 1901), la colonne vertébrale est
souvent déviée, il y a quelquefois coexistence de rachitisme. Enfin on
observe des malformations des membres, de la syndactylic. La main des
idiots, qui a été décrite par Bourneville, est courte, trapue, épaisse, les
doigts sont boudinés, le pouce ne sait'pas s'opposer. 11 y a souvent déchi-
rure des extrémités des doigts par onychophagie. Les organes génitaux
sont souvent arrêtés dans leur développement (cryptolchidic, phimosis,
épi, et hypospadias). Garrod a signalé une maladie cardiaque congénitale;
avec cyanose chez un idiot mongol (Société clinique de Londre's, avril
- 1&98). ,
Variétés, d'idioties. L'idiotie peut présenter des variétés mul-
- ' IDIOTIES'. 2(j ! l 2M
tiples dues, à son début, à son intensité ou aux sypmtômes qui l'accom-
pagnent. '1" l, " .. '¡' "
Le début de l'idiotie permettra de différencier l'idiotie congénitale,
c'cst-à-dire l'idiotie due à des troubles survenus pendant la vie foetale ou
au moment de la naissance, et d'autre part l'irliolie acquise due à une
affection de la première enfance, c'est-à-dire de la naissance il 7.ans, plus
rarement de la seconde enfance, c'est-à-dire de- 7 ans au début de la
puberté. '
Nous avons choisi comme type de notre description un idiot âgé de
linéiques années. S'il s'agit au contraire d'un bébé soupçonné d'idiotie,
il quoi reconnaîtrons-nous cette affeetion ? L'enfant est indifférent au sein,
il est inerte, il crie par accès, quelquefois d'une façon continue et non
par besoin; il ne s'éveille pas, ne montre aucun signe d'intelligence;
il ne cherche pas à prendre les objets qui l'entourent; il ne. mani-
feste aucune curiosité; il ne paraît rien voir ni rien entendre. Au lieu
d'apprendre à téter de mieux en mieux, il reste toujours aussi inha-
bile. Enfin, si l'idiotie n'a pas été évidente jusque-là, elle se manifeste
plus tard quand on constate le retard dans l'évolution, le retard dans la
marche, le retard élans la dentition, la difficulté de mastiquer, d'avaler et
la persistance de l'habitude d'uriner au lit... ' .
L'intensité de l'idiotie permettra de décrire plusieurs variétés ; Bour-
IH'yiJ1e distingue :
1° L'idiotie complète ou absolue. La marche, la préhension, la
parole, l'attention sont nulles; toutes les sensibilités spéciales sont t
absentes; il y a indifférence absolue et incomplète du besoin de s'ali-
111enlf'r, Les idiots de cette catégorie vivent une vie purement végétative.
T L'idiotie profonde. La motilité est moins atteinte, la marche
est possible; l'appétit existe, quelquefois exagéré : la parole est limitée
ou nulle, mais il y a reconnaissance vague pour les personnes. Leur vie
de relation est donc très bornée, et ce qui distingue ce second groupe du
précédent, suivant Bourneville, c'est l'existence du mouvement, de la
préhension qui les rend dangereux pour eux et pour les autres.
5° Idiotie proprement dite. Les facultés intellectuelles existent
élans cette variété, mais à un degré très minime : il y a perversion des
instincts. Ces malades sont dangereux par les impulsions qui peuvent les
portera incendier, détruire; les sentiments affectifs sont très superficiels.
4" Idiotie légère ou arriération intellectuelle. - Toutes les fonctions
existent, mais diminuées; il y a une tendance à certaines aptitudes,
tantôt à la gaîté, tantôt au contraire à un caractère irritable, rageur,
entêté. - . : i° Instabilité mentale ou débilité mentale. Elle est' caractérisée
par la mobilité physique et intellectuelle et les impulsions. - .
li° Idiotie morale. Les facultés intellectuelles sont, intactes, mais
ces enfants ont l'instabilité ou la perversion des instincts. Les sentiments
effectifs sont émoussés et nuls. , .
- [CROUZON] -
270 : IDIOTIES.
Les associations de symptômes peuvent créer des variétés spéciales
d'idioties.
a) Idiotie hémiplégique. L'hémiplégie est légère ou complète; elle
peut se compliquer d'une contracture intense, quelquefois de niouvty
ments dhenllchoree ou d'hémiathétose. '
b) Idiotie diplégique. Dans ce cas, il y a paralysie des quatre
membres. Bourneville et Crouzon ont étudié une idiotie diplégique. par
atrophie cérébelleuse familiale (Congrès de Paris, 1900).
c) Idiotie épileptique. Souvent l'épilepsie, comme l'hémiplégie ou
la diplégie, s'ajoute au tableau de l'idiotie; quelquefois, au contraire, "
chez les épilepliques la déchéance de l'état intellectuel amène l'idiotie (').
cl) Idiotie amaurotique. Cette maladie, appelée encore idiotie amau-
rotique familiale de Sachs, est caractérisée, comme le nom l'Indique,
par une idiotie à laquelle se superpose la cécité survenant d'une façon
très nette chez des enfants d'une même famille.
Elle a été l'objet de revues et de recherches anatomiques nombreuses
(Apert, Semaine Médicale, 1908) Poynton, Parsons, Gordon Holmes
(Brain 1906). C'est une, maladie primitive des éléments nerveux altérés,
surtout dans leur substance interfibrillaire.
e) Idiotie mongolienne. Cette variété d'idiotie est caractérisée
par l'aspect tout à fait spécial épie présente la tète du malade : tète
arrondie et physionomie rappelant celle des Mongols : le front est bas, les
sourcils et les paupières sont dans une, certaine mesure elliptiques et
fendues en amande ; le nez est court et polit et rien ne distingue au
point de vue intellectuel les mongoliens des autres idiots.
/') Idiotie polysarcique. Elle est caractérisée par le, développement,
exagéré du tissu adipeux qu'on observe chez certains idiots.
Diagnostic. Le diagnostic de l'idiotie ne se pose guère que chez
les bébés, c'est-à-dire tout à fait au début de cette maladie. Nous avons
déjà dit sur quels signes on pouvait baser ce diagnostic : indifférence de
l'enfant, inertie de ses mouvements, accès de cris, retard de révolution.
A partir d'un an, le diagnostic est absolument évident dès que 1 on a
constaté les troubles des facultés intellectuelles, les (roubles de foutes les
fonctions. Cependant, il est des cas où la paralysie générale' infantile' a pu
prendre les allures cliniques de l'idiotie. Tel est le cas de Toulouse et
Marchand (Soc. Médicale des hôpitaux, 1899).
Le diagnostic de l'idiotie étant posé, on cherchera il le rapporter à une
des causes et en particulier à une des lésions anatomiques qui provo-
quent l'idiotie. Nous ne ferons pas iei l'analoluip pathologique de l'idiotie,
nous nous contenterons d'énumérer et de clulinir ses principales variétés
anatomiques et etiologiqucs.
'10 Idiotie méningitique. Elle; se définit d'elle-même : c est une
idiotie symptomatique d'une méningite chronique; l'inflammation de
1. Marchand (de Llois), Renie de Psychiatrie, juin 1 ! 11J7"
IDIOTIES. 271
la pie-mère et de la dure-mère est consécutive à une méningite aiguë de
la première enfance. Dans certains cas cette méningite choI11que peut
subir des poussées ultérieures qui aggravent l'état mental et peuvent
conduire l'enfant à la mort.
La ponction lombaire chez les idiots peut permettre de faire une dis-
tinction, entre les idioties devant les . processus méningés (Merklen et
Devaux, Gazette des hôpitaux, 1905).
2° Idiotie méningo-eilcéphalitique. C'est l'idiotie symptomatique e
de la méningo-encéphalite; dans ces cas il y a non-seulement lésion de la
pie-mère et de la dure-mère mais il y a encore lésion des circonvolutions
sous-jacentes, rappelant d'une façon .tout' à fait nette le cerveau des
adultes qui succombent à la paralysie générale. , .
5° Idiotie symptomatique de sclérose atrophique. - La sclérose
atrophique peut porter alors sur tout un hémisphère ou sur un lobe
cérébral ou quelquefois sur quelques circonvolutions.
4° Idiotie symptomatique de sclérose hypertrophique. - La sclé-
rose hypertrophique ou sclérose tubéreuse hypertrophique a été décrite
par Bourneville et Brissaud : il s'agit le plus souvent de lésions -portant
sur des portions plus ou moins suivies de circonvolutions formant de
véritables îlots augmentés de volume (voir figure ci-dessus).
5° Idiotie symptomatique de porencéphalie. Il s'agit dans ces
cas d'un arrêt de développement consistant dans l'absence d'une portion
plus ou moins grande d'une région de circonvolutions; il en résulte une
cavité ou porus en forme d'entonnoir. Cette perte de substance est, sui-
vant Bourneville, d'origine vasculaire.
IGROVZQN.]
Fig. '1. Sclérose tubéreuse. Ilots scléretix en et en PC (pli courhe). Déformation
des frontale et pariétale ascendantes (BOUR11EVILI.Eet BtussAno). - ·
' '272 - ' .. IDIOTIE-. '' ¡ . - .r ? \ J
glu Idiotie symptomatique de pseudo-porencéphalie. - L'es pseudo-
porencéphalies sont des pertes de substances- dues à des foyers d'hémor-
ragie ou de ramollissement, à des pseudo-kystes, à une infiltration
celluleuse, etc. ' -
7° Idiotie myxoedémateuse. - L'idiotie rnyodémateuse est due à
l'absence congénitale de la glande thyroïde. Nous ne décrirons pas ici
complètement la myxoedème, cependant nous rappellerons qu'on recon-
naît 1 idiotie myxoedémateuse
à l'aspect hébété de la physio-
nomie, à la bouffissure des pau-
pières, au gonflement des joues, ',
à l'absence de glande thyroïde
au niveau du cou, à l'infiltra-
tion myxoedémateuse du tho-
rax, du ventre et des membres,
à l'absence de poils au thorax
et au pubis.
8° Idiotie microcéphalique.
Elle est caractérisée par la
petitesse de la tête et par ce
fait que le poids du cerveau est lez
bien au-dessous de la moyenne ;
il y a souvent arrêt de dévelop-
pement du crâne et de l'encé-
phale. -
9° Idiotie hydrocéphalique.
Elle est due à l'hydrocé-
phalie chronique qui est carac-
térisée par l'augmentation du
volume de la tête avec largeur
et hauteur du front et quelque-
fois malformation crânienne de
scaphocéphalic ou de brachy-
etc.
10° A coté de toutes ces
idioties symptomatiques des lésions anatomiques il existe des idioties
par simple arrêt de développement; dans ces cas, il y simplicité de
circonvolutions avec peu de plis de passage. Dans ces cas l'étiologic de
l'idiotie doit être alors recherchée avec plus de soin. On trouvera souvent
dans les antécédents héréditaires une affection .du système nerveux,
l'aliénation mentale, l'épilepsie, etc. L'alcoolisme, après l'hérédité, est'
la cause la plus importante, suivant Bourneville. Enfin les accidents, delà
grossesse, de l'accouchement, la naissance avant terme, la durée exa-
gérée du travail, l'asphyxie il la naissance, l'extraction au forceps, tout
pourra entrer en ligne de compte pour la production de l'idiotie.
Fig. 2. Idiotie myxoedémaleusc pachydei-miquc
- (BOUlE'iEVILI.E) .
IDIOTIES. 275 5
Le rôle de. la syphilis est tout à fait minime; le rôle des intoxications
1 elles que le saturnisme est également peu important. Après la naissance,
toutes les maladies infectieuses entraînant les encéphalites qui se tradui-
sent par les convulsions ou par le délire peuvent être le point de départ
des idioties, mais c'est particulièrement à l'idiotie méningitiquc ou mé-
1)iii ? o-cncél)litlitiqtie qu'elles conduisent. Pour Anglade et Jacques (l'En-
céphale, 25 février 1907), 1'laéa°éclo-tu.Gea°culose est la seule cause de
l'idiotie congénitale dans 28 pour 100 des cas, et, dans 57 pour 100 des
cas elle serait une cause associée à l'alcoolisme. '
Complications. Les complications de l'idiotie . sont non seule-
ment les symptômes associés à la paralysie que nous avons déjà men-
tionnés, mais c'est surtout l'épilepsie qui se surajoute souvent l'idiotie
après plusieurs années. Les. crises peuvent se multiplier, et l'a déchéance,
mentale du sujet s'accentue. - ..
Hoffmann (Deutsche Zeilschrifl fil)' Nervenkranken, 1894) a. signalé
l'association de l'imbécillité congénitale avec l'atrophie- -.musculaire, pro-
gressive. , . "
Une autre complication consiste dans la progression de l'aliénation
mentale qui entraîne les impulsions, les perversions, etc. " ..
Les maladies terminales des idiots sont la. tuberculose, pulmonaire,
tuberculose intestinale ou tuberculose aiguë généralisée; 1'-atlu;epsicou
enfin toutes les maladies intercurrentes que l'on : peut observer chez
l'adulte. , '
Le pronostic de l'idiotie dépendra d'abord de l'état d'idiotie auquel on :
a affaire, de la progression des symptômes; enfin, des conditions de .vie
qui pourront exposer plus ou moins le malade . la tuberculose pulmo-
¡¡au'c. -
Pn,\l' : Q1P. veunoi.. 18
. [CROÛZ03P.]
SENSIBILITÉ
par le D' Gustave ROUSSY
Chef des Travaux pratiques tl'\uatumic hallmloitluc il la l'acuité de Ulrdeciiie.
\ous entrons en relation avec le monde extérieur au moyen de sen-
sations diverses plus ou moins différenciées, qui nous sont transmises par
l'intermédiaire du système nerveux. La sensibilité est donc une des fonc-
tions primordiales de ce système, fonction dans laquelle 1 appareil ner-
veux tout entier est mis à contribution. L'existence de troubles sensitifs
peut renseigner sur l'état du système; nerveux, orienter le clinicien dans
une certaine direction, le mettre en un mot sur la voie du diagnostic, et
partant du pronostic de l'affection en cause. L'importance séméiologique
de l'étude de la sensibilité, comme méthode d'investigation clinique, se
conçoit donc d'elle-même. L'apparition de nouveaux troubles sensitifs ou
la disparition de ceux préalablement constatés chez un malade sont encore
des moyens précieux pour suivre méthodiquement l'évolution progres-
sive ou régressive de telle ou telle affection, et pour tirer de cet examen
des renseignements pronostiques et thérapeutiques.
L'importance de l'étude de la sensibilité pour le neurologisteest, par
conséquent, d'ordre il la fois diagnostique, pronostique et séméio-
logique.
L'étude de la sensibilité comprend celle de la sensibilité géné-
rale et celle de la sensibilité spéciale; cette dernière est fonction d'appa-
reils spéciaux, sièges des sens de la vue, de l'ouïe, de l'odorat et du
goût. Chacune d'elles doit faire l'objet d'une élude spéciale. Dans le
cours de cet article, nous ne nous occuperons que des troubles de la
sensibilité, générale, et nous renvoyons pour ce qui concerne les sens
spéciaux (vue, ouïe, odorat, goût), aux différents articles de ce Traité,
comportant l'élude des troubles sensoriels. Toutefois, conformément à la
division adoptée conventionnellement jusqu'ici par tous les cliniciens,
nous étudierons la sensibilité tactile comme une modalité de la sensibi-
lité générale, bien qu'elle soit considérée par les physiologistes connue
une sensibilité spéciale (sens du tact) et assimilée de ce l'ait aux
sens spéciaux.
SENSIBILITÉ GÉNÉRALE
La sensibilité générale comprend la sensibilité objective et la sensi-
úilité subjective.
ANATOMIE ET l'lllll)LOfIE DES VOIES SI;\SITI'Is, 275
La première est révélée par l'action extérieure de tout agent mettant
en activité le système nerveux : la douleur il la piqûre, à la brûlure, par
exemple, sont des sensations perçues objectivement par le sujet, et
l'étude de ces troubles sensitifs objectifs, que nous apprendrons il
rechercher tout il l'heure, donne habituellement des renseignements
précis et sûrs.
Les sensations subjectives, au contraire, sont réveillées par des excita-
lions intérieures venant spontanément actionner les centres ou les termi-
naisons nerveuses; les douleurs névralgiques, les engourdissements sont
des sensations que le sujet perçoit spontanément, qu'il peut décrire et
analyser tui-mcme, mais qui échappent il toute méthode d'examen soma-
tique ou de contrôle de la part du clinicien. Ce sont la évidemment
des renseignements précieux, et dont le praticien aura il tenir grand
compte; mais ils sont moins sûrs que ceux fournis par l'étude de la
sensibilité objective. Bien plus encore, que dans le premier cas, l'obser-
vateur aura à l'aire la part des différences d'interprétation et de réaction
personnelles qui varient il l'infini avec les sujets, et cela d'autant plus
'1 est privé de tout moyen de contrôle. '
, NOTIONS ELEMENTAIRES SUR L'ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE
DES VOIES SENSITIVES -
Données anatomiques. L'appareil sensitif, dans sa plus
simple; expression, est composé d'organes terminaux, dits de réception,
qui, au moyen des conducteurs nerveux, transmettent les excitations
périphériques aux centres de réception, médullaires ou corticaux. Nous-
avons donc il étudier le plus brièvement possible :
1° Les organes périphériques de réception; 2" les voies de cond 111'-
tion sensitive périphériques et centrales; 7>° les centres de réception
corticaux.
,10 Organes de réception. - En n'envisageant que la sensibilité gène-
raie, on peut dire que c'est au niveau du tégument cutané que les ori-
gines nerveuses sensitives sont le plus différenciées. On trouve dans
1"¡"pidel'lllP des terminaisons nerveuses libres ou en boutons, ou des
organes plus différenciés; les uns sont dermiques (corpuscules de Pacini
ou ele \atcr), les autres dermiques (corpuscules de Meissner. siégeant il la
main, au pied. el surfont abondants au niveau de la pulpe des doigts et
des orteils), fous les organes profonds contiennent des terminaisons
sensilives qui viennent s'arboriser entre leurs éléments constitutifs : les
muqueuses, les séreuses en sont richement pourvues.
2° Voies de conduction. En parlant de l'origine périphérique
des nerfs sensitifs. les impressions sont conduites aux centres par un
nombre infini de fibres nerveuses, qui tantôt se mélangent aux fibres
motrices pour constituer un nerf mixte, tantôt forment à elles seules
font le nerf : nerf sensitif.
IROVSSY.l
37C . SENSIBILITÉ.
De là, les fibres nerveuses sensitives, pénétrant dans la moelle (pour les
nerfs du tronc et des menibres), forment les racines postérieures rachi-
diennes et viennent s'arboriser, les plus courtes (fibres courtes et
moyennes) autour des cellules des cornes postérieures, les plus lon-
gues autour des cellules des noyaux des cordons postérieurs (noyaux de;
Goll et de Burdach), constituant- ainsi le premier neurone sensitif, neu-
rone périphérique (protoneurone). Pour les nerfs crâniens sensitifs, le
premier neurone vient se terminer directement dans les noyaux du plan-
cher du quatrième ventricule. '
Le trajet des voies sensitives centrales, à partir des noyaux de Goll et
de Burdach jusqu'à leur terminaison, est encore loin d'être établi d'une
façon définitive; la plus grande partie est représentée par le ruban de
Reil médian qui, après entre-croisement dans le bulbe (entre-croisement
piniforme), va se terminer dans les noyaux externe et médian de In
couche optique (Dejerine, y. Monakow). D'après Long (') le ruban de Reil ne
doit pas être considéré comme la voie unique, mais bien comme la voie
principale de la conduction des impressions sensitives. Dans l'isthme de
l'encéphale (bulbe, protubérance, pédoncule), la transmission de la sen-
sibilité générale se fait par la région de la calotte, en partie par le ruban
de Reil, en partie par la substance grise, les voies courtes et la formation -
réticulée; mais jusqu'ici il est encore impossible de faire la part physio-
logique respective de ces différentes formations. Toutes ces voies ascen-
dantes de la calotte viennent en fin de compte aboutir à la couche
optique qui en constitue le relais.. C'est là le deuxième neurone sensitif
(bulbo-tlcalazique). °
De la couche optique part le troisième et dernier neurone sensitif;
thalamo-c01'tical, dont les fibres, passant par la capsule interne et la
couronne rayonnante, vont se terminer dans la substance grise de l'écorce
cérébrale. On n'admet plus aujourd'hui l'existence d'un faisceau sen-
sitif distinct dans la partie postérieure du segment postérieur de la
capsule interne (carrefour sensitif' de Charcot), mais au contraire que les
fibres sensitives se trouvent indifféremment mélangées aux fibres descen-
dantes motrices dans tout le segment postérieur de la capsule interne.
Telle est la voie sensitive centrale, dite encore principale : « vola
médullo-tlzalamo-corticale ».
il existerait en outre une voie sensitive secondaire, qui n'est pas
admise par tous les auteurs, et qui serait la suivante (van Gehuchtcn) :
ln Neurone périphérique. Les fibres sensitives périphériques,
arrivées dans la moelle par les racines postérieures, vont s'arboriser
après un très court trajet (fibres courtes), pour la plus grande partie
dans la substance grise de la corne postérieure et dans celle de la
colonne de Clarke du même côté, pouf une petite partie dans la corne
postérieure du côté opposé.
1. Th. de Paris, 1899.
ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DES VOIES SI';NSIT11LS. 277 7
2" Neurone 77%édu'Ilo-cé ? ,ébelleztx.' - =De la corne postérieure ou de
la colonne de Clarke, les fibres sensitives gagnent l'écorce du cervelet
par deux, voies : a) voie directe, par le faisceau cérébelleux direct ou
ascendant, dont les fibres partent des cellules de la colonne de Clarke
du même côté et se rendent au cervelet par le pédoncule cérébelleux
inférieur ; b) voie croisée, par le faisceau de Gowers, qui serait essen-
tellement formé par des fibres sensitives provenant de la substance
grise de la moelle du côté opposé (origine encore mal connue) et se
rendant au cervelet par les pédoncules cérébelleux moyen et supérieur.
5" Neurone cérébello-olivai°e. De l'écorce cérébelleuse, les fibres
vont gagner l'écorce cérébrale par plusieurs relais, dont le premier se
lait au niveau de l'olive cérébelleuse. '
4" Neurone olivo-thalamigue. De là, elles se rendent à la couche
optique de l'autre côté et peut-être aussi du même côté, en passant par
le pédoncule cérébelleux supérieur, pour s'entre-croiser dans la protu-
bérance (commissure de Wernekink) et gagner, par le noyau rouge, la
couche optique.
Neurone thalamo-corlical. Le dernier chaînon de cette
longue voie secondaire vient se confondre avec celui de la voie prin-
cilalu, pour atteindre la zone sensitive corticale.
je Centres de réception corticaux. La topographie de la zone
sensitive, au niveau du cortex, comme du reste celle de la zone motrice,
est une question actuellement à l'ordre du jour. Des travaux récents
inaugurant une ère nouvelle dans l'histoire, des localisations cérébrales et
ne figurant pas encore dans la plupart des traités classiques, nous
obligent il entrer ici dans quelques détails.
Jusqu'à ces dernières années, deux théories se trouvaient en présence :
l'une unicisle (Knapp, Dejerine, Long), admettant, pour la sensibilité
et la motricité, la même localisation corticale, à savoir la région rolan-
rliqlle (circonvolutions frontale et pariétale ascendantes, pieds des fron-
tale et pariétale et lobule paracentral) ; l'autre dualiste (Charcot,
Ballet, Redlich, von Monakow) soutenant que .la zone sensitive dépassait,
les limites de la zone motrice, en arrière dans la région du lobe parié-
tal. JIais, pour les uns comme pour les autres, les deux circonvolutions
rolandiques (Fa et Pa) représentaient à la fois des centres moteurs et
sensitifs.
Cette doctrine, qui récemment encore paraissait définitivement établie, .
fut ébranlée, pour la première fois en 1901, par les recherches expéri-
mentales de Grùnbaum et Sherrington sur les singes anthropoïdes
démontrant, au moyen de la méthode d'électrisation unipolaire, que la
circonvolution pariétale ascendante ne faisait pas partie de la zone
motrice; cette dernière s'étendant uniquement en avant du sillon de
Rolando. Ces idées nouvelles ont. trouvé confirmation dans les résultats
fournis par la méthode expérimentale chez le singe (C. et 0. Vogt,
Brodniann), par l'excitation du cortex chez l'homme (Krause, Mills,
, . \
' [ROUSSY.]
' : 178 SENSIBILITÉ.
Frazicr. Llowl et Cusbing), part l'élude cylologique et archileclonique
des circonvolutions (Rrodjnann, Campbell), et enfin par ceux qll : a
donnés la méthode anatoinique appliquée il l'élude des cas de sclérose
latérale amyotroptiiquc (Rossi et, Roussy).
Elle tend de plus en plus il rallier aujourd'hui tous les suffrages.
On peut donc admettre actuellement qu'il faut définitivement aban-
donner l'ancienne conception classique sur les localisations corticales :
1° La zone motrice est cantonnée en avant du sillon de Ilolamlu (fron-
tale ascendante, pointe antérieure du lobule paraccnlral et. de l'opercule
rulandicluc, pied des deux premières frontales) ; la frontale ascentfaufc.
représente la circonvolution motrice par excellence. La participation de
la pariétale ascendante il cette zone est, niée par les uns, considérée comme
très minime par d'autres (Rossi et Roussy).
2° La zone sensitive est limitée au niveau du-cortcx, en arrière dit
sillon de Rolando, comprenant les circonvolutions pariétales, y compris
la pariétale ascendante. Celle dernière proposition, qui ressort nalurnl-
lenient de la première, n'a pas encore comme celle-ci, trouvé sa confir-
mation dans l'expérimentation ou l'observation des faits Mllaf01170-l'IIIII(Itl(·.
Données physiologiques. Les impressions venues de la péri-
phérie, de la surface cutanée comme de la surface muqueuse. éveillent en
nous des sensations diverses qui sont au nombre de trois : la sensation
de contact, la sensation de température qui se divise en sensation de
chaud et de froid, et enfin la sensation de douleur.
Existe-t-il des excitants différents a chacune de ces trois sensations;
ces trois modalités de la sensibilité répondent-elles il l'existence d'appa-
rcits de réception ou de conduction spéciaux, ou bien il des modalités
différentes du fonctionnement d'appareils ou de conducteurs 'communs ?
La préoccupation de diviser la sensibilité générale en un certain
nombre de sensations spécifiques passant par des 'systèmes de libres
définies, a dominé de tout temps les travaux des physiologistes et des
cliniciens. Nous allons rapidement exposer l'état de nos connaissances
actuelles sur la nature des excitants et leur mode de transmission; nous
donnerons, pour terminer, les deux théories émises aujourd'hui en vue
d'expliquer la conduction de la sensibilité.
1° Nature des excitants. - Les excitants sont pour les uns an nombre
de deux (tact et température), pour d'autres au nombre de trois (tact,
douleur, température). Le contact est un excitant de nature mécanique,
le chaud et le froid sont de nature physique, moléculaire.
Le contact exagéré donne la sensation de pression; pour d'autres, le
tact et la pression sont fonction, soit d'appareils de réception différents
(corpuscules de Pacini pour la pression, corpuscules de lleissner pour le
tact), soit de conducteurs spéciaux (dissociation des deux sensations dans
certaines affections médullaires, Strumpeit, Marinesco, etc.) (').
1. Nous reviendrons sur cette question dans le cours de cet arlicle en étudiant la
((barestt)esio))(Voirp ? 91).
. " : 11t1T01111 : ET PHYSIOLOGIE DES VOIES SE-XSITIVES. 279
La douleur est-elle une sensation propre, autonome, ou n'est-elle
qu'une modalité particulière de la sensibilité ? Les deux opinions ont
trouvé des défenseurs. Pour les uns, la douleur est due à l'exagération,
dans un temps donné, de l'intensité de tout excitant 'qui modifie le fonc-
tionnement physiologique normal de l'appareil nerveux. Toute excitation
violente d'un nerf sensitif provoque une sensation douloureuse. La dou-
leur, ditRichet, est produite par toute cause qui modifie profondément
l'état du nerf. Il n'y a pas, par conséquent, d'excitant propre de la dou-
leur ; pas de conducteurs spéciaux pour les impressions douloureuses;
pas de centre, siège du sens de la douleur. Pour d'autres, la douleur est
bien, d'une façon globale, due à une excitation forte dont le mécanisme
intime nous échappe encore, mais cette excitation est recueillie par des
nerfs spécialement affectés aux sensations doloriques. Les faits cliniques
de dissociation de la sensibilité observés chez les malades (perte de la
sensibilité douloureuse et thermique avec conservation du tact) et la pré-
sence de points des téguments ne réagissant à toute excitation que par
la douleur (points de douleur, Goldschcider) plaident en faveur de cette
opinion. *
2" Organes périphériques. En acceptant la spécificité des excitants
pour la douleur, pour le tact, pour la température, etc., on doit admettre
également l'existence d'appareils et de lilets nerveux différents, spéciale-
ment et uniquement adaptés à recevoir et à conduire telle ou telle exci-
tation. Ceci en vertu de la loi de l'énergie spécifique des nerfs sensoriels
(Johann Iii1ler, Helmholtz), d'après laquelle chaque catégorie de fibres
ne peut nous renseigner que sur une seule qualité de sensations.
Dans des travaux récents (magnums. Blix, Goldscheider, von Frey), on
est arrivé à diviser la peau en un grand nombre, de points disposés plus
ou moins régulièrement en chaîne, en cercles ou lignes courbes, points
dont chacun ne peut fournir que la sensation spécifique qui lui est
propre. Il existe ainsi des points pour le chaud, pour le froid, pour la
douleur, pour la pression. A ces quatre sens cutanés, répondent quatre
catégories de terminaisons sensitives (von Frey) : : corpuscules de
lleissner pour la pression ; terminaisons libres pour la douleur ;
corpuscules de Krause pour le froid corpuscules de Ruffini pour le
chaud. -
5° Voies de conduction des excitations périphériques. On admet,
depuis les expériences de Schiff, que dans la moelle épinière les impres-
sions tactiles suivent le trajet des cordons blancs postérieurs, alors que
les impressions douloureuses et thermiques sont transmises au cerveau
par l'axe gris médullaire. L'exemple anatomo-clinique de la syringomyélie
(gliose de la substance grise) qui détermine une perte complète des sen-
sations douloureuses et thermiques, avec conservation de la sensibilité
tactile, est venu confirmer cette opinion. Ces différenciations des voies
conductrices dans la moelle est loin cependant d'être absolue, et de nom-
breux faits cliniques ou expérimentaux viennent l'infirmer. Aussi voyons-
[ROUSSY.]
280 SENSIBILITÉ.
nous les auteurs émettre les hypothèses les plus diverses. Van (;(-llIle]¡len
et Brissand font passer les impressions douloureuses et thermiques par
le faisceau de Gowers : niais les expériences (sur le singe) de Ferrier et
Turner. de Mott, et l'absence de troubles de la sensibilité dans les af1('('-
tions cérébelleuses (le faisceau de Gowers s'étendant de la moelle au ver-
mis cérébelleux), ne permettent pas d'accepter cette hypothèse.
Edinger fait passer la sensibilité cutanée par la substance grise et par
un faisceau accessoire qu'il appelle le faisceau sensitif croisé. Celui-ci
occupe le cordon antéro-tatérat : partant des cornes grises du cote
opposé, il va rejoindre le ruban de Reil dans la couche inter-olivaire
bulbaire.
Pour hülliker les cordons postérieurs conduisent le sens musculaire
seulement; la sensibilité cutanée suit la substance grise et les cordons
antéro-latéraux.
De cette diversité d'opinions, il résulte qu'aujourd'hui l'état de. nos
connaissances ne nous permet pas d'indiquer d'une façon précise les
chemins suivis, dans la moelle et dans le cerveau, par les différentes
impressions sensitives.
11 n'y a pas lieu d'admettre également que la conduction de la sensi-
bilité soit croisée dans la moelle (Long). Cette idée, émise tout d'abord
pour expliquer le phénomène du syndrome de Brown-Séquard (paralysie
avec anesthésie croisée dans les lésions unilatérales de la moelle), tend à
être abandonnée en présence; d'expériences physiologiques et de faits
anatomiques tout il fait opposés à cette hypothèse. Quant au phénomène
de Brown-Séquard, pour lequel on invoque l'effet de 1 inhibition ou de
la dynamogénie, il est encore inexplicable.
En résumé, nous voyons que. jusqua présent, ni la méthode expéri-
mentale, ni la méthode analoino-cliniepie ne nous permettent de-suivre
exactement dans la moelle le trajet parcouru par les diverses impressions
sensitives; c'est pourquoi nombre d'auteurs se refusent encore il admettre
la spécificité des sensations tactiles, douloureuses, thermiques et muscu-
laires.
Il en résulte que, dans celle question de la physiologie de la sensi-
bilité, nous nous trouvons en présence de deux théories principales :
L'une admet la spécificité des sensations tactiles, douloureuses, ther-
miques et du sens musculaire, et par conséquent la multiplicité des
organes de perception et de transmission, ainsi que nous venons de, le
rappeler brièvement.
L'autre, au contraire, s'opposant à la spécificité des sensations, attribue
à la moelle la fonction non seulement de transmettre, mais encore d'éla-
borer les impressions plus ou moins intenses venues de la périphérie
(Long). Il existe dans la moelle, pour les impressions sensitives reçues
par les racines postérieures, des moyens de transmission complexes; la
substance grise centrale en est l'élément fonctionnel principal. Il n'y a
, . TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ 'OBJECTIVE..281,
pas lieu d'admettre que les, sensations dites tactiles, douloureuses, ther-
miques et musculaires, constituent autant de fonctions distinctes et que
leur conduction médullaire se fait par des systèmes de neurones spécia-
lement affectés à chacune de ces fonctions. Les divisions.et subdivisions
de la sensibilité générale n'ont de raison d'être que dans l'observation
clinique.
CHAPITRE I. z
TROUBLES DE LA SENSIBILITE OBJECTIVE
L'élude de la sensibilité objective doit être divisée en deux parties :
sensibilités superficielles et sensibilités profondes. Les sensibilités
superficielles comprennent : le tact, la douleur, la température et la
sensibilité électrique cutanée. Les sensibilités profondes comprennent :
la sensibilité articulaire, la 'sensibilité musculaire, celle des troncs ner-
veux, des os, des ligaments, le sens de la pression. Enfin, il faut, comme
résultante de ces différentes sensations, étudier le sens musculaire
et le sens stéréognostique. ' 1 ' .
TECHNIQUE A SUIVRE POUR LA RECHERCHE DES TROUBLES
. DE LA SENSIBILITÉ . -
La recherche clinique des troubles de la sensibilité, si facile qu'elle
puisse paraître de prime abord, présente cependant certaines difficultés.
Cette étude doit être faite méthodiquement; elle nécessite certaines pré-
cautions indispensables, si l'on veut éviter des causes d'erreur dont les
unes proviennent du malade et les autres sont ducs à l'observateur. -
Pour ce faire, on examine le malade déshabillé, nu si possible (en
ayant soin de le garantir du froid), les yeux bandés et dans un endroit
tranquille, le soustrayant ainsi à toutes distractions étrangères; si l'on a
affaire à une personne impressionnable, il faut avoir soin de la rassurer
1 l'avance sur la nature de l'examen dont elle va être l'objet, chercher
en un mot à gagner sa confiance. Il est extrêmement important de ne pas
prolonger outre mesure le temps de l'examen (1/2 heure à 5/4 d'heure
au maximum), car les malades se fatiguent et l'on obtient des réponses
absolument contradictoires. On fera donc des séances courtes et répétées;
plusieurs jours sont souvent nécessaires pour établir d'une façon com-
plète l'état de la sensibilité d'un malade. Il faut également tenir compte
de l'état intellectuel du sujet, souvent défectueux (chez un hémiplégique,
par exemple), du mode de réaction, variable suivant les individus, l'âge
et le sexe, et du désir enfin qu'ont certains patients à diminuer ou à
exagérer leurs troubles. L'observateur doit s'abstenir le plus possible de
poser des questions pour éviter l'influence de la suggestion verbale sur
[ROUSSY.] ]
- . ' ' . SENSIBILITE.. ? ;' ' '' -
les réponses du malade; aussi lorsqu'on a affairé a un sujet -intelligent,
suffit-il de lui expliquer au préalable clairement ce du'on-veut obtenir de
lui, de noter ensuite avec soin les renseignements qu'il donne sur la
nature, le siège et l'intensité des sensations perçues.
On interroge alors les différents modes de sensibilité superficielle et
profonde par des excitations appropriées à chacune d'elles et on note
soigneusement sur des schémas de corps humain les résultats obtenus.
Le même schéma peut servir pour le tact, la douleur et la température,
en indiquant par. exemple les troubles tactiles par des hachures, les
troubles douloureux par des points et les troubles thermiques par des
croix, ou bien encore par des traits de crayons de couleurs différentes.
Si les troubles sensitifs sont complexes, il est préférable de se servir de
schémas différents pour chaque modalité de sensibilité. 11 est boni, enfin,
avant de noter les troubles observés, de vérifier une seconde fois les
- résultats obtenus par un premier examen. ' .
I. SENSIBILITÉS SUPERFICIELLES
A) Sensibilité tactile. On la recherche ordinairement en cli-
nique en effleurant simplement, avec la pulpe du doigt, les téguments
cutanés; le doigt de l'explorateur doit être à peu près de la même tem-
pérature que la peau du sujet examiné. 11 est préférable de. se servir
d'objets de petit volume (pinceau de hlaireau, morceau de papier roulé)
qu'on promène légèrement sur les téguments, en provoquant non pas plu-
sieurs excitations rapides et rapprochées, mais une seule, qu'on renouvelle
après quelques secondes si la première n'a pas donné de résultat. L'ex-
ploration doit être assez légère de façon à ne pas déterminer une sensa-
tion de pression ou de douleur.
La sensibilité tactile peut être diminuée : hypoeslhésie, abolie : anes-
thésie, ou exaltée : hypereslhésie. - .
Lorsqu'on observe un de ces troubles en un point quelconque du corps,
on aura soin de comparer avec le côté opposé sain, ou avec une région
supposée saine, puis de marquer sur la peau, avec un crayon dermogra-
phique, les limites de la zone anesthésique ou hypcrcsthésique. On se
rappellera, au cours de cet examen, qu'une zone anesthésique s'étend
légèrement quand on l'explore en allant des régions malades vers les
régions saines, et qu'elle se rétrécit dans le cas contraire ; on devra
donc, avant de délimiter la zone anesthésique, faire l'épreuve dans les
deux sens, et prendre une moyenne. '
, Les régions pileuses sont douées d'une sensibilité tactile plus délicate
que les régions glabres. La présence du système pileux donne aux régions
de la peau qu'elle occupe une sensibilité particulière, en dehors de la
sensation que donne le poil qnand on le touche. Cette sensibilité particu-
lière des régions pileuses, qui diffère de la sensibilité tactile ordinaire
par son extrême finesse, a été décrite et désignée par Vaschide et Rous-
' TROUBLES DE W SENSIBILITÉ OB.IECTTVE : 285
seau sous le nom de tricheslhésie (6 ? poil; v ? 91,e5, sensation).
La sensibilité capillaire est celle que provoque l'attouchement des
poils, en dehors de tout contact de la peau; c'est une sensation,» sui
eneris », la plus exquise de la peau.
Les régions calleuses (plante des pieds, paume des mains) et les
régions cicatricielles sont ordinairement anesthesi-
ques ou très hypoesthésiques.
On admet généralement que la sensibilité tactile
augmente de la racine des membres à leurs extré-
mités.
On peut avoir recours, pour apprécier l'intensité
de l'impression tactile, à des appareils spéciaux; le
plus communément employé en France, est l'esthé-
siomèlre de Verdun, dont nous donnons ci-contre
le dessin. 11 est composé d'un manche métallique
renfermant un ressort qui vient comprimer une tige
à bout arrondi; un. curseur indique en se déplaçant
sur une échelle graduée, en grammes, l'équivalent
de la pression exercée.
L'emploi de ces appareils est souvent inutile, dans
nn examen clinique ; il est préférable de se contenter
des résultats obtenus par les moyens les plus simples
que nous avons indiqués, et ne pas vouloir donner
une exactitude mathématique à des notions dont la
valeur n'est avant tout que relative.
Dans une exploration de sensibilité tactile, on doit
rechercher, non seulement l'existence d'une altération
delà perception tactile (anesthésie ou hyperesthésie),
mais encore : '
1° le degré de la perception tactile ;
2" la localisation des impressions tactiles;
' 5° l'interprétation des impressions périphériques ;
4° la distance maxima à laquelle deux points
simultanément touchés donnent deux impressions
distinctes ;
5° la durée du temps épie met une impression
tactile à ètre perçue par le malade.
l;'est a toutes ces modifications de la sensibilité objective, et cela aussi
bien pour la douleur- et la température que pour le tact, qu'on donne
en France le nom de paresthésie. Nous les étudierons une fois pour toutes
il propos de la sensibilité tactile.
l Degré de la perception tactile. On l'apprécie au moyen d'ob-
jets tels qu'un pinceau, un morceau de papier, par exemple; on recon-
naît par ce moyen s'il y a anesthésie, hypo- ou hyperesthésie. On appelle
seuil intensif de la sensibilité la limite au-dessous de laquelle les im-
[.ROUSSY.] ]
F i. L - Fsthésio-
mètrc. -La pointe
a sert dans la me-
sure rie la douleur ;
le plateau sert il
mesurer la pression
(hareslhcsiomèlrel.
ys-i i. vl\Ififf.l'l ?
pressions sensitives ne sont plus perçues, tituitc très variable suivant les
régions; quelques-unes, comme la pulpe des doigts, ont un seuil intensif
très inférieur.
Lclelb et Oppenheim ont indiqué un procédé très simple pour révéler les
troubles légers de la sensibilité chez les hémiplégiques, dans le cas où
le côté paralysé pourrait paraître normal il l'explorai ion ordinaire. Il suffit
en effet, de loucher ou de piquer, simultanément, deux points sYl\ll'll'i-
ques du corps, les deux avant-bras gauche et droit, par exemple, et t'ou
détermine une réaction du côté sain seulement. 11 faut, au contraire,
augmenter notablement la pression et agir plus fortement sur la région
qui présente des troubles, pour obtenir de son côté une réaction équiva-
lente.
"2" Localisation de la perception tactile. - On demande au malade'
d indiquer tout d'abord la région excitée, le plus exactement possible
(pied, jambe, bras, etc.), puis de montrer avec son index le point exact
où il croit que l'excitation a porté ; c'est la topoest/¡c'sie ou sens du lieu.
On peut ainsi constater des erreurs de localisation de 1-2 et plusieurs
centimètres (/o0f< ? </c) ; certains hémiplégiques par exemple loca-
lisent à la paume de la main les excitations portant sur les doigts, ou a
lavant-bras celles du bras, etc En marquant au crayon dermogra-
phique ces différents points on peut mesurer exactement au centimètre
les écarts de localisation et les noter sur un schéma En écart de
*2-"> centimètres sur les jambes ou les bras. de4-*> centimètres sur le dos
se constatent chez des individus normaux; il la face, à la paume de.
mains, le sens du lieu est beaucoup plus délicat. ^8
Dans certains cas, les malades reportent une impression tactile parfai-
tement ressentie par eux, non pas au membre louché, mais en un point
exactement symétrique du membre opposé; c'est le phénomène de l'allo-
rit il'il' (Obersteinerj ou al/est I/(>sie (Longuet). Ce phénomène est rare-
ment noté dans les observations ; il est probable qu'on le trouverait plus
fréquemment si l'on ne se contentait pas trop souvent de demander sim-
plement au malade ayant les yeux fermés d'indiquer l'endroit où on le
louche sans lui l'aire préciser le coté.
On doit rapprocher de 1 allochirie le phénomène des st/ucslltsics n« a
,tyzolrc·sics (Guhier, de Frummltcl) (') constitué par des sensations tactiles
ou douloureuses qui sont perçues sur certains points du corps à propos
d'excitations arrivant de points plus ou moins éloignés, et qui ne leur
sont unies par aucune connexion nerveuse commune. Une irritation d un
bouton d'acné, il la cuisse par exemple, provoque une sensation associée
dans l'épaule droite.
On appelle enfin /< ? t0 ? si ! '< ? (Grainger-Slewarl) C) une. perversion
du sens du lieu qui consiste en ce qu'une excitation tactile, une piqûre
1. Les stnrt ! ésie.s et les sijnextlwxies, ,) 888. : 1. TIt ! ' Uril. 111e £ l. journ., 1894. y. 1. 1.
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 38 ?
portant sur la partie externe d'un membre sont localisées par le malade'
sur la partie interne.
5° Interprétation de l'impression périphérique. Le médecin
doit aussi s'assurer qu'une excitation tactile est bien perçue comme telle
par le malade; que le frottement est perçu comme frottement et le tou-
cher simple comme toucher; lorsque les -malades interprètent mal les
impressions venues de la périphérie et qu'ils perçoivent une sensation
tactile comme sensation douloureuse par exemple, on dit qu'il y a
métamorphose des sensations.
Lorsque le malade interprète comme-multiple une excitation unique,
on dit qu'il y a polyesthésie; il multiplie ainsi le nombre des objets
qu'on lui place dans la main : au lieu d'une allumette, il en sent plu-
sieurs. La macroesthésie est le fait de percevoir les objets beaucoup plus
gros qu'ils ne le sont en réalité; si, en fermant les yeux d'un malade, on
lui place une allumette dans la main, il croit alors toucher un bâton. Ces
phénomènes sont rares; on ne les observe que dans les névroses.
L'aphalgésie (âoer- contact; alyo^ douleur), décrite par Pitres, est
caractérisée par la production d'une sensation douloureuse intense, à la
suite d'une simple application sur la peau d'une substance qui, à l'état
normal, ne provoque qu'une sensation de contact; observée par Pitres
dans l'hystérie, elle a été notée dans le tabès par Lannois.
4° Cercles de sensations de Weber. On appelle seuil extensif de
la sensibilité ou cercles de sensations de Weber la
distance minima au-dessous'de laquelle le contact simul-
tané de deux points n'est plus perceptible. Cette recher-
t'he se fait au moyen d'appareils spéciaux dits compas
de Weber ou esthésiomètres. Ces appareils sont com-
posés de deux pointes susceptibles . d'être écartées ou
plus ou moins rapprochées sur une tige graduée permet-
tant de mesurer exactement l'écart observé.
La recherche des cercles de. Weber a une grande
importance en clinique; elle permet, dans les cas ou
les sensibilités superficielles paraissent normales de prime
abord, au simple -attouchement, de révéler des altéra-
tions plus discrètes de la sensibilité cutanée, caracté-
risées par un élargissement des cercles de sensations*
et d'expliquer ainsi certains troubles observés, comme
la perte de la perception stéréognostique. Les cercles de
sensations à l'état normal varient, suivant les régions,
de 1 à 65 millimètres; c'est au niveau des régions les
plus mobiles, où l'innervation est la plus riche, qu'ils
sont le plus étroits.
Voici, d'après Weber, un tableau de l'état normal du seuil extensif
des principales régions que l'on peut être appelée étudier.
, xovssr.7
],jg..2.
Compas du t
\'uher.
280 SENSIBILITE.
'J'BOUilLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 287
marqué. On a construit des appareils pour mesurer avec précision le
temps de réaction, mais leur dispositif compliqué et leur prix élevé l'ont
qu'ils ne sont guère employés dans les recherches cliniques courantes.
Dans certaines affections du système nerveux, on peut observer une
prolongation de perception d'une sensation'; celle-ci persiste pendant,
quelques secondes après l'excitation qui l'a provoquée. C'est la l'exagéra-
tion d'un phénomène normal, physiologique, à savoir que la durée de
la sensation dépasse celle de l'excitation, surtout lorsque celle-ci a été
prolongée. Deux sensations tactiles doivent être séparées pendant un temps
déterminé, pour être perçues séparément. Aussi est-il naturel que lors-
qu'on observe en clinique la prolongation des sensations, on doive éga-
lement noter la fusion des sensations, le malade ne ressentant qu'une
seule excitation tactile, bien qu'on l'ait louché plusieurs fois, mais d'une
façon trop rapprochée. Le phénomène de la sommation des excitations
dérive de ce dernier. Il arrive, en effet, que chez un malade sur lequel
on répète plusieurs fois, au même endroit, la même excitation, les
premières excitations ne soient pas perçues, puis que la quatrième ou
la cinquième deviennent nettement perceptibles. Ce fait se vérifie no-
tamment à la piqûre; il peut même être employé comme moyen thérapeu-
tique pour traiter des anesthésies organiques ou fonctionnelles. Le
phénomène inverse s'appelle l'épuisement des sensations.
Toutes ces données sur le degré, ia localisation, l'interprétation, etc.,
des impressions 1>érilrh(riolucs (parestlrésies), que nous venons d'étudier
il propos de la sensibilité au tact, s'appliquent également il la sensibilité
douloureuse et thermique; nous nv reviendrons plus.
1) Sensibilité douloureuse. On étudie la sensibilité dou-
loureuse au moyen d'une simple piqûre faite avec une aiguille ou une
épingle d'acier bien effilée, ou encore en pinçant la peau entre le pouce
et l'index. L'excitation faradique de la peau est un bon moyen pour
étudier la douleur, parce qu'elle permet de graduer et de mesurer
1 mtenstte de l'excitation périphérique nécessaire il la production de la
sensation. Nous en parlerons à propos de la sensibilité électrique. 11
existe enlin des appareils dits algésiomèlres (Joanny Roux, Ifoessiin,
Moiclioukovsky. leclttercw, etc.), dont l'usage est peu fréquent en
clinique.
Lorsqu on constate en une région du corps une diminution de la sensi-
bilité douloureuse, on dit qu'il y a hypoalyésie. On doit toujours avoir
contrôlé préalablement avec une région voisine supposée saine, comme
on le rail pour le tact. Si la douleur n'est pas du tout perçue, c est de
1 aiudgésie; si au contraire, elle est exaltée, c'est de 1"/¡ ! lpenl/yësi(',]Je
même que pour le tact, on reporte avec soin sur un schéma les troubles
observés : ceux-ci peuvent coïncider parfaitement dans leur distribution
ettem intensité avec les troubles tactiles. Il arrive parfois en clinique,
dans la syringomyélie par exemple, (pie la sensibilité tactile reste intacte,
tandis que les sensibilités douloureuses et thermiques sont fortement di-
[ROUSSY.]
288 SENSIBILITE,'
minuées ou même abolies (dissociation de la sensibilité dite syringo-
myélique). D'autres fois, au cours des affections centrales -de la moelle
ou de l'encéphale, c'est L'inverse que l'on observe : la sensibilité tactile
seule est atteinte (hypoesthésie dans le tabes, dans certaines hémiplé-
gies), alors que les sensibilités douloureuses ou thermiques ne sont
que très légèrement altérées ou même restent intactes. 11 arrive enfin
quelquefois qu'une région anesthésique pour le tact présente une exagé-
ration très marquée de la sensibilité à la-douleur, c'est l'anesthésie Ir y-
pe1'esthésique; - ..
A l'état normal, les différentes régions de la surface cutanée sont plus
ou moins sensibles à la douleur; nous verrons, à propos de la sensibilité
électrique, les chiffres comparatifs qu'on a donnés à cet égard. 1.
C) Sensibilité thermique. Elle se recherche au moyen d'une
éprouvette ou de tubes remplis l'un d'eau chaude, l'autre d'eau froide,
ou de préférence avec de la glace pilée; dans l'éprouvette on peut placer
un thermomètre. Il faut avoir soin, lorsqu'on recherche pour la première
fois chez un malade l'existence d'un trouble de la sensibilité thermique,
de prendre des corps à des températures très différentes, et non pas,
comme on le fait très souvent pour le froid, de l'eau à la température
ordinaire, et pour le chaud, de l'eau tiède. On ne doit pas dépasser, pour
le chaud, 50 degrés; à une température plus élevée, l'excitant perd sa
valeur spécifique et détermine de la douleur; de même pour le froid, ou
choisira un corps dont la température est voisine de 0 degré. On ap-
plique alors les tubes pendant quelques secondes sur la région il explo-
rer, en évitant de passer trop rapidement du tube chaud au tube froid;
le malade doit alors indiquer exactement la nature de la sensation perçue.
Les appareils construits pour la mensuration de la sensibilité ther-
mique s'appellent tlze1'11w-estlu ! siomèl)'es (Nothnagel, Goldscleider-
Eulenh urg). ..
Comme pour les autres sensibilités superficielles, on peut observer,
en clinique, soit de la diminution (tlterlno-hypoesthésie), soit de l'abo-
lition (Lhenno-a1wsthésie), soit enfin de l'exagération de la sensibi-
lité thermique (theermo-hyperesllaésie). La sensibilité au chaud et au
froid peut être atteinte simultanément ou séparément pour chacune
d'elles. En effet, on peut observer chez les hémiplégiques une- diminu-
tion, une abolition ou un retard, de la sensation thermique à la chaleur,
alors que le froid est perçu normalement; d'autres fois, ce sont des per-
versions de cette sensation que l'on observe, le chaud étant senti comme
froid et le froid comme chaud : c'est alors de la paresthésie. Ce qu'on
observe le plus souvent, lorsque l'anesthésie au chaud ou au froid n'est
pas complète, c'est l'impossibilité pour le malade de discerner la sensa-
tion de. la chaleur de celle du froid; il les confond constamment l'une,
avec l'autre. La perte de la sensibilité thermique peut coïncider dans
les cas d'anesthésie étendue, d'origine corticale par exemple, avec la
disparition des autres modalités de la sensibilité superficielle, mais
TltOt.'l3Lla DE LA SENSIBILITE OBJECTIVE. 289
comme pour la douleur, son abolition est ordinairement moins absolue
que pour le tact, el lorsqu'il y a évolution vers la guérison, les sensibi-
lités thermique et douloureuse réapparaissent les premières. Dans les cas
de dissociation de la sensibilité, dite dissociation syringomyélique,
coiiiine on la vu ci-dessus, l'anesthésie il la température accompagne
t'anesthésie douloureuse.
Comme pour le tact et la douleur, il est nécessaire de savoir que toute
la surface cutanée ou muqueuse ne réagit pas uniformément à la tempé-
rature : il l'état normal, certaines régions sont capables de discerner des
différences minimes de température.
Notlmagel, au moyen d'un appareil spécial, a montré que la sensibilité
thermique était surtout exquise pour des températures s'approchant de
celle de la peau, entre 25 degrés et 27 degrés C. Tandis que la peau des
joues et des tempes distinguent des différences de 4/10-7/10 C., celle du
dos n'apprécie que des dillérences de 1 degré C.
Tableau des différences de degré de température perçues
par la peau (d'après Nothnagel).
? .90 SENSIBILITÉ.
moyen d'étude^de la sensibilité douloureuse, et il serait à souhaiter qu'il
fùt plus souvent employé dans' les recherches cliniques/ Dans les cas
d'analgésie, la sensibilité électrique indifférente persiste seule et l'aug-
mentation du courant ne fait naître aucune douleur; inversement, lors-
qu'il y a hyperesthésie, l'excitation électrique la plus faible devient dou-
loureuse.. ..
Voici quelques chiffres comparatifs de la sensibilité électrique cutanée
des différentes régions du corps à l'état normal. Dans la première colonne,
les chiffres indiquent en centimètres à quelle distance on peut rapprocher
les deux bobines du chariot pour éveiller la sensation dite indifférente;
dans la seconde, la distance nécessaire pour provoquer une sensation -i
douloureuse.
Tableau de la sensibilité électrique cutanée
(d'après Bernhardt).
't'IiOUlt.l ? I)I, Ll si : \SIPI(.t't'I I.IBJI : C'l'll ? . 291
une sensation spéciale qui n'est pas identique, à celle qui est engendrée
car le mouvement passif; on la recherche au moyen du courant élec-
trique en s'efforçant de bien faire comprendre au malade ce qu'on veut
obtenir de lui, chose dit'ucHe parfois; il s'agit là, comme pour les teg-n-
ments cutanés, d'une sensibilité « sui generis », dite électro-musculaire.
En augmentant le courant, on détermine une sensation douloureuse;
celle-ci est d'ordre complexe, car il faut tenir compte de la participation
des nerfs cutanés à l'excitation électrique.
La sensibilité électro-musculaire peut être diminuée dans certaines
affections médullaires, comme le tabès; d'autres fois elle peut être exaltée.
Nous ne parlons pas ici de la sensibilité des muscles à la pression,
constatée au moyen d'appareils spéciaux (myoesthesiometre de Bechte-
rew). L'élude de cette question se rattache à celle du sens de la pression
que nous étudierons plus loin.
B) Sensibilité articulaire. Tous les organes, entrant dans la
constitution des articulations (ligaments, capsule, cartilage), sont doués
de sensibilité; nous sommes ainsi renseignés sur l'étendue et le parcours
d'un mouvement actif, les autres perceptions de ce mouvement se
déterminant par la sensibilité musculaire. Pour certains auteurs, la per-
ception consciente d'un mouvement actif serait même entièrement due il
la sensibilité articulaire.
Il n'existe pas de moyen clinique pour étudier isolément la sensibilité
articulaire, indépendamment de la notion des altitudes que nous retrou-
verons avec le sens musculaire.
C) Sensibilité des troubles nerveux. La pression des troncs
nerveux éveille une sensation de fourmillement particulière qui irradie
dans la sphère de distribution du nerf comprimé; si on augmente la
pression, la sensation devient nettement douloureuse. On recherche en
pratique la sensibilité des troncs nerveux, de préférence dans les régions
où ils sont superficiels, et où ils reposent sur un plan osseux : nerf cubi-
tal dans la gouttière 1"pitl'ochlé<'l1lw. nerf scialique poplité externe au
.niveau de la tête du péroné, par exemple.
'. Lorsque la sensibilité des nerfs est exagérée, on peut l'apprécier même
lorsque ceux-ci sont profondément situés dans les tissus mous.
La douleur vive : 't la pression des nerfs est un signe important en semeio-
logie; elle s'observe dans les névrites. D'autres fois, au contraire, en
clinique on peut rencontrer de t'anesthesic des troncs nerveux à la pres-
sion. Ce signe est tout particulièrement fréquent dans le tabès où l'anes-
Ihésie du cubital (signe de lIi<'l'I1¡]ekÎ) peut être un des j'rcmiers syni-
1) ! ÙllIes de la maladie.
D) Sensibilité à la pression. Baresthésie. - La pression des
tissus profonds, exercée avec le doigt, éveille en nous une sensation spé-
ciale « sui generis », qui nous renseigne sur le degré de la pression
exercée en un point du corps et nous permet ainsi d'apprécier le poids
des objets. Dans la notion du sens de la pression iigurent des éléments
[ROUSSY.]
2')2 SENSIBILITÉ. 1
complexes, dans lesquels, à côté de la sensibilité musculaire et des
tissus profonds, les auteurs classiques font jouer un rôle a la sensibilité
cutanée. 11 est difficile, en effet, de limiter la part qui revient aux sensi-
bilités superficielles et aux sensibilités profondes; c'est pourquoi, jus-
qu'ici, les neurologistcs confondent, en général, la sensibilité à la pression
avec la sensation de contact et n'attachent aucune importance aux troubles
de la première en séméiologie nerveuse.
Des travaux récents, non mentionnés encore dans les traités classiques,
sont venus jeter quelque clarté dans cette question et montrer qu'à la
notion du sens de la pression s'attache un intérêt à la fois doctrinal et
séméiologique. Ceci nous oblige à entrer ici dans quelques détails.
Von Strumpell (') a montré que la sensibilité à la pression est indépen-
dante de la sensibilité tactile et qu'elle constitue un mode spécial de la
sensibilité générale tout à fait indépendant. 11 est arrivé à ce résultat par
l'observation clinique en constatant chez un certain nombre de malades
(paraplégiques, hémiplégiques, tabétiques, etc.) une disparition com-
plète de la sensibilité il la pression, avec conservation parfaite de la sen-
sibilité au contact. 11 s'agit donc là de deux formes distinctes de sensibilité
qui peuvent être nettement dissociées en clinique. Pour Strümpell, la sensi-
bilité à la pression n'est pas ou fort peu transmise par la peau; la pression
de la peau chez les individus présentant une certaine laxité des tégu-
ments permet de voir que la pression de la peau soulevée ne révèle pas
la sensation de pression; mais ce sont les terminaisons nerveuses des
tissus mous sous-cutanés (muscles, tendons, aponévroses) et du périoste
qui se chargent de ce rôle. La sensibilité à la pression, connue le sens
musculaire et la sensibilité vibratoire, est donc une modalité de la sensi-
bilité profonde (Marinesco) ; sa transmission dans la moelle se ferait par
les cordons postérieurs. En opposition avec la dissociation syringomyélie-
que, il faut placer, d'après Strumpell, une nouvelle forme de dissociation
de la sensibilité, dite du « type des cordons postérieurs » : perte de la
sensibilité au tact, à la pression et au mouvement, avec conservation des
sensations douloureuses et thermiques.
La sensibilité à la pression est dite baresthésie (Marinesco) ; comme
les autres modalités de sensibilité, elle peut être diminuée, barhypoes-
litésie; abolie, baranesthésie ; ou exaltée, &et ? 7cr ? cc.
Recherche. Pour explorer la sensibilité à la pression, on peut sim-
plement comprimer avec l'index, avec un dé à coudre ou tout autre
instrument mousse, la région à explorer; cette méthode élémentaire suffit
ordinairement en clinique. Pour obtenir plus de précision, on se sert
d'appareils spéciaux, dits baresthésiomèlres (I : ulenLur). Les troubles
observés sont reportés sur un schéma ordinaire, ou encore, sur un
schéma d'écorché, où sont ligures les muscles et les tendons. D'après
1. A. von SrrUnrer;r.r.. Uehcr die Bedeulung der Sensiloilil3tshrüfungen mit foesondcrer
Berucksichtigung des Drucksinnes (Deiilsche mes, Woclreusclr., 22 et 24 sept. 1JOz).
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 293
Lulenburg, le front, les lèvres, les joues, les tempes et le dos de la langue
distinguent des différences de 11/40-1/50. La face dorsale et antérieure
des phalanges, de l'avant-bras, de la main, apprécient des différences
de 1/20-1/10, alors que pour les autres régions, comme le dos du pied
ou la face postérieure de la cuisse, il faut des différences de poids beau-
coup plus considérables.
Séméiologie. = Les troubles de la baresthésie se rencontrent dans un
certain nombre d'affections cérébrales, médullaires ou périphériques
(Striimpell, Marincsco, Bechterew) (2) et doivent donc aujourd'hui être
recherchés par les cliniciens. Marinesco, qui a [étudié une soixantaine de
malades cet égard, arrive aux conclusions suivantes : '
Dans le tabes les troubles de la haresthésie sont fréquents (24 fois
l. Les schémas des figures 5, 4 et 5 sont empruntés à llarinesco.
2. Neu ? CentrvlL., 1° novembre 1905. -
[RODSSY.]
Fig. 5. - Tabès. - Topographie radiculahe
des troubles de la sensibilité à la pression (1).
Fig. 4. - Tabes. Troubles de la sensibilité
. à la pression plus étendus.
-294 SENSIBILITE'.
sur 25) et coïncident en général avec ceux de la sensibilité vibratoire.
Ils sont plus marqués à l'extrémité des membres inférieurs, peuvent
revêtir la topographie radiculaire (voir fig. 5) aux membres supérieurs,
8`' cervicale et 1 dorsale). Habituellement bilatéraux et symétriques, ils
peuvent également occuper la région
nammaire et dorsale sous la forme
E.1.lui plastron anesthésique. Ces
roubles de la sensibilité à la pres-
,ion, associés à l'anesthésie vibra-
oirc, peuvent, dans le tabès, exister
seuls ou associés à des altérations
les autres formes de la sensibilité.
Dans les paraplégies, la sensibi-
ité à la pression peut être altérée
m même temps que les autres
ibrmes de sensibilité ou, au con-
traire, l'anesthésie à la pression et
m diapason peut exister seule,
dors que les sensibilités superfi-
cielles sont intactes.
Dans hémiplégie cérébrale, ces
[roubles peuvent exister et s'asso-
cient en général à l'altération du
sens musculaire et du sens stéréo-
gnostique. On les observe enfin
[laits les cas d'anesthésie hysté-
rique très prononcée.
E) Sensibilité osseuse ou
sensibilité vibratoire. Le
périoste est doué d'une sensibilité ? xquise, facile à démontrer expéri-
mentalement ou au cours d'opéra-
tions chirurgicales. L'application de
la sensibilité osseuse à la clinique
est de notion récente (Egger, '189') : -.
Dejerine). Elle est basée sur ce fait que la trépidation d'un diapason
appliqué sur un os provoque une sensation spéciale que le sujet peut
facilement analyser, et qu'il compare à un fourmillement ou à un courant
électrique. Cette sensation n'est nullement fonction des nerfs de la peau,
car elle peut persister dans les cas d'anesthésie cutanée; elle est une
modalité de la sensibilité profonde. D'après Dejerine et Egger, la vibra-
tion est un excitant spécifique de la membrane périostée : la sensation
est transmise uniquement par les filets nerveux du périoste. Pour Rydel (')
1. Arch. f. Psychiatrie 1l. Nervenheilk, Bd., 57, 2.
Fig. 5. Paraplégie. Troubles scnsitifs
à la pression.
THOUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 295
ci. Seilïer. elle est fonction non seulement du périoste, mais encore de
tous les nerfs des tissus sous-cutanés, et elle existe en un point quelconque
du corps. Ce n'est donc pas, d'après eux, de sensibilité osseuse qu'il faut
parler, . mais bien de sensibilité [vibratoire ou palleslhésie (u.),),w,
je vibre).
La sensibilité vibratoire peut-être diminuée, hypopalleslliésie; abolie,
]Jallaneslhésie; ou exaltée, lyheyallestlzésie.
Recherche. On se sert pour cela'd'un diapason doué d'une cer-
taine puissance de vibration; on en trouve aujourd'hui différents mo-
dèles dans le commerce/Le pied duTdiapason mis en vibration est
appliqué sur les différents points du squelette. Ou commence- par l'ap-
pliquer sur les apophyses épiphysaires des os longs, sur les malléoles
internes et externes du cou-de-pied, du genou, sur les extrémités des
phalanges, les apophyses internes et externes du poignet et du coude, etc
On passe ensuite aux diaphyscs des os longs, aux os de la face et du
crâne, etc.. jusqu'à ce qu'on ait examiné tout le squelette. Les résultats
obtenus sont reportés sur des schémas où sont figurés les différents os
du squelette (Dejerine et Rober).
En se servant d'un diapason d'un dispositif spécial, on peut apprécier
la durée de la perception vibratoire des différentes parties du corps
'(Rydel et Seiffer). Voir le schéma de l'état normal de la pallestliésie.
établi par ces auteurs (fig. 8).
IROnssr.l
1-'ig. Ij. - Diapason
de Hydcl et Seiffei.
Fit. 7.
296 SENSIBILITÉ.
Séméiologie. - Les altérations de la sensibilité osseuse ou vibratoire
s'observent fréquemment en clinique ; tantôt elles marchent de pair avec
les troubles des sensibilités superficielles, tantôt elles se présentent chez
des individus dont la sensibilité cutanée est normale. Habituellement
l'anesthésie vibratoire accompagne la perte du sens musculaire et la
perte de la sensation de pression.
L'anesthésie vibratoire peut quelquefois revêtir la topographie radicu-
laire. Elle est toujours plus marquée il la périphérie qu'à la racine des
membres.
Fig. 8. Schéma de pallesthésie chez un individu sain (d'aprés Hyde) et Sci1'fcr).
Les chiffres indiquent la durée de la perception.
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 297
Les altérations de cette modalité de la sensibilité se rencontrent dans
les différentes affections du système nerveux, de la moelle, du cerveau
et des nerfs périphériques; on les observe également dans l'hystérie.
Dans le tabès elles sont particulièrement fréquentes; elles peuvent
exister également dans la syringomyélie et l' Itématomyélie, dans les
compressions médullaires, dans les lésions médullaires en foyer, dans
l'hémiplégie cérébrale ou médullaire, enfin dans les névrites pé1'iphé-
1'igues. Dans le syndrome de Brown-Sequard, elle occupe le côté corres-
pondant à la paralysie motrice (Dejerine).
F) Sens musculaire. - tc tenne de-sens musculaire est employé
depuis Ch. Bell pour désigner la somme des perceptions que nos membres
nous fournissent sur leur position, leurs mouvements actifs et passifs,
la pesanteur et la résistance des objets et l'effort corrélatif qui en
résulte (Courbcon).ll sert à désigner des choses très différentes les unes
des autres et dans lesquelles les muscles ne jouent qu'un rôle tout à fait t
[ROUSSY.]
Fig. 9. Ilmianestl : ésic profonde dans l'hémiplégie. A gauche, troubles de la sensibilité
il la pression; il droite, troubles de la sensibilité vibratoire (Observ. persan., Bicètre, 1906).
9g : 1 - SENSIBILITÉ
secondaire. Il ne s'agit donc nullement d'un sens spécial. Aussi a-t-on pro-
posé d'autres, termes pour le désigner : sensation d'activité musculaire,
sensations kinesthésiques , sens des ccttztzcdes senieiztccines; le terme de
sens, musculaire reste le plus communément employé en -clinique, et
sous ce nom on doit comprendre les quatre notions, suivantes (Claparède) :
1° Notion de position;
2° Notion de mouvement passif;
5° Notion de mouvement actif;
4° Notion de résistance, de force et de poids.
Fig. 10. Tabes. Abolition de la sensibilité osseuse sur tout corps, sauf le crâne
et la face, les clavicules et le sternum chez une ataxique âgée de quarante-six ans (d'après
Dejerine).
Fig. 11. - - Tabes. Abolition de la sensibilité osseuse dans les os du .membre, inférieur,
. le bassin elles cinq dernières côtes, chez la malade précédente (d'après Dejerine). ' .
Fig. 12. - Défaut de parallélisme entre la topographie de l'anesthésie cutanée et de l'anesthésie
osseuse dans un cas de compression, médullaire (d'après Rydel et Seiffer).
'TROUBLES DE LA, SENSIBILITÉ 'OBJECTIVE. 299.
1 La notion de position ou sens des attitudes segmentaires, nous
permet à chaque instant de dire, les yeux fermés, dans quelle position
se trouve tel ou tel segment de nos membres; il ne s'agirait pas ici
(d'après Claparède) d'une sensation primitive sui generis, mais d'une
notion acquise, d'un jugement fondé d'une part. sur une série de sensa-
tions organiques locales, et, d'autre part,. sur une association d'idées
(souvenirs visuels) acquises par l'expérience. Une excitation périphérique
(mouvement, pression, choc, etc.) est nécessaire pour faire naître ces
sensations locales.
On recherche la notion de position en clinique, en faisant fermer les
yeux aux malades et en imprimant aux segments d'un membre qu'on
suppose atteint de troubles de ce sens différentes positions, en. com-
mençant par des positions simples, faciles à expliquer ou à reproduire
avec le membre opposé, s'il n'est pas paralysé. On peut ainsi fléchir'
tous les doigts sur la pamne de la main, puis compliquer les positions des
doigts. On passe ensuite au poignet, au coude, et à l'épaule. On fera de
même pour le membre inférieur. Ces troubles de la notion de position,
comme ceux des mouvements actifs et passifs dont nous allons parler,
sont toujours plus marqués à la périphérie qu'à la racine des membres;
ils obéissent ainsi à une loi de topographie générale des troubles sensitifs
que nous énoncerons plus tard.
2° La notion du mouvement passif ou « sens kinesthésique » est pro-
voquée par le frottement des surfaces articulaires, la tension ou le relâ-
chement de la capsule, des ligaments, des tendons et la contraction des
muscles périarticulaires, ainsi que par le plissement de la peau et des
tissus mous qui environnent les articulations.
Pour apprécier la notion des mouvements passifs chez un malade, on
lui bande les yeux et on imprime des mouvements lents de flexion et
d'extension aux différents segments de tel ou tel membre, en invitant le
malade à indiquer la direction et le sens de ce mouvement. Dans cette
recherche assez minutieuse, certaines précautions sont indispensables :
'1 il faut obtenir de la part du sujet un relâchement musculaire complet,
car la moindre contraction musculaire fait entrer en ligne de compte les
éléments de perception du mouvement actif et de la résistance muscu-
laire; 2° on commencera par imprimer à l'articulation quelques rapides
mouvements de flexion et d'extension pour faire disparaître le souvenir
de l'attitude passive, que le sujet peut conserver après la fermeture des
yeux; 5" on aura soin, dans la flexion des phalanges, de ne pas prendre
les doigts du sujet en plaçant plusieurs doigts sur la face dorsale de ces
phalanges et le pouce sur la face palmaire, car ainsi les perceptions tac-
tiles différentes peuvent donner des renseignements et troubler les
résultats de l'expérience. L'observateur saisira le doigt du malade
à pleine main fermée, ou encore entre le pouce et l'index placés
latéralement, en s'efforçant d'exercer de chaque côté la même pres-
sion. . -.
[ROUSSI'.]
500 ' SENSIBILITÉ.
On a construit des appareils pour mesurer l'amplitude des mouve-
ments passifs, dits kineslltésiomètres (Goldscheider).
5° La notion du mouvement actif, elle aussi, est basée, sur les im-
pressions périphériques parties des surfaces articulaires et des tissus
mous environnants, mais l'exécution de ce mouvement serait précédée
de sa représentation mentale. La sensation périphérique subjective de la
contraction musculaire et de la tension ligamenteuse nous renseignent sur
la force et l'énergie déployées dans l'acte du moment (Claparède).
4° La notion de la résistance est le résultat de sensations musculaires'
et articulaires inusitées, non en rapport avec le mouvement exécuté. Dans
l'effort apparaissent en outre des impressions venant du thorax et de la
glotte. La notion de force est « une idée purement abstraite, naissant
« par abstraction de nos expériences de résistance et de nos expériences
« d'effort ». Enfin la notion de la direction du mouvement dérive des
notions du mouvement et de l'altitude qui sont étroitement associées
dans la vie pratique. La sensation de poids naît quand l'individu résiste
à la force de la pesanteur. La vitesse du membre qui porte l'objet inter-
vient dans l'appréciation du poids.
Les notions de résistance, de force el de direction des mouvements
ne sont guère susceptibles d'être appréciées par les moyens employés en
clinique. Par contre la notion du poids est, facile à étudier : pour ce faire,
on suspend au doigt, il la main, au bras du malade, un petit panier de"
papier ou d'osier, dans lequel on peut placer des poids ou des tares
(grains de plomb) de poids connus, et l'on compare avec le côté opposé.
A l'état normal, le membre supérieur peut reconnaître des poids de '1/iU
de différence; au membre inférieur il faut des différences de ;;0 il 5S gr.
On fait tout d'abord l'expérience en tenant immobile le membre du sujet,
ensuite on invite le malade à faire des mouvements pour soupeser le
poids qu'il doit apprécier. On peut également se servir de deux petites
boîtes en carton fermées (boites de couvre-objet, par exemple), dont l'une
est vide, l'autre pleine de sable ou de grains de plomb. On les place
simultanément sur la paume ou le dos de la main, en demandant au ma-
lade d'indiquer laquelle est la plus lourde; on lui ordonne ensuite de
prendre et de soupeser simultanément les deux boîtes placées devant
lui et de distinguer la plus lourde de la plus légère. Ce dernier procédé
des boîtes de carton, quoique grossier, est facile à employer lorsqu'on
est en présence de malades présentant de gros troubles de la sensibilité
profonde.
La perte de la notion de poids se rencontre presque toujours dans les
cas d'atteinte marquée du sens musculaire.
IAabolition du sens musculaire, dans ses différents éléments compo-
sants, que nous venons d'énumérer,va souvent de pair avec lïm'om01na-
lion motrice ou ulctxic. Ce phénomène étant étudié dans une autre
partie de ce traité, à propos des troubles moteurs, nous n'avons pas à
nous en occuper ici. Signalons simplement les rapports intimes de
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. Ô01
l'ataxie avec les troubles de la sensibilité profonde et en particulier du
sens musculaire; ce qui justilie l'opinion qui fait dépendre l'ataxie, des
altérations des sensibilités profondes, dans les affections nerveuses péri-
phériques et dans un grand nombre d'affections centrales, comme le tabes
ou les lésions cérébrales en foyer.
Séméiologie. La perte du sens musculaire accompagne en clinique
la perte des sensibilités profondes (articulaires, musculaires, dépression,
vibratoires). On peut donc l'observer dans l'hémiplégie cérébrale, dans
le tabès où elle est fréquente; dans les différentes paraplégies médul-
laires (par compression ou syphilis) ; dans les polynévrites et enfin dans
l'hystérie.
G) Sens stéréognostique. On désigne sous ce nom la faculté
que nous possédons de reconnaître par la palpation et le toucher, la na-
ture, la forme géométrique et les propriétés physiques, moléculaires des
objets, telles que propriétés de lisse, de rugueux, de dur, de mou, etc.
Le terme de sens stéréognostique a été établi pour la première fois
par Hoffmann. Comme pour le sens musculaire, il ne s'agit pas d'un sens
spécial, inné, mais bien d'une notion acquise par l'éducation et l'expé-
rience ; c'est le résultat d'un travail de synthèse psychique effectuée par
le cerveau aux dépens des impressions sensitives superficielles et pro-
l'undes venues de la périphérie. Aussi a-t-on proposé d'autres noms pour
le désigner : perception stéréognostique (Claparède), perception tactile
de l'espace (Dejerine). toucher actif (Dana). Ainsi considéré, le sens
stéréognostique n'est donc pas une fonction indépendante mais bien un
phénomène complexe de 1 activité cérébrale; c'est dans ce sens que le
terme de sens stéréognostique doit être employé en clinique. Certains
auteurs cependant, considérant avec lledlich et Wernicke qu'il s'agit
d'une fonction autonome, se sont préoccupés de rechercher les voies de
conduction médullaire de ce sens spécial et d'en établir la localisation
corticale (lobe pariétal).
La perte du sens stéréognostique est dite asléréognosie ou sté1'éoag-
11OSW.
On est encore aujourd'hui indécis sur les causes mêmes qui peuvent
déterminer la stéréoagnosie et sur les rapports qu'affecte ce trouble avec
les altérations de la sensibilité périphérique superficielle ou profonde.
On constate même une certaine confusion entre les termes employés par
les auteurs pour désigner des phénomènes analogues ou des faits diffé-
rents. Aussi croyons-nous utile, avant d'aller plus loin, de rappeler en
quelques mois ce qu'on doit entendre par asléréognosie, agnosie tactile,
asymbolie tactile (').
Agnosie et asymbolie. L' agnosie (-) consiste, d'une façon générale,
dans l'impossibilité de reconnaître les objets au moyen des différents
1. Cupahèiik. Revue neurohujui., 1906, nez 17, p. 805.
2. Voir plus haut l'article spécial de M. Moutier, page 226.
IROUSSV] ]
;¡02 SENSIBILITÉ. \ -
appareils sensoriels que nous possédons; il existe donc des agnosies
visuelles, des agnosies auditives, olfactives, tactiles et gustatives.
Dans le travail psychique complexe que nous effectuons pour rccon-
naître et comprendre un objet, il entre deux éléments différents : 1° La
notion de la forme de l'objet; 2° la notion de la compréhension de cet
objet. La forme, en effet, ne constitue pas nécessairement pour nous la
compréhension de l'objet, et nous pouvons décrire exactement un objet
que nous voyons, que nous palpons, sans pouvoir en dire le. nom ni en
indiquer l'usage, s'il s'agit de quelque chose (l'inconnu et que nous
voyons ou palpons pour la première fois.
La perception de la forme des objets a été appelée identification pl'i-
I/wil'e (W ernicke) au perception simple (Ilaharèdc); son défaut constitue
Y agnosie primaire. La notion de compréhension de l'objet, qui nous est
fournie par un travail d'associations d'un rang plus élevé, porte le 110111.
d'identification secondaire ou de reconnaissance intellectuelle : le
trouble de ce processus constitue l'asymbolie.
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 505
de localisation des lésions cérébrales en foyer. Un hémiplégique, en
effet, peut présenter des troubles partiels du sens stéréognostique ; il
pourra parfaitement reconnaître la forme, la dimension, l'état de lisse ou
de rugueux d'un objet, mais il sera dans l'impossibilité d'en dire le nom.
D'après la terminologie que nous avons adoptée, ce malade est atteint
d'asymbolie tactile; et ce l'ait suffirait, d'après certains auteurs, pour
permettre d'affirmer l'existence d'une lésion corticale, intéressant les
voies de connexions centrales nécessaires Ù l'identification secondaire.
Au contraire, un malade ayant perdu la faculté non seulement de dire
le nom de l'objet, mais encore d'en reconnaître la forme (stéréoagnosie),
présenterait des troubles plus nets des sensibilités périphériques et serait
atteint d'une lésion sous-corticale ou centrale (Wernicke, l3onhoeller,
l\anl1ond et Egger). Malheureusement une division aussi schématique
est difficilement applicable en clinique, d'autant plus que l'on peut ad-
mettre que Y asymbolie tactile, elle aussi, dépend de l'état de la sensi-
bilité périphérique, qu'elle n'est que le minimum de déficit de la percep-
tion stéréognostique et qu'elle répond au minimum de déficit dans
l'apport des impressions périphériques au sensoriiun.
Recherche du sens stéréognostique. On le recherche de la façon
suivante : le malade, ayant les yeux fermés, reçoit dans la main différents
objets usuels tels que : couteau , crayon, clef ', pièce de monnaie, montre^
mouchoir, etc.. qu'il doit reconnaître par la palpation. Une condition
s'impose : le sujet doit posséder la faculté de palper, non seulement pour
pouvoir saisir et tenir l'objet, mais aussi parce que les éléments de la notion
du mouvement actif jouent leur rôle spécial dans le travail de synthèse
psychique que doit effectuer le cerveau. C'est pourquoi, dans un grand
nombre d'hémiplégies où soit la contraction, soit la paralysie rendent la
palpation impossible, le sens stéréognostique ne peut pas être étudié.
11 en est de même dans les paralysies datant de l'enfance (hémiplégie
cérébrale infantile, paralysie obstétricale). Ici. les sujets, de par leur
impotence motrice, n'ont jamais pu apprendre il reconnaître par la palpa-
lion les différents objets. La notion du sens stéréognostique manque com-
plètement chez eux, du côté paralysé, par défaut d'éducation.
Valeur séméiologique. La perte du sens stéréognostique, quoique
ne nous permettant pas, dans l'étal actuel de nos connaissances, de porter
un diagnostic de localisation, dans les lésions des centres nerveux, con-
stitue néanmoins un symptôme important que tout clinicien doit prendre
en considération dans l'étude séméiologique des troubles de la sensibi-
lité. La stéréoagnosie peut être partielle ou totale; elle se rencontre
dans les Itélllianeslltésies ccm/< ? s,dans \clabes(oî\ elle est fréquente),
dans la névrite hypertropliique, dans les polynévrites infectieuses ou
toxiques, enfin dans Y hystérie. -
(ROUSSY.]
504 SENSIBILITÉ.
TOPOGRAPHIE DES TROUBLES OBJECTIFS DE LA SENSIBILITÉ
Les troubles objectifs de la sensibilité générale, superficielle ou pro-
fonde, obéissent à certaines lois qui en régissent la distribution topogra-
phique et qui sont subordonnées aux causes mêmes qui ont provoqué
ces troubles. La connaissance de cette distribution topographique est donc
très importante pour le clinicien; elle constitue un facteur de grande
valeur dans la discussion du diagnostic d'une affection nerveuse. On
peut avoir affaire à une localisation périphérique (suivant la distribution
périphérique des nerfs), radiculaire (suivant la distribution des racines),
segmentaire (métamél'1 : que), médullaire ou cérébrale.
Nous étudierons ces différentes variétés topogmphillucs et nous ver-
rons leur valeur en séméiologie nerveuse tout en faisant la description
des altérations sensitives que l'on peut rencontrer en clinique au cours
des différentes affections du svstème nerveux.
.
ÉTUDE SÉMÉIOLOGIQUE T
DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ DANS LES AFFECTIONS
. DU SYSTÈME NERVEUX
En se reportant aux données d'anatomie exposées au début de cel
article, on comprendra aisément qu'une lésion quelconque, portant sur
l'un des trois neurones sensitifs : neurone périphérique, neurone bulbo-
thalamique et neurone tlialamo-cortical, soit susceptible de déterminer
des troubles sensitifs, dont la disposition et les caractères varieront sui-
vant le siège des lésions en cause.
Il y a donc lieu d'étudier les altérations sensitives susceptibles d'être
rencontrées en clinique : '1" dans les affections de ['encéphale (hémi-
sphères cérébraux, pédoncule, protubérance, bulbe); 2° dans le*
affections de la moelle; 5° dans les lésions des racines rac Indiennes ;
4° dans les affections des nerfs périphériques.
A côté de ces troubles sensitifs d'origine organique, il en existe
d'autres dont la cause ne relève pas d'un processus pathologique du
système nerveux, mais qui paraissent dus il des altérations dynamiques
fonctionnelles de ce système. Nous aurons donc il décrire : 5° les troubles
de la sensibilité dans les névroses. Nous terminerons enfin par quel-
ques mots sur les troubles de la sensibilité dans les psychoses.
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. ;;0 : .
t 1. TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ
DANS LES AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
HÉMIANESTHÉSIE CÉRÉBRALE
La perte de la sensibilité occupant la moitié du corps dans sa totalité,
est dite « hémianesthésie ». Ce syndrome peut se rencontrer soit dans
les lésions destructives des centres nerveux (hémisphères, pédoncule,
protubérance, bulbe et moelle), soit dans les névroses comme l'hystérie,
où il se présente dans sa plus grande netteté. Nous allons décrire ici
l'hémianesthésie organique de cause encéphalique ou hémianesthésie
dite cérébrale. L'hémianesthésie spinale et l'hémianesthésie hystérique
feront l'objet de paragraphes distincts.
Causes. L'hémianesthésie d'origine encéphalique est produite par
une lésion unilatérale en foyer (hémorragie, ramollissement, tumeur,
plaque méningée, compression) ou par un traumatisme (fracture de la
voùte crânienne, etc.), lésion qui vient frapper la zone corticale sensitive
elle-même ou les voies de couduclion ascendantes sensitives dans la pro-
tubérance, le pédoncule ou l'hémisphère cérébral.
Début. Le début des troubles sensitifs, dans les affections céré-
brales peut se faire brusquement comme celui des troubles moteurs, à la
suite d'un ictus; il peut aussi être lent et progressif. Les troubles
sensitifs, marchant alors de pair avec les troubles moteurs, s'installent
petit à petit et sont précédés de lourdeurs, de fourmillements, quelque-
fois même de douleurs (douleurs hrélténcilégiqz.ces de Weir-Mitchell)
dans les membres d'un côté du corps.
Fréquence. Durée. L'hémianesthésie accompagne ordinairement
une hémiplégie motrice homologue, mais elle est loin d'en être une com-
plication nécessaire.
En effet, s'il est relativement fréquent d'observer des troubles sensitifs
chez un hémiplégique pendant les premiers jours qui suivent l'attaque
apoplectique, il est plus rare de voir persister l'hémianesthésie accentuée
pendant des mois ou même des années ( ! -2 pour 100, Pierre Marie;
23 pour 100. Recllich; 8 pour 100, Aba). Mais avec Verger, on peut dire
que les troubles sensitifs sont la règle dans l'hémiplégie, si l'on l'ait
entrer en ligne de compte les cas d hémianesthésie fruste ou passa-
gère.
L'hémianesthésie évolue parallèlement à l'hémiplégie au début, mais
ensuite elle all'ecte habituellement une marche différente. Le plus sou-
vent elle ne dure que quelques jours ou quelques semaines, alors que
les troubles moteurs persisteront des années ou indéfiniment; d'autres
lois, mais plus rarement, elle peut durer pendant des années et
suivre une marche légèrement régressive et parallèle aux troubles
moteurs (hémianesthésie persistante); d'autres fois, enfin, ce sont les
troubles sensitifs qui persistent indéfiniment et les troubles moteurs qui
Pratique veuuoi,. 20
, [ROUSSY] 1
506 ' . SENSIBILITÉ.
rétrocèdent rapidement : hémianesthésie thalamique (dans le cas de
lésion de la couche optique).
Distribution. L'hémianesthésie organique occupe le côté du corps
opposé à la lésion cérébrale. Elle s'arrête sur la ligne médiane du corps,
en la dépassant ordinairement de 1-2 centimètres; elle peut intéresser la
moitié des muqueuses correspondantes : bouche, narines, conjonctive.
Elle est toujours plus marquée au niveau des extrémités des membres
qu'à leur racine, plus intense également au membre supérieur qu'au
membre inférieur ou encore qu'à la face et au tronc, obéissant ainsi aux
mêmes lois que celles qui régissent la distribution des troubles moteurs
dans l'hémiplégie. Lorsque les troubles sensitifs sont en voie d'améiiu-
lei ? 13. - Hémianesthésie cérébrale. Anesthésie au.tacl, it la pirplre, avec erreur de loca-
lisation, paresthésie à la température. Troubles de la notion des attitudes au pied et il la
main gauches; perte complète du sens stéréognostique il gauche. fIémianopsie. Lésion
corticale : ramollissement du gyrus supramarginalis, du pli courbe, du pied de F3 de l'oper-
cule rolandique et de Tl. (Cas Charv ? Bicêtre, 1905)..
TROUBLES DE LA SENSIBILITE OBJECTIVE. 507
ration, ce sont les régions les moins atteintes qui recupèrent les pre-
mières leur sensibilité ; la marche vers la guérison se fait ici de la racine
vers l'extrémité du membre (Dejerine).
Dans l'hémianesthésie organique cérébrale, les troubles sensitifs re-
vêtent une distribution si régulière que l'on peut parler d'une topngra-
phie cérébrale des troubles sen-
sitifs.
Dans de très rares cas, l'anes-
thésie empiète sur le côté corres-
pondant, sous la forme d'une zone
d'hypoesthésie occupant le membre
inférieur. On a émis, pour expli-
quer ce fait, l'hypothèse de l'exis-
tence de fibres sensitives homolaté-
rales analogues aux fibres motrices,
ou encore l'existence d'une lésion
centrale, bilatérale. Cette question
n'est pas encore résolue.
Exceptionnellement enfin, à la
suite d'une lésion cérébrale bilaté-
rale, l'anesthésie peut envahir toute
la surface du corps.
Caractères. L'hémianesthésie
cérébrale est d'intensité variable;
exceptionnellement absolue comme
dans l'hystérie, elle est ordinaire-
ment incomplète ou fruste. Incom-
plète, elle n'intéresse que certaines
régions des téguments, la main ou
le pied; fruste, elle ne comprend
que des altérations de certaines
modalités des sensibilités superfi-
cielles ou profondes. Elle peut être
.lolale (intéressant la face, le tronc
elles membres) ou partielle, et revêtir, comme l'hémiplégie, la forme
monoplébique.
La sensibilité peut être touchée dans ses différentes modalités : tact,
douleur, température, sensibilité profonde (sens musculaire, sens sté-
réognostique) et cela de façon très inégale. On peut trouver ici toutes les
altérations que nous avons décrites à propos des généralités sur les
troublés sensitifs. Il faut savoir cependant que le plus souvent, c'est
à des modifications autant qualitatives que quantitatives que l'on a affaire
dans l'1]émianestliésie organique; aussi est-il nécessaire de rechercher
ces troubles avec le plus grand soin. Ce sont des perversions dans l'in-
lerprétation du lieu et du mode de la sensation, des paresthésics, de la
[ROUSSI'.] ]
Fig. 14. - Troubles de la sensibilité osseuse
dans le cas précédent.
308 .' i. SENSIBILITE.
lopoesthésie avec retard dans la perception des sensations et élargisse-
ment des cercles de Weber.
Ces faits sont d'autant ',plus marqués que l'hémianesthésie est pins
récente. « Il arrive assez souvent, dit Pierre Marie, clans les cas où
l'hémianesthésie est récente et encore assez prononcée, que l'hémipté-
gique soit hors d'état de démêler et d'indiquer la nature de l'excitation
douloureuse portée sur ses membres paralysés et de dire, par exemple,
s'il s'agit d'une piqûre, d'un pincement, d'une traction sur les poils, etc.
Quelquefois aussi les hémiplégiques ont une tendance à imaginer une
histoire pour expliquer la piqûre, dont ils ressentent en bloc la douleur,
sans pouvoir en analyser les modalités. C'est ainsi qu'un de mes
malades, quant on le piquait, déclarait qu'il y avait « des punaises dans
son lit » ; un autre accusait les élèves du service de s'être appuyés sur sa
jambe et de lui avoir fait mal. alors qu'en réalité, on l'avait tout simple-
ment piqué; ce défaut d'analyse peut être tel, que l'on voit des hémiplé-
giques retirer (par un lent et difficile mouvement de reptation, le seul
qui leur reste) le membre piqué, bien qu'ils déclarent ne rien sentir au
moment même où s'exécute cette retraite du membre; en réalité, ils ont
bien senti une douleur, mais leur faculté d'analyse est tellement affaiblie,
qu'ils ne s'en sont pas rendu compte, et que leur mouvement de
retraite, sans être purement réflexe. a été tout au plus subconscient. 11
arrive bien souvent aussi qu'un hémiplégique n'a même pas l'idée de
porter sa main saine sur le point où se fait la piqûre du côté paralysé :
ce mouvement de défense se trouve ainsi supprimé. »
Lorsque l'hémianesthésie intéresse, en même temps que la sensibilité
générale, les sens spéciaux, on dit qu'il y a hémianesthésie sezzsilivo-
sensorielle. Dans ce cas, il existe des troubles particuliers du goût, de
l'odorat et de la vue du même côté que l'hémiplégie. On rencontre assez
fréquemment des troubles de l'un ou de plusieurs des sens spéciaux chez
les hémiplégiques hémiancsthésiques au début; mais ces troubles senso-
riels ne sont que de courte durée (quelques jours ou quelques semaines
au maximum); ils sont souvent irréguliers, atteignant le goût ou l'ouïe
seulement par exemple; enfin, jamais ils ne prennent le caractère d'un
symptôme persistant. On peut expliquer la non-persistance de ces trou-
bles sensoriels (ouïe, odorat, goût) par ce fait, que leurs organes ont une
représentation corticale bilatérale, ce qui permet une suppléance assez
rapide, l'hémisphère resté intact parvenant .spontanément et graduelle-
ment à rétablir l'élaboration (\va impressions sensorielles. Pour la vue, il
n'en est pas de même, car les impressions visuelles n'ont qu'une repré-
sentation corticale unilatérale; aussi, lorsqu'une lésion aura détruit les
libres visuelles cérébrales d'un côté, il en résultera pour la vision un
trouble définitif et irrémédiable. C'est il ce trouble visuel, observé chez
les hémiplégiques, qu'on donne le nom d' hém ianopsie ou d' hémiopie
latérale homonyme; elle consiste, comme son nom l'indique, en une
suppression de la moitié du champ visuel binoculaire. du même côté que
1w TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 3t)i'
celui de l'hémiplégie et de l'hémianesthésie. (Pour tout ce qui a trait à
l'hérnianopsie, le lecteur se reportera au chapitre traitant de cette
question.
L'hémianopsie est donc le seul trouble sensoriel, persistant et défi-
nitif, qu'on puisse noter dans l'hémiplégie d'origine organique. Quant à
l'hémianesthésie sensitivo-sensorielle totale et complète, telle que la
concevait Charcot, nous verrons dans un instant, à propos de l'hémi-
anesthésie thalamique, qu'elle doit être considérée aujourd'hui comme
étant de nature purement hystérique.
Valeur séméiologique. La présence de l'hémianesthésie en cli-
nique présente un intérêt capital pour le neurologiste; par ses caractères,
et bien plus encore par son association à d'autres phénomènes morbides,
elle peut guider dans la recherche de la localisation d'une lésion cérébrale.
Il est indispensable pour cela que le malade soit sorti de la période de
coma ou de demi-coma dans lequel l'a plongé l'attaque apoplectique,
période pendant laquelle son état d'obnubilation cérébrale rend l'examen
de la sensibilité très difficile. S'il est, en effet, possible d'apprécier chez
un comateux une hémianesthésie très marquée, il est beaucoup plus dif-
ficile sinon impossible de noter chez lui la présence de troubles légers
de la sensibilité superficielle; il est enfin impossible d'examiner sa sen-
sibilité profonde.
Il faut savoir que certaines hémianesthésies du début disparaissent
rapidement, qu'elles peuvent être causées aussi bien par des phénomènes
d'ischémie ou d'excitation à distance que par les lésions même des fibres
sensitives. Pour ces différentes raisons, on n'attachera d'importance
qu'aux hémianesthésies durables, susceptibles d'être étudiées dans leur
caractère et leur évolution, et qui présentent réellement une importance
en séméiologie nerveuse.
,
VARIÉTÉS DE L'HÉMIANESTHÉSIE SUIVANT LE SIÈGE
DES LÉSIONS
En se reportant aux notions actuellement admises sur le trajet des
voies centrales de la sensibilité, il est logique de se demander si le siège
de la lésion dans l'encéphale, cortical ou central, pédonculaire ou
protubérantiel, peut donner à l'hémianesthésie des caractères dis-
tinctifs.
1° Hémianesthésie corticale ou sous-corticale.
Elle accompagne habituellement une hémiplégie motrice très pro-
noncée avec contracture; elle peut comme cette dernière revêtir la forme
monoplégique, ou encore se compliquer de phénomènes d'épilepsie
,jachsonienne, d'aphasie (lorsque la lésion siège dans l'hémisphère
gauche), ou enfin d'hémianopsie homonyme latérale (perte de la moitié
[ROUSSY.] ]
: 'il () SENSIBILITÉ.
du champ visuel, des deux yeux du côté opposé il la lésion, du même
côté, que l'hémianesthésie). Dans ce dernier cas, il faut que le foyer de
destruction corticale s'étende en arrière jusqu'au niveau du pli courbe,
et sectionne les voies visuelles. L'hémianopsie n'est pas un signe de
localisation corticale; on peut également la rencontrer dans les hémi-
anesthésies par lésion sous-corticale et centrale thalamique.
On s'est demandé si les caractères mêmes des troubles sensitifs, leur
intensité, leur topographie pouvaient suffire à attribuer une cause corti-
cale à telle ou telle hémianesthésie observée, abstraction faite de tout
autre symptôme (moteur ou aphasique) pouvant l'accompagner. Certains
auteurs admettent que l'on peut observer des hémiplégies par lésion
corticale purement sensitive (v. Monakow, Millier, Oppenheim), ou encore
des hémianesthésies avec hémiplégies légères, dans lesquelles on note, i.
côté d'une conservation relativement complète des perceptions élémen-
taires (tact, douleur, etc.), un trouble dans la localisation des sensations
et une perte complète de la faculté de reconnaître les objets (faculté
corticale, Wernicke et Bonhüffer). D'autres auteurs ne pensent pas que
les faits anatomo-cliniques permettent actuellement de faire un diagnostic
de localisation, uniquement basé sur les caractères différentiels des
anesthésies corticales.
Les caractères mêmes de l'hémianesthésie corticale ne paraissent donc
pas, jusqu'ici, suffire pour établir d'une façon certaine sa localisation
corticale; force est donc pour cela de s'appuyer sur les autres symptômes
corticaux que peut présenter le malade.
2° Hémianesthésie dite capsulaire.
Caractérisée par : une hémianesthésie totale, persistante et s'accompa-
gnant d'amblyopie avec rétrécissement du champ visuel, d'agueusie.
d'anosmie et de surdité, l'hémianesthésie capsulaire était considérée
comme relevant d'une lésion de la partie postérieure du segment posté-
rieur de la capsule interne, en un point où les fibres de conduction des
sensibilités générale et spéciale sont mélangées entre elles, mais indé-
pendantes des fibres de la voie pyramidale (carrefour sensit if' de Charcot).
Cette conception de l'hémianesthésie capsulaire n'est plus admise au-
jourd'hui, et cela pour les raisons anatomiques et cliniques suivantes :
1° La participation des sens spéciaux dans )'hémianes)hésie organique
est mise en doute par tous les auteurs ; l'immense majorité des cas
d'hémianesthésie sensitivo-sensorielle publiés doit être considérée comme
appartenant à l'hystérie; 2° les faits anatomo-cliniques ont montré que la
conception du soi-disant carrefour sensitif devait être abandonnée; il
existe en effet, en clinique, des cas de lésions du segment postérieur de
la capsule interne, se traduisant par de l'hémiplégie sans hémianeslllésin
(Dejerine et Long, Marie et (;aillain); 3° les cas d'hémianesthésie capsu-
laire persistante sont dus à la participation de la couche optique. l.e
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 5 H
thalamus représente, en effet, le relais des voies sensitives, qui toutes
s'arrêtent dans le ganglion avant de gagner le cortex et on sait aujourd'hui
que c'est à la lésion de la couche optique, et non pas à celle du segment
postérieur de la capsule interne, que sont dus les troubles sensitifs. A
l'hémianesthésie capsulaire doit être opposée aujourd'hui l'hémianesthé-
sie thalamique (Dejerine, Long, Roussy).
5° Hémianesthésie thalamique.
L'hénbianesthésie thalamique revêt les caractères attribués autrefois
aux hémianesthésies dites capsulaires, c'est-à-dire qu'elle est particuliè-
rement persistante et que dans les premiers temps qui suivent l'ictus elle
est assez fréquemment associée à. des troubles sensoriels. Ces derniers
cependant, à part les troubles de la vue, rétrocèdent rapidement, et ne
font plus partie du tableau symptomatique quelques mois après le début
de l'affection : ce sont des troubles fugaces, dont la cause anatomique
[ROUSSI'.] .
Fig 15. Hémianesthésie gauche superficielle et profonde. Perte du sens musculaire
et du sens stéréognostique à gauche. Ataxie légère. Durée 13 mois. Lésion de la
couche optique droite. (Cas Hudry. Thèse Roussy, 1907.)
512 2 SENSIBILITÉ.
nous échappe encore, car les connexions des voies sensorielles de l'ouïe,
du goût et de l'odorat avec la couche optique, sont encore fort mal
connues.
L'hémianesthésie thalamique présente, en clinique, très sensiblement
les mêmes caractères que les hémianesthésies. corticales : habituellement
les troubles de la sensibilité superficielle sont peu prononcés; on note de
l'hypocsthésie (au tact, au chaud et
au-froid) avec erreurs de localisa-
tion et élargissement des cercles
de Weber. Parfois, mais plus rare-
ment, il existe de l'anesthésie com-
plète. Les sensibilités profondes,
par contre, sont plus atteintes que
les sensibilités superficielles; le
sens musculaire et le sens stéréo-
gnostique sont totalement et défi-
nitivement abolis.
La lésion qui provoque cette
anesthésie siège presque toujours
au même endroit, c'est-à-dire au
niveau de la partie postérieure et
inférieure de la couche optique
(région où aboutissent les voies
sensitives), aux confins de la cap-
sule interne. C'est là ce qui explique
que, jusqu'ici, au cours d'un exa-
men anatomiquc macroscopique
insuffisant, on soit passé à côté de
la lésion de la couche optique, pour
accorder plus d'importance à la
lésion capsulaire dans la produc-
tion des hémianesthésies centrales.
L'hémianesthésie thalamique ne
s'observe pas,' comme l'liéluianes-
thésie cérébrale du reste, sans qu'il
n'y ait en même temps de l'hémi-
plégie plus ou moins marquée. Les
troubles moteurs peuvent être par-
fois très atténués; dans ce cas, on
se trouve en présence d'une ré-
mon de symptômes, à J'ensemble desquels on donne le nom de syndrome
thalamique (Dejerine et Roussy).
Ce syndrome, causé par une lésion occupant la partie postérieure de la
couche optique qu'elle détruit, et intéressant le noyau externe du thala-
mus dans son tiers postérieur, une partie du noyau interne, du centre
l'ig. 16. - Ilémianestlisie superficielle et
profonde, plus marquée au niveau de l'extré-
mité que de la racine des membres. Perte
complète de la notion de position des mem-
bres et du sens stéréo gnostique. - Douleurs
très vives à la face du même côté. Lésion
de la couche optique. (Cas Roy ? Roussy,
Revue neurologique, n° 6, IG09).
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVÉ. 515
médian et du pulvinar, ainsi que les fibres correspondantes du segment
postérieur de la capsule interne, est caractérisé par :
'10 Une hémianesthésie superficielle persistante, à caractère orga-
nique, plus ou moins marquée pour les sensibilités superficielles (tact.
douleur, température) , mais toujours très prononcée pour les sensibi-.
lités profondes ; .
2° Une hémiplégie légère, habituellement sans contracture et rapi-
dement régressive;
3° De l'hémiataxie légère et de l'asté1'éognosie plus ou moins com-
plète ; .....
4° Des douleurs vives du côté hémiplégie, persistantes, ]Jm'oxys-
. tiques, souvent intolérables et ne cédant à aucun traitement analgé-
sique ;
5° Des mouvements choa°éo-atlaétosiques dans les membres du côté
paralysé.
On peut se demander si l'hémianesthésie de cause thalamique ou
centrale diffère par elle-même de l'hémianesthésie de cause corticale ou
sous-corticale. .
On vient de voir que si, pour certains auteurs (Wernicke, Bonhâffer),
l'anesthésie corticale pouvait se présenter parfois avec des caractères
particuliers, cette opinion était encore loin d'être admise d'une façon
générale. D'autre part, la persistance des troubles sensitifs, caractère
important des anesthésies thalamiques ou thalamo-capsulaires, n'est pas
l'apanage unique de ces dernières et peut se rencontrer dans les lésions
étendues du centre ovale ou du cortex. Les caractères seuls des troubles
sensitifs sont donc insuffisants pour permettre d'affirmer qu'une hémia-
nesthésie est d'origine centrale (thalamique) ou corticale. Les éléments
du diagnostic différentiel reposeront donc sur les symptômes conco-
[ROUSSY.]
Fig. 17. Coupe horizontale macroscopique de l'hémisphère (cas précédent). - Cette coupe
est faile suivant un plan horizontal parlant de la face interne de l'hémisphère et passant
immédiatement au-dessous du genou et du bourrelet du corps calleux. Elle intéresse la
région thalamique inférieure et montre en ? ? / le foyer hémorragique.
514 SENSIBILITÉ.
mitants les différents signes du syndrome thalamique et notamment
les douleurs plaideront en faveur d'une lésion de la couche optique;
la présence de l'aphasie ou les phénomènes d'excitation corticale lais-
seront supposer une lésion du cortex.
Diagnostic des hémianesthésies cérébrales. Le diag-
nostic de l'hémianesthésie organique à type cérébral (corticale ou
centrale) offre souvent en clinique de grosses difficultés; celles-ci
s'expliquent par ce fait que dans l'hystérie on peut parfois observer des
hémianesthésies, qui simulent., à s'y méprendre, celles qui relèvent,
d'une lésion cérébrale. Nous verrons bientôt, par l'étude des troubles
sensitifs dans les névroses, sur quels caractères repose le diagnostic
différentiel entre l'hémianesthésic organique et l'hémianesthésie hysté-
rique.
4° Hémianesthésie pédonculaire, protubérantielle, bulbaire. J
Dans les hémianesthésies par lésions du pédoncule (calotte et région
sous-optique), de la protubérance et du bulbe, les troubles sensitifs
revêtent les mêmes caractères généraux que ceux de l'hémianesthésie
corticale ou thalamique. Mais certains signes nouveaux, résultant des
rapports qu'affectent les fibres de projection des voies sensitives et
motrices (soit entre elles, soit avec les origines radiculaires des nerfs
crâniens), viennent donner à ces complexus symptomatiques leur note
distinctive, et permettent de les diagnostiquer dans un certain nombre
de cas.
Hémianesthésie pédonculaire. Elle se rencontre dans les
lésions de la calotte pédonculaire qui intéressent le ruban de lleil médian ;
elle peut s'accompagner de paralysie totale ou partielle de la z` paire,
d'ataxie, dé mouvements choréiformeset de tremblements dans les extré-
mités paralysées. Dans le syndrome de Weber (hémiplégie avec strabisme
externe du côté opposé), on peut également avoir de l'hémianesthésie.
La paralysie de la 3e paire, accompagnée de l'hémiplégie croisée avec ou
sans hémianesthésie et avec tremblement constitue le « syndrome de
l3eneclili » .
Hémianesthésie quadrigemminale. - Dans les lésions des
tubercules quadrijumeaux, on peut observer de l'hémianesthésie plus ou
moins marquée et des douleurs. Les paralysies oculaires, surtout dans
les mouvements associés (Raymond), les troubles pupillaires, visuels,
auditifs, les désordres ataxiques sont les différents symptômes considérés
comme relevant de la pathologie des tubercules quadrijumeaux.
Hémianesthésie protubérantielle. - Dans les hémianesthésies
d'origine protubérantielle, on peut observer des anesthésies alternes,
clans lesquelles les troubles sensitifs siègent la face, du même côté que
la lésion (par participation des fibres radiculaires de la racine descen-
dante du trijumeau) ainsi que sur le tronc el les membres du côte
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. ;; 1 : . 1
opposé. Habituellement les troubles sensitifs se superposent aux troubles
moteurs et l'on a des « paralysies alternes sezsitivo-uot,7°ices ». C'est
le syndrome de Millarrl-Gubler (paralysie des membres d'un côté, avec
paralysie faciale et strabisme interne du -côté opposé), auquel se sur-
ajoute r/ietK ! 6tMCS</S ?
L'hémianesthésie d'origine protubérantielle l'ait enfin partie du
tableau clinique du « syndrome prolubéranliel supérieur » de Raymond
et Cestan('). Ce syndrome se caractérise par une hémiplégie légère avec-
intégrité des réflexes, une hémianesthésie superficielle et profonde très
marquée avec fourmillements et douleurs dans les membres atteints,
des mouvements choréo-athétosiformes, de l'asynergie, du tremblement
statique, de la dysarthrie et enfin, fait capital, une paralysie oculaire
des mouvements associés de bilatéralité avec secousses nystagmiformes
dans l'élévation ou l'abaissement des yeux.
Hémianesthésie bulbaire. Les rapports intimes de la racine
descendante spinale du trijumeau avec la voie sensitive, expliquent la
possibilité de l'hémianesthésie alterne d'origine bulbaire.
A l'appui de faits anatomo-cliniques dans lesquels on observe, par
suite d'une lésion bulbaire, de l'hémiataxie d'un côté du corps avec
analgésie et thermo-anestbésie du côté opposé (Oppenheim). alors que
la sensibilité tactile et le sens musculaire sont intacts de ce côté, on a
voulu localiser dans des faisceaux distincts du bulbe la transmission des
sensibilités douloureuses et thermiques d'une part, de la sensibilité
tactile et du sens musculaire d'autre part.
r Ces faits attendent encore de nouvelles confirmations.
L'hémianesthésie d'origine bulbaire entre dans la constitution du
« syndrome bulbaire» de Ilahinski et Na(reotte (2) (hémiasynergie, latéro-
pulsion et myosis du côté de la lésion, avec hémianesthésie et hémiplégie
sensitivo-ll1l1lriee croisée (voir article SY : 'i(})\(HOE bulbaire).
Il. - TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ DANS LES AFFECTIONS MÉDULLAIRES
f'
Dans les myélopathies, les troubles objectifs de la sensibilité peuvent 1
revêtir différentes distributions topographiques. On peut observer soit
le type hémiplégique, soit le type paraplégique, soit le type radiculairc.
suivant que la substance grise et les cordons blancs sont pris séparément
ou simultanément, ou bien suivant que les racines postérieures sont
atteintes ou non par la lésion. Il n'y a donc pas, il proprement parler,
de topographie médullaire. Ces troubles intéressent il la fois ou séparé-
ment les divers modes de sensibilité superficielle ou profonde, et peu-
vent présenter les différentes variétés d'altérations que nous avons
étudiées dans un chapitre précédent (page 280).
1. Gazette des Hôpitaux, 1005, n" 812.
2. Nouvelle iconographie de la Salpélrièrc, Il'' n. I ! 10` ? .
[R 0 US SY. j
HO SENSIBILITÉ.
I" Hémianesthésie spinale.
Causes. Elle est due il une lésion médullaire unilatérale : trauma-
1 ir/Ill' (hémisection par instrument tranchant, hémicompression par
hématorachis à la suite de plaies pénétrantes du canal vertébral, par
luxation ou fracture du rachis), ou spontanée (tumeurs, syphilis ou
tuberculose des os, des méninges, de la moelle; hématomyélie, foyer de
ramollissement).
Caractères. Suivant le siège, de la lésion en hauteur, l'anesthésie
peul intéresser soit les deux membres et le tronc d'un côté du corps (si
la lésion se trouve au-dessus du renflement cervical), soit seulement la
partie inférieure du tronc et le membre inférieur de ce côté (si la lésion
existe au-dessous du renflement cervical). Lorsque la compression cervi-
cale se trouve haut placée, elle peut intéresser les premiers nerfs cervi-
caux et déterminer de l'anesthésie du cou; la face, par contre, reste
toujours indemne, ce qui s'explique puisqu'elle reçoit son innervation
sensitive du trijumeau.
L'hémianesthésie spinale est donc toujours partielle, contrairement à
l'hémianesthésie cérébrale, qui est ordinairement totale. Elle revêt soit
le type hémiplégique, atteignant un seul côté du corps, moins la face,
soit plus souvent le type hémi-paraplégique. Comme dans les anesthésies
de cause cérébrale, les troubles sensitifs ne sont habituellement pas
complets et absolus, mais ils varient, suivant les cas, dans leur modalité
cl leur intensité. Le plus souvent, l'hémipléuie spinale sensitive revêt,
tant par ses modalités propres que par son association aux phénomènes
moteurs, des caractères particuliers dont l'ensemble constitue le « syn-
drome de Bî,oivii-S(;qîi(ii(1 » : « hémiplégie ou hémiparaplégie avec
anesthésie croisée. »
On note dans ce syndrome, aux régions sous-jacentes à la lésion :
10 ° Du côté de la lésion : .'
a) de l'hyperesthésie pour tous les modes de sensibilité superficielle;
b) une zone d'anesthésie étroite, transversale, faisant suite aux ré-
gions hyperesthésiques, et située juste au-dessus d'elle;
c) enfin, une nouvelle zone hyperesthésique surmontant la précédente;
d) la perte du sens musculaire, la diminution ou l'abolition de la sen-
sibilité osseuse ;
e) une hémiparapiégie ou une hémiplégie (suivant le siège en hau-
teur de la lésion); de l'élévation de la température et des phénomènes
paralytiques sympathiques (myosis, cnophtalmie, rétrécissement de la
fente palpébrale), enfin des troubles respiratoires, lorsque la lésion
siège dans la région cervicale.
2° Du côté opposé à la lésion :
y une anesthésie superficielle totale (tact, douleur, température)
dans les régions correspondant aux parties paralysées de l'autre côté;
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE.. 517
b) de l'intégrité des sensibilités profondes (sens musculaire, sensi-
bilité ossense) ; ..
c) une bande étroite d'hyperesthésie légère, au-dessus de la zone anes-
thésique; ..
d) l'intégrité parfaite de la motilité.
L'hémiplégie sensitive spinale ne revêt pas fréquemment en clinique
une disposition topographique aussi schématique; habituellement, on
observe, dans le syndrome de Brown-Séquard, de l'anesthésie d'un côté
avec paralysie du côté opposé, avec ou sans hyperesthésie.
Diagnostic. Lorsque l'hémianesthésie spinale fait partie du syn-
drome de Brpwn-Séquard, elle est facile à diagnostiquer; si le syndrome
est peu net ou absent, la non-participation de la face aux troubles sensi-
tifs et moteurs plaide en faveur d'une* lésion médullaire. Dans l'hys-
térie, l'hémianesthésie intéresse presque toujours la face.
[ROUSSY.1
fit. 18. Syndrome de Brown-Séquard. llémisection de la moitié droite de la moelle par
coups de tranchet; laminectomie. A droite, paralysie motrice du membre inférieur, avec
hyperesthésie pendant les premiers jours. A gauche, -anesthésie très nette jusqu'au niveau
de l'aine, zone d'hypoesthésie au-dessus, surmontée elle-même d'une petite zone d'hyper-
esthésie (en pointillé). (Cas nlén..., Bicètre, z1905).
3 ! S . SENSIBILITE.
2° Paraplégie sensitive.
Causes. Elle se rencontre, dans les lésions intéressant la moelle
sur une grande partie de sa largeur, ou dans sa totalité (compression
médullaire par fracture ou luxation du rachis, par lésions inflammatoires
ou néoplasiques des vertèbres, du tissu conjonctif, des méninges, de la
moelle; par myélite transverse, syphilis médullaire, mal de Pott, etc.).
Caractères. Dans la paraplégie sensitive, l'anesthésie occupe les
membres inférieurs et remonte plus ou moins haut sur le tronc, sans
dépasser jamais les membres supérieurs. Les deux membres inférieurs
peuvent être atteints au même degré, mais le plus souvent ils le sont à
des degrés différents. Parfois les troubles scnsitifs, comme les phéno-
mènes moteurs du reste, apparaissent brusquement et s'installent simul-
Fil ! . 10. Paraplégie sensitive dans un cas de mal de Pott. Ancsthésie au tact, à la douleur,
moins marquée à la température (Cas Jouss..., Bicêtre, 1898).
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 519
lancinent dans les deux membres (dans les cas de fracture ou de luxation
du rachis, par exemple). Plus souvent, ils apparaissent petit à petit, en
commençant par un des membres. Une fois la paraplégie sensitive
installée, l'anesthésie se montrera le plus marquée dans le membre sur
lequel a débuté l'affection.
La paraplégie sensitive peut accompagner la paraplégie motrice, mais
elle n'en est pas une complication nécessaire; nombreux sont en effet
les cas de paraplégie motrice sans troubles sensitifs. Par contre, les
troubles sensitifs à type paraplégique n'existent guère sans troubles mo-
dans les affections organiques de la moelle (exception faite pour
la syringomyélie et l'hématomyélie). Dans l'hystérie, au contraire, on
observe des troubles sensitifs sans troubles moteurs.
Les rapports d'intensité qu'affectent entre eux les troubles moteurs et
sensitifs sont également variables. A une paralysie motrice spasmodique
intense peuvent correspondre des troubles sensitifs très légers; mais
inversement, à une paraplégie sensitive marquée correspond ordinaire-
ment une paralysie motrice grave. Lorsque la paralysie est flasque, totale
et persistante, l'anesthésie dans les régions homologues est ordinai-
rement absolue.
L'anesthésie peut être complète ou incomplète, et présenter toutes les
modalités d'altération que nous connaissons (retard, dissociation syrin-
gomyélique, etc.). Suivant quelques auteurs, l'intensité des troubles
sensitifs pourrait servir à apprécier le degré de compression médullaire
(VanGehuchten)('). .
L'étendue de l'anesthésie dépend du siège de la lésion médullaire; sa
limite supérieure correspond à la distribution cutanée des racines posté-
rieures intéressées et revêt une topographie radiculaire. Nous revien-
drons tout à l'heure sur ce point, en faisant l'étude séméiologique des
troubles sensitifs à topographie radiculaire.
Diagnostic. Le seul diagnostic qui soit à discuter ici est celui de
la paraplégie sensitive par lésion médullaire avec la paraplégie sensi-
tive hystérique. Dans ce dernier cas, les troubles sensitifs peuvent exister
sans troubles moteurs, ce qui ne se voit pas dans les anesthésies para-
plégiques organiques, si ce n'est dans la syringomyélie ou l'hémato-
myélie ; mais, dans ce cas, la dissociation des troubles sensitifs à type
syringomyélique permettra de faire le diagnostic.
Lorsque les troubles moteurs et sensitifs sont associés, on procédera
comme pour le diagnostic différentiel des hémianesthésies organiques
et fonctionnelles (voir plus loin, page 556).
5° Troubles sensitifs à topographie radiculaire.
Cette disposition des troubles de la sensibilité est réalisée dans les
affections médullaires limitées à la substance grise (hématomyélie, syrin-
I. Presse médicale, 1 X ! HI.
[ROUSSY.] ]
520 - " ' ' SENSIBILITE.... '
gomyélie), aux cordons postérieurs (tabès), et dans les compressions de
la moelle intéressant en même temps les racines. - . .
La topographie, radiculaire appartient autant aux lésions des racines
rachidiennes qu'à celles de la moelle épinière, mais comme le plus sou-
vent, en clinique, lésions médullaires et radiculaires marchent de pair
(compression, méningite, tabès), nous allons étudier ici, à propos de la
moelle, la topographie radiculaire de l'innervation cutanée.
TOPOGRAPHIE RADICULAIRE DE L'INNERVATION CUTANÉE
» La projection des fibres d'une racine postérieure sensitive sur la peau
ne revêt pas le même mode de distribution que celle des filets nerveux
Fig. 20. Territoires cutanés du membre supérieur. Schéma, d'après Soulié.
. (Territoire des nerfs).
- TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 531
sensitifs, établie par les anatomistes : Ce sont les travaux des physiolo-
o-istes comme Sherrington, et des cliniciens comme Kocher, Thornburn,
Allen Starr, Head, qui nous ont fait connaître la distribution sensitive
radiculaire des téguments. Celle-ci se présente sous la forme de bandes
parallèles entre elles et nettement distinctes les unes des autres, bandes
parallèles au grand axe sur les membres, et perpendiculaires à l'axe
du corps sur le tronc. Un coup d'oeil jeté sur les schémas ci-dessous
permettra, de voir la différence considérable qui existe entre ces deux
variétés de topographie sensitive. Le territoire de représentation cutanée,
d'une seule racine postérieure peut correspondre au territoire de plu-
sieurs nerfs sensitifs.
PftATIQBE NEUML. ' 21
[ROUSSY.]
Fig. 21. Distribution radiculaire des nerfs du plexus brachial au membre supérieur.
Schéma d'après les données de )lad, de Thornburn, de Starr, etc., emprunté à Soulié
(Territoire des racines).
522 SENSIBILITÉ.
Il faut savoir également que chaque territoire cutané emprunte son
innervation sensitive au moins à trois racines (voir fig. 22), l'innervation
principale d'une racine étant ainsi complétée par une innervation acces-
soire des racines immédiatement sus et sous-jacentes. Celle loi, évidente
pour le tronc, s'applique également aux membres. Sur le tronc enfin,
les bandes de distribution radiculaire dépassent légèrement la ligne
médiane (Sherrington).
Les schémas donnés par les auteurs, sensiblement les mêmes pour
le membre supérieur, différent notablement entre eux pour le membre
inférieur, en particulier pour la distribution de la 4e lombaire et de la
l'e sacrée, dont les localisations cutanées respectives ne sont pas encore
définitivement établies. De nouvelles recherches sont encore nécessaires
pour éclairer ces différents points.
Les schémas de Kôcher et de Sciffcrt que nous reproduisons sont
les plus fréquemment employés actuellement.
Cette distribution radiculaire, bien connue aujourd'hui pour les sensi-
bilités superficielles peut également se rapporter aux troubles des sensi-
bilités profondes, et en particulier à la sensibilité osseuse, au sens sté-
réognostiquc et au sens musculaire.
Valeur séméiologique des troubles sensitifs à topographie radi-
culaire. L'importance de cette topographie connue valeur séméiolo-
gique est considérable, et nombreux sont les renseignements que la con-
naissance de ces faits relativement nouveaux a donnés et donne journel-
lement au clinicien, dans la recherche des causes et du siège d'une
affection médullaire. ,
A part les cas de lésions intéressant uniquement les racines (paralysies
radiculaires, radiculites), dont nous étudierons la symptomatologie au cha-
pitre suivant, la topographie radiculaire des troubles de la sensibilité se
Fig. 22. Distribution des libres sensitives des nerfs thoraciques. (D'après Sltcrrington.)
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 525
rencontre dans les affections de la moelle qui suivent : compressions
médullaires, tabès, syringomyélie, hématomyélie. Tout dcrnièrcment
[ROUSSY.]
Fig. 25. Territoires de distribution radiculaire des nerfs rachidiens, d'après Kochcr.
Face antérieure.
524 SENSIBILITÉ.
enfin, on a signalé la présence de la topographie radiculaire dans les
lésions de l'encéphale.
Dans les compressions médullaires, nous l'avons vu, la limite supc-
Fig. 23 bis. - Territoires de distribution radiculaire des nerfs rachidiens, d'après Kodwr.
Face postérieure.
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 525
riciirc de l'anesthésie prend une disposition topographique qui repré-
sente l'innervation cutanée de la première ou des premières racines inté-
ressées en hauteur par l'agent comprimant. La disposition de l'anes-
thésie, à sa partie supérieure, est donc un élément précieux de diagnostic
[ROUSSY.]
Fig. 24. - Schéma dc topographie radiculaire, face antérieure, d'après Scitlcrl.
52G SENSIBILITÉ.
du siège de la lésion médullaire; clic sera fréquemment mise à contri-
bution en pratique neurologique. Le clinicien, en effet, pourra, clans
nombre de cas, indiquer au chirurgien il quelle hauteur de la moelle
siège la compression, et parlant, à quel niveau de la colonne vertébrale
Fig. 2 Lis. Schéma de topographie radiculaire, face postérieure, d'après Scilfert.
1 1 , TROUBLÉS DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 527
il devra-.^opérer dans les interventions pour
tumeurs ou compressions traumatiques. Mais il
est important de sa-
voir que si, dans des
compressions cervi-
cales et dorsales su-
périeures, la limite
supérieure de l'anes-
thésie correspond à
peu près au niveau
de la région compri-
mée, dans les régions
dorsales inférieures
et lombaires l'anes-
thésie s'arrête au-
dessous du siège de
compression, et s'en
écarte de plus en
plus, à mesure que
l'on- descend. Ce fait
résulté de l'obliquité
des racines rachi-
diennes dorsales et
lombaires qui s'ac-
croît de haut en bas.
Il nous paraît donc
Fig. 25. Schéma du rap-
port entre les apophyses
et les racines chez un
adulte homme de 1m,76.
A droite sont numérotées
les apophyses épineuses, à
gauche les racines (d'après
Chipault).
Fig. 26. - Rapports des
émergences des nerfs ra-
. chidiens avec les apophyses
épineuses'. Figure sché-
matique construite d'après
les données des auteurs
et en particulier de Reid.
Les chiffres arabes indi-
quent les numéros des
apophyses épineuses, les
chiffres romains les nu-
méros des nerfs rachi-
diens ; c, le nerf coccy-
gien (d'après Soulié).
M8 SENSIBILITÉ.
indispensable de rappeler les rapports des racines rachidiennes avec les
corps vertébraux; ceci étant connu, avec un schéma de topographie
sensitive radiculaire sous les yeux, le praticien sera capable de localiser
dans bien des cas le siège d'une compression médullaire grâce à la
connaissance de la distribution des troubles sensitifs.
D'après Chipault, pour avoir le numéro des racines qui naissent au
niveau d'une apophyse épineuse, il faut ajouter au numéro de la vertèbre
correspondante : chez l'adulte 1 dans
la région cervicale, 2 dans la région
dorsale, ;) dans la région dorsale
inférieure (de la 6e à la- 11e ver-
tèbre dorsale).
La partie inférieure de la il° dor-
sale et l'espace interépineux sous-
jacent répondent aux trois der-
nières paires lombaires.
. L'apophyse épineuse de la
12e dorsale et l'espace sous-jacent
répondent aux paires sacrées.
Chez l'enfant il faut ajouter :
5 de la 1 ? il la 4e vertèbre dorsale
et 4 de la (i° à la 9e vertèbre dor-
sale.
Dans le tabès (Dejerine, llitzig.
Marincsco) les troubles sensitifs
objectifs sont souvent des signes
précoces, apparaissant au début de
la] maladie, et par suite doivent être
recherchés avec le plus grand soin.
Par leur topographie, ils pourront.
seuls ou mieux associés au signe
de Westphall et d'Argyll Robertson,
permettre de porter un diagnostic
précis. Lorsque l'affection est cons-
tituée, ils manquent rarement. Au
début, ils se présentent sous forme
de bandes transversales d'anesthé-
sie sur le thorax (au niveau des
seins), et sur le dos (au milieu des épaules), dans le domaine des 2 ?
5e, 4°, 5e, 6" racines dorsales. Souvent aussi, l'anesthésie envahit égale-
ment les faces antérieures et postérieures du bord cubital du bras, de ! 'avant-bras et même de la main (8'' racine cervicale et 1 ? dorsale);
elle peut occuper quelquefois le bord radial du membre supérieur (5",
6e racines cervicales). Rarement au début, mais fréquemment au cours
de l'évolution du tabès, les troubles sensitifs apparaissent aux membres
Fig. 27. - Anesthésie du bord cubital des
deux bras (Cvl11 et Dol) chez un fabrique.
(Cas Geo.... l31cctre, 1905).
TROUBLES DE LA SENSIBILITE OBJECTIVE. 5'2 ! )
inférieurs, sur la face externe de la jambe.(5° racine lombaire) et sur
la plante des pieds (1rye sacrée); plus tard encore ils peuvent envahir
toute la surface cutanée des membres inférieurs et du tronc jusqu'à la
région mammaire..
Dans les cas exceptionnels de tabcs à début par le cône terminal, les
troubles sensitifs se cantonnent au périnée, à l'anus, aux régions fes-
sières, aux organes génitaux (5e et 4e sacrées). Dans le tabès à début
cervical l'anesthésie siège au cou et à la nuque,- dans le domaine des 2e
et 5" cervicales. '
Quels sont les caractères de ces troubles sensitifs objectifs dans le
tabès ? Ce sont des modifications autant qualitatives que quantitatives des
sensations, qui peuvent intéresser séparément ou simultanément les
sensibilités superficielles et profondes. On retrouve donc ici les diffé-
rentes altérations sensitives que nous avons appris à connaître. Nous
nous contenterons d'en rappeler brièvement les plus fréquentes.
L'aneslhésie à la douleur est le signe le plus fréquent et le premier en
date; la thernio-aneslhésie, le plus rare. A noter ici qu'il s'agit non pas
d'une abolition complète, mais d'une diminution plus ou moins grande
des sensibilités douloureuses, tactiles, etc. Fréquemment aussi, on
. [ROUSSY.]
Fig. 28 et 29. Tabès. Topographie radiculaire îles troubles de la sensibilité tactile,
douloureuse, thermique et osseuse chez un alaxique de quarante-sept ans, ancien syphili-
tique. Aux membres inférieurs, surtout à gauche, le domaine de la 2' sacrée est épargné.
(D'après Dejerine).
550 SENSIBILITE.
observe des plaques d'hyperesthésie, d'hyperalgésie si intenses, que les
malades poussent des cris à la moindre piqûre et ne peuvent même sup-
porter le contact d'une chemise de toile sur la : peau.
. L'hype1'esthésie relative (Leyden) est caractérisée par- le fait qu'une
simple piqûre étant à peine perçue, une piqûre un peu plus forte
détermine une douleur intense, qui n'est pas en rapport avec l'inten-
sité de la piqûre..
Les sensibilités profondes sont fréquemment touchées, et leurs trou-
bles ne coïncident pas toujours avec ceux de la sensibilité superficielle.
La perte du sens musculaire, du sens stéréognostique., des sensibilités
osseuses et articulaires peuvent se rencontrer isolément ou associées à
de l'anesthésie ou de l'analgésie tactiles. Cette association des troubles
sensitifs superficiels (anesthésie et analgésie plus ou moins marquées
sans thermo-anesthésie), et. des troubles sensitifs profonds très prononcés
Fig. 50. Anesthésie tactile, douloureuse et dissociation de la sensibilité thermique à
topographie radiculaire (Cv CVI1) chez un syringomyélique âgé de 51 ans. (Cas 'liait...,
Bicêtre, 1900).
Troubles delà sensibilité objective..551
(perte du,sens musculaire et du sens stéréognostique), qu'on rencontre
habituellement dans le tabes, représente un type de troubles sensitifs
particulier, le type tabétique qui. est à opposer au type syringomyélique
(conservation du tact, abolition de la douleur et de la température, avec
intégrité habituelle des sensibilités profondes). Il est en effet tout à fait
exceptionnel de noter dans le tabes de la dissociation syringomyélique
de la sensibilité. Un signe fréquent, qui peut également servir pour le
diagnostic du tabes, c'est l'anesthésie du nerf cubital à la pression (signe
de Biernacki). ,
C'est dans le tabes enfin, que l'on observe le.plus souvent les diverses
variétés de paresthésies que nous avons décrites : aphalgésie, retard des-
sensations, fusion des sensations (tétanos sensitif, P. Marie), allo-
chirie, etc.
. [RODSSY ]
Fig. 51. Syringomyélie. -Ancsthésic (en grisé foncé) ct hypoesthésie (en grisé clair) tactile
et douloureuse, il topographie radiculaire (membre supérieur : 6 ? Cv, et accessoirement
Cyl Il; membre inférieur : Li, 1.1, LIII, LIV. Le domaine de Lv est épargné). (Cas Pré ....
Bicètre, 1901). -
552 SENSIBILITE.
Dans la syringomyélie et l'hématomyélie, on admettait autrefois que
les troublés sensitifs revêtaient une distribution dite segmentaire (limitée
à des segments de membre) ; aussi parlait-on d'anesthésie en gant, en
veste, en caleçon, etc.. (voir plus loin page 555)., On considère aujour-
d'hui (Laehr, Dejerine, van Gehuchten), que dans les affections limitées
de l'axe gris, aussi bien que dans les lésions des cordons postérieurs,
la distribution périphérique des troubles sensitifs est topographiée sui-
vant le type radiculaire. Au début de ces affections, le fait est facile à
constater; dans la suite, les troubles sensitifs envahissant tout un mem-
bre, par exemple, prennent à première vue une disposition soi-disant
segmentaire, mais en y regardant de près, et en s'appuyant sur les diffé-
rences d'intensité des troubles observés, on voit qu'il s'agit d'une distri-
bution radiculaire généralisée à tout ce membre. Par un examen attentif,
on arrive ainsi à reconstituer parfaitement le territoire distinctif de l'in-
Fig. 52. Topographie des troubles de la sensibilité thermique (dissociation)
chez le malade précédent.
" TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 335
nervation cutanée de chaque racine, grâce au processus d'envahissement
progressif des différents segments médullaires.
Les troubles sensitifs, dans la syringomyélie, occupent le plus souvent
les membres supérieurs et le tronc, plus rarement les jambes. Ordinaire-
ment symétriques, ils sont plus rarement unilatéraux; quelquefois ils
revêtent une forme hémiplégique. Rarement. ils sont croisés par rapport
aux troubles moteurs.
Les modalités d'altération de la sensibilité présentent des caractères
particuliers. On note, en effet, dans l'immense majorité des cas, de l'anal-
gésie et de la thermo-anesthésie avec intégrité complète ou relative de la
perception tactile : c'est la dissociation de la sensibilité dite dissociation
syringomyélique, presque pathognomoniquc de cette affection. Rappelons s
cependant qu'une telle dissociation peut faire défaut au cours de la
syringomyélie et qu'elle peut toutefois se rencontrer, quoique beaucoup
[ROUSSY.] ]
Fig. 33. - Distribulion dos troubles sensitifs (lad, douleur, température) chez un syrih-
gomyéliqne à l'orme spasmodique. (Anesthésie, en grisé foncé; hypoesthésie, en grisé
clair).
554. SENSIBILITÉ.. - ....
plus rarement, dans d'autres affections nerveuses, comme le tabès, les
paraplégies par compression, les polynévrites.
Dans les lésions cérébrales, on l'a vu, les troubles sensitifs, à l'instar
des troubles moteurs, présentent habituellement une topographie seg-
mentaire ; plus accentués à l'extrémité distale des membres, ils vont en
s'atténuant progressivement à mesure qu'on se rapproche de la racine
du membre. Il semble cependant, pour tenir compte de quelques travaux
tout récents (Madden, Klein, Bonhoffer, Mills et Weisenburg, .Fischer,
Goldstein) ('), que l'on doive admettre la présence de troubles de la sensi-
bilité à distribution radiculaire dans le cours de certaines affections
cérébrales. Leurs manifestations sont particulièrement fugaces, car ils
disparaissent très peu de jours après le début de la paralysie; c'est là ce
qui expliquerait la rareté avec laquelle ils sont notés. Cette topogra-
phie très spéciale de l'anesthésie cérébrale ne s'observe, semble-t-il, que
dans les lésions de la partie toute terminale de la voie sensitive (jamais
elle n'a été signalée dans les lésions centrales, thalamiques) ; elle incite
tout naturellement à admettre que les territoires cutanés radiculaires se
projettent au niveau de l'écorce, comme ils se projettent dans la substance
grise de la moelle. L'existence de ces troubles de sensibilité du v< type
spinal », au cours des affections strictement limitées à l'encéphale, doit.
conduire naturellement, en présence de troubles sensitifs à disposition
radiculaire, à rechercher désormais le siège cortical de toute lésion dont
les caractères ne révéleraient pas une origine spinale.
Avant de terminer ce qui a trait à la topographie de la distribution des
zones anesthésiques dans les affections de la moelle, rappelons en
quelques mots ce qu'on doit entendre par topographie métamériqÙe de
la sensibilité, tout en faisant remarquer qu'il s'agit là d'une théorie
actuellement abandonnée, qui a cédé le pas à la théorie radiculaire et
n'offre plus guère qu'un intérêt historique.
THÉORIE DE LA MÉT.AMÉRIE SPINALE
En se basant sur la disposition segmentaire des troubles sensitifs au
cours de certaines affections de la moelle, et en particulier de la syringo-
myélie, Brissaud a émis l'hypothèse que la projection cutanée dans la
moelle, se faisait suivant une disposition segmentaire. Il s'appuie sur le
développement ontogénique et phylogénique du système nerveux, pour
admettre hypothétiquement la persistance de la métamérie primitive des
centres nerveux. Le métamère ou ne1t1'OmèTe sert à désigner chacun des
segments superposés dont le névraxe se compose. La disposition méta-
mérique, évidente chez les annelés, existe encore, quoique moins appa-
rente, chez les reptiles, dont l'appareil nerveux périphérique presque
1. Voir J. LnEMUTTE, Semaine niécl., 1G juin 1909, p. 277.
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 555
en entier est représenté par les nerfs intercostaux. A une paire rachi-
dienne répond un métamère.
Chez l'homme, chaque paire segmentaire de la moelle, ou métamère,
correspond à un segment de l'individu : main, avant-bras, bras, etc.
Telle est la théorie de la métamérie spinale sensitive.
Pour le tronc, les métamères sont étages suivant un plan perpendicu-
laire à l'axe de la moelle ; dans le renflement cervical et lombaire, ils
sont disposés parallèlement à cet axe.
La théorie matémérique spinale n'a guère rallié de partisans. Aussi
Brissaud ('), modifiant en'partie sa première hypothèse, admet-il aujour-
d'hui que dans la syringomyélie, la topographie sensitive est à la fois
radiculaire (rhizomérique) et segmentaire (myélomérique) ; l'anesthésie
en tranche sur les membres, se prolonge à sa limite supérieure, suivant
une hande parallèle au grand axe de ce membre.
1. Presse médicale, 11 décembre 1901.
[ROUSSY.]-
Fig. 54. Disposition métamérique du renflement brachial
(schéma d'après Brissaud).
S. moelle épinière; M S, membre supérieur; BR, renflement brachial de la moelle; A, B, C,
métamères du tronc; il, 2, 5, centres métamériques du membre supérieur; z, ? s", zones
de sensibilité circulaire du membre supérieur correspondant aux centres métamériques 1, 2, 5 ;
i, i', i", nerfs intercostaux, (chacun d'eux correspond à un métamère primitif).
550 SENSIBILITE.
III. TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ
DANS LES AFFECTIONS DES RACINES RACHIDIENNES
Les lésions des racines rachidiennes intéressant la racine postérieure
dans le canal vertébral, avant sa réunion à la racine antérieure, le nerf
rachidien (formé par la réunion de la racine antérieure et de la racine
postérieure), dans le trou de conjugaison ou en dehors du rachis, déter-
minent des modifications de la sensibilité périphérique dont la distribu-
tion revêt le type radiculaire.
Causes. Ces lésions peuvent intéresser les racines :
1° dans le canal vertébral (méningite tuberculeuse ou syphilitique,
compression osseuse ou par lumeur, cancer vertébral, mal de Pott). En
général, elles portent en même temps sur la moelle et sur les racines
postérieures, et leur symptomatologie se confond;
2° dans le trou de conjugaison (par fracture ou luxation des corps
vertébraux);
5" en dehors du rachis (avant la réunion, des racines pour former
le nerf périphérique).
Ces lésions sont ou traumatiques ou spontanées. Tl'alllnaliques : ce
sont les plaies accidentelles, les sections chirurgicales, les paralysies
obstétricales, les traumatismes de la région ; non traumaliques : ce sont
les tumeurs de la région, les exostoses, les anévrismes, les névrites infec-
tieuses ou toxiques; la névrite apoplectiforinc (de Dubois).
Caractères. Lorsque les racines sont intéressées dans le trou de
conjugaison ou en dehors du rachis, les troubles sensitifs s'accompagnent
toujours de paralysie motrice homologue il topographie parallèle et
répondant à la distribution périphérique des racines motrices intéressées,
ce qui se comprend, étant donné qu'il partir du ganglion rachidien les
fibres sensitives sont intimement mélangées aux fibres motrices dans
le nerf.
Dans les cas de lésion intm-rachidienne, le parallélisme entre l'anes-
thésie et la paralysie n'est pas constant; les racines antérieures et posté-
rieures peuvent être lésées séparément ou simultanément, mais à des
degrés différents. Enfin, lorsque la moelle participe à la lésion (compres-
sion de la moelle et des racines), apparaissent des troubles sphinclériens,
des modifications des réflexes, des phénomènes paralytiques variables
suivant le siège en hauteur de la compression.
Les troubles sensitifs dans les lésions radiculaires sont variables; ils
peuvent intéresser les sensibilités superficielles et les sensibilités pro-
fondes; on observe tantôt de l'anesthésie complète ou incomplète, tantôt
de l'hypercsthesie ou des paresthesies. La durée et l'intensité de ces
troubles sont fonction de la nature de la lésion ; définitifs dans les sections
ou déchirures des racines, ils sont passagers dans les compressions et
peuvent disparaître avec elles.
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 557
Les lésions radiculaires peuvent exister seules ou associées à des
lésions de la moelle; en effet, certaines causes de lésions médullaires,
comme les compressions, intéressent habituellement en môme temps les
racines et la moelle. Nous avons donc à étudier les paralysies radicu-
laires par lésion des racines seules; nous verrons ensuite comment on
peut les différencier des lésions médullaires.
Lorsque les racines rachidiennes seules sont lésées, les troubles sensi-
tifs s'associent aux troubles moteurs (paralysie radiculaire sensilivo-
111Ol¡'ice des plexus), ou plus rarement ils existent seuls (paralysie radi-
culaire sensitive pure). La clinique montre que, s'il est possible de
conslater des lésions isolées d'une racine (paralysie uii°adiczclai°e), il
arrive beaucoup plus fréquemment que plusieurs racines soient prises
en même temps et constituent ainsi des types cliniques reconnus aujour-
d'hui comme classiques.
I. PARALYSIES RADICULAIRES SENSITIVES
DU PLEXUS BRACHIAL
Ces paralvsies radiculaires sont ordinairement à la fois sensitives et
motrices; elles se présentent suivant des types différents :
A) Type supérieur (Duchenne, Erb). L'anesthésie occupe les
régions d'innervation cutanée des 5e et 6e racines cervicales (sphère de
distribution des nerfs circonflexe, radial et musculaire cutané), sous la
l'orme d'une bande partant de la face externe de l'épaule et suivant le
bord radial du bras et de lavant-bras, en empiétant sur ses faces anté-
rieure et postérieure. lluelduefois l'anesthésie s'avance jusqu'à la ligne
médiane (6''et 7" cervicales).
Aux troubles sensitil's qui, à eux seuls, suffisent pour établir le dia-
gnostic de paralysie radiculaire, s'ajoutent ordinairement des troubles
moteurs répondant à l'innervation motrice des mêmes racines (5" et
(;' cerv.), soit une paralysie du biceps, du deltoïde, du brachial antérieur
et du long supinaleur,
Il) Type inférieur pllile lhjerine-Klumpke), Les troubles sensitifs
sont distribués dans le domaine de la 8e racine cervicale et de la 1 rc dor-
sale, et empiètent quelquefois sur celui de la lre cervicale. La bande anes-
thésique occupe le bord cubital de la main, de l'avant-bras et du bras
en s'avançant un peu sur les faces antérieure et postérieure du membre.
La paralysie motrice occupe tous les petits muscles de la main et les
fléchisseurs de la main. Le fait pathognomonique de ce type de paralysie,
qui en rend le diagnostic, facile, est l'existence, du même côté que la
paralysie, du syndrome sympathique (De je ri ne-KIlim pk l'). Il est constitué
par des troubles oculo-pupillaires (myosis, énophtalmic, rétrécissement
de la feule 1r.11pClmale) el. plus rarement, par un aplatissement de la joue,
une diminution des sécrétions lacrymale et sudorale, un rétrécissement
de l'ouverture d'une narine.
PIt : lTiyll : NI : UIt171.. 22
[ROUSSY.]
558 ' SENSIBILITE.
C) Type total. Dans ce type, l'anesthésie s'étend à tout le membre
supérieur; elle occupe la main et l'avant-bras et s'arrête à un ou deux
travers de doigt au-dessus du coude (Mme Dejerine-Klumpke); elle-peut
remonter plus haut, sur la face externe et postérieure du bras, jusqu'à
l'épaulé (5e, 6e, 7e, 8e cerv. ; 1''e dors.). La face interne du bras conservé
sa sensibilité normale ,(2`' et 5e dors.).
Les troubles moteurs consistent en une monoplégie brachiale totale et
absolue; le syndrome sympathique existe comme dans le type inférieur.
D) Type complexe. Type uniradiculaire. Les paralysies com-
plexes sont très fréquentes en clinique ; l'anesthésie, de même que la
paralysie motrice, occupe des régions appartenant à la fois au segment
supérieur et au segment inférieur du plexus (5e, 7e et 8e racines cer-
vicales, par exemple).
La paralysie uniràdiculai1'e est tout à fait exceptionnelle.
E) Paralysies radiculaires sensitives pures. La paralysie radi-
culaire sensitive pure du plexus brachial, considérée autrefois comme
très rare, paraît l'être de moins en moins, depuis qu'on recherche avec
méthode les troubles sensitifs dans tous les cas de phénomènes doulou-
reux du membre supérieur; ce qui a permis à Dejerine et à ses élèves
d'introduire en neuro-pathologie la notion nouvelle des « radiculites »
(Voir plus loin).
II. PARALYSIES RADICULAIRES DES PLEXUS LOMBAIRE
ET SACRÉ
Comme pour le plexus cervical, la lésion peut ici intéresser une seule
racine isolément ou plusieurs racines simultanément; et comme pour le
plexus cervical, la connaissance de la distribution sensitive cutanée des
différentes racines du plexus lombo-sacré nous permet de reconnaître
quelle est ou quelles sont ces racines lésées. II faut savoir cependant,
et ceci s'applique aussi bien au plexus cervical qu'au plexus lombaire
qu'une lésion d'une seule racine ne détermine pas, en général, de trou-
bles sensitifs objectifs (tactiles tout au moins) d'après la loi établie par
Sherrington, de l'empiétement de la zone de distribution cutanée d'une
racine sur les zones de distribution des deux racines adjacentes (voit-
page 522).
La délimitation précise des racines atteintes, est plus difficile à faire
ici que pour le plexus cervical; la distribution cutanée exacte de cer-
taines racines lombaires ou racines étant encore soumise à la discussion
(comparer à ce propos les schémas de distribution radiculaire donnés
pages 323-326.) En effet, si on connaît assez bien aujourd'hui la- distri-
bution radiculaire de la 4e racine lombaire et celle des trois dernières
racines sacrées (S,, S4, S5) prises en bloc (leur distribution individuelle
étant encore mal connue), on est moins avancé pour les autres racines du
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 559
plexus (L,, et L : ¡, S,, S2) dont la topographie cutanée varie beaucoup
suivant les divers schémas donnés par les auteurs. .
On comprendra donc qu'actuellement, le médecin cherchant à faire la
topographie d'une lésion radiculaire lombo-sacrée, à l'appui des schémas
existants, quels 'qu'ils soient, devra s'efforcer de les interpréter non pas à la
lettre, mais avec une certaine largeur d'esprit. Les paralysies radiculaires
du plexus lombaire, ou sacré s'observent en clinique, soit à la suite de
violents traumatismes portant sur la colonne. vertébrale lombaire et sacrée,
soit encore plus fréquemment à la suite de tumeurs du canal lombo-sacré.
Habituellement dans les cas de lésion de la région lombaire supérieure,
la moelle épinière (qui descend jusqu'à la 2° vertèbre lombaire) participe
à la lésion.
Ces paralysies ordinairement complexes et frappant plusieurs racines
en même temps, peuvent être ramenées d'une façon un peu schématique,
à deux types.
1° Type total (lombo-sacré). Dans ce cas, la lésion intéresse
toutes les racines lombaires et sacrées, et remonte jusqu'à la 1"e et
2e lombaires inclusivement. Cette lésion siège au niveau de la 2e vertèbre
lombaire. L'anesthésie occupe les membres inférieurs en entier, les
régions périnéales et génitales, et s'arrête en avant au niveau du pli
génito-cural, et en arrière, suivant une ligne passant par le bord supé-
rieur du sacrum. , .
Ce type total est presque toujours l'expression d'une lésion de la moelle
(cône. terminal qui se trouve à ce niveau); aussi les troubles moteurs
sont habituels et consistent en une paralysie flasque des membres infé-
rieurs ; il existe, en outre, des troubles sphinctériens (vésicaux et rec-
taux) et génitaux. .
L'anesthésie n'est donc ici qu'une composante du tableau symptoma-
tique présenté par le malade. , '
La même topographie des troubles sensitifs (type total) peut s'observer
dans les lésions de la moelle elle-même; il faut alors que la compression
siège au niveau du segment médullaire duquel sort la ï1'1' racine lombaire
(1er segment lombaire) ; ce segment correspond à la 11e vertèbre dorsale.
2° Syndrome de la queue de cheval. On donne le nom de queue
de cheval à l'ensemble des faisceaux radiculaires qui se trouvent au-des-
sous de la terminaison de la moelle (milieu du corps de la 2" vertèbre
lombaire) et qui sont représentés par les trois dernières racines lom-
baires, les racines sacrées et coccygiennes. Une compression de la queue
de cheval donne lieu au syndrome de la queue de cheval, constitué par
des troubles sphinctériens, génitaux, moteurs et sensitifs, 'à topographie
radiculaire dans le domaine de distribution des racines sacrées et lom-
baires inférieures. Dans ce syndrome les troubles de la sensibilité, et en
particulier ceux de la sensibilité objective, prennent une part importante
et sont d'un secours précieux pour préciser le. siège et l'étendue de la.
lésion. Le syndrome de la queue. de cheval peut être également donné
' [ROUSSY.]
: 540 - ' ' - . ? . SÉNStBmiTE. .; ? : ' "'
en clinique par une lésion intéressant. les segments, de la moelle lombo-
sacrée d'où partent les racines qui vont former la queue de cheval.
Examinons quelle est la topographie des zones d'anesthésie pour cha-
- C.111-le des racines de la queue de cheval ou ce qui revient au même, pour
chacun des segments de la moelle sacrée et. des trois derniers segments
lombaires. « - ' .
.a) Dans -les lésions siégeant au niveau des 5c; 4c et 5e racines
sacrées ou des segments sacrés correspondants (cône médullaire) :
syndrome radiculo-ségmentaire du -cône terminal. On noté une anes-
thésie de la région sacrée, de la plus grande partie des fesses en forme
de fer à cheval avec branches descendantes le long de la face. postérieure
des cuisses jusqu'à leur tiers supérieur ou moyen; de la marge de l'anus,
du coccyx, du périnée, de l'anus, de la partie inférieure et postérieure du
Fig. 55. Paraplégie syphilitique. Hypoesthésie légère pour le tact et la douleur sur le
dos et la plante du pied (partie du domaine de 1'5 elS¡). (Cas Desho..., Bicêtre, 1905).
' 'TROUBLES DE LA. SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 541
scrotum ou des grandes lèvres, et enfin du pénis. C'est l'anesthésie en
selle ou en fer à cheval, typique du syndrome du cône médullaire (1).
b) Si la lésion s'étend plus loin en hauteur, et s'arrête à la 5" racine
lombaire successivement, ou. si encore' elle intéresse pour les segments
médullaires correspondants, non plus seulement le cône terminal (trois
derniers segments), mais -la moelle sacrée donnant naissance aux pre-
mières paires sacrées et à la 'De lombaire on a le syndrome radiculo-
ségmentaire de la moelle sacrée : dans ce cas l'anesthésie comprend,
en plus des régions ci-dessus mentionnées, la face postérieure du tiers
inférieur de la cuisse, la face postérieure et moyenne de la jambe, la ré-
. 1. Pour certains auteurs, la face postérieure de la cuisse est innervée' par la 2° sa-
crée; mais la 5° envoie aussi des rameaux importants à cette région, ce qui explique
- l'anesthésie de la cuisse par lésion de cette dernière racine...
[ROUSSY.]
Fig. 56. Lésion de la queue de cheval par chute sur le sacrum. Anesthésie (en grisé foncé)
cl hypoesthésie (en grisé clair) dans le domaine de L5' Si' S2, S5, S4, SS' (Cas Ros....
Bicêtre, 1906). ·
512 SENSIBILITÉ.
gion du tendon d Achille. la plante du pied (S2 + SI); la région antéro-
externe de la jambe et le dos du pied (L5+S,). (Voir schéma de
Seittert.)
Enfin, s'il y a des douleurs, elles existent dans le domaine du sciatique.
c) Si la lésion de la queue de cheval est complète, c'est-à-dire si elle
intéresse toutes les racines qui la constituent, jusqu'à la 5'' lombaire
inclusivement (ou si la compression de la moelle siège au niveau du
;le segment lombaire), l'anesthésie occupe, en plus des zones aneslhési-
ques précédentes, celle de distribution des 4P et 3e racines lombaires, c'est-
à-dire la face interne et antérieure de la jambe et de la cuisse. Les limites
supérieures précises de L,; sont encore incertaines ainsi que celles des
zones respectives de L. et L4. (Voir à ce propos les divers schémas.)
Nous n'avons étudie jusqu'ici, à propos des troubles observés dans les
paralysies radiculaires des plexus lombaire et sacré, que ceux relevant
des lésions des racines postérieures de ces racines, troubles sensitifs, qui
seuls (levaient nous occuper dans ce chapitre où nous envisageons la sé-
méiotogie de la sensibilité. Mais il faut remarquer qu'en clinique les para-
lysies radiculaires sensitives 100ubo-sacrées sont rares, qu'habituellement
la lésion intéresse en même temps les racines inférieures et postérieures.
On observe alors des troubles moteurs à distribution radiculaire corres-
pondant aux racines lésées, lois qu'ils sont décrits au chapitre traitant des
« Troubles de la inutilité ».
Diagnostic des paralysies radiculaires et des lésions médullaires.
On sait que chaque segment médullaire correspond a une zone de
projection cutanée ayant la même topographie que la racine correspon-
dante, etqueta distribution radicutaireappartientautautaux lésions médul-
hures qu'aux lésions des racines proprement dites. Lorsqu'on se trouve
one en présence d'une paralysie dont les troubles sensitifs, aussi
bien que les troubles moteurs, revêtent une distribution du type net-
tement radiculaire, les questions à résoudre sont les suivantes :
'10 Les racines sont-elles seules intéressées ?
20 La moelle est-elle seule intéressée ?
3° Racines et moelle sont -elles prises ensemble ?
En clinique, la solution de ces différents problèmes est loin d'être
facile; elle est souvent même très difficile. Voyons quels sont les signes
qui peuvent aider dans ce diagnostic. "
Les caractères des troubles sensitifs sont, dans certains cas, de
quelque secours : Funilatéralité et l'asymétrie de ces troubles (exception
l'aile pour le syndrome de lirmvn-véyl;lrcl), l'absence habituelle de la dis-
sociation de la sensibilité plaident en faveur d'une lésion radiculaire; la
dissociation syringomyélique de la sensibilité, en faveur d'une lésion mé-
clull,iire; les douleurs, extrêmement vives dès le début, indiquent que
les racines sont prises.
Ces douleurs sont ordinairement distribuées dans la sphère des nerfs
périphériques (pseudo-névralbies), et leur présence au cours d'une para-
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 545
lysie seusitivo-motrice à type radiculaire permet d'affirmer presque sùre-
ment que les racines sont touchées. C'est dans ce cas qu'on observe
« l'anesthésie douloureuse ».
Mais ces caractères différentiels tirés des seuls troubles sensitifs sont
loin d'être suffisants pour le diagnostic, puisqu'on peut rencontrer
des paralysies purement radiculaires bilatérales, et que la dissociation
syringomyélique de la sensibilité peut s'observer quelquefois dans les
lésions des racines. Force est donc de recourir, pour le diagnostic, aux
autres symptômes concomitants (signes moteurs, sphinctériens, trophi-
ques, examen de la colonne vertébrale, etc.). Les troubles moteurs
prédominent habituellement comme extension sur les troubles sensitifs,
dans les lésions médullaires, et les contractions librillaires appartiennent
presque exclusivement à ces dernières. Il en est de même des amyotro-
phies iL évolution rapide et grave.
fc Parmi les troubles sphinctériens, la dissociation de la fonction génitale
(érection conservée, éjaculation abolie) est un signe qui a son importance
dans les lésions sacrées et qui plaide pour une participation de la
moelle.
L'examen de la colonne vertébrale révélant une déformation ou de la
douleur à la pression donne de précieux renseignements sur le siège de
la compression, même dans les cas à évolution lente, comme les tumeurs;
aussi ne doit-il jamais êtrc négligé. Cet examen pourra quelquefois servir
utilement au diagnostic différentiel des lésions radiculaires et médul-
laires ; 11 cet effet, on se rappellera que, pour donner une même topogra-
phie périphérique, la lésion doit siéger au niveau de la moelle plus haut
que lorsqu'elle porte sur le trajet extra-médullaire de la racine, surtout
dans les régions lombaires et sacrées, par suite de l'obliquité des
racines (voir schéma fig. 2G). Ainsi, à une lésion siégeant au niveau de
la 2e racine lombaire (2e vertèbre lombaire), correspond en tant que
topographie radiculaire scnsitivo-mutrice une lésion de la moelle au
niveau de la .1 le vertèbre dorsale.
En résumé, nous voyons que si, dans quelques cas rares, le clinicien
peut, au moyen des troubles sensitifs seuls, porter un diagnostic précis
de lésions radiculaires ou médullaires, il doit, dans l'immense majorité
des cas, s'appuyer sur les autres symptômes concomitants. Ceux-ci
même seront parfois insuffisants, et il arrive assez souvent que le diag-
nostic porté se trouve infirmé à l'autopsie : et cela tout particulièrement
pour la différenciation des lésions de la queue de cheval, de la moelle
sacrée et du cône terminal.
Dans ce dernier cas cependant, en envisageant les choses dans leurs
grandes lignes, on peut dire que le diagnostic différentiel est pratique-
ment moins difficile qu'il ne paraît l'être au premier abord; aussi un
médecin avisé tenant compte des données qui suivent, aura de très
grandes chances de faire un diagnostic exact :
1° Les lésions traumatiques de la queue de cheval sont très rares en
[ROUSSY.]
544 SENSIBILITE.
comparaison de celles de la moelle; lorsqu'elles existent, il y a en général
des signes vertébraux, permettant de poser un diagnostic de localisation.
Si les signes vertébraux manquent, il s'agit presque toujours de lésions
spinales. On peut donc admettre qu'un « syndrome typique du cône »
survenant brusquement est l'expression d'une lésion de la moelle;
2° Les lésions à évolution lente de la queue de cheval (tumeurs) sont
beaucoup plus fréquentes que celles de la moelle et, dans les premières, les
douleurs typiques, à irradiation sciatique, ne font presque jamais défaut.
LES RADICULITES Ht.
A côté des paralysies radiculaires obstétricales ou chirurgicales, des
sections ou ruptures des racines ou des plexus, il y a lieu de décrire
aujourd'hui, à la suite des travaux de Dejerine et de ses élèves ('), les ra-
cudililes, « dont les symptômes el les lésions relèvent d'altérations
inflammatoires, superhcielles ou dégénératives, des racines des nerfs,
sous l'influence d'un processus infectieux ou toxique. Ces radiculites sont
des affections dans lesquelles l'atteinte des racines et de leurs enveloppes
est ou paraît être essentiellement primitive et suffit à expliquer les troubles
observés. Ne font, par conséquent, pas partie de ce groupe les cas dans
lesquels la dégénération des racines est secondaire et liée intimement aux
lésions des nerfs périphériques ou il celles des centres médullaires (polio-
myélite aiguë ou chronique, syringomyélie, etc.). De même que les
plaies des nerfs n'appartiennent pas au groupe des névrites, de même les
sections traumatiques, les contusions et les déchirures obstétricales ou
chirurgicales des racines ou des plexus doivent être séparées de celui
des radiculites. »
Causes. Les radiculites reconnaissent le plus souvent, une origine
syphilitique (dans les deux tiers des cas observés). L'infection remonte
presque toujours à plusieurs années; il s'agit, en général, d'une locali-
sation de la période tertiaire. On retrouve, dans la plupart des cas,
d'autres manifestations cutanées ou viscérales. D'ailleurs, l'influence
rapide et certaine du traitement spécifique, l'évolution et les récidives
ultérieures, la constatation d'autres accidents de même nature ne lais-
seront aucun doute il cet égard. C'est par l'intermédiaire des lésions
méningées ou d'une méningite de voisinage que s'exerce ordinai-
renient l'action pathogène sur les racines nerveuses; on a pu l'observer
clans le mal de Pott et au cours de la méningite tuberculeuse avec ou
sans lésion vertébrale. Chez les enfants hérédo-syphihtiques ou les
nouveau-nés, il pourrait être question de transmission héréditaire. On a
encore mentionné d'autres causes infectieuses, telles que le rhumatisme,
la blennorragie, l'infection puerpérale, l'inJtuenxa, la dysenterie, les
1. Camus, Étude de neuropathologie sur les radiculites. Thèse de Paris, ]t)08.
- TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 345
oreillons, l'érysipèle. On a décrit dès formes « radiculo-méningées »
dans le cancer vertébral ; enfin, on a signalé des lésions radiculaires,
en rapport avec le syndrome de compression 1'adiculo-ganglionnaire
(Raymond et Lejonne), reconnaissant un facteur purement mécanique,
l'hypertension du liquide céphalo-rachidien. - -.
Lésions. On distingue les altérations observées au cours des radi-
culites en lésions primitives et lésions secondaires, suivant qu'elles
traduisent l'atteinte primordiale des éléments essentiels de la racine ou
les réactions et les dégénérescences qui en résultent. Dans les cas
typiques de radiculites infectieuses, la lésion fondamentale est constituée
par un foyer inflammatoire, une endonévrite radiculaire. (Nageotte).
La périnévrite est très marquée ; parfois on trouve des gommes ou des
névromes syphilitiques sur les racines (queue de cheval, nerfs crâniens).
A côté du foyer inflammatoire de la racine, il existe des lésions ménizz-
gées, nettement appréciables ; on a pu relever la pachyméningite spéci-
fique comme cause des altérations inflammatoires des racines;
Les lésions secondaires, résultant des précédentes, sont caractérisées
par la dégénérescence des éléments nerveux. -
Formes cliniques. De même que pour les névrites, on peut classer
les formes cliniques des radiculites, suivant leur topographie régionale
et la prédominance spéciale de leurs symptômes. On distingue ainsi des
formes presque exclusivement sensitives et des formes sensitivo-
motrices (ce sont les formes qui nous intéressent ici), et enfin des formes
motrices.
Les formes sensitives peuvent, à leur tour, se diviser en radiculites
et en radiculalgies. Ces dernières constituent généralement le premier
stade des radiculites. Leurs symptômes traduisent notamment l'irritation
et non la destruction des éléments nerveux; les douleurs sont très vives ;
elles sont exaspérées par l'effort, surtout dans l'éternuement (signe de
l'élernuemenl), qui provoque, par suite du choc transmis au liquide
céphalo-rachidien, une douleur très vive dans la sphère de distribution
de la racine malade.
Dans les radiculites proprement dites, il existe, en plus de ces phé-
nomènes subjectifs (douleurs), des troubles objectifs de-la sensibilité à
topographie radiculaire. Leur étude est importante pour déterminer-
la cause de l'algie. Dans les formes dites acroparesthésiques, les dou-
leurs se localisent surtout- aux extrémités des membres. Les radiculites
peuvent frapper toutes les racines, même celles des nerfs crâniens;
mais, le plus souvent, on observe des troubles sensitifs soit au membre
supérieur (type cervical ou cervico-dorsal), soit au membre inférieur
(scialique radiculaire) (Dejerine, Gauckler et Roussy). A côté des
formes limitées, on admet encore des formes disséminées et généralisées,
dont le diagnostic avec le tabes est souvent difficile, mais dont l'impor-
tance pour le pronostic et le traitement est incontestable.
Valeur séméiologique. L'étude clinique des radiculites est impor-
[ROUSSY.]
54G " ..SENSIBILITE. "
tante, non seulement pour permettre de les diagnostiquer sans hési-
tation, mais encore,' et surtout, pour pouvoir les traiter en connaissance
de cause. L'un des éléments essentiels du diagnostic consiste notamment
dans la détermination de la topographie radiculaire des symptômes et de
l'élément douleur. .
La connaissance de ces faits est importante pour le praticien. Tandis
que dans les affections spinales proprement dites et les névrites péri-
phériques, l'intervention médicale est très limitée et surtout sympto-
matique, dans les radiculites où l'exsudat méningé, agissant par com-
pression sur les racines nerveuses, peut être reconnu le plus souvent
comme étant de nature syphilitique, le traitement mercuriel donnera de
bons résultats.
Fig. a7 et 57 bis. Sciatique. Troubles de la sensibilité, à topographie radiculaire, dans
le domaine de L3, L4, L5. (Cas de Gauckler et Roussy, Rev. de Neur., 190).
TROUBLES DE LA .SENSIBILITÉ OBJECTIVE : ' 547
IV. - TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ
DANS LES LÉSIONS DES NERFS PÉRIPHÉRIQUES
Causes. Les lésions traumatiques (section, piqûre, compression).ou
pathologiques (tumeurs, névrites infectieuses ou toxiques), portant sur
les nerfs mixtes ou sur les nerfs sensitifs; déterminent des troubles de la
sensibilité dans le territoire d'in-
nervation de ces nerfs.
Caractères. Ces troubles
consistent en des altérations de
la sensibilité des plus diverses.
On peut noter de l'anesthésie
complète ou incomplète, de l'hy-
peresthésie, de la dissociation de
la sensibilité (anesthésie au tact
ou à la douleur, conservation de
la température, ou plus rarement
une dissociation à type syringo-
myélique, enfin les diverses mo-
dalités de paresthésie. Les sensibi-
lités profondes : sens musculaire,
sensibilité osseuse, sens stéréo-
gnostique enfin peuvent être
atteints. Tantôt les troubles sen-
sitifs sont associés aux troubles
moteurs (paralysie des nerfs
mixtes, névrites sensitivo-mot1'i-
ces), tantôt les paralysies sensi-
tives existent seules (paralysie
des nerfs sensitifs* ou névrites
sensitives pures, du trijumeau,
par exemple).
La topographie des troubles
sensitifs, dans les affections des
troncs nerveux, répond, d'une
façon générale, à la distribution .
anatomique des nerfs intéressés. ? est la ce qu on appelle la topo- ,
graphie périphérique. HIe varie suivant le siège et le nombre des nerfs
atteints. Lorsque plusieurs nerfs sont pris (névrites), les zones d'anes-
thésie, correspondant au territoire d'innervation de ces nerfs, se confon-
dent les unes avec les autres et peuvent envahir tout un membre ou un
segment de membre. On observe alors des troubles de sensibilité à topo-
graphie monoplégique, paraplégique, ou segmentaire.
[ROUSSY.]
Fig. 58. Névrite du nerf médian. Topo-
graphie des troubles sensitifs ; anesthésie com-
plète au tact; hypoesthésie à la piqûre. (Cas
Hub..., Bicêtre, 1906).
M8 ' , : 0 SENSIBILITÉ.. " ? ' - '
1 Topographie périphérique. En se reportant au tableau d'innciv
vation cutanée ci-joint, on peut se rendre compte des diverses variétés
topographiques %de troubles sensitifs susceptibles d'être rencontrées en
clinique, suivant que tel ou telnerf crânien ou rachidien sera pris isolé-
ment. La distribution cutanée des nerfs périphériques étant connue, il
sera facile de diagnostiquer la variété de paralysie à laquelle on a affaire.
On se rappellera qu'en vertu des anastomoses nombreuses que les nerfs
sensitifs contractent entre eux, soit par leurs branches collatérales, soit
par leurs branches terminales (sensibilité récurrente) , les territoires
d'innervation cutanée ne sont pas aussi franchement indépendants qu'ils
semblent l'être au premier abord, de par les données de l'anatomie. Cette
remarque s'applique surtout aux territoires sensitifs des extrémités des
membres. '
Fig. '39. Paralysie du cubital par luxation du coude. Anesthésie du petit doigt; hypo-
esthésie de l'éminence hypothénar, hypoesthésie moins marquée du bord cubital de l'avant-
bras (Cas Jabr..., Bicctre, 1905).
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 549
La topographie sensitive nettement périphérique ne s'observe guère
que dans les névrites traumatiques (section ou compression d'un seul
tronc nerveux).
2" Topographie monoplégique, paraplégique. Dans les névrites
infectieuses ou toxiques, les troubles sensitifs peuvent se localiser à la
totalité d'un membre ou à une grande partie de ce membre : type mono-
plégique, ou bien encore dans les névrites des membres inférieurs,
revêtir le type paraplégique. Les troubles sensitifs revêtent certains ca-
ractères particuliers au cours des névrites : ils sont fréquents au niveau
dcs membres, très rares sur le tronc ; plus marqués aux membres infé-
rieurs qu'aux membres supérieurs (dans les cas de névrite des quatre
membres) ; ils sont plus prononcés à la périphérie qu'à la racine des
membres, obéissant ainsi il la même loi qui régit la topographie des
[ROUSSY.]
Vigo 40. Lèpre mutilante. Distribution des troubles sensitifs. L'anesthésie complète pour
le tact, la douleur, la température, va en diminuant de la périphérie à la racine des mem-
hres.[Cas(;an...,Bice(re,1886).
550 ' " SENSIBILITÉ.. ..
troubles sensitifs dans les affections centrales. Enfin, les modifications
de la sensibilité peuvent exister seules (névrites sensitives pures) ou
associées aux troubles moteurs (névrite sensitivo-motrice). Dans ce der-
nier cas, le parallélisme entre les phénomènes moteurs et sensitifs est
loin d'être constant.
5° Topographie segmentaire. Cette variété de distribution est
tout à fait exceptionnelle dans les affections des nerfs périphériques. On
ne la rencontre, et encore rarement, que. dans la névrite lépreuse.. Ici
l'anesthésie peut envahir le pied, la jambe, etc., et s'arrêter brusque-
ment au niveau du tronc ou des membres suivant une ligne franche.
'Mais il est à remarquer que cette limite supérieure ne forme pas une
ligne perpendiculaire, mais oblique par rapport au grand axe du membre z
(Dejerine). .. , .
Fig. 41. Lèpre. Distribution insulaire et segmentaire des troubles sensitifs.
(Cas Bicêtre, '1897).
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 551
Dans la lèpre, on peut encore rencontrer des plaques isolées d'hyper-
esthésie ou d'anesthésie, c'est la topographie insulaire.
[ROUSSY.]
Fig. 42 et 4. Gangrène sénile. Topographie des troubles de la sensibilité,
au sixième jour (fig. 42), au onzième jour (fig. 45)-. (Cas And..., Bicêtrc, ·1901)..
Fig. 44. Même cas, au seizicme jour.
,) : )t) SENSIBILITE.
V. TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ DANS LES NÉVROSES
Les troubles de la sensibilité objective sont fréquents dans les névro-
ses, particulièrement dans Y hystérie; ils se rencontrent également clans la
neurasthénie, dans t'<'p<7 ? dans la chorée, la tétanie, dans le goitre
exophtalmique, et sont dus, soit il ces affections elles-mêmes, soit plus
vraisemblablement à leur association à l'hystérie. On peut enfin observer
des troubles de la sensibilité, présentant les mêmes caractères que dans
les névroses, au cours des affections organiques du système nerveux,
par association hystéro-organique.
Ces troubles sensitifs doivent être bien connus du praticien d'abord en
raison de leur fréquence, ensuite surtout parce qu'ils peuvent simuler
ceux qui relèvent dune lésion organique du système nerveux. Ils revê-
tent en clinique des caractères particuliers qui permettent de faire leur
diagnostic étiologique. Ces caractères sont particulièrement nets dans
l'hystérie.
I. HYSTÉRIE
Anesthésies. Les troubles sensitifs ont toujours paru si fré-
quents dans cette névrose qu'on leur attribuait, il y a peu de temps
encore, la première place dans le tableau symptomatique de 1 affection
et qu'ils semblaient être, comme on l'a dit, la signature de la maladie.
On admet presque unanimement aujourd hui avec Babinski que leur
importance séméiologique a été fortement exagérée et que, loin de cons-
tituer un symptôme primordial de l'affection, ils ne sont que le résultat
du degré de SlIggeslibi/it(> ou d'fn<<o-.s'Uf/</c.s/<7/ dans lequel se trouve
le malade : c'est parce qu'il a vu, chez d'autres malades, de semblables
troubles, ou qu'il a entendu parler d'eux, ou plus souvent encore parce
qu'il a été soumis à un examen médical, que ces troubles apparaissent.
Aussi est-il indispensable de prendre certaines précautions pour ne point
contribuer à leur développement ou leur exagération, lorsqu'on examine
de tels malades. Yoici comment procède M. Babinski :
« Je fais fermer les yeux du malade que j'examine, puis je commence
par le prier de poser l'extrémité de son index gauche ou droit sur l'en-
droit où je l'aurai louché, et souvent, pour exciter son attention ainsi que
son amour-propre, je dis aux élèves qui sont auprès de moi, de manière
à être entendu par lui, qu'à en juger par sa mine il doit être intelligent, et
qu'il me renseignera vraisemblablement d'une manière précise ; je touche
alors très superficiellement diverses parties du corps, puis je pince la peau,
je la pique, j'exerce des pressions avec le doigt, je croise les doigts les uns
sur les autres, je les écarte, je fléchis et j'étends les divers segments de
membre, je fais palper des objets divers, ronds, carrés, allongés, etc.,
j'applique sur les téguments des corps chauds et des corps froids, tout
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 555
cela tantôt à gauche, tantôt à droite, et si le sujet ne me dit pas sponta-
nément ce qu'il sent, je me contente de lui demander ceci : « Que sentez-
vous maintenant ? » ou bien « Qu'est-ce que je vous fais ? ». Jamais je ne
lui pose ces questions : « Sentez-vous ce que je fais ? » ou encore : « Sen-
tez-vous aussi bien d'un côté que de l'autre ? » car ce dernier mode
d'interrogatoire peut déjà être le point d'une suggestion. »
Les troubles sensitifs hystériques rentrent dans le groupe des troubles
primitifs (Babinski) de cette névrose, caractérisés par ce fait qu'il est
possible de les reproduire par suggestion et de les faire disparaître par
persuasion. Ils présentent quelques caractères particuliers que nous
allons étudier. ·
Leurs caractères généraux. -La sensibilité objective peut être dimi-
nuée ou abolie (anesthésie), exaltée (hyperesthésie) ou pervertie (paresthé-
sie). Ces troubles intéressent aussi hien les sensibilités superficielles et
profondes, qui sont prises séparément ou simultanément, que les sens
spéciaux.
Leur intensité. Elle est variable. On a prétendu que l'anesthésie
hystérique pouvait être complète. Elle ne l'est, en réalité, jamais autant
que certaines anesthésies organiques (syringomyélie, etc.). On arrive
presque toujours à la réveiller en appliquant un courant faradique intense
sur une région très sensible (Babinski).
Leur allure et leurs effets. Leur allure est paradoxale, c'est-à-dire
qu'ils ne gênent en rien les malades qui, dans nombre de cas, ne se ren-
dent compte de leur existence qu'au cours de l'examen du médecin.
Les anesthésies névropatbiqncs ne gênent nullement les mouvements et
ne déterminent pas, comme les anesthésies organiques, des phénomènes
d'incoordination motrice. Les hystériques s'habillent, écrivent, prennent
les objets avec leurs mains aneslhésiques, comme si cette anesthésie
n'existait pas; jamais on ne les voit, contrairement aux syringomyéliques,
par exemple, se brûler sans souffrir. En un mot, ces troubles sont « sub-
conscients », les sensations non perçues sont de même enregistrées
par les malades et peuvent être le point de départ d'une action sug-
gérée.
En outre, ils sont mobiles, fugaces, transitoires, apparaissant ou dis-
paraissant brusquement à la suite d'un choc, d'une émotion. Ils passent
parfois d'un côté à l'autre, et on utilisait jadis ce phénomène de transfert
pour guérir l'anesthésie hystérique. On conçoit du reste combien ce pro-
cédé thérapeutique est mauvais, puisqu'il ne fait qu'exagérer l'état de
suggestibilité du sujet.
Leur durée. Leur durée est des plus variables. Comme nous l'avons
dit, l'anesthésie hystérique est, en général, fugace. Quelquefois cepen-
elle est tenace et peut persister des mois et des années. Enfin, ces
troubles ne modifient en rien l'état des réflexes organiques; les réflexes
cutanés, le réflexe pupillaire à la douleur sont normaux.
Influence de la suggestion. Un dernier caractère important : ils sont
PitATIQUE 1ÕEUIlOI.. 25
(ROUSSY.]
554 SENSIBILITÉ. -
nettement influencés par la suggestion ou l'auto-suggestion qui est sus-
ceptible de les faire apparaître ou disparaître.
Leur topographie. La topographie des troubles sensitifs dans les
névroses est des plus variables. Ils peuvent intéresser les téguments et
les muqueuses; ils sont généralisés ou partiels. Les anesthésies généra-
lisées sont rares. Plus souvent partielles, elles revêtent différents types :
hémiplégique, monoplégique, segmentaire, en îlots disséminés.
1° Type hémianesthésique ou monoesthésique. - C'est le type le
plus fréquent. L'anesthésie prend la peau et les muqueuses de toute une
moitié du corps et s'accompagne de. troubles des sens spéciaux, c'est
l'hémialiesthésie dite- sensilivo-sens01'ielle, Parfois associée à une hémi-
plégie motrice homologue, elle peut exister seule.
La monoplégie sensitive hystérique peut être brachiale ou cervicale,
elle revêt les mêmes caractères que l'hémianesthésie.
]''ig. 45. Hemianesthésie avec hémiplégie hystérique. Abolition complète de la sensibi-
lité tactile douloureuse, thermique. Perte complète des sensibilités profondes, chez un
homme de 50 ans. (Cas Lamb..., Bicctrc, 1905.) .
TROUBLES DE LA SENSIBILITE OBJECTIVE. 555
2° Type segmentaire. La disposition segmentaire des troubles
sensitifs est presque pathognotnonique de l'hystérie. A part quelques
cas exceptionnels de névrite lépreuse, à part la gangrène sénile et les cas
de syringomyélie et d'hématomyélie (où la distribution est pseudo-
segmentaire), c'est à l'hystérie qu'on doit immédiatement songer, en
présence d'une telle topographie. Nettement limitée à un segment de
membre, elle s'arrête brusquement par une ligne perpendiculaire à son
grand axe; au-dessus la sensibilité redevient normale sans transition.
Suivant sa disposition elle est dite : en doigt de gant, en gant, en
manchette, en gant de soirée, pour le membre supérieur. Au membre
intérieur, c'est l'anesthésie en chaussette, en bas, en caleçon, etc.
5° Type insulaire. Ici l'anesthésie est disposée en îlots uniques
ou multiples, distribués au liasard sur la surface cutanée; leur forme et
leur dimension sont variables.
[ ROUSSY.]
Fig. ili. lléiniaiiestliésie hystérique, plus marquée il la partie supérieure du corps.
(Cas l'uuru..., l31ci'lrc, 1903).
556 . SENSIBILITÉ. ? ' , ; -
Ces divisions sont en réalité schématiques. On conçoit, d'après ce que
nous avons dit, combien la topographie de l'anesthésie peut. varier. Ce
qu'il y a d'important à retenir, c'est qu'elle ne répond jamais à un terri-
toire anatomique déterminé.
II. HYPERESTHÉSIES
Nous avons eu principalement en vue, dans ce qui précède, l'anes-
thésie. Tout ce que nous avons dit peut s'appliquer aux hyperesthésies
cutanées, sous-cutanées et viscérales qu'on observe chez les hystériques.
Elles sont habituellement localisées et on a longtemps décrit les « zones
hysté1'ogènes » ou « zones spasmogènes », dont la pression provoquait,
pensait-on, l'attaque hystérique. Ces zones ne sont en réalité que le ré-
sultat de l'auto- ou de l'hétéro-suggestion.
III. NEURASTHÉNIE, ÉPILEPSIE, CHORÉE, TÉTANIE,
- - . GOITRE EXOPHTALMIQUE'
\
Dans la neurasthénie, l'hyperesthésie et les paresthésies sont assez
fréquentes.
Dans l'épilepsie, la sensibilité est fréquemment émoussée; on observe
de l'anesthésie ou de l'analgésie. On a signalé l'anesthésie du nerf
cubital à la pression (signe de Biernacki), qui pourrait servir pour dia-
gnostiquer l'épilepsie de l'hystérie.
Les troubles de la sensibilité sont également fréquents dans la forme
de chorée dite : chorée hystérique.
Dans le goitre exophtalmique et la tétanie, comme, du reste, dans
les affections précitées, les troubles sensitifs sont le plus souvent des
manifestations hystériques surajoutées.
DIAGNOSTIC DES ANESTHÉSIES FONCTIONNELLES
HÉMIANESTHÉSIE ORGANIQUE ET HÉMIANESTHÉSIE CORTICALE
Lorsque le médecin constate chez un malade des troubles sensitifs et
qu'il cherche à en établir la nature fonctionnelle, il se rappellera tout
d'abord avec quelle prudence et suivant quelles règles il doit examiner
la sensibilité chez les névropathes, s'il ne veut point exagérer (ou même
créer) ces troubles. Il se rappellera ensuite que ce n'est pas la recherche
et la constatation des stigmates qui permettent de diagnostiquer l'hys-
térie, et que c'est par l'absence de signes d'affection organique, par
exclusion pour ainsi dire, que ce diagnostic doit être porté. Il se sou-
viendra combien sont fréquentes les associations hystéro-organiques, ce
qui l'empêchera de rattacher tous les signes observés soit à l'hystérie,
soit au contraire à la lésion organique. Il devra connaître enfin les
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 557
signes cliniques particuliers aux troubles sensitifs hystériques, signes
(lue nous avons décrits plus haut et que nous résumons brièvement ici :
intensité (qui n'est qu'apparente puisqu'on peut arriver à réveiller la
sensibilité par un courant faradique fort, par exemple); allure para-
doxale (ils ne déterminent pas de gène dans les mouvements ni d'incoor-
dination motrice); mobilité, fugacité; modifications par la suggestion;
topographie ne répondant pas exactement il un territoire anatomique.
Ces signes aideront il distinguer les troubles fonctionnels des anes-
thesies organiques, quelle que soit du reste leur topographie (paraplégie,
monoplégie, hémianesthésie).
Le diagnostic le plus important est celui de ]'Aem/'a ? ïcs</tës ! e. C'est
elle qu'on observe le plus fréquemment en clinique. Les troubles
moteurs affectent le plus habituellement, chez les hystériques, la forme
hémiplégique. Or, ceux de ces hémiplégiques qui ont déjà subi des
examens médicaux antérieurs, ceux qui se sont « contaminés au
contact de malades présentant des (roubles sensitifs, sont presque
toujours hémiauesthésiques. Chez les autres, si le médecin n'est point
prévenu, s'il recherche, sans suivre les préceptes que nous avons
indiqués, les troubles sensitifs, il constatera fréquemment l'existence
d'une hémianesthésie qu'il aura contribué à créer.
Si l'hémianesthésie s'accompagne d'hémiplégie, on devra, avant de
s'occuper des troubles sensitifs, rechercher la nature des troubles
moteurs. L'examen du malade dénionlre-t-il que cette hémiplégie est
hystérique, on devra penser tout d'abord que les troubles sensitifs
reconnaissent la même origine, et ce n'est qu'avec la plus grande
réserve qu'on approfondira l'étude de ces troubles sensitifs. Si, au
contraire, l'hémiplégie est organique, on ne s'empressera pas de con-
clure que l'hémianesthésie est de même nature, en se rappelant combien
sont fréquentes les associations hystero-organiques ; c'est alors qu'il
faudra rechercher, très prudemment encore, les signes qui différencient
les hemiauesthesies organique et hystérique.
Si rhemiauesthesie existe seule, sans troubles moteurs, sans modifi-
cation des reilexes, on pensera, en premier lieu, à l'hémianesthésie
hystérique, de beaucoup la plus fréquente, et ici encore on recherchera
avec prudence les caractères différentiels.
Nous ne reviendrons pas sur les signes de l'hémianesthésie hysté-
riquc, mais il est bon de rappeler ici les caractères de l'hèmianesthcsie
organique. Elle n'est jamais aussi absolue que dans l'hystérie; elle ne
s'accompagne pas de troubles des sens spéciaux; elle est habituellement
incomplète, quelquefois partielle; plus prononcée il l'extrémité des
membres, elle va en diminuant dans le sens proximal; elle est plus
marquée au niveau des membres (membre supérieur surtout) que sur la
face et le tronc et entraîne des mouvements (ataxie) que ne détermine
pas l'hémianesthésie hystérique.
1) après ce que nous avons dit dans ce chapitre, on conçoit toute
[ROUSSY.]
358 SENSIBILITE.
l'importance qu'il a a il savoir rechercher les (roubles sensitifs chez les
hystériques. S'il se conforme aux règles ci-dessus indiquées pour faire
cette recherche, le médecin constatera que l'hémianesthésie, considérée
jadis connue extrêmement fréquente, ne se retrouve, en réalité, que chez,
les malades qui ont été soumis a des examens médicaux mal conduits.
D'après Babinski, on ne la trouve jamais (pas plus, du reste, que les
autres stigmates) chez les sujets qui n'ont encore subi aucun examen
médical.
On conçoit aussi combien il importe de faire le diagnostic étiologique
de ces anesthésies fonctionnelles. Les troubles sensitifs hystériques
peuvent et doivent être guéris rapidement. Les laisser persister, c'est
augmenter l'état de suggestibitité du sujet, c'est aggraver son état
111;\Topathique. i donc le médecin doit se garder d'attirer t'attention sur
les troubles de la sensibilité, chez un hystérique qui n'en accuse pas, il
doit, au contraire, persuader au malade qui s'en plaint combien ces
troubles sont peu de chose et combien ils sont facilement curables.
VI. TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ DANS LES PSYCHOSES
P-
Les modifications de la sensibilité objective sont très fréquentes chez
les aliénés ; elles sont un des signes les plus importants que puisse révéler
chez eux l'examen sotnatique. Malheureusement, la recherche des
troubles sensitifs, dans les psychoses, présente de grandes difficultés et
les résultais obtenus sont souvent entachés d'erreur, étant donné le
déficit inlellectuel du sujet. La valeur séméiologique des troubles sensi-
tifs en psychiatrie est donc de peu de secours pour le diagnostic.
Les troubles sensitifs objectifs chez les aliénés sont : 10 organiques;
2° fonctionnels.
1° Organiques. Ils relèvent d'une lésion évidente, pathologique
du système nerveux, par exemple dans les psychoses toxiques, les dé-
mences, la paralysie générale. Dans la paralysie générale progressive, ils
peuvent prendre la forme hémiplégique ou monoptégique, et, dans le cas
d'association du tabès el de la paralysie générale, se distribuer suivant
une topographie radiculaire.
2° Fonctionnels. Ils relèvent d'un processus dynamique, comme
dans les névroses, et se rencontrent dans les psychonevroses : confusion
mentale, hypocondrie, etc.
VII. - TROUBLES DES SENSIBILITÉS VISCÉRALES
La sensibilité des viscères peut être altérée au cours des maladies du
système nerveux; quelquefois exaltée (hyperesthésie viscérale), elle est
le plus souvent diminuée ou abolie (anesthésie viscérale). Ces troubles
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 559
se rencontrent fréquemment dans le tabès, où ils font partie du tableau
svmptomatique de l'affection. On ne les a pas notés jusqu'ici dans les
autres affections nerveuses organiques. Dans l'hystérie on peut observer
quelquefois de l'anesthésie ou de l'hyperesthésie viscérale.
Au début du tabès apparaissent les hyperesthésies viscérales, aux-
quelles succèdent, tôt ou lard, les anesthésies plus ou moins complètes.
Pour rechercher les altérations sensitives des viscères, il suffit
d'exercer une pression sur l'organe à explorer, lorsqu'il est superficiel
(testicules, mamelles). Si la chose n'est pas possible, on peut, comme
pour la vessie, explorer la sensibilité viscérale il la distension; souvent
enfin on est forcé déjuger l'état de l'altération sensitive par les troubles
de fonctionnement que présente organe.
Sensibilité testiculaire (Pitres). L'analgésie testiculaire est
très fréquente dans le tabcs; elle existe dans la moitié des cas. Dans
l'autre moitié la sensibilité normale est le plus souvent diminuée
(60 pour 100). On la recherche soit en exerçant une simple pression
digitale sur le testicule, soit au moyen d'un appareil mcnsurateur (esthé-
siomdre) .
Cette analgésie est habituellement définitive; quelquefois passagère,
elle ne dure que quelques semaines ou quelques mois. Fréquemment elle
coïncide avec de l'anesthésie des bourses et de la verge, et de l'anaphro-
disie...
Sensibilité vésicale. Les altérations de la sensibilité vésicule,
fréquentes dans le tabès, se manifestent par des troubles de la miclion,
par un retard ou une disparition complète du besoin d'uriner (voir
chapitre uncwr5 un;rru-omx.w;s). Dans ces cas, on note une diminution
notable de la sensibilité vésicale à la distension; il faut injecter deux fois
plus de liquide qu'à l'étal normal pour provoquer le besoin d'uriner.
Sensibilité mammaire. La sensation douloureuse particu-
lière, 1 ? oV(Hlu¡"e par la pression des seins chez la femme, disparait chez
plus de la moitié des tabéliques. ,
Sensibilité trachéale (Sicard). Le choc et la compression
de la trachée provoquent à l'élat normal une sensation angoissante, avec
irradiation douloureuse vers les parties latérales du cou, le mediastin et
la base de la langue. Cette sensation pénible disparaît chez un tiers des
tabéliques.
Sensibilité gastrique. Les modifications de la sensibilité gas-
trique se manifestent par une anesthésie à la pression du creux epigas-
iriquc (moitié des cas) et par les différents troubles du fonctionnement
de l'organe. Nous ne faisons ici que signaler ce fait. et renvoyons, pour
plus de détails, à l'article consacré aux troubles digestifs dans les mala-
dies du système nerveux.
[ROUSSY.]
51)0 SENSIBILITÉ.
LES HYPERESTHÉSIES CUTANÉES
DANS LES AFFECTIONS VISCÉRALES
Un célèbre neurologiste anglais, Henri Ilead('), a attiré l'attention sur la
présence des zones ly-perestllésidues cutanées dans les affections viscé-
rales, et sur l'importance pratique qui découle de celte notion pour la
détermination du siège d'une affection profonde. Quoique les idées du
médecin anglais n'aient pas encore reçu pleine confirmation de la part
des neurologistes et soient même révoquées en doute par plusieurs d'entre
eux, les travaux de llead ont eu un tel retentissement, que nous ne
pouvons les passer sous silence.
On trouve toujours, suivant cet auteur, clans les affections viscérales,
des zones d bypcrestbesie cutanée sur le tronc, les membres et la tête,
zones dont la topographie est directement en l'apport avec l'organe lésé.
L'hyperesthésie est nette pour la douleur et la température, elle
manque pour le tact; aussi, pour la rechercher, faut-il soit pincer la peau
entre le pouce et l'index, soit piquer avec une épingle, soit enfin appli-
quer sur les téguments un tube d'eau tiède. Les réflexes cutanés à ce
niveau sont exagérés.
Ces zones d'hyperesthésie clans les affections viscérales présentent la
même topographie et les mêmes maxima douloureux que les zones érup-
tives du zona; l'élude de la sensibilité dans cette dernière affection a
donc pu servir à établir les limites exactes des zones hyperesthésiques.
Sur le tronc et les membres, Ilead décrit les zones suivantes :
Zone dorso-cuhitale (D,), zone dorso-hrachiale (\)2)' srapulo-h\1lnérale :
(IL), dorso-axillaire (DJ, scapulo-axillaire (IL), sous-scapulo-sous-mam-
maire (D1, sous-scapulo-xi phoïdienne (D7), épigastrique moyenne (Da),
supra-ombilicale (\)9)' sus-ombilicale (Di0), sacro-iliaque (Du), sacro-
fémorale (D,2), génito-crurale (L,).
Il n'y a pas de zone hyperesthésique correspondant aux 2e, 5e, 4e seg-
ments lombaires; au-dessous on trouve les zones de Lez, de S,, de S2' de
S., de S, (sacro-anale).
Au niveau de chacune de ces zones, il existe deux ou trois points de
douleur maxima.
Ces différentes zones sont hyperesthésiées en totalité ou partiellement.
Dans ce dernier cas, on ne retrouve que les deux ou trois points maxima
par zone. La limite supérieure et inférieure de ces zones est absolument
nette, et il n'y a pas, comme dans les territoires radiculaires, de chevau-
chement des bandes les unes sur les autres; aussi, d'après Ilead, la
topographie des zones hyperesthésiques est-elle segmentaire et non
radiculaire. Chacune d'elles correspond à un segment médullaire auquel
aboutissent à la fois les filets sympathiques viscéraux et les filets nerveux
1. 1'oy. Guillain, Revue de méd., mai 1901, p. 429.
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 561
cutanés sensitifs d'une région déterminée. Dans les cas de douleurs
viscérales, le sujet, chez lequel les viscères sont il l'état normal insen-
sibles. reporte, par erreur de localisation, la douleur dans le territoire
cutané dont les fibres sensitives aboutissent au même segment médul-
laire que les filets sympathiques de l'organe lésé. Dans les cas de trauma-
tisme de la moelle, on retrouve des zones hyperesthésiques ayant la
même topographie que celle des douleurs réfléchies dont nous venons de
parler.
Au niveau du cou, de la face et du crâne, il existe également de nom-
breuses zones hyperesthésiques : zones fronto-nasale, orbitaire moyenne,
temporo-frontale, temporale, du vertex, pariétale, occipitale, rostrale,
maxillaire, mandibulaire, hyoïdienne, laryngée supérieure et inférieure,
naso-labiale, mentonnière, steI'11O-lllastoïdienne, sterno-nucbalc.
Ces zones cepilaiiqucs répondent à des affections de voisinage : du nez,
de (le l'oreille, etc. De plus, dans plusieurs affections des viscères
thoraciques ou abdominaux, on observe des zones céphaliques hyperes-
thésiques.
Ilead insiste également sur le siège occupé dans les affections viscé-
rales par la douleur réfléchie (douleur sympathique), qu'il rapproche
des zones hyperalgésiques.
Nous ne pouvons faire ici la description détaillée des zones hyperes-
thétiques décrites par Ilead dans les différentes affections viscérales;
affections cardiaques, gastriques, rénales, pulmonaires, utérines, etc..
Qu'il nous suffise de rappeler que, pour chacune d'elles, l'auteur en
indique le siège exact, par rapport aux segments médullaires (').
La constatation de ces laits pourrait avoir des applications pratiques
en clinique et constituerait une méthode qui servirait à déterminer le
siège d'une affection viscérale. Malheureusement, jusqu'ici, les zones
hyperesthésiques de Ilead n'ont pas été retrouvées d'une façon aussi
nette par tous les auteurs qui se sont occupés de la question (Thornburn,
larinesco, Guillain). La méthode de l'hyperesthésie cutanée, dans l'étude
des localisations sensitives de la moelle, n'a pas la même valeur objec-
tive que celle de la recherche des zones anesthésiques, connue le l'ait
remarquer Thornburn; mais les intéressants travaux du neurologiste
anglais nécessitent encore de nouvelles recherches.
1. Yny. IIR.1D (II.) On dislurbances of sensation wilh especial références to the pain
of viscéral diseuses, Brain, 1895, 1894, 189G. GUII.L\I1'i, Rev. de lléd., mai 1901,
p. 451. 4.
[ROUSSY]
5 : 02 - SENSIBILITE.
CHAPITRE II - .
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE
Généralités.' Contrairement aux troubles de la sensibilité objec-
tive qui sont éveillés par une excitation extérieure, les troubles de la
sensibilité subjective relèvent d'une excitation intérieure, spontanée. Le
malade perçoit ces sensations subjectives en dehors de toute excitation
périphérique; mais certaines manoeuvres, au cours de l'examen médical,
sont susceptibles de les réveiller ou de les exaspérer.
Par leur fréquence et par leurs caractères, les troubles subjectifs de
la sensibilité tiennent une grande place en séméiologie nerveuse; souvent
ce sont eux qui, les premiers, mettent sur la voie du diagnostic ou
amènent le malade à consulter; il en est ainsi des douleurs fulgurantes
du tabès ou des pseudo-névralgies par compressions médullaires,
Examen et recherche des. troubles subjectifs. Il est donc très
important pour le praticien, de savoir rechercher ces manifestations sub-
jectives. Dans ce but, on procède à un interrogatoire méthodique du
malade, en ayant soin de le guider et de l'aider dans les renseignements
qu'on veut obtenir de lui au sujet des sensations qu'il éprouve spontané-
ment, et en évitant de le laisser s'égarer dans des détails inutiles. On
essaie ensuite de révéler par la pression, par le contact, par des mouve-
ments appropriés, les sensations subjectives dont il se plaint, d'en loca-
liser si possible le siège, et de compléter ainsi les renseignements obtenus
par l'interrogatoire seul.
Cet examen n'est pas dépourvu de difficultés qui proviennent de dif-
férentes causes d'erreurs ; celles-ci peuvent cependant être évitées, lors-
qu'on a 'quelque peu l'habitude d'interroger un malade atteint d'une
affection du système nerveux.
On saura ainsi tenir compte des différences de réaction individuelle,
facteur très important dans l'appréciation des sensations subjectives ; on
évitera aussi d'influencer en quoi que ce soit le malade par la façon dont
on lui pose les questions, en se souvenant que tout malade, surtout s'il
est atteint d'une affection nerveuse (aussi bien organique que fonction-
nelle), est essentiellement impressionnable et suggestible. On ne deman-
dera pas, par exemple : « Cela vous fait-il mal ? » en comprimant un nerf
en un point donné, mais bien : « Qu'est-ce que cela vous produit, que
sentez-vous. ? » On aura enfin toujours en vue la possibilité d'une simu-
lation d'autant plus facile, qu'il s'agit de sensations subjectives, échap-
pant à un examen somatique; simulation qu'un praticien quelque peu
expert saura déjouer par différents artifices.
Les troubles de la sensibilité subjective comprennent : 1° les douleurs;
2° les dysesthésies; 5° les troubles de la sensibilité organique et les
modifications des besoins organiques.
TROUBLES DE LA SENSIBILITE SUBJECTIVE. 565
I. - LES DOULEURS
On peut observer des douleurs dans les affections les plus diverses ; ¡
nous n'avons à étudier ici que les douleurs notées au cours des affections
du système nerveux.
En présence d'un malade se plaignant de douleurs, il faut procéder
par ordre et examiner successivement : 1° leurs différents caractères
généraux; 2° leur valeur séméiologique.
Caractères généraux. Leur siège. Elles sont superficielles ou pro-
fondes, généralisées ou localisées au niveau d'un membre, du tronc, de
la tête, d'un viscère, et peuvent correspondre au trajet d'un seul nerf, de
plusieurs nerfs périphériques, de racines (topographie radiculaire de la
douleur), ou encore à une zonp cutanée (en dermatologie), à des muscles,
à des articulations, à des os, etc.. v ..
Elles sont tantôt fixes ; tantôt mobiles.
Leur irradiation. Quoique localisées en un endroit, elles irradient
en général le long des nerfs partant du point où siège la douleur maxima :
irradiation en ceinture le long des nerfs intercostaux dans le mal de
Polt; irradiation dans les membres inférieurs au cours des compressions
médullaires, etc.
Leur durée. Ces douleurs sont tantôt continues, avec des phases
de rémission ou d'exacerbation diurnes ou nocturnes, tantôt paroxys-
tiques. Dans ce cas les crises douloureuses surviennent par crises parfois
très vives (crises gastriques du tabes), qui apparaissent périodiquement ou
non. Entre les crises paroxystiques, l'accalmie est complète ou incomplète.
Leur intensité. Les douleurs peuvent être légères, moyennes ou
très intenses, arrachant des cris au malade. Certaines douleurs comme
celles des méningites, des compressions médullaires, du tabes sont par-
ticulièrement pénibles. Mais il n'existe ici aucune règle absolue; tout est
affaire d'équation personnelle.
Leur modalité. Leur façon d'être est des plus variables. En se
basant sur des comparaisons ou sur les descriptions que font les malades
eux-mêmes, on peut décrire : des douleurs fulgU1ymtes qui, comme leur
nom l'indique, passent comme un éclair et sont extrêmement rapides,
les douleurs lancinantes, en lancée, en coup d'épingle ou de poignard,
qui sont moins nomades; elles naissent et meurent sur place; les dou-
leurs téiî(,,bi,a71tes, également localisées; les malades les comparent à
« des vis qu'on ferait pénétrer 'dans les chairs » ; les douleurs ardentes
que les malades comparent à des brûlures ; les douleurs à type névral-
gique enfin, qui sont extrêmement fréquentes et peuvent être périodi-
ques, elles revêtent les caractères des névralgies, dont elles sont le prin-
cipal symptôme (voir article Névralgies). Toutes ces différentes
modalités appartiennent aux douleurs à caractère intermittent, et se
rencontrent fréquemment au cours du tabès.
[ROIISSY.]
564 . SENSIBILITE. -
Les douleurs à caractère permanent sont dites, suivant leurs diffé-
rentes modalités : en casque, en bracelet, en ceinture, en brodequin, en
étau, etc., elles peuvent être pongitives, constrictives, gmvatives, pul-
satiles, etc.
Leur effet. Suivant leur intensité et la résistance du malade, elles
déterminent des désordres d'ordre général ou local. D'ordre général :
ce sont des phénomènes psychiques, comme le délire et l'agitation; des
vomissements -des syncopes, de l'insomnie, de la dyspnée ou de l'apnée;
enfin des palpitations. D'ordre local. : ce sont des phénomènes vaso-
moteurs, de la rougeur ou pâleur de la peau, des modifications de la
température locale, etc. Lorsque les douleurs siègent au niveau des
membres, elles peuvent déterminer une véritable impotence doulou-
l'euse; telle par exemple la paraplégie douloureuse des compressions
médullaires par cancer du rachis. Ces. faits sont importants à retenir pour
a discussion du diagnostic ; ici les malades sont impotents, non pas en
raison d'un trouble de l'appareil, locomoteur, mais bien au prorata de
l'intensité des douleurs qu'ils éprouvent en marchant.
Leurs causes provocatrices, enfin, doivent être soigneusement recher-
chées. L'influence des saisons, de la température, de l'humidité est évi-
dente ; variable pour chaque sujet, cette action reste sensiblement la
même pour le même malade. Certaines douleurs sont calmées par le
repos, d'autres par le mouvement, la marche, certaines positions. Ces
différentes notions, si variables avec les sujets, ne peuvent être que d'un
faible secours pour le diagnostic étiologique de la douleur, mais elles
serviront au médecin dans les indications thérapeutiques et pour le
modus vivendi qu'il prescrira au malade.
Les moyens de les révéler au cours de l'examen sont multiples et
appropriés à chacune d'elles. On cherche à réveiller la douleur par l'ef-
fleurement de la peau, par la pression profonde des masses musculaires,
des'troncs nerveux (dans les névrites), ou des os. Le signe de Lasègue
(flexion de la cuisse sur le bassin, la jambe étant en extension sur la
cuisse) est un moyen précieux de provoquer la douleur dans la névralgie
sciatique. Cette recherche devra toujours se faire avec modération, en
évitant le plus possible de faire souffrir les patients.
Valeur séméiologique. La douleur, considérée comme symptôme
isolé, a-t-elle par elle-même une valeur intrinsèque en séméiologie ner-
veuse, aussi bien par ses caractères que par son siège ? Tel est le problème
que l'on doit chercher à résoudre lorsqu'on se trouve en présence de
phénomènes douloureux.
On se rappellera que l'élément douleur ne possède pas, par ses carac-
tères généraux, une particularité propre à chaque affection, et que si
les douleurs fulgurantes, par exemple, se présentent surtout dans le
tabes, ce même type peut se rencontrer dans d'autres affections de la
moelle ou des racines. Un type de douleur ne répond donc pas d'une
façon exclusive à un type de maladie.
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE. M5
Par leur siège, les douleurs donnent de meilleurs renseignements;
nettement localisées en un point, soit spontanément, soit à la pression,
elles limitent immédiatement les investigations dans une direction
donnée : telles, par exemple, la douleur à la pression des troncs nerveux
dans les névrites, la douleur à la pression des apophyses épineuses dans
le mal de Pott, les points de Valleix dans la sciaticpie, les points sterno-
mastoïdiens et xyphoïdiens dans la névralgie phrénique, etc.
Par leur présence ou leur absence enfin, elles aident au diagnostic;
l'absence de douleur permettant par exemple d'éliminer la possibilité
d'une polynévrite.
Les douleurs sont donc un élément précieux et qu'il faudra toujours
rechercher au cours d'une affection nerveuse. Si elles ne permettent
qu'exceptionnellement comme symptôme isolé de porter un diagnostic
précis, elles ont tout au moins une valeur d'indication; par leur pré-
cocité fréquente, au début de la maladie, elles aident souvent à dépister
l'affection en cause ; associées il d'autres symptômes sensitifs ou
moteurs, elles concourent à compléter le tableau clinique d'un grand
nombre d'affections du système nerveux.
Il n'entre pas dans le cadre de ce traité, de faire ici une étude séméio-
logique complète de la douleur. Nous ne devons que passer rapidement
en revue les principales affections du système nerveux dans lesquelles la
douleur prend la valeur d'un symptôme essentiel.
Dans les névralgies et les /).s ? f7o-u;'H/< ? 6'.s. la douleur constitue le
symptôme prédominant du syndrome névralgique ; on eu trouvera
l'étude dans une autre partie de ce. traité (article Névralgies).
Les douleurs sont tantôt localisées (il la tète, au tronc, aux mem-
bres, aux viscères), tantôt généralisées à toute la surface du corps.
Il y a lieu d'étudier séparément chacune d'elles.
I. DOULEURS LOCALISÉES
Douleurs de tête. Céphalalgie ou céphalée. La céphalée
ou céphalalgie est un symptôme qui se rencontre dans un grand nombre
d'affections; aussi sa valeur séméiologique en clinique est-elle grande.
Nous n'avons il envisager ici la céphalalgie que dans ses rapports avec
les affections du système nerveux, en laissant de côté les céphalées
observées au cours des maladies générales fébriles, des infections, des
intoxications et auto-intoxications (urémie). Nous ne dirons qu'un mot,
pour les éliminer, des céphalées de cause locale.
Caractères. La céphalée peut être d'intensité variable et consister
tantôt en une simple pesanteur ou lourdeur de tète, tantôt en de veri-
tables douleurs extrêmement vives, gravât ives el pulsatiles. Elle est tantôt
continue, tantôt intermittente, paroxystique avec exacerbation diurne ou
nocturne. Suivant sa localisation, elle esl diffuse, généralisée il tout le
[RnUSSY.]
560 SENSIBILITE.
crâne, ou circonscrite en un point, et exaspérée par la pression à cet
endroit. Sa durée, extrêmement variable, dépend de la cause qui la pro-
voque ; mais il faut savoir que les céphalées d'origine nerveuse, orga-
niques ou fonctionnelles, sont habituellement tenaces.
Séméiologie. La présence de la céphalée en pathologie nerveuse
est donc de la plus grande importance. En effet, elle peut quelquefois
constituer à elle seule toute la maladie (migraine, céphalée d'origine
névralgique). Le plus souvent, elle n'est qu'un des symptômes cardinaux
ou accessoires de l'affection, et par ses caractères, son évolution, son
mode et son moment de début, elle occupe une des premières places
dans le tableau symptomatique de la maladie, et peut, par sa pré-
sence, soit guider, soit fixer le diagnostic.
Le neurologiste doit avant tout, dans la recherche diagnostique d'une
céphalée, s'assurer qu'il n'a pas affaire à une céphalalgie d'ordre géné-
ral : infections, diathèse, urémie. Il doit également se rendre compte
qu'il n'existe aucune lésion locale susceptible de la provoquer : lésions
de la peau, érysipèle, lésions des os, des yeux, des oreilles, de la cavité
buccale. L'examen minutieux de la bouche s'impose dans toute céphalée,
car nombreux sont les cas dont on retrouve la cause dans une lésion
dentaire non soupçonnée. Il en est de même des sinusites chroniques
qui provoquent très souvent des maux de tête dont on recherche en vain
la cause; aussi, doit-on toujours songer, en présence d'un malade
atteint de céphalée rebelle, à la possibilité d'une lésion des sinus
crâniens.
La céphalée en neuropathologie se rencontre : 1° dans les affections de
l'encéphale et de ses enveloppes (céphalée organique); 2° dans les
névroses (céphalée fonctionnelle).
Céphalée organique. Elle présente les caractères des afl'ec-
tions organiques, leur fixité, leur ténacité, leur régularité d'évolution,
variables suivant la cause. Elle est circonscrite ou diffuse et s'observe
dans les maladies de l'encéphale et de ses enveloppes.
Dans les méningites aiguës, elle est très intense; dans la méningite
tuberculeuse en particulier, la céphalée fait partie des symptômes car-
dinaux de la maladie, constituant avec la constipation et les vomis-
sements le trépied méninyitique, On l'observe également dans lesménin-
yites chroniques, particulièrement dans les processus inflammatoires
de méningo-cncéphalite diffuse au cours de la paralysie générale ; enfin
dans les hémorragies méningées, soit à la période d'état, soit à la
période prodromique.
Dans les affections du cerveau, la céphalée accompagne les congestions
cérébrales, les hémorragies, les ramollissements cérébraux.
Mais il est deux ordres de lésions du cerveau dans lesquelles la
céphalée prend une importance capitale par sa fréquence et par son
intensité : ce sont la syphilis cérébrale et les tumeurs du cerveau.
Dans la syphilis, la céphalée peut s'observer soit il la période secon-
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE. 5C7
claire, soit à la période tertiaire. Qu'elle soit précoce ou tardive dans son
apparition au cours de la syphilis, elle se présente toujours avec certains
caractères particuliers qui individualisent la céphalée syphilitique et
permettent de la diagnostiquer.
C'est une douleur profonde qui semble résider dans l'intérieur de la
boîte crânienne (encéphalalgie de Fournier), le plus souvent diffuse,
généralisée à toute la tête avec maximum d'intensité au niveau du front,
des tempes ou de l'occiput; exceptionnellement localisée. Très
variable dans son intensité et ses modalités, suivant les cas, la céphalée
syphilitique présente deux caractères essentiels : a) les exacerba lions
nocturnes qui sont presque pathognomoniques; en effet, les maux de
tête des syphilitiques apparaissent le soir, acquièrent leur maximum
d'intensité dans les premières heures de la nuit et s'amendent progressi-
vement au lever du jour, pour disparaître le plus souvent complètement
dans la journée; b) une extrême sensibilité au traitement spécifique,
surtout aux médications indurées, alors qu'elle résiste habituellement aux
analgésiques ordinaires.
On attachera nne grande importance à la présence ou à l'absence de
ces deux caractères particuliers, dans la discussion de la valeur séméio-
logique de la céphalée.
A la période secondaire, la céphalalgie accompagne fréquemment ou
même précède l'éruption roséolique; elle est la plus fréquente des algies
secondaires. Parfois elle est produite par des lésions de la boîte crâ-
nienne (périoslilc); elle peut être dans ce cas nettement localisée et
exaspérée par la pression en un point déterminé. Le plus souvent, elle
est diffuse et semble devoir être attribuée à des réactions inflammatoires
passagères des méninges, ainsi qu'en témoigne la présence de lympho-
cytes trouvés par ponction lombaire dans le liquide céphalo-rachidien.
A la période tertiaire, la céphalée est un des symptômes prédominants
de la syphilis cérébrale (forme artérielle ou méningée). On l'observe dans
les deux tiers environ des cas, au cours de la période prodromique de
l'affection; elle est persistante et peut durer des semaines ou des mois,
mais habituellement elle s'amende dans la suite et disparaît même sou-
vent dans le cours de la maladie. Contrairement à la céphalée secondaire,
la céphalée tertiaire syphilitique a une signification pronostique grave.
Dans les tumeurs cérébrales, la céphalée, à peu près constante, est
souvent le premier en date de tous les signes de l'affection. Elle fait
partie des signes communs, des tumeurs cérébrales, quel qu'en soit le
siège, et, dans certains cas, nettement localisés en un point de la voûte
crânienne ; exaspérée par la percussion et la pression en cet endroit, elle
acquiert la valeur d'un symptôme de localisation, précieux pour le dia-
gnostic. Au début, la céphalée des tumeurs cérébrales est sourde, pro-
gressive, elle devient dans la suite pongitive, gravative avec paroxysme
Ù la suite des repas ou des mouvements; elle est alors extrêmement vive,
tenace, arrache des cris au malade et lui interdit tout sommeil. La
[ROUSSY.] ]
5C8 SENSIBILITÉ.
céphalée, très prononcée dans la première période de l'affection, peut
s'atténuer ou même disparaître dans la suite. C'est donc surtout au
début des tumeurs cérébrales que la céphalée, isolée ou associée aux
convulsions, aux vomissements, à l'affaiblissement intellectuel, aux
signes oculaires, prend une importance capitale dans la recherche
diagnostique.
Céphalée fonctionnelle. La céphalée s'observe très souvent
dans les névroses, en particulier dans l'hystérie et la neurasthénie.
Dans l'hystérie, elle est presque constante, et s'accompagne de zones
hyperesthésiques douloureuses, désignées sous le nom de clou hystérique
(Sydenham), qui siègent au vertex, à l'occiput, aux tempes. La céphalée
hystérique peut être très intense; elle emprunte à la névrose, dont elle
n'est qu'une manifestation, ses caractères particuliers; rebelle à l'action
des analgésiques, elle est susceptible d'apparaître ou de disparaître par
la suggestion et l'auto-suggestion. Dans quelques cas enfin, elle revêt les
caractères paroxystiques des céphalées méningitiques avec leurs vomis-
sements, leurs troubles digestifs ; c'est ce qu'on appelle le lIléJlinyisme'
(Dupré) ou pselUlo-IJ/(jnil1r¡ite hystérique , qui se rencontre chez l'enfant
et chez l'adulte.
Non moins fréquente dans la neurasthénie, la céphalée consiste ici en
une sensation de vide, de pesanteur, de constriction qui suggère aux
malades la comparaison d'un casque très lourd, « céphalée en casque ».
Elle peut être localisée, sous la forme de point ou de plaque, il l'occiput
ou dans la région fronto-parietate. Souvent elle s'accompagne d'hypcr-
esthésie du cuir chevelu.
Dans l'épilepsie essentielle, la céphalée se rencontre dans la période
prodromique de l'accès; elle peut être il elle seule une des modalités de
Y aura sensitive; quelquefois elle persiste quelques heures après l'accès.
Dans certains cas, la céphalée prend la valeur d'un équivalent epifcp-
tique, sous la forme de migraine, de tics douloureux, de chocs cépha-
taigiques passagers (Féré). Dans l'épilepsie symplomalique (par tumeur
cérébrale par exemple), la céphalée est constante; elle existe dans la
période qui sépare les accès (ce qui ne se voit pas dans l'épilepsie esscn-
ticttc).
Migraine. Il n'entre pas dans le cadre de cet article de faire
l'étude complète de la migraine; nous ne pouvons donc que signaler en
passant les principales formes de migraines, dans la symptomatologie
desquelles la céphalalgie occupe la première place.
Dans la migraine vulgaire, la céphalalgie est très intense; le plus
souvent unilatérale, elle occupe la' région orbilo-leinporale et peut
s'étendre à la région occipitale. La céphalalgie, connue les autres sym-
ptômes de la migraine (vomissements, troubles digestifs, vaso-moteurs,
oculaires, abattement de l'état général, etc.), survient par accès cal'at'-
téristiques, constituant l'attaque de migraine. Habituellement périodi-
ques, ils apparaissent toutes les semaines ou tous les mois, par inter-
, TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE. 569
valles à peu près réguliers; l'accès débute le matin et dure de 12 à
2 ! heures. Entre les accès, le migraineux ne souffre nullement de la
tête. Les accès de migraine constituent la maladie migraine.
Dans la migraine oplzlctlzrtojléiyzte, l'accès d'hémicrànie se com-
plique d'une paralysie de la troisième paire, qui peut même remplacer la
céphalalgie. Le syndrome est constitué par du ptosis, du strabisme
externe, de la diplopie, de la paralysie de l'accommodation, de la dilata-
tiun pupillaire avec perte du réflexe constricteur. Cette attaque de para-
lysie du nerf moteur oculaire commun, ordinairement passagère, peut
exceptionnellement devenir définitive.
La migraine ophtalmique doit son nom à ce fait que les troubles ocu-
laires y occupent le premier rang. Le scotome scintillant, l'hémiopie
périodique, l'amblyopie, la photophobie migraineuse en sont les formes
principales; elles peuvent exister indépendamment les unes des autres
ou s'associer entre elles.
Dans la migraine spastÙj1le ou srjntpalltico-toztique (duBois-Reymond),
ce sont les troubles sympathiques qui dominent : vaso-constriction des
vaisseaux de la face, pâleur, dilatation pupillaire et salivation abon-
dante. Il en est de même dans la migraine sympathico-paralytique
(de Mollendorf), dans laquelle on note une vaso-dilatation, de la rougeur
de la face, avec rétrécissement de la pupille.
Douleurs de la nuque, Elles sont dues, le plus souvent, au
mal de Pott sous-occipital ou cervical ; aux exsudats méningés com-
primant les racines : pachymëninyite tuberculeuse, syphilitique,
]J({chYllléningite cervicale hypertrophique. Les douleurs de la nuque se
rencontrent également dans l' hystérie et la neurasthénie.
Douleurs du tronc. Les plus fréquentes sont les névralgies
intercostales ou lombaires (Voir art. Névralgies). Les douleurs apo-
physaires spontanées ou à la pression se rencontrent dans les affections
dcs vertèbres et en particulier dans le mal de Poil. Ces douleurs, ordi-
nairemcut. localisées, sont un excellent signe de diagnostic et doivent
être recherchées avec soin dans tous les cas de paraplégie.
On donne le nom de rachialgie il la douleur diffuse de la région
rachidienne. En dehors des affections générales, que nous n'avons
pas il étudier ici, et clans lesquelles elle constitue un symptôme précieux
(rachialgie de la variole) indiquant une participation des méninges au
processus morbide, la rachialgie s'observe dans les affections aiguës et
chroniques de la moelle et de ses enveloppes. Elle est presque constante
dans les myélites aiguës, dans les méningites spinales aiguës (en par-
ticulier dans la méningite cérébro-spinale épidémique), dans les
'Hc/tf/(w/i7f.s' chroniques ; elle se rencontre souvent au cours de
la syphilis spinale; la rachialgie syphilitique présente les mêmes carac-
tères que la céphalalgie syphilitique, avec ses exacerbations nocturnes et
sa sensibilité à Faction du traitement spécifique. La rachialgie enfin est
1'réclttente dans l'hystérie et la neurasthénie (plaque lombaire).
I'naryu wnoi.. 24
i-fc [ROUSSY.]
570 SENSIBILITÉ.
Douleurs des membres. Au niveau des membres, les dou-
leurs sont reportées ordinairement par les malades dans la profondeur
des tissus. A part les douleurs névralgiques pures qui sont faciles à dia-
gnostiquer, les douleurs dans les membres doivent faire songer, en neuro-
pathologie, et après élimination de toutes causes locales, aux névrites,
aux affections des plexus et des racines, aux affections médullaires et
tout particulièrement au ta/;es (douleurs fulgurantes) et aux compres-
sions médullaires.
Douleurs des viscères (viscéralgies). Elles sont fré-
quentes dans les affections du système nerveux et s'observent : 1° dans
les maladies organiques (de la moelle en particulier) ; '2" dans les
névroses.
1° Dans les affections médullaires, on rencontre surtout les vis-
ceratgies dans le tabès. Le type le plus fréquent est la crise gastrique
(Voir art. Troubles nerveux de l'appareil digestif); mais on peut ob-
server également des crises de douleurs paroxystiques intestinales ou à
forme d'angine de poitrine. Les organes génito-urinaires peuvent être le
siège soit de douleurs permanentes, soit de crises douloureuses occu-
pant la vessie, le col, l'urètre, le testicule, l'ovaire, le clitoris. La crise
laryngée du tabès est peu douloureuse.
2° Dans les névroses, les douleurs viscérales permanentes ou sous
forme de crises sont communes dans le goitre exophtalmique (angine de
poitrine, crises gastriques), dans Y hystérie (vaginisme, )1("l'itonisme, etc.),
dans la neurasthénie et enfin dans l'épilepsie, on les viscéralgies consti-
tuent les auras sensitives.
II. DOULEURS GÉNÉRALISÉES
On observe des douleurs généralisées il tout le corps dans quelques
affections un peu particulières, telles que (akinésie algère et la maladie
de Dercum.
1,' akil1(;sie algère ou syndrome de Jlcrc·lrius est caractérisée, comme
son nom l'indique, par l'impossibilité (te faire aucun mouvement sans
douleur. Elle survient chez des individus de souche nevropathifmectdott
être considérée, non comme une maladie spéciale, mais comme une
manifestation des névroses fonctionnelles ou des psychonevroses; elle
peut être rangée dans le groupe des algies centrales (Dejerine).
Dans l'adipose douloureuse ou maladie de Dercum, la douleur est un
des symptômes primordiaux de l'affection. Tout d'abord localisée aux
membres, (die peut envahir tout le corps. Elle s'associe aux autres sym-
ptômes de l'aller lion : adipose, asthénie, troubles psychiques, qu'elle
précède souvent.
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE. 571 1
III. LES DOULEURS CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES
DOULEURS D'ORIGINE PÉRIPHÉRIQUE ET DOULEURS
D'ORIGINE CENTRALE
Il est assez fréquent chez les hémiplégiques d'observer des ptieno-
mènes douloureux du côté paralysé. Ces douleurs revêtent des modalités
variables suivant leur cause, leur moment d'apparition, leur caractère.
, Selon qu'elles précèdent ou qu'elles suivent l'hémiplégie, on les divise
en douleurs préhémiplégiques ou douleurs post-hémiplégiques.
Les doulellrs pl'élu ! l/lipléyiq/les (1\eir-\litcllell), comme leur nom l'in-
dique, surviennent avant l'attaque aplopeelique; elles sont rares (14 sur
120 cas, d'après 1"("1'( : ). Files précèdent donc les phénomènes paralytiques
et siègent au niveau des articulations, des muscles, des tendons et plus
rarement au niveau des nerfs.
Les douleurs post-hémiplégiques sont beaucoup plus fréquentes et
plus importantes à connaître pour le praticien, puisque, dans certains
cas, elles peuvent servir il orienter le diagnostic de localisation. En se
basant sur leur nature pathogénique et sur leurs caractères cliniques, on
peut les diviser en deux groupes distincts : 1° douleurs d'origine péri-
phé1'ique; 2" douleurs d'origine centrale.
1° Douleurs d'origine périphérique. Ce sont les plus an-
ciennement connues; elles siègent (huis les membres, avec une prédilec-
tion marquée pour les grosses articulai ions (épaule, coude, hanche,
genou) et leurs groupes musculaires respectifs. Elles ne sont pas conti-
nues habituellement, mais surviennent par crises provoquées par la
fatigue, par un traumatisme et surtout par les variations atmosphériques;
elles ont, en un mot, tous les caractères des douleurs rhumatismales.
Comme elles, elles sont susceptibles d'amélioration sous l'action des
antiphlogistiques internes ou externes; elles sont aussi exaspérées par
les mouvements, par la pression au niveau des articulations, et calmées
par le repos. On peut donc les comparer aux douleurs rhumatoïdes, sur-
venant dans les membres à la suite de fractures ou de luxation, et. les
ranger dans le même groupe nosoiogique. De tuone que pour les dou-
leurs rhumatismales post-traumatiques, il faut tenir compte, dans leur
genèse, de plusieurs facteurs, de l'intensité et de l'ancienneté de i'he-
mipiegie aussi bien que de l'âge el du tempérament arthritique du sujet.
2° Douleurs d'origine centrale. .Moins fréquentes que les
précédentes el. de notion moins courante, elles doivent pour celte rai-
son nous arrêter un instant. Il y a, en effet, grand intérêt pour le
médecin il savoir reconnaître ces douleurs dites « d'origine centrale »,
qui, jointes à d'autres symptômes, lui permettront de l'aire un diagnostic
de iocaiisation dans les lésions cérébrales en foyer. Files foui, en effet,
partie du syndrome thalamique de Dejerine et Roussy, du syndrome pro-
tuh0ralll.iel supérieur de Raymond et Cestan.
[ROUSSY.]
5 72 ` ? ' ' SENSIBILITÉ.
Caractères. Ces douleurs sont précoces dans leur apparition qui
remonte, soit à l'installation de l'hémiplégie, soit à quelques mois après ;
elles siègent non seulement clans les membres paralysés, mais aussi à la
face et sur le tronc. A la face, elles peuvent occuper le front, la joue, l'or-
bite avec sensation d'arrachement de l'oeil, le menton et l'oreille du côté
paralysé. Aux membres, elles ne se cantonnent pas particulièrement clans
les articulations, mais irradient dans toute la longueur des segments
des membres, aussi bien au niveau des doigts et des orteils qu'à leur
racine. On a de la peine à obtenir des malades une indication exacte sur
la localisation superficielle ou profonde de ces douleurs. La plupart
cependant insistent sur le fait qu'elles sont plutôt superficielles et affir-
ment que c'est la peau et les plans cellulo-graisseux sous-jacents qui
sont douloureux.
Quoi qu'il en soit, ces douleurs sont continues avec exacerbations pa-
roxystiques ; elles arrachent parfois des cris aux malades, les empê-
chent de dormir ou les réveillent brusquement; elles ont pu pousser
parfois le malade au suicide (Edinger). Elles s'accompagnent tantôt
d'anesthésie ou mieux d'hypoesthésie, tantôt d'hyperesthésie quelquefois
très intense. Le contact de la peau, la pression même légère provoquent
de vives douleurs. ^
Les malades comparent leurs douleurs à des brûlures superficielles ou
profondes, à des élancements, à des pressions violentes et douloureuses
qu on exercerait sous la peau, à des coups de poignard. Ces phénomènes
douloureux revêtent le caractère paroxystique et surviennent par crises;
dans l'intervalle il ne persiste que des troubles dysesthésiques : engour-
dissements et fourmillements dans les membres et même à la face.
Un dernier caractère important : ces algies ne cèdent à aucun traite-
ment analgésique externe ou interne; la morphine même ne parvient pas
à soulager les malades.
Les douleurs d'origine centrale, chez les hémiplégiques, diffèrent donc
des douleurs dites périphériques, par leur début précoce, leur siège,
leur intensité, leur évolution et leur résistance à tout traitement.
Causes. A l'aide de faits expérimentaux ou anatomo-cliniques, les
auteurs ont remarqué que les lésions de certains points de l'encéphale
déterminaient des phénomènes douloureux. C'est ainsi que Vulpian pla-
çait le siège central du sens de la douleur dans la protubérance annu-
laire. Nothnagel observe des douleurs dans les lésions du pont, Bechterew
au niveau du pli courbe. Goldscheider remarque que les lésions des gan-
glions centraux sont particulièrement douloureuses; lieiisclieil
Edinger, Dejerine et Roussy insistent sur les douleurs unilatérales dans
les lésions de la couche optique. De là le nom de douleurs d'origine cen-
trale proposé par Goldscheider.
Nous ne pouvons entrer ici dans la discussion de ces faits, ce qui nous
entraînerait trop loin. Qu'il nous suffise de rappeler que deux hypothèses
sont en présence, relativement à la cause intime des douleurs centrales :
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE. 575
4° les phénomènes douloureux sont l'effet de la destruction ou de l'irri-
tation des éléments cellulaires mêmes qui constituent l'organe lésé (noyaux
gris centraux, Goldschcider) ; 2" ils ne sont que le résultat de l'irri-
tation des fibres sensitives centrales sur un point quelconque de leur tra-
jet. De même qu'il existe des douleurs par excitation du neurone sensitif
périphérique, de même il en existe par excitation du neurone central.
Cette seconde hypothèse parait plus vraisemblable; ainsi que le prouvent
les douleurs signalées par Raymond et Cestan clans les lésions prolubc-
rantiellcs intéressant la voie sensitive, et celles notées par Mann dans les
foyers 1m11mir'es unilatéraux, douleurs qui se présentent avec des carac-
tères identiques Ù ceux observés par Dejerine et Roussy dans les lésions
thalallli(lues (1).
i IV. - ALGIES CENTRALES OU TOPOALGIES
IV. ALGIES CENTRALES OU TOPOALGIES
Caractères. Ce sont des douleurs qui sont localisées par les mala-
des, soit dans un viscère, soit en un point quelconque du corps; dou-
leurs tenaces, persistantes, qui ont pour caractère principal, primordial,
d'être indépendantes de toute altération périphérique appréciable, soit
des tissus, soit des nerfs (Dejerine).
Ces douleurs centrales sont l'apanage des névroses et des psychoné-
vroses ; on les rencontre surtout chez les neurasthéniques et les mélan-
coliques. On les appelle également topoalgies (I31occ1). Les causes patho-
géniques des algies centrales sont encore mal connues, elles relèvent du
domaine de la psychologie. On peut dire que « c'est une sensation fixe,
extériorisée, qui, dans un autre domaine, peut être opposée et comparée à
l'idée fixe. On pourrait même dire qu'il s'agit ici d'une maladie de
l'attention. » (Dejerine.) Les algies centrales revêtent certains caractères
qui permettent de les reconnaître, et dont le principal est de survenir
chez des névropathes, des neurasthéniques en particulier. Ces douleurs
sont plus apparentes que réelles, 'n'influencent pas les facultés cérébrales
et paraissent s'atténuer ou même disparaître, lorsqu'on parvient à
détourner l'attention des malades. Elles sont tantôt externes, tantôt
internes.
Externes. Elles siègent en un point quelconque du corps, à la face,
à la nuque, aux membres, au coccyx, sous la forme de zone douloureuse
limitée, ne répondant pas à un territoire nerveux ou radiculaire. Ces
douleurs sont continues ou intermittentes avec paroxysmes; exaspérées
par les mouvements, elles ne le sont pas par la pression des tissus su-
perficiels, des muscles ou des os. Les nerfs mêmes de la région ne sont
pas douloureux.
. Internes. Localisées au niveau des viscères, elles sont plus difficiles
il diagnostiquer. Elles peuvent siéger au niveau des organes génitaux de
1. liea. nrurol., n° J ? 190 ! 1.
[ROUSSY.]
574 SENSIBILITÉ.
la femme (ovaire, utérus) ou de l'homme (testicule, urètre membraneux),
de la vessie, de l'estomac, de l'intestin, du coeur, etc.
Séméiologie. L'importance de ces algies centrales en séméiologie
nerveuse est considérable et tout praticien doit aujourd'hui savoir les
reconnaître. Ainsi, il pourra les combattre en connaissance de cause par
le traitement moral, psychothérapique, et surtout il évitera de laisser
pratiquer des opérations chirurgicales, telles que l'ablation d'organes sup-
posés malades. Ces opérations n'ont pour effet que de créer des désordres
irréparables, sans même faire disparaître la douleur qui persiste au même
endroit ou se reporte sur un autre. organe.
C'est donc en procédant par élimination, en se basant sur les carac-
tères des algies centrales ci-dessus décrits, et surtout sur le fait qu'elles
surviennent chez un névropathe, qu'on arrivera à en faire le diagnostic.
Mais ici une cause d'erreur est possible : une lésion d'un organe quel-
conque peut créer un état neurasthénique. C'est alors à Panamnese et
aux cOITnnémol'3til's que l'on s'adressera pour savoir si c'est la lésion
organique ou la neurasthénie qui a débuté.
§ Il. DYSESTHÉSIES
On désigne habituellement., en France, sous le nom de dyseslhésics.
toutes les sensations subjectives anormales autres que la douleur;
certains auteurs, à l'exemple des Allemands, les appellent aussi « pares-
thésies ». Il s'établit de ce fait des confusions de mot avec les pares-
thésies, troubles de la sensibilité objective, dont il a été question plus
haut, page 287. Pour deux ordres de faits différents, il vaut mieux employer
des termes différents pour les désigner; aussi est-il préférable de réser-
ver la dénomination de paresthésies aux troubles de sensibilité d'ordre
objectif, et celle de dysesthesies à ceux de nature subjective.
Leur modalité. Ce sont des picotements, des fourmillements, des
engourdissements, des angoisses des membres, des sensations de chaud
ou de froid, de doigt mort, de bain ou de courant d'eau chaude ou d'eau
froide, de courant électrique. Ces dysesthésies peuvent exister seules ou
s'accompagner de douleurs et de troubles objectifs de la sensibilité.
Leur siège. Files sont tantôt localisées en un point, en placards,
tantôt diffuses, et siègent au niveau du tronc, de la tête et des membres,
surtout à leurs extrémités. .
Séméiologie. Si les dyscsthesies s'associent habituellement aux
autres troubles sensitifs (douleurs, anesthesies, paresthésies), elles peu-
vent quelquefois exister seules, connue premier symptôme d'une affec-
tion. Elles acquièrent alors ;une certaine importance séméiologique et
concourent à orienter dans une direction déterminée les investigations
cliniques.
Nous ne faisons ([ne signaler ici, pour les éliminer, les dysesthésies
par troubles circulatoires d'ordre local ou général : dyseslhésics des
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE..575
membres dans la gangrène vasculaire, la. gangrène sénile, les infections,
les intoxications générales (alcoolisme, saturnisme), les auto-intoxications
(.doigt'mort dans l'urémie)'. Ces dysesthésies sont du domaine de la patho-
logie générale; nous n'y insistons pas.
Celles que nous allons décrire relèvent de la neuropathologie et doivent
nous arrêter plus longuement..
1° Dans les affections des extrémités, comme l'acroparesthésie,
l'érytliromélalgie, la maladie de Raynaud, les dysesthésies prennent une
place importante dans le tableau clinique; elles sont ordinairement le
[ROUSSY.]
fit.47.
. Fig. '48. ,
Fifr. 47 et 48. Acroparestliésie. Hypoesthésie tactile, douloureuse et thermique des deux
mains, avec phénomènes dysesthésiques très marqués. Tas de troubles de la sensibilité pro-
fonde. (Cas lioac..., Bicêtre, 1901.) '
570 SENSIBILITÉ. , .
premier symptôme en date.. Dans la suite, elles s'associent aux douleurs
et aux autres symptômes objectifs ou subjectifs de la maladie.
Dans l'ac1'oparesthésie, les dysesthésies constituent le principal sym-
ptôme de l'affection. Les fourmillements; les engourdissements et les pico-
tements surviennent par crises périodiques, habituellement nocturnes;
ils occupent les doigts ou les deux mains le plus souvent, plus rarement
les pieds ou la pointe de la langue. Cette affection se rencontre surtout
chez les femmes. Aux dysesthésies, se joignent des phénomènes doulou-
reux et des troubles de la sensibilité objective (hypoesthésie), qui revêtent
une topographie nettement radiculaire (Dejerine et Egger, Thrombert).
Les troubles subjectifs que nous avons signalés peuvent également
prendre la même distribution en bandes longitudinales le long du bras;
on les observe souvent le long du bord cubital.
Dans l'értlaronzélalgie ( u6od5, rouge ; p.na ? membre ; è1.À')'o ?
douleur), les dysesthésies consistent en une sensation de brûlure, le
malade ayant ainsi la sensation d'avoir le pied dans de l'eau bouillante.
Souvent la douleur est extrêmement violente, elle est exaspérée par la
marche et la station debout. En effet, les phénomènes dysesthésiques,
comme les autres symptômes de l'érythromélalgie : rougeur, gonflement,
chaleur et hyperidrose, siègent le plus souvent aux membres inférieurs,
aux orteils, aux pieds. Ils peuvent, mais plus rarement, se présenter aux-
mains, à la face; habituellement symétriques et bilatéraux, ils sont quel-
quefois unilatéraux. Tous ces troubles surviennent par crises qui appa-
raissent ordinairement le soir après la fatigue.
Dans l'asphyxie locale des extrémités (maladie de Raynaud), les
dysesthésies représentent à elles seules les signes subjectifs de la période
d'invasion ou de syncope locale. Ce sont des sensations d'engourdisse-
ment, d'onglée, de doigt mort survenant par crises, sous l'influence du
froid et siégeant soit aux pieds, soit aux mains, plus rarement au nez ou
au lobule de l'oreille. Aux dysesthésies se joignent la pâleur, l'anesthésie
et l'analgésie des téguments. Dans les stades suivants de la maladie,
stades d'asphyxie locale, stades de gangrène, les sensations subjectives
s'exaspèrent; de véritables douleurs intolérables apparaissent, en môme
temps que la teinte cyanotique de la peau, les phlyctènes, le parchemine-
ment et les escarres. ,
2° Dans les affections des nerfs) les phénomènes dysesthésiques sont
' réalisés expérimentalement par la compression violente d'un tronc nerveux
(cubital dans la gouttière épitrochléènne), compression qui détermine de
l'engourdissement et des fourmillements dans la sphère de distribution
de ce nerf. En pathologie, les dysesthésies sont fréquentes dans les affec-
tions des nerfs périphériques : dans les névrites traumatiques , infec-
tieuses ou toxiques; dans les névralgies. Elles font partie du tableau
clinique de l'affection dite méralgie paresthésique (Roth) ou paresthésie
du nerf fémoral cutané externe (Bçrnbardt), dans laquelle les engour-
dissements, les picotements, les douleurs et les troubles sensitifs objec-
. TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE. 577
tifs répondent, au niveau de la cuisse, à la zone d'innervation cutanée
du nerf fémoro-cutané. ....
5" Dans les affections de la moelle, surtout à la période prodromique,
les sensations dysesthésiques sont fréquentes. Tout d'abord intermit-
tentes', survenant par crises, il la suite d'une fatigue, elles deviennent
ensuite continues et finissent par se perdre dans le complexus sympto-
matique de la maladie. C'est donc surtout à cette période d'invasion
qu'elles peuvent servir dans la recherche diagnostique. On les observe
clans toutes les affections de la moelle et des méninges : méningite,
compression médullaire, tabès, etc.... -
Mais c'est principalement au début des affections spinales par trouble
circulatoire, par artérite subaiguë ou chronique (ordinairement syphili-
tique) que les dysesthésies revêtent certains caractères qui méritent de '
nous arrêter un instant. Nous voulons parler des dysesthésies de la pé-
riode tout à fait initiale de la syphilis médullaire, et faisant partie du
syndrome de claudication intermittente' de la moelle épinière (de Deje-
rine) ('). Ce syndrome est essentiellement caractérisé par ce fait/que les
troubles de la marche, la lourdeur, la faiblesse des. membres et les sen-
sations anormales subjectives, ne surviennent qu'après la fatigue de la
marche. Ils apparaissent après un temps de marche variable suivant
l'ancienneté de l'affection, temps de plus en plns court à mesure que la
maladie fait des progrès ; ils disparaissent complètement après un repos
de quelques minutes. Ce sont les signes avant-coureurs d'une paralysie
définitivement constituée et survenant dans la suite, si l'on n'est pas
intervenu à temps. L'apparition de la faiblesse, dit Dejerine, est annoncée
au malade par des sensations anormales, des dysesthésies, dans le ou
les membres qui vont bientôt se paralyser. Il ne s'agit guère ici de
douleur intense, de douleur véritable au sens propre du mot, mais plutôt,
d'une sensation de chaud ou de froid. L'intensité de ces sensations aug-
mente à mesure que la paralysie se développe, et, comme cette dernière,
elle disparaît complètement après quelques instants de repos. Ces phéno-
mènes sont évidemment dus à l'insuffisance de l'irrigation d'une région
de la moelle, insuffisance qui devient apparente dès que la moelle est
appelée à fournir un travail quelque peu prolongé.
4° Dans les affections du cerveau, comme du côté de la moelle, les
dysesthésies peuvent faire partie de la symptomatologie des affections
constituées du cerveau (lésions cérébrales en foyer, hémorragies, ramol-
lissement, tumeurs, méningites) ; elles acquièrent plus d'importance
séméiologique dans la période initiale des affections dues - aux troubles
de la circulation artérielle par athérome ou syphilis. On peut observer ici,
dans un membre, ou sur tout le côté du corps, des fourmillements, des
engourdissements précédant de plusieurs jours l'hémiplégie. Dans cer-
tains cas, les dysesthésies s'associent à des troubles intellectuels passa-
z1. Revue neurologique, n° 8, 1906.
[ROUSSY.]
''578 " "\.. , ; - SENSIBILITÉ.. ' -. ; -\ -" ? ? z
gers, intermittents (amnésie, fatigue intellectuelle, aphasie), qui. survien-
nent à la suite de fatigue et disparaissent par le repos : véritable claudi-
cation intermittente du cerveau (Grasset) ().
5° Dans lès névroses et les psychoses. Les dysesthésies sont égale-
ment des sensations subjectives qu'on observe dans les névroses. Dans
l'hystérie, elles apparaissent soit comme phénomène durable, soit comme
signe passager dans la période prodromique des crises convulsives. Dans
Vépilepsie essentielle ou symplomatique, les fourmillements et les
engourdissements font partie du cortège des symptômes de l'aura
sensitive. Enfin, on les observe fréquemment en médecine mentale,
dans les hallucinations et les illusions, principalement dans la, folie de
persécution.
III. - BESOINS, SENSATIONS INTERNES, CÉNESTHÉSIE
Il existe tout un groupe de sensations subjectives qui sont à la base de
notre vie mentale : .ce sont les sensations dites internes, partant des
organes internes, et dont relèvent les besoins organiques et le sens inté-
rieur, sens de l'existence ou cénesthésie.. -
Les modifications de ces sensations internes peuvent se rencontrer au
cours de certaines affections du système nerveux, liées ou non à des
altérations de la sensibilité objective profonde (sens musculaire, sensibi-
lité viscérale), comme dans le tabes ou dans les névroses ou psychoné-
vroses. Mais c'est surtout'dans les maladies mentales qu'elles acquièrent,
une réelle importance.
Les besoins organiques, d'après Beaunis,. peuvent être divisés en :
besoins d'activité (activité musculaire, psychique et sensorielle); besoins
de nutrition (faim, soif, miction, défécation) ; besoin de respiration ;
besoin sexuel ; besoins instructif et acquis, et enfin besoins d'inaction
(sommeil et repos).
Chacun d'eux peut être diminué ou exalté au cours des maladies ner-
veuses. C'est ainsi que, dans le tabes, le besoin de la miction, le besoin
sexuel sont très fréquemment touchés (voir Troubles génito-urinaires).
Mais c'est surtout dans les névroses (hystérie et neurasthénie) et dans
les psychoses (manie, mélancolie, etc.) que l'on observe des modifications
fréquentes de la sensation de besoin organique.. En. plus des altérations
du besoin de la, miction, du besoin sexuel, qui peuvent s'observer égaler
ment ici, on note des modifications de la sensation de la faim qui est tan-
tôt diminuée, tantôt abolie (anorexie mentale) ou exaltée (boulimie);
de la sensation de soif qui est abolie (adipsie) ou augmentée (poly-.
dipsie).
. Les sensations internes ou la sensibilité organique comprennent
1. Revue neurologique, n° 10, 1906.
THOUIILES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE. 57 £ 1
toutes les sensations internes qui -parlent des organes et transmettent au
cerveau l'impression produite par leur activité fonctionnelle, leurs besoins,
leur condition de santé ou de maladie. C'est de ce complexus d'impres-
sions transmises de tous les points du corps au « sensorium » que
résulte le sentiment que nous avons de l'existence de notre corps et des
différentes parties qui le composent (cénesthésie).
La sensibilité organique qui, a l'état normal, ne donne que des sensa-
tions rudimentaires, subconscientes, peut à l'état pathologique s'exalter,
disparaître ou se pervertir. Les malades ne sentent plus fonctionner leurs
organes ou au contraire en perçoivent trop vivement le fonctionnement;
ou bien encore ils éprouvent des sensations étranges, celles d'animaux
qui remuent dans leurs viscères. Toutes ces modifications de la sensi-
bilité organique sont, du ressort de la psychiatrie.
Les altérations profondes du sens céneslhésique ne se voient guère
(lue dans les maladies mentales; mais ce sens peut être partiellement
troublé dans l'hystérie et dans les affections organiques du système ner-
veux s'accompagnant de troubles marqués des sensibilités subjectives
superficielles et profondes. Dans le tabès, par exemple, le malade perd
parfois la notion de l'existence de ses jambes.
Chez l'aliéné, la recherche des perturbations du sens cénesthésique
est de la plus haute importance, mais elle est souvent fort difficile 1)1.a-
tiquer.
La valeur séméiologique des troubles des besoins naturels et des sen-
sations internes organiques n'est pas marquée dans les affections orga-
niques du système nerveux ; elle devient plus considérable dans les
névroses (hystérie, neurasthénie), et acquiert toute son importance dans
les psychoses.
[ROUSSY.]
NÉVRALGIES ET ALGIES
par Georges GUILLAIN
Les névralgies ne constituent pas des maladies; ce sont des syndromes
cliniques caractérisés par des douleurs continues et paroxystiques sié-
geant sur le trajet des nerfs sensitifs. A ces douleurs se surajoulcnt,des
troubles vaso-moteurs, sécrétoires, trophiques. ,
J'élimine des névralgies proprement dites les affections douloureuses
des nerfs de la vie organique (l'hl'patalgie, la nephralgie, la gastralgie,
l'entéralgie, l'ovaralgie, etc.). L'étude de ces affections appartient en
réalité il la pathologie viscérale. ,
Les névralgies sont très fréquentes; leurs causes sont multiples.
L'adultération nerveuse peut siéger soit sur les rameaux périphériques,
soit sur le tronc du nerf, soit sur les racines, soit peut-être aussi sur les
noyaux d'origine au niveau des centres.
Les plaies des nerfs sensitifs ou des nerfs mixtes sont des causes de
névralgie, la simple piqûre d'un nerf amène parfois des névralgies du-
rant très longtemps. Les douleurs, en cas de plaie des nerfs, sont accom-
pagnées de troubles objectifs de la sensibilité et de troubles trophiques
(causalgie de 1'cir-Iitchcll).
La compression des nerfs par des tumeurs, des anévrismes, des cals
vicieux, des exsudais, les tumeurs des nerfs, les névromes sont des
causes de névralgie. D'après Ilcnle, des veines variqueuses dilatées pour-
raient comprimer des rameaux nerveux et des racines rachidiennes au
niveau des trous de la base du crâne ou des trous de conjugaison du
rachis et amener ainsi des névralgies du trijumeau ou des névralgies
intercostales.
La congestion simple des nerfs peut déterminer une névralgie; Cubler
a insisté sur les névralgies congestives des cuisinières et des chauffeurs.
Ailleurs, c'est l'anémie qui parait agir : névralgies des chlorotiques, né-
vralgies des individus ayant eu une hémorragie, névralgies des couvaics-
cents, névralgies des leucémiques, etc. Il est impossible, d'ailleurs,
d'affirmer si dans ces cas l'anémie seule est en cause.
Beaucoup de névralgies paraissent dépendre d'un refroidissement. Le
mécanisme de l'action du froid dans la genèse des névralgies est ddh-
cile Ù préciser, mais son rôle parait évident. Peut-être le froid crec-t-d
NÉVRALGIES ET ALGIES. 31
une névrite, favorise-t-il la localisation sur un nerf d'une infection ou
d'une intoxication.
Le syndrome névralgie est très souvent déterminé par une névrite.
C'est à tort, me semble-t-il, qu'on a voulu opposer d'une façon radicale
la névralgie et la névrite. Il n'y a entre ces deux troubles morbides
qu'une différence de degré.
Des névralgies se constatent au début des fièvres éruptives, au début
et dans le cours de la fièvre typhoïde, dans la grippe, la blennorragie,
la tuberculose, etc.
Chez les syphilitiques on observe des névralgies précoces et des névral-
gies tardives. Les névralgies précoces, contemporaines des accidents
secondaires, atteignent avec élection le trijumeau, le sciatique, les nerfs
intercostaux, elles sont sans doute sous l'action directe du tréponème
pâle ou de ses toxines. Les névralgies tardives de la période tertiaire
sont des névralgies créées par des périostoses du voisinage, par des com-
pressions scléreuses ou gommeuses.
Les névralgies sont fréquentes dans le paludisme, spécialement dans
le paludisme chronique. Parfois elles peuvent être l'unique manifesta-
tion du paludisme, réalisant ainsi une forme larvée névralgique. Les
névralgies paludéennes ont souvent le caractère de l'intermittence, mais
ce caractère n'a pas une valeur pathognomonique, car beaucoup de né-
vralgies ducs à d'autres causes sont intermittentes.
Les névralgies sont fréquentes chez les goutteux, les diabétiques, les
rhumatisants chroniques. Dans certains cas, elles dépendent d'intoxica-
tions comme luuoxicatioumercuricllc ou l'intoxication par le tabac.
On a désigné sous le nom de névralgies réflexes des névralgies dont le
point de départ serait dans un territoire éloigné du nerf malade.
Je n'ai pas épuisé, dans les quelques lignes précédentes, l'énuméra-
tion de toutes les causes susceptibles de créer des névralgies. Il n'est
pas de maladies infectieuses, d'intoxications, d'auto-intoxications qui
ne puissent avoir sur les nerfs une action susceptible de se traduire en
clinique par le syndrome névralgie.
- le donnerai plus loin quelques tableaux cliniques schématiques des
névralgies les plus fréquemment observées, mais auparavant je crois
utile de rappeler la séméiotique générale du syndrome névralgie.
La névralgie est parfois précédée de prodromes tels que fourmillements,
picotements, élancements dans la région qui sera le siège des douleurs.
Celles-ci, très vives et très intenses, sont souvent la première manifes-
tation de l'affection. Ces accès douloureux se traduisent par des sensa-
tions de brûlures, d'arrachement. Parfois les douleurs sont continues,
parfois le malade ressent une série d'élancements survenant à des inter-
valles très courts, mais toutefois appréciables. La violence des douleurs
varie chez les différents malades, parfois elles sont telles qu'elles arra-
chent des cris. Les douleurs suivent le trajet d'un nerf et de ses bran-
ches, elles dessinent son territoire anatomique, elles sont augmentées
[GUILLAIN.]
582 NÉVRALGIES ET ALGIES.
par le moindre mouvement et souvent diminuées par une compression
énergique des régions atteintes. Les douleurs névralgiques irradient
parfois à des nerfs voisins et même à des nerfs plus ou moins éloignés ;
ces douleurs irradiées sont moins intenses que les douleurs primitives.
Les crises douloureuses sont souvent accompagnées de troubles vaso-
moteurs et sécrétoircs. Au début des accès on observe parfois de la pâleur
des téguments à laquelle succède de la cyanose. La température locale est,
dans certains cas, augmentée. a a attiré l'attention sur ce fait que le
pouls, dans les névralgies, est souvent ralenti. Les sécrétions glandulaires
sont fréquemment augmentées au cours des paroxysmes douloureux, ainsi *
l'on observe le larmoiement et la salivation dans la névralgie faciale, l'exa-
gération de la sécrétion lactée dans la mastodynie. A la fin des accès
névralgiques existent souvent des sueurs et de la polyurie.
Au cours des crises névralgiques, on constate parfois des tremblements
tibrillaires, des secousses musculaires. .
La durée des accès douloureux varie d'un quart d'heure à une demi-
heure, une heure. La douleur disparaît alors et le malade a une exquise
sensation de bien-être. Le retour des accès se produit soit spontanément,
soit consécutivement à un mouvement, à une irritation cutanée. Il est ex-
ceptionnel que dans l'intervalle des accès ne persiste pas une vague sen-
sation d'endolorissement. .
Durant les accès douloureux de la névralgie, on constate que la pres-
sion, sur certains points du trajet du nerf, détermine une très vive dou-
leur. Ces points névralgiques, points douloureux de Valleix, forment de
petites surfaces de deux centimètres carrés; ils ont certains sièges de
prédilection tels que le lieu où un tronc nerveux émerge d'un canal os-
seux, le lieu où un filet nerveux traverse un muscle ou une aponévrose
pour se rapprocher de la peau, le lieu où un nerf devient très superficiel
et repose sur un plan résistant contre lequel il peut être facilement com-
primé, le point où un nerf se divise et abandonne un ou plusieurs ra-
meaux, le point où les rameaux terminaux d'un nerf viennent s'épuiser
dans la peau. Trousseau a ajouté aux points douloureux de Valleix un
point douloureux apophysaire qui siège au niveau de l'apophyse épineuse
de la vertèbre au-dessous de laquelle sort le nerf atteint de névralgie.
Les nombreux points douloureux signalés par Yallcix sont intéressants
à connaître, mais on ne les rencontre pas constamment, et il me semble
que leur description répond plus souvent à un schéma anatomique qu'à 1
une réalité clinique.
Les troubles de la sensibilité objective, observés dans les névralgies,
sont très variables : paresthésies, anesthésies, hypoesthésies, hyperes-
thésies. D'après Notlmagel, on observerait, dans les névralgies récentes ne
remontant pas il plus de douze mois, de ],hYP('J'('slh('sie et, dans les névral-
gies anciennes, de l'anesthésie. En réalité, je crois que les troubles de la
sensibilité dépendent surtout de la cause des névralgies; il est évident
que si, par un processus morbide, un nerf est presque totalement détruit,
NÉVRALGIES ET ALGIES. ' 385
l'anesthésie en sera la conséquence, tandis que tel autre nerf, irrité
durant très longtemps par un agent de compression, pourra traduire
cette irritation par de l'hyperesthésie persistante. Dans certaines névral-
cries on observe une anesthésie absolue au tact, à la douleur, à la tem-
pérature, bien que les douleurs spontanées soient très vives, c'est
l'anesthésie dite douloureuse.
Les troubles trophiques accompagnant les douleurs névralgiques sont
très fréquents et très variés : changement de coloration et chute des
poils, atrophie ou hypertrophie de la couche graisseuse sous-cutanée,
oedèmes, érythèmes, urticaire, zona, etc....
Dans les cas de névralgies persistantes et très douloureuses surviennent
des troubles psychiques, de l'irritabilité, de l'insomnie, de l'asthénie;
on a vu des malades se suicider pour mettre un terme à leurs atroces
souffrances. Dans d'autres cas, les sujets maigrissent, s'anémient, et
l'on pourrait même décrire une véritable cachexie névralgique.
La marche et l'évolution des névralgies ne peuvent être schématisées, elles
dépendent de chaque cas individuellement considéré. Il est des névralgies
que l'on pourrait appeler envahissantes, dans lesquelles tous les rameaux
d'un nerf sont successivement pris, et, quand un nerf dépend d'un plexus,
toutes les branches de ce plexus sont successivement atteintes.
Tantôt les névralgies guérissent en quelques jours ou en quelques se-
maines, tantôt elles passent à l'état chronique, durent des mois et des
rnées. Les récidives sont fréquentes.
Le diagnostic des névralgies est en général facile. Je ne puis ici
passer en revue toutes les affections douloureuses qu'il ne faudra pas con-
fondre avec elles : les myalgies, le rhumatisme musculaire, les arthropa-
thics, les ostéites, les douleurs osléocopes de la syphilis, etc....
Les neurasthéniques, les psychasthéniques accusent parfois des dou-
leurs localisées à la tète, au cou, à la colonne vertébrale, aux membres,
au coccyx; ces douleurs sont persistantes, très tenaces, elles ne semblent
pas augmentées par la pression, ne correspondent à aucun territoire
nerveux précis, ni à aucune lésion locale. Telles sont les algies centrales,
les topoalgies. Ces douleurs, que le malade dépeint avec un grand luxe
d'images et une phraséologie abondante, n'amènent pas les mêmes réac-
tions et les mêmes troubles que les douleurs réelles; elles ont une allure
toute spéciale qui les fait souvent reconnaître et nécessitent un trai-
tement psychique. Quand ces algies centrales se localisent à un viscère
(estomac, coeur, reins, vessie, ovaires, etc.), elles sont parfois la cause
d'erreurs graves de diagnostic et peuvent conduire à des interventions
chirurgicales qui ne sont nullement, utiles.
On peut rapprocher des malades atteints de topoal¡.6e ces sujets, dont
parle Brissaud, qui souffrent d'une douleur dont la nature, l'intensité, le
siège même n'ont, qu'une importance secondaire, alors que son caractère
essentiel est de revenir, soit il date fixe, à jour fixe, à heure fixe, soit à
un moment quelconque, mais alors, sous l'influence apparente d'une
[GUILLAIN]
584 NÉVRALGIES ET ALGIES.
circonstance invariable et cependant manifestement insignifiante. Dans
ce cas la douleur semble n'obéir qu'à une loi, celle de l'habitude. Il y a
possibilité d'une véritable obsession hallucinatoire douloureuse chez des
sujets à cela près complètement indemnes. Du fait qu'il s'agit d'un phé-
nomène objectif échappant à tout contrôle, les médecins, fait remarquer
Brissaud, sont enclins à incriminer l'habitude de se plaindre plutôt que
celle de souffrir. Presque tous les malades atteints de douleur d'habitude
attribuent à leurs crises telle ou telle origine organique (hépatique, gastro-
intestinale, utérine) et épuisent en vain les ressources de la thérapeuti-
que médicamenteuse; seule la psychothérapie peut agir, car les douleurs
d'habitude relèvent de la pathologie mentale.
Vakinesia n/</c ? Y/, affection décrite par Mobius, se caractérise par des
douleurs se produisant à l'occasion des mouvements volontaires en l'ab-
sence de toute lésion locale, elle semble dépendre de troubles psychiques.
C'est une variété d'algie centrale observée chez des sujets hystériques ou
neurasthéniques. Dans certains cas accentués les malades atteints d'aki-
nesia algera sont incapables de faire aucun mouvement. Les douleurs parfois
même se montrent à l'occasion de la mastication, d'où l'inanition possible.
Le diagnostic du siège des excitations algésiogènes est important,
surtout quand il s'agit de déterminer si une intervention chirurgicale
sera ou non utile. °
Les névralgies reconnaissent parfois pour cause une lésion des racines
rachidiennes. et ses élèves ont fort bien étudié les diverses
modalités des radiculalgics et des radiculiles. Paul Camus (Thèse de
Paris 1908) a consacré à ce sujet un travail très intéressant. Les radi-
culalbies se traduisent par des douleurs, ayant fréquemment le caractère
fulgurant et térébrant, survenant par crises variables d'intensité. Les
douleurs se font sentir dans la profondeur du membre plutôt que sur le
trajet des nerfs périphériques; les troncs nerveux d'ailleurs sont moins
douloureux à la pression que dans les névralgies. Les douleurs sont
réveillées souvent par la toux, 1 etcrnuemcnt (Dejerine, Leenhardt et
Norero). Les troubles de la sensibilité (hyperesthesics, anesthésies) pré-
sentent la topographie en bande de la distribution des racines posté-
rieures. Parfois aux troubles sensitifs s'ajoutent des (roubles moteurs il
topographie radiculaire. La leucocytose du liquide céphalo-rachidien est
un symptôme souvent constaté dans les radiculites. Les radiculalgies et
les radiculites peuvent se rencontrer aux différents étages de la moelle
cervicale, dorsale, lombaire et sacrée.
Pitres, pour déterminer le siège des excitations algésiogènes, conseille
de comparer les effets des injections de cocaïne pratiquées pendant les
paroxysmes douloureux, soit sous la peau de la région endolorie, soit le
long du trajet des troncs nerveux qui s'y rendent, soit dans la cavité
arachnoïdienne. Les injections de cocaïne équivalent physiologiquement
à la section temporaire des conducteurs centripètes au point où elles sont
appliquées; si, dans le cours d'un paroxysme névralgique, on pratique
NÉVRALGIES ET ALGIES. 585
une injection de cocaïne au-dessus du point d'où partent les excitations
algésiogènes, on arrêtera brusquement la production des douleurs.
Quand on est en présence d'une névralgie d'origine extra-fasciculaire,
c'cst-a-clirc provenant d'une irritation des extrémités terminales des nerfs
de la région endolorie, la douleur se calme aussitôt après l'injection de
cocaïne loco dolenli. Ainsi les névralgies des membres provoquées par des
ncvromes douloureux, les tics douloureux de la face dépendant de lésions
alvéolaires sont rapidement apaisés par les injections ancstbesiantes faites
au voisinage immédiat du névrome ou sous la gencive qui recouvre le
rebord alvéolaire altéré; cet apaisement de la douleur justifie les opéra-
tions tendant à guérir le mal en attaquant directement la cause.
Les douleurs névralgiques d'origine fasciculaire, c'est-à-dire celles qui
résultent de l'irritation des troncs nerveux périphériques soit par des
varices des vasa nervorum, soit par des altérations névritiques, ne sont
pas influencées par les injections sous-cutanées; elles se calment si l'in-
jection est poussée au voisinage du tronc nerveux au-dessus du point où
siègent les excitations algésiogènes. Si, dans ces névralgies, la névro-
tomie est conseillée, à cause de la violence ou de la ténacité des douleurs,
la section nerveuse devra être faite à la hauteur où l'injection de cocaïne
a amené la sédation des douleurs.
Les névralgies d'origine radicule-médullaire, telles que celles des tabé-
tiques, ne sont pas calmées par les injections de cocaïne pratiquées sous
la peau ou le long du trajet des troncs nerveux; mais, quand elles siègent
dans la moitié inférieure du corps, elles sont suspendues par les injec-
tions intra-arachnoïdiennes de cocaïne.
Dans les cas de névralgies réflexes (telle la névralgie faciale provoquée
par une lésion irritative du naso-pharynx, telles les névralgies lombaires
ou sacrées causées par une uretrite, une cystite, etc.), les injections de
cocaïne pratiquées loco dolent ou sur le trajet des nerfs qui s'y distri-
huent n'apaisent pas la douleur, mais elles la calment très rapidement si
elles sont faites dans la région où se trouve le foyer d'irritation qui, par
voie réflexe, entretient la névralgie, bien que cette région ne soit pas ou
soit à peine douloureuse. Ainsi, pour prendre les exemples de Pitres, les
névralgies faciales causées par les végétations adénoïdes du naso-pharynx
sont calmées par les badigeonnages de ces végétations avec une solution
de cocaïne à 10 pour 100; les crises douloureuses iléo-alolominules ou
sacrées peuvent être calmées par la cocaïnisation des muqueuses de
1 urètre, de la vessie, de l'anus, du rectum.
Les topoalgies hystériques et neurasthéniques sont différemment in-
llacncucs par les injections de cocaïne. Tantôt la douleur n'est nullement
modifiée, tantôt elle est diminuée momentanément, tantôt elle disparait
radicalement, sans doute par suggestion. Pitres a observé des cas de sacro-
dynie, de talalgie, de visceralgies diverses qui ont disparu à la suite d'une
ou de deux injections de cocaïne dans le canal rachidien ou le long des
nerfs de la région endolorie.
Pratique seuhol. 25
[GUILLAIN.]
5(j .NÉVRALGIES ET ALGIES.
NOSOQRAPHIE SCHÉMATIQUE
DES PRINCIPALES NÉVRALGIES OBSERVÉES EN CLINIQUE
NÉVRALGIE DU TRIJUMEAU
La névralgie du trijumeau, prosopalgie, est une des plus fréquentes
parmi les névralgies. Elle reconnaît des causes multiples : affections
dentaires, affections du nez et des sinus de la face, affections de l'oeil
(herpès de la conjonctive, ulcère de la cornée, glaucome), tumeurs du
maxillaire, tumeurs de la hase du crâne, méningites chroniques de la
base, anévrismes, ostéites crâniennes, névrites infectieuses ou toxiques,
talws.
La névralgie du trijumeau se caractérise par des douleurs continues
accompagnées d'accès paroxystiques. Les accès sont très pénibles, don-
nent la sensation de coups de couteau, de décharges électriques dans la
face; les malades à ce moment compriment et frottent avec énergie le
côté affecté ; ces accès durent de quelques minutes il un quart d'heure et
parfois davantage; certains malades en ont compté plus de 100 dans les
vingt-quatre heures. Les mouvements de la phonation et de la déglutition
suffisent souvent pour ramener les accès, aussi les malades évitent de
parler et de manger. La douleur irradie fréquemment vers la région cer-
vicale postérieure, le domaine du plexus brachial. Durant l'accès on trouve
des points douloureux au niveau du trou moutonnier, du trou sous-
orbitaire et du trou sus-orhitiurc. Le point apophysaire de Trousseau a
pour siège la tuherosite occipitale externe et les '2'' et 5'' apophyses épi-
neuses. Entre les accès les téguments de la face sont hypercsthesies.
Des troubles moteurs sont observés (htepharospasme, mouvements
des commissures des lèvres, secousses des muscles de la face). Il esta il
remarquer que les muscles masticateurs ne sont pas le siège de contractions.
Au cours des accès on constate des troubles vaso-moteurs : pâleur ou
congestion de la face, aspect luisant de la peau, hyperemie des muqueuses
conjonclivale, pituitaire et buccale. Des troubles secretoires existent :
hypersécrétion de larmes irritantes, ptyalisme, augmentation de la sécré-
tion nasale, epbidrose unilatérale. Parfois, dans les névralgies faciales
chroniques, on observe de la surdité; pour certains auteurs elle serait
occasionnée par une hypersécrétion du liquide labyrilllhillue (glaucome
auriculaire ou surdité névralgique de Celle).
Les troubles Irophiques appartiennent aux névralgies faciales graves :
chute des cheveux, des sourcils, de la barbe, canitie, hypertrophie ou
atrophie de la peau de la face, augmentation du tissu graisseux sous-
cutané, hypertrophie osseuse, etc. Rappelons aussi parmi les (roubles
trophiques les éruptions de zona qui, dans la forme ophtalmique en par-
ticulier, peuvent avoir des conséquences graves. ,
.NÉVRALGIE DU TRIJUMEAU. 587
La névralgie faciale est extrêmement douloureuse, empêche.le som-
meil, l'alimentation. Beaucoup de malades se cachectisent, certains
d'entre eux deviennent hypocondriaques et sont amenés au suicide.
La névralgie faciale est presque toujours unilatérale. Elle peut être
totale ou partielle; dans ce dernier cas une seule des trois branches ou
même quelques filets isolés du nerf sont atteints.
La névralgie de la branche ophtallllique se traduit par des douleurs
des téguments de la partie antérieure du cuir chevelu, du front, de la
paupière supérieure;, de la racine et du lobule du nez, par des douleurs
dans le sinus frontal, la partie antérieure des fosses nasales. 11 existe des
points douloureux : le point sus-orbitaire là où le nerf frontal externe
sort de l'orbite, le point palpébral au niveau de l'émergence du nerf
lacrymal à la partie externe de la paupière, le point nasal au-dessous de
l'angle interne de l'oeil au niveau où la branche externe du nerf nasal sort
de l'orbite, le puint naso-lobai1'e qui correspond a l'épanouissement d'un
filet du rameau éthmoïdal dans le lobule du nez.
La névralgie localisée au nerf sus-orbitaire est relativement fréquente
chez les paludéens, elle se traduit par des douleurs au niveau du front,
de la paupière supérieure, de la racine du nez. La névralgie des nerfs
ciliaires se caractérise par de la photophobie, du larmoiement, du
blépharospastuc.
La névralgie du nerf maxillaire supérieur a, pour expression sytnp-
tomaticlnc, des douleurs au niveau de la paupière inférieure, des parties
latérales du nez, de la région malaire, de la région temporale antérieure,
de la face cutanée et muqueuse de la joue, des dénis supérieures. Les
points douloureux principaux de cette névralgie sont : le point sous-
ol'bitaire au niveau de l'émergence du nerf sous-orbitaire, le point
malaire sur la pommette, au niveau où le filet tcmporo-malaire du nerf
orbitaire traverse l'os malaire, les points dentaires.
La névralgie du, nerf maxillaire inférieur se caractérise par des dou-
leurs au niveau de la lèvre inférieures du menton, de la région posté-
rieure de la joue, de la région temporale, de la partie antérieure du
pavillon de l'oreille, du conduit auditif externe, de la langue, des dents
inférieures, de la muqueuse de la joue et du plancher de la bouche. Les
points douloureux principaux sont le point 1/U'lIto/llzier au niwan LIe
1 émergence du nerf dentaire inférieur, le point auricido-temporal au
devant et au-dessous du tragus, à cet endroit'où le nerf auriculo-temporal
contourne le col du condyle. les points dentaires, le point lingual dans
le sillon gingivo-linguallil où le nerf lingual devient sous-muqueux.
La névralgie est souvent localisée il certaines branches du nerf utaxil-
laire inférieur : névralgie d n nel'r denta ire inférieur (douleurs au niveau
des dénis du maxillaire inférieur, de la lèvre, du 111('111011, poillt doulou-
reux il l'épine de Spyx) ; névralgie du /la/' altl'iclllo-telllpo/'{{1 (douleurs
a la tempe, il la partie antérieure du pavillon, au conduit auditif externe) ;
névralgie du nerf lingual (douleur pendant la mastication et la phona-
IGUILLAIN.}
588 .NEVRALGIES ET ALGIES. -
tion suivant une ligne qui se dirige de la dernière molaire à la pointe de
la langue, hypersécrétion salivaire) ; névralgie du nerf buccal (douleur
suivant une ligne allant de l'oreille à la partie- moyenne delà joue, points
douloureux en avant. du lobule de l'oreille, au bord antérieur du masséter
et à la partie moyenne de la joue). '
Parmi les variétés symptomatiques des névralgies faciales, Trousseau
a attiré l'attention sur les névralgies épileptiforines dont il a décrit deux
variétés, 1-une convulsive, l'autre non convulsive. Dans la névralgie épi-
lepti{o1'1Ùe simple non convulsive, le malade ressent tout à coup une très
vive douleur, il porte la main à son visage, la douleur dure quelques
secondes ou une minute, puis cesse brusquement. Dans la névralgie épi-
lepti{o1'me convulsive, le tic douloureux de la face, les symptômes dou-
loureux sont les mêmes, mais les muscles du visage sont agités de con-
tractions rapides, involontaires. Les paroxysmes douloureux peuvent être
répétés, certains malades en ont 50 ou 100 en vingt-quatre heures. Ces
paroxysmes sont déterminés souvent par la déglutition, la mastication, la
moindre excitation. Le tic douloureux de la face persiste un temps très
long; la compression que les malades exercent dans le but de diminuer
leurs douleurs, peut à la longue amener un véritable aplatissement d'une
moitié de la face. Les troubles trophiques sont fréquents dans cette
forme de névralgie.
NÉVRALGIE CERVICO-OCCIPITALE
La névralgie cervico-occipitalc occupe le territoire des branches ante-.
rieures et postérieures des quatre premiers nerfs cervicaux. La branche
postérieure; du deuxième nerf occipital, le grand nerf occipital, est sou-
vent atteinte de névralgie à l'exclusion des autres : névralgie occipitale.
Les causes les plus fréquentes des névralgies cervico-occipitales sont :
les affections de la colonne cervicale (tuberculose, syphilis, tumeurs), les
arthrites vertébrales rhumatismales, la pachyméningite cervicale hyper-
trophique, les anévrismes de l'artère vertébrale, les adénopathies cervi-
cales, les névrites infectieuses, etc.
Vincent (Soc. met. des hôpitaux de Pains, 1904) a insisté sur la froc-
quence de la névralgie occipitale dans les angines vulgaires (angines
simple, érythémateuse, pultacée, herpétique, phlegmoneuse). La douleur
de la névralgie du grand nerf occipital est réveillée par les mouvements
de la tête, par la toux, l'éternuement, la déglutition; elle est provoquée
aussi par la pression dans la fossette de la nuque et au niveau du point
d'émergence des nerfs occipitaux. Cette occipitalgic paraît devoir s'expli-
quer par les relations anatomiques existant entre les nerfs sensitifs du
pharynx et le deuxième nerf cervical postérieur d'où émane le grand
nerf occipital d'Arnold. En effet la deuxième racine cervicale postérieure
envoie quelquefois un ou plusieurs rameaux sensitifs au spinal. Ces
NÉVRALGIE CTRWCO-BBICTiIALE. - 3M
rameaux accompagnent la branche interne du .spinal jusqu'au ganglion
plexiforme du pneumogastrique et se détachent vraisemblablement de
ce ganglion en suivant le nerf pharyngé qui n'est que la continuation de
la branche interne du spinal. Ces fibres aboutissent au plexus pharyngien.
Ainsi s'explique la solidarité qui existe parfois entre le nerf occipital et
les branches sensitives du pharynx. L'anastomose précitée n'est, pas
constante, aussi l'occipitalgie ne l'est pas non plus.-Claude a signalé la
névralgie occipitale dans la rhino-pharyngite purulente, Jacquet dans
l'angine et la pelade.
La névralgie cervico-occipitale amène des douleurs à la nuque, sur le
sommet de la tête et jusqu'au front (grand nerf occipital), dans la région
parotidienne et le pavillon de l'oreille (branche auriculaire), sur.l'apo-
physe mastoïdc (branche mastoïdienne), sur la région inférieure de la
face et la région antéro-latérale du cou (branche cervicale transverse),
vers la clavicule et le moignon de l'épaule (branche sus-claviculaire et
sus-acromiale). La tête est immobile pendant les accès et tous ses mou-
vements ramènent les douleurs. Les douleurs irradient parfois dans le
domaine du plexus brachial ou du trijumeau. ..
Les points douloureux habituels des névralgies cervico-occipitales
sont : le point occipital à l'émergence du grand nerf occipital à travers
le muscle complexus, ce point est situé à une distance égale de l'apo-
physe mastoïde et des premières vertèbres cervicales; le point mastoï-
dien sur l'apophyse mastoïde; le point pariétal sur la bosse pariétale; le
point cervical superficiel à la partie moyenne du cou entre le trapèze et
le sterno-mastoïdien; le point apophysaire au niveau des deux premières
vertèbres cervicales. ' .
NÉVRALGIE CERVICO-BRACHIALE .
La névralgie cervico-brachiale occupe le territoire des quatre derniers
nerfs cervicaux et du premier nerf dorsal. La névralgie atteint les
rameaux postérieurs de ces nerfs qui se distribuent à la peau du dos et
les rameaux antérieurs qui, par leurs anastomoses, constituent le plexus
hrachial.
Les causes principales de ces névralgies sont : les affections du rachis,
les tumeurs cervicales, les compressions par anévrisme de l'aorte ou de
l'artère sous-clavière, par cals vicieux de l'humérus, les luxations de
l'épaule et du coude, les traumatismes, les névrites infectieuses et
toxiques. Dans la saignée au pli du coude, le musculo-cutané ou le bra-
chial cutané interne sont'parfois piqués, d'où des douleurs névralgiques
qui pourront être très tenaces. Certaines névralgies du bras sont profes-
sioiiiielles.
Lorsque la cause de la névralgie siège dans la. région cervicale ou
axillaire, les douleurs existent dans tout le domaine du plexus brachial;
[GUILLAIN.]
390 .NÉVRALGIES ET ALGIES.'
la pression des différents nerfs du bras réveille ces douleurs ; les apo-
physes épineuses des dernières vertèbres cervicales sont sensibles.
La névralgie peut exister dans les branches isolées du plexus brachial.
Dans la névralgie du nerf circonflexe on constate un point douloureux
au niveau du passage de ce nerf entre les muscles grand rond et petit
rond.
Dans la névralgie du nerf radial .il faut .rechercher les points dou-
loureux : 1° au niveau de la gouttière de torsion de l'humérus; 2° à la
face postérieure de t'avant-brasa 5 ou G centimètres au-dessous de l'arti-
culation du coude, là où la branche postérieure du radial se divise en
différents rameaux destinés aux extenseurs; 5° dans la tabatière anato-
miepie. Babinski a attiré l'attention sur une névralgie radiale qui se
caractériserait par eles douleurs violentes, lancinantes, prédominant dans
la région postérieure du bras, par un affaiblissement du triceps brachial
avec légère amyotrophie et diminution de la contractilité électrique du
muscle, par l'abolition du réflexe tendineux du triceps.- Celte névralgie
semble dépendre d'une névrite peut-être rhumatismale du nerf radial.
Dans la névralgie du cubital existe un point douloureux epitroctitecn
au niveau du passage du nerf dans la gouttière épitrochléenne, et un
point douloureux cubito-carpien en dehors du pisiforme, là où le cubital
vient au-devant du carpe pour atteindre la paume de la main.
Dans la névralgie du médian existent des points douloureux sur le
bord interne du triceps, sur la face antérieure de l'articulation du coude,
sur la face antérieure du poignet.
Souvent les névralgies du membre supérieur sont limitées aux nerfs
cutanés, les gros troncs nerveux paraissant indemnes. C'est ainsi que
l'on peut observer lIes 'hyperesthésies douloureuses dans la zone d'inner-
vation du brachial cutané interne, de l'accessoire du brachial cutané
interne, du rameau cutané interne du nerf radial, dans la zone d'inner-
vation cutanée du radial, du cubital, du médian, du llulsculo-cutai7é. Il
est à remarquer que les douleurs ne correspondent pas toujours avec
précision aux territoires anatomiques schématiques. Dans les névralgies
limitées aux nerfs cutanés on constate souvent des points douloureux, là
où les filets nerveux traversent les aponévroses pour se distribuer à la
peau.
Les névralgies brachiales irradient souvent vers les nerfs intercostaux,
ce qui s'explique par les anastomoses existant entre l'accessoire du bra-
chial cutané interne et les rameaux perforants des 2° et 5C nerfs inter-
costaux.
D'après Potain, l'hypertrophie cardiaque pourrait être consécutive aux
névralgies du bras. ,
Oppenheirll a attiré l'attention sur les malades atteints de brachialgk-
11 s'agit de personnes qui souffrent de douleurs violentes dans un bras;
c'est le symptôme unique ou le principal symptôme pour lequel elles
consultent. La localisation de la douleur est indécise, vague; exception-
\l ? RAT,GT DTAPnnACMATfQUE. 3f)t
nellrrnenl cette douleur suit le trajet d'un nerf; il arrive même qu'au
bras la douleur suit le trajet d'un nerf et à l'avant-bras d'un autre. La
même variation existe pour la douleur à la pression; quelquefois on ren-
contre des points douloureux, mais ces points ne coïncident pas avec les
points de 'allci. La brachialg-ie est en réalité une psychalgie qui s'ob-
serve dans l'hystérie, la neurasthénie, la psychasthénie. La brachialgie
apparaît souvent il la suite d'un traumatisme, d'une émotion; elle guérit
par la thérapeutique psychique.
Dernhardt a décrit sous le nom de névralgie professionnelle de l'épi-
condyle une affection douloureuse déjà signalée par Remak. Vépicondgl-
(dgie se caractérise par une douleur de l'(''picondyle (lui peut s'irradier
aux muscles ('pieondyliens et à la tète du radius, par une diminution dans
la force musculaire de l'avant-bras. L'épicondylalgiepcut être déterminée
par tous les travaux qui nécessitent la mise en jeu de la masse mus-
culaire epicondytienne (maîtres d'armes, violonistes, cochers, cor-
royeurs, etc.). Cette affection n'est pas une névralgie, elle ne peut être
rattachée à la lésion d'un nerf déterminé, c'est une algie qui siège au
niveau de l'épicondyle, mais dont la cause précise est inconnue.
Molle (l'Oran) (Lyon médical, 190U), a retrouvé l'epicondylatgie chez
les cordeurs ou fileurs de crin végétal en Algérie. Ces sujets travaillent
avec la main droite en supination, le bord cubital légèrement, incliné en
dedans, les doigts fortement 11l'('\lis, l'avant-bras en extension. L'ouvrier
doit déployer une certaine vigueur dans l'attitude spéciale imposée à sa
main droite. Sur 25 ouvriers, Molle a trouvé la douleur epicondy)iennc
dans '24 cas.
NÉVRALGIE DIAPHRAGMATIQUE
La névralgie du nerf phrénique, qui emprunte des libres sensitives
au plexus cervical, s'observe dans les affections du coeur et de l'aorte,
du foie, de la rate, dans les pleurésies diaphragmatiques, les péricar-
dites, les abcès sous-phréniques. Parfois, la névralgie est symptomatique
d'une névrite infectieuse ou toxique (paludisme, diabète, etc.).
Les douleurs de la névralgie du phrénique se montrent à la partie
inférieure du cou, derrière le sternum, à la base du thorax au niveau des
insertions diaphragmatiques. Les accès paroxystiques sont très pénibles :
le malade penché en avant fait Ions ses efforts pour immobiliser son
thorax, évitant même de respirer; durant les paroxysmes, les douleurs
irradient fréquemment aux parties latérales du cou, à la région mastoï-
dienne, à la fosse sus-épineuse, dans tout le territoire des branches
cutanées du plexus cervical superficiel et aussi du plexus brachial. Les
douleurs de la névralgie phreuique sont exagérées par les mouvements
du diaphragme, la toux, le hoquet, l'éternuement. Parfois on observe de
la dysphagie, une sensation de strangulation.
Les points douloureux de la névralgie diaphragmatique sont : le point
[GUILLAIN.]
592 NÉVRALGIES ET ALGIES.
cervical en avant du scalène antérieur en arrière du bord postérieur du
sterno-rnastoïdien, le point sle1'1wl C) au niveau des 2" et 5e articulations
chondro-sternales, les points costaux ou diaphragmatiques au niveau
des insertions du diaphragme sur les 7e, 8e, ne et 10e côtes, le point apo-
physail'e au niveau des 3" et 4e vertèbres cervicales.
NÉVRALGIE INTERCOSTALE
La névralgie intercostale occupe le territoire des branches antérieures
des nerfs dorsaux. Quand les branches postérieures de ces nerfs sont
aussi atteintes, la névralgie est dorso-loiubaire.
Les causes les plus fréquentes des névralgies intercostales sont : les
affections du poumon et de la plèvre, spécialement la tuberculose pulrno-
naire, l'auevrisnic de l'aorte (2), les tumeurs du mediastin, les frauma-
tismes, les affections des côtes (ostéites, fractures), les tumeurs du sein,
les affections du rachis (mal de Pott, scolioses), les tumeurs intra-rachi-
diennes, les affections de la moelle dorsale, certaines cardiopathies.
Chantemesse et Le Noir ont insisté sur les névralgies intercostales hllate-
rales siégeant surtout au niveau des 8*'et 9e espaces que l'on observe dans
la dilatation de l'estomac. Les névralgies intercostales peuvent exister
d'ailleurs au cours de diverses gastropathies (cancer, ulcère, etc.). A la
suite de l'inflammation du côlon, particulièrement de l'inflammation de
l'angle colique gauche qui existe chez beaucoup de constipés spaslllo-
diques, on observe des névralgies unilatérales siégeant il gauche. Les
névralgies intercostales se voient dans les anémies, dans les infections
ou intoxications (syphilis, paludisme, intoxication saturnine, intoxication
oxycarbonée.) Les névralgies intercostales des béniorroïdaires recon-
naissent peut-être pour cause la congestion des plexus veineux intra-
rachidiens.
Tuffier (Soc. de Chirurgie de Paris, 1001), a eu l'occasion d'opérer
un malade atteint d'une névralgie intercostale consécutive à une plaie
par balle ; il a constaté que tout le long du trajet suivi par la balle s'était
développée une traînée fibreuse au milieu de laquelle le nerf intercostal
et les vaisseaux étaient comprimés. Tuffier réséqua la masse fibreuse et
le malade guérit.
La névralgie intercostale est caractérisée par des douleurs continues,
sourdes (sensations de tension, de constriction) et par des accès paroxys-
tiques. Ces accès sont provoqués souvent par un mouvement du bras, une
respiration profonde, la toux, l'effort au moment des accès ; le malade
9. M. Jousset a décrit un point médio-slernal situé n l'interseclion de la ligne médiane
avec une horizontale passant par les quatrièmes articulations chondro-stcrnajes.
2. La névralgie intercostale peut être le seul signe d'un anévrisme de l'aorte, aussi
les examens radiographiques sont-ils bien souvent utiles dans le diagnostic étiologique
des névralgies intercostales rebelles.
NÉVRALGIE DU PLEXUS LOMBAIRE. 593
évite de respirer et de parler, s'incline vers son côté malade. Dans cer-
taines névralgies intercostales siégeant à gauche, la douleur est exacerbée
par les battements du coeur, ce qui cause aux malades une grande
anxiété. Les douleurs des névralgies intercostales peuvent irradier dans
le dos, la mamelle, la face interne; du bras (anastomose des 2° et 5*' nerfs
intercostaux avec l'accessoire du brachial cutané interne), vers le pneumo-
"astriqne aussi (tachypnée, palpitations, angor pecloris).On observe, dans
la névralgie intercostale, trois points douloureux principaux : un point
postérieur vertébral situé à côté des apophyses épineuses, un point
latéral correspondant il l'origine du rameau perforant moyen, un point
antérieur on sternal situé entre le sternum et l'union des côtes avec
leurs cartilages (ce point correspond il l'origine du rameau perforant
antérieur). On trouve souvent aussi Appoints apophysaircs.
Rappelons la l'rl'qupnoe du zona dans la névralgie intercostale.
Parmi les variétés cliniques des névralgies intercostales, on peut citer
Yépigastralgic, la nna..slocll/uie (`), mamelle irritable, tumeur irritable du
sein. ,
J NÉVRALGIE DU PLEXUS LOMBAIRE
La névralgie peut atteindre les branches collatérales âlh(lOllllll0-7l'lll-
talcs et ingnino-cutauees du plexus (névralgie ! ond)0-abdominatc), ou les
branches terminales (névralgie crurale, névralgie obturatrice).
La névralgie lombo-abdominale reconnaît comme causes principales :
les lésions des vertèbres lombaires et de l'os iliaque, les lésions du
psoas, les lésions du rein, l'anévrisroc de l'aorte abdominale, les
tumeurs du mésentère, du caecum, de l'S iliaque, les hernies inguinales.
Les douleurs de cette névralgie se montrent dans la région lombaire,
la paroi antérieure de l'abdomen, la région fessière, les organes génitaux
externes, la partie supérieure de la cuisse. La névralgie s'accompagne
de difficulté de la marche, de contractions involontaires du cremaster,
parfois de mictions difficiles, de priapisme. d'éjaculations. Exception-
netfonent on a observé, dans la névralgie tombo-abdominate, des phéno-
mènes psendo-peritonititptes (vomissements, liriéorismc). Chez l'homme,
l'herpès des organes génitaux accompagne parfois la névralgie tombo-
abdominale. Mauriac a particulièrement insisté sur ces herpès névral-
giques des organes génitaux.
Les différentes branches collatérales du plexus lombaire sont rarement
atteintes simultanément.
Dans la névralgie iteo-scrotatc on constate des points douloureux au
niveau des trous de conjugaison [points lombaires), sur le milieu de la
crête iliaque (point iliaque), au niveau de l'orifice du canal inguinal
1. La glande mammaire et la peau qui la recouvre reçoivent la plus grande partie de
leurs nerfs des 2% 5 ? 4', 5' et ( ! " nerfs intercostaux. .
[GUILLAIN.] ]
5M NÉVRALGIES ET ALGIES.
(point inguinal), au-dessus du pubis (pom.sMs-pM ? ), : 1 la terminaison
du nerf dans le scrotum ou la grande lèvre. On a dit que le testicule irri-
table d'Astley Cooper était dû à des troubles vaso-moteurs provoqués
par une névralgie ilr'o-scrotale; il faut dans cette affection distinguer
deux formes cliniques : tantôt il s'agit d'une névralgie des branches
inguinales du plexus lombaire, des douleurs existent au niveau de l'an-
neau inguinal et du cordon, mais le testicule lui-lèmu n'est pas doulou-
reux il la pression; tantôt il s'agit d'une névralgie des nerfs spermaliques
et le testicule est extrêmement douloureux.
Dans la névralgie du 'nnzoro-clolcané externe existent deux points
douloureux : l'un entre les deux épines iliaques antérieures, l'autre
à la face externe de la cuisse; la douleur est localisée a la partie supé-
rieure de la région externe et de la région postérieure de la cuisse et se
prolonge jusqu'au genou.
La 'IIlë1'algie parcsthésique de Roth, parestliésie du nerf fémoral
cutané externe de Bl'I'I1hardt, est une affection assez rare, qui se carac-
térise par des sensations de fourmillement, d'engourdissement, ou des
douleurs souvent violentes dans la zone d'innervation de la branche
crurale du fémoro-cutané et par une anesthésie en forme de raquette à la
face antr"ro-cxteI'l1e de la cuisse : parfois l'hyperesthésie s'observe au
lieu d'anesthésie. L'étiologic de la méralgic parestbésiquc n'est pas
précisée.
La névralgie crurale est déterminée par les lésions de l'utérus et de
ses annexes, les fumeurs de la région crurale, les affections osseuses du
bassin, les anévrismes des artères iliaques, les hernies crurales, etc.
La névralgie crurale se traduit par des douleurs il la partie antéro-
interne de la cuisse, il la face antérieure; du genou, il la face interne de
la jambe, au bord interne du pied jusqu'au gros orteil. La marche est
difficile et rappelle les paroxysmes douloureux. Les points douloureux de
la névralgie siègent : 1° au-dessous de l'arcade crurale; 2° à la face
interne du genou ta où le nerf saphène interne devient sous-cutané;
5° vers la malléole interne; 4" sur le bord interne du pied et la racine du
gros orteil.
La névralgie obturatrice est presque; toujours causée par la hernie
obturatrice. Les douleurs sont localisées à la face interne de la cuisse
jusqu'au genou. Le toucher vaginal et la pression du nerf au niveau du
canal obturateur, les mouvements de rotation de la cuisse exagèrent les
douleurs.
Névralgie du nerf honteux interne. La névralgie; du nerf honteux
interne semble dépendre souvent de causes locales (affections du
rectum, de l'urètre;, du périnée, etc.), elle se rencontre dans le; tabès.
Le nerf honteux interne se distribue au clitoris, à la verge, à l'urètre,
aux corps caverneux, à la partie; postérieure du scrotum et des grandes
lèvres, au périnée, à l'anus. Les douleurs névralgiques sont souvent
localisées; ainsi l'on observe des névralgies 21.1'l'lTClleS des névralgies
NÉVRALGIE SCIATIQUE. 395
du pénis et du gland, des névralgies scrotales ou labiales, des
névralgies fmo-perïa/cs. Dans une forme clinique spéciale ces névral-
gies génitales sont accompagnées d'herpès. Allm (l3ez°l. min. Woch..
1907), a attiré l'attention sur la névralgie du rectum.
Névralgie des nerfs coccygiens. II ne semble pas prouvé que la
cooeygodynie soit une névralgie des rameaux coccygiens de la 6'' paire
sacrée; peut-être ces douleurs coccygiennes, qui s'observent il la suite de
l'accouchement, de traumatismes, de chutes sur le siège, dépendent-elles
de lésions locales osseuses, ligamenteuses ou musculaires. Les douleurs
de la coccygodvnie sont augmentées par la marche, la station assise, la
défécation. Le toucher rectal avec pression sur le coccyx est très doulou-
reux. La coccygodynie dure souvent très longtemps.
NÉVRALGIE SCIATIQUE
La névralgie sciatique occupe le territoire du plexus sacré.
Les causes de la névralgie sciatique sont très nombreuses : lésions des
vertèbres, mal de Pott, lésions méningées et compressions radiculaires,
traumatismes de la colonne vertébrale et du bassin, plaies par armes à
feu, compressions par les tumeurs du bassin, par J'S iliaque, par l'utérus
dévié ou gravide. La sciatique peut être occasionnée par la stase vei-
neuse, par les varices (phlébite des varices des nerfs) ; elle s'observe dans
l'anémie, la chlorose1, les cachexies, dans beaucoup de maladies infec-
tieuses. d'intoxications ou d'auto-intoxications (rhumatisme, goutte,
diabète, tuberculose, syphilis, paludisme, blennorragie.) .
t La sciatique est souvent précédée de prodromes (fourmillements,
engourdissement du membre, etc.), puis apparaissent les paroxysmes
douloureux qui sont souvent extrêmement violents ; ces paroxysmes sont
rappelés par des mouvements de la jambe, la toux, la défécation, l'eter-
nuement. Les douleurs de la sciatique occupent la région lombaire, la
fesse, la partie postérieure de la cuisse. Les principaux points doulou-
reux de Yatteix sont : le point lombaire au-dessus du sacrum, le point
sacro-iliaque qui correspond il l'articulation sacro-iliaque, le point
iliaque au milieu de la crête de l'os iliaque, le point fessier ou isehia-
tique au sommet (te l'échancrure sciatique. le point rélro-trochantérien
au bord postérieur du grand trochauter dans la gouttière formée par le
grand trochanter et la tubérosité de l'ischion, les points fémoraux
supérieur, moyen et inférieur il la partie postérieure de la cuisse, le
point poplité il la partie externe du creux poplité, le point rotulien sur
le bord externe de la rotule, le jioinl péronier au-dessous de la tète du
péroné, le point malléolaire à la partie postérieure, et inférieure de la
malléole externe. A la jambe la pression sur les masses musculaires du
mollet réveilln les douteurs. Parfois la sciatique affecte seulement le scia-
tique poplité interne ou le sciatique poplité externe. Dans l'intervalle
[GUILLAIN.]
Stl6 NÉVRALGIES ET ALGIES.
des paroxysmes douloureux, il persiste une sensation d'endolorissement
vague.
Les douleurs de la sciatique peuvent être provoquées par la
manoeuvre dite de Lasèguc. Lorsepie la jambe est fléchie sur la cuisse
on peut amener une flexion étendue de la cuisse sur le bassin, car dans
cette condition le nerf sciatique est élans le relâchement; mais, quand
la jambe est étendue sur la cuisse, on ne peut amener la flexion de la
cuisse sur le bassin sans causer de vives douleurs, ce qui s'explique par
l'extension du nerf sciatique.
Des troubles moteurs sont fréquemment observés. La marche est par-
fois presque impossible à cause des douleurs et tics crampes; épiant ! les
malades marchent, ils boitent. Dans les cas de névrites, on constate des
troubles paralytiques dans le domaine des muscles innervés parle scia-
tique. Les troubles de la sensibilité sont très variables : hyperesthesics.
anesthésies. La topographie des troubles de la sensibilité est importante
à déterminer, on peut ainsi reconnaître les sciatiquos radiculaires.
Les troubles vaso-moteurs et trophiques sont fréquents dans les scia-
tiques causées par des névrites : érytbènies, hyperthermie ou hypothermie
locales, altérations du système pileux, atrophies musculaires.
On a signalé dans la sciatique la polyurie, l'azoturie, la glycosurie.
Au cours de la sciatique on observe des déviai ions de la colonne
vertébrale : scoliose croisée et scoliose homologue. La scoliose homo-
logue s'observerait principalement dans la forme de sciatique spasmodique
de Hrissaud. Les déviations vertébrales paraissent dues il des mouve-
ments instinctifs du malade pour déplacer le centre de gravité du corps
et atténuer ainsi la douleur; elles disparaissent quand la sciatique est
terminée.
L'évolution de la sciatique est liés variable et dépend de la cause (pu
conditionne l'affection. La durée varie de quelques semaines à plusieurs
mois. Souvent il persiste durant très longtemps de l'engourdissement du
membre et le malade se fatigue très facilement.
On a opposé l'une à l'autre deux formes cliniques : la sciatique-
névralgie et la sciatique-névrite. Dans la soiatique-névralgie, les dou-
leurs seraient le symptôme principal ou même unique, les troubles
trophiques feraient défaut. Dans la sciatique-névrite, ou observerait, outre
les douleurs, de l'atrophie musculaire, des troubles de la sensibilité de la
peau, le nerf serait parfois augmenté de volume. Celle opposition me
parait trop radicale, car toutes les sciatiques sont, je le; crois, la résul-
tante d'un processus névritique;. Dans certains cas l'affection est fugace
et bénigne, dans d'autres elle est plus grave el l'on a le lahleau de la
sciatique dite névrite. Il faut prendre en considération, élans le pronostic.,
l'état du réflexe achillécn : son abolition dénote souvent une lésion
sérieuse et qui pourra être longue il guérir. Quant il l'abolition du rulletc
rotulien que l'on constate parfois dans la scialique, elle témoigne de la
participation du plexus lombaire ou du crural il la névralgie. La névralgie
llTtlTAflSILGI. 397
associée du nerf sciatique et du nerf crural m'a paru relativement fré-
queute. - ..
La sciatique' radiculaire, souvent d'origine syphilitique, se traduit
par le signe de Lasègue comme la sciatique non radiculaire, par des dou-
leurs qui prennent fréquemment le caractère fulgurant, par des troubles
de la sensibilité à topographie radiculaire. Les points douloureux de
Valleix ne sont pas habituels ; la névralgie du nerf crural coexisté dans
beaucoup de cas.
Brissaud et Lamy ont attiré l'attention sur une forme spéciale de
sciatique, la sciatique spasmodique; on observe de la raideur de tout le
membre, de l'exagération des réflexes, de la trépidation épileptoïde, une
scoliose homologue. Je crois que la sciatique spasmodique est souvent
symptomatique d'un mal de Pott.
La sciatique double dépend fréquemment d'une lésion de la colonne
vertébrale, du petit bassin, de la moelle ou de ses enveloppes. La scia-
tique double se voit aussi dans le diabète.
' MÉTATARSALGIE
La métatarsalgie' ou névralgie de Morton se caractérise par des -dou-
leurs très vives au niveau des articulations métatarso-phalangiennes,
principalement de la 1 ? la première articulation métatarso-phalan-
gienne n'est presque jamais intéressée. Les douleurs sont continues, dé
plus existent des paroxysmes violents. L'examen local ne montre rien de
spécial, souvent la pression au niveau de la face plantaire réveille des
douleurs ; la compression bilatérale de l'avant-pied rapprochant les unes
des autres les têtes métatarsiennes réveille aussi des douleurs. La
marche est difficile pendant les crises douloureuses. On ne constate pas
de troubles de la sensibilité tactile et thermique. La pathogénie de la
métatarsalgie est inconnue ; on a imaginé de nombreuses théories méca-
niques dont aucune n'est complètement satisfaisante. Pour certains
auteurs il s'agit d'une névralgie mCdio-tai'sienne; la cause de cette
névralgie échappe.
Des névralgies on peut rapprocher l'étude de la céphalalgie et de' la
rachialgie.
- LES CÉPHALALGIES
Le mal de tête est un symptôme fréquent et commun à de nombreuses
affections. Certaines céphalées sont diffuses, donnent au malade une
sensation de constriction générale quoique prédominant le plus souvent
. (GÜ1LLA1N.J
598 NEVRALGIES ET ALGIES.
dans la région frontale; certaines céphalées, au contraire, sont circon-
scrites ; ces céphalées circonscrites semblent dépendre le plus souvent de
lésions crâniennes cérébrales ou méningées localisées. La valeur séinio-
logique de la céphalalgie est souvent difficile a déterminer, et c'est par
l'étude des caractères de ce symptôme et aussi par l'ensemble des sym-
ptômes concomitants que l'on peut faire un diagnostic étiologique.
Certaines céphalalgies se manifestent sous forme d'accès, ce sont les
migraines.
La migraine simple se caractérise par des accès survenant il des
intervalles plus ou moins réguliers, débutant souvent le 'matin par des
douleurs sourdes qui deviennent de plus en plus aiguës, occupant une
moitié du crâne (hëmicrànic) ou la tète entière et se localisant princi-
palement dans les régions sus-orbitaires ou la région crânienne latérale.
La lumière, le bruit semblent augmenter les douleurs, aussi les malades
s'enferment-ils dans les endroits obscurs, évitant tout mouvement. La
migraine est accompagnée de sensations nauséeuses et de vomissements,
elle dure plus ou moins longtemps suivant les sujets, de quelques
heures à un ou deux jours et se termine quand le malade a dormi.
La migraine ophtalmique se caractérise par l'apparition, pendant les
accès, d'un scotome scintillant, d'une tache noire entourée de lignes
brillantes en zig-zag; elle s'accompagne parfois d'héinianopsie latérale
homonyme transitoire, parfois aussi de troubles sensitifs sous forme de
paresthésies, d'hyperesthésies localisées dans un membre ou une moitié
du corps.
La migraine oplttalmoplegiquc se caractérise par l'apparition, lors
des accès douloureux, d'une parésie du nerf de la troisième paire du
côté de l'hëmicrànie, c'est la forme clinique encore appelée; paralysie
oculo-motrice périodique ou récidivante. Cette paralysie peut dans cer-
tains cas persister.
Certaines migraines s'accompagnent d'aphasies transitoires, d'hénii-
parésie ou d'hémiplégie disparaissant rapidement.
Dans les formes vaso-motrices de la migraine on constate des troubles du
sympathique, soit de la pâleur faciale avec dilatation pupillaire et saliva-
tion, soit de la congestion faciale avec rétrécissement pupillaire.
La céphalalgie se constate comme signe prodromique de beaucoup de
maladies infectieuses, telles que la fièvre typhoïde et les affections para-
typhiques, la grippe, etc. Ces céphalées sont souvent mal localisées,
n'ont pas une violence extrême, s'atténuent le malin et augmentent le
soir. Dans le paludisme la céphalée est souvent observée;. En cas d'inso-
lation, la céphalée est un symptôme très fréquent.
La céphalalgie; d'origine toxique; se constate dans le cas de troubles diges-
tifs, de constipation, de troubles hépatiques avec vomissements bilieux,
dans le cours des néphropathies chroniques et de l'insuffisance rénale.
Il est facile de reconnaître les céphalées ducs il l'action de l'alcool, du
tabac, de l'intoxication par l'oxyde de carbone. A ce sujet, il faut tou-
131GIlt : 1LG11 : . 5'J9
jours penser il examiner les conduites de gaz et les cheminées dans
l'appartement de malades se plaignant de céphalées rebelles.
La céphalalgie se constate fréquemment au cours des anémies et des
chloroses.
La céphalalgie est un symptôme très important des méningites aiguës,
des hémorragies méningées et de beaucoup de méningites chroniques
(pachyméningites alcooliques, syphilitiques, etc.).
On observe des céphalées tenaces et terribles parfois par leur intensité
dans les cas de tumeurs et d'abcès de l'encéphale, dans les cas d'hy-
pertension du liquide; céphalo-rachidien. Rappelons la valeur de la
céphalée dans la syphilis secondaire et dans la syphilis tertiaire du
névraxe. La céphalée est un symptôme fréquent dans l'arlério-sclérose
cérébrale et souvent existe longtemps avant les troubles paralytiques du
ramollissement cérébral sénile.
La céphalée des neurasthéniques se caractérise par des sensations
d'engourdissement ou de compression des régions latérales et frontale de
la tête (sensation de casque). Les algies cérébrales des hystériques (clou
hystérique) sont, comme toutes les manifestations de cette névrose, très
variables .chez les différents sujets.
Certaines céphalées dépendent de lésions osseuses du crâne (ostéites,
périostites, exostoses, etc.).
D'autres céphalalgies ont une origine nasale : rhinites aiguës et suhai-
guës, ulcérations de la pituitaire, sinusites.
Les otites, l'inflammation des cellules mastoïdiennes s'accompagnent
de céphalées.
Nombreuses sont les céphalalgies dépendant de troubles de l'appareil
de la vision. Dans le glaucome, la céphalée est très violente. Certains
troubles légers de la réfraction amènent parfois des céphalées même
violentes qui se localisent généralement aux régions temporale, sourcil-
liere et frontale; les douleurs, en général nulles le matin, augmentent
dans la journée a mesure que les yeux travaillent plus longtemps. En cas
de travail oculaire délicat, la céphalée peut devenir très intense.
RACHIALGIE
Les douleurs de la région rachidienne, les rachialgics, s'observent
dans les méningites aiguës (méningite cérébro-spinale épidémiepie,
méningites microbiennes diverses), dans les myélites aiguës, dans les
inemngo-myentes syphilitiques aiguës, subaiguës et chroniques. La
rachialgie semble Indiquer une altération méningée.
C'est sans doute aussi à une lésion congestive inflammatoire des
méninges qu'il faut attribuer la rachialgie parfois très intense que l'on
observe dans la variole»
\(IUILLAIN 1
400 NÉVIÎALGIES ET ALGIES.
TRAITEMENT DES NÉVRALGIES
Les méthodes thérapeutiepies employées dans les cas de névralgie
sont nombreuses. Tantôt on agit sur le symptôme douleur par des médi-
caments antiaigiqucs, antispasmodiques, hypnotiques, pris il l'intérieur z
ou appliqul's il l'extérieur; tantôt on met en oeuvre la médication révul-
sive; tantôt on fait des injections sous-cutanées, para-nerveuses ou intra-
nerveuses d'aneslhésiques; tantôt on a recours .il l'électricité et aux
agents physiques; tantôt la thérapeutique est pathogeuique dans les cas
où la syphilis, le paludisme et que)ques rares autres affections permet-
tent d'employer des médications spécifiques ; tantôt enfin la persistance
des douleurs oblige il des interventions chirurgicales.
Je ne puis ici passer en revue le traitement de chaque névralgie en
particulier et renvoie pour cette étude aux articles didactiques sur la
névralgie faciale, la névralgie intercostale, la névralgie; sciatiepie, etc.
Mon intention est d'indiquer les grandes méthodes de traitement, appli-
cables à toutes les névralgies, aux syndromes douloureux envisagés dans
leur généralité. -
Médicaments antialgiques, antispasmodiques. L'opium a une
action souvent très efficace sur la douleur, niais c'est un médicament
dont il faut user avec une grande prudence il cause de l'accoutumance
facile qu'il crée. Il est nécessaire en particulier de ne pas conseiller les
injections de morphine aux malades qui souureut de névralgies, du
moins au début de leur affection, car de telles injections ont souvent été
le point de départ de morphinomanic. J'ai indiipié, plus loin, les prin-*
cipales préparations opiacées dont on doit faire usage comme hypnoti-
ques. Dans les névralgies on conseillera des pilules d'extrait thébaïque
de 0 gr. 02 à 0 gr. 05 (en prendre deux, trois ou quatre en 24 heures);
le laudanum de Sydenham il la dose de XV il XXV gouttes en 24 heures :
le sirop d'opium, dont 20 grammes contiennent 0 gr. 04 d'extrait
d'opium, à la dose de ai il 50 grammes par jour; le sirop de morphine
qui contient 1 centigramme de chlorhydrate de morphine par 20 grammes
à la dose de 5 il 20 grammes.
Belladone et atropine.
Pilules : ..
TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. 401
Solution d'atropine pour l'usage externe dans les névralgies :
.i02 NÉVRALGIES ET ALGIES.
Pilules :
TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. ' 405
Quinine. Les préparations de quinine sont indiquées dans les cas
de névralgies paludéennes, mais elles donnent aussi souvent des résultats
favorables dans les névralgies dépendant d'autres causes.
404 NÉVRALGIES ET ALGIES. -
usité spécialement dans le traitement de la névralgie faciale, ,se prescrit
à la dose de 10 à 20 centigrammes en potion, pilules, cachets.
? 'V 1 1.. TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. ' ." 405
406 . " ' -NÉVRALGIES ET ALGIES. ? : - '
Injection 7ypodérmique : . ...
. n
TRAITEMENT DES NEVRALGIE^ r
Salophène. Le salophène (acétylparamido-salol) se prescrit à la
dose de 1 à 4 ou 0 grammes en cachets, potion. Il se décompose dans
l'intestin et les humeurs alcalines de l'organisme, il l'aut éviter de l'admi-
nistrer avec des alcalins.
408 . NÉVRALGIES ET ALGIES.
Exalgine. L'exalginè (méthylacétalinide), a été conseillée dans les
névralgies dites afrigore. Il faut user de ce médicament avec beaucoup de
prudence, car il est très toxique. II se prescrit en cachets ou en potion
alcoolisée à la dose de 0 gr. 20 à 0 gr. 40 jusqu'à 0 gr. 80 par jour.
TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. 409
Les bromures de sodium, d'ammonium, de calcium, de strontium se
prescrivent à 1a dose de 0 gr. 50 à 5 grammes.
Solution-holybromurée : ¡
HO . NÉVRALGIES ET ALGIES.
0 gr. 005 à 0 gr. 05 en granules, pilules, potion, sirop et en injections
hypodermiques à la dose de 0 gr. 005 a 0 gr. 02.
TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. 411
412 . NÉVRALGIES ET T ALGIES; - . ' -
Le sirop d'opium du Codex contient 0 gr. 04 d'extrait thébaïque par
cuillerée à soupe. Prendre, comme hypnotique, une cuillerée ou une
cuillerée et demie de ce sirop dans un peu d'eau.
TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. .4-15 S
Pouchef a conseillé la formule suivante : -
4 NÉVRALGIES ET ALGIES. , ? '
; Le sirop de chloral du Codex contient 1 gramme de chloral par cuil-
lerée à -soupe. .
Potions : : .
' TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. 4.-ia
Croton-chloral. - Le croton-chloral ou butyl-chloral a été conseillé
dans les insomnies dues'aux névralgies faciales, on le-prescrit à la dose
de 0 gr. 50 à 2 gr. sous forme de pilules ou dissous dans une potion au
moyen de l'alcool ou de la glycérine.
416 NEVRALGIES ET ALGIES.. 1 -
TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. 4)7
trional et GO centigrammes de paraldéhyde. Prendre deux ou trois cuille-
rées avant de se coucher.
Lavement de trional et de paraldéhyde :
418 NÉVRALGIES ET ALGIES.
Isopral. L'isopral se prescrit à la dose de 0 gr. 75 à 1 gr. 25. Ce
corps étant très volatil il ne faut pas le prescrire en cachet.
TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. - 419
420 0 NÉVRALGIES ET ALGIES.
TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. A2 !
les étincelles, le courant faradique de tension, le courant ondulatoire,
l'effluve de haute fréquence, l'étincelle condensatrice, le courant continu,
l'introduction éleclrolytique de médicaments. Toutes ces modalités élec-
triques peuvent se ramener à deux groupes primordiaux : les procédés
de révulsion et les procédés électrolytiques.
Nous renvovons aux traités spéciaux d'électrothérapie pour les détails
du traitement de chacune des névralgies observées en clinique. Les résul-
tais du traitement des névralgies par l'électricité est extrêmement
variable.
L'air chaud est un très bon moyen thérapeutique de beaucoup de
névralgies.
La radiothérapie a été employée avec succès dans certaines névral-
gies.
L'hydrothérapie est utile spécialement dans les formes chroniques
des névralgies. On conseillera, suivant les cas, les douches chaudes, les
bains alcalins, sulfureux, les bains de vapeur (voir le chapitre IImfioTlIÉ-
IL\PIE). Certaines stations thermales sont recommandables : Aix-les-Bains,
Dax, La Matou, Néris, Hourhonne, etc.
On a préconisé dans le traitement des névralgies les injections
sous-cutanées d'eau pure, d'eau salée, d'air.
Lannois, dans les cas de névralgie sciatique, conseille de faire au
niveau de chacun des points douloureux une injection de 5 centimètres
cubes de la solution suivante :
422 NÉVRALGIES ET ALGIES. ,
ce que la crépitation gazeuse ait disparu. Les injections gazeuses agissent
sans doute en tiraillant les filets nerveux et en amenant des modifications
de la circulation.
Les névralgies de la partie inférieure du corps peuvent être traitées
par les injections intra-arachnoïdiennes de doses minimes
de cocaïne ou par les injections épidurales.
Récemment Schlôsser a conseillé dans les cas de névralgies rebelles les
injections dans les troncs nerveux d'alcool. Des résultats
favorables avec cette méthode ont été obtenus par Schlosser, Ostwald,
Lévy et Baudouin, Brissaud, Sicard et Tanon.
Brissaud, Sicard et Tanon donnent pour les injections d'alcool dans le
sciatique la technique suivante. Le malade est couché dans le décubitus
latéral, la cuisse à demi repliée sur le bassin présentant à l'opérateur la
région fessière ischio-trochalltérienne. Il existe trois points de repère :
le trochanter, l'ischion, l'articulation sacro-coccygienne. Une ligne droite
réunit le trochanter et l'articulation sacro-coccygienne, c'est à un ou
deux travers de doigt au-dessus de l'ischion dans la gouttière 1SCI110-
trochantérienne inférieure que l'aiguille doit être enfoncée suivant la
normale. La profondeur à atteindre est de il 4 centimètres chez les
sujets maigres, de 7, 8 à 9 centimètres chez les sujets obèses. On par-
vient rarement d'emblée sur le nerf, quelques tâtonnements sont la règle.
Une douleur plus ou moins vive au niveau du pied, des orteils, de la
jambe, douleur ressentie par le malade quand la pointe de l'aiguille
prendra contact avec le tronc nerveux, reste le seul critérium de la loca-
lisation opératoire. Brissaud, Sicard et Tanon ont injecté primitivement
4ns le sciatique deux centimètres cubes d'alcool stovaïné à 80" et dosé à
un centigramme de stovaïne par centimètre cube. Depuis leurs premiers
essais ces auteurs ont abaissé à 45°, 40° le titre de la solution alcoolique
employée. Les injections d'alcool dans le nerf sciatique peuvent être sui-
vies de névrites graves et d'accidents paralytiques, aussi je crois que
cette méthode ne convient pas au traitement des névralgies sciatiques,
et, d'ailleurs, en général, au traitement, des névralgies des nerfs mixtes.
Les injections profondes d'alcool sont au contraire un traitement utile
et recommandable des névralgies faciales rebelles.
Schlôsser et Ostwald ont préconisé l'injection par la voie buccale des
branches du trijumeau au niveau des trous de la base du crâne. F. Lévy
et A. Baudouin, Sicard ont proposé de pratiquer ces injections par la
voie externe; cette méthode me paraît préférable en raison de la préci-
sion des points de repère. Voici, d'après Lévy et Baudouin, la technique
à suivre pour injecter le nerf maxillaire inférieur, le nerf maxillaire su-
périeur et le nerf ophtalmique.
Nerf maxillaire inférieur. Avec un compas au pointes mousses on
détermine le point situé au ras du bord inférieur de l'arcade zygoma-
tique à 2 centimètres et demi en avant du heurtoir de larahcul' (cet
auteur appelle ainsi la branche de bifurcation descendante de la racine
TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. ' 425
longitudinale du zygoma), cette arrête osseuse est toujours assez facile
à sentir, elle se continue du reste en bas avec le rebord antérieur du
conduit auditif osseux que l'on peut toujours reconnaître. Au niveau de
ce point une aiguille enfoncée normalement ou très légèrement en arrière
arrive à la profondeur de centimètres sur le tronc du maxillaire infé-
rieur sortant du trou ovale. Pour éviter la blessure des organes dan-
gereux (artère transverse de la face, artère maxillaire interne, artère
méningée moyenne) les auteurs ont conseillé dans leurs premières publi-
cations de se servir d'une aiguille spéciale à mandrin ; maintenant ils
font usage d'aiguilles sans mandrin, vissées sur seringue. Ces aiguilles,
en acier fort, ont une extrémité court-taillée et un calibre presque fili-
forme ; celles qui sont destinées au trou grand rond ont exactement
5 centimètres, celles du trou ovale ont 4 centimètres.
Nerf maxillaire szcpéie2l ? - On prolonge verticalement le bord
postérieur toujours nettement perceptible de l'apophyse orbitaire de
1 os malaire jusqu au bord du zygoma.
A un demi-centimètre en arrière de ce
point, au ras de l'arcade, on enfonce l'aiguille. On la dirige légèrement
en haut de façon à atteindre le plan horizontal affleurant l'extrémité
inférieure des os propres du nez. Arrivée il 5 centimètres la pointe
louche le tronc du nerf maxillaire supérieur sortant du trou grand rond
au plafond de la fosse ptérygo-lI1axiIlaire (figures 1 et 2).
Nerf ophtalmique. « La première branche de la cinquième paire
se divisant à 1 intérieur du crâne, on ne saurait avoir la prétention d'agir
sur son tronc. Des trois rameaux le nasal n'est guère accessible au
[GUILLAIN.]
Fil'. 1. - D'après Lévy et Baudouin.
Ti. 2. - II'apri's Lévy et Baudouin.
M4 NÉVRALGIES ET ALGIES.
milieu des nerfs moteurs importants qui l'entourent. Pour atteindre le
frontal et le lacrymal, la voie orbitaire est indiquée. Nous avons choisi la
paroi externe de l'orbite au niveau de l'extrémité inférieure de l'apo-
physe orbitaire externe du frontal. Enfoncée en ce point notre aiguille
passe au-dessous de la glande lacrymale et suit le périoste sans intéresser
ni le globe de l'oeil ni aucun organe important. A la profondeur de
55 ou 40 millimètres on pousse l'injection après avoir retiré le mandrin.
Il faut, recommander aux malades de fermer les yeux. On éprouve quel-
ques difficultés en traversant l'aileron externe de la capsule de Tenon
qui est très épais. » (Lévy et Baudouin.)
Sicard a insisté avec raison sur ce fait que l'injection des trous ou
canaux périphériques de la face pouvait souvent se montrer d'une grande
utilité dans les névralgies faciales. Dans un travail récent (Traitement de
la névralgie faciale par l'alcoolisation locale, Presse médicale, 0 mai I J08,
p. 2S0), il a bien indiqué les différents points de repère des orifices,
trous ou canaux d'émergence du trijumeau, qu'il divise en trois groupes :
1 le groupe périphérique, qui comprend les orifices sus-orbitaire, sous-
orbitaire, mentonnier; 2" le groupe moyen, qui comprend les canaux du
diploé des os maxillaires inférieur et supérieur, le canal dentaire infé-
rieur il son orifice spixienne et le canal palatin postérieur; 5" le groupe
profond, qui comprend le trou ovale et grand rond. Il néglige pour le
nerf ophtalmique la fente sphénoïdo-orbitairr, d'accès dangereux.
On pénètre à l'aide d'aiguilles fines en platine de 4 à 0 centimètres de
longueur et de 7 à 8 dixièmes de millimètre de diamètre au niveau des
trous du premier et du troisième groupe. Les canaux du diploé sont
atteints avec des forets spéciaux et injectés avec une seringue appro-
priée, l'orifice du canal dentaire est pénétré à son épine supérieure par
une aiguille recourbée, de même l'orifice du canal palatin postérieur.
On anesthésie superficiellement la peau et le trajet sous-cutané ou
muqueux au sur et il mesure du cheminement profond de l'aiguille à ! l'aide d'une solution de stovaïne il 1 pour 100.
L'alcool employé est au titre de 80 degrés (préparé avec de l'eau distil-
iee en partant de l'alcool rectifié absolu) avec ou sans addition de stovamR.
On trouvera dans le travail de Sicard les points de repère pour l'abord
des orifices, trous ou canaux des branches d'émergence du trijumeau
(figure 3). N'étudiant pas ici spécialement le traitement de la névralgie
facial ? je me contenterai de rappeler les points de repère pour aborder
le trou ovale et le trou grand rond (figures 5, 4, ai, 0).
« Le trou grand rond est atteint facilement par l'aiguille enfoncée au-
dessous de l'os mataire. dans une direction oblique de dehors en
dedans, d'avant en arrière, et légèrement de bas en haut. L'aiguille
cheminera à travers le tégument traversant la boule graisseuse de tiicbat.
en arrière ! de la face postérieure de l'os maxillaire supérieur, pour
arriver dans la fente plérygo-maxillaire. La profondeur d'introduction
de 5 centimètres ne doit pas être dépassée, comme t'out fait réunir-
- - TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. - 425
quer Lévy et Baudouin. Les nerfs moteurs oculaires sont situés, en
effet, au sommet de cette
fente et doivent, de toute
nécessité, être soustraits
à l'action de l'alcool.
« Le trou ovale, situé immédiatement en arrière de la base de l'apo-
physe ptérygoïde, est distant de 4 centimètres environ de la surface
[GUILLAIIV.] ]
Fig. s.
Fig. 4.
Ilig. 5. Groupe des ' orifices périphériques. Nert sus-orbitaire A; sous-orbitaire il;
mentonnier C. La direction de la flèche indique la direction de l'aiguilla. D, point d'entrée
de l'orifice profond du trou ovale ; E, point d'entrée de l'orifice profond du trou grand
rond. (D'après Sicard.)
Fig. 4. Trou grand rond. Le nerf maxillaire supérieur B, au sortir du trou grand rond,
parcourt d'arrière en avant la fenle sphéno-axillaire A, au-dessus du ganglion sphéno-
palatin C et de l'artère maxillaire interne D. (D'après Sicard.) -
Fig. 5. Trou ovale. Coupe faite
immédiatement en arrière des apo-
physes ptérygoïdes au niveau du trou
ovale A. L'aiguille T a pénétré en
avant du condyle de l'os maxillaire
inférieur, a traversé le muscle mas-
seler, les muscles ptérygoïdiens- ex-
terne et interne. Son extrémité prend :
contact à 2 ou 3 millimètres au des-
sous du trou ovale (qui se trouve il
la partie postérieure de la base de
l'apophyse ptérygoïde). L'aiguille vient
ainsi directement piquer le nerf ma-
xillaire inférieur il sa sortie du trou
ovale A, avant sa division en ses deux
gros nerfs, nerf lingual C et nerf
dentaire inférieur B. On voit, à droite
de la figure, le lingual et le dentaire
inférieur passer entre les deux mus-
cles pterygoïdiens. Le nerf dentaire
va rejoindre le canal dentaire à
l'épine de Spix D. Si l'aiguille T
prolongeait sa course, traversant. le nerf, elle viendrait, laissant au-dessus d'elle le trou
déchiré antérieur, faire issue dans le pharynx nasal, à 1 centimètre an-dessous de l'orifice
interne de la trompe d'Eustache et à 4 cent. 1/2 au-dessus du voile du palais. En règle
très générale l'aiguille est du reste arrêtée 1 ce niveau par la partie fibro-cartilagineusc
inférieure de la trompe d'Eustache (D'après Sicard.)
Fig. 5.
436 , - ; NÉVRALGIES ET ALGIES.' . ; ...
cutanée, au niveau de ce petit triangle compris entre le bord inférieur
de l'apophyse zygomatique, l'apophyse coronoïde et le condyle du maxil-
laire intérieur (Levy et Bau-
douin). C'est dans cette
région cutanée que l'aiguille
doit être introduite dans
une direction- perpendicu-
laire. On abandonne 1 ce. 1/2
d'alcool environ. Le point
de repère profond qui nous
a paru le plus fidèle est le
bord postérieur de l'apo-
physe ptérygoïde. L'aiguille
doit buter sur ce bord, en
reèonnaître la partie supé-
rieure, puis se diriger im-
médiatement en arrière;
elle atteindra alors à peu près
sûrement le nerf maxillaire
inférieur à son émergence
ovalienne. » (Sicard).
On injectera dans les
branches du trijumeau 1 ou
2 centimètres cubes d'alcool
à 80°, additionnés de 0 gr. 01
de stovaïne ou de cocaïne par centimètre cube. 11 faut souvent plusieurs
injections avant d'observer la cessation des douleurs.
Sicard a préconisé récemment pour ces injections cette formule nouvelle :
TROUBLES DES RÉFLEXES
par le DU 0. CROUZON
Un réflexe est une excitation périphérique transmise par les voies cen-
tripètes à un centre nerveux qui la renvoie par les voies centrifuges à la
périphérie sous forme d'excitation motrice.
Si le point de départ de l'excitation périphérique est. un tendon, on
dit que le réflexe est tendineux. Si le point de départ du réflexe se
trouve au niveau de la peau, on dit que le réflexe est cutané.
Nous étudierons successivement les réflexes tendineux et les réflexes
cutanés.
Réflexes tendineux. On peut provoquer un réflexe tendineux
dans fous les points du corps où il existe un tendon accessible a la per-
cussion, au niveau des membres inférieurs comme au niveau des
membres supérieurs. Nous examinerons les réflexes les plus usuels en
clinique, et nous prendrons connue type de notre description la
recherche du plus important ou du moins du plus facile à constater,
nous voulons parler du réflexe rotulicn.
Réflexe rotulien. La recherche du réflexe rotulien qui est
entrée dans la pratique courante est cependant des plus délicates et une
mauvaise technique conduit souvent les observateurs à des erreurs de
diagnostic. Nous insisterons donc sur chacun des points de la technique.
JO Position du malade pour assurer le relâchement du triceps.
a) Le malade est assis. C'est la position la plus favorable pour
l'examen et on devra y recourir toutes les fois que cela sera possible. Le
malade se placera sur une chaise : il allongera ses jambes à demi, de
façon qu'elles forment avec les cuisses un angle de 155" ouvert en bas,
les pieds reposant sur le sol par les talons. On conseillera au malade de
ne pas se raidir : on palpera son quadriceps crural pour s'assurer de son
relâchement.
Le malade étant assis, on pourra encore examiner avec fruit le réflexe
rotulien en commandant au malade de croiser les jambes et de placer
sans la raidir l'une des cuisses sur l'autre.
Le malade étant assis, l'observateur pourra s'asseoir à côté de lui et
passer une de ses cuisses sous la cuisse du malade de façon à la soulever
et à laisser la jambe pendante. "
[CRO UZON. )
428 . RÉFLEXES. .
On pourra également obtenir le relâchement des membres en faisant
asseoir le malade sur le bord d'un lit ou sur le bord d'une table ou d'un
plan dur, les jambes restant pendantes.
b) Le malade est couché. Si l'on
ne peut déplacer le malade, on pourra,
même dans la position couchée, explo-
rer son réflexe rotulien par les procédés
suivants : on passera la main sous la
cuisse du malade et, en l'appuyant sur
la cuisse du côté opposé, on soulèvera
ainsi le membre à examiner en plaçant
la jambe en demi-flexion sur la cuisse.
On pourra encore placer le membre
inférieur en abduction et la jambe en
demi-flexion sur la cuisse de telle façon
que la face externe du genou repose sur
le plan du lit : le membre est, en géné-
ral, ainsi dans le relâchements
2° Instrument percuteur. On
peut se servir pour percuter le tendon
rotulien du bord cubital de la main ou
des doigts réunis en crochet. Mais il est presque indispensable pour
être sur de l'abolition d'un réflexe, de l'avoir percuté avec un marteau
à percussion. Il en existe de nombreux modèles : marteaux de Dejerine,
de Trousseau, de Legroux, etc., il faut et il suffit que le marteau soit
d'un poids notable
pour provoquer un
réflexe net. Il peut
arriver que le ré-
flexe rotulien n'ap-
paraisse pas après
une percussion
avec le bord cubi-
tal de la main et
qu'on le voie apparaître à la percussion au marteau. Il est donc très utile
de se servir du marteau, mais dans la pratique, on pourra quelquefois
utiliser avec profit, le manche d'un coupe-papier, d'un couteau, d'une
cuiller, le disque d'un stéthoscope. -
5° Point à percutér. La percussion devra porter sur le ligament
rotulien qui relie le sommet de la rotule au tubercule antérieur du
tibia. On s'assurera donc du point percuter en palpant le sommet de la
rotule, puis le tubercule antérieur du tibia : on sentira entre ces deux
points osseux une surface moins résistante, dépressible sous le doigt : .
c'est le ligament rotulien qui doit être percuté.
Cependant, il n'est point nécessaire de percuter ce point pour obtenir
Fig. 1. Exploration du réflexe ten-
dineux rotulien, le sujet étant assis.
(Blocq et Onanoff.)
Fig. 2. Marteau à percussion de Dejerine.
RÉFLEXES. 429
ce réflexe; on le percevra encore par le procédé de Walbaum (une jambe
est croisée sur l'autre, on place une main à demi-fermée, en exerçant
une pression modérée sur le point à examiner. La main est placée de
manière que le pulpe des doigts repose sur le ligament rotulien inférieur
et les éminences theuar et hypotbénar sur le hord supérieur de la rotule.
On donne alors un choc bref et léger avec l'autre main fermée sur
le dos de la main fixée sur le genou. De cette manière, la rotule est
refoulée en bas et le ligament rotulien se trouve tiraillé. On perçoit avec
la main fixe la plus faible réaction du triceps).
4° Constatation du réflexe. Le réflexe est le plus souvent apprécié
par le mouvement de propulsion du pied en avant, que le pied repose sur
le sol, que la jambe soit pendante ou qu'elle repose sur le plan du lit.
Quelquefois cependant le réflexe ne sera pas suffisant pour provoquer ce
mouvement de propulsion; la contraction sera très faible : on pourra
néanmoins l'apprécier simplement il la vue ou encore par la palpai ion du
triceps crural.
5" Causes d'erreur. L'erreur peut consister à méconnaître un
réflexe qui existe réellement, ou bien à croire à l'existence d'un réflexe
qui n'existe pas.
On méconnaît surtout l'existence d'un réflexe quand le malade se
raidit et quand la contraction permanente de son triceps empêche le
réflexe de se produire. Pour éviter que le malade ne se raidisse, on
peut, quand les recommandations simples ne suffisent pas, user des arti-
fices suivants.
Le plus commun est la manoeuvre de .luiclrassik : on dit au malade
d'opposer ses mains en crochet et d'opérer une traction de l'une sur
l'autre. L'attention du malade est portée sur l'effort qu'il a à fournir et il
cesse de raidir ses membres inférieurs. La manoeuvre de Muskens
consiste également dans une traction d'une des mains l'une sur l'autre.
mais la traction se fait au commandement de « lirez B. elle n'est que
passagère et immédiatement après qu'elle a cessé, on doit pratiquer la
percussion du tendon rotulien. -fiosenhach recommande d'occuper
l'attention du malade en lui faisant lire à haute voix et rapidement un
[CROUZO.\'.]
Fit. 3. Manoeuvre de Jcndrassik. (Blocq et Onanoff.)
4;)0 RÉFLEXES.
passage, difficile. L.-ll. Petit, pendant qu'il recherche le réflexe, fait
examiner l'oeil du malade et fait relever la paupière supérieure par
un assistant. Kronig percute le tendon après avoir commandé au malade
de faire une inspiration forcée et brusque en regardant le plafond
Guttmann soulève la cuisse et la jambe avec deux serviettes Feix place
le malade sur le flanc dans l'attitude du sommeil.
Tous ces moyens peuvent vaincre une contraction volontaire perma-
nente du muscle.
. Mais il est des cas où le réflexe n'apparaîtra pas en raison d'une
contracture du triceps crural ou de rétractions fibre-tendineuses qu'il
faudra mettre en évidence.
Quelquefois, le réflexe quoique non aboli, semble difficile à provoquer
à cause de la difficulté de la percussion; la présence de graisse ou
d'oedème des jambes nécessitent en effet une percussion beaucoup plus
forte que chez un sujet normal.
Telles sont les causes d'erreur qui peuvent faire méconnaître un
réflexe qui existe. Inversement, on peut croire à l'existence d'un réflexe
aboli, quand la percussion du tendon rotulien ébranle le triceps et fait
croire à sa contraction.
(je Appréciation du réflexe. On constate la présence du réflexe
rotulien, nous l'avons vu, par la contraction du triceps ou par la pro-
pulsion du pied, par la violence de la contraction du triceps et par la
vivacité de la réaction; les réflexes sont dits forts ou faibles, vifs ou
lents.
Dans la pratique, cette appréciation grossière suffit et il n'est pas
besoin de recourir à des mesures plus précises.
Nous mentionnerons donc seulement le réflexometre rotulien de
Castex ('). L'appareil permet de mesurer l'intensité de la percussion qui
produit la plus faible contraction; on emploie un percuteur qui, contenu
dans un tube cylindrique, est mis en mouvement par mie gâchette;
l'effort du percuteur est mesuré sur une graduation portée par l'appareil.
On appelle valeur du réflexe l'énergie du choc, qui produit la plus faible
contraction. La valeur normale du réflexe est en moyenne de 150 grammes
centimètres.
Il existe également un appareil enregistreur du réflexe de Sommer.
Giovanni Bopri a fait ses études sur les réflexes tendineux en employant
l'ergograpbe de Mosso. François Franc a pu cinématographier et en
même temps inscrire sur un graphique les réflexes tendineux. Enfin Tou-
louse et Piérun ont imaginé un appareil permettant de rechercher le seuil
du réflexe et de mesurer la réaction (Bévue de Psychiatrie, juin 1908).
Mais ce sont là des procédés qui sortent de la pratique courante.
Réflexe contralatéral des adducteurs. Ce réflexe a été
décrit par Pierre Marie, le 15 avril 1894. La recherche du réflexe contra-
1. CASTEX. Soc. de Biologie, 12 octobre 1901 et Congrès de Rennes, 1905.
RÉFLEXES. 431 1
latéral des adducteurs se rapproche de celle du réflexe rotulien. En
elle ! , le réflexe consiste dans une contraction des adducteurs provoquée
par la percussion du tendon rotulien du côté opposé.
Cependant pour bien mettre en évidence la contraction des adduc-
teurs, il est préférable de suivre la technique suivante' :
Le malade étant assis, on met ses jambes dans le relâchement en
leur donnant l'altitude de flexion sur les cuisses a 1W u°, m;cis en pla-
çant en même temps les cuisses en abduction. Si l'on présente alors
le tendon rotulien, on voit, en outre de l'extension de la jambe sur la
cuisse qui se produit du côté percuté, un mouvement produit par la
contraction des adducteurs qui rapprochent la cuisse de la ligne
médiane : c'est le réflexe contralatéral des adducteurs.
Le malade étant couché, on placera la jambe; à percuter comme il a
été indique'' précédemment pour la recherche du réflexe rotulien sur un
malade couché : on soulève la cuisse en passant la main sous elle, ou
bien on place la jambe en demi-flexion sur la cuisse et la cuisse en
abduction sur le plan du lit. Le membre opposé sur lequel on recherche
la contraction contrataterate des adducteurs sera placé de folle façon
que les adducteurs aient un maximum d'allongement. On place donc ce
membre dans l'altitude suivante : flexion à angle droit ou à angle aigu
de la jambe sur la cuisse et abduction de la cuisse. Dans celle situation,
la moindre contraction îles adducteurs se traduira par un déplacement-
du genou vers la ligne médiane, et le réflexe produit par la percussion
du tendon rotulien opposé pourra apparaître, si léger qu'il soit.
Ce réflexe n'est pas, comme le réflexe rotulien, un réflexe qui existe
chez tous les sujets normaux : on ne l'y rencontre que dans une propor-
tion assez faible : 9,G7 [tour 100, suivant Ganaull. Il n'est bien apparent
que lorsqu'il est exagéré : on le trouve dans les hémiplégies et paraplé-
gies il la période de contracture naissante.
On peut, grâce il sa constatation d'un côté, apprécier la prédominance
de la spasmodicite de ce même côté, alors que l'examen des autres
réflexes ne décèle pas d'inégalité. Ainsi dans une hémiplégie droite, la
percussion rotulienne du côté gauche sain détermine dans 47 pour 100
de ces cas, suivant Ganautt, une forte contraction des adducteurs de la
cuisse ri droite et la percussion rotulienne du côté droit paralysé ne
détermine aucune contraction des adducteurs à gauche. On dit alors que
le réflexe contralatéral est tins marqué ci droite qu'à gauche. On
conçoit que, si l'exagération du réflexe rotulien du côté droit paralysé
notait pas évidente, on aurait dans le réflexe contralatéral un moyen de
révéler la spasmodicite naissante du côté paralysé. Dans 10 pour 100
des hémiplégies, cependant, le réflexe contralatéral est exagéré des deux
cotes. La description du réflexe contralatéral des adducteurs de Pierre
Marie, en dehors îles recherches déjà citées de son élève Ganault, a été
confirmée par d'autres observateurs : Slrunipell, Guy Hinsdale et J. Ma-
dison Taylor, etc.
[GROoeON.]
J52 RÉFLEXES.
Il est possible qu'au phénomène contralatéral des adducteurs s'associe
quelquefois une contraction du triceps ou du fascia lata du même côté.
Ce fait observé par Ganault a été décrit également par Féré et l'a amené
il donner au phénomène tout entier le nom de réflexe fémoro-croisé qu'il
subdivise suivaut le cas en réflexe fémoro-croisé extenseur ou réflexe
fémoro-croisé adducteur.
Réflexe achilléen. Le réflexe achilléen est le réflexe provoqué
par la percussion du tendon d'Achille ou tendon du triceps surral : il
consiste dans la contraction de cette masse musculaire et a pour résultat
un mouvement d'extension du pied sur la jambe. '
Pour l'apprécier, il faut que le malade se mette ! à genoux et garde les
muscles du mollet dans le plus complet relâchement.
Dans ce but, on commande au malade de se mettre il genoux sur le
bord de son lit, les pieds dépassant le bord du lit.
On peut, si le malade n'est pas couché, le placer sur une chaise en lui
commandant : « Mettez-vous à genoux sur la chaise; en me tournant le
dos ». On placera sous ses genoux un coussiu pour éviter que cette
position ne lui soit pénible et qu'il ne soit obligé de se raidir. On veillera
également à ce que le malade repose solidement à la fois sur ses genoux
et sur la face antérieure des jambes et non sur les genoux seuls; on lui
recommandera d'avancer ses genoux aussi près que possible du dossier
de la chaise.
Tous ces détails montrent qu'il faut chercher à obtenir une résolution
musculaire complète. Avant de percuter le tendon d'Achille, on s'assu-
rera du relâchement des muscles en palpant le mollet, en constatant sa
flaccidité, en vérifiant la mobilité parfaite du pied sur la jambe et en
provoquant, par la palpation des muscles du mollet, l'extension du pied
sur la jambe.
On percute alors le tendon d'Achille qui est tendu entre le mollet et le
calcanéum; on voit se produire le léger mouvement d'extension du pied
sur la jambe, la face plantaire tend à regarder en haut, puis reprend sa
position première. Il est ici, plus encore que pour la recherche du
réflexe patellaire, nécessaire de se servir d'un marteau il percussion, car
le mouvement réflexe est bien moins intense qu'au niveau du tendon
rotulien et la percussion doit être pratiquée avec plus de force. La per-
cussion avec le bord cubital de la main est presque toujours insuffisante,
tout au plus peut-on obtenir quelques résultats avec le bord d'un coupe-
papier ou avec le disque du stéthoscope.
Il ne faut pas prendre pour le réflexe achilléen le léger mouvement
transmis au pied par le tendon achilléen déprimé sous la percussion du
marteau.
Clonus du pied. Quelquefois la percussion du tendon achilléen
n'amène pas seulement un mouvement d'extension du pied sur la jambe,
mais est le point de départ d'une série de mouvements rythmés et
saccadés d'extension du pied sur la jambe. Si l'on cherche à s'opposer
RÉFLEXES. 453
à ces mouvements par la .flexion forcée du pied sur la jambe, ils se pro-
duisent d'une façon continue et régulière : c'est le clonus du pied qui
est le signe de l'exagération du réflexe achilléen. - , '
Ce clonus du pied (ou phénomène du pied ou épilepsie spinale ou
trépidation épileptoïde) n'est pas cependant recherché dans la pratique
courante de la iaçon
que nous venons d'in-
diquer.
En général, on le
recherche, le malade
étant couché ou assis,
en plaçant sa jambe
en demi-flexion sur la
cuisse et en détermi-
nant brusquement une
flexion du pied sur la
jambe; le pied est
animé de secousses
d'extension rythmiques, régulières, pendulaires, qui durent tant que la
flexion forcée du pied persiste et peuvent apparaître sans que lé sujet
fasse la moindre résistance. z
Ces caractères sont nécessaires pour affirmer qu'il s'agit bien de clonus
du pied véritable. Il faut éviter de prendre pour un clonus du pied la
fausse épilepsie spinale qu'on rencontre chez les sujets nerveux à
réflexes un peu forts qui se raidissent en étendant le pied sur la jambe
quand l'observateur cherche à. faire la flexion forcée ; dans ce cas il se
produit seulement quelques mouvements successifs de flexion et d'exten- '-
sion qui s'épuisent rapidement et on peut constater en général ce phéno-
mène au niveau des deux tendons achilléens (Babinski) ('). Nous verrons
que celte fausse épilepsie spinale. n'a aucune valeur pathologique ou du
moins aucune valeur pour le diagnostic d'une maladie organique. C'est
là, semble-t-il, ce due Goers (2) a décrit chez les hystériques sous le nom
de « spurious ankle clonus ».
Clonus de la rotule. On constate chez les individus dont les
réflexes rotuliens sont très marqués un phénomène analogue au clonus
du pied. Pour le provoquer, on peut, comme l'a montré Erb, disposer
circulairement les deux mains autour de la partie inférieure de la cuisse,
les deux pouces appuyant sur le bord supérieur de la rotule et pressant
cet os fortement en bas, les contractions rythmiques du triceps se pro-
duisent alors et on assiste à la danse de la rotule. Ce phénomène e&t
associé le plus souvent au clonus du pied et à l'exagération des réflexes
tendineux.
'1. Babinski. Soc. Neurologie, janvier 1903.
2. GowEns. Médical Soc. of Lnndon, 2 nov. 1885.
Pratique 11EUROL.. 28
. caouzoiv.
Fig. 4. Exploration du clonus du pied. (Blocq et Onanoff.)
454 . , .. RÉFLEXES, . - , - ,.
Réflexes du poignet. On peut provoquer des réflexes en
percutant les divers tendons du poignet : les tendons extenseurs à la face
aorsme, les ten-
dons des fléchis-
, séurs et des mus-
cles palmaires à la
face palmaire, les
tendons des mus-
cles radiaux et long
supinateur des
abducteurs et ex-
tenseurs du pouce
sur le bord ex-
- terne, le tendon
des muscles cubi-
taux sur le bord
interne du poignet. La percussion de tous ces tendons détermine de la
contraction des muscles correspondants.
Il est nécessaire, comme pour la recherche des autres réflexes,
d'assurer la résolution musculaire complète de l'avant-bras. Dans ce but
on peut, si le malade est couché, laisser reposer le bras et l'avant-bras
sur le plan du lit; si le malade est assis, on lui recommandera de laisser
ses bras pendants, les avant-bras reposant sur les cuisses. L'observateur
pourra encore, que le malade soit couché, assis ou, debout, prendre la
main' du malade dans la sienne pour soutenir l'avant-bras et en assurer le
relâchement.
. Le marteau percutera successivement chacun des groupes musculaires.
Clonus de la main. Bouchard (1866) a montré qu'en relié-
vant la main de certains
hémiplégiques., on pou-
vait obtenir un clonus
de la main analogue à
celui du pied. Il est
nécessaire de pratiquer
une extension brusque
1 et forcée de la main sur
le poignet et de mainte-
nir ensuite cette exten-
sion. Ce phénomène est
lié à l'exagération des
réflexes du poignet,
mais il s'observe assez
rarement.
Réflexe massétérin. Enfin nous rapprochons des réflexes
tendineux le réflexe du masseter, bien qu'il ne soit pas produit par per-
, Fig. 5. Exploration du réflexe tendineux du poignet.
(Blocq et Onanoft'.)
Fig. 6. Exploration du réflexe de la mâchoire inférieure
(massétérin). (Blocq et Onanoff.)
RÉSULTATS FOURNIS PAR L'EXAMEN DES RÉFLEXES. 43.') ai
cussiondu tendon, mais par percussion ou traction du muscle lui-
même. Pour obtenir le réflexe, on peut en effet procéder de deux façons :
on peut percuter avec le marteau le muscle masséter à travers la peau de
la joue et on voit alors se produire la contraction qui relève l'arcade
dentaire inférieure. On peut encore commander au malacle (I'elltl''U111'l'll'
la bouche sans faire d'efforts. On appuie la lame d'un couteau ou d'un
coupe-papier sur les arcades dentaires inférieures et on percute avec le
marteau la surface de la lame. L'arcade dentaire s'abaisse d'abord sous
le choc, puis elle est soulevée par la contraction du masséter : c'est lit
le réflexe.
RÉSULTATS FOURNIS PAR L'EXAMEN DES RÉFLEXES
Nous venons de voir, à propos de la technique de chacun des réflexes
précédents, comment se manifestait le réflexe à l'état normal. Nous
allons étudier maintenant les troubles des réflexes et leur signification
pathologique.
Il convient cependant, avant d'étudier la pathologie des réflexes, de
connaître les variations qu'ils subissent, en dehors des conditions mor-
bides, du fait de l'âge, de la fatigue, etc.
VARIATIONS DES RÉFLEXES EN DEHORS DES CONDITIONS MORBIDES
Les réflexes tendineux gardent-ils leurs caractères à toutes les périodes
de la vie ou subissent-ils des variations dans l'enfance et dans la vieillesse ?
Mobius (') a examiné les réflexes rotuliens de 56 malades âgés de plus de
80 ans; il a constaté que chez 8 d'entre eux ces réflexes étaient très
faibles et que chez 9 ils faisaient absolument défaut, sans que d'ailleurs
il existât chez aucun des ces malades de signe d'une affection nerveuse.
Chez les nouveau-nés, les réflexes tendineux sont exagérés, comme
d'ailleurs l'activité réflexe de la moelle en général : ils diminuent quel-
ques semaines après la naissance. Pclizmns (2), sur 40;¡ enfants, n'en a
trouvé qu'un chez lequel le réflexe rotulien n'existât pas et cependant
chez lui ce réflexe put être provoqué par l'emploi du procédé de
Jendrassik.
Lombard n a fait mesurer son réflexe rotulien dans 259 circonstances
différentes : c'est le matin après le petit déjeuner que le réflexe est le
plus fort, c'est la nuit qu'il est le plus faible. La diminution de ce réflexe
pendant le cours de la journée s'accomplit d'une façon très irrégulière :
en général, après chaque repas, le réflexe est plus fort. Les réflexes rolu-
liens sont diminués par une fatigue modérée, la faim un temps lourd,
i. 1(ümu,. Cbl. f. Ncrtc'tlteillcrculc, '18W>, n° ill.
2. Pe',tzus. Nearolog. Cbl., 1886, p. 50.
ô. Louu : ntn. Neurolog. Cbl., 1S : )0, p. 85.
ICROUZON]
156 RÉFLEXES.
le sommeil, en un mot par toutes les conditions qui diminuent l'activité
du système nerveux. Les réflexes rotuliens sont, augmentés, par les vives
excitations sensorielles, les rêves violents. La musique les augmente
d'autant plus qu'elle est plus bruyante. La respiration normale est sans
influence, mais en retenant longtemps l'haleine, on augmente les réflexes.
Lombard remarque également que les réflexes rolulipns sont augmentés
par la coïncidence de mouvements volontaires et celle variation nous
explique que la manoeuvre de Jendrassik ait pour effet de mettre en
évidence des réflexes difficiles à trouver.
Orschanski ('), en faisait travailler un membre, a vu tout d'abord les
réflexes tendineux augmenter d'intensité, puis diminuer a mesure que la
fatigue arrivait, et enfin, si celle-ci était poussée il un degré très marqué,
par exemple, s'il existait du tremblement., les réflexes tendineux pouvaient
disparaître entièrement. xm
VARIATIONS DES RÉFLEXES DANS LES MALADIES
A) Abolition des réflexes. - Dans la pratique clinique, l'abo-
lition des réflexes a une valeur bien différente suivant qu'elle est loca-
lisée à quelques tendons (et en particulier à ceux du membre inférieur)
ou suivant qu'elle est généralisée. '
1° Abolition partielle des réflexes tendineux. a) Abolition des
réflexes rotulien et achilléen. C'est par ces symptômes que débutent
quelques affections médullaires dont l'évolution entraîne plus tard t'abo-
lition de tous les réflexes. L'abolition des réflexes rolldiens et achilléens
est donc un symptôme précoce de ces affections.
La plus fréquente d'entre elles est le tubes. C'est il Westphal que
revient le mérite r) d'avoir montré que la disparition du réflexe rotulien
est un des symptômes les plus constants du tabès. Ce signe est devenu
un des signes cardinaux de cette maladie : il est connu sous le nom de
signe de 11'ealrltal et constitue avec le signe de Romberg. le signe de
Hobertson et t ataxie le syndrome caractéristique du tabès dorsalis.
Cependant il ne faut pas oublier, dans cet historique du réflexe rotulien,
Krb epii, dans le numéro même où paraissait l'article de Weslphal, pu-
bliait de son côté la description des réflexes tendineux et en particulier
du réflexe tendineux rotulien. Il est vrai que Westpbat eut le mérite de
montrer la valeur de l'abolition du réflexe dans le tabès : c'est donc à
juste litre qu'on a donné son nom il ce signe, mais il convient d'associer
le nom d t'jrb il celui de Weslphal dans la découverte du réflexe rotulien.
Par la suite, les travaux de Charcot, Jolfroy, Urissaud vulgarisèrent cette !
découverte en France et assurèrent son succès.
Le réflexe rotulien fait donc défaut dans le tabès, d'une façon générale.
1. Oi;sr : nwssi. ir»Y/.s7(.71, 1 XX4; Anal. Neurolog. CcnlrrrlGlul,l, 1884, p. 409.
2. Arcliiv. sur ? <y<.7tM<)'t<'p, 1875.
RÉSULTATS FOURNIS PAR L'EXAMEN DES RÉFLEXES. 457 r
Cette abolition des réflexes se manifeste le plus souvent dès les premières
périodes de cette affection. ,
Cependant il y a des exceptions à cette règle :
Ce sont tout d'abord les cas de tabes avec conservation des réflexes
rotuliens qu'ont signalés plusieurs auteurs, Lehmann, Westphal, Kraus,
Minor, Pick, Achard et Lévi, Dupré et Camus. Il est probable que, dans
ces cas, il s'agit de lésions limitées à la partie supérieure de la moelle, de
lésions discrètes méningo-vasculaires ou de l'intégrité de la zone d'en-
trée des racines postérieures, des bandelettes externes de Charcot et
Pierret. (il convient toutefois de ne pas s'exagérer l'importance de cette
localisation anatomique). ,
Il peut exister également des cas de tabes avec diminution des
réflexes tendineux, ou même diminution unilatérale, c'est-à-dire d'inéga-
lité des réflexes tendineux. n
Enfin une dernière modalité s'observe chez les tabétiques hémiplé-
giques. On a vu, en effet, des malades atteints d'abolition des réflexes
tendineux et frappés d'hémiplégie chez lesquels le réflexe rotulien réap-
paraissait du côté de l'hémiplégie. Cayla ('), dans sa thèse sur l'hémiplégie
dans le tabes, cite plusieurs exemples de réapparition des réflexes.tendi-
neux dans l'hémiplégie des tabétiques : ce sont les cas de Goldflam, de
llughlings-Jaclaon, Raichline, mais le cas de Raichline est le plus inté-
ressant : en effet, quatre mois après son début, l'hémiplégie provoqua le
retour des réflexes tendineux du côté paralysé, mais, deux mois plus
tard, la réapparition des réflexes fut également constatée du côté sain.
Noïca (Journal de Neurologie de Bruxelles, 1907) pense que les réflexes
ne peuvent s'exagérer du côté hémiplégique chez un tabétique que s'ils
persistaient même à un faible degré.
Tout ce que nous venons de dire du réflexe rotulien dans le tabès
s'applique au réflexe achilléen. Cependant il est un point de sa séméio-
logie dont la connaissance est récente. M. Babinski (1898) a eu, en effet,
le mérite d'attirer l'attention sur la fréquence de la disparition de ce
réflexe dans le tabes et plus particulièrement sur la précocité de cette
disparition qui est antérieure à celle des réflexes rotuliens : la constata-
tion de ce symptôme permettra donc de faire un diagnostic précoce de
l'ataxie locomotrice.
Comparant les relations du réflexe rotulien et du réflexe achilléen dans
le tabes, M. Babinski a montré qu'on pouvait observer les combinaisons
suivantes :
a) Les deux réflexes sont abolis : c'est la forme la plus fréquente;
b) Les deux réflexes sont troublés, mais non abolis complètement. On
pourra voir l'abolition des deux réflexes d'un côté et la conservation du
côté opposé ou bien l'abolition croisée des réflexes rotulien et achil-
léen ; - ...
1. Thèse de Paris, 1902. ,. 1
¡GHOUZON,]
458 RÉFLEXES.
c) Quelquefois on pourra trouver les réflexes rotuliens abolis ou trou-
bles et les réflexes achilléens normaux ;
d) Enfin les cas les plus intéressants auxquels nous faisions allusion
sont ceux où le réflexe rotulien est normal et où l'on constate l'abolition
ou le trouble du réflexe du tendon d'Achille.
Van Gehuchten et de Buck ont observé des cas où l'abolition des
réflexes achilléens des deux côtés coïncidait avec l'exagération des
réflexes rotuliens.
Segcr dans sa thèse (1902), Sarbo, Max Biro, Van Gclmclllcu, Golcl-
flam ont confirmé la valeur sl'méiologique de la disparition précoce du
réflexe achilléen dans le tabes. Il est donc nécessaire d'examiner systé-
matiquement ce réflexe toutes les fois qu'on suspecte cette affection : on
pourra, grâce il lui. dépister des cas frustes ou des tabès à la première
période de la maladie.
L'abolition des réflexes tendineux achilléen et rotulien s'observe éga-
Iement dans la maladie de Friedreich. « Les réflexes tendineux sont
presque toujours absents et c'est celle absence qui contribue il donner
a la maladie de hricclreicll cet aspect clinique singulier consistant dans
une sorte de mélange des symptômes du tabès avec ceux de la sclérose
en plaques. Quelquefois les réflexes tendineux sont simplement diminués.
Dans certaines observations, on les signale même comme augmentés.
Faut-il admettre' qu'il y a eu erreur et que ces cas n'appartiennent pas
il la maladie de Friedreich, ou bien attribuer celle exagération à une
participation plus marquée qu'il l'ordinaire des cordons latéraux au
processus morbide ? Pour moi, c'est la première opinion qui nie parait de
beaucoup la plus vraisemblable, et je vous engage à vous méfier un peu
des prétendus cas de maladie de Friedreich dans lesquels les réflexes
tendineux seraient exagérés. » (Pierre Marie.)
Il s'agit sans doute dans ces derniers cas de Yhérédoataxie cérébel-
leuse de Pierre Marie. En effet; dans cette affection, l'exagération des
réflexes est la règle et ce n'est qu'à la période terminale que s'observe
l'abolition des réflexes.
L'abolition des réflexes tendineux et achilléen et rotulien est un des
éléments du syndrome des scléroses combinées de la moelle dans la
forme tabétique, dans les scléroses combinées de la paralysie générale el
dans les formes subaiguës. Dans la forme (abélique, elle est semblable
il celle du tabès, mais elle accompagne le triade symptomatfqne qui le
différencie du tabès vulgaire : démarche avec trainement des jambes.
paraplégie, signe de Babinski (Pierre Marie et Crouzon).
Dans les formes subaiguës : (scléroses combinées de l'anémie penn-
cieuse, subacufe combined degeneration décision Russetf. Italien el
Collier), elle s'observe soit dès le début, comme élans l'anémie perni-
cieuse, soit à une période avancée, comme dans la forme décrite parles
auteurs anglais; dans ce dernier cas, elle est alors précédée d'une phase
d'exagération des réflexes tendineux.
HESLLTATS FOURNIS PAR L'EXAMEN DES REFLEXES..45')
Dans la forme cérébelleuse de la sclérose en plaques, on peut observer
la diminution ou l'abolition des réflexes.
Dans t'amyotrophic Clccr·cot-31a°ic, les réflexes rotuliens sont sou-
vent diminués ou abolis, mais ils sont quelquefois tout à fait normaux.
De tontes les affections médullaires que nous venons de mentionner,
celle qui se rencontre le plus fréquemment est le tabès; aussi est-ce au
tabès que l'on pensera immédiatement en présence de l'abolition des
réflexes rotuliens.
On pensera immédiatement après aux névrites des membres inférieurs.
Dans ces affections, en effet, l'affaiblissement ou l'abolition des réflexes
tendineux est la règle, leur exagération est une rareté (Babinski).
L'abolition des réflexes s'observe dans toutes les variétés de névrites,
que la lésion porte plus particulièrement sur les plus sensitives ou qu'elle
atteigne les libres motrices.
Si la névrite porte sur la jambe et respecte la cuisse, les réflexes
achilléens seuls seront touchés. Et c'est la constatation de ce signe qui
permet de faire le diagnostic de l'atteinte du nerf sciatique, soit dans les
formes de sciatique névrite avec amyotrophie, soit dans la névralgie
sciatique où l'altération nerveuse reste très légère (Babinski).
Ce que nous venons de dire des névrites en général s'applique à
chaque névrite en particulier.
Dans la névrite alcoolique, les réflexes rotuliens sont presque toujours
abolis. Et nous pourrions retrouver le même symptôme dans la névrite
saturnine, dans la névrite diphtérique aussi bien que dans les névrites
lépreuse, puerpérale, sulfo-carbonée.
L'abolition des réflexes se constate plus rarement dans l'intoxication
par l'oxyde de carbone.
Une mention spéciale doit être faite de la névrite diabétique, dans
laquelle l'abolition des réflexes donne l'aspect clinique connu sous le
nom de pseudo-tabes diabétique. C'est à M. Bouchard que revient le
mérite d'avoir montré l'existence de ce symptôme et sa valeur pronos-
tique chez les diabétiques. Il l'avait constaté 12 fois sur 41 diabétiques
observés, soit 29 pour 100, et en rapprochant. l'évolution ultérieure de la
maladie de la constatation de ce symptôme, il nota que, tandis que chez
les diabétiques ayant gardé leurs réflexes, la mortalité était de 7 pour
100, elle était de 17 pour J 00 pour les diabétiques qui n'ont plus leurs
réflexes. L'abolition des réflexes chez un diabétique a donc une signi-
fication pronostique fâcheuse, surtout chez les diabétiques jeunes, au-
dessous de 50 ans (Lpnn(',); elle est une contre-indication il une inter-
vention chirurgicale (P. Reynier, Berger). Cependant cette signification
pronostique fâcheuse est contestée par certains auteurs, en particulier
1;w Crule (Dentsclle Merl. 11'ocle., H05L Quand il se joint à cette aboli-
lion des réflexes rotuliens un certain degré d'ataxie des mouvements,
des troubles sensitifs, l'ensemble des symptômes constitue le pSP/ldù-
tabes diabétique. Dans le pseuclo-tahcs diabétique, connue dans le tabès
caouaoN.
4 RÉFLEXES.
vrai, un a pu voir, à l'occasion d'une hémiplégie, réapparaître le réflexe
rotulien du côté paralysé; tel est le cas de Marinesco (Société de Bio-
logie, 26 ocl. 1895) où l'apparition d'un syndrome de Weber chez un
diabétique amena la réapparition du réflexe rotulien du côté atteint par la
paralysie.
Enfin on peut observer les troubles des réflexes non seulement dans les
toxémies nerveuses du diabète, mais aussi dans les accidents nerveux
des affections hépatiques. M. Léopold Lévi [Société de Biologie, 14 jan-
vier 1896) a constaté dans 8 cas sur 14 l'abolition des réflexes patel-
laires : il s'agissait de tuberculose hépatique, de lithiase biliaire avec
ictère grave, de cirrhose alcoolique, de néoplasme hépatique. Cette abo-
lition des réflexes n'est peut-être pas dans tous les cas en rapport direct
avec la maladie du foie, elle relève peut-être de l'intoxication alcoolique.
Au contraire. la suppression transitoire des réflexes peut être rapportée à
une cause hépatique, il y aurait alors, comme dans d'autres intoxications,
une abolition de l'excitabilité médullaire.
Nous venons de voir les principales affections médullaires et les prill-
pales affections des nerfs dans lesquelles on constate l'abolition du
réflexe rotulien ou du réflexe achilléen. Il est cependant un certain
nombre d'affections de la moelle que nous avons laissées de côté et dans
lesquelles on observe également, quoique moins souvent, l'abolition des
réflexes. Telles sont d'abord les compressions de la ineielle. "
En général, dans les compressions de la moelle, la paralysie reste
flasque au début de la maladie, il y a alors abolition des réflexes. Puis,
dans une seconde période cette abolition des réflexes disparaît pour être
remplacée par la paraplégie spasmodique.
Au contraire, dans un'certain nombre de cas de compression de la
moelle, les réflexes sont et demeurent abolis. Dans ces cas, suivant Bas-
tian, il y a destruction de la moelle, par conséquent l'abolition perma-
nente des réflexes a une grande valeur pour le diagnostic de la section de
la moelle, suivant Baslian.
Telle n'était pas cependant l'opinion de Charcot qui pense epic. dans la
section même complète, il y a toujours exagération des réflexes au-dessous
de la lésion : telles ne sont pas non plus les conclusions des. recherches
de Babinski (pu a observé que la paralysie flasque, intense, -complète,
pouvait ne s'accompagner d'aucune lésion appréciable de la moelle.
Dans la compression brusque de la moelle, l'abolition des réflexes
s'observe également. Elle apparaît subitement en même temps que la
paraplégie, mais cette abolition des réflexes est passagère. Il semble
qu'elle soit due au choc de la moelle, elle peut disparaître et guérir très
vite, elle peut au contraire être suivie des phénomènes de la compression
lente, exagération des réflexes et paraplégie spasmodique.
L'abolition des réflexes est encore la caractéristique d'un grand
nombre de paraplégies flasques.
Puisque nous venons de mentionner les plus importantes, il ne nous
RÉSULTATS FOURNIS PAR L'EXAMEN DES RÉFLEXES. 441
restera plus qu'il énuinérer les autres causes de paraplégies : les trauma-
tisnnes vertébraux, fractures de la colonne vertébrale, coups de
couteau de la moelle el hémalomyélie, myélite tranSVe1'SI ?
L'abolition des réflexes s'observe dans la poliomyélite antérieure
chronique de l'enfant, ("est-il-dire la paralysie infantile. Cette aboli-
tion des réflexes qui quelquefois est incomplète ne s'observe qu'au niveau
des muscles paralysés.
Enfin, dans la syringomyélic, quoique le plus souvent il y ait exagéra-
tion îles réflexes, il existe des cas où l'abolition des réflexes fait partie de
l'ensemble des symptômes tabétiques : ces phénomènes sont l'expres-
sion de lésions des cordons postérieurs.
Bruhl a pu chez un malade observer d'un côté l'abolition des réflexes
et de l'autre l'exagération.
Enfin, l'abolition des réflexes peut s'observer non seulement dans les
affections médullaires et névritiques. mais on l'a encore constatée dans
les affections des muscles : les myopathies. Dans les myopathies progres-
sives. en dehors de l'abolition des réflexes qui est liée à l'atrophie des
muscles paralysés, on a pu constater l'abolition des réflexes malgré l'inté-
grité des muscles correspondants (Léri).
11) Abolition des réflexes tendineux d'un calé du corps. On peut
observer l'abolition des réflexes au cours de l'ltent.iplégie. Suivant Ba-
binski, celte persistance de l'abolition des réflexes au cours d'une hémi-
plégie et l'absence de contracture seraient l'indice d'une compression
cérébrale au niveau de la région rolandique, compression produite par
une tumeur cérébrale.
L'abolition ou la diminution des réflexes s'observent également il la
suite de Yépilepsie jacksonienne, dans les territoires où se produisent
les accès convulsifs, persistant pendant quelques heures, quelques jours
après ces accès; quelquefois elles persistent d'une façon continue.
c) Abolition limitée des réflexes tendineux à un membre ou à un
segment de membre. L'abolition des réflexes peut être tout il fait li-
mitée dans le cas des névrites ou de plaies des nerfs. Elle est limitée il
la région énervée par le nerf lésé.
2° Abolition généralisée des réflexes tendineux. L'abolition
généralisée des réflexes tendineux peut s'observer au cours d'affections
cérébrales. Elle apparaît dès le début de Y apoplexie ; dans ce syndrome,
qu'il soit produit par l'hémorragie ou par le ramollissement cérébral,
l'abolition des réflexes peut exister dès le début, il disparait si l'apo-
plexie cesse; et laisse derrière elle un étal des réflexes qui est variable
suivant qu'il y a ou non persistance d'une hémiplégie.
Dans la méningite tuberculeuse, on observe également l'affaiblis-
sement ou la disparition des réflexes lorsque la période terminale appa-
raît et lorsqu'elle entraîne le coma, la résolution musculaire et la
paralysie.
Il en est de même de la méningite cérébro-spinale.
[CROUZON] ]
- M3 ' " . RÉFLEXES.
M. Triboulet (Société médicale des hôpitaux, 7 novembre 1902) et
M. Cachet, dans sa thèse de Paris 1902-1905, ont étudié les réflexes
tendineux dans la méningite cérébro-spinale. Alors que les classiques
déclarent que les réflexes sont tantôt normaux, tantôt abolis, tantôt
exagérés, M. Triboulet a observé un cas où l'abolition des réflexes a cédé
à deux reprises en 15 jours à une ponction lombaire. Il semble que
l'exsudat rachidien influence les réflexes et que la présence de liquide
céphalo-rachidien en excès les abolisse, soit par compression directe,
soit en provoquant une ischémie radiculaire ou médullaire.
Enfin, l'état des réflexes peut être le même dans les hémorragies
méningées lorsqu'elles sont caractérisées par les mêmes syndromes :
apoplexie, coma, résolution musculaire.
On observe également l'abolition ou l'affaiblissement des réflexes dans
la chorée et en particulier dans la chorée de Sydenham. 11..TofFro a
constaté cette abolition des réflexes et en particulier l'abolition des ré-
flexes patellaires dans la grande majorité des cas de chorée. Benboffer
et Oddo ont fait des constatations analogues..
Dans la maladie de Parkinson, on a signalé le plus souvent l'abo-
lition des réflexes rotuliens; toutefois nous pensons qu'il faut se mettre
en garde contre les difficultés de la recherche des réflexes dans cette
affection où la rigidité est si marquée. D'autre part, Alquier a signalé
l'exagération des réflexes dans la grande majorité des cas de cette c
affection. -
L'abolition des réflexes peut s'observer à un stade avancé du syndrome
d'Erb après une phase de diminution progressive des réflexes.
Elle s'observe également dans l'acromégalie d'une façon disséminée,
mais plus spécialement au niveau des réflexes patellaires.
Enfin on observe l'abolition des réflexes dans les tumeurs cérébrales
et cérébelleuses. '
En ce qui concerne les tumeurs du cervelet, l'affaiblissement s'observe
dans J 5 pour 100 et l'abolition dans 15 pour 100 des cas, peut-être y
a-t-il alors, comme dans les tumeurs de l'encéphale, dégénérescence des
racines postérieures de la moelle, peut-être l'abolition des réflexes est-
elle due à la cachexie, peut-être est-elle due à l'accroissement de pression
du liquide cérébro-spinal.
Les réflexes peuvent être abolis ou diminués dans les maladies mentales.
Cramer (MÜnchene1' med. 117och., novembre. 1895) a publié une étude
sur la valeur du réflexe patellaire pour le diagnostic et le pronostic de
ces affections.
Dans les maladies mentales, la paralysie générale est la seule qui
offre d'une façon fréquente des troubles du réflexe patellaire. En effet, en
dehors de l'alcoolisme, en dehors de la convalescence de la manie aiguë,
à part la manie chronique et une certaine forme aiguë de la -paranoïa,
l'abolition du réflexe patellaire doit faire penser à la paralysie géné-
rale. M. Marandon de Montyel a étudié le réflexe patellaire aux trois
lil ? SUL'fa1'v TOUIi\IS l'alt I,'l,\ : 1H1.\ DI : S RI,ILI : \I;S. 4 ! 4.ï
périodes de la paralysie générale; il semble, d'après lui, que le réflexe
rotulien soit d'autant moins atteint que la paralysie générale est
plus avancée. Le maximum des altérations se trouve en effet il la pre-
mière période et le minimum à la troisième. C'est surtout à la première
période qu on trouve le maximum des abolitions des réflexes, il la
seconde période on constate le maximum de fréquence d'exagération
des réflexes et il la troisième période le maximum des affaiblissements
des réflexes.
On lient observer également des troubles des réflexes dans des lésions
labyrinthiques; P. Bonnier a montré que, dans les variations labyrin-
thiques brusques (bourdonnements, vertiges), le réflexe est diminué et
parfois supprimé.
On a observé dans les infections l'abolition fréquente du réflexe rotu-
lien. Sur 200 enfants atteints de pneumonie franche, M. Pfaundler
(Münchener med. Woch., 22 juillet -J (02) a noté 55 fois, soit dans
28 pour 100 des cas, l'abolition des réflexes. Ce symptôme a été noté à
toutes les périodes de l'affection, quelquefois il persistait pendant un
certain temps après la défervescence. Il semble que ce symptôme soit en
rapport avec la gravité de l'état général et avec l'intensité des troubles
cérébraux du début. Sur les 55 enfants qui l'ont présenté, ont suc-
combé, ce qui constitue une mortalité de 5,4 pour 100, c'est-à-dire une
mortalité relativement élevée pour la pneumonie infantile.
Dans le choléra, M. Galliard a examiné l'état des réflexes rotuliens.
Dans les formes algides, l'abolition du réflexe rotulien existe dans la
moitié des cas et le pronostic de ce symptôme est souvent défavorable;
cette perte du réflexe rotulien aurait une signification encore plus défa-
vorable, suivant M. Galliard, quand il est associé à la perte du réflexe
pupillaire.
Les réflexes rotuliens ont, été étudiés dans' la syphilis, et non seule-
ment chez les syphilitiques d'ancienne date, mais encore dans la première
période de la maladie, c'est-à-dire de un mois à deux ans.
L'abolition du réflexe patellaire a été observée par M. Binet-Sanglé
5 fois sur \7). Elle peut s'observer, suivant lui. avant l'apparition du tabès
et permet de faire prévoir ce diagnostic. U est très probable, toutefois,
qu'il s'agit dans ces cas de tabès fruste.
En dehors des cas de syphilis nerveuse, Lang et Casey, A. Wood ont
trouvé que 40 pour 1 no des gens atteints de la syphilis congénitale
avec kératite interstitielle ont les réflexes réfutions absents ou très
diminués.
On a constaté également l'abolition du réflexe patellaire au cours de
l'anesthésie chloroformique. Horsley a vu, dans le sommeil profond
produit par le protoxyde d'azote, les réflexes superficiels (plantaires et
conjonctifs) disparaître, tandis que les réflexes profonds tels que le
réflexe rotulien persistait. Dans le sommeil chloroformique, au contraire,
tous les réflexes superficiels ou profonds, disparaissent, cependant
[CROUZON.]
.41.4 RÉFLEXES.
\1. Laurl'is a YU coustatumentdanstecasd'anestliesieehtoroforuuque
que la disparition des réflexes plantaire, errl1lastrrien et abdominal
précédait la disparition des réflexes rotuliens et achilléens.
Enfin, l'abolition généralisée des réflexes est également, un signe qui
s'observe dans la cachexie et élans les intoxications de toute nature.
Rappelons à ce propos l'expérience de Prévost où l'anémie de la moelle
par la ligature de l'aorte diminue l'excitabilité réflexe et abolit les
réflexes tendineux. Cependant il ne faut pas perdre de vue que bon
nombre de ces cas d'abolition des réflexes sont dus soit à des lésions
médullaires comme dans l'anémie pernicieuse, soit à des névrites péri-
phériques comme dans la tuberculose.
B) Exagération des réflexes. L'exagération des réflexes peut
porter sur tous les réflexes tendineux, sur les réflexes tendineux d'un
seul côté du corps, sur les réflexes tendineux des deux membres supé-
rieurs, enfin sur les réflexes tendineux des deux membres inférieurs.
Nous allons envisager successivement la valeur semiologique de chacune
de ces modalités cliniques.
1" Exagération des réflexes des membres inférieurs. Nous
commençons par l'étude de l'exagération des réflexes des membres infé-
rieurs parce que ce sont les réflexes le plus fréquemment touchés; ils
subissent en effet le retentissement non seulement des lésions médul-
laires dorso-lombaires, mais encore des lésions médullaires et cérébraks
sus-jacentes.
L'exagération des réflexes, comme nous l'avons vu, est caractérisée
aux membres inférieurs par la brusquerie et la rapidité de la propulsion
du pied et par le clonus du pied.
Cette exagération des réflexes des membres inférieurs est le plus sou-
vent liée aux symptômes suivants : paralysie, signe de Babinski, troubles
des fonctions des sphincters et quelquefois eschares et anesthésie : nous
avons alors le tableau de la paraplégie spasmodique.
L'exagération des réflexes se rencontre dans les affections suivantes :
La sclérose en plaques, qu'elle se manifeste sous la forme spasmo-
dique franche ou sous la forme eérébello-spaslllodiq1le, est caractérisée
par l'exagération des réflexes. La forme cérébelleuse pure ne parait pas
présenter cette exagération des réflexes tendineux : elle présente plutôt,
comme nous l'avons vu plus haut, la diminution ou l'abolition des
réflexes.
Dans la myélite syphilitique, l'exagération des réflexes est la caracté-
ristique de la forme d'Erb : c'est la paraplégie; spasmodique des mem-
bres inférieurs, la paralysie localisée aux muscles fléchisseurs et au
muscle pectine.
Ce tableau clinique s'oppose à celui de la myélite transverse syphili-
tique qui s'accompagne de paraplégie flasque avec abolition des réflexes.
La syringomyélie s'accompagne, comme nous l'avons déjà dit. dans le
plus grand nombre des cas, d'exagération des réflexes.
RÉSULTATS FOURNIS PAR L'EXAMEN DES RÉFLEXES. 41.">
Enfin, nous avons dit que la compression de la moelle par un mal de
Poil, par une tumeur vertébrale, par une tumeur osseuse s'accompagne
de paraplégie spasmodique dans une période; qui suil la paraplégie flasque.
'20 Exagération des réflexes des membres supérieurs. L'exagé-
ration des réflexes des membres supérieurs est souvent caractéristique
de la sclérose latérale amyolropliique, mais dans ce cas il y a déjà eu
début d'atrophie par les petits muscles des mains, gêne dans les mouve-
ments des doigts et tremblements fibrillaires dans les muscles de l'avant-
bras. A un stade plus avancé de la maladie, il y a abolition des réflexes
au niveau des muscles atrophiés et l'exagération des réflexes n'existe
plus qu'au niveau des membres inférieurs. L'atrophie des membres
supérieurs associée à l'exagération des réflexes des membres infé-
rieurs forme un ensemble caractéristique de la sclérose latérale amyo-
trophique.
L'exagération des réflexes tendineux des membres supérieurs est
également souvent symptolnatiqlle de; la sgringomyélie, car cette all'l'I'-
tion a le plus souvent une localisation cervicale.
Enfin, l'exagération des réflexes des membres supérieurs peut s'ob-
server au cours des affections articulaires des deux épaules.
5" Exagération des réflexes d'un seul côté du corps. L'exagéra-
tion des réflexes d'un seul côté du corps est caractéristique le plus sou-
vent de l'hémiplégie. L'exagération peut s'observer dans l'hémiplégie
des le début de la paralysie. Ganault, dans le service de Pierre Marie à
Bicctre. a trouvé, sur 10 cas, les réflexes du côté paralysé trois fois nor-
maux, deux fois affaiblis, cinq fois exagérés.
Dans l'hémiplégie ancienne, l'exagération des réflexes du côté paralysé
s'observe dans la proportion de H'2 pour 100 des cas. L'exagération des
réflexes se manifeste par l'exagération des réflexes du membre supérieur,
par l'exagération du réflexe patellaire, par l'existence du clonus du pied.
Elle est associée à la contracture ou elle en annonce l'apparition; elle
s'accompagne enfin du signe de Babinski.
L'exagération des réflexes s'observe également du côté sain dans rhé-
miplégie dans la proportion de ai pour 100 des cas (Ganaull) et cela tient
non seulement à l'existence d'un faisceau pyramidal honiolaléral, mais
encore à l'existence de lésions bi-latérales en particulier chez les vieil-
lards où il existe des lacunes multiples des deux hémisphères cérébraux
comme l'ont montré Pierre Marie et Guillain.
Nous n'avons pas à faire ici le diagnostic de la cause de l'hémiplégie :
l'hémorragie. le ramollissement, les diverses affections nerveuses (scfe-
rose en plaques. tabès, epifepsicjacksoneune. méningite tuberculeuse)
provoquant ces symptômes hémiplégiques.
4° Exagération généralisée des réflexes. L'exagération généralisée
des réflexes tendineux peut s'observer au cours des affections (fejàuten-
tiolnées ci-dessus : sclérose latérale amyolropliique, sclérose en pla-
ques, tumeur cérébrale.
[CROUZON]'
.44< : ' RÉFLEXES.
Elle est également un symptôme de la paralysie générale. Dans
cette affection les réflexes tendineux sont exagérés dans plus de 4/5 des
cas. Celle exagération s'observe surtout dès le début de la paralysie
générale : ; suivant quelques ailleurs, elle est plus marquée au niveau des
membres supérieurs, souvent le réflexe massétérin est exagéré. Quelque-
fois, l'exagération des réflexes élans la paralysie générale est telle qu'elle
peut permettre d'affirmer l'existence dune forme de sclérose latérale ou
spasmodique : il y a alors raideur spasmodique, contracture musculaire,
exagération des réflexes, trépidation épileptoïdc; en même temps il y a
signe de Babinski, le malade peut arriver alors il un véritable état de
rétraction des membres inférieurs et il reste confiné au lit dans cet état,
mais cependant, dans la grande majorité des cas, l'exagération des
réflexes ne se maintient pas dans toute l'évolution de la paralysie géné-
'rale, elle tend à diminuer après les progrès de la maladie et dès que le
malade devient grabataire. ,
Dans les affections labyrinlliiques, le réflexe patellaire peut être exa-
géré quand il y a insuffisance labyrinthique brusque.
Dans la syphilis, dès le début de l'éruption primitive, M. Valcntin
Zarouhine a pu constater l'élévation parfois très considérable de l'excita-
bilité réflexe des tendons.
Les réflexes rotuliens ont été examinés dans la fièvre typhoïde par
M. Hemlinger (Bévue de Médecine, 1901). Tous les réflexes tendineux
sont exagérés dans 52 pour 100 des cas : ils sont normaux dans
25 pour 100 : ils sont abolis dans 29 pour 100 des cas. Il n'existe pas de
concordance entre la forme de la lièvre typhoïde et l'état des réflexes.
L'exagération se rencontre cependant surtout dans la forme alaxique et
ataxo-adynamique, mais les réflexes ont presque toujours au moment de
la convalescence une tendance marquée il l'exagération des réflexes. Il y
a exagération du réflexe rotulien et, de plus, trépidation épifeptdde du
pied dans 20 pour 100 des cas. Elle est plus souvent bi-latérale.
Dans le choléra, l'exagération des réflexes est plus rare que l'abolition,
comme nous l'avons vu et quand elle existe, elle est un phénomène
plutôt grave.
Dans la grossesse, dans la seconde période, el beaucoup Irlns encore
pendant l'accouchement, il y aurait exagération des réflexes suivant Neu-
mann et Cette exagération persisterait quelque temps après l'accouchement.
Dans le cancer, MM. de Buck et Van der Linden (Presse médicale.
1905 et Belgique médicale 1905), ont constaté dans presque tous les cas
l'exagération des réflexes tendineux; ils l'ont constaté également dans le
sarcome. Ils pensent que ce phénomène doit être un symptôme précieux
pour le diagnostic et qu'il doit être expliqué par l'action des poisons
néoplasiques sur l'appareil réflexe.
Dans les affections hépatiques, M. Léopold Lévi a trouvé l'exagération
des réflexes 4 fois sur 14; celle exagération des réflexes est liée, semble-
t-il, d'une façon directe a l'intoxication hépatique.
RÉFLEXES -CUTANES. 447
Dans l'anesthésie par l'éther, M. Lenoble (Société de Biologie,
décembre 1894) a pu constater la trépidation épileptoïde.
Enfin, M. de Grandmaison a pu constater l'exagération des réflexes
patellaires et le clonus du pied chez les athé1'omateux. Ses recherches
ont porté sur 26 malades : sur 14 hommes, 11 présentaient l'exagération
des réflexes; sur z12 femmes, 9 étaient atteintes de ce même symptôme.
L'exagération généralisée des réflexes peut s'observer encore au cours
des intoxications, le type en est l'empoisonnement par la strychnine,
elle peut s'observer au cours des toxi-infections, tel est l'état des réflexes
dans la rage et dans le tétanos; enfin elle peut s'observer au cours
d'autres infections : la fièvre typhoïde et la pneumonie.
5° Exagération des réflexes portant sur un seul membre. L'exa-
gération des réflexes peut porter sur un seul membre, elle est alors
causée par une affection articulaire (hémarthrose du genou, entorse du'
genou.)
L'exagération des réflexes peut encore s'observer d'un seul côté au
cours des hémisections de la moelle, les réflexes sont exagérés du côté de
la lésion,- cette exagération s'accompagne des symptômes qui constituent
le syndrome de Brown-Séquard. Du côté de la lésion, en plus de
l'exagération des réflexes, il existe une paralysie motrice, de l'hyperes-
- lhésie avec une zonesus-jacente d'anesthésie et une zone d'hyperesthésie
supérieure à la précédente; enfin, -du côté opposé à la lésion, une anes-
t.hésie généralement complète.
RÉFLEXES CUTANÉS
Les réflexes cutanés que l'on explore d'ordinaire sont :
. 1 Les réflexes abdominaux (inférieur, moyen et supérieur) que l'on
désigne encore sous le nom de réflexe abdominal et réflexe épigastrique.
2° Le réflexe crémastérien.
5° Le réflexe plantaire.
En dehors de ces réflexes que Van Gehuchten considère comme des
réflexes cutanés corticaux, il existe un autre réflexe, c'est le réflexe plan-
taire avec extension des orteils, c'est le signe de Babinski que Van
Gehuchten considère comme un réflexe pathologique, que Babinski
regarde comme le résultat d'une transformation du réflexe plantaire.
Pour tous les réflexes corticaux (abdominal et crémastérien), l'abolition
des réflexes est seule importante, mais sa valeur sémiologique n'approche
pas, pour la plupart des auteurs, de celle du signe de Babinski. C'est le
signe de Babinski qui a .donc la plus grosse importance sémiologique
parmi les réflexes cutanés, c'est par lui que nous commencerons :
Phénomène des orteils (signe de Babinski). Le 22 février
18'.)6, dans une communication à la Société de Biologie, Babinski
s'exprimait ainsi : .
[CROUZON.]
448 RÉFLEXES.
« .rai observé dans un certain nombre de cas d'hémiplégie ou de
monoplégie crurale liée à une afleclion organique du système nerveux
central une perturbation du réflexe plantaire dont voici en quelques mots
la description :
« Du côté sain, la piqûre de la plante des pieds provoque, comme cela
a lieu d'habitude il l'état normal, une flexion de la cuisse sur le bassin.
de la jambe sur la cuisse, du pied sur la jambe, et des orteils sur le
métatarse.
« Du côté paralysé, une excitation semblable donne lieu aussi à une
flexion de la cuisse sur le bassin, de la jambe sur la cuisse, du pied sur
la jambe, mais les orteils, au lieu de se fléchir, accusent un mouvement
d'extension sur le métatarse; ce n'est donc pas la modification dans
l'intensité du réflexe plantaire, c'est une transformation de ce réflexe. »
Voici du reste comment il convient de rechercher le phénomène des
orteils :
Le malade doit être placé de telle façon que les muscles du pied, de la
jambe soient dans un relâchement complet. Dans ce but, si le malade est
couché, on lui laisse la jambe étendue, on évite de lui demander aucun
mouvement et on le laisse dans l'ignorance de la manoeuvre qui va être
pratiquée. Si le malade est assis, l'observateur place le pied du malade
sur son genou et cherche à obtenir un relâchement des muscles de la
jambe et de la cuisse. On procède alors il l'excitation de la plante du
pied; on se servira dans ce but de la pointe d'une épingle ou, si la sensi-
bilité de la plante du pied est trop grande, de la tète d'une épingle d'une
plume, d'une pointe de crayon, ou plus simplement de l'ongle, de la
pulpe du doigt.
L'excitation doit porter de préférence sur le bord externe du pied : on
pratiquera tout d'abord une excitation très légère, et, si les orteils restent
immobiles, on pratiquera des excitations de plus en plus fortes.
Si le réflexe est normal, les orteils se fléchissent, c'est-à-dire se ramas-
sent vers la plante du pied, mais, chez beaucoup de sujets, le réflexe rait
totalement défaut à l'état normal et il y a immobilité des réflexes.
A l'étal pathologique, le réflexe est perverti, les orteils s'étendent,
c'est-à-dire se renversent vers le dos du pied, la face palmaire des
orteils tendant à regarder en haut, c'est lit le phénomène des orteils ou
signe de Babinski.
C'est au gros orteil que se voient le mieux les mouvements de flexion.
c'est donc sur lui que doit se concentrer l'examen de l'observateur.
Il convient de ne pas confondre l'extension réflexe des orteils avec
certains mouvements volontaires de défense. Eu effet, une excitation trop
vive chez certains sujets chatouilleux amène un retrait brusque du pied
accompagné de quelques mouvements vifs des orteils. Dansée mouvement
de défense les orteils sont entraînés par le mouvement, de flexion et de
retrait du pied et semblent se mettre en extension. On ne considérera
donc comme une extension des orteils ayant une valeur véritablement
' " ' - RÉFLEXES. CUTANÉS. - 449
pathognomonique que l'extension des orteils se produisant lentement par;,
un mouvement réflexe et surtout l'extension lente du gros orteil.-
On a pu observer en dehors de toute excitation la persistance de
l'extension des orteils ; cette persistance .paraît n'être qu'une amplifica-
tion ou une exagération en durée de ce même signe.
Ainsi donc, l'extension des orteils, le phénomène des orteils est un
phénomène pathologique, et, d'après, les recherches de Babinski, pour-
PnATIQU8 ! OEUROL. - 29
.. [CROUZON.]
I igv : 7. - f ! ied. du côté normal, photographié au moment où on excite la plante;
avec une aiguille et montrant la flexion plantaire normale des orteils.. ' z
(Babinski, Gazelle des It6pîtaux.)..., .
Fig. 8. - Pied photographié au moment où l'on excite la plante du pied du côté paralysé avec
une aiguille, et montrant l'extension des orteils. (Phénomène des orteils, ou signe de
Babinski.) (Babinski, Gazette des hôpitaux.) ..
45.0 - - REFLEXES.
suivies pendant plusieurs années, ce trouble doit être considéré comme
étant sous la dépendance d'une perturbation dans le système pyramidal,
qu'il s'agisse d'une affection cérébrale ou d'une affection spinale et il
paraît pathognomonique d'une affection organique du système nerveux.
Cette; conception de Babinski a été admise par un très grand nombre
d'auteurs : Van Geliuchten,. Glorieux, Ganault, Létienne, Mircouche, ,
Buzzard, Kalischer, Kollaris, Walton Paul, Marinesco, Cestan et Le^Sourd,
et, si quelques restrictions et quelques critiques, ont été faites par Giudu-
céandrea, Schùller, Martin, Côhn, Verger et Abadie, il n'en est pas moins.
vrai qu'actuellement la presque unanimité des auteurs considère; que ce
signe de Babinski est un des plus précieux que possède -la neurologie et
une des plus importantes acquisitions récentes delà clinique.
Signe de l'éventail. Plusieurs années après la découverte du
phénomène des orteils, 1T. J. Babinski montrait dans une communication
à la Société de Neurologie. (juillet 1905) que l'excitation de la plante du
pied pouvait non seulement amener l'extension des orteils, mais aussi
une abduction réflexe : les orteils s'écartent les uns des autres. M. Babinski
considère cette abduction réflexe comme un phénomène pathologique
ayant une même signification que l'extension des orteils, et, suivant
l'expression de Dupré, on a coutume d'appeler maintenant ce phénomène
du nom de signe de l'éventail. -
. : . Nous avons donc vu quelle -était la valeur séméiologique du phénomène
des orteils : en général elle équivaut .à une lésion organique avec pertur-
bation d'ans le système pyramidal, il nous reste à passer en revue dans
quelles affections se rencontre ce phénomène.
1 Chez les enfants, le phénomène des orteils existe à l'état normal ;
'. Paraplégie spasmodique.
Fig. 9. Pied au repos. -
; [Revue Neurol. 1903.)
Fig. 10. Pied au moment de l'excitation.
Abduction des orteils, d'une intensité moyenne.
RÉFLEXES CLTAXÉS. -451
ces constatations sont basées sur les recherches de Finisio, de Bruslcin, de
Léri. L'extension des orteils chez les nouveau-nés est la règle, la flexion
apparaît à l'âge de six mois ou d'un an et à l'âge de trois ans la flexion
des orteils est devenue la règle. Après cet âge, on peut considérer que, si
l'extension persiste, c'est qu'il y a une affection du système nerveux.
2° Hémiplégie. Les premières reclierclics de Babinski ont porté sur
l'hémiplégie organique et, dans ses importants travaux sur le diagnostic
différentiel de l'hémiplégie hystérique et de l'hémiplégie organique, il a
pu formuler la loi suivante :
« Dans l'hémiplégie organique le phénomène des orteils existe presque
« toujours, dans l'hémiplégie hystérique le réflexe cutané plantaire est
« au contraire normal. »
A quel moment de l'hémiplégie apparaît le signe de Babinski ?
Le phénomène de Babinski peut apparaître immédiatement après
l'ictus. Babinski et Cestan ont pu faire plusieurs fois ces constatations.
Cestan a communiqué à la Société Anatomique, en 1898, un cas d'hémi-
plégie cérébrale dans lequel il avait observé le phénomène des orteils
une heure après l'ictus.
Nous avons pu nous-même, pendant notre internat dans le service de
Babinski, observer un malade qui, frappé d'ictus pendant son séjour a
l'hôpital, fut examiné par nous moins de dix minutes après l'apparition
de l'hémiplégie. Le phénomène de Babinski existait du côté de la para-
lysie.
Dans une autre circonstance, nous avons été témoin, avec M. le pro-
fesseur Dipulafoy, de la production d'une hémiplégie par hémorragie
cérébrale : il s'était écoulé entre le moment de l'ictus et le moment
où nous avons examiné la malade le temps strictement nécessaire pour
l'étendre et la déchausser : l'extension des orteils existait déjà et put
nous permettre de porter le diagnostic d'hémiplégie organique. D'antres
faits ont été observés définis et mentionnés par d'autres auteurs à la
Société de Neurologie.
Dans les hémiplégies anciennes, le phénomène des orteils est encore
plus fréquent : il s'observe, suivant Boeri, sur 711 pour 100 des cas, sui-
vant Ganault dans 83 pour 100 des cas, suivant Cestan et Le Sourd dans
92 pour 100 des cas.
Dans bon nombre de cas où le signe de Babinski n'apparaît pas dans
l'hémiplégie, il faut tenir compte des troubles de la sensibilité de la
plante du pied qui empêche l'excitation, point de départ du réflexe.
Dans 1 hémiplégie hystérique, le signe de Babinski n'a jamais été
constaté.
Pierre Marie, puis Ganault, ont observé un hémiplégique chez lequel le
réflexe des orteils se faisait en extension du côté paralysé, mais l'exten-
sion de la plante du pied du coté opposé provoquait la flexion du côté
paralyse. Parhon et (;4 ! .ldstein ont fait des constatations analogues sur
le réflexe contralatéral.
[CROUZON.]
452 RÉFLEXES.
5° Dans la paraplégie spasmodique, quelle qu'en soit la cause
(myélite syphilitique ou 11(üdue, syringomyélie, sclérose en plaques),
le signe de Babinski est presque constant ; il est, suivant Cestan et Le
Sourd, encore plus fidèle et plus délicat que la trépidation spinale pour
révéler dans la paraplégie l'altération du faisceau pyramidal.
4" Dans la paraplégie cérébrale infantile (diplégie ou hémiplégie)
Cestan a pu montrer la constance du phénomène des orteils. t)
5° Dans l'épilepsie, l'extension des orteils existe pendant les accès :
ces constatations ont été faites par Babinski, par Cestan et Le Sourd, par
Charnel, Crouzon et Esménard. Ce signe permet de différencier les accès
épileptiques des crises d'hystérie.
6° Le signe de Babinski se rencontre encore dans les méningites
tuberculeuse et cérébro-spinale.
On a pu le constater également dans la maladie de Friedreich, dans
l'hérédo-ataxie cérébelleuse : on sait que ces affections sont caractéri-
sées par une sclérose des cordons postérieurs et par une sclérose des cor-
dons latéraux. (C'est cette dernière lésion qui crée le signe de Babinski).
Le signe de Babinski se rencontre également dans le tabes quand il
existe ' des lésions de sclérose combinée des cordons postérieurs et des
cordons latéraux : c'est là un des éléments de la triade symptomatique
par laquelle Pierre Marie et Crouzon ont caractérisé la sclérose combinée
tabétique.
De même, dans l'hémiplégie tabétique, on voit apparaître également
l'extension des orteils du côté paralysé. Ce phénomène a pu se rencontrer
quelquefois, quoique assez rarement, dans la paralysie générale.
Le phénomène de Babinski ne se rencontre pas dans les polynévrites ni
dans l'atrophie Charcot-Marie, ni dans la maladie de Parkinson, ni dans la
paralysie infantile, ni dans la chorée, ni dans la sciatique, etc.. en un
mot, dans aucune des affections où le faisceau pyramidal est intact.
Le signe de Babinski a été observé également dans la fièvre typhoïde.
Léopold Lévi considère qu'il existe dix fois sur vingt dans cette affection :
on sait du reste avec quelle fréquence on y rencontre l'exagération des
réflexes et la trépidation épilcploïde.
Réflexe plantaire. - Le réflexe : plantaire était connu bien avant le
phénomène des orteils, mais les seules variations connues alors étaient
son exagération ou son abolition.
Dans l'hémiplégie, ce réflexe plantaire est généralement affaibli du côté
paralysé ; d'après Ganault, quelquefois aussi il est un peu affaibli du côté
sain, il n'est pas aboli dans le cas d'hémianesthésie.
La recherche de ce réflexe plantaire comme celle des autres réflexes
cutanés que nous allons avoir à étudier semble peu importante à côté de
celle du phénomène des orteils depuis la découverte de Babinski. Van
Gehuchten pense cependant qu'il convient d'attribuer il l'abolition du
réflexe plantaire connue à l'abolition des autres réflexes cutanés une
valeur pathognomonique aussi grande que l'existence de l'extension des
REFLEXES CUTANES. 453
orteils : suivant lui, cette disparition des réflexes cutanés est l'indice d'une
lésion de la voie cortico-spinale. Cette manière de voir a été vivement
contestée par Crocq, de Bruxeifes, dans ses publications du Journal de
Neurologie et dans son rapport au Congrès de Limoges.
Enfin, nous devons mentionner, à propos du réflexe plantaire, le réflexe
abducteur du pied, décrit par Hirschberg, réflexe qui se produit après
excitation de la plante dn pied et qui se traduit par l'adduction du pied :
ce réflexe aurait une grande valeur pour le diagnostic d'une affection
organique du système nerveux.
Réflexe du fascia lata. Le réflexe du fascia lata a été décrit
par Brissaud. Il se rapproche beaucoup du réflexe plantaire, il est provo-
que comme lui par l'excitation de la plante du pied.
Si l'on examine, en effet, les mouvements produits par une excitation
vive de la plante du pied, on voit qu'ils consistent dans la flexion du pied
sur la jambe, de la jambe sur la cuisse, de la cuisse sur le bassin et par
une contraction du muscle tenseur du fascia lata et des abducteurs de la
cuisse. Si l'on réduit l'excitation de la plante du pied à un minimum on
ne verra apparaître qu'une contraction isolée du tenseur du fascia lata.
Cette contraction se manifeste par la production d'une fossette fémorale
dont le sommet est l'épine iliaque antéro-supéricurc et les bords, le bord
inférieur du tenseur du fascia lata et le bord externe du couturier. '
Quand le tenseur du fascia lata se contracte seul, il fait saillir le
bourrelet qui comble la fossette fémorale et dont l'apparition soudaine
constitue le réflexe. L'aponévrose fémorale se tend et le vaste externe
repoussé en avant donne à la cuisse une forme cylindrique. Ce réflexe du
fascia lata peut coïncider avec l'extension des orteils. Il a été observé dans
diverses affections du système nerveux lrw Renaalt ( Thèse de Paris, 1 cJU).
Réflexe antagoniste de Scheffer. Le réflexe antagoniste de
Scheffer (Neurologisches Centzal l3lalt, 1899) est le mouvement d'exten-
sion du pied et de flexion des orteils provoqués chez l'individu sain par
la pression du tendon Dans les cas pathologiques, la mêmes
manoeuvre donne lieu il la flexion du pied et à l'extension des orteils du
côté paralysé.
Suivant Babinski, de Buck, de Moor, ce prétendu réflexe antagoniste
n'est pas un réflexe tendineux mais un réflexe cutané analogue au phéno-
mène des orteils, mais à un point de départ extra-plantaire. Il démontre
seulement que la zone d'excitation du réflexe de Babinski n'est pas limitée
la plante du pied, mais s'étend jusqu'au niveau du tendon d'Achille.
Réflexe crémastérien. Le réflexe crémastérien se produit si
Ion frotte avec la pointe d'une épingle la face interne des cuisses : on
voit se produire une élévation brusque du testicule du côté correspondant
a cette élévation. Cette élévation est due à la contraction du erèmaster.
On peut provoquer celle même contraction en serrant violemment avec la
main les masses musculaires de la face interne de la cuisse au-dessus du
genou.
[CROUZON.]
4M RÉFLEXES.
Suivant Van Gehuchten, ce réflexe aurait son analogie chez la femme, et
cet auteur le désigne sous le nom de réflexe inguinal.
Ce réflexe crémastérien est très variable suivant les sujets : chez les névro-
pathes il peut aller jusqu'à l'exagération sans qu'une maladie proprement
dite du système nerveux puisse donner la raison de ces différences (Tozi);
il peut même être provoqué par la volonté (1\l'lIsini. Féré) ; il est assez
souvent affaibli du côté paralysé dans) llumiltlégic ((nnuntlll, il a semblé
à cet auteur que l'abolition est d'autant plus fréquente que l'hémiplé-
gique est plus âge. '
Marandon de Montyel a étudié le réflexe crémastérien aux trois périodes
de la paralysie générale : il est altéré dans 80 pour 100 des cas et c'est le
plus souvent l'affaiblissement ou l'abolition des réflexes. Celle altération
est bi-latérale et souvent dans le début de la maladie.
Le réflexe crémastérien a été considéré comme un indicateur précieux
de l'anesthésie chloroj'ol'lllique ; la disparition indique l'anesthésie com-
plète au même titre épie l'abolition du réflexe cornéen.
Réflexe bulbo-caverneux. - Cc réflexe est provoqué de la façon
suivante : on saisit entre l'index et le pouce d'une main le gland, soit
immédiatement, soit à travers le prépuce, et on le laisse échapper
brusquement. Si l'on place l'index de l'autre main sur la portion bulbaire
de l'urètre en arrière du scrotum, on sentira au même moment le choc
rapide de la contraction du muscle bulho-can'l'I1eux.
Réflexe abdominal et épigastrique. On recherche le
réflexe abdominal ou le réflexe épigastrique en frôlant rapidement la
peau avec la pointe d'une épingle au niveau de l'abdomen successive-
ment à droite et à gauche de la ligne médiane : il se produit, une con-
traction des muscles abdominaux, grand droit, obliques et transverse
qui a comme conséquence de produire le mouvement « de rentrer
le ventre ». -
Le réflexe abdominal se recherche au-dessous de l'ombilic successive-
ment il droite et à gauche de la ligne médiane. Il se recherche de même
au niveau de l'épigastre pour le réflexe épigastrique.
A l'état normal, suivant que le sujet est plus ou moins obèse, suivant
que la paroi abdominale est plus ou moins relâchée, ce réflexe est
plus ou moins apparent. Suivant Parisol, le réflexe abdominal chez les
vieillards est généralement moins intense qu'à l'étal adulte et s'épuise
rapidement. Cependant la disparition unilatérale d'un réflexe peut avoir
une valeur séméiologique importante.
C'est Hosellbach qui a signalé, l'abolition assez fréquente du réflexe
abdominal dans l'hémiplégie. Ganault a constaté ce symptôme dans les
proportions suivantes : abolition dans 45 pour 9 Ull des cas, affaiblisse-
ment dans 55,3 pour 100 des cas.
La disparition du réflexe : abdominal a été aussi constatée élans certaines
affections abdominales, dans l'appendicite (Sicard) et dans les affections
utérines ou purintérines.
RÉFLEXES CUTANÉS. MI5
Réflexe mamellaire. Ce réflexe se produit par le frôlement
du mamelon et il est caractérisé par l'érection de cet organe.
Réflexe fessier. II consiste dans la contraction des muscles
"-rands fessiers par excitation de la peau qui les recouvre.
Réflexe anal. Il consiste dans la contraction ou l'élévation du
sphincter de l'anus sous l'influence du chatouillement de la peau de la
région anale avec une épingle.
Il importe de donner au malade une des positions qui permette l'exci-
tation facile de la région anale, par exemple la position couchée sur le
dos. les jambes relevées.
Réflexe buccal. Toulouse et Vurpas ont provoqué ce réflexe en
percutant avec la pointe d'un marteau la partie médiane de la lèvre inté-
rieure au niveau des incisives, la bouche devant être légèrement entrmn-
verte sans effort. A l'état normal il ne se produit aucune réaction, mais à
l'état pathologique les deux lèvres se rapprochent et se portent en avant.
Réflexe pilo-moteur. - Ce réflexe consiste dans la contraction
des ar redores pi lorum produits sous l'influence d'une excitation cu-
tanée : on voit alors se produire le phénomène de la « chair de poule ».
Réflexe vaso-moteur d'origine cutanée. Haillon et
Comte ont pu, à la suite d'excitations cutanées portant sur une région
quelconque, provoquer une vaso-constriction se traduisant par la diminu-
tion du volume des doigts explorés. Cette excitation n'est pas suivie du
réflexe quand elle porte sur une région atteinte d'anesthésie par cause
organique. Au contraire, ce réflexe se produit normalement quand il
s'agit d'une anesthésie hystérique. Il peut se manifester d'une façon
variable dans diverses affections du système nerveux.
Réflexe pharyngé et réflexe palpébral. On peut rappro-
cher ces deux réflexes des réflexes cutanés.
Le réflexe pharyngé est exploré de la façon suivante : on chatouille
le pharynx avec un tortillon de papier, avec un manche de cuiller ou de
fourchette, avec un abaisse-langue : on provoque alors une sensation
désagréable, des picotements, des nausées et quelquefois des vomisse-
ments. Ce réflexe pharyngé fait défaut dans l'hystérie et il est classique
de le rechercher comme un des stigmates caractéristiques (le cette
affection.
Le réflexe pharyngé l'ait également, défaut dans la paralysie pharyngée
]mlbaire et pS('IHlo-bu]baire.
Le réflexe palpébral est la réaction qui se produit quand on touche du
doigt la cornée ou quand on l'effleure avec le coin d'un morceau de
papier, la paupière se ferme brusquement. Ce réflexe palpébral disparaît
dans le sommeil chioroformique, il disparaît également dans le coma.
Valeur séméiologique des réflexes cutanés. Nous
avons déjà vu pour chacun de ces réflexes quelle était sa valeur spéciale.
[CROUZON.]
456 ' RÉFLEXES. , - .
nous n'envisagerons ici que leur valeur séméiologique et nous laisserons
de côté la valeur de la transformation des réflexes cutanés, cette trans-
formation constante particulièrement dans l'apparition du signe de
Babinski dont nous avons indiqué suffisamment la signification. La
valeur séméiologique des réflexes cutanés si l'on en excepte le signe de
Babinski est beaucoup moins importante que celle des réflexes tendi-
neux. Les réflexes peuvent être modifiés dans deux sens : dans le sens
de l'exagération et dans le sens de.la diminution ou de l'abolition des
réflexes. "
A) Exagération des réflexes cutanés. L'exagération des réflexes
cutanés s'observe surtout dans les lésions centrales et, parmi elles, dans
les régions médullaires et cérébrales, dans les régions méningées.
L'hyperréflectibilité cutanée généralisée a son type dans l'empoisonne-
ment par la strychnine et la tétanie. On la rencontre également dans
l'intoxication alcoolique. - -
B) L'absence ou diminution des réflexes cutanés a plus de valeur
diagnostique et pronostique que leur exagération. En raison de la locali-
sation qu'il leur suppose, Van Gehuchten pense que toute abolition des
réflexes cutanés a pour signification un trouble dans la voie pyramidale,
trajet de ces réflexes cutanés cortico-spinaux. Toutefois le trouble du
réflexe peut s'observer également dans les lésions des voies centripètes
ou centrifuges. Nous envisagerons tout d'abord l'abolition généralisée des
réflexes cutanés.
1 1° Elle peut s'observer dans les lésions centrales graves : tels sont les
traumatismes graves cérébraux ou médullaires, les comas, les affections
aiguës diffuses du cerveau où la disparition des réflexes cutanés est
beaucoup plus grave que celle des réflexes tendineux. Le réflexe cutané
disparaît également dans certaines maladies mentales : mélancolie,
catatonie.
L'absence des réflexes peut se voir également :
2° Dans les lésions des organes récepteurs et des voies centripètes,
dans ce cas il y a en même temps des troubles de la sensibilité : telles
sont les névrites périphériques, les compressions radiculaires, le tabès.
L'état des réflexes cutanés a été recherché chez les diabétiques par
M. Pitres (Société de Biologie, novembre 1902). Ces recherches ont été
le point de départ de la thèse de Moyses : le résultat de ses travaux a
montré que fréquemment on pouvait constater l'abolition des réflexes
abdominaux, pharyngés, crémastériens et plantaires. Il y a donc chez les
diabétiques des troubles des réflexes cutanés qui concordent avec les
troubles des réflexes tendineux.
Dans l'hystérie, au contraire, alors même que la sensibilité a disparu,
les réflexes cutanés persistent, montrant ainsi .l'intégrité des organes
récepteurs. ci et
5° Dans les lésions des voies centrifuges, les réflexes cutanés peuvent
être alors abolis, diminués, et la sensibilité cutanée reste intacte.
NATURE ET LOCALISATION DES RÉFLEXES. 457
Abolition localisée des réflexes cutanés. L'abolition localisée des
réflexes cutanés a une signification plus restreinte que l'abolition généra-
lisée : la perte du réflexe IItnll1dlairc est généralement liée il une anes-
thésie el cette anesthésie est due à une lésion des nerfs périphériques.
Suivant Blocq et Onanol1', le réflexe buibo-caverneux est étroitement
lié a la fonction génitale et il parait servir au diagnostic différentiel de
l'impuissance génitale organique (celle du tabès, par exemple) et de
celle occasionnée par une psychose.
NATURE ET LOCALISATION DES REFLEXES
Un réflexe tendineux ou cutané est un réflexe dont le point de départ
est une excitation spéciale portant sur les organes sensitifs contenus dans
l'appareil tendineux ou dans la peau. Dans le cas particulier du réflexe
rotulien, la percussion du tendon constitue l'excitation normale. Cette
excitation porte sur des organes de réception périphériques dont la vibra-
tion se répercute sur la moelle par l'intermédiaire des nerfs. Ces organes
de réception périphérique ont été décrits dans ces vingt dernières années :
la présence des nerfs dans les tendons a été constatée par Sachs en 1875.
et, en 1 ti71;, Golgi a pu constater l'existence d'organes musculaires ten-
dineux connus sous le nom de corpuscules de Golgi : ce sont des corps
fusifortues qui siègent sur toute la surface du tendon à laquelle viennent
s'insérer les libres musculaires. Ces corpuscules de Golgi sont constitués
par du tissu conjonctif fibrillaire et ils logent un faisceau nerveux qui
vient se perdre il l'intérieur en se ramifiant. Si l'on remonte ces libres
nerveuses, on peut suivre le trajet du réflexe tendineux jusque dans le
nerf crural par exemple et on peut, depuis \1'esillral, indiquer nettement
la portion de la substance hlanche de la moelle par où pénètrent ces
libres; c'est la zone d'entrée des racines ou bandelettes externes de Char-
col et Pierre ! . Celte zone est limitée par les cornes postérieures en dehors
et en dedans par une ligne parallèle au sillon médian postérieur et amenée
du coude de la corne postérieure vers le bord postérieur de la moelle.
Si nous conservons comme exemple le réflexe rotutien. la voie centripète
du réflexe se continue dans la moelle, mais non pas dans toute la hau-
teur de cet organe et, suivant Westphal, ces libres centripètes entrent
dans la moelle au niveau de l'union de la moelle lombaire et de la moelle
abdominale.
Nous avons suivi jusqu'ici la marche de l'excitation qui a porté sur les
tendons patellaires et nous avons accompagnée jusqu'il la substance
grise de la moelle. Là, elle est transmise à une ou plusieurs des cellules
des cornes postérieures par les fibres unissant ces cellules avec les cet-
)u)cs des cornes antérieures, elle passe dans ces dernières qui réa-
g ! ssentatenr tour; l'excitation se transmet alors suivant la voie centri-
[CROUZON.]
1-58 RÉFLEXES.
luge et emprunte les racines antérieures des fibres motrices du nerf
crural.
En résumé, les organes constituants de cet appareil réflexe sont :
1° Le tendon rotulien;
2° Le nerf périphérique centrifuge :
5° Le cordon postérieur de la moelle;
4" La substance muse médullaire :
5" Le nerf centrifuge moteur; 't
()° Les muscles.
Chacun de ces organes est nécessaire pour la production du mouve-
ment réflexe, les lésions quelconques de l'un d'eux entraînent la perte de
ce réflexe, aussi on peut
comprendre facilement que
le réflexe fasse défaut par
lusion c1u l'apparcil linmn-
Ipux rotulien, par névrite
périphérique, par lésion des
cordons postérieurs de la
moelle comme dans le tabès,
par des lésions de la subs-
tance grise médullaire,
comme dans la paralysie infantile ou par lésion musculaire comme dans
les myopathies.
Cependant cette conception de l'arc réflexe n'est pas adoptée par les
auteurs; un grand nombre d'observateurs sont d'avis qu'il s'agit d'un
phénomène idio-museulaire, et, pour employer la distinction admise par
Sherrington, il existe deux sortes de réflexes :
1° Les vrais réflexes spinaux très peu importants;
2" Des pseudo-réflexes, communément nommés phénomènes tendineux
avec secousses, par les auteurs anglais et américains. Ces pscudo-réflexcs
ne sont autre chose que les réflexes que nous venons d'étudier, mais les
auteurs anglais (Gowers, Waller) pensent que ce sont des phénomènes
qui se passent en dehors de l'action de la moelle; ils objectent, en effet, il
la théorie de l'arc nerveux réflexe, ce fait que l'excitation du tendon se
propage aux muscles mécaniquement, et d'autre part, ils pensent que le
temps qui s'écoule entre la percussion du tendon et la contraction du
triceps est trop court pour que le réflexe puisse se produire dans un si
petit intervalle, ce temps perdu n'est en effet que de 50 à 5 millièmes
de seconde et la vitesse de propagation de l'influx ne serait que de :
30 mètres par seconde.
A cette objection on peut répondre que la vitesse de propagation de
l'influx nerveux n'est pas exactement connue; que, d'autre part, le temps
perdu de 50 il 5u millièmes de seconde a été constaté chez (les sujets
atteints de paralysie spasmodique dont les réflexes sont particulièrement
vifs, tandis épie les temps mesurés par Brissaud chez des sujets normaux
Fig. 1°1. CA, corne antérieure; Cl', corne posté-
rieure ; )[, muscle; 1'\)[( : , nerf centrifuge; nerf
centripète. (Blocq et Onanoff.)
NATURE ET LOCALISATION DES RÉFLEXES. 4;n
sont de 48 à 52 millièmes de seconde. Enfin, il l'appui de la nature
médullaire du phénomène du genou, on peut invoquer avec Pierre .Marie
les arguments suivants :
A) La disparition du phénomène du genou quand on anémie la moelle,
par exemple par la compression de l'aorte.
B) La disparition de ce phénomène dans les maladies au cours des-
quelles l'excitabilité directe des muscles n'est guère modifiée (tabès,
paralysie générale progressive des aliénés).
C) Sa production par la sommation des excitations (Jarisch et Schiff) à
condition que ces percussions soient répétées dans la fréquence d'au
moins une par seconde.
D) Sa production par la percussion du périoste (réflexe périostique)
dans certaines régions, notamment au niveau du poignet.
Dans ces points, en effet, il ne peut être question que le tiraillement
du muscle par les tendons maintienne une excitation et une compression
idio-inusculaire, puisque la percussion ne porte plus sur un tendon, mais
seulement sur une partie stable non susceptible de tiraillements, l'os lui-
même.
Nous ajouterons à ces arguments celui qui est fourni par la présence
du réflexe contra-latéral des adducteurs décrit par Pierre Marie; ce
réflexe, provoqué dans le membre opposé par la percussion d'un tendon
rotulien, indique nécessairement non pas une excitation mécanique
directe, mais l'intervention du système nerveux central qui réfléchit
l'excitation nerveuse vers les nerfs et les muscles du côté opposé il la
percussion.
Nous venons de voir que les réflexes avaient leur origine dans le sys-
tème nerveux central, il nous reste à préciser la localisation de ces
réflexes dans le système nerveux. Cette localisation des réflexes a l'ait
l'objet de nombreux travaux et a été la base de nombreuses discussions
dans ces dernières années.
Dans cet exposé, qui est surtout un exposé pratique, nous n entrepren-
drons pas rémunération ni la discussion des théories soutenues par les
différents auteurs, nous ne ferons que tracer les grandes lignes de celte
question et les acquisitions récentes concernant la localisation des
réflexes. Nous ne ferons donc pas l'historique des travaux qui touchent à
ce sujet, nous nous contenterons de renvoyer aux travaux de Van Gehu-
cllien, ,lendrassik (Congrès de Neurologie de Paris, de l9llll), de Crocs
(Congrès de Limoges, 1001); il tous les travaux parus dans le Journal
de Neurologie pendant les années 1;)00, '1 ! 10 I.J n02 dus il de Buck.
Laureys, llrll'nlur; et enfin nous renverrons il la Monographie de
Babinski parue dans la Bévue neurologique (50 janvier 1004). mono-
graphie qui a été suivie d'un échange de lettres avec Van Gehuchten
(Société de Neurologie, mai 1 ! )0). Nous mentionnerons également les
thèses de Lenormanl et de Chadzvnski (Paris 1902) et les travaux de
Noïca.
[CROUZON.]
i<i0 RÉFLEXES.
De cet ensemble de travaux il résulte la conception suivante : un
réflexe nécessite :
1° L'intégrité anatomique et fonctionnelle de l'arc nerveux réflexe;
2° Un certain degré de tonus nerveux est indispensable dans les cel-
lules motrices, et, pour que ce but soit rempli, il est nécessaire qu'il y
ait persistance de ces connexions, de ces cellules motrices avec les
centres nerveux supérieurs.
Comment les cellules motrices reçoivent-elles l'influx nerveux des
centres supérieurs ? ' ?
Suivant Van Gehuchten, il y aurait deux voies différentes pour les
réflexes cutanés et pour les réflexes tendineux.
Les réflexes cutanés empruntent la voie pyramidale, c'est-à-dire la voie
des fibres cortico-spinales; au contraire, les réflexes tendineux em-
pruntent une autre voie : c'est la voie des libres venues du noyau rouge,
c'est-à-dire des fibres d'origine inésencéphalique; .on les désigne sous le
nom de fibres rubro-spinales.
Cette conception de Van Gehuchten est prouvée par un certain nombre
de faits : tout d'abord, la dissociation des voies des réflexes tendineux et
des voies des réflexes cutanés est prouvée par l'antagonisme qui existe
entre les réflexes cutanés et les réflexes tendineux dans un certain
nombre d'affections : c'est ainsi que dans l'hémiplégie, où les libres
pyramidales sont lésées, les réflexes cutanés sont abolis alors que les
réflexes tendineux sont conservés et même exagérés; il en est de même
dans la paraplégie spasmodique. Yan Gellllchlen admet l'absence des
réflexes cutanés et l'existence de l'exagérai ion des réflexes tendineux.
D'autre part, les observations pratiquées par plusieurs observateurs,
Laureys, deBuck, ont montré que, pendant lanestbésiecbloroformiquc,
les réflexes cutanés disparaissaient les premiers; or, on sait que l'anes-
thésie chloroformiquc agit tout d'abord sur le cerveau, puis plus tardi-
vement sur la moelle épinière et sur la moelle allongée.
Ces faits semblent donc confirmer la conception de Van Gehuchten sur
la dissociation des réflexes et leurs localisations différentes; cependant,
si cette conception de Van Gehuchten est admise par nombre d'auteurs,
et si elle cadre bien avec les idées de Bastian, de Bruns, de Hughlings,
Jackson, qui admettent le rôle du cervelet dans la production des réflexes,
cette conception n'est pas d'accord cependant avec celle des anciens
auteurs qui admettent que les réflexes étaient purement médullaires.
Elle ne cadre pas davantage avec la conception de Pandi qui assigne aux
réflexes tendineux une origine corticale; elle n'est pas absolument en
harmonie avec la conception de Jendrassik qui, tout en assignant aux
réflexes cutanés une origine corticale, considère que les réflexes tendi-
neux sont d'origine médullaire.
Enfin, il est un dernier point sur lequel tous les auteurs ne sont pas
d'accord avec Van Gehuchten : c'est la valeur que celui-ci attribue à
l'abolition des réflexes cutanés. Cet auteur pense en effet que l'abolition
NATURE ET LOCALISATION DES RÉFLEXES. -401 1
du réflexe abdominal et du réflexe crémastérien signifie lésion du faisceau
pyramidal, et par conséquent a la même valeur que le signe de Bakinski.
Crocq [Journal de Neurologie, 1901) constate cette assertion, et, tout
en admettant la dissociation des réflexes cutanés et tendineux, n'admet
pas les dernières conclusions de Van Gehuchten. Ce dernier auteur, du
reste, considère le réflexe de Babinski, l'extension des orteils, comme un
réflexe pathologique tout à lait différent du réflexe plantaire normal et
semble à ce point de vue faire une distinction entre les réflexes cutanés
corticaux et les réflexes cutanés médullaires.
Babinski ne pense pas qu'il faille attribuer, comme le voudrait
Van Gehuchten, une importance très grande à cet affaiblissement ou à
cette abolition des réflexes abdominal et crémastérien ; il pense que, si l'on
veut exprimer le caractère essentiel de la perturbation de ces réflexes, il
faut s'attacher à leur transformation et ce n'est que cette transformation,
c'est-à-dire la substitution de l'extension des orteils à la flexion des
orteils, qui a une valeur pathologique.
Quelle que soit la valeur des troubles des réflexes au point de vue de
la topographie des lésions, nous pouvons cependant préciser la hauteur
à laquelle chaque voie réflexe se rattache au système nerveux spinal.
Les réflexes tendineux se mettent en rapport avec le système nerveux
central aux différentes bailleurs mentionnées ci-dessous :
Réflexe achilléen, 5° segment lombaire, 'le, segment sacré. 1
rotulien, 5° segment lombaire.
du poignet, 6°, 7° et 8' segments cervicaux.
du coude, 0° et 7° segments cervicaux.
Les réflexes cutanés ont les localisations suivantes :
Réflexe é[iâaslriyue, 9° segment dorsal..
abdominal, -Il' segment dorsal.
crémastérien, 1er segment lombaire.
plantaire et Babinski, la localisation n'a pas été précisée.
[CROUZON.] J
TROUBLES DE LA MOTILITÉ
HÉMIPLÉGIE
- - Par le D' O. CROUZON
L'hémiplégie est, par définition, la paralysie motrice d'un côté du
corps, mais il se produit dans les hémiplégies organiques, assez souvent,
un certain nombre de phénomènes surajoutés n'appartenant pas directe-
ment à la fonction motrice et épie l'on a cependant coutume d'étudier à
propos de l'hémiplégie.
L'hémiplégie reconnaît des causes très diverses; on peut, pour l'étude,
la classer en trois grandes variétés :
I. L'hémiplégie organique par lésion cérébrale, ou pédonculaire, ou
protubérantielle, ou spinale; .
IL L'hémiplégie non organique, d'origine purement névropatltique.
Enfin, chez l'enfant, l'hémiplégie organique cérébrale se présente avec
des caractères tellement particuliers qu'il y a lieu de lui consacrer une
place à part :
111. Hémiplégie cérébrale infantile.
Au point de vue purement clinique, il y aurait lieu de distinguer
Y hémiplégie récente de l'hémiplégie ancienne, et aussi les hémiplégies
incomplètes et les grosses hémiplégies.
I. Hémiplégies par lésion des centres nerveux chez
l'adulte ou le vieillard. C'est de beaucoup la plus fréquente,
c'est celle qui doit faire la hase d'une description de l'hémiplégie.
Tout d'abord il convient de parler des variétés d'intensité de l'hémi-
plégie due à une lésion cérébrale; ces variétés sont d'ailleurs beaucoup
plus appréciables quand l'affection remonte au moins à quelques mois.
Parfois l'hémiplégie est si légère que sans les analnnesticlues, sans les
renseignements fournis par le malade au sujet d'une attaque de paralysie
à telle ou telle époque, on ne soupçonnerait même pas qu'il put être
hémiplégi(luc. C'est alors qu'il faut savoir reclwrcher les tmees de l'l1éllli-
plégie disparue.
Pour explorer l'étal des mouvements dans le membre supérieur, le
mieux est de dire au malade de déboutonner et surtout de reboutonner
son gilet, car c'est là certainement le mouvement le plus difficile il exé-
cuter pour un hémiplégique; épiant à l'examen dynaillométrique vulgaire
il n'a pas grande signification.
Une exagération manifeste du réflexe tendineux du poignet pour le
côté paralysé présente également une signification pouvant être utilisée.
ILÉml'LIGIE..1.fj;¡
Au membre inférieur il en est de même pour le réflexe rotulien; la re-
cherche du signe de Babinski, quand elle donne un résultat positif, est
très importante. Enfin l'élude de la démarche du malade fournit des ren-
seignements précieux ; bien entendu, si le malade « fauche », la cause est
entendue, mais cela n'a guère lieu dans les cas légers en question; un
excellent procédé, dans ces cas, consiste non plus à regarder le malade,
mais à l'écouter marcher : un certain nombre d'hémiplégiques dont la
démarche est en apparence normale frottent cependant un peu contre le
sol le pied du côté qui a été paralysé. Un autre signe à noter consiste en
ce que, pendant qu'ils marchent, beaucoup d'hémiplégiques lèvent plus ou
moins le bras du côté paralysé en l'arrondissant et en l'écartant du corps.
Quand, au contraire, l'hémiplégie est bien prononcée, les malades qui
en sont atteints présentent dès le début une paralysie très marquée et
parfois presque complète de tout un côté du corps. Ils ne peuvent pas
remuer du tout le membre supérieur, les mouvements du membre infé-
rieur sont ordinairement moins complètement abolis, mais, quand on
cherche à mettre le malade sur ses jambes, on voit qu'il ne peut se tenir
debout. D'une façon générale, la paralysie pour les membres est beaucoup
plus prononcée dans les segments distaux (main, poignet), que dans les
segments proximaux (épaule). Comme l'ont fait surtout remarquer Wcr-
nicke et Mann, dans l'hémiplégie cérébrale la paralysie ne frappe pas
isolément tel ou tel muscle, mais plutôt des mécanismes fonctionnels :
opposition du pouce, supination, rotation en dehors, extension des doigts,
élévation du bras pour le membre supérieur; pour le membre inférieur,
mécanisme du raccourcissement de la jambe, mécanisme de l'abduction
de la jambe. Ces mécanismes fonctionnels auraient, pour Grasset, une
représentation corticale.
Grasset et Gaussel ont l'ait remarquer que, pour un bon nombre d'hémi-
plégiques, il était impossible d'élever simultanément les deux jambes
au-dessus du plan du lit, bien qu'ils puissent lever alternativement l'une
et l'autre jambe.
Les membres ne sont, pas seuls frappés dans l'hémiplégie, le côté cor-
respondant de la face est assez souvent, mais non toujours, atteint d'un
certain degré de parésie; celle-ci porte surtout, mais non pas exclusive-
ment, sur les muselés de la face innervés par le « facial inférieur », c'est-
à-dire surtout sur les lèvres qui subissent la déviation en « point d'ex-
ctamahou)) (Charcot), la pointe étant, du côté paralysé, la grosse extrémité
du côté sain. Les muscles innervés par le facial supérieur participent
assez souvent aussi il cette parésie, par exemple incapacité de fermer ou
d'ouvrir isolément la paupière du côté hémiplégique (signe de Hevitliod).
La langue éprouve parfois, mais non constamment, une déviation;
cette déviation amène la pointe de la langue, lorsque celle-ci est projetée
hors de la bouche, vers le côté paralysé; parfois, cependant, c'est du côté
opposé. La déviation des lèvres et celle de la langue peuvent s'observer
indépendamment l'un de l'autre.
[CROUZON.]
4ü4 HÉMIPLÉGIE.
Les muscles moteurs des globes oculaires participeraient générale-
ment à la paralysie, d'après Mirallié et Desclaux, Wilson, Chaillous : leur
parésie serait modérée, d'ordinaire bilatérale, mais plus prononcée du
côté de l'hémiplégie.
La déviation conjuguée de la tête et des yeux se fait, quand elle
existe, selon des règles importantes signalées par Vulpian et Prévost,
Landouzy et Grasset : dans les lésions des hémisphères, le malade re-
garde sa lésion s'il y a paralysie, il regarde ses membres convulsés s'il y
a contracture ; dans les lésions protubérantielles, la règle est inverse.
La démarche des hémiplégiques doit être soigneusement examinée, et
cela dès les premiers moments. Il est bon, en effet, de faire mettre sur
ses pieds tout hémiplégique qui n'est ni comateux ni subcomateux, un
infirmier se tenant à côté du malade ou derrière lui suffit fort bien, dans
la plupart des cas, à le maintenir en équilibre.
On constate alors chez les hémiplégiques récents que parfois l'impossi-
bilité de se tenir debout tient à un fléchissement de la jambe paralysée
sous le poids du corps ; parfois l'impossibilité de la station debout tient
surtout à des troubles de l'équilibre ; parfois enfin il s'agit d'une sorte
de phobie de la marche, d'une astasie-abasie d'origine psychique (Grasset,
Mirallié, Petren) et ce phénomène semble survenir aussi chez les hémi-
plégiques qu'on a laissés trop longtemps au lit sans les faire lever. '
Quand l'hémiplégie est ancienne et assez prononcée, il existe le plus
souvent du « fauchage » par circumduction du pied du côté paralysé, ou
bien du trainell1ent du pied avec ou sans circumduction.
La contracture est loin d'être une terminaison fatale de l'hémiplégie,
elle ne survient guère que dans les cas où l'hémiplégie est bien prononcée;
lorsque au contraire la paralysie est d'intensité médiocre ou légère, il est
rare de voir se développer la contracture (Voir chapitre Conthacture).
Les réflexes tendineux sont ordinairement exagérés du côté paralysé.
Les réflexes cutanés (abdominal, crémastérien) sont souvent affaiblis
ou même abolis.
Quant au réflexe plantaire, Babinski a montré que, quand il se faisait
en extension, cela indiquait l'existence d'une altération du faisceau pyra-
midal ; la réciproque ne semble pas être absolument exacte, car on voit,
très rarement il est vrai, de grandes hémiplégies avec lésion étendue du
faisceau pyramidal ne pas donner lieu au réflexe plantaire en extension.
L'étude des mouvements involontaires (') dans les membres est inté-
ressante : l'un des plus simples et des plus ordinairement observés con-
siste dans un mouvement de flexion du membre supérieur paralysé qui
se produit pendant le bâillement ou les secousses de toux.
L'hémichoréc. l'hémiatbétose, l'hémitremblementsont des phénomènes
beaucoup plus rares chez l'hémiplégique adulte qu'on ne le croit généra-
lement. Ils appartiennent surtout il l'hémiplégie infantile. Leur existence
1. Voir plus bas l'article Mouvements associés.
HEMIPLEGIE. 405 u
chez l'adulte ou le vieillard doit faire soupçonner une lésion des régions
pédonculaire ou sous-optique. Quant aux mouvements associés, ils sont
également rares ou peu accentués chez l'adulte et le vieillard, très fré-
quents au contraire chez l'enfant hémiplégique.
Les contractions 1/1YOSlS1/1lqlles, décrites par Pierre Marie dans les
hémiplégies récentes, constituent un phénomène assez fréquent, mais
non constant, il s'agit de contractions fasciculaires des muscles de la
rébion antérieure des cuisses et des mollets, se montrant il la fois dans
le membre inférieur du côté sain et du côté malade; on ignore encore
quelle peut être la valeur diagnostique ou pronostique de ce phénomène
qui cesse de lui-même au bout de quelques jours.
On sait, d'ailleurs, que, pour certains auteurs (Pitres, Dignat), chez
tout hémiplégique les membres du côté sain ont également subi une
diminution plus ou moins notable de leur force musculaire. Dans un
orand nombre de cas, les troubles moteurs du côté réputé sain sont dus
en réalité à de petites altérations surajoutées dans l'hémisphère où ne
siège pas la lésion principale, notamment à de petits foyers lacunaires
(Pierre Marie et Guillain).
Chez chaque hémiplégique, on devra examiner avec grand soin la sen-
sibililé dans tous ses modes :
Sensibilité cutanée. La sensibilité à la douleur est le mode qui
fournit les renseignements les plus intéressants, mais il convient de bien
spécifier les conditions de cet examen. Si, en effet, chez certains hémi-
plégiques, dans les premiers jours qui suivent l'apparition de la para-
lysie, on recherche quelle est du côté paralysé la sensibilité à la piqûre,
on constate ou bien que la piqûre n'est suivie d'aucune manifestation de
perception douloureuse, ou bien qu'il se produit soit un léger tressaille-
ment des muscles au niveau du point piqué, soit même un léger mouve-
ment de retrait du membre. On dit alors qu'il y a hémianesthésie. Le
terme est radicalement impropre, et, pour s'en convaincre (Pierre Marie),
il suffit, au lieu de piquer le membre paralysé, de le pincer pendant
une demi-minute, en serrant la peau entre les ongles. On voit alors le
malade présenter une agitation très singulière : tantôt il se remue dans
son lit comme pris d'un état d'énervement, tantôt son agitation se tra-
duit par le geste de ramener ses draps, de passer la main sur sa figure
ou sur sa barbe, etc... ; si alors on interroge le malade sur les causes de
son agitation, les motifs qu'il en donne sont tout il fait erronés : tantôt
c'est une crampe qui le tient, tantôt c'est une bêle qui est dans son lit
et le pique, ou bien c'est un des assistants qui s'est appuyé brutale-
ment sur son membre paralysé, etc.... Jamais, en tout cas, le : malade ne
élira : « on m'a pincé ». C'est qu'en réalité il ne se rend pas compte de la
nature de la douleur très réelle qu'il ressent effectivement et qui se tra-
duit par l'agitation à laquelle nous l'avons vu en proie. Il ne peut donc,
en saine logique, être question ici d 'anesthésie. puisque la sensation dou-
loureuse est certainement perçue, niais ce qui existe chez ce malade, c'est
l'KATQC); EUI\OI.. 30
[CROUZON.]
4M HÉMIPLÉGIE.
une agnosie pure et simple des excitations cutanées douloureuses. On
peut encore mieux se rendre compte de l'existence de cette eslhésio-
agnosie, quand on considère l'incapacité où se trouvent les malades de
localiser ces sensations douloureuses. Le pincement prolongé, nous
l'avons dit, les plonge dans un état d'excitation très singulier, mais,
quelle que soit la douleur qu'ils ressentent, jamais on ne les voit porter
la main sur le point qui est le siège du pincement; si, au contraire, on
pince, même bien plus légèrement, le membre correspondant du cote
sain, on voit le malade porter immédiatement sa main valide sur ce point
et s'efforcer d'éloigner les ongles qui le pincent. Il est donc évident que
ce malade : 1° n'est pas réellement 1)érni;tnestlrésiyue, puisqu'il éprouve
des sensations douloureuses quand on le pince; 2° est incapable de
reconnaître la nature et la cause de ces sensations douloureuses (esthésio-
gnosie) ; 5° est incapable de localiser le point d'où partent ces sensations
douloureuses.
Si nous avons un peu longuement insisté sur ces faits, c'est pour
bien montrer que la prétendue bémiancstbésic de certains hémiplé-
giques répond, en réalité, à des troubles sensitifs qui n'ont rien de com-
mun avec l'anestbesic vulgaire. *
Quoi qu'il en soit, les troubles de la sensibilité à la piqûre ou au pin-
cement, dans l'hémiplégie organique, présentent dans leur manière
d'être, un certain nombre de caractères à peu près constants : ils sont
plus prononcés aux membres que sur le tronc et dans les segments péri-
phériques des membres qu 1\ leur racine; la face peut participer à ces
troubles sensitifs, mais ils y sont moins marqués qu'aux membres. Un
autre caractère de ces troubles sensitifs est d'être transitoires (de quel-
ques heures à deux ou trois semaines) dans la plupart des cas. On peut
affirmer qu'ils ne sont que très rarement permanents lorsqu'il s'agit d'une
hémianesthésie par lésion en foyer d'un hémisphère cérébral. Et, dans ces
cas, il s'agit le plus souvent d'une lésion thalamique (Dejerine, Roussy).
Comme troubles sensitifs du côté des organes des sens, dans l'hémi-
plégie organique, on ne connaît en réalité, cliniquement, que l'hénn-
anopsie; quant il l'anosmie, il l'agueusie, il l'amaurose, il la surdité dont
parlent certains auteurs, rien n'est moins certain que leur existence dans
l'hémiplégie.
Les troubles du sens musculaire sont, comme ceux de la sensibilité
cutanée, plus marqués aux segments périphériques qu'à la racine des
membres; on les recherche surtout au moyen des mouvements passifs.
La stéréo-agnosie désigne les troubles de la fonction sléréognostiiiiic
qui consiste dans la reconnaissance des objets au moyen de la palpation.
Ces différents troubles sensitifs peuvent se trouver réunis chez un
même hémiplégique; dans un certain nombre de cas, ils se montrent
plus ou moins isolés, ils doivent en tout cas être recherchés.
Assez souvent les hémiplégiques se plaignent de douleurs dans les
membres paralysés, surtout dans les membres supérieurs; ces douleurs
HÉMIPLÉGIE. ! (i7
sont souvent en connexion avec de l'arthrite chronique des articulations
des membres paralysés ; d'autres fois, elles siègent le long des troncs
nerveux; d'autres fois enflées, indépendantes de tout siège nerveux ou
articulaire, elles semblent bien être d'origine centrale. Les lésions thala-
miaues seraient particulièrement douloureuses pour Dejerine et Roussy.
Les arlhropatlaies sont assez fréquentes chez les hémiplégiques, sur-
tout au niveau de l'épaule, et sont généralement considérées comme
d'origine trophique.
L'atii, ! Iol,7,opliie est encore un trouble trophique qui n'est pas très rare
dans 1 hémiplégie, elle atteint principalement certains muscles de la
racine des membres (deltoïde, muscles de la fesse), quelquefois cepen-
dant elle se localise sur les petits muscles des mains ; elle peut être pré-
coce (dès les premières semaines de l'hémiplégie) ou tardive.
On a aussi signalé, dans l'hémiplégie de l'adulte, des cas où se pro-
duisait une atrophie des os des membres paralysés.
Les Iroubles trophiques cutanés sont fréquents dans les grosses hémi-
plégies : sécheresse de la peau, desquamation ou macération épider-
mique, lésions des ongles, des poils, etc. Parfois on voit une éruption de
nature générale infectieuse ou autre se porter de préférence sur le côté
hémiplégique ou au contraire respecter celui-ci.
L'aspect spécial connu sous le nom de main succulente, qui s'observe
parfois chez les grands hémiplégiques avec contracture, peut être consi-
déré aussi comme un trouble trophique bien caractérisé. Quant à l'oedème
qui siège parfois sur les membres hémiplégiques, on peut presque à
coup sur, lorsqu'il est assez intense, le considérer comme l'indice que le
malade est, atteint, outre son hémiplégie, d'une maladie hydropigène
cardiaque ou rénale (Crouzon).
Les escarres qui surviennent au niveau de la fesse dans les hémiplé-
gies récentes et très intenses dépendent beaucoup moins de troubles tro-
phiques spéciaux que du manque de soins de propreté de la part des
infirmiers.
Les troubles des sphincters qui s'observent dans certains cas peuvent
être dus a des mécanismes différents. Dans les hémiplégies récentes, ils
sont généralement imputables à l'état subcomateux ; dans les hémiplégies
anciennes, chez les vieillards, on voit, avec ou sans ictus, s'établir dans
un certain nombre de cas le gâtisme. Ce gâtisme est dû le plus souvent
à des lacunes dans les noyaux gris centraux ou dans le domaine de
l'artère cérébrale' postérieure. Les malades perdent inconsciemment les
urines et les matières fécales. Le plus souvent cet état s'accompagne
d une diminution plus ou moins prononcée des facultés mentales, avec
exagération de l'émotivité : toutes ces manifestations sont ducs, le plus
souvent, non pas au foyer même dont la présence dans le cerveau a donné
heu à l'hémiplégie, mais aux lacunes et aux altérations vasculaires du
cerveau dont elles sont la conséquence.
Les hémiplégiques par lésion organique des centres nerveux peuvent
[CROUZON.]
468 HÉMIPLÉGIE.
présenter, en outre du gâtisme, des troubles mentaux divers, mais on ne
peut pas dire que ces troubles mentaux, dans la grande majorité des cas
soient sous la dépendance directe de l'hémiplégie; ils lui sont surajoutés
et dépendent bien plus du malade ou de la maladie, cause de l'hémi-
plégie, que de l'hémiplégie elle-même. On pourrait, et non sans raison,
soutenir que l'aphasie doit être rangée parmi les troubles mentaux ac-
compagnant l'hémiplégie, mais, l'aphasie faisant l'objet d'un paragraphe
spécial, il n'y a pas lieu d'insister sur ce point. Le rire et le pleurer
spasmodiques s'observent fréquemment chez les hémiplégiques (Bris-
saud, etc.).
Diagnostic. A) De l'hémiplégie avec les maladies qui peuvent
la simuler. En réalité, il n'y eu a guère, et il faudrait avoir fait un
examen bien insuffisant pour confondre avec une hémiplégie motrice
certains cas de douleurs unilatérales des membres.
Chez les individus affectés d' épilep81e jacksonienne, on voit assez sou-
vent survenir, dans les membres qui ont été le siège des manifestations
convulsives, une paralysie d'aspect (et de nature) tout à fait hémiplégique
qui peut durer quelques minutes ou quelques heures après les convulsions;
il peut arriver d'ailleurs que cette paralysie transitoire devienne perma-
nente et on a alors bien réellement affaire à une véritable hémiplégie.
Il existe un état singulier d'impotence motrice des membres qui n'est
pas l'hémiplégie et qui en est cependant très voisin, qui peut mono se
combiner avec celle-ci, c'est l'apraxie, étudiée par Liclmnann ('), qui con-
siste en une sorte d'agnosie des mouvements sans paralysie réelle; c'est
ainsi que l'on voit les malades qui en sont atteints être capables de faire
avec les membres du côté apraxique des mouvements variés d'une
manière involontaire et inconsciente, par exemple faire des gestes quand
ils parlent, exécuter des mouvements de défense, etc..., mais, s'il s'agit
d'exécuter tel ou tel mouvement coordonné intentionnel, tel que de prendre
avec un cuiller ou une fourchette les aliments dans une assiette et de les
porter à sa bouche, ou de bourrer une pipe, le membre apraxique n'en
peut venir à bout. Ce trouble des mouvements est tellement comparable
aux troubles aphasiques que Pierre Marie a exprimé l'opinion qu'il n'est
en réalité qu'une manifestation de la déchéance psychique des aphasiques.
L'hémiplégie hystérique doit être très soigneusement différenciée de
l'hémiplégie organique, car les occasions d'erreur sont innombrables,
mais, vue son importance, un paragraphe spécial lui est consacré plus loin.
Une autre affection, qui peut dans certains cas en imposer pour l'hémi-
plégie organique, c'est lu paralysie agilccrtle, qui. connue on sait, a un
début unilatéral, de sorte que les malades viennent se plaindre au médecin
d'être « paralysés d'un côté du corps ». ll Il suffit d'être prévenu pour éviter
celte erreur, d'autant plus que les différents symptômes de la maladie de
Parkinson sont assez caractéristiques pour être aisément reconnus.
1. Voir plus liant l'article, Apraxie,
HÉMIPLÉGIE. 469
II) De la lésion. Ce diagnostic est souvent fort difficile.
Un début subit doit faire surtout penser il l'hémorragie cérébrale, au
ramollissement et aux lacunes de désintégration.
Les tumeurs cérébrales, l'hémorragie méningée, les méningites n'amè-
nent généralement pas l'hémiplégie d'une façon aussi subite, aussi inat-
tendue, mais il y a de nombreuses exceptions.
lj état apoplectique, quand il est bien prononcé, indique ordinairement
une hémorragie cérébrale : le ramollissement et même l'hémorragie
méningée ne déterminent pas ordinairement un état aussi comateux que
l'hémorragie cérébrale; c'est surtout dans celle-ci qu'on voit se produire
la déviation conjuguée de la tête et des yeux et le type respiratoire de
Cheyne-Stokes. Des phénomènes du même genre peuvent cependant s'ob-
server dans l'hémorragie méningée. La ponction lombaire peut également,
dans les deux cas, montrer un liquide céphalo-rachidien mélangé de sang.
Au contraire, lorsque l'hémiplégie s'installe sans apoplexie vraie, ou
même parfois sans aucun ictus, on a le plus souvent à faire à un ramol-
lissement cérébral ou à des lacunes.
On peut le plus souvent diagnostiquer cliniquemcnt les lacunes lors-
qu'elles donnent naissance à l'hémiplégie. Celle-ci est presque toujours
incomplète, susceptible d'une amélioration assez rapide, à tel point que
l'hémiplégie est parfois transitoire et ne laisse après elle qu'un peu de
maladresse pour les actes délicats; les réflexes tendineux sont exagérés au
tendon rotulien et au poignet ; souvent aussi, quand les malades ont recom-
mencé à marcher, on constate qu'ils « marchent à petits pas ». Un
symptôme qui peut permettre de différencier l'hémiplégie par lacune de
celle par ramollissement cérébral, c'est l'hémianopsie, qui est extrême-
ment rare chez les lacunaires, si tant est même qu'elle puisse être pro-
duite par cette lésion, tandis que dans le ramollissement cérébral c'est un
symptôme assez fréquent. De même l'aphasie ne se voit pas chez les lacu-
naires, tandis qu'elle est fréquente chez les individus atteints de ramollisse-
ment (il est bien entendu qu'il s'agit d'aphasie vraie et non de dysarthrie,
car cette dernière, au contraire; s'observe souvent chez les lacunaires).
Quant à l'hémiplégie produite par les tumeurs cérébrales, il est bien
difficile de la caractériser puisque, comme tous les autres symptômes des
tumeurs cérébrales, elle est susceptible des modifications les plus diverses.
Nous noterons cependant, ce fait que c'est dans les tumeurs cérébrales que
l'on voit presque exclusivement (abstraction faite pour l'hémiplégie hys-
trvriclue) se produire de l'hémilremblement ou de l'lumichorée. Assez
souvent aussi l'hémiplégie des tumeurs cérébrales s'accompagne d'épi-
lepsie jacksonienne. Bien entendu, dans le diagnostic de cette variété
d'hémiplégie, il faudra tenir compte de tous les autres symptômes révéla-
leurs des tumeurs cérébrales, et notamment l'examen du fond de l'oeil
rendra de grands services; mais, dans les cas aigus, on n'oubliera pas que
1 hémorragie cérébrale est susceptible elle aussi de déterminer de l'oedème
et de la congestion de la papille.
[CROUZON.]
470 HÉMIPLÉGIE.
C) De la localisation. Elle est le plus souvent très incertaine. -
a) Lésions corticales. Les lésions corticales pures sont très rarement
observées ; presque toujours les lésions dites corticales (nous avons sur-
tout ici en vue l'hémorragie et le ramollissement) intéressent plus ou
moins profondément la substance blanche sous-jacenle; d'autre part, les
lésions purement corticales donnent rarement lieu il une hémiplégie. Les
symptômes qui caractérisent les cas d'hémiplégie dans lesquels l'écorce
est intéressée sont surtout les troubles de la sensibilité superficielle ou
profonde, la stéréo-agnosic, l'apraxie, l'aphasie de Wernicke, l'épilepsie
jacksonienne. Quant il la contracture précoce, elle peut se voir dans les
cas de lésion corticale, mais elle est loin d'y être constante; il en est de
même pour les lésions qui intéressent les ventricules dans une certaine
étendue.
p) Lésions des noyaux gris centraux. - Quand les lésions sont slrie-
tement limitées, ce qui d'ailleurs n'est pas la règle, aux seuls noyaux
gris, l'hémiplégie est peu intense et généralement transitoire. Quand
c'est le noyau lenticulaire qui est atteint, on constate la diminution ou
l'abolition du réflexe pharyngé, des troubles de la déglutition et de l'arli-
culation pouvant même dans certains cas (surtout pour les lacunaires chez
qui les lésions du noyau lenticulaire sont volontiers bilatérales) aller jus-
qu'à la paralysie pseudo-bulbaire. Quand c'est la couche optique qui
est atteinte, on a vu se produire quelquefois des mouvements cluwéi-
formes ou riralléatoires, ou bien des troubles de la sensibilité : douleurs,
hémianesthésic, ou encore des troubles de la mimique, mais ces diffé-
rents troubles sont loin de se rencontrer constamment dans les lésions
thalamiques. et en réalité le diagnostic des lésions de ce genre est rare-
ment assuré. Dans ces dernières années, Dejerine, avec ses élèves Thomas.
Roussy, a décrit comme réalisant le syndrome thalamique des cas dans
lesquels une lésion du thalamus s'accompagnait d'une béinianeslhésie
(avec hémiplégie transitoire ou s'atténuant rapidement), de douleurs très
vives dans la moitié du corps anesthésiéc. de mouvements choréo-albé-
tosiques, absence du signe de Babinski.
y) Capsule interne. Les lésions de la capsule interne sont celles qui
donnent lieu le plus fréquemment à l'hémiplégie; pour que ce symptôme
se produise, il faut, bien entendu, que la portion de la capsule interne
dans laquelle passe le faisceau pyramidal soit intéressée. Jusque dans
ces derniers temps, tous les auteurs admettaient qu'il existe dans la
capsule interne des localisations très nettes de la paralysie sur tel ou tel
segment de membre, sur la face, la langue, etc.; Ions les traités contien-
nentdes schémas indiquant ces différentes localisations. En 1902, dans
un travail de la Semaine médicale, Pierre Marie et G. Guillain ont
montré que celle doctrine était absolument erronée; d'après les nom-
breuses autopsies invoquées par ces auteurs, les lésions limitées de la
capsule interne ne déterminent pas de paralysies localisées, de nionopif.
gies du membre supérieur ou inférieur, ou d'un segment de membre-
HÉMIPLÉGIE. If 71 1
Une lésion intéressant, la portion motrice de la capsule interne donne tou-
jours lieu à une hémiplégie, el, Pierre Marie et Guillain ont insisté sur ce
'fait que l'intensité de l'hémiplégie est proportionnelle à la quantité de
libres pyramidales détruites, de telle, sorte qu'au niveau de la capsule
interne le faisceau pyramidal constitue un organe de conduction en niasse
du mouvement volontaire pour les deux membres du côté opposé. Cela
est si vrai que ce sont les lésions de la capsule interne qui donnent l'hé-
miplégie la plus typique.
c) Pédoncule. Protubérance. Bulbe. -Dans toutes ces régions, l'hé-
miplégie se produit toujours, de même que dans la capsule interne, par
la lésion du segment où le faisceau pyramidal se trouve collecté, et il ce
point de vue les caractères de l'hémiplégie sont fort analogues. C'est-à-
dire son intensité est proportionnelle il la quantité de fibres pyrami-
dales atteintes, il existe une exagération manifeste des réflexes tendi-
neux et le signe de Babinski, et, pour peu que l'hémiplégie soit un
peu intense, la contracture ne larde pas à survenir.
Ce qui l'ait que l'hémiplégie due à une lésion d'un pédoncule, de la
protubérance ou du bulbe, présente des caractères particuliers, c'est que
la lésion du faisceau pyramidal à ce niveau s'accompagne de la lésion
d'autres organes situés au voisinage dans l'épaisseur du pédoncule, de la
protubérance ou du bulbe ; on peut en un mot observer toute la série des
hémiplégies alternes. Il arrive cependant, le plus souvent, surtout lors-
qu'il s'agit de lésions lacunaires de la protubérance, qu'il n'existe pas
d'hémiplégie alterne pouvant mettre sur la voie ; le diagnostic sera alors
très difficile, l'intensité anormale, et non proportionnelle a celle de l'hémi-
plégie, des troubles du coté de la langue et des lèvres, pourrait être un
précieux indice.
On désigne sous le nom d'hémiplégie alterne les cas dans lesquels
une lésion du pédoncule, de la protubérance ou du bulbe portant sur le
faisceau pyramidal, et déterminant par conséquent une hémiplégie des
membres du côté opposé, intéresse en même temps soit le noyau, soit
la racine de tel ou tel nerf crânien situé dans son voisinage, ce qui
donnera des symptômes de paralysie, ou plus rarement d'anesthésie
dans le domaine du nerf atteint, mais celle fois du même cote que ia
lésion.
Les deux types d'hémiplégie alterne les plus fréquents et les mieux
connus sont : le type Millard-Gubler (hémiplégie des membres d'un
côté, paralysie faciale de l'autre côté) et le type dit syndrome de
Weber (hémiplégie des membres d'un côté et paralysie du moteur ocu-
laire commun de l'autre côté). Ce dernier type est, bien entendu, l'indice
d'une lésion pédonculaire. tandis que le premier type est, produit par
une lésion bulbo-prolubérantiollc. On conçoit que les variétés pourront
être nombreuses, puisque à la place des nerfs précités la lésion pourra
intéresser soit l'hypoglosse, soit le nerf moteur oculaire externe, soit le
trijumeau, et alors, si c'est la racine sensitive qui est atteinte, ce n'est
[CROUZON] ]
472 in HÉMIPLÉGIE. -
plus une paralysie que l'on observe mais une anesthésie localisée à la
zone de distribution de la Ve paire. Parfois la lésion, et par conséqnent
les symptômes ne portent pas sur l'ensemble des branches de tel ou tel
nerf crânien, mais seulement sur quelques-unes d'entre elles.
Une autre manifestation analogue à l'hémiplégie alterne est celle con-
nue sous le nom de Syndrome de Benedikt, elle consiste en ce que,
avec une paralysie de la IULE paire d'un côté (comme dans le syndrome de
Weber), coexiste, de l'autre côté, non plus une hémiplégie des membres,
mais un tremblement soit continuel, soit intermittent, mais alors sur-
tout intentionnel. Il s'agit ici encore d'une lésion pédonculaire. Une lon-
gue série de syndromes alternes, tous exceptionnels, ont été récem-
ment signalés par les auteurs :
Type Foville du syndrome de Millard-Gubler (Grasset) : d'un côté
paralysie des membres, de l'autre, paralysie du facial et d'un oculo-
gyre.
Syndrome de Millard-Gubler avec syndrome pédonculaire (Pierre Marie
et Crouzon) : hémiplégie gauche, paralysie faciale droite, paralysie du
trijumeau droit et paralysie de l'oculomoteur commun droit.
Type Foville du syndrome de Weber (Grasset) : d'un côté paralysie des
membres et de la face, de l'autre paralysie d'un oculogyre.
llémispasme facial alterne (Brissaud et Sicard) : d'un côté paralysie
des membres, de l'autre spasme de la face.
Syndrome de Benedikt inférieur (Combe) : d'un côté hérnitrem-
blement, de l'autre paralysie faciale.
Hémianesthésie alterne (Raymond) : d'un côté anesthésie des mem-
bres avec ou sans paralysie, de l'autre anesthésie de la face avec on sans
paralysie. '
Syndrome cérébelleux alterne de Babinski et Nageottc : d'un côté
paralysie des membres, de l'autre, troubles cérébelleux, hémiasynergie,
latéropulsion, nystagmus.
. Hémiplégie alterne du type Avellis : d'un côté hémiplégie, de l'autre
paralysie du voile du palais et de la corde vocale.
Hémiplégie alterne avec syndrome oculaire sympathique (Cestan et
Chenais) : d'un côté hémiplégie, de l'autre myosis, énophtalmie, rétré-
cissement de la fente palpébrale avec ptosis léger.
Syndrome protubérantiel supérieur (Raymond et Cestan) : d'un côté
incoordination, mouvements choréo-athétosiques, troubles sensitifs,
paralysie faible, de l'autre paralysie des mouvements associés d'abduc-
tion des yeux.
Syndrome de la calotte pédonculaire (Gruner et Bertolotti) : d'un
côté paralysie sensitivo-motrice, de l'autre paralysie des mouvements
associés d'élévation, d'abaissement et de convergence des yeux, ophlal-
moplégie interne.
e) Moelle. Le diagnostic de l'hémiplégie spinale est souvent fort
délicat. Il s'agit d'ailleurs d'une manifestation assez rare. La distri-
HÉMIPLÉGIE. 475
hution de la paralysie aux différents groupes moteurs est, d'après
Mann, à peu près la même que dans l'hémiplégie par lésion cérébrale. En
réalité, nous manquons de caractères spéciaux permettant de distinguer
sûrement ces deux formes d'hémiplégie, car on ne peut considérer
comme absolument démonstratif ce fait que, dans l'hémiplégie spinale, la
face n'est pas atteinte, et qu'ordinairement la paralysie est plus marquée
pour le membre inférieur que pour le supérieur. Ce qui permettra le
mieux de faire le diagnostic d'hémiplégie spinale, ce sera de dépister
l'existence, chez le malade, d'une affection médullaire bien caractérisée,
telle qu'un traumatisme, la syringoinyélie, une tumeur de la moelle,
ou la syphilis médullaire; dans ce dernier cas on pourra observer avec
une certaine prédilection l'existence du syndrome de Brown-Séquard
(syndrome d'hémiparalysie avec hémianesthésie croisée).
Étiologie et Valeur séméiologique. Les dimensions de ce
chapitre seraient tellement étendues qu'on ne peut se borner ici qu'à une
simple énumération forcément incomplète.
L'hémiplégie peut être traumatique soit par contusion ou enfonce-
ment des os du crâne et lésions du cerveau ou hémorragie méningée,
soit par pénétration d'un corps vulnérant par une cavité naturelle (nez,
orbite, oreille).
L'hémiplégie peut s'observer au cours de toutes les maladies infec-
tieuses par suite soit d'une lésion des méninges, soit d'une hémorragie,
soit d'une thrombose vasculaire.Le rôle de la syphilis dans la production
de l'hémiplégie, chez l'homme, est des plus importants, à tel point que,
dans la pratique, tout homme frappé d'hémiplégie avant l'âge de 50 ans,
et chez lequel on ne constate pas d'affection cardiaque, doit être forte-
ment soupçonné de syphilis. L'hémiplégie syphilitique est en effet une
manifestation assez précoce se produisant le plus souvent dans les pre-
iiniers mois ou dans les premières années qui suivent le chancre.
Chez la femme, les infections qui déterminent le plus souvent l'hémi-
plégie sont les infections puerpérales.
Les intoxications les plus diverses peuvent être suivies d'hémiplégie,
sans en excepter les auto-intoxications (diabète, urémie). On se gar-
dera d'ailleurs de rapporter à l'urémie tous les cas d'hémiplégie surve-
nant chez des malades qui présentent de l'albuminurie, car. chez ces
malades, l'hémiplégie peut tout aussi bien être duc à une hémorragie
cérébrale ou à un ramollissement.
Les lésions du coeur et des gros vaisseaux jouent aussi un rôle dans
la production d'un certain nombre de cas d'hémiplégie. Peut-être les
lésions de l'appareil respiratoire en jouent-ils un également, on a publié
des cas d'hémiplégie hncumomiclue, d'hémiplégie pleurale. Quant aux
lésions des vaisseaux encéphaliques, leur rôle est de tout premier ordre,
et notamment chez les vieillards; l'artérite. la périartéritc chroniques,
l'athérome des artères du cerveau déterminent soit l'hémorragie céré-
braIe. soit le ramollissement, soit les lacunes de désintégration; or on sait
caouzoN.7
474 . HEMIPLEGIE.
que ces trois lésions sont de beaucoup les facteurs les plus importants
dans la production de l'hémiplégie.
Certaines affections du système nerveux, telles épie le tahcs, la para-
lysie générale, la sclérose en plaques, la chorée de Sydcnttam, la ménin-
gite tuberculeuse, les néoplasmes intracraniens, etc.... s'accompagnent
plus ou moins fréquemment d'hémiplégie cérébrale, hulbo-prolllbéran-
ticllc ou spinale.
- Il. Hémiplégie non organique, d'origine névropathique.
Les paralysies de ce genre peuvent simuler, de très près, l'hémi-
plégie organique ; cependant un observateur attentif notera dans l'atti-
tude du malade, dans le degré et les modalités de l'impotence fonction-
nelle des membres, différents caractères qui éveilleront ses soupçons et
l'inciteront à rechercher minutieusement si l'hémiplégie en présence de
laquelle il se trouve présente bien tous les signes physiques qui appar-
tiennent il l'hémiplégie organique. Parmi ces signes, les suivants ont été
signalés par M. Babinski. -
C'est ainsi que, dans l'hémiplégie névropathique, on ne constate pas
l'/fi/o/onïc' musculaire, caractérisée notamment chez les hémiplé-
giques organiques par la possibilité d'imprimer une flexion exagérée il
l'avant-bras. "
On ne constate pas non plus le signe du peaucier, qui consiste chez
les organiques dans une diminution du relief de contraction de ce
muscle du côté paralysé, quand on fait ouvrir la bouche au malade, et
qu'avec un doit placé sous le menton, on résiste un peu il ce mouve-
ment. Le signe de la pronation (Babinski) ne s'observe que dans l'hémi-
plégie organique : si on met la main passivetuent en supination, elle
se remet, en pronation dès qu'on la lâche.
La flexion combinée de la cuisse et du tronc ne se voit pas dans
l'hémiplégie névropathique, tandis que dans l'hémiplégie organique elle
est de règle. On sait qu'elle s'obtient au moment où le malade étendu à
terre, les bras croisés, cherche à se relever ou quand, assis à terre, il se
laisse brusquement retomber.
Les réflexes tendineux peuvent être forts, comme amplitude, dans
l'hémiplégie névropathique, mais ils ne présentent pas le caractère de
spasnrodicité, de brusquerie qu'ils ont le plus souvent dans l'hémiplégie
organique et surtout ils restent égaux des deux côtés (Babinski).
Le clonus du pied semble appartenir exclusivement à l'hémiplégie
organique, niais on n'oubliera pas que chez les névropathes on peut
observer un faux clonus du pied (Babinski).
Le réflexe plantaire est, dans l'hémiplégie névropathique, toujours en
flexion.
Les réflexes cutanés sont le plus souvent conservés chez les hémiplégi-
ques névropathiques.
L'hémianesllu'sie, quand elle existe, se présente chez les hémiplégi-
ques névropathiques avec des caractères tout différents de ceux (me nous
HÉMIPLÉGIE..470
avons décrits dans les hémiplégies organiques, et notamment elle est
beaucoup plus accentuée, il tel point qu'on peut piquer et pincer aussi
longtemps et aussi profondément que l'on vent le malade sans qu'il en
1émoi»Tie aucune sensation. De plus, dans l'hémiplégie névropathique,
j'iiétnianesthésie est généralement beaucoup plus persistante que chez les
organiques. Enfin elle est très souvent a la fois sensitive et sensorielle.
En examinant l'attitude des hémiplégiques nénopathiques dans les
différents actes de la vie, on constatera d'ordinaire qu'ils sont infiniment
moins gênés par leur hémiplégie, si forte soit-elle, que les hémiplégi-
ques organiques. Quand ils marchent avec des béquilles, ce que ne l'ont
presque jamais les hémiplégiques organiques, on les voit laisser traîner
en arrière d'une façon tout à l'ait caractéristique la jambe paralysée,
mais malgré tout ils marchent.
La paralysie des hystériques porte de préférence sur un certain nom-
bre de systèmes de mouvements, sur certains actes plutôt que sur cer-
tains muscles. -
' Elle est et reste en général flasque ; quand elle est spasmodique, elle
l'est d'emblée; la contracture ne succède pas à une paralysie flasque.
Dans certains cas la recherche des stigmates de l'hystérie peut rendre
des services, mais il ne faut pas s'attendre à rencontrer ces stigmates
d'une façon constante, car ils ont été le plus souvent déterminés par des
suggestions médicales antérieures.
Enfin, un point très important à considérer est celui de l'étiologie.
Dans quelles conditions )'))émi])tégies'cst-ei ! e produite ? Y a-t-il eu trau-
matisme réel ou sbock moral ? Le malade a-t-il pu se suggestionner ?
Autant de questions qu'il importe beaucoup d'élucider lorsqu'il existe
quelque soupçon d'une hémiplégie d'origine névropathique.
111. L'hémiplégie cérébrale infantile diffère par un certain
nombre de points de l'hémiplégie des adultes.
La contracture y prend, lorsqu'elle existe, un aspect spécial (pied bot,
main bote); le pied est alors, le plus souvent, varus équin, la main est
en flexion exagérée dans l'articulation du poignet, les doigts sont dans
une sorte d'hypotonie qui permet de les recourber fortement dans le sens
de l'extension. Le membre supérieur et le membre inférieur sont, dans
cette forme, susceptibles de présenter une atrophie considérable; on y
constate alors des troubles vaso-moteurs accentués.
Dans une autre forme, il ne s'agit plus de contracture, mais d'hénn-
athétosc ou d hémicborée : les membres de ces malades ne présentent pas
l'atrophie signalée dans la forme précédente.
Du reste, d'une façon générale, les mouvements associés se produisent
dans 1 hémiplégie infantile avec une intensité bien plus grande que dans
1 hémiplégie des adultes. De même. l'épilepsie jacksonienne y est infi-
lIillH'111 plus fréquente; très souvent aussi il s'agit d'épilepsie. vulgaire.
Les troubles (fêla sensibilité sont très rares.
Les réflexes tendineux sont très exagérés quand la contracture n'est
- [CROUZON.] ]
476 . HEMIPLEGIE.
pas assez forte pour immobiliser les membres. Le réflexe plantaire est
presque toujours en extension (').. '
L'aphasie ne se montre guère dans l'hémiplégie cérébrale infantile,
même quand il existe des lésions de l'hémisphère gauche intéressant la
zone du langage. Parfois, cependant, ces malades ont la parole embar-
rassée, mais il s'agit seulement de dysarthrie et de troubles dans la con-
stitution de la phrase.
L'intelligence est bien plus souvent et plus profondément atteinte chez
les hémiplégiques infantiles que chez les hémiplégiques adultes.
Pour que l'hémiplégie infantile déploie dans tout leur développement
les caractères qui lui sont propres, il faut que la lésion se soit produite
dans les sept ou huit premières années de la vie.
La lésion peut être d'ailleurs d'aspect très différent : sclérose lobaire,
porencéphalie, méningo-encéphalite, ramollissement, hémorragie, lésions
traumatiques, etc.
1. Chez les jeunes enfants, le réflexe des orteils se fait normalement en extension;
cela tient au développement incomplet du faisceau pyramidal ; depuis l'ege de ou
6 mois jusqu'à l'àge de 1 an, il se fait tantôt en extension tantôt en flexion : à partir
de 1 an, il est normalement en flexion. Mais il n'est pas rare de le trouver en extension,
jusqu'à l'àge de 3 ans et plus chez les enfants athrepsiques ou débilites en dehors
même de toute affection systématisée des centres nerveux : cela tient à ce que le'
faisceau pyramidal a subi chez ces enfants un retard de développement par suite des
troubles de la nutrition générale (Léri)..
MOUVEMENTS ASSOCIÉS
par le D' CROUZON
On appelle mouvements associés « les mouvements qui s'effectuent
dans une partie du corps d'une façon involontaire, au moment où ont lieu
des mouvements volontaires ou réflexes dans une autre partie». Celle
définition est de Yulpian et il a donné le nom de syncinésie il ces mou-
vements associés.
Nous prendrons comme exemples de ces mouvements les phénomènes
qu'on peut observer chez un hémiplégique.
Mouvements associés dans l'hémiplégie. Ce sont, par
exemple, les mouvements qu'exécute en réduction le membre malade
quand on commande au malade un mouvement du coté sain. Quelquefois,
c'est la main hémiplégique qui reproduira les mouvements exécutés par
la main saine : il s'agit alors d'un mouvement associé symétrique.
Quelquefois le membre inférieur du côté malade ébauchera un mou-
vement qui est exécuté complètement par la main du côté sain, dans ce
cas le mouvement associé est asymétrique. Un autre exemple de mouve-
ment associé asymétrique est le mouvement ébauché par la face du côté
hémiplégique pendant le mouvement fait par la main du côté sain.
Tous ces mouvements se rencontrent beaucoup plus fréquemment dans
l'hémiplégie cérébrale infantile que dans l'hémiplégie de l'adulte, et en
cela ils se comportent comme tous les mouvements post-hémiplégiques.
Ils ont été bien étudiés par Camus dans sa thèse de Bordeaux en 1885.
On les a observés quelquefois chez l'adulte : Sainton, Remak ont pu ob-
server une variété de mouvements associés qui se produisait chez un
aphasique qui faisait des efforts pour parler : on voyait chez leur malade
la main ou le pied droits animés de mouvements involontaires. Nous avons
pu nous-mème, avec Pierre Marie, observer le même phénomène chez
un paralytique général qui présentait sans aucun doute un déficit du lan-
gage : dès qu'il se niellait il parler, on constatait un tremblement, des
mouvements involontaires dans tout le membre supérieur du côté droit,
atteint du reste d'une légère hémiplégie.
Les mouvements associés sont différents des mouvements dits réflexes :
ceux-ci surviennent il la suite d'une secousse de toux ou d'un bâillement
par exemple et se passent surtout dans les membres supérieurs : du côté
[CROUZON.]
478 MOUVEMENTS ASSOCIÉS.
paralysé, le bras se met par. exemple en abduction ou en demi-flexion. Il
ne faut donc pas confondre mouvements réflexes et mouvements associés.
Flexion combinée de la cuisse et du tronc. Babinski a
décrit ce mouvement associé dans le Bulletin de la Société médicale
des hôpitaux de Paris (50 juillet 1897) et dans un article mémorable de
la Gazette des hôpitaux du 5 mai 1900 (Diagnostic différentiel de l'hé-
111 plégie organique et de l'hémiplégie hystérique).
Ce phénomène qu'il a appelé mouvement associé de flexion de la
cuisse, puis flexion combinée de la cuisse et du tronc, s'observe dans
les conditions suivantes : «Lorsque étendu sur un plan restant horizontal,
sur une planche par exemple, élans le décubitus dorsal, les bras inclinés
sur la poitrine, le malade fait un effort pour se mettre, sur son séant du
côté paralysé, la cuisse exécute un mouvement de flexion sur le bassin et
le talon se détache du sol tandis que, du côté opposé, le membre inférieur
reste immobile ou que la flexion de la cuisse et le soulèvement du talon
n'apparait que plus tardivement et sont bien moins marqués qu'aux
membres atteints de paralysie. En même temps, l'épaule du côté normal
se porte en avant ». De même le mouvement se produit lorsque le malade,
après s'être mis sur son séant, se laisse tomber en arrière pour reprendre
sa position primitive.
Babinski suppose que ce mouvement est du à la paralysie des muscles
qui étendent la cuisse sur le bassin; ces muscles ont pour action d'im-
mobiliser le fémur pendant que le psoas iliaque se contracte pour fléchir
le bassin sur la cuisse; ces muscles étant parésiés, l'action du psoas
iliaque devient prépondérante et la flexion de la cuisse sur le bassin se
produit.
Ce mécanisme est différent suivant Babinski de celui des autres moti-
Fie. 1. - Hémiplégie gauche organique.
Flexion combinée de la cuisse et du tronc à gauche (Babinski, Gazelle des hôpitaux).
MOUVEMENTS ASSOCIÉS. 479
vcmeilts associés c'est ce qui l'a amené, à modifier la première appellation
qu'il lui avait donnée. Quel que soit du reste l'interprétation de ce;mou-
veinent, il a une très grande valeur séméiologique quand il est très net.
On peut supposer en effet que, chez certains sujets normaux, il y aura
inégalité dans les efforts des extenseurs de la cuisse sur le bassin.
D'autre part, ce phénomène ne peut pas exister dans les cas oÚ¡J'hém i-
plébie est complète, sa valeur n'est donc réelle que dans un certain nom-
bre de cas, mais elle parait à Babinski un signe de premier ordre pour le
diagnostic différentiel de l'hémiplégie hystérique et de ] l'hémiplégie
organique.
Ce phénomène n'est pas particulier à l'hémiplégie ; Babinski a pu l'ob-
server dans des cas de sciatique où les mouvements des muscles exten-
seurs de la cuisse sur le bassin étaient entravés.
Signe du peaucier. Babinski, dans les mêmes publications
mentionnées'ci-dessus, a décrit ce phénomène auquel il attache la même
valeur qu'à la flexion combinée de la cuisse et du tronc. Ce phénomène
[CROUZON.]
Fig. 2. - Hémiplégie gauche organique.
Contraction du peaucier du cou à droite (Babinski, Gazette des hôpitaux).
480 MOUVEMENTS ASSOCIÉS.
consiste en ce que, dans certains actes où le peaucier entre en jeu, la con-
traction de ce muscle est plus énergique du côté sain que du côté para-
lysé. On peut mettre ce signe en évidence en commandant au malade
d'ouvrir la bouche toute grande, ou bien encore en lui demandant de flé-
chir la tête énergiquement et en cherchant à s'opposer à ce mouvement.
Babinski avait considéré tout d'abord ce phénomène comme le spasme
du côté normal, il l'appelait : spasme associé du peaucier du côté malade.
Abduction associée des orteils. Nous avons vu plus haut
due l3ahinsl : i a décrit l'abduction des orteils ou signe de l'éventail comme
un phénomène de même valeur que l'extension des orteils. Des faits ulté-
rieurement observés lui firent constater cette abduction des orteils ou
l'excitation du mouvement combiné de Ik'.xion de la cuisse et du tronc;
l'abduction lui parut plus fréquente dans l'hémiplégie infantile que dans
celle des adultes, et elle lui parut avoir une signification clinique de même
ordre que l'abduction réflexe.
Phénomène de Strümpell. - Le phénomène de Strumpell, ou
phénomène du jambier antérieur, consiste dans une contraction du mus-
clc jambicr antérieur qui se produit dans le mouvement de flexion de la
jambe sur la cuisse, c'est donc un mouvement associé.
Pour mettre ce mouvement en évidence, il faut demander au malade de
se placer dans le décubitus dorsal, sur un plan dur de préférence, il faut
lui demander de fléchir la jambe sur la cuisse, et, pour amplifier l'effort
dans ce mouvement, on s'oppose à la flexion par la pression de la main
sur la face antérieure de la cuisse. On voit alors se produire un mouve-
ment d'élévation du bord interne du pied avec rotation de la plante du
pied en dedans ; en même temps, on voit saillir au niveau du cou-de-
pied la corde du tendon du jambier antérieur, muscle qui produit le
mouvement ci-dessus indiqué. v
On peut voir encore ce mouvement dû à la contraction du jambier anté-
rieur se produire quand un hémiplégique fléchit la jambe en marchant
(Brissaud). Ce phénomène du jambier antérieur a été étudié par Pierre
Marie et Crouzon dans le service de Bicêtre ; ils l'ont constaté dans les
cas d'hémiplégie organique de paraplégie spasmodique. 11 permet donc
dans les cas douteux d'écarter l'hypothèse d'hystérie. 11 a pu également
permettre à Strumpcll et à nous-même par sa présence chez un labéti-
que de faire le diagnostic des scléroses combinées et il reflète dans ce cas
l'existence de la sclérose pyramidale.
Signe de Charles Bell. Charles Bell a signalé, dans la paralysie
faciale, un mouvement de rotation du globe de l'oeil en haut et en dehors.
qui se produit quand on commande au malade de fermer la paupière du
côté paralysé. Ce phénomène a pour résultat de cacher la pupille derrière
la paupière supérieure : ce signe est également un signe de paralysie or-
ganique et ne peut être reproduit par l'action de la volonté.
Autre mouvement associé dans la paralysie- faciale. -
Il n'est pas rare d'observer, surtout au moment où la guérison est
MOUVEMENTS ASSOCIÉS. , 481
proche, des mouvements associés dans la paralysie faciale : quand le malade
veut rire il ferme involontairement les yeux, quand il veut 1'ermer l'oeil il
relève l'angle de la bouche; quelquefois ce mouvement se produit dans le
côte sain.
SIGNE DE KERNIG.
Kernig a décrit, en 1885 et 1884 à la Société médicale de Saint-Pé-
tersIJollrg puis dans le Berline1' lilinische JVochensclll'1P., un signe qu'il'
a considéré comme ayant une valeur très grande pour le diagnostic des
méningites tuberculeuse ou ccrebro-spinate. C'est Netter qui a vulgarisé
en France ces recherches : elles se sont multipliées depuis sur ce sujet et
nous nous baserons sur la thèse de Rog[et(19ÛO)et sur la Revue générale
de Sainton et Voisin (Gazelle des hôpitaux, 27 août 1904) pour décrire ce
signe et rechercher sa valeur séméloiogique. '
Technique de la recherche du signe de Kernig. Il faut laisser le
malade assis dans son lit, et on recherche alors le phénomème essentiel
de la maladie qui est une contrac-
ture de flexion des fléchisseurs
dans l'articulai ion du genou quand
on vient à redresser le malade
sur son séant.
On emploie un des trois pro-
cédés suivants : I ° Ic malade étant
couché sur un plan dur, on le fait
asseoir, en l'aidant si c'est néces-
saire, et on cherche, en appliquant
les mains sur ses cuisses, à empê-
cher toute flexion des cuisses. Si
la flexion se produit malgré tout
ou, si la flexion étant empêchée, le malade ne peut s asseoir, le signe de
Kernig existe. ' " ,
2° On peut asseoir le malade sur son lit et ou peut appuyer sur les cuis-
ses de façon à obtenir l'extension complète : si l'extension est impossible
il y a signe de Kernig.
5° Enfin, on emploiera, surtout chez les enfants, la méthode suivante :
le malade reste étendu sur son lit, couché sur le dos, on prend ses deux
membres intérieurs ei, on cherche à plier les cuisses sur le bassin sans
fléchir la jambe sur la cuisse ; c'est en réalité une manoeuvre absolument
semblable à la recherche du signe de Lasègue dans la sciatique. Si le
signe de Kernig existe dans ce mouvement, on sent insensiblement se
produire une flexion de la jambe sur la cuisse.
Cosigne de Kernig ne s'observe pas seulcment aux membres inférieurs,
Il le décrit lui-même au niveau des fléchisseurs de l'articulation du
PHATIQUE M1BIUII.. . 51
[CROUZON.] ]
, Fig.3. J. - .
482 MOUVEMENTS ASSOCIÉS.
coude, dès que le malade s'assoit sur son lit, les membres supérieurs
se placent en demi-flexion, l'extension complète est impossible.
Cette constatation du signe de Kernig aux membres supérieurs a été
faite par plusieurs auteurs : Chauffard (Semaine médicale, 15 5 février
l JO 1 ) ; Aubertin (Tribune médicale, il juillet 1905).
Mais, quelles que soient la fréquence et la valeur de cette contracture
des membres supérieurs dans, les méningites, c'est surtout au signe de
Kernig, au niveau des fléchisseurs des membres inférieurs, que l'on a
l'habitude de rechercher. Dans la pratique, c'est celui sur lequel nous
insisterons davantage.
Valeur séméiologique du signe de Kernig. Le signe de Kernig,
comme nous l'avons vu, consiste dans une contracture des fléchisseurs de
la jambe. Ce phénomène, comme Bull l'a fait remarquer, n'est que l'exa-
gération du phénomène normal chez tout individu étendu : dans le mou-
vement de s'asseoir, il y a instinctivement un mouvement de flexion de la
jambe sur la cuisse. Le mouvement de s'asseoir sans fléchir la jambe sur
la cuisse ne peut se faire que par l'intervention de la volonté ; c'est lit
une position gênante, sinon douloureuse, qu'il survienne la moindre cause
de contracture latente (Dejerine) le phénomène de demi-flexion passa-
gère et physiologique deviendra permanente et pathologique.
Cippolina et llaragliallo admettent, aussi, que le signe de Kernig n'est
que l'exagération pathologique d'un phénomène normal dépendant du
déséquilibre qui s'établit entre les groupes des extenseurs de la cuisse,
en état d'insuffisance active, et celle des muscles fléchisseurs devenus
hypertoniques.
Un certain nombre d'auteurs ont, du reste, discuté la valeur patholo-
gique de ce phénomène. Wennagel (Deutsch A1'Cltiv sur li lin. med.) a
trouvé le signe de Kernig chez un certain nombre de sujets. Amaducci a
fait les mêmes constatations. M. Wilson rencontre le signe de Kernig
chez 20 pour '100 de sujets normaux. Il faut donc faire quelques ré-
serves sur la valeur absolue de ce signe : associé il d'autres symptômes,
il peut rendre un diagnostic de méningite très plausible. Nous ne ferons
que mentionner ici la théorie qui explique la production de cette con-
tracture.
1° La théorie du liquide céphalo-rachidien, soutenue par Bull, corro-
borée par quelques autres faits qui ont pu montrer la disparition de la
contracture sous l'influence de la ponction lombaire.
2° La théorie de l'irritation 111(ningo-nH"dullain', La lésion de la 111(;.
ningite est la cause du signe de Kernig : dans ce cas. elle est plus parti-
culièrement révélatrice d'une lésion (ks méninges spinales (Dieulalby,
Netter, Cipollina, Maragiiano). Cependant, d'autres auteurs font jouer un
rôle très grand à la lésion du faisceau pyramidal, d'autres admettent la
valeur des lésions cellulaires.
5" Un certain nombre d'auteurs admettent que le signe de Kernig et
le signe de Lasègue ne sont qu'un seul et. même symptôme, que la posi-
MOUVEMENTS ASSOCIÉS. 485
lion de Kernig, comme la manoeuvre de Lasègue provoquent une élonga-
lion du nerf, de : la douleur et, par suite, de la contracture. Dans ce cas,
le si"'ne de Kernig ne serait qu'un réflexe dû à la douleur, mais ditfé-
rents auteurs et, en particulier Wennagel et Abadie, ont montré que le
si"11e de Kernig est dû à une contracture non douloureuse, et Abadie a
pu prouver que raehicocaïnisal ion supprimait le signe de Lasègue et
laissait subsister le signe de Kernig.
Nous venons d'exposer la valeur séméiologique générale du signe de
Ivernig; nous pouvons donc en conclure que ce signe est une contrac-
ture musculaire qui se produit le plus souvent dans des cas pathologiques
et, en particulier, dans les affections des méninges spinales. 11 peut se
produire quelquefois, en dehors des méningites, dans certaines affec-
tions du système nerveux, et plus rarement on a pu le constater chez
des sujets normaux.
Il a donc une très grande valeur séméiologique, et nous allons passer
en revue les affections dans lesquelles on les rencontre. Nous étudierons
successivement le signe de Kernig dans' la méningite ou les réactions
méningées, puis dans les maladies du système nerveux.
Le signe de Kernig, comme nous l'avons déjà dit, rt fait l'objet de la
thèse de Roglet; c'est dans les méningites (pie, pour la première fois, on
a observé ce phénomène ; pour bon nombre d'auteurs il est pathognomoni-
que dans la méningite et môme pathognomonique des lésions des ménin-
gitesspinalcs. C'est plus particulièrement dans les affections qui atteignent
les méninges spinales qu'il a été rencontré, nous voulons surtout parler
de la méningite cérébro-spinale. On a pensé tout d'abord que le signe
de Kernig appartenait plus particulièrement à cette dernière variété de
méningites. Iloglet, dans sa thèse, a constaté 89,5 pour 100 de cas de
méningites cérébro-spinales, et il n'a été constaté dans le total des obser-
vations que 66,6 pour 100 de cas de méningites tuberculeuses. Certains
auteurs ont pensé alors que l'on pouvait dire que la méningite cérébro-
spinale s'accompagnait plus fréquemment du signe de Kernig.
Cependant, si nous rapportons le résultat des statistiques du travail
inaugural de Roglet, nous voyons que Kernig constate des contractures
dellexiondansa cas de méningites aiguës, dont 1 de méningite tubercu-
leuse, et dans 6 cas de méningites chroniques. Netter l'observe sur le
total de 46 cas, dont 12 méningites tuberculeuses, et il le trouve
41 l'ois. Cipolina, Maragliano, Bull, Ilenoch, Friès et nombre d'auteurs
le trouvent également dans les méningites aiguës tuberculeuses.
Dans les thèses récentes de Monod, Lulier et Percheron, le signe de
Kel'llig est rencontré également dans la méningite tuberculeuse et dans
la méningite cérébro-spinale. On peut donc dire, dès maintenant, que ce
signe appartient aussi bien il la méningite tuberculeuse qu'à la ménin-
gite cérébro-spinale; cependant, la fréquence n'est pas absolument la
même dans les deux affections. Ncller, qui l'a constaté dans 25 cas, le
trouve 12 lois dans la méningite cérébro-spinale, 8 fois dans la ménin-
[chouzon.] ]
484 MOUVEMENTS ASSOCIÉS.
gitctubercuteuse. 5 fois dans la méningite mixte ; on l'observe dans la
méningite tuberculeuse tontes les fois qu'il y a participation de ménin-
gite modulaire (t)ieutafoy).
11 semble que le signe de Kernig suive la phase de la contracture et
s'accentue avec révolution de la maladie. Il peut, quand le malade
évolue vers la guérison, diminuer petit il petit, mais cependant, Kernig
et ttenocb l'ont vu après deux mois et demi. Netter le rencontre chez des
sujets convalescents ou guéris, et, suivant lui, il a une valeur assez
grande pour déceler les formes frustes de la maladie; nous avons
pu nous-memc l'observer au déclin d'une méningite cérébro-spinale
fruste, dont il a constitué un des éléments importants de diagnostic.
Dans ce cas, une céphalée, une légère paralysie du membre inférieur et
supérieur du côté gauche était le seul symptôme clinique, en l'absence
de syphilis, le diagnostic de cette hémiplégie était très délicat; le signe
de Kernig nous permit de faire le diagnostic de méningite cén)bro-spi-
nale fruste presque ambulatoire, et l'évolution de la maladie vers la
paralysie spinale de l'adulte, avec atrophie, confirma notre diagnostic.
C'est dans ces formes ambulatoires de méningite cérébro-spinale simulant
la poliomyélite que la ponction lombaire permettra de dépister la ménin-
gite. Sicard, Guinon, Rist, ont observé' des cas de ce genre.
Hémorragie méningée. - Le signe de Kernig est un .symptôme impor-
tant de l'hémorragie méningée, Kernig, Nettcr. Derrick. Moixard et enfin,
plus récemment, Lamy, Macaigne, Launois et Mauban. Achard et Paisseau
ont publié des cas de ce genre.
Réactions méningées des infections. On a pu observer, dans un
certain nombre d'infections, le signe de Kernig qui a pu tout d'abord faire
croire à l'existence d'une méningite vraie, mais, dans la suite et depuis,
sa fréquence a montré qu'il s'agissait sans doute de réactions méningées
légères. Dans la fièvre typhoïde, Netter a pu constater dans 1 1,8 des cas
le signe de Kernig; dans un certain nombre de cas, il a pu constater en
même temps des signes classiques de méningites ; dans d'autres cas, il
s'agissait vraisemblablement d'infections méningées légères. Carrière a
pu l'observer dans 44 pour 100 des cas, Moixard et Croie). YYidal, Dopter,
Vaquez, Mery et Babonneix, Hirtz, Grenet, Vincent, Sainton et Voisin l'ont
constaté également. Netter considère ce signe comme très important non
seulement au point de vue du diagnostic de ces réactions méningées.
mais encore comme particulièrement grave, car on le rencontre plus fré-
quemment dans la forme mortelle ou suivie de rechutes.
On le rencontre également dans la pneumonie, quelquefois il s'observe
dès le début de la maladie, accompagné ou non d'autres signes méningés;
quelquefois enfin il s'observe dans le décours de la maladie et est alors
caractéristique d'une véritable méningite pneumonique. La fréquence du
signe de Kernig dans la pneumonie est moindre que dans la fièvre 1)'-
plroïde; Voisin a observé plusieurs fois le signe de Kernig chez des
enfants atteints de broncho-pneumonie. Enfin, on a pu observer égale-
MOUVEMENTS ASSOCIÉS. 485
ment ce signe au cours de la pleurésie purulente à pneumocoques.
Le signe de Kernig peut se rencontrer dans d'autres affections : gastro-
entérite infantile (Monod). tuberculose ganglionnaire (Sainton et Voisin).
On peut également le rencontrer dans les réactions méningées des
intoxications, dans l'urémie (Thévenet et Pélm).
Walthcr a pu constater le signe de Kernig dans certains cas après
la l'ac hi-cocaïnisat i 011.
Signe de Kernig clans les maladies du système nerveux. Le signe
de Kernig a été rencontré au cours des affections médullaires : dans le
tabès, Salrrazès a pn le constater chez un tabétique en période de crise
de douleurs fulgurantes dans les membres inférieurs. Dans l'intervalle
des crises, ce signe disparaissait.
Dans la paralysie générale, il a été constaté par Darcanne (Congrès de
Rennes, z/. Suivant cet auteur, il se montre très fréquemment, surtout
à la période finale de la maladie ; il indique l'apparition de troubles mé-
dullaires et esl nn signe d'un pronostic fâcheux.
Williamson ( British Médical Journal, 1002) et Sailer (Americnn J010'-
nal arthe Medical Science) l'ont observé dans la paraplégie spasmodique.
Pieri l'a observé dans la méningo-myélite syphilitique. On l'a observé
également dans le lumbago (Sainton et Voisin) en dehors des réactions
cytologiques céphalo-rachidiennes. On l'a constaté également dans la
sciatique (Piéry, : lbaclie, Sainton et Voisin), mais, suivant certains au-
teurs et en particulier suivant Piéri, il n'y aurait pas lieu de faire de
distinction entre le signe de Lasègue et le signe de Kernig.
On a constaté le signe de Kernig dans les affections du cerveau en
foyer sans réactions méningées, dans les hémorragies cérébrales, dans les
lésions destructives du cerveau (Abadic), dans l'abcès cérébral (Klippel).
Enfin, le signe de Kernig a été rencontré dans le méningisme hystéri-
que ; Verger et Abadie l'ont observé chez un jeune homme de 10 ans hys-
térique. 11 en existe quelques exemples dans la thèse de Larnouroux, et
enfin Sainton et Voisin l'ont observé chez une jeune fille de 18 ans qui, à
la suite d'une émotion brusque, présenta du méningisme hystérique.
Comme on le voit, le signe de Kernig peut s'observer très rarement
chez des sujets normaux et être le plus souvent caractéristique d'une
réaction méningée, qu'il s'agisse d'une méningite tuberculeuse ou céré-
bro-spinale, d'une réaction méningée infectieuse, légère ou d'une hémor-
ragie méningée, 11 est alors le plus souvent caractéristique de la participa-
tion des méninges médullaires, mais, en dehors de ces cas, il a pu se
rencontrer dans quelques affections médullaires ou quelques affections du
système cérébral dans lesquelles les lésions méningées n'étaient pas suf-
fis : mtes. lésions méningées qu'il a pu révéler cliniquement. '
11 faut donc considérer ce signe comme ayant une valeur incontestable,
peut-être n'est-il pas absolument pathognomonique, mais, joint il un ou
plusieurs autres symptômes de méningite, il pourra mettre sur la voie
du diagnostic qui sera confirmé par la ponction lombaire.
. tCROUZONA
PARAPLÉGIE
par le Dr MOUTIER
La paraplégie est la paralysie motrice des membres inférieurs. Elle
peut être d'origine cérébrale, médullaire, névritique, musculaire ou
fonctionnelle. Les quatre membres peuvent être pris, syndrome désigné
sous le nom de tétraplégie. Dans certains cas, la paralysie s'accuse da-
vantage aux membres supérieurs, paraplégie cervicale. -'
Examen du malade. Le malade peut-il marcher, et, dans ce cas,
quels sont les caractères particuliers de la démarche morbide ? Si le
malade garde le lit, l'inspection, la pàlpation des membres, l'examen
des mouvements actifs ou passifs, l'étude de la force musculaire permet-
tront d'apprécier l'état de flaccidité ou de contracture. On recherchera
soigneusement les. déformations rachidiennes ou les points douloureux
apophysaires. On explorera minutieusement l'état des réflexes tendineux
et cutanés. ,
Le malade souffre-t-il spontanément ? certaines manoeuvres réveillent-
elles des irradiations douloureuses dans les membres inférieurs ? La
valeur de ces constatations sera précisée par l'étude des troubles de la
sensibilité; l'on notera, s'il y a lieu, l'existence d'une dissociation syrin-
gomyélique.
Les troubles trophiques (cyanose, escarres, ichthyose, etc.), les per-
turbations sphinctériennes seront également prises en considération. On
s'efforcera de préciser l'intensité, la répartition des atrophies musculaires
et des troubles des réactions électriques au niveau des muscles atteints.
On complétera cet examen local par un examen général du sujet (troubles
des membres supérieurs, état des yeux, signe d'Argyll, .psychisme). La
ponction lombaire et la radiographie de la colonne vertébrale termineront
au besoin cette étude. ' -
Description du syndrome paraplégie et formes clini-
ques. La paraplégie peut être flasque ou spasmodique.' Dans le pre-
mier cas, la marche est d'ordinaire impossible; elle est possible tm peu
plus souvent dans le second. Dans les formes aiguës, flaccides ou spas-
tiques, elle devient irréalisable. La contracture s'accompagne d'exagéra-
tion des réflexes tendineux, la-flaccidité d'affaiblissement ou d'abolition
PARAPLÉGIE. 487
de ces réflexes. On rencontre parfois des termes intermédiaires : des
membres flasques pouvant présenter de l'exagération des réflexes.
Paraplégie spasmodique. La démarche du paraplégique est le
symptôme le plus important à bien connaître. Le diagnostic général de
la maladie est à ce prix, et la connaissance précise des troubles de la
marche permettra l'appréciation à distance des formes même atté-
nuées.
Tout à l'ait au début d'une évolution chronique et lente, s'observe un
simple ralentissement de l'allure habituelle. Les pas sont courts et pé-
nibles ; il semble qu'un poids étrange cloue les pieds au sol. Plus tard
cette difficulté va s'exagérant, le malade soulève les pieds tour à tour,
mais c'est à peine s'il peut détacher le talon du sol, malgré son violent
effort. A ce moment il ne s'agit plus d'un simple ralentissement de la
course : la marche est gênée par la raideur croissante des muscles. Le
pied frotte au niveau de la pointe et du bord externe, et l'usure des
chaussures traduit cette altération. II en résulte que le déplacement du
malade, raclant le sol, est bruyant et que, prêt à perdre son équilibre,
le paraplégique se cambre, et présente une ensellurc lombaire manifeste.
La spasticité allant croissant, l'adduction des cuisses vient compliquer
encore le déplacement du paraplégique. Ses genoux se heurtent et se
contournent l'un l'aulre dans la progression en avant. Ils figurent le
sommet de deux triangles Ù base opposée, le supérieur ayant les cuisses
pour côtés, les jambes dessinant les contours du second.
Les pieds sont en varus équin; le tronc s'incline en avant davantage.
Dès que le malade veut marcher un peu vite, ses pieds s'emmêlent et la
chute devient inévitable. Il est réduit à faire décrire à chaque membre
un demi-cercle souvent trop étroit, de façon il frotter le sol au minimum
et de manière Ù restreindre les chances de chute par heurt des genoux
ou rencontre des pieds.
Rapidement la inutilité se trouve entravée davantage. Les pieds raidis
ne permettent plus que la marche digitigrade. L'équilibre est difficile
il maintenir dans ces conditions. A peine les pieds touchent-ils le sol, que
soulevés aussitôt par un clonus spontané, ils précipitent le malade en
avant : la démarche à petits pas est par ta même sautillante. Bientôt
l'adduction, le varo-équinisme et la -trépidation nécessitent l'aide de
cannes. Le malade marche avec des oscillations latérales du tronc
[démarche dite de gallinacé) ; plus tard, les membres raidis servent
seulement de point d'appui et le malade oscille sur des béquilles, lialant
en quelque sorte son corps pour le projeter en avant [démarche pendu-
/([11'e). Dans un dernier degré évolutif rarement atteint, des contractures
intenses surviennent, accompagnées ou suivies de rétractions fuji'o-ten-
ilmeuses immobilisant définitivement le malade.
Même chez les malades les plus fortement atteints, on sera surpris de
constater parfois que la force musculaire est mieux conservée qu'on ne
tout cru tout d'abord. En d'autres cas sa diminution est extrême, la
, [MOUTIER.]
488 PARAPLEGIE.
spasticité cédant le pas il la paralysie. En explorant la résistance offerte à
la flexion ou à l'extension des différents segments des membres, on
pourra noter au contraire une diminution relativement très considérable
dans la force des racco1l1'CiSSeltl'S du membre inférieur, alors que les
extenseurs sont presque normaux. Ce symptôme se rencontre seulement
dans les affections d'origine médullaire; on le voit notamment avec toute
sa valeur et sa netteté dans la paraplégie syphilitique de Erb (Pierre Marie).
Le paraplégique peut garder le lit, soit parce qu'il présente une con-
tracture considérable, soit parce que la paralysie l'emporte sur la contrac-
ture. Lorsque la contracture est très forte, à peine a-t-on découvert le
malade que souvent un véritable clonus spontané agite les membres inl'é-
rieurs. Ceux-ci présentent une attitude variable ; ils sont tantôt en adduction
et extension, tantôt en rotation interne combinée il une flexion légère.
L'équinisme est toujours accusé. Les muscles sont durs et saillants, par-
fois agités de secousses fibrillaires. Les paraplégies anciennes présentent
ces rétractions fibre-tendineuses dont nous avons déjà parlé, ainsi que
divers troubles trophiques. cyanose, état ichthyosique de la peau,adipose,
escarres du talon, des chevilles, des ischions, etc. Il convient de signaler
l'atteinte éventuelle des muscles tombo-abdominaux, aisée à mettre en
évidence en demandant au malade de s'asseoir pendant que l'on palpe la
sangle abdominale et notamment les orifices inguinaux au moment des
secousses de toux et des efforts de défécation. *
Les réflexes tendineux demandent un examen minutieux. Ils sont
exagérés dans leurs différents modes, et se caractérisent par une brus-
querie spéciale, une amplitude particulière, la généralisation rapide de
l'excitation provoquée dans un muscle aux muscles proches et même au
membre voisin.
La recherche des signes de Babinsky et d'Oppcnheimmontre générale-
ment une grosse extension de l'orteil. On note également avec une inten-
sité incomparable la trépidation épileploïde. Les secousses semblent
inépuisables et déterminent des mouvements non seulement au niveau
des articulations tibio-tarsiennes, mais encore dans les cas prononcés,
au niveau des fémoro-tibiatcs et des coxo-f'émorates. Le phénomène de
la rotule coexiste fréquemment avec le clonus du pied, et le quadriceps
est tout particulièrement remarquable par sa dureté, par l'exagération
de ses reliefs et la saillie de ses corps musculaires. Les réflexes cuta-
nés peuvent être normaux ou abolis, ils sont rarement exagérés. '
Les troubles de la sensibilité sont essentiellement variables; on peut
observer aneslliésie, hyperesthésie, dissociation syringomyélique, disso-
ciation des troubles des sensibilités superficielle et profonde. Ces troubles
présentent généralement une topographie radiculaire et permettent le
diagnostic en hauteur du siège et de l'étendue de la lésion (V. chap.
spécial). Ils se rencontrent dans la majorité des cas, sans être constants
cependant. Van Gehuehten a signalé des paraplégies spasmodiques ne
s'accompagnant d'absolument aucun trouble de la sensibilité.
PARAPLÉGIE. 489
Les réflexes cutanés peuvent être normaux ou abolis, ils sont rare-
ment exagérés.
Du côté de la sensibilité, des troubles essentiellement variables
peuvent se noter; leur étude scia plus utile à propos de chaque maladie
présentée.
L'atrophie musculaire diffère selon les cas, et sera mieux exposée au
chapitre des affections où son évolution, sa topographie et son intensité
présentent une valeur sémiologique spéciale. La D. R. manque le plus
souvent. La région dorso-lornl]aire étant le siège ordinaire des lésions
causales de la paraplégie, l'étude des troubles sphinctériens et génitaux
acquerra une importance toute particulière, et même tel accident vésical
ou génital peut être un véritable « signal symptôme », demeurer isolé
pendant des mois, et permettre cependant à lui seul l'orientation du
diagnostic. On devra donc tenir pour suspect de lésion médullaire tout
adulte atteint de lenteur des mictions ou de mictions impérieuses, d'in-
continence légère après avoir uriné, d'impuissance génitale progressive.
Mais il faut bien savoir que l'incontinence ou la rétention peuvent se
succéder chez le même individu, un priapisme n'être que passager et
précéder l'impotenlia coeuncli. .
Ce sont là troubles du début ; plus tard, on constate le plus souvent de
la constipation, et le malade urine goutte à goutte par regorgement. Ce
phénomène est généralement frappant lorsque l'on regarde marcher le
paraplégique : l'urine s'échappe et roule sur les membres déplacés avec
effort. Chez la femme, les règles se suppriment parfois, niais ce phéno-
mène n'a rien de constant.
Paraplégie flasque. Le tableau clinique est ici tout différent de ce
que nous avions rencontré chez les spasmodiques. Ceux-ci pouvaient
présenter, il est vrai, une flaccidité notable, parfois même complète,
mais c'était là phénomène secondaire, corrélatif à l'atrophie des muscles.
Il pouvait persister quelque réflexe dont l'exagération manifeste mettait
sur la voie du diagnostic évolutif.
Nous reviendrons un peu plus loin sur cette question épineuse des
réflexes. Pour le moment, signalons simplement les traits fondamentaux
du syndrome flaceide. Le tonus, la motilité, les réflexes tendineux sont
abolis. L'état des réflexes cutanés est variable; ils sont en général plutôt
diminués. Les troubles des sensibilités superficielles, de la notion de
position des membres, sont également assez divers pour qu'il soit impos-
sible d'en tracer un tableau précis. Il n'existe point de troubles tro-
phiques. si ce n'est dans les paralysies d'origine centrale. Les escarres
sont fréquentes, en effet, dans les affections aiguës, à marche fébrile,
rapide, telles que les méningo-myélites infectieuses. Les troubles
électriques sont des plus variables, nuls ou caractéristiques de la D. R.
Lorsque le malade atteint l'est de façon peu intense et lente, la marche
est parfois possible. Elle est à la vérité pénible : le malade se traîne sans
pouvoir détacher les pieds du sol. Il existe dans mainte circonstance un
[MOUTIER.] ]
490 PARAPLÉGIE.
steppage caractérisé et l'on note parfois une instabilité extrême : le
malade est obligé de piétiner sur place afin de maintenir l'équilibre que
l'impuissance des muscles de la jambe menace il tout instant de faire
perdre.
Ces paraplégies flasques débutent parfois subitement, comme nous
aurons d'ailleurs l'occasion de le redire. Dans ce cas elles demeurent
généralement flasques et s'accompagnent d'anesthésie à type radiculaire,
de relâchement des sphincters et d'affaiblissement, sinon de paralysie,
de la sangle abdominale. Comme dans les paraplégies spasmodiques. les
troubles de la sensibilité sont très variables et Van Gehuchten a pu dis-
tinguer des paraplégies flasques avec abolition des réflexes et sensibilité
intacte des paraplégies flasques avec abolition des réflexes et dissocia-
tion syringomyelique de la sensibilité enfin' des paraplégies flasques
avec réflexes abolis et anesthésie complète. Ajoutons que l'on a vu des
paraplégies flasques s'accompagner d'hypcresthésie, et l'on pourra juger
de la multiplicité et de la complexité de toutes ces formes.
Tétraplégies. - Les quatre membres sont atteints : les bras sont pris
fréquemment les premiers, et les phénomènes morbides demeurent en
général plus accusés à leur niveau.
Paraplégies sensitives. Les paraplégies sensitives pures relèvent
de l'hystérie. Exceptionnellement on a pu suivre l'évolution de para-
plégies organiques dans lesquelles les accidents moteurs ne se manifes-
tèrent qu'après une période, de troubles sensitifs purs. ,
Paraplégies croisées. Syndrome de Brown-Séquard. Le syndrome
de Brown-Séquard dépend d'une héiniseetion trauluat ique dc la moelle
ou d'une hémicompression (tuberculose, syphilis) ; il est moins pur en ce
cas. On peut constater un double syndrome de Hrown-Sequard par lésion
bilatérale. Essentiellement, le syndrome de 131'ozorr-Sc·clrccrncl est carac-
térisé par une paralysie spasmodique directe du membre inférieur,
c'est-à-dire du membre homonyme à la lésion, et par une ltémimues-
thésie croisée. Du côté direct s'observe une bemiparaplegie spasmo-
dique. Le début, toutefois, a pu être flasque, mais c'est la un phénomène
exceptionnel. Les réflexes sont très exagérés, l'orteil se place en exten-
sion. On note de l'hyperesthésie au tact, il la douleur, à la température,
hypereslhésie prononcée surtout vers le haut de la région. Au-dessus
de cette zone d'hypcresthésie se décèle une bande étroite d'anesthésie.
Sur tout le membre d'ailleurs, il y a abolition des sensibilités musculaire
et osseuse. On rencontre parfois de la dissociation syringomyeliquc. La
température du membre paralysé est supérieure il celle de l'autre cote.
Du côté croisé la inutilité est normale. On a bien signalé de l'beunpa-
résie : mais ce trouble reste exceptionnel. Il s'accompagne d'une faible
tendance à la spasticité, mais sans contracture. La peau de celle région
est anesthésique. La zone insensible remonte moins haut que l'hyperes-
thésie directe. Elle est surmontée d'un petit ruban d'bypercstbesie dont
la limite supérieure comcide avec la bande d anestbesie du côte direct.
PARAPLÉGIE. Mil I
mais plus souvent qu'en ce dernier côté, ces différentes viciations l'ont
place a une dissociation syringomyélique.
Formes évolutives, aiguës, chroniques. Certaines paraplégies
frappent de façon massive, atteignent presque d'emblée leur maximum,
immobilisent le malade immédiatement. Les méningo-myélilcs, les poly-
névrites, les complications médullaires ou névritiques des maladies infec-
tieuses aiguës, fébriles, évoluent de la sorte et déterminent une para-
plégie, flasque en général. '
Les .affections chroniques, la tuberculose, la syphilis, les maladies
spéciales il l'axe cérébro-spinal, la sclérose en plaques, la sclérose latérale
amyotrophique, les troubles d'origine vasculaire, les grosses lésions
congénitales ont au contraire une inarche lente et déterminent une affec-
tion spasmodique. Au cours de ces évolutions prolongées, les alternatives
spontanées d'aggravation et d'amélioration sont fréquentes ; on peut
même observer dans quelques cas (mal de Pott, par exemple) la succes-
sion de phénomènes spastiques ou flaccides.
Classification des paraplégies. - Un exposé pratique des paraplégies,
permettant au non-spécialiste d'arriver au diagnostic avec le moins de
chances d'erreur possibles est tâche malaisée. Rien n'est aussi variable en
effet que le syndrome étudié, et tout particulièrement ici, il y a, non
pas une maladie, mais des malades.
Nous exposerons tout d'abord les éléments du diagnostic différentiel
des troubles de la marche; nous séparerons ensuite les paraplégies,
flasques des paraplégies spasmodiques. Dans celles-ci nous distinguerons
les paraplégies de l'enfant, du vieillard et de l'adulte, ce dernier groupe
étant de beaucoup le plus compréhensif. Nous ferons remarquer que les
paraplégies il marche aiguë correspondent à peu près aux paraplégies
flasques et les paraplégies chroniques aux paraplégies spasmodiques. La
division rigoureuse en paraplégies d'origine cérébrale, médullaire, né-
vritique, musculaire et fonctionnelle n'aurait aucun intérêt au point de
vue pratique, et serait il peine justiciable au point de vue dogmatique.
Cependant, signalons que les paraplégies de l'enfant et du vieillard sont
souvent d'origine cérébrale, et que parmi les paraplégies de l'adulte les
flasques sont plutôt d'origine névritique, musculaire ou fonctionnelle, les
spasmodiques d'origine médullaire.
Nous avons attiré déjà l'attention sur la difficulté, sur l'absence de
rigueur que présente souvent, le groupement des paraplégies en deux
classes, l'une ffaccide, l'autre spasmodique. Celte difficulté vient de ce
que, il l'heure actuelle, on ignore, encore d'une façon définitive les causes
présidant régulièrement t l'exagération ou il l'abolition des réflexes, c'est-
à-dire il leur déterminisme précis. Chez le même individu peuvent se
succéder le type flasque et le type spastique. Des conditions, semblables
en apparence, provoquent tantôt l'apparition d'une paralysie spasmo-
dique, tantôt d'une flaccidité totale. Joignons à ces faits la diversité que
présentent en la durée de leur évolution des cas analogues; signalons les
[MOUTIER.] ]
4n2 PARAPLÉGIE.
combinaisons multiples que peuvent réaliser les troubles de la inutilité,-
de la réflectivité, de la sensibilité; on comprendra de la sorte que toute
classification des paraplégies est purement conventionnelle et ne peut
avoir que des visées pratiques.
Quelles sont donc, à l'heure actuelle, nos acquisitions indéniables au
sujet des réflexes dans les paraplégies ? , '
Nous laisserons de côté toute discussion théorique : on sait que des
paraplégies flasques et destinées à le demeurer toujours sont déter-
minées par les sections brusques et totales de la moelle, et, chez les
spastiques, par les altérations secondaires du neurone moteur périphé-
rique : cellule de la corne antérieure, racine, nerf, muscle. Seront spas-
modiques (sans que jamais l'on puisse affirmer qu'elles le demeureront,
le neurone périphérique pouvant être tardivement altéré) les paralysies
dépendant de l'irritation, de la sclérose, de l'agénésie du faisceau pyra-
midal, les paralysies consécutives aux sections incomplètes de la 'moelle.
On a signalé des sections incomplètes avec paralysies flasques dont la
raison s'explique mal en dehors d'altérations périphériques. On a décrit
encore des paraplégies spasmodiques avec section complète de la rnoelle.
Mais pour que ce dernier cas se réalise, il faut que la section - progres-
sive ait mis une année au moins à s'accomplir. Au fond, on peut
encore dans la plupart des cas de paraplégie par compression lente
admettre l'ancienne formule. « Il y a suppression des réflexes centrés au
niveau de la lésion, exagération de ceux qui s'organisent au-dessous. »
Mais il n'existe, pour les paraplégies, de type univoque ni par les
symptômes, ni par l'évolution. La classification même des types morbides
en spasmodiques et llaccides est essentiellement artificielle pour beau-
coup de groupes, pour les compressions médullaires notamment, ou,
chez le même individu, peuvent encore une fois se présenter successive-
ment ces différents tableaux.
Diagnostic différentiel du syndrome paraplégie. La
paraplégie, avons-nous dit, peut être flasque ou flaccide; de là deux
ordres de confusion possibles. Dans certains cas, en effet, l'on pourrait
croire à une démarche spasmodique là où en réalité la spasticité ne joue
aucun rôle dirimant; dans d'autres circonstances, la marche est impos-
sible, sans qu'il v ait à proprement parler paralysie.
Démarches ataxo-cérébelleuses. Ces troubles de la progression
sont en réalité fort différents de la démarche spasmodique vraie. Dans
l'ataxie pure du tabès et de la névrite interstitielle 1t ! /}JatropltÙ/IIl' de
Dejerine et Sottas, les mouvements présentent une incoordination
extrême, une amplitude exagérée, ridicule, dont l'aboutissant est une
démarche saccadée, avec projection des jambes bien au delà de la dis-
tance appropriée et choc du talon sur le sol. Le mouvement ne s'adapte
pas au but. Enfin, chez de tels malades, la force musculaire est a peu
près normale (a moins qu'il n'y ait atrophie).
Des gestes exagérés, ridicules, se rencontrent encore dans (athétose
PARAPLÉGIE. 'i'.IÔ
\
et la chorée. Les mouvements choréifornies sont incohérents, rapides,
souples, ronds. Même incohérence dans l'athétose, mais les mouvements
sont beaucoup plus lents et plus amples. L'athétosique approfondit le
geste que le ctioreiquc esquisse seulement. La démarche dans l'athétose
double, affection distincte de l'alhétosç post-hémiplégique, est extrême-
ment ralentie. Le sujet se livre il de multiples contorsions du tronc, du
visage, des membres supérieurs. Les jambes sont jetées latéralement,
niais avec beaucoup moins de violence que chez un tabétique. Le tronc
cambré, les épaules repoussées en arrière, semblant constamment prêt
il perdre un équilibre qui se retrouve toujours, l'athétosique progresse
en se dandinant.
Également lointaine de la démarche spasmodique est la démarche
cérébelleuse. Ses caractères sont' trop connus pour que nous insistions.
Le malade semble ivre et festonne. Une combinaison de la démarche
cérébelleuse et de la démarche ataxique peut, se rencontrer. Il en est
ainsi dans la maladie de Friedreich, où le malade titube et talonne.
Mais la spasticite peut, compliquer l'ébriété du cérébelleux; cette
démarche cérébello-spasmodique se rencontre notamment dans la sclé-
rose en plaques. Enfin, un mélange d'ataxie et de spasmodicite caractérise
les scléroses combinées. Dans quelques cas. le syndrome est plus com-
plexe encore. Certains tabétiques arrivent ainsi à présenter une difficulté
de la marche dont sont responsables il la fois l'ataxie, la paralysie et
l'atrophie musculaire.
Les états vertigineux ne peuvent guère prêter il confusion avec les
syndromes spasmodiques; il y a dans le vertige titubation avec chutes ou
propulsions rappelant bien peu les petits pas des spasmodiques. De plus,
la base de sustentation est rétrécie chez le paraplégique, élargie chez le
vertigineux.
, Démarches sautillantes, à petits pas. Ce mode de progression
pourrait rappeler la démarche trépidante des spasmodiques. Il s'observe
chez des malades essentiellement différents, organiques ou névropathes.
Les premiers sont des lacunaires ou d'anciens grands hémiplégiques
avec abasie associée il des (roubles organiques. Dans le second groupe,
l'abasie est pure de toute association. Les malades sont des névropathes,
et les circonstances dans lesquelles débuta le trouble nouveau mettent
parfois sur la voie du diagnostic. Dressés sur leurs jambes, ils ne peu-
vent progresser qu'en sautillant; leurs membres semblent raidis, parais-
sent avoir oublié le mécanisme de la marche. Ils s'avancent trémulants,
absurdes. Parfois, on les voit s'aider d'une canne, de béquilles, faire
ainsi quelques pas pénibles, heurtant les genoux, accrochant les pieds.
Soudain, l'angoisse, l'inhibition disparaissent et le malade, abandonnant
ses béquilles ou lâchant le, bras de l'aide, marche comme tout le monde.
Un arrêt, et le cycle se renouvellera au prochain départ. Souvent, ces
malades marchent bien à cloche-pied, it quatre pâlies. Voyez-les assis ou
couchés, vous constaterez une force normale de leurs divers segments,
- [MOUTIER.]
494 4. PARAPLÉGIE.
et l'exécution parfaite des mouvements commandés. Dans certains cas se
révèle une exagération même de cette démarche sautillante. Le malade
est alors projeté en l'air par une espèce de saut dès que ses pieds toit-
chent le sol ; il progresse ainsi par bonds successifs. Ce spasme saltatoire
de Gamberger peut même être provoqué au lit par flexion brusque
du pied.
Troubles de la marche par contractures ou rigidités de nature
diverse. Impotences locales. La démarche peut être sinon tout à fait
abolie, du moins considérablement gênée par des rétractions fibro-ten-
dinellses, Ces rétractions s'observent à la suite de paralysies des exten-
seurs du pied ou de contractures des fléchisseurs. Le malade se déplace
sur la pointe des orteils : Charcot comparait cette allure à la « démarche
des ballerines ».
A côté de cette difficulté de progression liée aux contractures, se
placent les troubles déterminés par la rigidité musculaire. Il en est ainsi
dans la paralysie agitrlllie où le malade, le tronc penché en avant, pro-
gressant par pas menus et précipités, l'air soudé, semble poussé par une
force extérieure. Chez les litoiiiseii existe un spasme au début, des mou-
vements volontaires. Le malade est cloué sur place, figé un instant en
une attitude qui peut être fort instable. Il reste parfois immobilisé ainsi
d'une à deux minutes. Cette myotonie est toute la maladie, et le spasme
une fois vaincu, il ne subsiste rien d'anormal. Il est d'ailleurs excep-
tionnel que cette rigidité intermittente apporte un obstacle sérieux à la
marche.
Certaines impotences d'origine strictement, locale sont faciles à décou-
vrir avec un peu d'attention. Il en est ainsi des fractures, luxations,
ostéomyélites, des lésions de la maladie de Barlow, des atrophies muscu-
laires réflexes liées aux arthropathies tabétiques ou banales. Chez le
vieillard, retenons ce point, de très faibles lésions suffisent il faire garder
le lit.
Valeur séméiologique du syndrome paraplégie. Para-
plégies de l'adulte. Nous étudierons successivement les para-
plégies de l'adulte, de l'enfant et du vieillard. Une telle division est
pratique, mais forcément schématique, on ne saurait l'oublier. Nous
distinguerons chez l'adulte des paraplégies spasmodiques et des para-
plégies flasques. Afin de simplifier les éléments du diagnostic, les para-
plégies fonctionnelles, le plus souvent flasques d'ailleurs, ne seront pas
traitées il part, mais réparties entre les paraplégies flasques et spatiques.
I. Paraplégies spasmodiques. Chez l'adulte, en présence
d'une paraplégie spasmodique, le clinicien doit songer avant tout au
mal de Pott, à la sclérose en plaques, à la myélite syphilitique d'l,rh.
a) Paraplégies avec exagération des réflexes sans contracture;
atrophie musculaire constante. Le diagnostic des maladies rentrant
dans ce cadre est assez facile. Nous y rangerons la sclérose latérale amyo-
trophique et les paraplégies spastiques avec atrophie secondaire.
PARAPLEGIE. '. 49;¡
La sclérose latérale amyotrophique est une affection systématisée du
faisceau pyramidal. Elle présente dans son évolution deux périodes dis-
tinctes, l'une d'atrophie progressive avec exagération des réflexes aux
quatre membres, débutant à vrai dire par les membres supérieurs,
l'autre d'atrophie intense avec disparition des réflexes au prorata de
l'atrophie. Cette atrophie est du type Aran-Ducbcnneau niveau des mains;
les doigts sont un peu fléchis. L'évolution de la maladie se l'ait en une
ou deux aimées au maximum, et la mort survient au cours d'accidents
glosso-Iabio-Iaryngés. Il n'y a donc de phénomènes de contractures à
aucun moment de l'évolution. On constate seulement, nous le répétons,
une impotence bientôt absolue des membres inférieurs. Les masses mus-
culaires disparaissent assez rapidement; l'exagération des réflexes est
cependant encore perceptible avec des muscles très atrophiés.
On peut également observer de l'atrophie des membres inférieurs avec
exagération des réflexes à la phase terminale des paraplégies spasmo-
diques les plns diverses accompagnées de contracture. Dans ces cas, la
contracture musculaire cède devant l'atrophie, mais l'exagération des
réflexes peut être mise en évidence pendant quelque temps encore. Ce
sont les anamnestiques surtout qui permettront le diagnostic en sem-
blable matière.
b) Paraplégies spasmodiques avec contracture. 1° Le diagnostic
éliologique s'impose. II en est ainsi lorsque la paraplégie est survenue
à la suite d'un traumatisme, d'une blessure directe ou indirecte, d'une
fracture du rachis ou d'une luxation vertébrale. Assez souvent, la bles-
sure (par coup de couteau en général) détermine seulement une hémisec-
tion de la moelle et provoque le syndrome de Brown-Sequard. Le
diagnostic etiotogique est encore facile lorsque la lésion est une hémato-
myélie par décompression brusque (mal des caissons, maladie des plon-
geurs, des scaphandriers). Dans lotis ces cas, la paraplégie est en
général flasque au début, et ne devient spasmodique qu'au bout d'un
temps variable. Lorsque la section de la moelle est immédiatement
totale, la paralysie demeure immuablement flasque; nous aurons
l'occasion de le redire il propos des paraplégies l1ac('ides.
2" // existe presque toujours des symptômes osseux, de la défor-
mation rachidienne, de la douleur vertébrale. On constate fréquem-
ment la dissociation s ! Jril1gomyélique de la sensibilité, le syndrome de
l3towtt.-Sequatcl. Dans ce groupe nous rangerons toutes les compres-
sions médullaires intrinsèques ou extrinsèques, le mal de Poil, le
cancer vertébral, la s ! J1'il1golll ! Jélie, maladies dans lesquelles la défor-
mation osseuse, la dissociation tactile, douloureuse, thermique, le syn-
drome médullaire croisé peuvent également et simultanément s'observer.
De toutes les compressions médullaires, la plus fréquente est, à coup
sur, celle que tient sous sa dépendance la tuberculose vertébrale ou mal
de l'oll. Le diagnostic en est parfois très facile : il en est ainsi tontes
lois que le malade présente un passé vertébral. Encore serait-il bon de
[MOUTIER.]
1% PARAPLÉGIE. ,
ne pas oublier que des rachitiques aux colonnes tordues, peuvent
présenter des paraplégies de cause banale non bacillaire. On a même
signalé des troubles spasmodiques spéciaux aux rachitiques, d'étiologie
imprécise encore, mais non pottique. Ces réserves sont destinées seule-
ment à mettre le clinicien en garde contre une assimilation trop hâtive à
la tuberculose vertébrale de toute paraplégie survenant chez un scolio-
tique. Le diagnostic peut évidemment être aisé. Les lésions du rachi-
tisme remontent au jeune âge; il existe d'autres déformations, etc. Du
reste, un rachitique peut être pottique. Une certaine circonspection est
de mise en de telles observations.
Ces remarques étant faites, nous admettrons que les altérations verté-
brales sont suffisamment pathognomoniques pour entraîner le diagnostic,
et nous nous occuperons spécialement de ces cas où la tuberculose
osseuse est peu apparente ou même tout à fait dissimulée. D'ailleurs, les
troubles osseux sont les mêmes ou il peu près dans tous ces cas.
En dehors des grands désastres causés par section lors du glisse-
ment d'une vertèbre cariée, la moelle des tuberculeux peut être atteinte
par abcès froid ou par pachyméningite. La paraplégie des pottiques pré-
sente fréquemment des alternatives de spasticité et de flaccidité. Et,
d'une façon générale, la inutilité est plus atteinte que la sensibilité; les
troubles sphinctériens sont inconstants.
La sensibilité est atteinte de façon diverse. Ses altérations pré-
cèdent parfois les troubles de la motilité; et il n'est point rare d'observer
le syndrome de Brown-Sequard simple ou double. Chipault a noté, à
des intervalles rapprochés, des alternatives très prononcées dans l'étendue
et l'intensité des troubles sensitifs. Cette « anesthésie oscillante » ne
s'est rencontrée que dans les cas où l'altération présentait une topogra-
phie médullaire.
Le syndrome médullaire n'est pas le seul, ni même le premier il se
révéler au cours du mal de Pott. II existe également un syndrome rachi-
dien et un syndrome radiculaire. Dans le premier se rencomrenf des
déformations sur lesquelles nous nous sommes suffisamment expliqué,
ainsi que de l'hyperesthésie des apophyses épineuses à la pression ou
à la chaleur. Les signes radiculaires sont beaucoup plus difficiles iL
interpréter, ou plutôt à isoler de l'ensemble du syndrome pottique. Il
existe pourtant à le faire plus qu'un intérêt de localisation exacte. Géné-
ralement, en effet, les racines sont atteintes avant la moelle, et le
pronostic ne peut être porté avec un peu de justesse que s'il est possible
d'évaluer, au moins approximativement, les lésions respectives de ces
organes distincts.
La lésion des racines se traduit avant tout par les pseudo-névratgies.
Ce sont des douleurs en ceinture, irradiant des gouttières vertébrales,
uni- ou bilatérales. Il n'existe pas de points de Valleix, ce qui justifie le
terme de ]1seudo-névralgie que l'on donne ces lancinements. Cette
règle est loin d'être absolue toutefois, et de tels points peuvent se ren-
PARAPLÉGIE. 4UÍ ï
contrer. Signe plus intéressant et constant, ces douleurs sont atténuées
par le déeubilus, et cela de telle façon, que V épreuve du lit acquiert une
valeur pathognomoniquc. Enfin, on a signalé la fréquence plus grande de
l'incontinence dans les lésions radiculaires, de la rétention dans les
lésions médullaires, et les troubles trophiques sont généralement attri-
bués à des altérations périphériques, qu'il s'agisse de zona, de bulles
éparses ou d'escarres.
En réalité, on rencontre habituellement un syndrome radiculo-médul-
laire. On a voulu attribuer quelque valeur diagnostique à l'évolution
d'une paraplégie llaccide vers la spasticité; la lésion aurait, dans ce cas,
atteint les racines d'abord, la moelle ensuite. Plus tard, il pourrait ne
plus avoir seulement compression de la moelle, mais aussi myélite, et
la paraplégie, de spasmodique, redeviendrait llaccide. De telles schéma-
tisations sont commodes pour secourir la mémoire; en pratique, on se
gardera de vouloir les faire cadrer avec l'évolution clinique d'un malade
étudié. La ponction lombaire ne décèle point de lymphocytose au cours
des accidents pottiques.
On a décrit un mal de Pott syphilitique; sa rareté nous dispense
d'insister sur un tel syndrome.
Ce que nous venons de dire précédemment nous permettra de glisser
rapidement sur les autres compressions médullaires. Dans le cancer
vertébral existent souvent des douleurs atroces (paraplégie douloureuse
des cancéreux de Charcot). Ces douleurs, liées à l'effondrement des trous
de conjugaison, se prononcent surtout dans le crural et le sciatique.
Elles s'accompagnent souvent de troubles trophiques intenses.
Nous ne saurions passer en revue toutes les compressions possibles.
Les tumeurs sont nombreuses, méningées ou extra-méningées, intra-
rachidiennes ou extra-rachidiennes, qui peuvent atteindre la moelle. Les
méningites chroniques peuvent agir de même. Signalons ici la pachy-
méningile cervicale hYPl'1't¡,oplâqlll'. Cette affection présente un syn-
drome clinique caractérisé par une tétraplégie. La paralysie est progres-
sive, spasmodique, prononcée surtout aux membres supérieurs. Cette
évolution est fort longue, atteint des années, dépasse infiniment celle de
la sclérose latérale amyotrophique. 11 finit par exister une contracture
très marquée, prononcée surtout aux mains. Celles-ci présentent égale-
ment de l'atrophie du type Aran-Duche11lH', et à la période d'étal, le
malade peut ressembler un peu à un syringomyelique. On peut même
noter la dissociation caractéristique de la sensibilité. Le diagnostic
entre les deux affections est alors difficile. On admet qu'il n'y a jamais
de cylllul-scoliose, de thorax en bateau, de panaris analgésique, de main
en pince de homard dans la pachyméningite de Charcot. et ,T 0 f1'ro y .
Nous sommes amenés ainsi il nous préoccuper du tableau clinique de
la compression par tumeur intra-lnédallairc, et de la syringomyélie, syn-
drome voisin. Le siège de la tumeur tlllt'l(-Itt('clllllCl2'l'L influe naturelle-
ment sur la symptomatotogie. Il existe souvent une première phase de
PII,\TIQUE ,OEUIIOI.. 52
[htOUTIER.]
498 PARAPLÉGIE.
douleurs lancinantes. Ces douleurs peuvent être unilatérales; elles peu-
vent être pendant des années le seul accident que déterminent la pré-
sence et l'évolution de la néoplasie. Plus tard, il peut se développer
quelque chose de très semblable à la syringomyélie, ou bien l'on peut
observer un syndrome de Brown-Sequard.
Lorsqu'il s'agit non plus de tumeurs illha-rnéclllllnircs, mais de dila-
tation de la moelle ou de cavités centrales, les malades se présentent
atteints de tétraplégie. 11 peut s'agir d'h ! Jdnllll ! Jélie ou dilatation simple
du canal épendymaire; c'est une syringomyélie sans troubles de la sensi-
bilité. La syringomyélie proprement dite présente un tableau clinique
des plus nets. Les membres inférieurs présentent un état spastinuc
léger le plus souvent, parfois même limité à de l'exagération des réflexes.
Les principaux troubles intéressent les membres supérieurs : contrac-
ture, thcrmo-anesthesie et analgésie, atrophie de la musculature de la
main, troubles trophiques des doigts. La main présente des types divers :
atrophiée, elle correspond au type de la main de singe ou de cadavre;
atteinte de troubles trophiques, c'csl. la main de Jlorvan avec ses panaris
analgésiques; gonflée, sans oedème du reste, une telle main est « succu-
lente » (Pierre Marie et Marinesco). Enfin, lorsque la contracture ferme
les doigts, celle flexion est progressive et toujours effectuée dans le
même ordre, en -débutant au petit doigt. Le pouce et l'index, les derniers
il s'abaisser, se font vis-à-vis comme une pince, et celle main en « pince
de homard » ne se voit absolument que dans la syringomyélie. Il existe
enfin dans celte maladie de la eyplw-scoliose avec incurvation transver-
sale de la poitrine, d'une épaule il l'autre, « thorax en bateau » de Pierre
Marie et Astier.
5" Paraplégies spasmodiques avec exagération des réflexes et
contracture au niveau des membres suj>érieui,s. Tétraplégies. La
démarche, au lieu d'être purement spaslique, est quelquefois alaxo- ail
cérébello-spasmodique. Les maladies que nous rangeons ici ne sont
pas toutes il présenter la totalité des symptômes ennmeres. La sclérose
latérale amyoirophique, la sclérose en plaiptes, la syringomyélie, la
pach ! /1JIéningile cervicale hyperlrophique, et d'une façon générale, les
compressions médullaires de la région cervicale, présentent également,
l'exagération des réflexes aux quatre membres et la démarche spasnm-
dique. Mais, si la contracture des bras et la griffe des mains sonthabi-
tuelles dans les compressions cervicales, la pactiynteningite, la syringo-
myélie, elles sont exceptionnelles dans la sclérose en plaques ; elle ne
s observe jamais dans la sclérose latérale ainyolrophique. Enfin, la
description de tontes ces maladies a trouvé sa place dans les paragraphes
précédents, à l'exception de la sclérose en plaques, dont nous présente-
rons en quelques mots les caractères diagnostiques.
La paraplégie spasmodique de la sclérose en, plaques est, en général,
typique, d'intensité moyenne. Les troubles des sphincters, les altérations
trophiques sont exceptionnels et très tardifs en tout cas. Les troubles de
PARAPLÉGIE. 4M
la sensibilité sont absents ou de second plan. Des amyotrophies tardives
peuvent intervenir.
On observe pour ainsi dire toujours de l'exagération des réflexes ten-
dineux aux membres supérieurs, même lorsque ceux-ci ne présentent
aucun trouble fonctionnel. La marche est souvent possible encore; le
malade fréquemment talonne ou festonne, associant à la démarche sac-
cadée du spastique l'incoordination de l'ataxique, et plus souvent,
l'allure ébrieuse du cérébelleux. Les rémissions sont très fréquentes et
prononcées. Elles ne se rencontrent pour ainsi dire à ce degré dans
aucune autre affection, si ce n'est peut-être dans le mal de Pott. Elles
sont suffisamment intenses, suffisamment prolongées pour que le malade
puisse se croire guéri. L'exagération des réflexes persiste naturellement
pendant ces périodes où la contracture diminue, où la marche est facile.
Le diagnostic est aisé lorsqu'avec.. ta paraplégie coexistent tremble-
ment intentionnel, (roubles de la parole, nystagmus. Mais ces symptômes
peuvent faire complètement défaut; aussi, en présence de toute para-
plégie ne présentant pas if. l'évidence -sa signature éliologique, on peut,
on doit songer à la sclérose en plaques. " -
4" Paraplégies shasnirodirjncc ? avec contracture intense, troubles
sphinclériens prononcés et précoces; il peut exister des troubles Il'0-
phiqnes souvent effrayants [escarres). Ces caractères permettent
de grouper les myélites syphilitiques.
La syphilis médullaire présente des tableaux cliniques variables.
Comme dans le mal de Pott, la moelle peut être atteinte de' façons difté-
rentes. Elle sera, selon les cas, altérée par des hyperostoses vertébrales,
de l'artérite avec myéloinalacie consécutive, des gommes, de la méningite
en plaques ou en virole, vasculaire ou gommeuse. Ces différents acci-
dents peuvent être localisés ou disséminés, uniques ou ulUltipI0s : ,Il : existe
donc, répétons-le, de nombreux syndromes. Certains sont banaux .et res-
sortissent de l'élude de la compression médullaire : c'est ainsi que' des
gommes peuvent réaliser le double syndrome de Brown-Sequard, par-
exemple. '
Une fréquence particulière et un ensemble caractéristique de symptômes
mettent en relief la paraplégie de Erb parmi les différents types de
inéningo-myélile syphilitique chronique. Cette paraplégie survient de 4 à
Ü ans après le chancre, il cette époque où la syphilis nerveuse fait des
lésions beaucoup plus chroniques qu'au début, lésions d'emblée moins
dangereuses et dramatiques, niais aussi infiniment plus progressives et
plus irrémédiables. Pour ne parler que de la moelle en effet, les accidents
précoces, survenant de 18 mois à ô ans après le chancre, sont de ces
lI1éningo-mYt'li tes aiguës il évolution foudroyante et le plus souvent mor-
telle. La paraplégie de Erb est, au contrnire, essen'irllement-Lénine, et
dans la très grande majoré des cas, elle constitue plutôt une/infirmité.
fort gênante à la vérité, (prune grande maladie.
Le début est essentiellement variable, mais' en général tout à fait pro-
. ! .\
\ ,\, [MOUTIER.]
500 - PARAPLÉGIE. : -
gressif, dissimulé pour ainsi dire. Tantôt il s'agit- de paresthésies, de
sensations subjectives d'engourdissement, de fourmillement, tantôt chez
un malade affaibli, asthénique, quelque trouble vésico-urinâire ou génital
est très fréquemment le premier en date. Cela est important à reconnaître
et à savoir apprécier : la paraplégie de Erb a fréquemment, en effet, un
début mono-symptomatique, et elle peut rester réduite fort longtemps,
un chiffre élevé d'années même. Tout peut se. borner ainsi à un peu
d'affaiblissement de la puissance génitale, à la difficulté de résister aux
envies d'uriner. '
Lorsque surviennent les troubles de la marche, on constate une altéra-
tion variable de celle-ci. Elle est parfois assez grande. Le malade frotte
le pied et fait un effort violent pour avancer chaque membre. Il semble
même y avoir, à première vue, plutôt spasticité que paralysie. En réalité,
celle-ci existe et même à un degré notable, mais la force musculaire est
atteinte seulement au niveau des 1'accou1'cissew's des membres inférieurs,
parfois aussi du tronc et du cou, elle est presque intacte au niveau des
extenseurs (Pierre Marie). Les réflexes sont nettement exagérés. Il-
n'existe jamais de trouble trophique, escarre ou atrophie.
Une des caractéristiques de la paraplégie de Erb est l'existence de
mictions impérieuses. Jamais le malade ne perd ses urines goutte à
goutte ou n'urine dans son pantalon sans s'en rendre compte; mais
souvent il est pris d'une envie brusque, et s'il ne la satisfait aussitôt,
c'est-à-dire dans un délai de quelques secondes ou d'une minute au
plus, il ne peut se retenir plus longtemps et urine dans ses vêtements.
Ce symptôme est, dans sa netteté, presque pathognomonique. Ajoutons
crue le malade présente généralement 'de la constipation. On peut cepen-
dant observer à titre exceptionnel de pressants besoins de défécation.
Cette forme est susceptible de grandes améliorations, de guérisons
même, selon Erb. Il est exceptionnel que les progrès de la paralysie con-
finent le malade au lit. Le pronostic est donc en somme relativement
-favorable et c'est là une éventualité assez rare dans les paraplégies pour
qu'on lui donne un relief suffisant. Répétons enfin que ce type de para-
plégie, avec lequel on est généralement insuffisamment familiarisé, est
un des plus fréquents qui soient. ' -
Nous rencontrerons plus loin les méningo-myélites syphilitiques
aiguës. Il nous reste à parler ici des myélites transverses syphilitiques
ou d'une façon plus générale des myélites transverses chroniques. Les
types le plus souvent rencontrés en clinique sont du reste d'origine
syphilitique, et l'on peut, entre le type de Erb et. la myélite transverse
proprement dite, rencontrer toutes les transitions. Bien plus, la syphilis
peut déterminer des plaques de sclérose produisant la spasticité des
membres supérieurs, du nystagmus, des troubles de la parole, tout le
groupement classique de la sclérose en plaques ordinaire; et déjà, chez
les paraplégiques de Erb, l'exagération des réflexes au niveau du
membre supérieur est loin d'être exceptionnelle.
. PARAPLÉGIE. 501
Pour en revenir à la myélite transverse, il convient de noter que, con-
trairement à la paraplégie de Erb, cette myélite présente souvent un
début assez rapide, quelquefois apoplectiforme. Il se peut même que le
malade meure dans le coma. On rencontre fréquemment aussi des sym-
ptômes méningés initiaux. Ils sont de deux ordres : les uns cérébraux, ',
diplopie, céphalée, les autres rachidiens, douleurs en ceinture ou irra-
diées aux membres inférieurs, raideur de la colonne vertébrale (Kernig).
Il survient alors une paralysie flasque d'instauration rapide, puis, avec
une rapidité semblable des contractures empêchant tout déplacement. En
même temps s'observent des troubles génito-urinaires prononcés. Il y a
quelquefois au début du priapisme, de la rétention d'urine avec miction
vraie. Le malade garde le lit. Les jambes en hyperextension sont croisées
par adduction forcée, le clonus existe au plus haut degré; l'anesthésie
s'étend aux membres inférieurs et aux régions les plus basses du tronc
qui furent au début le siège d'une hyperesthésie évidente. Enfin, si
les atrophies, du moins très marquées^ sont rares, il n'en est pas de
même pour les escarres. Celles-ci sont, à la vérité, peu envahissantes;
mais elles peuvent entraîner la mort. L'issue fatale peut survenir égale-
ment au cours de phénomènes bulbaires. ,
De cette forme chronique, il faut distinguer les formes subaiguës, qui,
justement, sont les types à début par accidents méningés. On signale
aussi des formes curables à rechutes.
Il est peu de chose à modifier du tableau précédent pour le faire cadrer
avec la description générale des myélites transverses chroniques. Consé-
cutives à des maladies chroniques comme la tuberculose, ou bien à des
maladies aiguës comme la fièvre typhoïde, essentiellement variables en
leur intensité ou leur évolution, elles sont souvent plus accusées d'un
côté que de l'autre. Elles aussi peuvent avoir un début aigu, flasque,
suivi d'une évolution traînante vers la spasmodicité. On peut,' à vrai
dire; observer exactement l'inverse. La marche est lente : il faut des
mois pour atteindre l'état définitif. À ce moment, la contracture est des
plus fortes. Les troubles sphinctériens et trophiques sont très intenses,
l'hypéresthésie est fréquente. On a signalé le syndrome de Brown-Sequard.
Enfin, la mort peut survenir par infection vésicale ou cutanée, fréquem-
ment par escarre énorme, dénudant le sacrum, ouvrant le canal médul-
laire, déterminant une méningite ichoreuse.
5° Maladies- familiales. La paraplégie spasmodique familiale
débute dans l'enfance : nous l'étudierons au chapitre particulier consacré
au jeune âge. " '
6° Paraplégies spasmodiques ne s'accompagnant en général ni de
troubles des sphincters, ni de troubles trophiques, ni d'extension de
l'orteil. Paraplégies fonctionnelles. - Les paraplégies fonctionnelles
sont flasques d'ordinaire. La suggestion, la simulation peuvent réaliser
cependant des syndromes spasmodiques. L'existence de contractures n'a
donc aucune valeur pour infirmer ou confirmer le diagnostic d'hystérie,
[MOUTIER.]
Mi2 PARAPLÉGIE. '
par exemple. L'instauration rapide des contractures, leur degré excessif
l'absence d'atrophie seront plutôt en faveur d'une paraplégie fonction-
nelle, bien qu'une telle paralysie puisse rarement à vrai dire s'ac-
compagner d'atrophie. Pour le diagnostic, général de ces formes, nous
nous reporterons aux paraplégies flasques.
II. Paraplégies flasques. Comme pour les paraplégies spas-
modiques, nous réunirons tout d'abord un certain nombre de cas dans
lesquels le diagnostic, s impose d'emblée.
1 Le diagnostic éliologique de la paraplégie est évident. - Nous
retrouvons ici les facteurs étiologiques déjà signalés dans le groupe
homologue des paraplégies spasmodiques, c'est-à-dire les blessures, sec-
tions, compressions par traumatisme direct (coup de couteau) ou indirect
(fracture, luxation rachidienne) de la moelle, par mal de Pott [vertèbre
cariée (voussure subite), rupture d'un abcès froid], les altérations par
bematomyetic (travailleurs dans l'air comprimé, scaphandriers, plon-
geurs, ouvriers des caissons). La paraplégie, nous l'avons déjà dit, est
toujours flasque au début (sauf dans le, mal de Pott où les paraplégies,
par compression à début soudain peuvent être d'emblée spasmodiques) ;
niais elle demeurera flasque seulement si la section de la moelle a été
d'emblée ou rapidement totale. Les troubles trophiques, les altérations
de la sensibilité (anesthésie, dissociation s'I'IIrOrrIV'('111111C), les troubles
sphinctériens sont précoces et intenses. Si la section de la moelle est
incomplète, la paraplégie deviendra spasmodique, ou présentera des
alternatives de flaccidité et de spasticité dont la raison nous échappe
souvent encore.
2° Praplégies flasques à évolution aiguë. Poliomyélites. Poly-
névrites. Il existe tout un groupe d'affections médullaires aiguës,
dépendant nettement de processus infectieux, caractérisées par une
paralysie flasque et une évolution rapide, souvent fatale. Ce sont les
méningo-myélites, les myélites, les poliomyélites et la paralysie de
l.artcl r y/, ..
Occupons-nous d'abord des myélites et méningo-myélites aiguës.
fréquemment liées il la syphilis ou à la tuberculose. Ces maladies sur-
viennent, de façon précoce chez le syphilitique, de J 2 à 20 mois après
le chancre. Le début survient il propos d'un excès, de surmenage
variable. Les réflexes sont rapidement abolis cl l'immobilisation des
membres, l'anesthésie sont bientôt complètes. Il existe ordinairement
d'assez vives douleurs. Les sphincters sont paralysés, urine et matières
souillent le malade. Des escarres se forment, bientôt profondes, plus
vastes que dans toute autre affection nerveuse. La fièvre, qui existe
souvent d'emblée, s'allume, et une méningite ichoreuse secondaire ter-
mine rapidement cette brève évolution. La paralysie est parfois ascen-
dante a la période terminale et atteint le tronc, les membres supérieurs,
les centres bulbaires. On se rapproche alors sensiblement de la forme
suivante. Néanmoins, l'évolution de la meningo-myetite aiguë demande
PARAPLÉGIE. 505
généralement plusieurs jours et souvent une, deux, parfois trois semaines
et plus.
Dans la maladie de l cmdor/ ('), la mort survient en de 2 à 5 jours. Les
réflexes tendineux sont abolis, et fréquemment les réflexes cutanés le
sont également. II s'agit d'une maladie ascendante, fébrile, atteignant
d'abord les membres inférieurs, puis les membres supérieurs, les cen-
tres bulbaires enfin. Les sphincters sont intacts, il existe des troubles
vaso-moteurs intenses, et la mort survient par accidents bulbaires. Il
semble bien que le plus souvent il s'agisse en de semblables cas d'une
infection suraiguë, mixte, des nerfs périphériques et de la substance
grise des centres.
De fait, il est fréquemment difficile de porter le diagnostic de polio-
myélite ou de polynévrite. Un tel problème clinique est peu ardu sans
doute en des cas aussi antinomiques que la paralysie infantile ou la
polynévrite progressive de l'alcoolique. Mais la poliomyélite peut revêtir
une allure subaiguë ou chronique, la polynévrite offrir le tableau d'une
paralysie aiguë, fébrile, généralisée. Nous nous efforcerons de donner
quelques indications pratiqués.
La poliomyélite, qu'il s'agisse de paralysie infantile ou de paralysie
chez l'adulte, est une affection fébrile, frappant d'une façon brusque et
massive un territoire musculaire très étendu. Plus tard, la paralysie ré-
trocède et se localise en certains groupes de muscles qui subiront une
atrophie définitive. Il n'existe ni troubles des sphincters ni troubles de
la sensibilité. Puis l'atrophie musculaire aidant, les membres atteints
présentent des troubles trophiques souvent intenses. Les moindres sont
la cyanose et la rigidité du segment atteint; les plus redoutables sont le
pied bot, une laxité spéciale donnant aux articles l'air de membres
de Polichinelle, enfin la déformation connue sous le nom de cul-de-
jatte. Il va de soi que de tels troubles sont d'autant plus accusés que
le membre est plus enclin il subir une perturbation dans son évolution,
partant que le malade est plus jeune. Enfin, chez le poliomyélitique,
les réactions électriques ont une valeur précise, et la D. R., assez
tardive d'ailleurs, indique la perte irrémédiable du muscle sur lequel
un la constate.
La polynévrite peut dépendre de maladies infectieuses comme la
lièvre typhoïde, la diphtérie, la grippe, le béribéri, d'intoxications
comme le diabète, le saturnisme, l'alcoolisme, t'arscnicisme. L'évolution
en est parfois fébrile, mais d'une façon générale plus lente que celle
d'une poliomyélite et moins massive. Elle atteint avec élection les muscles
des extrémités et détermine de gros troubles sensitifs accompagnés de
douleurs sur le trajet des nerfs. Les réflexes tendineux sont bientôt
abolis, et cela sans qu'il y ait, connue dans les poliomyélites, parallélisme
entre cette disparition et l'atrophie musculaire.
I. (In uhscrvc (huis la rnqr un syndrome analogue il la maladie de Landry.
[MOUTIER.]
504 - PARAPLÉGIE. ' "' ;
L'atrophie existe néanmoins et au plus haut point dans les poly-
névrites. Elle frappe certains groupes musculaires de préférence. : on
connaît la démarche du steppeur consécutive à l'atrophie du groupe
jambier antéro-cxterne. Il faut d'ailleurs des cas remarquablement
graves pour que' la paraplégie soit totale et la marche impossible.
La D. R. est plus précoce que dans la poliomyélite, mais tout muscle
qui la laisse déceler à son niveau n'est point fatalement destiné à dis-
paraître. Les réactions électriques, qui : ont une grande valeur pronosti-
que dans les -poliomyélites, en ont donc une très faible dans les poly-
névrites. Dans celles-ci encore, signalons la fréquence des troubles
vaso-moteurs et trophiques, l'atteinte éventuelle des nerfs crâniens, les
troubles psychiques signalés par Korsakow, et la possibilité de récidives
qui ne surviennent jamais dans les poliomyélites. Il existe du reste des
cas intermédiaires (cellulonévrite de Raymond), où le neurone centri-
fuge tout entier semble atteint. ?
5° Paraplégies flasques à évolution lente, sans troubles des sphinc-
ters en général. Il existe un degré variable mais nécessaire d'atrophie
musculaire. Les malades peuvent marcher encore pendant longtemps
et ne sont tenus au lit que paries progrès de l'atrophié. - L'impo-
tence des membres inférieurs peut être réalisée par la disparition du
muscle. Cette atrophie est et demeure une des principales manifestations
cliniques de tout un groupe d'affections de causes diverses pourtant.
L'altération des muscles peut être, en effet, tantôt d'origine névritique,
tantôt d'origine myélopathique, tantôt d'origine myopathique. Nous
serons brefs sur ces affections qui ne réalisent un syndrome paraplé-
gique qu'à une période tardive de leur évolution.
La névrite interstitielle hypertrophique de Deje1'ine et Bottas est
un type d'atrophie d'origine névritique. Les malades ont de la difficulté
de la marche plutôt qu'une impuissance véritable. On peut définir cette
affection, au point de vue clinique, un tabès débutant dans le jeune âge;
Du tab.es en effet, cette névrite a l'abolition des réflexes rotuliens, l'Argyll
et le Romberg. -Il existe de plus de la cyphoscoliose, du varus équin, des
altérations profondes de la sensibilité. N'ayons garde d'ouhlier enfin
l'hypertrophie, sensible au palper, des nerfs périphériques.
, On peut rencontrer dans le tabès, dans la sclérose en plaques des
atrophies d'origine myélopathique. De même, dans la maladie de Fez-
reich, il peut exister très rapidement une atrophie suffisante pour em-
pêcher la marche. Dans ces différents cas, la lésion musculaire se com-
plique souvent de rétractions tendineuses.
Dans l'atrophie musculaire du type ChaTcot-Ma1'ie, l'atrophie des
muscles est encore d'origine myélopathique. Il s'agit d'une atïection héré-
ditaire et familiale, caractérisée par une atrophie progressive des mem-.
bres à début périphérique. Pour ne parler que des segments inférieurs,
les muscles du pied sont les premiers atteints, puis se prennent les
péroniers. Les jumeaux et le quadriceps sont les derniers à s'affaiblir.
PARAPLÉGIE. 505
Il existe au-dessus du genou de l'atrophie en jarretière. Les réflexes ten-
dineux sont abolis proportionnellement au degré d'atrophie, et l'on
constate des secousses fibrillaires. Il existe des troubles de la sensibilité,
mais ce ne sont en général que des paresthésies subjectives. L'affection
aboutit donc rarement, et de toutes façons lentement, il une paraplégie
flasque avec impossibilité de marcher. L'atrophie musculaire est néan-
moins suffisamment prononcée pour que les malades, contraints par
exemple à demeurer immobiles dans la station verticale, éprouvent une
o')'[mde peine à maintenir leur équilibre et piétinent continuellement.
Quand ils marchent, ils présentent un steppage extrême. Ce piétinement
et ce steppage sont tout à fait caractéristiques.
Les myopathies présentent un grand nombre de types. Tous peuvent,
aboutir il l'impotence paraplégique, mais deux formes seulement réalisent
ce syndrome de façon précoce et intense. 11 s'agit du type pseudo-hype¡'-
trophique de Duchenne et du type Leyden-Môbius. Ces affections étant
décrites en d'autres parties de cet ouvrage, nous n'y insisterons pas ici.
Rappelons seulement que les malades sont des enfants présentant de la
lordose, de la parésie des mouvements, de l'élargissement de la base de
sustentation, des muscles durs, puis mous. Il n'existe ni troubles sen-
sitits, sphinctériens ou électriques, ni accidents trophiques. L'état des
réflexes est parallèle à l'état des muscles, il n'existe pas de secousses
librillaires.
4° Paraplégies passagères, récidivantes; paraplégies périodiques
familiales; claudication intermittente. Nous groupons ici un
ensemble probablement disparate, mais que l'on s'accorde actuellement
il faire relever de troubles circulatoires ou toxiques. De ce nombre sont
les paralysies transitoires de la période préataxique du tabès et
particulièrement le phénomène connu sous le nom de claudication
intermittente. Ce syndrome est ainsi caractérisé; au bout d'un temps
de marche variable, temps qui va se raccourcissant avec les progrès de
la maladie, le malade éprouve dans un seul ou dans les deux membres
des sensations de tension, de gène, de pesanteur, d'engourdissement ou
de fourmillements, le tout plus ou moins pénible, parfois intolérable. Le
malade s'arrête et tout se calme bientôt; puis il reprend sa route et les
accidents recommencent.
La claudication intermitlcnl1 être d'origine périphérique (Boulay-
Charcot) 9JLIlI¡\dullairGiD¡'j ! 'rine). En d'autres termes, il peut s'agir
(l'insuffisance vasculaire directe du membre par athéromc de l'iliaque ou
des fémorales, ou d'insuffisance vasculaire des centres médullaires du
membre par sclérose des artérioles de la substance grise. Dans le pre-
mier cas, on note l'absence des battements artériels de la pédieuse au
moment de l'accès et des troubles vaso-moteurs intenses; dans le second
cas, il n'existe an niveau du membre aucune anomalie de la circulation
locale. Il s'agit généralement d'un syphilitique. La paraplégie ne serait
pas toujours flasque : les réflexes pourraient être exagérés avec extension
' [MOUTIER] ]
506 PARAPLÉGIE.
de l'orteil et quelquefois trépidation spinale au moment de la claudication.
Les malades pourraient évoluer vers la paraplégie spasmodique de Erb.
Enfin, on a, un peu en désespoir de cause, attribué à des troubles toxi-
'lues certaines paralysies intermittentes, telles que les paralysies des
paludéens. Plus intéressantes sont les pcral ysies /xriocliqrres familiales,
( décrites par Chaknovitch puis par Westphal. Brusquement, le malade est
atteint d'une tétraplégie flasque, progressive, il évolution rapide. Les
membres supérieurs sont pris les derniers, mais récupèrent les pre-
miers. La face est intacte et les sphincters sont indemnes. On constate
,une abolition totale des réflexes et de l'excitabilité électrique. Ajoutons
[que l'accès commence la nuit pour se terminer à midi. Souvent même
l'instauration se fait pendant le sommeil et le malade se réveille complè-
tement paralysé. Les accès reviennent périodiquement et la santé de-
meure excellente dans leur intervalle. Pendant la période d'état, le coeur
est dilaté; le malade ruisselant de sueur éprouve une soif intense.
5° Paraplégies consécutives ou associées à des crises douloureuses
intéressant exclusivement les membres inférieurs, ou plus rarement
le corps en totalité. Cette impotence est parfois volontaire, et le
malade s'abstient de bouger parce que le moindre mouvement éveille
les élancements d'une sciatique. Elle peut être involontaire et Dejerinc
a décrit un syndrome paraplégique flasque, consécutif chez les tabé-
tiques aux violentes crises de douleurs fulgurantes. Il y aurait dans ce
cas un véritable épuisement des nerfs et des muscles. Signalons enfin
des malades chez lesquels toute activité est douloureuse. Le mouvement
chez eux réveille d'atroces souffrances en dehors de toute lésion orga-
nique. Il s'agit de grands névropathes présentant l'akinesia alflera,
syndrome psychasthénique sur lequel a insisté Mobius.
6° Paraplégies flasques ne s'accompagnant en général ni d'escarres,
ni d'incontinence ou de rétention, ni d'atrophie musculaire, ni de
troubles accusés des réflexes [extension de l'orteil). On peut dépister
l'influence de l'épuisement nerveux, de la suggestion, de l'idée fixe
[phobie) ou delà simulation (paraplégies dites fonctionnelles).
Certains malades ne marchent pas parce qu'ils ont peur de marcher
(basophobie), et se confinent au lit. La, leurs mouvements sont parfai-
tement normaux. Mais vient-on à les mettre debout, leurs jambes se
dérobent sous eux, et ces malades tombent comme tomberaient des para-
plégiques flaccides. .-
Des liens étroits réunissent la basophobie it la neurasthénie, à l'hys-
térie. La neurasthénie ne donne pas d'impotence totale. Elle détermine
seulement un épuisement rapide, une fatigue précoce et infinie dans les
membres inférieurs. Les jambes sont lourdes; tout déplacement demande
un effort, et un effort douloureux, souvent angoissant. Ces malaises
étranges sont souvent plus accusés au réveil, et vont s'apaisant vers le
soir. Ce syndrome est à bien connaître, car fréquemment, ainsi qu'il
est accoutumé chez les neurasthéniques, les réflexes sont, exagérés, et
PARAPLÉGIE. 507
l'on note de l'hyperesthésie. Or, pour peu que le neurasthénique, bourré
de connaissances médicales récoltées sans discernement, en impose à
l'observateur, on pourra croire il l'existence d'une paraplégie au début.
Mais il faut en somme arriver à ['hystérie, au pithiatisme, pour ren-
contrer une simulation il peu près parfaite des paraplégies organiques.
La psychose revêt en effet les allures les plus diverses : le plus souvent
flasque, parfois spasmodique, comme nous l'avons déjà vu, la paraplégie
peut figurer également le type de Brown-Sequard. Parfois même elle
demeurera purement sensitive.
Le mode de début des accidents dits hystériques, ne fournit que de
médiocres renseignements. Il est en effet essentiellement variable. Il se
marque par de la céphalée souvent, d'autres fois par de la tympauite, de la
rétention d'urine, de la constipation ou des troubles menstruels. Assez
souvent les personnes atteintes sont d'anciennes garde-malades ayant
soigné des paraplégiques, ou quelque personne ayant eu de tels malades
dans son entourage. Parfois encore, s'il s'agit d'accidents post-traumati-
ques, on pourra songer à la névrose spécifique en présence de la dispropor-
tion entre la cause et l'effet, l'accident et la paralysie. Ce sont la des cas
relativement faciles; d'autres sont infiniment plus épineux. Il en est ainsi
pour ces pottiques guéris qui refont leur ancien syndrome avec l'aide de
la suggestion. Certains pourront même, s'ils ont été suffisamment édu-
qués par les manoeuvres de l'entourage, réaliser l'extension de l'orteil.
Cependant, un certain nombre de symptômes ne se rencontrent jamais
dans l'hystérie. Ce sont : l'abolition des réflexes tendineux avec exagé-
ration des réflexes cutanés, les troubles sphinctériens (l'hystérique est
propre), l'exagération des réflexes avec extension de l'orteil (en dehors
des réserves ci-dessus, visant du reste de grandes exceptions), le clonus
vrai pathologique, les modifications électriques. Enfin, les troubles de la
sensibilité sont différents selon l'étiologie du syndrome. Dans la para-
plégie organique, l'anesthésie remonte plus ou moins haut sur le tronc :
la limite supérieure est une ligne transversale il peu près horizontale. Au
contraire, dans l'hystérie. l'anesthésie affecte un contour particulier, en
chaussettes, en caleçon, dessinant des lignes de vêtement ou des régions
du corps, suivant par exemple les crêtes iliaques et respectant les organes
génitaux. Du reste, on peut, avec Souques, ranger ainsi les caractères
qui tendront à faire se prononcer le clinicien en faveur de la paraplégie
organique :
Signes de présomption : atrophie, incontinence, fièvre, fourmille-
ments, rachialgie osseuse, abolition des réflexes, troubles électriques.
Quasi-certitude : escarres, cystite purulente.
Certitude : distribution de l'anesthésie cutanée.
On aura parfois l'occasion de surpendre un détail incitant sur la voie
du diagnostic. Il y avait ainsi à Bicètre un paraplégique hystérique qui
demeurait toujours assis. Il était parvenu à se déplacer en reposant sur
le sol pur la pointe de ses souliers et les deux pieds postérieurs de la
[MOUTIER.]
508 PARAPLÉGIE. ?
chaise. Il avançait ainsi sans toucher des mains aux barreaux, progres-
sant uniquement par des torsions du tronc sur le bassin. Inutile de dire
qu'un paraplégique vrai eùt été incapable de semblable acrobatie, et que
cet équilibre complexe supposait certainement de faibles mouvements
dans les articulations coxo-fémorales. Certains détails de l'évolution
de la paraplégie pourraient également faire pencher en faveur de la
.névrose, par exemple des guérisons complètes et subites, des alternatives
étranges, l'influence de la suggestion. Mais on ne saurait conseiller trop
de réserves certaines lésions syphilitiques peuvent, sous l'influence
d'un traitement approprié, évoluer rapidement vers la guérison, d'autre
part, certaines formes de paraplégie, Pott, sclérose en plaques, subissent
de grandes oscillations. On ne saurait donc s'entourer de trop de pré-
cautions pour porter le diagnostic de paraplégie fonctionnelle et tout
spécialement ici la ponction lombaire sera d'un grand secours. Le dia-
gnostic sera souvent un diagnostic par élimination, mais ce serait
encore s'exposer à bien des erreurs, si, de ce que l'on ne trouve aucune
cause organique à une paraplégie un peu fruste, on tenait aussitôt la
névrose pour facteur étiologique. '
Nous avons longuement insisté sur le diagnostic de la paraplégie
hystérique; c'est là, en effet, un des très gros points de ce chapitre. Il
existe d'autres paraplégies fonctionnelles, nous ne ferons que les men-
tionner. De cet ordre- sont en effet les paralysies dites réflexes du goitre
exophtalmique et des urinaires. Ce sont des paralysies intermittentes,
caractérisées par un « giving-ivay of the legs », un véritable effon-
drement. La pathogénie exacte de ces phénomènes est purement hypo-
thétique ; on a seulement fait observer que, pour les paralysies urinaires
tout au moins, il convenait d'être assez réservé. Peut-être, en effet,
s'agirait-il de véritables lésions organiques par infection ascendante.
Paraplégies de l'enfant. 1° Affections congénitales. Les
enfants présentent un certain nombre de troubles se manifestant dès le
jeune. Age et rentrant dans le groupe des paraplégies. Il convient de
réserver le nom de maladie de Little au syndrome des enfants nés avant
terme. Il n'y a chez eux que fort peu de paralysie. Il existe surtout de la
raideur et une contracture qui va diminuant avec l'âge. Cette raideur
siège aux quatre membres, mais est plus prononcée aux membres infé-
rieurs. L'intelligence est souvent intacte. Il n'existe de troubles ni dans
la sensibilité, ni dans le jeu des sphincters. Il n'y a pas d'accidents tro-
phiques. L'enfant présente une attitude absolument caractéristique. Il ne
peut marcher, et, vient-on à le soulever par les aisselles, ses membres
inférieurs se placent en flexion légère de la cuisse sur le bassin, les
genoux en adduction, les jambes divergentes, mais les pieds en varus
équin revenant se toucher par leur pointe.
On rencontre également des troubles spasmodiques dans une autre
malformation congénitale, la spina bifida. Il -existe une parésie parfois
très accusée des membres inférieurs. Le diagnostic est généralement
1 , 0
PARAPLÉGIE. 509
facile, la shina bifida se révélant par de grosses déformations de la région
rachidienne. Cependant, il peut exister des cas très frustes. On peut
confirmer un diagnostic hésitant en recherchant et constatant la pré-
sence du petit infundibutum sacré ou lombaire. Il serait bon également
de tenir compte d'une hyperlrichose localisée de la région sacrée. Cette
exubérance pilaire se produit au niveau de la malformation rachidienne,
sur une peau souvent amincie. Ajoutons que les membres inférieurs de
ces malades sont grêles, supportent malles appareils orthopédiques, pré-
sentent souvent un pied bot, rappellent parfois en un mot les membres
du paralytique infantile. En dehors des lésions caractéristiques de la
spina bifida, le diagnostic serait facilité par l'étude des réflexes. Us sont
abolis dans la paralysie infantile, exagérés avec extension de l'orteil dans
la spina bifida. ,
2" Affections acquises. On peut chez l'enfant observer des para-
plégies ducs à des lésions encéphaliques. Ces diplégies cérébrales de
l'enfance relèvent généralement de pqrencephalie oudc méningo-encé^
11lEllih. Les petits malades sont des arriérés, des idiots, présentant de
1 épilepsie, de la chorée, de l'athétose ; la paraplégie n'est que partie de
leurs troubles. Parfois se peut noter chez le même individu la coexistence
d'une hémiplégie cérébrale infantile et d'une paralysie infantile (Pierre
Marie). Dans de tels cas, il existe du côté de la paralysie infantile de
l'abolition des réflexes, de l'atrophie musculaire intense avec jambe de
polichinelle, de l'aholition ou du moins de la diminution des réactions
électriques; de l'autre côté se constatent de l'exagération des réflexes
avec signe de Babinsky en extension, de l'adduction de la cuisse, de
la flexion de la cuisse avec atrophie en jarretière, peu ou point de
troubles électriques.
5° Paraplégie spasmodique familiale. La paraplégie spasmodique
familiale débute entre huit et quinze ans, quelquefois plus tôt. Souvent
le tronc et les membres supérieurs sont atteints. Les malades peuvent
marcher d'ordinaire, bien qu'ils présentent fréquemmentde la déformation
des pieds, soit un varus équin. soit un pied cambré, tassé, comparable
il celui des t'YIedreich. La parole de ces malades est lente et monotone;
ils peuvent présenter du nystagmus et du tremblement des membres
supérieurs auquel ne participe point la tète. Une telle description
montre que cette affection peut rappeler de -près certains cas de sclérose
en plaques, de maladie de Fri'edreich ou d hérédo-ataxie cérébelleuse
de Pierre Marie. Sans entrer davantage dans la discussion du diagnostic.
nous signalerons seulement que chez les paraplégiques familiaux, il
n'existe ni scoliose, ni troubles de la sensibilité, ni mouvements choréi-
l'ormes. Le déficit intellectuel est souvent considérable.
Paraplégies du vieillard. 1° Paraplégie par double 1rW ni-
plégie. Lacunaires. La paraplégie d'origine cérébrale est une para-
plégie lacunaire. Elle peut succéder il deajctus plus ou moins frustes ?
répétés, rarement accompagnés de perte de connaissance; les malades
[MOUTIER.]
510 0 PARAPLÉGIE.
sont en 1 : lljtéJl¡,Lhél ! 11pl<'giql ! LdouW.es. Ils marchent à petits pas,
difficilement. Leur pied pose rarement à plat; le talon touche seul il
terre et les orteils, généralement recourbés en griffe, plus rarement
en érection n'arrivent pas au contact du sol. Parfois, le malade ne
peut marcher sans aide. Il a tendance à tomber en arrière et du côté
le plus atteint. Les réflexes tendineux sont exagérés, le cutané plantaire
est en extension, mais il n'y a pas de contractures. Ces lacunaires sont
fréquemment des 1>scudo-hulhaires; et généralement, à moins qu'une
destruction centrale étendue ne les enlève rapidement, ils s'affaiblissent
et succombent dans le marasme. A côté de cette forme avec ictus, on
peut distinguer, d'après Lherinitte, une paraplégie lacunaire cérébrale
« à début insidieux, ne succédant pas il des ictus ou des attaques
(d'hémiplégie ». L'affaiblissement des membres inférieurs est progressif,
et aboutit il une paraplégie spasmodique complète avec ébauche de
'contracture et gâtisme précoce et accusé.
On attribue il l'a ¡¡/l'l'Ollie sënile des troubles réalisant un syndrome
sensiblement comparable au précédent. 11 s'agit de vieillards qui, sans
ictus, présentent de la parésie et de la l'aligne croissantes. Il existe des
paresthésies notables et bientôt la marche devient impossible. On peut
constater un degré variable de contracture; la paralysie peut être au
contraire absolument flasque. 11 y a de l'exagération des réflexes, et par-
fois de l'incontinence ou de la rétention des urines. Les malades finissent
par être tout à fait impotents, mais cette évolution est fort lente.'
' 2" Paraplégies à démarche al axo-spasmodique. Scléroses combinées.
Les paraplégies 111 ! J('loJ)({tliiqlles du vieillard dépendent de scléroses
médullaires 1)uI'l't1S('erlltllr'CS, de scléroses combinées. Le début est insi-
dieux, marqué par des paresthésies dans les membres inférieurs, par
une parésie accompagnée déjà de l'exaltation des réflexes tendineux sans
signe de Babinsky en général. (Lhermitte.) L'atteinte du faisceau pyra-
midal se traduit par la paraplégie motrice incomplète avec augmentation
de la réflectivité et phénomène de Strmnpeu. La sclérose des cordons
postérieurs détermine une certaine titubation, un degré très variable
d'incoordination. Les troubles sphinctériens n'ont rien de constant ni de
pathognomonique : il suffit de retenir seulement qu'ils peuvent exister.
Les membres supérieurs sont indemnes d'ordinaire, il n'y a pas d'amyo-
trophie en général, ni de troubles accusés de la sensibilité. La maladie
peut persister indéfiniment, ou se terminer dans le marasme avec gâ-
tisme et démence. La sclérose combinée s'observe notamment chez
les tabétiques de date ancienne. On observe alors soit une démarche
spastique (trainement des jambes) au lien d'une démarche ataxique,
soit de la paraplégie flasque ou même exclusivement de l'extension de
l'orteil (Crouzon).
3° Paraplégies snziles sans modification des réflexes ni troubles du
névraxe, gâtisme terminal. Myopathie sénile essentielle de la femme.
Chez les vieillards, et, semble-t-il, exclusivement chez les femmes,
PARAPLÉGIE.- j Il I
peut se rencontrer une paraplégie musculaire avec sclérose et. raideur,
véritable myopathie sénile sur laquelle l'école de la Salprtrière a récem-
ment attiré l'attention. D'après Lhermitte et Lejonne on peut distinguer
deux types, l'un de paraplégie en flexion prononcée, l'autre de paraplégie
avec extension complète de tous les segments des membres inférieurs.
Dans les deux cas, il si a intégrité complète du système nerveux péri-
plu'l'igue et central, ainsi que des articulations, atrophie et dégéné-
rescence de la fibre musculaire. Les malades, fort âgés, présentent une
limitation variable, souvent extrême, des mouvements actifs aussi bien
que des mouvements passifs. Il existe une amyotrophie diffuse avec
dureté des cordes musculaires tendues et rétractées. Il n'existe ni troubles
sphinctériens, ni modifications des réflexes tendineux ou cutanés, ni alté-
rations de la sensibilité. L'évolution se fait en deux temps; il y a d'abord
affaiblissement des jambes lent et progressif, avec douleurs dans la conti-
nuité des membres, puis les malades doivent garder le lit : l'amyotrophie
et la rétraction se développent alors d'une manière diffuse et globale.
L'issue fatale survient dans le gâtisme et l'affaiblissement démentiel.
Considérations générales. Nous n'avons pas à nous occuper
ici du diagnostic en hauteur ou diagnostic topographique des paraplé-
gies, qui doit être l'objet d'un chapitre spécial de ce traité. Mais, par-
venus au terme de cet exposé, il convient d'attirer t'attention sur cer-
taines considérations d'utilité générale.
Mage du malade permet d'orienter le diagnostic en une certaine
mesure. Les grandes lésions cérébrales, la maladie de Little, les diplé-
gics, la spina bifida, sont spécialement fréquentes chez l'enfant, les
lacunes de l'encéphale, les altérations vasculaires de la moelle, la sclé-
rose musculaire essentielle chez le vieillard,- le mal de Pott, la sclérose
en plaques, la myélite syphilitique chez l'adulte. Il convient en outre de
bien se rappeler de combien de façons multiples une même affection peut
réaliser un syndrome à peu près analogue. C'est ainsi par exemple que la
syphilis, nous l'avons exposé déjà, peut déterminer des méningo-myélites
aiguës, des méningites et des myélites chroniques, des compressions par
hyperosloses, par gommes. La tuberculose à son tour peut provoquer des
myélites aiguës ou chroniques, de la compression par abcès froid, luxa-
tions, séquestres, etc. Dans la plupart des tableaux cliniques, il est le
plus souvent difficile de préciser ce qui dépend de l'altération radicu-
laire ou de l'altération médullaire, et dans le tabès enfin, on peut invo-
quer, selon le cas, les troubles circulatoires, l'épuisement par hyperalgies,
les scléroses combinées.
Il résulte de ces considérations générales qu'un syndrome donné est
loin d'être univoque et qu'il ne faut pas accepter à la légère un dia-
gnostic rapidement formuté. C'est ainsi que parmi les fameuses paralysies
urinaires, bien peu probablement ressortissent de troubles réflexes. Il
s'agit le plus peuvent de polynévrites infectieuses ou toxiques, de polio-
myélites, d'hystérie dans mainte occasion. De même, les paraplégies de
[MOUTIER]
.") 1 PARAPLEGIE.
la parturition peuvent être dues il l'infection ou à l'intoxication, il la
névrose, au traumatisme ou il la compression. ,
Ceci nous conduit à dire quelques mots delà conception et de Y accou-
c'ltentettl chez les paraplégiques. Nous résumons rapidement, principa-
lement d'après liouth, ce que l'on doit connaître il ce sujet. Tout d'abord
la conception est possible chez une paraplégique. L'époque de l'accou-
chement survient normalement, mais la malade ne sent pas l'enfant re-
muer. La dilatation du col, acte automatique, se fait bien. L'expulsion du
foetus est, en revanche, un acte réflexe qui exige l'intégrité des rapports
de l'utérus avec les centres lombaires. Si la lésion médullaire remonte à
ce niveau, le foetus pourra peut-être pénétrer dans le vagin, mais l'expul-
sion spontanée n'ira pas plus loin. Ajoutons que les douleurs de l'accou-
chement sont supprimées.
Il est impossible de porter un pronostic d'ensemble sur les paraplé-
gies. Les unes sont progressives et irrémédiables, d'autres sujettes à des
rémissions imprévues, d'autres encore exposent le malade il des alterna-
tives déconcertantes d'amélioration et d'aggravation. Il est des formes
frustes, d'autres d'emblée caractérisées et à grand fracas. Nul syndrome
n'est aussi polymorphe. Le plus souvent, la maladie est tenace et le
malade réduit à l'immobilité, souffrant de troubles sphinclériens et de
graves complications trophiques, finit par succomber à quelque maladie
incidente ou il une méningite ascendante, directement liée aux escarres.
La paraplégie peut n'être en certains cas pourtant qu'une infirmité plutôt
qu'une maladie.
Quoiqu'il en soit, et dune façon très générale, les paraplégies spasmo-
diques sont de meilleur pronostic que les paraplégies flasques, celles-ci
indiquant d'ordinaire la destruction définitive d'un segment central ou
périphérique. L'absence de troubles de la sensibilité est également favo-
rable en ce quelle indique une atteinte légère de la moelle.
Nous serons brefs sur le traitement. Il sera, selon les cas, celui de la
tuberculose vertébrale, de la syphilis, des intoxications, de la névrose,
des blessures, c'est-à-dire médical (mercure, iodure, arsenic) ou chirur-
gical. Nous ferons remarquer seulement que presque toute paraplégie
présente des périodes de rémission parfois longues, souvent marquées;
il ne faut point les prendre pour des succès thérapeutiques. Enfin, l'em-
ploi du mercure doit être prudent et surveillé, il semble souvent exagérer
la spasticité, et, d'une manière générale, être aussi peu profitable au
malade quil la maladie. (Brissaud et Pierre Marie.)
Lorsque les malades gardent le lit, le matelas d'eau est presque tou-
jours nécessaire. Une asepsie minutieuse de la région génito-urinaire et
de, la région sacrée évitera t'intertrigo, les infections cutanées légères,
préviendra les escarres. On se souviendra du trophisme délicat des para-
plégiques et l'on aura garde de réchauffer leurs membres au moyen de
bouillottes trop chaudes. Enfin, la guérisou sera aidée, s'il y a lieu, par
les procédés mécanothérapiqucs, le massage, l'électricité.
DIAGNOSTIC EN HAUTEUR
DU SIÈGE DES LÉSIONS MÉDULLAIRES
t-, par le Dr MOUTIER
Il importe, en présence des symptômes révélateurs d'une compression
médullaire ou d'une lésion en foyer, de déterminer le niveau de la
compression ou du foyer de sclérose ou de malacie. Pour ce faire, on
cherchera tout d'abord s'il n'existe point quelque signe extérieur
susceptible par lui-même d'orienter les recherches. Les déformations
éventuelles des vertèbres, la déviation du rachis, parfois une sensibilité
étroitement localisée permettront de reconnaître les effondrements
osseux, les fractures ou les luxations. Enfin, l'examen radiographique
sera fréquemment d'un heureux secours.
Etant donnée l'obliquité des racines émanées de la moelle, on se sou-
viendra, conformément aux indications de Chipault, que, chez l'adulte,
« pour avoir le numéro des racines qui naissent au niveau d'une
apophyse épineuse, il faut ajouter au numéro de la vertèbre corres-
pondante :
z1 dans la région cervicale;
2 dans la région dorsale supérieure ;
5 dans la région dorsale inférieure (6 ? H" vertèbre). La partie
inférieure de la 11° dorsale et l'espace interépineux sous-jacent
répondent aux 5 dernières paires lombaires.
L'apophyse épineuse de la 12° dorsale et l'espace sous-jacent répon-
dent aux paires sacrées.
Chez l'enfant, les relations sont un peu différentes, et il faut ajouter :
5 de la 1 re la 4" dorsale :
4 de la 6" à la 9e dorsale. »
Au-dessous de la deuxième vertèbre lombaire, la compression éven-
tuelle s'exercera, non plus sur la moelle proprement dite, mais sur la
queue de cheval.
On analysera soigneusement les différents troubles présentés par le
malade, et l'on apportera un soin tout particulier il limiter exactement
l'n.vTy,cr vsono ? 33
[MOOMB.] ]
514 DIAGNOSTIC EN HAUTEUR DU, -SIÈGE DES LÉSIONS MÉDULLAIRES.
le territoire des troubles sensitifs. De cette délimitation précise dépend
en effet en grande partie le diagnostic en hauteur du siège de la lésion.
Mais, à propos des chiffres indiqués plus haut, faisons remarquer avec
Sicard qu'il serait peut-être plus logique, « puisque c'est de l'examen
des projections radiculaires sensitives tégumentaires que l'on déduit la
racine incriminée pour remonter de là à la topographie apophysaire, de
retrancher ces chiffres, au contraire de Chipault qui les additionne.
Ainsi, si la limite transversale supérieure de la paraplégie anesthésique
correspond a la 1 le racine dorsale, on comptera 11 =' - 8, c'est-à-
dire que le segment d'émergence radiculo-médullaire de la Mû racine
dorsale sera placé au niveau de la se apophyse vertébrale dorsale. »
Il est évident que les deux façons de calculer peuvent avoir leurs indi-
cations, leurs avantages; en tout cas, il serait utile, au cours de la
laminectomie, d'inviter
le chirurgien dont les
recherches seraient vni-
nets, scruter les parties
sus- et non sous-jacentes.
Syndrome cervical
supérieur. Les com-
pressions de la moelle
cervicale portent, au ni-
veau des trois premières
vertèbres cervicales, sur
les quatre premières
paires rachidiennes. Les
symptômes cervicaux
proprement dits passent
souvent inaperçus, les
lésions de la région étu-
diée intéressant souvent
le bulbe adjacent, et les
-troubles bulbaires dominant le tableau morbide.
La compression cervicale détermine une tétraplégie sensitivo-motrice
de nature et d'intensité variables selon les causes déterminantes; les
troubles peuvent être plus intenses aux membres supérieurs. Les
désordres sphinctériens sont inconstants.
Ce sont là. phénomènes banaux : plus particuliers sont les troubles
suivants. Il peut en effet exister des pseudo-névralgies intéressant le cou,
la nuque et les épaules, respectant par contre la face qu'innerve la
Ve paire. On observe fréquemment un torticolis pénible et des douleurs
sur le trajet du phrénique. Du hoquet, des vomissements, la paralysie du
diaphragme peuvent encore traduire les lésions de ce nerf. Il existe enfin
des troubles de la motilité de la tête, flexion, rotation, extension, accom-
pagnés parfois d'atrophie des muscles du cou.
Fig. 1. Schémas radiculaires de Thorbnrn.
DIAGNOSTIC EN HAUTEUR DU SIÈGE DES LÉSIONS MÉDULLAIRES. 5 ! 5
Syndrome cervico-dorsal ou brachial. Ce syndrome s'observe
dans les compressions du renflement, cervical (5 ? 6", 7e, 8'' cervicale et
1"' dorsale). On peut observer soit une tétraplégie à évolution bizarre,
capricieuse, frappant parfois les membres dans un ordre quelconque,
soit une diplégie supérieure avec pseudo-névralgie sur les trajets radi-
culaires du bras. Le syndrome médullaire peut reproduire soit le type de
la paralysie radiculaire totale, soit les types de la paralysie radiculaire
supérieure ou inférieure. L'atteinte du centre cilio-spinal (l r" dorsale)
se traduira en cas d'excitation par de la mydriase, en cas de destruction
par du myosis homonyme, par la réfraction du globe oculaire, le rétré-
cissement de la fente palpébrale et l'aplatissement de la joue.
Syndrome dorsal. La moelle dorsale s'étend de la 2'' à la 9e ver-
tèbre dorsale et répond aux paires dorsales, l'exception de la 1"\ Les
symptômes paraplégiques sont typiques, classiques, et la limite supé-
rieure de l'anesthésie permettra de préciser la hauteur de la compression
et du foyer médullaires. On observe fréquemment le syndrome de Brown-
Séquard. Les troubles sphinctériens sont intenses, et d'autant plus
prononcés que la lésion se rapproche du renflement lombaire.
Syndrome lombaire. La moelle lombaire donne naissance aux
quatre premières lombaires, et se trouve à la hauteur du corps des '10",
11e et -12" vertèbres dorsales. La paraplégie que ses compressions déter-
minent « est complète, avec anesthésie remontant Ù la partie inférieure
du ventre, troubles sphinctériens intenses, et souvent escarre au
sacrum ». Le réflexe cremastericn et le réflexe patellairc sont abolis.
mais le réflexe achilléen est conservé ou même exagéré (Grasset).
Syndrome sacré. « La moelle sacrée (ou éllicelnc) mesure un centi-
mètre et demi de hauteur, et correspond au corps de la première vertèbre
lombaire. Elle donne naissance à la dernière paire lombaire et aux deux
dernières paires sacrées. » Mais ici, plus encore que pour la moelle
lombaire, l'obliquité des racines émergentes établit une discordance
variable entre la limite supérieure des troubles observés et la hauteur de
la lésion médullaire. D'un autre côté, il est fréquemment difficile de
distinguer le syndrome de la moelle sacrée du syndrome de la queue de
cheval (voir plus loin). La compression de la moelle sacrée se traduit
par un syndrome sciatique. c'est-à-dire par des troubles de la sensibi-
lité des régions externe et postérieure du membre inférieur avec parti-
cipation de la plante du pied, par une paralysie flasque ou plus sou-
vent une parésie des fessiers (rotation en dehors du membre) . des
muscles postérieurs de la cuisse (flexion de la jambe) et du groupe autero-
externe des muscles de la jambe et des muscles du pied (avec déforma-
lions diverses, varus équin principalement), enfin par un syndrome
génito-urinaire ;uu·.sllusie à topographie caractéristique, (roubles sphinc-
Il'riens, priapisme (en général transitoire) ou plus souvent impuissance].
Les réflexes cutanés plantaires sont abolis ainsi que le réflexe, achilléen,
e patellaire est conservé, parfois même exagéré.
[MOUTIER;] ,
51 G DIAGNOSTIC EN HAUTEUR DU SIÈGE DES LÉSIONS MÉDULLAIRES.
Syndrome du cône médullaire. Le cône médullaire comprend les
5e, 4e, 5e paires sacrées et les nerfs coccygicns. Il répond approximati-
vement au corps de la 2e vertèbre lombaire. Le syndrome révélateur de
ses lésions est en général difficile à distinguer de celui de la moelle
lomho-sacréc ou epiconc et se confond d'ordinaire avec le syndrome de
la queue de cheval. Théoriquement, sa séméiologic est cependant fort
simple, ses lésions se traduisent par l'intégrité des sciatiques, et par suite
de la motilité et de la sensibilité des membres inférieurs, ainsi que par
la conservation des réflexes achilléen et rotulien. En revanche, il existe
de l'anesthésie en selle ou en garniture des régions sacrée, ano-périnéalc,
fessière, de la verge ou des grandes lèvres. Il y a rétention des matières ci
Fig. 2. Cône médullaire et épicône. Vertèbres osseuses inférieures et moelle inférieure
avec ses différents segments. Le cône médullaire est formé par la réunion des 3°, 4°,
5° segments sacrés et du segment coccygien Le .. filum terminale » brait suite au cône.
L'epicùue le surmonte. Une racine sacrée a est représentée dans son long trajet avec une
lésion X, supposée placée en ses deux points extrêmes. Le cùne médullaire correspond
au corps de la deuxième vertèbre lombaire. Le liquide céphalo-rachidien 7. s'arrête en Il
(deuxième vertèbre sacrée) au point de réflexion de la membrane arachnoïdo-pie-mpriennc.
La queue de cheval baigne au milieu du liquide ciltltalo-rachilien (D'après Sicard, in Pra-
l ique 111édico-chirul'gicale).
DIAGNOSTIC .EN HAUTEUR DU SIÈGE DES LÉSIONS MÉDULLAIRES. 517.
de l'urinc. Le réflexe bulbo-caverneux est aboli; on note l'ahsence d'éja-
culalion et parfois même d'émission. L'introduction du pénis dans le
vio-in n'est plus sentie. - La compression du cône médullaire ne saurait
provoquer, étant donnée la topogra-
phie de la queue de cheval, un syn-
drome aussi Il faut, pour le
déterminer, soit un foyer de myélite
localisée, soit une hémalomyélie peu
étendue.
Syndrome de la queue de che-
val. On désigne sous le nom de
queue de cheval l'ensemble des trois
dernières racines lombaires, des ra-
cines sacrées et des racines coccy-
giennes. Nous mentionnons ici le
syndrome révélateur de ses lésions,
hien qu'il soit à proprement parler
radiculaire et non médullaire, parce,
qu'il se confond facilement avec
le syndrome des compressions ou
foyers médullaires bulbo-sacrés. On
trouve en effet, dans le syndrome de la queue de cheval, l'ensemble des
signes réunis des lésions de l'épicônc (se reporter à la figure) et du cône
médullaire. Il y a paraplégie totale des membres inférieurs avec abolition
constante du réflexe du tendon d'Achille, abolition fréquente du réflexe
pteitan'c : il faut, pour la disparition de ce dernier, que la troisième
[MOUTIER] ]
Fig. 5. Syndrome de Brown-Séquard.
Représentation schématique de la moelle vue
de dos (coupe longitudinale). CSG, colonne
sensitive gauche; CSD, colonne sensitive
droite; A, B, C, D, section portant sur la
moitié gauche de la moelle; S, S, S, SI, Si,
S3, SI', racines sensitives du côté droit,
s'entre-croisant sur la ligne médiane pour se
rendre à la colonne sensitive CSG du côté
gauche; Z, Z, 7,r, Z2, Z3, Z*. racines sensitives
du côté gauche. Les trois racines Z', Z3 et
S= (représentées par des traits plus forts) sont
simplement irritées en C, A et B, leur terri-
toire d'innervation périphérique est hyperes-
thésié. A la racine Z2, sectionnée, corres-
pond une bande d'anesthésie du côté de
la lésion. A la racine S', sectionnée égale-
ment, et il toutes les racines inférieures S,
S (représentées en pointillé) qui aboutissent
il la colonne sensitive gauche interrompue
par la section, correspond un territoire ailes-
lhésid, du côté opposé il lésion, et au-des-
sous d'elle (d'après Brissaud).
518 DIAGNOSTIC EN HAUTEUR DU SIÈGE DES LÉSIONS MÉDULLAIRES.
racine lombaire soit atteinte. Les réflexes cutanés, plantaire et créinas-
térien, disparaissent également. Les douleurs sont extrêmement accusées,
et les malades, au début du moins, paraissent souffrir de sciatique
simple, unilatérale ou double. Mais les troubles de la sensibilité attei-
gnant en avant le pli inguinal, en arrière la limite supérieure du
sacrum avec anesthésie tout particulièrement intense au niveau du
périnée et des organes génitaux, permettent d'orienter le diagnostic. Il
yole le plus souvent constipation et incontinence d'urine.
On note, comme caractères distinctifs propres au syndrome de la
queue de cheval, les symptômes suivants. L'évolution est plus rapide,
plus prompte, que dans les compressions médullaires directes. La para-
plégie est totale, flasque d'emblée, l'atrophie rapide, la réaction de dégé-
nérescence hâtive. Il y a des troubles trophiques intenses, cyanose,
algidité, oedème chimique, escarres aux points d'appui. L'intensité des
douleurs, leur caractère térébrant, sont également en faveur d'une lésion
radiculaire. En revanche, l'existence d'un syndrome de Brown-Séquard
ou d'une dissociation syringoinyélique de la sensibilité permettrait
d'affirmer une atteinte exclusivement médullaire. En tout cas, il faut se
souvenir que le syndrome peut être très incomplet, se réduire par
exemple à quelque sciatique douloureuse avec impotence de la marche.
Un examen approfondi de la sensibilité permettra dans ces cas de
dépister des troubles parfois considérables et de parvenir ainsi au dia-
gnostic exact. Cet examen détaillé de la sensibilité permettra encore de
découvrir les racines plus particulièrement soumises aux effets nocifs du
processus morbide (').
1. Pour compléter ce chapitre, voir plus haut, pp. 558-344, l'étude détaillée de cer-
tains troubles sensitifs, et plus loin les figures et le texte de la séméiologie des troubles
radiculaires.
PARALYSIE PÉRIODIQUE FAMILIALE
par le D' CROUZON
1'esi.phal a désigné sous ce nom « un cas remarquable de paralysie
périodique des quatre extrémités », avec disparition simultanée de l'exci-
tabilité électrique pendant la paralysie (Berliner ¡llinische TV ochensch1'ift,
août 1885 et mars 1886). Cette maladie est caractérisée par des paraly-
sies survenant par accès avec diminution ou disparition de l'excitabilité
électrique et des réflexes pendant la paralysie. Il n'existe pas de troubles
de la sensibilité ni de troubles de l'intelligence ; souvent, la maladie sur-
vient la nuit, et c'est au matin que le malade s'aperçoit de son accès; dans
d'autres cas, quand il se produit à l'état de veille, on peut noter quelques
symptômes prodromiques : lourdeur des membres, fourmillements, pico-
tements. Quand le malade est pris à l'état de veille, le début ne se fait pas
brusquement et, d'une façon totale, la paralysie ne survient que dans les
muscles inactifs. Il y a donc une influence très nette du repos et de l'im-
mobilité sur la production de ces accès : c'est ainsi que nous citerons,
d'après Cousot [Bévue de Médecine, 1887), l'évolution de la paralysie chez
un malade qui s'exerçait à un travail de copies; elle survint d'abord dans
les membres inactifs et n'atteignit les membres actifs qu'après la cession
du travail.
Quand la maladie est constituée, elle porte le plus souvent sur les qua-
tre extrémités et sur le tronc; quelquefois, on a observé de plus la parti-
cipation des muscles de la respiration, de la langue et du pharynx, d'où
production de difficulté de la respiration, de troubles de la déglutition,
de troubles de la parole.
Cependant, on peut dire d'une façon générale que tous les nerfs crâniens
restent indemnes, et les sphincters sont en général respectés. Les carac-
tères de la paralysie sont les suivants :
Elle peut être complète ou très légère ; d'autre part, un de ses carac-
tères fondamentaux, mentionné d'ailleurs pas- dans le titre même
de sa première communication, est l'abolition de l'excitabilité élec-
trique pendant la paralysie. Cette abolition est plus ou moins complète,
elle porte sur l'excitabilité faradique et galvanique ; elle porte également
aussi bien sur les muscles que sur les nerfs. Ce caractère est constant ; les
ICROUZON.]
20 PARALYSIE PÉRIODIQUE FAMILIALE.
réflexes, du reste, sont également supprimés ou diminués pendant l'accès.
Cette paralysie est flasque, la sensibilité et les organes des sens sont en
général respectés.
La disparition de la paralysie est progressive quand la maladie s'est
constituée d'une façon graduelle; les muscles recouvrent leurs fonctions
en sens inverse de l'invasion, et les troubles électriques disparaissent en
même temps que les troubles moteurs. La durée de l'accès peut être de
quelques heures et peut se prolonger quelques jours et quelquefois toute
une semaine. Quant au retour des accès, il ne peut être prévu; quelquefois
les accès se reproduisent une ou deux fois par semaine, une fois par mois ;
quelquefois la fréquence des crises augmente progressivement et peut
diminuer par la suite.
Enfin, il existe un cas de Gollf7am ou il y a eu un accès unique.
Un autre caractère de la maladie de Westphal est son caractère familial
et héréditaire ; c'est surtout dans toutes les observations de Cousot, de
Goldllam que ce caractère a été relevé. La transmission de la maladie se
fait directement, et l'hérédité similaire est connue.
Les autres points de vue de l'étiologie sont encore obscurs : toutefois, il
est incontestable qu'il faut la différencier totalement des paralysies palu-
déennes. D'autre part, les affections que l'on a signalées dans les antécé-
dents n'ont pas eu une influence incontestable. Le diagnostic se fera
d'après la triade symptomatique que nous venons de décrire : paralysie
périodique, abolition transitoire de l'excitabilité électrique, caractère
familial et héréditaire. '
PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE
SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES ISOLÉES
DE CHAQUE MUSCLE
par Georges GUILLAIN
Avant de faire l'étude séniéiologique des paralysies, avant de décrire la
topographie des troubles de la inutilité dans les lésions tronculaires,
radiculaires ou centrales, il m'a semblé nécessaire de rappeler dans un
chapitre d'ensemble les insertions, l'innervation, les fonctions des diflé-
rents muscles du corps humain et aussi les troubles qui résultent de leur
paralysie isolée. La connaissance précise de la myologie est absolument
indispensable au neurologiste. A chaque instant il doit se rappeler l'ana-
tomie et la physiologie musculaire normales pour interpréter les phé-
nomènes pathologiques devant lesquels il est en présence.
Je considère ce premier chapitre comme étant d'une importance pri-
mordiale. Il me permettra d'ailleurs d'être plus bref et d'éviter des répé-
titions dans la description des diverses paralysies, car il suffira de se
rapporter à la physiologie normale des muscles pour comprendre les
troubles consécutifs à la suppression de la fonction d'un ou de plusieurs
d'entre eux (').
I. MUSCLES DU MEMBRE SUPÉRIEUR
MUSCLES DE L'ÉPAULE
Deltoïde. Insertions. Le deltoïde s'insère en haut : 1° sur la
moitié ou le tiers externe du bord antérieur de la clavicule; 2° sur le
1. Pour la rédaction des pages qui suivent, je me suis inspiré principalement du
Traité d'Anaiomie de 31. Poirier, du Traité d'Anatomic de M. Testut, de la Physio-
logis des mouvements de Duchenne de Boulogne, de l'article Physiologie des muscles
de M. llallion dans le Traite de Médecine de Bouchard et Brissaud. :
J'ai mentionné de préférence les insertions musculaires décrites par M. Testut.
[G GUILLAIN.] 1
522 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
bord externe de l'acromion; 5" sur la lèvre inférieure, de l'épine de l'omo-
plate dans toute son étendue. Les faisceaux antérieurs ou claviculaires
se portent obliquement en bas, en dehors et en arrière; les faisceauxpos-
térieurs ou spinaux en bas, en dehors et en avant; les faisceaux moyens
ou acromiaux verticalement en bas. Tous viennent s'insérer en bas sur
l'empreinte deltoïdienne de l'humérus.
Innervation. Nerf circonflexe, branche terminale du plexus bra-
chial.
Physiologie. Les faisceaux antérieurs du muscle portent l'humérus
en avant et en dedans jusqu'il l'horizontale, les faisceaux postérieurs por-
tent l'humérus en arrière, mais amènent une élévation moindre du bras
qui forme un angle de 4J degrés avec l'horizon. Quant aux faisceaux
moyens, ils élèvent le bras directement en dehors il une hauteur intermé-
diaire entre celle déterminée par les faisceaux antérieurs et celle déter-
minée par les faisceaux postérieurs. Quand tous les faisceaux du muscle
se contractent, il en résulte une abduction directe du bras. Le deltoïde
ne peut élever seul le bras au-dessus de l'horizontale, car l'humérus ren-
contre alors le sommet de l'acromiou qui l'arrête ; le mouvement est
aussi arrêté par la distension du muscle grand rond et de la partie infé-
rieure de la capsule de l'articulation scapulo-humerate.
L'élévation du bras au-dessus de l'horizontale, dans la position verti-
cale par exemple, se fait par l'action simultanée et combinée du-grand
dentelé et du deltoïde. En effet, la contraction du deltoïde, en même temps
qu'elle élève le bras, a pour résultat de faire pivoter l'omoplate de dehors
en dedans, autour de son angle interne et d'abaisser l'angle externe acro-
mial. Or le grand dentelé s'oppose il la rotation de l'omoplate et même, la
faisant pivoter autour de son angle interne, en élève l'angle externe acro-
mial. '
Le mouvement d'abduction du bras est très important; aussi la para-
lysie du deltoïde est-elle particulièrement gênante. Dans ce cas, il y a
impossibilité de porter la main a la bouche, de la mettre dans la poche
du pantalon; on ne peut s'habiller seul.
Le muscle sus-épineux a une action abductrice semblable il celle du
deltoïde quoique moindre ; aussi les symptômes de la paralysie du del-
toïde seront-ils atténués si le sus-épineux est normal. L'action du grand
dentelé peut être suppléée par la portion moyenne du trapèze.
Sus-épineux. Insertions. Le sus-épineux s'insère en dedans
aux deux tiers internes de la fosse sus-épineuse ainsi qu'il la face pro-
fonde de l'aponévrose qui le recouvre. En dehors, il prend insertion sur
la facette supérieure de la grossi ! tubérosité de l'humérus.
Innervation. NeÍ7f sus-scapulair(', branche du plexus brachial.
Physiologie. Le sus-épineux élève le bras en avant et en
dehors et lui imprime une rotation légère en dedans. Ayant une action
semblable il celle du deltoïde, il peut atténuer les troubles produits par
la paralysie de ce muscle. Réciproquement, le deltoïde intact compense les
MUSCLES DU MEMBRE SUPÉRIEUR. M5
effets de la paralysie du sus-épineux. Duchenne a insisté sur ce fait que
le sus-épineux joue le rôle d'un ligament de l'articulation scapulo-humé-
rate.Quand il est paralysé. la tète numérale, par la contractiondudeltoïde,
est souvent subluxec en arrière et en bas.
Sous-épineux. Insertions. Le sous-épineux s'insère : 1° sur
les deux tiers internes de la fosse sous-épineuse ; 2" sur la face profonde
de l'aponévrose qui le recouvre; 3° sur une cloison fibreuse qui le sépare
du grand rond et du petit rond. En dehors, son tendon vient prendre in-
sertion sur la facette moyenne de la grosse tubérosité de l'humérus.
Innervation. Nerf sus-scapulairc, branche du plexus brachial.
Physiologie. Le sous-épineux amène la rotation de l'humérus en
dehors. Il a un rôle dans l'acte de l'écriture en conduisant la main le
long de la ligne écrite ; aussi l'écriture est très gênée quand il est para-
lysé. Ce muscle peut être considéré aussi comme un ligament actif de
l'articulation scapu 10- II lUI d'raIe.
Petit rond. Insertions. Le petit rond s'insère : 1° sur la moi-
tié supérieure de la facette étroite et longitudinale qui s'étend le long
du bord axillaire de l'omoplate entre ce bord et la fosse sous-épineuse;
2° sur une cloison fibreuse qui le sépare du sous-épineux; 3" sur une
deuxième cloison fibreuse qui le sépare du grand rond, muscle situé au-
dessous de lui ; 4° sur la partie inférieure de l'aponévrose sous-épineuse.
Le muscle se porte en haut et en dehors et se fixe sur la facette inférieure
de la grosse tubérosité de l'humérus.
$Innervation. Rameau du nerf circonflexe.
, Physiologie. Le petit rond détermine la rotation en dehors de
l'humérus et applique la tête de cet os dans la cavité glénoïde.
Grand rond. Insertions, Le grand rond s'insère : 1" sur l'an-
gle inférieur de l'omoplate; `3° sur la moitié inférieure de la facette
étroite et longitudinale qui s'étend le long du bord axillaire de l'omoplate
entre ce bord et la fosse sous-épineuse; 5" sur les cloisons fibreuses qui
le séparent du petit rond et du sous-épineux ; 4° sur la face profonde de
l'aponévrose. sous-épineuse. Le muscle se porte en haut, en dehors et en
avant ; son tendon terminal s'insère a la lèvre interne de la coulisse bici-
pitale. .
Innervation. Nerf du grand rond, branche spéciale du plexus bra-
chial.
Physiologie. Le grand rond prenant son point fixe sur l'omoplate
porte le bras en dedans et en arrière. Prenant au contraire son point fixe
sur l'humérus, il agit sur l'angle, inférieur de l'omoplate qu'il porte en
avant et en haut.
, C'est un muscle d'une puissance faible; aussi sa. paralysie n'amène pas
de troubles importants.
Sous-scapulaire. Insertions. Le sous-scapulaire s'insère en
dedans : 1" sur la lèvre, antérieure du bord spinal de l'omoplate; 2" sur
les crêtes de la fosse sous-scapulaire et dans les larges gouttières qui les
[G. GUILLAIN ]
524 ' PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
séparent : 5° sur la lèvre antérieure du bord axillaire de l'omoplate. En
dehors il s'insère sur la petite tubérosité de l'humérus.
Innervation. Deux nerfs distincts provenant du plexus brachial :
1° le nerf supérieur du sous-scapulaire innerve les faisceaux supérieurs
du muscle ; 2° le nerf inférieur du sous-scapulaire innerve les faisceaux
moyens et inférieurs.
Physiologie. - Le sous-scapulaire. le rotateur humerai antérieur de
Duchenne, détermine la rotation en dedans de l'humérus. Il est antago-
niste des muscles sous-épineux et petit rond qui forment le rotateur
humerai postérieur de I)uchenne. Le sous-scapulaire est adducteur du
hras, il rapproche l'humérus du tronc quand il en a été écarté. 11 tend à
appliquer la tète numérale contre la cavité glénoïde, jouant ainsi le rôle
de ligament actif de l'articulation scahulo-lucmérolc. à
MUSCLES DU BRAS
Biceps. - Insertions. Le muscle biceps est formé de deux por-
tions qui s'étendent de l'omoplate au radius. La courte portion s'insère
sur le sommet de l'apophyse coraeoïdc par un tendon commun avec le
coraco-brachial. La longue portion s'insère sur l'omoplate au-dessus de
la cavité glénoïde en se confondant à ce niveau avec le bourrelet glenoï-
dien ; ce tendon d'origine contourne de dedans en dehors la tête de
l'humérus et vient se loger dans la gouttière dite bicipitale qui sépare la
grande de la petite tubérosité. Les deux portions du muscle se fusionnent.
En bas le tendon terminal s'insère à la face postérieure de la tubérosité
bicipitale du radius. Du côté interne du tendon terminal se détache l'ex-
pansion aponévrotique du biceps, lame fibreuse qui se porte en has et en
dedans, s'élargit et se fusionne avec la partie de l'aponévrose antibra-
chiale qui recouvre les muscles épitrochléens.
Innervation. Nerf musculo-cuiané. ,
Physiologie. L'action du biceps est différente suivant que la main
est en supination ou en pronation. Dans le premier cas, il fléchit l'avant-
bras sur le bras. Dans le second cas, la contraction du muscle amène
d'abord la main en supination, puis il ffechit l'avant-bras sur le bras. La
puissance d'action du muscle s'accroît à mesure que le coude se rap-
proche de l'angle droit. Ainsi le biceps est un fléchissear-suhinateur.
Duchenne de Boulogne pense que l'action supinatrice serait plutôt le fait
de la courte que de la longue portion. Il est à remarquer que les deux
fonctions du biceps, la supination et la flexion, peuvent être suppléées,
aussi sa paralysie n'abolit pas complètement l'une et l'autre.
Dans l'acte de grimper, l'avant-bras est fixé. Le biceps agit alors sur
l'épaule qu'il porte en haut et sur le bras qu'il fléchit sur l'avant-bras.
Par son expansion aponévrotique le biceps a une action utile aux fonc-
tions de certains muscles de l'avant-bras. En effet, cette expansion tend
l'aponévrose antibrachiale, fixe l'insertion supérieure des muscles de la
MUSCLES DU MEMBRE SUhi ? P'f;RI ? 525
couche superficielle du groupe épitrochlécn et favorise ainsi leur action.
Le tendon de la longue portion du biceps joue le rôle de ligament actif
de l'articulation de l'épaule. Haillon rappelle ainsi cette action : « Quand
un sujet normal soulève un objet lourd avec l'avant-bras fléchi, la con-
traction du biceps fait que le tendon de la longue portion du muscle se
tend; ce tendon, véritable ligament actif, contribue il maintenir la tête
humorale au niveau de la cavité glénoïde. Quand le muscle est paralysé, le
même mouvement, qui s'accomplit alors à l'aide des autres fléchisseurs
du coude, peut s'accompagner de douleurs dans l'épaule par tiraillement
de l'appareil ligamenteux articulaire. »
Coraco-brachial. Insertions. Le coraco-brachial s'insère en
haut sur le sommet de l'apophyse coracoïde par un tendon commun avec
la courte portion du biceps. En bas, il s'insère sur la face interne de
l'humérus un peu au-dessus de sa partie moyenne.
Innervation. Nerf niuseulo-cutané.
Physiologie. Le coraco-brachial porte le bras en avant, en dedans
et en haut. Son action adductricc est faible, mais il joue un rôle cepen-
dant, utile dans ce mouvement. En effet, les puissants adducteurs du
bras, le grand dorsal, le grand rond, le grand pectoral, ont tendance à
tirer de haut en bas l'humérus. Au contraire, le coraco-hrachial, ainsi
d'ailleurs que la longue portion du triceps, exercent sur l'humérus une
traction de bas en haut. Aussi, quand le triceps et le coraco-brachial sont
paraisses, les adducteurs du bras par leur contraction peuvent-ils déter-
miner une subluxation en bas de la tête de l'humérus.
Brachial antérieur. Insertions. Le brachial antérieur s'in-
sère en haut : 1° sur la lèvre inférieure de l'empreinte deltoïdienne au-
dessous du deltoïde ; 2° sur les deux faces interne et externe, et sur les
trois bords de l'humérus ; 5° sur les cloisons fibreuses qui le séparent du
biceps. En bas, il s'insère sur cette surface rugueuse placée à la base de
l'apophyse coronoïde du cubitus.
Innervation. Branche externe du musculo-cutané. Dans les trois
quarts des cas. le brachial antérieur, outre cette branche principale,
reçoit au niveau de son bord externe un petit rameau accessoire qui se
détache du nerf radial.
Physiologie. Le brachial antérieur fléchit l'avant-bras sur le bras,
c'est le 'fléchisseur indépendant de Duchenne. Il est plus puissant que le
biceps, mais ses fibres étant moins longues que celles de ce muscle ont
vite donné leur maximum de raccourcissement et le mouvement de
flexion commencé par. le brachial antérieur est le plus souvent terminé
par le biceps.
Quand 1 avant-bras est fixe. comme dans l'action de grimper, le bra-
chial antérieur fléchit le bras sur l'avant-bras.
La paralysie isolée du brachial antérieur n'empêche pas la flexion
simple du coude, car le biceps et le long supinateur, en se contractant
syucrgiqllement, amènent ce mouvement. Quand les trois fléchisseurs de
[G. GUILLAIN]
526 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
l'avant-bras (biceps, brachial antérieur, long supinateur) sont paralyses,
la flexion de l'avant-bras est presque impossible, car seuls peuvent agir
encore comme fléchisseurs, et très faiblement, les muscles épitrochléens.
Triceps brachial. Insertions. Le triceps brachial est un
muscle constitué par trois portions distinctes à leur origine supérieure
et qui se réunissent en bas pour prendre insertion sur le cubitus. La
longue portion s'insère sur la petite zone triangulaire située au-dessous
de la cavité glénoïde. Le vaste externe s'insère sur l'aponévrose intenl1us-
culaire externe, et sur la portion de la face postérieure de l'humérus
située au-dessus de la gouttière de torsion. Le vaste interne s'insère sur
l'aponévrose intermusculaire interne, et sur la portion de la face posté-
rieure de l'humérus située au-dessous de la gouttière de torsion. Le ten-
don inférieur terminal du triceps s'insère sur la face postérieure de
l'olécrane et sur ses bords latéraux.
Innervation. Nerf radial. 11 y a un nerf spécial pour chaque portion
du triceps. Les rameaux de la longue portion et du vaste interne, naissent
du radial à la partie supérieure du bras, le rameau du vaste externe naît
plus bas dans la gouttière de torsion.
Physiologie. Le triceps brachial est un extenseur de l'avant-bras
sur le bras. Ce sont surtout les vastes externe et interne qui ont ce rôle
extenseur; la longue portion du triceps joue un rôle utile en maintenant
dans la cavité glénoïde la tète de l'humérus qui aurait tendance à se pro-
jeter en avant et en dehors, entraînée par le membre supérieur dans cer-
tains actes, comme' celui de frapper un coup violent alors que la main
contient un corps lourd, connue par exemple un marteau. La longue por-
tion prenant insertion sur la ceinture thoracique rapproche le membre su-
périeur du tronc. Pour que la longue portion ait son maximum d'action,
il est nécessaire que l'omoplate soit fixe.
L'anconé peut suppléer dans une certaine mesure le triceps paralysé.
La paralysie simultanée du triceps et de l'anconé rend impossible l'ex-
tension de l'avant-bras sur le bras. Toutefois, dans beaucoup de mouve-
ments. la pesanteur de l'avant-bras peut réaliser l'extension du coude, ce
qui atténue l'importance fonctionnelle résultant de la paralysie. Quand
les extenseurs de l'avant-bras sont paralysés, les fléchisseurs agissent
d'une façon défectueuse, car l'on sait que c'est une loi de la physiologie
que les muscles ne fonctionnent bien qu'autant que leurs antagonistes
sont normaux.
MUSCLES DE LAVANT-BRAS
Région antérieure de l'avant-bras.
Dans la région antérieure de l'avant-bras, on trouve huit muscles
disposés sur quatre plans. Le premier plan possède quatre muscles : le
rond pronateur, le grand palmaire, le petit palmaire, le cubital antérieur;
MUSCLES DU MEMBRE SUPÉRIEUR. 527 7
le second plan contient le fléchisseur commun superficiel des doigts ; le
troisième plan comprend deux muscles : le fléchisseur commun profond
des doigts en dedans, le fléchisseur propre du pouce en dehors; le qua-
trième plan n'est constitué que par le muscle carré pronateur.
Rond pronateur. Insertions. Le rond pronateur nait en
haut par deux faisceaux : le faisceau epitrochteen s'insère sur la face
antérieure de t'epitrochtec, sur la portion inférieure du bord interne de
l'humérus et sur la cloison intermusculaire qui le sépare du grand pal-
maire; le faisceau coronoïdien s'insère sur le bord interne de l'apophyse
coronoïde. En bas, le tendon du muscle prend insertion sur la partie
moyenne de la face externe du radius. ,
Innervation. Nerf médian.
Physiologie. Le rond pronateur est d'abord pronateur de la main
et secondairement fléchisseur de l'avant-bras sur le bras. Il n'est un
fléchisseur puissant que lorsque son action pronatrice est annihilée par
la contraction synergique d'un muscle antagoniste comme le biceps.
Grand palmaire. Insertions. Le grand palmaire s'insère
en haut sur la face antérieure de t'epitrochtec par un tendon commun
aux muscles epitrochteens, sur l'aponévrose antihracliialc, sur les cloi-
sons qui le séparent du rond pronateur en dehors, du petit palmaire en
dedans, du fléchisseur commun superficiel en arrière. En bas, le tendon
du muscle prend insertion sur la face antérieure de l'extrémité supé-
rieure du deuxième métacarpien.
Innervation. Nerf médian.
Physiologie. Son rôle principal est de fléchir la main sur l'avant-
bras. Il peut aussi, mais dans une faible mesure, mettre la main en pro-
nation, en abduction et fléchir l'avant-bras sur le bras et. le bras sur
l'avant-bras quand ce dernier est immobilisé. Duchenne de Boulogne nie
l'action abductrice du grand palmaire.
Petit palmaire. Insertions. Le petit palmaire s'insère en
haut sur l'épitrochlée par un tendon commun avec les muscles epitro-
chluens, sur l'aponévrose antibrachiate, sur les cloisons fibreuses qui le
séparent du grand palmaire en dehors, du cubital antérieur en dedans,
du fléchisseur commun superficiel en arrière. En bas. le tendon du petit t
palmaire se divise en deux faisceaux : le faisceau interne plus volumi-
neux se fixe à la face antérieure du ligament annulaire en se confondant
avec 1 aponévrose palmaire, le faisceau externe se confond avec l'origine
des muscles de t'eminence thénar, principalement avec les faisceaux les
plus élevés de l'abducteur du pouce.
Innervation. Nerf médian.
Physiologie. Le petit palmaire fléchit la main directement sur
l'avant-bras; il peut secondairement, connue les autres muscles épitro-
clllécns, fléchir l'avant-bras sur le bras. On a dit qu'il était un tenseur de
l'aponévrose palmaire, ce rôle est très hypothétique.
Cubital antérieur. Insertions. Le cubital antérieur s'insère
[G. GUILLAIN.]
M8 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.'
en haut par deux faisceaux distincts : le faisceau epitrochleeu naît de
t epitrochtee et des cloisons fibreuses qui le séparent du petit palmaire et
du fléchisseur commun superficiel; le faisceau olécranien s'insère sur le
bord interne de l'olécrane et sur les deux tiers supérieurs du bord posté-
rieur du cubitus. En bas, le tendon du muscle s'insère sur l'os pisi-
forme.
Innervation. Nerf cubital. "
Physiologie. Le cubital antérieur fléchit la main. Duchenne a
insisté sur ce fait qu'au maximum de sa contraction il entraine le bord
interne de la main avec une telle force que sa face palmaire semble vou-
loir regarder en dehors, ce qui est dû Ù ce que le cubital antérieur agit
avec plus d'énergie sur le 5'' métacarpien que sur les autres. '*
Le cubital antérieur est considéré, par beaucoup d'auteurs, comme
adducteur de la main. Duchenne n'admet pas cette action qui, d'après
lui, n'appartiendrait qu'au cubital postérieur; il fait remarquer qu'on ne
peut guère s'expliquer l'existence d'un fléchisseur-adducteur, les mouve-
ments d'inclinaison latérale de la main atteignant leur minimum d'am-
plitude quand celle-ci est dans la flexion forcée.
La paralysie du grand palmaire, du petit palmaire, du cubital anté-
rieur, n'entraîne pas de trouble dans l'attitude de la main, elle abolit la
flexion de la main sur l'avant-bras et diminue secondairement la puis-
sance d'action des muscles extenseurs commun et propre des doigts.
Fléchisseur commun superficiel des doigts. Fléchis-
seur commun profond des doigts. Insertions. Le fléchis-
seur commun superficiel des doigts s'insère en haut sur l'épitrochlée en
se confondant plus ou moins à ce niveau avec les muscles superficiels,
sur le bord interne de l'apophyse coronoide en dedans et au-dessous du
tendon du brachial antérieur, sur la partie moyenne du bord antérieur
du radius. En bas, les quatre tendons terminaux viennent se fixer, par
deux languettes chacun, sur les côtés interne et externe de l'extrémité
supérieure de la deuxième phalange des : 2". ") ? 4" et 5e doigts.
Le fléchisseur commun profond des doigts s'insère en haut sur les
trois quarts supérieurs de la face antérieure et de la face interne du
cubitus, sur la portion de 1 aponévrose antibrachiate qui recouvre la face
interne de cet os, sur les deux tiers internes du ligament interosseux,
enfin par quelques faisceaux sur la face antérieure du radius en dedans
et au-dessous de la tubérosité bicipitale. Les quatre tendons terminaux
du muscle glissent dans la gouttière du carpe, traversent, en divergeant.
la région palmaire où ils donnent insertion aux muscles tombrieaux.
perforent au niveau des doigts les tendons correspondants du fléchisseur
superficiel et. finalement, s'insèrent sur l'extrémité postérieure de la
troisième phalange des quatre derniers doigts.
Innervation. Le fléchisseur commun superficiel des doigts est
innervé par le médian. Le fléchisseur commun profond des doigts est
innervé par le médian et par le cubital. Le médian, par l'intermédiaire
MUSCLES DU MEMBRE SUPERIEUR. 52 ! )
du nerf interosseux, donne des rameaux à sa moitié externe, c'est-à-dire
aux deux faisceaux destinés à l'index et au médius. Le cubital innerve la
moitié interne, c'est-à-dire les deux faisceaux qui se rendent à 1' : lIlIIU-
laire et au petit doigt.
Physiologie. Le fléchisseur superficiel fléchit les deuxièmes pha-
langes, le fléchisseur profond fléchit les deuxièmes et les troisièmes pha-
langes. Ces muscles agissent à peine sur les premières phalanges dont
la flexion est déterminée par les interosseux. Pour que les fléchisseurs
agissent avec puissance, il est nécessaire que les muscles extenseurs
soient normaux. Le fléchisseur profond ne peut fléchir encrgiquemcnt la
dernière phalange que si la première phalange est étendue fortement;
c'est ainsi, connue ta l'ait remarquer Duchenne, que se forme la griffe si
puissante pour déchirer avec les ongles.
Quand les muscles fléchisseurs sont paralysés, les différents usages de
la main sont abolis, la plus légère pression exercée sur la face antérieure
des deux dernières phalanges amène leur renversement en arrière. La
main se déforme, car les interosseux étendent les deux dernières pha-
langes fortement et amènent même la subluxation de leur extrémité
supérieure. Quand le fléchisseur superficiel est seul paralysé, la deuxième
phalange est dans l'extension forcée et la troisième fléchie. Quand le
fléchisseur profond est seul paralysé, la troisième phalange, est seule dans
l'extension, la deuxième étant maintenue dans sa situation par le fléchis-
seur superficie ! .
Long fléchisseur propre du pouce. Insertions. - Le long
fléchisseur propre, du pouce s'insère en haut sur la face antérieure du
radius, dans ses trois quarts supérieurs et sur le tiers externe du liga-
ment interosseux. Il reçoit en outre dans la moitié des cas sur son bord
interne un faisceau de renforcement (faisceau accessoire de Gantzer) ; ce
faisceau, variable, dans son volume, provient soit de l'apophyse coronoïde,
soit de la face antérieure du cubitus, soit ¡Je Il'pill'Ol'hlél', soit de la masse
commune des muscles epitrochteens. Le tendon terminal se fixe en bas
sur 1 extrémité postérieure de la phalange unguéale du pouce.
Innervation ? Nerf interosseux, branche du médian.
Physiologie. Le long fléchisseur propre du pouce amène la flexion
de la deuxième phalange, son action sur la première phalange est- très
limitée. Duchenne a insisté sur ce fait que le long fléchisseur propre,
n'agit pas sur le premier métacarpien. La paralysie de ce muscle, bien
que n'entraînant que la perle de la flexion de la deuxième phalange, rend
difficiles et même impossibles nombre d'actes, tels que l'écriture.
Carré pronateur. Insertions. Le carré pronateur s'insère
sur le quart inférieur du bord antérieur du cubitus, se porte transversa-
lement en dehors et s'insère, d'autre part, sur le bord antérieur et la face
antérieure du radius dans son quart inférieur.
Innervation. Nerf interosseux, branche du médian. : Physiologie. Il l'ait tourner le radius de dehors en dedans et met
11;.\TI(11'I : \F : UItIIL. soi
[G. GUILLAIN ]
550 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
ainsi la main en pronation. Le rôle pronateur de ce muscle a été mis en
doute par Ilyrtl, mais Calori, Testut, Wertheimer ont montré par l'expé-
rimentation que l'opinion soutenue par Ilyrtl n'était pas justifiée.
Région externe de l'avant-bras.
La région externe de l'avant-bras comprend quatre muscles : le long
supinateur, le premier radial externe, le deuxième radial externe, le
court supinateur.
Long supinateur. Insertions. Le long supinateur s'insère en
haut sur le bord externe de l'humérus au-dessous de la gouttière de tor-
sion et sur la cloison intermusculaire externe; il se porte verticalement
en bas où son tendon s'insère à la base de l'apophyse styloïde du radius.
Innervation. Nerf radial.
Physiologie. Le long supinateur lléchit l'avant-bras sur le bras, et
le met en demi-pronation. Quand la main est en pronation forcée le
muscle en se contractant est supinateur, puisqu'il amène l'avant-bras en
demi-pronation. Le long supinateur est donc à la fois pronateur et supi-
nateur. La paralysie du long supinateur est facile à constater en priant le
malade de fléchir l'avant-bras en demi-pronation, on ne perçoit pas alors
la corde du muscle contracté. "
Premier radial externe. Insertions. Le premier radial
externe s'insère en haut sur le bord externe de l'humérus au-dessous du
long supinateur et sur la cloison interniusculaire externe. En bas, le ten-
don du muscle se fixe en arrière de l'extrémité supérieure ou base du
deuxième métacarpien. ?
Innervation. Nerf radial.
Physiologie. Le premier radial externe étend le deuxième métacar-
pien sur le carpe et le carpe sur l'avant-bras, de plus il incline la main
vers le bord radial de l'avant-bras. Il est extenseur et adducteur de la
main. La paralysie de ce muscle amène une déviation permanente de la
main vers le bord cubital.
Deuxième radial externe. Insertions. Le deuxième
radial externe s'insère en haut sur l'épicondyle par un tendon qui lui est
commun avec les muscles superficiels de la région postérieure de l'avant-
bras, sur une forte aponévrose située sur sa face postérieure, sur le liga-
ment latéral externe de l'articulation du coude, sur une cloison fibreuse
qui le sépare de l'extenseur commun des doigts. En bas, le tendon s'insère
sur l'apophyse postérieure de la base du troisième métacarpien.
Innervation. Nerf radial.
Physiologie. Les auteurs classiques admettent que le deuxième
radial externe, de même que le premier, est un extenseur abducteur de
la main. Pour Duchenne de Boulogne, il est un muscle extenseur direct.
Lorsque le deuxième radial externe est seul paralysé, l'extension directe
de la main est encore possible grâce à la contraction simultanée des deux
MUSCLES DU MEMBRE SUPÉRIEUR. 551
autres extenseurs, le premier radial externe et le cubital postérieur; le
premier radial externe étant un extenseur abducteur, le cubital posté-
rieur un extenseur adducteur, leurs actions antagonistes s'annulent réci-
proquement.
Court supinateur. Insertions. Ce muscle s'enroule autour
du radius à la manière d'un demi-cylindre creux. Il s'insère en arrière
sur la facette rugueuse du cubitus située au-dessous de la petite cavité
sigmoïde, sur le quart supérieur du bord externe du cubitus, sur la par-
tie postérieure du ligament annulaire de l'articulation radio-cubitale
supérieure, sur le ligament latéral externe de l'articulation du coude;
parfois des faisceaux additionnels proviennent de l'épicondyle. Le muscle
court supinateur contourne le tiers supérieur du radius et vient s'insérer
sur la face externe et sur la face antérieure de cet os depuis le ligament
annulaire jusqu'à l'insertion du rond pronateur.
Innervation. - \erf radial.
Physiologie. Le court supinateur est un muscle supinateur (ner-
tique. est avec le biceps le principal agent de ce mouvement de l'avant-
bras.*
las."
.^H| Région postérieure de l'avant-bras.
La région postérieure de l'avant-bras comprend huit muscles qui for-
ment deux couches. La couche superficielle se compose de quatre mus-
cles : l'extenseur commun des doigts, l'extenseur propre du petit doigt,
le cubital postérieur, l'anconé. La couche profonde se compose égale-
ment de quatre muscles : le long abducteur du pouce, le court extenseur
du pouce, le long extenseur du pouce, l'extenseur propre de l'index.
Extenseur commun des doigts. Extenseur propre du
petit doigt. Insertions. L'extenseur commun des doigts s'in-
sère en haut sur la face postérieure de l'épicondyle, sur la face profonde
de l'aponévrose de l'avant-bras, sur les cloisons fibreuses qui le séparent
de l'extenseur propre du petit doigt en dedans et du deuxième radial
externe en dehors. En bas, le muscle se divise en trois faisceaux : un
faisceau externe pour l'index, un faisceau moyen pour le médius, un
faisceau interne pour l'annulaire et le petit doigt. Chacun des quatre
tendons reçoit sur ses bords au niveau de l'articulation métacarpo-pha-
langienne des expansions des muscles lombricaux et interosseux et se
divise en trois languettes, une médiane et deux latérales. La languette
médiane s'insère sur l'extrémité postérieure de la deuxième phalange,
les deux languettes latérales, après s'être fusionnées, s'insèrent sur
l'extrémité postérieure de la troisième phalange.
L'extenseur propre du petit doigt s'insère en haut sur la face posté-
rieure de l'épicondyle, sur l'aponévrose anti-brachiale, sur les cloisons
fibreuses qui le séparent des muscles voisins. Le tendon terminal du
muscle se fusionne avec le tendon que l'extenseur commun envoie au
[G. GUILLAIN.]
552 . PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
petit doigt et se termine sur les deux dernières phalanges de ce doigt.
Innervation. Nerf radial.
Physiologie. L'extenseur commun .des doigts étend les deux der-
nières phalanges sur les premières, les premières sur les métacarpiens et
la main sur l'avant-bras. Le muscle agit peu sur les deux dernières pha-
langes, au contraire il étend énergiquenient la première. Le défaut d'ac-
tion de l'extension sur les deux dernières phalanges tient un peu à la
"("81stanc¡' tonique des muscles fléchisseurs, niais surtout il ce que le ten-
'Ion, comme l'a montré Duchenne, envoie une expansion sur la base de
la première phalange; si l'on fait la section de celte expansion, une trac-
tion sur le tendon de l'extenseur amène immédiatement l'extension des
deux dernières phalanges. Des bandelettes unissant sur la face dorsale les
tendons de l'extenseur empêchent l'extension isolée du médius et de l'an-
uutaire.
L'extenseur propre du petit doigt permet 1 extension isolée du petit
doigt.
Les muscles extenseurs impriment aux doigts des mouvements de
latéralité. L'extenseur commun écarte du médius les trois autres doigts.
l'extenseur propre du petit doigt écarte celui-ci du médius. L'extenseur
propre de l'index au contraire rapproche ce doigt du médius. Ces mouve-
ments de latéralité des doigts sont très limités, mais ont cependant une
grande importance dans certains cas. par exemple lorsque l'index doit
être rapproché ou écarté du médius, sa première phalange étant étendue
et ses deux autres phalanges étant fléchies, c'est-à-dire dans une position
telle que l'action du deuxième interosseux palmaire et celle du premier
interosseux dorsal ne peuvent s'exercer sans fléchir la première phalange
et étendre les deux autres.
Cubital postérieur. Insertions. Le cubital postérieur in-
sère en haut sur l'épicondyle. sur la face profonde de l'aponévrose anti-
brachiale, sur les cloisons fibreuses qui le séparent de l'extenseur propre
du petit doigt en dehors et de l'anconé en dedans, sur la face postérieure
et le bord postérieur du cubitus. En bas, le tendon du muscle s'insère sur
le côté interne de l'extrémité supérieure du cinquième métacarpien.
Innervation. Nerf radial. '
Physiologie. Le cubital postérieur es) un extenseur et un adduc-
teur de la main; c'est le seul adducteur d'après Duchenne. Quand le pre-
mier et le second radial externes sont paralysés et que le cubital posté-
rieur est respecté, la main ne peut s'étendre sans se porter en mine
temps en dedans.
Anconé. insertions.t/ancone s'insère en haut sur la partie
postérieure et interne de l'épicondyle, il se porte en bas et en dedans et
se termine sur le côté externe de t'otecrane et sur une petite surface
triangulaire que limite en arrière le bord postérieur du cubitus.
Innervation. L'anconé reçoit son innervation du nerf radial par les
rameaux que ce nerf envoie au vaste externe.
MUSCLES DU MEMBRE SUPÉRIEUR, 5 5
Physiologie. L'anconé est extenseur de l'avant-bras sur le bras, il
détermine aussi au cubitus un mouvement de latéralité en dehors qui est
utile dans la pronation et la supination. La paralysie de ce muscle n'amène
pas de troubles appréciables si le triceps est normal.
Long abducteur du pouce. Insertions. Le long abduc-
teur du pouce s'insère en haut sur la face postérieure du cubitus, du
ligament interosseux du radius. En bas, le tendon se fixe sur la partie
externe de l'extrémité postérieure du premier métacarpien.
Innervation. Nerf radial.
Physiologie. Le long abducteur du pouce, d'après Duchenne, porte
le premier métacarpien en arrière et en avant de manière à le mettre en
opposition avec le bord externe du deuxième métacarpien. Quand il est
au maximum de sa contraction, il fléchit la main et l'incline en dehors.
Ce muscle n'intervient jamais, comme d'ailleurs le long et le court exten-
seur, dans les mouvements de supination (Poirier).
Court extenseur du pouce. Insertions. Le court exten-
seur du pouce s'insère en haut sur la face postérieure du ligament inter-
osseux et des deux os de l'avant-bras, principalement du cubitus. En bas,
le tendon s'insère sur l'extrémité postérieure de la première phalange du
pouce.
Innervation. Nerf radial.
Physiologie. Le court extenseur du pouce étend la première pha-
lange du pouce sur le premier métacarpien et porte le premier métacar-
pien en abduction.
La paralysie du court extenseur empêche l'extension du pouce et
entraîne la chute de ce doigt dans la paume de la main, la paralysie du
long abducteur et du long extenseur exagère cette attitude qui rend
impossibles la plupart des usages de la main.
Long extenseur du pouce. Insertions. Le long extenseur
du pouce s'insère en haut sur la face postérieure, du cuhitus et du liga-
ment interosseux, en has sur l'extrémité postérieure de la deuxième pha-
lange du pouce.
Innervation. - Nerf radial.
Physiologie. Le long extenseur du pouce étend la seconde pha-
lange sur la première, puis la première sur le métacarpien. Il porte aussi
le premier métacarpien en arrière et en dedans vers le deuxième méta-
carpien. Dans les cas de paralysie des muscles thénariens, le long exten-
seur, par son action tonique, amène le premier métacarpien en arrière sur
le plan du second et détermine sa rotation en dehors, de telle sorte que sa
face antérieure regarde directement en avant ; telle est l'attitude de la
main dite de singe.
Extenseur propre de l'index. Insertions. L'extenseur
propre de l'index s'insère en haut sur la face postérieure du cubitus et
sur le ligament interosseux, en bas son tendon se fusionne avec celui
que 1 extenseur commun envoie il ce doigt.
[G. GUILLAIN.]
fÍ;¡4 . PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE. : ,
Innervation. Nerf radial.
Physiologie. L'extenseur propre de l'index étend la première pha-
lange de l'index sur le métacarpien, il rapproche aussi ce doigt du
médius. -
MUSCLES DE LA MAIN
Région palmaire externe.
Muscles de l'éminence thénar. Insertions. - Ce court
abducteur du pouce s'insère sur le scaphoïde, sur la partie antérieure
et externe du ligament annulaire, souvent sur une expansion du tendon
du long abducteur. Il se termine en bas sur le côté externe de l'extré-
mité supérieure de la première phalange du pouce et envoie une expan-
sion au tendon correspondant de l'extenseur.
Le court fléchisseur du pouce s'insère en haut par des libres superfi-
cielles sur la partie externe et le bord inférieur du ligament annulaire du
carpe, par des fibres profondes sur le trapèze, sur la gaine fibreuse du
grand palmaire et par l'intermédiaire de cette gaine sur le trapézoïde et
le grand os. En bas, le muscle se divise en deux faisceaux : l'un, externe,
s'insère sur le côté externe de la première phalange du pouce ; l'autre,
interne, s'insère sur le côté interne de cette phalange ; ces deux faisceaux
prennent aussi insertion, avant d'atteindre la phalange, sur le sésamoïde
métacarpo-phalangien correspondant.
L'opposant du pouce s'insère d'une part sur la partie antéro-externe
du ligament annulaire et sur la face antérieure du trapèze, d'autre part
sur la partie externe de la face antérieure du premier métacarpien dans
toute son étendue.
L'adducteur du pouce s'insère en dedans par des faisceaux carpiens
et des faisceaux métacarpiens. Les faisceaux carpiens prennent insertion
sur la face antérieure de la deuxième rangée du carpe, principalement
sur le trapézoïde et le grand os, les faisceaux métacarpiens sur la base,
le bord antérieur et la tète du troisième métacarpien. Les fibres il inser-
tion carpienne ont un trajet oblique (adducteur oblique), les libres il
insertion métacarpienne un trajet plus ou moins transversal (adducteur
transverse), elles se fixent a l'os sésamoïde interne, et au côté interne de
l'extrémité supérieure de la première phalange du pouce.
Innervation. Le court abducteur du pouce est innervé par le médian
et par un rameau inconstant du radial.
Le court fléchisseur reçoit son innervation du médian pour son faisceau
externe, et de la branche profonde du cubital pour son faisceau interne.
L'opposant est innervé par le médian, l'adducteur par la branche pro-
fonde du cubital.
Physiologie. Le court abducteur et le faisceau externe du court
fléchisseur du pouce amènent la flexion et l'adduction du premier méta-
MUSCLES DU MEMBRE SUPÉRIEUR. 555
carpien, la flexion de la première phalange, l'extension de la seconde, la
rotation du pouce. L'adduction du pouce, combinée avec la rotation,
détermine le mouvement d'opposition. Sappey pense que le court abduc-
teur se contracte toujours synergiquement avec le long abducteur pour
produire avec lui l'abduction du pouce, fonction que lui conteste Duchenne.
L'adducteur du pouce et la partie interne du court fléchisseur amènent
le premier métacarpien, quelle que soit sa position préalable, en avant et
un peu en dehors du deuxième métacarpien.
, L'opposant détermine la llexion, l'adduction et la rotation en dedans du
premier métacarpien.
Les muscles de l'éminence thénar, comme le fait remarquer Poirier,
agissent en somme sur les trois os du pouce. Tous sont adducteurs du
premier métacarpien ; de plus, le court abducteur et le court fléchisseur
le fléchissent légèrement, et l'opposant lui imprime un léger mouvement
de rotation en dedans. Tous les muscles de l'éminence thénar, sauf l'oppo-
sant dépourvu d'insertions phalangiennes, sont fléchisseurs de la pre-
mière phalange. Enfin, le court abducteur, le court fléchisseur et l'ad-
ducteur produisent l'extension de la deuxième phalange sur la première.
C'est évidemment par l'intermédiaire de l'expansion aponévrotique, qu'ils
envoient au tendon du long extenseur, que ces muscles peuvent pro-
duire ce mouvement (Poirier).
Quand les muscles de l'éminence thénar sont paralysés, la tonicité du
long extenseur du pouce attire en arrière le premier métacarpien, le met
sur le même plan que les autres, la face palmaire du pouce regarde
directement en avant, c'est la main dite de singe. La perte de l'opposi-
tion du poucc rend impossibles les mouvements les plus importants de la
main. Le court abducteur du pouce est plus utile en tant qu'opposant que
les deux autres muscles (l'opposant et le faisceau externe du court flé-
chisseur) qui ont aussi celte fonction; lorsque le court abducteur est
seul respecté, le malade peut encore opposcr le pouce à l'index et au
médius.
Région palmaire interne. Muscle de l'éminence hypothénar.
Palmaire cutané. Insertions. Les faisceaux du palmaire
cutané s'insèrent, d'une part sur le bord interne de l'aponévrose pal-
maire, d'autre part à la face profonde de la peau de l'éminence hypo-
thénar.
Innervation. Branche superficielle du cubital.
Physiologie. Le palmaire cutané agit sur la peau qui recouvre
1 éminence hypothénar, il la plisse transversalement en l'attirant en
dehors. Il protège l'artère et le nerf cubital quand on serre, le poing
ferme, fortement un objet dans la main (1[I'nlc), Le palmaire cutané est
un muscle rudimentaire chez l'homme.
Adducteur du petit doigt. Insertions. L'adducteur du
[G. GUILLAIN.
M6 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
petit doigt s'insère en haut sur le pisiforme et sur une expansion
fibreuse que lui envoie le tendon du cubital antérieur, il se porte en bas
et en dedans et se fixe au côté interne de la première phalange du petit
doigt, en envoyant une expansion au tendon de l'extenseur.
Innervation. Branche profonde du cubital.
Physiologie. L'adducteur du petit doigt incline le petit doigt sur
le bord cubital du cinquième métacarpien, il le rapproche de la ligne
médiane du corps (adduction) ; si l'on rapporte son action à l'axe de la
main il peut être considéré comme abducteur. Ce muscle fléchit aussi la
première phalange sur le métacarpien.
Court fléchisseur du petit doigt. Insertions. Le court
fléchisseur du petit doigt s'insère, d'une part sur l'apophyse uncil'ol'me
de l'os crochu et sur la partie interne du ligament annulaire, d'autre
part sur le côté interne de la première phalange du petit doigt par le
même tendon que l'adducteur. ,
Innervation. Branche profonde du cubital.
Physiologie. Le court fléchisseur du petit doigt fléchit la première
phalange de ce doigt. Poirier dit qu'il étend les deux autres phalanges
lorsque, ainsi qu'il t'a vu plusieurs fois, le muscle envoie une expansion
dorsale au tendon extenseur.
Opposant du petit doigt. Insertions. L'opposant du petit
doigt s'insère, en haut, sur la partie inférieure et interne du ligament
annulaire, sur l'apophyse unciforme de l'os crochu, sur le ligament qui
unit cet os au pisiforme. En bas, le muscle prend insertion sur le coté
interne du cinquième métacarpien dans toute son étendue, t
Innervation. Branche profonde du cubital.
Physiologie. L'opposant du petit doigt porte le petit doigt en avant
et eu dehors, il ébauche un mouvement d'opposition.
Région palmaire moyenne.
Lombricaux. Insertions. Il existe, quatre muscles lombri-
caux s'étendant en hauteur depuis l'articulation carpo-metacarpienne
jusqu'à ta racine des doigts. Chacun d'eux naît sur les deux tendons du
fléchisseur profond entre lesquels il est situé, sauf le premier IOlllbl'ical
qui s'insère exclusivement sur le tendon de l'index. Au niveau de la
racine des doigts, ils obliquent en dehors vers le côté externe de l'articu-
lation 1lI¡)tacal'po-phalangiellne des quatre derniers doigts. La languette
tendineuse qui termine le muscle se réunit il la partie inférieure ou
longue portion du tendon de t'interosseux voisin et se fixe, avec lui sur
le tendon de l'extenseur correspondant jusqu'au niveau de la troisième
phalange. Le premier jombricai, situé sur le côté externe, de l'articulation
metacarpo-ptiataugiome de l'index, se termine sur le lendon extenseur
dn l'index : le secolld 100nbrieal, silw; SUI' II' eÙt<' ! l'xt('l'I1l' de l'arliculation
ulétacarpo-phalanginnne du médius, se termine sur le tendon extenseur
MUSCLES DU MEMBRE SUPÉRIEUR. 557
du médius; le troisième lombrical, situé sur le côté externe de l'articula-
tion métacarpo-phalangiennc de l'annulaire, se termine sur le tendon
extenseur de l'annulaire; le quatrième lomhrical, situé sur le côté externe
de l'articulation métacarpo-phalangienne du petit doigt, se termine sur le
tendon extenseur du petit doigt.
Innervation. Le médian innerve les deux lombricaux externes, la
branche profonde du cubital innerve les deux lombricaux internes.
Physiologie. Les lombricaux produisent la flexion de la première
phalange et l'extension des deux autres. '
Interosseux. Insertions. Il existe des muscles interosseux
palmaires et des muscles interosseux dorsaux. Chaque espace interrnéta-
carpien contient deux interosseux palmaires et un interosseux dorsal,
sauf, toutefois, le premier espace dépourvu d'interosseux palmaire.
Les interosseux palmaires, au nombre de trois, situés dans les trois
derniers espaces intermétacarpiens, s'insèrent sur la face du métacar-
pien qui regarde l'axe de la main, dans toute la hauteur de cette face,
mais sur sa moitié antérieure seulement, car la moitié postérieure donne
naissance à l'interosseux dorsal correspondant. Le tendon du muscle
vient se terminer sur le tendon de l'extenseur. Le premier interosseux
palmaire, s'insère sur la face cubitale du deuxième métacarpien et se fixe
sur le tendon extenseur de l'index, le deuxième interosseux palmaire
s'insère sur la face radiale du quatrième métacarpien et se fixe sur le
tendon extenseur de l'annulaire, le troisième interosseux palmaire s'in-
sère sur la face radiale du cinquième métacarpien et se fixe sur le ten-
don extenseur du petit doigt. Le métacarpien du médius ne donne nais-
sance à aucun interosseux palmaire.
Les interosseux dorsaux s'insèrent sur les deux faces métacarpiennes
qui forment un espace interosseux, mais inégalement; ils occupent toute
l'étendue de la face qui ne regarde pas l'axe de la main et la moitié seu-
lement de la face qui regarde l'axe de la main, cette face ayant déjà
donné insertion, dans sa moitié antérieure, à l'interosseux palmaire
correspondant. Le tendon terminal du muscle se divise en deux portions :
une courte portion qui se fixe a l'extrémité supérieure de la première
phalange sur le côté correspondant au métacarpien où ce muscle a pris
ses insertions les plus étendues, une longue portion qui se termine sur
le tendon de l'extenseur correspondant, depuis la première phalange
jusqu'à la troisième. Le tendon terminal des lombricaux se fusionne avec
celte longue portion.
Le premier interosseux dorsal s'insère sur la face cubitale (partielle-
ment) du premier métacarpien, sur la face radiale (en totalité) du second
métacarpien, il se rend au tendon extenseur de l'index. Le second inter-
osseux dorsal s'insère sur la face cubitale (partiellement) du second
métacarpien, sur la face radiale (en totalité) du troisième métacarpien, il
se rend au tendon extenseur du médius. Le troisième interosseux dorsal
s'insère sur la face radiale (partiellement) du quatrième métacarpien,
[G. GUILLAIN.]
133 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
sur la face cubitale (en totalité) du troisième métacarpien, il se rend
au tendon extenseur du médius. Le quatrième interosseux dorsal s'insère
sur la face radiale (partiellement) du cinquième métacarpien," sur la face
cubitale (en totalité) du quatrième métacarpien, il se rend au tendon
extenseur de l'annulaire.
Innervation. -La branche profonde du cubital innerve les interosseux
dorsaux et palmaires.
Physiologie. Les muscles interosseux fléchissent la première pha-
lange, étendent les deux autres. De plus, ils impriment aux doigts des
mouvements de latéralité. Les interosseux palmaires rapprochent les
doigts de l'axe de la main passant par le médius, ils sont adducteurs :
les interosseux dorsaux écartent les doigts de l'axe de la main, ils sont
abducteurs. Les mouvements d'abduction sont plus énergiques que les
mouvements d'adduction.
Quand les lombricaux et les interosseux sont paralysés, la flexion de
la première phalange et l'extension des deux dernières sont abolies, la
main ne peut serrer que faiblement les objets. Si l'on prie le malade
d'étendre les doigts, on constate que, seules, les premières phalanges
s'étendent, les deux dernières, au contraire, se fléchissent par la tonicité
des fléchisseurs superficiel et profond. Des mouvements de latéralité
des doigts peuvent encore s'exécuter par les faisceaux des extenseurs
commun et propre des doigts qui sont capables d'écarter l'index, l'annu-
laire et le petit doigt du médius, et aussi de rapprocher l'index de ce
doigt.
La paralysie des interosseux est parfois incomplète, le malade pouvant
étendre les deux dernières phalanges, mais étant incapable de rappro-
cher les doigts étendus. Duchenne a insisté sur ce fait que l'impossibilité
de rapprocher les doigts étendus caractérise le premier degré de la
paralysie des interosseux.
La paralysie des lombricaux et des interosseux a pour conséquence le
développement d'une griffé spéciale; les premières phalanges des doigts
sont en hyperextension par la rétraction des muscles extenseurs commun
et propre, les deux dernières phalanges sont fléchies par la rétraction des
fléchisseurs superficiel et profond. Les lombricaux peuvent suppléer,
mais imparfaitement, les interosseux; dans des cas de lésion du cubital,
la déformation en griffe est moins marquée au niveau du médius et de
l'index, quoique existant toutefois.
II. MUSCLES DU MEMBRE INFÉRIEUR
MUSCLES DU BASSIN
Grand fessier. Insertions. Le grand fessier s'insère sur la
lèvre externe de la crête iliaque dans sa partie la plus reculée, sur la
MUSCLES DU MEMBRE INFERIEUR. mis
ligne courbe postérieure de l'os coxal et sur la surface osseuse située en
arrière de cette ligne, sur le ligament sacro-iliaque postérieur, sur l'apo-
névrose lombaire, sur la crête du sacrum et du coccyx, sur la face posté-
rieure du grand ligament sacro-sciatique. Les faisceaux du muscle se
dirigent en bas et en dehors et s'insèrent sur la ligne rugueuse qui s'étend
du grand trochanter à la ligne âpre; les faisceaux les plus inférieurs du
muscle s'insèrent non sur le fémur, mais sur l'aponévrose fémorale, prin-
cipalement sur la partie externe de l'aponévrose qui est fusionnée avec le
tendon inférieur du tenseur du fascialata.
Innervation. Nerf fessier inférieur ou petit sciatique, une des
branches collatérales du plexus sacré.
Physiologie. Le grand fessier étend la cuisse sur le bassin et déter-
mine sa rotation en dehors. C'est, dit Duchenne, le plus énergique des
extenseurs de la cuisse, c'est lui qui la porte le plus en arrière, et il en
produit l'extension avec beaucoup plus de puissance que tous les autres
extenseurs réunis. Duchenne se refuse à admettre le rôle abducteur que
beaucoup d'auteurs attribuent au grand fessier. Toutefois, quand le sujet
est assis. les jambes fléchies, les pieds reposant sur le sol, la contraction
du grand fessier produit l'abduction de la cuisse; ce mouvement s'ef-
fectue d'ailleurs sans énergie. '
Quand le grand fessier prend un point fixe sur la cuisse, il est un
extenseur puissant du bassin et du tronc, On a beaucoup discuté son rôle
dans la station debout et dans la marche. Le grand fessier est relâché
dans la station debout. D'après les recherches de Duchenne, ce muscle
n'intervient ni dans la station debout ni dans la marche sur un terrain
plat; il a un rôle utile au contraire pour gravir une pente, courir, sauter,
marcher avec un lourd fardeau, se lever d'un siège sur lequel on est
assis.
Le grand fessier tend l'aponévrose fémorale.
Certains auteurs ont prétendu qu'il jouait un rôle dans la défécation :
en réalité, ce rôle est absolument nul, il est relâché pendant la défécation.
Moyen fessier. Insertions. Le moyen fessier s'insère en
haut sur les trois quarts antérieurs de la lèvre externe de la crête iliaque,
sur l'épine iliaque antcro-superieure et l'échancrure sous-jacente. sur la
portion de la fosse iliaque externe qui se trouve comprise entre les deux
lignes courbes, sur l'aponévrose fessière dans l'espace compris entre la
crête iliaque et le grand fessier. En bas, le muscle s'insère sur la face
externe du grand trochanter. ,
Innervation. Nerf fessier supérieur, branche du plexus sacré.
Physiologie. Les faisceaux antérieurs du moyen fessier sont obliques
en bas et en arrière, ils déterminent l'abduction de la cuisse, sa rotation
en dedans et un léger degré de flexion. Les faisceaux postérieurs du
muscle sont obliques en bas et en avant, ils déterminent l'abduction de
la cuisse, sa rotation en dehors et un léger degré d'extension. Les fais-
ceaux moyens sont presque verticaux, ils sont abducteurs. Étant donnée
, [G GUILLAIN ]
: ih0 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
la prédominance des fibres antérieures, la contraction du moyen fessier
dans son ensemble amène l'abduction de la cuisse et sa rotation en
dedans.
Quand le moyen fessier prend son point fixe sur le fémur, il est exten-
seur du bassin. S'il se contracte d'un seul côté, il l'incline latéralement.
Petit fessier. - Insertions. - Le petit fessier s'insère en haut sur
la partie la plus antérieure de la crête iliaque, sur la position de la fosse
iliaque externe située en avant de la ligne courbe antérieure. En bas, le
tendon du muscle s'insère au bord antérieur et un peu au bord supérieur
du grand trochanter.
Innervation. Nerf fessier supérieur, branche du plexus sacré.
Physiologie. Quand le petit fessier prend son point fixe sur le bas-
sin, il est abducteur de la cuisse et la porte en rotation en dedans. Quand
il prend un point fixe sur le fémur, il redresse le bassin et l'incline laté-
ralement. Le moyen fessier et le petit fessier jouent un rôle utile dans la
fixation du bassin.
Quand le corps repose sur un des membres inférieurs (station hanchée,
deuxième temps de la marche), ils se contractent pour empêcher le poids
du corps d'entraîner le bassin du côté opposé (Duchenne). Quand le
moyen et le petit fessier sont paralysés, on observe, le malade étant
debout, que le bassin s'incline du côte opposé à celui de la paralysie au
moment où le corps repose sur le membre inférieur atteint. Dans la
marche, quand le pied du côte paralysé doit se, porter en avant, le défaut
d'abduction de la cuisse le fera frotter sur la face interne du membre
inférieur du côté opposé. Si l'on prie le malade de se tenir sur un pied,
on voit l'épine iliaque du côté qui ne porte pas s'abaisser, tandis que
chez un sujet normal elle reste au même niveau que l'épine iliaque du
côté qui porte.
Muscles pelvitrochantériens. Les muscles pelvitrochanté-
riens sont : le pyramidal du bassin, les jumeaux pelviens, l'obturateur
interne, l'obturateur externe et le carré crural, .l'indiquerai l'action de
ces muscles dans un paragraphe d'ensemble.
Pyramidal du bassin. Insertions. Le pyramidal du bassin
s'insère sur la face antérieure du sacrum par trois ou quatre faisceaux
prenant naissance entre les trous sacrés dans la hauteur correspondant
aux 2 ? 5'' et 4" vertèbres sacrées, sur la face antérieure du grand liga-
ment sacro-sciatique, sur la partie la plus élevée de la grande échan-
crure sciatique. Il si ! porte en dehors : son tendon terminal se fixe sur la
partie moyenne du bord supérieur du rirancl lrocll,lnlcr.
Innervation. Nerf du pyramidal, rameau du plexus sacré.
Jumeaux pelviens. Insertions. Le jumeau supérieur s'il ! -
sère sur la face externe et le bord inférieur de l'épine sciatique, le
jumeau inférieur un peu plus bas sur la tubérosité de l'ischion. Les deux
jumeaux se jettent sur le, tendon de l'obturateur interne et gagnent, avec
lui, la cavité digitale du grand trochanter.
MUSCLES DU MEMBRE INFÉRIEUR. 541
Innervation. - Le jumeau supérieur est innervé par un rameau spe-
cial du plexus sacré, le jumeau inférieur par un rameau du plexus
sacré qui lui est commun avec le carré crural.
Obturateur interne. Insertions. L'obturateur interne s'in-
sère sur la face interne de la membrane obturatrice, sur la face interne
du corps et de la branche descendante du pubis, sur la face interne du
corps et de la branche ascendante de l'ischion, sur la surface quadrila-
térale qui s'étend au-dessous de la ligne innommée entre le trou obtura-
teur et l'épine sciatique. Les faisceaux du muscle se portent vers la petite
échancrure sciatique, changent de direction, s'infléchissent en dehors,
le tendon terminal s'insère sur la partie la plus élevée de la cavité digi-
tale du grand trochanter.
Innervation. Nerf de l'obturateur interne, branche du plexus
sacré.
Obturateur externe. Insertions. L'obturateur externe
s'insère en dedans sur la bandelette sous-pubienne, sur la face antérieure
du corps du pubis, sur la branche, horizontale, et la branche descendante
de cet os, sur la branche ascendante de l'ischion, principalement il sa
face antérieure, mais aussi par quelques faisceaux à sa face postérieure.
En dehors, le tendon du muscle s'insère dans le fond de la cavité digitale
du grand trochanter.
Innervation. Nerf obturateur, branche du plexus lombaire.
Carré crural. Insertions. Le carré crural s'insère en dedans
sur le bord externe de, la tubérosité de l'ischion, un peu au-devant du
demi-membraneux, en dehors, non il la crête inter-trochanterlenne. mais
un peu en dehors de, celte crête, sur la ligne il peu près verticale qui
l'ait suite au bord postérieur du grand trochanter.
Innervation. Hameau issu du plexus sacré qui lui est commun
avec celui du muscle jumeau inférieur (nerf du jumeau inférieur et du
carré crural).
Physiologie des muscles pelvitrochantériens. Le pyramidal, les
jumeaux, l'obturateur externe, l'obturateur interne, le carré crural, sont
des rotateurs directs de la cuisse en dehors. Le mouvement de rotation
se produit pendant la flexion connue pendant l'extension de la cuisse.
Lorsque les muscles se contractent, le sujet étant assis, la jambe allongée,
le talon reposant sur le sol, le mouvement de rotation interne se trans-
forme en abduction; il en est de même, d'ailleurs, pour le grand
fessier.
En plus de son action rotative, le pyramidal imprime il la cuisse un
mouvement en arrière et, en dehors, c'est-à-dire un mouvement de
flexion associé il l'abduction (Duchenne). '
Quand les muscles pdvitrochanteriens sont paralysés, le pied est
dévié en dedans; le, malade, lorsqu'il est assis, ne peut plus écarter les
genoux l'un de l'autre.
[G. GUILLAIN.]
a43 ' . PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
MUSCLES DE LA CUISSE .
*
Région antéro-externe.
Tenseur du fascia lata. Insertions. Le tenseur du fascia
lata s'insère en haut sur la lèvre externe de cette partie de la crête ilia-
que qui avoisine l'épine iliaque antéro-supérieure, sur l'épine iliaque
antéro-supérieure, sur l'échancrure située au-dessous, sur l'aponévrose
fessière. En bas, les fibres tendineuses s'entremêlent avec l'aponévrose
fémorale et viennent se fixer sur la face antérieure de la tubérosité
externe du tibia. Quelques-uns des faisceaux terminaux du tenseur du
fascia lata s'insèrent sur le bord externe de la rotule. Les fibres tendi-
neuses du tenseur du fascia lata, en se fusionnant avec l'aponévrose
fémorale, forment, à la partie externe de la cuisse, une bandelette résis-
tante large de 4 à 6 centimètres, c'est la bandelette de Maissiat.
Innervation. Hameau issu du nerf fessier supérieur, branche du
plexus sacré.
Physiologie. Le tenseur du fascia lata tend la partie externe de
l'aponévrose fémorale et est extenseur de la jambe sur la cuisse, de plus
il fléchit la cuisse et produit sa rotation en dedans. La contraction
simultanée du tenseur du fascia lata et du psoas (rotateur en dehors)
produit la flexion directe de la cuisse, mouvement important dans la
marche. Quand le psoas ou le tenseur du fascia lata sont seuls paralysés,
on observe que, pendant la marche, la pointe du pied se dévie en dedans
ou en dehors suivant les cas; quand ils sont l'un et l'autre paralysés, la
marche devient extrêmement difficile.
D'après Maissiat, la bandelette qui porte son nom intervient pour main-
tenir l'équilibre dans la station sur un seul pied (station hanchée). Le
grand fessier qui insère quelques fibres sur la bandelette de Maissiat
l'attire en haut et en arrière et agit ainsi sur le tibia.
Couturier. - Insertions. Le couturier s'insère en haut sur
l'épine iliaque antéro-supérieurc et sur la partie la plus élevée de l'échan-
crure sous-jacente, il croise en diagonale la face antérieure de la cuisse
et vient s'insérer sur la partie interne de l'extrémité supérieure du tibia
en avant de la tubérosité interne. Il forme là, avec les tendons du droit
interne et du demi-tendineux, la patte d'oie.
Innervation. Rameaux venant du musculo-cutané externe,
branche du crural.
Physiologie. - Le couturier fléchit la jambe sur la cuisse, fléchit la
cuisse sur le hassin, détermine la rotation en dehors de la cuisse, tend
la partie antéro-interne de l'aponévrose fémorale. Le mouvement de rota-
tion en dehors déterminé par le couturier n'est pas très énergique. La
paralysie isolée de ce muscle n'entraîne pas de troubles fonctionnels
importants.
MUSCLES DU MEMBRE INFÉRIEUR. 545
Quadriceps fémoral. Insertions. Le muscle quadriceps est
formé de quatre portions distinctes en haut, qui prennent sur la rotule et
le tibia une insertion commune. Le droit antérieur s'insère sur l'épine
iliaque antéro-inférieure par son tendon direct et sur la partie la plus
élevée du sourcil cotyloïdien par son tendon réfléchi. Le vaste externe s'in-
sère sur le bord antérieur et le bord inférieur du grand trochanter, sur
la ligne rugueuse qui réunit le grand trochanter à la ligne âpre, sur la
lèvre externe de la ligne âpre, sur le tendon du muscle grand fessier et
la cloison intermusculaire externe. Le vaste interne s'insère sur la lèvre
interne de la ligne âpre et sur la ligne rugueuse qui réunit cette ligne
âpre au col du fémur, il recouvre la face interne du fémur sans prendre
d'insertions sur cette face. Le crural s'insère sur la lèvre externe de la
ligne âpre où il confond ses fibres avec celles du vaste externe, sur les
faces antérieure et externe du fémur dans leurs trois quarts supérieurs.
Les quatre portions du quadriceps convergent en bas vers la face anté-
rieure du genou et s'insèrent, par un tendon commun, sur la base et
sur les bords latéraux de la rotule qui est reliée, elle-même, par le liga-
ment rotulien à la tubérosité antérieure du tibia ; quelques faisceaux du
tendon du quadriceps s'insèrent directement sur la tubérosité antérieure
du tibia.
Le muscle sous-crural ou tenseur de la synoviale du genou est formé
par un ou deux faisceaux qui naissent de la face antérieure du fémur
dans son tiers inférieur et vont se perdre sur le cul-de-sac supérieur de
la synoviale du genou. Le muscle sous-crural est parfois indépendant, le
plus souvent il est confondu avec le quadriceps.
Innervation. Les quatre portions du quadriceps et le muscle sous-
crural sont innervés par le crural (plexus lombaire).
Physiologie. Le quadriceps, en prenant son point fixe sur le fémur
et sur le bassin, étend la jambe sur la cuisse et fléchit la cuisse sur le
bassin. C'est par le droit antérieur, qui s'insère sur l'os iliaque, que la
flexion de la cuisse, peu énergique d'ailleurs, est produite. La contrac-
tion totale du quadriceps, comme la contraction isolée du vaste externe,
tend à déplacer la rotule en dehors.
Le faisceau sous-crural attire en haut le cul-de-sac supérieur et la
synoviale du genou et l'empêche ainsi d'être pincé dans l'extension de la
jambe sur la cuisse.
Dans la paralysie du quadriceps, on constate que le. malade,
étant assis, ne peut porter le pied en avant; s'il est agenouillé il ne peut
se relever comme normalement ; dans la station debout, l'instabilité est
très prononcée; la marche est très difficile; la montée d'un escalier
impossible. La paralysie peut prédominer sur certains chefs du muscle.
Si le vaste externe est seul respecté, l'extension du genou s'accompagne
'l'un déplacement de la rotule en dehors : pendant une contraction
violente, une subluxation de cet os peut se produire.
[G. GUILLAIN.]
3H Il . PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
Région postéro-interne. ,
Droit interne. Insertions. Le droit. interne s'insère en
haut sur les côtés de la symphyse du pubis depuis l'angle jusqu'à la
branche ascendante de l'ischion. En bas, le tendon se fixe sur la partie
supérieure de la face interne du tibia où il contribue Ù former la patte
doie.
, Innervation. Nerf obturateur, branche du plexus lombaire.
Physiologie. Le droit interne est adducteur de la cuisse, fléchis-
seur de la jambe sur la cuisse, rotateur de la cuisse en dedans quand la
jambe est fléchie.
Pectine. Insertions. Le pectine s'insère en haut sur l'épine
du pubis, sur la crête pectineate et le ligament de Cooper qui la
surmonte depuis l'épine du pubis jusqu'à t'emiuencc iteo-pectinec, sur
la face profonde de l'aponévrose qui le recouvre et qui se détache en
haut du ligament de Cooper, sur la lèvre antérieure de la gouttière sous-
pubienne et par quelques fibres sur le ligament pubo-femorat. En bas.
les fibres du muscle s'insèrent sur le fémur sur cette ligne rugueuse qui
s'étend de la ligne âpre au petit trochanter dite crête du pectine.
Innervation. Nerf muscmo-cutane interne, branche du crural. Il
reçoit parfois aussi un petit rameau né du nerf obturateur.
Physiologie. En prenant son point fixe sur le bassin, le pectine est
adducteur de la cuisse, il la fléchit sur le bassin el lui imprime un mou-
vement de rotation en dehors. En prenant son point fixe sur le fémur, il
fléchit le bassin sur la cuisse.
Les adducteurs de la cuisse. Insertions. Les trois
adducteurs de la cuisse s'étendent du bassin il la ligne âpre. Le premier
ou moyen adducteur s'insère en haut sur le corps du pubis entre la
symphyse et l'épine, en bas sur la partie moyenne de l'interstice de la
ligne âpre. Le deuxième ou petit adducteur est situé au-dessus et en
arrière du précédent, il s'insère en haut sur la face antérieure du corps
du pubis et sur sa branche descendante entre, l'obturateur externe elle
droit interne; en bas, il se fixe au corps du fémur par deux. faisceaux :
un faisceau inférieur qui se porte sur la partie la plus élevée de l'inter-
stice de la ligne âpre, un faisceau supérieur qui se rend il la branche de
bifurcation externe de cette ligne âpre. Le troisième ou grand adduc-
teur s'insère en haut sur la tubérosité de l'ischion et sur les deux
tiers inférieurs de la branche ischio-piibienne, ses faisceaux s'étalent en
un vaste triangle, ils viennent s'insérer sur l'interstice de la ligne
âpre du fémur dans toute son étendue, sur sa branche de bifurcation
inférieure et interne, sur le tubercule dit tubercule du troisième adduc-
teur qui est situé à la partie supérieure et interne du condyle interne
du fémur.
Innervation. Le premier adducteur reçoit des filets nerveux de
MUSCLES DU MEMBRE INFERIEUR. 545
l'obturateur, branche du plexus lombaire, et du musculo-cutane interne,
branche du crural. Le deuxième adducteur est innervé par l'obturateur.
Le troisième adducteur reçoit ses rameaux en haut et en avant de l'obtu-
rateur, en bas et en arrière du grand sciatique.
Physiologie. Le moyen et le petit adducteur amènent l'adduction
de la cuisse, sa rotation en dehors et sa flexion sur le bassin. Quand
ils prennent leur point fixe sur le fémur, ils fléchissent le bassin sur la
cuisse. Le grand adducteur est adducteur de la cuisse, il détermine par
son chef supérieur et son chef moyen la rotation de la cuisse en dehors,
par son chef inférieur la rotation en dedans, quand la cuisse a été préala-
blement placée dans la rotation en dehors. Duchenne fait remarquer que
c'est le chef inférieur du grand adducteur qui se contracte lorsque le
cavalier combine l'adduction et la rotation en dedans de la cuisse pour
serrer les flancs de sa monture sans la toucher de l'éperon.
Les muscles adducteurs ont une action dans la flexion de la cuisse qui
a lieu pendant la marche. Lorsqu'ils sont paralysés, la pointe du pied
pendant la marche est déviée en dedans. Quand le chef interne du
grand adducteur est seul paralysé, la pointe du pied est, au contraire,
déviée en dehors.
Biceps crural. Demi-tendineux. Demi-membra-
neux. Insertions. Le biceps crural est formé il sa partie supé-
rieure de deux portions distinctes. La longue portion ou portion ischiati-
t[uc s'insère, sur la partie la plus externe et la plus élevée de, la
tubérosité de l'ischion. La courte portion ou portion fémorale s'insère
sur la cloison intermusculaire externe et sur la partie inférieure de l'in-
terstice de la ligne âpre. En bas le tendon commun du biceps s'insère
sur l'apophyse styloïde du péroné, il envoie généralement deux expan-
sions fibreuses, l'une à l'aponévrose jambière, l'autre il la tubérosité
externe du tibia. Le demi-tendineux s'insère en haut sur la face posté-
rieure de l'ischion en se confondant à cc niveau avec la longue portion
du biceps. En bas son tendon prend insertion sur le côté interne de
l'extrémité supérieure du tibia en constituant, avec les tendons du droit
interne et du couturier, la patte d'oie. Le demi-membraneux s'insère
en haut sur la partie inférieure et externe de l'ischion. En bas le ten-
don terminal se divise en trois faisceaux : le faisceau descendant se fixe
il la partie postérieure de la tubérosité interne du tibia; le faisceau
récurrent s'insère en partie sur la coque fibreuse qui recouvre le condyle
externe, en partie sur le fémur lui-même dans l'espace compris
entre les deux condyles; le faisceau antérieur ou horizontal contourne,
d'arrière en avant,' la tubérosité interne du tibia et s'insère sur la
partieantero-externe de cette tubérosité. ,
Innervation. Le biceps crural, le demi-tendineux et le demi-mem-
braneux sont innervés par le grand nerf sciatique.
Physiologie. Le biceps crural, le demi-tendineux, le dell11-nH'lII-
ht'ancuxf1¡\chissentlajalllbe sUl'la cuisse, étendent la cuisse sur le bassin.
Pratique MO ! ...5
fC. GUILLAIN,]
546 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
Le biceps détermine la rotation de la jambe en dehors, le demi-tendi-
neux la rotation en dedans. Ces mouvements de rotation ne sont pas pos-
- sibles si la jambe est étendue sur la cuisse à cause de la disposition ana-
tomique des ligaments du genou, ils se transmettent à la cuisse et le
membre inférieur tourne en totalité; les mouvements de rotation se pro-
duisent au contraire pendant la flexion de la jambe, ils sont plus étendus
en dehors qu'en dedans.
Quand ces muscles prennent leur point fixe sur la jambe, ils étendent
le bassin sur la cuisse. L'extension de la hanche est très nécessaire pen-
dant la marche. Quand ces muscles sont paralysés, l'extension de la
hanche pendant la station debout et pendant la marche n'est plus pos-
sible, aussi le malade rejette en arrière le tronc pour obtenir par le poids
du corps l'extension de la hanche; en même temps les fléchisseurs de
l'articulation coxo-fémorale se contractent pour limiter le mouvement de
bascule en arrière du bassin, il en résulte une fatigue rapide de ces mus-
cles fléchisseurs.
Le biceps, le demi-tendineux et le -demi- membraneux pendant la marche
fléchissent le genou et élèvent le pied au-dessus du sol. Quand ils sont
paralysés, la pointe du pied frotte contre le sol et, pour obvier à cet
inconvénient, le malade est obligé de fléchir anormalement le pied sur la
jambe. Il faut noter aussi que les ligaments postérieurs de l'articulation
du genou se distendent, car les muscles paralysés ne peuvent plus limiter
l'extension de la jambe. '
MUSCLES DE LA JAMBE .
Région antérieure.
Jambier antérieur. Insertions. Le jambier antérieur s'in-
sère sur la tubérosité antérieure et sur la tubérosité externe du tibia,
principalement sur le tubercule situé entre ces deux tubérosités (tuber-
cule du jambier antérieur), sur la face interne du tibia dans ses deux
tiers supérieurs, sur la partie interne du ligament interosseux, sur la
face profonde de l'aponévrose jambière qui le recouvre, sur la cloison
fibreuse le séparant de l'extenseur des orteils. En bas, le tendon du
muscle s'insère sur le premier cunéiforme et sur l'extrémité postérieure
du premier métatarsien . ,
Innervation. Nerf tibial antérieur, une des branches terminales du
sciatique poplité externe. Il reçoit à sa partie supérieure un petit rameau
venu directement du sciatique poplité avant sa bifurcation. Poirier dit
qu'il reçoit aussi par sa face postérieure de petits rameaux du tibial pos-
térieur qui traversent le ligament interosseux et se perdent dans son
épaisseur.
Physiologie. Le jambier antérieur fléchit énergiquement le pied
sur la jambe, le tord légèrement en dedans, il porte l'extrémité poste-
MUSCLES DU MEMBRE INFÉRIEUR. 547
rieure du premier métatarsien en haut et en dedans. Il est fléchisseur,
adducteur, rotateur en dedans du pied. La paralysie dujaudjicr antérieur
détermine un pied bot équin varus ; ce varus se transforme en valgus dans
les efforts de flexion du pied. Consécutivement il la paralysie du jambier
antérieur, on constate l'hypertrophie de l'extenseur propre du gros orteil
qui exerce une suppléance ; l'action de ce muscle se traduit par une
extension exagérée du gros orteil pendant les efforts de flexion du pied.
Extenseur commun des orteils. Insertions. L'exten-
seur commun des orteils s'insère en haut sur la tubérosité externe du
tibia, sur les deux tiers supérieurs de la face interne du péroné, sur la
partie externe du ligament interosseux, sur la face profonde de l'aponé-
vrose jambière, sur les cloisons fibreuses qui le séparent du jambier anté-
rieur en dedans et du long péronier latéral en arrière. En bas existent
quatre tendons pour les quatre derniers doigts. Chacun de ces tendons
au niveau de l'articulation niétalarso-phalangionne correspondante se
divise en trois languettes, l'une médiane et deux latérales. La languette
médiane s'insère sur l'extrémité postérieure de la deuxième phalange,
les deux languettes latérales se fusionnent ensemble et viennent se ter-
miner sur la face postérieure de la troisième phalange. ,
Innervation. L'extenseur commun des orteils est innervé par des
rameaux du sciatique poplité externe et par des rameaux du tibial anté-
rieur.
Physiologie. L'extenseur commun des orteils étend les premières
phalanges, il n'a pas d'action sur les deuxièmes et troisièmes phalanges
qui sont étendues par les lombricaux et les interosseux. Le muscle exten-
seur détermine aussi la flexion du pied sur la jambe, Duchenne a bien
montré que telle était sa principale fonction ; il tord légèrement le pied
en dehors; c'est donc un fléchisseur adducteur. La contraction simultanée
de l'extenseur commun et du jambier antérieur détermine la flexion
directe du pied.
Quand le jambier antérieur et l'extenseur commun sont paralysés, il
en résulte des troubles de la marche. Le pied ne pouvant se fléchir frotte
par sa pointe, le malade pour obvier il cet inconvénient fléchit énergique- ! lient la cuisse sur le bassin, il « steppe o. Quand l'extenseur commun
des orteils est seul paralysé, le pied porte sur le sol par son bord externe;
quand le jamhier antérieur est seul paralysé, il porte sur le sol par son
bord interne. Quand l'extenseur commun des orteils et l'extenseur propre
du gros orteil sont paralysés, la tonicité des interosseux amène une flexion
permanente des premières phalanges avec extension des deux autres.
Extenseur propre du gros orteil. Insertions. L'exten-
seur propre du gros orteil s'insère en haut sur le tiers moyen de la face
interne du péroné, sur la partie adjacente du ligament interosseux; il
reçoit dans le voisinage du tarse un petit faisceau né sur la face, interne
du tibia. En bas il s'insère sur la phalange métatarsienne et sur la pha-
lange unguéale du gros orteil.
[G. GUILLAIN,] ]
548 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE. "
Innervation. Nerf tibial antérieur.
Physiologie. L'extenseur propre du gros orteil étend énergique-
ment la première phalange, plus faiblement la seconde. Secondairement,
il fléchit le pied sur la jambe, le porte en dedans et lui imprime un mou-
vement léger de rotation en dedans. Il exerce sur le pied, mais plus
faiblement, la même action que le jambier antérieur. '
Péronier antérieur. Insertions. Le péronicr antérieur
s'insère en haut sur la moitié inférieure de la face antérieure du péroné,
en bas sur la base du cinquième métatarsien.
Innervation. Nerf tibial antérieur. ,
Physiologie. Le péronier antérieur auxiliaire de l'extenseur com-
mun des orteils est fléchisseur, abducteur, rotateur en dehors du pied.
Région externe.
Long péronier latéral. Insertions. Le long péronicr laté-
ral s'insère en haut sur la partie antérieure et externe de la tête du
péroné, sur le tiers supérieur de la face externe de cet os, sur la face
profonde de l'aponévrose jambière, sur les cloisons fibreuses qui le sépa-
rent des muscles voisins. Le tendon du muscle descend derrière la malléole
externe, la contourne, passe sur la face externe du calcanéum, puis dans
la gouttière du cuboïde, traverse en diagonale la face inférieure du pied.
Il s'insère sur le tubercule externe de l'extrémité postérieure. du premier
métatarsien, envoie le plus souvent une expansion résistante à la face
inférieure du premier cunéiforme et une expansion plus mince au pre-
mier muscle interosseux dorsal.
Innervation. Nerf musculo-cutané, branche de bifurcation du scia-
tique poplité externe. Parfois le muscle reçoit un rameau direct du
sciatique poplité externe.
Physiologie. - Le long péronier latéral est extenseur du pied sur la
jambe, il produit la torsion du pied en dehors, il maintient la concavité
de la voûte plantaire. Le mouvement d'extension du pied est peu éner-
gique, toutefois le long péronicr estun auxiliaire utile au triceps sural.
Ce muscle, en effet, est un extenseur énergique de l'arrière-pied et de la
partie externe de l'avant-pied, mais il n'a qu'une action très limitée sur
la partie interne de l'avant-pied. Dans la marche, il est indispensable que
le talon antérieur appuie énergiquement sur le sol, la marche ne serait
pas possible si le long péronier latéral qui est abaisseur de l'avant-pied
ne venait suppléer à l'insuffisance d'action du triceps sural sur la partie
interne de l'avant-pied (Poirier). Le rôle de soutien de, la voûte plantaire
est le rôle le plus important du long péronier latéral, l'impotence fonc-
tionnelle.de ce muscle a pour conséquence l'effondrement de la voûte
plantaire et l'apparition d'un pied plat.
Quand le long péronier latéral est paralysé, on constate le renversement
du pied sur son bord interne pendant son extension volontaire, l'apla-
MUSCLES DU llE)tB11E INFÉRIEUR. 549
tissenient de la voûte plantaire, l'impossibilité d'appliquer la saillie
sous-métatarsienne sur le sol et de se tenir solidement en équilibre sur
le pied malade, de la fatigue et de la douleur dans la plante du pied en
avant et en dedans de la malléole externe après une marche un peu longue,
des durillons douloureux qui se développent il la longue sur le bord
externe delà plante du pied, principalement au niveau de la tète des deux
derniers métatarsiens, et au-dessus et en dedans de la première phalange
du 1> "l'OS or ! eil (()uchenne).
Court péronier latéral. Insertions. Le court péronier
latéral s'insère en haut sur le tiers moyen, et parfois sur les deux tiers
inférieurs de la face externe du péroné, sur le bord antérieur et le
bord externe de cet os, sur les cloisons aponévrotiques qui le séparent
des muscles voisins. Le tendon du muscle contourne la malléole externe,
croise la face externe du calcanéum et s'insère sur l'extrémité postérieure
du cinquième métatarsien.
Innervation. Nerf inuscido-cutané.
Physiologie. Le court péronier latéral élève le bord externe du
pied et amène la plante à regarder en dehors. Il n'est ni extenseur ni
fléchisseur du pied comme l'ont soutenu différents auteurs. Duchenne a
montré que ce muscle ne produit de mouvements dans l'articulation
tibio-tarsienne que lorsque le pied a été porté préalablement dans la
flexion ou dans l'extension forcée, alors il le ramène dans la position
moyenne.
I Région postérieure.
Triceps sural. Insertions. Le triceps sural est constitué
par les deux jumeaux et le soléaire qui sont réunis en bas sur un tendon
commun, le tendon d'Achille. Le jumeau externe s'insère sur la partie
postérieure du condyle externe, le jumeau interne sur la partie posté-
rieure du condyle interne. Le soléaire s'insère sur la partie postéro-
interne de la tète du péroné, sur la moitié postérieure de son bord
externe, sur le tiers supérieur de sa face postérieure, puis sur la ligne
oblique du tibia immédiatement au-dessous du muscle poplité et sur
le tiers moyen du bord interne de cet os : il prend insertion enfin sur une
arcade fibreuse, l'arcade du soléaire qui réunit le tibia et le péroné :
celte arcade naît en dehors sur la tête du péroné, se porte en bas et en
dedans, et vient se terminer au niveau de la ligne oblique du tibia, en
partie sur cette ligne oblique, en partie sur l'aponévrose du poplité. En
lias, l'aponévrose de terminaison du muscle soléaire se fusionne avec
1 aponévrose des jumeaux pour former le tendon d'Achille, lequel vient se
hxel' sur la moitié inférieure de la face postérieure du calcanéum.
Innervation. Les deux jumeaux sont innervés par le sciatique
poplité interne, branche de bifurcation du grand nerf sciatique. Le
soléaire est innervé par des rameaux du sciatique poplité interne et par
un rameau issu du tibial postérieur.
[G. GUILLAIN.]
550 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
Physiologie. - Le triceps sural produit l'extension du pied, son adduc-
tion, sa rotation en dedans. Il amène le pied en varus équin. Le mouve-
ment d'extension est énergique pour l'arrière-pied et pour la partie
externe de l'avant-pied, beaucoup plus faible pour la partie interne de
celui-ci, puisque une très légère pression exercée sur le premier métatar-
sien empêche facilement son extension (Poirier). En se contractant le
triceps sural met enjeu secondairement la tonicité de l'extenseur commun
et des fléchisseurs des orteils, ce qui explique l'extension des premières
phalanges des orteils et la flexion des deux dernières. Quand le pied repose
sur le sol la contraction des jumeaux et du soléaire, en élevant le talon,
élève en même temps le corps tout entier, ces muscles ont un rôle pri-
mordial dans la marche, le saut. Les deux jumeaux contribuent légère-
ment à la flexion du genou.
Lorsque le triceps sural est paralysé, le mouvement d'extension du
pied est presque aboli, le malade ne peut soutenir le poids du corps en se
tenant sur la pointe du pied, la marche est très difficile. Enfin, au bout
d'un certain temps, par suite de la prépondérance du muscle long péro-
nier, le pied est entraîné en abduction et rotation en dehors, la tête du
prcmier métatarsien s'abaisse, le calcanéum et l'astragale basculent, leur
extrémité antérieure s'élève et le talon accentue sa saillie, ainsi se cons-
titue la variété de pied bot que Duchenne a dénommée talus pied creux
tordu en dehors (11-illioii). '
Plantaire grêle. Insertions. Le plantaire grêle s'insère en
haut sur la partie la plus élevée du condyle externe du fémur, sur la cap-
sule de l'articulation du genou, sur le tendon d'origine du jumeau externe,
il se porte obliquement en bas et en dedans. Le tendon terminal se place
sur le côté interne du tendon d'Achille et se termine soit sur ce tendon,
soit sur le calcanéum à côté de lui, parfois il se perd dans le tissu cellu-
laire de la région du talon.
Innervation. Sciatique poplité interne.
Physiologie. Tcstilt s'exprime ainsi sur la physiologie de ce mus-
cle : « La destination primitive du plantaire est de se fusionner avec l'a-
ponévrose plantaire et de s'insérer par son intermédiaire sur les pre-
mières phalanges des orteils : telle est la disposition qu'on rencontre chez
un grand nombre d'animaux et notamment chez les singes inférieurs.
Chez l'homme ce muscle n'existe qu'à l'état de vestige et il n'est fixe au
calcanéum que par insertion consécutive. Tel qu'il est, il devient un
auxiliaire des jumeaux et- du soléaire et prend à l'extension du pied une
part plus ou moins considérable qui est naturellement en rapport avec
son développement. » ,
Poplité. Insertions. Le poplité s'insère en haut sur la partie
postérieure et externe du condyle externe, il contracte aussi au-dessous
du condyle des connexions intimes avec le cartilage semi-lunaire corres-
pondant et avec la capsule articulaire du genou. Il se porte obliquement
en bas et en dedans et vient se fixer sur la lèvre supérieure de la ligne
MUSCLES DU MEMBRE -INFÉRIEUR. 551
oblique du tibia et sur toute la portion de la face postérieure de cet os
située -au-dessus de cette ligne. 1
Innervation. Nerf sciatique poplité interne et rameau accessoire
issu du nerf tibial postérieur. '. .
Physiologie. - Le poplité fléchit avec peu d'énergie la jambe sur la
cuisse et détermine à la jambe fléchie un mouvement de rotation en
dedans. ,
Long fléchisseur commun ou fléchisseur tibial des
orteils. Insertions. Le long fléchisseur commun des orteils s'in-
sère en haut. sur la lèvre inférieure de la ligne oblique du tibia, sur le
tiers moyen de la face postérieure de cet os; sur la cloison fibreuse qui
le sépare du jambier postérieur. Le tendon du muscle à la région plan-
taire reçoit sur son côté externe le muscle accessoire ou chair carrée et
se divise en quatre tendons terminaux qui se portent vers les quatre der-
niers orteils ; ils se comportent de la même façon- que les tendons du
fléchisseur profond ou perforant des doigts et s'insèrent sur l'extrémité
postérieure de la troisième phalange. ,
Innervation. Nerf tibial postérieur.
Physiologie. Le long fléchisseur commun des orteils fléchit les
troisièmes phalanges sur les secondes, les secondes sur les premières,
puis les premières phalanges sur les métatarsiens. L'obliquité de ses ten-
dons à la plante du pied explique qu'il imprime aux orteils, surtout aux
quatrième et cinquième, un mouvement de torsion tel que leurs extrémi-
tés regardent en dedans; l'accessoire du long fléchisseur en se contrac-
tant simultanément avec le long fléchisseur s'oppose à ce mouvement de
torsion. Le long fléchisseur n'a aucune action sur l'articulation tibio-
tarsie1llle. c'est à tort que quelques auteurs Pont considéré comme exten-
seur du pied (Poirier). '
Long fléchisseur propre du gros orteil ou fléchisseur
péronier des orteils. Insertions. Le long fléchisseur propre e
du gros orteil s'insère .en haut sur les deux tiers inférieurs de la face
postérieure du péroné, sur la partie inférieure du ligament interosseux,
sur la cloison fibreuse qui le sépare des muscles pérdniers latéraux. Le
tendon du muscle se termine sur l'extrémité postérieure de la deuxième
phalange du gros orteil. Dans la région plantaire, le fléchisseur propre du
gros orteil envoie une branche de bifurcation souvent très volumineuse
aux tendons du fléchisseur commun. Cette branche se rend le plus habi-
tuellement aux 2e et 5e orteils, elle est constante d'après Testut, et là
dénomination de fléchisseur propre donnée au muscle consacre une erreur.
Innervation. Nerf tibial postérieur.
Physiologie. Le long fléchisseur propre du gros orteil fléchit- avec
énergie la deuxième phalange du gros orteil sur la première et la pre-
mière sur le premier, métatarsien. Duchenne a montré que ce muscle
n'avait que peu d'action sur l'articulation tibio-tarsienne. -
Jambier postérieur. Insertions. Le jambier postérieur
[G. GUILLAIN.]
55'2 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
s'insère en haut sur la ligne oblique et sur la face postérieure du tibia
au-dessous et en dehors du fléchisseur tibial des orteils, sur la partie de
la face externe du péroné située en arrière du ligament interosseux, sur
les deux tiers supérieurs de ce ligament interosseux, sur les cloisons
fibreuses qui le séparent des deux longs fléchisseurs. En bas, le tendon du
jambier postérieur se termine sur le tubercule du scaphoïde en envoyant
des expansions aux trois cunéiformes et aux trois métatarsiens moyens.
Innervation. Nerf tibial postérieur. Il reçoit aussi un rameau venu
du sciatique poplité interne.
Physiologie. Le jambier postérieur est faiblement extenseur du
pied sur la jambe. D'après Duchenne il porte le pied dans l'adduction
directe, il ne serait, que faiblement rotateur en dedans. Pendant le mou-
vement d'adduction, dit Duchenne, le bord interne du pied est a peine
plus élevé que l'externe. La paralysie du jambier postérieur a pour con-
séquence un pied bot valgus.
MUSCLES DU PIED
Région dorsale.
Pédieux. - Insertions. Le pédieux ou court extenseur des
orteils s'insère en arrière sur la partie antérieure et supérieure du calca-
\1(\urrt, sur le. tissu fibreux situé dans le creux calcaueo-astragallcn. En
avant le muscle se termine par quatre tendons : le premier tendon s'insère
sur l'extrémité postérieure de la première phalange du gros orteil, les
trois autres se dirigent sur les 2°, 71" et 4" orteils et se terminent, au ni-
veau de l'articulation metatarso-phalangienne, sur le côté externe des
tendons correspondants du long extenseur commun des orteils.
Innervation. Nerf tibial antérieur.
Physiologie. Le pédieux étend les premières phalanges des quatre
premiers orteils sur les métatarsiens, de plus, il les incline vers le petit
doigt; ce mouvement de latéralité, en raison de l'obliquité des tendons
du pédieux, est surtout marqué pour le premier orteil.
Région plantaire interne.
Adducteur du gros orteil. Insertions. L'adducteur du
gros orteil s'insère en arrière sur la tubérosité postérieure et interne du
culcané«In, sur la partie inférieure et antérieure du ligament annulaire
interne du tarse, sur la face profonde de l'aponévrose, plantaire, sur une
cloison fibreuse qui le sépare en dehors du court fléchisseur commun des
orteils. Le tendon terminal du muselé s'insère sur le côté interne de
l'extrémité postérieure de la première phalange du gros orteil en envoyant
un h;ll et cn ,man( Ilne ctlmn.ion llour In lcuclon cUcnSeur dc cet ortcil.
Innervation. Nerf plantaire interne.
MUSCLES DU i\tE1113RE INFÉRIEUR. 555
Physiologie. L'adducteur du gros orteil fléchit le gros orteil sur le
métatarse elle rapproche légèrement de la ligne médiane du corps (adduc-
tion).
Court fléchisseur du gros orteil. Insertions. Le court
fléchisseur du gros orteil s'insère en arrière par deux faisceaux tendineux,
l'un sur la face inférieure du cuboïde et du troisième cunéiforme, l'au-
tre sur le tendon terminal dujambier postérieur. En avant existent deux
tendons terminaux, le tendon interne se réunit au tendon de l'adducteur
du gros orteil et s'insère sur le côté interne de l'extrémité postérieure de
la première phalange du gros orteil, le tendon externe se réunit au mus-
cle abducteur du gros orteil et se termine comme lui sur le sésamoïde
externe et sur le côté externe de la première phalange du gros orteil.
Innervation. Le faisceau interne du court fléchisseur est innervé
par un rameau du nerf plantaire interne (homologue du médian à la
main), le faisceau externe est innervé soit par un rameau du plantaire
interne, soit par un rameau du plantaire externe (homologue du cubital
à la main).
Physiologie. - Le court fléchisseur fléchit le gros orteil sur le premier
.métatarsien.
Abducteur du gros orteil. Insertions. L'abducteur du
gros orteil, muscle homologue de l'adducteur du pouce à la main est
constitué par deux faisceaux distincts 2l leur origine. Le faisceau obli-
que (abducteur oblique) s'insère sur la face inférieure du cuboïde, sur
l'extrémité postérieure des 5'' et 4" métatarsiens, sur la gaine fibreuse du
long péronier latéral; le faisceau transverse (abducteur transverse), situé
à la partie antérieure delà [liante du pied, s'insère sur les parties fibreuses
de 1 articulation metatarso-phalangienne des trois ou quatre derniers
- orteils. Au niveau du gros orteil, le faisceau oblique se porte sur le sésa-
moïde externe et par son intermédiaire se fixe au côté externe de la base
de la première phalange; le faisceau transverse se partage en deux grou-
pes de libres, les unes passent sur le côté dorsal de l'articulation méta-
lal'so-phalangi('I111<' et là se fusionnent avec le tendon du long extenseur
du gros orteil, les autres restent sur le côté plantaire et viennent se ter-
miner sur la gaine du long fléchisseur du gros orteil.
Innervation. Nerf plantaire externe.
Physiologie. L'abducteur du gros orteil fléchit le gros orteil sur le
métatarse et l'incline en dehors. Le mouvement d'abduction est princi-
p : llell\('l1l déterminé par le faisceau transverse : ce faisceau transverse
est aussi, suivant Duchenne. un véritable ligament actif qui s'oppose il
I ecarlenienl des fibres métatarsiennes lorsque le poids du corps appuie
sur elles.
Région plantaire externe.
Abducteur du petit orteil. Insertions. L'abducteur du
petit orteil s'insère sur la tubérosité externe du calcanéum, sur la face
. [G. GUILLAIN.
G54 -PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
profonde de l'aponévrose plantaire, sur unc cloison fibreuse qui- le sépare
du court flécliisseur plantaire. Le tendon terminal du muscle se fixe sur
le côté externe de l'extrémité postérieure de la première phalange du
gros orteil; il envoie généralement une expansion fibreuse ou charnue à
l'extrémité postérieure du. cinquième métatarsien.
Innervation. Nerf plantaire externe.
Physiologie. L'abducteur du petit orteil fléchit la première pha-
lange de ce doigt et l'incline légèrement- en dehors.
Court fléchisseur du petit orteil. Insertions. Le court
fléchisseur s'insère en arrière sur la gaine du long péronier latéral en
avant du cuboïde, sur l'extrémité postérieure du cinquième métatarsien.
En avant il se fixe sur la partie inférieure de l'extrémité postérieure de la
première phalange du petit orteil.
Innervation. Nerf plantaire externe.
Physiologie. Le court fléchisseur du petit orteil fléchit ce doigt sur
le métatarsien.
Opposant du petit orteil. Insertions. L'opposant du petit
orteil confond ses insertions postérieures avec celles du court fléchisseur;
en avant il se fixe aux deux tiers antérieurs du cinquième métatarsien.
Le muscle fait souvent défaut, il est fréquemment fusionne avec le court
fléchisseur dans toute son étendue (Testut).
Innervation. - Nerf plantaire externe.
Physiologie. - L'opposant du petit orteil est un fléchisseur de cet
orteil.
Région plantaire moyenne.
Court fléchisseur plantaire.- Insertions.-Le court fléchis-
seur plantaire s'insère en arrière sur la tubérosité interne du calcanéum,
sur la face profonde de l'aponévrose plantaire, sur les cloisons fibreuses
qui le séparent des muscles voisins. En avant le muscle se termine par
quatre tendons qui, après avoir été perforés par les quatre tendons du
long fléchisseur, s'insèrent sur l'extrémité postérieure de la deuxième
phalange des quatre orteils externes.
Innervation. Nerf plantaire interne.
Physiologie. Le court fléchisseur plantaire fléchit les deuxièmes
phalanges des quatre derniers orteils sur les premières.
Accessoire du long fléchisseur ou chair carrée de
Sylvius. Insertions. L'accessoire du long fléchisseur se compose
en arrière de deux faisceaux : le faisceau interne s'insère à la face interne
du calcanéum près de la tubérosité interne de cet os, le faisceau externe
s'insère sur la face inférieure du calcanéum près de la tubérosité externe
et parfois aussi sur le ligament calcanéo-cuboïdien ; ces deux faisceaux se
fusionnent et viennent se fixer soit sur le tendon du fléchisseur- commun,
soit sur ses branches de bifurcation. La plus grande partie des faisceaux
MUSCLES DU 1E}IBHE INFÉRIEUR. 555
de l'accessoire se terminent sur les deux tendons destinés aux troisième
et quatrième orteils.
Innervation. Le muscle reçoit un rameau nerveux du plantaire
externe pour son faisceau externe, un rameau nerveux du plantaire interne
pour son faisceau interne.
Physiologie. L'accessoire du long fléchisseur fléchit les quatre der-
niers orteils sur le métatarse. Par son obliquité il corrige l'obliquité du
long fléchisseur commun et s'oppose ainsi à la torsion des orteils.
Lombricaux du pied. Insertions. Les lombricaux sont au
nombre de quatre, ils sont situés entre les tendons du long fléchisseur et
sur le même plan qu'eux. Ils prennent naissance en haut dans l'angle de
bifurcation du tendon fléchisseur, se détachent la fois des deux tendons
voisins il l"exception du premier lomhrical qui s'insère exclusivement sur
le, tendon destiné au deuxième orteil. Les muscles se portent en avant en-
divergeant, légèrement, atteignent le côte interne de l'articulation mèta-
tarso-pitaiangienne des quatre derniers orteils et se fixent d'une part sur
le côté interne de l'extrémité postérieure de la première phalange, d'au-
tre part sur le tendon de l'extenseur correspondant. Le premier 101llbricai
aboutit au côte interne du deuxième orteil, le second iombrica) au côté
interne du troisième orteil, le troisième lomhrical au côté interne du
quatrième orteil, le quatrième 10lllbrical au côté interne du cinquième
orteil.
Innervation. Les deux lombricaux internes (1°1' et 2'') sont innervés
par le plantaire interne, les deux lombricaux externes (3" et 4") par le
plantaire externe.
Physiologie. Les lombricaux fléchissent la première phalange des
orteils et étendent les deux autres.
Interosseux. Insertions. Il existe au pied sept muscles inter-
osseux : quatre interosseux dorsaux et trois interosseux plantaires. Les
trois interosseux plantaires sont situés dans les 2 ? 7f et 4" espaces.
Le premier interosseux plantaire s'étend de la face interne du troisième
métatarsien au côté interne de la première phalange du troisième orteil,
le deuxième interosseux plantaire s'étend de la face interne du quatrième
métatarsien au côté interne de la première phalange du quatrième orteil,
le troisième interosseux plantaire s'étend de la face interne du cinquième
métatarsien au côté interne de la première phalange du cinquième 0; Íl'il.
Le gros orteil et le deuxième orteil ne possèdent, pas de muscles interos-
seux plantaires. Les quatre interosseux dorsaux sont situés dans les
quatre premiers espaces. Le premier interosseux dorsal s'insère sur la
face externe (partiellement) du premier métatarsien, sur la face interne
(en totalité) du deuxième métatarsien, il se fixe au côté interne de la pre-
mière phalange du deuxième orteil. Le deuxième interosseux dorsal s'in-
sère sur la face interne (partiellement) du troisième métatarsien, sur la
face externe (en totalité) du deuxième métatarsien, il se fixe au côté
externe de la première phalange du deuxième orteil. Le troisième interos-
[G GUILLAIN.]
550 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
seux dorsal s'insère sur la face interne (partiellement) du quatrième mé-
tatarsien, sur la face externe (en totalité) du troisième métatarsien,
il se fixe au côté externe de la première phalange du troisième orteil.
Le quatrième interosseux dorsal s'insère sur la lace interne (par-
t.icllcrncnt) du cinquième métatarsien, sur la face externe (en totalité) du
quatrième métatarsien, il se fixe au côté externe de la première phalange
du quatrième orteil.
Innervation. Nerf plantaire externe.
Physiologie. Tous les muscles interosseux fléchissent la première
phalange des orteils et étendent les deux autres. Ils produisent aussi des
mouvements de latéralité. L'axe du pied passant par le second orteil, les
interosseux plantaires sont adducteurs et rapprochent les trois derniers
orteils du deuxième, les interosseux dorsaux sont abducteurs et écartent
les troisième et. quatrième orteils du deuxième.
Quand les interosseux sont paralysés, les premières phalanges sont en
hyperextension, parfois suhtuxécs, les deux autres sont fléchies et for-
ment une grille, la face plantaire des orteils ne prend plus appui sur le
sol pendant la marche ou la station debout ; il en résulte des douleurs
dans la partie antérieure de la plante du pied. ,
111. - MUSCLES DU COU W
l
Région latérale.
Sterno-cléïdo-mastoïdien. Insertions. Le muscle sterno-
cteïdo-mastojdicn prend son origine sur le thorax par deux faisceaux
distincts : le chef sternal se détache de la face antérieure du inanubriuni
et se termine en haut en partie sur la face externe de l'apophyse mas-
toïde, en partie sur la portion externe de la ligne courbe supérieure de
l'occipital; le chef claviciilaire s'insère en lias sur le quart interne de la
clavicule, en haut existent deux groupes de fibres d'insertion, les unes
se fixent au sommet et au bord antérieur de l'apophyse mastoïde, les
autres suivent la direction du chef sternal avec lequel elles se confondent,
gagnent la ligne courbe supérieure de l'occipital, et se terminent sur la
partie externe de cette ligne courbe.
Innervation. La branche externe du spinal fournil un ou deux
rameaux au l'J¡"ïdo-mast(,ïoi('11. La branche antérieure du troisième nerf
cervical s'anastomose avec un rameau provenant de la branche externe
du spinal, forme une anse de la convexité de laquelle naissent de nom-
hreux filets se distribuant aux faisceaux du muscle. Parfois le ste1'l1O-
mastoïdiell reçoit un petit filet du nerf hypoglosse.
Physiologie. Quand le sterno-mastodien prend son point fixe sur
le thorax il fléchit la tète, l'incline de son côté, lui imprime un mouve-
\ MUSCLES DU COU. 557
nient de rotation qui porte la face du côté opposé. Si la tète est en exten-
sion au moment de sa contraction, cette extension est exagérée. D'après
Duchenne la portion sternale a une action plus importante dans la rota-
tion de la tête que la portion claviculaire. Quand les deux sterno-mastoï-
diens se contractent ensemble, ils sont simplement fléchisseurs de la
tête. ' -
Le chef profond du muscle, le cléïdo-mastoïdien est innervé par le
spinal. Dans le torticolis névritique d'origine otique, c'est lui seul qui
presque toujours est atteint. On observe, pour un léger degré de contrac-
ture, l'inclinaison de la tête du côté malade; si la contracture est plus
forte, il y a un léger degré de rotation qui porte le menton vers l'épaule
du côté sain, mais cette dernière attitude est toujours très peu marquée.
Dans la contracture du chef superficiel du muscle on observe, au con-
traire, principalement la rotation de la tête. D'après Farabeuf le torticolis
a frigore n'atteint pas le chef profond cléïdo-mastoïdien.
Quand le sterno-mastoïdien prend son point fixe sur la tête, il devient
inspirateur surtout par son chef sternal. Duchenne dit avoir vu un malade
vivre plusieurs semaines en ne respirant qu'avec un sterno-mastoïdien,
mais normalement le rôle respiratoire du muscle est très peu important.
11 neut modérer l'expiration et agir ainsi dans l'expiration et le chant.
La section de la branche externe du spinal ayant pour conséquence une
atrophie complète ou presque complète du sterno-mastoïdien n'entraîne
pas de troubles fonctionnels bien graves. Babinski a insisté sur ce point
et dit à ce sujet : « Le sterno-mastoïdien est en quelque sorte un muscle
de luxe, et sa disparition ne produit pas de perturbation motrice- appré-
ciable z.
Scalènes. - - Insertions. Les auteurs français décrivent deux
scalènes : le scalène antérieur et le scalène postérieur; les auteurs alle-
mands et anglais divisent le scalène postérieur en deux portions : l'une
antérieure ou scalène moyen, l'autre postérieure ou scalène postérieur.
Le scalène antérieur naît en haut des tubercules antérieurs des troisième,
quatrième, cinquième et sixième vertèbres cervicales ; ces quatre fais-
ceaux se fusionnent en un muscle dont le tendon terminal vient se fixer
sur le tubercule de la face supérieure de la première côte (tubercule de
Lisfranc). Le scalène postérieur s'insère en haut sur les tubercules posté-
rieurs des apophyses transverses des sept vertèbres cervicales, en bas il
se divise en deux faisceaux : le faisceau antérieur vient s'insérer sur la
face supérieure et le bord externe de la première côte, le faisceau posté-
rieur sur le bord supérieur et la face externe de la seconde côte.
Innervation. Le scalène antérieur est innervé par des filets qui se
détachent des branches antérieures des 5e, '4", 5" et 6" nerfs cervicaux.
Le scalène postérieur reçoit ses filets nerveux des branches postérieures
des nerfs cervicaux (Testut). Poirier, au sujet de l'innervation du scalène
postérieur, écrit : «Les scalènes moyen et postérieur sont innervés par les
branches antérieures des 5e et 4e nerfs cervicaux, par des branches colla-
[G. GUILLAIN.]
tarâtes du plexus brachial et par un petit filet né du nerf du rhomboïde. »
Physiologie. Quand les scalènes prennent leur point fixe sur la
colonne vertébrale, ils élèvent les côtes et, sont inspirateurs. Quand ils
prennent leur point fixe sur les côtes, ils inclinent de leur côté la colonne
cervicale. En se contractant bilatéralement, les scalènes appliquent les
vertèbres les unes sur les autres, donnent de la rigidité à la colonne ver-
tébrale ; cette rigidité est utile dans l'acte de porter sur la tète un lourd
fardeau.
Droit latéral de la tête. Insertions. Le droit latéral de la
tète s'insère d'une part sur l'apophyse transversc de l'atlas, d'autre part
sur l'apophyse jugulaire de l'occipital.
Innervation. 11 est innervé par un rameau issu de la branche anté-
rieure du premier nerf cervical.
Physiologie. Le droit latéral de la tête incline la tête de son côté.
Région de l'os hyoïde.
Sterno-cléïdo-hyoïdien. Insertions. Le sterno-cléïdo-
hyoïdien s'insère en bas sur l'extrémité interne de la clavicule et sur le
ligament sterno-claviculaire postérieur, quelques faisceaux prennent
insertion sur le sternum et le premier cartilage costal. Les libres se por-
tent en haut et en dedans et s'insèrent au bord inférieur de l'os hyoïde.
Innervation. Branches antérieures des trois premiers nerfs cervi-
caux. Ces filets nerveux sont inclus dans l'anse de l'hypoglosse.
Physiologie. Le sterno-c)eïdo-hyoïdien abaisse l'os hyoïde.
Omo-hyoïdien. Insertions. L omo-bvofdien s'étend de l'omo-
plate à l'os hyoïde, il est divisé par un tendon intermédiaire en deux
ventres, l'un antérieur, l'autre postérieur. Le ventre postérieur s'insère
en arrière sur le bord supérieur de l'omoplate immédiatement en dedans
de l'échancrure coracodienne, le ventre antérieur s'insère sur la portion
la plus externe du corps de l'os hyoïde.
Innervation. Branches antérieures des trois premiers nerfs cervi-
caux par l'intermédiaire de l'anse de l'hypoglosse.
Physiologie. L'omo-hyoïdien abaisse l'os hyoïde en le portant légè-
rement en arrière. Richct pensait que ce muscle tendait l'aponévrose cer-
vicale moyenne, maintenait béantes les veines du cou pendant l'inspira-
tion et favorisait ainsi la circulation du sang veineux. Testut ne croit pas
à celle fonction de l'omo-hyoïdien car il manque parfois chez l'homme,
et sa section n'est pas suivie de troubles circulatoires.
Sterno-thyroïdien. - Insertions. Le sterno-thyroïdien s'in-
sère en bas sur la face postérieure du sternum jusqu'à la ligne médiane
et sur la face postérieure du premier cartilage costal. En haut-, il prend
insertion sur les deux tubercules qui sont à la face externe du cartilage
thyroïde et sur une corde ligamenteuse qui réunit ces deux tubercules.
Innervation. Hameaux issus de l'anse de l'hypoglosse.
MUSCLAS DU COU.
Physiologie. Le stcl'I1o-thYl'Oïdien abaisse le larynx.
Thyro-hyoïdien. Insertions. Le thyro-byoïdicn semble la
continuation du muscle sterno-thyroïdien. Il s'insère en bas sur les deux
tubercules de la face externe du cartilage thyroïde et sur la corde liga-
menteuse qui les réunit. En haut il s'insère sur le bord inférieur du
corps et de la grande corne de l'os hyoïde.
Innervation. Hameau de l'hypoglosse. D'après lloll ce rameau pro-
viendrait des nerfs cervicaux. '
Physiologie. Le thyro-hyoïdien abaisse t'es hyoïde. S'il prend son
point fixe sur l'os hyoïde immobilisé par ses élévateurs, il devient éléva-
teur du larynx.
Tous les muscles sous-hyoïdiens en fixant l'insertion inférieure des
muscles sus-hyoïdiens interviennent dans l'abaissement du maxillaire
inférieur.
Digastrique. Insertions. Le ventre postérieur du muscle digas-
trioue s'insère, sur le côté interne de l'apophyse mastoïde, le ventre anté-
rieur sur le maxillaire inférieur dans une fossette spéciale en dehors de
la symphyse.
Innervation. Le ventre postérieur du digastrique est innervé par
un rameau du facial et un rameau 'du gtosso-pharyngien. Le ventre, anté-
rieur est innervé par le nerf tttylo-hyoïdien, branche du nerf dentaire
£ inférieur, une des branches lui-même du nerf maxillaire inférieur.
" Physiologie. Le ventre antérieur du digastrique, en prenant son
point fixe sur le maxillaire inférieur élève l'os hyoïde, en prenant son
point fixe sur l'os hyoïde abaisse le maxillaire. Le ventre postérieur en
prenant son point fixe sur le crâne attire t os hyoïde en haut et en arrière,
en prenant son point fixe sur os hyoïde porte la tète en extension.
Stylo-hyoïdien. Insertions. Le stylo-hyoïdien s'insère en
haut sur le cote externe de l'apophyse stytoïde, en bas sur la face anté-
rieure du corps de l'os hyoïde au voisinage de la grande corne.
Innervation. Hameau issu du facial. Il reçoit aussi parfois un filet
du idosso-pharyngieu.
Physiologie. Le stylo-hyoïdien porte l'os hyoïde en haut et en
arrière. Avec, les autres muscles sus-hyoïdiens il élève l'os hyoïde et par
lui le larynx et la partie inférieure du pharynx, ainsi il a un rôle impor-
tant dans la déglutition.
Mylo-hyoïdien . Insertions. Le Imlo-hroïdil'n s'insère en
haut sur la ligne, oblique interne du maxillaire inférieur, ses libres se
portent en bas et en dedans vers la ligne médiane et s'insèrent sur la
face, antérieure de l'os hyoïde et sur la ligne blanche sus-hyoïdienne qui
s étend de l'os hyoïde à la symphyse du menton. Les muscles myto-hyoï-
diens constituent le plancher de la bouche.
Innervation. Nerf mylo-hyoïdien, branche du dentaire inférieur.
Physiologie. Le mylo-lyo'iclicnt élève t'os hyoïde, soulève la langue,
I applique contre la voûte palatine et joue ainsi un rôle dans la déglutition.
[G. GUILLAIN.]
: ni0 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
Génio-hyoïdien. Insertions. - Le génio-hyoïdien s'insère en
haut sur l'apophyse géni inférieure et en bas sur la partie moyenne de la
face antérieure de l'os hyoïde.
Innervation. - Nerf grand hypoglosse.
Physiologie. Le génio-hyoïdieu en prenant son point fixe sur le
maxillaire élève l'os hyoïde, en prenant son point fixe sur l'os hyoïde
abaisse le maxillaire.
- Région prévertébrale.
Grand droit antérieur de la tête. Insertions. Le grand
droit antérieur de la tête s'insère en haut sur la face inférieure de l'apo-
physe basilaire en avant du trou occipital, si ! porte en bas et en dehors,
se divise en quatre faisceaux qui se fixent sur les tubercules antérieurs
des ~>e, 4e, 5e et 0e vertèbres cervicales.
Innervation. Plexus cervical profond.
Physiologie. Le grand droit antérieur de la tôle fléchit la tête sur
la colonne vertébrale et les premières vertèbres cervicales sur les sui-
vantes. En se contractant d'un seul côté il détermine la rotation de la
face vers le muscle qui se contracte.
Petit droit antérieur de la tête. Insertions. Le petit
droit antérieur de la tète s'insère d'une part sur la face inférieure de
l'apophyse basilaire en avant du trou occipital, et d'autre part sur la
face antérieure des masses latérales de l'atlas et sur la portion voisine de
l'apophyse transverse de cette vertèbre.
Innervation. Branche antérieure du premier nerf cervical.
Physiologie. Le petit droit antérieur de la tête fléchit la tête et
l'incline latéralement.
Long du cou. Insertions. On distingue dans ce muscle trois
portions distinctes : la portion oblique descendante, la portion oblique
ascendante, la portion longitudinale. La portion oblique descendante
nait sur le tubercule antérieur de l'atlas, se dirige en bas et en dehors
et s'insère sur les tubercules antérieurs des 7f, V, J° et (i° vertèbres ce)'-
vicales par des digitations distinctes. La portion oblique ascendante
nait sur le corps des 2''et 5''vertèbres dorsales, se dirige, en haut et en
dehors et s'insère par deux ou trois di gitat ions sur les tubercules anté-
rieurs des 4 ? 5e et (ie vertèbres cervicales. La portion longitudinale est
constituée par des faisceaux il direction verticale qui s'insèrent sur le
corps des trois premières vertèbres dorsales, sur le corps des trois ou
quatre dernières cervicales, sur la crête de l'axis et jusque sur le tuber-
cule antérieur de l'atlas.
Innervation. Branches antérieures des quatre premiers nerfs cervi-
caux.
Physiologie. Le long du cou fléchit la colonne cervicale et l'incline
latéralement. '
MUSCLES DU THORAX. 561 t
IV. MUSCLES DU THORAX
Grand pectoral. Insertions. Le grand pectoral s'insère sur
le bord antérieur de la clavicule dans ses deux tiers internes, sur la face
antérieure du sternum, sur l'aponévrose abdominale du grand oblique,
sur les cartilages des cinq ou six premières côtes, ainsi que sur la portion
osseuse de la sixième ou de la septième. Tous les faisceaux constitutifs
du muscle convergent vers la lèvre antérieure de la coulisse bicipilale
et s'y insèrent par un large tendon.
Innervation. Plexus brachial. Les filets nerveux du grand pectoral
proviennent du nerf du grand pectoral ou grand nerf thoracique anté-
rieur el du nerf du petit pectoral ou petit nerf thoracique antérieur.
Physiologie. Il y lieu d'envisager l'action distincte des faisceaux
supérieurs et inférieurs du muscle. La partie supérieure, formée par les
fibres claviculaires et costales supérieures, porte l'épaule en avant et en
haut (attitude de la crainte et de l'humiliation). Quand le bras est ver-
tical, elle l'abaisse en le portant vers la ligne médiane jusqu'à ce qu'il
soit devenu horizontal (geste détenir); quand le bras est étendu transver-
salement, elle le rapproche de la ligne médiane (geste d'embrasser) ;
quand le bras est pendant le long du corps, elle amène le coude en avant,
en dedans et un peu en haut, serrant le bras contre le thorax.
La portion inférieure formée par les fibres sternales et costales infé-
rieures abaisse le moignon de l'épaule et applique le bras contre le
thorax. Si le bras est étendu transversalement, elle porte le coude en
avant et en bas. Si le bras est vertical, elle l'abaisse et porte le coude en
avant et en bas.
Le grand pectoral est rotateur du bras en dedans, c'est-à-dire prona-
teur. Dans le geste du prédicateur qui bénit les fidèles (Duchenne) le
mouvement de pronation se combine au mouvement d'abaissement.
Le muscle peut prendre son point fixe sur l'humérus, il agit alors sur
la clavicule, le sternum, les côtes, et peut, quand il se contracte bilatera-
lement, soulever le tronc, le rapprocher du hras et agir ainsi dans l'action
de grimper.
Il ne semble pas que le grand pectoral ait un rôle respiratoire, car
Duchenne a démontré expérimentalement que le muscle n'élevait pas les
cèles.
Les faisceaux antérieurs du deltoïde peuvent, dans une certaine mesure,
suppléer le grand pectoral paralysé.
Petit pectoral. Insertions. Le petit pectoral s'insère en
dedans sur le bord supérieur et la face externe des 5°, 4" et y° côtes. En
haut il s'insère sur la moitié antérieure du bord interne de l'apophyse
coracoïde.
Innervation. Nerf du petit pectoral, branche du plexus brachial.
IIt.\TIQI'F \F : I'It0l,. 3U
' [G. GUILLAIN.] ]
? G2 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
Physiologie. Quand le petit pectoral prcnd son point fixe surl'omo-
plate, il élève les côtes et ainsi est inspirateur. Quand prend son point
fixe sur les côtes, il détermine d'une part à l'omoplate un mouvement de
totalité en avant et en dehors, et, d'autre part, un mouvement de bascule
qui porte le moignon de l'épaule en bas et en avant, c'est-à-dire l'abaisse,
tandis que l'angle inférieur du scapulum se porte en haut et en arrière
et se rapproche de la colonne vertébrale.
Sous-clavier. Insertions. -Le est un petit muscle
qui s'étend de la première côte à la clavicule. Il s'insère sur le premier
cartilage costal et sur la portion osseuse correspondante de la première
côte. D'autre part, il se fixe dans la gouttière longitudinale située sur la
face inférieure de la clavicule.
Innervation. Nerf du sous-clavier, branche du plexus brachial.
Physiologie. Le muscle sous-clavier peut prendre son point fixe
sur la première côte, alors il abaisse la clavicule et avec elle le moignon
de l'épaule. Il peut prendre son point fixe sur la clavicule, alors il élève
la première côte et devient inspirateur. D'autre part, le muscle peut être
considéré comme un véritable ligament actif de l'articulation st{} ! 'l1o-cla-
viculaire. '
Grand dentelé. Insertions. Le grand dentelé peut être
divisé en trois portions. La portion supérieure, légèrement oblique en
bas et en avant, naît de l'angle supérieur du scapulum et se fixe par deux
digitations sur la première et la seconde côte. La portion moyenne nait
sur toute la hauteur du bord spinal de l'omoplate et se fixe par trois digi-
talions sur le bord inférieur et la face externe, des '2", 5e et 4" côtes; ces
trois digitations sont obliques en haut et en avant. La portion inférieure
naît sur la face interne de l'angle inférieur de l'omoplate et vient s'insé-
rer par des faisceaux distincts aux j", (te, 7", ses ne et 10" côtes; les plus
élevés de ces faisceaux ont une direction transversale, les autres sont
obliques en bas et en avant. '
Innervation. Nerf du grand dentelé ou nerf thoracique inférieur,
branche du plexus brachial .
Physiologie. Le grand dentelé prenant son point fixe sur le thorax
et se contractant en totalité porte l'omoplate en avant en dehors et en
haut. Le grand dentelé agit quand on pousse un objet en avant avec le
moignon de l'épaule. La portion moyenne du muscle produit isolément
ce même mouvement. La portion supérieure fait exécuter à l'omoplate un
mouvement de bascule, elle, attire en haut et en dehors son angle supéro-
interne, en haut et en dedans son angle inférieur. La portion inférieure
attire l'angle inférieur en avant et en dehors et élève l'acromion, puis elle
élève l'omoplate en totalité.
Le grand dentelé prenant son point fixe sur l'omoplate a une action
sur les côtes. La première et la troisième portion du muscle élèvent les
côtes, la seconde abaisse les côtes; mais, comme la première et la
troisième portion l'emportent de beaucoup par leur volume sur la seconde,
MUSCLES DU THORAX. 505 1-)
le in-and dentelé peut être considéré comme un muscle inspirateur.
Quand le grand dentelé est paralysé, le bras ne peut s'élever au-dessus
de l'horizontale. Durant le mouvement d'élévation du bras l'angle externe
clll scapulum s'abaisse, l'angle inférieur se porte en arrière et en dedans
et fait saillie sous la peau. Le trapèze peut cependant suppléer le grand
dentelé. Si le trapèze, le rhomboïde, l'angulaire de l'omoplate sont nor-
maux, la paralysie du grand dentelé n'amène pas de déformations persis-
tantes delà région scapulaire.
Souques (Soc. méd. des Hôpitaux de Paris, 1898) a attiré l'attention
surine déformation particulière du thorax dans les cas de paralysie isolée
du muscle grand dentelé; elle ne se voit que du côté paralysé et exclusi-
vement dans l'élévation volontaire du bras. Elle est essentiellement carac-
térisée par une asymétrie manifeste qui porte sur la région axillaire et sur
la paroi thoracique proprement dite. Le creux de l'aisselle est profondé-
ment modifié, sa paroi postérieure disparait peu près complètement et
se place sur le même plan que la paroi interne avec laquelle elle se con-
fond et qu'elle prolonge en arrière. Ces modifications dépendent du sca-
pulum alatum. Sans parler de la disparition des digitations du grand
dentelé et de l'aspect lisse et uni de la région, le thorax présente les
changements suivants : élargissement de la paroi antérieure plus mar-
qué dans l'élévation du hras en avant que dans son élévation en dehors;
modification de la ligne latérale qui prend la forme d'une Sa boucles très
allongées; rétrécissement de la paroi postérieure; dilatation générale de
la cage thoracique avec voussure latérale convexe en dehors; élévation
modérée de la cage thoracique. Les facteurs de cette difformité sont,
d'une part l'existence de l'omoplate ailée, d'autre part, l'étal paralytique
du muscle grand dentelé et l'action supplémentaire exagérée des muscles
inspirateurs accessoires.
Muscles intercostaux. Insertions. Les muscles inter-
costaux externes s'insèrent sur la lèvre externe du bord inférieur de la
côte qui est au-dessus et, d'autre part, sur la lèvre externe du bord supé-
rieur de la côte qui est au-dessous. Les faisceaux du muscle sont dirigés
en bas et en avant.
Les muscles intercostaux internes s'insèrent sur la lèvre interne du
bord inférieur de la côte qui est au-dessus et, d'autre part, sur la lèvre
interne du bord supérieur de la côte, qui est au-dessous. Les faisceaux
du muscle sont dirigés en bas et en arrière.
Innervation. Nerfs intercostaux. '
Physiologie. Le rôle des muscles intercostaux externe et interne a
ele très discuté, on les a considérés successivement les uns et les autres
comme inspirateurs et expirateurs, la plupart des auteurs admettant
d'ailleurs que les intercostaux externes et internes sont antagonistes.
leur l'layow et Jlagendie les intercostaux internes et les intercostaux
externes sont à la fois inspirateurs et expirateurs.
Testut croit leur fonction plus modeste, il pense qu'ils jouent le rôle de
[G. GUILLAIN..]
5ü} i PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
simples parois élastiques, ils n'entreraient en jeu que dans les actes
respiratoires exagérés pour lutter contre la pression aérienne exagérée
que cette pression vienne du dehors comme cela se voit dans une forte
inspiration, ou qu'elle vienne du dedans comme cela s'observe dans une
expiration violente ou contrariée. La fonction des intercostaux est peu
importante, aussi ces muscles sont-ils en partie charnus et en partie
fibreux.
Surcostaux. Insertions. Les surcostaux sont de petits mus-
cles triangulaires situés en arrière des intercostaux externes, entre l'extré-
mité postérieure des côtes et l'apophyse iransverse des vertèbres-. Ils s'in-
sèrent en haut sur le sommet des apophyses transverses, se portent en bas
et en dehors et se terminent en éventail sur le bord supérieur de la face
externe de la côte située au-dessous dans la région séparant la tubérosité
de l'angle. On voit parfois quelques faisceaux des surcostaux franchir
une côte, et s'insérer sur la côte suivanle. Ces longs surcostaux sont fré-
quents dans la région comprise entre la neuvième et la douzième côte.
Innervation. Nerfs intercostaux.
Physiologie. Les muscles surcostaux prennent leur point fixe sur
les apophyses transverses, ils élèvent les côtes, sont donc inspirateurs.
Sous-costaux. Insertions. Les muscles sous-costaux sont
situés dans le thorax entre la plèvre pariétale et l'extrémité postérieure
des intercostaux internes. Ils s'insèrent sur la face interne d'une cote,
se dirigent en bas obliquement ou verticalement et se fixent sur la face
interne de la côte sous-jacente ou de celle qui vient après. Le nombre de
ces muscles est très variable, les sous-costaux supérieurs l'ont très sou-
vent défaut ainsi que certains autres d'entre eux. ?
Innervation. Nerfs intercostaux. '" r
Physiologie. Les muscles sous-costaux n'ont pas d'action, ce sont
des muscles rudimentaires.
Triangulaire du sternum. Insertions. Le muscle trian-
gulaire du sternum situé en arrière de cet os s'insère en dedans sur les
parties latérales de l'appendice xyphoïde et du corps du sternum, il se
porte en dehors et, se divisant en quatre ou cinq digitations, vient s'atta-
cher sur la face interne et le bord inférieur des sixième, cinquième,
quatrième et troisième cartilages costaux, parfois sur le deuxième elle
premier. La digitation inférieure de la sixième côte est transversale et se
continue avec les faisceaux supérieurs du transverse de l'abdomen, les
digitations suivantes sont obliques en haut et en dehors et se rappro-
chent d'autant plus de la verticale qu'elles sont plus supérieures.
Innervation. Nerfs intercostaux.
Physiologie. Le triangulaire du sternum par ses faisceaux obli-
ques peut abaisser les côtes, mais son action est très faible. C'est un
muscle rudimentaire.
MUSCLES DE L'ABDOMEN. à6,)
V. MUSCLES DE L'ABDOMEN
Diaphragme. -Insertions. Les faisceaux charnus du diaphragme
se détachent du centre phrénique qui a la forme d'un trèfle-. Les faisceaux
antérieurs ou sternaux naissent de la foliole moyenne, se portent en
avant, forment deux languettes qui s'insèrent sur la base de l'appendice
y-phoïcle. Les faisceaux latéraux ou costaux naissent sur les côtés de la
foliole moyenne et sur la plus grande partie de la foliole latérale, s'insè-
rent sur la face interne et le bord supérieur des six dernières côtes. Les
faisceaux postérieurs ou lombaires se détachent de la partie postérieure du
trèfle aponévrotique, leur insertion terminale est complexe : au niveau du
carré des lombes ils se terminent sur une arcade fibreuse, l'arcade du
carré des lombes ou ligament cintré du diaphragme, qui s'étend en avant
du muscle carré des lombes du sommet de la douzième côte à la face
antérieure et au bord supérieur de l'apophyse transverse de la deuxième
vertèbre lombaire ; au niveau du psoas les fibres du diaphragme se ter-
minent sur l'arcade du psoas qui s'étend du corps de la deuxième vertè-
bre lombaire à la base de l'apophyse transverse de la première ; au niveau
de la colonne vertébrale les fibres du diaphragme forment deux gros
faisceaux, les piliers du diaphragme. Le pilier droit s'insère sur le corps
des 2c et 5*' vertèbres lombaires et sur les disques intervertébraux situés
entre les 1"' et 2", 2'' et 3 ? 3" et 4'' vertèbres lombaires ; sur le côté externe
du pilier droit est un petit pilier accessoire dont le tendon s'insère sur le
corps de la 2'' lombaire et sur le disque intervertébral qui la sépare de
la première. Le pilier gauche s'insère sur la deuxième vertèbre lombaire
et sur les deux disques intervertébraux sus et sous-jacents. De même
que le pilier droit il présente sur son côté externe un pilier accessoire qui
descend un peu moins bas que lui. Les deux piliers s'envoient un faisceau
anastonoticlue; ces faisceaux s'entre-croisent et séparent ainsi deux orifi-
ces : un orifice supérieur oesophagien, un orifice inférieur aortique.
Innervation. Nerf phrénique, branche du plexus cervical profond.
Le diaphragme reçoit aussi un certain nombre de filets nerveux issus des
six derniers nerfs intercostaux; ils se distribuent à la partie juxta-costale
du muscle.
Physiologie. Le diaphragme est principalement un muscle inspira-
teur. Il dilate le thorax en augmentant les trois principaux diamètres de
cette cavité. La contraction du muscle tend à donner aux fibres charnues
une direction rectiligne, il leur faire perdre leur forme cintrée, ainsi est
agrandi le diamètre vertical du thorax. Cet agrandissement du diamètre
vertical se produit aussi par l'abaissement du centre phrénique.
Le diaphragme élève, les six dernières côtes et allonge ainsi les diamè-
tres antéro-postérieur et transverse du thorax. Beau et Maissiat pensaient
flue le point d'appui nécessaire aux fibres charnues du diaphragme pour
[G. GUILLAIN]
: .00 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE
élever les côtes leur était fourni par les connexions du centre phrénique
avec le péricarde. Pour Duchenne ce sont les viscères abdominaux qui don-
nent au diaphragme le point d'appui : il a constaté, en faisant contracter le
diaphragme chez des animaux éventrés, que les côtes étaient attirées en
dedans au lieu d'être élevées.
En se contractant le diaphragme rétrécit la cavité abdominale, aussi
les viscères abdominaux sont-ils rejetés sur la paroi abdominale qui se
contracte plus ou moins.
Le diaphragme intervient dans le rire, le bâillement, le hoquet, l'ef-
fort, la défécation, le vomissement. Le rôle du diaphragme dans le vomis-
sement n'est pas exclusif, car on a observé des vomissements chez des
individus qui avaient des vices de conformation du diaphragme.
Le diaphragme en comprimant les racines de la veine porte dans 1 ins-
piration favorise la circulation abdominale.
La contraction du muscle rétrécit l'orifice oesophagien; ainsi sciait
empêché, d'après Bérard, le reflux des aliments comprimés dans l'es-
tomac au moment de l'inspiration. Les orifices de l'aorte et de, la veine
cave inférieure ne sont pas influencés par la contraction du diaphragme.
Quand il existe une paralysie bilatérale du diaphragme, on constate il
chaque inspiration une dépression de la région épigastrique et il chaque
expiration un soulèvement de celte région. L'inspiration estgênée el celte
gène est surtout accentuée lors des mouvements, des efforts, car dans la
position de repos d'autres muscles peuvent suppléer le diaphragme. Dans
la paralysie unilatérale du diaphragme on observe par la vue et le palper
des différences dans les mouvements de la base du thorax et de la partir
supérieure de l'abdomen entre le côté sain et le côté malade lors des
mouvements respiratoires.
Grand droit de l'abdomen. Insertions. Le grand droit
de l'abdomen s'insère en bas sur le corps du pubis dans l'intervalle com-
pris entre l'épine et l'angle. En haut le muscle se divise en trois faisceaux :
le faisceau externe s'insère sur le bord inférieur du cartilage costal de la
cinquième côte, le faisceau moyen sur le bord inférieur du cartilage de
la sixième côte, le faisceau interne sur le bord inférieur du cartilage de
la septième côte et sur le ligament coslo-xyphoïdien, parfois sur l'apprll-
dice xyphoïde lui-même.
Innervation. Les parties supérieure et moyenne du grand droit sont
innervées par les six ou sept derniers nerfs intercostaux, la partie iutc-
ricure par les deux nerfs abdomino-génitaux, branches du plexus 10111-
baire. '
Physiologie. Le grand droit de l'abdomen, en prenant son point lixe
sur le pubis, abaisse les côtes et fléchit le thorax. 11 est expirateur el f1l-
citisseur du thorax. En prcnant son point fixe sur les côtes il porte le bas-
sin en avant.
La contraction du grand droit comprime les viscères abdominaux et agit
ainsi dans la défécation, la miction, le vomissement, l'accouchement.
MUSCLES DE L'ABDOMEN. 567
Pyramidal. Insertions. Le pyramidal, situé à la partie infé-
rieure de l'abdomen en avant du grand droit, s'insère en bas au-devant du
corps du pubis entre la symphyse et l'épine, lise termine en haut par une
extrémité effilée sur la ligne blanche en un point également distant de la
symphyse pubienne et de l'ombilic.
Innervation. La partie, supérieure du muscle est innervée par les
derniers nerfs intercostaux, la partie inférieure par les nerfs abdomino-
génitaux.
Physiologie. Le pyramidal n'a pas de fonction utile. Certains
auteurs lui attribuent le rôle de tendre la ligne blanche, mais, comme le
fait remarquer très justement Testut, on ne voit pas dans quelles circon-
stances la ligne blanche aurait besoin d'être tendue.
Grand oblique de l'abdomen. Insertions. Le grand obli-
que s'insère en haut sur la face externe et le bord inférieur des sept ou
huit dernières côtes par autant de digitations. 11 forme un grand éven-
tail, ses faisceaux supérieurs ou antérieurs sont à peu près horizontaux,
ses faisceaux moyens obliques, ses faisceaux inférieurs ou postérieurs
verticaux. En bas les libres les plus inférieures du muscle, celles qui pro-
viennent des deux dernières côtes, s'insèrent sur la lèvre externe de la
crête iliaque. Tous les autres faisceaux du muscle, c'est-à-dire ceux qui
viennent des 6 ? 7 ? 8 ? 9 ? 10'' côtes, se jettent sur le bord externe d'une
large lame fibreuse dite aponévrose du grand oblique. Cette aponévrose,
qui est un véritable tendon terminal du muscle, s'insère sur la crête ilia-
que, sur le bord antérieur de 1 os coxal (arcade crurale), sur le pubis
(piliers du canal inguinal), sur la ligne blanche.
Innervation. Nerfs intercostaux inférieurs, grand abdolllino-génital
et petit abdolllino-génitai. '
Physiologie. Le grand oblique, en prenant son point fixe sur le bas-
sin, abaisse les côtes et est expirateur si la colonne vertébrale est immobi-
lisée, fléchit le thorax sur le bassin si la colonne vertébrale est mobile; de
plus il comprime les viscères abdominaux. La contraction unilatérale du
grand oblique imprime au thorax un mouvement de rotation qui porte sa
face antérieure du côté opposé.
Si le grand oblique prend son point fixe sur le thorax il soulève le
bassin.
Petit oblique. Insertions. Le petit oblique est dirigé en sens
contraire au précédent muscle, il s'étend de la région lombo-iliaque aux
dernières côtes, à la ligne blanche, au pubis. Il s'insère sur le tiers
externe ou la moitié externede l'arcade crurale, sur l'épine iliaque antéro-
supérieure et sur l'interstice de lacréte iliaque dans ses deux tiers ou ses
trois quarts antérieurs, puis sur une aponévrose (aponévrose postérieure
du petit oblique) qui se fusionne avec l'aponévrose du grand dorsal et
qui relie le muscle aux apophyses épineuses de la dernière vertèbre lom-
baire et de la première vertèbre sacrée. Les faisceaux du petit oblique
divergent ci s'étalent en un vaste éventail. Les faisceaux les plus posté-
[G. GUILLAIN.]
? (;8 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
rieurs, ceux qui proviennent de l'aponévrose lombaire et de la partie
moyenne de la crête iliaque, se dirigent vers le thorax et se terminent sur
le bord inférieur et le sommet des trois ou quatre derniers cartilages
costaux. Les faisceaux les plus antérieurs se dirigent en bas et en dedans
et se terminent, en se fusionnant plus ou moins avec les faisceaux du
transycrse pour former le tendon conjoint, sur le bord supérieur du pubis,
sur l'épine pubienne et jusque sur la crête pectinéale. Les faisceaux
moyens du petit oblique, ceux qui sont compris entre les faisceaux à
insertion costale et ceux à insertion pubienne, se terminent sur le bord
externe d'une large aponévrose, l'aponévrose antérieure du petit oblique
qui gagne la ligne blanche.
Innervation. Nerfs intercostaux. Grand abdomino-génitat et petit
abdoniino-génital.
Physiologie. Le muscle petit oblique abaisse les côtes, fléchit le
thorax. Quand il se contracte d'un seul côté, le thorax se porte de ce
côté; il est donc antagoniste du grand oblique. Si le muscle prend son
point fixe sur le thorax il élève et fléchit le bassin.
Transverse de l'abdomen. Insertions. Le transverse de
l'abdomen s'insère sur la face interne de la portion cartilagineuse des six
dernières côtes par des digitations distinctes, sur la lèvre interne de la
crête iliaque dans ses trois quarts antérieurs, sur le tiers externe de l'ar-
cade crurale, sur la colonne lombaire et plus particulièrement sur les
apophyses transverses par l'intermédiaire d'une large aponévrose d'inser-
tion, l'aponévrose postérieure du transverse. En avant l'aponévrose anté-
rieure du transverse se fixe il la ligne blanche ; la partie tout inférieure
de cette aponévrose s'insère sur le pubis depuis la symphyse jusqu'à la
crête pectinéale, elle se fusionne avec les faisceaux pubiens de l'apnnn-
vrosc du petit oblique formant le tendon conjoint.
Innervation. Nerfs intercostaux. Grand abdomino-génital et petit
abdolllino-gtn1Ïtal.
Physiologie. Le transverse de l'abdomen comprime les viscères
abdominaux et agit ainsi dans divers actes comme la défécation, la miction,
le vomissement, etc.. Les viscères abdominaux refoulent le diaphragme
en haut, ainsi le trausverse produit l'expiration. Son rô ! e expirateur tient
aussi à ce qu'il rétrécit le thorax en attirant les côtes en dedans. Duchenne
a montré que les muscles de la paroi abdominale n'étaient pas indispen-
sables à la respiration normale, ils peuvent être, atrophiés sans que des
troubles respiratoires importants existent, ils ont une action surtout dans
l'expiration forcée, la toux, le chant. '
Carré des lombes. Insertions. Le carré des lombes prend
insertion en bas sur le ligament iiio-iombaire et sur la lèvre interne de la
crête iliaque sur une étendue de deux à trois centimètres. En haut les
fibres s'insèrent sur le bord inférieur de la douzième côte et sur le som-
met des apophyses transverses des quatre premières vertèbres lombaires.
Il existe un second plan de fibres en avant de celui-ci, elles se détachent
MUSCLES DE L'ABDOMEN. a69
du bord inférieur de la douzième côte, se portent en bas et en dedans et
viennent s'insérer sur les apophyses transverses des deux ou trois dernières
vertèbres lombaires.
Innervation. Douzième nerf intercostal et rameaux issus des bran-
ches antérieures des trois ou quatre premiers nerfs lombaires.
Physiologie. Le muscle carré des lombes, en prenant son point fixe
sur le bassin, incline de son côté la colonne lombaire, il abaisse aussi les
cèles et devient ainsi expirateur. En prenant son point fixe sur le thorax
il incline le bassin de son côte.
Psoas iliaque. Insertions. La portion psoas du muscle s'in-
sère en haut sur la face latérale du corps de la douzième vertèbre dorsale
et des quatre premières lombaires, sur les disques intervertébraux qui .
les séparent, sur la base des apophyses transverses de ces vertèbres. En
bas le tendon du muscle s'insère à la face postérieure du petit trochanter.
La portion iliaque du muscle prend ses insertions sur les deux tiers
supérieurs de, la fosse iliaque, sur la lèvre interne de la crête iliaque et
sur le ligament itio-tombaire, sur la base du sacrum, sur les deux épi-
nes iliaques et sur l'échancrure qui les sépare, sur la face antérieure de
la capsule articulaire de l'articulation coxo-fémorale. Presque tous les
faisceaux de ce muscle se terminent sur la face externe du tendon du
psoas qui s'insère à la face postérieure du petit trochanter. Quelques
faisceaux formant le petit muscle iliaque vont directement au fémur en
longeant le bord inférieur du tendon du psoas.
' Innervation. Rameaux provenant directement du plexus lombaire
et quelques filets issus du nerf crural.
Physiologie. Le muscle psoas-iliaque, en prenant son point fixe sur la
colonne et sur le bassin, produit la flexion de la cuisse sur le
bassin et sa rotation en dehors. Le muscle tenseur du fascia lata amenant
la flexion de la cuisse avec rotation en dedans, la contraction simultanée
de ce muscle et du psoas iliaque produit la flexion simple de la cuisse; ces
muscles ont une action dans la marche.
Le muscle psoas-iliaque, en prenant son point fixe sur le fémur, fléchit
la colonne vertébrale et le bassin par sa portion lombaire; par sa portion
iliaque il détermine un mouvement de rotation du bassin qui porte la
symphyse pubienne du côté opposé.
Petit psoas. Insertions. -Le petit psoas s'insère en haut sur le
corps de la première vertèbre dorsale, sur le corps de la première vertè-
bre lombaire et sur le disque libro-cartilagineux qui les sépare; en bas le
tendon terminal s'insère sur t'éminence ilio-pectillée et sur le fascia 1
iliaca.
Innervation. Rameaux issus du plexus lombaire.
Physiologie. Le petit psoas est le vestige d'un muscle existant chez
beaucoup de mammifères, les sauteurs par exemple. n'a chez l'homme
aucun rôle utile. '
[G. GUILLAIN.]
S70 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
VI. MUSCLES DE LA RÉGION POSTÉRIEURE
DU TRONC ET DU COU
MUSCLES SUPERFICIELS DE LA RÉGION C £ RVICD-DORSO-LOMBAIRE
Trapèze. Insertions. -Le trapèze s'insère en dedans sur le tiers
interne (lèvre inférieure de la ligne courbe occipilalc supérieure), sur la
protubérance occipitale externe, sur le ligament cervical postérieur,
lequel s'étend de la protubérance occipitale externe à l'apophyse épineuse
de la sixième vertèbre cervicale, sur le sommet des apophyses épineuses
de la septième cervicale et des dix ou onze premières vertèbres dorsales
et sur les ligaments surépineux correspondants. Les faisceaux supérieurs
du muscle oblique en bas et en dehors viennent s'insérer sur le tiers
externe du bord postérieur de la clavicule. Les faisceaux moyens, qui sont
plus ou moins transversaux, s'insèrent sur le bord postérieur de l'acru-
mion et sur la lèvre supérieure du bord postérieur de l'épine de l'omo-
plate dans toute son étendue. Les faisceaux inférieurs obliques en haut
et en dehors s'insèrent à la partie interne de l'épine de l'omoplate dans
une étendue variant entre un et trois centimètres. ,
Innervation. Branche externe du spinal. Le trapèze reçoit aussi un
rameau du plexus cervical profond; ce rameau, dit nerf du trapèze, pro-
vient de la branche antérieure de la troisième cervicale, parfois de la qua-
trième. Outre ces rameaux principaux, le trapèze reçoit encore, pour sa
partie toute supérieure, quelques filets accessoires du grand nerf occi-
pital (Testut).
Physiologie. Au point de vue physiologique, il est nécessaire d'en-
visager différentes parties dans le muscle trapèze. La partie claviculaire,
dite respiratoire, élève la clavicule, agit dans l'inspiration. Duchenne a
fait remarquer que cette partie était l'ultinwm moriens dans les atrophies
du trapèze.
Les fibres de la partie moyenne qui s'insèrent le plus en dehors
élèvent l'acromion, font basculer l'omoplate dont l'angle inférieur s'éloigne
de la ligne médiane. Les libres de la portion moyenne qui s'insèrent en
dedans des précédentes rapprochent l'omoplate de la ligne médiane,
effacent le moignon de l'épaule; elles sont adductriecs.
Les fibres de la partie inférieure attirent l'omoplate en bas et en
arrière, élèvent 1 épaule de un ou deux centimètres.
Le muselé, considéré dans son ensemble, élève le moignon de l'épaule
en rapprochant l'omoplate de la colonne vertébrale.
Le trapèze peut prendre son point d'insertion lixe sur l'omoplate. Les
faisceaux supérieurs ctavicutairesinctinen) ta tète de leur coté et un peu
en arrière, en déterminant ainsi un mouvement de rotation qui porte la
face du côté opposé. Quand le trapèze se contracte bitatératement, la tête
MUSCLES DE LA RÉGION POSTÉRIEURE DU TRONC ET DU COU. 571
est portée directement en arrière. Les faisceaux moyens inclinent la
colonne cervicale de leur côté. Les faisceaux inférieurs peuvent, dans
certaines conditions, lorsqu'on est suspendu par les membres inférieurs
par exemple, avoir un rôle dans l'action de grimper.
La paralysie du trapèze se traduit par des signes différents suivant la
partie ! de muscle qui est affectée. La paralysie de la partie supérieure ne
se constate que dans les grandes inspirations. Quand la partie inférieure
et la moitié interne de la partie moyenne sont atteintes, le bord spinal
du scapulum se dévie à 10 ou 12 centimètres de la ligne médiane, le
moignon de l'épaule se porte en avant ; si la paralysie est bilatérale le
dos est arrondi et la poitrine déprimée. Quand la moitié externe de la partie
moyenne est paralysée, le scapulum tourne de dehors en dedans autour de
son angle interne, le bord spinal s'écarte des apophyses épineuses, s'in-
cline en bas et en dedans, le moignon de l'épaule s'abaisse. Le muscle
grand dentelé corrige la déviation de l'épaule. Dans le cas de paralysie
du trapèze, le rhomboïde est seul capable de rapprocher les épaules en
arrière, il élève en même temps le scapuhnn et abaisse par un mouvement
de rotation son angle acromial; le défaut de fixité de l'omoplate est aussi
une grande gêne pour l'élévation du bras.
Grand dorsal. Insertions. Le grand dorsal s'insère sur les
apophyses épineuses des six ou sept dernières vertèbres dorsales et des
cinq vertèbres lombaires, ainsi que sur les ligaments surépineux corres-
pondants, sur la crête sacrée, sur le tiers postérieur et sur la lèvre externe
de la crête iliaque, sur la face externe des trois ou quatre dernières cotes.
Le tendon d'insertion supérieur du grand dorsal se lise, en avant de celui
du grand rond, dans le fond de la coulisse bicipitale.
Innervation. Nerf du grand dorsal, branche du plexus brachial,
venant du cinquième nerf cervical, parfois du circonflexe.
Physiologie. Le grand dorsal peul prendre son point fixe sur la
colonne vertébrale ou sur l'humérus. Quand il prend son point fixe sur la
colonne vertébrale et que le bras est élevé et écarté du tronc, le grand
dorsal l'abaisse, le l'approche du tronc et l'amène en arrière en lui faisant
exécuter un mouvement de rotation qui porte la face palmaire en dedans
vers la ligne médiane. Quand le bras est placé dans une direction paral-
lèle il 1 axe du tronc, le grand dorsal agit principalement sur l'omoplate,
le tiers supérieur du muscle rapproche l'omoplate de la ligne médiane
de deux a trois centimètres; en se contractant des deux côtés il efface
les épaules et étend le tronc, détermine la position du soldat au port
d armes. Les deux tiers inférieurs abaissent le moignon de l'épaule et
inclinent légèrement le tronc de leur côté. ,L
Quand le grand dorsal prend son point fixe sur l'humérus, il peut sou-
lever le corps tout entier connue dans l'action de grimper ou les côtes
seules dans l'inspiration.
Quand le grand dorsal est paralysé, l'épaule ne peut se porter en arrière
sans s élever par l'action du rhomboïde et du trapèze, les mouvements
[G. GUILLAIN.]
? 72 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
d'abaissement du bras ne se produisent plus que par l'effet de la pesan-
teur.
Rhomboïde. Insertions. Le rhomboïde s'insère d'une part
sur la partie inférieure du ligament cervical, sur les apophyses épineuses
de la septième cervicale et des quatre ou cinq premières dorsales. Les
faisceaux du muscle se dirigent en bas et en dehors et viennent se fixer
sur la partie du bord spinal de l'omoplate située au-dessous de l'épine.
Innervation. Nerf du rhomboïde, branche collatérale du plexus
brachial provenant de la quatrième ou cinquième cervicale. En outre il
reçoit un filet nerveux du plexus cervical pour ses faisceaux supé-
rieurs.
Physiologie. Le rhomboïde porte l'omoplate en dedans, il fait
basculer cet os dont l'angle inférieur se rapproche de la ligne médiane,
tandis que le moignon de l'épaule s'abaisse. Si le bras est verticalement
levé au moment où le rhomboïde se contracte, il s'abaisse avec force.
Quand le rhomboïde est paralysé, le bord spinal du scapulum s'écarte
du thorax et son angle inférieur se porte en avant, ce qui est dû à l'action
prépondérante du grand dentelé. Cette paralysie annihilant un moyen de
fixité important de l'omoplate diminue secondairement l'action inspira-
foire du grand dentelé et affaiblit le mouvement par lequel le bras se
porte en arrière et en dedans. Les omoplates peuvent encore se rappro-
cher de la ligne médiane grâce au grand dorsal (Haillon).
Angulaire de l'omoplate. Insertions. L'angulaire de
l'omoplate s'insère sur l'apophyse transverse de l'atlas, sur les tubercules
postérieurs des apophyses transverses des trois ou quatre vertèbres sui-
vantes, il se porte en bas et en dehors et vient se fixer soit sur l'angle
supérieur du scapulum, soit sur la portion du bord spinal qui est située
au-dessus de l'épine.
Innervation. Nerf de l'angulaire de l'omoplate, branche du plexus
brachial.
Physiologie. L'angulaire de l'omoplate, en prenant son point fixe
sur la colonne cervicale, attire en haut et en dedans l'angle supérieur de
l'omoplate, abaisse le moignon de l'épaule. En prenant son point fixe sur
l'omoplate il incline la tête de son côté.
La paralysie de l'angulaire n'amène pas de troubles importants dans la
statique de l'omoplate, car le rhomboïde peut le suppléer.
Petit dentelé postérieur et supérieur. Insertions. Le
petit dentelé postérieur et supérieur s'insère en dedans sur la partie
inférieure du ligament cervical et sur le sommet des apophyses épineuses
de la septième cervicale et des trois premières dorsales. En dehors il
s'insère par quatre digitations sur le bord supérieur et la face externe
des deuxième, troisième, quatrième et cinquième côtes.
Innervation. Filets nerveux provenant des quatre premiers nerfs
intercostaux. D'après Poirier le muscle recevrait un rameau de la branche
du rhomboïde.
MUSCLES DE LA RÉGION POSTÉRIEURE DU TRONC ET DU COU. 373
Physiologie. - Le petit dentelé postérieur et supérieur élève les
côtes, est par conséquent inspirateur.
Petit dentelé postérieur et inférieur. Insertions. Le
petit dentelé postérieur et inférieur s'insère sur les apophyses épineuses
des deux dernières vertèbres dorsales et des deux ou trois premières
vertèbres lombaires; il se porte en haut et en dehors, se divise en quatre
dilatations qui viennent se fixer au bord inférieur et à la face externe
des quatre dernières côtes.
Innervation. Filets nerveux provenant des neuvième, dixième,
onzième nerfs intercostaux. D'après Poirier il recevrait un rameau du
nerf du grand dorsal.
Physiologie. Le petit dentelé postérieur et inférieur, en raison de
son obliquité, attire en bas et en dehors les dernières côtes sur lesquelles
il s'insère, il agrandit donc le thorax a sa partie inférieure. D'autre part,
eu fixant les côtes inférieures il favorise l'action inspiratrice du dia-
phragme. A ce double titre le petit dentelé postérieur et inférieur est
comme le supérieur, un muscle inspirateur (Testut).
MUSCLES DE LA NUQUE
Splénius. - Insertions. Le sptenius s'insère en dedans sur le
tiers inférieur du ligament cervical postérieur, sur les apophyses épineuses
de la septième cervicale el des quatre ou cinq premières dorsales ainsi
que sur les ligaments t[ltt1'i11111e11\ correspondants. Il se porte en haut
et en dehors et se divise en deux portions distinctes : la portion interne
ou splénius de la tête s'insère sur les deux tiers externes de la ligne,
courbe occipitale supérieure, sur la portion mastoïdienne du temporal qui i
lui fait suite et sur la face externe de l'apophyse mastoïde en arrière et
au-dessous du sterno-mastoïdien ; la portion externe ou splénius du cou
s'insère par deux faisceaux distincts sur le sommet des apophyses trans-
verses de l'atlas et de l'axis.
Innervation. Branches postérieures des nerfs cervicaux et grand
nerf occipital.
Physiologie. Le sptenius étend la tête, l'incline de son côté, lui
imprime un mouvement de rotation qui porte la face du côté du muscle
qui se contracte. La contraction bilatérale des splénius amène l'extension
directe de la tête.
Grand complexus. Insertions. Le grand conillems s'in-
sère sur le sommet des apophyses transverses de la septième cervicale
et des quatre, cinq ou six premières vertèbres dorsales, sur la face
interne des apophyses articulaires et à la base des apophyses transverses
des quatre vertèbres cervicales inférieures, assez souvent sur l'apophyse
épineuse de la septième cervicale et de la première dorsale. Dans diflérents
points d'insertion les faisceaux constitutifs du muscle se portent en haut
[G. GUILLAIN.
;.Í1 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
vers l'occipital et s'insèrent sur l'empreinte rugueuse située entre les
deux lignes courbes.
Innervation. Grand nerf occipital. Le muscle reçoit aussi des
1¡leh nerveux provenant des branches postérieures des troisième, qua-
trième et cinquième nerfs cervicaux.
Physiologie. - Les muscles grand comptcxus. en se coutractantsitnui-
tant'ment, renversent la tête en arrière. Sappcy et Cruveilhier disent que
la contraction unilatérale du muscle imprime à la tète un mouvement de
rotation qui a pour effet de porter la face du côté opposé; Duchenne n'a
jamais pu constater ce mouvement de rotation.
Petit complexus. Insertions. Le petit complexus s'insère
en bas sur les apophyses transverses des quatre ou cinq dernières ver-
tèbres cervicales et souvent de la première vertèbre dorsale, en haut sur
le bord postérieur et le sommet de l'apophyse mastoïde.
Innervation. Grand nerf occipital et branches postérieures des trois
ou quatre nerfs cervicaux sous-jacents.
Physiologie. Le petit complcms renverse la tète en arrière, et lui
imprime un mouvement d'inclinaison latérale.
Transversaire du cou. Insertions. Le transversaire du
cou s'insère en bas sur les apophyses transverses des cinq premières
dorsales par des digitations distinctes qui se fusionnent en un seul corps
musculaire, celui-ci s'insère, par de nouvelles digitalions, sur les tuber-
cules postérieurs des apophyses transverses des cinq dernières cervi-
cales, parfois même sur les apophyses transverses de l'atlas et de
l'axis.
Innervation. Branches postérieures des derniers nerfs cervicaux
et des premiers nerfs dorsaux.
Physiologie. Le transversaire du cou étend la colonne cervicale et
l'incline latéralement.
Grand droit postérieur de la tête. Insertions. Le
grand droit postérieur de la tète s'insère d'une part sur le sommet de
l'apophyse épineuse de l'axis, d'autre part sur l'empreinte rugueuse de
l'occipital qui est au-dessous de la ligne courbe inférieure.
Innervation. Branche postérieure du premier nerf cervical.
Physiologie. Le grand droit postérieur de la tête étend la tête.
l'incline, latéralement et lui imprime un mouvement, de rotation qui a
pour effet de porter la face de son côté. Quand les muscles se contractent
bitatéraicmeru, ils renversent la tète en arrière.
Petit droit postérieur de la tête. Insertions. Le 1H'lil
droit postérieur de la tête s'insère d'une part sur le tubercule postérieur
de l'atlas, d'autre part sur l'empreinte rugueuse située au-dessous de la
ligne courbe inférieure de l'occipital en dedans du grand droit.
Innervation. Branche postérieure du premier nerf cervical.
Physiologie. Le petit droit postérieur de la tête est un extenseur
de la tète.
MUSCLES DE LA RÉGION POSTÉRIEURE DU TRONC ET DU COU. 575
Grand oblique ou oblique inférieur de la tête. - Inser-
tions. Le grand oblique de la tête s'insère en bas sur la face latérale
de l'apophyse épineuse de l'axis, il se porte en haut et en dehors et se
fixe sur la partie postérieure et inférieure de l'apophyse transverse de
l'atlas.
Innervation. Branche postérieure du premier nerf cervical et
branche postérieure de deuxième nerf grand occipital.
Physiologie. Le grand oblique de la tête, rapprochant de la ligne
médiane l'apophyse transverse de l'atlas, détermine un mouvement de
rotation de la tête qui porte la face de son côté.
Petit oblique ou oblique supérieur de la tête. Inser-
tions. Le petit oblique de la tête s'insère sur le sommet de l'apo-
physe transverse de l'atlas, ses fibres se portent en haut et en dedans et
se terminent sur l'occipital au-dessus et en dehors de l'insertion supé-
rieure du grand droit.
Innervation. Branche postérieure du premier nerf cervical.
Physiologie. Le petit oblique de la tête étend la tète et l'incline
latéralement.
MUSCLES DES GOUTTIÈRES VERTÉBRALES OU MUSCLES SPINAUX
lJr
Masse commune, ilio-costal, long dorsal, transver-
saire épineux. Insertions. Dans les gouttières vertébrales
existent trois formations musculaires qui s'étendent du sacrum à la
région cervicale : le muscle ilio-costal ou scccro-lombaire, le muscle
long dorsal et le muscle transversaire épineux. L'ilio-costal en dehors,
le long dorsal en dedans sont sur un plan superficiel, le transversaire
épineux occupe le plan profond. Cet. isolement des trois muscles des
gouttières vertébrales ne s'observe qu'à la région dorsale et à la partie
supérieure de la région lombaire, au-dessous les trois muscles fusionnés
forment la niasse commune. '
Voici la description anatomique que donne Testut de ces muscles si
complexes.
La masse commune, qui occupe au bassin la gouttière sacrée et à la
région lombaire l'espace compris entre les apophyses épineuses et les
apophyses costiformes, s'insère sur les apophyses épineuses des dernières
vertèbres, lombaires, sur la crête sacrée, sur les tubercules postérieurs
du sacrum, sur le grand ligament sacra-sciatique, sur la tubérosité ischia-
tique, sur le cinquième postérieur de la crète iliaque. L'aponévrose
d'insertion de la masse commune, l'aponévrose spinale, occupe en largeur
l'intervalle compris «mire la crête sacrée et la partie postérieure de la
crête iliaque, s'étend en hauteur du sommet du sacrum à la partie
supérieure de la région dorsale ; de sa face antérieure naissent la plupart
des faisceaux charnus des muscles des gouttières.
L'ilio-costal on sac1'o-lm/lbail'e s'insère sur la crête iliaque, sur la
[G GUILLAIN.]
5711 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
tubérosité iliaque, sur la partie externe de l'aponévrose spinale. Il se
porte verticalement en haut, atteint la douzième côte, croise toutes les
côtes dans la région de l'angle, pénètre dans la région de la nuque ci
s'élève jusqu'à la hauteur de la troisième vertèbre cervicale. Au cours de
son trajet l'ilio-costal laisse échapper le long de son bord externe dix-
sept faisceaux qui obliquent légèrement en dehors et viennent se ter-
miner les douze premiers sur l'angle des douze côtes, les cinq autres
sur les tubercules postérieurs des apophyses transverses des cinq der-
nières vertèbres cervicales. Au sur et à mesure que le muscle envoie par
son bord externe des tendons aux côtes, celles-ci lui envoient, au niveau
de son bord interne, des faisceaux de renforcement qui l'empêchent de
s'épuiser.
Le long dorsal se détache des apophyses épineuses des vertèbres
lombaires, de la crête sacrée, de la partie interne de l'aponévrose spi-
nale. Il s'élève verticalement en haut, parcourt toute la région dorsale et
s'arrête à la région cervicale sans y pénétrer. Il croise seize il dix-sept
groupes vertébraux-costaux dans son trajet ascendant. En passant en
arrière de ces dix-sept groupes vertébro-costaux, le muscle fournit à
chacun d'eux trois faisceaux : un faisceau interne se portant en dedans
et se terminant sur l'apophyse épineuse correspondante, faisceau épi-
neux; un faisceau moyen oblique en dehors se fixant sur le sommet de
l'apophyse transverse, faisceau transversaire ; un faisceau externe se
portant plus en dehors et s'insérant sur la face externe de la côte, entre
l'angle et la tubérosité, faisceau costal. A la région lombaire les inser-
tions du long dorsal se modifient : les faisceaux épineux font défaut; les
faisceaux transversaires se fixent au tubercule apophysaire, homologue
de l'apophyse transverse de la région dorsale : les faisceaux costaux
s'insèrent au sommet de l'apophyse cosliforine (apophyse transverse des
auteurs classiques) qui représente en réalité la côte lombaire.
Le transversaire épineux, situé au-dessous des muscles précédents,
s'étend du sommet du sacrum à la deuxième vertèbre cervicale : il est
assez grêle au niveau du sacrum, acquiert un grand développement aux
lombes, s'atténue au thorax et grossit de nouveau à la région cervicale.
Le muscle est constitué par une série de faisceaux qui présentent ce
caractère commun de s'étendre d'une apophyse transverse ! lune apo-
physe épineuse. On distingue trois groupes différents de faisceaux : les
demi-épineux, le multifide du raclas, les rotateurs du dos ou sous-
multifide.
Il existe deux demi-épineux, l'un pour la région dorsale, l'autre pour
la région cervicale. Le demi-épineux du dos comprend six faisceaux
prenant naissance sur le sommet et le bord supérieur des apophyses
transverses des six dernières dorsales et venant se terminer sur le côté
des apophyses épineuses des quatre premières dorsales et des deux der-
nières cervicales. Le demi-épineux de la nuque se compose de cinq ou
six faisceaux qui s'insèrent sur le sommet et le bord supérieur des
MUSCLES DE LA RÉGION POSTÉRIEURE DU TRONC ET DU COU. 577
apophyses transverses des premières vertèbres dorsales et se portent par
un trajet oblique en haut et en dedans sur les apophyses épineuses des
cinquième, quatrième, troisième et seconde vertèbres cervicales.
Le 11111ltifide du rachis est constitué par une série de faisceaux qui
prennent naissance à la région sacrée dans la gouttière sacrée et sur la
face antérieure de l'aponévrose spinale, à la région lombaire sur les
tubercules apophysaires homologues des apophyses Iransverses, à la
région dorsale sur la face postérieure des apophyses transverses, à la
région cervicale sur les apophyses transverses et les apophyses articu-
laires des quatre dernières cervicales. Ces différents faisceaux se portent
en haut et en dedans et viennent se terminer sur le côté des apophyses
épineuses des quatrième, troisième et seconde vertèbres situées au-dessus.
Les rotateurs du dos (Theile) sont de petits muscles situés au-des-
sous du rrmltifide; ils s'insèrent d'une part sur l'apophyse transverse
d'une vertèbre, d'autre part sur le bord inférieur de la lame et sur la
base de l'apophyse épineuse de la vertèbre située au-dessus. D'après
Theile ces muscles n'existent qu'a la région dorsale, il n'en décrit que
onze. Hughes a signalé l'existence de ces faisceaux musculaires sur toute
la hauteur de la colonne vertébrale depuis la base du sacrum jusqu'à la
deuxième vertèbre cervicale ; il ajoute d'ailleurs qu'à côté des muscles
courts qui vont d'une vertèbre il la vertèbre voisine existent des muscles
longs qui, franchissant une vertèbre, viennent s'insérer sur la vertèbre
suivante. Les vertèbres lombaires ne présentant pas de mouvements de.
rotation, il en résulte que ces faisceaux musculaires ne sont véritable-
ment rotateurs qu à la région dorsale et à la région cervicale.
Innervation. Les muscles des gouttières vertébrales sont tous
innervés par les branches postérieures des nerfs rachidiens.
Physiologie. Les muscles des gouttières vertébrales sont des
extenseurs de la colonne vertébrale. Ils jouent un rôle très important
dans la station bipède. Quand ils se contractent d'un seul côté ils déter-
minent un mouvement d'inclinaison latérale et un mouvement de rota-
tion variant suivant les muscles qui se contractent. Les faisceaux costaux
et transversales du long dorsal, obliques en haut et en dehors, portent la
face de leur côte; les faisceaux du transversaire épineux, obliques en
liant et en dedans, portent la face du côté opposé.
La paralysie des extenseurs dorsaux et cervicaux produit une cyphose
dorso-cervicale sans lordose lombaire compensatrice; les cuisses se
placent en extension forcée pour que le centre de gravité ne reste pas en
arrière de la base de sustentation. La paralysie des extenseurs du cou a
pour conséquence une cyphose cervicale, pour compenser le déplace-
ment la tète s'étend sur le cou, il se produit une lordose dorsale et une
exagération légère de la courbure dorso-loinbaire.
La paralysie bilatérale des extenseurs lombaires, fréquente dans les cas
de myopathie intéressant les masses sacro-lombaires, a pour conséquence
la lordose. Dans cette variété de lordose paralytique le fil il plomb tom-
PRATIQUE NEUROI,. ' 57
[G. GUILLAIN,] 1
'78 , PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
bant des apophyses épineuses passe il une certaine distance du sacrum,
contrairement à ce que l'on observe dans la lordose consécutive si la
paralysie des fléchisseurs du rachis, c'est-à-dire des muscles de la paroi
abdominale antérieure ; dans cette dernière variété, grâce à un mouve-
ment de bascule du bassin, les apophyses dorsales les plus postérieures
sont ramenées suffisamment en avant pour que la verticale tombant de
ces apophyses ne passe pas par le sacrum, mais par cet os ou même en
avant de lui.
La paralysie unilatérale des muscles spinaux lombaires et dorsaux a
pour conséquence une scoliose paralytique qu'il faut différencier de la
scoliose par contracture.
MUSCLES INTERTRANSVERSAIRES
Intertransversaires du cou, du dos, des lombes.
Insertions. Les inlerl1'ansvel'sai1'es du cou son ! au nombre de
deux pour chaque espace, l'un antérieur, l'autre postérieur. Ils s'insi-
rent en haut sur le bord inférieur de l'apophyse transvprse qui est au-
dessus, en bas sur le bord supérieur creusé en gouttière de l'apophyse
transverse qui est au-dessous; l'intertransversaire antérieur se fixe sur
la lèvre antérieure de cette gouttière, l'intertransversaire postérieur
sur la lèvre postérieure. Les intertransversaires du clos sont formes
par des faisceaux étendus du sommet d'une apophyse transverse au
sommet de l'apophyse transverse qui lui est contiguë. Ils paraissent être
constants aux vertèbres dorsales inférieures, mais font presque toujours
défaut au niveau des vertèbres dorsales supérieures. Les intertransver-
saires des lombes sont au nombre de deux pour chaque espace, l'un est
interne, l'autre externe. Les intertransversaires externes s'insèrent en
haut sur le bord inférieur de l'apophyse transyprse (apophyse costifornie)
qui est au-dessus, en bas sur le bord supérieur el sur le sommet de
l'apophyse transverse (apophyse costiforme) qui est au-dessous. Les
Intertransversaires internes sont de petites languettes musculaires s'étcn-
dant verticalement d'un tubercule mamillaire il l'autre.
Innervation. Nerfs cervicaux, nerfs dorsaux, nerfs lombaires.
Physiologie. Les muscles intertrausversaires inclinent de leur
côté la colonne vertébrale. Quand ils se contractent bilatéralement ils
fixent solidement les vertèbres entre elles.
MUSCLES ÉPINEUX ET INTERÉPINEUX
Épineux. - Insertions. Il existe doux muscles épineux : l'épi-
neux du dos et l'épineux de la nuque. L'épineux du dos est formé par
les faisceaux internes ou épineux du long dorsal, il se termine en haut
par une série de faisceaux sur le sommet des apophyses épineuses des
huit premières vertèbres dorsales. L'épineux de la nuque s'insère en
MUSCLES PEAUCIERS DU COU ET DE LA TÈTE. 579
bas par deux faisceaux sur le sommet des apophyses épineuses des deux
dernières vertèbres cervicales et des deux premières dorsales, en haut
soit sur l'apophyse épineuse de l'axis, soit sur les apophyses épineuses
de l'axis et de la troisième cervicale.
Innervation. Branches postérieures des nerfs raehidiens.
Physiologie. Les muscles épineux sont extenseurs de la colonne
vertébrale.
Interépineux. Insertions. Les muscles intercpinenxsont dis-
posés par paires entre, les apophyses épineuses des deux vertèbres voisines.
Innervation. Branches postérieures des nerfs rachidiens.
Physiologie. Les intcrepineux, rapprochant les apophyses épineuses
sur lesquelles ils prennent insertion, sont donc extenseurs de la colonne
vertébrale.
MUSCLES DU COCCYX
Ischio-coccygien, sacro-coccygien postérieur, sacro-
coccygien antérieur. Insertions. Les muscles moteurs du
coccyx sont dégénérés chez l'homme. L'ischio-coccyyien s'étend de l'is-
chion au coccyx. Le sacro-coccygien postérieur s'insère en haut sur la
face postérieure des dernières vertèbres sacrées ou sur l'épine iliaque
posléro-inlérieiire, il se termine en bas sur la face postérieure des diffé-
rents segments du coccyx. Le sacro-coccygien antérieur s'insère en
haut sur la partie inférieure de la face antérieure de la dernière vertèbre
sacrée ou du premier segment coccygien, il se termine en bas sur la face
antérieure des derniers segments coccygiens en entrc-croisant ses libres
avec celui du côté opposé.
Innervation. Le sacro-coccygien postérieur est innervé par un filet
du plexus sacro-coccygien, le sacro-coccygien antérieur par les branches
postérieures des doux derniers nerfs sacrés et du nerf coccygien.
Physiologie.L'ischio-coccygien n'a aucune action sur le coccyx.
Le sacro-coccygien postérieur porte le coccyx en arrière, il est l'homo-
logue du muscle extenseur de la queue des mammifères. Le sacro-
coccygien antérieur porte le coccyx en avant, il est l'homologue du llé-
chisseur de la queue des mammifères.
VII. MUSCLES PEAUCIERS DU COU ET DE LA TÊTE
Les muscles peauciers ont avec la peau des connexions très intimes.
Les muscles peauciers de la face sont disposés pour la plupart autour des
yeux, du nez, de la bouche. Ils jouent un rôle important dans l'ouver-
tare et l'occlusion de ces différents orifices. De plus, ces muscles tradui-
sent les états du moi intérieur, président au jeu de la physionomie, ils
sont les muscles de la mimique.
[G. GUILLAIN]
;')80 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
Le muscle peaucier du cou est la reproduction atrophiée chez l'homme
du pannicule charnu de quelques animaux, tel le cheval; ce pannicule
charnu est une lame musculaire, entourant la nuque, le cou et presque
tout le tronc.
Muscle peaucier du cou. Insertions. Le peaucier du cou
naît en bas dans le tissu cellulaire des régions sous-claviculaire et acro-
miale. Les faisceaux pâles et plus ou moins écartés les uns des autres
se portent en haut et en dedans, traversent obliquement la région du cou
et atteignent le bord inférieur du maxillaire où ils se terminent ainsi :
I" les faisceaux internes s'entre-croisent le plus souvent sur la ligne
médiane au-dessous du menton avec ceux du côté opposé et viennent
s'attacher à la face profonde de la peau de la région mentonnière; 2° les
faisceaux moyens s'insèrent sur le tiers interne de la ligne oblique du
maxillaire en s'entre-croisant à ce niveau avec les faisceaux d'origine du
triangulaire des lèvres : 5° les faisceaux externes se confondent en grande,
partie avec le triangulaire, mais surtout avec le carré, du menton, les
autres remontent jusqu'à la peau de la commissure labiale.
Innervation. Nerf facial par sa branche cervico-faciale.
Physiologie. Le peaucier soulève et tend la peau du cou au-devant
du sterno-mastoïdien, mouvement qui s'accompagne d'un plissement lon-
gitudinal et d'un froncement transversal. Les deux insertions du muscle
se rapprochant, la commissure des lèvres s'abaisse de deux ou trois cen-
timètres, la partie inférieure, de la joue et les narines sont attirées en
bas, la peau de la poitrine s'élève un peu. Testut a vu chez une
femme qui possédait un muscle peaucier plus développé que de cou-
tume les contractions de ce muscle attirer fortement en haut la glande
mammaire.
Le peaucier a un rôle mécanique. Pour Cruveilhier il est un des muscles
qui concourt le plus à l'expression des passions tristes, de la terreur, de
l'effroi, de la colère, de la souffrance. Duchenne l'a dénommé le muscle
de la frayeur, appellation contestée par Darwin qui fait remarquer que
l'expression de la frayeur est la résultante de la contraction simultanée
de plusieurs muscles. La contraction isolée du peaucier est inexpressive.
Pour Tleynier « la véritable action du peaucier du cou est d'être tenseur
des téguments de la partie inférieure de la face et de jouer pour les peau-
ciers situés au-dessous du front le rôle de régulateur des mouvements.
Il se contracte dans les expressions énergiques, et, de son association
habituelle aux sentiments intenses, il résulte que sa simple contraction
volontaire ou que la tension que l'on peut artificiellement donner aux
téguments de la partie inférieure de la face réveille, l'énergie dans l'ex-
pression et dans les centres nerveux. »
Foitx a indiqué le rôle du peaucier dans l'effort. En se contractant il
maintient béantes les veines du cou, favorise la circulation par appel du
sang veineux et contre-halance la pression atmosphérique. Aussi il se
contracte dans le chant, le vomissement, l'inspiration profonde. Le peau-
MUSCLES PEAUCIERS DU COU ET DE LA TÈTE. 581 1
ciel' se contracte dans le frisson, la rage, le tétanos. Babinski a attiré
l'attention sur ce fait que le peaucier ne se contractait plus dans l'hémi-
IMlI'ie organique, contrairement à ce que l'on observe dans l'hémiplégie
hystérique.
Chez le vieillard dont le maxillaire inférieur atrophié et privé de
ses dents remonte vers le maxillaire supérieur, le peaucier subit une
certaine tension plutôt qu'une tonicité active qui lui fait abaisser et écar-
ter les angles des lèvres, caractère frappant de'la caducité (Charpy). Ilenle
suppose que le peaucier peut, en comprimant la parotide et la glande
sous-maxillaire, favoriser l'excrétion de la salive.
Muscles de l'oreille externe. Insertions. - Le muscle auri-
culaire antérieur forme avec le temporal superficiel un muscle digas-
trique; ce muscle digastrique a succédé chez l'homme à un muscle uni-
que qui se retrouve chez beaucoup d'animaux sous le nom de muscle
orbito-amiculaire et qui s'étend de l'oreille au bord supérieur de l'arcade
orbitaire. Le muscle auriculaire antérieur a son insertion fixe sur une
intersection fibreuse qui lui est commune avec le temporal superficiel et
son insertion mobile par un tendon à l'épine de l'hélix sur sa face posté-
rieure et il la conque sur son bord antérieur. Le muscle temporal super-
ficiel occupe la partie antérieure de la région temporale entre le muscle
frontal et le muscle auriculaire supérieur; ce muscle vaste et mince
s'insère d'une part par son bord antérieur à la partie temporale de l'apo-
névrose epicranienne, d'autre part par son bord postérieur à l'intersection
fibreuse qui le sépare de l'auriculaire antérieur.
Le muscle auriculaire supérieur s'insère d'une part (insertion fixe)
par son bord supérieur convexe à la partie latérale de l'aponévrose épicru-
nienne, eiie-mone peu mobile ce niveau à cause de ses adhérences avec
les tissus profonds ; d'autre part (insertion mohile) par une expansion
lamellaire au pavillon de l'oreille, c'est-à-dire il la convexité qui reproduit
sur la face interne la fossette de ] anthetix et au bord antérieur de l'hélix
qui limite en avant cette fossette (Charpy).
Le muscle auriculaire postérieur, muscle en forme de languette, est
dirige horizontalement le long de la base de l'apophyse mastoïde. Il a son
insertion fixe à la base de l'apophyse mastoïde et il la partie voisine de
l'occipital, accessoirement il l'aponévrose du sterno-mastoïdien ; son inser-
tion mobile se fait à la convexité de la conque, au-dessus de la branche
horizontale de l'hélix.
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. Le muscle auriculaire antérieur, avec le temporal
superficiel qui le prolonge, lire l'oreille en avant et en haut. L'auriculaire
supérieur est un élévateur direct, l'auriculaire postérieur lire le pavillon
en arrière. Tous ces muscles sont des dilatateurs de l'orifice externe du
conduit auditif. Chez l'homme, l'action des muscles auriculaires est
presque nulle. Certains individus peuvent, sous l'influence de la volonté,
contracter légèrement l'auriculaire supérieur et l'auriculaire postérieur;
. [G GUILLAIN,]
582 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
l'auriculaire antérieur semble échapper complètement il l'action de la
volonté.
MUSCLES DES PAUPIÈRES
Muscle occipito-frontal. Insertions. Le muscle occipital
en arrière et le muscle frontal en avant sont réunis l'un il l'autre par une
forte aponévrose, l'aponévrose epicranienne; ils peuvent être considérés
comme formant un muscle unique digastrique, le muscle occipito-frontal.
Le muscle 'occipital naît en arrière sur les deux tiers externes delà
ligne occipitale supérieure et sur la partie correspondante de l'apophyse
mastoïde. Les faisceaux se portent en haut et en avant et viennent se ter-
miner sur le bord postérieur de l'aponévrose epicranienne, les faisceaux
les plus externes se dirigent vers le pavillon de l'oreille et s'étendent
parfois jusqu'à la face postérieure de la conque.
Le muscle frontal naît en haut sur le bord antérieur de l'aponévrose
epicranienne par un bord convexe, il se porte en avant vers l'orbite. Les
faisceaux internes ou médians vont vers la région intersonrcitière et ta
semblent se confondre avec les muscles pyramidaux, les faisceaux moyens
et externes descendent vers le rebord supérieur de l'orbite et s'y entre-
croisent avec les deux muscles qui occupent celte région, l'orbiculaire et
le sourcilier. Tons les faisceaux du frontal s'attachent à la face pEpfonde
de la peau de ces régions. "
Innervation. L'occipital est innervé par le, rameau auriculaire pos-
térieur du facial, le frontal par les filets frontaux de la branche teniporo-
faciale du nerf facial.
Physiologie. Le muscle occipital, qui, chez beaucoup d'animaux,
est un rétracteur de l'oreille grâce il ses insertions au pavillon, n'est chez
l'homme qu'un tenseur de l'aponévrose epicranienne qu'it attire en bas et
en arrière.
Le muscle frontal a pour principale action l'élévation du sourcil dont la
courbure est augmentée. La contraction du frontal en rapprochant ses
insertions a pour résultat l'abaissement du bord supérieur du front, son
raccourcissement en hauteur, la formation de plis transversaux a conca-
vité inférieure raccordés de droite il gauche sur la ligne médiane par des
plis à courbure inverse, 1 ascension de la paupière supérieure et par suite
l'agrandissement de la fente palpébrale. '
Le frontal agit avec le releveur de la paupière quand la vision est diffi-
cile par éclairage Insuffisant ou etoignetnent ou mauvais éclairage de
l'objet. Certains myopes, pour y voir au delà de leur point normal, utilisent
surtout le muscle frontal alors que d'autres se servent presque exclusive-
ment d'un muscle antagoniste, le muselé, sourcilier, qui leur permet de
voir dans les conditions de la fente sl¡' ! llOpéi(J11 ! (Charpy).
Duchenne a appelé le frontal le muscle de l'attention, il caractérise le
regard actif. Au contraire, dans la réflexion, le sourcilier de l'orbiculaire
des paupières se contracte, les paupières se ferment. L'élévation des
.MUSCLES PEAUCIERS DU COU ET DE LA TÊTE. 585
sourcils se voit aussi dans des états psychologiques comme la surprise,
l'admiration, la frayeur, l'horreur.
Le frontal conjointement avec l'occipital produit les mouvements antéro-
postérieurs du cuir chevelu. Ces mouvements, qui sont très marqués chez
beaucoup de singes, annoncent un étal de colère et de menace.
Pyramidal. Insertions. Le pyramidal est un petit muscle
situé sur le dos du nez et dans la région intersourcilière. Il naît en bas
en partie sur les cartilages latéraux du nez, en partie sur le bord inférieur
et le bord interne des os propres du liez. De la ses faisceaux se portent
verticalement en haut vers la région intcrsonrciliere où aboutissent aussi
les faisceaux internes du frontal. Les deux muscles se pénètrent et s ïn-
sèrent l'un et l'autre à la l'ace profonde des téguments.
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. Le, pyramidal est antagoniste du frontal. Prenant son
point fixe en bas il exerce une traction verticale qui porte sur la région
intersourcilière et sur la queue du sourcil, il en résulte rabaissement de
la peau du front, la formation d'un sillon transversal dans l'espace inter-
sourcilier. Par l'abaissement de la tête du sourcil l'angle interne de 1 oeil
est rétréci et la caroncule est cachée.
Darwin a insisté sur ce fait que le pyramidal se contracte synergique-
ment avec le sourcilier et l'orbiculaire des paupières pour rétrécir la fente
palpébrale et augmenter la saillie du sourcil dans les cas où l'oeil est exposé
aune vive lumière.
Duchenne a nommé le pyramidal le muscle de l'agression, il donne de
la dureté au regard. On constate la contraction du pyramidal associée
d'ailleurs il celle d'autres muscles dans les émotions pénibles, le pleurer,
les grandes douleurs concentrées.
Orbiculaire des paupières. Insertions. Le muscle orbi-
culaire des paupières est divisé généralement en deux zones concentri-
ques : une zone orbilaire ou externe qui répond au pourtour de l'orbite,
une zone palpébrale ou interne qui répond aux paupières. L'orbiculaire
des paupières nait dans la région de l'angle interne de l'oeil et se termine
sur la peau de l'angle externe.
Muscle de Horner. Borner a décrit connue muscle distinct un
petit faisceau quadrilatéral situé en arrière du sac lacrymal ; il s'insère
en dedans avec la portion réfléchie du tendon de l'orbiculaire sur la crête
de tes unguis, il se porte transversalement en dehors vers la commissure
interne des paupières, se bifurque la connue le tendon de l'orbiculaire et
chacune de ses branches se termine un peu en arrière des points lacrymaux.
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. La portion palpébrale de l'orbiculaire détermine l'oc-
clusion de 1 orifice palpébral dans les conditions normales sans effort,
comme le sommeil, le clignement; la portion orbitaire de l'orbiculaire se
contracte dans l'occlusion avec effort, il ferme l'oeil en présence d'une
vive lumière, il joue un rôle dans les travaux minutieux, dans l'acte de
[G. GUILLAIN.]
;)84 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
viser. L'occlusion de l'oeil se constate, ainsi que l'a fait remarquer
Darwin, dans tous les actes qui s'accompagnent d'une expiration forcée
comme les pleurs, la toux, le vomissement, etc. ; l'expiration a pour
conséquence une congestion des veines de la face, la contraction de l'or-
hiculairc aurait pour but d'empêcher la congestion de l'oeil en le com-
primant.
L'orbiculaire, en se contractant, glisse de dehors en dedans et favorise
la progression des larmes. Le muscle de llorncr dilate les points laC1'\'-
maux, les attire en dedans et les fait plonger dans le sac lacrymal.
Sourcilier. - Insertions. Le sourcilicr s'insère sur la partie la
plus interne de l'arcade sourcilière, se porte en haut et en dehors. En
atteignant le trou sous-orbitaire, il se divise en de nombreux faisceaux
qui s'entre-croisent avec les libres de l'orbiculaire et du frontal et viennent
s'attacher il la face profonde de la peau des sourcils.
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. Le muscle sourcilier fronce les sourcils ; le froncement
des sourcils accompagne l'effort physique ou moral. Il se contracte en
présence d'une lumière trop vive, lors des travaux minutieux, dans l'acte
d'enfiler une aiguille, lors de l'exposition de l'oeil à la poussière. Au point
de vue mimique le sourcilier par lui-même est inexpressif, sa contraction
jointe il celle d'autres muscles indique une certaine énergie intellectuelle.
Duchenne l'a nommé le muscle de la douleur; cette expression n'est pas
rigoureusement exacte, car le froncement des sourcils se produit dans
d'autres circonstances que la douleur, comme la réflexion, la colère.
MUSCLES DU NEZ
Transverse du nez. Insertions. Le transverse du nez s'in-
sère sur le dos du nez, se dirige en bas, en dehors, en arrière vers le
sillon de l'aile du nez, la il se divise : ses faisceaux antérieurs se fixent à
la face profonde des téguments de la région, ses faisceaux postérieurs se
continuent avec les faisceaux externes du myrtiforme.
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. Le transverse du nez, d'après Duchenne, est un dilata-
teur de t'oritice des narines, il attire l'aile du nez en haut et en avant
ainsi que la partie supérieure du sillon naso-labial, il retrousse la narine.
Il se contracte dans l'acte de flairer.
Au point de vue mimique le. transverse du nez concourt à certaines
expressions comme le mécontentement, le mépris. C'est surtout le muscle
de la lascivito (Duchenne), de la sensualité (I;Iarpy).
Dilatateur des narines. Insertions. La dilatateur des
narines s'insère en arrière sur le bord postérieur du cartilage de 1 aile
du nez et sur la partie correspondante du maxillaire supérieur, ses libres
se portent en bas et en avant en décrivant une courbe il concavité infe-
MUSCLES PEAUCIERS DU COU ET DE LA TÈTE. 585
rieure et viennent se terminer à la face profonde de la peau qui recouvre
le bord externe de la narine.
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. Le dilatateur des narines écarte l'aile du nez de la
ligne médiane. Il se contracte dans la dyspnée pour faire pénétrer une
plus grande masse d'air à la fois dans les poumons. En tant que muscle
expressif il caractérise soit la volupté délicate par sa contraction modérée
et mobile, soit l'orgueil, aux narines gonflées et dilatées.
Myrtiforme. Insertions. Le myrtiforme s'insère en bas sur
le maxillaire supérieur au niveau de la fossette myrtiforme et de la
saillie de la dent canine, ses libres se portent en haut vers l'orifice des
fosses nasales, se divisent en trois groupes : les libres internes s'insèrent
à la sous-cloison, les fibres moyennes au bord postérieur du cartilage de
l'aile du nez, les libres externes contournent ce cartilage et se continuent
avec les faisceaux postérieurs du transverse. ,
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. Le myrtiforme abaisse l'aile du nez qu'il tire en bas
et en arrière, le diamètre transversal des narines diminue, le diamètre
antéro-postérieur s'allonge légèrement, c'est un muscle constricteur des
narines. Au point de vue mimique, le myrtiforme se contracte dans l'ex-
m'es ? ion de tristesse, de douleur, de sévérité.
t MUSCLES DES LÈVRES
Risorius de Santorini. Insertions. Le risorius de Santo-
rini s'insère en arrière dans le tissu cellulaire qui recouvre la région
parotidienne, il se termine en avant sur la peau et sur la muqueuse de
la commissure des lèvres.
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. Le risorius de Santorini attire en arrière la commis-
sure labiale. Qand il se contracte bilatéralement en même temps que
l'orbiculaire des lèvres, c'est-à-dire la fente buccale étant fermée, il
allonge la bouche dans le sens transversal, produit le sourire. D'après
Charpy, ce muscle serait seulement un auxiliaire des muscles du rire.
Grand zygomatique. Insertions. Le grand zygomatique
s'insère sur la face externe de l'os ni peu en dehors du petit
zygomatique, se porte en bas et en avant et se termine à la face profonde
des téguments de la commissure des lèvres.
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. Le grand zygomatique attire en haut et en dehors la
commissure des lèvres. Au point de vue mimique il a un rôle impor-
tant. Quand il se contracte seul il est le muscle de la grimace. Associé
a 1 orbieulaire des paupières (occlusion légère de l'oeil) est aux releveurs
de la lèvre supérieure, il est le muscle de la joie (Duchenne) dont
il traduit tous les degrés et toutes les nuances depuis le plus simple
[G. GUILLAIN.]
58G ' PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.
sourire jusqu'au rire le plus fou (Charpy). La contraction du grand
zygomatique combinée avec celle d'autres muscles peut exprimer le
rire sardonique, le ricanement; dans tous ces cas, il découvre en partie
la dent canine.
Petit zygomatique. Insertions. Le petit zygomatique s'in-
sère sur la partie inférieure de la face externe de l'os uiatairc un peu
au-dessous des faisceaux de l'orbiculaire des paupières, il se dirige en
bas et en avant et se termine, il coté des élévateurs, sur la lace profonde
de la peau de la lèvre supérieure.
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. Le petit zygomatique attire en haut et en dehors la
partie externe de la lèvre supérieure.
D'après Duchenne ce muscle marquerait l'attendrissement ; sa con-
traction, jointe à celle des relcveurs de la lèvre supérieure, se produirait
dans le dédain et le pleurer.
Élévateur commun de l'aile du nez et de la lèvre supé-
rieure. Insertions. L'élévateur commun de l'aile du nez et de la
lèvre supérieure s'étend de l'angle interne de l'oeil à la lèvre supérieure.
Il s'insère en haut sur la face externe de l'apophyse montante du maxil-
laire, parfois sur les os propres du nez et sur l'apophyse orbitaire interne
du frontal, il se porte en bas et se divise en atteignant la hase du nez en
deux ordres de faisceaux : des faisceaux internes s'iuserant à la peau de
la partie postérieure de l'aile du nez, des faisceaux externes obliquant un
peu en dehors et s'insérant il la face profonde de la peau de la lèvre
supérieure.
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. L'élévateur commun de l'aile du nez et de la lèvre
supérieure attire en haut l'aile du nez et la lèvre supérieure.
Élévateur propre de la lèvre supérieure. Insertions.
L'élévateur propre de la lèvre supérieure s'insère en haut sur le maxillaire
supérieur entre le trou sous-orhifaire et le rebord inférieur de l'orbite,
les libres se portent en bas et en dedans et se terminent il la face profonde
de la peau et la lèvre supérieure.
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. L'élévateur propre de la lèvre supérieure attire eu
haut la partie moyenne de la lèvre supérieure. Au point de vue mimique
les élévateurs de la lèvre et du nez se contractent dans la mauvaise
humeur, le chagrin, le pleurer.
Canin. Insertions. Le canin s'insère en haut sur la partie la
plus élevée de la fosse canine au-dessous du trou sous-orbitaire, il se
porte en bas et en dehors et se termine il la face profonde, de la peau et
dé la muqueuse de, la région des commissures.
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. Le canin attire la commissure des 1(\Vl'es en haut et en
dedans, il découvre la dent canine. Au point de vue mimique la contrac-
DICSCLI,s l'E : 1UCII : ItS DI1 COLT 1,7' Dl ? 1, : 1 TH : 'l'E. M7
tlonducanm jointe il celle d'autres muscles exprime l'amertume, la haine.
Triangulaire des lèvres. - Insertions. Le triangulaire des
lèvres naît en bas sur le tiers interne de la ligne oblique externe du
maxillaire inférieur, les libres convergent vers la commissure des lèvres
et s'insèrent d'une part à la peau de la commissure des lèvres au même
point que le canin, d'autre part, à l'aide d'un double faisceau irradié à la
peau de la lèvre supérieure jusqu'au sillon médian et au delà au cartilage
de l'aile du nez et de la sous-cloison.
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. Le triangulaire des tissus attire en bas et en dehors
la commissure de la bouche, il est abaisseur du coin de la bouche. C'est
avec le sourcilier un des muscles caractéristiques de l'expression humaine,
il n'existe pas chez les primates inférieurs qui abaissent la lèvre en totalité,
mais non son angle. L'abaissement du coin de la bouche et le froncement
des sourcils sont deux gestes humains (Charpy). Duchenne l'a appelé le
muscle de la tristesse, il exprime aussi, en se contractant avec d'autres
muscles, le dégoût, le mépris, la haine. Il est donc surtout affecté aux
passions tristes et sombres, il appartient avec les autres abaisseurs au
masque tragique, tandis que le masque comique est caractérisé surtout
par l'agilité musculaire de. la lèvre supérieure et du nez (Charpy). .
Carré du menton. Insertions. Le carré du menton s'insère
en bas sur le tiers interne de la ligne oblique externe du maxillaire infé-
rieur, immédiatement au-dessous du triangulaire, se dirige en haut et en
dedans, s'entre-croise partiellement sur la ligne médiane avec celui du
côté oppose et vient se fixer en haut à la face profonde de la peau de la
lèvre inférieure.
Innervation. Nerf facial.
Physiologie. Le carré du menton abaisse la lèvre inférieure, il
peut la renverser en dehors. Au point de vue hlysiouunricluc il exprime,
en se contractant avec d'autres muscles les passions tristes et sombres.
Muscles de la houppe de menton. Insertions.- Les deux
petits muscles de la houppe du menton s'insèrent en haut il côté l'un de
l'autre sur le maxillaire inférieur immédiatement au-dessous de la mu-
queuse des gencives, se portent en bas et en dehors et, s'épanouissant à
la manière d'une houppe, se terminent a la face profonde de la peau du
menton.
Innervation. Nerf facial.
. Physiologie. Le muscle de la houppe du menton attire en haut la
peau du menton, il élève, et renverse en dehors la lèvre inférieure. Il
agit dans la mastication surtout pour repousser les débris alimentaires,
il joue un rôle dans l'articulation des sons, le marmottement. Au point
(le vue de la mimique il traduit spécialement le dédain, le dégoût, le
doute.
Buccinateur. Insertions. Le buccinateur s'insère en arrière,
sur le bord alvéolaire du maxillaire supérieur dans la partie de ce bord
[G. GUILLAW. :
588 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE. '
qui correspond aux trois grosses molaires, sur le bord alvéolaire du
maxillaire inférieur au niveau également des grosses molaires, sur le
crochet et l'aile interne de l'apophyse ptérygoïde, sur le ligament pterym-
maxillaire qui s'étend du crochet de l'apophyse ptérygoïde à l'extrémité
postérieure du bord alvéolaire du maxillaire. Les faisceaux du buccina-
teur convergent vers la commissure des lèvres, ils semblent là se con-
fondre et se continuer avec les faisceaux de l'orbiculaire des lèvres, cette
continuité n'est qu'apparente, les libres du buccinateur se terminent, au
niveau des commissures, sur la face profonde de la muqueuse buccale
de la même manière que ceux de l'orbiculaire.
Innervation. Nerf facial à la fois par sa branche tcmporo-faciale et
par sa branche cervico-faciale.
Physiologie. Le buccinateur a une action différente suivant l'état
de plénitude ou de vacuité de la cavité buccale. Quand la bouche est vide
, et les lèvres dans le relâchement, le buccinateur attire, en arrière la
commissure labiale et agrandit la fente buccale. Quand la bouche est
vide et fermée par l'orbiculaire, le buccinateur en se contractant produit
un creux sur la joue. Quand la bouche est remplie d'air ou de substances
solides ou liquides et fermée par l'orbiculaire, la contraction du bucci-
nateur comprime le contenu de la bouche et tend il l'expulser vers l'exté-
rieur ou vers le pharynx (Charpy).
Le buccinateur agit dans la mastication en ramenant sous les arcades
dentaires les particules alimentaires qui se trouvent dans le vestibule
de la bouche, dans la succion, dans l'acte de siffler, de souffler, déjouer
des instruments il vent.
D'après Duchenne la contraction du buccinateur, associée d'ailleurs
à celle d'autres muscles, traduit le rire ironique, la colère concentrée.
Orbiculaire des lèvres. Insertions. L'orbiculaire des
lèvres est formé de deux moitiés distinctes : une moitié supérieure située
dans la lèvre supérieure, c'est le demi-orbiculaire supérieur, une moitié
inférieure située dans la lèvre inférieure, c'est le demi-orbiculaire
inférieur.
Les faisceaux du demi-orbiculaire supérieur naissent à droite et à
gauche de la ligne médiane de la face profonde de la peau et de la
muqueuse des lèvres, se dirigent en dehors et se terminent dans la
région des commissures sur la peau et la muqueuse en s'entre-croisant
avec les libres ascendantes du demi-orbiculaire inférieur et avec les fibres
du buccinateur. Deux faisceaux accessoires se réunissent à cette portion
principale du muscle et ont les mêmes insertions terminales, ces fais-
ceaux sont le faisceau naso-Iabial qui se détache de la sous-cloison des
fosses nasales et le faisceau incisif supérieur qui prend son orifice il la
partie interne de la fossette myrliforme.
Les faisceaux du demi-orbiculaire inférieur naissent à droite et à
gauche de la symphyse du menton il la face profonde de la peau et de
la muqueuse labiale, ils se dirigent en haut et en dehors et se terminent
W MUSCLES PEAUCIERS DU COU ET DE LA TÈTE. 589
dans la région des commissures sur la peau de la muqueuse en s'entre-
croisant avec les fibres du muscle précédent. Il est renforcé par le fais-
ceau incisif inférieur qui s'insère sur le côté de la symphyse et se
confond presque après son origine avec le muscle demi-orbiculaire
inférieur.
Dans chacune des lèvres, au voisinage du bord libre on voit un cer-
tain nombre de fibres à direction autéro-postérieure qui constituent le
muscle compresseur des lèvres. Ces fibres naissent en avant à la face,
profonde de la peau depuis la première jusqu'à la douzième rangée, de
follicules pileux, elles se portent en arrière et en bas pour la lèvre supé-
rieure, en arrière et en haut pour la lèvre inférieure et se terminent sur
la muqueuse tout autour de l'orifice buccal. Ce muscle est spécialement
développé chez le nouveau-né.
Innervation. Le demi-orbiculaire supérieur est innervé par les
filets buccaux supérieurs de la branche temporo-faciale, le demi-orbicu-
laire inférieur par les filets buccaux inférieurs de la branche cervico-
faciale.
Physiologie. L'orbiculaire des lèvres agit dans l'occlusion de la
bouche ; ses moitiés supérieure et inférieure prennent leur point fixe aux
insertions cutanées des commissures, redressent leurs courbes et se
mettent, au contact.
Dans l'acte de siffler, de cracher, dans la prononciation de l'0, l'occlu-
sion des lèvres s'accompagne d'un allongement en avant; l'occlusion est
amenée par l'orbiculaire proprement dit, la projection en avant est déter-
minée par les muscles incisifs supérieurs et inférieurs qui sont adduc-
teurs de l'angle des lèvres.
Le muscle compresseur des lèvres, très développé chez le nouveau-né,
joue un rôle important dans la succion. En effet, le mamelon étant saisi
par la bouche à l'aide de l'orbiculaire et des incisifs forme un plan rigide
qui permet la contraction d'avant en arrière du compresseur des lèvres ;
ce muscle comprime la lèvre et le mamelon et rend ainsi l'occlusion de
la bouche plus complète. -
Le muscle orbiculaire des lèvres agit dans de multiples circonstances.
Il sert à la préhension des aliments, à la mastication, à la succion, il
empêche l'écoulement de la salive hors de la cavité buccale : il se con-
tracte dans l'effort, la phonation, le siffler, etc Au point de vue
mimique, ce muscle entre en jeu dans des étals psychiques variés : la
décision, l'énergie, la mauvaise humeur, la moue, le dédain.
lloy attire l'attention sur ce fait « qu'il est remarquable que la con-
traction de l'orbiculaire des lèvres s'ajoute dans la plupart des cas à celle
de l'orbiculaire des paupières et du sourcilier, que par conséquent les
ouvertures buccale et oculaire tendent plus ou moins à se fermer simul-
tanément comme pour nous faire rentrer en nous-même ».
L'orbiculaire des lèvres peut être considéré comme formé de deux
parties différentes : l'une, l'orbiculaire externe, est constituée par lepro-
[G. GUILLAIN.]
590 . PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE. '
longuement des muscles radiés, l'autre, l'orbiculaire interne, est constituée
par l,es fibres appartenant en propre au muscle constricteur. Dans la para-
lysie labio-glosso-ltryngée l'orbiculaire interne est principalement atteint,
les malades ne peuvent siffler, souffler, retenir leur salive ; dans l'hémi-
plégie faciale, au contraire, l'orbiculaire externe est principalement
atteint, la bouche est déviée, l'action de l'orbiculaire interne est conservée e
en grande partie, car les malades, malgré la déviation de la bouche.
peuvent siffler, souffler. - .
- VIII. MUSCLES MASTICATEURS
Temporal. - -Insertions. Le temporal s'insère. en haut sur la
ligne temporale inférieure, sur la fosse temporale, sur la face profonde
de l'aponévrose temporale qui le recouvre mais dans ses deux' tiers seu-
lement, par quelques faisceaux sur la partie moyenne de la face interne
de l'arcade zygomatique et jusque sur la face interne du tendon d'origine
du masséter. En has, le tendon du temporal s'insère à l'apophyse coro-
noïde du maxillaire inférieur..
Innervation. Temporal profond antérieur, temporal profond moyen
et temporal profond postérieur, trois branches du maxillaire inférieur.
Physiologie. Le temporal élève le maxillaire inférieur. Ses fais-
ceaux postérieurs à direction horizontale attirent le condyle en arrière,
le ramènent dans la cavité glénoïde quand il a été porté en avant par les
ptérygoïdiens externes. , .
Masséter. Insertions. Le masséter est constitué, par deux
faisceaux, l'un superficiel, l'autre profond. Le faisceau superficiel s'insère
en haut sur le bord inférieur de l'arcade zygomatique dans ses deux tiers
antérieurs, les fibres se dirigent en bas et en arrière et se terminent sur
l'angle dû maxillaire inférieur et sur . la partie inférieure de la face
externe de .sa branche montante. Le faisceau profond s'insère sur le bord
inférieur et sur l'a face interne de l'arcade zygomatique, les fibres se
portent en bas et en avant et viennent se fixer à la' face externe de la
branche du maxillaire depuis la zone d'insertion du faisceau superficiel
jusqu'à la base de l'apophyse coronoïde.
Innervation. Nerf massétérin, branche du maxillaire inférieur.
Physiologie. Le masséter élève le maxillaire inférieur..
Ptérygoïdien interne. - Insertions. Le ptérygoïdien interne
s'insère dans toute l'étendue de la fosse ptérygoïde, les fibres se portent
obliquement en bas, en arrière, en dehors, puis se fixent sur la partie
interne de l'angle du maxillaire et sur la face interne de la branche mon-
tante jusqu'à l'orifice supérieur du canal dentaire.
Innervation. Nerf du ptérygoïdien interne, branche du maxillaire
inférieur. -
MUSCLES MASTICATEURS. 59[ l
Physiologie. Le ptérygoïdien interne élève le maxillaire inférieur
et lui imprime des mouvements de latéralité.
Ptérygoïdien externe. - Insertions. - Le ptérygoïdien externe
naît il la base du crâne par deux faisceaux, l'un supérieur, l'autre infé-
rieur. Le faisceau supérieur ou sphénoïdal s'insère sur la partie de la
grandc aile du sphénoïde qui forme la voûte de la fosse zygomatique, le
faisceau inférieur ou ptérygoïdien s'insère sur la face externe de l'apo-
physe ptérygoïde, et en bas sur la partie externe de l'apophyse pyrami-
dale du palatin. Les deux faisceaux se fusionnent et viennent se fixer sur
le côté interne du col du condyle du maxillaire inférieur et sur la partie
correspondante du ménisque inter-articulaire.
Innervation. Rameaux provenant du maxillaire inférieur.
Physiologie. Le ptérygoïdien externe attire le condyle du maxil-
laire en avant et en dedans, le menton se porte du côté opposé. Quand les
deux ptérygoïdiens externes se contractent simultanément, les deux con-
dyles se portent en avant, les arcades dentaires inférieures dépassent en
avant les arcades dentaires supérieures. Quand les deux ptérygoïdiens se
contractent alternativement, il se produit un mouvement de diduction, le
menton se porte alternativement il droite et il gauche, les molaires infé-
rieures glissent dans tous les sens sur les molaires supérieures.
[G, GUILLAIN.]
SEMÉIOLOGIE DES PARALYSIES
D'ORIGINE CÉRÉBRALE, MÉDULLAIRE,
RADICULAIRE ET PÉRIPHÉRIQUE
.. Par Georges GUILLAIN -
TOPOGRAPHIE CEREBRALE
LES LOCALISATIONS CORTICALES MOTRICES
D'après les auteurs classiques, la zone corticale motrice siégerait au
niveau des circonvolutions rolandiques (frontale et pariétale ascendante)
et du lobule paracentral ; certains anatomistes étendent cètte zone sur le
pied de la première et de la deuxième circonvolution frontale ainsi que
sur le pied de la circonvolution pariétale supérieure.
Trois territoires principaux existent dans la zone corticale motrice : le
territoire du membre inférieur,. le territoire du membre supérieur, le
territoire de la face. Ces trois territoires moteurs sont échelonnés de
haut en bas. Le territoire du membre inférieur correspond au quart
supérieur des circonvolutions rolandiques et au lobule paracentral; le
territoire du membre supérieur occupe les deux quarts moyens des cir-
convolutions rolandiques ; le territoire facial occupe l'opercule rolandique,
le quart inférieur des circonvolutions rolandiques et le pied d'insertion
de la troisième circonvolution frontale. Telles sont les limites schéma-
tiques que la plupart des neurologistes assignent aux différents terri-
toires moteurs du cortex.
En prenant en considération les observations d'épilepsie. jack-sonieniie
et les résultats de l'excitation électrique de la zone corticale motrice, les
auteurs (Keen; Mills, Horsiey, etc.) ont isolé des centres distincts pour
les mouvements de la hanche, du genou, du cou-de-pied, de l'épaule, du
coude, du poignet; on a même décrit des centres spéciaux pour la
flexion de l'index, pour la flexion, l'abduction, l'opposition du pouce. Les
mouvements seraient, d'après les expériences, beaucoup plus différenciés
au membre supérieur qu'au membre inférieur. Les recherches expérimen-
tales des physiologistes (Ferrier, Horsley et Beevor, Horsley et Schâfer)
ont montré, chez les animaux et en particulier chez les singes, des terri-
toires moteurs très spécialisés au niveau du cortex.
Depuis quelques années l'aire corticale d'origine du faisceau pyra-
midal a été modifiée. Grunbaum et Sherrington (Proceedings of lhe
Royal Society of London, 1901, 1902, 1903) ont montré que l'aire mo-
trice du chimpanzé ne s'étend pas en arrière du sillon de Rolando ; dans
TOPOGRAPHIE CEREBRALE. " 595
cette zone prérolandique ils ont localisé, ainsi que le montrent leurs
schémas, de multiples centres.. L'ablation de ces centres a pour consé-
quence de véritables paralysies qui d'ailleurs s'amendent ultérieurement.
Ch. K. Mills, Krause, Frazier, Lloyld, Cushing, à la suite de constatations
anatomiques et d'excitations faites sur le cerveau humain, admettent
également le siège prérolandique de la zone motrice. 0. Vogt, Campbell,
Broadmann, Gordon Holmes et Page May, par des recherches sur les singes
et d'autres animaux poursuivies avec des méthodes différentes (étude
architectonique et cellulaire des circonvolutions, étude de la chroma-
tolyse de réaction après section du faisceau pyramidal), sont arrivés à des
conclusions identiques. Rossi et Roussy, étudiant plusieurs cas de sclé-
rose latérale amyotrophique avec la méthode deMarchi, ont suivi la dégé-
nération du faisceau pyramidal jusqu'au niveau du cortex; de leurs
recherches anatomo-pathologiques ils concluent que la circonvolution
frontale ascendante est la circonvolution motrice par excellence et que .les
parties antérieures du lobe paracentral et de l'opercule rolandique ainsi
que le pied de Fi et de F, participent aussi à cette zone motrice. Rossi et
Roussy font quelques réserves sur la participation possible de la pariétale
ascendante à la zone motrice.
De toutes ces constatations cliniques et expérimentales, il me semble
résulter que l'aire corticale du faisceau pyramidal est principalement
prérolandique.
Les localisations cérébrales motrices chez l'homme sont intéressantes
à connaître spécialement au sujet des lésions irritatives qui se traduisent
par de l'épilepsie jacksonienne.
Les ramollissements corticaux chez l'homme amènent parfois des mo-
P,flATIQUE NEUROL. - 58
[G. GUILLAIN.
Mg. 1. Centres moteurs corticaux de l'orang (Simia salyrus) (l'alri;s.Becvor
et Horsley, 1890). (Figure empruntée MuraL)
594 SÉÏÉIOLOGIË DES "PARALYSIES D'-ORIGINE CÉRÉBRALE.
noplegics, le plus souvent une hémiplégie. Les monoplégies d'origine
corticale peuvent être crurale, brachiale ou faciale, suivant que la lésion
siège à-la partie supérieure, moyenne ou inférieure de la zone rolan-
dique. Les paralysies très limitées par lésion corticale sont exception-
nelles chez l'homme.
Fig. 2. Centres moteurs corticaux du 11lacaclIs sinicus, d'après Reevor et Horsley ( IS90j.
. - -... (Figure empruntée il Moral.)
Fig. 3. Centres moteurs d'après l'observation des sujets trépanés (d'après J,31narr¡).
''.' TOPOGRAPHIE CÉRÉBRALE. 595
Grasset, en s'appuyant sur quelques cas de la littérature médicale et
sur quelques observations personnelles, admet que les aires périphériques
musculaires correspondant aux aires corticales motrices sont les régions
articulaires; les nerfs corticaux des membres, d'après cet auteur, sont
[G. GUILLAIN,]
Pig. 4 et 5. Zone corticale motrice du chimpanzé (d'après Grunbaum et Sherrington).
596 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGINE CÉRÉBRALE.
des nerfs articulo-moteurs. Grasset résume dans cette phrase sa concep-
tion des centres corticaux du cerveau : « De par la clinique et de parla
physiologie les centres corticaux sensitivo-moteurs ont'une distribution
segmentaire et correspondent, non aux nerfs anatomiques, mais à des
nerfs articulo-moteurs et segmento-sensitifs. » ' ..
Plusieurs figures m'ont paru mériter d'être adjointes à ce texte :
1° Les centres moteurs corticaux de l'orang (Simia satyrus) d'après
Beevor et Horsley (1890) ; ..
Fig. 6 cb 7. Localisations cérébrales chez l'homme, d'après Ch. K. Mills (1904).
TOPOGRAPHIE CÉRÉBRALE. 597
2° Les centres moteurs corticaux du llacacus sinicus d'après Reeyor et
Horsley (1890);
5° Les centres moteurs de l'homme d'après l'observation des sujets
trépanés (d'après Lamacq) ;
4° La zone corticale motrice du chimpanzé, d'après Grunbaum et
Sherrington (1905).
5° Les localisations cérébrales chez l'homme d'après Ch. K. llills
(1904).
Les rapports de la zone rolandique avec la surface du crâne sont im-
portants à connaître, car les chirurgiens interviennent fréquemment sur
les centres moteurs corticaux.
La figure 8 montre la topographie de la ligne rolandique et de la ligne
sylvienne d'après Poirier.
Pour déterminer l'extrémité supérieure de la ligne rolandique il faut
« mesurer avec soin la distance qui sépare le fond de l'angle naso-fronta)
de l'iuion en suivant bien la ligne sagittale ou ligne médiane antéro-pos-
téricurc, prendre la moitié de cette distance à partir du point nasal, y
ajouter 2 centimètres en arrière (un travers de doigt) et marquer ce point
qui donne certainement à 1 centimètre près le point de la voûte qui
, [G. GüI.LLAIN ]
Fig. R. Topographie cr11nio-cérébrnlc. Ligne rolandique et ligne sytviennc (d'après Poirier).
"598 TOPOGRAPHIE MÉDULLAIRE MOTRICE.
répond au haut de Romande » (Poirier). Ce point rolandique supérieur
est en moyenne à 18 cm. 5 de la suture nasale.
, L'extrémité inférieure de la ligne rolandique s'obtient ainsi : . « Recon-
naître et tracer au crayon l'arcade zygomatique qui est sensiblement
horizontale ; sur cette ligne de l'arcade, élever une perpendiculaire passant t
juste au-devant du tragus par la' fossette ou dépression préauricnlaire et
compter à partir du trou auditif 7 centimètres 'sur cette perpendiculaire »
(Poirier).. .. - .
En réunissant ces deux points on obtient la ligne rolandique.
La direction de la scissure de Sylvius s'obtient par le procédé de Poi-
rier, procédé de la ligne naso-lanlbdoïdiennc. « Cette ligne oblique réiuiit
l'angle fronto-nasal au lambda; elle passe environ à 6 centimètres an-
dessus du trou auditif. On trouve sur cette ligne en partant du lambda :
à 7 centimètres le lobule angulaire (pli courbe), à 10 centimètres lelobulc
marginal (lobule du pli courbe), au-dessus du trou auditif la scissure de
Sylvius que la ligne suit sur une longueur de 4 à 6 centimètres, au-dessus
du milieu de l'arcade zygomatique le cap de la troisième frontale »
(Cbwhy) . r .
TOPOGRAPHIE MEDULLAIRE MOTRICE
Les lésions de la moelle se traduisent fréquemment eh clinique par le
syndrome paraplégie dont les modalités cliniques, différentes suivant la
cause, l'étendue et la hauteur des lésions, ont été étudiées dans un autre
chapitre de cet ouvrage. Je rappelle qu'une lésion limitée l'hémi-
moelle donne lieu au syndrome de Brown-Séquard.
Une lésion localisée au faisceau pyramidal du cordon latéral se traduit
par une hémiplégie spinale. Les troubles de la motilité dans certains cas
d'hémiplégie spinale peuvent se montrer avec une topographie radiculaire
ainsi que Dejerine et Gauckler, Raymond et Guillain l'ont constaté.
Les lésions des cellules des cornes antérieures de la moelle ont pour
conséquence l'atrophie des muscles innervés par ces cellules. On a discuté
et l'on discute encore sur la topographie dés atrophies musculaires dans
le cas de lésions des cornes antérieures. Certains auteurs admettent l'exis-
tence dans la moelle de localisations motrices pour des muscles isolés ou
des muscles ayant la même fonction physiologique, d'autres l'existence
de localisations motrices métamériques segmentaires, d'autres l'existence
de localisations motrices en rapport avec les nerfs périphériques.
La plupart des recherches sur les localisations motrices spinales ont
été faites chez les animaux, le chien, le cobaye, le lapin. .'
Dejerine a fait remarquer que s'il existait dans l'axe antérieur de la
moelle une localisation motrice segmentaire, on devrait observer en cli-
nique des atrophies musculaires myélopathiques limitées uniquement à
un segment de membre. On ne rencontre jamais en clinique une atrophie
, TOPOGRAPHIE RADICULAIRE. 599
musculaire aussi rigoureusement circonscrite. Au contraire, Dejerine
insiste sur ce fait que dans là syringomyélie, dans.la poliomyélite aiguë
de l'enfance, dans, la poliomyélite chronique, dans la sclérose latérale
amyotrophique, l'examen méthodique 'des malades fait constater toujours
une amyotrophie à topographie radiculaire..
D'après Dejerine, les localisations motrices médullaires sont des locale
sations radiculaires ; les racines antérieures de la moelle proviennent de
noyaux étagés les uns au-dessus des autres dans toute la hauteur de l'axe
gris médullaire, chaque noyau ne fournissant de fibres qu'à la racine
correspondante. Je partage tout à fait l'opinion de Dejerine sur cette
question.
TOPOGRAPHIE RADICULAIRE
LES LOCALISATIONS RADICULAIRES MOTRICES
Panizza, en 1 854, expérimentant sur le nerf sciatique de la gre-
nouille, arrive à cette conclusion que les racines n'ont aucune action
particulière. Ce sont de banals conducteurs de la motricité; les plexus
jouissent d'une conductibilité indifférente de l'influx -médullaire. La
section progressive des' racines détermine un affaiblissement général,
graduel, de tous les muscles du membre, et la conservation d'un seul
filet suffit à maintenir tous les muscles en relation avec la moelle.
Minier excite avant leur réunion les trois nerfs rachidiens qui forment
le nerf sciatique de la grenouille, et il établit qu'un nerf rachidien qui
pénètre dans un plexus, et qui contribue avec d'autres racines à la for-
mation d'un gros tronc nerveux, ne communique pas sa force motrice au
tronc tout entier, mais uniquement aux fibres par, lesquelles il se con-
tinue depuis le tronc jusque dans les branches.
lIÜller et Van Deen, Kronenberg, Peyer, pensent que les différents
muscles synergiques reçoivent leurs nerfs de plusieurs racines diffé-
rentes. Peyer, en sectionnant les racines du plexus brachial, dit avoir
reconnu qu'une seule racine fournit à presque tous les muscles.
Krause, chez le lapin, constate qu'une même racine peut fournir à des
muscles antagonistes. Il pense que la contraction simultanée de deux
muscles d'action opposée est nécessaire pour l'équilibre de certains
mouvements.
Paul Bert et Marcacci cherchent dans les fonctions des racines une
loi pour les grouper. Us expérimentent sur le plexus lombaire du chat et
du chien. Dans les racines, disent-ils, il existe une systématisation évi-
dente. Chaque racine .innerve un groupe de muscles synergiques et
répond dans la moelle à des centres de flexion, d'extension, d'adduction,
d'abduction.
Ferrier et Yeo,- expérimentant sur le singe, arrivent à une conclusion
un peu différente. Pour Ferrier et Yeo l'excitation d'une racine donnée
[G GUILLAIN.]
600 SÉlItIOLOf;1E DES PARALYSIES D'ORIGINE RADICULAIRE.
amène des mouvenients parfaitement coordonnés. Par exemple, lors de
l'excitation de la première thoracique, on voit les membres supérieurs
accomplir un mouvement approprié, à la cueillette d'un fruit; par l'cxei-
tation de la sixième paire cervicale, le bras s'approche de la bouche; par
l'excitation de la septième l'animal fait le geste de se redresser en se
servant de la main; par l'excitation de la huitième, il se gratte )esnh-
stratum anatomique de la position assise. La section d'une racine, d'après
Ferrier et Yeo, ne provoquerait pas la paralysie complète des muscles
correspondants, car ils reçoivent les filets de plusieurs racines, mais seu-
lement la suppression de celle combinaison fonctionnelle.
Lannegracc et Forgue dans plusieurs communications, Forgue dans
sa thèse, ont repris l'étude des localisations radiculaires. Forgue montre
que la méthode des sections radiculaires donne des résultats peu nets,
parce qu'il se produit de l'inflammation ou de la suppuration; il montre
que le procédé de l'excitation en masse des racines est à rejeter parce
qu'il amène des actions trop complexes. Aussi adopte-t-it la méthode
qu'il appelle l'excitation dissociée des racines. Il dénude le plexus sans
ouvrir le rachis, les racines du plexus sont liées ou sectionnées pour
supprimer les mouvements réflexes, puis il procède à l'excitation isolée,
des filets différents qui constituent les racines. Forgne expérimente sur
le plexus brachial et le plexus lombaire du chien, du chat, du singe et il
arrive il d intéressantes conclusions. La question de la distribution topo-
graphique, dit-il, prime celle de la spécialisation physiologique. La dis-
tribution des racines n'obéit pas il un ordre fonctionnel préétabli; elle
n'est réglée que par la distribution respective des groupes musculaires.
Chaque racine commande une région donnée; elle s'y distribue dans
des territoires topographiquement constants, niais fonctionnellement
indéterminés; elle est la racine d'un département donné, elle n'est pas
la racine d'une fonction. Le plexus, dit encore Forgue, est un centre de
répartition qui concentre en un même tronc définitif des filets nerveux
qui naissent des différents noyaux moteurs superposés, et des racines
qui leur correspondent, mais dont le territoire de distribution est le
même.
La plupart des conclusions de Forgue ont été confirmées dans les tra-
vaux ultérieurement parus. Un s'expliquait mat d'ailleurs comment la dis-
tribution d'une racine pouvait être considérée comme adaptée à une
fonction spéciah'.Kst-ce que, en effet, une racine ne se distribue pas à des
muscles dont Faction est très différente, il des muscles antagonistes les
uns des autres pour l'acte supposé fonctionnel ? Est-ce que les mouve-
ments fonctionnels ne sont pas si nombreux que l'on ne puisse s'expliquer
avec logique leur production par une excitation uui-I'éldiculail'(" ? Ouand
on pense il la multiplicité des mouvements adaptés il une fonction chez
des animaux appartenant, il des espèces différentes, quand on pense : '1 la
multiplicité des mouvements nécessaires aux individus accoutumés par
les nécessités de la vie à des actes très distincts, on ne comprend pas
TOPOGRAPHIE RADICULAIRE. G01
comment l'on a pu admettre que les filets radiculaires soient adaptés à
telle fonction spécialisée.
Depuis les travaux de Lannegrace et de Forgue, différentes questions
relatives il l'innervation radiculaire ont été précisées.
llisien Hussell montre que le mouvement complexe réalisé par l'exci-
tation des racines peut être décomposé en des mouvements élémentaires,
si l'on parvient à séparer les divers faisceaux qui constituent leur racine.
Par exemple, après séparation des faisceaux de la 7c cervicale, l'excita-
tion de chaque faisceau produit un mouvement différent : l'excitation
de l'un d'eux produit la flexion, du coude, d'un autre l'extension, d'un
troisième la flexion du poignet, d'un quatrième l'extension. Ces faisceaux
ainsi constitués sont simplement juxtaposés et conservent leur individua-
lité jusqu'au bout de leur trajet. Un courant minimum appliqué sur
les divers points de la circonférence de la racine produit des mouve-
ments différents correspondant aux différents points, mais toujours les
mêmes. On voit que des mouvements différents, même opposés, se trou-
vent représentés par la même racine, mais selon Hussell l'un deux est
prédominant. Si, par exemple, l'extension et la flexion se trouvent ainsi
localisées dans une seule racine, c'est la flexion qui sera prédominante,
niais alors, dans la racine suivante, on trouvera que c'est l'extension qui
prédomine.
Thorburn conclut de ses recherches que chaque muscle est sous la
dépendance de plusieurs racines, mais qu'il en. possède toujours une
principale, une prépondérante. D'autre part, chaque racine se rend il des
muscles divers, souvent très nombreux. Ces muscles sont parfois très
différents par leur situation et par leur fonction.
Sherriugtou explique comment les plexus se. sont formés par le fusion-
nement des myomeres. Comme tout muscle vient de plusieurs myomeres,
il recevra nécessairement son innervation de plusieurs racines. Parlant,
une même racine fournira il plusieurs muscles. Ainsi les fibres motrices
répondant il tel mouvement déterminé sont également et régulièrement
réparties dans plusieurs racines consécutives. Si un même muscle est
innervé par plusieurs racines, il faut donc admettre que celles-ci empiè-
tent les unes sur les autres. Ce fait est très important, car l'on est arrivé
il des conclusions identiques au sujet des localisations radiculaires sensi-
tives. Faisant le parallèle entre l'innervation motrice et l'innervation
sensitive, Sherrington a montré qu'il n'v a pas de superposition
exacte entre les deux ordres des territoires pour les paires correspon-
dantes.
Dejerine a montré que les faits anatomo-cliniques ne sont pas toujours
conformes il celte loi de Sherrington que, chaque muscle serait sous la
dépendance de deux racines; il pense que peut-être, dans les muscles à
innervation radiculaire double, chaque racine se rend à une partie deter-
minée du muscle; il l'ail remarquer aussi que l'on peut voir des muscles
a fonctions opposées être innervés par une seule racine comme par
[G. GUILLAIN.]
602 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGIt' R : DICULr'IRL..
exemple les interosseux dorsaux et palmaires de la main qui reçoivent
leurs nerfs de la première racine dorsale. - .'
.. Des recherches des physiologistes, il faut rapprocher, dans cette étude
des localisations motrices radiculaires, les travaux électro-physiolo-
giques de Erb, qui font époque dans l'histoire des paralysies radicu-
laires du plexus brachial. Duchenne (de Boulogne) avait signalé, une
variété de paralysie obstétricale intéressant des muscles du bras innervés
par des nerfs différents. Erb localise cette variété de paralysie dans les
5e et 6° nerfs cervicaux. Le professeur d'I-Ieidelher décrit dans la région
sus-claviculaire un point précis dont l'excitation électrique détermine
une contraction simultanée des muscles deltoïde, biceps, brachial anté-'
rieur, long supinateur, le plus souvent aussi des sus et sous-épineux et
un peu celle du grand pectoral. Ce point, qui depuis, à très juste titre, a
reçu le nom de point de Erb, siège à deux ou trois centimètres au-dessus
de la clavicule, un peu en dehors du bord externe du muscle sterno-
cléido-occipito-mastoïdicn, en face de l'apophyse transverse de la 6° ver-
tèbre cervicale. Par l'excitation du point de Erb, Secrétan a trouvé con-
stamment une contraction du grand pectoral, Vierordt a observé la
contraction du sous-scapulairc et du court supinateur, Mlle Klumpkc a
toujours vu la contraction du grand pectoral.
Le cas clinique de Rose a la valeur aussi d'une véritable expérience
de physiologie. Cet auteur, chez' un malade affecté d'un névrome, dut
réséquer les racines des 5e et 6e nerfs cervicaux sur une étendue de plu-
sieurs centimètres. La conséquence de cette résection fut une paralysie
des muscles scalènes antérieurs, sous-épineux, sus-épineux, petit rond,
grand rond, deltoïde, biceps, brachial antérieur, coraco-brachial, long
supinateur.
TOPOGRAPHIE RADICULAIRE. ' ' 605
Tableau de l'innervation motrice des nerfs rachidiens 1.
604 SEMEIOLOGIE .DES PARALYSIES 'mty.uvL .ltA.UlI...UlJiUllli.. .
TOPOGRAPHIE RADICULAIRE; 605
60U SÉMIOLOGIE DES -PARALYSIES D'ORIGINE -RADICULAIRE. «
- TOPOGRAPHIE RADICULAIRE. 607
608 SÉMÉIOLOGIE -DES PARALYSIES D'ORIGINE RADICULAIRE.
Les rapports existant entre les émergences médullaires des nerfs ra-
chidiens et les apophyses épineuses du rachis sont très importants
à connaître spécialement au point de vue de la chirurgie médul-
làire.
Lé tableau suivant est emprunté à Reid (Journal of Analomy and Ph-
siolog, 1889, p. 551). Nous le transcrivons d'après l'Anatomie de
Poirier (tome 111, fascicule 3, p. 956).
. Tableau des rapports qui existent .
entre les émergences médullaires des nerfs rachidiens
et les apophyses épineuses des vertèbres.
(D'après Reis, Journal of Analomy and Physiology, 1889, p. 551.)
Pour chaque nerf rachidien la lettre h indique le niveau le plus élevé de l'émer-
gence des fibres les plus supérieures et la lettre b le niveau le plus inférieur de l'émer-
gence des fibres les plus inférieures qui ont été relevés dans les six observations de Reid.
C désigne les vertèbres cervicales, D les dorsales et L les lombaires.
TOPOGRAPHIE RADICULAIRE.. 609
610 - 1 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGINE RADICULAIRE.
LES PARALYSIES RADICULAIRES.. 611,
sale inférieure (de la sixième à .la onzième
vertèbre). La partie inférieure de la onzième
dorsale et l'espace inter-épineux sous-jacent
répondent aux trois dernières paires lomhaires-;
l'apophyse épineuse de la douzième dorsale
et l'espace sous-jacent répondent aux paires
sacrées. Chez l'enfant, les rapports diffèrent
un peu, il faut ajouter trois de la première à la
quatrième dorsale, quatre de la sixième à la
neuvième dorsale.
Il est quelquefois assez difficile chez les
individus obèses de compter les apophyses épi-
neuses. 11 faut l'aire cette numération le malade
ayant les pieds joints et fléchissant le tronc
autant -qu'il le peut. Je rappellerai que l'apo-
physe épineuse proéminente est la septième
cervicale, que la ligne horizontale passant par
le sommet des crêtes iliaques correspond à
l'apophyse transverse de la quatrième lombaire.
A la région dorsale,- il n'existe -pas de points
de repère pour les apophyses épineuses, il est
nécessaire de les compter en partant soit de la
septième cervicale soit de la quatrième lom-
baire. Cette recherche des apophyses épineuses,
qui parait au premier abord d'une grande sim-
plicité, est souvent fort délicate.
LES PARALYSIES RADICULAIRES
- - PARALYSIES RADICULAIRES
DU PLEXUS BRACHIAL
Les principales causes des paralysies radicu-
laires du plexus brachial sont : la section acci-
dentelle ou chirurgicale des racines du plexus,
le traumatisme obstétrical, les traumatismes
simples de l'épaule, les traumatismes de l'épaule
causant ou une luxation de l'épaule ou une
fracture de la clavicule, les névrites infec-
tieuses ou toxiques, les lésions des méninges
[G. GUILLAIN.]
Fis. 9.
Fil\'. 9. Rapports des émergences des ncrfs rachidiens
avec les apophyses épineuses. Figure schématique construite
d'après les données des auteurs et en particulier de Reid.
LU5 cmurcs arabes indiquent les numéros des apophyses épineuses, les chiffres romains les
numéros des ''cris rachidiens; c, le nerf coccygien- (d'après Soulié). ,
(il '2 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGINE RADICULAIRE.
ou du raehis (la padiymeningite tuberculeuse, la syphilis des HlÓnin,rcs
la paebymeningitc cervicale hypertrophique, le cancer des méninges,
les tumeurs des méninges, le cancer du mollis, la syphilis des vcrtu-
bres, les tumeurs des vertèbres), enfin les lésions extra-mchidiennes
(tumeurs du creux SlIS-Cla\-1l'ttlirlr'8, adénites, lipomes profonds, exostoses.
anévrismes de la sous-claviereet de la carotide primitive). Le mécanisme
des diJ1érentes variétés des paralysies radiculaires est longuement étudié
dans une monographie que j ai publiée sur ce sujet avec Pierre lluval (P.
Duval et G. Guillain. Les paralysies radiculaires du plexus brachial.
Paris, 11)01).
Il existe eu clinique trois variétés principales de paralysies radicu-
laires : 1" la paralysie radiculaire supérieure (paralysie dite du type Du-
chennc-I;rh); 2° la paralysie radiculaire inférieure, paralysie du type
Ktmnpke ou paralysie avec syndrome sympathique; 5" la paralysie radi-
cniairctotate.
Dans la paralysie radiculaire supérieure, les muscles paralysés sont
ceux innervés par la cinquième et la sixième moine cervicale : le biceps,
le deltoïde, le brachial antérieur, le long supinateur. Presque toujours
l'examen clinique et surtout l'examen électrique permettent de con-
stater que d'autres muscles sont également atteints, et, parmi ces der-
niers : le grand dorsal, le grand rond, le sous-épineux, le grand pectoral,
le grand dentelé, le court supinateur.
Le malade; atteint d'une telle paralysie, c'est d'ailleurs le plus souvent
ou après une chute ou après un traumatisme, se présente au médecin
avec un bras immobile et abaissé. Le membre supérieur est contre le
tronc en adduction et en rotation interne, Lavant-bras est étendu sur le
hras et la main est dans l'attitude de la pronation avec flexion des doigls.
Cet aspect qu'a bien décrit Duchenne est presque constant. Dans certains
cas, toutefois, l'épaule peut 'être soulevée par le muscle trapèze non para-
lyse. C'est un fait sur lequel a insisté lluet et qui s'explique facile-
ment. Le bras qui pend le long du corps tend par son propre poids il
s'appliquer le long du tronc; de cette attitude résulte nécessairement
une certaine gène. Pour obvier à cette gène le trapèze élève l'angle
externe de l'omoplate par un mouvement inconscient; le scapulum bas-
cule alors autour de son angle interne et le membre est écarté des côtés
du tronc. C'est cette coutracture'du muscle trapèze qui amène donc t'ir-
vation de la région de l'épaule. Si l'on poursuit l'examen du malade, il
est facile de constater que tous les muscles du bras ne sont pas paralysés,
les troubles sont limités il certains groupes musculaires. Les mouvements
des doigts se font avec facilité, le malade les étend et les fléchit, il peut
opposer son pouce aux autres doigts. De même sont possibles les mou-
vements de l'articulation radiocarpiennc, la flexion et l'extension de la
main.
Le biceps, muscle supinateur fléchisseur, étant paralysé, le malade ne
peut fléchir Lavant-bras sur le bras. La paralysie du brachial antérieur,
. LES PARALYSIES RADICULAIRES.. 615
le fléchisseur indépendant de Duchenne, du long supinateur, le fléchis-
seur semi-pronateur, viennent contribuer aussi à la difficulté, à l'impos-
sibilité de la flexion du segment antibrachial du membre.
Le court supinateur peut aussi être atteint. La supination de l'avant-
bras est produite, dans les mouvements physiologiques habituels, par la
contraction du biceps et du court supinateur agissant simultanément. Le
muscle biceps agit surtout quand l'avant-bras est étendu sur le bras, le.
muscle court supinateur agit principalement quand l'avant-bras est demi-
fléchi. Chez un malade atteint de paralysie du biceps et du court supi-
nateur, le mouvement de supination sera presque nul dans toutes les
positions de l'avant-bras, et, si on fléchit préalablement ce segment anti-
brachial du membre, on peut constater facilement, par l'impossibilité de
la supination, la paralysie du court supinateur. '
La paralysie du biceps, du brachial antérieur, du long supinateur, les
vrais fléchisseurs du coude, n'entraîne pas toujours l'abolition totale de
la flexion de l'avant-bras, car des suppléances sont possibles par d'autres
muscles de l'avant-bras.
La paralysie totale du deltoïde a pour conséquence une immobilité de
la région scapulaire. L'abduction de l'épaule, ce mouvement si utile dans
les divers actes de la vie, est abolie. Aussi impossibilité pour le malade
de porter la main à la bouche, de l'amener vers la région dorsale, impos-
sibilité pour lui de s'habiller seul. On comprend facilement que si à la
paralysie du muscle deltoïde s'ajoutent des troubles parétiques dans les
. muscles grand dentelé, sous-épineux, grand dorsal, grand rond, tout
mouvement sera presque impossible dans la région scapulaire, aucune
suppléance ne pouvant se faire au muscle deltoïde.
La paralysie associée du deltoïde et du sous-épineux se traduit, d'après
Duchenne, par une difficulté particulière de l'écriture. Cette difficulté
tient à l'impossibilité où se trouve le sujet d'imprimer à son avant-bras
fléchi sur la table les mouvements de dedans en dehors par lesquels la
plume se déplace sur le papier dans le sens transversal. Dans cette éven-
tualité l'écriture n'est possible que si le sujet à l'aide de sa main gauche
déplace, sa main droite au sur et à mesure que celle-ci trace de nouveaux
caractères.
Si, dans la paralysie radiculaire supérieure, les mouvements de flexion
de l'avant-bras sur le bras sont abolis, il est facile, au contraire, de con-
stater, après avoir fléchi le segment antibraclilal, que l'extension est pos-
sible. Le triceps ne présente aucun trouble. Prie-t-on le malade dont le
bras est étendu de s'opposer à un mouvement de flexion que l'on provo-
que, il résiste. Cette résistance toutefois est moindre que du côté sain,
car c'est une loi de la physiologie musculaire qu'un muscle ne possède
toute sa puissance d'action qu'autant que ses antagonistes ne sont pas
paralysés.
L anesthésie, qui existe dans la paralysie radiculaire supérieure, se
coustate dans la sphère de distribution cutanée du nerf circonflexe, du
[G. GUILLAIN.1
: ûJ4 SÉMIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGINE -RADICULAIRE.
nerf radial, du nerf musculo-cutané. « Dans le type supérieur des para-
lysies radiculaires, dit Dejerine, on observe une an6stli('sie sur le côté
externe du bras et de l'avant-bras empiétant en avant et en arrière sur
les faces antérieures et postérieures correspondantes (cinquième et sixième
cervicales) et, dans certains cas, on peut observer une bande hypo-estlié-
sique médiane, région qui est innervée par la sixième et la septième cer-
vicale. » .'
La paralysie radiadaire inférieure, paralysie du type Illicnzplce,
paralysie avec syndrome sympathique^ est Créée par les lésions intéres-
sant la septième, la huitième racine cervicale et la première racine dor-
sale. En cas de traumatisme il arrive parfois que la paralysie radiculaire
inférieure soit consécutive à une .paralysie radiculaire totale, mais c'est
d'ailleurs une éventualité rare, car il est de beaucoup plus fréquent de
-voir une paralysie radiculaire totale ne laisser comme reliquat qu'une
paralysie radiculaire supérieure. Les lésions des racines inférieures du
-plexus brachial amènent une paralysie dans le territoire du nerf médian
et du nerf cubital. C'est à la main que se constate le maximum des troubles.
Les muscles des éminences thénar et hypothénar, les interosseux sont
paralysés. Paralysés aussi les fléchisseurs de la main.
La paralysie des lombricaux et des interosseux a pour conséquence la
perte des mouvements d'extension des deux dernières phalanges. Le ma-
lade ne peut fléchir les premières phalanges sur le métacarpe. Quand on
le prie d'étendre les doigts, seules les premières phalanges se mettent en
extension. Les mouvements de latéralité des doigts sont presque abolis,
mais quand les extenseurs communs et propres des doigts se contractent,
quelques mouvements de latéralité sont esquissés, grâce à l'extenseur
commun qui écarte du médius les trois autres doigts et à l'extenseur pro-
pre du petit doigt qui l'écarté du-médius. Quant à l'index, son extenseur
le rapproche du médius.
La paralysie des muscles de l'éminence thénar a nécessairement pour
conséquence la perte des mouvements de flexion, d'abduction, d'opposi-
tion du pouce. La paralysie des muscles de l'éminence hypothénar amène
la perte des mouvements du petit doigt, il ne peut plus être rapproché
de l'axe de la main ni en être écarté, il ne peut plus être fléchi. Sans
insister sur la paralysie de chaque muscle, on comprend que la main de-
vient impropre à tout usage; le malade est incapable d'agir sur le. dyna-
momètre. Les muscles du bras ont conservé leur contractilité normale et
tous les mouvements de la ceinture scapulaire s'exécutent avec facilité.
Si la paralysie radiculaire inférieure est d'un pronostic grave, si elle
ne s'améliore pas, alors la main prend le type qu'on observe dans les
paralysies du. nerf cubital, le type de la griffe cubitale. L'éminence hypo-
thénar est aplatie, flasque, sans aucune tonicité. L'atrophie des muscles
interosscux amène une saillie très nette des métacarpiens et exagère les
méplats interosseux. La première phalange des doigts est hyperétendue,
les deuxième et troisième phalanges, au contraire, sont fléchies.. Dans la
LES PARALYSIES RADICULAIRES. fila
n'ill'c cubitale typique, c'est principalement au niveau de l'annulaire et
de l'auriculaire que celle altitude se voit; dans la paralysie radiculaire
inférieure, l'impotence des muscles innervés par le nerf médian expli-
que que la grille soit moins pure que celle constatée dans les lésions
périphériques du nerf cubital. D'ailleurs, dans les paralysies radiculaires,
il est très fréquent de voir certains muscles présenter des degrés de para-
lysie différents, certains muscles recouvrer leur contractilité plus ou
moins normale, aussi les altitudes observées tant au niveau de la main
que du poignet ne peuvent-elles être schématisées d'une façon très pré-
cise. Les (rouilles de la sensibilité dans la paralysie radiculaire inférieure
se mollirent il la moitié interne de la main, de l'avant-hras, il la face
interne du bras jusqu'à doux ou trois centimètres au-dessus du coude.
Ce qui caractérise surtout la paralysie radiculaire inférieure et en rend
le diagnostic facile, c'est l'existence de troubles oculo-pupillaires sur les-
quels a insisté Mine Dejerine-Ktnmpke. Le malade présente du myosis,
du rétrécissement de la fonte palpébrale, de l'enophtalmie parfois. La
pupille en myosis réagit encore à la lumière. Dans certains cas, on peut
constater l'aplatissement de la joue, la diminution de l'ouverture d'une
narine, la diminution de la sécrétion des larmes, de la sécrétion de la
sueur du coté correspondant il la paralysie. Tous ces phénomènes sont
sous la dépendance d'une lésion du sympathique cervical, le myosis est la
conséquence de la paralysie des fibres radiées de l'iris, le rétrécisse-
ment de la fente palpébrale et l'enophtalmie la conséquence de la para-
lysie du muscle de Millier.
Lorsque la paralysie radiculaire est. totale, la monoplégie brachiale
est absolue, tous les muscles du bras sont atteints. Le membre supérieur
lésé pend inerte, flasque, le long du corps, en pronation forcée souvent,
la paume de la main regardant, en arrière et en dehors. Tous les mouve-
ments des doigts, de l'articulation du poignet, de l'articulation du coude,
de l'articulation de l'épaule, sont abolis. Dans certains cas, le malade
peut encore élever légèrement le moignon de l'épaule par le faisceau supé-
rieur du muscle trapèze innervé par le nerf spinal. Les troubles de la
sensibilité dans la paralysie radiculaire totale sont étendus à presque tout
le membre supérieur. L'anesthésic existe à ta main, il l'avant-bras. Dans
la plupart des cas, elle s'étend jusqu un on deux travers de doigt au-
dessus du coude, limitée ta par une ligne plus ou moins irrégulière (De-
jcrme). L anesthésie peut remonter plus haut sur la région externe et
postérieure du bras, mais, il la région interne, la sensibilité est conservée
la où 1 innervation se fait par les rameaux perforants du deuxième et du
troisième nerf intercostal. Le syndrome sympathique existe comme
dans la paralysie radiculaire inl'érieare. ,1'ai remarqué, dans plusieurs
cas de paralysie radiculaire, une diminution très nette de la pression
artérielle du côté de la paralysie. La paralysie radiculaire totale n'est pas
la variété le plus souvent observée en clinique. Kilo est le plus f'réquem-
ment consécutive il des traumatismes violents. La paralysie n'est d'ail-
ce. GUILLAIN.]
glu G SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGINE RADICULAIRE. '
leurs, dans la majorité des cas, totale que durant un laps de tcmps très
court, et 'il subsiste, soit une paralysie radiculaire supérieure, soit une
paralysie radiculaire inférieure, soit un type complexe.
A côté des trois types principaux de paralysies radiculaires que je
viens d'étudier, on peut décrire quelques autres variétés. Dans les para-
lysies du type complexe, sont atteintes des racines appartenant et au seg-
ment supérieur et au segment inférieur du plexus. Ces paralysies sont très
fréquentes en clinique, elles ne se prêtent pas à une description didacti-
que, car -on peut supposer réalisées les modalités les plus différentes.
Les paralysies uniradiculaires sont très rares. Les paralysies radicu-
laires sensitives pures, sans troubles moteurs concomitants, sont excep-
tionnelles.
Le diagnostic du siège des paralysies radiculaires se fera par l'étude
des signes oculo-pupillaires indiquant que la lésion existe au niveau ou
immédiatement en dehors des trous de conjugaison et intéresse le
rameau communiquant du premier nerf dorsal, par l'étude de la para-
lysie des branches collatérales du plexus, en faisant sûr ce point toutes
les restrictions que comportent les variations si nombreuses dn mode
d'émergence de ces branches, il se fera aussi par la notion étiologique,par
la symptomatologie concomitante, par la marche de la maladie et surtout
son mode de début. Avec ces éléments il sera presque toujours facile
de déterminer le siège de la lésion radiculaire. Quant à préciser s'il s'agit
d'une paralysie radiculaire intrarachidienne ou d'une paralysie du plexus
proprement dit, il faut avouer que, sans la notion étiologique, ce diag-
nostic est presque impossible. Seules les paralysies des branches termi-
nales du plexus seront différenciées avec facilité des paralysies du type e
radiculaire.
Quelques formes cliniques parmi les pai alysies radiculaires du plexus
brachial méritent d'être signalées : les paralysies radiculaires trauma-
tiques, les paralysies radiculaires obstétricales, les paralysies 1'adicu-
[aires dans les pachyméningites et les compressions intraraclaidiennes,
les paralysies radiculaires dans la syphilis.
Paralysies radiculaires traumatiques* Qu'elle survienne il la
suite d'une chute d'un lieu élevé, d'une luxation de l'épaule, du port de
lourds fardeaux ou pour toute autre cause, la paralysie radiculaire frau-
matique a toujours un début brusque et très souvent douloureux. Dans
le cas de luxation de l'épaule, ou de fracture de la clavicule, si le membre
a été de suite mis dans un appareil, c'est seulement lors de la levée de
cet appareil que l'on constatera la paralysie radiculaire. Les phénomènes
douloureux sont sous la dépendance de l'élongation produite sur les
racines qui, parfois insuffisante pour les rompre, ne les a pas moins dis-
tendues et irritées. Les douleurs sont d'ailleurs variables chez les divers
malades; il est des individus qui souffrent peu, il en est d'autres qui
souffrent beaucoup. Les douleurs spontanées irradient depuis la région
cervicale, depuis le creux sus-claviculaire jusqu'au niveau de la région
. LES PARALYSIES RADICULAIRES, 617
deltoïdicnnc, jusque vers le coude, vers la main. Les irradiations se
montrent parfois dans la zone radiculaire externe, parfois dans la zone
radiculaire interne, parfois aussi tout le membre est douloureux. Les
douleurs peuvent être provoquées par la pression des racines sur les
transvérses, par la pression dans le creux sus-claviculaire au niveau du
point de Erb, par la pression des troncs nerveux, par la pression des
masses musculaires. Ces phénomènes le plus souvent régressent vite et
quand les malades ne viennent consulter que quelques jours après leur
accident, ils ont généralement disparu., .
Les troubles moteurs observés dans les paralysies radiculaires trauma-
tiqucs sont très variables. On a rencontré dans ces cas toutes les variétés
possibles de paralysies radiculaires : la paralysie totale, la paralysie radi-
culaire supérieure, la paralysie radiculaire inférieure, des types com-
plexes. Souvent la paralysie, les premiers jours, est totale ou semble
telle, et il ne subsistera rapidement qu'une paralysie limitée à certains
groupes musculaires. Souvent aussi, quand- on peut examiner le malade
les premiers jours, on peut constater que malgré l'apparence .de paralysie
totale, le groupe radiculaire inférieur est moins atteint, et quelques
mouvements des muscles innervés par les racines basses sont déjà es-
quissés, qui bientôt deviendront faciles. L'expérimentation cadavérique
montrant que les lésions maxima en cas de traumatisme se font au niveau
des racines hautes, on s'explique ainsi que les troubles des racines
basses soient presque toujours en clinique moins prononcés, passagers
et réparables.
Dans les paralysies radiculaires traumatiques on peut voir des muscles
innervés par le plexus cervical être aussi paralysés. Le professeur Raymond,
dans une de ses leçons, en cite plusieurs exemples.
Les troubles de la sensibilité dans les paralysies radiculaires trauma-
tiques ne sont pas toujours identiques.. J'ai déjà parlé des douleurs spon-
tanées ou provoquées consécutives à l'accident et qui ordinairement
régressent vite. Plus tard il est des malades qui accusent encore des four-
millements dans les mains, dans les bras, mais il faut alors faire la part
de certains troubles subjectifs consécutifs à des lésions trophiques, anky-
loses, rétractions tendineuses qui peuvent survenir dans les paralysies
graves et non traitées. Les troubles de la sensibilité cutanée ont été diver-
sement interprétés par les auteurs. Dans beaucoup d'observations, les
troubles de la sensibilité sont passés sous silence. Les classiques disent
que, dans les paralysies radiculaires supérieures, les troubles de la sensi-
bilité font défaut et qu'au contraire ils sont plus habituels dans les para-
lysies radiculaires inférieures. Raymond pense qu'au début l'anesthésie ne
fait jamais défaut si on se donne la peine de la chercher, mais que tôt ou
tard elle diminue d'étendue et disparaît même complètement. Telle est
aussi l'opinion de Rendu. Si dans un cas de traumatisme léger on exa-
mine le malade peu de temps après l'accident, on trouve toujours une
bande d'hypoesthésie ou d'anesthésie à type radiculaire correspondant à
[G. Gt7l.LL.Anr.]
(il8 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGINE RADICULAIRE.
la topographie de la paralysie motrice. Or cette bande d'hypocsthésie est
souvent fugace, et si on n'examine le malade que plus tardivement, elle
a en partie disparu. On trouve alors des troubles de sensibilité qu'on
s'explique mal si on ignore la topographie radiculaire sensitive, qu'on
s'explique au contraire très bien si on la connaît ; les espaces hypoes-
illésiés, en effet, souvent séparés par des espaces à sensibilité normale,
peuvent être reliés entre eux par la pensée, et on arrive facilement à re-
constituer la bande radiculaire. En prenant des schémas de la sensibilité
il plusieurs jours d'intervalle chez des malades atteints de paralysies radi-
culaires traumatiques, j'ai vu souvent la régression progressive des
troubles sensitifs, la bande radiculaire diminuer, s'interrompre, dispa-
raitre. Dans les cas de paralysies graves, les troubles de la sensibilité
peuvent persister. C'est toujours sous le type radiculaire (pie se mon-
trent les troubles sensitifs. J'ai indiqué plus haut quelle était leur topo-
graphie dans les diverses variétés de paralysies radiculaires, mais de
même que les types schématiques de paralysie motrice ne se rencontrent
pas toujours en clinique, de même les types schématiques de paralysie
sensitive ne se trouveront pas toujours, et on comprend que, suivant que
l'attrition radiculaire aura été inégale pour les diverses paires du plexus,
les troubles sensitifs pourront régresser plus ou moins rapidement sur
tels ou tels territoires. Tous les modes de sensibilité peuvent être atteints.
Sensibilités tactile, thermique, douloureuse, électrique peuvent être abo-
lies ou seulement diminuées. Dans un cas de Charcot, concernant une
paralysie radiculaire de la première paire dorsale, l'anesthésie présentait
la dissociation syringomyeliqnc. La sensibilité osseuse, le sens musculaire,
le sens des attitudes peuvent être altérés. ·
En somme, on peut dire que dans les paralysies radiculaires trauma-
tiques, les troubles de la sensibilité correspondent aux troubles moteurs
par leur topographie radiculaire. Les troubles de la sensibilité dans les
paralysies graves persistent; dans les paralysies moins graves, frequein-
mcnt ils diminuent et régressent vite, et si l'on n'examine le malade que
longtemps après son accident, il peut ne subsister qu'une paralysie du
type Duchenne-Erb, par exemple, sans troubles sensitifs aucuns. Les
troubles sensitifs sont moins profonds que les troubles moteurs, ils sont
moins durables. Ces faits que la clinique montre, nos expériences les
expliquent. En effet, dans l'abaissement ou l'hyperélévalion de l'épaule,
mouvements qui produisent les paralysies radiculaires, le ganglion rachi-
dien tond à faire hernie hors de la gaine durale, témoignage certain de
distension radiculaire postérieure. Le tronc d'union des racines peut
s'aplatir sur les transverses, fait qui explique et la douleur et les troubles
de la sensibilité. Prolonge-t-on la traction, les racines antérieures se
rompent avant les postérieures; elles se rompent seules souvent. Aussi
comprend-on que dans un traumatisme de l'épaule, il puisse y avoir une
lésion des racines antérieures qui amène la rupture de leurs cylindres-
axes ou du moins leur attrition, d'où une paralysie motrice, et que dans
. LES PARALYSIES RADICULAIRES. CI9
les racines postérieures il y ait seulement une inhibition passagère par
le traumatisme, inhibition par commotion radiculaire durant peu de
temps, puisque les troubles sensitifs ne persistent pas. Donc, on peut
conclure que, dans les paralysies radiculaires trautnatillues, la persistance
des troubles de la sensibilité dépend du traumatisme lui-même qui,
léger ou violent, amène des lésions réparables ou non réparables des
racines postérieures.
Dans les paralysies radiculaires traumatiques totales ou il type infé-
rieur, les troubles oculo-pupillaires existent souvent, mais si, comme
nous l'avons montré, la lésion de la première dorsale se fait sur la pre-
mière côte, ces troubles feront défaut.
Les réactions électriques sont variables suivant l'intensité du trauma-
tisme, mais la réaction de dégénérescence existe d'une façon presque
constante.
Le pronostic de ces paralysies dépend du degré des lésions radicu-
laires causées par le traumatisme. Très graves et définitives parfois, dans
d'autres cas elles régressent vite, et la guérison complète avec intégrité
de la fonction du membre est possible.
Paralysies radiculaires obstétricales. Les paralysies radiculaires
obstétricales sont le plus souvent des paralysies radiculaires supérieures;
on a toutefois signalé des paralysies totales et des paralysies radiculaires
inférieures. Les signes oculo-pupillaires manquent fréquemment ; De Pe-
ters dit même : « Le symptôme oculo-pupillaire de Dejerine-Klulllpke
n'a pas été observé dans les paralysies obstétricales ». Celle opinion est
exagérée, liroca a cité un cas de paralysie radiculaire obstétricale avec
troubles oculo-Intllillaircs; j'en ai observé personnellement plusieurs à la
Salpêtrière. L'absence fréquente du syndrome sympathique s'explique
bien, puisque la lésion de la première racine dorsale dans les paralysies
traumatiques se l'ait, ainsi que je Pai montré avec Pierre Uuval, sur le
col de la première côte, alors que les filets sympathiques ont quitté la
racine.
Chez les enfants très jeunes l'examen clinique est difficile. C'est sur-
tout en excitant la peau et en examinant alors les mouvements instinctifs
de retrait du membre que peut faire l'enfant, que l'on pourra déterminer
les muscles paralysés. La paralysie est-elle totale, alors le bras pend
inerte et il est possible de lui communiquer des mouvements comme il
un véritable balancier. L'examen électrique est absolument indispensable
chez l'enfant pour voir la topographie de la paralysie motrice.
Il existe fréquemment chez les enfants, en même temps que la paralysie
radiculaire, d'aulrcs lésions traumatiques (fracture de l'humérus, frac-
ture de la clavicule, fracture de l'omoplate). -
Si l'on peut constater des paralysies radiculaires obstétricales à pro-
nostic bénin, guérissant en quelques semaines, la plupart au contraire
sont très graves et cela parce que le traumatisme aura été le plus souvent
très violent sur des nerfs ou des racines dont la résistance est très faible;
[G. CUILLAIN.]
620 0 . SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGINE RADICULAIRE.
les paralysies sont souvent causées par l'arrachement radiculaire, aussi
les troubles trophiques -sont fréquents, les atrophies musculaires rapides.
Duchenne, Guillemot, Comby, Broca ont attiré. l'attention sur ce pronos-
tic sérieux des paralysies obstétricales.
Le squelette osseux peut ne pas se développer, et il en résulte un
aspect du.membre paralysé assez semblable à celui que l'on constate dans
certains cas de paralysie infantile. Raymond et Iluet ont insisté sur cet
arrêt de développement du squelette consécutif aux paralysies radicu-
laires survenant pendant la période de croissance.
Les accoucheurs admettent le plus souvent que les paralysies, observées
après un accouchement spontané, ont un pronostic bénin. Comby dit qu'au
point de vue du pronostic on doit distinguer les paralysies qui surviennent
dans les présentations de la tête et celles qui succèdent à des accouche-
ments par le siège. Dans la présentation de la tête, le pronostic est géné-
ralement bénin et la paralysie est curable. Dans la présentation du siège,
les tractions nécessaires pour dégager la tête sont souvent excessives et le
pronostic est beaucoup plus grave. Cela revient à la loi que nous avons
posée au sujet des paralysies radiculaires traumatiqucs : le pronostic
dépend de l'intensité du traumatisme.
Paralysies radiculaires dans les pachyméningites, dans les com-
pressions intrarachidiennes. - 'Les paralysies radiculaires que l'on
constate dans les pachyméningites, dans les compressions intra-rachi-.
diennes, surviennent le plus souvent'au cours d'une maladie antérieure-
ment reconnue (tuberculose vertébrale, cancer, syringomyélie). La
paralysie radiculaire, dans ces cas, a un début lent, les phénomènes
douloureux précèdent souvent les symptômes paralytiques; les douleurs,
les pseudo-névralgies. sont beaucoup plus violentes et plus persistantes
que celles constatées dans les paralysies radiculaires traumatiques.
Contrairement aussi à ce qu'on voit dans les paralysies radiculaires trau-
matiques, les symptômes sensitifs peuvent être beaucoup plus. accusés.
que les symptômes moteurs, car il est possible que les lésions portent
principalement sur les racines postérieures. Enfin, aux symptômes d'ori-
gine radiculaire, s'ajoutent souvent des symptômes de compression de
la moelle ou de myélite.
Paralysies radiculaires dans la syphilis. Les paralysies du type
radiculaire que l'on peut observer dans la syphilis il la suite de gommes,
d'infiltration méningée, se rapprochent par leur symptomatologie des
paralysies radiculaires par pachyméningite. 11 est rare d'ailleurs que l'on
ne constate pas d'autres symptômes de syphilis médullaire ou cérébrale.
De Peters a fait une étude des paralysies que l'on observe dans certains
cas de syphilis héréditaire avec altération radiculaire. Certaines de ces
paralysies ont la symptomatologie des paralysies radiculaires supé-
rieures obstétricales, d'autres celle des paralysies radiculaires inférieures.
Dans les cas de paralysie atteignant le segment radiculaire inférieur,
De Peters insiste sur une altitude spéciale des mains, qui serait fre-
11O : \OPLÉGlE BIL\CIIL\LE. U21
quente lors de la syphilis, il l'aurait rencontrée neuf fois sur onze cas.
L'avant-bras est en forte pronation, de sorte le dos de la main
regarde en dedans et la paume de la main est tournée en dehors ; le poi-
gnet est fléchi et en abduction vers le cubitus; l'attitude des mains, sur-
tout quand les deux extrémités sont atteintes, rappelle l'attitude et la
forme des nageoires d'un phoque (Ftossenstellung). Dans le cas de para-
lysie radiculaire inférieure, le syndrome oculaire sympathique se joint
aux symptômes précédents. Les lésions qui produisent ces paralysies sy-
philitiques peuvent s'étendre en haut et donner une paralysie des muscles
de la nuque, ou en bas dans la région lombaire et produire des paralysies
des extrémités inférieures. Il peut exister des plaques d'hyperesthésie
et des contractures isolées, mais il s'agit toujours de paralysies flasques;
les contractures, quand elles existent, restent localisées sans jamais
envahir tout un membre, comme cela se voit dans les paralysies d'ori-
gine cérébrale. La nature syphilitique de ces paralysies est prouvée par
ce fait qu'il existe souvent chez les enfants d'autres stigmates de l'hérédo-
syphilis et aussi par l'amélioration rapide que donne le traitement spéci-
fique. De Peters pense que ces paralysies sont dues à un processus inflam-
matoire, sous forme de foyers qui occupent la surface de la moelle épi-
nière et intéressent un plus ou moins grand nombre de racines nerveuses
avec participation des méninges adjacentes.
il. - PARALYSIES RADICULAIRES DU PLEXUS LOMBAIRE ET DU PLEXUS SACRE
Les paralysies radiculaires du plexus lombaire et du plexus sacré
seront étudiées dans le chapitre consacré aux troubles de la sensibilité il
topographie radiculaire. C'est, en effet, spécialement par la topographie
radiculaire des troubles de la sensibilité que le diagnostic de ces para-
lysies peut se faire on clinique. On trouvera daiis le tableau que j'ai
reproduit plus haut quels sont les muscles innervés par chacune des
racines lombaires et sacrées.
$MONOPLÉGIE BRACHIALE
Avant d'entreprendre la soneiologic des paralysies des nerfs périphéri-
ques crâniens et rachidiens, je consacrerai un court paragraphe aux
monoptcgtcs brachiales. La séméiologie des monoplégies brachiales, qui
peuvent être créées soit par des lésions du cortex, soit par des lésions de
la moelle, des racines ou des nerfs périphériques, forme une transition
logique entre l'étude des paralysies il topographie radiculaire et celle des
paralysies à topographie périphérique.
En présence d'un malade atteint d'une monoplégie brachiale, la pre-
mière- question qui se pose est de savoir s'il s'agit d'une paralysie orga-
nique ou d'une paralysie fonctionnelle, de l'hystérie. ,
CC GUILLAIN.]
C32 MONOPLÉGIE BRACHIALE.
Les monoptegies dans Y hystérie, l'hysf¡'I'O-IJ'lllllIUllisme ne sont pas .
rares. Parfois, c'est seulement plusieurs heures ou plusieurs jours après
le traumatisme, qu'apparaît la paralysie. Dans les paralysies organiques
quelques muscles sont parfois moins atteints, quelques mouvements légè-
rement esquissés; chez l'hystérique, au contraire, la monoplégie est
absolue, le moindre mouvement est impossible parce que le malade le
veut ou le croit tel. L amyotrophie, les troubles des réactions électriques,
les troubles des réflexes manquent chez l'hystérique ; il existe une anes-
thésic il type spécial superposée a la paralysie musculaire, enfin l'examen
du malade permettra de reconnaître l'état moulai si spécial du pithiatisme.
Ces paralysies peuvent guérir rapidement par les méthodes de psycho-
thérapie.
La monoplégie brachiale organique peut être d'origine corticale, mé-
dullaire, radiculaire on troncutaire.
Los lésions corticales localisées an centre du membre supérieur, au
niveau de. la région rolandique, peuvent amener une monoplégie; les cas
de monoplégie pure d'origine corticale, sont d'ailleurs exceptionnels, car
on observe presque toujours quelques troubles du côté du membre inté-
rieur. La monoplégie d'origine corticale est facile il reconnaître.
Après une période de paralysie flasque les contractures se montrent :
les réflexes des fléchisseurs, des extenseurs, les réflexes olécrànion, po-
riostique sont exagérés. L'atrophie musculaire est toujours peu accen-
tuée comparativement à celle que l'on observe dans les lésions de la
moelle ou des nerfs. Les (roubles de la sensibilité qui existent dans les
lésions corticales régressent en général assez rapidement. Enfin les accès
d'epitepsiejacksonienne ne sont pas très rares.
La monoplégie d'origine capsulaire, dont l'existence parait possible
d'après les schémas des analoinistes, ne s'observe jamais; le syndrome
hémiplégie traduit, en clinique les lésions même limitées de la capsule
interne comme je l'ai montré avec Pierre Marie.
Les lésions de la substance grise de la moelle, les poliomyélites peu-
vent amener des monoptegies brachiales.
La paralysie infantile se reconnaîtra par son début, fébrile, l'absence
des troubles de la sensibilité; la paralysie se localise il certains groupes
musculaires qui s'atrophient en masse. C'est par des caractères analogues
que se reconnaitra chez l'adulte la paralysie spinale aiguë ou subaiguë
qui est d'aittcurs rarement localisée il un seul membre.
Il est des cas de syringomyélie unilatérale lois que ceux l'apportés
par Dejerine et Sottas, Dejerine et Mirattie qui se montrent avec 1 appa-
rence d'une monoplégie brachiale il marche lente et progressive. Dans
les cas de syringomyélie on constate le plus souvent la dissociation carac-
téristique de la sensibilité, la cypllo-scoliosc, l'exagération des réflexes
au niveau des membres inférieurs.
La monoplégie brachiale peut être créée par une paralysie radicu-
laire totale. La paralysie est flasque, les réflexes sont abolis, les troubles
SÉMIOLOGIE DES PARALYSIES DES NEUFS CRANIENS. 62",
pculo-pupillaires, le syndrome sympathique sont, caractéristiques des
paralysies radiculaires; la sensibilité, même quand l'ancsthesic brachiale,
est absolue, est conservée à la région interne du bras la où l'innervation
se fait par les rameaux perforants du 2 et du 5'' nerf intercostal. La
paralysie radiculaire totale' est le plus fréquemment, consécutive à des
traumatismes violents. La paralysie d'ailleurs n'esl, dans la majorité des
cas, totale que durant un laps de temps relativement court et il subsiste
soit une paralysie radiculaire supérieure, soil unejtaralysie radiculaire
inférieure, soit un type complexe.
Les névrites périphériques infectieuses ou toxiques sont en général
symétriques et ne déterminent que tout à fait exceptionnellement une
monoplégie brachiale.
SÉMÉIOLOQIE DES PARALYSIES DES NERFS CRANIENS
ET DES NERFS SPINAUX
LES TROUBLES DE LA MOTILITÉ A TOPOGRAPHIE
PÉRIPHÉRIQUE
Paralysie faciale. La paralysie faciale est souvent la conséquence
de lésions Iraumaliques, de compressions du nerf : tumeurs ou ramollis-
sements du bulbe et de la protubérance, méningites basilaires, osteo-
periostitcs et fractures du rocher, tumeurs ou abcès de la parotide,
adenopathics, A ce groupe etiologiquc doit être jointe la paralysie faciale
des nouveau-nés qui reconnaît deux variétés. L'une est due il une lésion
du nerf produite par le forceps, la tête étant saisie par le diamètre 1ran ?
versal; par suite du peu de développement du conduit auditif externe le
facial se trouve comprimé. L'autre, en dehors de toute application de
forceps, peut être due à la compression intra-utérine d'un des nerfs
faciaux pendant le travail par l'utérus lui-même au cours des accouche-
ments laborieux et prolongés, et surtout en cas de rétrécissement du
bassin. Ces paralysies obstétricales, le plus souvent unilatérales, ne sont
pas graves et disparaissent au bout de quelques semaines. Certains cas de
paralysie faciale congénitale sont causés par l'agénésie du rocher. Toutes
les affections inflammatoires de l'oreille moyenne peuvent se compliquer
de paralysie faciale. Un observe la paralysie faciale dans le tabes, le dia-
bète, la goutte. La paralysie faciale dite a {'rig01'e est très fréquente.
Neumann et Charcot ont indiqué la prédisposition héréditaire. Cette para-
lysie a {'n'flore parait dépendre d'une infection, être la conséquence d'une
névrite infectieuse ou toxique. D'ailleurs la paralysie faciale se voit, dans
un grand nombre de. maladies infectieuses (syphilis secondaire, fièvre
typhoïde, érysipèle, variole, paludisme, diphtérie, grippe, béribéri, tétanos
réphaliquc de Rose). Le zona s'accompagne assez fréquemment de para-
lysie faciale. ,
La paralysie faciale centrale est causée par les lésions siégeant en
[G. GUILLAIN.]
624 SËMËtOLOGtE DES PARALYSIES DES NERFS CRANIENS
amont de l'origine réelle du nerf depuis la corticalité jusqu la protubé-
rance. On oppose cette paralysie centrale du nerf facial à la paralysie
périphérique déterminée par toutes les lésions siégeant depuis l'origine
réelle bulbo-protubérantielle jusqu'à la terminaison du nerf.
Le principal symptôme de la paralysie faciale est la déviation de
la face (tortura facici des anciens), le côté sain situé sur un plan
postérieur au côté malade est souvent considéré au premier abord
connue étant le côté paralysé; on constate, la disparition des rides du
front, l'abaissement du sourcil, l'impossibilité du clignement de la pau-
pière, l'impossibilité de l'occlusion des paupières. Quand le malade fait
des efforts pour fermer les paupières, le globe de l'oeil est attiré en haut
et en dehors (signe de Ch. Bell); cette élévation du globe de l'oeil coexiste
d'ailleurs normalement avec l'occlusion des paupières. Quand on fait
porter le regard en bas on observe un certain mouvement d'abaissement
consensuel de la paupière supérieure. Cestan et Dupuv-Dutemps ont
insisté sur un phénomène palpébral constant dans la paralysie faciale
périphérique; voici en quoi il consiste. Lorsque le regard du malade se
dirige en bas, la paupière supérieure s'abaisse en môme temps que le
globe oculaire tout en restant cependant plus élevée que celle du côté
sain. Or, si dans cette attitude on commande au malade de fermer subi-
tement les yeux, on voit aussitôt la. paupière du côté paralysé s'élever très
notablement au-dessus de sa position antérieure. Ce fait, en apparence
paradoxal, est d'autant plus net que la paralysie de l'orbiculaire est plus
complète. Un mouvement analogue, mais moins étendu, s'observe il la
paupière inférieure qui s'élève pendant l'occlusion et se déprime dans le
regard on bas. Ce phénomène s'explique très simplement par les liens
anatollliques (expansions aponévroliques) qui unissent les paupières aux
muscles droits supérieur et inférieur et les rendent dans une certaine
limite solidaires de leurs mouvements. Pendant l'occlusion volontaire et
énergique des paupières le globe de l'oeil, normalement, se convulsé en
haut. Dans les cas de paralysie faciale il entraine et relève dans son mou-
vement la paupière supérieure qui n'est plus maintenue par la contraction
de l'orbiculaire; il l'abaisse quand il se dirige en bas. Il en est de même
pour la paupière inférieure.
La paralysie du muscle de Ilorner a pour conséquence 1 épqmora.
L'aile du nez du côté paralysé n'est plus animée de battements, elle semble
tombante, l'orifice de la narine est moins large.
La paralysie de l'orbiculaire des lèvres a pour conséquence la déviation
de la bouche, la difficulté de prononcer les labiales. La paralysie du buc-
cinateur empêche le malade de souffler, de siffler.
Les mouvements du pavillon de l'oreille sont impossibles.
Lorsque la langue est tirée, elle parait déviée vers le côté paralyse.
Cette déviation, plus apparente que réelle, est duo ce que la commissure
paralysée étant attirée par la commissure saine, la langue ne se trouve
plus à égale distance des deux commissures; on peut s'en rendre
ET DES NERFS SPINAUX. li2 : ¡
compte en maintenant en place avec un doigt la commissure paralysée.
La déviation de la luette et du voile du palais, signalée par de nom-
breux auteurs, est niée par certains autres.
L'odorat est parfois diminué, ce qui tient, à à ce que les
odeurs pénètrent en moins grande quantité dans la narine du côté malade
par suite de la paralysie de l'aile du nez.
Le goût est diminué ou aboli au niveau des deux tiers antérieurs de la
langue du côté paralysé; ces troubles du goût existent d'ailleurs seule-
ment au sujet des substances sucrées ou salées, car la gustation des
substances amères se fait dans les parties postérieures de la langue.
L'hyperacousie douloureuse est fréquente, elle est due, d'après la plu-
part des auteurs, au relâchement de la membrane du tympan par suite
de la paralysie du muscle de Poirier. D'après Collé, cotte hyperacousie
dépendrait d'une otite interstitielle avec inflammation chronique de la
membrane tympanique. D'après Friedrich, l'hypcracousie et les autres
troubles auditifs susceptibles de s'associer à la paralysie faciale périphé-
rique seraient imputables à une atteinte directe portée an nerf auditif
qui a des rapports anatomiques étroits avec le facial. D'après Tomka, ils
dépendraient d'un retentissement sur le labyrinthe de la lésion, qui
détermine dans le canal de Fallope la paralysie faciale.
Des troubles trophiques et vaso-moteurs se constatent parfois dans la
paralysie faciale : atrophie des muscles paralysés, altérations de la cornée,
par absence de clignement, teinte porcclainec de la peau du côté para-
lysé. D'après Straus, dans les paralysies faciales périphériques il la suite
d'une injection de pilocarpine, la sudation du côté paralysé est moins
abondante, ou absente, ou plus tardive. La salivation est tantôt diminuée,
tantôt augmentée du côté paralysé.
Parfois, la paralysie faciale est accompagnée de douleurs; celles-ci
sont sans doute causées par une lésion concomitante du nerf trijumeau,
elles siègent presque toujours au pourtour de l'oreille.
La paralysie faciale bénigne guérit en une ou deux semaines sans
laisser de traces. La paralysie faciale grave dure cinq à six mois, parfois
davantage, elle peut même ne pas guérir. Le pronostic d'une paralysie
faciale repose surtout sur l'examen électrique. Dans la forme grave, on
observe la réaction de dégénérescence; dans la forme bénigne il ny a a
pas de modifications des réactions électriques; dans la forme moyenne,
le nerf reste excitable, mais son excitabilité est modifiée, tant au point
devuefaradiqueque galvanique, la réaction de dégénérescence est incom-
plète.
La paralysie faciale peut, se terminer par contracture, celte contrac-
ture s'annonce par des secousses fibrillaires. On constate une exagéra-
tion des rides et des mouvements cloniques dans les muscles contrac-
tures.
La paralysie faciale récidive parfois chez certains sujets, tantôt du
côté malade, tantôt du côté sain.
Pn.vTyve w : ottot,.
40
[G. GUILLAIN.]
626 SÉMÉ10L0G1E DES PARALYSIES DES NERFS CRANIENS
La paralysie faciale périphérique présente plusieurs formes cliniques
dépendant du siège de la lésion. La paralysie faciale centrale a une
symptomatologie un peu spéciale.
Le diagnostic du siège de la paralysie faciale périphérique se fera ana-
tomiquement par l'examen des branches collatérales du nerf. Lorsque la
lésion siège on dehors du canal de Fallope, par exemple dans la parotide,
il y a seulement paralysie des branches innervant les muscles pcauciers
de la face. Lorsque la lésion siège il la partie inférieure du canal de
Fallope, la branche auriculaire postérieure se rendant aux muscles peau-
ciers de l'oreille sera atteinte en même temps que les muscles peauciers
de la face. Lorsque la lésion siège plus haut, au niveau du point d'ori-
gine de la corde du tympan on constate en outre des troubles de la gus-
tation. Si la lésion est au niveau du muselé de l'étrier, on observerait
de l'hyperacousie douloureuse. Une lésion siégeant au niveau du ganglion
géniculé déterminerait, d'après certains auteurs, des troubles du voile
du palais, mais il convient d'ajouter qu'ill1P semble pas que le nerf facial
participe il l'innervation du voile du palais. D'après Iiocstcr, la coexistence
de l'hypoacousie nerveuse avec la paralysie faciale indiquerait que le siège
de celle-ci se trouve au voisinage du ganglion genicnle; cette hypoacousie
dénoterait en effet l'existence d'une nécrose de la partie inférieure du coli-
maçon séparée du nerf facial au voisinage du ganglion géniculé par une
épaisseur de paroi osseuse qui ne dépasse pas un quart de millimètre.
D'après le même auteur, la suppression de la sécrétion lacrymale s'ob-
serverait dans des cas de paralysie faciale alors que la lésion siège au
voisinage du ganglion géniculé. Lorsque la lésion siège au-dessus du
ganglion géniculé on observe le tableau clinique précédent, il l'exception
toutefois des troubles du goût. Les paralysies faciales d'origine basilaire
s'accompagnent souvent de paralysies d'autres nerfs crâniens (trijumeau.
auditif, moteur, oculaire externe). Ces divisions sont très schématiques.
Le plus souvent on est incapable de fixer le siège exact, de la lésion
qui détermine la paralysie faciale périphérique. Dans la paralysie, faciale
a (rigore, qui est la forme la plus habituellement observée en clinique,
il s'agit vraisemblablement d'une névrite infectieuse, aussi l'on s'explique
que les différents faisceaux du nerf soient inégalement atteints et parlant
qu'un diagnostic topographique exact des lésions ne puisse être précisé.
La paralysie faciale d'origine cérébrale est accompagnée le plus souvent
d'une hémiplégie des membres du même côté. Les caractères de la para-
lysie faciale d'origine cérébrale sont : la persistance des mouvements
réflexes produits par exemple par l'aspersion d'eau froide sur le visage,
ou du mouvement réflexe d'occlusion des paupières il la suite d'excitation
conjonctivale ; dans la paralysie faciale périphérique nu contraire, ces
mouvements réflexes disparaissent ; la conservation de la mimique;
t'absencedestroubtes du goût et de l'ouïe; l'absence des modifications des
réactions électriques. On donne encore comme signccaractensquedeht
paralysie faciale d'origine cérébrale l'intégrité du facial supérieur; celle
ET DES NERFS SPINAUX. 627
intégrité toutefois n'est que relative. En effet, l'hémiplégique qui a une
paralysie du facial inférieur ferme l'oeil avec heaucoup moins de force
du côté de l'hémiplégie, on n'éprouve aucune difficulté à soulever avec
le doigt la paupière de ce côté, alors que le malade fait des efforts pour
la tenir close. On peut remarquer aussi que dans les cas de paralysie
faciale d'origine cérébrale, même lorsque le facial supérieur semble
intact, le malade ne peut cependant pas fermer isolément l'oeil du côté
paralysé. Les rides du front sont généralement moins accentuées du côté
de la paralysie. Les mouvements du sourcil sont limités. Chez les hémi-
plégiques, la contracture s'observc parfois au niveau de la face, mais
ce fait est rare.
La paralysie faciale d'origine nucléaire se comporte comme la paralysie
faciale périphérique. Souvent on constate l'atteinte simultanée d'autres
noyaux bulbaires. Parfois existe une hémiplégie alterne.
Je signalerai encore l'existence possible de diplégies faciales.
Paralysie de la branche motrice du trijumeau. Cette paralysie
peut avoir une origine nucléaire, elle peut être causée par des lésions
méningées ou basilaires, elle s'observe aussi dans la paralysie pseudo-
bulbaires. On pourrait d'ailleurs schématiser les différents types cliniques
des paralysies de la branche motrice du trijumeau, de même que l'on
schématise les différents types cliniques des paralysies faciales et décrire
ainsi des paralysies périphériques, nucléaires et centrales.
1 a paralysie de la branche motrice du trijumeau pour conséquence
la paralysie des muscles masticateurs innervés par ce nerf. Ainsi le tem-
poral et le masséter ne se contractant plus, l'élévation de la mâchoire se
fait avec moins de force du côté de la paralysie, les aliments sont masti-
qués du côté sain. Les muscles ptérygoïdiens sont aussi paralysés.
Lorsque la paralysie de la branche motrice du trijumeau est bilatérale
l'élévation du maxillaire inférieur est impossible.
Les .symptômes qui pourraient être dus à la paralysie du muscle
sphéno-slaphylin et du muscle interne du marteau ne sont pas précisés.
Paralysie du nerf glosso-pharyngien. La symptomatologie de la
paralysie du nerf glosso-pharyngien n'est pas précisée, car la paralysie
isolée de ce nerf ne s'observe pas en clinique, il est lésé en général en
même temps que le pneumogastrique et le spinal.
Paralysie du pneumogastrique. Les causes principales de la para-
lysie du pneumogastrique sont les traumatismes de la région cervicale,
les compressions, les névrites infectieuses et toxiques.
Le nerf pneumogastrique concourt à l'innervation des poumons, du
larynx, du coeur, du tube digestif. On n'a pas précisé chez l'homme la
symptomatologie résultant, au niveau du poumon et du tube digestif, de
la paralysie du vague, mais les troubles cardiaques et laryngés sont bien
connus.
Le pneumogastrique est. un nerf modérateur du coeur; lorsqu'il est
paralysé, on constate de la tachycardie. Il semble d'ailleurs que colle
[(3. GUlLL.1lN.]
628 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES DES ]NERFS CRANIENS
tachycardie ne soit accentuée que si la. paralysie du pneumogastrique
est bilatérale, Cette tachycardie a été notée dans la polynévrite alcoo-
lique.
Lorsque le pneumogastrique est lésé au-dessus de la naissance du nerf
récurrent, on observe des troubles laryngés, une paralysie des. muscles
du larynx innervés par ce nerf. La corde vocale paralysée est en position
cadavérique, dans une situation intermédiaire à l'abduction et à l'adduc-
tion, elle reste immobile aussi bien pendant la respiration que pendant
la phonation. Dans les cas de paralysie unilatérale la corde vocale du côté
sain peut suppléer la corde vocale paralysée, elle augmente son excursion
normale, aussi l'on n'observe pas de troubles très nets de la voix. 11 n'en
est pas de même en cas de paralysie bilatérale, l'aphonie est alors com-
plète et les troubles respiratoires très accentués. On trouvera d'ailleurs
dans le chapitre de cet ouvrage consacré aux paralysies laryngées la des-
cription détaillée des paralysies récurrentielles.
Max Egger a observé chez une tabétique une paralysie bilatérale du
pneumogastrique pulmonaire qui se traduisait par un ralentissement
extrême des mouvements respiratoires, la malade avait 4 à 5 respirations
par minute. J'ai décrit, avec Guy Laroche, une forme apnéique de la crise
bulbaire des tabétiques qui reconnaît sans doute pour cause une para-
lysie transitoire du pneumogastrique.
Paralysie du nerf spinal. La branche externe du spinal innerve le
sterno-mastoïdien et le trapèze. La branche interne de ce nerf se fusionne
avec le pneumogastrique et innerve le constricteur supérieur du pha-
rynx et les muscles intrinsèques du larynx à l'exception du crico-tliy-
roïdien ; elle donne des filets aussi au plexus cardiaque.
Les causes de la paralysie du spinal sont : les traumatismes, les com-
pressions (lésions de la colonne vertébrale, mal de Pott, tumeurs, adéno-
pathies), les .névrites, les altérations nucléaires (syringomyélie, sclérose
latérale amyotrophique); la paralysie du, spinal observée dans le tabes
dépend soit de lésions nucléaires soit de la compression radiculaire par
la méningite des tabétiques. Le nerf spinal peut subir l'effet d'une lésion
de l'oreille en des points variés : 1° au niveau de la veine jugulaire
atteinte de thrombo-phlébite otique, la propagation se fait par périphlé-
bitté grâce à l'intimité du nerf et de la veine surtout dans le trou
déchiré; 2° entre la jugulaire et le digastrique, il s'agit le plus souvent
de compression par les ganglions tributaires de l'appareil auditif; 5° entre
le digastrique et la mastoïde; c'est notamment dans la mastoïdite de
Bézold que le pus vient fuser par la gaine de l'artère occipitale de l'a face
interne de la mastoïde jusqu'au devant de l'apophyse transverse de l'atlas,
point de croisement de l'artère et du nerf (Leroux, La névrite spinale
d'origine otite, Thèse de Paris, 1905). ,
La paralysie de la branche externe du spinal se traduit par la paralysie
des muscles sterno-mastoïdien et trapèze. ,
Quand le muscle sterno-mastoïdien est paralysé unilatéralement (voir
ET DES NERFS SPINAUX. C29
p, 5,(i) la tête est inclinée sur l'épaule du côté sain, la face en rotation
vers le côté paralysé; cette attitude est due a l'action du muscle sterno-
mastoïdien normal; les mouvements passifs s'exécutent normalement,
contrairement à ce que l'on observe dans le torticolis. Si l'on prie le
malade de faire des efforts pour abaisser la tête que l'on maintient dans
l'extension, on constate que le muscle sterno-mastoïdien paralysé ne se
contracte pas. Lorsque les deux muscles sterno-Illastoïdiens sont paralysés,
la flexion de la tête n'est possible qu'avec les muscles accessoires.
La paralysie du muscle trapèze (voir p. 570) a pour conséquence
rabaissement de l'épaule, l'angle externe du seapulum est entraîné en
bas par le poids du membre supérieur tandis que l'angle inférieur se
rapproche de la ligne médiane, le bord interne de l'os s'écarte de la co-
lonne vertébrale. Les mouvements du bras sont pénibles il cause du
manque de fixation du scapubun au thorax. Le malade a de la difficulté
pour hausser les épaules. Duchenne a noté que parfois le faisceau
claviculaire du trapèze était paralysé dans racle volontaire de l'élévation
de l'épaule, mais se contractait dans l'acte de la respiration. Dans le mou-
vement d'effacement des épaules en arrière le trapèze peut être suppléé
par le rhomboïde, mais alors le bord interne du scapulum s'écarte du
thorax, alors qu'il s'en rapproche quand le trapèze agit.
La paralysie, de la branche interne du spinal a pour conséquence des
troubles de la phonation et, de la déglutition. Lorsque cotte paralysie est
bilatérale le pouls est. accéléré.
Paralysie du nerf hypoglosse. La paralysie de l'hypoglosse s'ob-
serve à la suite des traumatismes ou des compressions du nerf, mais elle
est le plus souvent, créée par les lésions bulbaires.
Quand le malade tire la langue, la pointe est déviée du côté de la para-
lysie par l'action du muscle génio-glosse demeuré sain. Bahinski a attiré
l'attention sur ce fait que lorsque la langue est hors de la bouche elle
est déviée du côté atrophié, et lorsque la langue est, maintenue dans la
cavité buccale elle présente une déviation en sens inverse. Babinski a
constaté aussi que, dans certains cas, Itemiatrojrnie de la langue n'ame-
nait pas de (roubles fonctionnels importants. .
Le plus habituellement les lettres /, s, k. rJ, l'II, 1', sont difficiles à
prononcer. On observe aussi des troubles de la déglutition, les aliments
s accumulent entre la joue et les arcades dentaires, la salive s'écoule des
lèvres. L bemiatrophie de la langue dans les cas de lésion unilatérale est
très nette. Lorsque les doux hypoglosses sont paralysés, ainsi dans les
paralysies bulbaires, les troubles moteurs, la difficulté de la phonation et
de la déglutition sont très accentués.
Paralysie du nerf phrénique. Le phrénique peut être comprimé
par des tumeurs, abcès, anévrisnics. Ailleurs, la paralysie du nerf est
créée par des traumatismes. dos polynévrites infectieuses ou toxiques
(saturnisme, diphtérie, etc.). Le diaphragme est parfois paralysé au cours
des inflammations pleurales ou péritonéales de voisinage. Les lésions de
[G. GUILLAIN ]
650 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES DES NERFS CRANIENS
la moelle cervicale (compressions, poliomyélites), ou des centres respira-
toires du bulbe amènent la paralysie du diaphragme.
La paralysie du phrénique se traduit par la paralysie du muscle dia-
phragme (voir p. 505). Les régions de l'hypocondre s'affaissent pen-
dant l'inspiration et se dilatent pendant l'expiration, contrairement il ce
que l'on observe à l'état normal. La dyspnée peu accentuée durant le
repos existe au moment des efforts, la voix est affaiblie, l'expectoration
difficile. Bien que les muscles inspirateurs accessoires (les scalènes, le
sterno-mastoïdien, la portion claviculairc du trapèze) puissent suppléer
en partie le diaphragme, la paralysie de ce muscle est toutefois très grave
lorsque le malade a une infection du poumon (pneumonie, congestion
pulmonaire), car l'asphyxieront être rapide.
Dans les cas de paralysie unilatérale du phrénique, on constate une
asymétrie manifeste entre les deux bases du thorax lors des mouvements
respiratoires. .
Paralysie du nerf circonflexe. Les causes de la paralysie du nerf
circonflexe sont : les traumatismes de la région scapulaire, les luxations
de l'épaule et les tentatives de réduction de ces luxations, la compression
du nerf dans le creux axillaire (par des béquilles par exemple), les
arthropathies aiguës ou chroniques de l'articulation scapulo-hnmerale.
Cliniquement les lésions du nerf circonflexe se traduisent par la para-
lysie du muscle deltoïde (voir p. ? 11). L'ancsthesie. qui est assez fré-
quente, occupe une grande partie de. la région postérieure de l'épaule et
le bord externe du bras jusqu'à trois ou quatre travers de doigt au-dessus
de l'épicondylu.
Paralysie du nerf radial. La paralysie du nerf radial peut être
déterminée par des blessures du nerf, des contusions, des compressions
par tumeurs, anévrisuics, cals vicieux; elle est parfois consécutive aux
luxations de l'épaule, aux luxations et aux fractures de la tête du radius,
elle se voit chez les porteurs d'eau et chez les individus qui font usage
de béquilles; fréquemment elle est causée par la compression du nerf
pendant le sommeil, surtout le sommeil de l'ivresse.
Le froid est souvent incriminé comme cause de la paralysie radiale
(paralysie rhumatismale, paralysie a frigore). Dans quelques cas le
muscle court respirateur paraît, avoir une action sur l'origine de la para-
lysie radiale chez certains sujets qui, par leur profession (chef d orches-
tre), sont obligé de faire des mouvements fréquemment répétés de pro-
nation et de supination (Guillain et Courtelleniont) ; dans les mouvements
de pronation forcée le nerf radial peut subir une etongatioudufaitde
son enroulement autour de l'humérus et de la tôle radiale (Dehovect
Tlruhl). La paralysie du nerf radial peut être créée par une névrite nifcc-
tieuse ou toxique; la paralysie radiale saturnine est. extrêmement fré-
quente. La paralysie radiale se voit aussi au cours du faites. . ,
Le malade atteint d'une paralysie du nerf radial se présente, en géné-
ral, l'avant-bras à moitié fléchi, la main en pronation et en demi-flexion.
ET DES NERFS SPINAUX. G31
L'extension des doigts est impossible, mais si l'on relève les premières
phalanges, les deuxièmes et troisièmes phalanges peuvent toutefois
s'étendre par l'action des loinbricaux et des interosseux. La limitation des
mouvements des doigts que cause la paralysie des extenseurs des pre-
mières phalanges rend difficile l'acte de tenir un crayon ou un pinceau,
les malades toutefois écrivent en petits caractères. L'extension de la main
sur l'avant-bras est impossible, les mouvements de latéralité de la main
ne peuvent, plus se faire (paralysie du cubital postérieur et du premier
radial externe). La flexion des doigls vers la main se fait avec moins de
force que du côté sain, car les points d'insertion des tendons fléchisseurs
sont rapprochés les uns des autres consécutivement il la paralysie des
extenseurs, de sorte que si artificiellement on supplée il l'action des
extenseurs en relevant le poignet, on constate que la flexion des doigts
se fait avec autant de puissance que normalement.
La paralysie du court supinateur a pour conséquence l'impossibilité
de la supination de la main alors que l'avant-bras est dans l'extension
sur le bras; il faut se souvenir que le biceps est un supinateur de la
main en même temps qu'un fléchisseur de l'avant-bras sur le bras. La
paralysie du long supinateur est facile à constater : la main reposant sur
le hord cubital on prie le malade de fléchir l'avant-bras sur le bras et
l'on s'oppose il ce mouvement., on ne sent plus alors le corps musculaire
contracté au niveau du bord externe de l'avant-bras.
Lorsque la lésion du nerf radial a son siège dans le creux axillain', la
paralysie, du triceps est complète et tous les mouvements d'extension de
l'avant-bras sur le bras sont impossibles. Lorsque le nerf radial est lésé
au-dessus de la gouttière de torsion, le vaste interne et l'aucune sont
paralysés. Quand la lésion siège au niveau du coude, les muscles supina-
teurs sont respectés.
Les troubles de la sensibilité sont fort peu importants dans la plupart
des cas de paralysie radiale; dans les paralysies a frigore ou par com-
pression on ne les observe presque jamais.
Les troubles trophiques ne sont pas très fréquents; il faut signaler
toutefois l'existence de la tumeur dorsale du poignet que l'on observe
principalement dans les cas de paralysie saturnine; il s'agit d'une tumé-
faction presque fluctuante, mobile, indolente, siégeant au niveau de la
gaine des tendons extenseurs et due il une synovite chronique. Charcot.
considérait celte tumeur dorsale du poignet comme un véritable, trouble
trophique; pour Erb, cette lésion aurait une origine essentiellement
mécanique et serait causée par le frottement sur le carpe des ten-
dons maintenus longtemps en flexion. La tumeur dorsale du carpe
est une lésion bénigne qui rétrocède complètement quand la paralysie
guérit.
La-durée et révolution d'une paralysie radiale, dépendent essentielle-
ment de sa cause. Le pronostic sera basé, comme dans toutes les paraly-
sies périphériques, sur l'état des réactions électriques. La paralysie
[G GCILLAIN ]
li;)2 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES DES NERFS CRANIENS
radiale a (l'igol'e ou rhumatismale banale a un pronostic très favorable ,
la guérison complète survient toujours.
Parmi les formes cliniques de la paralysie radiale, une des plus inté-
ressantes à connaître est la paralysie radiale d'origine saturnine. Elle est
bilatérale, atteint d'abord les extenseurs des doigts, puis ensuite les
autres muscles innervés par le nerf radial il l'exception des muscles supi-
nateurs. Sans doute le court supinateur est parfois paralysé, mais le Ion"
supinateur est toujours respecté. Il faut se rappeler que, d'après
Bernhardt, certains cas de paralysies radiales par compression axillaire
ne s'accompagnent pas de paralysie du long supinateur.
Paralysie du nerf cubital. La paralysie du nerf cubital s'observe
à la suite dès traumatismes (luxations de l'épaule, fractures de l'humérus,
de l'épitrochlée, de 1'0lc'crÙne), il la suite de compressions (béquilles,
cals vicieux, etc.), à la suite de névrites infectieuses ou toxiques (alcool,
lèpre, syphilis, fièvre typhoïde, etc.). Lps paralysies professionnelles
sont assez fréquentes (menuisiers, cordonniers, boulangers faisant des-
pains fendus, dans les cas de Guillain et Huct, etc.).
Le nerf cubital innerve les muscles de l'éminence hypothénar, les
interosseux, les deux derniers lombricaux, l'adducteur du pouce, les
deux faisceaux internes du fléchisseur profond, le cubital antérieur.
Quand le cubital est paralysé, les mouvements de flexion, d'abduction
et d'adduction du petit doigt sont abolis. L'adduction du pouce est
impossible. Consécutivement à la paralysie des interosseux, la flexion des
premières phalanges et l'extension des doux dernières sont impossibles;
l'abduction et l'adduction des doigts sont presque nulles. Les malades se
servent du pouce et de l'index pour la préhension des objets.
L'atrophie musculaire, qui est la conséquence de la paralysie du
cubital, détermine une grillé spéciale bien décrite par Duchenne. L'emi-
nence thénar est aplatie, les espaces iutermetacarpieus sont déprimés,
le pouce est fléchi et écarté de la paume, la première phalange des
doigts est en hyperextension; les deux dernières, au contraire, sont
fléchies; celte attitude des doigts est spécialement nette à l'annulaire et
à l'auriculaire. -
t'anesthesip n'est pas constante dans la paralysie du cubital. Quand
elle existe on observe les troubles de la sensibilité au niveau de la région
de l'éminence hypothénar, à la face palmaire du petit doigt et de la
moitié interne de l'annulaire, puis il la partie interne de la face dorsale
de la main, il la face dorsale de l'annulaire et de la première phalange de
l'index et du médius.
Paralysie du nerf médian. La paralysie du nerf médian est consé-
cutive à des traumatismes (plaies du poignet par instruments tranchants
assez fréquentes, luxation de l'épaule, fractures du bras ou de lavant-
bras), à des névrites infectieuses ou toxiques.
Lorsque le nerf médian est lésé au niveau du bras, tous les muscles
innervés, par lui sont paralysés (rond pronateur, grand palmaire, petit
ET DES NERFS SPINAUX. C55
palmaire, fléchisseur superficiel des doigts, fléchisseur propre du pouce,
les deux faisceaux externes du fléchisseur profond, carré pronateur,
muscles de l'éminence thénar, les deux premiers loinbricaux). Lorsque le
nerf est lésé au-dessus du poignet, seuls sont paralysés les muscles de
l'éminence thénar (court abducteur, opposant, court fléchisseur) et les
loinbricaux. .
La paralysie complète du médian a des conséquences sérieuses. La
flexion de la main sur l'avant-bras est presque' nulle, seul le cubital
antérieur a conservé dans l'adduction la possibilité de la flexion ; le mou-
vement de pronation est aboli par la paratysie du rond pronateur et du
carré pronateur, seul le long supinateur conserve une certaine action
pronatrice limitée. Tous les mouvements du pouce, à l'exception du
mouvement d'adduction, sont abolis. Au niveau des doigts la flexion des
premières phalanges sur les métacarpiens est conservée (action des inter-
osseux innervés par le cubital),- la flexion des deuxièmes phalanges sur
les premières est abolie, la flexion des troisièmes phalanges sur les
secondes est abolie au médius et à l'index, car les faisceaux du fléchisseur
profond se rendant à ces deux doigts sont paralysés, mais à l'annulaire
et à l'auriculaire la flexion des troisièmes phalanges sur les secondes
peut se faire, car les faisceaux du fléchisseur profond destinés à ces deux
doigts sont innervés par le cubital.
Consécutivement à la'paralysie du nerf médian on observe une grille
spéciale de la main, la griffe médiane : la région de l'éminence thénar
est atrophiée, la paume de la main aplatie, le pouce'est sur le même plan
que les autres doigts; au niveau de l'index et du médius les premières
phalanges sont fléchies et les deux dernières étendues (action prédomi-
nante des interosseux) ; au niveau de l'auriculaire et de l'annulaire les
deuxième et troisième phalanges sont dans une demi-flexion.
Les troubles de la sensibilité font très souvent défaut dans les cas de
paralysie du nerf médian. Quand ils existent, ils occupent la zone de
distribution cutanée du nerf (partie externe de la paume de la main,
face palmaire des trois premiers doigts et moitié externe de la face pal-
maire de l'annulaire, face dorsale des deux dernières phalanges de
l'index et du médius, puis moitié externe des deux dernières phalanges
de l'annulaire)..
Paralysie du nerf crural. Les causes les plus fréquentes de la
paralysie du nerf crural sont : les tral1luatismes (section du nerf par
instrument, tranchant, fracture du fémur, etc.), les compressions par des
tumeurs pelviennes, la psoïtis, les névrites infectieuses ou toxiques, la
névrite appendiculaire (Raymond et Guillain). Bernhard a observé la pa-
ralysie du crural il.la suite de la réduction non sanglante de la luxation
congénitale de la hanche. K. Mcndet et Bruno \1-ulll' ont observé une pa-
relysic 111 : 1tC1' : lle des nerfs cruraux après une opération gynécologique;
durant cette opération, les cuisses furent maintenues en flexion forcée et
en abduction. Les ailleurs pensent que la pathogénie de ces paralysies ? r.TT11,l.Ar/V]
654 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES DES NERFS CRANIENS
est purement mécanique et lient au frottement du nerf crural contre le
ligament de Poupart.
Le crural innerve le couturier, le quadriceps fémoral, le psoas iliaque,
le pectiné, le moyen adducteur; sa lésion a pour conséquence la paralysie
de ces différents muscles (voir pp. 542, 545, : ici9, 544). L'extension de
la jambe sur la cuisse (quadriceps fémoral), la flexion de la cuisse sur le
bassin (psoas) sont abolis, d'où la difficulté ou l'impossibilité de la marchc,
du saut, de la station debout. Les troubles sensitif ? quand ils existent,
s'observent à la partie antérieure et interne de la cuisse, à la partie anlé-
rieure et interne de l'articulation du genou, à la partie interne de la
jambe et au bord interne du pied.
Paralysie du nerf sciatique. La paralysie du nerf sciatique peut
porter soit sur le tronc du nerf, soit sur une de ses branches terminales,
le sciatique poplité externe ou le sciatique poplité interne.
Les causes de ces paralysies sont : les traumatismes, l'élongation, la
compression par des tumeurs ou abcès du bassin, les luxations de. la
hanche, la luxation du genou, les accouchements laborieux('), les névrites
infectieuses ou toxiques. La névrite du sciatique poplité externe est une
des plus fréquentes parmi les névrites toxiques. Souques a signalé une
paralysie isolée du nerf tibial antérieur, survenue il la suite du maintien
prolongé de la position « du tireur ¡'l genou ». Dans cette position, le
nerf tibial subit une élongation du fait de rhyperextensiou du pied sur la
jambe.
Le sciatique poplité externe innerve les muscles de la région antéro-
externe de la jambe et les péroniers. Quand il est paralysé la pointe du
pied est abaissée, la plante du pied regarde en dedans. Les mouvements
d'adduction et d'abduction de la pointe du pied sont presque impossibles.
Dans la marche le malade est obligé de fléchir la cuisse sur le bassin pour
due la pointe du pied ne frotte pas contre le sol, il steppe.
J'ai indiqué plus haut, dans l'étude mvologiqle, les symptômes et les
conséquences de la paralysie isolée du jambier antérieur, du long exten-
seur commun des orteils, du long péronier latéral et du court péronier
latéral (voir pages )4(i, 547, 548, 54 ! )).
Ilirschfeld (l3er'l. lilin. Woch., 15 mars 1905, d'après une analyse de
la Sem. méd.) a récemment attiré l'attention sur un symptôme moteur
particulier que l'on observe dans les cas de parésie du sciatique poplité
externe. Si l'on prie un malade atteint d'une parésie des muscles innervés
par le sciatique poplité externe de faire un mouvement de flexion dorsale
du pied, on constate que l'angle formé par cette flexion dorsale est plus
petit quand le membre inférieur est en extension que quand il est fléchi
au niveau de l'articulation du genou. La différence dans l'étendue du
mouvement du pied, suivant que la jambe, est on n'est pas fléchie, atteint
50° à ! 0°; dans les paralysies très accentuées, elle peut être assez pro-
1. Les paralysies obstétricales sont le plus souvent limitées au sciatique poplité
externe.
ET DES NERFS SPINAUX. 655
noncée pour que la flexion dorsale du pied soit rendue impossible quand
la jambe est étendue alors qu'elle est possible quand le genou esl plié.
Ilirschfeld invoque les considérations suivantes pour expliquer le phéno-
mène : les muscles innervés par le nerf sciatique poplité externe ont pour
fonction de relever le pied et de le rapprocher de la jambe; dans cette
action ils sont appelés à vaincre non seulement le poids du pied, mais
encore l'action antagoniste de la musculature du mollet; or, si la pre-
mière de ces forces reste constante quelle que soit l'attitude du membre,
il n'en est pas de même de la seconde, les muscles jumeaux et plantaire
la jambe est en extension que quand le genou est plié, ce qui rapproche
les points d'insertion de ces muscles. A l'état normal toutefois cette résis-
tance antagoniste de la musculature du mollet n'influence aucunement
l'étendue de la flexion dorsale du pied, mais les muscles innervés par le.
nerf sciatique poplité externe étant aiïaiblls, cette résistance devient suf-
Ësante pour entraver le mouvement, surtout si la jamhe est en extension.
t Lorsque des troubles sensitifs existent dans la paralysie du sciatique
poplité externe, ceux-ci s'observent sur la face dorsale du pied à l'excep-
tion d'une hande interne, puis sur la face externe, la moitié de la face
antérieure et les deux tiers de la face postérieure de la jambe.
La paralysie du sciatique poplité interne a pour conséquence la para-
lysie des muscles de la région postérieure de la jambe et des muscles de
la plante du pied; les mouvements de flexion, -d'abduction et d'adduction
des orteils, les mouvements de flexion plantaire du pied sont abolis. On
trouvera plus haut les symptômes et les conséquences de la paralysie
du triceps sural, du long fléchisseur commun des orteils, des inter-
osseux du pied (voir pages 549, 551, 555).
La paralysie du tronc du nerf sciatique a pour conséquence la paralysie,
des muscles innervés par le sciatique poplité externe et le sciatique po-
plité interne et aussi la paralysie des muscles biceps fémoral, demi-
tendineux et demi-membraneux (voir page : in4) ; dans ces conditions, la
marche est presque impossible.
Les troubles vaso-moteurs et les troubles trophiques sont relativement,
fréquents dans les paralysies graves du nerf sciatique.
[G. GUILLAIN.] 1
MALADIES DU LARYNX
par le Dr M. LANNOIS
Il est classique de répéter que le larynx a deux fonctions qui s'opposent
l'une à l'autre : la phonation qui nécessite le rapprochement des cordes
vocales, la respiration qui implique leur abduction. La première est une
l'onction acquise et constitue un acte volontaire dont le centre doit être
dans l'écorce cérébrale. La seconde, fonction primordiale et indispen-
sable il l'existence, doit être soustraite à l'influence de la volonté, s'ac-
complir automatiquement : aussi a-t-l'lle son centre dans le bulbe. Parmi
ordre inversé, chacun de ces centres principaux a un centre secondaire
d'importance moindre qui siège dans le bulbe pour la phonation, dans
l'écorce cérébrale pour la respiration : dans des limites «assez restreintes
d'ailleurs, nous pouvons volontairement accélérer ou suspendre l'introduc-
tion de l'air dans les poumons. Ces centres sont reliés par des connexions
nerveuses allant de l'écorce au bulbe et inversement.
Il suffit de rappeler à ce sujet les expériences bien connues de \nlpian :
un animal auquel on enlève le cerveau et le cervelet continue à crier si
on le pince. De même les anencéphalos ont des vagissements comme les
nouveau-nés. Dans l'un et l'autre cas la respiration peut n'être pas sensi-
blement gênée.
L'étude des filets nerveux qui président aux divers mouvements du
larynx, de leurs rapports avec les troncs nerveux voisins, de leur origine
bulbaire, de leurs connexions avec les centres corticaux de la respiration
et de la phonation, du siège de ces centres eux-mêmes, adonné lieu à des
controverses sans lin et, malgré cela, il est encore bien des points qui sont
mal connus et qui donnent lieu à discussion. lous ne pouvons que les
indiquer très brièvement ici.
Le centre phonatoire du larynx a été découvert par ifermann Krause
qui, à la suite d'expériences bien conduites d'excitation et d'ablation delà
corticalité, le localisa à la région antérieure du girus prdrontalis chez
le chien. Les recherches de Ferrier, de Dure ! , de Soumaun, indiquent
comme siège du centre phonatoire la partie inférieure et latérale de la cir-
convolution précruciale. Semonet Horsley précisèrent encore davantage le
centre de Krause et confirmèrent sa localisation, chez le singe, il la partie
antérieure du pied de la circonvolution frontale ascendante : de plus cote
MALADIES DU LARYNX. 657
de la zone qui commandait les. mouvements d'adduction, ils trouvèrent
un centre pour l'abduction et même un centre qui accélérait les mouve-
ments respiratoires. De même, R. Russel a démontré l'existence d'un
centre respiratoire au-dessous du centre phonatoire. Adduction des cordes
n'est pas en effet synonyme de phonation et pour que celle-ci se produise
il faut en outre la mise en activité de muscles très divers et d'un courant
respiratoire. Katzenstein a bien mis en évidence un centre de la phona-
tion voisin du centre cortical de la respiration et du centre volontaire des
mouvements des- cordes vocales :
Au point de vue physiologique ces centres du larynx présentent une
particularité remarquable : l'excitation d'un seul centre est toujours
accompagné de mouvements bilatéraux des cordes vocales, soit en
adduction, soit en abduction. Il faut ajouter toutefois que Masini a
soutenu qu'il y avait une région qui pouvait provoquer des mouvements
localisés à la moitié opposée du larynx; plus récemment Katzenstein
obtint des mouvements localisés au côté correspondant ou au côté op-
posé et Broeckaert, tout en maintenant l'opinion classique des mouve-
ments bilatéraux par l'excitation unilatérale de l'écorce, a vu trois fois
une contraction exclusive de la corde du côté opposé. Bien que ces faits
expérimentaux aient été contestés, nous allons les retrouver à propos de
la pathologie humaine. - '
Au niveau du bulbe, la représentation du larynx se trouve dans l'aile
grise sur le plancher du quatrième ventricule. On connaît la figure clas
sique de Semon qui a figuré une zone relativement très étendue qui com-
mande l'abduction bilatérale des cordes, c'est-à-dire l'acte respiratoire,
et des zones plus petites qui correspondent à l'adduction bilatérale, l'ab-
duction unilatérale et la position cadavérique des cordes. Ceci correspond
ELANNOIS.]
Fiir. 1. - Centres moteurs corticaux (lu larynx (d'après Semon et Horsley). - CS, sillon cru-
cial; Coi-8- sillon coronaire; ab, zone de l'abduction; ad, zone de l'adduction; ac, zone de
l'accélérai ion respiratoire.
C58 TROUBLES DU LARYNX. w
au noyau postérieur du pneumogastrique, lés autres fibres motrices de ce
nerf provenant du noyau ambigu dont la partie inférieure constitue le
noyau bulbaire du spinal : or nous allons voir la part importante que prend
la portion bulbaire du spinal
dans l'innervation du larynx.
Ajoutons toutefois que cette, dis-
tribution n'est pas admise par
tous les anatomistes et que Yan
Gehuchten attribue le noyau
ambigu exclusivement au pneu-
mogastrique, le noyau de l'aile
grise étant au contraire com-
mun au vague et au spinal.
De ces origines
réelles, encore
indécises comme
on le voit, le
pneumogastri-
que et le spinal
sortent du hulbe en arrière de
l'olive par un assez grand nom-
bre de filets (10 à 15 pour le
pneumogastrique, 5 à 6 pour le
spinal), se condensent en troncs
nerveux et se dirigent vers le
trou déchiré postérieur avant
lequel le . spinal s'accole à sa
branche médullaire, ils pénètrent clans cette ouverture, ou se voit le ganglion
jugulaire, accompagnés par le glosso-pharyngien, la traversent avec le bout
terminal du sinus latéral, croisent le sinus pétreux inférieur et arrivent
dans l'espace latéro-pharyngien (espace sous-glandulaire postérieur de
Sebileau). Le pneumogastrique et le spinal sont ici en connexion étroite avec
tous les éléments du paquet vasculo-nerveux et notamment avec la carotide
interne, la jugulaire interne, l'hypoglosse, le grand sympathique et d'assez
nombreux ganglions lymphatiques. Ce qui nous intéresse le plus c'est que
le pneumogastrique, immédiatement au-dessous du trou déchiré postérieur
présente le ganglion plexiforme qui reçoit à sa partie supérieure et externe
la branche interne du spinal, tandis que la branche externe de ce nerf,
qui correspond à sa portion médullaire, s'écarte pour aller innerver le
sterno-cléido-mastoïdien et le trapèze. C'est de ce ganglion que partent
les nerfs pharyngiens supérieur et inférieur qui iront s'anastomoser avec
les filets du glosso-pharyngien et du sympathique pour former le plexus
pharyngien où prendront naissance les nerfs du voile du palais.
C'est aussi du ganglion plexiforme, à sa partie inférieure, que naît le
nerf laryngé supérieur : il nous suffira de rappeler que celui-ci se divise
Fig. 2. Centres moteurs bulbaires du larynx
(d'après Semon et Horsley). - acq, corps
quadrijumeaux antérieurs; pcq., corps quadri-
jumeaux postérieurs; es, calamus scriplorius ;
ac, aile grise.
Zone d'vhdactiowbidatérale.
Zone d'adduction bilatérale.
Zone d'aidtiction unilatérale.
Zone donnant la posilion'ca-
davérique.
.MALADIES DU LARYNX. 659
en deux branches dont l'inférieure (nerf laryngé externe) fournit des
filets moteurs au muscle crico-thyroïdien et dont la supérieure beaucoup
plus volumineuse va se distribuer à la muqueuse du larynx, y compris
l'cpiblotte et la base de la langue, pour lui donner sa sensibilité. Le nerf
larviu'é supérieur est donc surtout un nerf sensitif.
La inutilité du larynx est assurée par le nerf laryngé inférieur ou
récurrent. On sait que ce nerf se détache du tronc du pneumogastrique il
la partie inférieure du cou pour le côté droit, il l'intérieur même du
thorax pour le côté gauche; qu'il présente une portion inférieure, curvi-
ligne, qui embrasse dans son anse, à droite l'artère sous-clavière, à gauche
la crosse de l'aorte; qu'il remonte ensuite verticalement entre la trachée
et l'oeophage, en arrière de la glande thyroïde, pour venir innerver tous
les muscles du larynx, saul' Ic crico-tly-roïclicn. On admet généralement
que le nerf récurrent est purement moteur et qu'il innerve seul tous les
muscles du larynx. Nous renvoyons aux traités spéciaux pour les contro-
verses qui se, sont élevées sur la possibilité de l'existence dans le récur-
rent de libres sensitives, opinion défendue par Krause et divers expéri-
mentateurs et plus récemment encore par iirocckaert, les fibres centri-
pètes provenant soit du laryngé supérieur par l'anastomose de Oalieu, soit
des filets auastomotiqucs nombreux qui relient les récurrents aux autres
nerfs du cou.
Plus intéressante est la constitution anatomique du récurrent : peu de
questions ont été aussi discutées. Les divergences ont pour point de dé-
part la fusion qui s'opère au niveau du ganglion plexiforme entre le pneu-
mogastrique et la branche interne du spinal. Pour certains auteurs l'inner-
vation motrice du larynx viendrait tout entière de la dixième paire, pour
d'autres au contraire elle a son origine exclusive dans la branche interne
de la onzième (Bcevor et Horsley, Semon). Lermoyez, par sa conception du
vago-spina). est venu concilier ces deux opinions opposées : nous avons vu
que le pneumogastrique et le spinal avaient pour origines apparentes
bulbaires trois groupes de filets dont le supérieur constituait le pneumo-
gastrique et l'inférieur le spinal : or le groupe moyen considéré par
beaucoup d'auteurs (Claude Bernard, etc.) comme la portion bulbaire
du spinal, doit au contraire, d'après les recherches récentes de Rethi, de
Grabower, etc., être rattachée au pneumogastrique. Or c'est précisément
a ces libres moyennes que l'expérimentation a démontré, oui Ire les mains
de Cliauveau, de Vulpian, de Grabower et de Hl'lhi, qu'il fallait rattacher
les mouvements du larynx. La notion du vago-spinal, nerf purement but-
bairc. tel qu'elle est admise par Grabower et pal' Lenlloyez, innervant à
la lois une moitié du pharynx, du voile du palais et du larynx, parait ac-
tllcllclI)('111 admise par Ions les auteurs, sauf d'insignifiantes restrictions :
nous aurons plusieurs fois l'occasion de la retrouver.
[LANNOIS] 1
640 MALADIES DU LARYNX.
I. TROUBLES SENSITIFS
Nous indiquerons ici : 1 u l'anesthésie du larynx; 2° l'hperesllrésie;
5" les paresthésies 4° la névralgie; 5" les troubles réflexes d'origine
laryngée.
1" Anesthésie du larynx. On admet généralement que
l'hystérie s'accompagne facilement (une fois sur six d'après Thaon)
d'anesthésie du larynx. Mais on a fait remarquer, avec Thaon et avec
Lichtwitz, qu'on ne trouvait pas une hémianesthésie du larynx, liée ou
non à l'hémianestlrésic cutanée, mais les troubles plus ou moins gené-
ralisés à toute la muqueuse. Avec les idées actuelles sur les stigmates
hystériques, on peut se demander s'il ne s'est pas agi souvent de sugges-
tion dans ces constatations. Il semble du moins que l'anesthésic puisse
exister dans les cas d'aphonie ou de mutisme hystérique. Une émotion
vive peut produire cette perte de la sensibilité (Moure). Enfin on l'a signa-
lée comme un phénomène de la crise épileptique; elle peut même persis-
ter un certain temps après l'accès.
1.'ancstliésic du larynx se rencontre après quelques affections graves
comme le choléra ou la diphtérie : dans ce dernier cas elle coexiste
presque toujours avec l'anesthésie du pharynx et du voile el, comme elle
est la conséquence de l'atteinte du nerf laryngé supérieur, avec la para-
lvsie du crico-thyroïdien ainsi qu'avec celle de t'ary-epigtottiquc, d'où la
pénétration facile des liquides et des aliments dans le larynx.
Zieinssen a même signalé les troubles de la sensibilité dans les para-
lysies du récurrent, ce qui est au moins exceptionnel.
Certaines lésions bulbaires (tabès, syringobutbie), les lésions graves du
cerveau (paralysie générale), certains troubles démentiels s'accompagnent
d'anesthésie du larynx : la mort des paralytiques généraux ou des
déments par l'introduction d'aliments ou de corps étrangers dans le
larynx est bien connue. L'action du chloroforme ou de l'éther sur la corti-
cal i té produit aussi la porte de sensibilité du larynx dans les anesthésies
chirurgicales. ' .
Les svniplôincs subjectifs sont le plus souvent nuls et il faut aller
toucher le larynx avec un stylet pour constater qu'il est insensible en
totalité ou en partie. Lorsque l'anesthésie est partielle elle est le plus
souvent limitée au vestibule ou à la région sus-gtottique. Presque toujours
la sensibilité thermique est conservée.
Il peut y avoir dissociation des sensibilités à la douleur et au contact :
témoins ces malades de certaines cliniques laryngologiques qui se laissent
toucher sans difficulté la muqueuse du larynx et peuvent même localiser
les points touchés.
La marche est variable : incurable et progressive dans les affections
bulbaires, elle disparaît peu il peu lorsqu'il s'agit de névrite comme dans
TROUBLES SENSITIFS. 641 1
la diphtérie. L'anesthésic hystérique peut disparaître par suggestion. Le
pronostic sera également très différent suivant les cas puisqu'il pourra
parfois se produire de son l'ait des morts rapides chez des aliénés débiles
ou chez des paralytiques généraux.
Le traitement s'adressera à la cause. L'électrisation agit comme moyen
de choix pour la suggestion dans l'hystérie. Les formes névritiques sont
justiciables de l'électricité et de la strychnine. Chez les aliénés qui ont
des troubles de la déglutition on sera parfois obligé de recourir à la sonde
oesophagienne.
2° Hyperesthésie du larynx. L'hyperesthésie du larynx
intéresse moins les neurologistes que l'anesthésie, car si elle se rencontre
parfois au début de la tuberculose alors qu'il n'y a pas encore de lésions,
si elle accompagne les lésions inflammatoires de la muqueuse laryngée,
il est beaucoup plus rare qu'on puisse lui attribuer une origine nerveuse.
On la renconlrera cependant dans l'hystérie où elle s'associe souvent avec
la paresthésie ou la névralgie. Chez certaines névropathes on pourra la
notera l'occasion de la grossesse ou de la menstruation. On l'a vue aussi
se produire au moment de la dentition ou il l'occasion d'une inflammation
du nez, du naso-pharynx ou de l'oreille, par une voie réflexe empruntant
le trijumeau ou les filets les plus divers du pneumogastrique.
Elle se traduit par une exagération de la sensibilité laryngée : les
malades toussent pour une variation insignifiante de l'air inspiré, une
gouttelette de liquide pénétrant dans le vestibule détermine du spasme.
Ils ont des sensations paresthésiques douloureuses que la déglutition des
aliments peut faire cesser (Moure) et les hystériques se condamnent au
silence sous prétexte de brûlure ou de picotements pendant la parole :
c'est ce que Thaon a appelé la phonophobie.
Ce symptôme est souvent tenace et sujet à récidive, mais au total de
pronostic bénin. Dans les conditions qui nous occupent il est justiciable
de la suggestion thérapeutique associée aux valérianates, au bromure et
à l'hydrothérapie.
3" Paresthésies du larynx. Ici encore nous retrouvons comme
condition éliologique l'hystérie, mais surtout la neurasthénie dans sa
forme anxieuse et l'hypocondrie. Souvent ce sont des malades qui ont
avalé un fragment d'os, une arête, un pépin d'orange ou de pomme, etc.,
et qui sont persuadés que le corps étranger est encore dans leur larynx
alors qu'ils t ont depuis longtemps avalé ou expulsé dans une quinte de
toux; ces ! 1 illusion de fausse présence. Souvent il s'agit de ces lésions
du nez ou du naso-pharynx que nous venons de voir causer fréquemment
l'hyperesthésie.
Au point, de vue symptomatique les malades éprouvent les sensations
de picotement, de fourmillement ou de brûlure qui les font racler et
liemuler d'une façon continue el désagréable. Il va de soi que l'examen
avec le miroir laryngien est absolument négatif, lloure a insisté sur la
disparition des sensations pendant les repas.
PHATIQUE NEUIIOL. 41
[LA 1Y l\'Ors.] ]
642 MALADIES DU LARYNX.
L'affection est tenace et récidive pour un rien. Souvent les malades
neurasthéniques ou hypocondriaques se croient atteints de maladies
graves : ils ont la phobie de la tuberculose, de la syphilis et surtout du
cancer.
Le traitement consistera le plus souvent en suggestion il l'état de veille :
elle réussira souvent sur ceux qui se croient porteurs de corps étran-
gers, l'examen laryngoscopique apportant et surtout leur paraissant ap-
porter une précision. Dans un cas que j'ai publié d'un malade qui croyait
avoir un os de lapin dans le larynx, l'anesthésie et la section d'une
bride musculo-fibreuse anormale du cou permirent presque instantané-
ment au malade de manger comme tout le monde, alors que depuis deux
ans il ne se nourrissait plus que de panades. De très bons résultats s'ob-
tiennent aussi lorsqu'on réussit à guérir les malades de la lésion nasale
ou pharyngée causale. Il faudra recourir, dans quelques cas, aux toniques
généraux, le plus souvent il l'hydrothérapie, à l'électrisation, aux prépa-
rations de valériane et aux bromures.
4° Névralgie du larynx. Elle est plus rare que les paresthé-
sies. Elle est plus commune chez la femme (Iluaull), se voit de préférence
chez les neuro-arthritiques, parfois au début, de la tuberculose (Lennox-
Browne). Comme les paresthésies, la névralgie peut être un réflexe dou-
loureux lié aux affections du nez et du naso-pharynx.
La névralgie du larynx se traduit par des accès de douleurs lancinantes
revenant à intervalles plus ou moins réguliers, s'accompagnant d irra-
diations vers l'oreille ou le long de la trachée : la parole fait souvent
revenir l'accès. La pression vers la grande corne de l'os hyoïde, ou
au-dessous de cet os au point où le nerf laryngé supérieur traverse la
membrane thyru-lyoidiennc, permet de constater un point douloureux
analogue aux points de Valleix (Castex).
Il va de soi que l'examen laryngoscopique esl négatif, car les lésions
ulcératives de la tuberculose ou du cancer peuvent déterminer des dou-
leurs. Il est souvent difficile de faire le diagnostic avec les névralgies du
pharynx : on éliminera les otalgies et névralgies dentaires.
Le traitement dillère peu de celui de l'hyperesthésie- : il faudra
recourir en outre à la série des médicaments nervins préconisés dans le
traitement des névralgies, antipyrine, pyramidon, aspirine, aconiline, etc.
Le stypage au chlorure d'élhyle, recommandé par les auteurs classiques,
n'a pas donné de résultats à Huault.
5° Troubles réflexes d'origine laryngée. Le plus commun
est la toux. Qu'une gouttelette de liquide, qu'une parcelle alimentaire
pénètre dans le vestibule laryngien, qu'une mucosité venant des bronches
s'arrête sur les cordes vocales et aussitôt la toux interviendra pour
expulser le corps étranger. C'est un réflexe de défense, ayant pour but
d'assurer la libre circulation de l'air dans l'arbre respiratoire, et dont le
point de départ est dans les filets sensitifs du pneumogastrique. On sait
d'ailleurs combien ce réflexe de la toux est facilement déterminé par
PARALYSIES DU LARYNX. 615
l'irritation d'autres rameaux du vague (toux réflexe des pleurétiques,
toux gastrique, toux otique, etc.).
Expérimentalement on connaît bien depuis les recherches de Brown-
Séquard les réflexes graves que peuvent déterminer certains traumatismes
du larynx : un coup porté sur le larynx à la région antérieure du cou
peut déterminer chez les animaux la syncope ou la mort subite par une
inhibition du bulbe et l'arrêt de fonctionnement du coeur et des mou-
vements respiratoires. Cette action est bien connue des médecins légistes.
Dans les exercices de lutte, dans les rixes, un choc ou une compression
du larynx peuvent déterminer la mort subite : le traumatisme n'a pas
besoin d'être intense et un léger coup porté en jouant par une main
d'enfant a pu avoir ce résultat (BI'ollal'del). La mort subite peut aussi
survenir sans raison apparente chez des malades porteurs de lésion^
laryngées chroniques et les chirurgiens qui opèrent sur le larynx con-
naissent la gravité particulière de ces interventions.
L'anesthesie du larynx diminue très évidemment ces réflexes,
notamment celle qui est obtenue par l'inhalation de ) l'acide carbonique.
(;'est en parlant de ce point que certains auteurs, et surtout E. Weill (de
Lyon), avaient préconisé les inhalations d'acide carbonique contre la toux
spasmodique des coquelucheux et des tuberculeux. Les inhalations
d'acide carbonique pratiquées dans certaines stations thermajy. ,
dans le même sens.
M IL PARALYSIES DU LARYNX
Les paralysies du larynx sont le plus souvent unilatérales : les para-
lysies récurrentielles doubles sont rarement observées. Les nerfs mo-
teurs du larynx peuvent être touchés depuis les centres que nous leur
avons indiques dans l'écorce jusqu'à leur distribution périphérique. Nous
aurons donc à passer en revue : '10 les hémiplégies d'origine corticale;
'2' les hémiplégies d'origine bulbaire; 5" les hémiplégies d'origine
périphérique. Nous y ajouterons 4" les hémiplégies bilatérales et 5° les
hémiplégies associées .
1° Hémiplégie corticale du larynx. C'est là un des points
les plus contestés de la pathologie motrice du cerveau. Si l'on s'en rap-
porte il ce que nous avons dit de l'excitation expérimentale du centre z
cortical de la phonation, si nous ajoutons que les expérimentateurs n'ont
jamais pu déterminer la paralysie des adducteurs par des lésions destruc-
tives de ce centre, il semble bien qu'une lésion corticale ne doive pas
produire de paralysie unilatérale du larynx. Et cependant, un assez
grand nombre d'observations ont été publiées de paralysies laryngées,
soit chez des hémiplégiques qui n'ont pas été suivis jusqu'à la mort,
soit dans des cas où la vérification anatomique a pu être faite.
Les laits de la première catégorie ont été signalés par Lewin, Gerhardt.
ELANNOIS ]
64.4 . MALADIES DU LARYNX.
Ziemssen, Schrôtter, Garel, Cartaz, etc. Il ne semble pas qu'il y ait lieu
de tenir un grand compte de ces faits dans la question si controversée
qui nous occupe, car il est impossible d'affirmer les limites des lésions
causales. Voici, par exemple, le cas de de Bryson-Delavan qui a long-
temps paru probant et que j'avais considéré comme tel dans un mémoire
datant de vingt-cinq ans : l'autopsie ultérieure démontra l'existence d'un
ramollissement du noyau bulbaire. Dans un autre cas de Grabower on
trouva à l'autopsie une compression du récurrent par un anévrisme de
l'aorte méconnu. Tout récemment Attlee et Mills ont publié l'observation
d'un médecin chez lequel on enleva une tumeur de la région où est situé
le centre cortical du larynx, mais l'examen radiographique ayant l'ait
constater la présence de ganglions dans le médiastin, on ne peut s'em-
lipeher de penser à la possibilité d'une lésion récurrentielle comme dans
le cas de Grabower.
Reste les cas où il y a eu à la fois examen laryngoscopique et autopsie.
La critique de ces cas, déjà faite il y a quelques années par Lermoyez,
a été reprise récemment par Broeckaert qui ne retient que les faits de
Garel, de Garel et Dor, de Dejerine, d'EIsenlohr, de Masini, de Roque et
Chalier. Il écarte d'abord ce dernier en se basant surtout sur le siège de
la lésion (lobe pariétal), sur l'association de symptômes pupillaires et
laryngés, les premiers ne pouvant être dus qu'à une lésion du sympa-
thique, sur la présence d'un coeur dilaté : il conclut à une paralysie ré-
currentielle incomplète avec participation du grand sympathique par dila-
tation cardiaque. Les deux cas de Garel, qui sont classiques, manquent
de l'examen approfondi que Lermoyez demande du côté du bulbe, des
racines du vague et du spinal, du tronc du pneumogastrique, du récur-
rent et même des muscles laryngés. A tous les cas enfin, il oppose le
fait, spécifié dans le protocole de l'examen, que la paralysie avait iiiiitio-
bilisé la corde en position cadavérique le plus souvent, parfois en position
médiane. Cela lui paraît impossible pour des lésions de l'écorce cérébrale,
non seulement en raison des faits expérimentaux invoqués plus haut,
mais aussi parce qu'il l'aut tenir compte des centres accessoires bulbaires :
cet argument est aussi retenu comme le plus important par Gleitsrnann.
« Quant à la position cadavérique de la corde à la suite d'une lésion
cérébrale, dit-il en terminant, elle est absolument irréalisable, et nous
dirons même incompréhensible ».
La critique est vive et porte souvent juste, mais peut-être pourrait-on
lui reprocher de faire trop état des expériences sur les animaux et de ne
pas tcnir assez compte de la haute différenciation du centre phonateur
chez l'homme. Le cas d'I : iseululrr paraît avoir élé observé d'une façon
très minutieuse et si l'une des cordes vocales était en position cadavé-
rique, l'autre ne paraissait pas complètement indemne. De même Deje-
rine a lait un examen minutieux du cerveau de son malade. 11 n'en résulte
pas moins qu'il est nécessaire d'avoir de nouvelles observations pour
asseoir l'hémiplégie laryngée corticale sur des bases solides.
PARALYSIES DU LARYNX. 645
2° Hémiplégie bulbaire du larynx. Les paralysies bul-
baires du larynx sont mieux connues, bien que l'origine réelle du vago-
spinal dans les noyaux bulbaires continue à donner lieu à de vives
discussions. Disons de suite que les paralysies du larynx d'origine bul-
haire sont souvent bilatérales ou s'accompagnent de diverses autres para-
lysies. Nous ne ferons d'ailleurs qu'énumérer les maladies qui les causent,
car elles ont déjà été signalées, pour la plupart, dans les autres parties
de cet ouvrage.
On trouvera la paralysie du larynx parfois unilatérale, dans la paralysie
tabio-tosso-Iaryngée, dans l'hémi-paralysie bulbaire chronique (Eisen-
lohr, Schreiber, Krause), dans la paralysie bulbaire apoplectiforme.
Gottstcin a rapporté des cas de ramollissement bulbaire avec paralysie
complète d'une corde, et Eisenlohr a vu la destruction du noyau du vago-
spinal entraîner une paralysie récurrenlielle totale avec hémi-anesthésie
laryngée. Un cas semblable, syphilitique, a été publié par Ott.
Les troubles du larynx sont exceptionnels dans la sclérose en plaques :
lletlii, yui a fait une étude très complète de la question, n'a retenu que le
cas de Collet où il avait été constaté du tremblement des cordes, mais où
l'autopsie démontra qu'il s'agissait d'une sclérose du cervelet sans lésions
des noyaux de l'hypoglosse et du pneumogastrique. J'ai examiné plusieurs
cas de sclérose en plaques sans rien trouver d'anormal au larynx. Rethi a
noté, dans 15 cas sans autopsie, la paralysie isolée du posticus.
Dans la syringomyélie, Carlaz a vu deux paralysies du récurrent sur
17 cas el 5 fois la paralysie du crico-aryténomicn postérieur, Ivanoff, sur
tO cas personnels, a vu souvent la paralysie du récurrent d'un côté et la
paralysie d'un des muselés quelconques de l'autre côté : la paralysie des
dilatateurs est exceptionnelle.
Mais c'est surtout le tabès qui est l'affection médullaire se compliquant
le plus souvent de troubles laryngés. Sur 7'1 cas delaryngoplégietabé-
tique, Burger a noté 43 fois la paralysie des dilatateurs, 8 fois seulement
unilatérale ; la paralysie du dilatateur était associée 7 l'ois il la paralysie
du thyro-aryténoidien interne, celui-ci n'étant d'ailleurs touché isolément
que 2 fois. Quant la paralysie récnrrentielle avec position cadavérique
de la corde, elle n'a été relevée que li l'ois. De même Kahn. sur 10 cas.
n'a vu que 2 paralysies récurrcntielles pour 14 paralysies du postérieur;
Rôrner et Sebla, sur 48 cas, notent 3 ! ) paralysies du postérieur pour
9 paralysies récurrentielles.
Il est donc manifeste que la lésion la plus fréquente du larynx dans le
tabès est celle des dilatateurs. Aussi demandc-t-ellc à être cherchée :
1 immobilisation d'une corde en position médiane ne gêne pas la parole
et gêne peu la respiration; elle est d'ailleurs souvent passagère. Si elle
persiste ou si elle devient bilatérale, elle peut devenir grave. Elle s'accom-
pagne souvent de spasmes, coïncide avec des troubles gastriques. Le
plus souvent il s'agit de lésions nucléaires, portant surtout sur la névro-
gliehien plus que sur les cellules elles-mêmes. Toutefois, on s'explique
. [LANNOIS.]
646 MALADIES DU LARYNX.
mal que ce soient surtout les noyaux des dilatateurs qui sont lésés sinon
par cette considération que le noyau respiratoire bulbaire l'emporte de C
beaucoup en importance sur le noyau phonatoire et doit par suite être
beaucoup plus facilement touché (Lermoyez). Il faut ajouter que les
troubles tabétiques laryngés pourraient se rencontrer en dehors de toute
altération nucléaire et que nombre d'auteurs les attribuent à des lésions
névritiques des récurrents (Krause, Oppenheim, Grabower, Dejerine.
Kahn, Kôrner et Sebla, etc.).
1° Hémiplégie laryngée d'origine périphérique. - Le
laryngé supérieur peut se paralyser isolément, le plus souvent sous l'in-
fluence du froid ou d'une laryngite : on a alors des troubles de la sensi-
bilité -avec voix rauque ou seulement voilée, par paralysie du crico-
thyroïdien et relâchement des cordes.
Les paralysies du récurrent ont beaucoup plus d'importance. Nous en
énumérerons les causes qui ont été bien classées par Lermoyez.
L'hémiplégie laryngée peut être déterminée par des tumeurs du crâne
qui comprimeront le vago-spinal avant son engagement dans le trou
déchiré postérieur : ce sont le plus souvent les fumeurs malignes, quel-
ques-unes d'origine pharyngée. Ce sera parfois aussi la syphilis. ou un
vaste abcès de la base du crâne (Nothnagel).
Si les traumatismes des nerfs laryngés sont exceptionnels (blessure du
pneumogastrique, Solis-Cohen, du récurrent, tef1'erts), il est moins
rare de constater des lésions produites au cours d'interventions chirur-
gicales. Le pneumogastrique peut être lié avec la carotide, le récurrent
gauche lésé dans l'uesophagotornie. Le récurrent a été blessé dans les inter-
ventions de thyroïdectomie pour goitre ordinaire ou pour goitre exophtal-
mique : ces faits sur lesquels l'attention a été attirée par lie
sont pas très exceptionnels, et j'observe en ce moment unebasedowienne
qui présente une paralysie de la corde droite en position intermédiaire
consécutive à une intervention. Ruault a fait délibérément réséquer une
portion du récurrent gauche dans un cas d'adduction bilatérale.
Les tumeurs du cou, gros ganglion tuberculeux, tumeurs cancéreuses
des ganglions, de l'oesophage ou du corps thyroïde, goitres volumineux
même dans le basedowisme (Garel), peuvent aussi compter dans tétto-
logie des paralysies récurrentielles.
Mais ce sont surtout les tumeurs du médiastin qui méritent de retenir
l'attention et surtout les anévrismes de la crosse de l'aorte, a tel point
qu'on a pu considérer la paralysie de la corde vocale gauche, en position
intermédiaire, comme caractéristique et qu'effectivement sa constatation
a mis très souvent sur la voie du diagnostic de l'anévrisme. De même,
mais avec une moins grande fréquence, la paralysie récurrenlielle de
la corde droite correspond il l'anévrisme de la sous-clavière. S'il ne
s'agit pas d'anévrisrne, on trouvera dans le médiastin des ganglions
hypertrophiés, de l'adénopathie trachéo-bronchique, un cancer de l'mso-
phage, etc., diagnostic si facilité aujourd'hui par la radioscopie.
PARALYSIES DU LARYNX. 647 i
A côté de ces causes de heaucoup les plus communes, il faut faire une
place aux pleurésies avec épanchement, au cancer du poumon, ou même
à la tuberculose pulmonaire, en raison des rapports étroits du sommet du
poumon droit avec le récurrent. Les affections du coeur et surtout la péri-
cardite avec épanchement, mais aussi les affections valvulaires s'accom-
pabnant de grosses dilatations des oreillettes, ont pu être incriminées :
nous avons vu que c'est par la dilatation de l'oreillette droite que Broeckaert
a cherché d'expliquer le cas de Roque et Chalier.
Enfin il existe un groupe de paralysies récurrentielles toxiques, bien
étudiées dans ces dernières années, notamment par Lermoyez. Parmi les
poisons minéraux, c'est le plomb qui tient la première place (Morell-
Mackensie, Sajous, etc.) : Ileyman, sur 50 cas dus aux poisons minéraux,
a confirmé cette prédominance. Vient ensuite l'arsenic.
Mais ce sont surtout les toxines sécrétées au cours des maladies infec-
tieuses qu'il faut incriminer : nous avons déjà cité les paralysies de la
diphtérie. 11 faut y ajouter celles de la tuberculose, lorsque le nerf n'est
pas englobé dans une pleurésie séro-fibrineuse du sommet ou dans des
ganglions trachéaux (Lubet-Barbon). Osier a insisté sur les paralysies
récurrentielles de la fièvre typhoïde ainsi que M. Schmitt. Dans un article
récent, Bryson-Delavan énumère encore l'érysipèle, la fièvre puerpérale,
la scarlatine, la rougeole, la blennorragie (Lazarus) et même les injec-
tions de sérum comme ayant pu donner la paralysie du récurrent. Ruault
considère comme probable l'existence d'hémiplégies laryngées primitives
sous l'influence du refroidissement.
Ce n'est pas le lieu d'indiquer longuement ici les symptômes de la
paralysie récurrentielle et il faut laisser aux laryngologistes les longues
discussions sur la vulnérabilité des abducteurs plus marquée que celle de
leurs antagonistes. Rappelons seulement que dans les lésions progressives
du récurrent, le trouble primitif le plus important est l'altération brusque
de la voix : on dirait qu'il s'agit d'une véritable apoplexie laryngée (Garel).
Ultérieurement l'aphonie plus ou moins nette et persistante du début se
transforme en voix bitonale et la voix finit même par s'améliorer notable-
ment, ce qui tient à ce que la corde vocale saine tend à dépasser la ligne
médiane dans une adduction forcée et à rejoindre la corde paralysée. La
dyspnée est exceptionnelle.
La position de la corde paralysée suhit des variations qui avaient déjà
été vues par Rosenbacb et qui ont été bien précisées par Semon : elles
suivent des lois aujourd'hui bien acceptées par la généralité des laryngo-
logistes et auxquelles ce dernier auteur a donné son nom.
Dans une première phase de début, rarement observée d'ailleurs, il y
a une gêne plus ou moins marquée des mouvements d'abduction lorsque
les mouvements d'adduction sont encore faciles.
La deuxième phase est de constatation plus courante : la corde est im-
mobilisée en position médiane, c'est-à-dire dans la position qu'elle occupe
pendant la phonation. Peut-être ne s'agit-il pas d'une position d'adduc-
[LANNOIS.
648 MALADIES DU LARYNX.
tion forcée vraie (Garel), mais si la corde n'est pas exactement sur la
ligne médiane, du moins s'en rapproche-t-elle beaucoup.
Enfin, dans un troisième stade, lorsque le récurrent a perdu son acti-
vité d'une façon plus complète, la corde est immobilisée en position dite
cadavérique ou plus exactement, comme le veut Broeckaert, en position
intermédiaire.
Et ces diverses phases se synthétisent dans la loi de Semon qui s'énonce
ainsi : Dans toutes les paralysies organiques progressives des ncrfs
laryngés, la fonction des dilatateurs est toujours atteinte la première,
sans exception, et peut rester seule atteinte jusqu'à la fin.
4" Hémiplégies bilatérales. Les hémiplégies bilatérales sont
assez rares. Des cas sans autopsie ont été décrits par Cartaz et IL Krause
dans la paralysie pseudo-bulbaire et j'ai moi-mème fait allusion à un cas
de ce genre. Les lésions bulbaires, nous l'avons dit à propos de la para-
lysie labio-glosso-Iaryngée, peuvent donner lieu à la paralysie bilatérale :
on l'a vue dans les paralysies bulbaires apoplectil'ormes, dans le tabès.
Les paralysies doubles d'origine périphérique ont été bien étudiées par
Deygas (1905) dans une thèse inspirée par Garel : aux vingt cas authen-
tiques antérieurs il avait pu ajouter sept faits personnels. Depuis lors il
en a été publié quelques autres et tout récemment j'ai pu suivre un cas
qui a été décrit par Mollard. Les causes les plus habituelles en sont par
ordre de fréquence le cancer oesophagien, l'anévrisme aortique, les adé-
nopathies, les tumeurs cervicales ou médiastines.
A la période d'état les deux cordes sont immobiles, en position cada-
vérique, incapables de tout mouvement dans les efforts de phonation ou
de respiration. Il y a de l'aphonie plus ou moins complète par coulage
d'air et le malade ne présente pas de dyspnée : celle-ci ne pourrait
exister que passagèrement au moment de la deuxième phase d'immobili-
sation en position médiane, mais elle se produit rarement, car il est
exceptionnel que les deux nerfs soient simultanément et également
touchés.
5° Hémiplégies associées. Les paralysies laryngées associées
offrent deux types différents. Dans le premier, les autres paralysies
portent sur les muscles innervés par le vago-spinal, ce sont les syn-
dromes d'Avellis et de Schmitt. Dans le second, d'autres nerfs crâniens
sont touchés, notamment l'hypoglosse, comme dans le syndrome de
Jackson et dans celui de Tapia. Ces syndromes ne sont d'ailleurs pas
absolument fixes et on conçoit facilement que, d'abord limités, ils puissent
parfois s'étendre. De fait il y a des paralysies multiples des nerfs crâniens
où, ;'1 côté de lésions du vago-spinal, on a noté des paralysies du facial,
du moteur oculaire externe, du sympathique, associées ou non il celle
de la langue.
Ces syndromes sont bien connus depuis le mémoire de Lermoyez, la
thèse de Le celle plus récente (1900) de Simonin, les mémoires de
Rose et de Mouisset et Douchnt, etc.
SPASMES DU LARYNX. ü4H
Toutes les conditions étiologiques que nous avons indiquées pour les
paralysies du récurrent se retrouvent ici, depuis les lésions bulbaires
jusqu'aux causes toxiques. Nous indiquerons seulement rapidement les
principaux de ces syndromes.
A) Syndrome d'Avellis. C'est le plus commun. 11 consiste dans
l'association de la paralysie du voile du palais avec la paralysie de la
corde vocale du même côté et il se comprend facilement depuis que les
recherches des physiologistes et des cliniciens ont dépossédé le facial de
l'innervation du voile du palais. On sait on effet que le voile est innervé
(à l'exception du péristaphylin externe commandé par le trijumeau) par
les nerfs pharyngiens émanés du ganglion plexiforme et provenant des
racines de la branche interne du spinal (vago-spinal). Les observations
en sont déjà nombreuses. J'en observe actuellement un cas chez un jeune
homme atteint de paralysie infantile du membre inférieur.
B) Syndrome de Schmidt. L'hémiplégie paiato-laryngec s'accom-
pagne ici de paralysie du trapèze et du steJ'l1o-cl()ido-masloïdien, c'est-à-
dire qu'à l'atteinte du vago-spinal s'ajoute celle de la branche externe
du spinal constitué, comme nous l'avons vu, par le spinal médullaire. 11
v en a cinq cas dans la thèse de Le Meur : un fait récemment rapporté
par Mouisset et Bouchut doit être attribué à la syphilis.
C) Syndrome de Jackson. Il est caractérisé par l'adjonction de la
paralysie de la moitié de la langue. On dit qu'il est complet lorsqu'il
s'associe au syndrome de Schmidt, c'est-à-dire il la paralysie du sterno-
mastoïdien et du trapèze, incomplet s'il n'y a qu'un syndrome d'Avellis
(hémiplégie palato-laryngée). Il s'agit le plus souvent de paralysies bul-
baires, parfois aussi d'atteinte de l'hypoglosse dans son trajet intra-
crànien.
D) Syndrome de Tapia. C'est l'association de la paralysie d'une
corde avec celle de la langue, le voile du palais n'étant pas touché. La
lésion, traumatique dans la plupart des cas (il s'agit de coups de cornes
de taureau), porte alors il la l'ois sur l'hypoglosse et sur le pl1l'llmo-gas-
trique au-dessous du ganglion plexiforme, alors que les filets des nerfs
pharyngiens destinés au voile se sont déjà détachés. Debove, cité par
Simonin, en a vu un cas après exérèse d'un épithélioma branchial et
rilanhiet a récemment rapporté un cas où un coup de couteau derrière
1 angle de la mâchoire avait déterminé le syndrome de Tapia avec para-
lysie du facial inférieur et du grand sympathique
III. SPASMES DU LARYNX
Les spasmes du larynx sont cluniques ou toniques, mais les premiers,
bien qu'ils puissent se rencontrer dans certaines affections du système
nerveux, n'ont qu'une importance très relative. Lorsqu'on parle, de spasme
du larynx on en vue le spasme Ionique.
[LANNOIS.]
t ? 0 MALADIES DU LARYNX.
Il en existe deux variétés distinctes : : 10 le spasme glottique respira-
toire (Juracr, Ruault, etc.) qui, agissant sur les muscles adducteurs et
tenseurs, détermine une occlusion plus ou moins complète, plus ou moins
permanente de la glotte et se traduit, comme son nom l'indique, par des
troubles graves de la respiration; 2° le spasme glottique phonique,
aphonie spasmodique de Traube, qui ne se traduit qu'au moment où le
malade veut parler, qui ne gène en rien le fonctionnement régulier de
l'inspiration et de l'expiration. Il est le plus souvent d'ordre névrotique :
aussi le retrouverons-nous avec les névroses du larynx. -
Spasme glottique respiratoire. L'accès de spasme gtnt-
tique se traduit par des phénomènes très caractéristiques, mais avec des
degrés d'intensité variable. Il peut consister seulement en accès de toux
spasmodique : après une sensation de chatouillement ou d'irritation de
la gorge, survient une toux quinteuse et convulsive. La respiration
devient sifflante, la face se cyanose, le malade commence à avoir de l'an-
goisse lorsque brusquement la respiration se rétablit et la crise s'arrête.
C'est la l'orme bénigne, à durée très courte, mais elle peut reparaître au
bout de quelques heures et se répéter plusieurs fois dans la journée.
Dans une forme plus sévère, celle du spasme suffocant, le malade fait
de violents efforts qui n'aboutissent pas il amener l'entrée de l'air dans
les poumons : il s'accroche aux objets voisins, renverse la tête en arrière,
dilate les ailes du nez, il y a du tirage avec dépression des parties molles
du cou el du thorax. Si un peu d'air réussit à pénétrer c'est avec un
bruit d'aspiration glottique qui caractérise le stzicl2tlisme. La face est
pâle ou vultueuse et cyanosée; finalement, après un temps variant de
quelques secondes à une minute ou même plus, la respiration se rétablit
plus ou moins brusquement tandis que le malade s'immobilise dans la
crainte de nouveaux accidents. Très fréquemment aussi le malade tombe,
obnubilé ou ayant totalement perdu connaissance : quelques secondes
après il revient à lui avec l'intégrité de sa respiration redevenue normale :
tout rentre dans l'ordre jusqu'à une nouvelle crise. '
Enfin on peut assister à des phénomènes plus graves encore, le spasme
apoplectique pouvant faire tomber le malade sidéré comme dans une
attaque épileptique. L'apnée est totale, le pouls accéléré, il y a des
secousses épileptiformes et le malade peut succomber par asphyxie avant
que l'on ait eu le temps de songer à pratiquer la trachéotomie. Mais
même dans ces formes extrêmes, les accidents peuvent se dissiper avec
la brusquerie qui a caractérisé leur assaut et le malade revient à lui, un
peu obnubilé el effaré, mais sans trouble respiratoire apparent.
Les conditions de production du spasme glottique sont assez variables :
nous les passerons rapidement en revue.
A) Spasme par irritation directe. Il est le plus fréquent, mais ne
doit pas nous arrêter ici : c'est celui qui succède a t'introduction de corps
étrangers dans le larynx, aux attouchements laits dans un but thérapeu-
tique, etc. Les irritations déterminées par des polypes, des tumeurs, etc.,
SPASMES DU LARYNX. 651
agissent de même : rappelons aussi l'oedème de la glotte et ces irrita-
tions de la muqueuse glottique ou sous-glottique qui déterminent chez
l'enfant la laryngite striduleuse.
Le mécanisme de ces accès sans être élucidé d'une manière absolue est
cependant relativement facile à comprendre : l'irritation des filets sen-
sitifs du laryngé supérieur et sans doute aussi du récurrent gagne le
bulbe d'où elle est réfléchie par le vago-spinal sur le larynx pour mettre
les adducteurs en contraction tonique.
B) Spasme d'origine centrale. Les lésions cérébrales ne parais-
sent pas déterminer souvent de spasme laryngé ; il convient cependant de
citer sa possibilité dans les tumeurs cérébrales et la paralysie générale
progressive, mais dans ce dernier cas il faut tenir compte des lésions
bulbaires. Nous retrouverons plus loin les spasmes qui se produisent
dans les névroses, dans l'hystérie, et ceux qui accompagnent la grande
attaque épileptique.
Au contraire les lésions bulbaires, qu'elles soient primitives ou consé-
cutives à des lésions de voisinage ou de propagation, peuvent donner
naissance au spasme glottique respiratoire : il semble que dans bon
nombre de cas le spasme constitue une phase de l'atteinte des noyaux
bulbaires qui précède la paralysie.
Aussi retrouverions-nous ici les affections que nous avons énumérées
à l'étiologie des paralysies, la paralysie lahio-gloao-laryngée, les hémor-
ragies et les tumeurs bulbaires, la syphilis cérébro-spinale, etc. Mais la
première place doit être incontestablement assignée au tabès : de très
nombreux travaux ont été publiés sur cette question depuis les premiers
mémoires de Charcot et Krishaber, etc. Le tabes, nous l'avons vu, se
caractérise déjà par la fréquence de la paralysie des abducteurs : à celle-ci
vient s'adjoindre le spasme des adducteurs de telle sorte qu'il n'est pas
d'affection centrale où l'on trouve plus fréquemment un des trois stades
que nous venons de décrire, la toux spasmodique, le spasme suffocant et
le spasme apoplectique. C'est chez le labétique que l'on rencontre le plus
souvent l'iclus laryngé. 11 reste d'ailleurs indécis si l'ictus laryngé des
tabétiques est déterminé par des lésions irritatives directes des noyaux
bulbaires ou s'il s'agit d'une inhibition bulbaire d'origine périphérique
(irritation centripète des fibres sensitives du vago-spinal).
C) Spasme d'origine périphérique. Ici encore nous devons nous
répéter : le spasme est la première étape de la paralysie récurrentielle.
Ce sont donc les mêmes causes déjà énumérées pour les hémiplégies
et les paralysies laryngées que nous allons retrouver : la seule condition
est qu'ici elles doivent seulement irriter et non abolir la fonction. Ce
seront avant tout les anévrismes de l'aorte (toux de compression de Garel)
et de la sous-clavière, les tumeurs du médiastin et principalement les
hypertrophies plus ou moins durables des ganglions lymphatiques : la
toux coqueluchoïde de l'adénopathie trachée-bronchique est trop connue
pour qu'il soit nécessaire d'insister. ,
[LANNOIS.]
Il faudra aussi chercher la cause du spasme dans les hypertrophies de
la thyroïde, les néoplasmes de l'oesophage et de la trachée, etc.
D) Spasme réflexe. Il est commun sous forme de toux spasmo-
dique revenant par accès, mais il ne va pas jusqu'à la suffocation.
La toux génitale se rencontre après le coït, dans les lésions du col de
l'utérus, les positions vicieuses de l'organe gravide ou non, etc. La liga-
ture du pédicule dans l'hystérectomie a déterminé de violents accès de
spasme du larynx (Moure).
La toux auriculaire est banale lors de l'introduction du spéculum dans
le conduit auditif : des corps étrangers du conduit ont déterminé des toux
quinteuses de plusieurs mois ou de plusieurs années de durée donnant
lieu à de fâcheuses erreurs de diagnostic.
C'est surtout la toux nasale qu'on rencontre fréquemment, dans les
déviations de la cloison, les hypertrophies des cornets, les polypes, etc.
Nombre de rhinologistes veulent qu'il y ait une irritation nasale dans
tous les cas de toux réflexe provenant de l'estomac, de l'intestin ou de
l'utérus. La toux réflexe se verra aussi dans les hypertrophies des
amygdales palatines ou linguale, etc.
Dans tous ces cas il parait bien que les filets sensitifs du pneumo-
gastrique sont en cause : leur rôle de défenseurs de l'intégrité de l'arbre
respiratoire est mis enjeu par une sensation faussement localisée. Il est
nécessaire aussi qu'il existe une prédisposition névropathique sans
laquelle les troubles réflexes ne se produiraient pas ou n'atteindraient
pas pareille intensité.
La diversité des causes que nous venons de passer on revue montre
assez qu'il n'y a pas lieu en pratique de faire un traitement univoque
pour les spasmes du larynx. Le plus souvent le spasme respiratoire n'est
qu'un épisode dans l'évolution de la maladie causale et c'est à elle que
doit s'appliquer le traitement (mercure dans la syphilis, santonine dans
le tabès, etc.). Le traitement de l'accès consiste d'abord à empêcher le
malade de s'agiter il la recherche de l'air qui lui manque, à l'engager il
fermer la bouche, il rester un instant immobile et à reprendre ensuite
l'inspiration avec lenteur par le ne ? Dans les accès de suffocation plus
graves la respiration artificielle, les inhalations d'éther ou de chloro-
forme, sont à essayer : le tubage du larynx ou la trachéotomie d'urgence
seront parfois l'ultirne ressource. Il faudra prévenir le retour des accès
par le repos, le bromure, le chloral, la morphine, etc., et le traitement
général de l'état névropathique.
IV. NÉVROSES DU LARYNX
Nous passerons en revue dans ce chapitre : 1" le spasme de la glotte
des nourrissons; 2° la toux nerveuse; 3° le vertige laryngé; 4° les
troubles laryngés dans les névroses : 5" le spasme glottique phonique-
NÉVROSES DU LARYNX. C55
1" Spasme de la glotte des nourrissons. Nous ne ferons
que l'indiquer ici brièvement car en réalité il s'agit d'une affection qui
est loin d'être limitée du larynx et qui doit être décrite avec les convul-
sions. C'est la convulsion interne à laquelle on a encore donné avec
Hérard les noms de spasme glottique, spasme phrénique ou spasme
phréno-glotlique ou, en se basant sur les conceptions pathogéniques
plus ou moins erronnées, ceux d'asthme thymique de Kopp ou de
Millar, d'asthme 1Ylchitique par craniolabes (Elsâsser), d'asthme lié à la
Manie (Escherich).
™ On sait que cette convulsion interne atteint presque exclusivement les
enfants de deux à dix ou douze mois, surtout les garçons à constitution
faible et rachitique, d'hérédité nerveuse. L'accès débute brusquement
par un arrêt subit de la respiration par spasme tonique de tous les muscles
respiratoires y compris le diaphragme : le spasme se fait en expiration et
s'accompagne de phénomènes asphyxiques et syncopaux. On peut avoir en
même temps des convulsions épileptiformes généralisées du côté des yeux,
de la face, des extrémités, etc. Puis la fin de la crise est annoncée par
des inspirations courtes, sonores, jusqu'à ce que la respiration se réta-
blisse. L'accès est très court, de quelques secondes, mais il se répète jus-
qu'à 30 ou 40 fois dans les vingt-quatre heures. La mort peut survenir
par épuisement nerveux, par asphyxie ou par syncope brusque. La
mortalité est de 40 pour 100.
Le traitement est celui des convulsions : inhalations d'élher, de chlo-
roforme, de bromure d'élhyle, applications chaudes au-devant du cou,
respiration artificielle ou même ici tubage ou trachéotomie. Dans l'inter-
valle des crises, les antispasmodiques, bromure, valériane, drap mouillé
(Comly, Wcill), hygiène, etc.
La théorie thymique a été récemment remise en honneur et le thymus
hypertrophié, bien que cela ne soit pas accepté par Barbier, parait pou-
voir, entre autres symptômes, déterminer le spasme laryngé (Rehn,
d'Oelnitz, E. Weill). On a préconisé dans ces cas l'exothymopexie (Rehn,
Konig, Lenormant), la thymcctomie partielle (Veau et Ollivier) associée
ou non à la résection du manubrium sternal ou même la résection
simple de celle partie du sternum sans thymectomie qui paraît suffi-
sante à E. Weill pour agrandir l'espace critique de Grawilz.
2" Toux nerveuse. La toux nerveuse laryngée est une affection
rare si on réserve ce nom aux cas dans lesquels le point de départ est
exclusivement laryngé et où il n'y a ni inflammation de cet organe, ni
irritation directe ou réflexe du vago-spinal. Elle a généralement été déter-
minée par une inflammation antérieure de la muqueuse et finit d ailleurs
par guérir après un temps plus ou moins long. Ruault recommande de
la traiter par des doses élevées de strychnine, six milligrammes, mais il
reconnaît que ce traitement ne réussit pas toujours.
5" Vertige laryngé. Le vertige laryngé a été décrit par Charcot
comme une névrose, mais on peut le comparer à l'épilcpsie où à côté des
[LANNOIS.]
654 - MALADIES DU LARYNX.
formes dites essentielles, il y a la série des cas symptouialiques, ce qui
n'empêche pas d'ailleurs de décrire à part la forme idiopathique. Dans les
cas désignés sous le nom de vertige ou d'apoplexie laryngée, il y en a qui
se rapportent à des épileptiques dont la crise débute par le larynx, à des
tabétiques présentant le spasme laryngé suffocant que nous avons décrit,
à des porteurs de lésions récurrentielles. Tous au total présentent des ictus
laryngés. Mais à côté de ces faits il n'en reste pas moins une place pour
un vertige laryngé purement névrosique, indépendant de toute lésion
tangible de l'appareil d'innervation du larynx. Après Charcot, ce vertige
a été étudié par de très nombreux observateurs, Krishaber, Gasquet,
Weill, Cartaz. >3uault, Meriden, etc.
Il survient brusquement chez des individus en bonne santé, le plus
souvent vigoureux et, sanguins, presque toujours de souche névropathique,
sans cause connue, parfois après une légère irritation catarrhale des
premières voix respiratoires. Il y a une sensation de picotement ou de
chatouillement au niveau du larynx,- des secousses de toux spasmodique,
de petites expirations brèves et saccadées avec inspiration sifflante. La
face se congestionne, puis le malade tombe comme s'il était frappé d'apo-
plexie : c'est une syncope qui s'accompagne ou non de quelques mou-
vements épileptiformes mais jamais de morsure de la langue ni d'incon-
tinence d'urine. L'étal syncopa) suffit à faire cesser le spasme et le ma-
lade revient de suite il lui.
L'accès peut se répéter à de courts intervalles ou ne revenir qu'après
des mois et des années. Le pronostic est donc bénin puisque le vertige
laryngé idiopathique finit par disparaître alors que les ictus spasmodi-
ques liés à des affections bulbaires, surtout au tabès, ou à la présence de
tumeurs laryngées peuvent déterminer la mort subite.
Le mécanisme patbogenique reste ignoré. Charcot penchait pour un
vertige cérébral à manifestai ion laryngée. Le fait que le vertige laryngé
est parfois provoqué par l'impression du froid, par la déglutition de
liquides froids ou irritants (alcool, etc.), par le séjour dans une atmo-
sphère surchauffée, chargée de poussières ou de fumée de tabac, fait
plutôt songer à une inhibition des centres nerveux à point de départ
laryngé. C'est l'opinion qu'a soutenue Weill en se basant sur les recher-
ches bien connues de Ilosenthal et de François-Frank sur le laryngé supe-
rieur et de Brown-Sequard sur faction inhibitrice de l'acide carbonique.
4° Troubles laryngés dans les névroses. Nous avons
déjà signalé la contraction des adducteurs dans la crise epiteptique : par-
fois il y aune véritable aura laryngée.
C'est surtout l'hystérie qui détermine des troubles du côté du larynx,
sous forme de toux quinteuse revenant par accès, de toux rythmique et
incessante, de véritables crises d'aboiement. Le plus souvent il y a eu ou
il y a encore des phénomènes d'irritation au niveau du larynx, de la
trachée ou de l'amygdale linguale qui ont localisé les phénomènes de la
névrose. C'est aussi il l'hystérie qu'il convient de rattacher l'affection
NÉVROSES DU LARYNX. 655
que Schriitter avait décrite sous le nom de chorée du larynx, toux spé-
ciale avec accompagnement de convulsions musculaires dans les muscles
de la face et des membres ressemblant à la chorée.
La chorée de Sydenham peut d'ailleurs présenter des troubles laryngés,
respiratoires ou phonatoires et plusieurs auteurs ont pu observer des
mouvements désordonnés des cordes avec émission de sons bruyants et
plus ou moins discordants. Je les ai également constatés à plusieurs
reprises dans les chorées chroniques progressives. On les trouvera encore
dans la maladie des tics.
5° Spasme glottique phonique. Le spasme glottique pho-
nique est parfois symptomatique de lésions cérébrales ou bulbaires.
Presser .lames a décrit le « bégaiement des cordes vocales » chez les
ataxiques et Illlallit l'a observé également chez les paralytiques généraux.
On a vu aussi l'aphonie spasmodique dans les lésions du nez et de
l'arrière-gorge, le goitre, etc.
Nous aurions pu aussi bien décrire ici certains des troubles que nous
venons de signaler dans l'hystérie ou la chorée. Mais le plus souvent, il
s'agit d'un véritable état névrosiquc spécial, qui a reçu les noms très divers
de contracture des muscles phonateurs (Elsberg), spasme phonique
(Koch), mogiphonie (B. Frànkel, Bresger), dysphonie spaslique (Schech).
Nous en rapprocherons le bégaiement, la dysphonie nerveuse chronique
et la voix eunuchoïde. '
Cette névrose se rencontre surtout chez les personnes qui font un
usage fréquent et prolongé de la voix ou du chant (instituteurs, profes-
seurs, orateurs, comédiens, chanteurs), il condition qu'elles présentent
une prédisposition névropathique.
Les sujets qui en sont atteints respirent tout fait normalement, mais
dès qu'ils veulent parler, lire ou chanter, il se produit une aphonie com-
plète parce que le larynx se ferme énergiquenient et en totalité non seu-
lement au niveau des cordes, mais dans toute sa partie supérieure
connue dans le phénomène de l'effort. Dès que cesse la tentative d'émettre
un son, le larynx se relâche et la respiration redevient normale.
Le tableau symptomatique n'est pas toujours aussi accentué : certains
sujets peuvent encore parler à voix moyenne ou chuchoter et le spasme
n'apparaît qu'au moment où l'instituteur veut prendre sa voix professo-
rale ou le chanteur émettre une note. C'est d'ailleurs ainsi que l'affection
débute le plus souvent. On ne peut s'empêcher de comparer ce qui se
passe ici aux crampes professionnelles comme la crampe des écrivains ou
des pianistes. L'examen laryngoscopique dans ces cas montre du spasme
moins accusé que dans la forme précédente, prédominant tantôt sur un
muscle, tantôt sur un autre et donnant des images très variées.
Ces troubles peuvent disparaître par le repos, par le traitement de la
lésion causale, par la gymnastique respiratoire, mais ils récidivent facile-
ment et sont au total d'un pronostic très sérieux chez les professionnels
de la parole et de la voix.
[LANNOIS.]
656 .MALADIES DU LARYNX.
A) Bégaiement. Dans le spasme phonique tout reste 'habituellement
limité au larynx, niais on observe parfois quelques secousses du cou
(spinal externe) et même de la face.
Aussi convient-il d'en rapprocher le bégaiement ; dans cette névrose en
effet tous les muscles respirateurs concourrait au trouble fonctionnel et
la contracture spasmodique du larynx n'est pas un des éléments les moins
importants.
B) Dysphonie nerveuse chronique. Étudiée par Brissaud elle
correspond à une des formes de la raucité vocale. Elle se voit chez de
jeunes sujets et relève d'une prédisposition névropathique héréditaire. La
voix est rauque, cuivrée, enrouée, le timbre désagréable. Elle correspond
(le., troubles de l'accommodation musculaire, d'ailleurs variables même
d'un instant à l'autre : il y a surtout de l'insuffisance de la tension et, s'il
y a voix de fausset enrouée, de l'adduction dos cordes. Cette affection ne
se modifie pas et la voix parlée reste toujours défectueuse.
C) Voix eunuchoïde. Elle s'observe chez les sujets dont la voix n'a
pas mué au moment de l'adolescence et a gardé une tonalité aiguë qui
la fait ressembler il la voix de fausset infantile. Ces sujets ont un larynx
plutôt grand, comme celui des barytons ou des basses chantantes et le
trouble phonétique est lié à une insuffisance de l'accommodation vocale
des muscles du larynx, le sujet ne faisant usage que d'une partie de
son anche vocale.
Garel, qui a étudié avec soin cette anomalie phonique, a montré que
souvent elle était guérissable par des exercices de gymnastique vocale..
ATROPHIES MUSCULAIRES
par le Dr André LI~RI
L'atrophie musculaire est la diminution de volume et. de nombre
des fibres contractiles d'un ou de plusieurs muscles.
Cette altération ne se limite pas, comme on le croyait jusqu'ici, aux
muscles striés de la vie de relation, elle peut s'étendre aussi aux muscles
lisses : nous avons constaté, à l'autopsie d'un homme qui présentait
une atrophie musculaire progressive, une amyotrophie généralisée de
toute la musculature viscérale (intestin, estomac, vessie, vésicule biliaire,
coeur) ('); plus récemment nous avons trouvé une amyotrophie viscérale
plus restreinte il l'autopsie d'un autre malade; mais nous n'avons pas
constaté semblable altération des organes musculo-memhraneuv chez les
autres amyotrophiques dont nous avons pu examiner les organes.
L'atrophie musculaire, dans la totalité ou au moins la grande majorité
des cas, ne paraît pas être, connue le pensaient Duchenne et Virchow, un
simple trouble trophique, une dégénérescence parenchymateuse : des
travaux plus récents, surtout ceux de Hayem ('), confirmés par Du-
rante (3), ont montré qu'il s'agit d'un véritable processus inflammatoire,
d'une myosite : la fibre musculaire prolifère et se subdivise avant de
disparaître. Le tissu interstitiel prend part au travail inflammatoire avec
une précocité et une intensité variables ; aussi, alors que Hayem consi-
dère 1 atrophie comme résultant d'un processus de myosite parenchyma-
teuse, Friedreich l'attribue à une myosite scléro-intersiitielle.
On comprend que la prolifération interstitielle, qui marche de pair
avec l'atrophie des fibres, puisse prendre le pas sur elle; le tissu cellulo-
ou fibro-graisseux non seulement prend la place des fibres disparues,
mais encore occupe plus de place qu'elles n'en occupaient : le muscle
atrophié grossit. L'augmentation anormale du volume d'un muscle est
plus souvent le signe de son atrophie que de son hypertrophie.
L'atrophie de certains muscles s'accompagne tout spécialement de
pseudo-hypertrophie, et une forme topographique d'atrophie musculaire
I- LÚn. Rcv. 1/1'111'01., '15 mai 1902. Id.... Soc. l1el/l'Ol., 1 ! 101.
2',IIIHM. Dicl. encryclop. des Se. mcfcf. : « Atrophies niuscul. progress. ». - Hech.
sttr l';ouU. (les atrophies mnscul. Paris, 1877.
z">. Dun : nTn;. Manuel d'histol. pal/¡. de Cornil et Ravier, tome Il.
Pratique. : NEunUL.. 42
[A. LÉRI.]
progressive comprend la pseudo-hypertrophie dans son tableau clinique
ordinaire et dans sa dénomination même. Aussi, dans les atrophies mus-
culaires, le volume des muscles n'est rien et leur affaiblissement est
tout (P. Marie et Guinon) ('). C'est un fait qu'il ne faut pas perdre de
vue quand on cherche à apprécier le degré d'une amyotrophie.
SIGNES DE L'ATROPHIE MUSCULAIRE
Le plus souvent c'est par la simple inspection que l'on constate une
atrophie musculaire, la forme du membre ou de la portion de membre est t
modifiée, les saillies musculaires normales sont remplacées par des mé-
plats, des saillies osseuses anormales apparaissent là où d'ordinaire l'os
est masqué par une couche musculaire.
L'atrophie commençante est parfois très difficile à dépister, surtout
quand elle est bilatérale et symétrique : quand elle est asymétrique, la
comparaison du côté atteint avec le côté sain facilite beaucoup le dia-
gnostic. Comme chez la plupart des sujets la presque totalité de la mus-
culature de la moitié droite du corps est un peu plus puissante que celle
de la moitié gauche, c'est surtout quand le volume des muscles du côté
droit sera moindre que celui des muscles correspondants à gauche qu'on
reconnaîtra facilement l'atrophie.
On rendra la différence entre les deux côtés plus manifeste en faisant
faire au malade un mouvement qui contracte le muscle ou le groupe
musculaire examiné; on fera contracter les muscles au maximum en
s'opposant au mouvement que l'on ordonne au malade d'exécuter. Par
exemple, pour constater l'atrophie d'un grand pectoral, on fera rap-
procher avec force le bras du tronc ; la contraction sera plus puissante
si en même temps on tente d'écarter ce bras du corps.
Dans ces mouvements actifs on verra souvent se dessiner isolément
certains faisceaux du muscle, séparés les uns des autres par des gout-
tières : il est en effet d'observation courante que les faisceaux d'un même
muscle s'atrophient très inégalement, que des faisceaux presque sains
ou même tout à fait sains se trouvent entremêlés à des faisceaux plus
ou moins complètement atrophiés. Dans d'autres cas une portion seule
de la longueur des fibres sera atrophiée, de sorte que l'on verra la
contraction porter sur une portion seulement de la longueur du muscle :
il se formera un noeud musculaire (atrophie longitudinale de Roth),
Ces deux aspects se rencontrent assez communément sur certaist
muscles, sur le deltoïde par exemple : l'atrophie de ces muscles devenu
ainsi assez caractéristique. Parfois c'est toute une portion du muscle qui
se trouve isolément atrophiée, par exemple la portion claviculaire du
deltoïde : la contraction totale du muscle (dans l'abduction du bras pour
le deltoïde) révèle alors facilement l'atrophie de cette portion.
1. P. MAillE et GuiNoi. Rev. méd., 1885. '
SIGNES DE L'ATROPHIE MUSCULAIRE. ( ! 59
La palpation ne donne des renseignements que quand l'atrophie est
déjà assez avancée : la mollesse et la dépressibilité du tissu musculaire
sont surtout nettes quand on peut les comparer avec l'élasticité du
muscle correspondant du côté opposé demeuré sain. La sensation de
mollesse devient plus caractéristique quand elle persiste dans les mou-
vements au cours desquels le muscle devrait se contracter. Mais, comme
souvent la fibrose ou l'adipose du muscle altéré lui donne une fermeté
tout à fait comparable à celle d'un muscle sain, c'est surtout l'invaria-
bilité de la consistance à l'état de repos et à l'état de contraction qui
acquiert de l'importance.
Cette constatation peut surtout être faite quand plusieurs muscles
d'un même segment de membre se trouvent frappés : en prenant ce
segment de membre il pleine main ou en l'embrassant entre les deux
mains et en faisant alternativement contracter et relâcher ses muscles,
on perçoit une différence nette entre le côté atteint et le côté sain, alors
même que l'atrophie est encore minime.
La mensuration de la circonférence des membres révèle parfois entre
les deux côtés des différences minimes qui passeraient inaperçues à l'ins-
pection ; mais dans ces cas hésitants la mensuration est un procédé dan-
gereux, infidèle sous ses apparences de rigueur mathématique. Il faut
être sur en effet que la mensuration soit bien faite strictement au même
niveau des deux côtés, et pour cela mesurer la circonférence de chaque
côté à une même distance soigneusement comptée à partir d'une saillie
osseuse qui servira de point de repère; il faut qne la position des deux
membres soit rigoureusement la même et que les mêmes muscles de l'un
et de l'autre côté soient à l'état de contraction ou de relâchement
identique; il faut que le cordon métrique soit bien perpendiculaire à la
longueur du membre sur tout son pourtour, il faut encore qu'il s'accole
à la peau, mais ne comprime ou ne déprime les tissus sur aucun point.
Ces conditions sont bien nombreuses pour qu'on puisse affirmer facile-
ment qu'il y a entre les deux membres une différence d'une fraction de
centimètre ou même d'un ou deux centimètres ; la différence devient
parfois plus nette quand on fait contracter les muscles que l'on suppose
altérés.
L'inspection, la mensuration et la palpation suffisent le plus souvent
à reconnaitre l'atrophie d'un muscle quand elle se révèle, comme il est
habituel, par sa diminution de volume. Mais nous avons dit que la dimi-
nution de volume d'un muscle n'est pas toujours proportionnelle à son
atrophie, tant s'en faut, et qu'assez souvent le muscle atrophié ne diminue
pas ou même augmente de volume : pour reconnaître l'atrophie, ce n'est
plus alors l'anatomie du membre qu'il faut envisager, c'est sa physio-
logie, c'est le fonctionnement du muscle et non sa forme ou sa dimen-
sion qu'il faut interroger. Nous avons déjà dit que l'absence de modi- \
fication de. volume et de consistance des muscles, quand ils passent de I
l'état de repos à l'état de contraction, est un signe d'atrophie bien plus (
[il. LEM.]
660 ATROPHIES MUSCULAIRES.
constant et plus sûr que la petitesse ou la mollesse de ces muscles. C'est
dans les mouvements où les muscles atrophiés doivent entrer en contrac-
tion que leur atrophie se révèle le plus aisément, et c'est par la gêne
fonctionnelle que le malade lui-même s'est aperçu le plus souvent de sa
lésion quand il vient consulter le médecin.
Bien entendu cette gène fonctionnelle est essentiellement variable
avec les muscles atteints et avec les besoins usuels du malade, en par-
ticulier avec sa profession : c'est ainsi que l'atrophie des petits muscles
de la main, qui entrent en jeu dans des exercices de délicatesse et d'a-
dresse, sera d'ordinaire bien plus rapidement ressentie que l'atrophie
des muscles de l'épaule ou du bras, et cela surtout chez ceux qui, comme
les horlogers, les tailleurs, les écrivains, ont un besoin constant de toute
la dextérité de leurs doigts.
La gène pourra être trop faible pour que le malade s'en aperçoive
ou s'en plaigne; le médecin qui recherchera l'amyotrophie devra alors
lui faire exécuter des mouvements appropriés où chaque muscle à explorer
entrera en contraction.
La puissance fonctionnelle d'un muscle ou d'un groupe musculaire
pourra être- mesurée et exprimée avec exactitude d'après le poids que le
malade est capable de soulever en exécutant le mouvement où ce muscle
ou ce groupe musculaire entre seul en contraction. Un appareil très
simple et applicable à un très grand nombre de muscles consiste en une
poulie que l'on fixe à une table ou au lit du malade et sur laquelle glisse
une corde : à une extrémité de la corde est un lacet ou un bracelet, qui
doit entourer le segment du membre à explorer, il l'autre extrémité, qui
reste pendante, on suspend des poids qui donneront la mesure du mou-
vement exécuté. Un petit dynamomètre donnant la pression en kilo-
grammes est l'instrument dont on se sert ordinairement dans nos hôpi-
taux pour mesurer la puissance des muscles fléchisseurs des mains. Pour
que ces mesures aient une valeur réclle, il faut que l'atrophie porte sur-
tout sur un côté et que l'on puisse faire la comparaison avec les chiffres
fournis par le côté sain.
Nous signalerons enfin pour mémoire, parmi les moyens d'investiga-
tion, la biopsie qui, en ramenant quelques libres musculaires, permet-
trait dans les cas douteux de faire le diagnostic histologique de l'atrophie
musculaire; divers instruments, des harpons, l'emporte-pièce de Du-
1 chenne, celui de Blocq et Onanoff, ont même été imaginés dans ce but
spécial . Mais ces procédés ne sont pas entrés dans la pratique courante
et, pour les employer, il faudrait qu'ils paraissent justifiés par l'obliga-
tion thérapeutique d'un diagnostic précis; de semblables nécessités sont
bien exceptionnelles. Aussi nous n'insistons pas sur la description de ces
instruments.
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL. ' 661
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
L'atrophie musculaire se distingue de l'amaigrissement par sa loca-
lisation. L'atrophie est localisée à un certain nombre de muscles ou de
groupes musculaires; quand elle envahit une grande partie de l;mus-
culature, elle s'étend toujours tout à fait progressivement, en atteignant
l'un après l'autre chaque muscle ou chaque groupe musculaire; l'amai-
bruissement, au contraire, frappe en même temps la totalité ou la presque
totalité de la musculature, et le volume des diflérentes parties du corps
diminue à peu près dans les mêmes proportions. De plus, l'atrophie est
localisée au tissu musculaire, alors que l'amaigrissement l'ait disparaitre
avant tout le tissu cellulo-graisseux : la prédilection peut être très mar-
quée, de sorte que des amyotrophiques peuvent être gras (l'adipose pro-
duit même souvent de la pseudo-hypertrophie) et des amaigris peuvent
être vigoureusement musclés. Pourtant, en général, l'amaigrissement
entraine précocement l'atrophie musculaire, et les cachectiques amaigris
sont de grands amyotrophiques, mais, dans ce cas, les parties du corps
sur lesquelles le tissu cellulo-graisseux prédomine de beaucoup sur le
tissu musculaire, comme les seins, la paroi abdominale, sont les parties
qui maigrissent et s'affaissent les premières; chez les amyotrophiques
purs ces mêmes parties restent très longtemps indemnes.
La paralysie est souvent très difficile à distinguer de l'atrophie intis-
culaire ; toute paralysie complète, d'origine organique, et la plupart \
des paralysies incomplètes sont suivies, à plus ou moins brève échéance, \
de l'atrophie des muscles paralysés, car, comme tout organe, un muscle `
qui ne fonctionne pas s'atrophie ; toute amyotrophie devient une para-
lysie le jour où le nombre des fibres musculaires conservées est insuffi-
sant pour assurer le fonctionnement du muscle. Paralysie et amyotrophie
vont donc très souvent ensemble, et l'on comprend qu'il y a fort peu de
temps encore ces deux phénomènes étaient confondus : l'un des grands
mérites de Duchenne (') de Boulogne est précisément d'avoir montré, en
1849, que l'atrophie musculaire n'est pas toujours un effet de la para-
lysie motrice, mais qu'elle en peut être une cause.
L'atrophie musculaire est facile à distinguer de la paralysie dans les
cas où la diminution du volume des muscles est déjà notable, mais où le
nombre des libres restantes est encore assez considérable pour que le
fonctionnement ne soit pas sensiblement altéré. Chez certains sujets,
l'atrophie de quelques muscles est très prononcée, leur puissance est
très affaiblie ou abolie, mais d'autres muscles sont moins atteints et l'on
lait le diagnostic d'atrophie musculaire en reconnaissant dans le mode
d'évolution la description classique d'une des formes de myopathie.
1. Ducm.,w ? Itecli. éleclro-physiol. sur l'alroph. musent, avec lransform. graisseuse.
Mémoires Amri. Sciences, 1849.
[A. LÉRI.
662 ATROPHIES MUSCULAIRES.
Mais le diagnostic devient plus délicat, soit quand l'atrophie ne s'accom-
pagne pas de diminution de volume des muscles, soit quand il s'y joint
certains signes d'affection nerveuse. Dans le premier cas, l'affaiblisse-
ment musculaire est tout et la gène fonctionnelle est le seul symptôme :
or la paralysie ne se manifeste pas autrement, et le diagnostic ne peut
être fait que par analogie avec des cas connus et classés. Dans le second
cas, on suppose fréquemment, en s'appuyant sur des descriptions dont le
bien-fondé n'est parfois rien moins que démontré, que des deux actions
des cellules radiculaires antérieures de la moelle, action dynamique et
action trophique, transmises toutes deux par la voie des nerfs moteurs,
c'est la seconde qui est seule ou primitivement atteinte : cette dissocia-
tion, qui est la base de la description de l'amyotrophie progressive
spinale, ne doit être admise que pour conserver un syndrome clinique,
différencié seulement de la paralysie vraie par sa lente et progressive évo-
lution. En réalité, dans l'un et l'autre cas, à notre sens, il y a paralysie,
dans l'un et l'autre cas c'est la gêne fonctionnelle qui est presque toujours
le premier signe, mais le degré de ce trouble est essentiellement différent
dans les « paralysies » presque toujours rapides et dans les « amyotro-
phies primitives » toujours lentes, et cette différence justifie parfaitement
la séparation des paralysies et des amyotrophies d'origine spinale.
FORMES CLINIQUES. - CLASSIFICATION -
L'atrophie musculaire est un trouble trophique. Ce trouble trophique
peut être dû à l'altération en un point quelconque du neurone moteur
périphérique, neurone qui va de la cellule radiculaire antérieure, centre
trophique, jusqu'au muscle. Il semble pouvoir être dû aussi à l'altération
en un point quelconque du neurone moteur central, c'est-à-dire de la
voie pyramidale qui conduit l'excitation dynamique des cellules corticales
aux cellules motrices de la moelle; mais sans doute dans ce cas l'altéra-
tion pyramidale ne provoque l'atrophie musculaire que par l'intermé-
diaire d'une modification pathologique de la cellule motrice. Enfin, ce
même trouble trophique parait pouvoir être dû à une atteinte morbide
primitive du muscle lui-même, indépendamment de toute lésion ner-
veuse ; mais ce fait n'est pas encore démontré de façon certaine, il se
peut que, dans certains cas, une altération réelle des centres ou des voies
nerveuses échappe à nos moyens actuels d'investigation. Comme, d'autre
part, aucun symptôme clinique ne permet d'affirmer avec certitude que
les voies nerveuses sont indemnes et que les muscles sont primilive-
ment atteints, comme tous les symptômes que l'on considère, à tort ou
à raison, comme signes d'altération nerveuse ont été signalés, isolés ou
non, chez des sujets que l'on considérait comme myopathiques, il nous
parait encore prématuré de baser une classification des amyotrophies sur
une hypothèse pathogénique et de les diviser strictement, comme on le
fait ordinairement, en myopalhiques, myélopathiques et neurotiques.
FORMES CLINIQUES. CLASSIFICATION'. 665
Les diverses atrophies musculaires présentent des différences et des
ensembles cliniques qui nous paraissent pouvoir servir de base à une
classification bien plus légitime. '
Les atrophies musculaires peuvent être secondaires et localisées, elles
peuvent être primitives, progressives et, plus ou moins tardivement, géné-
ralisées, .
Les atrophies secondaires sont localisées soit dans les muscles voisins
d'une affection locale (atrophies dites réflexes, d'origine articulaire ou
abarticulaire), soit dans des muscles préalablement paralysés (atrophies
consécutives aux paralysies diverses d'origine centrale ou périphérique).
Ces amyotrophies peuvent être très étendues, mais elles ne sont qu'un
des éléments, accessoire el plus ou moins tardif, d'un tableau morbide
préalablement reconnu : ce ne sont pas des maladies, ce sont des suites
ou des complications d'une maladie.
Les atrophies musculaires progressives constituent, au contraire, le
symptôme capital d'une maladie ou au moins l'un de ses symptômes
élémentaires : elles peuvent être acquises ou présenter les caractères
d'une maladie de développement..
Les amyotrophies acquises surviennent presque exclusivement chez
l'adulte : toutes les amyotrophies qui présentent ce caractère paraissent
être dues il une altération primitive du système nerveux soit central, soit
périphérique, il n'y en a pas de primitivement musculaire. L'amyotrophie
progressive de l'adulte peut être le seul signe clinique d'une maladie, ces
cas sont tout il fait exceptionnels; presque toujours elle est seulement
l'un des symptômes prédominants d'une affection nerveuse que ses autres
signes permettent de classer. L'atrophie musculaire progressive dite
Aran-Duchenne, forme sous laquelle se présente presque toujours l'amyo-
trophie des adultes, était autrefois une entité morbide compacte et indi-
vise ; c'était l'expression clinique de l'inflammation systématique des
cornes antérieures de la moelle, de la poliomyélite antérieure chronique.
L'étude plus approfondie des symptômes qui raccompagnent ont permis
de n'y voir qu'un syndrome et d'en dissocier successivement la sclérose
latérale amyotrophique (Charcot. 1872), la pachyméningite cervicale hy-
pertrophique (Charcot et .Jol1'roy, 871-75), la syringomyélie (Schulize -
et Kahler, 1882, Dchove. Dejerine, 1889, Jolrroy et Achard, Charcot), la
m<"ningo-I11YI"lite syphilitique (Raymond, 1895, Léri, 1905) (') : c'est à
peine si t on peut dire aujourd'hui qu'il existe un seul cas bien démon-
tré (l'atrophie musculaire progressive vraie, par poliomyélite antérieure
chronique systématique.
Bien plus fréquemment l'atrophie musculaire progressive se présente
sous la forme d'une maladie de développement et en offre tous les carac-
tères plus ou moins associés : début dans l'enfance ou dans l'arloles-
L. Haymom,. Soc. mrd. des /¡Ôp" 18t1a : Li-îm. Conqrès de Bruxelles, I 1103; - Id....
Traité dl' .I1M. Charcot, Bouchard et Brissaud, 2" édit., t. 1\, 1904.
IA. LÉRI.] ]
664 Il ATROPHIES MUSCULAIRES.
cence, caractère héréditaire ou familial, autres anomalies dans le déve-
loppement, déformations du squelette, du thorax, du crâne, absence ou
atrophie congénitale de certains muscles, troubles psychiques fréquents,
début de l'atrophie par les muscles dont le développement s'est l'ait le
plus rapidement. (Babinski et Onanoff) ('), etc.... Dans ce groupe des
maladies de développement entrent toutes les formes des myopathies,
c'est-à-dire des cas où ni cliniquement, ni anatomiquement, on ne peut
affirmer qu'il y ait une lésion nerveuse, où, même si l'on découvrait une
lésion nerveuse qui nous échappe encore, la lésion musculaire serait si
prédominante qu'elle justifierait la séparation de ces cas et presque leur
dénomination de « myopathies » . Le trouble du développement, peut
porter parfois non seulement sur les muscles, mais aussi sur le système
nerveux central ou périphérique : les amyotrophies progressives, mala-
dies du développement, peuvent donc être aussi myélopathiques ou
myélo-neurotiques; dans cette classe, il faut, compter les amyotrophies
Charcot-farie, Werdnig-Iloffmann, et la névrite interstitielle hypertro-
phique, décrite par Gombault, Dejerine et Sottas, Pierre Marie.
Nous tracerons un tableau des diverses amyotrophies d'après la classi-
fication suivante :
I. Atrophies musculaires dites primitives, progressives, géné-
ralisées :
A) Atrophies, maladies du développement, d'origine congénitale, atrophies
de l'enfance et de l'adolescence :
a) myopathiques : toutes les formes des myopathies : paralysie pseudo-hypertro-
phique de Duchenne; Leyden-Moebius; scapulo-humérale, juvénile d'Erb;
facio-scatntlo-humérale de Landouzv-Dejerinc.
h) myélopathiques et myélo-neurotiques : type Charcol-Marie; type Wl'I'llnig-
Houmann ; type Gombault, Dejerine-Sotlas, Pierre Marie (névrite interslitielle
hypertrophique).
B) Atrophies acquises, atrophies de l'adulte :
Myélopathiques : type Duchenne-Aran : sclérose latérale amyotrophique : syringo-
myélie; pachvméningite cervicale hypertrophique; certains cas de lèpre
nerveuse, de méningo-myélite syphilitique, de tabès, de sclérose en piques,
de névrites ? ; poliomyélite antérieure chronique ? ' ?
IL Atrophies musculaires secondaires :
A) Consécutives à une lésion locale :
a) Atrophies par lésions vasculaires.
b) Atrophies dites « réflexes » : d'origine articulaire : arthrites, luxations, contu-
sions ; '
d'origine tebarticulaire : muscle : traumatisme, compressions, coup de fouet;
os : fractures, ostéites; téguments : plaies; - séreuses : atrophies
pleuréliques, etc.
4. Rahinski et ONAoFF. Myopathie progressive primitive. Sur la corrélation qui existe
entre la prédisposition de certains muscles 1. la myopathie et la rapidité de leur dévelop-
pement. Soc. de biologie, 1888.
ATROPHIES MUSCULAIRES PRIMITIVES PROGRESSIVES. 665
B) Consécutives à une paralysie :
a) D'origine médullaire : paralysie spinale infantile ; paralysie spinale aiguë de
l'adulte ; liématomyélie ; myélites.
b) D'origine cérébrale : paralysies cérébrales infantiles : hémiplégie, etc.; hémi-
plégie de l'adulte.
c) D'origine périphérique :
1. Lésions traumatiques des nerfs, des plexus* des racines : sections, plaies, con-
tusions, compressions, élongalions.
2. Lésions inflammatoires : névrites infectieuses, toxiques.
a) Névrite infectieuse de cause externe : névrite ascendante.
p) Névrites infectieuses et toxiques de cause interne : infectieuses : lèpre,
. béribéri; toxi-infectieuses : diphtérie, fièvre typhoïde, tuberculose, grippe,
variole, paludisme, streptococcie, etc. ; toxiques exogènes : alcool,
plomb, arsenic; toxiques endogènes (auto-intoxication) : diabète, goutte,
rhumatisme chronique, cancer, cachexies; tabétiques (infectieuses ? ).
d) D'origine fonctionnelle : hystérie.
LI"- ATROPHIES MUSCULAIRES PRIMITIVES PROGRESSIVES
Toutes les atrophies musculaires progressives peuvent aboutir à la dis-
parition plus ou moins complète de presque toute la musculature. de
sorte que, à l'examen d'un amyotrophique arrivé il une période avancée,
il peut être impossible de reconnaître quelle a été la forme de 1 amyotro-
phic; c'est l'étude des antécédents et du mode d'évolution qui permet
seule une différenciation et un diagnostic parfois plus rétrospectif qu'ac-
tuel : c'est sur cette étude qu'est basée la description des amyotrophies
progressives.
A. - ATROPHIES MUSCULAIRES PROGRESSIVES DE L'ENFANCE
ET DE L'ADOLESCENCE
Atrophies maladies de développement
(d'origine probablement congénitale).
Le caractère capital de ces affections, celui qui en l'ait vraiment un
groupe il part et qui permet de les considérer comme dues il un trouble
congénital de la nutrition, c'est leur caractère héréditaire ou familial.
C'est ce caractère qui rapproche des amyotrophies progressives dont
l'anatomie pathologique a dès maintenant montré la dissemblance, il
savoir : les myopathies avec toutes leurs formes topographiques. ks amyo-
trophies progressives d'origine spinale ou myélo-névritiques Charcot-
Marie. Verdni-IIo(l'Inann, Gomhault-Dejerine.
Connue toutes les affections héréditaires ou familiales, maladie de
Fl'icdreich, bérédo-ataxie cérébelleuse, etc.. ces amyotrophies débutent
presque toujours dans l'enfance ou dans l'adolescence : ce début pré-
coce est un caractère de première importance pour le diagnostic. Il
[A. LÉRL
0''6 ATROPHIES MUSCULAIRES.
semble môme y avoir une relation étroite entre la netteté du caractère
héréditaire et l'âge de début de la maladie : la' maladie débute d'autant
plus tôt que son caractère héréditaire est plus constant, et cela quel que
soit le siège de la lésion. C'est ainsi que l'atrophie Werdiii,-I-Ioffrriaiin,
myélopathie, la paralysie pseudo-hypertrophique et la forme Leyden-
Moebius, myopathies, qui débutent le plus souvent dans la première
enfance, sont aussi les formes d'amyotrophies progressives le plus con-
stamment héréditaires : ce sont aussi ces formes dont d'ordinaire l'évolu-
tion est la moins lente et la plus grave. Immédiatement après, à la fois
comme précocité et comme fréquence de l'hérédité, viennent l'atrophie
facio-scalntlo-Inunérale de Landouzy-Dejerine, myopathie, et l'atrophie
Charcot-Marie, myélopathie : ces affections débutent le plus souvent
dans la seconde enfance, elles sont le plus souvent héréditaires, plus
souvent encore, familiales. Enfin, la forme scapulo-humérale d'Erb de la
myopathie et la névrite interstitielle hypertrophique débutent le plus
souvent pendant l'adolescence : c'est dans ces affections que manque le
plus fréquemment l'hérédité, dans le plus grand nombre des cas.
Dans l'ensemble, les myopathies, dont la forme la plus commune est la
forme facio-scapulo-humérale, sont héréditaires, d'après la statistique de
Erb ('), dans 56 pour 100 des cas; l'amyotrophie Charcot-Marie l'est plus
souvent encore, puisque, d'après le mémoire de Sainton (2), 59 familles
fourniraient un total de plus de 100 cas; dans les rares cas jusqu'ici
signalés l'atrophie Werdnig-IIoffmann s'est toujours montrée héréditaire
on familiale, la névrite interstitielle hypertrophique rarement. r
Dans 15 familles, Erb a pu suivre l'hérédité des myopathies il travers
deux jusqu'à cinq générations; dans une seule l'arnillellcrrinbltam a pu
compter '26 cas d'amyotrophie Charcot-Marie plus ou moins caractérisée.
Un fait à remarquer, c'est que les formes de myopathies qui débutent
généralement le plus tardivement, comme la forme juvénile d'Erb, sont
aussi celles qui paraissent le plus volontiers sauter une génération; il
semble que, dans ces formes, les sujets puissent rester pendant toute leur
existence comme « en puissance » de myopathie : c'est peut-être à ce
l'ail qu'est dû en partie le caractère apparemment peu héréditaire de ces
variétés il début tardif. Ce sont aussi ces formes qui paraissent se trans-
former le plus volontiers : c'est ainsi qu'Erh cite plusieurs sujets atteints
d'atrophie juvénile dont les enfants ont été atteints de myopathie facio-
scalmlo-humérale ; l'inverse parait être beaucoup plus exceptionnel. Cette
transformation héréditaire se limite aux différentes formes de myopa-
thrips : on n'a pas signalé jusqu'ici d'amyotrophie héréditaire myélopa-
tlriclne chez les ascendants de myopathique ou chez leurs descendants;
cela tient peut-être seulement au nombre encore relativement petit des
cas connus d'atrophie Charcot-Marie, Werdnig-Ilolfmann et Gombault-
1. Eun. Dystl'ophia muscularis progressiva. D. Zeilsclt. f. Nervenheilk. 1801.
2. Sainton". Th. Paris, 18'Jil.
ATROPHIES MUSCULAIRES PRIMITIVES PROGRESSIVES. G 157 7
Dejerine, car l'amyotrophie Aran-Ducllenne, type ordinaire des atrophies
progressives acquises et non héréditaires, a été signalée chez, le père de
deux myopathiques (Cénas et Douillet) ('), dans la famille de plusieurs
myopathiques (Yiard) (2) : peut-être aussi ne s'agissait-il dans ces der-
niers cas que d'une coïncidence fortuite. ,
L'hérédité est donc le plus souvent, chez les amyotrophiques, homo-
logue au sens strict du mot, c'est-à-dire que les malades et leurs descen-
dants sont atteints de la même forme d'atrophie; chez les myopathiques,
elle peut être homologue dans le sens le plus large, c'est-à-dire qu'un
myopathique peut donner naissance à un sujet qui se trouve atteint d'une
autre variété de myopathie. Dans un bon nombre de cas, il y a seule-
ment une hérédité neuropathique, et l'on trouve chez les malades, chez
leurs ascendants ou leurs collatéraux, des troubles mentaux, l'idiotie
(Duchenne, Langdon-Down, Mobius, Yizioli, etc.), des convulsions et
de l'épilepsie (Erb, Virioli, Landouzy et Dejerine, P. Marie et Guillon,
Sehultz, Spillmann et llansltalier, Pennato, etc.), l'hystérie, la chorée,
des psychoses diverses, etc. ; l'existence fréquente de ces antécédents
héréditaires ou personnels neuropathiques est bien en faveur de la théorie
des amyotrophies héréditaires maladies de dégénérescence, d'origine
conceptiollnelle ou héréditaire (Jouroy) (5).
Enfin, dans quelques cas, on ne trouve même pas une hérédité aussi
indirecte, amyotrophie progressive, même sous sa forme habituellement
héréditaire, paraît bien être acquise. L'alcool et la syphilis ne paraissent
pas, d'après Erb, jouer un rôle dans la palhogénie de ces affections.
Touche a signalé un cas avec autopsie de myopathie qui aurait été consé-
cutive à une intoxication mercurielle (1). Le traumatisme aurait peut-être
plus d'influence (Lion et Gasne (5). ,Jofl'roy). C'est surtout, non exclusive-
ment, dans ces cas qui ne semblent pas héréditaires ou familiaux, que
l'affection débute plus tardivement (2J ans dans un cas de Lion et Gasne,
45 et 40 ans dans deux cas d Erb. 48 ans dans un cas de paralysie pseudo-
hypertrophique de JlIIlC Sacara, 50 ans dans un cas de Pick (6), Gï ans dans
un cas de Linsmayer) (7).
Ces cas exceptionnels d'affections non héréditaires et à début tardif
n'infirment en rien la régie : il existe toute une classe d'amyotrophies
progressives, avec ou sans lésion nerveuse centrale ou périphérique, qui
sont héréditaires ou familiales et dont le début se fait pendant l'enfance
ou l'adolescence.
Nous ajouterons un caractère accessoire, l'influence très marquée du
1. Clh\s et Doun.t.MT. Loirc incil. 1 ? juillet 18'Jà.
2. Viahii. 7 ? Paris, '1 HOU,
r). JiiFFiioï. Les myopsychies. Ill'I'. 1/('1/1'111., I ! 102.
L 'l'urnut : . Soc. méd. hôp., Iii l'vrier lll0` ? .
. Lion et h.vsw : . Suc. merl. hop., 10 janvier 1002.
6. F. Pick. 1). Zeiisch. f. IVerucnhcillc.. l ! 1U0.
7, tX.SMAYE) ! . Wicller Klie. Woch., 11 ! ll.
IA. LÈRI-1
C68 ATROPHIES MUSCULAIRES.
sexe : les amyotrophies héréditaires frappent avec une grande prédilec-
tion le sexe masculin. Cette prédilection est maxima pour la paralysie
pseudo-hypertrophique : cette affection ne frappe que 10 ou 11 filles sur
100 malades (Marinesco) ('), Gowers admet une fille sur 4 malades,
.\['ne Sacara n'a observé qu'une jeune fille sur 15 sujets atteints de cette
maladie (=). On voit assez souvent dans les familles la paralysie pseudo-
hypertrophique atteindre presque exclusivement les garçons; Méryon a
rapporté l'observation d'une famille où 4 frères ont été frappés, les
4 soeurs restant indemnes ; l3untinb a plus récemment fourni une obser-
vation très analogue (3),
L'affection se transmet parfois par les femmes alors qu'elles-mêmes en
restent épargnées (Juglis). La propagation se fait d'autant plus facile-
ment par les femmes que, quand elles sont, atteintes, la maladie est sou-
vent plus tardive et plus lente, et qu'elle débute assez souvent il 20 ans
et plus lard (Friedreich, Lutz, Eulenburg, Singer, Westphal, Suc-
kling) ( ? ).
La prédilection pour le sexe masculin est encore très marquée dans le
type Leyden-Moebius et dans le type Erb, elle semble l'être moins dans la
forme Landouzy-Dejerine.
L'amyotrophie Charcot-Marie est cinq fois plus fréquente chez les gar-
çons que chez les filles, il y a des familles où le sexe féminin jouit d'une
véritable immunité. L'atrophie Werdnig-llotfmann a été jusqu'ici observée
plus souvent chez des garçons, ainsi que la névrite interstitielle hyper-
trophique.
A. - MYOPATHIES (5)
En dehors des caractères que nous venons de signaler (âge, hérédité,
sexe), qui leur sont communs avec les atrophies héréditaires myélopa-
thiques et névritiques, les atrophies myopathiques présentent un certain
nombre de caractères particuliers : les uns, principaux, quoique non
constants ni spécifiques, se constatent au niveau de la musculature
même; les autres, moins fréquents, se rencontrent au niveau de tous les
tissus et semblent démontrer que l'affection est une maladie de dégéné-
rescence « beaucoup plus générale que son nom ne l'indique » (lleije).
1. Mahinksco. Traité Brouardel-Gilbert, I. \, p. 805.
2. Sacaha. Th. Bucarest, 1895.
"). l3uvrmc ? ouf. neru. and ment, dis., juin 1 ! )Q;¡.
4. Suc : hi.ms. Biil. méd...1. 1889.
5. On a pris l'habitude de réserver la dénomination des myopathies aux amyotrophies
progressives non consécutives à une altération du système nerveux. Tous les étals patho-
logiques des muscles ne sont pourtant pas atrophiques, et il serait juste de désigner sous
ce nom un ensemble plus étendu de faits où entreraient, par exemple, la myotonie de la
maladie de Thomsen et la myoplégie de la paralysie familiale périodique, affections
auxquelles Oddo donne le nom de « myopathies familiales paroxystiques » (Revue 11811-
rologique, 1902).
MYOPATHIES. sao
Symptômes musculaires.
Les caractères ordinaires de l'atrophie myopathique sont les suivants :
absence de contractions fibrillaires, mélange en proportions variables
dans les mêmes muscles de l'atrophie et de l'hypertrophie vraie ou fausse,
rétractions fibre-musculaires, modifications quantitatives sans modifica-
tions qualitatives de l'excitabilité électrique, conservation des réflexes
tendineux proportionnellement à la conservation des muscles correspon-
dants, début de l'atrophie par la racine des membres, évolution très
lente. Nous allons les passer rapidement en revue et en indiquer la
valeur. .
L'absence de contractions fibrillaires a été considérée comme un bon
signe différentiel des amyotrophies protopalhiques. Pourtant nombre d'ob-
servateurs, Zimmerlin, Hitzig, Oppenlieimer, etc., ont signalé l'existence
de contractions fibrillaires dans les muscles des myopathiques. Nous
avons nous-mème examiné à ce point de vue dix myopathiques : chez
deux malades nous avons constaté des contractions très nettes, trois au-
tres malades nous en ont décrit très clairement l'existence passagère, bien
que nous n'ayons pu les retrouver au moment de notre examen ('). Des
contractions fibrillaires existent donc assez fréquemment chez des myo-
pathiqnes : certains muscles y semblent particulièrement prédisposés,
quelle que soit la cause de l'atrophie, tels les deltoïdes, les muscles pos-
térieurs et internes de la cuisse. D'autre part, certainement plus fré-
quentes dans les atrophies d'origine spinale, elles n'y sont cependant
nullement constantes, ainsi que Duchenne l'avait déjà remarqué; en
particulier elles ont manqué dans la plupart des cas d'atrophie Werdnig-
Hofïmann jusqu'ici signalés.
Dans tous les muscles atrophiés, quelle que soit l'origine de l'atrophie,
il existe histologiqucment des libres hypertrophiées (Erb), mais c'est seu-
lement dans les myopathies que leur nombre devient assez considérable
pour que 1 hypertrophie puisse être cliniquement reconnue. L'hyper-
trophie d'un muscle peut dans ce cas être totale ou partielle.
L'hypertrophie totale, avec augmentation de la force musculaire, a été
admise par Erb,; elle serait transitoire et ferait généralement place à
l'atrophie : elle siégerait surtout aux membres supérieurs sur le deltoïde,
les sus- et sous-épineux, le biceps, aux membres inférieurs sur les
jumeaux, le tenseur du fascia lata et le couturier; elle serait un élément
important et caractéristique de la forme juvénile d'Erb. En réalité, l'hyper-
trophie a été signalée depuis le mémoire d'Erb dans des formes diverses
de la myopathie, et en particulier dans la variété facio-scapulo-buniérale
où Erb la croyait toujours absente. D'autre part, Roth (de Moscou), Mari-
nesco croient qu'il n'existe jamais d'hypertrophie vraie totale d'un muscle
1. t ? m. Ret. nctcrnl., a0 ,juin 1 ! 101.
, [A. LÉRL]
670 ATROPHIES MUSCULAIRES.
dans la myopathie, et cela non seulement au point de vue anatomique,
mais encore cliniquement ; pour Roth, l'hypertrophie totale serait plus
,apparente que réelle et due à la fois à une hypertrophie partielle et à
une partielle atrophie en longueur.
L'hypertrophie partielle des myopathies peut atteindre les muscles
soit dans une partie de leur épaisseur, soit dans une partie de leur lon-
gueur : certains faisceaux peuvent être hypertrophiés en entier au milieu
de faisceaux atrophiés et former à l'oeil, à l'état de repos ou surtout
pendant la contraction, des cordes saillantes épaisses ; d'autres faisceaux
peuvent être hypertrophiés dans une partie seulement de leur longueur,
alors qu'une extrémité ou les deux extrémités sont au contraire atrophiées :
c'est ce que Roth a dénommé l'atrophie longitudinale. La conséquence
de cette double altération est l'apparition sur certains muscles, le deltoïde
tout particulièrement, de boules ou de bosses contractiles : ces saillies
sont fréquentes, mais non constantes, dans la myopathie ; quand elles
existent, elles auraient, d'après Dejerine, une valeur diagnostique consi-
dérable, car on ne les rencontrerait pas dans les atrophies d'origine
nerveuse.
Le tissu cellulo-graisseux peut non seulement se substituer au tissu
musculaire, mais encore en dépasser de beaucoup la quantité : il en ré-
sulte une pseudo-hypertrophie, avec grosse diminution de la force du
muscle. La pseudo-hypertrophie est assez importante pour caractériser
une des formes de la myopathie, la paralysie pseudo-hypertrophique ; elle
est très fréquente dans la forme d'Erb, mais elle ne fait absolument dé-
faut dans aucune des formes de la myopathie ; en revanche elle n'est
constante dans aucune d'elles ; dans la paralysie pseudo-hypertrophique
même, la pseudo-hypertrophie peut manquer, on a alors affaire à la forme
dite Leyden-Wibius. Certains muscles y sont tout particulièrement pré-
disposés, tels les jumeaux, le biceps crural, les fessiers, le deltoïde. La
pseudo-hypertrophie est d'ordinaire transitoire et fait place à un moment
donné à l'atrophie ; un certain nombre de muscles paraissent être toujours
atteints d'atrophie dès le début, tels les muscles du bras et le long exten-
seur, le grand pectoral et le grand dorsal ; Duchenne a pourtant signalé
un cas où tous les muscles étaient pseudo-hypertrophiés, sauf le grand
pectoral, mais c'est un cas jusqu'ici unique. Fréquente, mais nullement
constante dans les myopathies, la pseudo-hypertrophie n'en est aucune-
ment caractéristique ; on ne la trouve guère, il est vrai, daus les amyo-
trophies spinales progressives, mais on la trouve assez souvent au niveau
des muscles atrophiés à la suite d'une paralysie, de la paralysie infantile,
par exemple. Gordon (') a signalé récemment la pseudo-hypcrtrophie
des mollets dans un cas d'amyotrophie Charcot-Marie ; elle n'existait
dans aucun des cas relevés par Sainton.
Des rétractions de certains muscles peuvent exister dans toutes les
1. (;OIIfJON. J. o/' ne1'U. a. ment, dis., juin 1905.
' MYOPATHIES. 671 1
formes de myopathies : elles sont surtout fréquentes dans la forme Lan-
douzy-Dejerine (Friedreich, Landouzy et Dejerine) ('), ainsi que dans la
paralysie pseudo-hypertrophique (Marinesco). Leur cause serait à la fois
dans la transformation fibreuse des extrémités des muscles (Roth (2),
Dejerine) (3) et, au préalable, dans la prédominance d'action des muscles
qui se rétractent sur leurs antagonistes plus précocement atrophiés
(Blocq ('), Sacara). Les rétractions affectent tout spécialement certains
muscles, .le triceps sural, le biceps
brachial, le biceps crural ; aussi elles
déterminent certaines déformations
caractéristiques, le pied bot équin ou
varus, la rétraction de l'avant-bras sur
le bras, la rétraction de la jambe sur
la cuisse. La palpation des muscles
rétractés donne une sensation de dureté
particulière, de corde tendue, soit
pendant la contraction active des mus-
cles, soit quand on cherche à vaincre
passivement la rétraction. Certaines
des déformations peuvent être très
précoces, et le pied-bot, par exemple,
peut être révélateur d'une myopathie
commençante (Hahn (5), Schlesinger(6).
Les rétractions peuvent être étendues
à d'autres muscles et déterminer la
flexion permanente de la cuisse, le
genuvalguin, le pied valgus, le pied
plat, etc. ; elles peuvent être presque
généralisées (Scherb ('), Cestan et
Lejonne) (8). Cestan et Lejonne ont
donne 1 observation de deux frères myopathiques chez lesquels on lpeut
dire qu'il existait une véritable tendance familiale aux rétractions géné-
ralisées. Les rétractions fibro-musculaires sont bien loin d'être constantes
dans les myopathies, mais leur existence aurait une certaine valeur diag-
nostique, car on n'en rencontrerait guère dans les amyotrophies progres-
sives d'origine myélopathique; en revanche elles ne sont pas rares dans
les atrophies localisées consécutives à une paralysie.
L'examen électrique des muscles des myopathiques montre d'ordinaire
1. Landouzy et Dejeiune. Rev. ttccl., 1885.
2. HOTII. Soc. biol. 188G. Ziegler's Beitrage xK) ? o ? 4 ? 18'Ja.
5. DHarnmr. Soc. biol, t 886.
4. IkocQ. Th. Paris, 1888.
5. Haiin. D. Zeitsch. f. Nervenheillc, 1000.
fi. SCIILES11GEIt. Wiell. Med. Club, oct. 1899.
7. SciiEitit. Rev. nenr., ')000..
8. CESTAN et Lejonne. Rev. tieurol., 15 novembre 1901. lcoh. Salpèlr., 1902.
[A LÉRl.]
Fig. 1. - Myopathie. L'affection a envahi
les membres inférieurs, puis les mem-
bres supérieurs. Pieds-bots varus-équins
par rétractions filJI'o-lendineuses.
1172 ATROPHIES MUSCULAIRES.
une diminution de l'excitabilité proportionnelle il l'atrophie des
muscles considérés; les contractions minium apparaissent pendant long-
temps avec des intensités de courant presque normales, mais les contrac-
tions avec des courants plus forts sont diminuées d'étendue et de puis-
sance (Iluet) ('); il n'y a pas de modification qualitative, pas de réaction
de dégénérescence. Ces règles souffrent cependant des exceptions. C'est
ainsi que Brissaud et Allard (2), lluet (3) ont rapporté des observations
de myopathiques dont les muscles, même les plus manifestement atro-
phiés, avaient présenté une réaction électrique normale. Quant à
l'absence de réaction de dégénérescence, elle avait été longtemps consi-
dérée comme signe caractéristique de l'atrophie d'origine musculaire; or
les observations se multiplient aujourd'hui où la réaction de dégéné-
rescence est signalée dans les myopathies; Erb a cité dans son mémoire
les observations de Zimmcrlin, lleubner, Erb, Landouzy et Dejerine,
Oppenheimer. Eisenlohr, von Roon, Prager, Schenk ; plus récemment
Brissaud, Spi 11mann (4), Abadie et Denoyès (), lluet ont également con-
staté des modifications qualitatives au niveau de certains muscles de
myopathiques. Il semble bien que l'on doive admettre pour expliquer
cette réaction de dégénérescence une participation, au moins accessoire,
du système nerveux; des expériences récentes de Babinski (6), qui a
constaté cette réaction anormale dans des muscles normaux une heure
et demie ou deux heures après la mort, paraissent en effet démontrer
que la réaction de dégénérescence ne dépend pas de modifications histo-
chimiques des muscles dont les nerfs sont dégénérés, mais qu'elle est la
réaction propre aux fibres musculaires se contractant d'une manière indé-
pendante, sous l'influence des excitations électriques, quand l'excitabilité
électrique des nerfs est aholie. La modification qualitative de l'excitabilité
galvanique indiquerait donc certainement une altération, au moins fonc-
tionnelle, du système nerveux. Mais si la présence de cette réaction a
véritablement une grosse valeur pour indiquer une altération nerveuse,
son absence n'en a aucune pour éliminer l'idée de lésion nerveuse : la
preuve en est que dans les amyotrophies d'origine spinale ou neuroliquc.
c'est seulement dans quelques muscles qu'on la rencontre en général, et
très fréquemment dans aucun.
L'opinion classique admet que, dans les myopathies, les réflexes ten-
dineux sont intacts, diminués ou abolis proportionnellement il.. l'atro-
phie simple ou pseudo-hypertrophique des muscles correspondants :
ainsi le réflexe rotulien serait conservé quand le quadriceps crural est
indemne, les réflexes achilléen ou olécrànicn seraient conservés au pro-
1. IIcn. Icoa. Snlpc(r.. 989 ! E. ,
2. Riiissauii et AU.AH". Soc. neurol., 5 décembre 1901.
5. Ile et. Soc. neurol.
4. 81'11.1,)11'\ : \, Soc. 11léd., Nancy 1899.
5. An : un : et Denoyès. Icon. ,Snlpclr., 1900.
li. l3 : wmsxr. Soc. biol., 6 mai 18 ! )(J.
MYOPATHIES. 075.
rata de la conservation du triceps sural on du triceps brachial. En réalité,
dans un très grand nombre de cas il n'en est pas ainsi. Dans leur nie-,
moire de 1885, Landouzy et Dejerine (') avaient noté que le réflexe
patellaire avait disparu avant toute trace d'atrophie des muscles de lai
cuisse dans deux cas sur cinq; Erb a signalé dans ses observations''
l'abolition du réflexe rotulien bien plus fréquemment que l'atrophie du
quadriceps. Pour ce qui est du réflexe oticranien, quatre observations
d'Erb, une d'Hoffmann notent son abolition alors que la force du triceps
brachial est conservée; P. Marie et Guinon signalent que dans un cas les
réflexes sont absents aux coudes bien que « la contraction du triceps soit
énergique et résiste très notablement aux mouvements passifs ». Mme Sa-
cara a fait des constatations analogues. Nous avons 170uS-I11P1118 C) constaté
chez trois myopathiques l'abolition des réflexes soit rotuliens, soit achil-
léens, soit 'Il cils, alors que les muscles correspondants paraissaient
encore en parfait état. Marinesco (3) a confirmé ces constatations, mais
ne croit pr,, que de celte discordance entre la diminution des réflexes et
la conservation des muscles on puisse conclure il l'intervention du sys-
tème nerveux; c'est au contraire, d'après lui, dans des altérations mus-
culaires précoces en rapport avec ces réflexes qu'il faudrait chercher la
cause de cette abolition. Son hypothèse nous paraîtrait fort plausible si
les réflexes ne conservaient parfois une assez grande intensité au niveau
des muscles qui sont déjà manifestement très atrophiés et qu'on a tout
lieu de supposer vraiment plus malades que des muscles en apparence
sains, non seulement par leur volume, mais encore par leur puissance.
De plus les réflexes disparaissent parfois dans certains muscles que l'atro-
phie est encore loin d'atteindre; c'est ainsi que nous avons pu constater
l'abolition des réflexes achilléens chez un myopathique facio-scapulo-
huméral, alors que les muscles, non seulement de la jambe, mais de la
cuisse même ne présentaient encore aucune apparence d'atrophie et que
le réflexe rotulien subsistait encore, quoique faible : or la progression
normale des myopathies se fait de la racine des membres vers leur extré-
mité et, pour ce qui était des membres supérieurs, jusque-là seuls atro-
phiés, notre malade ne faisait pas exception il la règle.
Les rélïexes sont donc fréquemment diminués ou abolis dans les myo-;
pathies, même quand les muscles correspondants ne sont pas ou ne I
paraissent pas atrophiés ; ces modifications sont plus fréquentes peut- i
être dans les atrophies d'origine nerveuse, mais elles sont loin d'y être i
constantes. .
L'atrophie des myopathiques frappe d'ordinaire d'abord les muscles
les plus rapprochés de la racine des membres soit supérieurs, soit
inférieurs, et gagne progressivement les extrémités en restant pendant
très longtemps plus accusée à la racine. Cette règle souffre pourtant
1. Laxpouzy et Rkjeiunk. Ilca. méd., 1885.
2. UnI. lier, neural.. 1901.. , .
71, )Isr;mr.co. Traité Brouardel-Gilbert, X, p. î2`>. , ... .
PHATIQUE NEl'I\OL. 43
[A. LÉRI. ]
674 ATROPHIES MUSCULAIRES.
des exceptions : tel le cas, suivi d'autopsie, d'Oppenheim et Cassirer (')
où l'atrophie s'était localisée aux membres inférieurs dans le domaine
des nerfs péroniers, aux membres supérieurs dans une partie des petits
muscles de la main et, plus tard, dans le triceps et le long supinateur;
tel aussi le cas de Dejerine et Thomas (2), également suivi d'autopsie, où
la topographie de l'atrophie était celle de l'atrophie spinale Aran-
Duchenne typique. Dans ces deux cas d'ailleurs l'allection avait débuté
très tardivement, indépendamment de toute influence héréditaire ou
familiale, et d'autres symptômes (réaction de dégénérescence dans le
premier cas, contractions fibrillaires dans le second) avaient fait penser
à l'existence de lésions nerveuses dont l'autopsie a révélé l'absence ou
du moins l'inaccessibilité aux moyens ordinaires d'investigation. Plus
récemment, Gowers a décrit une « forme distale » de la myopathie (3),
Quoi qu'il en soit, le début de la myopathie par l'extrémité des mem-
bres est très exceptionnel ; le début, des amyotrophies d'origine nerveuse
par la racine des membres est aussi exceptionnel ; on en a cependant
signalé des exemples dans la poliomyélite chronique, la sclérose latérale
amyotrophique, la syringomyélie (Schlesinger, Dejerine et Thomas), dans
la paralysie infantile, dans certaines atrophies névritiques ; enfin l'évolu-
tion de la racine vers l'extrémité est la marche normale de l'atrophie
myélopathique Werdnig-lIof1'mann.
L'évolution des diverses formes de la myopathie est en général d'une
grande lenteur, elle progresse pendant de longues années; la myopa-
thie ne diffère pas à cet égard de la presque totalité des affections héré-
ditaires d'origine congénitale. Pourtant la lenteur est variable suivant les
formes; la paralysie pseudo-hyperlrophique, qui est la plus précoce,
puisqu'elle débute d'ordinaire dès la première enfance ou le commen-
cement de la seconde, est aussi la plus rapide. Les amyotrophies pro-
gressives de cause nerveuse évoluent en général plus rapidement; pour-
tant l'amyotrophie Charcot-Marie progresse d'ordinaire très lentement et
beaucoup de malades arrivent à un âge avancé ; l'amyotrophie syringo-
myélique dure aussi de très nombreuses années; les amyotrophies consé-
cutives à une paralysie (paralysie infantile, hémiplégie, etc.), n'ont pas
par elles-mêmes d'influence sur l'évolution de la maladie première.
Tels sont les caractères ordinaires de l'atrophie myopathique ; comme
on le voit, aucun d'eux n'est constant et tous peuvent s'observer clans
les atrophies de cause nerveuse. Le diagnostic résultera d'une pari de
la réunion plus ou moins complète de ces caractères, d'autre part de
la distribution et de l'évolution de l'atrophie qui ont permis d'en
décrire des variétés topographiques différentes, enfin de la constatation
d'un ensemble de symptômes, plus ou moins constants, portant sur tous
les tissus, os, articulations, peau, système vasculaire, système nerveux,
1. Oppenheim et Casshikii. D. Zeilsch. f. Ne¡'venheilk, 1896.
2. DEJEIIEOE et Thomas. Rev. neurol., 1904, p. 1187.
5. GowEns. Bril. med. J., 12 juillet 1902.
MYOPATHIES. 675
muscles, symptômes accessoires qui démontrent seulement que la myo-
n est une lI1alilllie du développement, C011â111aIet 111\rèditail'(,
q1 ! i.Ji-a.p'aSJJo ! ! J... unÙ¡uemf¿JIl SlOE ? le .lyslème musculaire, Nous étudie-
rons d'abord ces symptômes accessoires, puis nous passerons rapide-
ment en revue la distribution et l'évolution de l'atrophie dans les diffé-
rents types.
Symptômes non musculaires.
(Signes accessoires de dégénérescence.) '
Les os paraissent présenter fréquemment des troubles trophiques, mais
leur recherche n'a encore été faite que rarement. Fricdreich, Le Gendre,
Sclluitze (1), Lloyd(2) ont publié
des observations où l'atrophie
des os se trouve signalée. llal-
lion a rapporté l'observation
d'un malade chez lequel la fra-
gilité des os avait amené une
fracture spontanée du fémur (3).
Récemment P. Marie et Crou-
zon (`) ont publié l'observation
d'un malade dont l'humérus
avait, à l'examen radiographi-
que, le diamètre du médius d'un
homme normal; cet os s'était
fracturé spontanément, ou du
moins sous l'influence d'un trau-
matisme minime.
C'est sans doute à une sem-
blable atrophie osseuse, à un
processus plus ou moins ostéo-
malacique qu'il faut attribuer
pour 'une grande part des dé-
formations très fréquentes du
thorax et du crâne des myopa-
tliiques, déformations qui ne
sont certainement pas sous la dépendance, du moins exclusive, des
atrophies musculaires. Guinon et Souques ont, les premiers, signalé
un aplatissement dtél'o-postérieu1> du thorax sur la fréquence
et l'importance duquel P. Marie a appelé l'attention ; cet aplatisse-
ment peut être tel que le diamètre antéro-postérieur n'atteigne que
.1 ScuuLVZn. D. Zeilsch. y. Neruenh., lld \I1', IS97.
2. LLOYD. J. o/'nerv, and. ment, dis., oct. 1884.
5- Haixion. France méd., 20 novemhre 1591.
t. M,\mE et Cnouzoe¡. Soc. neuf., 1905.
[A. LÉRIJ
Fig. 2. Mynpatlnqlle avec a thorax en taille
de guêpe ». (Pierre Marie.)
670 ATROPHIES MUSCULAIRES.
la moitié seulement du diamètre transversal. Les clavicules sont sril-
lantes au-dessus des côtes, mais on n'observe pas la dépression mé-
diane de la partie supérieure de la cage sterno-costale, qui donne au
thorax l'aspect « en bateau » tout spécial à certains syringomyéliques
(P. Marie et Astié). La conséquence de l'aplatissement thoracique. qui
rapproche le sternum du rachis, est d'exagérer l'obliquité des côtes, y
compris les côtes inférieures qui ne sont pas reliées au sternum ; la con-
séquence de cette obliquité excessive des côtes est à son tour de conser-
ver au thorax à peu près la même largeur dans sa partie inférieure que
dans sa partie supérieure ; aussi au-dessous des fausses côtes les hvpo-
chondres forment parfois un angle rentrant brusque, en coup de hache;
le tronc prend alors un aspect spécial, désigné de façon très justement
imagée par Pierre Marie sous le nom de « thorax en taille de guêpe».
Peut-être l'atrophie de certains muscles abdominaux entre-t-elle aussi,
accessoirement, dans la pathogénie de cette déformation.
On constate assez fréquemment chez les myopathiques une dépression
de l'extrémité inférieure du sternum assez analogue à celle du thorax en
entonnoir.
Le thorax est quelquefois non seulement aplati, mais encore déjeté
latéralement (Guinon et Souques, Grasset).
Ces modifications s'accompagnent souvent de déformations vertébrales.
Sans parler de la lordose lombaire et de la cyphose dorsale de compen-
sation dues à l'atrophie des muscles des gouttières vertébrales et de la
masse sacro-lombaire, qui sont des attitudes paralytiques et non des
déformations vraies, on constate fréquemment chez les myopathiques
l'existence d'une déviation latérale, d'une scoliose. La scoliose peut être
parfois très accentuée, connue chez les malades de Sacaze ('), de P.
Marie e), de Scherb (5) ; il est possible que l'atrophie musculaire ait une
certaine action sur la production de cette déformation, mais il semble
certain qu'un trouble trophique de la colonne vertébrale est indispensable
pour l'accentuer au degré où on le rencontre parfois.
Dans toutes les formes de myopathie, et en particulier dans la l'orme
scapulo-huméralc et dans la paralysie 1»cudo-lrypertrol>liclue (Mme Sacara)
où pourtant les muscles de la face ne sont d'ordinaire pas intéressés, on
peut trouver une déformation spéciale du crâne qui a été signalée par
P. Marie et Onanoll' (1). C'est un aplatissement de l'occipital tel que la
partie postérieure de la tète rejoint à angle droit la partie supérieure : au
lieu d'être oblongue, la tête paraît carrée ; la protubérance occipitale
s'efface et la face postérieure du crâne se continue en ligne presque
verticale avec la colonne cervico-dorsale sans l'encoche normale de la
nuque. '
1. Sacaze. Arch. de uerrnol., 1895. "
2. P. Lvm : . Leç. clin, de 1'll(ilel-Dieii, 18 ! je.
5. Scneou. Reu. neural., 1900.
4. Marie el Onanoff. Soc. 11léd. hôl)., 26 février 1891.
., . MYOPATHIES.. ' 677
Une autre déformation du même ordre, que nous avons constatée chez
Un certain nombre de myopathiques, est un aplatissement, très marqué
du bassin. Cet aplatissement n'est pas frappant à première vue, parce
que généralement le bassin bascule en avant à cause de la lordose lom-
baire, ce qui donne aux malades les formes connues de la Vénus Callipyge :
mais quand on mesure au compas d'épaisseur la distance qui sépare
l'épine iliaque antéro-sùpérieure de l'épine iliaque postéro-supérieure
correspondante, on voit qu'elle n'atteint parfois que la moitié presque de
la distance qui sépare les deux épines iliaques antéro-supérieures ; or
à l'état normal la différence entre ces
deux distances n'est que de quelques
centimètres. L'aplatissement du bassin
nous a paru surtout prononcé chez
certains malades qui présentaient un
aplatissement manifeste du thorax.
Des déformations osseuses s'ont à
rapprocher certaines déformations
articulaires qui prennent plus ou
moins l'apparence de luxations ou
de subiuxations ; l'articulation de la
hanche y paraît tout particulièrement
prédis u-ce. D'après de Gauléjac (1), qui
a étudié ia question expérimentalement
au moyen de myotômies pratiquées sur
des lapins et cliniquement par la radio-
graphie, s'agirait non de luxations
vraies par élongation de la capsule et
des ligaments, mais d'une véritable
ostéo-arilirite traumatique produite
par les tractions continues de certains
muscles peu ou pas atrophiés, avec'
épaississement de la capsule et des li-
garnenrs et promeramons aes suriaces osseuses et des attacnes ligament-
teuses. La pathogénie de ces lésions n'est peut-être pas aussi simple chez
des myopathiques que chez des lapins sur lesquels on a pratiqué des sec-
tions musculaires ; deux éléments importants au moins doivent se sur-
ajouter aux lésions musculaires pour produire les altérations révélées par
les rayons X : d'une part un trouble trophique provoquant l'atroplùe des
os et les déformations squelettiques sur lesquels nous avons insisté, peut-
être aussi une élongation ou un épaississement ligamenteux, d'autre part,
pour ce qui concerne la hanche, la bascule du bassin qui tend à le faire
tomber en avant. ' .. ,
La peau des myopathiques est souvent mince, tendue, marbrée, pig-
. 1. De GAULCJAC. Gaz. hôp., 51 janvier 1901..
TA- LEZ.
rig..3.-blopathiqueprésenant unesco-
liose très prononcée avec grosse asymé-
trie - du thorax..
(ii8 ATROPHIES MUSCULAIRES.
montée par places, ou violacée et froide, cela surtout au niveau des
membres les plus atrophiés ; la peau ressemble alors à celle de certains
hémiplégiques ou paralytiques infantiles au niveau des membres para-
lysés et atrophiés. L'érythéme émotif, le dènllographisme sont fréquents.
La transpiration est souvent abondante : chez les 15 sujets atteints de
paralysie pseudo-hypertrophique qu'elle a examinés, Mme Sacara (1 a
toujours constate une hypersécrétion sudorale des mains et des pieds;
l'un d'eux en marchant pieds nus laissait sur le sol l'empreinte humide et
exacte des orteils et de la plante des pieds. La sclérodermie a été signalée
dans un cas de paralysie pseudo-hypertrophique par Ballet et Del-
lierm (9) ; l'épaississement scléreux de la peau était à peu près propor-
tionnel à l'impotence des muscles sons-,jacents.
La graisse n'envahit pas seulement les muscles pseudo-hypertrophiés;
une adipose sous-cutanée s'observe parfois. Il n'est pas rare de constater
chez les myopathiques soit des masses graisseuses localisées, soit une
adipose plus ou moins généralisée. Certains amyotrophiques « prennent
du ventre », et c'est un spectacle bizarre de voir, chez certains sujets à
membres d'araignée, un thorax plat et considérablement émacié sur-
monter un abdomen presque obèse et des fesses fortement saillantes.
L'épaississement adipeux du tissu cellulo-cutané est souvent mou et
mobile au début, il devient plus lard dur, compact, massif, formant ces
blocs scléreux qu'on ne peut ni déplacer ni pénétrer; Meige (3) compare
cette transformation sous-cutanée il celle du trophoedème, que l'on
observerait d'ailleurs parfois dans les antécédents personnels ou hérédi-
taires des myopathiques.
Les dents sont presque chez tous les malades inégales, irrégulières,
striées, dentelées, mal implantées, chevauchant l'une sur l'autre : chez
certains, des dents sont absentes, d'autres ont des dents surnuméraires
(Mine Sacara).
Toutes les glandes peuvent être altérées ; Mme Sacara a noté 1 hyper-
trophie du corps thyroïde dans trois de ses cas, des anomalies génitales
allaient dans un cas jusqu'à l'infantilisme avec monorchidie; le gonfle-
ment des glandes salivaires a été parfois signalé, Clarkc C) a récemment
rapporté l'observation d'un myopathique type Erb qui présentait une
grosse hypertrophie des parotides et des sous-maxillaires.
Guillain (5) a constaté chez G myopathiques une diminution de la pres-
sion artérielle, qui oscillait de 1 a à 14 centimètres de mercure au lien
de 16 à 18, chiffre normal. Cette constatation est à rapprocher de celle de
Costeet Gioja, Hinecker, Gollz. llamond qui ont constaté anatomiqucmcnt
l'hypertrophie du coeur dans la paralysie pseudo-hypertrophique. de
1. Mme Sacaiia. Rl'v. méd., 1894.
2. BALLET et Soc. ¡V1'u/'ol., 2 avril H103.
5. Meige. Soc. Neurol., -2 avril 1905. (Revue Neurol., 190.i, p. H2.)
4. CL : 1R6F.lir : rin, 1905. : i. Guillain. Soc. Neicrol., 2 filai 1901.
MYOPATHIES. 679
Stembo (') qui a constaté cette hypertrophie cardiaque par l'examen ra-
dioscopique, de James Ross (2) qui ri trouvé dans la même maladie des
lésions manifestes des fibres musculaires du coeur, de Mme Sacara qui a
remarqué dans la plupart de ses cas l'augmentation de la fréquence du
pouls et, dans quatre d'entre eux, une irrégularité de rythme et d'inten-
sité des battements du coeur, de Laignel-Lavastine () qui a observé de
l'instabilité cardiaque avec palpitations très violentes. Nous avons nous-
même ausculté avec soin un certain nombre de myopathiques et constaté
chez plusieurs d'entre eux, au niveau de l'orifice, aortique un premier
bruit prolongé et légèrement soufflant qui nous a fait penser à l'exis-
tence d'une sténose. Babès (') et Kalindero ont constaté plusieurs fois des
lésions importantes des artères et des veines musculaires de plusieurs
myopathiques, lésions plus ou moins semblables à celles queMarinesco(3)
a décrites dans les atrophies musculaires plus ou moins localisées qu'il
a dénommées « angiomyopathies ». Ces différentes altérations du système
cardio-vasculaire nous ont paru intéressantes à rapprocher; nous ne
voulons pas insister sur les discussions pathogéniques auxquelles leur
constatation a pu donner lieu.
Le système nerveux des myopathiques n'est pas toujours, tant s'en
faut, cliniducment indemne. Son altération se manifeste surtout par des
troubles psychiques. Les troubles psychiques ont été signalés dans la
myopathie avec une si extraordinaire fréquence qu'il parait vraiment im-
possible de croire, avec Gowers et Oppenheim, qu'ils constituent une
simple complication. Le peu de développement des facultés intellectuelles
de ces malades, dans les 4 ou 5 cas qu'il connaissait, avait frappé Du-
chenne au point qu'en 1861 ('), dans son travail initial, il avait dénommé
la paralysie pseudo-hypertrophique « paralysie hypertrophique de l'en-
fance de cause cérébrale » ; en 1868 (') il renonça lui-même à attribuer
la maladie à un état morbide de l'encéphale, « parce que dans un certain
nombre de cas aucun phénomène cérébral ne s'était montré dans le cours
delà maladie ». Depuis lors les observations ne se comptent plus où chez
des myopathiques on a signalé la faiblesse intellectuelle allant depuis la
simple obtusion avec ou sans retard de la parole jusqu'à l'imbécillité
et l'idiotie : da Conte et Givio, Schutzcnberger, Benedikt, J. Simon,
P. Marie et Guinon. West pliai. Vizioli (troubles mentaux 18 fois sur
50 malades), Borsari, Menut, Pilliet, Spitzka, Mme Sacara (10 débiles et
1 idiot sur 15 sujets), Bouveret, Londe et Meigc (8), Fabre (8 cas) (9),
1. Stemiio. Medic Cesell.ecle. m IVilna, 12 novembre 1897.
2. ,I : wna lioss.l3rit. mol..1., 15 février 1885.
5. I, : w : w. : r.-1,.1 ? IVTI\E ? lrclrin. de médec. février 1901, p. 185.
4. Baiiès. Annales de l'In.slil. de &f7<;<c')'. de Bucarest, 1888-89.
5. Maiiinesco. Sent. 3lédic., 15 février )8'.)6.
IL Duchenne. FAectr. local., 2. édition, 1561.
7. DucHEKXE..4)v ? </cwcWcc., 1808.
X. Londe et Meige. Icon. Salpëtr., t. \'Il.
D. Fahhe. Th. Vlontyelliea, 1590. 'Il.
Th. illontpelliei-, 189(l.
[A. LÉRI,]
680 ATROPHIES MUSCULAIRES.
Pennato, Moussous, Minor, Léonard, Guthrie, Barlow et Batten, Santé
de Sanctis, etc. etc., Ces troubles mentaux sont surtout fréquents dans
la paralysie pseudo-hypertrophique, mais ils ont été signalés aussi dans
les autres formes (Fabre, Joffroy, etc.). En 1902, l'association si fréquente
des troubles psychiques aux troubles musculaires, et en particulier aux
altérations myopathiques, a inspiré au professeur Joffroy (') 'une très inté-
ressante leçon sur les affections qu'il a dénommés « myopsychies » (cho-
rées deSydenham et de Huntington, maladie des tics, maladie de Thomsen,
myopathie, maladie de Parkinson). Les troubles physiques et les troubles
psychiques semblent être dans ces maladies la conséquence d'une même
cause héréditaire, d'un même vice de développement; leur association
montre, pour Joffroy, « qu'elles ne sont'que des manifestations diverses
de la dégénérescence ». Depuis la revue d'ensemble de Joffroy de nou-
veaux : cas de myopathies avec troubles psychiques, débilité mentale, stig-
mates de dégénérescence ont été rapportés par Mondio (5 cas) (2), Sachs
et Browks (3), Ballet et Delherm(4), Perrin ('), etc.... Joffroy a lui-même
'signalé un cas de myopathie avec troubles mentaux tardifs et passagers
et a insisté sur la nécessité de rechercher avec grand soin ces troubles à
la fois dans l'état actuel et dans les antécédents dès myopathiques (°).
- Diverses affections nerveuses familiales ou héréditaires ont été
signalées en concomitance avec la myopathie. Dejerine (1), Sachs (8), Val-
dès Anciano (9) ont rencontré chacun la maladie de Friedreich. Ber-
nhardt (1°) a observé chez un myopathique des accès paroxystiques de para-
lysie des quatre membres et du cou; il considère, avec Goldflam, que la
paralysie périodique n'est qu'une myopathie primitive. Marinesco(") a
observé des phénomènes de myasthénie, d'épuisement musculaire; les
tracés ergographiques récents de Gilbert Ballet et Jean Philippe (") mon-
treraient au contraire que l'absence d'asthénie musculaire peut être
d'ordinaire un signe différenciant la myopathie de la neurasthénie.
. L'affection héréditaire et familiale qui a été le plus fréquemment ren-
contrée en concomitance avec la myopathie porte comme elle sur le tissu
musculaire ; c'est la myotonie congénitale ou maladie de Thomsen.
Nous avons dit déjà qu'histologiquement tous les muscles atrophiés con-
tiennent des fibres hypertrophiées et que cliniquement cette hypertro-,
wl. JOFFROY. Rev. neurol., 990, p. 289.
2. Mondio. Riv. spel'in. di {l'eniat1'ia, 15 décembre 1909.
5. et Bnow6s. Americ. J. of the medic. Se, juill. 1901.
4. BALLET et DELUI,111. -SOC. neurol., avril 1903. (R. N., p. 441.)
5. Perrin. Bullel. médic, 23 janvier 1904.
0. Joffroy. Soc. 11e1t1'Ol., avril 1905. (R. N., 1905, p. 445.)
7. Dejerke. Médec. mod., 12 juin 1890. ,
8. Sains. nerf. dis. of Childs., p. 582.
9. Valdès Anciano. Revista med. Cub.al1a., 1904.
10. BEMHARDT. D. Zeilsch. ? 1'cruenlacillc, 1895, p. III.
11. 1)1.IllNESCO. Traité Br. Gilb., X, p. 749.
12. BALLET et Jean PHILIPPE. Rev. neurol., 1905, p. 1124.
MYOPATHIES. 081 I
phie peut aller jusqu'à l'hypertrophie partielle ou peut-être totale d'un on
plusieurs muscles avec augmentation de leur puissance. L'hypertrophie
peut être plus étendue encore et s'accompagner il la fois de la raideur
musculaire tétanique produite par la contraction et de la réaction élec-
trique mvotonique qui caractérisent la maladie de Thomsen. On peut
aussi observer chez les myopathiques tous les degrés entre l'hypertrophie
ou la myotonie localisée jusqu'à la maladie de Thomsen la plus étendue
et la plus caractérisée. La myotonie peut précéder ou suivre la myopathie ;
elles peuvent évoluer simultanément sur des muscles différents, l'atro-
phie peut remplacer la myotonie sur certains muscles. Toutes ces variétés
se retrouvent dans les cas de Buss, Sacara. Lannois (') (myotonie loca-
lisée), de Lépine (2) (myopathie suivie de maladie de Thomsen), de Hoff-
mann n (maladie de Thomsen suivie de myopathie sur d'autres muscles),
de Rossoliino (atrophie frappant les muscles préalablement myotoniques).
de Vigoureux, de Charcot, de Dana, Pelilzeus, Kornhold, Bernard,
Nonnes et Siro) (association des deux affections). Aussi on a tendance à
considérer la myotonie congénitale, reliée par toute une série d'échelons
à la myopathie classique, comme une variété de la myopathie.
Les formes ordinaires de la myopathie peuvent se combiner entre elles;
on observe non seulement toute une série de formes intermédiaires aux
différents types, mais encore la concomitance de plusieurs types de
myopathie sur le même malade. C'est ainsi que Brissaud (4), puis Gui-
non. Verriest ont signalé des cas d'association de la paralysie pseudo-hy-
pertrophique avec la forme facio-scapulo-humérale, que Souques (5),
Wongtschowski, Barbier et Lebon ("), ont présenté des malades atteints à
la fois des trois principales formes. Cette combinaison possible des diffé-
rentes formes n'est pas le moindre argument qu'on ait fait valoir pour
démontrer queues différents tvpes ne sont que des formes d'une seule et
.même maladie, la dystrophie musculaire primitive de Erb, la myopathie
primitive de Charcot.
La myopathie se trouve quelquefois associée à certaines anomalies con-
génitales, entre autres à l'absence congénitale de certains muscles (obser-
vation de Furstner, etc.). Gowers, Oppenheim. Damsch C) ont d'ailleurs
remarqué que l'atrophie congénitale portait particulièrement d'ordinaire
sur certains muscles qui sont affectés avec prédilection dans les myopathies,
et flamsrh, Bernhardt, Stange (8) ont cru pouvoir considérer bon nombre
1. LU(H. C01l(ll'ès de Pau, 1 ! 104.
2. LI.;mE. Soc. lIlédic, Lyon, 1898.
">. Hoffmann. D. Zeitschr. r. Nervenheilk, 4 décembre 190U.
4. ims..vrn. Coyér. delà Snlln>lr., 15;11. ,
5. Souques. Icon. Salpétr., 18 ! 1 L
IL et Leiion. Soc. méd. ltdp., 7 décembre 1900.
7. DAMso). Centralbl. f. Klin. Medic, ]8 ! 11. - Verhand. des X Conyress. y. il/lIel'l'
Medic, 1891.
8. Siance. D. Medic, ltroclrertscltr., 1896.
[A. LÉRL]
M2 ATROPHIES MUSCULAIRES.
d'absences congénitales de muscles connue des myopathies arrêtées dans
leur développement.
Nous avons insisté sur tous les symptômes accessoires de la myopathie,
parce qu'ils montrent qu'elle n'est pas une simple atrophie musculaire,
mais une maladie portant plus ou moins sur le développement de tous
les tissus; beaucoup de ces troubles, et parmi les plus fréquents, débilité
mentale, anomalies dentaires, thorax en entonnoir, troubles circulatoires
et secrétoires divers, etc., rentrent parmi les stigmates ordinaires de la
dégénérescence. Tous ces troubles sont plus ou moins accusés, d'ordi-
naire d'autant plus marqués que l'affection débute il un âge moins avancé,
c'est-à-dire qu'on les observe surtout dans la paralysie pseudo-hypertro-
phique, mais ils peuvent exister dans toutes les variétés topographiques
de la maladie; ils créent entre elles un lien qui fait que la myopathie est
une (comme le veulent Charcot et Erb), et qu'elle gardera son individua-
lité même s'il est démontré qu'elle doit être attribuée à un trouble fonc-
tionnel du système nerveux (Erb), voir à une affection organique des
centres nerveux encore inaccessibles à nos procédés de recherche
Variétés TOI'OGItAPIII(-)UES.
Nous allons maintenant rapidement passer en revue les principales
variétés de localisation et d'évolution de cette maladie.
9. Variété pseudo-hypertrophique ou myosclérosique
de Duchenne. Cette forme atteint surtout et d'abord les membres
inférieurs. Elle débute presque toujours dans la première ou seconde
enfance.
Le premier trouble est d'ordinaire un affaiblissement des membres
inférieurs; pendant quelques mois (jusqu'à un an ou un an et demi)
l'affaiblissement s'accentue sans que les muscles s'hypertrophient; par-
fois même ils s'atrophient légèrement avant de s'hypertrophier; d'autres
fois affaiblissement et pseudo-hypertrophie semblent évoluer simultané-
ment. L'affection n'attire généralement l'attention des parents que quand
l'affaiblissement est déjà très marqué; à ce moment la pseudo-hypertro-
phie est toujours assez nette. Si la paralysie a débuté dans la toute
première enfance, l'enfant n'a appris il marcher que très tardivement et
très difficilement. Si elle a débuté chez un enfant qui marchait déjà, la
marche devient plus pénible, plus lente, plus prudente; malgré ses pré-
cautions, le petit malade bute contre le moindre obstacle et tombe t'ré-
quement; il ne court pas, ne saute pas; il écarte les jambes, renverse le
corps en arrière et semble calculer tous ses pas; il redoute de se tenir
sur ses jambes et demande qu'on le porte. ,
L'examen révèle alors facilement la pseudo-hypettrophie de certains
muscles avec affaiblissement de leur force. Les premiers atteints sont
presque toujours les muscles du mollet; la jambe est épaissie dans son
ensemble et les jumeaux font de chaque côté une forte saillie. Les fessiers
MYOPATHIE l'SEUDO-IIYPER'CROPIIIQUI : . G85
se prennent ensuite; puis les muscles de la cuisse en commençant par le
quadriceps crural, en particulier par le droit antérieur et le vaste externe.
La plupart des muscles des membres inférieurs peuvent prendre un
aspect pseudo-hypcrtrophique et perdre leur puissance contractile, mais
l'altération des extenseurs des différents segments prédomine toujours
beaucoup sur celle des fléchisseurs : triceps sural, quadriceps crural,
muscles de la face postérieure de la cuisse, fessiers.
Les muscles sacro-lombaires sont d'ordinaire envahis à peu,près en
même temps que les fessiers, puis le carré des lombes, le droit antérieur
de iauuomen et le grand omique, le
grand dentelé.
Aux membres supérieurs le deltoïde
est assez fréquemment atteint de pseudo-
hypertrophie, et. quelquefois précoce-
ment, peu de mois après le début aux
membres inférieurs. Il est souvent le
seul muscle pseudo-hypertrophié des
membres supérieurs;. dans quelques cas
le triceps, le biceps, le long supinateur
le sont aussi. Mais presque toujours l'atro-
phie prédomine sur la pseudo-hypertro-
phie aux membres supérieurs et au tho-
rax ; elle survient toujours d'emblée sur
le grand pectoral, le grand dorsal, les
deux tiers inférieurs du trapèze, le rhom-
boïde, les spinaux, les intercostaux, les
extenseurs des doigts, les radiaux. Les
petits muscles de la main ne sont pas
toujours indemnes. En tout cas les modi-
fications de volume et de force sont aussi
peu marquées et aussi tardives aux membres supérieurs (le deltoïde mis
à part) qu'elles sont capitales et précoces aux membres inférieurs.
Les muscles du cou sont exceptionnellement et tardivement atteints.
Les muscles de la face le sont moins rarement qu'on ne le pensait, leur
affaiblissement entrerait assez souvent pour une part dans l'expression
inintelligente de certains des jeunes malades (Duchenne, Ialoelcner,
Griesinger, P. Marie etGuinon) ; leur hypertrophie est tout à fait exception-
nelle, le faciès ressemble plus ou moins au faciès de la variété Landouzy-
Dejerine. Les masséters sont quelquefois pseudo-hypertrophiés et forment
des bandes saillantes en arrière des joues. La langue présente une pseudo-
hypertrophie assez fréquente (Marinesco '), (Foggie 2).
L'affaiblissement progressif des masses musculaires, avec atrophie ou
pseudo-hypertrophie, prédominant aux membres inférieurs, donne à
L 1ll : umaco. Traité Br01tllrdel-Gilbel'l, X, p. 732.
2. Foggie. Scott. vieil, and surg. J., décembre 1905.
[A LÉRL]
Fig. 4. - Myopathie avec pseudo-lay-
perlrophie considérable des muscles
du mollet (collection Danmsuliino).
ti É ATROPHIES MUSCULAIRES.
l'attitude ut aux mouvements des malades un aspect tout à fait caractéris-
tique. Ils se tiennent les jambes écartées, les pieds regardant en dehors,
le tronc renversé en arrière et le ventre proéminent, corrigeant ainsi du
mieux qu'ils peuvent la faiblesse des extenseurs de la jambe et de la
cuisse et la lordose paralytique résultant de l'affaiblissement de leurs
muscles spinaux (Duchenne) ou extenseurs de la cuisse (Sacara).
Ils avancent lentement, en se dandinant, « en canard », inclinant à
chaque pas le tronc et l'appuyant sur la jambe qui repose à terre. Ils ne
peuvent courir. `
Quand ils sont couchés, ils ne peuvent se lever qu'en exécutant une
série de mouvements tout à l'ait typiques qui ont été minutieusement
décrits par certains auteurs; ils se retournent d'abord sur le ventre, puis
ils soulèvent leur tronc à l'aide de leurs membres supérieurs et en fléchis-
sant les genoux ; quand ils sont ainsi à genoux, ils s'inclinent d'un côté
pour dégager la jambe opposée et posent un pied sur le sol, puis dégagent
de même l'autre jambe et posent l'autre pied; ils sont ainsi « à quatre
pattes » ; ils grimpent alors avec leurs mains le long de leurs jambes,
puis le long de leurs cuisses et de leurs lombes, maintenant alternative-
ment chaque main solidement appuyée pendant que l'autre monte plus
haut et inclinant chaque fois le tronc du côté qui reste appuyé. Quand ils
sont assis, ils font pour se mettre debout une ascension analogue le long
de leurs cuisses.
Les mouvements sont quelquefois compliqués encore chez ces malades
par des rétractions tendineuses. La rétraction du triceps sural est parti-
culii'rement fréquente, elle provoque l'apparition d'un pied-bot équin ou
varus-équin, parfois très précoce et même révélateur de la myopathie
(Schlesinger, Ilahn). Ce pied-bot peut être peu prononcé et n'apparaître
la fin de chaque pas, quand le pied va reposer sur le sol; il peut
être plus prononcé et donner à la marche l'apparence plus ou moins
nette du steppage, il peut enfin être très accusé et permanent et empêcher
le malade de s'appuyer sur le sol autrement que sur la pointe des pieds.
Les rétractions tendineuses peuvent être très étendues et amener des
déformations considérables : la plupart portent sur les fléchisseurs.
La sensibilité est d'ordinaire intacte; cependant divers auteurs ont
signalé des troubles sensitifs : hyperesthésie (Berger, Moebius), hypo-
esthésie (Goetz), paresthésies, douleurs (lTohinsun).
L'évolution de l'affection est lente, elle dure cinq, dix, vingt ans; elle
est cependant relativement plus courte que celle des autres variétés de
myopathie. Elle est toujours progressive, soit régulièrement, soit plus
souvent par poussées ; les poussées semblent pouvoir être consécutives à
des accès fébriles (Donald lfacpllail, Mme Sacara, Marinesco), mais dans
ces cas on est en droit de se demander s'il ne s'agit pas d'affections fébriles
intercurrentes mal caractérisées qui donneraient un coup de fouet à la
maladie. La pseudo-hypertrophie fait généralement place à l'atrophie à
une période avancée de l'évolution.
MYOPATHIE SCAPULO-IIU31ÉRAI,E. Ii85
La paralvsie pseudo-hyperlrophique ne paraît entraîner qu'exception-
nellement la mort par elle-même, car on ne connaît guère de troubles
viscéraux qui en soient la conséquence immédiate. Pourtant on a parfois
observé anatomiquement ou l'a(110SCOp1(ll1e111('nt l'hypertrophie du caeur et
cliniquement des irrégularités dans le rythme et l'intensité de ses batte-
ments ; la mort semble pouvoir être aussi la conséquence de l'atrophie
des intercostaux et du diaphragme. Mais presque toujours les malades,
immobilisés par une atrophie très étendue et des déformations très pro-
noncées, succombent à des maladies intercurrentes, en particulier des
affections de l'appareil respiratoire, tuberculose ou pneumonie.
2. Variété Leyden-Moebius. - Cette variété, relativement-
rare, atteint tout d'abord, comme la paralysie pseudo-hypertrophique, 9
les membres inférieurs et les lombes, très tardivement les épaules et
les membres supérieurs; comme la paralysie pseudo-hypertrophique.
elle progresse de la racine des membres vers l'extrémité; la seule diffé-
rence qu'elle présente avec cette affection est l'absence ou le très faible
degré de la pseudo-hypertrophie. Or, la pseudo-hypertrolhic est un
symptôme transitoire de la forme de Duchenne; aussi, de l'avis même
de Leyden et de Moebius, il n'y a pas lieu de considérer ce type de
myopathie comme différant par aucun caractère important du type
ci-dessus décrit; tel est aussi l'avis de Damaschino, Dut.il, Dejerine. etc.
On a dénommé cette variété « paralysie pseudo-hyper/1'Ophique sans
hypertrophie » ..
5. Variété scapulo-humérale ou juvénile d'Erb. Cette
forme atteint d'abord et surtout les muscles de la ceinture scapu-
laire et du bras; rarement elle frappe en même temps les muscles de
la ceinture pelvienne et du dos; exceptionnellement ceux-ci se trouvent
envahis les premiers. La variété dite « juvénile » est la plus tardive des
variétés de myopathie, car elle ne débute souvent que dans l'ado-
lescence ou il la puberté, parfois cependant dans la seconde enfance,
exceptionnellement dans la première.
Le début est toujours lent et insidieux, la faiblesse progressive des
muscles se révèle accidentellement à l'occasion de certains mouvements.
Le grand pectoral et le trapèze (saul' leur faisceau le
petit pectoral, le grand dorsal, le grand dentelé, les rhomboïdes s'atro-
phient généralement en premier lieu. Peu après on peut constater l'atro-
phie au tronc des masses sacro-lombaires et du long dorsal, aux membres
supérieurs des muscles du groupe d'Erb, biceps, brachial antérieur et
long supinafeur. Le dettoide au contraire augmente souvent de volume
de façon très précoce; celle hypertrophie peut être vraie ou fausse, elle
est très souvent limitée la portion moyenne du muscle et est parfois
plus apparente que réelle a cause de l'atrophie de la portion supérieure
(atrophie longitudinale de Both). Les sus- et sous-épineux. le triceps
brachial participent aussi plus ou moins tôt à l'hypertrophie. Cette
hypertrophie est assez fréquente pour que Erb en ait rait un élément
[A. LÉRI.]
681; ATROPHIES MUSCULAIRES.
caractéristique de cette variété, mais elle est toujours très transitoire,
elle peut être tout à lait modérée et même faire complètement défaut.
Le sterno-mastoïdien n'est que rarement altéré (cas de Landouzy et
Dejerine, de F. Pick, etc.); l'atrophie porte surtout sur sa portion clavi-
culaire. L'angulaire de l'omoplate, le coraco-hracloial, le grand et le petit
ronds résistent généralement à l'atrophie. Les muscles extenseurs et
fléchisseurs de l'avant-bras et les muscles des mains restent aussi inal-
térés pendant un temps très long, et l'aspect de l'extrémité épaisse et
bien musclée du membre pendant au bout d'un bras décharné est tout à
l'ait spéciale.
Aux membres inférieurs les mêmes muscles sont atteints que dans
la variété pseudo-hypertrophique, mais plus tardivement; fait remar-
quable, ils présentent d'ordinaire, comme dans cette variété, de la
s< ? <7()-/n ? r ? c; la lseudo-llypertrohhie est très accentuée au
niveau des mollets, elle l'est moins ailleurs (couturiers, tenseurs du
fascia lata, etc.).
La face n'est atteinte que tardivement, les altérations y restent pendant
très longtemps légères et passent facilement inaperçues : les mêmes
muscles ne sont frappés que dans la variété Landouzy-Dejerine dont nous
parlerons ci-dessous, mais dans cette dernière leur atrophie est précoce
et prédominante.
Les atrophies, simples ou pseudo-hypertrophiques, de la forme scapulo-
humérale déterminent des déformations et des troubles spéciaux des
mouvements. L'atrophie des muscles qui s'insèrent à l'omoplate déter-
mine l'attitude bien connue sous le nom de « scapulæ alaise » : les
omoplates sont détachées du tronc sur leur bord interne, il se forme
entre leur bord interne et leur face antérieure d'une part, la paroi
costale d'autre part un angle rentrant plus ou moins profond. L'atro-
phie des portions inférieures du trapèze et du rhomboïde a pour effet
l'abaissement et la projection en avant du moignon de l'épaule; le bord
interne de l'omoplate devient oblique en bas et en dedans au lieu d'être
parallèle à la ligne des apophyses épineuses, son angle supéro-intel'l1e
s'élève. La projection en avant du moignon de l'épaule, ainsi que l'atro-
phie du grand dorsal et des muscles spinaux, fait que les malades se
voûtent et ne peuvent se tenir droits. Le faisceau supérieur du trapèze,
qui résiste parfois seul à l'atrophie de presque toute la musculature cer-
vicale, forme de chaque côté du cou très aplati des saillies latérales
rappelant les bandelettes qui sur les statues de sphinx tombent de la
coiffure : l'aspect est celui que G. Ballet et Delherm (') ont désigné sous le
nom de « faciès de sphinx ».
Dans les mouvements des bras les déformations s'accusent. L'omo-
plate, qui n'est plus soutenue, suit presque complètement les mou-
vements des bras en basculant autour de l'articulation scapulo-humé-
1. Ballet et Dki.hi-.ism. Soc. neural., 1902. {Revue Neural., 1902, p. 553.)
MYOPATHIE rACIO-SCAI'UL0-IIU)II;ItAl.l : . (¡Si
raie; quand les bras s'écartent du corps, leur angle inl'éro-interne s'écarte
de la colonne vertébrale; quand les bras se portent en arrière, cet angle
inféro-interne se rapproche de la colonne vertébrale en s'élevant. Dès que
les malades élèvent les bras, ou même dans certains cas au repos, l'angle
supéro-interne vient faire saillie en'arrière du creux sus-claviculaire; la
ligne légèrement concave qui joint la l'ace latérale du cou au moignon de
l'épaule se trouve interrompue par cette saillie anormale très caracté-
ristique. Quand l'atrophie des épaules et des bras est très prononcée, le
malade ne peut plus utiliser ses mains
restées relativement ou entièrement
indemnes qu'en les lançant en avant ou
en arrière au moyen d'une brusque
rotation du tronc.
L'atrophie des membres inférieurs,
des masses sacro-lombaires et des mus-
cles des gouttières vertébrales déter-
mine la même attitude et les mèmes
troubles de la marche et des mouve-
ments que la paralysie pseudo-hypertro-
phique : station les jambes écartées, les
pieds en dehors, lordose lombaire et
cyphose dorsale, thorax en retrait et
ventre proéminent, démarche en canard,
impossibilité de se relever autrement
qu'en grimpant sur ses membres infé-
rieurs, etc.
L'évolution est essentiellement chro-
nique, très lentement progressive, insi-
dieuse, entrecoupée parfois de longues
périodes d'arrêt, surtout quand le début
a été tardif. Les muscles sont à peu
près symétriquement atteints; pourtant
L;rb a cité des cas où le début avait été unilatéral. Tous les membres
peuvent être atrophiés et cette variété de myopathie peut se terminer
comme toutes les autres par une amyotrophie généralisée. La durée est
extrêmement longue, 50, 40 ans et plus, parce que l'affection n'oblige
jamais que très tardivement les malades à garder le lit et parce qu'elle
ne paraît troubler aucune des fonctions viscérales. La mort est ordinai-
rement due à une affection intercurrente portant surtout sur l'appareil
respiratoire.
4. Variété facio-scapulo-humérale de Landouzy et
Dejerine. - Celle variété frappe d'abord et surtout, de façon presque
constante, les muscles de la face. Elle débute généralement dans la
seconde enfance, rarement dans la première, plus rarement encore dans
,1 adolescence. Les premières déformations de la face sont peu gênantes
[A. LÉRI.]
Fig. 5. 31YOPalhique. Le malade ne
peut se tenir debout que les jambes
écartées, le tronc renversé en arrière.
On voit aussi nettement sur cette ligure
la saillie des omoplates ailées.
688 .. , -ATROPHIES MUSCULAIRES.. , * z
et les parents ne s'en aperçoivent généralement, que quand l'atrophie
est déjà très prononcée; c'est souvent à cause de l'aspect inintelligent
de leur enfant qu'ils s'adressent au médecin. ....
Les musclés de la face atrophiés sont tous ceux qui sont, innervés
par le facial, aussi bien, au moins dans la plupart des cas, par le
facial supérieur (orbiculaire des paupières, sourcilier, frontal) crue par
le facial inférieur (orbi-
culaire des, lèvres, grand
carré, triangulaire des
lèvres, grand et petit zy-
gomatique, buccinateur,
canin, etc.). Exception-
nellement l'un ou l'autre
de ces muscles peut être
respecté alors que les
autres sont atrophiés ;
par exemple, Landouzy et
Dejerine (1) ont trouvé.
dans un cas le canin seul
conservé des deux côtés.
Il est tout à fait exception-
nel de constater l'atro-
phie de l'un quelconque
des muscles innervés par
un autre nerf crânien que
la 7e paire : muscles mo-
teurs de l'oeil, mastica-
teurs, langue,- voile du
palais, pharynx. Pourtant
le ptosis a été signalé par
Landouzy et Dejerine,
par Bouveret (2), l'atro-
phie des masticateurs
par Reinhold ('), parHoff-
mann (*), l'atrophie à la fois du releveur de la paupière et des masticateurs
a été constatée par Sano (5) et par P. Marie (). Le malade de Bouveret,
présentait en outre une atrophie très notable des muscles- de la langue,
celui de Reinhold une atrophie légère de la langue, surtout à droite, des
troubles de la déglutition et une insuffisance des abducteurs de la corde
1. Landouzy et Dejerine. Rev. méd., 1885, p. 277.
2. Bouveret. Lyonmédic, '1895, p. M8.' '. '
5. RrrmoLn.,D. Zeilsch. "Ne1'venh., 1895, p. 189.
4.llofFW<N. D. Zeilsch. f. Nervenh., .1898, p. 418.
5. 8A.'i0..4.nn, de. la Soc. médic. d'Anvers, 1897. z
6. P. Marie. Rev. neural : , 1901, p ? lE6. ,
Fig. 6. - Myopathie facio-scapitlo-huniérale. On voit
bien sur cette figure la « tête carrée », la saillie des
omoplates ailées, le renversement du tronc en arrière
avec proéminence du ventre et lordose lombaire, l'atio-
phie du bras. - . -
MYOPATHIE F : lCfO-SI : aI'I,O-Iit11111 : 1L1 ? . 689
vocale droite. Hoffmann a fourni l'observation de deux jumeaux myopa-
thiques présentant tous deux une atrophie de la langue et une forte pa-
résie du voile ; l'un d'eux seul avait une atrophie notable des masticateurs.
De la face l'atrophie s'étend aux épaules et aux membres supé-
rieurs; elle envahit les mêmes muscles que la forme scapulo-humérale :
trapèze, rhomboïde, grand dentelé, grand et petit pectoraux, biceps,
brachial antérieur, triceps, long supinateur, radiaux; rarement les
muscles de l'éminence thénar se prennent presque en même temps que
les muscles du bras (Landouzy et Dejerine). La phase d'hypertrophie ou
de pseudo-hypertrophie de certains muscles de l'épaule (deltoïde, sus-
et sous-épineux et sous-scapulaire) semble beaucoup moins fréquente
dans cette variété facio-scaputo-humérate que dans la variété scapulo-
humérale pure, mais les mêmes muscles sont beaucoup plus résistants à
l'atrophie que les muscles environnants; seul d'entre eux le deltoïde
s'atrophie parfois ou s'hypertrophie partiellement ou totalement. Il est
curieux de voir le contraste entre l'omoplate d'une part, doublée en
avant et en arrière d'une épaisse couche musculaire, le thorax et le bras
d'autre part, réduits presque à l'état squelettique.
Les muscles respirateurs restent presque toujours inaltérés; cependant
SpiUer (1) a constaté une fois l'atrophie du diaphragme; Dttchenne a
observé un cas où les muscles respirateurs ont paru atteints à l'examen
clinique, mais Landouzy et Dejerine font des réserves sur ce cas parce
qu'il leur est arrivé de faire un diagnostic d'atrophie des intercostaux
que l'autopsie n'a pas confirmé.
Les membres inférieurs sont atteints très tardivement, les mêmes
muscles ne sont pris que dans la variété scapulo-humérale, mais, comme
pour les extrémités supérieures, l'hypertrophie vraie ou fausse est beau-
coup plus rare et beaucoup plus limitée; quand elle existe, elle frappe de
préférence les mêmes muscles, muscles du mollet et quadriceps crural.
L existence d'hypertrophie dans cette variété, niée d'abord par Landouzy
et Dejerine, a été reconnue par eux après la publication des cas de Bris-
saud, de Georges (iuinon, de Veriest, etc.
D'après ce que nous venons de dire, les troubles de l'attitude et des
mouvements sont les mêmes pour le tronc et les membres, il une période
avancée, dans la forme d'Erb et dans la forme Landouzy-Dejerine : seule
leur période d'apparition diffère.
Ce qui caractérise seulement la variété Landouzy-Dejerine, ce sont les
modifications précoces dans l'aspect et la mobilité de la l'ace qui consti-
tuent le « faciès myopathique ». Les rides et les plis s'effacent, le
Iront, les commissures nasu-lalriales, la ligure tout entière deviennent
lisses, les yeux sont grand ouverts et les globes oculaires semblent
parfois très proéminents, la bouche est à demi entr ouverte, les lèvres
1. Srn.i.ur. Conrrilr ? ronr the Williams Peppcr Laboralory of Clinical medic, Phi ! a-
deltihia, (100,
PIIATIQUE veuum.. 44
[R. L;6M.]
«90 ATROPHIES MUSCULAIRES.
sont grosses, la lèvre inférieure tombante, la lèvre supérieure souvent
saillante en avant (lèvre de ta-
pir).
L'aspect au repos est d'ordi-
naire tout à fait typique, il le
devient plus encore dans les
mouvements. Le malade ne peut
fermer complètement les yeux;
quand il dort, il reste un inters-
tice entre les paupières, il dort
les yeux entrouverts, et c'est
cela qui souvent attire d'abord
l'attention des parents; quand
il arrive à faire toucher ses pau-
pières, le moindre effort les
écarte. La bouche ne peut être
que difficilement fermée et,
quand le sujet veut faire toucher
ses lèvres, il fait un effort ma-
nifeste qui écarte les commis-
sures déjà très distantes; il dort
la bouche ouverte et ronfle. Quand il veut rire,, il écarte encore ses
commissures labiales, il rit « en travers »,
il a l'air de « rire jaune et d'être vexé. Il
montre difficilement les dents, il ne peut
siffler, ni souffler, ni faire la moue; il pro-
nonce difficilement les labiales et sa voix
reste sourde.
Tous les mouvements de la face sont
d'ailleurs très minimes ; aussi l'aspect d'hé-
bétude qu'offre la face au repos s'accuse
en poussant l'examen; le malade a l'air
indifférent, impassible aux émotions, inin-
telligent. Pourtant, quand on l'interroge,
on s'aperçoit que son intelligence est le
plus souvent assez bonne et que, ce qui lui
donne surtout cet air froid et hébété, c'est
l'impossibilité de traduire ses sentiments
par une mimique expressive : il a un
« masque de cire ».' Ce masque se com-
plète petit à petit, ce n'est que très tar-
divement que la face peut devenir complè-
tement immobile.
L'évolution est la même que dans la
forme scapulo-humérale, en ce sens que la progression de l'atrophie est
Fig. i. Faciès myopathique. La malade ne
peut fermer complètement les paupières ; les
lèvres sont saillantes et évcrsées.
Fig. 8. Myopnthie facio-scapulo-
humerait-. /lire en travers, faciès
inintelligent.
ATROPHIES MUSCULAIRES l'13UGItIastlES 111'I : I,UI'ATllt(lUl;s. 691 l
extrêmement lente et que la durée de l'affection est presque illimitée,
parce qu'elle n'est pas mortelle par elle-même, n'attaque aucun des
organes essentiels à la vie et n'oblige le malade à garder le lit qu'à une
période extrêmement avancée, qui peut aller jusqu'à la vieillesse quand
ne survient pas une affection intercurrente, pulmonaire ou autre.
Après avoir indiqué les caractères de localisation et d'évolution qui
différencient chaque variété classique de la myopathie, il nous paraît
indispensable de rappeler qu'elles ont été constituées un peu artificiel-
lement au moyen de cas « types », mais qu'on peut trouver entre elles
tous les intermédiaires : dans la pratique, on rencontre très fréquem-
ment des cas où l'on remarque en plus ou en moins l'atrophie non clas-
sique de tel ou tel muscle ou groupe musculaire, des cas où les variétés
empiètent, pour ainsi dire, les unes sur les autres, des cas enfin où l'en-
vahissement progressif n'a pas suivi la marche ordinaire : des observa-
tions de ces formes anormales sont journellement publiées et ne se
comptent plus. Cet enchaînement des diverses variétés atteste leur
communauté d'origine et de nature ; elles sont reliées encore par l'en-
semble des caractères que l'on a attribués à l'atrophie des muscles
supposée, à tort ou à raison, protopathique, et par les symptômes acces-
soires extra-musculaires qui montrent dans les myopathies un trouble du
développement portant sur tous les tissus, soit primitivement, soit secon-
dairement à une lésion du système nerveux ou du système circulatoire.
B.-A ? 1PHIES MUSCULAIRES PROGRESSIVES MYÉLOPATHIQUES
DE L'ENFANCE ET DE L'ADOLESCENCE
(Type Charcot-Marie. Type Werdnig-Hoffmann.)
é t ? IiA( : 'l'f.li F : S .
Les caractères qui rapprochent ces anlctrupllies des myopathies sont
le caractère héréditaire et familial et le début dans le jeune âge
(enfance ou adolescence).
Les caractères qui les différencient sont :
x) L'existence de contractions fibrillaires. Ces contractions sont
presque constantes dans le type Charcot-Marie. elles sont parfois étendues
et violentes et provoquent de véritables mouvements involontaires (Sain-
ton). Pourtant Ormerode, Schultze, Donkin ne les ont pas trouvées dans
le type Charcot-Marie, et elles ont fait défaut dans la plupart des cas
jusqu'ici signalés d'atrophie W erdnig-lIol1mann.
) L'absence de pseudo-hypertrophie musculaire. Cette absence
est à peu près constante ; dans quelques cas d'amyotrophie Charcot-
Marie, Charcot et Marie ('), Dejerine (2), Reinhardt (3), Stumpf (4),
1. CIIAnCOT cI ? L\nlE. Rev. II/Mie., U;¡;6.
2. IlFaemw.. Rcv. II/Mie.. J 8%.
3. )tM ! < ! ! Att[)T. D. Zeilsch. f. Nervenheilk, 1 X()¡, p. 410.
4. Stumpf. Centmtlit. iiiiiei-e Mal., 189Ô.
. [A.LÉRL]
fi'1'2 12 ATROPHIES MUSCULAIRES.
Gordon (') ont signalé une adipose limitée et sans doute plus sous-
cutanée que musculaire;1'erdni et Hoffmann ont signalé dans la plupart
de leurs cas une adipose sous-cutanée sans augmentation de volume des
muscles.
y) L'absence de rétractions tendineuses ou fibro-musculaires. On
n'a signalé ces rétractions que dans des cas très exceptionnels d'amyo-
trophie Charcot-lfaric (Honmann) ou Wcrdnig-Iloffmann ( ? el'dlllb); les
articulations restent presque toujours très mobiles et très lâches.
8) Les modifications de l'excitabilité électrique. Ces modifications
sont quantitatives et qualitatives ; dans les muscles peu atteints il y a
seulement diminution de l'excitabilité faradique et galvanique, dans les
muscles presque complètement atrophiés abolition de toute contraction,
dans les muscles moyennement atrophiés réaction de dégénérescence :
c'est seulement dans cette dernière condition que l'on trouve toujours la
réaction de dégénérescence. La réaction de dégénérescence, totale ou
partielle, a été trouvée dans les cas d'atrophie Charcot-Marie ou Werdnig-
Hoffmann au niveau des muscles dont le degré d'atrophie était favorable.
s) Les modifications des réflexes tendineux. Dans l'atrophie Charcot-
Marie ils sont abolis ou diminués dans la moitié des cas, à peu près nor-
maux souvent, exagérés rarement (Sainton); ces modifications sont indé-
pendantes de l'atrophie des muscles et de l'ancienneté de l'affection. Dans
tous les cas de Werdnig et de Hoffmann les réflexes tendineux étaient
abolis.
s) L'évolution de l'atrophie myélopathiqur est différente de celle de
l'atrophie myopathique : dans le type Charcot-Marie parce qu'elle com-
mence par l'extrémité des membres tout en évoluant très lentement,
dans le type Werdnig-lIoll'lHann parce qu'elle évolue rapidement, frap-
pant les muscles d'une région en masse et non individuellement, tout en
débutant par la racine des membres.
r,) Nous ajouterons enfin que les arnyotrophies myélopathiques de l'en-
fance, maladies du développement portant primitivement sur le système
nerveux central, paraissent s'accompagner beaucoup moins que les myo-
pathies d'altérations trophiques de tous les tissus autres que le tissu
musculaire. Dans le type Charcot-Marie l'atrophie des os, signalée une
fois par Hoffmann, n'a pas été retrouvée sur deux radiographies par
Sainton; les déformations thoraciques et vertébrales ne font pas partie
du tableau morbide; les troubles psychiques sont exceptionnels et ne
consistent guère qu'en une bizarrerie du caractère, une irritabilité spé-
ciale, une fois de la narcolepsie (Soca) (»2), une seule fois un arrêt de
développement intellectuel (Sainton) ; les troubles vaso-moteurs et trio-
phiques (cyanose des extrémités, hypothermie, hyperidrose, déformations
des ongles) sont analogues à ceux qui accompagnent les arnyolrophies
post-paralytiques (paralysie infantile, etc.).
1. GoitDo ? 1. or 11er ? Il.1/11'11/, dis., juin 1905.
'2. Sor.A. lam. Salpétr., 1,902.
AMYOTROPUIE CIIARCO'I'-11AII11 ? gaz
Variétés.
Les signes différentiels cliniques de l'atrophie Charcot-Marie et de
l'atrophie Werdnig-ttou'mann résident surtout dans l'âge du début, le
mode d'évolution et la localisation.
1. Type Charcot-Marie (type péronier de Tootli) (').
L'amyotrophie Charcot-Marie n'est pas très rare. Elle débute le plus sou-
vent dans la seconde enfance, fréquemment
dans l'adolescence, rarement plus tard, par
l'atrophie des muscles des pieds et des
jambes. Exceptionnellement le début peut
se faire par les mains (Iloffmanti (2), ller-.
ringham (3), Sainton) (*).
. Aux membres inférieurs, l'atrophie atteint
au pied tous les muscles, en particulier les
interosseux, à la jambe les muscles anléro-
externes, les péroniers, le jambier antérieur,
l'extenseur propre du gros orteil ; les mus-
cles du mollet sont tardivement et modéré-
ment atrophiés. A la cuisse, le triceps peut
être atteint dans son tiers inférieur, mais
les muscles de la région postérieure restent
indemnes et l'atrophie ne remonte jamais
au delà du tiers inférieur de la cuisse (atro-
phie « en jarretière ») ; à titre exception-
nel, il faut citer les cas de Charcot où le
biceps était atteint, de Hoffmann où toute la
cuisse était atrophiée, de Egger où les fes-
siers paraissaient un peu touchés.
Aux membres supérieurs, l'atrophie frappe
d'abord les mains, soit les éminences thénar
et hypothénar, soit les muscles interosseux;
elle s'étend de la main aux avant-bras en
frappant d'abord les fléchisseurs des doigts,
puis les extenseurs, en respectant généralement les pronateurs et les
supinateurs. 11 est tout il fait exceptionnel de constater une atrophie
légère de quelque muscle du bras ou de l'épaule (triceps, sus- et sous-
épineux, rhomboïde, trapèze).
Les muscles du bassin, du tronc et de la face restent presque toujours
indemnes; IIOlÏIIlM1]Il admet seul la participation possible de tous ces
muscles. ,
1. Tooth. Th. de Cambriclye, t88û,
2. IIOFI'11.1\Y. D. Zeilsch. f. 11'crucnlieilk, t8 ?
5. Heriuxgham. Brain. 1888, p. 250. '
4, Sainton. Th. Paris, 188 ! J.
v [A LÉRI.]
lig. 9. Amyotrophie Charcot-
Marie. Atrophie considérable des
jambes et des pieds, jambes de
('0'1, pieds creux et cambrés,
orteils en grilles; atrophie des
cuisses en jarretière, atrophie
modérée des mains.
694 ATROPHIES MUSCULAIRES.
L'atrophie est facile à reconnaître par l'examen des membres aurepos v
et par. les troubles fonctionnels. .'
Les pieds sont en varus équin, fortement cambrés, plus ou moins
enroulés autour de leur bord interne ; ils reposent presque complètement
sur leur bord externe, parfois même sur la partie externe de leur face
dorsale (Ganghofner) (') ; les orteils sont en griffe. Le pied est plus ou
moins ballant au bout d'une jambe mince, effilée, sans saillie du mollet.
A la cuisse, l'atrophie, ne portant que sur le tiers inférieur, prend
l'aspect tout à fait caractéristique de l' « atrophie en jarretière » ; quand
les jambes sont rappro-
chées, il reste un espace
entre les genoux.
Tous les mouvements
du pied et des orteils sont
altérés, mais d'une façon
très variable, proportion-
nelle à l'atrophie des mus-
cles correspondants.
Dans la station debout
les malades sont parfois
obligés de piétiner sur
place pour conserver leur
équilibre. Ils marchent en
steppant, les cuisses lan-
cent, pour ainsi dire, à
chaque pas la jambe et le
pied ; quand il y a une
forte luxation du pied en
dedans, les sujets mar-
chent les ïambes raides et
un peu écartëes, à petits pas, comme s'ils n'osaient soulever le pied du
sol, les mains s'écartent du corps et forment un balancier. Il est d'ail-
leurs remarquable de constater combien, avec ces troubles considérables,
les malades sont habiles de leurs membres, et comme ils supportent
facilement la marche même prolongée; nous avons connu un amyotro-
phique Charcot-Marie qui, malgré une grosse atrophie de ses membres
inférieurs qui l'empêchait de marcher facilement, faisait quotidienne-
ment de longues promenades à bicyclette.
L'atrophie des mains ne diffère pas del'amyotrophiediteÀran-Duchenne :
aplatissement des éminencesthénar ethypothénar, dépression des espaces
interosseux, doigts effilés, griffe totale ou cubitale, mais paralytique,
c'est-à-dire très facilement réductible.
Les avant-bras sont minces, aplatis, ballants : l'atrophie « en man-
chette » s'arrête d'ordinaire au tiers moyen de l'avant-bras.
1. GAl'iGIIOFEn, Pruger 11lNtic, 11'oc%cnschr., 1891.
Fig. 10. - Pieds dans Z'amyol1'ophie Charcot-Marie.
Pieds cambrés, enroulés sur leur bord interne, en varus
équin, orteils en griffe.
A)tYOTHOPIIIE CHARCOT-MARIE. 095
Les mouvements des phalanges sont généralement nuls ou très minimes,
les mouvements des articulations înétacarpo-phalangiennes se font sou-
vent mieux, ceux du poignet sont encore plus faciles et ceux du coude
sont tout il fait libres. Les troubles dans l'exécution de certains petits
mouvements des mains sont souvent le signe révélateur de l'affection,
alors même que l'atrophie est déjà beaucoup plus prononcée aux mem-
bres inférieurs, car les mouvements des membres inférieurs exigent
moins de délicatesse.
Aux membres supérieurs de même qu'aux membres inférieurs, comme
Guillain (') en a fait la remarque, les fonctions sont souvent remarqua-
blement conservées pour le degré de l'atrophie; l'adaptation des membres
aux différents usages de la vie semble bien plus facile dans ces cas que
dans d'autres affections médullaires avec amyotrophie semblable (syrin-
gomyélie, sclérose latérale amyotrophique, etc.); la conservation des
muscles du segment rhizoml'lique a sans doute une influence sur cette
intégrité relative des fonctions.
La sensibilité subjective n'est pas fréquemment affectée; il n'y a qu'ex-
ceptionnellement des douleurs violentes, plus souvent des crampes dans
les jambes, dans les mains, dans les cuisses. Les troubles de la sensibilité
objective sont plus rares encore : ils consistent en anesthésie peu pro-
noncée, parfois dissociée, localisée aux pieds, aux jambes ou aux mains.
Cette rareté des troubles sensitifs mérite d'être signalée dans une affec-
tion où toutes les autopsies [Marinesco, Sainton, P. Marie, Dejerine et
Armand-Delille ()1 ont jusqu'ici révélé, en dehors d'une atrophie des
cellules des cornes antérieures et d'une altération des nerfs, une dégé-
nération prononcée des cordons postérieurs.
L'atrophie des nerfs optiques a été signalée jusqu'ici dans les seuls cas
de Vizioli. de Sainton, de Gordon, de Ballet et Rose : sa cause est encore
inconnue.
L'atrophie, qui débute par les membres inférieurs, n'envahit d'ordi-
naire les membres supérieurs qu'après un intervalle de quelques mois à
quelques années. Exceptionnellement, elle semble pouvoir rester limitée
aux membres inférieurs seuls [Soca n. P. Marie et Sainton (4)]. Quand
la maladie débute par les membres supérieurs, elle envahit très rapide-
ment les membres inférieurs; d'après llaincl (5), l'affection pourrait rester
limitée aux membres supérieurs, mais les cas décrits par cet auteur, cas
dans lesquels l'atrophie avait gagné les épaules et qui n'ont pas été suivis
d'autopsie, sont sans doute tout différents de l'atrophie Charcot-Marie.
La marche de la maladie est extrêmement lente : arrivée à un degré
très avancé la maladie n'a même plus l'air de progresser, peut-être
i
1. lm.r..w. Son. 11('111'0 ? (i juin 1901.
2. Di ? n : nrw. : el : lnn : van-Drr.n.r.u : . Soc. 11( ? 1'01.. 5 décembre )9(.
3. Son a. Icon. Sa/lié/l ? 1902.
t. Sainton. Icon. <) ? sept.-oct. 1902.
5. liA : 'i EJ. , Th. J¡il1a, 1890.
[A. LÉRI.]
09G ATROPHIES MUSCULAIRES.
même régresserait-elle plutôt légèrement (P. Marie). L'état général reste
excellent et les malades peuvent vivre, ayant rarement perdu compte-
ternent l'usage de leurs membres, jusqu'à un âge très avancé s'ils ne sont
emportés par quelque maladie intercurrente.
2. Type Werdnig-Hoffmann. - Cette forme d'atrophie est
extrêmement rare ; on n'en connait que les 2 observations de Werdnig
(1890) ('), les 4 observations de Hoffmann (1895) (1), une observation de
Thomas et Bruce, 5 de Bruns (3), une observation douteuse de Dorrilrl (4);
quatre autopsies faites par Werdnig et par Hoffmann ont appris que le
substratum anatomique est une atrophie des cellules radiculaires anté-
rieures de la moelle.
L'atrophie débute dans la première enfance (fin de la première année
ou début de la seconde), par l'affaiblissement des membres inférieurs,
puis du dos. Cet affaiblissement est rapidement suivi par l'atrophie symé-
trique des muscles des cuisses, du bassin et du dos. Cette atrophie
frappe les muscles en masse et rapidement ; elle est parfois masquée plus
ou moins par l'adipose sous-cutanée. Les enfants ne peuvent rester assis
dans leur berceau ou dans leur lit, ils n'appprennent pas à se tenir do-
bout ni à marcher.
La paralysie et l'atrophie s'étendent en même temps aux muscles du
cou et de la nuque et aux muscles des membres supérieurs en commen-
çant par l'épaule et le bras ; tardivement elle envahit aussi les jambes et
les pieds, puis les avant-bras et les mains. Les muscles de la face ne
sont pas intéressés; le seul nerf crânien dont le domaine soit affecté est
la branche externe du spinal. Les muscles respiratoires peuvent s'atro-
phier et la mort peut être la conséquence de cette atrophie.
L'atrophie a partout les caractères de l'atrophie myélopathique. à part
la rareté des contractions fibrillaires.
L'évolution est relativement rapide, la mort en a été la conséquence
constante à l'âge maximum de 4 ou ans, à part deux cas récents de
Bruns qui se sont prolongés jusqu'à 12 et 15 ans.
C. ATROPHIE MUSCULAIRE MYÉLO-NÉVRITIQUE .
DE L'ENFANCE ET DE L'ADOLESCENCE
Névrite interstitielle hypertrophique (forme Gom-
bault-Dejerine-Sottas et forme Pierre Marie). Cette affec-
tion est très rare, puisqu'on ne connaît encore comme authentiques,
suivis d'autopsie, que les cas de Dejerine et Sottas (5), de Déjeune et
Thomas (), de P. Marie; une élude récente des cas de Pierre Marie a
1. WEIIII : '\lG. A/'{'/I. f. Psych. n. J'\el'l'el/h.. 1890, p. 757; 1894, p. 700.
2, IIOFFJL\ : '\ : '\. D. Zeilsch. ? tVervenG., 1895, p. 427. ,
5. Bus. Iri. 1901, p. 401.
4. Donnai), Ilospilalslidcmlc, 1902.
.'). Dkjkiiink et Sottas. Soc. biol., X ! J3 : -1)r : rarm ? Rea. médic, 1890.
li. Dran : mw : et Thomas. Soc. neurol., 5 juin 1 ! 1t)2.
NÉVRITE .INTERSTITIELLE HYPERTROPHIQUE.. 697
permis à Boveri d'en faire une forme spéciale, la forme Pierre Marie,
différant par certains caractères de la forme Gombault-Dejerine. -
L'atrophie débute dans l'enfance ou l'adolescence, Elle présente tous
les caractères' de l'atrophie d'origine nerveuse : contractions fibril-
laires, pas de pseudo-hypertrophie, pas de rétractions fibro-musculaires,
modifications de l'excitabilité électrique (quoique sans réaction de dégé-
nérescence)..La localisation est celle de l'àmyolrophie Charcot-Marie :
début par les pieds- et les jambes (pied bot vai'us équin, souvent pied de
Fnedreich), puis 'par les mains et les
avant-bras (type Aran-Duchenne) ; la pro-
gression se fait de l'extrémité vers la ra-
cine des membres ; l'atrophie peut être
presque généralisée et atteindre même le
domaine du facial inférieur (Dejerine).
Ce qui caractérise cette affection, c'est
l'association à l'atrophie (plus ou moins
semblable à celle dela variété Charcot-
Marie) de : ",
1 ° Une hypertrophie des troncs ner-
veux : cette hypertrophie pourrait faire
défaut cliniquement (cas de Dejerine, de
Brasch ? ) ('); elle est parfois extrêmement
prononcée, au point que les nerfs sous-
cutanés (plexus cervical superficiel, bra-
chial cutané interne, etc.) peuvent faire
saillie sous la peau (P. Marie) ; cette hy-
pertrophie ne se trouve ni dans l'atrophie
Charcot-Marie ni, au même degré, dans
aucune maladie connue; ,
2° Une cypho-scoliose parfois très pro-
noncée ;
5" Une série de symptômes d'origine
médullaire plus ou moins marqués, va- -
riables, rappelant ceux du lobes ou
ceux de la sclérose en plaques : l'abo-
lition des réflexes tendineux, le signe de Romberg qui n'est parfois
qu'ébauché, le signe d'Argyll-Robertson ou le simple affaiblissement
du réflexe lumineux avec ou sans myosis, des troubles de la sensibi-
lité objective surtout aux extrémités (hypoesthésie ou retard de la
transmission), parfois des. douleurs à caractère fulgurant, une incoor-
dination motrice plus ou moins intense des quatre membres; un trem-
blement intentionnel et un trouble de la parole (parole scandée, bredouil-
lée) ressemblant à ceux de la sclérose en plaques; parfois une légère
Bn.&scii. Berlin, Gesellsch-f. Psych. und 11'eriezheill : , juillet 1905.
a. zsRr.7
Fig. 11. - Névrite interstitielle hy-
pertrophique (malade de Pierre
Marie). Atrophie des jambes et des
pieds, atrophie des mains, cypho-
scoliose. Chez ce malade on voyait
les nerfs superficiels saillants sous la
peau.
G08 ATROPHIES MUSCULAIRES.
exophtalmie avec ébauche du signe de de Grael'e (cas de Pierre Marie) ;
les troubles sphinctériens et génitaux ont toujours fait défaut.
Marinesco, Bernhardt, Raymond avaient pensé que l'amyotrophie
Gombault-Dejerine-Sotlas n'était qu'une variété de l'amyotrophie Charcot-
Marie : les symptômes cliniques que nous venons d'énumérer sont am-
plement suffisants pour justifier aujourd'hui la séparation nosologique
absolue de ces deux types, ainsi que le veulent Dejerine, P. Marie, Sain-
ton. On peut discuter seulement sur la nature réelle de l'affection, sur
l'ordre de subordination des lésions des nerfs périphériques (névrite
interstitielle et parenchymateuse) et de la moelle (cordons postérieurs,
cellules radiculaires antérieures) que Dejerine, Pierre Marie et Boveri ont
constatées.
..
B. - ATROPHIES MUSCULAIRES PROGRESSIVES DE L'ADULTE^
(Atrophies acquises, myélopathiques.) 1
ATROPHIES A TYPE DUCHENNE-ARAN
L'atrophie musculaire progressive de l'adulte est presque toujours mye-
lopalhillue. La forme presque constante, la seule bien différenciée, est
l'amyotrophie dite Aran-Duchenne. Elle répond à l'atrophie et à la dispa-
rition des cellules radiculaires antérieures de la moelle sous l'influence
d'un processus morbide chronique.
L'amyotrophie Aran-Duchenne ne constitue pas une entité morbide
nettement isolée. Il est possible qu'il existe dans quelques cas rares une
inflammation systématique des cornes antérieures de la moelle, une
poliomyélite antérieure chronique, qui se traduise uniquement par l'atro-
phie progressive des muscles du groupe Duchenne-Aran; ce n'est pas
le cas le plus ordinaire. Le plus souvent l'amyotrophie n'est qu'un symp-
tôme dans un tableau clinique : les signes associés montrent que d'autres
parties de la moelle et de ses enveloppes sont, atteintes (cordons latéraux,
cordons postérieurs, méninges, etc.) : l'amyotrophie Aran-Duchenne est un
syndrome qui s'observe, en dehors de la poliomyélite antérieure chronique
pure, rare et douteuse, dans la syringomyélie, dans la sclérose latérale
amyotrophique, dans certains cas de meningo-myélite syphilitique, de
lèpre nerveuse, etc.
C\IL\CTlIOES du syndrome Duciienne-Aran.
Le syndrome d'Aran-Duchenne s'observe presque exclusivement, dans
des affections de Y âge adulte, et avec une prédilection marquée dans le
sexe masculin.
La localisation se fait presque toujours au début sur les petits
muscles des mains, et c'est surtout par une gêne fonctionnelle dans les
mouvements délicats, comme celui d'écrire, de saisir de menus objets.
tt1110TROPIIIES TYPE ARAi'I-DUCIIEi'i],;E. lï9O
de cueillir une fleur, que l'affection se révèle. Parfois, c'est par les
épaules que l'atrophie commence ou semble commencer, beaucoup plus
rarement par les bras (Etienne) ou le tronc, tout à fait exceptionnelle-
ment par les pieds et les jambes (cas de Raymond et Philippe) (').
Le premier muscle frappé est généralement le court abducteur du
pouce, muscle le plus superficiel et le plus externe de l'éminence thénar;
sa saillie fait place à une dépression sur le bord externe de la main, et
le pouce se rapproche de l'index. Puis tous les muscles des émi-
nences thénar et hypothénar s'atrophient, les éminences s'affaissent, le
pouce se met sur le même
plan que les autres doigts
et la main devient plate ;
c'est la main de singe.
Un peu après, quel-
quefois en même temps
ou même avant (Eulen-.
burg), les interosseux et
les lombricaux se pren-
nent, les espaces inter-,
osseux se creusent, les
métacarpiens font saillie,
la paume prend l'aspect
d'un gril, les deuxièmes
et troisièmes phalanges
se fléchissent alors que
les premières restent en
extension et parfois en
hyperextension : c'est la
main en griffe, dite main de Duchenne-Aran bien qu'elle ne soit nul-
lement celle queDuchenne avait décrite et représentée comme caractéris-
tique de l'atrophie musculaire progressive.
Les muscles de l'avant-bras se prennent ensuite, les fléchisseurs
d'abord, puis les extenseurs ; l'avant-bras s'aplatit, ses os font saillie, un
creux se dessine entre le cubitus et le radius ; les doigts se redressent, et
la main pend, flasque et ballante, capable des mouvements passifs les plus
exagérés, mais incapable d'aucun mouvement actif : c'est la main de
squelette, la main de cadavre.
L'atrophie gagne les bras et, plus souvent, les épaules, soit un temps
plus ou inoins long après les avant-bras, soit parfois avant eux. Aux bras,
elle frappe le biceps, le brachial antérieur, le deltoïde, beaucoup plus tar-
divement le triceps ;' aux épaules, le trapèze dans ses deux tiers inférieurs,
le rhomboïde et l'angulaire, le grand dentelé, le grand dorsal, le grand-
et le petit pectoral. L'omoplate restée épaisse, doublée du sous-scapulaire
1. et PIIII.11-l'E. Soc. neurol., 6 novembre 1902.
[A. LÉRI.l
Fig. 12. A, main dite « de Ducheiine-Arun »; B, main
que Duchenne considérait comme caractéristique de son
atrophie musculaire progressive et qui est sans doute une
main de syringumyctique.
700 ATROPHIES MUSCULAIRES.
en avant, des sus et sous-épineux en arrière, se détache du tronc;
l'aspect des scapulæ alafoe est exactement le même que celui que nous
avons décrit dans la forme scapulo-humérale de la myopathie; les dévia-
tions du scapulum au repos et dans les mouvements sont également les
mêmes.
. Tardivement le thorax, déjà privé en avant et en arrière de la doublure
musculaire, se creuse de gouttières transversales par l'atrophie des inter-
costaux et se trouve réduit au « gril costal », mais il reste arrondi, en
colonne, et non aplati comme le thorax des myopathiques. Les muscles
des gouttières vertébrales, les masses sacro-lombaires diminuent de
volume et de puissance, et le tronc s'incurve, la tète s'incline en avant,
il y a de la cyphose dorsale, ou parfois une légère cypho-scoliose, et de la
lordose lombaire. Exceptionnellement et tardivement la tête retombe
tout à fait sur le sternum et ne peut être relevée à cause de l'atrophie des
extenseurs de la tète, et en particulier du faisceau claviculaire du trapèze,
l' « ultimum moriens » de Duchenne.
Les membres inférieurs prennent rarement part à l'atrophie : elle
commence par les petits muscles du pied et par les fléchisseurs du pied
sur la jambe, puis gagne les fléchisseurs de la jambe et ceux de la cuisse,
enfin les extenseurs en remontant de l'extrémité vers la racine.
La face ne reste pas toujours indemne, contrairement à l'opinion
classique, mais ce sont les petits muscles superficiels, peauciers, qui se
prennent, la face prend un aspect uniformément émacié très caracté-
ristique.
Les caractères de l'atrophie sont ceux des atrophies myélopathi-
ques que nous avons déjà décrits.
Les contractions fibrillaires ou fasciculaires manquent rarement
tout à fait; elles sont étendues à une grande partie de la musculature ou
localisées à quelques muscles en voie d'atrophie, plus particulièrement à
certains d'entre eux, le deltoïde par exemple; brusques, limitées à une
partie des muscles ou propagées en ondes, spontanées et réveillées par
la moindre excitation, pincement, frottement, impression de froid, elles
peuvent déterminer parfois de véritables mouvements involontaires.
L'examen clinique ne révèle, à aucun moment de l'évolution, aucune
hypertrophie vraie ou fausse de l'un quelconque des muscles ou d'une
de ses portions.
On ne constate pas de réactions fibro-musculaires , et à tout moment
les articulations entourées de muscles atrophiés restent lâches. Il. Meu-
nier (') a pourtant signalé dans un cas une contracture intermittente,
passagère et récidivante, des muscles d'un membre inférieur; nous ne
sommes pas renseigné sur la nature de cette contracture exceptionnelle.
* La contractilité électrique varie pour chaque muscle suivant la
période de l'atrophie, et même pour chaque faisceau musculaire, car les
t. II. Meunieii. Rev. oaeurol.. ](HJ2, p. 5-45.
AMYOTROPHIES TYPE ARAN-DUCHENNE. 701
muscles se prennent faisceau par faisceau et parfois presque fibre par
fibre.
La contractilité faradique diminue progressivement jusqu'à ce que
l'atrophie soit complète. La contractilité galvanique diminue plus tardi-
vement, puis augmente, quand le nombre des fibres en voie de dégénéra-
tion, quoique non complètement atrophiées, l'emporte sur le nombre
des fibres saines (Erb) ; à ce moment la contraction se fait lentement et
la secousse de fermeture est plus forte au pôle positif qu'au lole négatif :
c'est l'inverse de la formule normale, c'est la réaction de dégénéres-
cence. Enfin la contractilité galvanique diminue et disparait définitive-
ment. La réaction de dégénérescence n'apparaît donc dans chaque
muscle qu'à un moment donné de son atrophie; son apparition est la
règle dans les atrophies myélopathiques et l'exception dans les atrophies
myopathiques, mais elle n'est nullement pathognomonique,
L'excitabilité électrique des nerfs est normale ou diminuée, rarement
abolie.
Remak a décrit dans l'atrophie Aran-Duchenne une « contraction
diplégique », phénomène rare qui consiste en contractions bilatérales
des muscles des membres supérieurs atrophiés quand on place le pôle
négatif d'une pile au-dessous de la 5c vertèbre cervicale, le pôle.positif
entre la 1"e et la 5", surtout dans la. fossette carotidienne. Walter a
décrit le « palmo-spasme », autre phénomène rare, sorte d'agitation de
la main qui se produit quand on interrompt un courant faradique ou
galvanique traversant les muscles du membre supérieur.
Les réflexes tendineux sont variables, mais leur variation ne paraît
pas proportionnelle à l'atrophie. Ils sont en général diminués dès le
début; dans certaines formes d'atrophie Duchenne-Aran, dans la pachy-
méningite cervicale hypertrophique, dans la sclérose latérale amyotro-
pbique, dans la forme spasmodique de la syringomyélie, dans quelques
mb11ngo-myélites syphilitiques avec sclérose des cordons latéraux, ils sont
exagérés, soit précocement, soit tardivement.
Les membres atrophiés sont souvent froids, légèrement cyanosés, la
peau est mince, parfois épaisse, couverte d'éruptions diverses, parfois
doublée d'un pannicule adipeux pseudo-oedémateux dépressible ou induré
(Duchenne, Yulpian). La fragilité des os, des arthropathies semblables à
celles du tabès et de la syringomyélie ont été rarement signalées (Etienne) ;
peut-être s'agit-il dans ces cas d'amyotrophie par myélite syphilitique.
\j évolution du syndrome Aran-Duchenne est naturellement variable
avec la maladie provocatrice; elle est particulièrement rapide dans la
sclérose latérale amyotrophique (2 ans à 4 ou 5 ans au plus), particu-
lièrement lente dans la syringomyélie (jusqu'à 50, 40 ans et plus). Les
muscles ne sont pas toujours symétriquement atrophiés, il est ordinaire
de voir l'atrophie d'un segment de membre précéder de quelques mois
celle du segment correspondant du côté opposé, il n'est pas rare de voir
atteints d'abord l'éminence thénar d'un côté et le deltoïde du côté
[il. LÉRI.
702 ATROPHIES MUSCULAIRES.
opposé, mais dans ce cas la seconde main ne tarde pas à être prise à son
tour.
La mort est parfois le fait d'une maladie intercurrente, plus souvent
de la propagation de la maladie causale ; fréquemment le malade suc-
combe avec des crises dyspnéiques, tachycardiques et arythmiques que
l'on a attribuées soit à l'atrophie du diaphragme (respiration paradoxale
avec rétraction inspiratoire de l'abdomen), soit il l'atteinte des noyaux
bulbaires (paralysie tabio-gtosso-taryngée). Ces crises sont peut-être dues
aussi en grande partie à Y atrophie de la musculature viscérale, et en
particulier du coeur : nous avons, en effet, trouvé une fois une atrophie
musculaire presque complète de tous les organes musculo-membraneux
(intestin, estomac, vessie, vésicule biliaire, coeur); le coeur entre autres
était extrêmement atrophié, l'oreillette droite n'était plus constituée que
par une mince membrane parcheminée, transparente, à travers laquelle
on apercevait de l'extérieur les colonnettes exclusivement tendineuses de
la surface interne; l'oreillette gauche présentait deux hernies de l'endo-
carde à travers la paroi musculaire (').
Variétés OSOLOGIQUES du syndrome DUCIIG\\I ? iIIAV.
Le syndrome d'Aran-Duchenne l'ait partie du tableau clinique habituel
de la sclérose latérale amyotrophique, de la syringomyélie, de la pachy-
méningite cervicale hypertrophique ; il se rCl1chntre parfois dans un
certain nombre de cas d'hématomyélie, de lèpre nerveuse, de méningo-
myélite syphilitique, de tabès, de sclérose en plaques, même exception-
nellement dans certaines névrites; peut-être enfin peut-il exister isolé,
comme la manifestation svmptomatiquc d'une poliomyélite antérieure
chronique frappant systématiquement et exclusivement les cellules radi-
culaires des cornes antérieures de la moelle.
Dans la sclérose latérale amyotrophiques, la pachyméningite cervicale
hypertrophique, la sclérose en plaques, quelques cas de syringomyélie
et de méningo-myélite syphilitique, il y a tendance à la spasmodicité
avec exagération des réflexes tendineux; dans les autres cas, les ré-
flexes sont normaux ou généralement diminués.
Dans la sclérose latérale amyotrophique, au syndrome de l'atrophie
progressive des cellules radiculaires antérieures (syndrome Aran-
Duchenne.) s'associe le syndrome spasmodique de la sclérose des fais-
ceaux pyramidaux latéraux : exagération précoce des réflexes tendineux,
extension des orteils, tendance à la contracture. L'évolution est rapide,
la inort survient après peu d'années; il est probable que les cas prolon-
gés que l'on a signalés (10, 15, 20 ans) sont des cas de myélite avec
atteinte progressive des cornes antérieures et des faisceaux latéraux. La
paralysie iabio-gtosso-taryngée est la terminaison ordinaire, elle existe
quelquefois dès le début et est alors caractéristique.
1. I ? m. Rec. ne Il 1'0 1. , 15 mai 1902.
AMYOTROPHIES TYPE ARAN-UUCHENNE. 705
La pachyméningite cervicale hypertrophique est une affection qui
n'a plus guère d'autonomie ; le plus grand nombre des cas sont des cas
de syringomyélite ou de. méningo-myélite tuberculeuse ou syphilitique;
peut-être reste-t-il quelques cas de pachyméningite primitive vraie,
fibreuse, telle qu'elle a été décrite par Charcot et Joffroy. Elle se carac-
térise, quelle qu'en soit la nature, par de violentes douleurs névral-
gigues de la nuque, du cou, des bras, parfois du tronc, par l'exagé1Yl-
lion des réflexes .tendineux, par l'absence de contractions fibrillaires ;
son évolution est très variable; la main est fréquemment une « main de
prédicateur ».
Dans la sclérose en plaques, l'amyotrophie, généralement modérée,
peut prendre une importance assez considérable pour que Charcot ait
décrit une « forme amyotrophique ». Pour Lejonne ('),.qui en a récem-
ment repris l'étude, cette forme amyotrophique se distingue par certains
caractères du. syndrome Aran-Duchenne; l'amyotrophie atteint généra-
lement à la fois les membres supérieurs et les membres inférieurs; à
la main elle prédomine sur les interosseux, au membre inférieur sur
le triceps sural et le quadriceps crural; elle n'est pas massive et n'est
jamais complète sur aucun muscle, elle ne s'accompagne pas en géné-
ral de contractions fibrillaires et jamais de réaction de dégénérescence.
La paralysie et la contracture se joi-
gnent rapidement à l'atrophie ou la
précèdent et, en dehors des signes
ordinaires de la sclérose en plaques
(démarche cérébelleuse ou spasmo-
dique, tremblement intentionnel et
massif, nystagmus, troubles de la vi-
sion, etc.), la forme amyotrophique
de la sclérose en plaques se caracté-
riserait par la fréquence et la préco-
cité de troubles sphinctériens, tro-
phiques et mentaux.
La syringomyélie ne s'accompagne
pas toujours du syndrome Aran-
Duchenne ; la forme de la main est
souvent celle de la « main de prédi-
cateur » avec hyperextension du poi-
gnet, ou celle de la « main en pince »
(Marie et Guillain) avec contracture
surtout des trois derniers doigts.
Quand la main est celle d'Aran-Duchenne, la syringomyélie se distingue
par la dissociation de la sensibilité objective (abolition des sensibilités
douloureuse et thermique avec conservation de la sensibilité tactile),
.1. Lejonne. Th. Paris, 1903.
[A. LÉRI.1-
,
Fig. -I3. - lIIai1l8 d'A1'On-Duchemze chez
uu syririgomyélique (colleclion Damas-
chino).
704'
Ci ? . - " - -- -
rmOPllOESMUSGULA11OES.
par les troubles moteurs et trophiques, par la cypho-scoliose parfois
excessive, par l'exagération fréquente des réflexes tendineux des mem-
bres inférieurs, par le début parfois précoce, avant vingt ans; et la
marche excessivement lente jusqu'à un âge très avancé, presque toujours
sans atteinte des membres inférieurs.
L'atrophie, comme les autres troubles, est souvent très inégale d'un
côté et de l'autre, et l'on peut observer une syringomyélie unilatérale
(Dejerine et Sottas, Dejerine et Mirallié). ,
La-maladie de Morvan n'est qu'une forme de syringomyélie ou de lèpre
avec prédominance de- troubles trophiques (panaris analgésique, etc.).
La' lèpre à forme nerveuse ne s'accompagne pas toujours d'amyotro-
phie ; quand l'amyotrophie existe, elle peut être due soit à une névrite,
soit sans doute à une lésion des cellules radi-
culaires de la moelle. Elle frappe surtout les
mains, mais-ne produit pas toujours l'aspect
de la main d'Aràn-Duchenne. Elle se distin-
gue par les circonstances é11ologiques, par
des symptômes qui lui sont communs avec
la syringomyélie, tels que sensibilité disso-
ciée, troubles trophiques, etc., et par des
symptômes qui lui sont propres, tels que plan-
ques d'anesthésie, épaississement des troncs
nerveux, entre autres du 'cubital dans la
gouttière olécrânienne, concomitance parfois
de nodules lépreux, etc.
Les méningo-myéliles infectieuses, et en
particulier la méningo-myélite syphiliti-
que, nous ont paru être la cause du syn-
drome Aran-Duehenne dans le plus grand
nombre des cas où ce syndrome-a été observé
plus ou moins pur. Notre opinion (') a été
basée sur plusieurs examens anatomiques
et cliniques personnels et sur la lecture des
observations antérieures, qui ont toutes pré-
cédé la période où la pratique courante de
la ponction lombaire et du cyto-diagnostic
ont fait attribuer à la séreuse méningée sa
véritable importance..
Plusieurs signes cliniques différentiels
avaient été donnés de la méningo-myélite syphilitique à type' Aran-Du-
chenne et de la polyomyélite antérieure chronique vraie : parésie précé-
dant l'atrophie, douleurs, évolution rapide. Aucun de ces symptômes
n'est ni constant, ni caractéristique : la parésie semble toujours précéder
1. Léri. Amyotrophie progressive spinale, et syphilis. 'Congrès de- Bruxelles, 1905.
Fig. '14. 3léiiiii qa-myél7te sy-
philitique ayant évolué comme
une atrophie musculaire pro-
gressive. Atrophie des' mains,du
type Aran-Duchenne. Atrophie
des membres inférieurs.
AMYOTROPHIES TYPE ARAN-DUCHENNE. 705
l'atrophie, quelle que soit la lésion causale, parce que la gêne fonction-
nelle est toujours le premier phénomène qui attire l'attention : l'évolution
la plus lente peut se rencontrer dans les méningo-myélites syphilitiques
11(i et 18 ans dans des cas personnels); enfin des douleurs existent
peut-être dans certaines poliomyélites, mais elles ne sont en tout cas pas
constantes dans la méningo-myélite syphilitique chronique.
Cependant l'existence de douleurs persistantes et la rapidité de l'évo-
lution devront faire songer à la méningo-myélite, probablement syphi-
litique, en présence d'une amyotrophie Aran-Duchenne; le diagnostic
se trouvera confirmé si plus tard apparaissent l'exagération des réflexes
rotuliens et l'e.xtension des orteils, signes de la dégénération du cor-
don latéral ; enfin il pourra peut-être être établi avec certitude quand
on observera :
1" Le signe <7'/h'< ? 7 ! o'<son, signe presque caractéristique et sou-
vent précoce de la syphilis du système nerveux central (Babinski et Char-
pentier), dont la constatation a une très grande importance, mais dont
l'absence ne doit pas faire rejeter l'idée de syphilis nerveuse, car il peut
l'aire défaut dans les amyotrophies les plus sûrement syphilitiques;
2" La lymphocytose du liquide céplalo-rachidiez, que nous avons
plusieurs fois constatée, mais qui peut être très modérée ou même
manquer dans des cas anciens.
Dans le tabès, on peut constater des amyotrophies à type Aran-
Duchenne. mais le plus souvent l'atteinte des membres supérieurs est
alors précédée par celle des membres inférieurs; parfois aussi on trouve
des atrophies diversement localisées, atrophie de la langue, des muscles
innervés par la branche externe du spinal, des masticateurs, etc.; ces
amyotrophies sont souvent précoces et fréquemment asymétriques. Elles
méritent d'être distinguées des atrophies tardives, plus fréquentes,
qui, dans la période d'incoordination confirmée, réduisent symétrique-
ment les membres inférieurs à des proportions squelettiques et provo-
quent l'apparition du pied-bot flaccide et atonique décrit par .Jo ! 1l'OY, Ces
dernières atrophies relèvent peut-être d'une névrite : les premières au
contraire, et en particulier l'atrophie Aran-Duchenne, dépendent sûre-
ment d'une atrophie des cellules radiculaires antérieures de la moelle
[(Pierre Marie ('). Condoléon (2), Leyden, Charcot et Pierret, Schaffer,
Raymond et Philippe (au, Collins (4)]. L'état de la méninge au niveau du
passage des racines antérieures n'est peut-être pas pour rien dans cette
dégénérescence cellulaire, peut-être aussi dans les névrites : il semble
logique d'admettre aujourd'hui que l'atrophie d'origine spinale dans le
tabès peut n'en pas être une complication, mais que les deux affections
peuvent reconnaître une cause commune la élite
1. P. Maiîik. Leç. sur les mal. de la moelle, Paris, lu.
2. <CO ! .MX. Th. Paris, 1885.
0. Raymond cl Pli Il.1 1'1'10 : . Soc. neurol.. Décembre 1902.
i. Col.l.ns. J. of nerv. aud ment, dis., Juin 1905.
Pratique \EUII()f.. ! 5
[A. léri.-]
706 ATROPHIES MUSCULAIRES.
syphilitique serait l'origine du tabès par sa localisation sur la méninge
et le cordon postérieurs (P. Marie et Guillain), de l'atrophie musculaire
par sa localisation sur les cornes antérieures, peut-être aussi sur la mé-
ninge antérieure (').
Le syndrome d'=lrau-Duchenne a été signalé aussi dans un certain
nombre de cas de paralysie générale (Bail, Mac Dowald, Voisin et
Hanot, Rendu, Vigoureux et Laignel-Lavastine, etc.) : aujourd'hui que'
l'on connaît la constance de la méningite dans cette affection, on s'ex-
plique parfaitement l'amyotrophie spinale par l'existence d'une tué-
ningo-myélite, probablement syphilitique : ce que nous venons de dire
du tabes est applicable à la paralysie générale.
Dans certaines névrites on peut observer l'atrophie type Aran-
Duchenne ; dans la névrite saturnine en particulier, elle a été signalée
par Môbius, Rcmak, Mme Dejerine. .
Toutefois nous croyons devoir émettre des doutes sur l'origine réelle
de l'atrophie dans le cas où elle est étendue et progressive; dans la
moelle d'un vieux saturnin, chez lequel l'atrophie, d'abord localisée
aux extrémités suivant le type classique de la névrite saturnine, s'était
ensuite presque généralisée aux quatre membres, nous avons trouvé des
lésions très intenses des cellules radiculaires antérieures; nous croyons
qu'il en est souvent ainsi et qu'un bon nombre des soi-elisantpolvnévrites
toxiques sont en réalité des m/élopatlhies toxiques.
L'évolution de l'atrophie, la paralysie plus ou moins marquée du début,
la notion étiologique professionnelle et la constatation des stigmates el
des accidents saturnins (liséré gingival, coliques de plomb, etc.,) per-
mettront généralement de rapporter le syndrome Aran-Duchenne d'ori-
gine saturnine à sa véritable cause.
Ces différentes affections causales du syndrome Aran-Duchenne étant
éliminées, reste-t-il une place pour une maladie d'Aran-Duchenne,
caractérisée par une poliomyélite antérieure chronique pure, par la
dégénération progressive primitive, systématique et isolée des cellules
des cornes antérieures ? De très rares observations (Dreschfeld, Oppeu-
hcirn, Nonne (2), .1. et Dutil, Dejerine, Raymond) semblent le
1. Pendant l'impression de ce mémoire, nous avons pu voir dans le service de noire
maître, le U Mosny, un malade dont l'affection complexe nous paraît être la meilleure
démonstration de l'opinion que nous exprimons ici : ce malade, présentant une atrophie
musculaire presque généralisée, ayant débuté par les mains comme une atrophie Ai'im-
Duchenne et s'étant propagée ensuite non seulement il la totalité des 4 membres, mais
encore aux muscles de la face, de la langue, des yeux, etc., avait aussi des signes
manifestes de tabès (douleurs fulgurantes, incontinence d'urine, lymphocytose, etc.),
qui avaient précédé et accompagné l'amyotrophie. Il était bien peu logique, ce nous
semble, d'attribuer une amyotrophie si considérable à un tabès dont la symptomatologie
était, en somme, assez restreinte; telle n'est nullement la forme ordinaire des am)'o-
trophil's tabétiques; il était bien plus vraisemblable que tabès et amyotrophie avaient
pour cause commune une méningo-myélite, sans doute syphilitique : tel fut l'avis de
M. Mosny.
2. NO"m : . D.ZlscAr., f. NervenH., 1891, |>. 157.
ATROPHIES MUSCULAIRES SECONDAIRES. 707
prouver; mais, dans presque tous les cas, d'autres lésions que l'atrophie
des cellules radiculaires, lésions médullaires ou périphériques, ont été
constatées, et l'on a du créer pour expliquer ces lésions « accessoires »
des théories qui ne sont rien moins que démontrées ; de plus beaucoup
d'autopsies ont été faites sans les nouveaux procédés de recherches, et
toutes datent d'avant la période où l'on a attribué quelque importance à
la pathologie de la méninge. Nous avons eu nous-mème récemment l'oc-
casion d'examiner des coupes qui nous avaient été envoyées avec l'éti-
quette de poliomyélite antérieure chronique et nous y avons trouvé une
lymphocytose péri-vasculaire et méningée indiscutable, témoin d'une
méningo-myélite très probablement syphilitique. De sorte qu'aujourd'hui
encore nous pouvons dire qu'il n'y a pas jusqu'ici un seul cas authen-
tique et certain de poliomyélite antérieure chronique pure; sans affirmer
que la maladie d'Aran-Duchenne n'existe pas, nous croyons avec Pierre
Marie que son existence en tant qu'entité clinique ne doit pas encore être
acceptée sans quelques réserves.
Il. - ATROPHIES MUSCULAIRES SECONDAIRES
L'un des caractères les plus constants de ces amyotrophies secondaires
soit à une lésion locale soit à une paralysie, c'est, contrairement aux
amyotrophies primitives, d'atteindre d'emblée, plus ou moins rapide-
ment, la totalité des muscles qui doivent être frappés, et d'affecter
ensuite une évolution plutôt régressive que progressive, sinon pour
l'intensité de l'atrophie, du moins pour son étendue.
Si vastes qu'elles soient, les amyotrophies secondaires sont localisées
soit aux muscles qui avoisinent une région malade, soit à des muscles
déterminés il l'avance par une paralysie préalable,
Dans cet article de séméiologie pratique où nous n'avons pas à entrer
dans des discussions pathogéniques, nous serons bref sur les amyotro-
phies secondaires, dont les caractères dépendent essentiellement de la
nature et de la localisation d'une affection primitive avec laquelle elles
doivent être étudiées. -
A. - ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE LÉSION LOCALE
a) Atrophies par lésions vasculaires. Dans l'cc·tério-
sclérose et surtout dans l'artérite des gros troncs, en particulier dans
iartérite syphilitique, on a signalé des atrophies, généralement loca-
lisées à quelques muscles, parfois plus ou moins massives, accompagnées
soit de claudication intermittente, soit de gangrène des extrémités.
Marinesco (') en particulier a étudié les lésions musculaires dégénéra-
1. Maiusesco. Semaine médic., 15 février 1890.
t.
. [A. LERI]
708 ATROPHIES MUSCULAIRES.
tives dans ces cas d' « angiomyopathie » ; Rénon et Louste (') ont mis en
doute l'origine vasculaire exclusive de ces lésions indépendamment de
toute participation du système nerveux.
b) Atrophies « réflexes ». A la suite d'une irritation péri-
phérique quelconque peut survenir une amyotrophie plus ou moins
étendue qui débute dans les muscles voisins de la région irritée.
Cette amyotrophie est dite « réflexe » parce qu'on la suppose due à
un trouble purement dynamique des cellules motrices de la moelle,
trouble transmis par la voie des filets sensitifs irrités : cette hypothèse a
été émise par Vulpian, soutenue par Charcot, appuyée par les expé-
riences de Le Fort, de Valtat, de Duplay et Cazin, de Van Gehuchten n,
qui ont constaté une atrophie simple des muscles sans aucune altéra-
tion inflammatoire et une intégrité complète de la moelle, défendue sur-
tout par Raymond (') et par lIoffa (*) qui ont montré qu'on pouvait
expérimentalement empêcher l'apparition d'une atrophie réflexe par la
section préalable des racines postérieures. Cette opinion, à peu près uni-
versellement adoptée jusque-la, a été combattue par Klippel, par Achard
et Lévi, par Mignot et Mally (') qui, les premiers par l'anatomie patholo-
gique, les autres par l'expérimentation, ont montré que l'atrophie pou-
vait être due à des lésions véritables des cellules radiculaires antérieures
de la moelle.
Les atrophies réflexes s'observent le plus souvent à la suite de lésions
articulaires; elles peuvent s'observer aussi consécutivement à une foule
de lésions abarticulaires.
a) Atrophies d'origine articulaire. Une atrophie musculaire peut
apparaître au cours ou à la suite d'une lésion quelconque d'une ou plu-
sieurs articulations, traumatique, infectieuse ou dyscrasique : arthrites
aiguës ou chroniques, rhumatismales, goutteuses, blennorrhagiques,
luxations, entorses, simples chocs ou contusions.
L'amyotrophie est particulièrement fréquente à la suite des arthrites
chroniques, tuberculeuses surtout, des arthropathies d'origine nerveuse,
tabétiques ou syringomyéliques. Elle est tout à fait indépendante de la
violence de l'inflammation articulaire ou de l'intensité des douleurs. Elle
peut s'observer au voisinage de toutes les articulations, mais surtout des
grandes articulations, genou, hanche, épaule, plus volontiers aux mem-
bres inférieurs qu'aux membres supérieurs.
L'amyotrophie d'origine articulaire est ordinairement précoce et
1. et Loustk. Arch. de rnédec., 1905, p. 78.
2. CIIAIICOT. Ler. sur les mal. du sllst. rteru., '1887, p. 27. Leç. du mardi, 1888 et
1889; Valtat. Th. Paris, 1877; Duplay et Cazin. Arlt. de 11lédec" '1891 ; Van (Ihiihcii-
tkn. ./01/1'11. de neurol., 1900, p. 182.
5. Raymond. Rev. médit, 1890.
4. IIoFFA, Congrès des chirllrg. allem" Berlin, 1892.
5. Kup)'nL. Soc. arcatorn., 1887 et 1888; ACHARD et L. LEV ! . Icon. Salpêll ? 1898;
MIGNOT et Mally. Arch. de médoc, 1900, p. 296. 1
ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE LÉSION LOCALE. 709
rapide; elle est d'ordinaire manifeste dès le courant du premier mois
qui suit le début d'une inflammation articulaire, souvent dès le 12e ou
15e jour, parfois dès le 4e ou 5e jour, par conséquent à une période
où l'on ne peut incriminer le repos prolongé. Elle frappe avant tout,
et le plus souvent uniquement, le muscle ou le groupe extenseur situé
au-dessus de l'articulation lésée, par exemple le quadriceps fémoral
pour une lésion du genou, le deltoïde pour une lésion de l'épaule, les
fessiers pour une lésion de la hanche. Des extenseurs l'atrophie peut
s'étendre aux fléchisseurs, mais en restant toujours plus accusée sur les
premiers. Elle peut envahir la totalité des muscles d'un segment du
membre, elle peut même envahir les muscles du ou des segments situés
au-dessous de l'articulation lésée. Quelquefois l'atrophie présente une
localisation conforme à la topographie motrice médullaire et qui paraît
bien démontrer son origine spinale : c'est ainsi qu'à la suite d'une carie
sèche de l'articulation scapulo-humérale, Ilalipré (') a vu l'atrophie
affecter tous les muscles du groupe Duchenne-Erb, c'est-à-dire ceux
qui répondent aux 5" et 6e paires cervicales, y compris le long supina-
teur, muscle de l'avant-bras. L'atteinte simultanée des muscles voisins de
plusieurs articulations, à la suite d'une attaque de rhumatisme polyarti-
culaire, par exemple, peut simuler une atrophie musculaire progressive.
L'atrophie est ordinairement peu prononcée, elle peut parfois être très
intense et déterminer entre les membres correspondants des différences
de circonférence de 5 ou 6 centimètres et plus.
C'est une atrophie simple, elle ne s'accompagne pas d'hypertrophie
vraie localisée ni de pseudo-hypertrophie, mais elle présente la plupart
des autres caractères que l'on est accoutumé à rencontrer dans les atro-
phies que l'on considère comme primitivement musculaires, les atro-
phies myopathiques entre autres. Les muscles atteints ne présentent pas
de contractions fibrillaires; l'excitabilité électrique est normale ou dimi-
nuée proportionnellement à l'atrophie, mais jamais on n'observe de
modification qualitative, de réaction de dégénérescence complète ou
partielle. Les rétractions (ibro-nnlsculaires ne sont pas exceptionnelles
et portent avec prédilection sur les fléchisseurs antagonistes des muscles
les plus atrophiés; on voit par exemple assez souvent la jambe se fléchir
modérément sur la cuisse. L'excitabilité mécanique des muscles est sou-
vent exagérée, le moindre choc provoque des secousses. Les réflexes ten-
dineux sont parfois diminués, plus ordinairement brusques et exagérés,
et, au membre inférieur, la trépidation épileptoïde apparaît, parfois.
On n'observe ni troubles de la sensibilité, ni troubles trophiques ou
vaso-moteurs; pourtant, si l'amyotrophie s'est produite dans le cours des
premières années de l'existence, elle peut avoir pour conséquence un
arrêt de développement du squelette du membre et simuler une paralysie
infantile.
1. HAi.ipi ! K ? îe(i. médic de Normamlic, 1 (JO;), p. 425.
[A. LÉRI.
710 ATROPHIES MUSCULAIRES.
L'atrophie de cause articulaire s'accompagne ordinairement de parésie
au moins au début; cette parésie semble même précéder ordinairement
l'atrophie, et l'impotence fonctionnelle est excessive si on la compare au
nombre des fibres musculaires disparues; la preuve en est que généra-
lement la force musculaire revient au bout de peu de temps, mais que le
muscle n'augmente pas pour cela de volume, que l'atrophie subsiste,
augmente même plutôt qu'elle ne diminue, et persistera souvent encore
pendant des mois et parfois des années. Un des caractères évolutifs les
plus typiques de cette amyotrophie est en effet, en dehors de son début
rapide, sa ténacité extrême et sa durée parfois indéfinie. Cette durée
est souvent en partie proportionnée à la durée de la lésion articulaire
provocatrice, mais le fait n'est nullement constant, et une atrophie peut
persister indéfiniment à la suite d'une arthrite tout à fait passa-
gère. L'atrophie, quelle que soit sa durée, est d'emblée circonscrite et
n'a aucune tendance à envahir des muscles qu'elle avait d'abord res-
pectés.
(3) Atrophies d'origine abarticulaire. Des atrophies musculaires
peuvent succéder à une lésion quelconque, et en particulier à une lésion
traumatique des membres ; elles peuvent porter sur des muscles voisins
de la lésion et sont peut-être dues alors à une inflammation propagée aux
muscles; mais elles portent souvent aussi sur des muscles éloignés et
parfois sur tous les muscles d'un segment de membre ou d'un membre
entier; dans ce cas, elles reconnaissent la même pathogénie que les
atrophies d'origine articulaire, dont nous venons de parler.
Les amyotrophies peuvent être consécutives : aux lésions des os.
ostéites ou plus souvent fractures, surtout fractures juxta-articulaires
(Tillaux, Gosselin), en particulier fractures de la rotule (Christin) (');
aux lésions des téguments, traumatisme quelconque, plaie superfi-
cielle, contusion même (Charcot et Dulil il (s), Ballet et Bernard (3), etc.) :
aux lésions des muscles, compression, plaie plus ou moins profonde,
déchirure à la suite d'un ellort musculaire (von Lücke), rupture d'une
veine intra-musculaire (coup de fouet, Charcot).
Les caractères de l'atrophie d'origine abarticulaire sont identiques à
ceux de l'atrophie arthrogène ; elles sont parfois très étendues, ordinai-
rement peu prononcées, fréquemment très tenaces.
Une mention spéciale doit être faite des atrophies des muscles thora-
ciques consécutives aux pleurésies . Ces atrophies sont surtout fréquentes
dans les pleurésies anciennes, mais elles peuvent apparaître précocement
dans le cours même d'une pleurésie aiguë, dès la 2e ou la le semaine
(Lasègue, Desplats). Quand l'atrophie ne frappe que les muscles inter-
costaux, on peut supposer qu'elle ne constitue qu'une application de
la loi de Stokes en vertu de laquelle un muscle sous-jacent il une séreuse
1. Chiustin. Th. Paris, 1880.
2. Ciiaiicot. Progrès médical, avril '1895.
5. Ballet et Bernard. Arch. de médoc, 1900, p. 31ft.
ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE. 711
enflammée se paralyse; mais parfois elle atteint les pectoraux, les grands
dentelés, le grand dorsal, même les muscles périscapulaires : dans ces
cas l'amyotrophie consécutive à l'inflammation de la séreuse pleurale
semble bien avoir même pathogénie que celle de l'amyotrophie consé-
cutive à l'inflammation des séreuses articulaires. Les caractères de l'atro-
phie sont les mêmes et sa ténacité est souvent d'autant plus considérable
que les inflammations pleurales laissent fréquemment des reliquats
presque indéfiniment persistants. ? B. ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE ;
Le caractère général de ces atrophies, de beaucoup les plus fré-i
ententes, est d'envahir soit la totalité, soit une partie seulement des
muscles préalablement paralysés d'un ou de plusieurs membres ; la
paralysie est le phénomène morbide initial et prédominant, c'est elle qui
commande avant tout la distribution de l'atrophie. L'atrophie est d'ail-
leurs d'une fréquence et d'une intensité variable suivant, que la paralysie
est d'origine organique ou fonctionnelle, et, dans le premier cas, suivant
que le siège de la lésion nerveuse est médullaire, cérébral ou périphé-
rique ; dans chacun de ces cas elle présente aussi des variétés indivi-
duelles suivant l'intensité et la localisation exacte de la lésion, suivant
et la période du développement, peut-être aussi suivant des prédis-
positions névropathiques, héréditaires ou acquises.
a) Atrophies consécutives à une paralysie d'origine
médullaire. Ces atrophies s'observent à la suite de toutes les
affections aiguës de la moelle où les cornes antérieures se trouvent
rapidement détruites soit par un processus infectieux ou toxique (para-
lysies spinales aiguës de l'enfant ou de l'adulte, myélites), soit par un
épancbeinent sanguin (liérnatomyélies).
On pourrait y ajouter toutes les maladies chroniques de la moelle où
ces cornes antérieures sont ou peuvent être progressivement altérées,
comme la sclérose latérale amyotrophique, la syringomyélie, la méningo-
myélite syphilitique, la lèpre nerveuse, etc.; mais dans ces cas il est
difficile de dire si la paralysie précède véritablement l'atrophie, il semble
que la parésie soit d'ordinaire proportionnelle à la diminution du nombre
des. fibres musculaires. Aussi est-ce l'amyotrophie qui prend dans la
sy, 1111) toiiit t ologie clinique l'importance prépondérante ; et, comme elle a
tendance il envahir progressivement des parties de plus en plus étendues
de la musculature, nous avons cru devoir compter au nombre des atro-
phies musculaires progressives, primitives, d'origine myélopathique, les
amyotrophies qui surviennent dans le cours de ces affections. Nous ajou-
terons seulement que, si le type Aran-Duchenne est de beaucoup la
forme la plus fréquente de toutes ces amyotrophies, on peut à titre
exceptionnel voir survenir dans ces affections une amyotrophie à locali-
sation différente, telle par exemple la localisation de l'amyotrophie syrin-
. [A. LÉRI.]
712 - ATROPHIES MUSCULAIRES.
gomyélique suivant le type scàpulo-huméral (ceinture scapulaire et bras)
ou suivant le type dorso-lombaire (ceinture pelvienne et. membres infé-
rieurs). .. -
. Dans la paralysie spinale infantile l'atrophie ne se montre que long-
temps, six semaines au moins et- souvent beaucoup plus, après une para-
lysie flasque à début brusque et fébrile, d'abord très étendue ou généra-
lisée, ensuite régressive et localisée. L'atrophie se montre exclusivement
au niveau des groupes musculaires restés paralysés, très souvent au
niveau des muscles de presque tout
un membre ou de plusieurs membres.
Le plus fréquemment elle frappe l'un
ou les deux membres inférieurs, excep-
tionnellement les membres supérieur
et inférieur d'un même côté. Aux
membres atteints elle débute le plus
souventpar l'extrémité (pied bot équin,
main de singe), rarement par la racine
(type scapulo-huméral) : elle s'y loca-
lise parfois.
- Toujours cette atrophie est accom-
pagnée d'un arrêt de développement
du squelette, entraînant un raccour-
cissement de la totalité ou d'une partie
d'un membre, et de troubles trophi-
ques et vaso-moteurs portant sur les
téguments ; l'adipose sous-cutanée est
très ordinaire, surtout aux membres
inférieurs où elle peut dissimuler plus
ou moins longtemps l'atrophie; les
rétractions fibro-musculaires sont ha-
bituelles dans les antagonistes des muscles les plus atropines.
Cette atrophie est à peu près irrémédiable ; elle envahit d'emblée la
totalité des muscles où elle se localisera, elle n'a pas de tendance à pro-
gresser ensuite de proche en proche. Pourtant on a cité un certain nom-
bre de cas d'atrophie musculaire progressive survenant très tardive-
ment, parfois après 40 ou 50 ans, soit au niveau de muscles autrefois
paralysés, puis guéris, soit en d'autres régions quelconques ; dans ce
dernier cas la localisation la plus ordinaire est le type Aran-Duchenne.
On a expliqué ces localisations successives sur la moelle de processus
sans doute infectieux et différents soit par une prédisposition spéciale,
héréditaire, des cellules des cornes antérieures (Bernheim, Brissaud),
soit par le fait que la première lésion jouerait le rôle d' «épine » et pro-
duirait un locus minoris resistentisc (Condouin, Ballet et Dutil) ; il nous
semble logique de voir, au moins dans certains cas, â .la fois l'épine et la
prédisposition héréditaire, 1' « infériorité originelle », dans les lésions,
Fig. 15. - Atrophie considérable du
membre inférieur gauche à la suite
d'une paralysie spinale infantile.
ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE. 715
surtout hémorragiques, souvent latentes, dont, avec le professeur Char-
rin, nous avons montré la fréquence dans le système nerveux central tout
particulièrement friable et vulnérable du foetus et du nouveau-né (').
L'atrophie musculaire peut affecter chez l'adulte les mêmes caractères
et survenir dans les mêmes conditions que chez l'enfant, mais elle est
beaucoup plus rare ; la paralysie spinale aiguë de l'adulte, dont la
réalité avait été mise en doute en tant que poliomyélite aiguë avec lésions
en foyers analogue à celle de l'enfant, est aujourd'hui indiscutable; après
Van Gehuchten, nous en avons publié avec Wilson un cas absolument
typique (2). '
L'atrophie consécutive à une hématomyélie est toujours secondaire
à une paralysie brusque : elle est toujours accompagnée de troubles de
la sensibilité spéciaux (dissociation syringomyélique), parfois du syn-
drome de Brown-Séquard, souvent de troubles oculo-pupillaires (myosis,
rétraction du globe oculaire, rétrécissement de la fente palpébrale). Elle
affecte presque toujours le type Aran-Duchenne ; exceptionnellement, en
raison du siège de l'hémorragie, elle se limite à certains muscles de
l'épaule, du bras et de l'avant-bras, à la musculature de la paroi abdomi-
nale, etc.... Les circonstances étiologiques les plus fréquentes, trauma-
tismes de la colonne vertébrale (fractures, luxations, contusions) ou
dépression atmosphérique brusque (maladie du caisson) rendront sou-
vent le diagnostic évident.
Dans les myélites qui se traduisent par une paraplégie ou par une
paralysie ascendante, l'atrophie est rare et légère; on constate surtout
une émaciation en masse des membres inférieurs.
A la suite des compressions de la moelle, on peut voir survenir des
atrophies musculaires parfois très étendues, généralement remarquables
par la rapidité de leur développement. A la suite des compressions cervi-
cales, elles peuvent simuler l'amyotrophie progressive de la syringomyélie
et atteindre en masse les deux membres supérieurs; dans certains cas
de tumeurs très étendues de la colonne vertébrale, on peut observer
des amyotrophies presque généralisées [(Sené) (3)]. L'amyotrophie est pré-
coce dans ces cas, mais ne précède pourtant pas en général les violentes
douleurs pseudo-névmlç¡iqlles qui sont dues à la lésion des nerfs et
surtout des racines; l'apparition des périodes successives de paralysie
flasque et de paralysie avec contracture, avec ou sans troubles trophiques
variés et troubles objectifs de la sensibilité, complète ou confirme le
diagnostic de compression médullaire.
b) Atrophies consécutives à une paralysie d'origine
cérébrale. Dans toutes' les paralysies cérébrales infantiles, hémi-
plégie, diplégie, paraplégie, monoplégie, on peut constater de l'atrophie
1. C)nn)t ! ? < et Léhi. Acad. des Se, 16 mars 1905.
2. Léiii et 1\'mov. Soc. Neurol., juin 1904 et Acon. Snlpèlr., mai-juin 1904.
z. Séné. Thèse Paris, 1884. '
ZA. LÉRI]
714 ATROPHIES MUSCULAIRES. ' '
dés membres paralysés; dans, tous ces cas l'atrophie musculaire n'est
qu'un des éléments du trouble du développement qui atteint tous les
tissus, et en particulier le tissu osseux; elle est plus ou moins propor-
tionnelle à l'atrophie des os, au moins à leur atrophie en épaisseur, mais
n'est nullement proportionnelle à l'intensité de la paralysie.
Dans la paraplégie cérébrale infantile, le trouble du développement
musculaire et osseux est d'ordinaire minime. Dans l'hémiplégie et la
diplégie, il est presque toujours^extrêmement prononcé, il fait défaut
exceptionnellement (P. Marie); l'atrophie frappe avec prédilection le
membre supérieur, et à peu près
dans une proportion égale les.
différents groupes musculaires de
chaque membre; les muscles du
tronc et la cage thoracique ne
sont pas respectés.
L'atrophie musculaire et os-
seuse des hémiplégies cérébrales
infantiles est un arrêt de dévelop-
pement dû au retentissement de
la lésion cérébrale, par l'inter-
médiaire du faisceau pyramidal,
sur les fonctions trophiques des
cellules radiculaires antérieures
de la moelle; anatomiquement
d'ailleurs, on constate d'ordinaire
que la moitié de la moelle du côté
de l'hémiplégie est tout entière
plus petite que la moitié opposée,
notamment au niveau de la subs-
tance grise. Dans ce cas, il s'agit
sans doute uniquement £ une di-
minution de nombre des éléments
des muscles, des os, des nerfs,
de la moelle, etc. (« atrophie numérique » de Jiuppel) ly.
Dans l'hémiplégie de l'adulte, l'atrophie musculaire est loin d'être
exceptionnelle, mais sa pathogénie est bien plus discutée, parce qu'elle
n'est pas la règle et que les circonstances d'apparition d'une amyotrophie
1 échappent jusqu'ici à toute loi. On croyait autrefois que l'amyotrophie
des hémiplégiques était toujours liée à une lésion des cornes antérieures
de la moelle. Babinski, dont les observations ont été confirmées par celles
de Quincke, Borgherini, etc., a montré que, dans certains cas, les cornes
antérieures et les nerfs périphériques ne présentaient aucune altération
morphologique; plus tard Dejerine a rapporté des faits d'atrophie mus-
1. 11LIPPIsL. Presse médit, 3J juillet 1897.
Fig. 16. - Atrophie des membres paralysés
dans un cas d'hémiplégie gauche avec para-
lysie cérébrale infantile. L'atrophie est sur-
tout nette au niveau des membres supérieurs.
ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE. 715
culaire chez des hémiplégiques, où les nerfs, à la périphérie, étaient
dégénérés, tandis que les cornes antérieures étaient normales. Selon
Babinski, dont l'interprétation a été acceptée par Joffroy et Achard, dans
ces trois groupes d'observations l'amyotrophie a pour origine une pertur-
bation des cornes antérieures de la moelle, mais celle-ci se manifeste
suivant son degré d'intensité par des lésions appréciables, soit dans tout
l'appareil neuro-musculaire, cellules nerveuses, nerfs et muscles, soit
seulement dans la partie périphérique du neurone et dans les muscles,
soit exclusivement dans les muscles;
cette perturbation est donc tantôt orga-
nique, tantôt dynamique. Pour Senator
l'amyotrophie serait due souvent à la
lésion même des cellules pyramidales
de l'écorce cérébrale, pour Borgherini,
Eisenlohr, Quincke à la lésion de cen-
tres trophiques cérébraux spéciaux de
' l'écorce ou de la couche optique, pour
Roth et Muratow à des troubles circu-
latoires intramusculaires à point de
départ cérébral, pour Dejerine à une
névrite périphérique intramusculaire
(dans certains cas), pour Darksche-
witseh, Gilles de la Tourette à des
arthropathies. Pour Schaffer et Mari-
nesco('), Parton Ct Popesco ('), l'amyo-
trophie serait constante, à un degré
variable, chez les hémiplégiques et
due à la suppression de l'influx ner-
veux d'origine cérébrale agissant sur
les grandes cellules de la corne an-
térieure et sur les centres vaso-
moteurs.
L'amyotrophie des hémiplégiques
est parfois précoce, débutant dès la
première semaine, et affecte une marche subaiguë; presque toujours elle
est tardive et lente. Le plus souvent elle prédomine sur le membre supé-
rieur et atteint surtout les muscles de la racine du membre, les muscles
scapuio-huméraux, particulièrement le deltoïde; au membre inférieur
elle prend surtout les muscles de la fesse et de la partie supérieure de
la cuisse. Cette règle n'est pas absolue et il n'est pas rare de voir l'atro-
phie commencer par l'extrémité des membres et affecter plus ou moins
le type Duclienne-Aran. La circonférence des membres diminue souvent
1. 3l,mxesco. Semaine médic, 25 nov. 1898.
2. PAI\IION et Porrsco. Roiiiaiiia medica., avril 1898.
' [A. LERI-1
Fig. 17. Hémiplégie gauche acquise.
Atrophie du côté correspondant du tronc
et dcs membres. Une telle amyotrophie
est exceptionnelle dans les hémiplégies
acquises.
716 si ATROPHIES MUSCULAIRES.
de 2 ou 5 centimètres, rarement de 6 ou 7. Il y a parfois des rétractions
fibro-musculaires, exceptionnellement la réaction de dégénérescence,
assez souvent une atrophie du squelette en épaisseur et même en lon-
gueur (Bouchard, Debove ('), Joffroy et Achard, Dejerine), très fréquem-
ment des troubles trophiques et vaso-moteurs des téguments. L'amyotro-
phie des hémiplégiques est très persistante.
c) Atrophies consécutives à une paralysie d'origine
périphérique. Toutes les lésions des nerfs moteurs ou mixtes
provoquent des paralysies suivies d'atrophie musculaire : ces lésions
sont traumatiques (sections, plaies, contusions ou compressions des
nerfs) ou inflammatoires (névrites toxiques ou infectieuses).
Les atrophies consécutives aux lésions des nerfs se distinguent des
atrophies d'origine spinale par un certain nombre de caractères, d'ailleurs
tous inconstants. Les contractions fibrillaires s'observent rarement; la
réaction de dégénérescence s'observe au contraire plus souvent et est
plus généralisée que dans les atrophies myélopathiques. Comme celles-ci,
les atrophies d'origine périphérique sont généralement prédominantes
vers la périphérie des membres. Ce qui les distingue surtout, c'est d'une
part l'adjonction à la paralysie atrophique d'un certain nombre de
symptômes sensitifs, d'autre part le mode d'évolution.
Les troubles sensitifs sont subjectifs et objectifs. Des troubles sub-
jectifs de la sensibilité sont très fréquents, sans être constants : ils con-
sistent en douleurs spontanées, paroxystiques, intermittentes ou surtout
rémittentes, à caractère névralgique, souvent fulgurant ou térébrant, et
en douleurs à la pression des nerfs ou des muscles. Les troubles objectifs
de la sensibilité (anesthésies ou parfois hyperesthésies totales ou disso-
ciées, troubles des sensibilités profondes, musculaire, articulaire, etc.)
sont presque aussi fréquents : ils manquent cependant à la suite des
lésions des nerfs purement moteurs, qui sont l'exception, mais existent
à la suite de toutes les lésions des nerfs mixtes, qui sont la règle.
Des troubles vaso-moteurs, sécrétoires et trophiques cutanés (cyanose,
hypothermie, oedème, hyperidrose, ulcérations, etc.) sont très fréquem-
ment liés aux paralysies atrophiques d'origine périphérique.
Le caractère spécial de l'évolution de ces atrophies, c'est quelles
tendent presque toujours à un moment donné vers la régression et vers
la guérison : on observe une période d'augment qui peut être rapide ou
lente, une période d'état et une période de décroissance.
1. Lésions traumatiques des nerfs (troncs nerveux, plexus,
racines).
Dans les sections, plaies et contusions d'un nerf, la paralysie et
l'amyotrophie sont superposées, l'atrophie succédant de peu à la para-
lysie ; la localisation de l'une et de l'autre dépend uniquement de la
distribution du nerf lésé, leur intensité est variable suivant que la section
1. Driiove. Soc médic des Irôp., 1881.
ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE. 717
est complète ou incomplète. A la suite des sections complètes, l'anes-
thésie est .plus ou moins absolue au-dessous de la lésion dans le
domaine du nerf sensitivo-moteur altéré, exception faite pour les zones
limitantes de ce domaine à cause de la transmission de la sensibilité par
les nerfs voisins; le tronc nerveux et les masses musculaires ne sont pas
sensibles à la pression; les douleurs sont parfois vives et localisées à la
périphérie anesthésiée, souvent minimes ou absentes. A la suite des sec-
tions incomplètes, des plaies ou contusions, la paralysie, l'atrophie et
les troubles objectifs de la sensibilité sont d'ordinaire moins accusés,
les douleurs sont au contraire plus violentes et plus persistantes. Le
rétablissement des fonctions motrices et sensitives peut être complet au
bout d'un temps plus ou moins long.
Il faut rapprocher des sections nerveuses certaines injections médi-
camenteuses, celles d'éther. de mercure en particulier, qui, faites
au niveau de certains nerfs, les nécrosent et agissent comme une sec-
tion complète ou partielle.
Les compressions des nerfs sont une cause fréquente de paralysies
amyotrophiques. La compression peut se produire d'une façon rapide ou
brusque il la suite d'une fracture, d'une luxation, d'un épanchement san-
guin, ou dune façon lente et progressive par un lien, des béquilles, un
fardeau, par un cal vicieux, une exostose, un anévrysme, une tumeur du
voisinage dure ou molle quelconque (fibrome, cancer, kyste, etc.). Un
bon nombre de « névrites professionnelles » reconnaissent pour cause
une compression nerveuse : compression du cubital par pression pro-
longée sur le bord d'une lable chez les tailleurs de diamants, de cristaux,
les verriers, compression du sciatique poplité externe par l'usage pro-
longé de la machine à coudre (J. Charcot et Meigc) (') ou par l'aponé-
vrose du biceps dans la position à genoux prolongée chez les asphaltiers.
les paveurs, les parqueteurs, etc
Dans ces différents cas, la paralysie et l'amyotrophie peuvent être très
prononcées dans tout le domaine du nerf au-dessous du point comprimé,
les troubles subjectifs ou objectifs de la sensibilité sont très intenses, le
nerf et les muscles sont très sensibles à la pression. Les névrites par
compression sont plus fréquentes au membre supérieur et presque tou-
jours elles sont unilatérales.
Les compressions et lésions peuvent porter sur les plexus ou sur les
racines. La compression du plexus brachial peut être due à une chute,
à un coup de pied, à une fracture de la clavicule, à une luxation de
l'épaule, aune hémorragie (névrite apoptectiforme décrite har lhlhois de
Berne), à un exsudai tuberculeux, etc.; elle est la cause la plus ordinaire
des paralysies obstétricales. En dehors de cette dernière variété, les para-
lysies amyotrophiques du plexus brachial sont presque toujours unilaté-
rates.
i. J. CIIAHCOT et MEIGE. Pl'ogl'èsmédic., 1891.
' [A. LÉRI.]
718 ATROPHIES MUSCULAIRES.
La symptomatologie peut être celle d'une paralysie radiculaire supé-
rieure, inférieure ou totale. Dans la paralysie radiculaire supérieure,
les muscles frappés sont les muscles du groupe Duchenne-Erb, del-
toïde, biceps, brachial antérieur et long supinateur, parfois accessoi-
rement les sus et sous-épineux, grand rond, grand dorsal, grand den-
telé, grand pectoral, court supinateur; les troubles sensitifs sont localisés
au domaine des nerfs musculo-culané et radial, parfois du circonflexe et
du médian. Dans la paralysie radiculaire inférieure, les muscles
atteints sont ceux du domaine du cubital, les petits muscles de la main
surtout, éminences thénar et hypothénar et interosseux; les troubles
sensitifs et trophiques sont limités à la zone du cubital et du brachial
cutané interne; des phénomènes oculo-pupillaires (myosis, rétraction du
globe oculaire, rétrécissement de la fente palpébrale) sont constants.
Dans les paralysies radiculaires totales, on observe la combinaison des
troubles moteurs, sensitifs et trophiques des deux formes précédentes :
paralysie atrophique des muscles de la main, de l'avant-bras, du bras et
de l'épaule, anesthésie de la main, de l'avant-bras et généralement du
bras, à l'exception de la région interne innervée par les 2e et 5e inter-
costaux, troubles oculo-pupillaires.
Les compressions et lésions du plexus lombaire sont rares, celles du
plexus sacré sont plus fréquentes; elles sont dues à des tumeurs du
bassin, de l'utérus, à la tuberculose ou au cancer vertébral, à une frac-
ture ou à une luxation de la colonne lombaire ou du sacrum. Elles sont
assez souvent bilatérales. Elles se manifestent par une paralysie atro-
phique, localisée : pour le plexus sacré dans In domaine du nerf scia-
tique, fessiers, muscles de la région postérieure de la cuisse et tous les
muscles de la jambe; pour le plexus lombaire dans le domaine du nerf
obturateur et du nerf crural, muscles abdominaux antérieurs, obtura-
teurs, adducteurs et quadriceps fémoral. Les troubles sensitifs siègent
dans la zone de distribution des mêmes nerfs.
Les compressions et lésions des racines (racines cervicales ou queue
de cheval) par lésions vertébrales ou intra-rachidiennes peuvent simuler
toutes les formes de paralysies des plexus que nous venons d'indiquer;
elles peuvent aussi réduire leur symptomatologie à quelques troubles
sensitivo-lnoteurs variables suivant la ou les racines antérieures ou
postérieures atteintes. Leur cause est dans les tractions ou élongations
brusques des nerfs (parfois obstétricales), dans les lésions vertébrales
traumatiques, tuberculeuses ou cancéreuses (paraplégie douloureuse des
cancéreux de Charcot et Cotard), ou dans les exsudats méningés tuber-
culeux, syphilitiques, néoplasiques, hémorragiques, peut-être fibreux
(pachyméningite cervicale hypertrophique ? ) qui compriment des racines.
Aujourd'hui qu'on connaît l'importance de la méningite spinale dans le
tabes, il semble bien probable qu'un bon nombre des paralysies amyotro-
phiques diversement localisées dans cette affection sont dues à des com-
pressions radiculaires.
ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE. 719
2. Lésions inflammatoires des nerfs : névrites. Les névrites
sont infectieuses ou toxiques. Les névrites infectieuses peuvent être de
cause externe ou de cause interne; les névrites toxiques sont toujours de
cause interne, elles peuvent être dues à une intoxication d'origine exo-
gène ou à une auto-intoxication.
Les névrites infectieuses de cause externe qui s'accompagnent d'amyo-
trophie se présentent sous la forme de la « névrite ascendante ».
(1.) Névrite infectieuse de cause externe : névrite ascendante.
La névrite dite ascendante est consécutive il une plaie souvent étroite
et irrégulière, à un traumatisme quelconque, souvent léger, à une
1 : ) ffelUl'e ou il une brûlure, surtout localisés aux extrémités et surtout à
l'extrémité, du membre supérieur, aux doigts.
La cicatrisation se fait mal ou incomplètement, la région reste sensible,
un oedème rougeàtre, des traînées lymphatiques y apparaissent rapi-
dement, puis, au bout d'un temps qui varie de quelques jours à quelques
semaines, quelques heures parfois, les symptômes de la névrite font leur
apparition. Ils sont surtout sensitifs : ils consistent en douleurs souvent
extrêmement vives dont le point de départ se trouve au niveau de la
plaie, douleurs continues et paroxystiques. La douleur s'étend bientôt
aux doigts voisins, puis à la main, à l'avant-bras, au bras. Le doigt lésé
s'atrophie, s'el'lile, sa peau devient mince, lissé, luisante, violacée,
froide; la main tout entière à son tour subit les mêmes modifications.
Puis, après la main, l'atrophie musculaire gagne souvent l'avant-bras, le
bras même, mais elle n'est généralement pas proportionnelle à l'intensité
des douleurs; elle est diffuse et atteint a peu près au même degré l'en-
semble des muscles d'un même serment de membre. La réaction de
dégénérescence s'observe très fréquemment. Il n'y a généralement
d'autres troubles objectifs de la sensibilité qu'une hyperesthésie cutanée
des mains et une hyperesthésie à la pression des troncs nerveux aug-
mentés de volume et des niasses musculaires. Les arthrites, les rétractions
fibro-nnisculaircs sont fréquentes. L'examen radioscopique montre par-
fois une atrophie dans l'épaisseur des os. Tardivement la douleur peut
être réveillée par des secousses de toux, et cette douleur, due peut-être
au choc du liquide céphalo-rachidien au niveau des culs-de-sac sous-
arachnoïdiens qui entourent des sanglions enflammés, serait un bon
signe pour dépister l'atteinte ganglionnaire (Dejerine, Sicard) (').
L'évolution est d'ordinaire très lente, ells s'échelonne sur des mois,
même des années; l'envahissement, n'est pas toujours aussi étendu que
celui que nous venons de décrire; la régression peut s'observer au bout
de 4 à 10 mois et la guérison être complète ; mais les rechutes ne sont
pas exceptionnelles, soit spontanément, soit à l'occasion d'une maladie
infectieuse quelconque, est la durée peut être illimitée; l'intensité et la
1. Di..aenm : . Soc, de Ilelll-01., juin I ! 10; - SICAIII1, Soc. de nerwol. et Rapport au
Congrès de Rennes, 1905.
[A. LÉRI.
720 ATROPHIES MUSCULAIRES.
durée des douleurs conduisent souvent à des interventions chirurgicales
répétées et inutiles, à la morphinomanie ou au suicide.
) Névrites infectieuses ou toxiques de cause interne. - Toutes les
maladies infectieuses peuvent provoquer, dans leur cours ou dans leur
décours, des inflammations nerveuses périphériques; dans quelques-unes
le microbe spécifique se localise dans les nerfs mêmes (lèpre, peut-être
béribéri), dans presque toutes il ne parait agir sur le nerf que par l'in-
termédiaire des toxines qu'il secrète (diphtérie, fièvre typhoïde, tubercu-
lose en dehors de quelques foyers tuberculeux des nerfs, variole, grippe.
streptococcie, etc.).
Parmi les toxiques exogènes, certains semblent porter avec prédi-
lection leur action sur le système nerveux périphérique (alcool, plomb,
mercure, arsenic, etc.) : d'autres, de façon toute accidentelle. C'estacci-
dentellement aussi qu'un certain nombre de dyscrasies, de maladies
générales chroniques (diabète, goutte, rhumatisme chronique, albumi-
nurie, cancer, etc.) s'accompagnent de lésions des nerfs : ces lésions
sont sans doute dues à une intoxication.
Aucune infection ou intoxication ne peut parfois être retrouvée à l'ori-
gine d'une affection qui évolue comme une névrite, et le plus souvent
comme une névrite généralisée; la similitude de ces tableaux cliniques,
l'appareil fébrile ordinaire du début font penser qu'il s'agit sans doute
dune infection de nature indéterminée, peut-être souvent d'origine
nastro-intestin;lle, qui porte plus ou moins exclusivement ses effets sur
les nerfs périphériques. Il faut dire d'ailleurs que dans bien des cas.
où l'étiologie est nettement infectieuse ou toxique, il est impossible
de dire si la symptomatologie dépend uniquement d'une lésion péri-
phérique, polynévrite, ou d'une lésion centrale, myélite : il est pro-
bable que, dans beaucoup de cas où l'affection évolue comme une
maladie infectieuse indépendante, il en est de même et qu'il s'agit
autant ou plus d'une myélite ou d'une méningo-myélite que d'une poly-
névrite.
Quelle qu'en soit la cause, la névrite de cause interne peut être loca-
lisée, elle peut être multiple ou généralisée (polynévrites); on peut
observer entre ces différentes formes tous les intermédiaires.
La névrite localisée intéresse surtout le cubital, le radial, le sciatique
poplité externe, le sciatique, parfois le médian, le circonflexe, le cru-
ral, etc. Elle débute d'ordinaire lentement, sourdement, par des four-
millernents, des engourdissements, des douleurs spontanées intermit-
tentes, des douleurs à la pression du nerf atteint; ces douleurs s'ac-
cusent, devienuent fréquentes, paroxystiques ou continues; la sensibilité
objective s'altère, l'anesthésie s'installe dans le domaine du nerf; en
même temps les muscles qui en dépendent (s'il s'agit d'un nerf mixte) se
paralysent, puis s'atrophient : le tableau clinique est complet en un ou
deux mois. Plus rarement les troubles sensitifs et moteurs se développent
en quelques jours, plus rarement encore la névrite est brusque, apoplec-
ATROPHIES C01SÉCUTfYES A UNE PARALYSIE. 721 1
tiforrne (Dubois, Margoullès) ('), marquée par une douleur violente
presque aussitôt suivie de paralysie complète. Dans tous ces cas les
troubles sensitifs peuvent prédominer sur les troubles moteurs ou inver-
sement. L'atrophie musculaire présente les caractères ordinaires de
l'atrophie d'origine périphérique : absence de contractions fibrillaires et
de pseudo-hypertrophie, excitabilité électrique d'abord normale, puis
altérée quantitativement et qualitativement, atteinte simultanée, progres-
sive, puis régressive, des différents muscles atteints; les réflexes sont
diminués ou abolis, les troubles trophiques, vaso-moteurs et sécrétoires
sont il peu près constants. La progression se fait souvent par secousses;
la durée est de quelques semaines à quelques mois, puis la régression
survient et la guérison complète est la règle.
La névrite multiple ou généralisée, la polynévrite est lente ou rapide,
apyrétique ou fébrile; le début lent n'appartient qu'aux névrites non
généralisées qui sont de beaucoup les plus fréquentes; les névrites géné-
ralisées, apvrétiques ou fébriles, ont toujours une évolution subaiguë ou
aiguë.
Le début par les membres inférieurs est presque constant, à l'exception
de certaines variétés étiologiques, comme la névrite saturnine, qui
affectent de préférence les membres supérieurs ; le plus grand nombre
des polynévrites restent localisées aux membres inférieurs ou, en tout
cas, sont pendant toute l'évolution plus accusées aux membres infé-
rieurs : c'est le contraire de ce que l'on observe dans la plupart des
atrophies d'origine spinale. Comme celles-ci, c'est généralement à
l'extrémité des membres qu'elles commencent et ensuite qu'elles prédo-
minent ; comme elles, elles sont généralement bilatérales et plus ou moins
exactement symétriques. Les nerfs rachidiens sont le plus souvent seuls
atteints, quelquefois les nerfs crâniens le sont aussi.
Lent ou rapide, apyrétique ou accompagné des symptômes fébriles
d'invasion d'une maladie infectieuse (fièvre jusqu'à 40°, frissons, courba-
ture, troubles gastriques, etc.), le début se marque par des troubles
paresthésiques, fourmillements, engourdissements; puis surviennent les
douleurs spontanées, paroxystiques, intermittentes ou rémittentes, réveil-
lées par la pression des nerfs ou des muscles, les troubles de la sensibi-
lité objective (ordinaires, mais inconstants), les paralysies; un peu plus
tard l'atrophie envahit en masse les muscles préalablement paralysés,
lentement ou souvent très rapidement, elle s'accompagne fréquemment de
réaction de dégénérescence, des troubles trophiques cutanés se produi-
sent : l'évolution est donc la même que pour les névrites localisées, la.
localisation seule est différente.
La paralysie atrophique est généralement plus intense et plus précoce
sur les extenseurs que sur les fléchisseurs; l'atteinte rapide des muscles
du pied et des muscles antéro-externes de la jambe provoque l'attitude
I. Maiigouliès. Th. de Paris, z1597.
1'11%'UIQUF veuno. 46
[A. LÉRI
722 ATROPHIES MUSCULAIRES.
hallante du pied et la marche en steppant; les muscles du mollet et ceux
de la cuisse sont moins pris; les muscles des mains, des avant-bras des
bras, du dos et de l'abdomen ne le sont qu'exceptionnellement, très tar-
divement, ou dans des formes très rapides, aiguës ou suraiguës, qui rap-
pellent la paralysie ascendante aiguë de Landry et dont l'anatomie et la
pathogénie ne sont pas encore parfaitement élucidées.
Dans les différentes formes de polynévrites les troubles sensitifs
peuvent prédominer sur les troubles moteurs ou inversement.
Quel que soit le mode de début, la rapidité d'évolution et le désiré
d'extension des névrites multiples ou généralisées, la paralysie amyotro-
phique est le plus souvent longue et se prolonge pendant des semaines et
des mois, mais la régression est la règle et la guérison est d'ordinaire
complète, à moins que des rétractions fibre-tendineuses ne limitent défi-
nitivement les mouvements, ou que la névrite n'atteigne le phrénique et
le pneumogastrique et ne détermine ainsi des troubles respiratoires et
cardiaques mortels.
La localisation et l'évolution des névrites, localisées, multiples ou
généralisées, présentent des variétés importantes suivant leur cause.
La névrite lépreuse est d'ordinaire multiple et symétrique, parfois
localisée ou asymétrique ; elle siège surtout aux membres supérieurs, et
particulièrement vers l'extrémité. Elle est caractérisée, en dehors de la
notion étiologique, par la dissociation syringomyélique de la sensibilité,
par l'anesthésie en plaques, par l'importance des troubles trophiques de
la peau et de ses annexes, des tendons, des os (lèpre mutilante), par
l'existence d'hypertrophies nodulaires de périnévrite réparties le long
des nerfs. L'atrophie affecte très souvent le type Duchenne-Aran : elle est
peut-être due parfois il la polynévrite, mais il faut sans doute faire une
part dans cette atrophie progressive à la poliomyélite, car le bacille de
Hansen a été rencontré non seulement dans les nerfs, mais aussi dans la
moelle.
Dans le béribéri, maladie contagieuse et épidémique. la polynévrite est
la lésion essentielle ; elle se marque d'abord par t'anestbésie, générale-
ment douloureuse, des jambes, des doigts, de la bouche, puis des
cuisses, de l'abdomen, des mains et des avant-bras; la paralysie et l'atro-
phie envahissent d'abord les extenseurs de la jambe et de l'avant-bras,
tardivement le tronc, le pharynx, le larynx, le phrénique et le pneumo-
gastique ; les troubles circulatoires et secrétoires sont constants, on
observe de la dyspnée, de l'aphonie, des troubles cardiaques, la dispari-
tion des sueurs, etc.
La névrite diphtérique n'atteint les membres qu'après le voile du
palais et souvent les muscles de l'oeil; elle commence aux membres infé-
rieurs par les muscles des pieds et des jambes, elle atteint parfois les
membres supérieurs, l'abdomen, le thorax, le cou; elle est caractérisée
par une paralysie flasque avec troubles sensitifs objectifs et réaction de
dégénérescence, mais l'atrophie musculaire est rare. La guérison rapide
ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE. 725
est la règle, hormis le cas où les nerfs cardiaques sont touchés.
Dans la fièvre typhoïde, les névrites sont assez fréquentes, précoces,
mais d'ordinaire limitées, localisées d'emblée à un ou plusieurs nerfs,
souvent au seul nerf cubital. Les troubles consistent surtout en paralysies
douloureuses circonscrites ; l'atrophie musculaire peut être considérable,
elle est généralement passagère, rarement persistante. Les nerfs bulbaires
ne sont jamais atteints.
Dans la tuberculose les névrites sont fréquentes, les symptômes sont
souvent dissociés et uniquement sensitifs ou uniquement moteurs (para-
lysies amyotrophiques dans les cas de Joffroy, Eisenlohr, Vierordt,
Striimpell, Oppenheim). Ces névrites sont disséminées et intéressent
indifféremment les nerfs sensitifs, moteurs, mixtes, crâniens, le phréni-
que, le pneumogastique, etc.
Dans la grippe des névrites provoquent souvent des troubles moteurs
ou sensitifs diffus ou localisés avec ou sans amyotrophies ; quelquefois on
observe le syndrome de la paralysie ascendante aiguë.
Parmi les névrites infectieuses amyotrophiques, il faut citer encore
celles du paludisme, de la variole, de la streptococcie (névrite puerpé-
rale du cubital et du médian), de la pneumonie, de la coqueluche, etc.
La névrite alcoolique est le type des polynévrites mixtes à prédomi-
nance sensitive; les douleurs vives, lancinantes ou térébrantes, les pares-
thésies, l'hyperesthésie cutanée et musculaire précèdent toujours la
paralysie ; la paralysie et l'atrophie sont cependant presque constantes ;
elles se localisent aux membres inférieurs et surtout aux extenseurs des
pieds; elles gagnent parfois la racine des membres, plus rarement les
membres supérieurs. Ces névrites sont généralement curables après
suppression de l'alcool.
Le type ordinaire de la névrite saturnine est la paralysie des muscles
innervés par le radial, à l'exception du long supinateur; l'atrophie rapide
de ces muscles est presque constante, la réaction de dégénérescence est
fréquente, les troubles sensitifs ne sont pas rares. Les troubles moteurs
et trophiques peuvent s'étendre aux muscles du bras et au deltoïde ou
aux : péroniers et aux extenseurs des orteils; ils peuvent même, par excep-
tion, se localiser primitivement sur les uns ou les autres de ces muscles
ou se généraliser il la presque totalité de la musculature. Les paralysies
sont d'ordinaire curables, parfois très lentement.
L'intoxication par l'arsenic se révèle souvent par les symptômes sen-
sitifs et moteurs d'une polynévrite mixte ; ces troubles atteignent le plus
souvent les quatre membres, en commençant par les extrémités et par les
extenseurs. L'amyotrophie est rapide et prononcée. L'envahissemenl suit
souvent une évolution aiguë ou subaiguë, la curabilité est facile.
Les intoxications par le mercure, l'oxyde de carbone, le sulfure de
carbone se manifestent souvent par des troubles sensitifs et paralytiques,
mais rarement par de l'amyotrophie.
Les névrites du diabète déterminent des troubles soit sensitifs, soit
f
[A. LÉRI.]
724 ATROPHIES MUSCULAIRES.
trophiques, soit moteurs ; mais tous ces troubles sont souvent isolés
dissociés, très diversement localisés et parfois parcellaires. On a cité des
paralysies amyotrophiques plus ou moins douloureuses du cubital, du
péronier, du circonflexe, des extenseurs du pied et des orteils (paralysie
diabétique de Charcot), etc. : elles sont généralement passagères.
Dans la goutte, dans le rhumatisme chronique, les paralysies amyotro-
phiques douloureuses ne sont pas rares, notamment celles du sciatique;
peut-être les lésions de la goutte ou du rhumatisme vertébral agissent-
elles parfois par compression sur les racines médullaires.
Dans le cancer, dans les diverses cachexies, on observe parfois, en
dehors de l'amaigrissement général, de véritables névrites localisées
sensitives, motrices et trophiques.
La question des atrophies musculaires névritiques du tabes n'est pas
encore résolue. A propos de l'atrophie spinale type Duchcnne-Aran, nous
avons noté déjà que l'atrophie du tabes se présente parfois sous cette
forme et qu'elle est vraisemblablement due dans ce cas aux lésions des
cellules radiculaires antérieures par la méningo-myélite syphilitique;
cette forme d'atrophie ne diffère pas en effet de la forme myélopathique
habituelle, et d'autre part Raymond et Mathias Duval, P. Marie et Koch
pour l'hypoglosse, Leyden, Cliarcot et Pierret, Schaffer, Raymond et
Philippe, etc., ont montré que l'on pouvait trouver dans le tabes une dé-
générescence et une atrophie des grandes cellules motrices. Mais la forme
la plus ordinaire de l'amyotrophie tabétique est différente et c'est surtout
au sujet de la pathogénie de cette forme que l'on a beaucoup discuté.
L'amyotrophie tabétique frappe généralement les membres inférieurs,
rarement d'une façon précoce, en général tardivement, à la période d'in-
coordination. Elle
commence par les
muscles des pieds,
interosseux et émi-
nences thénar et hy-
pothénar, et déter-
mine une griffe des
orteils avec exten-
sion de la première
phalange et flexion
des autres. Puis
l'atrophie envahit les
muscles de la jambe
et surtout les mus-
cles antéro-exter-
nes, parfois en res-
pectant le jambier antérieur; le pied se met alors en varus équin,
s'enroule autour de son bord interne et tous les orteils se fléchis-
sent : c'est le pied bot tabétique de Joffroy. Des rétractions aponé.
Fig. 1 7. - Pieds bots tabétiques de Joffroy (collection Charcot).
Enroulement du pied sur son bord interne.
ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE. 725
vrotiques fixent ce pied en extension, alors que les mouvements de
latéralité sont conservés et même exagérés. L'atrophie des jambes est
souvent très considérable ; elle peut remonter plus ou moins tardivement
vers les cuisses ; auparavant elle envahit généralement les muscles des
mains (main de singe, griffe totale ou cubitale), parfois des avant-bras
(muscles épitrochléens), exceptionnellement des bras. Les contractions
fibrillaires sont exceptionnelles. La localisation de cette amyotrophie res-
semble donc beaucoup à celle de bon nombre de polynévrites, mais elle
ne s'accompagne pas de troubles sensitifs subjectifs ou objectifs, de
douleurs à la pression des troncs nerveux ou des masses musculaires,
très exceptionnellement de réaction de dégénérescence ; de plus, le pro-
nostic en est essentiellement mauvais et elles ne régressent pour ainsi
dire jamais.
Pierret, Dejerine, Oppenheim et Siemerling, Pitres et Vaillard ont
constaté dans ces cas des lésions nettes de névrite périphérique ; cette
névrite prédominait parfois à la périphérie et ne se prolongeait pas jus-
qu'à la moelle (Dejerine). Au contraire, les auteurs que nous avons cités
plus haut ont constaté des lésions des cellules motrices de la moelle, et
dans les trois observations de Raymond et Philippe une atrophie des cel-
lules radiculaires antérieures semblait commander rigoureusement une
amyotrophie classique des membres inférieurs. Il est possible que cette
atrophie musculaire des tabétiques reconnaisse pour cause tantôt une
atrophie des cellules motrices, tantôt une névrite primitive. Mais il est
des lésions de connaissance récente dans le tabes qui certainement en-
trent pour une part dans ces troubles moteurs et trophiques; ce sont les
lésions vasculaires et les lésions méningées.
. Les lésions de la névrite optique des tabétiques, que nous avons parti-
culièrement étudiées ('), sont à notre sens d'origine interstitielle, et
dues à des altérations vasculaires, surtout ou uniquement syphilitiques,
de péri- et d'endo-phlébite et artérite oblitérante, et à des altérations mé-
ningées peut-être elles-mêmes consécutives aux altérations vasculaires.
Il nous paraît logique de penser que d'autres altérations névritiques peu-
vent reconnaître la même origine et que la lésion primitive peut siéger
au niveau du point où les racines traversent la méninge. Le fait que les
altérations des nerfs sont parfois plus prononcées à la périphérie qu'à
proximité des racines n'est nullement contraire à cette hypothèse, car il
est aujourd'hui bien démontré que quand un neurone est primitivement
lésé au niveau ou près de la cellule, la dégénérescence ne progresse pas
de proche en proche, mais atteint d'abord et d'emblée l'extrémité du ou
des prolongements. Il est probable aussi que des lésions syphilitiques
peuvent frapper isolément les vaisseaux en un point quelconque des
nerfs et que l'endartérite oblitérante peut être l'origine des névrites,
dans le tabes comme dans des cas très bien étudiés par Joffroy et
1. Lém. Icon. Salpêtlr., 1904, p. 425.
[A. LÉRI.
726 ATROPHIES MUSCULAIRES.
Achard ('), par Lorenz, Oppenheim, Dutil et Lamy, Schlesinger, Ber-
voeti,etc. Ainsi comprise la névrite du tabès se rapproche des diverses
névrites infectieuses : l'infection serait ordinairement la syphilis.
Les muscles les plus divers peuvent être isolément frappés de paralysie
atrophique dans le tabès, en particulier certains muscles dépendant d'une
innervation crânienne, tels les muscles masticateurs (Schultze, Chvostek
P. Marie et Léri) (2), tels les muscles sterno-cll'ido-mastoïdiens ou tra-
pèze (Martius, Ehrenberg, Gerhardi, lluet et Guillain (3), etc.). Ces para-
lysies atrophiques sont d'ordinaire partielles et associées à des troubles
crâniens et méningés divers. Il est probable qu'elles relèvent de la
même pathogénie que les paralysies atrophiques des membres, surtout de
l'altération des nerfs au niveau de la traversée de la méninge (Mlle Avda-
koff) (4) ? i.
Des lésions en apparence névritiques observées dans le cours de la
paralysie générale ou à la suite d'hémorragies venlriculcrires ou mé-
ningées, de îiït,i21îigo-itiyéliles, etc.. ont sans doute une pathogénie ana-
logue.
cl) Atrophies consécutives à une paralysie d'origine
fonctionnelle. - Atrophie musculaire hystérique. La réalité
de l'atrophie musculaire hystérique a été démontrée par Charcot et Ba-
binski en 1886; depuis lors les observations se sont multipliées (Massa-
longo, Brissaud, Blocq, Ballet, Charcot, Gilles de la Tourette, etc.).
Mais il n'en reste pas moins quc l'atrophie purement hystérique doit être
considérée de plus en plus comme un fait rare, au sur et à mesure que
l'hystérie est mieux délimitée et séparée des affections multiples qu'elle
englobait à tort, et au sur et à mesure que de nouvelles méthodes per-
mettent de déceler des altérations minimes des voies nerveuses centrales
et périphériques. Cette atrophie peut peut-être être considérée comme
due à l'inhibition du pouvoir trophique de la cellule motrice médullaire;
elle résulte presque toujours du défaut de fonctionnement des muscles.
L'atrophie hystérique porte toujours sur un membre paralysé, parfois
sur un membre contracture; elle atteint généralement, comme la paraly-
sie, tous les segments d'un membre ou certains groupes fonctionnels;
parfois elle porte avec prédilection sur certaines régions (éminence thé-
nar ou hypothénar, muscles de l'épaule, grand pectoral seul, etc.). Elle
débute quelques semaines après la paralysie et évolue rapidement; elle
est rarement très intense ; elle ne s'accompagne jamais de réaction de
dégénérescence. Elle est généralement stationnaire pendant assez long-
temps, rarement envahissante. La guérison est la règle, mais elle est
parfois très longue à obtenir.
On sait aujourd'hui que les prétendus stigmates hystériques, ]u'mi-
1. Joffroy et AC.11.,ilID. Arch. de 111édec, expér., 1889.
2. P. Marie et Léri. Soc. de neurol., 1905.
5. Hoi : T et Guillain. Soc. de neurol., 1902.
4. M ? AvDAKoFF. Th. Paris, 1905.
TRAITEMENT DES ATROPHIES MUSCULAIRES. 727
anesthésie, anesthésie en manchon, anesthésie cornéenne et pharyngée,
rétrécissement du champ visuel, etc., sont toujours provoqués par une
suggestion, d'origine le plus souvent médicale (Bernheim, Babinski). Le
diagnostic d'amyotrophie hystérique ne' devra jamais être fait que par
exclusion et avec hésitation. 1
TRAITEMENT DES ATROPHIES MUSCULAIRES
Pour prévenir ou retarder l'évolution des atrophies musculaires
progressives de l'enfance, il n'y pas plus à faire que pour pré-
venir ou retarder toutes les affections congénitales, héréditaires ou fami-
liales, maladies du développement ou maladies de dégénérescence, qui
existent « en puissance » dès. les premiers stades de la vie embryonnaire
et dont la marche progressive paraît fatale. , .
L'électricité n'a été essayée que parce que, dans des atrophies muscu-
laires d'autre origine, elle donne de bons résultats ; mais, à part de très
rares auteurs (Leuf,. Allard) ('), les effets ont toujours été absolument
nuls; ils seraient même nettement nuisibles pour peu que l'on emploie
des courants un peu forts, et P. Marie et Sorel, Babinski (2), etc., pen-
sent que l'inactivité d'un traitement électrique prolongé peut être, dans
des cas douteux, considérée comme un excellent argument pour le diag-
nostic de myopathie.
Divers traitements opothérccpiq2ces ont été expérimentés- sans plus de
succès, en partant de cette idée nullement démontrée que la myopathie-
peut être une dystrophie musculaire par insuffisance de telle ou telle
sécrétion glandulaire. Le thymus avait été particulièrement incriminé,
parce qu'il présente son maximum de développement dans les premières
années de l'existence, c'est-à-dire au moment où apparaissent d'ordi-
naire les premiers symptômes de myopathie : les résultats obtenus au
moyen d'ingestion ou d'injections de glande thymique par Macalister,
Pitres. Cruchet, Cullere, Marinesco (') n'ont été ni très concluants, ni
confirmés par d'autres observateurs. Nous en dirons autant des essais
des médications thyroïdiennes (Lépine) (4), ou d'injections de suc mus-
culaire (Tordeus, Allard) (). De nouvelles tentatives ne semblent pas
devoir donner grand espoir.
Le massage, la mécanothérapie active et passive pourront peut-être
1. Leuf. 11'eo-Forlc rnéd. J. 1899; - Allard. Soc. neurol., 5 juillet 1902.
2. P. Marie et SOREL. Congrès de rnédec. de Totelouse, 1902; - Barinski. Soc. neural.,
juillet 1902. -
3. Macalister. Brit. nsédic. J., 8 avril 1895; PITRES. Gaz. hebd. de rnédec.,8 jan-
vier '18J9; - CULLERE. Tla. Toulouse, 4901; Marinesco. Traité Brouardel-Gilbert,
X, p. 811.
i- LÉPINE. Lyon médical, 10 mai 1896.
o. Tonneus. Rev. neul'ol., 1898, p. 703; - Allard. Joum. de clin. et de thé1'ap,
infant., 25 sept. 1897. ' .
[A. LÉRI.]
728 ATROPHIES MUSCULAIRES.
retarder quelque peu l'atrophie de certains muscles, mais rien n'est
moins certain.
On en est, en somme, réduit, dans le traitement des amyotrophies
progressives héréditaires de l'enfance, à obvier aux inconvénients
locaux produits par certaines atrophies trop prononcées. C'est ainsi que,
par des appareils prothétiques divers et par des chaussures spéciales,
on peut diminuer les troubles de la marche dus à la déformation des
pieds; des ténotomies ont été faites, en particulier la section du tendon
d'Achille; elles ne rendent pas toujours la marche plus aisée pour un
temps durable, et, en revanche, elles nécessitent une immobilisation pro-
longée de la région qui favorise l'atrophie. Des corsets divers peuvent
plus ou moins rendre au tronc une rigidité utile. Une des interven-
tions les plus intéressantes, préconisée récemment, consiste à fixer chi-
rurgicalement l'omoplate, soit au bord interne de l'omoplate opposée
(Laehr) ('), soit aux côtes (Ehrhardt, Raymond) (2) : on immobilise ainsi
l'omoplate dépourvue de ses moyens naturels d'attache au tronc, et. en
l'empêchant de suivre le bras dans tous ses mouvements, on facilite beau-
coup ceux-ci. Cette intervention remplace avantageusement le port de
corsets spéciaux, toujours gênants et rapidement pénibles à supporter.
Dans les amyotrophies progressives de l'adulte, les resut-
tats thérapeutiques n'ont pas été, jusqu'ici, sensiblement plus emwura-.
géants. Ce n'est pas qu'on n'ait, pourtant, employé les médicaments et
les médications les plus diverses, parmi lesquelles nous ne ferons que
citer l'application des révulsifs divers sur la colonne vertébrale, (vesica-
toires, pointes de l'eu, cautères) et l'emploi interne de la strychnine et de
la noix vomique, de l'ergot de seigle, de l'arsenic, du dit nitrate
d'argent, etc.; tous ces moyens sont aujourd'hui reconnus inefficaces.
L'électricité, jointe ou non au massage, a l'hydrothérapie chaude et sur-
tout à la gymnastique raisonné ? active et passive, a paru, dans certains
cas. donner quelques succès relatifs localisés : des courants continus
d'intensité modérée paraissent devoir être appliqués de préférence à la
moelle en posant les deux électrodes aux deux extrémités du rachis : des
courants galvaniques juste suffisants pour amener une contraction
notable des muscles, ou des courants faradiques peu intenses et à inlcr-
ruptions fréquentes, sont appliqués aux nerfs et aux muscles.
Une seule médication semble avoir donné, jusqu'ici, dans de très rares
cas où elle a été essayée, un résultat assez nettement favorable : eest la
médication antisyphilitique, mercure et iodures. Nous avons préco-
nisé (3) ce traitement après avoir établi que la syphilis, considérée
comme exceptionnellement la cause d'amyotrophies ou
de maladies « simulant» cette amyotrophie (Raymond, Raïchline. Yizioli,
1. Laf.hh. Neurol. Ccntra6l., 1899.
2. Ennunr;uT..9rcl'. ? Klin. Chir., 1901 ; Raymond. Acad. de Médec, 5 imii 1004.
5. LÉRI. Congrès de lJr1t.rclIc ? 1905 et Traité Charcol-Bonchard, IX, p. t¡5,
TRAITEMENT DES ATROPHIES MUSCULAIRES. 729
Lannois) (') était en réalité la cause ordinaire du syndrome de Duchenne-
Aran quand il ne relève pas d'une sclérose latérale amyotrophique, d'une
syringomyélie, d'une pachyméningite, d'une lèpre ou d'un tabes; nous
avions trouvé dans la littérature un certain nombre d'observations où
les auteurs, soupçonnant ou non les rapports de l'amyotrophie progres-
sive spinale avec la syphilis, avaient retiré un bénéfice notable d'un
traitement mercuriel ou ioduré (observations de Graves, Hammond,
Seeligmiiller, Niepce) (2). Depuis lors, Lannois (3) a publié l'observation
d'un amyotrophique type Aran-Duchenne chez lequel le traitement a
confirmé la relation que la clinique tendait à établir entre la syphilis et
l'amyotrophie, car, sous l'influence des injections d'huile grise, il s'est
fait une amélioration non douteuse dans l'aspect et les mouvements des
doigts. Bien que le traitement antisyphilitique ne paraisse pas réussir
dans tous les cas (Raymond, Rendu), comme il est le seul qui paraisse
susceptible d'entraver la marche progressivement envahissante de l'atro-
phie, comme d'autre part l'état actuel de nos connaissances ne nous
permet pas de distinguer, à coup sur, l'amyotrophie progressive spinale
syphilitique de la non-syphilitique, nous croyons qu'on devra, dans
presque tous les cas, à moins de contre-indication formelle, tenter
l'épreuve du traitement spécifique.
. Les amyotrophies secondaires, réflexes ou post-paralytiques,
sont beaucoup plus susceptibles que les amyotrophies progressives d'une
thérapeutique efficace. Le premier traitement à leur appliquer est tou-
jours le traitement de la cause, mais il ne faut pas oublier, cependant,
que la ténacité et l'intensité de ces amyotrophies ne sont pas toujours pro-
portionnées a la durée et à la gravité de l'affection causale : la relation
n'est nullement absolue.
A l'atrophie elle-même, il faut appliquer un traitement préventif et un
traitement curatif.
Dans les lésions articulaires, le meilleur traitement préventif de
l'atrophie réflexe consiste dans le massage doux, commencé sans retard
dès le début de la lésion (arthrite, luxation, fracture juxta-articulaire,
etc.) et appliqué surtout aux muscles extenseurs sus-jacents à l'article
lésé, el dans la mobilisation passive et active, aussi précoce que possi-
ble dans les cas où la lésion n'est pas inflammatoire; dans les arthrites
suppurées seulement on évitera non seulement la mobilisation, mais
même le massage doux.
Le traitement curatif d'une atrophie réflexe sera plus complexe. Le
I. Raymond. Soc. médic. des hôp., lR95; - It : ïcm.nsr : . Congrès de Moscou, 1897;
\ lZIOL ! . A111/{/li rli neurologia, 1898; Lannois et Livr. Soc. des Sciences médic.
Lyon, 1900.
2. 1l : ouow. Traité des mal. du syst. nerv., traduit par L.-Lagrave, p. 628; -
i\u : ,tce. Acad. de Médecine, 1855.
5. Lannois. Congrès de Rennes, 1905.
[A. LÉRI.]
750 ATROPHIES MUSCULAIRES.
massage sera encore des plus utiles, doux d'abord, puis de plus en plus
énergique, mais sans amener la fatigue.
La mobilisation lente et prudente de l'article devra être faite dès qu'il
ne sera plus douloureux, exception faite cependant des arthrites tuber-
culeuses ; en dehors de la mobilisation passive, une gymnastique active
raisonnée et un exercice modéré seront recommandés ; la mécanothérapie
avec les appareils Zander ou même avec des appareils improvisés, per-
mettra de graduer très utilement les efforts et de localiser les contrac-
tions sur les muscles voulus. L'hydrothérapie, soit générale, soit surtout
locale, sous forme de douches simples, chaudes de préférence, sulfu-
reuses ou écossaises, sera un utile adjuvant.
Enfin, Y électrothérapie trouvera, dans ces atrophies réflexes, une de
ses principales indications ; les différents courants pourront être appli-
qués avec succès, mais le courant faradique peu intense et à interrup-
tions espacées paraît devoir être préféré; l'éleclrisalion sera ou localisée
ou de préférence indirecte, une électrode, large, étant appliquée sur la
région dorsale, l'autre, plus étroite, sur le muscle à électriscr et plus
volontiers sur son point moteur. Denoyès (') a constaté que les courants
de haute fréquence auraient une influence très heureuse sur les diverses
amyotrophies.
A toutes ces médications il y aura pourtant une contre-indication
formelle, c'est l'existence de phénomènes spasmodiques; dans ces cas,
Lucas-Championnière (2) recommande pourtant le massage superficiel et
léger, reffleurage, et mamy (j) les courants statiques.
La cure des amyotrophies post-paralytiques consistera surtout dans
le massage méthodique pratiqué dès le début et dans la mobilisation
passive et raisonnée des membres paralysés. Une excellente méthode
consiste à pratiquer le plus tôt possible sous l'eau, dans un bain chaud
salé local ou général, le massage et la mobilisation, en cherchant à faire
exécuter aussi tôt que possible aux segments paralysés des mouvements
actifs que le poids des membres ne permettrait souvent pas d'exécuter
autrement que dans l'eau (lluehzerineyer) (*). Dans les paralysies amyo-
trophiques névritiques, il ne faudra procéder au massage et à la mobili-
sation qu'une fois passée la période aiguë et douloureuse.
Quant à l'électrisation, elle ne devra guère être employée que dans les
cas où l'on n'a pas à craindre la contracture : elle sera tout à fait indi-
quée, même de façon très prolongée, dans la paralysie infantile qui est
essentiellement une paralysie flasque ; elle sera ,des plus utiles aussi
dans les névrites, mais après la période des douleurs. )/é)ectrotherap)e
sera, au contraire, contrc-indiquée dans la plupart, des hémiplégies et
pratiquée seulement, dans ces cas, avec prudence, à l'aide d un courant
1. Deaooa. Olonlpcllier médical, 1900.
2. Locns-Cu : orowd. : m : . Soc. de clin., juillet 1905.
5. et Ilicuos. Soc. de clin., juillet 1905.
A. HU : II7.ERMEYi : It. D. médic Wochenschr., 1898.
TRAITEMENT DES ATROPHIES MUSCULAIRES. 751
galvanique peu intense, presque exclusivement au niveau des muscles
atrophiés, et à la condition que l'on n'observe pas de phénomènes
spasmodiques.
Quelle que soit la cause de l'amyotrophie post-paralytique, il faudra
favoriser, autant qu'on le pourra, la rééducation des mouvements non
seulement par le traitement mécanique, mais aussi par le traitement
psychique, en imposant au malade une mobilité dont il est souvent fort
étonné de se voir capable.
Il faudra aussi prévenir l'es altitudes vicieuses, suites de la paralysie,
de l'amyotrophie et des rétractions fibro-tendineuses, et au besoin remé-
dier à l'impotence et aux déformations acquises par des interventions
chirurgicales; la greffe de certains muscles paralysés au tendon de
muscles voisins ayant une action à peu près similaire a été très préco-
nisée dans ces dernières années; elle parait avoir donné des résultats par-
ticulièrement intéressants dans un certain nombre de paralysies infantiles.
La laxité excessive de certaines' articulations due à l'atrophie des
muscles qui les meuvent sera parfois, avec avantage, remplacée par l'im-
mobilisation complète de ces articulations; l'arthrodèse, qui supprime
une articulation en soudant l'un à l'autre les deux os voisins, a été
notamment préconisée contre le pied bot flasque de certaines paralysies
infantiles (Ducroquet et Launay).
Des appareils prothétiques appropriés préviennent ou redressent cer-
taines déformations; ils peuvent être un adjuvant très utile à la suite
d'interventions opératoires pour empêcher la formation de nouvelles
attitudes vicieuses.
[A. LÉRI.]
TABLEAU DES CARACTÈRES ET VARIÉTÉS CLINIQUES DES
ATROPHIES MUSCULAIRES
I. ATROPHIES MUSCULAIRES PRIMITIVES, PROGRES-
SIVES (lentement progressives, pouvant toutes aboutir -Il l'amyotrophie
généralisée).
A) Atrophies de l'enfance ou de l'adolescence : Caractères communs : début dans
l'enfance ou l'adolescence; caractère héréditaire ou familial.
a) Myopathie :
1. Caractères de l'atrophie musculaire : Absence de contractions fibrillaires;
pseudo-hypertrophie fréquente (mollets, fesses, etc.), parfois hyper-
trophie vraie; rétractions fibre-musculaires; absence de réaction de dégé-
nérescence, modifications électriques quantitatives; conservation pro-
longée des réflexes tendineux; début par la racine des membres; évolution
lente.
2. Symptômes accessoires inconstants, troubles divers du développement :
os : atrophie, aplatissement du thorax et taille de guêpe, thorax en en-
tonnoir, scoliose, aplatissement du cràne, aplatissement du bassin;
articulations : pseudo-luxations;
peau : troubles trophiques, vaso-moteurs et sécrétoires : - tissu sous-cu-
tané : adipose, oedème; dents : irrégulières, striées, dentelées,
mal implantées;
glandes : lésions diverses (thyroïde, thymus, testicules. glandes sali-
vaires) ;
système cardio-vasculaire : diminution de la pression artérielle, troubles
cardiaques;
système nerveux et musculaire : troubles psychiques, dégénérescence
mentale; maladies congénitales diverses : myotonie congénitale, Fried-
reich, paralysie périodique, autres variétés de myopathie, absence con-
génitale de muscles.
5. Variétés tO/1ogmphiqucs : Début par :
Membres inférieurs :
Pseudo-hypertrophique ou mvosclérosiyue : Duchenne : l'en-
fance généralement.
Pseudo-hypertrophique sans hypertrophie : Leyden-Moebius : 1" enfance
généralement.
Membres supérieurs :
Scapulo-humérale, juvénile : Erb : adolescence.
Face :
Facio-scapulo-humérale : Landouzy-Dejerine : 2" enfance.
b) Myélopathies : .'
1. Caractères de l'atrophie : Contractions fibrillaires (pas dans la forme \\'crdriig-
Hoffmann) ; pas de pseudo-hypertrophie ; pas de rétractions fibro-rauscu-
laires ; réaction de dégénérescence; modification des réflexes tendineux;
peu ou pas de troubles du développement.
TABLEAU DES CARACTÈRES ET VARIÉTÉS CLINIQUES. 755
2. Variétés analomo- cliniques : .
1. Type Charcot-Marie : 2" enfance; début par extrémité des membres;
d'abord membres inférieurs : pieds, extenseurs de la jambe; puis mem-
bres supérieurs : mains, avant-bras; évolution lente.
2. Type Werdnig-Hoffmann : 1" enfance; début par racine des membres :
membres inférieurs, puis supérieurs; évolution rapide (quelques années).
c) Myélo-névrite : névrite hypertrophique interstitielle : Gombault, Deje-
rine, Sottas et Pierre Marie. /
Caractères : semblables à type Charcot-Marie, en plus : hypertrophie des troncs
nerveux; cypho-scoliose; symptômes médullaires simulant le tabes ou
la sclérose en plaques : Romberg, Westphal, Robertson, myosis, ataxie,
douleurs, retard de la sensibilité ou hypoesthésie; tremblement intention-
nel, parole scandée; exophtalmie.
B) Atrophies de l'adulte : Myélopathies :
Type Duchenne-Aran = Syndrome :
1. Caractères du syndrome : contractions fibrillaires; pas de pseudo-hypertro-
phie ; pas de rétractions fibro-musculaires; réaction de dégénérescence;
modification des réflexes tendineux; début par extrémité des membres
supérieurs : mains ; évolution : membres supérieurs : mains, avant-
bras, épaules, bras, thorax, tronc; diaphragme; viscères; membres infé-
rieurs rarement : pieds, jambes, cuisses; évolution lente (sauf sclérose
latérale amyotrophique); pas ou peu de troubles trophiques.
2. Variétés analomo-cliniqucs : caractères différentiels :
a) Spasmodiques : réflexes tendineux exagérés :
Sclérose latérale amyotrophique : paralysie spasmodique des mem-
bres supérieurs; parfois paralysie labio-glosso-laryngée; évolu-
tion rapide (2-5 ans).
Pachyméningite cervicale hypertrophique (syphilitique, tubercu-
leuse, fibreuse ? ) : douleurs névralgiques, exagération des ré-
flexes ; souvent mains de prédicateur.
Sclérose en plaques : Amyotrophie souvent plus généralisée (mem-
bres inférieurs), ni contractions fibrillaires, ni R. D; paralysie
spasmodique, tremblement, nystagmus, troubles visuels.
b) Parfois spasmodiques, généralement flasques : .' ,
Syringomyélie : anesthésie dissociée, troubles trophiques (panaris
, anesthésiques, etc.), cypho-scoliose; parfois mains de prédica-
teur ou mains en pince; évolution lente (10-40 ans).
Lèpre nerveuse : étiologie ; symptômes syringomyéliques (anesthésie
dissociée, troubles trophiques); symptômes" propres : plaques
d'anesthésie, épaississement des troncs nerveux, nodules lépreux;
souvent main différente.
Méningo-myélite syphilitique : lymphocytose, parfois Argyll-Robert-
son, parfois douleurs et évolution rapide.
e) Flasques : réflexes tendineux diminués :
Tabès : Signes tabétiques.
Névrites ( ? ) ou pseudo-névrites (myélites ? ) : saturnines, etc. ; signes
propres.
Poliomyélite antérieure chronique ?
[A. LÉRI.]
734 ATROPHIES MUSCULAIRES.
II. ATROPHIES MUSCULAIRES SECONDAIRES (Atrophies
d'emblée, stationnaires ou régressives) :
A) Consécutives A une lésion locale : " . '
a) Atrophies par lésions vasculaires : exceptionnelles.
b) Atrophies « réflexes » : Origine articulaire : arthrites, luxations, contusions.
- Origine abarticulaire : os : fractures, ostéites; téguments : plaies, con-
tusions ; muscles : compressions, plaies, coup de fouet; séreuses : atro-
phies pleurétiques, etc.
Caractères de l'atrophie : caractères de l'atrophie simple, myopathique, mais
absence de pseudo-hypertrophie ; localisation : généralement début au
muscle extenseur sus-jacent; extension et intensité généralement limi-
tées ; durée prolongée.
B) Consécutives A une paralysie : atrophie de tout ou partie des muscles préalablement
paralysés associée aux symptômes propres à l'affection paralytique :
a) D'origine médullaire : paralysie spinale infantile; paralysie spinale aiguë de
l'adulte; hématomyélie ; myélites ; compression médullaire.
b) D'origine cérébrale : paralysies cérébrales infantiles : hémiplégies, etc.; hémi-
plégie de l'adulte.
c) D'origine périphérique : lésions des nerfs périphériques :
1. Caractères de l'atrophie : pas de contractions fibrillaires ; pas de pseudo-hvper-
trophie ; rétractions fibro-musculaires parfois; réaction de dégénérescence
fréquente; abolition des réflexes tendineux; début par l'extrémité des
membres; tendance il la régression.
2. Caractères associés : paralysie; troubles sensitifs subjectifs constants (dou-
leurs), objectifs fréquents (anesthésies, etc.); troubles vaso-moteurs, secré-
toires et trophiques cutanés.
5. Variétés anatomo-cliniques : 1
A) Lésions traumatiques (troncs nerveux, plexus, racines) : sections, plaies,
contusions, compressions, élonbalion.
B) Lésions inflammatoires : névrites : infectieuses, toxiques.
a) Névrile infectieuse de cause externe : névrite ascendante : syndrome
douloureux ascendant. fi.
P) Névrites infectieuses et toxiques de cause interne : localisées, multiples
ou généralisées (polynévrites); à évolution aiguë, subaiguë ou chronique.
Infectieuses : lèpre, béribéri; toxi-infectieuses : diphtérie, fièvre ty-
phoïde, tuberculose, grippe, variole, paludisme, streptococcie, etc.;
Toxiques exogènes : alcool, plomb, arsenic ;
Toxiques endogènes : diabète, goutte, rhumatisme chronique, cancer, ca-
chexies ;
Tabétiques : infectieuses ( ? ).
d) D'origine fonctionnelle : hystérie.
HYPERTROPHIES MUSCULAIRES
par le Dr André LERI
L'hypertrophie musculaire est l'augmentation de volume d'un ou de
plusieurs muscles due il l'augmentation de nombre ou de dimension
des libres contractiles.
. CARACTÈRES DE L'HYPERTROPHIE MUSCULAIRE
Le muscle hypertrophié est gros, et son accroissement de volume est
souvent assez marqué pour frapper l'observateur à la simple inspection
de la région; la mensuration peut servir de confirmation. De plus, il est
plus consistant qu'un muscle normal et donne au doigt qui le palpe
l'impression d'une élasticité excessive.
S'il est déjà exagérément volumineux et résistant au repos, la diffé-
rence avec un muscle normal s'accuse plus encore, à l'oeil et à la main,
à l'état de contraction; quand le muscle se contracte, on sent sous les
doigts se dilater et se durcir des faisceaux plus volumineux, on voit le
muscle former dans sa partie moyenne un ventre anormalement dis-
tendu, et souvent des fascicules épaissis soulèvent les tissus cutanés
et sous-cutanés : c'est alors surtout qu'on peut avoir l'impression que
l'augmentation de volume siège bien dans le muscle lui-même et non
dans les tissus superficiels.
Enfin nous avons dit, à propos des atrophies musculaires, que le
volume d'un muscle n'est rien, que sa puissance fonctionnelle est tout :
le fait est toujours vrai pour les atrophies musculaires, il l'est souvent
pour les hypertrophies, mais non toujours. La puissance contractile du
muscle est exagérée dans les hypertrophies physiologiques, fonction-
nelles, compensatrices, où l'augmentation des fibres contractiles atteint
un muscle sain et constitue soit un mode de réaction contre un
obstacle, soit un mode d'adaptation à un rôle physiologique excessif.
Mais la puissance contractile n'est pas exagérée quand l'hypertrophie
musculaire est l'un des symptômes mêmes d'une maladie du muscle, ce
qui est fréquent : dans ce cas, ou bien l'hypertrophie s'accompagne d'un
affaiblissement réel de sa puissance, ou bien les premières contractions
[A. LÉRI
736 HYPERTROPHIES MUSCULAIRES.
sont normalement ou exagérément violentes, mais l'épuisement est
rapide et les contractions suivantes sont affaiblies.
Tous ces signes de l'hypertrophie musculaire apparaissent surtout
nettement quand elle est unilatérale et qu'on peut ainsi comparer le
muscle altéré avec le muscle symétrique du côté opposé, soit à l'état de
repos, soit à l'etat de contraction.
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL .^
Ces signes permettent en général de distinguer l'hypertrophie muscu-
laire vraie d'un certain nombre d'altérations musculaires qui la simulent.
En parlant des atrophies musculaires, nous avons signalé la fréquence
des pseudo-hypertrophies dues à l'infiltration et à la dégénérescence
graisseuse du tissu musculaire, et, en comparant cette fréquence à la
rareté de l'hypertrophie musculaire vraie, nous avons pu dire que l'aug-
mentation anormale du volume d'un muscle est plus souvent le signe de
son atrophie que de son hypertrophie. En dehors de l'augmentation de
volume, seul caractère commun, tout différencie en effet la pseudo-
hypertrophie de l'hypertrophie vraie : consistance pâteuse, amoindrie
du muscle, contractilité nulle ou atténuée, faiblesse ou absence de toute
modification de volume et de consistance au passage de l'état de repos à
l'état de contraction, puissance contractile active et résistance aux mou-
vements provoqués très réduites.
Un oedème interstitiel détermine parfois une pseudo-hypertrophie
musculaire limitée; mais l'oedème est rarement exclusivement muscu-
laire, et on en trouve les causes soit dans un trouble de la circulation
générale, soit dans une cause locale de stase sanguine.
Certaines myosites se manifestent par un gonflement limité ou diffus
d'un ou de plusieurs muscles qui en traduit l'infiltration interstitielle :
mais les symptômes inflammatoires, l'acuité du début du processus, la
douleur spontanée et à la pression, la faiblesse de la contraction évite-
ront toute erreur avec l'hypertrophie vraie. ,
Certaines infiltrations néoplasiques de tout ou partie de un ou plu-
sieurs muscles, amenant leur augmentation de volume, se caractérise-
ront, outre qu'elles sont exceptionnellement limitées aux muscles seuls,
par leur localisation irrégulière, leur consistance spéciale, leur extension
progressive, la diminution considérable de la contractilité musculaire.
VARIÉTÉS CLINIQUES
L'hypertrophie musculaire vraie est aussi rare au niveau des muscles
de la vie de relation, au niveau des muscles des membres et du tronc,
que l'atrophie musculaire y est fréquente. Il en est tout autrement au
niveau des muscles de la vie organique, et les hypertrophies muscu-
laires viscérales sont infiniment plus fréquentes que les atrophies.
HYPERTROPHIES MUSCULAIRES VISCÉRALES. 7 ? 7
1. - - HYPERTROPHIES MUSCULAIRES VISCÉRALES
Les hypertrophies musculaires viscérales rentrent presque toutes dans
la catégorie des hypertrophies musculaires dites compensatrices. Elles
occupent avec une prédilection marquée le muscle cardiaque, en vertu
sans doute des innombrables obstacles que la circulation sanguine peut
rencontrer à l'état pathologique soit dans les gros ou les petits vaisseaux,
soit dans les viscères importants et notamment dans le rein. La muscu-
lature lisse de l'un quelconque des organes musculo-membrancux se
trouve aussi très fréquemment hypertrophiée en amont d'un obstacle au
cours normal de leurs contenu, que cet obstacle siège dans leur lumière
ou dans leur paroi, ou qu'il résulte d'une compression de cette paroi
par une formation pathologique extrinsèque : c'est ainsi qu'on observe
des hypertrophies musculaires de l'intestin en amont des obstructions,
des rétrécissements ou des cancers, des hypertrophies musculaires de
l'estomac en amont des sténoses du pylore d'origine cicatricielle. nee-
plastique ou péritonitique, des hypertrophies musculaires de la vessie en
amont des calculs ou des rétrécissements de l'urètre, etc.
Au voisinage immédiat de ces hypertrophies musculaires viscérales
pathologiques, il faut rappeler l'hypertrophie purement physiologique de
l'utérus, à la fois voluniétrique et numérique, an cours de la gestation.
Toutes ces hypertrophies musculaires dites compensatrices se rappro-
chent par leur pathogénie des hypertrophies fonctionnelles que nous
aurons il signaler au niveau des muscles des membres ou du tronc qui.
pour une cause quelconque, physiologique ou pathologique, momen-
tanée ou permanente, se trouvent avoir à accomplir un excès de travail.
L'histoire de chacune des hypertrophies viscérales compensatrices
appartient à la pathologie spéciale de l'organe en cause; il nous a suffi
de montrer ici leur importance, nous n avons pas il y insister.
Il. - HYPERTROPHIES MUSCULAIRES PÉRIPHÉRIQUES
Les hypertrophies musculaires périphériques, infiniment plus rares,
sont beaucoup plus souvent localisées à un ou plusieurs muscles, a un
membre ou à un segment de membre, que généralisées ou progressives.
Elles se présentent dans quatre conditions différentes :
¡PI Inourl : . - Il s'agit d'une hypertrophie fonctionnelle. Tout muscle
qui doit accomplir d'une façon prolongée un travail excesssif s'hyper-
trophie; que le travail excessif soit rendu nécessaire par un fonctionne-
ment physiologique exagéré ou par certains troubles pathologiques, l'hy-
pertrophie du muscle peut toujours être dite, physiologique, le muscle
lui-même n'est pas malade.
l2° Gboupk. L hypertrophie musculaire marque le début d'une
1'mrL'E srmoi,. ! 7 ï
[A. LÉRI ]
7.ÏN Illl'I : li'l'ISlll'lllla llll : l;1..111s1;s.
atrophie musculaire : le stade d'hypertrophie indique déjà que. le
muscle est malade : l'hypertrophie, totale ou partielle, est produite par
le processus pathologique dont l'évolution ultime est la disparition des
libres contractiles.
;ï" Croupi : . -1,'hylcrtrophie musculaire est un des éléments essentiels
de la maladie de Thomsen ou myotonie congénitale, affection tuuseu-
taire qui. en dehors de l'hypertrophie, présente des modifications toutes
spéciales de la contractilité volontaire et électrique.
i'n Croupi : . On a enfin cherché à réunir dans un même groupe,
sous le nom de myopathie hypertrophiante ou de dystrophie muscu-
laire hyperplast ique (Talma), toute une série de faits dissemblables tant
parleur localisation clinique que par leur étiologie et leur pathogenic.
Certaines de ces hypertrophies sont localisées à un muscle, d'autres sont
étendues à un membre, d'autres sont plus ou moins généralisées à toute
la musculature; certaines sont congénitales, d'autres sont acquises; cer-
taines sont consécutives Ù une maladie infectieuse ou toxique, d'autres
paraissent spontanées.
Parmi ces faits un bon nombre répondent assurément à l'un des
groupes précédents : hypertrophies fonctionnelles, hypertrophies prât-
trophiques, hypertrophies myotoniques. D'autres sont consécutifs aune
altération soit nerveuse soit vasculaire des membres atteints. Un petit
nombre seulement paraissent répondre à une véritable maladie muscu-
laire primitive, localisée ou généralisée, différant notamment de la mala-
die de Thomsen par l'absence des troubles de la contraction volontaire
ou électrique que, à tort ou à raison, on a voulu jusqu'ici considérer
connue absolument caractéristiques de cette maladie. Bien que le tenue
de myopathie hypertrophiante ne puisse appartenir logiquement qu'à
cette dernière classe. les nécessités d'une classification d'attente nous s
obligeront il réunir dans ce 4" groupe tous les faits auxquels nous
venons de faire allusion.
Les hypertrophies fonctionnelles, physiologiques, et les hypertrophies
pathologiques doivent a priori être déterminées par des modifications
toutes différentes des fibres musculaires. Les hypertrophies patholo-
giques des trois derniers groupes présentent une évolution si dissem-
blable qu'on doit se demander sur quelles différences histologiques peut
être basée cette dissemblance, Nous dirons succinctement, à propos de
chacun des groupes, par quels caractères histologiques essentiels il se
distingue des autres.
1" Croupi- :
HYPERTROPHIES PHYSIOLOGIQUES, FONCTIONNELLES
Les hypertrophies physiologiques sont presque toujours acquises au
cours de l'existence : elles sont alors toujours localisées et très généra-
HYPERTROPHIES MUSCULAIRES PHYSIOLOGIQUES. 731'
jouent localisées aux muscles qui p/'ofessionnellement doivent fournir un
travail exagéré : telles sont les hypertrophies du biceps des athlètes, des
jumeaux des danseuses, etc. Il faut en rapprocher l'hypertrophie des
muscles grands droits observée par Ilurante chez des femmes pendant
les derniers mois de leur. grossesse.
Ce sont les types des hypertrophies vraiment physiologiques : elles se
produiraient, d'après Hecklinghausen, chaque fois qu'un muscle exécute
une plus grande somme d'actions physiologiques. Fort juste en appa-
rence, cette théorie ne parait pas suffisante à tous les auteurs : pour
Tiegel en etïet, l'afflux sanguin exagéré est la condition indispensable à
la production de l'hypertrophie; quand on pratique sur certains muscles
des excitations répétées, l'afflux sanguin fait défaut aussi bien quand les
excitations sont excessives que quand elles sont insuffisantes ; or, dans
ces cas l'hypertrophie ne se produit pas. Et, comme confirmation de cette
théorie, Nothnagel note que l'hypertrophie ne se produit qu'a la suite
de l'accomplissement des mouvements qui obligent les muscles il faire
de grandes excursions et à activer ainsi la circulation : les petits mou-
vements, comme ceux de l'écriture par exemple, si répétés qu'ils soient,
n'ont jamais produit d'hypertrophie musculaire. L'hypertrophie la plus
nettement physiologique, et a priori la plus complètement primitive,
serait donc elle-même plus ou moins secondaire.
A coté de ces hypertrophies purement physiologiques acquises, nous
devons signaler l'hypertrophie des muscles respiratoires accessoires que
l'on constate fréquemment chez les emphysémateux et chez tous les
sujets atteints d'une affection dyspnéisante chronique.
Les hypertrophies physiologiques d'origine congénitale sont plus rares.
Elles sont aussi presque toujours localisées, mais elles frappent des
muscles soumis il un surmenage d'ordre non plus physiologique, mais
pathologique : on les observe alors chez des sujets atteints il ! utero de
sclérose cérébrale et nés avec les signes d'une hémiplégie ou d'une
diplégie cérébrale infantile, avec une hémi-athétose ou une alhétose
double (Audry, Pierre Marie, Colin, Lannois, Hourneville. etc.) Les con-
tractures toniques permanentes et les mouvements continus auxquels
sont soumis certains muscles de ces sujets en amènent plus ou moins
précocement l'hypertrophie, avec ou sans atrophie des muscles voisins.
Mais dans ces cas encore, il est probable que l'hypertrophie n'est pas
uniquement un phénomène d'adaptation des fibres musculaires il un tra-
vail exagéré. D'une part, en effet, la lésion du système nerveux parai l
jouer parfois un certain rôle, car on observe très fréquemment ces
hypertrophies dans les athétoscs infantiles (Audry, Pierre Marie,
Lannois, liourneville), et exceptionnellement au contraire dans les hémi-
athétoses ou les hémi-chorécs post-hémiplégiques de l'adulte (Obs. de
Sicard, etc.) ('); Lannois considère qu'elles sont dues sans doute à une
1. S¡CAIIU, Soc. de ¡YcUl'ol, 1 janvier HHJ0,
. [A. LÉRL]
740 HYPERTROPHIES MUSCULAIRES.
incitation trophique excessive émanée des neurones corticaux excités pal'
la sclérose. D'autre part, les modifications de la circulation sanguine ont
sans doute aussi une action sur la production de l'hypertrophie, et diflë-
rents auteurs (Sicard, Faure-Beaulieu et Lewandowsky (1), etc.) ont
insisté sur le développement anormal et la réplétion du système veineux
sous-cutané sur les membres hypertrophiés des àthétosiques congénitaux
ou acquis. - - , -
Certaines hypertrophies congénitales d'un ou plusieurs membres ou
segments de membres paraissent porter avec prédilection sur la muscu-
lature (cas de Kalischer, etc.) : il s'agirait d'une hypertrophie physio-
logique, le sujet n'ayant aucune autre altération, mais elle n'aurait plus
rien de fonctionnel. On s'explique mal une hypertrophie musculaire
ainsi localisée et isolée, et ces faits, encore mal définis, qui paraissent
rentrer dans le domaine de la tératologie ou de la pathologie, intra-
utérine, mériteront d'être bien différenciés il l'avenir des cas plus fré-
quents, soit d'hypertrophie congénitale totale d'un membre ou segment
de membre oÙ la totalité des tissus, entre autres le tissu osseux, prennent
part à l'hypertrophie, soit de trophoedème congénital où l'infiltration
n'atteint que le tissu interstitiel et sous-cutané.
Enfin, on a signalé des cas exceptionnels d'hypertrophie musculaire
congénitale généralisée (Friedreich, Van Duyse, etc.), héréditaire ou
non, où l'hypertrophie fut considérée comme physiologique par suite de
l'absence des caractères spéciaux de la contractilité volontaire et élec-
trique de la maladie de Thomsen. Mais nous dirons que ces caractères
ne paraissent plus avoir dans cette affection ni la constance ni la valeur
séméiologique exclusive que Erb leur avait attribuée, et, en constatant
sur la photographie d'un de ces « hommes musclés » publiée par Van
Duyse (2) [bien des caractères de la maladie de Thomsen, nous avons fort
tendance à croire que la limite est mal tranchée entre ces cas divers,
qu'ils appartiennent à une même famille nosographique et qu'ils sont
tous d'ordre pathologique..
Dans l'hypertrophie physiologique ou fonctionnelle, les muscles parais-
sent normaux sur une coupe, le tissu interstitiel n'est pas augmenté,
l'hypertrophie paraît résulter uniquement de l'augmentation de volume
ou de nombre des fibres contractiles. Hep, Letulle incriminent surtout
l'hypertrophie volumétrique légère de toutes les fibres, mais comme
le diamètre reste toujours modéré et n'atteint jamais la dimension
considérable qu'elles acquièrent dans certaines hypertrophies patho-
logiques, lulliker, IIyrtl, Rokitansky, Fôrster, Zenker, Durante croient
plutôt à une hypertrophie numérique, se faisant en grande partie
par divisions longitudinales (Durante), sans prolifération intense des
noyaux. -
1. FAUI1E-BEAULOEU cl LEWAnowsKV. Soc. de Neul'ol., 2 février ]9f)5.
2. Y.\ : i Duysr. Flandre médicale, '18(). - -
HYPERTROPHIES MUSCULAIRES PRÉATROPHIQUES. zizi
2" GROUPE.
HYPERTROPHIES PRÉATROPHIQUES
Nous avons dit que dans tous les muscles en voie d'atrophie, quelle
que soit l'origine de l'atrophie, on trouve des fibres hypertrophiées.
Erh, qui avait constaté ce fait sur des muscles de myopathiques à
forme juvénile,- le croyait spécial aux myopathies et même à leur seule
forme juvénile. Ce qui est vrai, c'est que, en dehors des myopathies, le
nombre des fibres hypertrophiées dans un muscle en voie d'atrophie
n'est jamais assez considérable pour que le muscle apparaisse clinique-
ment hypertrophié : aussi, en clinique, l'hypertTophie musculaire préa-
trophique est caractéristique des atrophies myopathiques. Mais elle
n'est pas un caractère particulier à la forme juvénile, elle s'observe aussi
dans les autres formes et notamment dans la forme facio-scapulo-hu-
lllél'1C.
L'hypertrophie préatrophique frappe avec une prédilection très mar-
quée certains muscles, et surtout le deltoïde; elle atteint parfois aussi
aux membres supérieurs les sus et sous-épineux et les biceps, aux
membres inférieurs les jumeaux, le tenseur du fascia lata et le couturier.
L'hypertrophie est partielle ou totale. Partielle, elle atteint dans
toute leur longueur certains faisceaux seulement du muscle, les autres
faisceaux s'atrophiant; ou bien elle atteint sur une partie seulement de
leur longueur un plus ou moins grand nombre ou la totalité des faisceaux
du muscle. Dans ce dernier cas, c'est la partie moyenne qui est typer- -
trophiée, les extrémités des fibres s'atrophiant; cette « atrophie longitu-
dinale » (Roth) détermine la formation de ventres de contraction for-
mant bosses sur le. milieu de la longueur du muscle : on les observe
surtout, sur le deltoïde. L'hypertrophie préatrophique totale est. plus
exceptionnelle ; elle a été niée par Roth et par Marinesco ; ces auteurs
croient, qu'elle s'associe toujours à une atrophie longitudinale, et que la
saillie contractile plus ou moins hypertrophiée, qui paraît constituer tout
le muscle, n'en constitue en réalité que la partie moyenne.
Quoi qu'il en soit, l'hypertrophie vraie préatrophique, partielle ou
totale, est rare, alors que la pseudo-hypertrophie est très fréquente :
elle a pourtant été constatée nettement, cliniquementetanatomiquemenl.
dans les cas d'Erb, Barsikow, Westphal, Hitzig, etc.
Cette rareté de l'hypertrophie vraie cliniquenient constatable, opposée
a la constance de l'existence de fibres d'un volume énorme dans les
muscles en voie d'atrophie, s'explique par le fait que l'hypertrophie est
pour chaque fibre musculaire un état transitoire, c'esi, la première phase
de révolution atrophique. Or; les fibres sont atteintes individuellement ou
par petits groupes; les fibres les premières atteintes s'atrophient déjà
" [A LÉRI.]
1AÏ HYPERTROPHIES MUSCULAIRES.
quand les suivantes s'hypertrophient et, une certaine compensation se
faisant ainsi, le muscle ne peut guère acquérir un volume considérable,
De plus, il n'est pas encore démontré que le stade préalable d'hyper-
trophie soit indispensable, pour toute fibre qui s'atrophie.
L'hypertrophie préatrophique est donc déjà un signe de la maladie de
la fibre musculaire : on comprend qu'avant de s'atrophier les fibres
musculaires s'hypertrophient généralement, puisque nous avons dit que
l'atrophie n'est pas un simple trouble trophique, niais qu'elle est,
d'après les recherches de Hayem, Durante, etc., le résultat d'un proces-
sus inflammatoire, d'une myosite. Le caractère pathologique de l'hyper-
trophie préatrophique se révèle dans la lésion histologique de la fibre :
non seulement les fibres hypertrophiées atteignent le volume énorme
de 200 à 2)O p. au lieu de 5H à 05 r (hypertrophie volumétrique du
muscle), non seulement elles présentent de fréquentes divisions longi-
tudinales qui .les multiplient (hypertrophie numérique), mais encore leur
striation devient inégale et irrégulière, les caractères de différenciation
des fibrilles contractiles et du protoplasma intercontractile s'atténuent,
les fibres se remplissent de vacuoles, et surtout les noyaux prolifèrent
abondamment. C'est aux dépens- du sarcoplasma ainsi accru et pourvu
de noyaux multiples .que s'individualiseront des'cellules multiples qui
phagocyteront ultérieurement les matériaux contractiles : ce processus
sera l'origine de l'atrophie.
.Ces caractères distinguent les fibres atteintes d'hypertrophie préatro-
phique et celles qui ont subi une hypertrophie physiologique; ils sont
contraires à l'opinion soutenue autrefois par Dejerine, à savoir que
l'hypertrophie de certaines fibres dans les muscles en voie d'atrophie esl
- une hypertrophie fonctionnelle vicariante : en réalité ces fibres hyper-
trophiées ne sont pas des fibres saines.
ei ,
qF. - 1 5 GROUPE. ? W PERTRÔPHIES MYOTONIQUES
- - Maladie de Thomsen.
Parmi les hypertrophies musculaires vraies, totales, plus ou moins
généralisées, les plus fréquentes de beaucoup sont celles de la maladie
de Thomsen..
L'hypertrophie musculaire est en effet un des caractères essentiels de
cette affection. Parfois plus ou moins localisée, surtout à la musculature
des membres inférieurs, généralement diffuse avec des prédominances
régionales, elle donne le plus. souvent à l'ensemble du corps et principa-
lement aux membres des proportions vraiment athlétiques. La saillie des
masses musculaires est souvent telle sous la peau qu'elle permet vérita-
blement d'étudier l'anatomie morphologique des muscles sur le vivant.
HYPERTROPHIES MUSCULAIRES PÉRIPHÉRIQUES. 745
C'est d'ailleurs à un thomsénien que l'antiquité, a emprunté les carac-
tères les plus frappants de l'athlète par excellence, de la divinité qui
symbolisait la force, Hercule. On trouve sur les statues d'Hercule les
saillies musculaires des bras et des jambes, surtout des biceps et des
quadriceps fémoraux, le torse massif aux pectoraux volumineux, le cou
court et large, cou de taureau, la tête relativement trop petite qui sont
les caractères essentiels de l'hypertrophie thomsénienne.
Les muscles . atteints sont généralement plus consistants que des
muscles normaux; mais, lait important, leur
puissance contractile n'est nullement pro-
portionnelle -à leur hypertrophie. Si certains
muscles ont une vigueur excessive, qui per-
met à certains thomséniens d'exercer pen-
dant un temps plus ou moins long la profeS7
sion d'athlète forain, la plupart présentent
au contraire une faiblesse marquée et, parmi
ceux qui ont une force normale ou exagé-
rée, presque tous se fatiguent avec une
rapidité tout à fait anormale.
Les muscles hypertrophiés des thomsé-
niens présentent des particularités spéciales
de leur contractilité volontaire ou électrique.
La contractilité volontaire est troublée beau-
coup moins parce que le muscle ne peut se
contracter avec force que parce que, une
fois contracté, il ne peut se décontracter
immédiatement : chaque contraction mus-
culaire ressemble ainsi à une véritable con-
tracture. Le fait est vrai du moins pour les
premières contractions d'un muscle; quand
les contractions se succèdent à peu d'inter-
valle, la raideur diminue et souvent dispa-
rait, le muscle s'assouplit. Dans la marche,
par exemple, les premiers pas se font len-
tement et avec peine, les suivants deviennent
plus faciles ; la difficulté se reproduit chaque fois que, après un arrêt, le
sujet se remet en marche.
Ces troubles de la contractilité volontaire ne sont pas limités aux
membres et au tronc ; on les observe aussi au niveau des petits muscles
de la face où l'hypertrophie ne peut apparaître nettement (orbiculaire
des paupières, des lèvres, etc.), parfois au niveau des muscles mastica-
teurs, des muscles de la langue, des muscles oculo-moteurs, etc. ; on ne e
les ohserve jamais au niveau des muscles de la vie organique.
Les troubles de la contractilité électrique sont de même ordre; ils
traduisent aussi la difficulté de la décontraction, du relâchement muscu-
[A, LF1R1.
Fig. 18. Maladie de Thomsen.
Remarquer le développement
lILhlé1.i'lllC îles muscles, surtout
rcux des membres inférieurs,
cuisses el jambes, le « large
l'on (le taureau ». ·.
TU Il HYPERTROPHIES MUSCULAIRES.
faire, beaucoup plus que de la contraction ; ils constituent la réaction
myotonique d'Erb. La contractilité faradique et galvanique des muscles
est augmentée. Avec les courants galvaniques, les secousses de ferme-
turc sont égales au pôle positif ou au pôle négatif, mais ces contractions
sont lentes, torpides, prolongées alors que l'excitation a cessé; aussi n'y
a-t-il pas de secousses d'ouverture, le relâchement se fait lentement.
Avec les courants faradiques ou avec les courants galvaniques fixes, on
peut produire souvent des contractions ondulatoires régulières. L'etci-
labilité faradique et galvanique des nerfs est au contraire plutôt dimi-
nuée ; les secousses obtenues sont normales et courtes, mais si l'on pro-
longe ou si l'on accumule les excitations par un courant galvanique
labile ou par un courant faradique à interruptions fréquentes, on déter-
mine des contractions toniques persistantes. Toutes ces modifications de
la contractilité électrique s'atténuent, comme celles de la contractilité
volontaire, quand on répète les excitations sur le même muscle.
La maladie de Thomsen est essentiellement familiale et héréditaire,
comme les myopathies. v
La maladie de Thomsen paraissait ainsi parfaitement individualisée,
el, en fait, dans les cas typiques, les thomséniens présentent un aspect
absolument spécial. Pourtant dans ces dernières années des faits assez
nombreux ont montré, d'une part qu'aucun de ses caractères ne lui
appartient en propre et qu'ils peuvent tous s'observer dans certaines
autres affections et notamment dans les myopathies, d'autre part que
myopathie et maladie de Thomsen peuvent évoluer simultanément ou
successivement chez un même sujet ou alterner chez plusieurs sujets de
la même famille, enfin que l'hypertrophie préatrophique peut s'accom-
pagner de myotonie et que dans les atrophies musculaires les muscles
atrophiés eux-mêmes peuvent présenter los caractères de la réaction
myotonique (Rossolimo, Lannois, Loi,lit-.Iacol) et Thaon). On a pu
observer chez les myopathiques tous les intermédiaires depuis l'lryper-
trophie et la myotonie localisées jusqu'à la maladie de Thomsen la plus
étendue; la myotonie a pu précéder ou suivre l'amyotrophie chez un
même sujet, soit sur les mêmes muscles, soit sur des muscles différents.
Il y a donc toutes les formes de passage entre la myopathie pure et la
maladie de Thomsen pure et, si l'on ajoute que les deux affections sont
familiales et héréditaires, on comprend qu'on ait actuellement tendance
à considérer la myotonie congénitale comme une myopathie (Ballet el
1). Marie, Ileléabe, Strümlell, Dejerine et Sottas. etc.). Il y aurait donc
surtout entre l'hypertrophie préatrophique que nous avons étudiée et ta
maladie de Thomsen une différence de degré en intensité et en étendue
plus qu'une différence de nature.
L'histologie semble confirmer ces conclusions, car les lésions des
fibres musculaires sont très semblables dans les deux affections, 'fout
d'abord, à côté des fibres hypertrophiées, de '1 ;,(1 u. et plus, on trouve
toujours dans les muscles des thomséniens un certain nombre de fibres
HYPERTROPHIES MUSCULAIRES PÉRIPHÉRIQUES. 7t,)
atrophiées, de 20 à 10 u. et moins. De plus, dans les fibres hypertro-
phiées on constate dès le début, avec un gonflement en masse, une
intense prolifération des noyaux; le sarcoplasme, protoplasme non
différencié, périnuciéaire et intercontractile, présente une hypertrophie
considérable, mais les fibrilles contractiles sont désagrégées, réduites en
Granulations, absorbées peu à peu par le sarcoplasme. L'hypertrophie de
la fibre musculaire a donc pour résultat non pas l'accroissement, mais
la disparition de la substance différenciée; c'est essentiellement une
altération pathologique, elle est très semblable il l'altération du début
de la myopathie.
On peut ajouter aujourd'hui que ce qui fait la différence essentielle
entre les deux lésions, c'est dans la myopathie l'individualisation de
cellules non différenciées qui se fait aux dépens du sarcoplasma autour
des noyaux prolifères, dans la maladie de Thomsen la persistance dans
l'intérieur des fibres d'un sarcoplasma abondant, il noyaux multiples
mais indivis (plasrnode). Or c'est précisément à cette abondance de sar-
coplasma que serait due, d'après les travaux récents, la réaction mvoto-
nique : Botlazzi a fait voir en effet que le. sarcoplasma n'est nullement
indifférent, mais bien contractile, que c'est à lui que le muscle doit sa
tonicité et. que les muscles lisses n'ont d'autre fonction motrice que
celle du sarcoplasma; or les recherches de Mlle Joteyko ont montré que
les diverses particularités de la réaction myotonique d'Erb (réaction
tardive, lente, prolongée, tonique, etc.) étaient précisément celles que
l'on observe dans la contraction du sarcoplasma'. On conçoit ainsi par-
faitement soit la succession, soit l'association sur les mêmes muscles ou
sur des muscles voisins de caractères (atrophie, hypertrophie préatro-
phique ou permanente, contractilité volontaire ou électrique myotonique)
qui ne sont que la manifestation d'un degré plus ou moins avancé d'une
même lésion.
\ /¡;" Groupe.
4' Croupe.
HYPERTROPHIES DE CAUSES DIVERSES
Myopathie hypertrophiante,
hypertrophies d'origine vasculaire ou nerveuse, etc.
In petit nombre d'observations d'hypertrophies musculaires vraies
ont été publiées qui ne rentraient dans aucun des trois groupes précé-
dents. Talina. en 1802, a cru pouvoir réunir ces différents cas sous le
non) de dystrophie musculaire hyperptastique ou de myopathie hyper-
trophiante. Or, ces cas sont si profondément dissemblables qu'un tel
groupement nous parait, u priori tout il fait injustifié. En effet, les uns
sont congénitaux, les autres sont acquis, et quelques-uns même acquis
, 1. Laorol.n LEI'I. 1faladil' (le Thomsen 1'( carcollacma. Revue Neurol.. 1 ! lO;),
[A.LÉRI] 1
7-4G 6 HYPERTROPHIES- MUSCULAIRES.
dans un âge avancé; les uns sont généralisés, les autres sont localisés
ceux-ci de façon monoplégique, ceux-là de façon hémiplégique, d'autres
encore de façon acromélique ou rhizomélique, d'autres enfin à un seul
groupe musculaire ou à quelques muscles plus ou moins distants; chez
les uns on constate une exagération, chez les autres une diminution de
la force contractile; les uns s'accompagnent de troubles sensitifs subjec-
tifs ou objectifs ou de troubles psychiques, les autres non; enfin les
uns présentent des altérations vasculaires ou nerveuses manifestes et les
autres en sont exempts. - .
Les dix cas signalés par Talma (1 cas d'Auerbach, 3 cas de Berger,
2 cas de Friedreich, 1 cas de Krau, de Bruch, de Pall, de et un
.certain nombre d'autres (cas de Lesage, Anncquin, lienedici., Filliln,
Bressier, Morestin et Durante, Cerné, Babinski, etc.) doivent être. Ù
noire sens, ranges actuellement dans des cadres très différents, celle
classification étant d'ailleurs uniquement une classification d'attente.
1° Parmi les hypertrophies localisées, un certain nombre rentrent tout
d'abord dans l'un des groupes précédents. Ainsi dans le cas de Pall il y
avait une hypertrophie unilatérale droite chez un hémiathétosique droit :
il s'agissait vraisemblablement d'une hypertrophie fonctionnelle. Dans
un cas de Friedreich et dans le cas de Bressler, il y avait une atrophie
de certains muscles en même temps qu'une hypertrophie d'autres
muscles : il s'agissait sans doute d'hypertrophie préatrophique.
2° D'autres hypertrophies localisées se trouvaient dans le domaine
de vaisseaux présentant des altérations manifestes. Certaines étaient
limitées à un groupe musculaire (muscles de l'épaule, Benedict), la plu-
part étaient étendues à l'ensemble de la musculature d'un membre,
membre inférieur (Lesage, Berger, Annequin), ou membre supérieur
(Cerné, Babinski, etc.). L'altération vasculaire se décelait d'une part par
nn développement tout à fait anormal de la circulation superficielle,
d'autre part par des antécédents plus ou moins certains de thrombose
veineuse ou de phlébite, parfois peut-être d'artérite, ayant immédiate-
ment précédé dans le membre atteint le développement de l'hypertro-
phie. De plus, fait intéressant, dans la presque totalité des cas, on trouvait
à l'origine des accidents une fièvre typhoïde, maladie infectieuse dont on
sait la fréquente influence sur la détermination des lésions des artères
ou des veines (cas de Lesage, Berger, Cerné, Babinski, etc.); cette seule
étiologie rend très vraisemblable l'influence pathogénique de la lésion
vasculaire sur la production de l'hypertrophie musculaire : il s'agit
d'hypertrophies d'origine vasculaire (').
·I. Une observation de Sicard est particulièrement à citer; il s'agissait d'lui sujet
al.lcint d'hémiathétose, surtout prononcée au membre supérieur droit, depuis l'ige [le
5 ans; observé 11 24 ans par Brissaud et Hallion, il ne présentait pas d'hypertrophie
musculaire; celle-ci semble s'être développée, précisément dans le membre supérieur
droit, à la suite d'une fièvre typhoïde contractée ultérieurement; le système veineux
sous-culané était considérablement développé au niveau de ce memhre (Soc, Neural. 190a.
- ]l[Il,JITIIOPIIIIls MUSCULAIRES PÉRIPHÉRIQUES. 747
Les muscles hypertrophiés ont leur puissance volontaire tantôt nor-
male, tantôt augmentée, assez souvent diminuée ou très rapidement
épuisée. L'excitabilité électrique est tantôt normale, tantôt diminuée;
elle ne serait jamais exagérée (Darkschewitsch) ; en tout cas, elle n'est pas
proportionnée à la force de la contractilité volontaire, celle-ci peut être
augmentée, celle-là diminuée (Babinski). On trouve ou non, associés, des
troubles de la sensibilité objective ou subjective.
Dans les cas exceptionnels où l'on a pu faire un examen histologique,
nécropsique ou biopsique, on a constaté une hyperplasie numérique et
surtout volumetnque des fibres muscu-
laires, très analogue à celle que l'on
observe dans les hypertrophies fonction-
nelles (Berger, etc.). Nous avons. dit
d'ailleurs que, dans les cas 1 d'hypertro-
phie fonctionnelle, il existe presque tou-
jours un développement très exagéré du
système vasculaire et que, pour certains
auteurs, comme Nothnagel, l'augmenta-
tion de la circulation est la condition sine
qua non de l'hypertrophie des muscles.
On a signalé aussi dans certains de ces
cas un oedème interstitiel prononcé, et
il est probable qu'une pseudo-hypertro-
phie s'ajoute assez souvent à l'hypertro-
phie vraie pour déterminer l'augmenta-
tion de volume des muscles.
5° Enfin, dans quelques rares cas il
semble bien s'agir d'une hypertrophie
musculaire indépendante de tout excès
soit de fonctionnement, soit de vasculari-
sation. Encore y a-t-il à faire de grandes
différences dans ces cas non encore clas-
sés. Certains, en effet, semblent con-
génitaux (cas de Bruch, de Durante), la
plupart sont acquis soit dans l'adolescence
(Aucrbach, iu'au, friedreich), soit dans rage adulte (Talma, I'nlcla).
Dans presque tous ces cas, l'hypertrophie était limitée à un membre
(Auerbach, Durante, Fulda, etc.), une fois aux deux membres inférieurs
(Friedreich) ; ce n'est que dans des cas très rares, comme ceux de Krau,
de Talma, que l'hypertrophie a paru être progressive et généralisée,
gagnant successivement les quatre membres; c'est à ces cas d'hyper-
myotrophie progressive seuls que conviendrait vraiment l'appellation
de myopathie hypertrophiante.
Encore convient-il de faire une réserve sur l'interprétation pathogé- z
nique de ces faits, car Talma, dans son cas, a constaté des lésions mani-
[A. LÉRI. ]
Fig-. 19 ? Hypertrophie musculaire
vraie chez un sujet qui nC11l'éseu-
lait pas les réactions de la maladie
de Thomsen. Remarquer surtout le
développement des mollets (collec-
Lion namaschillo).
748 HYPERTROPHIES MUSCULAIRES.
festes de névrite. D'autre part, le malade de Bruch, atteint d'hypertro-
phie musculaire étendue (lombes, langue, extrémités), était un idiot qui
fut opéré M mois et mourut à 90 mois : ses circonvolutions cérébrales
étaient altérées. ' .
Quoiqu'il en soit, que la lésion musculaire ait été réellement primi-
tive ou secondaire à une lésion nerveuse périphérique, ou centrale',
presque tous les auteurs qui ont pu pratiquer un examen histologique
ont constaté, en dehors d'une hypertrophie volumétrique parfois consi-
dérable et d'une hyperplasie numérique moindre avec nombreuses divi-
sions longitudinales, l'existence d'une abondante prolifération des noyaux
(Krau, Talma, Durante, etc.)(1). Il semble donc qu'il s'agit là d'une lésion
très analogue à celle de la maladie de Thomsen : augmentation du sarco-
plasma et multiplication de ses noyaux, mais le sarcoplasma reste indivis,
en plasmode, il ne sert pas à individualiser des cellules indifférentes
pour servir de phagocytes aux portions différenciées de la fibre; c'est
pourquoi il n'y a pas d'atrophie consécutive à l'hypertrophie.
Si nous nous rappelons que la réaction myotonique d'Erb peut s'ob-
server dans différentes circonstances, en dehors de la maladie de Thom-
sen, que son existence est en revanche indispensable au diagnostic de
cette maladie^ mais seulement parce qu'elle en est un symptôme capital
pour ainsi dire par définition, nous sommes amenés à nous demander
s'il existe vraiment une différence essentielle, une différence de nature
entre la maladie de Thomsen et certaines des hypertrophies musculaires
plus ou moins diffuses que nous venons de signaler et qui ne s'en
- distinguent guère que par l'absence de la réaction myotonique et parfois
par l'époque, plus ou moins tardive du début de l'affection.
Les indications histologiques que nous avons ajoutées à notre étude
clinique nous ont semblé indispensables pour montrer ce qui distingue
nettement les hypertrophies bien classées des trois premiers groupes;
il nous a paru intéressant de tenter, dans ..le chaos confus de toutes les
autres hypertrophies musculaires qui constituent le 4c groupe, une clas-
sification d'attente qui rapproche certaines d'entre elles des hypertro-
phies mieux connues des trois autres groupes.
,1. A. peu près seul Auerbach a noté qu'il n'y avait pas de multiplication des noyaux :
son cas est aussi le seul qui se soit terminé par une giiérison spontanée; il parai !
donc vraisemblable qu'il s'agit d'une affection différente.
'l'A 13LI ? U DES CARACTÈRES ET VARIÉTÉS CUMULES DES
HYPERTROPHIES MUSCULAIRES
Augmentation de volume d'un ou plusieurs muscles par augmentation de nombre ou
(le dimension des fibres contractiles.
I. HYPERTROPHIES MUSCULAIRES VISCÉRALES : compen-
satrices, fonctionnelles. Tous les organes musculo-mcmbraneux : coeur,
intestin, estomac, vessie, etc.
II. - HYPERTROPHIES MUSCULAIRES PÉRIPHÉRIQUES :
10 Hypertrophies fonctionnelles, physiologiques :
.1) Acquises :
Localisées : professionnelles : biceps des athlètes, jumeaux des dan-
seuses, etc.; hypertrophie des grands droits des femmes enceintes;
hypertrophie des muscles respiratoires des cmphysemitenx. etc.
BI Congénitales : .
Localisées : athétose double ou hémi-athétose infantile; Lyper-
trophie localisée tératologique ( ? ).
Généralisées ( ? ? ) : « hommes musclés » (Thomsen sans réaction myotonique ? ).
2" Hypertrophies préatrophiques :
Ilistologiquement constantes.
Cliniquement : myopathies seulement, surtout formes Duchenne et Erb.
Localisées : partielles ou totales ( ? ). -
")" Hypertrophies myotoniques :
Maladie de Thomsen :
Syndrome :
1° Hypertrophie musculaire diffuse, plus ou moins généralisée.
3° Contractilité volontaire : lenteur de la décontraction.
il' Contractilité électrique : lenteur de la décontraction (réaction myotonique
d'Erb).
4° Caractère familial et héréditaire.
t° Hypertrophies diverses :
x) llypertrophies localisées, acquises, d'origine vasculaire : généralement par
phlébite, presque toujours typhique.
(i) Hypertrophies :
Localisées de cause inconnue.
Généralisées ou progressives : très rares; myopathie hypertro-
phiante ( ? ) de Talma.
[A LÉRI-1
INCOORDINATIONS
par le Dr ANDRÉ LÉRI
L'incoordination est la perte de l'harmonie normale entre les dilfé-
rents muscles qui. concourent à l'exécution d'un mouvement, sans
qu'aucun de ces muscles pris isolément ait sa puissance contractile
diminuée.
PHYSIOLOGIE NORMALE ET PATHOLOGIQUE DE LA COORDINATION
A l'état normal, tout mouvement est dù à la contraction simultanée
et proportionnelle des muscles destinés à produire ce mouvement et des
muscles antagonistes destinés à le modérer (Duchenne) ; de sorte qu'il
n'y a pas de mouvement, si simple soit-il, la flexion d'une phalange par
exemple, dans l'accomplissement duquel n'entre enjeu qu'un seul muscle.
Physiologiquement parlant, il n'y et pas de mouvement simple, la con-
traction isolée d'un muscle né peut être produite qu'artificiellement, par
l'excitation mécanique ou électrique de ce muscle par exemple. Prati-
quement on peut pourtant considérer qu'il existe des 'mouvements simples
et des mouvements complexes, et que tout mouvement complexe peut
être décomposé en un certain nombre de mouvements simples, dépla-
çant chacun un segment de membre ou une partie du corps et s'accom-
plissant tous simultanément. Les mouvements les plus complexes sont
ceux qui déplacent le corps entier, comme la marche, la course, la danse,
le saut, mouvements auxquels prennent part, non seulement les muscles
des membres inférieurs, mais aussi ceux du tronc et même des membres
supérieurs et de la tête, en somme, presque toute la musculature du
corps. ,
Les contractions simultanées et synergiques des muscles ont norma-
lement pour résultat non seulement de produire les mouvements voulus,
mais encore de maintenir, pendant le temps nécessaire, les différents seg-
ments du corps dans une situation réciproque telle que le mouvement
puisse être utilisé ; par exemple, les mouvements d'ensemble du corps
ne peuvent être utilisés que s'ils n'entraînent pas la chute; les con-
tractions synergiques des muscles doivent donc non seulement assurer
les mouvements, mais encore maintenir l 'équilibre. L'équilibre du corps
et de ses différentes parties doit être assuré pendant les mouvements,
c'est l'équilibre « cinétique », qui est dû uniquement à un ensemble
1'.\TIIUGI.\1E DES tCOOiiU)\AT)0 ? \S. 7 M
de contractions musculaires. Il doit être assuré aussi dans l'intervalle
des mouvements, c'est l'équilibre « statique » ; celui-ci peut être dû it
la seule tonicité musculaire, plus ordinairement il nécessite aussi une
contraction synergique des muscles (équilibre statique volitionnel) ; ainsi,
la position debout immobile ne peut être maintenue que grâce à une
contraction synergique des muscles des jambes et de la plupart des
muscles des membres inférieurs. On sait quel effort nécessite une
immobilité debout prolongée; et quelle pénible tcnsion à la fois moniale
et musculaire est indispensable; le dicton bien connu : « L'immobilité
est le plus beau mouvement du soldat » n'est pas une simple boutade.
c'est une vérité physiologique.
L'incoordination complète entraîne à la fois la perte des mouvements
simples et complexes et la perte de l'équilibre cinétique et de l'équi-
libre statique volitionnel. Mais l'incoordination n'est pas toujours com-
plète, et l'on conçoit qu'elle puisse avoir pour conséquence les troubles
les plus différents, d'abord suivant sa localisation aux membres supé-
rieurs ou inférieurs, au tronc ou la tète, ensuite suivant qu'elle altère
ou non les mouvements simples en même temps que les mouvements
composés, enfin suivant qu'elle détruit ou non l'équilibre statique en
même temps que l'équilibre cinétique. 11 y a peu de temps pourtant,
l'incoordination était considérée comme un trouble uniforme, ne variant
que dans son siège et dans son intensité : son synonyme était « ala.cio ».
puchenue de Boulogne sépara de l'ataxie la IiluGa.tiot. cérébelleuse : plus
récemment Babinski décrivit une variété toute différente d incoordina-
tion, l'« « aS ! }/1C1'gie cérébelleuse » . Ainsi étaient nettement séparées de 1 in-
coordination ataxique deux variétés d'incoordination cérébelleuse, abso-
lument différentes de l'ataxie des tabétiques et qu'il faut se garder de
dénommer, connue on le fait trop souvent encore « ataxie cérébelleuse ».
PATHOGÉNIE DES INCOORDINATIONS
La coordination parfaite suppose : 1° l'intégrité des appareils sensitifs
par lesquels le sujet se rend compte du degré de contraction de ses
muscles et la situation réciproque de ses muscles, ses articulations, ses
os, ses téguments; w2° l'intégrité des conducteurs centripètes qui trans-
mettent ces sensations et des centres qui les perçoivent; 3° l'intégrité
des centres qui, d'après l'ensemble de ces sensations perçues, envoient
il tous les muscles qui doivent se contracter synergiquement un influx
moteur proportionné au degré nécessaire de leur contraction ; 4° l'inté-
grité des conducteurs centrifuges chargés de porter cet influx et des
muscles chargés de le recevoir. Oue l'une quelconque de ces parties soit t
altérée, l'incoordination pourra en être la conséquence, mais elle aura
quelques caractères différents suivant la partie lésée des voies sen-
sitives ou motrices. L'incoordination ne sera pas d'ailleurs la consé-
quence obligatoire de la lésion de l'une quelconque de ces parties, à
\A. LÉRI.]
To-1 l\I;UUIiDI\ : 1'1LU\.
cause sans cloute des très nombreuses voies de suppléance ou de cou,
pensation que fournit le système nerveux : aiusi par exemple, les trou-
bles de la coordination paraissent beaucoup -moins fréquents que les
troubles, même très prononcés, de la sensibilité.
L'incoordination ataxique commune, dont le type est l'ataxie des
tabétiques, parait due essentiellement à l'altération des voies sensi{ine ?
qu'il y ait abolition, diminution ou seulement retard des sensations.
Quoique cette théorie ait été discutée, il ne semble pas y avoir jusqu'ici
un seul cas authentique d'ataxie tabétique oit l'on puisse affirmer qu'il
n'existait pas de trouble de la sensibilité objective; les quelques cas
cités autrefois sont sujets à caution, car les troubles de. la sensibilité,
cutanée, que i on recnercnait a peu près seuls,
ne sont nullement toujours proportionnels aux
troubles de la sensibilité profonde, articulaire,
osseuse et surtout musculaire, qui paraissent
avoir dans la genèse de l'incoordination une
importance bien plus considérable. De plus,
il y a peu de temps qu'on sait distinguer de
l'ataxie la titubationetl'asynergie, et celles-ci
ne comportent pas de troubles sensitifs. La
théorie de l'origine sensitive de l'ataxie a été
soutenue par Leyden et Goldsclicider, Vulpian,
Oppenheim, Brissaud, Dejerine; elle est ap-
puyée sur les recherches cliniques et anatomo-
pathologiques de ces auteurs et sur les sec-
tions expérimentales des racines postérieures
pratiquées par Claude Bernard, Longet, Van
Deen, etc.. chez la grenouille, par Mott et
Sherrington, par IIering chez le singe.
En dehors des troubles de la sensibilité
objective, d'autres facteurs entrent certaine-
ment pour une part dans la genèse de l'ataxie
tabétique. L hypotonie musculaire, dont Frenkel et, après lui, Sureau,
élève de Pierre Marie, ont établi la constance dans les tabes, joue assuré-
ment un rôle : on comprend que la perte de la tonicité des muscles puisse
altérer considérablement la précision de leur contraction. L'hypotonie a
d'ailleurs même cause que les troubles sensitifs, à savoir la sclérose des
cordons postérieurs; elle peut être aussi expérimentalement provoquée
par la section des racines postérieures (Cyon, Tchirjew, Aurep), elle est
peut-être souvent la conséquence directe des troubles de la sensibilité
musculaire.
La diminution ou la perle de l'excitabilité réflexe est, sans doute,
parfois aussi pour quelque chose dans l'ataxie, elle est due à la même
cause, peut être provoquée expérimentalement de la même façon, et est
généralement, niais non toujours, proportionnelle à l'hypotonie.
lvi. 1. - Hypotonie musclt-
laire chez un LabéLiquc incool'-
dotinu.
PATHOGÉNIE DES INCOORDINATIONS. 755
L'incoordination cérébelleuse est, à l'opposé de l'ataxie, tout à fait
indépendante des troubles sensitifs ; sa lésion causale siège, soit dans
le cervelet, qui paraît être le centre coordinateur essentiel des mouve-
ments composés et le centre de l'équilibre, soit dans les voies centripètes
ou centrifuges du cervelet. L'état actuel de nos connaissances indique :
d'une part que, dans le cervelet, seule une lésion du vermis peut déter-
miner la titubation; d'autre part que, en dehors du cervelet, une lésion
du pédoncule cérébelleux inférieur (Babinski et Nageotte) peut produire
seule l'asynergie, mais nous ne savons pas encore si une lésion des pé-
doncules moyen ou supérieur n'est pas suffisante pour provoquer ce même
trouble. Il semble que les syndromes cérébelleux sont dùs plutôt à une
lésion des voies centrifuges que des voies centripètes, n f i 1 r :
savons pas si la lésion des seules voies cérébelleuses centripètes n'est pas
capable aussi de les provoquer parfois.
On comprend que la double origine connue des troubles de la coordi-
nation, voies sensitives d'une part, voies cérébelleuses, probablement
surtout motrices, d'autre part, doit avoir pour conséquence l'apparition
des deux syndromes tout à fait différents. L'ataxique ne sent pas exac-
tement les contractions de ses muscles et ne se rend compte de ses mou-
vements et de ses attitudes que par les yeux; le cérébelleux a la
sensation très nette des mouvements simples qu'il exécute, il est seule-
ment incapable de commander en même temps à la musculature de plu-
sieurs segments de ses membres qui à l'état normal devraient se mouvoir
synergiquement, notamment pour maintenir l'équilibre. On comprend
que les deux sujets se comporteront très différemment dans leurs mou-
vements. Les deux variétés d'incoordination empruntent tous leurs ca-
ractères différentiels à leur dualité d'origine.
SÉMÉIOLOGIE
Nous exposerons successivement les caractères de chacun de ces syn-
dromes, puis leurs variétés, mais en notant dès maintenant que, en
dehors des cas où ils sont nettement caractérisés et isolés, il semble
exister un certain nombre de faits où leur mélange en proportions
variables résulte sans doute de l'association de lésions des voies sensitives
à des lésions des voies cérébelleuses. C'est ainsi qu'il n'est pas rare de
constater dans le tabes une altération scléreuse du cervelet ou des voies
cérébelleuses, altération soit directe, soit par l'intermédiaire des colonnes
de Clarke et des faisceaux cérébelleux directs. C'est ainsi qu'un certain
nombre d'affections héréditaires ou congénitales empruntent leurs princi-
paux symptômes à des lésions combinées des voies sensitives et des voies
cérébelleuses. Nous réserverons pour la fin de ce chapitre l'étude de ces
cas complexes, encore en partie insuffisamment étudiés, qui, pour la
plupart, devraient entrer dans la classe très élargie des scléroses combinées.
Pratique N6UAOL. 48
[A. LÉRI]
754 INCOORDINATIONS.
I. INCOORDINATION ATAXIQUE
Nous prendrons comme type de notre description l'ataxie des tabéti-
ques ; nous étudierons ensuite rapidement les variétés cliniques que l'on
peut observer suivant la cause et le siège de l'interruption des voies
sensitives.
Ce qui caractérise essentiellement les mouvements ataxiques, c'est le
manque de modération ; dans tout mouvement ataxique. simple ou
composé, on constate que la contraction des muscles producteurs du
mouvement n'est pas modérée comme il conviendrait par la contraction
de leurs antagonistes. Cela se conçoit si l'on songe que l'ataxique peut
ordonner à ses muscles de se contracter, mais ne sent pas avec quelle
force ils répondent à cet ordre, et par conséquent ne peut faire interve-
nir à temps les antagonistes.
Un second caractère essentiel des mouvements ataxiques est qu'ils
sont beaucoup plus troublés quand ils ne peuvent être exécutés sous
le contrôle de la vue. Cela se comprend encore aisément, car l'ataxique
qui ne sent pas ses muscles se contracter n'a absolument que ses veux
pour lui indiquer avec quelle vigueur et quelle rapidité ils se contractent,
et pour lui permettre de limiter l'étendue du déplacement. Aussi l'incoor-
dination augmente nettement et rapidement chez un tabétique ataxique
qui devient aveugle, ainsi que nous avons pu l'observer. '
Ces deux caractères se retrouvent aussi bien dans la conservation des
attitudes que dans l'exécution des mouvements, l'une comme l'autre
nécessitant la synergie fonctionnelle des muscles. Avec des variations de
siège et d'intensité ils résument toute l'ataxie tabétique.
L'ataxie débute presque toujours par les membres inférieurs; elle s'y y
limite parfois définitivement, d'autres fois elle gagne les membres supé-
rieurs, le tronc, rarement la face. Le début peut se faire, exceptionnelle-
ment, par les membres supérieurs (tabès supérieur), presque jamais par
la tête.
Membres inférieurs. Les mouvements isolés des membres infé-
rieurs, quand le malade est couché ou assis, présentent des modifications
très spéciales. Si l'observateur place sa main à une soixantaine de cen-
timètres au-dessus du pied et en avant du genou du sujet et lui ordonne
de toucher cette main avec son pied, le malade regarde son pied, larde
et hésite d'abord comme s'il allait prendre un élan, puis brusquement
le pied se détache du sol ou du plan du lit, s'élance en l'air, la jambe
étendue, décrit des zigzags dans le sens horizontal aussi bien que dans
le sens vertical et finalement retombe brusquement sans avoir atteint son
but; si par hasard le pied à touché la main ou l'avant-bras de 1 observa-
teur, il l'a violemment projeté en l'air comme un obstacle interposé. Le
trouble est différemment accusé, toujours bien plus prononcé si l'on
empêche le malade de regarder son pied. Si l'on commande au malade
INCOORDINATION ATAXIQUE. 755
\
de porter un pied sur le genou opposé, on observe la même hésitation,
la même brusquerie, les mêmes oscillations, la même impossibilité d'ar-
river au but ou de s'y maintenir. -
Si l'on ordonne au malade étendu à terre de fléchir le genou de façon
à ce que le pied vienne toucher la fesse, le pied se jette brusquement en
arrière ou en dehors, le plus souvent il n'atteint pas la fesse, quelquefois
il y vient buter avec d'autant plus de force que l'hypotonie est plus mar-
quée ; mais généralement dans ce mouvement le pied traîne sur le sol
plus que chez un sujet normal, comme si le contact du sol était sa sauve-
garde et donnait de la précision
au mouvement.
C'est surtout dans la marche
que l'ataxie des membres infé-
rieurs devient caractéristique, ou
du moins c'est dans les mouve-
ments de la marche qu'elle se
révèle le plus précocement parce
qu'elle n'a pas besoin d'être re-
cherchée. Pour marcher, le pied
du tabétique quitte brusquement
le sol et se « lance » en avant et
en haut, comme s'il allait faire
un très grand pas, puis il retombe
presque de son seul poids, re-
vient en arrière comme un ba-
lancier et frappe le sol par le
talon, très peu en avant du pied
reste a terre; le malaue « ta-
lonne », il use ses chaussures par le talon. Pendant la marche il regarde
avec obstination ses pieds ; la démarche devient plus incertaine si on
l'empêche de fixer le sol, soit en interposant un écran entre ses yeux et
la terre, soit en le faisant regarder en l'air; elle devient plus, incer-
taine encore et souvent impossible si on l'empêche même de prendre
des points de repère sur les objets environnants en lui faisant fermer
les yeux.
Les troubles de la démarche peuvent être dùs uniquement à l'incoordi-
nation des membres inférieurs; ils sont parfois bien plus complexes, et
l'incoordination des muscles du tronc et même des membres supérieurs
y entre pour une part ; c'est ainsi qu'on voit de grands incoordonnés,
quand ils essayent de marcher, non seulement lancer leurs jambes dans
tous les sens, mais encore faire avec leur tronc de grands mouvements
de salutation irréguliers et décrire avec leurs bras de larges battements
d'ailes ou de véritables moulinets. Dans ces conditions il n'est pas rare
de les voir perdre l'équilibre et tomber brusquement en avant, la face
contre terre, incapables de se relever.
[il. LRRI.]
Fig. ? Incoordination ataxique. - Le ma-
lade lance la jambe en marchant; il ne peut
marcher qu'en soutenant le corps artificielle-
ment- et en appuyant ses bras sur son chariot.
756 INCOORDINATIONS.
Il arrive aussi fréquemment que, chez les tabétiques beaucoup moins
incoordonnés, l'équilibre soit brusquement rompu par une sorte de fai-
blesse subite, de « dérobement » des jambes ( « giving way of the legs »
de Th. Blizzard) : le malade s'affaisse brusquement, tombe assis, puis se
relève aussitôt lui-même tant bien que mal. On peut se demander quel
rôle l'incoordination ou la perte du sens musculaire jouent dans cet acci-
dent si subit et si momentané, survenant souvent dès la période dite
« préataxique » du tabès ; il est en effet bien probahle qu'il s'agit surtout
d'une sorte de paraplégie tout à fait transitoire, d'un trouble moteur fonc-
tionnel véritable ; peut-être ce symptôme est il en réalité un signe de
l'atteinte légère concomitante du faisceau pyramidal, un signe de la
sclérose combinée des cordons postérieurs et latéraux, comme le sont les
paraplégies plus durables (P. Marie et Crouzon).
En dehors de l'équilibre cinétique, l'équilibre statique est lui aussi
troublé. La station debout prolongée est impossible chez les tabétiques
incoordonnés ; le corps s'incline à droite et à gauche, en avant et en
arrière, les pieds se déplacent, s'écartent, se rapprochent et finalement
le malade tombe en avant si on ne lui porte secours, quelquefois la
station est encore possible quand les pieds sont écartés, mais devient
impossible quand ils sont rapprochés, Très souvent, la station sur les
deux pieds est possible, la station sur un seul pied, l'attitude à cloche-
pied, est tout à fait impossible ; l'impossibilité de se tenir sur un pied
est même un des phénomènes les plus fréquents et les plus précoces des
tabes les plus frustes, c'est celui que nous avons observé presque cons-
tamment chez les amaurotiques syphilitiques tertiaires qui ne présen-
taient presque aucun signe de tabès, parfois même pas le signe de V'esl-
phal (cas de « tabes-cécité »). Parfois l'incoordination est surtout pro-
noncée d'un côté, et c'est de ce côté seulement que l'attitude à cloche-
pied ne peut être conservée.
La perte de l'équilibre dans toutes ces conditions, soit dans exécu-
tion d'un mouvement (mouvement de demi-tour par exemple ou mou-
vement de la marche), soit dans la station debout sur les deux pieds ou
sur un seul, peut manquer absolument quand les yeux sont ouverts et se
produire nettement dès qu'on fait fermer les yeux ; c'est ce qu'on appelle
le signe \de homberg qui est l'un des symptômes les plus précoces du
tabes. Il n'est pas rare qu'il se dénonce, sans qu'on soit obligé de le
rechercher, par une chute brusque du malade, soit une nuit en se levant
sans lumière, soit un matin en metlantsa chemise ou en passant la serviette
ou l'éponge devant ses yeux.
On peut déceler nettement la perte il un moindre degré de l'équilibre
statique des membres inférieurs soit en ordonnant au malade de main-
tenir un de ses pieds en l'air contre un objet donné, contre la main de
l'observateur par exemple, ce qu'il est incapable de faire, soit en le
faisant coucher et en fléchissant a-demi ses cuisses sur le bassin et ses
jambes sur ses cuisses ; dans cette attitude on observe nettement des
INCOORDINATION ATAXIQUE. 757
oscillations immédiates, suivies d'une chute très rapide des pieds. C'est
ce qu'on a appelé l'ataxie statique.
L'ataxie des membres inférieurs est souvent beaucoup moins pronon-
cée que celle que nous venons de décrire ; comme c'est celle qui est de
beaucoup la plus ordinaire au début du tabes, c'est celle qu'il importe
surtout de dépister de façon précoce. Dans ce but, Fourniera recommandé
toute une série d'épreuves qui constituent ce que l'on a appelé « l'exer-
cice à la Four nier » ; ces épreuves sont les suivantes :
1° Faire marcher le malade au commandement, le faire arrêter
brusquement au commandement, lui faire faire volte-face. L'hésitation,
les oscillations, le manque d'équilibre se révèleront bien plus facile-
ment dans ces mouvements subits et imprévus que dans les mouvements
presque automatiques de la marche.
2° Faire monter et descendre un escalier. C'est surtout dans la des-
cente que la lenteur et les précautions feront reconnaître le défaut de
stabilité du sujet (« signe de l'escalier » de Fournier) ;
3° Rechercher le signe de Romberg les pieds joints ;
4° Commander l'attitude à cloche-pied, les yeux ouverts, puis les yeux
fermés. 1
Membres supérieurs. L'ataxie des membres supérieurs ne va pas
souvent jusqu'aux grands gestes incoordonnés ; elle se révèle surtout
dans les petits mouvements des doigts ou dans la préhension des objets.
Pour saisir un objet, la main de l'ataxique, brusquement jetée à
quelques centimètres au-dessus, largement ouverte, décrit quelques
mouvements de va-et-vient, « plane » comme si elle guettait l'objet,
puis se jette brutalement sur lui en se fermant, non quelquefois sans le
renverser ou le manquer. Si l'objet est un peu petit (aiguille, crayon, etc.)
et l'ataxie prononcée, la préhension ne va pas sans quelque difficulté et
sans de multiples tentatives, et le malade, qui ne sent souvent pas
l'objet entre ses doigts, qui n'a pas la sensation de l'effort à déployer
pour le conserver, le laisse retomber aussitôt pris, parfois sans s'en
apercevoir. C'est souvent un travail long et pénible de boutonner un
vêtement ou d'attacher une cravate. Certaines professions prêtent plus
volontiers à la découverte précoce des troubles ataxiques des membres
supérieurs, celles par exemple de
tailleur ou de couturière, de pianiste,
d'horloger, de barbier, d'écrivain.
L'c'cntwpdevient rapidement irré-
gulièrc, hachée, les lettres sont an-
guleuses, inégales, séparées, placées
à des niveaux différents, elles ne
sont pas tremblées cependant.
\luand 1 ataxie est prononcée, le membre supérieur entier y prend
une part manifeste; les boissons et les aliments sont portés à la bouche
par le chemin le plus détourné et le plus irrégulier et, après avoir été
[il. LÉRI.]
Fig. ~>. Ecriture d'un tabétique. Varia-
tion suivant que le malade a les yeux ouverts
(lig-ne supérieure) ou Termes (ligne infé-
rieure) .
758 INCOORDINATIONS.
partiellement répandus, viennent brutalement frapper les dents, parfois
le menton ou le nez; mais les secousses et les déviations n'augmentent
pas, comme dans la sclérose en plaques, au sur et à mesure que la main
approche du but. Les verres et les plats sont souvent lâchés par la main 1
qui s'ouvre à contre-temps. Quand le malade veut porter son doigt sur
son nez, après maintes oscillations, il se l'enfonce brusquement dans la
joue ou dans l'oeil.
Pour les membres supérieurs comme pour les inférieurs, on observe
en même temps que l'ataxie des mouvements, l'ataxie statique, l'impos-
sibilité de maintenir les membres dans une attitude déterminée; on
constate aussi l'accroissement considérable des troubles quand on em-
pêche le malade de surveiller ses mouvements avec les yeux.
Tronc. L'ataxie du tronc, qui paraît être très fréquente, est jusqu'ici
insuffisamment étudiée; elle se révèle surtout par les oscillations du
tronc dans les mouvements, dans la marche en particulier, ou dans la
station debout et les diverses attitudes. Elle entre très souvent pour une
part dans les troubles de l'équilibre. '
Peut-être l'incoordination de certains muscles respiratoires ou d'autres
muscles profonds n'est-elle pas pour rien dans certains troubles viscé-
raux et dans certaines crises des tabétiques.
Tête et face. - Rarement on observe des oscillations brusques dans
les mouvements de la tète ou même son instabilité dans les attitudes de
repos. Les troubles de la mimique, les grimaces de la face pendant la
parole, le chant, le rire ou pendant les repas, ne sont pas très excep-
tionnels ; parfois la parole est brusque, irrégulièrement hachée sans être
scandée, bredouillée, ou alternativement lourde, rauque et sifflante.
Mirallié a attiré l'attention sur la fréquence dans le tabès de troubles
de la coordination des muscles oculo-motenrs : ce symptôme est géné-
ralement trop peu accentué pour amener un trouble fonctionnel et doit
être recherché.
L'évolution de l'ataxie est d'ordinaire très lente : on observe cepen-
dant assez souvent de véritables poussées, suivies ou non d'une rétroces-
sion partielle; exceptionnellement l'ataxie, même dans le tabès, prend
une allure nettement aiguë et devient très prononcée en peu de jours.
La marche progressive de l'ataxie n'est pas fatalement progressive.
tant s'en faut. Très souvent elle reste localisée aux membres inférieurs;
elle peut y être tout à fait excessive et empêcher complètement non
seulement la marche et la station, mais même tout mouvement utile des
jambes dans le décubitus, sans aucunement atteindre les membres supé-
rieurs. D'autres fois, l'ataxie reste très modérée comme intensité, soit aux
membres inférieurs seuls, soit ¡'¡la fois aux membres inférieurs et supé-
rieurs : elle peut ne gêner en rien les fonctions des membres et n être
décelée que par hasard ou par une recherche méthodique; ainsi l'ataxie
peut se borner pendant très longtemps, ou définitivement, à t'mipossi-
bilité de se tenir à cloche-pied, à des oscillations légères dans la station
INCOORDINATION ATAXIQUE. 759
debout, les talons joints];' et les yeux fermés, à la difficulté de porter
exactement le doigt sur le bout du nez, etc.... D'ailleurs, quand l'ataxie
est déjà prononcée, elle peut encore rétrocéder partiellement et per-
mettre une existence à peu près normale, soit par une sorte d'adaptation
de l'individu au degré atténué de ses sensations, par un perfectionne-
ment du contrôle de la vue sur les mouvements, en somme par une auto-
rééducation plus ou moins inconsciente, soit par une rééducation théra-
peutique et méthodique dont nous aurons à parler plus loin.
Variétés DE l'ataxie.
Le tvpe de l'ataxie est celle du tabès, qui paraît reconnaître pour
cause principale la lésion des racines et des cordons postérieurs. Mais
l'ataxie, incoordination d'origine sensitive, pourra reconnaître pour cause
une lésion, de nature quelconque, de l'une quelconque des portions des
voies sensitives; on observera ainsi des ataxies par lésions non tabéti-
ques des cordons postérieurs, des ataxies par lésions des nerfs périphé-
riques, des ataxies par lésions des voies supérieures, hulbe, protubérance,
cerveau, des alaxies par altérations diffuses ou totales, généralement
aiguës, du système nerveux. Chacune de ces variétés étiologiques ou
topographiques présentera quelques caractères particuliers que nous
allons maintenant étudier.
1. Ataxie du tabes. - L'ataxie du tabès, telle que nous l'avons
longuement décrite, n'est pas toujours aussi simple. Sa cause ne réside
pas toujours uniquement dans la lésion des cordons postérieurs; dans
le tabes, maladie générale du système nerveux, les altérations les plus
diverses peuvent résulter soit de la lésion des cordons postérieurs mêmes
(lésion des faisceaux cérébelleux directs en relation avec les fibres radi-
culaires postérieures par l'intermédiaire de la colonne de Clarke), soit des
lésions de la méninge et des vaisseaux (lésions accessoires des différents
faisceaux, en particulier des faisceaux sous-méningés comme les faisceaux
de Flechsig ou de Gowers), soit de la sclérose primitive ou secondaire
de différents nerfs périphériques, rachidiens ou crâniens, et de diffé-
rentes portions du névraxe. Aussi, aux symptômes primordiaux de l'ataxie
d'origine médullaire et radiculaire se joignent souvent à un degré
variable, des symptômes d'ataxie cérébrale ou bulbo-protubérantielle par
altération des voies sensitives supérieures, des symptômes d'ataxie par
névrite périphérique (Westphal, Pierrot, Dejerine), des symptômes d'ata-
xie dite « labyrinthique » par sclérose des nerfs auditifs (le signe de
Rombcrgpcut être dû à la seule atrophie des nerfs labyrinthiques et, d'après
serait même toujours d'origine labyrinthiquc), enfin des symp-
tômes d incoordination d'origine cérébelleuse par lésion des conduc-
teurs cérébelleux ou du cervelet lui-même. On peut donc observer
dans le tabès, d'une façon généralement très accessoire, des signes de
toutes les variétés d'ataxie et d'asynergie que nous allons maintenant
passer en revue.
[A. LÉRI.]
760 INCOORDINATIONS.
2. Ataxie dans les pseudo-tabes par lésions médullaires.
Un certain nombre d'infections et d'intoxications exogènes ou endo-
gènes paraissent porter volontiers leur action nocive sur le premier
neurone sensitif, c'est-à-dire sur les cordons postérieurs et sur les nerfs
sensitifs périphériques : elles déterminent ainsi l'apparition de tableaux
cliniques fort semblables au tabes et dont l'ataxie fait, partie.
Aucune de ces affections ne provoque des lésions étroitement systéma-
tisées ; presque toutes paraissent pouvoir envahir simultanément les nerfs
périphériques, les racines postérieures, les cordons postérieurs et en
même temps d'autres faisceaux de la moelle, en particulier les faisceaux
pyramidaux ou les faisceaux cérébelleux.
Certains paraissent pourtant avoir une prédilection particulière pour
les nerfs périphériques, ce sont surtout les intoxications métalliques par
le plomb, le cuivre, l'arsenic, etc. ; nous en dirons plus loin quelques
mots, mais en notant dès maintenant que les polynévrites toxiques parais-
sent perdre de plus en plus de terrain au profit des myélopathies ; c'est
ainsi que des lésions médullaires dues à l'intoxication saturnine ont été
trouvées par Monakow, OEller, Oppenheim, etc., et récemment par
nous-même; c'est ainsi que d'après les examens de Ilonig, le neuro-tabes
alcoolique, prétendu périphérique, serait toujours accompagné d'altéra-
tions du système nerveux central.
D'autres infections et intoxications, la lèpre, la pellagre, le lathyrisme.
paraissent frapper surtout dans la moelle soit les cordons latéraux soit,
dans les cordons postérieurs, les faisceaux endogènes à l'exclusion des
fibres radiculaires : il en résulte que ces affections ne provoquent pas
d'ataxie ou que l'ataxie n'entre dans le tableau clinique que d'une façon
tout à fait accessoire et minime (légère incoordination des membres su-
périeurs dans quelques cas de pellagre par exemple) : nous éliminerons
donc ces cas.
Enfin, d'autres infections ou intoxications exogènes ou endogènes, la
syphilis, l'ergotisme, l'anémie pernicieuse, le diabète, déterminent de
préférence une lésion des fibres radiculaires des cordons postérieurs :
ce sont celles qui provoquent les pseudo-tabes d'origine médullaire dont
nous allons parler.
Suivant que ces différentes affections provoquent ou non, en même
temps qu'une lésion des voies sensitives postérieures, une altération des
voies motrices latérales, elles produisent soit un pseudo-tabes pur, soit
une sclérose combinée où, à côté de l'ataxie et des différents signes ordi-
naires du tabès et de la maladie causale, la paraplégie, généralement
spasmodique, joue un rôle plus ou moins considérable.
L'ergotisme, dont les troubles médullaires ont surtout été étudiés par
Tuczek (1886), peut provoquer des paresthésies, fourmillements, engour-
dissements, des douleurs fulgurantes ou en ceinture, de 1'liypoestliésie,
l'abolition du réflexe rotulien, enfin de l'ataxie avec signe de Romberg ;
à ces troubles médullaires se joignent souvent des attaques épileptiformes
INCOORDINATION ATAXIQUE. 7(il
et des troubles psychiques, en particulier de l'excitation maniaque. Il n'y
a pas de troubles oculaires, pas d'abolition du réflexe pupillaire, pas ou
très peu de troubles urinaires et génitaux. Les accidents sont souvent
tardifs, plusieurs semaines ou plusieurs mois après l'intoxication ; leur
évolution est d'ordinaire rapide, et l'amélioration progressive est la règle,
mais elle n'est pas constante.
Dans les anémies, et spécialement dans l'anémie pernicieuse, on peut
voir survenir un mélange d'ataxie, avec troubles objectifs et souvent sub-
jectifs de la sensibilité, et de paraplégie spasmodique ou flasque, légère
ou intense. 11 y a ou non incontinence des sphincters, abolition des
réflexes tendineux, atrophie musculaire; il n'y a pas de signe d'Argyll-
Robertson ni généralement de Romberg. L'évolution est subaiguë, et la
mort en est la terminaison au bout de quelques mois, du moins dans
l'anémie pernicieuse (Lichtheim, Minnich, Risien Russell, Batten et
Collier). Dans ce tableau l'anémie peut passer au second plan.
Dans le diabète on peut observer la presque totalité des troubles du
tabes : abolition des réflexes rotuliens, douleurs fulgurantes, paroxysti-
ques, dans les membres inférieurs et en ceinture, crises gastralgiques,
frigidité et impuissance, troubles oculaires, atrophie musculaire, maux
perforants, chute des ongles et des dents, hyperesthésies, paresthé-
sies et anesthésies, perte du sens musculaire, enfin incoordination,
démarche mal assurée et talonnante, signe de Romberg; on n'observe ni
troubles vésicaux, ni signe d'Argyll, ni atrophie papillaire. Ces troubles
sont très différemment associés, souvent variables, leur évolution est
rapide, leur durée est parfois passagère. Ils sont accompagnés de glyco-
surie, de la triade symptomatique du diabète, polyurie, polydypsie,
polyphagie, et de quelques-uns des mille petits ou grands accidents du
diabète. Il n'est guère facile de rapporter ces troubles, et entre autres
l'ataxie, plutôt à une polynévrite qu'à une altération des cordons posté-
rieurs, des névrites périphériques ayant été signalées dans le diabète par
certains auteurs (Rosenstein, Mvière, Auché, etc.), la sclérose des cor-
dons postérieurs ayant été reconnue par d'autres auteurs (Sandmeyer,
Leyden, Williamson, Souques et Marinesco, Leichtentritt, etc.).
La syphilis est de beaucoup la cause la plus fréquente de l'ataxie par
lésion des cordons postérieurs, car elle est la cause, déterminante ou
prédisposante, de la grande majorité ou même de la totalité des cas de
tabes vrai. Elle provoque encore l'ataxie en produisant différentes
scléroses combinées : dans ces cas, tantôt l'ataxie prédomine, associée
aux différents symptômes du tabes vulgaire et à quelques symptômes de
spasmodicité ou à l'extension des orteils (sclérose combinée à forme tabé-
tique), tantôt la paraplégie spasmodique joue le rôle important, associée
seulement à un léger degré d'incoordination (sclérose combinée à forme
spasmodique, paraplégie syphilitique d'Erb).
La syphilis peut aussi provoquer l'incoordination et différents symp-
tômes pseudo-tabétiques par l'intermédiaire d'une méningite syphilitique
[A. LERI.] ]
7<i2 INCOORDINATIONS.
de la période secondaire ou du début de la période tertiaire (il est d'ail-
leurs de plus en plus probable que la méningite joue un rôle prépondé-
rant dans la genèse de la sclérose tabétique des cordons postérieurs);
dans ce cas, les symptômes oculaires font défaut, et le tableau clinique
évolue beaucoup plus rapidement que le tabes.
Enfin la paralysie générale, dans l'étiologie de laquelle la syphilis joue
aussi un rôle prépondérant et dont l'anatomie pathologique comporte
toujours une méningite, s'accompagne très fréquemment d'incoordina-
tions et de quelques symptômes de sclérose des cordons postérieurs : il
s'agit dans ce cas, pour certains auteurs, de symptômes tabétiformes,
pour d'autres de symptômes tabétiques vrais.
De ces différentes variétés étiologiques d'ataxie, il faut rapprocher la
paraplégie ataxique décrite par Gowers en 1886 et dont l'étiologie
n'est pas connue. Elle se manifeste par une sensation de fatigue, une fai-
blesse musculaire progressive, des troubles de l'équilibre, de l'ataxie des
membres inférieurs, le signe de Romberg, une douleur sourde dorso-
lomho-sacrée, des engourdissements et fourmillements, [de l'exagération
des réflexes, quelques troubles sphinctériens légers, pas de signe
d'Argyll. pas de douleurs fulgurantes; l'évolution est progressif très
lente et très longue. '.
La sclérose combinée sénile, décrite par Pierre Marie et Crouzon,
consiste en une parésie spasmodique avec ou sans légère incoordina-
tion, ou démarche titubante, sans autre signe de tabès. Les examens his-
tologiques récents de Italo Rossi ont montré que la lésion essentielle de
cette affection consistait en une atrophie des cellules de Purkinjc du cer-
velet : l'incoordination est donc vraisemblablement dans cette affection
d'origine surtout cérébelleuse.
Dana a décrit récemment une ataxie spinale aiguê dont la cause serait
dans une lésion artérielle, thrombose ou embolie, d'origine sénile ou
syphilitique, des vaisseaux postérieurs de la moelle; son développement
durerait de à l 5 jours, elle s'accompagnerait toujours de troubles sensi-
tifs et parfois de troubles des réflexes; la terminaison serait générale-
ment favorable.
La paraplégie ataxique subaiguë, décrite aussi par Dana, affection
qui se termine par la mort en l'espace de moins de deux ans, paraît être
une sclérose combinée à évolution rapide provoquée tantôt par l'anémie
pernicieuse (10 pour 100), tantôt par une infection ou une intoxication
quelconque (saturnisme, paludisme, grippe, colite, etc.), surtout chez
des sujets prédisposés.
5. Ataxie dans les pseudo-tabes par lésion des nerfs
périphériques : pseudo-tabes polynévritique. - Certaines in-
fections et intoxications, intoxications alcoolique, arsenicale, saturnine,
sulfo-carbonée, etc., infections tuberculeuse, diphtérique, etc... peu-
vent s'accompagner à la fois de symptômes moteurs et de symptômes
sensitifs, parésies, douleurs fulgurantes, anesthésies diverses, superfi-
INCOORDINATION ATAXIQUE. 763
cielles ou profondes, entre autres anesthésie plantaire, incoordination
parfois très prononcée, signe de Romberg, abolition des réflexes, qui
réalisent un tableau clinique très semblable à celui du tabes : on admet
généralement que la lésion des nerfs périphériques joue dans la consti-
tution de ce tableau un rôle prédominant, parfois exclusif (nervo-tabes
périphérique de Dejerine).
Le diagnostic du pseudo-tabes par polynévrite se fera par l'absence du
si°ne d'Argyll, l'absence de troubles sphinctériens et génitaux et, en
général, de tous troubles viscéraux, la douleur à la pression des troncs
nerveux et des masses musculaires, la fréquence et souvent l'intensité
de l'atrophie des muscles douloureux, la topographie périphérique et non
radiculaire des troubles sensitifs, l'évolution généralement rapide, en
quelques semaines ou quelques mois, quelquefois même aiguë, en quel-
ques jours, la terminaison presque toujours favorable, enfin la notion
étiologique et les signes spéciaux de l'infection ou de l'intoxication
causale. En somme, le diagnostic sera généralement facile, mais il ne faut
pas perdre de vue que souvent, dans ces affections, l'incoordination paraît
devoir reconnaître pour cause, non seulement une lésion passagère des
nerfs périphériques sensitifs, mais une lésion plus durable des cordons
postérieurs. N
4. Ataxie dans les lésions bulbo-protubérantielles.
Nothnagel avait remarqué la fréquence de l'incoordination dans les lésions
bulboprotubérantielles; cette fréquence tient certainement à ce que cette
région est le carrefour des voies sensitives, cérébelleuses et labyrin-
thiques.
11 s'agit tantôt d'ataxie vraie, tantôt d'ataxie labyrinthique, tantôt d'asy-
nergie cérébelleuse, et tantôt d'un mélange de ces différentes variétés
d'incoordination ; mais on ne sait pas encore actuellement distinguer le
siège de la lésion d'après la variété symptomatique d'incoordination ; on
sait seulement qu'une lésion du pédoncule cérébelleux inférieur peut
déterminer l'asynergie. Dercum a observé une tumeur du bulbe qui a
débuté par la perte du sens musculaire et stéréognostique et l'ataxie du
membre supérieur du côté de la lésion. Dana a signalé un cas d'ataxie
aiguë par lésion bulbaire.
5. Ataxie dans les lésions du cerveau. Le caractère par-
ticulier de l'ataxie par lésion du cerveau est d'être presque toujours net-
tement unilatérale (hémiataxie). L'héntia.taxie existe, à un degré plus
ou moins accusé, dans des cas d'hémiplégie avec hémiancsthésie ; elle
ne se rencontre que dans les cas où la sensibilité est affectée à un degré
quelconque du côté de l'hémiplégie, tout spécialement quand la sensibi-
lité profonde, le sens musculaire, la notion des attitudes et le sens stéréo-
gnostique sont altérés. L'hémiataxie est jusqu'à un certain point propor-
tionnée à l'intensité de 1 hémianesthésie, mais nullement il l'intensité
de 1 hémiplégie. Elle serait plus fréquente dans les néoplasmes cérébraux
que dans les ramollissements ou hémorrhagies. Elle se développe sou-
[A. LÉRI.]
7G4 1'\COOIIDliN;T IONS.. - ~
vent de façon très rapide (ataxie aiguë dans les cas de Leyden, Westphal,
Dinkler, etc.)
L'iiémiataxic cérébrale, comme l'hémianesthésie cérébrale, présente
une allure symptomatique assez spéciale.
L'hémianesthésie cérébrale n'est jamais complète ; l'hémiplégique par
tumeur, ramollissement ou hémorrhagie cérébrale, quel que soit le siège
de la lésion, couche optique, capsule interne, etc., conserve toujours la
perception de la douleur au niveau de ses membres paralysés, il peut
perdre seulement la notion du siège et de la nature de l'excitation dou-
loureuse (P. Marie) ; la sensibilité est toujours mieux conservée vers la
racine des membres que vers leur extrémité.
L'hémiataxie cérébrale n'est jamais complète non plus ; elle est très
souvent limitée à l'extrémité des membres et en particulier du membre
supérieur, main et doigts. Elle consiste en une série de saccades dans les
mouvements volontaires, mais ces saccades sont infiniment plus faibles
que dans l'ataxie tabétique, elles n'altèrent pas le sens général du mouve-
ment dont les différentes parties restent assez bien coordonnées et qui se
ralentit au sur et à mesure que le membre approche du but; l'influence
de l'occlusion des yeux est généralement manifeste, mais moindre que
dans le tabès; les attitudes peuvent être conservées beaucoup mieux que
dans l'ataxie tabétique, l'équilibre statique comme l'équilibre cinétique
sont beaucoup moins atteints. '
Dejerine et Egger, qui ont bien étudié les caractères de l'hémiataxie
post-hémiplégique, attribuent la conservation relative de la coordination
dans les cas d'altération des voies sensitives cérébrales à la création, pen-
dant l'apprentissage des mouvements, de centres coordinateurs dans les
parties inférieures du névraxe ; ces centres entreraient en jeu par un
mécanisme réflexe, automatique, quand les renseignements de la périphé-
rie leur parviennent par l'intermédiaire des premiers neurones sensitifs
et de leurs collatérales, sans que la sensibilité consciente, interrompue
par la lésion du deuxième neurone sensitif*, ait il intervenir. Ce que nous
avons dit du degré toujours incomplet de l'hémiancsthésie cérébrale nous
fait penser qu'il y a là aussi peut-être une cause de l'intensité toujours
modérée de 1'1ll'miataxic cérébrale.
Quelle que soit l'interprétation, il est certain que le ccrveau ne joue à
la fois dans la sensibilité et dans la coordination motrice qu'un rôle res-
treint ; la meilleure preuve en est fournie par l'expérimentation, c'est
l'exemple de la grenouille que l'on décapite, que l'on jette à l'eau et qui,
au contact du liquide, se met il nager.
L'Iiémiat;iYie ne fait pas partie du tableau clinique habituel de l'hémi-
plégie cérébrale infantile; Boucaud en a cependant récemment rapporte
deux cas.
6. Ataxie par intoxication aiguë du système nerveux.
Un certain nombre de toxiques, l'alcool en première ligne, quelques
médicaments, l'iode, le brome, le chloral, la quinine, absorbés en
INCOORDINATION ATAXIQUE. 765
quantité excessive, déterminent l'ivresse. L'ivresse est un syndrome
aigu dont l'incoordination fait nécessairement partie ; à l'incoordination
se joignent toujours des vertiges, des troubles mentaux, fréquemment
des troubles sensitifs, quelques troubles de la parole, des troubles par-
étiques, des troubles gastro-intestinaux. Cette symptomatologie montre que
le système nerveux central est altéré dans son ensemble; pourtant l'in-
coordination de l'ivresse, avec sa titubation, ses grandes oscillations, sa
démarche en zigzag, la prédominance des troubles de l'équilibre sur les
troubles des mouvements des membres isolés, présente plus de caractères
de l'incoordination cérébelleuse que de l'ataxie commune par lésion des
voies sensitives ; le cervelet est sans doute tout particulièrement atteint.
Quelques auteurs ont décrit, à la suite d'intoxications soit par l'alcool
(Bechterew), soit par des aliments avariés (Schnitzer), une ataxie aiguë,
plus tardive, mais plus durable, évoluant en quelques mois, qui présente
aussi de façon prédominante les caractères de l'incoordination céi-ébel7
leuse sans ataxie des mouvements isolés. Nous signalons dès maintenant
ces différentes formes d'incoordination parce qu'il s'agit, selon toute
vraisemblance, d'altérations générales du système nerveux et parce que
les caractères de la vraie asynergie cérébelleuse n'ont pas été encore étu-
diés dans ces cas : la place que nous leur donnons dans ce chapitre est
une place d'attente.
7. Ataxie labyrinthique. - C'est aussi une place d'attente qu'il
faut réserver à l'incoordination par lésion du nerf labyrinthique dans sa
portion centrale ou périphérique, en particulier par lésion de l'oreille
* interne, acquise ou congénitale (incoordination de la plupart des sourds-
muets, décrite par Kreidl). L'ataxie dite labyrinthique tient en effet de
l'incoordination cérébelleuse par la prédominance des troubles de l'équi-
'' libre, titubation, oscillations de la tête et du corps, et de l'incoordination
sensitive par l'instabilité statique et l'existence constante du signe de
Romberg. Certains faits montrent que le signe de Romberg peut être dû
à la seule sclérose labyrinthique, indépendamment de toute lésion des cor-
dons postérieurs (Collet), et Bonnier pense même que le signe de Romberg
dans le tabes est sous la dépendance de l'altération constante du laby-
rinthe, les modifications de la sensibilité et en particulier du sens
musculaire n'intervenant que de façon tout à fait accessoire et facultative.
Quoi qu'il en soit, cliniquement les mouvements isolés et combinés de
l'ataxie labyrinthique n'ont pas été suffisamment analysés pour qu'on
puisse lui donner sa place définitive ou en faire une variété toute spéciale
d'incoordination ; anatomiqucmcnt les relations intimes des noyaux de
l'acoustique avec le cervelet commencent à être connues, mais il existe
sans doute aussi des relations avec les voies sensitives générales au voisi-
nage des noyaux de Goll et de Hurdach.
Le syndrome de l'ataxie labyrinthique est généralement complété par
l'existence de signes oculaires, soit nystagmus, soit absence des mouve-
ments compensateurs des yeux dans les mouvements de rotation du corps
A LÉRI.
766 INCOORDINATIONS.
autour de l'axe vertical, nystagmus de rotation ou post-rotatoire (ophthal-
moplégie labyrinthique de Egger). La triade du syndrome de Menière
vertige, bruits subjectifs, hypoacousie ou surdité, que l'on constate très
souvent, fera faire le diagnostic du point de départ topographique de
l'ataxie.
- II. INCOORDINATION CÉRÉBELLEUSE
Le cervelet est, comme nous l'avons dit, l'organe principal de la coor-
dination des mouvements et de la conservation de l'équilibre. Aussi, si
l'incoordination ataxique est essentiellement d'origine sensitive, l'incoor-
dination cérébelleuse est essentiellement d'origine motrice. Celle diver-
gence d'origine donne à l'incoordination cérébelleuse, quelle qu'en soit
la variété, des caractères spéciaux.
A l'opposé de l'ataxique, le cérébelleux n'a pas de troubles de la sen-
sibilité superficielle ou profonde, ou du moins, s'il en a, les altérations
de la coordination en semblent indépendantes. Il sent donc ses muscles
se contracter, il a la nolion du degré de leur contraction et, par suite,
de la position qu'occupe à chaque moment chacun des segments de ses
membres. Aussi le concours de la vue ajoute-t-il peu à cette notion et
l'incoordination n'est guère exagérée par l'occlusion des yeux; le signe
de Romberg n'existe pas dans les lésions pures du cervelet, et les
observations où il a été signalé concernent des cas où une tumeur, par
son volume ou sa situation, comprimait les organes voisins (cas de Probst
et Wieg, de Donath, de Sabrazès ctCabannes. etc,), '
De plus, par suite de cette parfaite sensibilité, les mouvements simples
des membres sont relativement bien exécutés par les cérébelleux : c'est
surtout la combinaison des mouvements simples nécessaires à l'exécution
des mouvements complexes et au maintien de l'équilibre qui est défec-
tueuse : l' incoordination cérébelleuse consiste surtout, dans un trouble
de la composition des mouvements complexes et dans un trouble de
l'équilibre. Pourtant nous avons dit que les mouvements les plus simples
en apparence sont dùs en réalité à la contraction simultanée et propor-
tionnelle de certains muscles et de leurs antagonistes; ils nécessitent par
conséquent la coordination d'une force excito-motrice et d'une force frc-
natricc; or ce pouvoir frénateur semble particulièrement altéré chez
certains et il en résulte parfois un trouble même des mouve-
ments les plus simples.
Avec de tels caractères généraux, l'incoordination cérébelleuse se pré-
sente sous deux aspects cliniques très différents : A) La titubation céré-
helleuse, admirablement décrite par Duchenne de Boulogne, où le trouble
prédominant est un trouble de l'équilibre. B) L'asynergie cérébelleuse,
très remarquablement étudiée par Babinski, où le (rouble capital est un
trouble de la composition des mouvements entraînant ou non une perte
. INCOORDINATION CÉRÉBELLEUSE. 667 i
de l'équilibre; l'asynergie cérébelleuse n'est d'ailleurs le plus souvent
qu'un des éléments d'un syndrome cérébelleux dont nous devons égale-
ment la connaissance à Babinski et dont nous aurons à esquisser les
autres facteurs, les mouvements démesurés, l'adiadococinésie, la cata-
lepsie cérébelleuse.
A. - TITUBATION CÉRÉBELLEUSE
La titubation cérébelleuse se manifeste surtout dans la station debout
et dans la marche.
Pour se tenir debout, le malade écarte notablement ses pieds, élargis-
sant ainsi sa base de sustentation,
tourne souvent légèrement ses pieds
en dedans et renverse légèrement
son corps en arrière, comme pour
bien « caler » son tronc sur ses
cuisses et ses pieds sur le sol. Dans
les cas peu accentués, il peut se
maintenir ainsi quelques instants
sans bouger, mais dans la plupart
des cas, le corps et la tête oscillent
alternativement d'un côté et de l'au-
tre, parfois toujours du même côté
dans les lésions unilatérales (Menzel),
les pieds quittent le sol et s'y re-
posent par une série de petits déplace-
ments ; ces déplacements s'accentuent
quand, pendant la station debout, on
fait exécuter un mouvement aux
membres supérieurs. Dans les cas
plus accentués, le malade ne peut se
tenir debout sans appui, ou bien il
est incapable de garder la station
verticale, même avec un appui : avec
ou sans oscillations préalables plus ou moins nombreuses et toujours
étendues, il tombe tantôt d'un côté, tantôt de l'autre; quand le sens de
la chute est constant, il indique le côté de la lésion, il semble indiquer
aussi, d'après les observations anatomo-cliniques recueillies jusqu'ici,
que la lésion atteint le pédoncule cérébelleux moyen.
Pendant la marche, tous les symptômes s'exagèrent : le malade avance
les jambes largement écartées, lentement, à petits pas, il soulève peu les
pieds du sol, mais les oscillations du corps s'exagèrent à tel point que,
malgré toutes ses précautions, elles entrainent les pieds tantôt trop à
droite, tantôt trop à gauche, parfois même en arrière, toujours Irrëgullè-
ment loin de la ligne droite qui mènerait au but à atteindre; les pieds
s'appliquent au sol tantôt brusquementpar toute leur plante, tantôt par
[A. LÉRI.]
Fig. 4. Altitude cérébelleuse. Pour
se tenir debout, le malade renverse le
corps en arrière et écarte les pieds, il se
« cale » sur ses hanches.
768 INCOORDINATIONS.
la pointe, tantôt par les talons, mais toujours irrégulièrement. Aussi la
démarche est-elle à la fois incertaine comme celle du jeune enfant et
ébrieuse comme celle de l'homme ivre, chancelante, « festonnante »,
inégale ; les tracés des empreintes plantaires pendant la marche sont très
caractéristiques. Quand les oscillations sont d'assez grande amplitude
la chute s'ensuit, et le fait est fréquent chez les cérébelleux.
La titubation disparait généralement quand le malade est assis ou
couché; exceptionnellement pourtant on l'a vu persister. Par exemple,
Tollemer cite le cas d'un enfant qui ne pouvait rester assis qu'appuyé sur
ses deux mains largement écartées du corps; dans cette situation il pré-
sentait de légères oscillations du tronc; quand il soulevait ses mains, les
oscillations s'accentuaient, il titubait et tombait du côté droit : il était
porteur d'un tubercule du lobe droit du cervelet.
Du côté des membres supérieurs, on ne constate souvent pas de
trouble correspondant à la titubation; on observe cependant assez fré-
quemment une sorte d'incertilude dans les mouvements, d'irrégularité,
de maladresse, avec ou sans oscillations et tremblement des bras et des
mains. L'écriture est souvent irrégulière et tremblée. La parole est
presque toujours plus ou moins scandée, à la fois traînante, hachée et
explosive.
Ces derniers troubles, troubles des membres supérieurs, de l'écriture
et de la parole, encore fort peu étudiés dans leurs caractères et leur
pathogénie, ne paraissent pas différer notablement de ceux que l'on
observe chez les cérébelleux asynergiques : nous aurons à y revenir.
Quant à la titubation elle-même, si ses caractères cliniques ont été
parfaitement décrits par Duchenne de Boulogne, sa pathogénie est loin
d'être élucidée; il est probable que les altérations du pouvoir coordina-
teur et frénateur du cervelet, l'asynergie cérébelleuse, les mouvements
démesurés, l'adiadococinésie, dont nous aurons à parler plus loin, con-
tribuent pour une large part à produire la titubation cérébelleuse; la
démarche titubante diffère pourtant complètement de la démarche asyner-
gique-type que nous décrirons et qui est beaucoup plus rare.
La titubation est le caractère capital d'un ensemble symptomatique
qu'on peut appeler syndrome cérébelleux de Duchenne. Les
autres éléments de ce syndrome, tous inconstants, sont : le tremblement
des membres inférieurs, du tronc, de la tête, moins souvent des membres
supérieurs, tremblement qui accentue fréquemment les oscillations et
favorise la chute; les vertiges, qui rendent la titubation plus marquée,
qui en sont peut-être souvent la conséquence, mais qui certainement n'en
sont pas la cause essentielle, car elle s'observe souvent sans qu'il y ait de
vertiges; le nystagmus, plus rarement le strabisme, qui peuvent y con-
tribuer pour leur part à un faible degré; l'asthénie, plus ou moins
accusée, mais sans paralysie vraie, sans trouble notable de la force de
chaque muscle pris isolément et sans trouble de la sensibilité musculaire;
les vomissements, etc.
INCOORDINATION CÉRÉBELLEUSE. 7fin
La titubation cérébelleuse est le phénomène le plus apparent dans
nombre de cas de lésions du cervelet : c'est un phénomène fréquent. Il
est loin pourtant de s'observer dans tous les cas de lésions du cervelet :
d'après les recherches de Nothnagel, seules les altérations primitives ou
secondaires du verrais peuvent provoquer la titubation cérébelleuse;
encore toutes les altérations du vermis ne la produisent-elles pas; dans
les cas de Gintrac, Gribbon, etc.. des tumeurs du vermis n'avaient
déterminé aucun trouble de l'équilibre. L'élude de la physiologie du cer-
velet n'est pas encore assez avancée pour- qu'on puisse expliquer sans
conteste celle localisation exclusive et ces anomalies.
B. ASYNERGIE CÉRÉBELLEUSE
L'asynergie cérébelleuse a été entièrement analysée et décrite par
Babinski ; son caractère essentiel est la décomposition des mouvements
en leurs parties constituantes élémentaires; le malade est incapable de
combiner la série des déplacements qui, dans un mouvement composé,
devraient être exécutés simultanément par chacun des segments de ses
membres : un mouvement complexe se trouve ainsi constitué par une
suite de mouvements simples et non par une association de ces mêmes
mouvements.
Comme pour la titubation cérébelleuse, la sensibilité superficielle et
profonde est intacte, la vue ne facilite en rien la composition des mou-
vements, et il n'y a pas de signe de Romberg.
L'asynergie n'est d'ailleurs pas exclusive de la titubation, un asyner-
gique peut ou non tituber.
Pourtant il est une démarche spéciale, vraiment tout à fait caractéris-
tique, qui distingue certains asynergiques très avancés des cérébelleux
présentant, la titubation de Duchenne. Cette démarche asynergique-type
caractérise ce que l'on peut appeler la « grande asynergie » : elle est
infiniment plus rare que la titllbation cérébelleuse vraie. Au contraire.
les petits signes de l'asynergie sont très fréquents : que les malades
titubent ou non, ces petits signes se révèlent soit spontanément il l'occa-
sion de certains mouvements, soit par l'examen méthodique de certains
mouvements commandés chez des sujets que l'on soupçonne atteints de
lésion cérébelleuse. A la « grande asynergie », exceptionnelle, on peut
opposer la « petite asynergie », qui est fréquente.
Comme c'esl l'examen approfondi d'un cas de grande asynergie qui a
d'abord conduit Babinski à reconnaître les petits signes de l'asynergie,
c'est la démarche asynergique-type que nous décrirons en premier lieu.
A) Grande asynergie : démarche asynergique-type.
Pour marcher, un sujet normal doit à la fois exécuter le soulèvement et la
translation en avant du membre inférieur et la translation du corps.
Quand l'asynergie est extrêmement avancée, le cérébelleux soulève son
pied, souvent plus haut qu'un sujet normal par suite d'une exagération
de la flexion de la cuisse, puis il le porte en avant, puis le repose brus-
PnATIQUE l'OEUIIOL. 49
[A. LÉRI]
770 INCOORDINATIONS.
quement sur le sol par toute la plante, à peu près au point où l'aurait
posé un sujet sain. Mais pendant tous ces mouvements, successifs et non
simultanés, le tronc n'a pas avancé, il est reslé en arrière, souvent
même légèrement renversé en arrière par la flexion excessive de la
cuisse, de sorte que dès le premier pas, le malade ne peut plus avancer.
Pour qu'il puisse progresserai ! est nécessaire soit qu'un aide placé en
arrière repousse le tronc en avant, soit qu'un aide placé en avant attire
le tronc à lui en prenant le
malade par les mains, soit
que le malade lui-même puisse
saisir avec les mains des meu-
bles environnants et avancer
pour ainsi dire passivement
son tronc en même temps que
ses jambes avancent par des
mouvements actifs. Dans cette
progression , on remarque
que les pas sont à peu près
réguliers et que les pieds res-
tent à peu près normalement
écartés de la ligne de direc-
tion.
Petite asynergie.
Les petits signes de l'asy-
nergie cérébelleuse peuvent
être constatés quand le ma-
lade est couché, quand il est
assis ou quand il est debout.
Les mouvements d'épreuve
que l'on fait exécuter aux
malades ont tous pour but et
pour résultat de montrer la
décomposilion des mouvements. Ces épreuves s'appliquent surtout aux
membres inférieurs, parce que c'est au niveau de ces membres qu'on
observe surtout les symptômes de l'incoordination cérébelleuse aussi bien
que ceux de l'incoordination tabétique : mais des épreuves semblables
peuvent être imaginées pour les membres supérieurs.
Le sujet étant étendu, on le prie de fléchir un membre inférieur, de
façon que le pied vienne se poser à terre le plus près possible de la fesse.
Dans ces conditions, un individu normal fléchira simultanément la jambe
et la cuisse, le pied quittera le sol sans s'en écarter notablement et
viendra doucement se poser à terre. Un tabétique, ou bien exécutera avec
ses membres inférieurs des mouvements désordonnés sans atteindre les
but proposé, ou bien cherchera à ne pas perdre le contact du sol qui lui
servira de guide et traînera son pied avec plus ou moins de brusquerie
Fig. 5. - Démarche asynergique type (figure de
l3alrinski). - Le malade soulève très haut son pied
et le porte très loin en avant, niais le tronc n'avance
pas en même temps; le sujet n'avancerait pas si
les aides ne poussaient son tronc.
INCOORDINATION CÉRÉBELLEUSE. 771
jusqu'à la fesse. Un asynergique cérébelleux fléchira d'abord la cuisse, la
jambe restant étendue, et soulèvera ainsi très haut le pied au-dessus du
sol, puis, dans un deuxième temps, il fléchira la jambe, et, dans un troi-
sième temps, il étendra la cuisse et viendra brusquement frapper la terre
-avec toute la plante du pied. Si on lui commande ensuite d'allonger de
nouveau son membre inférieur, la même série de mouvements se repro-
duira en sens in-
verse : soulèvement
du pied par flexion
de la cnisse, exten-
sion de la jambe,
extension de la cuis-
se. Chacun de ces
mouvements sera
exécuté avec une
certaincbrusquerie,
mais chacun en
temps voulu, sans
tremblement nota-.
ble et sans notables
oscillations latéra-
les.
Le sujet restant
couché, on lui or-
donne de croiser ses
bras, d'étendre et
d'écarter légère -
ment ses jambes, et
de chercher ainsi à
s'asseoir. Un sujet
normal maintien-'
drait ses membres
inférieurs appliqués
au sol par une con-
traction énergique de ses muscles fessiers, en même temps qu'il
fléchirait le tronc sur les cuisses par la contraction de ses fléchisseurs du
tronc et en particulier de ses psoas iliaques. L'asynergique cérébelleux,
ne pouvant associer la contraction des muscles de la cuisse à celle des
muscles du tronc, fléchira ses cuisses par suite de la contraction de ses
psoas agissant seuls, élèvera ses pieds souvent très haut au-dessus du sol,
et généralement ne pourra parvenir à s'asseoir.
Le sujet étant assis, on lui ordonne de toucher avec le bout de son
pied la main que l'observateur étend à 60 centimètres environ au-dessus
du sol et à 60 centimètres en avant du genou. Au lieu de fléchir la cuisse
et Rendre la jambe simultanément et progressivement, comme le ferait
[.A. LÉRI.]
Fig. 6cL 7. Signe de la flexion combinée des cuisses et du
bassin. - Le sujet étant couché, les bras croisés, on le prie de
s'asseoir. L'individu 'normal (A) laisse ses jambes appliquées
sur le sol. L'asynergique (B) soulève très haut ses jambes, mais
ne lève pas le tronc et ne peut s'asseoir (figures de Babinski).
772 INCOORDINATIONS.
un sujet normal, le cérébelleux fléchira d'abord la cuisse et soulèvera
très haut le pied, puis, il étendra brusquement la jambe et viendra frapper
du pied la main de l'observateur; mais le choc ne sera pas assez violent
pour que la main saute en l'air ; s'il s'était agi d'un tabétique ataxique,
le pied dans ses mouvements désordonnés aurait peut-être rencontré,
presque, par hasard, la main qu'on lui avait fixée comme but à atteindre
et l'aurait alors violemment repoussée par un coup brutal. Pour reposer
. le pied à terre, le cérébelleux . exécutera en sens inverse les mêmes
mouvements, flexion de la jambe, extension de la cuisse, et frappera le
sol par toute la plante du pied.
Le sujet étant debout, on le prie de s'appuyer des deux mains au
dossier d'une chaise et de poser un genou sur le siège de cette chaise.
Un individu normal fléchirait lentement la cuisse et la jambe en faisant
glisser celle-ci le long du rebord du siège; le cérébelleux fléchit d'abord
la cuisse en élevant le genou bien plus haut qu'il n'est nécessaire, puis il
fléchit la jambe et, abaissant brusquement le genou, vient le cogner sur
la chaise^ ," .
Le sujet étant encore dans la station debout, on lui dit de porter la tête
Fig. et 9. Signe-du renversement en arrière. J,e sujet étant debout, on le prie de renverser
le tronc en arrière. L'individu normal (A) iléchit le genoux et porte les jambes en avant
en même temps qu'il porte la tète et le tronc en arrière. L'asynergique (B) laisse ses
jambes étendues, le tronc seul se meut sur les cuisses; il tomberait presque immédiatement
s'il n'était soutenu, car son centre de gravité est aussitôt en arrière de sa base de sustenta-
tion (figure de Babinski).
INCOORDINATION CÉRÉBELLEUSE. 775
en arrière et de courber le tronc d'ans le même sens en forme d'arc. Un
individu normal, en même temps qu'il porte le tronc en arrière, fléchit
les cuisses sur les jambes et les jambes sur les pieds pour maintenir son
équilibre; un asynergiquc penche le corps en arrière en laissant ses
jambes droites, et tombe en arrière bien avant d'avoir atteint le degré
de courbure qu'atteindrait l'individu sain.
Les différentes épreuves que nous venons d'indiquer permettent de
déceler l'asynergie cérébelleuse et de reconnaître, dans des cas plus ou
moins frustes, l'origine cérébelleuse des troubles que présentent certains
malades. Mais l'asynergie cérébelleuse n'est elle-même que l'un des élé-
ments d'un syndrome complexe dont les autres éléments sont les mouve-
ments démesurés, l'adiadococinésie, la catalepsie cérébelleuse : tous les
éléments de ce syndrome ont été remarquablement décrits par Babinski;
il mérite le nom de syndrome cérébelleux de Babinski, par
opposition à la titubation cérébelleuse classique, que l'on peut appeler
syndrome cérébelleux de Duclienne. Les différents éléments de ce syn-
drome pouvant se trouver plus ou moins associés entre eux, chacun
d'eux pouvant faire défaut, tous se trouvant d'ordinaire réunis dans les
cas les plus nets; c'est donc par la recherche attentive des uns et des
autres de ces symptômes que l'on arrivera très fréquemment au diagnostic
de lésion cérébelleuse.
Les mouvements démesurés semblent résulter de l'altération du pou-
voir frénateur dont le centre est dans le cervelet. Ils consistent en ceci
que, quand le malade veut exécuter un mouvement, il dépasse le but.
Ainsi, si l'on dit au sujet de porter le doigt sur le bout de son nez, le
doigt arrive bien directement jusqu'au nez, mais le dépasse et vient
heurter violemment la joue. Si on lui dit de tracer sur un papier une
ligne horizontale jusqu'à un point donné, il dépasse ce point. Nous avons
signalé de même dans l'étude de la démarche asynergiquc la flexion
démesurée de la cuisse.
L'adiadococinésie résulte aussi en grande partie de la diminution du
pouvoir frénateur. Chez la plupart des cérébelleux asynergiques, non
seulement les mouvements simples ne peuvent être exécutés simultané-
ment, mais encore ils ne peuvent être exécutés successivement qu'avec
une certaine lenteur. Toute succession normale de mouvements néces-
site l'arrêt de l'un de ces mouvements et la mise en train immédiate
du mouvement suivant, c'est-à-dire l'association d'une action frénatrice
à une action excito-motrice. La faculté d'associer rapidement ces deux
actions a été dénommée par Babinski la « clicrclococinosie ». L'existence
ou l'absence de cette faculté peut s'apprécier surtout quand les mouve-
ments successifs doivent être exécutés par les muscles respectivement
antagonistes, c'est-à-dire sont directement opposés l'un à l'autre. Aussi
Babinski a surtout étudié la rapidité avec laquelle les sujets peuvent
exécuter les mouvements alternatifs de pronation et de supination de
la main : il a constaté que les cérébelleux exécutent beaucoup moins
[A. LÉRI]
- 774 ' ^COORDINATIONS-. - .
vite que des sujets normaux ces mouvements successifs, il y a chez eux
diminution de la diadococinésie.
' Or, cette fonction est des plus
importantes pour l'exécution de
la plupart des actes de la vie cou-
rante, et c'est certainement à son
altération autant qu'à l'asynergie
que tiennent la titubation, l'irré-
gularité de l'écriture, la scansion
de la parole, peut-être le tremble-
ment volitionnel des cérébelleux.
L'écriture, qui nécessite une
série de mouvements successifs,
de changements de direction, est
rapidement altérée, irrcgulière
et anguleuse, formée d'une série
de lignes brisées ; mais elle ne
présente pas les irrégularités
excessives, le fouillis de traits en
tous sens et de toutes tailles
que l'on observe chez certains
ataxiques. -
La parole des cérébelleux est
généralement scandée, parfois
nasonnée et traînante; ses carac-
tères n'ont pas été plus profon-
dément analysés, mais il est bien
vraisemblable que les altéra lions
de la synergie musculaire et de
la diadococinésie sont l'élément
perturbateur principal.
L'équilibre du corps ou de ses
différentes parties pendant les
mouvements, l'équilibre ciné-
tique, est donc profondément
troublé chez les asynergiques
comme chez les ataxiques ; au
contraire; Babinski a remarqué
que l'équilibre du corps ou de
ses différentes parties au repos,
l'équilibre statique, est d'ordi-
naire parfaitement conservé et
parfois même exagéré. Le céré-
belleux, qui sent le degré de contraction de ses mtiscles, peut, a 1 op-
posé de l'ataxique, les maintenir à un degré invariahle de contraction
Fig. 10 et 11. L'équilibre volitionnel sta-
tique : .
A) Chez un cérébelleux asynergiquc ;
B) Chez un tabétique ataxique.
Les sujets sont couchés, les jambes levées et demi
lléclües : la pose a été la même (15 secondes)
chez les deux sujets.
L'asynergique conserve très longtemps l'altitude
donnée sans l'aire aucun mouvement : cata-
lepsie Cé1'/ibclle.use.
L'ataxiquc ne conserve aucunement la même atti-
tude (figure de Babinski).
INCOORDINATION CÉRÉBELLEUSE. 775
pendant plus longtemps qu'un sujet normal; les attitudes peuvent donc
être très longtemps conservées : c'est ce que Babinski a appelé la cata-
lepsie cérébelleuse.
Le fait est constatable pour la station debout qui, chez un cérébelleux
parvenu à trouver la stabilité, peut être conservée sans le moindre dépla-
cemcnt pendant au moins autant de temps que chez un sujet normal ; la
titubation et la chute ne se produisent que quand un déplacement léger
de certaines parties du corps a lait entrer en jeu l'équilibre cinétique.
Mais la conservation de l'équilibre statique devient bien plus mani-
feste quand on observe des altitudes partielles du corps. Ainsi, si, le sujet
étant couché sur le dos, on lui fléchit légèrement les cuisses sur le
bassin et les jambes sur les cuisses, les pieds étant écartés l'un de
l'autre, le cérébelleux pourra conserver cette altitude extrêmement long-
temps sans qu'il se produise la moindre oscillation des pieds; cette
même attitude pourra être maintenue un temps souvent beaucoup moins
long par un sujet normal, un temps nul ou presque nul par un ataxique.
Ainsi, l'asynergie cérébelleuse s'associe parfois à de véritables attitudes
catafelet Babinski est porté il admettre qu'une perturbation dans
le fonctionnement du cervelet peut amener de la catalepsie.
L'évolution de l'asynergie cérébelleuse est essentiellement variable;
elle peut rester limitée à des troubles peu gênants (petite asynergie), elle
peut, au contraire, arriver à empêcher complètement la marche et à
rendre il peu près inutilisables la plupart des mouvements volontaires
(grande asynergie) ; presque toujours elle mène à une impotence beaucoup
moindre que l'ataxie.
Elle peut n'être décelable que par une série de recherches et d'épreu-
ves que l'on peut qualifier à juste titre, d' « exercice à la Babinski »,
à l'instar de « l'exercice à la Fournier » que l'on fait exécuter aux
tabétiques. Cet exercice comprend : 10 La recherche de l'asynergie :
(1) malade couché : flexion des membres inférieurs; passage à la position
assise, les bras restant croisés et les jambes étendues; b) malade assis :
toucher avec le pied la main de l'observateur; c) malade debout : poser
le genou sur une chaise ; se renverser en arrière; marcher. 2° La
recherche de l'lllliadococinësie : mouvements alternatifs de pronation et
de supination de la main. a)" la recherche des mouvements démesurés :
porter le doigt sur le nez. tracer une ligne jusqu un point donné. 4° La
recherche de la catalepsie cérébelleuse : le malade étant couché, main-
tenir les pieds en l'air, les jambes et les cuisses demi fléchies.
L asynergie peut être bilatérale, elle est très fréquemment unilatérale,
et la comparaison du coté malade avec le côté sain facilite le diagnostic;
quand 1 asynergie est unilatérale, le malade tend uiomlmr du même côté,
la titubai ion le porte toujours de ce côté qui est le côté de la lésion.
Le syndrome cérébelleux de Babinski. plus ou moins complet, est sou-
vent accompagné de vertiges, de nystagmus ou parfois, au contraire, de
hxtte des yeux, de vomissements, de céphalalgie occipitale : ces
[A. LÉRI]
776 INCOORDINATIONS.
symptômes accessoires confirment le siège cérébelleux de la lésion.
Le syndrome s'observe :
l Dans les affections du cervelet, mais, ainsi que Babinski l'a reconnu
et que nous avons pu nous en convaincre, il est loin de s'observer dans
. la totalité des lésions du cervelet; les parties du cervelet dont la deslruc-
tion détermine ce syndrome ne sont pas encore bien définies.
Le syndrome se rencontre parfois presque pur dans des scléroses ou
des atrophies du cervelet. Dans les atrophies cérébelleuses accidentelles,
qui surviennent quelquefois rapidement à la suite d'un traumatisme ou
d'une infection, l'incoordination est souvent asymétrique, tendant à
l'unilatéralité, et ordinairement accompagnée d'épilepsie ou de troubles
mentaux graves.
L'atrophie Oll.vO-0)t ! o-C('1'Glllll(SG, isolée par Dejerine et Thomas et
étudiée par l.aew, affection dont l'étiologie est inconnue, ne se manifeste
guère cliniquement que par le
syndrome cérébelleux isolé.
Dans la sclérose en plaques,
le syndrome cérébelleux révèle
l'existence d'une plaque de
sclérose du cervelet ou de la
protubérance; etm0me, d'après
Babinski, le tremblement in-
tentionnel, la scansion de la
parole et le nystagmus ne se-
raient, pas caractéristiques de
la sclérose en plaques, mais bien d'une lésion du cervelet ou des voies
cérébelleuses; s'il sont si communs dans la sclérose en plaques, c'est
que dans cette maladie il existe généralement des plaques prolubéran-
tielles qui intéressent les voies cérébelleuses ; mais ces troubles feraient
défaut quand les plaques de sclérose sont limitées il la moelle.
Souvent le syndrome de l'asynergie est symptomatique de tumeurs du
cervelet : dans ces cas, qui sont beaucoup plus riches en symptômes que
les scléroses ou les atrophie*, il est souvent beaucoup plus marqué, il
s'accompagne généralement de vertiges très intenses, de tous les signes
accessoires que nous avons énumérés plus haut et de signes de com-
pression cérébrale, souvent de signes d'altération d'organes voisins, du
nerf vestibulaire en particulier.
2° Dans les affections des voies cérébelleuses, en particulier au ni-
veau de la région lmlho-[rrotuluSr;mtiolle; mais, comme nous l'avons dit,
on ne sait encore que par une observation de Babinski et Nageotte que la
lésion du seul pédoncule cérébelleux inférieur est capable de détermi-
ner le syndrome, on ignore encore quelles autres parties des voies céré-
hl'lIeuses peuvent le provoquer. L'association d'hémiplégie alterne, de
paralysies des nerfs bulbaires et de divers symptômes bulbo-prolubé-
rantiels servira parfois à fixer cliniquement le siège de la lésion.
Fig. 12. z Ecriture d'un malade atteint de Sclérose
en plaques avec tremblement intentionnel très
accusé.
INCOORDINATION DANS LES MALADIES HÉRÉDITAIRES OU FAMILIALES. 777
III. INCOORDINATION
DANS LES MALADIES HÉRÉDITAIRES OU FAMILIALES
(FORMES MIXTES)
Nous avons réservé, pour les décrire ensemble, un certain nombre de
maladies qui toutes se présentent le plus souvent, chez plusieurs
membres de la même famille, soit dans une seule, soit dans plusieurs
générations. Ces maladies ont pour caractère commun une incoordination
marquée qui se manifeste par des modifications dans les mouvements
isolés, mais surtout par des troubles de l'équilibre dans la marche et
dans la station. Ces affections forment un groupe, non seulement par
suite de l'existence de ce caractère commun, mais encore parce qu'on
observe des cas intermédiaires entre elles, et que c'est surtout par leur
étude que l'on peut connaître les termes de passage entre l'incoordina-
tion médullaire ataxique et l'incoordinatio» cérébelleuse asynergique
et titubante. 11 faut dire d'ailleurs que ces maladies sont assez rares, et
que les particularités de l'incoordination dans chacune d'elles n'ont
pas été jusqu'ici suffisamment analysées.
a) Dans la maladie de Friedreich ou ataxie héréditaire, le début de
l'incoordination, qui a lieu généralement avant l'âge de 15 ans, se fait
comme clans le tabès vulgaire par les membres inférieurs : aussi les
troubles de la marche sont parmi les premiers symptômes; ils sont d'abord
peu accentués, ils ne deviennent intenses que progressivement, mais sont
alors très caractéristiques.
Comme un cérébelleux, le malade marche les jambes écartées, en
titubant, en festonnant, en décrivant des zigzags à la manière d'un
homme ivre, les bras, non encore incoordonnés, écartés du tronc et
jouant le rôle d'un balancier compensateur; mais en même temps, comme
un ataxique, il s'avance en lançant les jambes en avant*et en dehors et
en laissant retomber ses^pieds par le talon, en talonnant : c'est cette
démarche que Charcot a justement qualifiée de tabéto-cérébel-
leuse. Souvent aussi, pendant la marche, la tête oscille d'avant en
arrière comme chez les cérébelleux, parfois le tronc participe aux mou-
vements de salutation ; d'autres fois la tête est maintenue volontairement
fléchie.
Dans la station debout, pour maintenir leur équilibre, les malades,
contrairement aux cérébelleux, ne peuvent trouver de position de stabi-
lité, et sont constamment obligés de changer leurs pieds de place et en
même temps d'imprimer il leur tète et à leur tronc de plus ou moins
amples mouvements de salutation. L'occlusion des yeux accentue beau-
coup moins l'instabilité que chez les ataxiques véritables, mais il n'est
pas vrai, comme le pensait Friedreich, que le signe de Romberg fasse
toujours défaut.
[A. LÉRI.] ]
778 INCOORDINATIONS.
Chez une jeune malade, nous avons relevé l'asynergie dans les mouve-
ments isolés des membres inférieurs par l'exercice il la Babinski ; l'asy-
nergie était ébauchée, mais mélangée à des signes prédominants d'ataxie
vraie.
L'incoordination est plus tardive aux membres supérieurs, mais ne les
épargne pas ; elle se révèle d'abord par la maladresse dans l'accomplis-
scment des mouvements délicats, comme celui de coudre, d'écrire, de
boutonner un vêtement. Pour la préhension des objets, la main « plane »
comme dans le tabès au début, elle décrit une sorte de cône au-dessus
de l'objet avant de s'abattre brusquement sur lui, mais la direction géné-
rale du mouvement est respectée, il n'y a pas de mouvements contradic-
toires désordonnés et, une fois l'objet saisi, les doigts. qui le sentent, ne
le lâchent plus.
A cette incoordination s'ajoute parfois un tremblement intentionnel,
plus ou moins analogue à celui de la sclérose en plaques, niais augmen-
tant moins nettement au sur et à mesure que le membre approche du but;
ce tremblement, quand il existe, rend l'écriture encore plus brisée, plus
irrégulière, souvent presque illisible et parfois tout il fait impossible.
Plus souvent on observe des mouvements choréiformes, parfois des
mouvements athétodes. Cet ensemble de phénomènes, plus ou moins
constants,. donne parfois aux sujets atteints de maladie de Friedreich un
aspect spécial que Charcot a appelé « l'instabilité ('horéifol'llie ».
La face participe souvent il l'incoordination et aux mouvements sur-
ajoutés par des grimaces, des secousses brusques ou lentes, des batte-
ments des paupières, des lèvres, des ailes du ne ? Les yeux présentent
des secousses nystagluiforllles transversales, plus amples et moins nom-
breuses que dans le n ystaglnus vrai, surtout marquées dans les posi-
tions extrêmes du regard. La langue est animée de tremblements fihril-
laires inégaux et agitée de mouvements brusques et irréguliers. La parole
est lente, pesante, appuyée sur certaines syllabes, brusque sur d'autres,
souvent bitonale ou nasonnée, mais ni bégayée, ni véritablement scandée.
L'hypotonie musculaire existe toujours chez ces malades (Sureau),
mais à un degré bien moindre que dans le tabès. Des phénomènes para-
lytiques ont été souvent observés, surtout du côté des membres infé-
rieurs, ils sont généralement modérés; le signe de Babinski a toujours
été observé. Les réflexes tendineux, 'notamment le réflexe rotulien, sont
presque toujours absents, quelquefois seulement diminués. Le signe
d'Argyll fait défaut. Les troubles de la sensibilité superficielle et du sens
musculaire font défaut ou sont peu accentués.
Des (roubles trophiques spéciaux sont très fréquents : ce sont un pied-
bot tout particulier, le « pied de Friedreich », et une scoliose ou une
cypho-scoliose dorsale souvent très accentuée ; ces (roubles sont sans doute
dus à un mélange de paralysie, d'hypotonie, d'atrophie musculaire et de
contracture plus qu'à une altération de la nutrition des os.
L'anatomie pathologique donne la clef de celle association de symp-
INCOORDINATION DANS LES MALADIES HÉRÉDITAIRES OU FAMILIALES. 779
tomes ataxiques, asynergiques et paralytiques : on trouve, en effet, une
sclérose combinée de la moelle à laquelle prennent part il la fois les cor-
dons postérieurs et les cordons latéraux, et. notamment dans ceux-ci les
faisceaux cérébelleux directs.
b) Dans l'hérédo-ataxie cérébelleuse, décrite par Pierre Marie, le
début de l'incoordination, qui a lieu généralement après Page de 15 ans.
se fait aussi par les membres inférieurs. L'incoordination présente à peu
près les mêmes caractères que dans la maladie de Friedreich. La marche
est lente, incertaine, ébrieuse et festonnante ; le corps s'avance en deux
temps comme dans l'asynergie cérébelleuse, le tronc retardant, pour ainsi
dire sur les membres inférieurs qui sont brusquement projetés en avant
de façon ataxique ; une fois, nous avons pu observer une véritable ten-
dance à la propulsion, qui semblait tenir à ce que le mouvement du tronc
précédait celui des membres inférieurs; d'autres fois, surtout quand le
malade se sert de béquilles, le tronc avance le premier, et les membres
restés en arrière sont ensuite traînés péniblement sans quitter le sol
comme s'ils liraient un boulet (démarche traînante décrite par P. Marie
et Crouzon).
La station debout est hésitante, oscillante, instable, comme dans la
maladie de Friedreich. Il y a pas ou peu de signe de Romberg.
Les mouvements isolés des membres inférieurs ont présenté, dans plu-
sieurs cas où nous les avons examinés, une asynergie modérée ou ébau-
chée, mais jamais le syndrome typique de Babinski.
La main « plane » pour la préhension des objets, les membres supé-
rieurs sont animés d'un tremblement intentionnel, très manifeste dès le
début par l'examen de l'écriture, et souvent des secousses choréiformes.
La face participe quelquefois à l'incoordination et aux mouvements
associés. Les yeux sont animés de secousses nystigmiformes, La langue
est agitée de secousses irrégulières. La parole est, comme la démarche,
« pesante, incertaine, titubante », irrégulière et explosive, saccadée, mais
non scandée. Il n'y a presque jamais de troubles de la sensibilité superfi-
cielle ou profonde.
Tous les troubles de la coordination sont donc à peu près les mêmes
dans la maladie de Friedreich et dans la maladie isolée par P. Marie; ce
qui distingue celle-ci, c'est, outre le début plus tardif, la conservation
ou 1 exagération presque constante des réflexes rotuliens; la présence
très fréquente de paralysies oculaires ou de troubles ataxiques des mus-
cles de l'oeil; la présence dans près du tiers des cas d'une atrophie optique
présentant il peu près les caractères ophlhalmoscopiques et fonctionnels
de l'atrophie tabétique, mais aboutissant rarement à la cécité complète;
1 absence presque constante enfin de troubles trophiques, de déforma-
lions du pied ou de la colonne vertébrale.
Mais il existe des cas intermédiaires (Seeligmiiller. Hrb, Menxef, Col-
lins, Bolkin, etc.), de sorte que la seule différence qui subsiste parfois
peut être le plus ou moins d'intensité des réflexes rotufiens (Londe).
[A. LÉRI]
780 INCOORDINATIONS.
Les réflexes rotuliens, d'abord exagérés dans l'hérédo-ataxie, peuvent
même, à une époque plus ou moins lointaine de l'évolution, s'affaiblir et
disparaître par suite de l'atteinte tardive de certains faisceaux 'médul-
laires ; le type cérébelleux évolue alors vers le type Friedreich. « Il est
possible, dit P. Marie, que l'une et l'autre affection ne soient que des
modalités différentes d'une même espèce morbide, un même processus
initial, dégénératif héréditaire, frappant dans le système nerveux des sys-
tèmes organiques analogues, mais distincts, on bien intéressant dans la
maladie de Friedreich un nombre de systèmes autres que dans l'hérédo-
ataxie cérébelleuse H.
L'anatomie pathologique justifie celte hypothèse et explique la sympto-
matologie et ses variétés; elle montre une diminution constante, mais
parfois minime, du cervelet, et des lésions inconstantes, mais parfois très
nettes, des conducteurs cI'l'lbello-médullaircs; on observe quelquefois
la petitesse de tout le système nerveux central, surtout de la moelle,
l'atrophie de la substance grise, la dégénération partielle des cordons
postérieurs, des colonnes de Clarke, des faisceaux de Gowers et des corps
restiformes (P. Marie et witalsl : i, Thomas et Roux, Miura) : en somme,
des lésions très variées et très étendues.
c) La névrite interstitielle hypertrophique, décrite par Gombaull
et Jlallct, Dejerine et Sottas, Pierre Marie présente aussi bien des analo-
gies avec la maladie de Friedreich : début précoce et caractère familial,
incoordination, nystagmus, abolition des réflexes rotuliens, déformation
des pieds et du rachis. Mais elle s'en distingue par l'hypertrophie des
troncs nerveux, même des troncs superficiels qui sont parfois saillants
sous la peau IP. Marie), l'atrophie musculaire manifeste des membres
inférieurs et supérieurs à type Charcot-Marie, le signe d'Argyll plus ou
moins complet, parfois avec myosis, les douleurs fulgurantes, les alté-
rations des divers modes de la sensibilité, parfois un tremblement inten-
tionnel. Elle se distingue aussi par les caractères de l'incoordination;
l'incoordination est consécutive aux (roubles sensitifs et due, comme celle
du tabès, Ù l'altération des voies sensitives (nerfs périphériques, racines
médullaires et cordons postérieurs) ; aussi elle présente les earacteresde
l'ataxie tabétique. Le malade festonne en marchant, mais surtout il lance
ses jambes; il ne talonne pas pourtant, car il cause de l'atrophie mnscu-
laire ses pieds sont pendants et il a une tendance : 1 stopper. Les chan-
gements de direction sont très difliciles. Le signe de Romberg est très
accusé. La station debout ne peut être prolongée ; ledérobement desjambes
est fréquent. Les mouvements des membres supérieurs présentent des
déviations sans rapport avec le but il atteindre; la main s'agite sur les
objets : '1 saisir et se précipite sur eux ou à côté d'eux.
INCOORDINATIONS DANS LES NÉVROSES. 781
IV. INCOORDINATION DANS LES NÉVROSES
Certains neurasthéniques ont des vertiges, de l'hésitation et de l'in-
certitude de la marche, parfois une véritable démarche en zigzag, plus
ou moins analogue à la titubation cérébelleuse; la démarche ébrieuse peut
même se rencontrer indépendamment de toute sensation vertigineuse;
parfois il existe aussi une ébauche du signe de Romberg ()3ouvcrel).
Ces troubles, associés aux troubles gastriques et génito-urinaires, aux
douleurs lombaires si fréquentes chez les neurasthéniques, donnent lieu
cliniqueinent à un véritable pseudo-tabes neurasthénique. Ces symptômes ?
sont un puissant argument en faveur de l'hypothèse, émise par le pr Tcissiey ?
(de Lyon) et soutenue par son élève Delmas, que la neurasthénie est un .
syndrome cérébelleux.
L'hystérie ne provoque guère, contrairement à ce qu'on a prétendu,
d'incoordination. Le type le plus ordinaire de la prétendue incoordina-
tion hystérique est l' astasie-abasie; Charcot, qui l'a décrite avec ses élèves
P. Riche et 111ocd, en distinguait une forme paralytique et une forme
ataxique. En réalité, il s'agit dans les deux cas d'une paralysie de cause
fonctionnelle, qui, comme toutes les paralysies hystériques, est essentiel-
lement systématique, c'est-à-dire ne porte que sur un ou plusieurs des
mouvements que le groupe de muscles paralysés est appelé à exécuter.
C'est ainsi qu'un hystérique peut être soit incapable de marcher (abasie^
pure), soit à la fois incapable de marcher et de se tenir debout (astasie-
' abasie) sans qu'aucun des groupes de muscles qui entrent enjeu dans la
station ou dans la marche présente, pris isolément ou dans les autres
mouvements les plus variés, aucun affaiblissement ou aucune incoordina
tion; bien plus, la plupart des astasiques-abasiques se créent à eux-
mêmes un procédé de progression bien plus difficile à exécuter que la
marche ordinaire et dans lequel entrent généralement en jeu les mêmes
muscles qui sont censés être paralysés. j
La l'orme ataxique de Charcot ne diffère de la forme paralytique que
par l'association de mouvements hystériques surajoutés, soit choréi-
formes (astasie-abasie clloréiforme), soit trépidants (astasie-abasie trépi-
dante) ; mais ces mouvements compliquent un trouble fonctionnel de la
marche, ils n'en sont pas la cause, et, à notre sens, l'incoordination n'a
rien à voir avec l'astasie-abasie : les variétés de cette affection sont à
décrire avec les troubles de la marche.
[A. LÉRI.]
782 INCOORDINATIONS.
TABLEAU DES CARACTÈRES ET VARIÉTÉS CLINIQUES DES
INCOORDINATIONS 1
(Perte de l'harmonie entre les muscles qui concourent à l'exécution
de chaque mouvement).
1. INCOORDINATION ATAXIQUE
Origine : trouble sensitif : perte de la notion du degré de contraction des muscles.
Caractères :
Il Manque de modération des mouvements par défaut de contraction des anta-
. gonistes. eS..
2° Influence du contrôle de la vision : signe de Romberg.
Symptômes concomitants : .'
Constant : modification de la sensibilité superficielle ou surtout profonde;
Fréquents : hypotonie musculaire; diminution ou abolition, des réflexes ten-
dineux.
Variétés topographiques (suivant le siège de la lésion des voies sensifivesousen-
sorielles) :
a) Moelle (racines et cordons postérieurs) :
" INCOORDINATIONS. 785
d) Cerveau :
Ullilatémlité : hémiataxie;
Faible intensité des signes d'incoordination :
Concomitance d'hémiplégie avec hémianesthésie (par hémorragie ou ramollis-
sement, surtout tumeur cérébrale) ; Concomitance d'hémiplégie cérébrale
infantile exceptionnellement (Rouchaud).
e) Système nerveux entier : intoxications aiguës :
Troubles associés nerveux et gastro-intestinaux;
Signes d'incoordination surtout cérébelleuse : troubles de l'équilibre;
., Signes spéciaux suivant l'intoxication :
a) Ivresses passagères : alcoolique; iodique, bromique, quinique, chlora-
lique, etc.
b) Ataxies aiguës plus durables, rares : alcoolique (Beebterew), alimen-
taire (Schnitzer).
f) Nerf labyrinthique, périphérique ou central : « ataxie labyrinthique » :
Mélange de troubles de l'équilibre cinétique importants (d'apparence cérébcl-
* leuse ? ) et de troubles de l'équilibre statique avec signe de Romberg (d'appa-
rence radiculo-médullaire ? ) ;
Concomitance de lésion de l'oreille interne, souvent de signes oculaires (nystag-
mus vrai, nystagmus de rotation ou post-rotatoire).
II. INCOORDINATION CÉRÉBELLEUSE
Origine : trouble de coordination motrice par lésion de l'appareil cérébelleux.
A. TITUBATION CÉRÉBELLEUSE de Duchenne,
Caractères :
Démarche ébriellse. festonnante, irrégulière et inégale, lente et incertaine.
t Station debout hésitante et oscillante. Parfois oscillations des membres
supérieurs, écriture irrégulière; parole scandée.
Astres éléments du « syndrome cérébelleux de Duchenne », symptômes
associés ou non : Tremblements, vertiges, nystagmus, strabisme, asthénie,
vomissements, etc.
Localisation topographique : lésion du vermis.
B. ASYNERGIE CÉRÉBELLEUSE de Babinski.
Caractères :
Décomposition des mouvements composés par défaut de synergie des muscles des
différents segments du corps.
Variétés cliniques :
a) Grande asynergie : démarche asynergiquc type : dissociation des mouve-
ments de progression des muscles inférieurs et du tronc, d'où perte de
l'équilibre.
. b) Petite asynergie : série de petits signes décelables dans les mouvements
d'épreuve (exercices à la Babinski).
Autres éléments de « syndrome cérébelleux de Babinski B, symptômes
associés ou non : "
Mouvements démesurés; exagération de l'amplitude des mouvements.
Adiadocil1Óie : ralentissement de la succession des mouvements, notamment
des mouvements opposés alternatifs.
Catalepsie cérébelleuse : exagération de l'équilibre statique volitionnel.
[A,LÉRL]
784 ' INCOORDINATIONS.
Variétés topographiques :
a) Affections du cervelet :
Atrophie ou sclérose : syndrome pur- ou associé à épilepsie et troubles mentaux z
Tumeurs : syndrome associé à vertiges, nystagmus, vomissements, céphalalgie
occipitale, signes de compression cérébrale, souvent aiaxie labyrinthique.
b) Affection des voies cérébelleuses, bulbo-protubérantielles (notamment pédoncules
cérébelleux inférieurs) : Syndrome associé à hémiplégie alterne, paralysies
- ~" bulbaires, symptômes bulbaires (glycosurie, etc.).
111. Cas intermédiaires et mixtes : groupe des maladies hérédi-
taires ou familiales avec incoordination :
a) Ataxie héréditaire de Friedréich début, précoce (avant 15 ans) :
TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS
LA RÉÉDUCATION DES MOUVEMENTS
. , par le D' ANDRÉ LÉRI
Parmi les traitements divers, mécaniques et physiques, qui ont été
appliqués au traitement de l'incoordination, aucun n'a donné les brillants
résultats de la rééducation motrice : c'est aujourd'hui la vraie méthode
de choix dans la cure de l'ataxie.
Les autres procédés sont entrés à peu près complètement dans le
domaine de l'histoire : la suspension, l'élongation de la moelle ou des
nerfs ont donné quelques résultats si fâcheux et ont paru parfois si dan-
gereux que, malgré l'impression favorable qu'avaient paru produire
certains succès plus ou moins nets du début, on les a maintenant entiè-
rement abandonnés, L'électrisation faradique et galvanique et le massage
ont leurs indications surtout dans les troubles parétiques ou atrophiques
du tabès, ainsi que pour atténuer certains troubles sensitifs et comme
tonique général dans cette maladie essentiellement cachectisante ; ils
peuvent donc être d'un utile secours, mais ils ne paraissent avoir aucune
action directe contre l'incoordination elle-même (Constensoux).
PRINCIPES GÉNÉRAUX DES DIFFÉRENTES MÉTHODES
DE RÉÉDUCATION MOTRICE
La rééducation motrice, telle qu'elle était pratiquée depuis longtemps
déjà avec succès dans certaines paralysies, hémiplégie, paraplégie spas-
modique, paralysie agitante, etc., avait donné d'assez mauvais résultats
dans le traitement de l'alaxie du tabès, quand Frenkel (de Hciden) eut
1 idée de la pratiquer dans cette maladie selon des principes absolument
nouveaux. ,
Les exercices de. rééducation des paralytiques avaient pour but essen-
tiel de rendre plus ou moins complètement aux muscles la force qu'ils
avaient perdue d'abord par le défaut d'influx nerveux, ensuite par le
manque d activité, souvent aussi en partie par la perte de confiance du
malade en un retour de sa inutilité. Il s'agissait donc d'exercices de force :
exécutés ou non tout d'abord sous l'eau pour diminuer le poids du
membre, les mouvements des différents segments devaient avoir la
PnATh¡UE NKumu . 50
[A. LÉRI 1
786 TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS.
plus grande puissance possible ; ils étaient arrêtés par la sensation de
fatigue ; le massage et l'électrisation contribuaient à rendre aux muscles
leur volume et leur pouvoir contractile.
De tels principes étaient évidemment inapplicables aux incoordinations.
Nous avons dit qu'il y a deux grandes variétés d'incoordinations actuelle-
ment isolées, l'incoordination cérébelleuse et l'incoordination ataxique;
ni dans l'une ni dans l'autre ce n'est la force qui fait défaut aux muscles,
ni dans l'une ni dans l'autre il n'y a de paralysie ou d'atrophie.
La physiologie pathologique et la pathogénie de la titubation céréhel-
leuse sont, il est vrai, à peu près inconnues; on sait seulement qu'il ne
s'agit aucunement d'une faiblesse des muscles isolés. Mais l'asynergie
cérébelleuse est bien mieux étudiée dans ses déterminations palhogé-
niques ; or, dans l'asynergie cérébelleuse, ce qui manque, c'est la faculté
d'exécuter synergiquemenl les mouvements des différents segments du
corps, mais nullement le pouvoir d'exécuter isolément, et avec force, le
mouvement de chacun de ces segments : la rééducation devrait donc se
proposer pour but de faire « composer » avec des mouvements élémen-
taires des mouvements de plus en plus complexes; des tentatives de cet
ordre n'ont pas donné jusqu'ici de résultat. Nous ne savons encore si une
lésion limitée des centres ou des conducteurs cérébelleux altère défi-
nitivement la fonction de coordination du cervelet, si l'on ne peut trans-
férer par l'exercice à une portion intacte du cervelet le pouvoir coordi-
nateur qui siégeait dans la partie lésée : la rééducation des cérébelleux
asynergiques ne nous parait pas impossible a priori, mais on ne connait
pas encore de méthode qui s'applique il ces malades.
Pour ce qui est de 1*'(ilaxie, on est aujourd'hui tout autrement pourvu.
On sait que l'ataxie, et particulièrement t'ataxie tabélique, due essentiel-
lement il la lésion des conducteurs sensitifs, racines et cordons posté-
rieurs, est avant tout un trouble sensitif : si le malade exécute mal les
mouvements les plus simples, c'est surtout parce qu'il ne sent pas avec
quelle force ses muscles se contractent, parce qu'il a perdu plus ou moins,
avec la sensibilité cutanée, la sensibilité profonde, musculaire, articulaire
et osseuse; s'il exécute plus mal encore les mouvements plus complexes,
c'est avant tout parce qu'il ne sent pas quelle vigueur relative il donne à
chacun des mouvements élémentaires. Mais ce n'est nullement parce que
chacun de ses muscles ou de ses groupes musculaires n'a pas la force
d'accomplir le mouvement : au contraire, le mouvement s'accomplit
presque toujours avec trop de force, et, tout anormal et irrégulier qu'il
soit, quand il atteint au but, il le dépasse presque toujours. Le traitement
idéal de l'ataxie consisterait donc à rendre aux différentes parties, super-
ficielles et surtout profondes, leur sensibilité normale; on ne connait pas
de moyens de rétablir la sensibilité perdue, mais la méthode de rééduca-
tion de Frenkel se propose de tourner la difficulté en utilisant ce qui reste
de sensibilité.
Par un exercice patient et prolongé composé de mouvements passifs et
PRINCIPES GÉNÉRAUX DES DIFFÉRENTES MÉTHODES DE RÉÉDUCATION MOTRICE. 787
de mouvements actifs, pratiqué méthodiquement sous la direction
constante de l'éducateur et sous le contrôle permanent de la vue du
malade lui-même, cette méthode l'habitue à savoir quelle dose de sensi-
bilité, pour ainsi dire, répond à telle ou telle contraction musculaire;
naturellement moindre qu'à l'état normal pour une même contraction,
puisque d'une façon générale la sensibilité des memhres ataxiques est
diminuée. Ces exercices, appliqués bien entendu étectivemcnt à tels ou
tels muscles ou à tels ou tels mouvements, éduquent donc la sensibilité
« nouvelle » et, jusqu'à un certain point, l'affine en faisant sentir au
malade des contractions qu il aurait à peine ou pas senties s'il ne les
avait pas vues.
Cette rééducation rend aussi au malade la confiance en la possibilité
d'exécuter à nouveau des mouvements coordonnés; elle lui rend en outre
la notion de certains mouvements simples qu'il est utile d'exécuter suc-
cessivement ou simultanément pour arriver à un acte plus compliqué,
l'acte de s'asseoir ou de se lever par exemple; les malades perdent très
facilement l'habitude de ces mouvements associés et les « oublient »
souvent avec une extrême rapidité (').
. CONDITIONS NÉCESSAIRES POUR LA RÉÉDUCATION DES ATAXIQUES
On comprend que, pour que cette rééducation puisse donner des
résultats, il faut qu'un ensemble de conditions se trouvent réalisées :
1° Il faut que les membres à rééduquer aient conservé une certaine
sensibilité, puisque c'est cette sensibilité restante que l'on utilise et que
l'on développe; moins l'anesthésie sera prononcée, plus la rééducation
aura de chances d'être rapide et complète.
" Il faut que l'anesthésie ne soit pas trop rapidement progressive,
car un malade, qui s'est habitué à éprouver une sensation donnée pour
une contraction musculaire d'une intensité donnée, aura besoin d'une
nouvelle rééducation si la sensation devenait rapidement moindre pour
la même contraction; d'une façon générale, il faut éviter avec soin pour
commencer une rééducation les périodes d'évolution aiguë ou subaiguë
que l'on observe parfois dans le tabes.
5° Il faut que le malade ait conservé la vision, car c'est seulement
le contrôle de la vue qui permet au malade de se rendre compte de la
force de ses contractions et de la sensation qu'il devra éprouver le jour
où, la rééducation terminée, il devra les exécuter sans regarder ses mem-
hres. Dans la presque totalité des cas, les tabétiques aveugles ne sont pas
réétlucaliles; très exceptionnellement pourtant, chez des tabétiques peu
anesthésiques, particutièrement intelligents et attentifs, et en usant de
certains subterfuges comme l'utilisation du tact ou de l'ouïe, on peut
arriver à rééduquer plus ou moins des tabétiques aveugles.
I. Nous négligeons ici les principes de la rééducation motrice dans les tics; nous
l étudierons il l'arlicle « Tics » et nous verrons alors qu'il s'agit plus d'une rééducation
de la volonté que d'une rééducation de la motilité.
[A. LÉRI.]
788 TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS.
4° Il faut que le malade soit suffisamment intelligent pour com-
prendre ce qu'on attend de lui, suffisamment attentif pour surveiller
constamment des yeux tous les exercices, suffisamment patient pour se
prêter à la longueur du traitement, à la lenteur des progrès et à la
minutie des exercices, pas trop pusillanime ou trop phobique pour
craindre exagérément toute tentative de mouvement qui lui paraît menacer
son équilibre. Bien entendu, aucune tentative de rééducation ne peut être
faite chez des aliénés, par exemple des tabétiques paralytiques généraux,
même tout au début de leur lésion cérébrale. Frenkel cite les anciens
officiers, intelligents, soigneux, habitués à la discipline et audacieux,
comme particulièrement aptes à la rééducation. '
5° Il faut que l'éducateur soit très au courant de la physiologie des
mouvements, qu'il sache apprécier dans chaque cas le siège et le degré
des troubles sensitifs, la nature des mouvements compromis et les
exercices les plus appropriés à rendre à ces mouvements, simples ou
complexes le degré de coordination suffisant au rôle ordinaire qui leur
est dévolu dans l'existence courante.
NOTIONS PRATIQUES GÉNÉRALES ^|f
L'un des principes essentiels, est d'éviter avec soin les mouvements
brusques ou violents et les mouvements excessifs : les fortes contrac-
tions musculaires vont à l'encontre du but qu'on se propose, qui est au
contraire de régler, en les modérant, les déplacements des membres ou
des segments de membre. De plus, les mouvements forcés amènent à l'étal
normal la fatigue, sensation favorable en ce qu'elle arrête les mouve-
ments au moment où ils deviennent nuisibles et épuisants pour les
muscles; or, la sensation de fatigue est très atténuée ou nulle dans les
membres ataxiques : les mouvements forcés n'en sont que plus à redou-
ter. Enfin, on sait avec quelle facilité peuvent se produire chez les tabé-
tiques, atteints de troubles trophiques multiples, les ruptures muscu-
laires et les fractures dites spontanées.
Pour les mêmes raisons, on évitera soigneusement les séances trop
prolongées et de préférence on les répétera en les espaçant. D'une façon
générale, les séances dureront au maximum une demi-heure ; elles seront
composées d'un certain nombre d'exercices d'une durée de quelques
minutes suivis de repos; elles seront répétées deux ou trois fois dans une
journée (').
Ce qu'on demandera uniquement aux mouvements chez les tabétiques,
c'est l'exactitude, la souplesse, l'adresse. Pourtant on devra faire des
différences suivant les mouvements à exécuter : il est bien évident que
ces qualités seront bien plus utiles pour les membres supérieurs, pour
les doigts tout particulièrement, que pour les membres inférieurs; quel-
1. Pour éviter la fatigue, Frenkel recommande de ne pas faire simultanément la
rééducation et la cure balnéaire; les médecins de Lamalou admettent au contraire les
deux cures combinées.
NOTIONS PRATIQUES GÉNÉRALES. 789
ques centimètres de plus ou de moins dans la longueur des pas n'empê-
cheront pas un tabétique de marcher; quelques millimètres de plus ou
de moins dans l'acte de préhension l'empêcheront totalement de saisir
un objet et de s'en servir, par exemple de prendre son porte-plume et
d'écrire. Encore faudra-t-il distinguer suivant différentes conditions et
en particulier suivant la profession des malades; il sera superflu d'obte-
nir d'un sujet une guérison absolue hors de proportion avec les obliga-
tions de sa vie courante, et, par exemple, on exigera plus, pour la
rééducation des doigts, d'une couturière, d'un dessinateur, d'un horloger,
d'un barbier, que d'un charretier ou d'un boucher.
Toutes ces notions paraissent très évidentes; il ne nous a pourtant
pas paru superflu de les rappeler, parce qu'elles sont trop souvent négli-
gées dans la pratique, où fréquemment on oublie le but de la méthode
et compromet ainsi ses résultats.
Ce sont d'ailleurs les seules notions qu'il soit utile de bien posséder;
les exercices eux-mêmes peuvent être variés à l'infini, suivant le siège
et l'intensité des troubles ataxiques et suivant l'ingéniosité de l'éducateur.
Aussi n'est-ce que pour servir d'exemple pour la pratique que nous
signalerons les principales séries d'exercices préconisées par Frenkel.
™^ TECHNIQUE
A) Membres inférieurs. La rééducation des membres inférieurs
comprend des exercices au lit, éliminant le poids du corps et son main-
tien en équilibre, et des exercices de marche. L'importance relative qu'il
convient de donner à ces deux séries d'exercices varie naturellement sui-
vant le degré de l'ataxie à chaque période de la cure. Les exercices des
membres inférieurs dans la position debout, nécessitant le maintien en
équilibre sur une seule jambe plus prolongé que dans la marche, con-
stituent une complication des exercices démarche, complication en géné-
ral superflue et qui ne doit en tout cas servir qu'a parfaire le traitement.
Les exercices des membres inférieurs au lit peuvent être exécutés sans
appareils ou avec des appareils ; les exercices sans aucun appareil sont
très suffisants pour arriver il l'incomplète précision que l'on exige de ces
membres dans la vie courante.
A) Exercices sans appareils. 1° Exercices alternatifs de chaque
membre inférieur. Fléchir la jambe au genou et à la hanche en glis-
sant le talon sur le lit, l'étendre de même; varier ce mouvement, en fai-
sant arrêter le pied à mi-chemin d'abord à la volonté du malade, puis au
commandement de l'éducateur; le compliquer en faisant porter la jambe
Iléchie en abduction, puis la faisant ramener en adduction avant de
l'étendre.
Hécinr une jambe en glissant le talon sur le tibia de l'autre jambe,
jusqu'à amener le talon sur la rotule, l'étendre de même jusqu'au cou-de-
pied, puis jusqu'à la pointe du pied ; varier de la même façon ce mouve-
ment en faisant arrêter le pied en chemin, à volonté et au commandement.
[A. LÉRI 1
790 TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS.
Fléchir une jambe sans glisser le talon, mais en le soulevant au-dessus
du lit, l'étendre de même; varier ce mouvement en faisant porter le pied
sur le lit dans l'angle formé par la cuisse et la rotule, sur le milieu de la
jambe, sur le cou-de-pied, sur les orteils; dans tous ces exercices arrêts
à volonté ou au commandement; compliquer le mouvement en combinant
les arrêts. Une succession de mouvements de ce genre, très importante
et très utile, est la suivante : talon sur le genou, sur le lit à côté du
genou, extension à mi-jambe, talon sur le milieu de la jambe, talon sur le
la même hauteur, extension jusqu'au cou-de-picd, talon sur le cou-
de-pied, talon sur le lit à la même hauteur, talon sur les orteils, exten-
sion normale; ou mouvement combine en sens inverse.
1'airc lés mêmes mouvements, le talon ne se soulevant plus au-dessus
du lit, mais au-dessus du tibia sans le loucher : arrêts à volonté, au
commandement, arrêts sur le doigt de l'éducateur posé à un niveau quel-
conque du tibia, arrêts en divers points de la paumc de la main du
médecin.
Fléchir une jambe, l'élever de façon à la mettre à angle droit avec la
cuisse, l'étendre et la reposer doucement; élever une jambe allongée, la
fléchir à angle, droit sur la cuisse, l'étendre; fléchir une jambe, la mettre
à angle droit sur la cuisse, l'étendre complètement en l'air, la reposer
sur le lit.
2° Exercices simultanés des deux membres inférieurs. On peut
varier à l'infini ces exercices en faisant exécuter par l'un et l'autre des
membres inférieurs des mouvements semblables à ceux que nous venons
-de décrire, et cela dans des conditions différentes : 1° les deux .membres
exécutant simultanément le même mouvement; 2° les deux membres
exécutant alternativement des mouvements soit semblables, soit dissem-
blables; 5° les deux membres exécutant simultanément des mouvements
dissemblables. Exemples : .
1° Fléchir et étendre les deux jambes, les malléoles et les genoux res-
tant en contact : complètement ou à mi-chemin, arrêts à volonté ou au
commandement, en glissant les talons sur le lit ou en les soulevant.
2° Fléchir les deux jambes, étendre l'unc, la replier, étendre l'autre,
la replier, les étendre toutes deux : mêmes variations possibles.
5° Fléchir une jambe, l'étendre en même temps qu'on fléchit l'autre;
porter l'une fléchie en abduction en même temps qu'on étend l'autre;
glisser le talon sur le tibia de l'autre jambe pendant que celle-ci se fléchit
et s'étend; fléchir et étendre une jambe en la glissant sur le lit et l'autre
en la soulevant, etc
Ces exercices ne devront pas, bien entendu, être exécutés dans l'ordre
où nous venons de les décrire; on fera d'abord exécuter les plus simples,
aussi bien avec les deux membres inférieurs qu'avec un seul membre,
pour passer ensuite aux plus complexes; dans les séances ultérieures,
quand on sera renseigné sur le degré et le siège de l'ataxie, on éliminera
les mouvements trop simples et l'on insistera sur ceux dont la coordina-
TECHNIQUE. 791
tion laisse le plus nettement à désirer et qui paraissent les plus utiles.
Parmi les mouvements utiles, on choisira ceux qui nécessitent le mini-
mum de travail musculaire et le maximum d'action coordinatrice ; on
n'oubliera pas que les mouvements qui exigent la plus forte contraction
musculaire sont les plus faciles, les malades compensant l'insuffisance de
leur sensibilité musculaire par des contractions plus fortes, mais qu'ils
ne sont pas les plus utiles; la rééducation doit surtout limiter les mou-
vements, ceux-ci doivent rester en deçà de leur amplitude normale.
Pour être exécutés avec sécurité, ces mouvements limités doivent être
exécutés lentement : il faut combattre la tendance à l'accélération qu'ont
tous les malades au début.
Les plus simples de ces mouvements sont encore trop compliqués quand
il s'agit d'ataxie très avancée : dans ce cas il faut au début limiter les
mouvements à une seule articulation, il faut commencer par la rééduca-
tion de la paralysie (stade « paralytique » du tabes) avant de pouvoir
pratiquer la rééducation de la coordination.
B) Exercices avec appareils. On a imaginé de nombreux appareils
plus ou moins simples pour donner de la précision aux mouvements exé-
cutés par les membres inférieurs au lit : leur utilité est très contestable
et en tout cas très restreinte. En voici quelques-uns :
Une jarretière portant un disque de bois : la jarretière est fixée à diffé-
rentes hauteurs sur une jambe, le talon opposé doit venir reposer sur le
disque de bois.
Une barre de bois horizontale, placée au-dessus du lit, repose à chaque
extrémité sur un support; chaque support peut glisser sur le rebord du
lit; la barre peut être élevée ou abaissée le long des supports. Cette barre
peut être ainsi placée plus ou moins près du corps et à une hauteur plus
ou moins grande. L'exercice consiste à poser un pied ou les deux pieds
sur la barre dans ses différentes positions.
La barre de bois de l'appareil ci-dessus est remplacée par une planche
portant de petites planchettes verticales qui présentent elles-même des
entailles concaves : le malade doit porter le cou-de-pied dans ces en-
tailles.
Une planche percée de deux rangées de trous elliptiques (de 10 centi-
mètres dans leur plus grand diamètre) est fixée sous le siège et les mem-
bres inférieurs du malade. L'exercice consistera porter l'un ou l'autre
talon successivement dans chaque trou ou au commandement dans tel ou
tel trou.
Des cercles métalliques de différents diamètres (de 26 à 50 centi-
mètres) peuvent être présentés à différentes hauteurs et à différentes dis-
tances au-dessus des membres inférieurs du'malade au moyen d'une tige
de fer portant des articulations à boules; ces ^cercles peuvent aussi être
présentés il la main. L'exercice consiste à passer un pied dans le cercle,
autant que possible sans le toucher.
Les exercices de marche peuvent être pour la plupart exécutés
[A LÉRI,]
792 TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS.
sans appareils. Us doivent être exécutés sur un sol bien plat, dans une
salle suffisamment longue pour ne pas nécessiter un demi-tour trop fré-
quent (20 mètres environ) ; ils sont grandement facilités par un certain
nombre de dessins simples tracés sur le plancher. Ces dessins sont, par
exemple, les suivants (Frenkel) :
Bande noire dont la longueur est celle de la salle, dont la largeur égale
21 centimètres, c'est-à-dire celle des deux pieds chaussés et placés parant-
lèllenient. Bande noire semblable, mais de il centimètres de large, c'est-
à-dire de la largeur d'un seul pied.
Bandes noires pareilles aux précédentes, mais subdivisées par de lar-
ges raies blanches transversales en tronçons de ü;) centimètres ¡longueur
d'un grand pas ou pas entier) ; chaque tronçon est divisé en 2 par une
raie moins large (50 cential.- demi-pas) ; chacun de ces demi-tronçons
est lui-même divisé en deux par une raie encore plus étroite (15 contint.
= quart de pas ou petit pas).
Bande de 21 centim. en zigzag de C5 centim. de côté.
Empreintes des pieds, les talons réunis, les pointes normalement écar-
tées (de façon que la distance transversale maxima des empreintes = ? il
centim.). '
Empreintes des pieds disposéesen rosace, marquéescnnoir. en hachures
ou en pointillé, indiquant la place que doivent venir occuper les pieds
pour tourner à droite ou à gauche.
La description sommaire de ces dessins permet de comprendre com-
ment on peut, en les utilisant, arrivera faire exécuter avec assez de pré-
cision les exercices suivants :
Marcher lentement en avant, d'abord à volonté suivant l'état du malade,
puis en corrigeant successivement : l'exagération de la rotation de la
jambe en dehors, de façon que l'angle du pied et de la ligne de direction
ne dépasse pas 45°; -l'exagération de la base de sustentation, de façon
à réduire la distance des talons à 20 centim. d'abord, puis à les amener
progressivement au contact; l'exagération ou la diminution de lon-
gueur du pas, de façon à obtenir des pas réguliers, pas moyen de 30 cen-
tim. environ, petits pas de 15 centim., grands pas de <i3 centim. (ces
derniers ne devront être obtenus qu'à une période avancée de la cure).
Faire des demi-pas, des trois quarts de pas ou des quarts de pas en
avant : pas séparés ou séries de pas.
Faire des demi-, trois quarts et quarts de pas sur le côté, à droite et
à gauche : mouvements plus faciles que ceux de la marche en avant,
parce que le corps se maintient [tins aisément en équilibre.
Faire des demi-, quarts et huitièmes de pas en arrière : mouvements
plus difficiles.
Marcher les pieds l'un devant l'autre, sur la bande étroite.
Marcher en zigzag, en série régulière.
Changer de direction, tourner : l'un des pieds exécute une légère rota-
tion, le talon servant de pivot, l'autre pied se soulève et vient se mettre
TECUQDE. 793
auprès du premier. L'angle de rotation, d'abord laissé il la volonté du
malade, sera ensuite indiqué par le médecin au. moyen de lignes tracées
sur le sol.
Marcher les genoux fléchis : on évite ainsi de trop compter sur l'écluili-
bre peu stable obtenu dans la position verticale par la pression récipro-
que des os plus que par l'action synergique des extenseurs et des fléchis-
seurs. C'est un des mouvements les plus difficiles chez les tabétiques et
qu'on utilisera le plus tardivement.
Quand les malades exécutent bien seuls les principales modalités de la
marche, il. peut être utile de les associer entre eux et de faire exécuter
il plusieurs malades ensemble des exercices de marche en avant ou de
côté, à volonté ou au commandement. Un bon procédé pour obtenir la
sûreté et la promptitude des mouvements (non pas la brusquerie du
déplacement des jambes, mais le raccourcissement des intervalles) néces-
saires à la marche normale consiste à placer les malades l'un derrière
l'autre à la distance d'un seul pas : de cette façon le pied de l'un doit se
mettre immédiatement il la place même du pied de celui de l'autre, le
malade d'arrière attendant la place que celui d'avant va laisser libre.
Au lieu d'être semblables, les exercices d'ensemble peuvent être dis-
semblables et plus complexes : par exemple, deux malades vont l'un au-
devant de l'autre; au moment de la rencontre l'un d'eux s'écarte, à vo-
lonté ou au commandement; des malades allant en sens inverse circulent
en 8 entre des chaises ; deux' malades se livrent entre eux à une sorte de
lutte en cherchant d'une main à se déplacer mutuellement, etc.
Comme appareil pour la rééducation de la marche, Frenkel emploie
une croix de bois, surmontée ou non de barres d'appui, sur laquelle se
trouvent dessinées des lignes numérotées indiquant, en partant du centre,
la place de la pointe du pied dans une série de petits pas en avant, en
arrière, à droite et à gauche; cet appareil peut être remplacé par un
simple dessin sur le parquet ou seulement par les bandes subdivisées
dont nous avons parlé. Leyden et Jakob emploient un appareil comprenant,
des barres parallèles à hauteur des mains et, à terre, des cavités mar-
quant la place des pieds. Goldscheider emploie une chaise roulante et des
barres parallèles avec des obstacles constitués par des planchettes
dirigées en sens divers. Frenkel refuse toute valeur à ces appareils, pré-
cisément parce qu'ils ont essentiellement pour but de soutenir le tronc
pendant les mouvements des jambes, alors qu'il importe au premier chel'
d'éduquer le tronc en même temps que les jambes, son équilibre sur les
membres inférieurs étant absolument indispensable à la marche.
En lait, un seul appareil est vraiment nécessaire pour la rééducation
de la marche, c'est un escalier de deux ou trois degrés bas et larges, muni
d une rampe ou de deux rampes mobiles. La montée et la descente d'un
escalier est un exercice très difficile, mais des plus utiles : il doit être
lente il une période avancée de la cure ou dans les cas d'ataxie faible,
avec rampe d'abord, puis sans rampe. Il faudra que le malade puisse
[A. LENT]
794 TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS. 1
réapprendre à se tenir en équilibre sur une jambe pendant que l'autre,
fléchie, se soulève et se porte en avant, puis à soulever tout le poids du
corps sur la jambe placée en avant qui se redresse. On voit combien cet
exercice est complexe.
En dehors de ces deux variétés d'exercices des membres inférieurs ,
exercices au lit et exercices de marche, il sera parfois utile de faire exé-
cuter quelques exercices dans la position assise; mais ceux-ci ne sont
vraiment indiqués que dans des cas bien déterminés. Par exemple, quand
le malade présente de l'anesthésie plantaire avec une grosse incoordi-
nation, il sera utile de lui rendre autant que possible la notion du contact
du sol en lui faisant, dans la position assise, élever la cuisse, le genou
fléchi, puis reposer le pied sur le sol en le frappant avec force; en lui
faisant chausser de forts brodequins, on pourra utiliser pour le mieux,
outre le sens de la vue et la sensibilité générale, les sensations auditives.
Beaucoup plus souvent il est indispensable de réapprendre aux ma-
lades à se lever et à s'asseoir ; ces actes sont composés d'un certain
nombre de mouvements simples qui généralement sont exécutés sépa-
rément avec la plus grande aisance, mais dont la succession est oubliée
très rapidement par des sujets depuis quelque temps alités. Il faut
apprendre aux malades que, pour se lever, il est indispensable, avant
d'étendre les genoux, de ramener les jambes sous le corps et en arrière,
puis de fléchir le tronc en avant. Pour s'asseoir, il importe de leur bien
enseigner qu'ils doivent, en même temps qu'ils fléchissent lentement les
genoux, incliner le tronc fortement en avant. La rééducation de ces mou-
vements est ordinairement des plus aisée.
Tous ces exercices des membres inférieurs seront pratiqués sous le
contrôle constant des yeux, puisque, comme nous l'avons dit, c'est par la
vue que le tabétique qu'on rééduque doit compenser en partie la perte de
sa sensibilité superficielle et profonde. Aussi, pour les exercices de
marche, il importera que les femmes soient vêtues d'un costume de gym-
nastique qui leur permette de voir leurs pieds. Pourtant un homme
normal ne marche pas en regardant ses pieds, et, pour que la cure de
rééducation soit vraiment satisfaisante, il est nécessaire que le sujet
puisse marcher en regardant en face de lui; ceci est vrai pour tous les
sujets, mais tout particulièrement pour les femmes que leur jupe em-
pêche dans la vie courante de voir leurs pieds. Aussi, quand les malades
auront appris, par des exercices suffisamment prolongés sous le contrôle
des yeux, à mieux utiliser les restes plus ou moins importants de leur
ensibilité, il faudra les habituer progressivement à marcher en regar-
dant au loin, en face d'eux, ou même en l'air ou sur le côté; ils con-
servent ainsi les yeux ouverts et peuvent prendre encore des points de
repère sur les objets environnants. Il est plus difficile généralement de
les faire marcher les yeux fermés, c'est-à-dire en supprimant même ces
points de repère : cet exercice a certainement un intérêt pratique
moindre, mais encore manifeste (marche la nuit, etc.); on y recourra ou
TECHNIQUE. 795
non suivant le degré de sensibilité et suivant le degré de rééducation que e
l'on aura pu obtenir.
Dans les exercices au lit, il pourra être utile de faire parfois fermer les
yeux dans deux buts différents : 1° avant le commencement de la cure, la
comparaison des mêmes exercices exécutés les yeux ouverts et les yeux
fermés permettra de se rendre compte de l'intensité des troubles sensitifs
et d'établir ainsi, jusqu'à un certain point, un pronostic; 2° au cours de
la cure, et à une période plus ou moins avancée, il sera bon, de temps en
temps, de faire fermer les yeux pour faire exécuter au malade de véri-
tables « exercices de sensibilité » : ces exercices seront exécutés de deux
façon : a) le médecin donne à un membre inférieur telle ou telle position
sous les yeux du malade; puis le malade ferme les yeux et doit donner à
l'autre membre une position analogue; il rouvre alors les yeux et corrige
ses erreurs; b) le malade, les yeux fermés, doit mettre directement un
membre inférieur dans telle position commandée par le médecin; puis il
ouvre les yeux et corrige la position obtenue.
B) Tronc. La rééducation des mouvements du tronc est le complé-
ment presque toujours indispensable de la rééducation des mouvements
des membres inférieurs. La marche n'est possible que grâce au maintien
en équilibre du tronc sur les membres inférieurs, et le plus léger chan-
gement dans la position des jambes ne va pas sans un changement corres-
pondant dans celle du tronc. Or, dans le tabes, les muscles et les arti-
culations de la colonne vertébrale sont rarement assez anesthésiques
pour que le tronc vacille ou que le malade ne puisse se tenir assis, car
la lésion médullaire siège généralement au-dessous de la zone qui innerve
le tronc; au contraire, l'articulation de la hanche présente presque tou-
jours chez les ataxiques un certain degré d'hypoesthésie qui rend difficile
le maintien en équilibre du tronc sur les jambes.
Les exercices de coordination du tronc devront être déjà pratiqués au
lit; ils consisteront en mouvements de flexion et d'extension, avec incli-
naison variée d'une partie ou de la totalité du tronc en avant ou en
arrière, à droite ou à gauche.
Mais c'est surtout dans la station verticale et dans la marche que les
mouvements propres du tronc devront être surveillés; il faudra décom-
poser les pas et apprendre au malade par des exercices répétés : 1° à à
porter tout le poids du corps sur une jambe par une inclinaison latérale
du tronc, en même temps que le pied opposé se soulève du sol par une
flexion de la cuisse, puis s'avance par une extension de la jambe; 2° à
incliner ensuite le corps en avant de façon il permettre au pied soulevé
de reprendre contact avec le sol; 5° à redresser ensuite le tronc et à l'in-
cliner du côté opposé.
Un léger degré d'hypotonie peut parfois être plus avantageux que nui-
sibte dans ces exercices de marche, parce qu'un faible genu recurvatum fait
mieux reposer en ligne droite qu'il l'état normal les condyles articulaires
du fémur sur les plateaux tibiaux. Un degré plus accentué d'hypotonie
[A. LÉRI.]
796 TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS.
doit être corrigé au préalable par l'application d'un appareil, formé
essentiellement de deux gouttières, l'une pour la cuisse, l'autre pour la
jambe, réunies au niveau du genou par une articulation qui ne permet
pas l'inclinaison en avant.
Une incoordination plus grande du tronc pourra parfois être corrigée
par un corset rigide (Hessing) qui soulage la musculature vertébrale,
mais sans influer directement sur la statique des hanches.
Pour soutenir le tronc pendant la marche, Leyden et Goldscheider
recommandent l'emploi des barres parallèles; comme le malade peut les
abandonner plus ou moins complètement, elles pourraient lui permettre,
jusqu'à un certain point, de se rendre compte des incorrections d'atti-
tudes de son tronc et de graduer lui-même le soutien nécessaire. Frenkel
repousse l'emploi de ces barres comme donnant au tronc un appui trop
fixe et recommande, pour les tabétiques très incoordonnés des jambes et du
tronc, l'emploi d'une très large ceinture en sangle, entourant la poitrine
du malade, fermée en avant par de solides courroies et munie en arrière
et sur les côtés de fortes poignées de bois. Le malade peut être ainsi com-
plètement soutenu et même soulevé et maintenu en l'air par deux infir-
miers ; on peut ainsi éduquer ses membres inférieurs sans avoir à
s'occuper de l'équilibre du tronc, et éduquer ensuite son tronc en
provoquant les inclinaisons antéro-postérieurcs ou latérales, en diminuant
plus ou moins l'importance du soutien sans qu'il y ait à craindre de
chute. Cette ceinture aurait permis à Frenkel d'obtenir d'excellents résul-
tats chez des ataxiques même très gravement atteints.
C) Membres supérieurs. Le traitement rééducateur des membres
supérieurs peut se faire, comme celui des membres inférieurs, avec ou sans
appareils. La rééducation des parties proximales du membre, bras et avant-
bras, ne comporte pas d'appareils spéciaux : elle consiste seulement dans
des exercices simples de flexion et d'extension, d'abduction et d'adduc-
tion, de rotation en dehors et en dedans des articulations correspon-
dantes. La rééducation de la main et des doigts peut aussi se faire sans
appareils : elle consiste alors à faire exécuter un certain nombre de mou-
vements plus ou moins simples des doigts (parmi lesquels il ne faut pas
négliger l'opposition de l'extrémité du pouce à l'extrémité des autres
doigts, mouvement précocement altéré dans le tabès), à faire suivre
quelques schémas ou dessins, il faire toucher du bout des doigts certains
points déterminés, enfin à faire exécuter progressivement certains actes
de la vie courante, tels que écrire, dessiner, boulonner ses vêtements,
jouer du piano, etc.
Mais la précision que l'on est en droit d'exiger des mouvements des
doigts rend beaucoup plus nécessaire l'emploi des divers appareils que
pour la rééducation des jambes.
Voici un certain nombre d'appareils décrits par Frenkel, mais que l'on
peut soi-même modifier suivant les besoins et suivant les ressources dont
on dispose :
TECHNIQUE. 797
Une règle triangulaire porte sur une de ses arêtes une gouttière qui
la parcourt ; cette règle peut être rendue mobile dans tous les sens sur
un support. L'exercice consiste à parcourir la gouttière en ligne droite
avec la pointe d'un crayon; le crayon enregistre les irrégularités. Varier
l'exercice en empêchant d'appuyer le crayon ou en faisant parcourir une
arête sans gouttière.
Une planchette porte des godets numérotés sur tout son pourtour et à
son centre. L'exercice consiste à introduire le doigt successivement dans
les différents godets. On varie l'exercice en faisant introduire le doigt
d'abord dans tous les godets, puis dans un godet sur deux ou trois, puis
dans divers godets au commandement de façon à éviter de la part du
malade toute innervation préparatoire; on le varie encore en faisant
mettre la main du malade derrière la tête de façon qu'il ne puisse la
voir avant d'exécuter l'exercice qui devra être fait le plus rapidement
possible. Une double planchette, inclinable à volonté sur un support,
permet des exercices simultanés et très variés des deux mains.
Une planchette portant des séries de chevilles permet de procéder non
seulement à des exercices de points à atteindre, mais à des exercices de
progression des doigts d'une cheville à l'autre; un bon exercice consiste
à laisser un ou plusieurs doigts immobiles alors que les autres continuent
l'exercice.
Une planchette porte des trous régulièrement espacés dans lesquels le
malade doit introduire des clavettes : cet exercice est plus compliqué, à
la fois parce que l'acte d'introduire un piton dans un petit trou est assez
malaisé et parce que le malade doit porter en même temps son attention
sur deux objets, la planchette et la clavette.
Une petite potence porte des boules de différentes grosseurs suspen-
dues par des fils; ces boules sont mises en mouvement, le malade doit
les saisir dans leur course, d'abord à volonté, puis au commandement.
On varie encore l'exercice en faisant lancer les boules sans qu'elles cho-
quent les voisines, en faisant saisir plusieurs boules simultanément ou
alternativement, en faisant saisir une boule sans en lâcher une autre, etc.
Des disques semblables à ceux d'un jeu de dames, mais de différentes
tailles et de différentes couleurs, sont empilés soit à volonté soit dans un
ordre commandé; l'acte de désempiler les disques isolément est parti-
culièrement délicat.
A ces exercices on adjoindra le calque ou la copie de dessins ou de
schémas divers qui formeront des documents à conserver pour juger
ultérieurement des progrès de la rééducation.
Enfin on ne négligera pas, dans l'intervalle des séances d'exercices,
d'occuper le malade, sous une surveillance aussi continue que possible,
aux menus travaux de la vie courante dont souvent il s'était volontiers
déshabitué : on le fera écrire non seulement au crayon, mais à l'encre,
dessiner, boutonner ses vêtements, son col, nouer sa cravate, faire sa
toilette, faire de la musique, coudre ou tricoter, etc.; tous ces exer-
CA LÉRI]
798 TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS.
cices seront, bien entendu, variables suivant le degré de l'incoordination.
D'une façon générale, la rééducation n'a de prise que sur l'ataxie; or
celle-ci n'est nullement proportionnelle, nous l'avons dit, aux troubles
de la sensibilité cutanée ; comme les troubles de la préhension sont sou-
vent dus, chez les tabétiques, à l'anesthésie cutanée autant ou plus qu'à
l'incoordination, on peut donner pour règle que le pronostic de la cure
sera d'autant plus favorable que, pour un trouble donné de la préhen-
sion, il y aura plus d'ataxie et moins d'anesthésie cutanée.
Nous avons exposé un peu longuement cette méthode de rééducation
motrice; les résultats souvent excellents qu'on en peut obtenir dans le
traitement d'une des affections organiques les plus fréquentes du système
nerveux, l'ignorance fréquente des principes essentiels qui doivent guider
l'éducateur et de la technique qu'il doit employer nous ont paru justifier
l'extension relative que nous avons donnée à cette étude dans un livre de
« pratique neurologique ».
SEMEIOLOGIE DU BULBE
par le D MOUTIER
Etage inférieur de l'encéphale, lieu d'origine d'un certain nombre de
nerfs crâniens, zone où s'entre-croisent les grandes voies sensitive et
motrice cérébro-spinales, le bulbe présente une séméiologie fort corn-
plexe. Resserrés dans une aire étroite, les centres et les faisceaux de
cette région sont fréquemment frappés en masse. Fréquemment aussi
les causes pathogènes n'atteignent point le bulbe isolément, mais lèsent
également la région pontique, d'où la fréquence des syndromes asso-
ciés, bulbo-prolubérantiels. Nous nous bornerons toutefois à présenter
ici une analyse de la séméiologie bulbaire; puis, groupant les signes mor-
bides conformément aux données cliniques usuelles, nous décrirons les
syndromes bulbaires que l'on observc le plus généralement.
Symptômes bulbaires. Au niveau du bulbe se rencontrent
les faisceaux moteurs direct et croisé, le ruban de Reil, le faisceau céré-
belleux direct. On y trouve un certain nombre de formations grises con-
tinuant à ce niveau les cornes médullaires : noyaux moteurs de l'hypo-
glosse, du spinal et du pneumogastrique, du glosso-pharyngien et du
facial en partie, noyaux sensitifs ou sensoriels de l'intermédiaire de,
Wrisberg, du glosso-pharyngien, de l'auditif et partiellement du triju-
meau. Les olives et les parolives. la formation réticulée représentent
enfin des ilôts de substance grise propre au bulbe. ,
On conçoit aisément, en se représentant le cadre osseux étroit en
lequel se resserrent le bulbe et ses émergences nerveuses, que les
influences pathogènes pourront s'excercer aussi bien en l'intimité de ses
éléments qu'à leur périphérie : aussi le bulbe est-il lésé souvent non
seulement de façon intrinsèque ou par hémorragie, ramollissement ou
dégénérescence nucléaire systématisée, mais encore par accidents extrin-
sèques,rnéningites, tumeurs ou caries osseuses.
Quelle que soit l'étiologie en cause, il quels symptômes reconnaitra-
t-on une affection bulbaire ?
On sait que les altérations protubérantielles peuvent se traduire par
une hémiplégie alterne, type Weber ou Millard-Gubler. Il existe égale-
ment un syndrome bulbaire analogue ou hémiplégie alterne inférieure.
Dans cette forme, les membres sont paralysés du côté opposé à la lésion,
[MOUTIER.]
800 SÉMÉIOLOGIE DU BULBE.
et, du côté de celle-ci, se décèle une hémiparalysie de la langue,
accompagnée d'hémiall'ophie en général prononcée. Cette hémiatrophie
est un symptôme de grande valeur, et présente une haute importance
dans la discussion des localisations. Ajoutons qu'à l'hémiplégie linguale
est souvent associée une paralysie faciale également homonyme. b
Il existe d'autres variétés de paralysies motrices, soit que le faisceau
pyramidal se trouve atteint des deux côtés, et l'on observe une hémi-
plégie double, soit que la paralysie et l'atrophie linguales demeurent iso-
lées, unies ou bilatérales, soit que, atteint avec d'autres nerfs bul-
baires, le spinal révèle sa lésion individuelle par une paralysie isolée du
sterno-cléido-mastoïdien et du trapèze. Cette dernière éventualité est,
à vrai dire, assez rare, la paralysie isolée du sterno et du trapèze relevant
surtout de lésions périphériques.
Comment se présente le malade atteint des lésions les plus habituel-
lement observées ? Négligeant l'hémiplégie des membres tout à fait
banale en ses caractères, nous nous attacherons à préciser les troubles
observés dans la sphère des nerfs crâniens. En somme, le syndrome bul-
baire classique par excellence est la paralysie labio-glosso-laryngée. Le
malade a la bouche entr'ouverte et pendante. La langue flasque, droite
ou deviée, demeure collée au plancher de la bouche. Elle est animée de
contractions vermiculaires, et la muqueuse plisséc, chiffonnée, pour
ainsi dire, semble trop large pour le muscle en voie de disparition. La
parole est empâtée (nous verrons qu'il peut y avoir anarthrie totale).
Les lettres i, r, 1, s, g, k, q, ch, d, t, ne peuvent être formées. La langue
ne peut faire progresser le bol alimentaire, et les substances introduites
s'accumulent entre les arcades dentaires et la joue. Les lèvres sont
flasques et la bouche élargie, surtout dans le rire, fendue transversale-
ment, avec de grosses lèvres éversées des commissures desquelles coule
sans arrêt un filet de salive, son faciès pleurard ou figé en une attitude
énigmatique, intermédiaire au sourire et au pleur franc. Le facies du
malade rappelle le masque de la comédie antique (Trousseau). Cependant
l'intelligence est intacte, les yeux (à moins de complications ou de syn-
dromes associés) sont indemnes; et les régions supérieures du visage
trahissent une vivacité intellectuelle que l'on ne retrouve ni chez les
myasthéniques d'Erb, ni chez les pseudo-bulbaires ( 17. les S chapitres
myasthéniques d'Erl, ni chez les pseudo-bulbaires (V. les chapitres
spéciaux à ces deux affections).
La paralysie des lèvres et des joues réduit encore le vocabulaire du
malade qui ne peut, de ce chef, prononcer o, u. b, p, m, n, c. Seule, la
voyelle a peut être émise encore. Souffler et siffler sont impossibles.
Gêné déjà par la paralysie de l'oro-pharynx, le cheminement des ali-
ments, à peine ou point du tout mâchés par suite de la paralysie des
masticateurs', est encore entravé par la paralysie des constricteurs du
1. Lorsque l'atrophie est peu prononcée, le malade, s'il n'est point. Lémiplériyue,
remédie parfois à l'insuffisance des masticateurs en soulevant et maintenant son menton
avec ses mains saines.
SÉMÉIOLOGIE DU BULBE. 801
pharynx et du voile du palais. Le bulbaire avale de travers, tousse et suf-
foque ; de plus la stase des aliments dans l'arrière-bouche détermine une
sensation de strangulation angoissante, parfois presque permanente.
Ajoutons que la paralysie du voile donne à la voix un timbre nasillard.
Lorsque les constricteurs du larynx sont pris à leur tour, la voix nasil-
larde, monotone et faible, est bitonale, rauque parfois. L'épuisement
vocal est hàtif, l'aphonie fréquente. Enfin la paralysie des dilatateurs
laryngés provoque une dyspnée permanente, sifflante, coupée de périodes
de tirage ou même de crises de sufl'ocation dramatique. '
Ajoutons que cet ensemble de lésions expose tout spécialement le
malade au danger des corps étrangers des voies aériennes, et que pour les
bulbaires chroniques la pneumonie de déglutition est une terminaison de
la plus grande fréquence.
Aux symptômes moteurs précédents se superposent, mais avec une
importance variable, des troubles sensitifs. Certains sont banaux : anes-
thésie de la bouche et du pharynx avec abolition du réflexe pharyngé ;
d'autres sont beaucoup plus rares, mais leur constatation est de haute
valeur diagnostique. Il en est ainsi de l'hémianesthésie et de l'hyperes-
thésic croisées associées à l'hémiplégie, ou des troubles sensitifs homo-
nymes du trijumeau, compliqués parfois de kératite neuro-paralytique.
On a signalé une incoordination motrice secondaire aux troubles f
sensitifs étendus et intenses; mais il peut survenir par lésion directe du
bulbe une asynergic de type cérébelleux. Cette asynergie homolatérale
est due à quelque foyer de la région supérieure du bulbe intéressant les
faisceaux ou pédoncules cérébelleux. On peut également observer des
vertiges, de la titubation, de la latéropulsion homonymes.
A la hauteur du bulbe naissent le pneumogastrique et le spinal; aussi
les troubles viscéraux et trophiques tiennent-ils une grande place dans la
séméiologie de celle région de l'encéphale. La respiration peut être des
plus gênées. L'effort expiratoire surtout est difficile. Le malade oppressé,
cyanose, présente tantôt une respiration stertoreuse régulière, tantôt un
rythme respiratoire irrégulier, affectant généralement le type de Cheyne-
Stokcs; il y a fréquemment myosis au moment de l'apnée. La toux est
difficile, sinon impossible; aussi l'asphyxie, la mort sont-elles mena-
fautes à propos de la moindre bronchite.
, Le coeur est fréquemment troublé dans son rythme. Il y a enlbryo-,
brady- ou tachycardie. Le pouls est faible, hypotendu. Les syncopes sont
fréquentes : la mort par syncope cardiaque est encore pour le bulbaire
un mode de mourir de plus à redouter.
Les sécrétions glandulaires sont hautement perturbées : il y a salivation
et sudation abondantes. La glycosurie est de fréquente observation, sans
que son mécanisme, soit bien précis, inhibition ou paralysie, action élec-
tive sur le foie ou sur le pancréas. On a noté d'énormes polyuries : des
malades, surtout dans les troubles bulbaires traumatiques, ont uriné
jusqu à 8 litres en 24 heures. L'albuminurie est rare mais peut s'observer.
Pratique nr : onm.. 51
[MOUTIER.)
802 SÉMÉIOLOGIE DU BULBE.
Ajoutons, pour en finir avec les troubles neuro-trophiques, que l'on a pu
ranger dans les complexus symptomatiques bulbaires, l'asphyxie locale
des extrémités.
II existe encore un syndrome sympathique oculaire d'origine but.
baire ; le myosis, la rétraction du globe ophtalmique, un ptosis lé7er en
sont les éléments. On a également rangé, dans le cadre qui nous intéresse
ici, des crises d'angine paroxystique pure (Brissaud, Bonnier).
. SYNDROMES ET MALADIES BULBAIRES
Les altérations bulbaires coïncident fréquemment avec des lésions pro-
tubérantielles ; aussi les syndromes observés présentent-ils souvent des
caractères mixtes. Le syndrome de Millard-Gubler rentre en général
dans cette catégorie et s'accompagne assez ordinairement d'une hémi-
plégie linguale homonyme par rapport à la paralysie faciale. Sont, plus
particulièrement bulbaires les complexus morbides où s'observent une
hémiparalysie ou une hémiatrophie linguale homonymes avec hémiplégie
croisée des membres (paralysie alterne type Revilliod-Gonkowski), ou
bien une hémiplégie croisée avec paralysie homonyme des YIIF et V" paires
avec kératite neuro-paralytique (Pierre Marie et Crouzon). Babinski et
Nageotte ont décrit un syndrome particulier, lié à des lésions de la ré-
gion supérieure du bulbe, ramollissement ou hémorragie, et caractérisé
par hémiasynergie, latéropulsion et myosis bulbaires homonymes avec
bémianesthésie et hémiplégie croisées. Enfin nous aurons à revenir sur
le groupement des syndromes nucléaires et leur valeur séméiologique.
Dans quelles conditions s'observent les complexus précédents ? De
quels facteurs pathogéniques dépendent-ils ? Quel diagnostic en un mot
est-il indiqué de porter lorsque l'on est amené à les constater ?
1° Syndromes nucléaires purs : l'hémiplégie croisée
fait défaut. 11 est d'abord une série de cas où le trouble bulbaire
porte exclusivement sur les noyaux d'origine des nerfs bulbaires et sur
leurs faisceaux eu'érents. Les grandes voies céréhro-médullaires (rnban
de Reil, faisceaux pyramidaux) échappent au processus morbide ou sont
frappées en dehors du bulbe. Il s'agit d'accidents évolutifs, se déve-
loppant en général selon un cycle peu variable, aboutissant à peu près
fatalement à la mort.
Le syndrome nucléaire bulbaire; c'est-à-dire la paralysie labio-glosso-
laryngée s'observe tantôt dans des maladies rigoureusement définies
comme le tabes, la syringomyélie, la sclérose en plaques, la sclérose laté-
rale amyoirophique, tantôt dans des infections spécifiques à localisation
nerveuse comme la tuberculose et surtout la syphilis, tantôt à la suite de
diverses infections aiguës ou intoxications alimentaires. Dans ces diffé-
rents cas, l'hémiplégie du type bulbaire précédemment individualisé fait
défaut.
SYNDROMES ET MALADIES BULBAIRES. ' 805
Paralysie labio-glosso-palato-laryngée (Charcot) à marche lente.
Poliencéphalite inférieure chronique («'ernicke). - Nous ne revien-
drons pas sur le détail symptomatique précédemment exposé. Rarement
observé avec son complet développement dans le tabès, la sclérose en
plaques ou la syringomyélie, le syndrome labio-glosso-laryngé il marche
lente s'observe également dans certaines affections familiales ; mais il
est avant tout caractéristique de la dernière période évolutive de la sclé-
rose latérale amyolrophique. Dans ces différents cas, et plus spécia-
lement dans la maladie de Charcot, le début est lent, insidieux, progres-
sif. Il ne survient dans cette dernière maladie qu'après une série de
troubles spastiques et atrophiques intéressant les quatre membres.
Quoi qu'il en soit, on observe d'abord des troubles de la motilité linguale,
de la dysartbric, de l'atrophie marquée de la langue. Les lèvres, le men-
ton sont atteints. Le faciès est hébété, pleurard. Puis se parésient le
voile du palais, le pharynx, les masticateurs. Ces différents muscles
s'atrophient, présentent des secousses librillaircs; la réaction de dégé-
nérescence s'observe à leur niveau. Les troubles respiratoires et car-
diaques entraînent finalement une issue trop constamment fatale. Il
n'existe il aucun moment de cette évolution très variable en durée (plu-
sieurs semaines à plusieurs mois et même plusieurs années, 2 il ;) au
grand maximum) le moindre trouble de la sensibilité. La mort survient
ordinairement sans modifications thermiques, à moins de complications
pulmonaires, fréquentes a vrai dire. Une syncope interrompt souvent
brutalement cette marche progressive ; mais lorsque le malade succombe
aux seuls progrès d'une irrémédiable cachexie, l'intégrité des facultés
intellectuelles contraste étrangement avec la déchéance profonde des
fonctions nerveuses.
Isolé parfois (tabes notamment), ce syndrome nucléaire est souvent
associé. On rencontre tantôt un syndrome bulbo-spinal comme dans la
sclérose latérale amyotrophique, tantôt un syndrome hulbo-protubéran-
licl ou bulho-ponio-péclonculaire (sclérose en plaques, syringomyélie par
exemple).
Le diagnostic de la paralysie Iabio-glosso-laryngée bulbaire est simple
en général : on pourrait confondre surtout ce complexus morbide avec
le syndrome pseudo-bulbaire cérébral dont nous signalerons plus loin
les caractères distinctifs. Il est aisé de ne point prendre le faciès myopa-
thiquc pour un faciès bulbaire : l'analogie est, il vrai dire, assez super-
ficielle. Elle porte uniquement sur les formes extérieures, sur le modelé
de la face. Nous verrons que les méningites ou névrites basilaires peuvent
donner un syndrome analogue au syndrome purement nucléaire.
Paralysie labio-glosso-laryngée à marche rapide. Poliencéphalite
inférieure aiguë. - Le syndrome évolue ici rapidement ; son allure est
violente et dramatique. On l'observe dans les intoxications alimentaires
ou bien dans les pyrexies telles que la fièvre typhoïde, la diphtérie, les
septicémies, les maladies éruptives, les infections hémorragiques tout
, . [MOUTIER.]
80t SÉMÉIOLOGIE DU BULBE.
particulièrement. Le début est violent, masqué parfois par le complexus
de la maladie antécédente. Il existe des phénomènes généraux inquié-
tants, céphalée, vertiges, frissons, ascension thermique. Des douleurs
nucales, des bourdonnements d'oreille accusent l'infection bulbaire, que
révèlent souvent encore de façon précoce la défaillance du coeur et les
anomalies du pouls. Ce cycle évolutif n'a plus la régularité observée
ailleurs. Les accidents cardiaques et respiratoires peuvent en effet exister
seuls, précipitant l'évolution morbide sans permettre l'apparition des
paralysies. En d'autres cas, l'allure est moins effrayante : il existe de la
dysarthie, de la dysphagie, un syndrome paralytique glosso-labié. La
face est pâle, on note une dyspnée intense sans signes d'ausculta-
tion. Des vomissements répétés épuisent le malade. L'intelligence ici
est atteinte; et la mort survient au bout de quelques jours, rarement
de quelques semaines, le plus ordinairement par syncope. Les ma-
lades peuvent guérir cependant, soit complètement, soit avec quelque
reliquat, paralysie linguale ou surdité. Ce syndrome bulbaire aigu est
maintes fois la dernière étape d'une toxi-infection spinale ascendante,
telle que l'on peut l'observer dans la paralysie de Landry et dans la
rage.
Syndrome labyrinthique ou du noyau de Deiters. Nous appellerons
syndrome labyrnlhique un complexus morbide assez touffu qu'indivi-
dualisa très heureusement Pierre Bonnier. Cet auteur le tient pour
symptomatiflue des lésions du noyau do Deiters, dont on connait les
rapports anastomotiques étroits avec les noyaux bulbo-protubérantiels
adjacents. Ce syndrome, nucléaire est caractérisé par les accidents sui-
vants : vertige avec (lerobelllent partiel ou total de l'appareil de susten-
tation et troubles oculo-moteurs réflexes, état nauséeux et anxieux,
phénomènes auditifs passagers et manifestations douloureuses dans cer-
tains domaines du trijumeau. Le vertige de Ménière relèverait parfois de
lésions du bulbe. Signalons les rapports de la migraine avec les syn-
dromes bulbaires (Léopold Lévi) : on relève en effet parmi ses symptômes,
vomissements, vertiges, plyalimne, polyurie, troubles occulaires, auditifs
ct vaso-motcurs.
Syndrome cérébelleux bulbaire; syndrome olivaire. Il est
exceptionnel que le diagnostic de lésion des olives bulbaires soit porté.
Cette lésion se traduit en effet par des symptômes parfois très frustes
(atrophie olivaire de Pierre Marie et Guillain, atrophie olivo-rubro-céré-
helleuse de Lejonne et Lhermitte). parfois nettement cérébelleux (atrophie
olivo-ponto-cérébelleuse de Dejerine et Thomas).
2° Syndromes mixtes, nucléaires et fasciculaires : l'hé-
miplégie croisée bulbaire existe. Les lésions du bulbe sont
ici intrinsèques (ramollissements, hémorragies, tumeurs, abcès, trau-
matismes et compressions) ou extrinsèques (méningites, polynévrites).
Les symptômes sont diversement associés, mais contrairement il ce que
l'on observe dans les affections nucléaires systématisées, l'hémiplégie
SYNDROMES ET MALADIES BULBAIRES. 805
croisée de type bulbaire fait rarement défaut. Le début de l'affection est
à peu près toujours violent, soudain, apyrétique.
Dans l'hémorragie du bulbe, le début est fréquemment al7ol71ecti-
forme : la mort peut être foudroyante. Lorsque la mort n'est pas immé-
diate, le malade, comateux, présente des troubles prononcés du coeur et
des poumons. Il y a fréquemment du hoquet, les pupilles sont dilatées
en vénérai. Au sortir du coma, les signes observés sont des plus
variables selon le siège et l'étendue de la lésion. Ils sont bien rarement
strictement bulbaires, mais plutôt 17u117o-l7rotuJérantiels.
En tout cas, on note une hémiplégie de type spécial, à moins que la
mort ne soit soudain déterminée par une poliencéphalite aiguë ou sub-
aiguë avec ou sans phénomènes spinaux associés.
Distinguer le ramollissement de l'hémorragie bulbaire est malaisé. Il
y aurait quelques prodromes dans le ramollissement : céphalée, syn-
copes, nausées, vertiges, somnolence. On a noté également des attaques
de petit mal, de l'asynergie, des ictus successifs. La mort, cependant,
peut être instantanée. Par ailleurs, les symptômes de l'hémorragie et du
ramollissement se confondent.
Le développement des tumeurs détermine, ainsi que toute compres-
sion bulbaire, un syndrome le plus souvent complexe, que cette néo-
formation soit un sarcome, une gomme syphilitique, une fongosité tuber-
culeuse ou un anévrisme. Le complexus symptomatique est dans ces cas
particulièrement étendu. Aux divers accidents bulbaires proprement
dits s'ajoutent des signes d'hypertension crânienne. De plus, les troubles
sont souvent fugaces, irréguliers, changeants; leur mobilité même étant
particulièrement favorable à l'hypothèse diagnostique d'une néoplasie.
Les signes d'irritation bulbaire prédominent : céphalée, douleurs de la
nuque, rigidité du cou, spasmes faciaux, troubles paracousiques, dys-
phagie, polyurie, glycosurie. On peut observer également des troubles
sensitifs intéressant le territoire du trijumeau. Il existe enfin des para-
lysies spinales plus ou moins accusées : la tête s'incline en arrière ou se
fléchit sur la poitrine. La paralysie unilatérale d'un nerf crânien serait
un signe important pour 017pcnheim.
L'hypertension intra-craniennc se traduit par la stase papillaire, par
de l'affaiblissement intellectuel. une apathie croissante, par des vertiges
violents. Rien n'est plus variable d'ailleurs que la marche, que le grou-
pement des accidents dans les compressions du bulbe par tumeur. C'est
ainsi que le syndrome d'hypertension peut être associé au syndrome
bulbaire, ou lui succéder, ou le précéder. Dans ce dernier cas se déroule
le tableau d'une tumeur encéphalique de siège d'abord imprécis, révélée
seulement par des signes d'hypertension encéphalique et dont l'évolu-
tion banale est soudain abrégée par des accidents bulbaires aigus. En
d'autres cas, ce sont les phénomènes cérébelleux qui prédominent. La
mort subite enfin n'est pas exceptionnelle.
Cette mobilité des symptômes, leur absence fréquente de spécificité
[MOUTIER ]
806 SÉMÉIOLOGIE DU BULBE.
expliquent la difficulté du diagnostic des tumeurs du bulbe. Celles-ci
peuvent siéger sur le plancher du 4e ventricule, et, comprimant le bulbe
d'arrière en avant, déterminer des paralysies nucléaires. L'on a parfois
en telle occurrence posé le diagnostic de tabès (Gianelli, Paviot) ou de
sclérose en plaques. Dans ces maladies toutefois, le syndrome d'hyper-
tension crânienne fait défaut.
Diagnostic. Il n'existe point d'atrophie chez les pseudo-bul-
baires, gâteux présentant du rire et du pleurer spasmodiques, et les
altérations constatées ne sont, chez les néoplasiques, jamais bilatérales :
cette symétrie s'observe au contraire dans les poliencéphalites infé-
rieures chroniques. Mais le diagnostic le plus délicat intéresse la
myasthénie d'Erb-Goldttam. Dans cette affection également, les troubles
sont irréguliers, fugaces, déconcertants; dans la myasthénie se rencon-
trent toutefois du ptosis et des parésies fonctionnelles, un épuisement
précoce qui sortent du cadre séméioiogique des tumeurs bulbaires. Dans
celles-ci n'existe d'ailleurs jamais de rémissions dans l'évolution des
accidents.
Les lésions extrinsèques du bulbe autres que les tumeurs provoquent
des réactions complexes, les syndromes observés pouvant être subaigus
ou chroniques. Les accidents se limitent rarement au bulbe et inléres-
sent souvent la protubérance. La tuberculose et la syphilis déterminent
soit une ostéite ou une méningite basilaires, soit des altérations névriti-
ques. Ces différentes modifications s'associent fréquemment. Les syn-
dromes observés sont alors d'une rare complexité : Brissaud, dans un
cas de tuberculose, note une paralysie faciale droite associée il une
névralgie partielle du trijumeau, de la céphalée, de l'hypoacousie. du
ralentissement du pouls, des vertiges, des convulsions épileptiformes, de
l'agoraphobie. Dieulafoy. chez un syphilitique du reste guéri par le trai-
tement, observe une paralysie glosso-labio-palato-pharyng('.e avec hémia
trophiedroitcdela langue, une atrophie du faisceau supérieur du trapèze
droit, un complexus analogue au syndrome du noyau de Deiters, des
vertiges, des vomissements, de la céphalée, de la polyurie simple et de
la polydipsie. -
L'exposé précédent nous permet de glisser rapidement sur la sympto-
matologie des traumatismes (mort subite ou syndrome de compression
avec asphyxie prononcée, polyurie et glycosurie fréquentes, etc.,) et des
abcès du bulbe. Ces derniers déterminent de l'hypcrthcrmie; ils sont
habituellement secondaires à une lésion du labyrinthe.
PARALYSIE PSEUDO-BULBAIRE
par le Dr MOUTIER
La paralysie pseudo-bulbaire est caractérisée par un ensemble de trou-
bles de l'articulation, de la déglutition et de la phonation rappelant plus
ou moins le syndrome bulbaire. A ce complexus symptomatique s'ajoutent
le plus habituellement . desaccidents moteurs du type cérébral. Ces diffé-
rentes altérations sont ordinairement liées à l'existence de petits foyers
de ramolissement intéressant soit le cortex, soit d'ordinaire la substance
blanche et les noyaux centraux, et cela dans les deux hémisphères à la
fois. ? -
Symptômes. Le pseudo-bulbaire est en général un individu d'un
certain âge, ayant largement dépassé la cinquantaine. Ancien syphilitique
ou artério-scléreux, il présente un passé nerveux chargé. On relève dans
son histoire antérieure un premier ictus à la suite duquel se manifesta
une hémiplégie légère, accompagnée parfois de troubles fugaces de la
parole et de la déglutition. II est ordinaire d'observer l'atténuation rapide
de cette hémiplégie : elle ne disparaît jamais cependant tout à fait. Puis,
après un laps de temps variable, mais souvent peu étendu (quelques mois
aune année ou deux), le malade est frappé d'un nouvel ictus. Le côté
sain est paralysé à son tour ; de la dysarthrie et de la dysphagie apparais-
sent, qui ne rétrocéderont plus. Ces troubles moteurs en revanche peu-
vent être, nous le verons, des plus effacés. -En somme, le pseudo-bulbaire
est un malade il ictus successifs, un hémiplégique double, chez lequel les
troubles de la phonation et de la déglutition l'emportent sur les troubles
moteurs des membres. Il va de soi que ce malade pourra présenter non
point seulement les deux ictus nécessaires à la constitution du syndrome,
mais toute une série de petits ictus, souvent peu nets, délicats à repérer.
A la suite de chaque atteinte nouvelle s'accusent, naturellement de plus
en plus, les désordres spéciaux dont le groupement constitue-, la paralysie
1>seudo-hulhaire, ou mieux, comme l'appelait Brissaud, la ]Jf : .eudo-pam-
11S2L bulbaire.
Il est des variantes au tableau précédent : le syndrome peut se consti- ;
tuer après un ictus unique, ce qui demeure exceptionnel. Plus souvent, '
l'affection se développe insidieusement, sans qu'une attaque proprement
dite soit survenue jamais. On notera cependant que l'évolution de la ma-
[MOUTIER.] ]
808 PARALYSIE PSEUDO-BULBAIRE.
r ladie n'est pas uniforme, mais se produit au contraire par saccades. Ce
mode de développement se rencontre spécialement chez les pseudo-hul-
baires à lésions cérébrales nombreuses, mais de faible volume individuel,
connues sous le nom de lacunes de désintégration.
Quel que soit le mode de début de l'affection étudiée, le syndrome mor-
bide est, à la période d'état, vraiment typique. Hémiplégiques doubles,
mais faiblement paralysés, hémiparétiqucs plutôt, les pseudo-bulbaires
demeurent volontiers immobiles, inertes, indifférents. Ils s'avancent mal-
adroitement, à pas menus, souvent précipités (Pierre Marie).
Cette démarche à petits pas (Dejerine), une attitude voûtée, un air figé
les ont fait comparer par Brissaud aux Parkinsoniens, dont ils ont en effet
la passivité. Parfois des troubles de l'équilibre s'ajoutent aux précédents.
Dressés sur leurs orteils, souvent courbés en grilles, ils chancellent et
tombent ou tendent à tomber, soit en avant soit en arrière, en accusant la
chute du côté le plus fortement paralysé.
Couchés ou reposant dans un fauteuil, leur inertie s'explique par la
faiblesse de leurs membres, par leur maladresse, par un sentiment d'in-
sécurité qui les porte à rester immobiles (Brissaud). La face est paralysée
et parésiée, le facial supérieur étant à peu près respecté. Le jeu de la
musculature oculaire n'est point troublé et cependant on ne rencontre
pas ici, tel que nous l'avons observé chez les bulbaires vrais, ce contraste
entre l'expression intelligente de la moitié supérieure du visage et l'ab-
sence d'expression de la moitié inférieure; c'est que la mentalité du
pseudo-bulbaire est souvent fortement diminuée, et les idées font défaut
qui pourraient éclairer le regard et animer la mimique oculaire.
Au repos absolu, le masque facial est inexpressif, hébété, pleurard.
Des commissures labiales écartées coule une salive que le malade essuie
sans cesse, car à moins d'être profondément atteint, il ne présente
point une déchéance intellectuelle suffisante pour lui ôter tout souci de
propreté, toute notion des usages sociaux. Souvent il mâchonne, s'el1'or-
çant de prévenir par d'incessants efforts de déglutition l'écoulement sali-
vaire. Mais sous le choc d'une émotion, à propos d'un effort, d'une con-
trariété, l'immobilité du visage cesse soudain. L'émotion nécessaire à
cette véritable décharge est de bien minime importance. Il suffit au ma-
lade de se sentir regardé, d'être prié de se nommer pour qu'éclatent
ce qui fut très heureusement nommé, le rire ou le pleurer spasmodiques.
Les muscles du visage se contractent violemment, se plissent; et la crise
de rire ou de pleurer se prolonge, inextinguible, pour se reproduire par-
fois à toute minute. La face devient souvent rouge, vultueuse, le thorax
étant en apnée.
On a beaucoup discuté pour savoir à quel état mental correspon-
daient ces larmes ou ce rire : les malades pleuraient-ils parce que tristes.
ou étaient-ils tristes parce que pleurants ? Il semble utile de tenir compte
de la répétition et de la durée du phénomène. Les malades sentent s'ac-
cuser leur déchéance lorsque le rire ou les larmes s'opposent à toute ten-
PARALYSIE PSEUDO-BULBAIR. 809
tative d'entretien avec leurs semblables. On sait d'autre part l'influence
dès attitudes- exprimant une passion sur 1 état
mental de celui qui subit passivement ou même
provoque volontairement cette attitude. Nous
avons, pour notre part, observe à, Bicêtre un
pseudo-bulbaire assez jeune : ce malade nous
fit clairement entendre que si une crise courte
ou isolée de pleurer spasmodique le laissait
tout indifférent, une crise prolongée, des accès
subintrants finissaient par l'attrister et lui don-
naient envie de verser des larmes pour le
compte parfaitement net d'une tristesse con-
sciente. '.
Nous avons à dessein insisté sur l'attitude,
la démarche, le facies et les réactions émotives
des pseudo-bulbaires : ce sont là en effet, en
dehors du syndrome labio-glosso-palato-pha-
ryngien, les points caractéristiques indispen-
sables au diagnostic 'différentiel de l'affection.
Il existe en outre des troubles considérables de l'articulation des mots,
troubles pouvant aller jus-
qu'à la suppression complète
de la parole. La voix est
sourde, saccadée, nasonnée.
Il existe chez ces malades
une véritable dyspneumie
(Pierre Marie), une .mauvaise
utilisation dela'colonne d'air
expiré. L'articulation, des
mots est extrêmement défec-
tueuse, analogue à celle des
bulbaires vrais, portant no-
tamment sur les mêmes let-
tres. Les malades prononcent,
forment, où plutôt essaient
de prononcer, de former tous
les mots, toutes les lettres;
mais cette formation est in-
complète, et lès mots se trou-
vent non point remplacés
par d'autres comme chez les
aphasiques, mais, indistincts,
confus et confondus, non dé-
grossis. Le pseudo-bulbaire
cnerche à former, à épeler les sons : il s'exprime avec effort, avec hesi-
. - . [MOUTIER]
Fig. 1. Syndrome pseudo-
bulliairc; J'acics pleurard,
au repos (d'après Brissaud
et Souques).
l'iô. 2, - Malade a6l.cinLe de ramollissement, eliro--
nique uvec syndrome pseudo-bulbaire. Rire spasmo-
dique (d'après Brissaud).
810 PARALYSIE PSEUDO-BULBAIRE.
tation, pousse les sons, les émet parfois avec une brusque explosion. Dans
les cas les plus favorables, on peut comprendre encore à peu près le
malade; on perçoit nettement certaines syllabes, on réussit 1t deviner la
plupart des autres.
Le débit est toujours monotone. Dans les cas les plus intenses, l'anar-
thrie paralytique est presque totale : les sons émis ne représentent plus
qu'un ànonnernent dénué de sens, souvent saccadé, haché.
Il existe une paralysie notable des lèvres, de la langue et du voile du
palais. Ces paralysies et la très grave dysphagie qu'elles entraînent ne
présentent qu'un caractère spécial, c'est de n'être accompagnées ni de
troubles trophiques, ni de troubles électriques : l'atrophie musculaire et la
réaction de dégénérescence font toujours défaut ('hez les pseudo-bulbai-
l'es. Les troubles de la mastication et de la déglutition peuvent être par-
fois légers, mais ils ne sont guère absents. On a signalé la paralysie
éventuelle des cordes vocales. Le réflexe pharygicn est aboli, bien que
la sensibilité du voile soit généralement conservée. On peut observer du
myosis.
II n'existe ni troubles des sphincters, ni altérations de la sensibilité. On
rencontre quelquefois des accidents respiratoires menaçants avec rythme
de Cheyne-Stokes : cela est fort rare à la vérité.
Évolution et formes cliniques. Certains malades présentent
surtout des troubles de la phonation, d'autres de le dysphagie, d'autres
encore frapperont surtout par l'intensité de leur affaiblissement intellcc-
tuel. Les circonstances écologiques provoquent peu de variations dans le
syndrome étudié : certaines formes, chez les sujets jeunes il antécédents
spécifiques, pourraient, sinon guérir, du mains être sensibtemeutamého-
rées par le traitement antisyphililique. II existe enfin une paralysie
pseudo-bulbaire infantile, et même une paralysie congénitale liées lune
et l'autre à de gros accidents cérébraux, atrophie et sclérose corticales,
microgyrie, porencéphalie.
L'évolution du syndrome étudié, à s'en tenir aux formes observées chez
l'adulte, est variable et irrégulière. L'affection peut demeurer stationnaire
après un nombre variable d'ictus, ou s'améliorer au contraire, le malade
succombant à quelque accident intercurrent. Dans d'autres cas, de nou-
veaux ictus surviennent : le malade peut alors succomber rapidement à
l'un d'eux, ou s'affaiblissant progressivement, gâteux et parfois dément,
mourir dans le. marasme. D'autres combinaisons peuvent s'observer :
ainsi, après une amélioration très prononcée suivie d'une longue période
d'état stationnaire, la maladie peut reprendre, une marche progressive,
inéluctable cette fois.
Diagnostic. Maladie caractérisée seulement après plusieurs ictus
successifs, la paralysie pseudo-bulbaire avec le faciès particulier qu'elle
impose aux malades, avec son attitude figée, son expression douteuse,
hésitante entre le spasme du rire et la grimace du pleurer, avec ses
crises émotionnelles désordonnées, ses troubles de la mastication et de
PARALYSIE PSEUDO-BULBAIRE. 811
la déglutition, de la démarche enfin, est le plus souvent de reconnaissance
facile. L'intensité de la dysarthie et de la dysphagie, l'effacement relatif
des troubles parétiques la distinguent immédiatement des troubles pa-
raplégiques et des hémiplégies simples ou doubles : mais il existe chez
presque tous les hémiplégiques, du moins au début, des troubles de la
déglutition et de la mastication, aussi a-t-on pu dire que tout hémiplé-
gique présente à l'état d'ébauche le syndrome pseudo-bulbaire. Ce syn-
drome disparaît promptement d'habitude, il est vrai.
Différencier la pseudo-paralysie bulbaire des paralysies bulbaires vraies
peut être plus difficile : on se trompera exceptionnellement cependant si
l'on se reporte aux descriptions précédentes. Dans la paralysie bulbaire
aiguë apoplecli forme, l'ictus est unique, sans perte de connaissance le
plus souvent. Les troubles qui surviennent ensuite comprennent non seu-
lement la paralysie labio-glosso-laryngée, mais les autres éléments du
complexus symptomatique bulbaire ; plus tard se décèleront une atrophie
musculaire notahle et des troubles des réactions électriques. Il peut à
dire vrai se présenter des cas à symptômes intermédiaires d'une difléren-
ciation presque impossible : les connexions anatomiques du myélencéphale
expliquent suffisamment ce phénomène.
C'est surtout il la période ultime de la sclérose latérale amyol1y¡pltique,
chez uns ? /r ! ? t</(Wi ? <e. un tabétique ou un individu atteint de sclérose
en plaques qu'évolue lentement la paralysie labio-glosso-laryngée de
Duchenne. L'insidiosité du début, l'amyotrophie prononcée avec D. R.,
l'intégrité de l'intelligence, les troubles cardio-respiratoires rendent en
général le diagnostic assez facile. Du reste dans toutes ces affections ne
s'observent jamais le rire ou le pleurer spasmodiques ; et l'extension des
phénomènes asthéniques aux territoires les plus divers, la participation
de l'orbiculaire des paupières et des muscles de la nuque, les crises bul-
baires, les rémissions, l'irrégularité de la marche permettent également
de séparer la myasthénie d'Erb du syndrome pseudo-bulbaire.
Il est intéressant d'éviter de confondre un pseudo-bulbaire avec un de
ces malades chez lesquels le déficit intellectuel entraîne des troubles de
l'expression de la pensée, pouvant plus ou moins rappeler la dysarthrie
étudiée. On se souviendra que le diagnostic doit s'appuyer en cas de
doute sur l'existence ou l'absence de phénomènes paralytiques, sur la
nature également des troubles de l'articulation. On distinguera ainsi le
pseudo-bulbaire infantile de V arriéré simple ou de l'idiot (Variot,
Oppenheim) ; on le séparera également, chez l'adulte, de l'aphasique de
Brocha. On se rappellera l'existence chez l'aphasique d'un trouble de l'in-
telligence portant sur les différents modes d'expression de la pensée,
écriture ou parole, ainsi que sur les opérations générales de l'intelli-
gence, mémoire, jugement, association d'idées. On constatera que le
malade n'a plus, présents à l'esprit, les mots propres à la désignation
correcte des objets ou des concepts. Chez l'anarthriqllcnon ]Ja1'alytir¡1le
enfin, où seul le mécanisme central de l'articulation des mots est atteint,
[MOUTIER.]
812 PARALYSIE PSEUDO-BULBAIRE.
c'est-à-dire chez l'anarthrique par lésion du quadrilatère de Pierre Marie,
on notera l'intégrité des mouvements automatiques des lèvres et de la
langue, sans affaiblissement notoire des muscles. Hémiplégique droit
(s'il est gaucher), et généralement frappé de paralysie intense, l'anar-
thrique parle de voix forte ; il peut dire encore quelques mots : excla-
mations, jurons, groupes de mots ou phrases stéréotypés, vocables émo-
tionnels. Ce qu'il dit est peu de chose, mais est en général vigoureusement
énoncé. Le pseudo-bulbaire au contraire peut dire tout ce qu'il veut,
mais il le dit incomplètement; la voix est basse, soufflée, éteinte. On
comprend les quelques vocables émis par l'anarthique, qui ne sait plus
parler ; on distingue à peine les phrases chuchotées par le pseudo-hul-
haire, qui ne peut plus parler. Dans certains cas, évidemment complexes,
il peut y avoir juxtaposition d'anarthrie ou d'aphasie de et de
syndrome pseudo-bulbaire : l'évolution, qui voit rétrocéder l'anarthrie et
pcrsistcr les phénomènes pscudo-hulhaires, pcrmet quelquefois de dis-
cerner les différents éléments de ce complexus morbide.
MYASTHENIE
par le Dr MOUTIER
La myasthénie est la difficulté ou même l'impossibilité de l'effort
musculaire, surtout prolongé. Elle se rencontre à titre de symptôme
épisodique dans un très grand nombre d'affections, et d'une façon toute
spéciale dans un syndrome où son intensité, son extension et sa systé-
matisation justifient une individualisation clinique.
Myasthénies épisodiques. -Nous rangerons dans ce paragraphe
des affections très disparates dans lesquelles la myasthénie n'est pas, en
général, toute la maladie, ou n'atteint qu'exceptionnellement une valeur
prédominante.
La fatigue occasionnée par le moindre mouvement, l'impossibilité de
fournir un effort un tant soit peu considérable, l'épuisement rapide sc
voient en somme dans toute infection, dans toute intoxication. Ces sym-
ptômes sont remarquablement intenses dans certaines maladies aiguës,
comme la grippe. On les notera d'autre part dans des maladies chro-
niques telles que la tuberculose, la syphilis (début de la période secon-
daire), le cancer, le diabète, l'urémie, Ils accompagnent d'ordinaire
toutes les altérations des glandes vasculaires sanguines, des organes il
sécrétion interne. Aussi les rencontre-t-on très intenses chez les addiso-
niens, où ils sont même un symptôme cardinal, chez les leucémiques,
les anémiques, les thyroïdiens, etc. Les intoxications alimentaires ou
minérales sont encore des plus asthénisantes.
De fait, il faudrait citer toutes les altérations morbides. Signalons seu-
lement le retentissement marqué sur la force et la résistance musculaires
des désordres ou maladies de l'abdomen. ptôses, diarrhée, affections
ovariennes ou utérines, grossesse, etc. Un très grand nombre, sinon la
plupart des affections nerveuses, s'accompagnent de phénomènes dé-
pressifs, notamment les maladies bulbaires et cérébelleuses, les chorées,
les migraines, la paralysie agitattle, la paralysie générale, les mala-
dies mentales, etc.
La plupart des étals chroniques, qu'ils dépendent d'altérations ner-
veuses ou de désordres glandulaires, de dislocation abdominale ou de
simple surmenage physique ou mental, s'accompagnent donc d'une dimi-
nution de la puissance et de la résistance des muscles. Il en résulte une
[MO UTIER.j
814 . MYASTHÉNIE.
paresse et un nonchaloir particuliers : le malade cesse d'être actif. Il est
perpétuellement fatigué, souvent plus au réveil que le soir, du moins
dans l'asthénie des surmenés simples, dans la neurasthénie proprement
dite. Les gestes sont rares, la voie brève, soufflée, fréquemment cassée.
L'oeil manque de vivacité ; le facies est souvent très altéré, les traits sont
tirés, l'orbite excavée. On note, ordinairement de l'hypotension. L'asthé-
nie peut ne pas atteindre seulement le muscle, mais se traduire encore
par quelque désordre mental, par~de l'aboulie principalement. Ajoutons
qu'il peut exister des myasthénies localisées, comme la dysphonie ner-
veuse chronique et l'asthénopie accommodative.
Cependant, il est certaines règles dont il est toujours bon de se préva-
loir en pratique. Toutes les causes évidentes de myasthénie étant écartées,
il convient de dépister éventuellement l'insuffisance rénale, l'intoxication
hépatique et surtout une tuberculose incidente.
Maladies familiales. - Les maladies familiales se manifestent
chez des individus en. général peu vigoureux, mais l'asthénie atteint une
importance primordiale dans la paralysie périodique de Westphal. De
fait, il semble plutôt s'agir ici de myasthénie que de paralysie à propre-
ment parler (V oirchap. Paraplégie).
. Vertige paralysant de Gerlier. - Cette maladie est caracté-
risée par des accès à début soudain. Il survient successivement du ptosis,
puis .une certaine p.arésie des extenseurs aux membres et à la tête. En
même : temps se.manifestTit des troubles de l'équilibre, des douleurs le
long.de la colonne vertébrale, et le malade tombe. Tout ceci rappelle
beaucoup plus les. symptômes myasthéniques que les symptômes paraly-
tiques. D'ailleurs, chaque accès dure peu, de une à deux minutes; mais
les crises peuvent se renouveler pendant plusieurs heures de suite. Le
diagnostic de cette singulière affection ne saurait être difficile. On la
rencontre sous forme plus ou moins épidémique. en Suisse et au
Japon. L'accès semble provoqué par la fatigue d'un geste habituellement
renouvelé (acte de traire une vache, par exemple). Il ne s'agit pas de. ver-
tige à proprement parler ; la chute est due seulement aux ^roubles se-
condaires de l'équilibre.
Myasthénie bulbo-spinale. Cette affection porte divers noms :
asthénie bulbo-spinale, paralysie bulbaire asthénique, syndrome
d'Erb-Goldflctm. On peut la définir mie asthénie à localisation bulbaire
initiale. C'est une. maladie fréquente surtout de 18 à 50 ans, frappant la
femme avec une certaine prédilection. Le releveur des paupières est le
premier muscle à épuisement rapide et impotence fonctionnelle. Il sur-
vient ensuite une ophtalmoplégie externe incomplète, et le malade pré-
sente le faciès d'lIutchirison. La vue se trouve gênée par le ptosis et la
diplopie. Puis sont atteints les muscles de la face, les extenseurs de la
tête, la langue, les masticateurs, le larynx, le pharynx, les muscles de la
racine des membres. L'asthénie est exagérée par la fatigue générale ou
locale; les muscles sont de plus extrêmement sensibles au froid. Enfin,
MYASTHENIE. 815
la maladie elle-même est parfois curable, mais le plus souvent progrès-
sive et mortelle sans rémission. La mort survient par syncope ou par suffo-
cation. ," .
Le syndrome d'Erb-Goldflam est une affection sporadique, atteignant
surtout la femme et la femme jeune. Il est rare que l'homme soit pris au-
dessus de 40 ans. On a cependant signalé des cas où la maladie s'est
montrée familiale, congénitale, héréditaire.. Le début n'est pas forcément.
univoque. Des territoires bulbaires autres que celui de la IIIe paire peu-
vent être intéressés les premiers. -On peut même rencontrer au niveau
des membres les premières manifestations asthéniques ; elles coïncident
.généralement en ce cas avec des phénomènes généraux accusés tels
qu'amaigrissement et fatigue. Quoi qu'il en soit, on peut, d'une façon
générale, distinguer à la. marche des
troubles deux étapes distinctes : l'une bul-
baire, l'autre spinale. ;
Symptômes bulbaires. - Ils marquent,
avons-nous. dit, le début de la paralysie
bulbaire asthénique; le malade s'aperçoit
soudain de la chute d'une paupière, ou
constate qu'à la fin d'une longue conversa-
tion sa voix se fatigue, se casse. Parfois la
langue refuse tout service.
En d'autres cas, le début es.t des plus
insidieux. Il s'accuse par une céphalée
quelquefois à prédominance occipitale, par
des névralgies et des vertiges, par de la
diplopie fugitive, des troubles de la .déglu-
tition, de la mastication. Les pupilles sont
indemnes sous les paupières tombantes.
Symptômes spinaux. Les troubles précédents sont définitifs,
mais varient d'un jour ou d'un mois à l'autre. Certains peuvent même
disparaître complètement, et d'autres les remplacer. La tête se penche
ensuite sur le tronc, les extenseurs de la nuque se prenant à leur tour.
Les membres sont atteints en dernier.
D'autres localisations, différentes selon le malade ou la maladie, pré-
cisent ou modifient ce syndrome : telles sont l'atteinte des muscles de
l'abdomen, des muscles du larynx, du sterno-cléïdo-mastoïdien, du myo-
carde (ralentissement, intermittences après effort), voire de l'iris.
Quand les troubles sont plus accusés, l'aspect du malade est typique.
Etendu, incapable de se soulever ou de soutenir le moindre objet, inca-
pable même d'assujettir de ses mains sa tète vacillante, les yeux mi-clos,
il semble prêt à s'endormir. Les plis normaux du visage s'atténuent;
la physionomie, prend un aspect pleurard. Le malade rit en travers comme
dans les maladies bulbaires classées. La parole mal formée, nasillarde au
début, s'étouffe de plus en plus et finit par s'éteindre. L'alimentation
[MOUTIER.]
Faciès dans le « syndrome rl'Ei"b »
(observation de Pierre Marie et
Roques), d'après Guillain.
816 MYASTHÉNIE.
elle-même devient problématique : la déglutition est impossible et de la
bouche ouverte s'échappe la salive. Et cependant, pris au repos, tous
ces muscles peuvent se contracter, mais leur fatigue est rapide, pour
ainsi dire instantanée.
Ajoutons qu'il n'existe ni troubles de la sensibilité, ni troubles des
sphincters. Les réflexes sont peu ou point modifiés. L'intelligence est
intacte. Il est exceptionnel d'observer de l'atrophie musculaire, mais les
tremblements fibrillaires ne,sont~pas rares.
Les muscles présentent une altération spéciale de leur réaction élec-
trique, altération tout à fait différente de la D. R. Cette réaction myas-
thénique (Jolly) est caractérisée par un épuisement rapide de l'excitation
et par une diminution (pouvant aller jusqu'au zéro) de la durée et de la
force des contractions à mesure que celles-ci se répètent.
Nous ne reviendrons pas sur l'évolution de la maladie. La marche
peut être lente, aiguë, coupée de rémissions. Celles-ci peuvent se chiffrer
par années. En moyenne, la mort survient au bout de six mois, quelque-
fois de 2 à 4 ans après le début. L'issue fatale relève, nous le répétons,
de troubles cardio-bulbaires (cyanose, accélération du pouls), de phéno-
mènes asphyxiques, liés souvent il de l'obstruction par corps étrangers. Il
n'est pas rare de voir de l'hyperthermie au cours et à la fin de la myas-
thénie bulbo-spinale.
Le pronostic est toujours extrêmement sombre. Le traitement est ;i
l'heure actuelle encore à l'étude. Raymond recommande de s'abstenir de
toute électrisation, de soutenir le malade par des injections de sérum,
d'essayer au besoin de l'opothérapie thyroïdienne ou surrénale. Le mas-
sage léger ne serait pas négligeable.
Nous signalerons en terminant l'intérêt qui s'attache à la recherche
des symptômes et des formes de transition entre les myasthénies, les
myopathies atrophiques (forme banale) et hypertrophiques (forme Thom-
sen). Toutes ces entités cliniques semblent être des variétés d'une ma-
ladie congénitale de la fibre musculaire. Klippel et Villaret, Raymond ont
insisté sur la banalité d'un grand nombre des signes que l'on rencontre
en les différents types : circonstances étiologiques, lésions du muscle e
(amas lymphoïdes, graisse), anomalies congénitales, signes de dégéné-
rescence, persistance d'organes foetaux (thymus). Pour Brissaud, le syn-
drome d'Erb-Goldflam serait le degré le plus faible des polio-cncéphalo-
myélites. Nous attirerons encore l'attention sur l'intérêt des examens du
sang : Raymond a rencontré dans plusieurs cas de syndrome d'Erb-Gold-
flam une anémie avec leucopénie, diminution des polynucléaires, des
lymphocytes, augmentation des formes âgées des mononucléaires; Pel
(d'Amsterdam) a, tout au contraire, récemment observé une hyperleuco-
cytose.
Diagnostic. Le diagnostic des formes bien caractérisées de la
myasthénie est simple. Dans les myopathies, il y a atrophie musculaire,
et l'impotence est au prorata de la fonte du muscle. Dans la'myasthénie,
MYASTHÉNIE. 817
il n'existe ni parésie ni paralysie. On peut s'en assurer en laissant un
muscle se reposer suffisamment; les mouvements sont alors possibles,
mais rapidement limités, puis supprimés, à mesure qu'augmente, se
maintient ou se répète l'effort.
Au début, les troubles des nerfs crâniens peuvent faire prendre les
myasthéniques pour des bulbaires ou des pseudo-bulbaires. Mais chez
les bulbaires vrais, le début, rapide ou lent, ne présente jamais de phé-
nomènes régressifs. Il y a une paralysie définitive avec D. R., et non pas
une simple fatigue (Raymond). Les accidents des pseudo-bulbaires ont
un début rapide; eux aussi se maintiennent sans rémissions ni exacer-
bations. De plus, ce sont des hémiplégiques doubles et leur déchéance
psychique est grande.
Il nous reste à rappeler que la myasthénie peut avoir pendant quelque
temps une allure monosymptomatique. En de tels cas, il faudrait savoir
se prémunir contre un diagnostic hâtif de maladie bulbaire ou de neu-
rasthénie banale. On doit toujours se défier d'un ptosis intermittent,
d'une diplopie passagère mais répétée, d'une dysphonie survenant à la
lin des conversations prolongées.
Pratique nedrol. 52
[MOUTIER.]
C : UN V UL510'E'l' CRISES ? U1V V UL51V S
par le Dr Gustave ROUSSY
Définition. L'étymologie du mot convulsion (convellere) éveille
l'idée de secousse et d'ébranlement; il s'agit, en effet, d'une perturbation
de la motilité qui se caractérise par un excès de l'activité motrice et se
traduit cliniquement par des accès de contractions brusques et involon-
taires des muscles.
Les muscles atteints par le phénomène sont les muscles volontaires,
les muscles striés. Lorsque ce sont les muscles de la vie végétative qui
sont le siège de troubles moteurs convulsifs, il est préférable de parler de
spasmes. La convulsion dépend donc du système neuro-musculaire céré-
bro-spinal, le spasme du système neuro-musculaire sympathique. Malgré
la clarté de cette distinction, l'usage attribue encore le nom de spasmes à
des convulsions de certains muscles volontaires, tels que l'orbiculairecles
paupières (blépharospasme), ou de systèmes musculaires mixtes, striés
et lisses (spasme du sphincter anal).
Ainsi définies, les convulsions doivent être divisées en toniques et en
cloniques.
Cloniques, elles sont constituées par une série de contractions muscu-
laires alternatives que séparent des phases d'immobilité; toniques, elles
consistent en contractions plus durables, laissant les muscles raides pour
un temps appréciable et secoués seulement par des soubresauts, d'autant
plus minimes que la rigidité est plus durable et plus intense.
Toniques ou cloniques, les convulsions doivent être soigneusement
différenciées d'une série d'autres troubles moteurs, dont voici les princi-
paux. Les contractures sont des contractions musculaires toniques, il est
vrai, mais permanentes et non pas seulement durables. Les spasmes font-
tionnels oucrampes, n'apparaissent passagèrement qu'à l'occasion d actes
musculaires, toujours les mêmes (crampe des écrivains, etc.). Douloureux
ou non, mais toujours très brusques, les tics sont des convulsions (le la
face et des membres présentant ceci de particulier qu'elles reproduisent
de façon intempestive quelque geste de la vie ordinaire. Les mouvements
choréiformes (chorée de Sydenham, de Iluntington) ne surviennent pas
par accès; ils s'installent, durent toute la journée, s'exécutent dans tous
les sens sans force et sans brusquerie. Les mouvements athétosiqucs
CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES. 819
sont encore plus lents que les précédents : ce sont des mouvements alter-
natifs de flexion et d'extension donnant à l'extrémité atteinte des attitudes
bizarres qu'on a comparées aux mouvements des tentacules de poulpes.
Rien ici qui rappelle les convulsions. Les tremblements, qu'ils soient
continus ou surviennent à l'occasion de mouvements volontaires, sont des
contractions musculaires de très faible étendue et de remarquable régula-
rité : la différenciation est donc aisée. Elle est un peu moins facile, si nous
considérons le groupe des myoclonies : dans le paramyoclonus multiplex,
les accès convulsifs cloniques atteignent un nombre variable de muscles
des membres, du tronc et de la face, le plus souvent symétriquement, et
cela surtout quand le malade repose au lit; mais les secousses musculai-
res donnent plutôt l'impression d'un tremblement à oscillations étendues
que de contractions convulsives véritables. Dans la chorée électrique de
Bergeron, au contraire, les secousses sont intenses et brusques, mais
rythmées ; il n'y a pas de contractions continuelles comme dans la convul-
sion clonique. Dans la chorée fibrillaire de Morvan, dans les contractions
(ibrillaires des névropathes ou des organiques, les secousses n'intéressent
que des faisceaux isolés des muscles et ne prêtent pas dès lors à confu-
sion.
Physiologie pathologique. Les convulsions étant des per-
turbations de la motilité caractérisées par des accès de contractions mus-
culaires brusques et involontaires, il est important de rechercher par quel
mécanisme celles-ci s'effectuent, quel est l'élément du système moteur
neuro-musculaire qu'il faut ici incriminer. Le muscle lui-même ne peut
être cause de convulsions : aucune maladie musculaire, myopathie, myo-
site, ne s'accompagne de ce phénomène. S'il devient donc le siège de
contractions anormales par leur intensité, leur nombre ou leur durée,
c'est qu'une cause extérieure par rapport à lui, située dans son appareil
excitateur habituel, le système nerveux, a agi sur lui. L'expérimenta-
tion, en réalisant toutes les formes du mouvement musculaire, depuis la
contraction simple jusqu'à la convulsion clonique et tonique, montre
qu'il doit certainement en être ainsi. Electrisons, en effet, avec un courant
modéré, un muscle en ne lançant qu'une seule excitation très courte :
nous aurons une simple secousse musculaire, analogue il la contraction
musculaire volontaire normale avec, sur le cylindre enregistreur, la pé-
riode d'excitation latente, la phase d'ascension correspondant au rac-
courcissement, la phase de descente indiquant le relâchement progressif.
Avec un courant plus intense et surtout la répétition des excitations, l'am-
plitude des contractions augmente par un phénomène d'addition lente :
nous avons des convulsions cloniques. - Supposons maintenant qu'au,
lieu d'excitations séparées comme précédemment par un intervalle supé-
rieur à la durée de la secousse elle-même, nous lancions des excitations
très rapprochées, atteignant le muscle il toute période de sa contraction :
il y aura fusion des secousses en secousses plus amples et plus durables
jusqu'à devenir permanentes, et nous aurons la convulsion tonique.
[ROUSSY.]
820 CONVULSIONS ET CRISES CO\1`ULSIYFS..
L'analogie de ces résultats expérimentaux avec les phénomènes pré-
sentés par les malades est si évidente, que nous ne craignons pas de
conclure des uns aux autres. Le système nerveux remplace seulement
ici l'appareil électrique.
Mais qu'est-ce qui sollicite le système nerveux, les centres moteurs
Lulbo-spinaux à trop d'activité ? On admet que ce sont tantôt des pro-
duits toxiques qui agissent sur les cellules de ces centres : ainsi sont
causées les convulsions des intoxications. dcs auto-intoxications, des infec-
tions. Tantôl des impressions périphériques irritent les centres et amènent
les convulsions réflexes. Tantôt enfin l'excitation bulbo-spinale ne fait
que refléter l'excitation des centres nerveux de l'écorce cérébrale. Ce
dernier mécanisme est des plus importants et demande qu'on s'y arrête.
L'expérimentation nous enseignait que si l'on vient il exciter chez l'ani-
mal la zone motrice du cerveau d'un côté, dans la région rolandique.
on obtient des mouvements simples des membres dn côté opposé.
Lorsque cette excitation dépasse une certaine intensité et une certaine
durée, il a contracture. Enfin, une très forte excitation détermine une
véritable attaque d'épilepsie avec phase tonique et clonique. Cette attaque
peut se limiter à quelques muscles, à la moitié du corps (épilepsie jack-
sonienne) ou se généraliser. - Chez les malades, des lésions cérébrales,
des toxines microbiennes, des toxiques agissent comme l'excitation élec-
trique et suivant les mêmes lois.
Description. - Le ? convulsions, étant un symptôme commun à un
grand -nombre de maladies, n'ont pas d'unité, complète dans leur allure
clinique et empruntent divers caractères à leurs conditions étiologiques,
caractères qui modifient le mode de début, l'évolution et les suites du
symptôme. Le plus souvent l'accès se montre brusquement, d'emblée,
sans rien qui puisse le faire prévoir. Mais d'autres fois on note quelques
troubles moteurs, de l'agitation, des secousses musculaires qui annon-
cent la décharge prochaine (éclampsic puerpérale). Enfin la véritable aura
n'est pas rare : sensations subjectives, rapportées soit auxparties périphé-
riques, soit aux organes, hallucinations, phénomènes moteurs des épi-
septiques. - 5'ne, Ibis la convulsion survenue, elle affecte tantôt le tableau
de la crise clonique, tantôt celui de la crise tonique, ou les deux succes-
sivement, une même cause pouvant donner lieu alternativement à l'un
ou à l'autre mode convulsif. -
Les convulsions cloniques réalisent l'aspect typique de la crise épilep-
tique, une fois la courte phase tonique passée. Pour la caractériser d'un
mot, nous dirans que c'est l'irrégularité même. Le mouvement, brusque
et soudain, est aussitôt remplacé par le relâchement et la résolution aux-
quels succède une secousse nouvelle. Mais ces secousses sont inégales en
force et en durée, les membres sont portés en tous sens et il arrive
fréquemment, dans les mouvements de flexion, d'extension, d'adduction,
d'abduction et de pronation qui les agitent, que le malade se blesse griè-
vement aux objets qui l'environnent. Le visage n'est pas épargné : on
CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES. R21
voit les globes oculaires déviés, agités de mouvements incoordonnés et
violents, mettant l'oeil en strabisme, entraînant la pupille en haut. Des
grimaces résultent des mouvements des muscles peauciers. La tête est- .
portée en tous sens, le cou et le tronc se fléchissent et s'étendent avec la
plus complète irrégularité. La respiration courte, brusquemment entre-
coupée et presque asphyxiante, prouve que la musculature respiratoire.
thoracique et diaphragmatique, n'échappe pas à la convulsion. On observe
tantôt la rétention, tantôt l'incontinence des urines et des matières; les
convulsions peuvent en effet s'étendre aux muscles abdominaux, aux
muscles expulseurs et vider les réservoirs, ou bien ce sont au contraire
les sphincters qui se contractent et s'opposent à l'évacuation.
Toute autre d'aspect est la convulsion tonique, comme on la voit, par
exemple, dans le tétanos. Ici, même brusquerie du début : mais, au lieu
de contractions musculaires nombreuses et irrégulières, une raideur per-
manente, une contraction durable des muscles sans intervalle de résolu-
tion complète avec seulement quelques renforcements se dessinant sur ce
fond général de contracture. Le tétanos amène une raideur maxima; d'au-
tres maladies s'accompagnent d'une rigidité moins soutenue permettant
à quelques secousses plus ou moins régulières de se manifester ; mais
c'est toujours il une attitude fixe qu'aboutit la contraction. Les membres
sont étendus ou dans une demi-flexion, les mains fermées, le pouce
replié dans la paume de la main ou sur les doigts fermés et chaque
membre est dans un état de raideur telle qu'en cherchant à le soulever
on soulève le corps entier. En même temps, ces membres sont animés de
secousses qui les ébranlent sur place, sans les écarter de. leur altitude
première. A la face, la convulsion tonique prédomine souvent, d'un côté,
entraînant une déviation des traits, les mâchoires sont serrées/Le tonisme
(les muscles respirateurs suspend la respiration. Les sphincters ne sem-
blent pas convulsés au même point ni en même temps que les muscles
externes, car on observe ici les évacuations involontaires plus souvent
que dans les formes cloniques.
Toniques ou cloniques, les convulsions, si elles sont fréquentes, peuvent
entraîner par hyperfonclionnenient une augmentation de volume des
muscles mis en jeu. Leur violence peut d'ailleurs aller quelquefois jus-
qu'à amener des ruptures du tissu musculaire ou, si les muscles résis-
tent, des subluxations et même de vraies luxations, et des fractures d'os
vraisemblablement prédisposés par suite d'un processus raréfiant anté-
rieur. Les muscles sont aussi très douloureux, par suite de la fatigue
qu'ils éprouvent et de la compression qu'ils exercent sur les filets nerveux
qu'ils contiennent et sur les cordons nerveux qui les avoisinent. Peut-être
aussi l'excès de travail musculaire, avec ses conséquences sur la nutri-
tion de la cellule musculaire, n'est-il pas étranger il ces douleurs ! '
Ces manifestations locales ne sont pas tout. 11 faut tenir compte, en
outre, de certains phénomènes plus généraux. Les convulsions très
intenses et très généralisées, par exemple, chassent le sang des muscles
- [ROUSSY]
22 CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES.
vers les viscères et il en peut résulter des hémorragies. Ces troubles cir-
culatoires, puis surtout l'entrave apportée à la respiration, peuvent
amener des phénomènes asphyxiques. Les battements du coeur sont, accé-
lères et, du côté des capillaires, on constate des troubles circulatoires
périphériques se traduisant par des alternatives d'anémie et de congestion.
Les sécrétions peuvent être augmentées, particulièrement à la fin des
crises : larmes abondantes des hystériques, sueurs des tétaniques, sali-
vation dans la rage, débâcles polyuriques. Les convulsions peuvent
augmenter la température : c'est ce qui a lieu particulièrement dans le
tétanos, et que l'on pourrait, d'après certains auteurs, observer également
dans l'hystérie, l'épilepsie, etc. Enfin divers troubles nerveux ne sont
pas des raretés : byperesthésies, névralgies, sensations de fatigue du
côté des yeux, amblyopie, diplopie, défaut d'accommodation.
11 faut reconnaître que nombre de ces phénomènes, sinon tous, doivent
dépendre non des convulsions elles-mêmes mais de la cause de ces
convulsions, un même mécanisme pathologique déclenchant en même
temps les troubles convulsifs et les troubles sécrétoires, thermiques, etc.
Manche, durée, terminaison. Nous avons défini les convulsions des
accès. C'est dire que leur marche est essentiellement paroxystique : les
accès constituent par leur ensemble une attaque. Quelquefois l'accès
est unique, particulièrement dans la forme tonique; d'autres fois des
accès multiples se répètent si longtemps et de façon si rapprochée qu'ils
arrivent à constituer ce qu'on a appelé l'élal de mal. Dans les névroses,
les attaques peuvent se reproduire indéfiniment, à condition qu'elles
soient séparées par de longues rémissions. Dans les pyrexies, fièvre et
convulsions marchent de pair.
La durée- dépend de la cause. Plus que l'hystérie, l'épilepsie constitue
une prédisposition durable. Les maladies infectieuses peuvent s'accom-
pagner, au contraire, de crises très courtes, passagères, définitivement
curables. Dans certains cas (méningite tuberculeuse), la convulsion est
remplacée par la paralysie, l'excitation de l'écorce cérébrale à un mo-
ment donné arrivant en quelque sorte à son stade d'épuisement.
Nous avons vu que les convulsions peuvent guérir et passer à l'état
chronique. Elles peuvent aussi amener la mort plus ou moins vite par
asphyxie, syncope, hyperthermie, épuisement ou du fait du processus
causal.
Aussi importante que la marche proprement dite est la notion d'exten-
sion des convulsions pendant l'accès même. 11 est rare que les convulsions
se limitent à un seul muscle ou il \111 groupe musculaire. Le plus souvent
elles s'étendent il tout un côté ou aux deux, comme si l'excitation corticale,
partie du centre correspondant à la première convulsion limitée, gagnait
par contiguïté tous les centres moteurs voisins. D'autres fois, elles sont
généraliséesdemblée (épilepsie dite essentielle) constituant la convulsion
généralisée. Lorsqu'elles demeurent, au contraire, partielles ou précèdent
nettement une convulsion généralisée, elles constituent l'épilepsie par-.
CONVULSIONS ET CRISES CONVULS1VES. 825
tielle ou Bravais-jacksonienne, laquelle s'accompagne rarement d'aura
et de perte de connaissance et est le plus souvent symptomatique d'une
lésion cérébrale (hémorragie, ramollissement, tumeur, inflammation,
traumatisme), corticale ou sous-corticale ou plus rarement d'une exci-
tation fonctionnelle localisée (hystérie) ou toxique (alcool, plomb, urémie,
infection). En général, l'épilepsie jacksonienne est suivie de phénomènes
parétiques passagers; quand la lésion causale est destructrice (hémor-
ragie, ramollissement), il peut y avoir d'emblée paralysie durable. Il ne
faut pas cependant se contenter de ces données diagnostiques, car
l'épilepsie dite essentielle peut quelquefois se manifester par des con-
vulsions jacksoniennes et, d'autre part, des lésions cérébrales peuvent
donner des convulsions généralisées que rien ne distingue de l'épilepsie
vraie. Un diagnostic localisateur pourra cependant s'appuyer sur la con-
vulsion limitée, sur le siège de la première secousse (signal-symptôme)
dans les formes qui tendent il la généralisation, enfin et surtout sur les
paralysies durables consécutives.
Valeur séméiologique des convulsions. La valeur
séméiologique des convulsions est considérable. Ce sont, en elle[, des
nianifeslations fréquentes; de plus, elles annoncent des affections le plus
souvent très sérieuses et qui, dans quelques cas (urémie, éclampsie),
peuvent nécessiter une thérapeutique d'urgence. A cet égard, des diffé-
rences d'allure clinique, de pronostic et d'indications thérapeutiques
nous obligent à étudier en deux chapitres distincts ce même phénomène
pathologique, selon qu'il survient chez l'enfant ou apparaît chez l'adulte.
A) Chez l'enfant, les convulsions tiennent la place appartenant au délire
chez l'adulte. C'est dire qu'il y est particulièrement prédisposé et cela du
fait surtout de son âge et de son hérédité qui se manifeste nettement
chez lui à ce propos. Au jeune âge revient la grande excitabilité des nerfs
périphériques, ainsi que la grande activité des phénomènes réflexes, due
au développement encore incomplet des centres modérateurs situés plus
haut que la moelle. Cette prédisposition est particulièrement manifeste,
non dans l'hystérie et l'épilepsie, mais dans les convulsions symptoma-
liyues si fréquentes de lésions cérébrales et surtout dans l'éclampsie, dans
le syndrome des convulsions, dites essentielles, de l'enfance. L'hérédité
joue un rôle considérable aussi : hérédité directe (convulsions chez un
des parents, chez plusieurs frères et soeurs), hérédité de transformation
(hystérie, épilepsie) et surtout alcoolisme des parents. A ce point de vue
on a même pu invoquer l'état d'ivresse chez un des parents pondant la
conception. On a signalé enfin les affections trauinatiques (coup sur le
ventre, etc.). les émotions vives chez la mère pendant la grossesse. Quel-
ques prédispositions acquises ne sont peut-être pas négligeables, telles
que la débilité du système nerveux par naissance avant terme, la sy-
11111t ? héréditaire, les troubles digestifs, le sevrage prématuré, l'excita-
tion nerveuse, les trouilles le sevra-c 1)i-éiiiatiiié,
Y éclampsie infantile propre à la première enfance, - enfants de
[ROUSSY.J
824 CONVULSIONS ET CUISES CONVULSIVES.
2 moins il 2 ans - n'est qu'un syndrome qu'on a isolé malgré la variété
des causes qui le conditionnent parce que le plus souvent cette cause
n'est pas visible de prime abord et qu'il faut la rechercher soigneu-
sement. Le praticien appelé auprès de l'enfant prendra sa température et
s'enquerra avec grand soin, auprès des parents ou de la nourrice, des
principales causes provocatrices de cette catégorie de convulsions.
S'il n'y a pas de fièvre, ce peuvent être : le travail de la dentition, les vers
intestinaux souvent, les corps étrangers de l'oreille et du nez, les calculs
vésicaux et rénaux, les brûlures, les vésicatoires, les piqùres d'épingle du
maillot, etc. Les convulsions sont surtout fréquentes chez les nourris-
sons élevés au biberon, dans les troubles digestifs; c'est là une question
qui reste il tirer au clair.
S'il y de la fièvre, on peut avoir affaire aux maladies infectieuses à
début brusque et à la plupart des fièvres éruptives (pneumonie, broncho-
pneumonie, scarlatine, rougeole, variole) qui peuvent amener l'éclamp-
sie. On recherche alors minutieusement les signes de ces affections en
se rappelant que les crises convulsives y sont fréquentes surtout au début
et le plus souvent bénignes; à la fin elles sont plus sérieuses et peuvent
indiquer, principalement dans la scarlatine, des accidents urémiques.
Si l'on ne trouvait rien, s'il n'y a ni fièvre, ni albumine, on pensera il
la possibilité d'une intoxication dont nous ne retiendrons que l'usage du
thé, du café, de l'alcool, par la nourrice ou par l'enfant, et surtout les
intoxications médicamenteuses (opium, belladone, santonine, etc.). Il
va de soi qu'en ce cas on supprimera tout médicament.
Cliniquement, les convulsions de l'enfant ne diffèrent de celles de
l'adulte que par l'absence d'aura, de morsure de la langue. Un enfant (de
1 à 2 ans par exemple) pâlit subitement, sa tête se porte en arrière et
l'accès convulsif généralisé, d'abord tonique, puis clonique, apparaît.
Les convulsions peuvent être partielles; elles se localisent alors principa-
lement à la face et aux membres supérieurs et se caractérisent par les
mouvements des globes oculaires, la contraction des commissures buc-
cales, des secousses dans le bras. Il y a toujours perle de connaissance et
celle-ci peut même constituer tout le phénomène. Souvent on constate
en même temps que la convulsion, le spasme de la glotte (convulsion
interne), lequel peut également constituer un phénomène isolé. Il est tou-
jours prudent de prévenir les familles de la possibilité de troubles intel-
lectuels et paralytiques, de contractures qui peuvent être définitifs, d'une
transformation éventuelle en épilepsie, si l'on est interrogé sur les suites
de la maladie.
S'il s'agit d'un enfant plus âgé, on procédera tout aussi méthodique-
ment qu'auparavant à l'Interrogatoire, à la recherche de la lièvre, à l'exa-
men des urines.
Les convulsions symptomatiques de lésions cérébrales ou méningées
se montrent surtout chez l'enfant dans les méningites aiguës, les lIlél111-
sites tuberculeuses, etc. Quand elles surviennent au cours de la maladie
CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES. - 825
confirmée, on les reconnaît facilement aux signes cliniques concomitants,
céphalalgie, contracture, strabisme, mâchonnement, ou aux vomisse-
ments, à la constipation, aux résultats de la ponction lombaire, à la
fièvre. Mais quand ces signes sont encore peu marqués, vagues, on doit
réserver le diagnostic et penser il la possibilité d'une encéphalite. Nom-
breuses sont les lésions cérébrales apyrétiques : congestion, anémie, trau-
matisme crânien, sclérose cérébrale, hémorragie, ramollissement, qui
peuvent amener des convulsions ; mais ici la maladie est déjà diagnos-
tiquée antérieurement ou facile à reconnaître et la convulsion n'est qu'un
épisode. Les tumeurs cérébrales, les abcès occasionnent des convulsions
le plus souvent partielles, accompagnées des troubles de la compression
cérébrale, tels que stase papillaire, céphalée, torpeur, vomissements, etc.
Ces convulsions laissent souvent à leur suite des contractures et dcspara-
lysies localisées. Les complications de l'urémie cérébrale, auxquelles il
faut toujours penser, quoiqu'elles soient moins fréquentes chez l'enfant
(scarlatine) que chez l'adulte, seront facilement reconnues par l'examen
des urines et les commémoratifs.
Les convulsions épileptiques (épilepsie vraie) apparaissent surtout
entre sept et quinze ans. Elles sont généralement précédées par les
manifestations du petit mal, absences, vertiges, convulsions incomplètes
sans perte de connaissance. Après quelques années, surviennent les
grandes crises convulsives, très semblables à celles de l'adulte : aura le
plus souvent motrice, lmis phase de convulsions toniques, de convulsions
cloniques, de stertor suivi de sommeil. La torpeur consécutive est moins
longue et moins accentuée que chez l'adulte. Il faudra s'enquérir de ces
commémoratifs, de la morsure de la langue, de la miction involontaire,
et ceci avec le plus de détails possibles, parce que le plus souvent le pra-
ticien arrivera quand tout sera terminé.
Dans les familles nerveuses et si les signes d'épilepsie ne sont pas nets,
il faut se souvenir qu'il y a une hystérie convulsive chez l'enfant. Elle se
compose souvent de quatre périodes comme chez l'adulte (voir plus loin) :
période de convulsions, toniques ou cloniques, période de contorsions,
période d'attitudes passionnelles, enfin période de délire. Mais c'est une
crise souvent très incomplète.
En dernier lieu, et comme cause exceptionnelle, il nous reste à signaler
la possibilité de convulsions, se manifestant comme premier symptôme
de la tétanie, surtout chez le nourrisson. Ce n'est pas un diagnostic
facile. Aussi IIarvier (Thèse de Paris, 1909), conseille-t-il en présence
de convulsions d'origine indéterminée, de rechercher les signes latents
de la maladie : hyperexcitabilité électrique ou mécanique des nerfs. La
constatation de ce dernier signe (signe de Chvostek), au moment d'une
période d'accalmie naturellement - on ne trouverait rien pendant la
crise - suffit à orienter déjil le diagnostic. Hanter a pu ainsi rap-
porter à la tétanie des convulsions survenues chez des enfants entrés à
l'hôpital avec le diagnostic de méningite. Une ponction lombaire - pour
[ROUSSY.]
826 - CONVULSIONS ET CRISES CO\ ULSt1'h;s.
laquelle tout praticien devrait être outillé, amenant des résultats né'ra-
tifs, confirmerait le diagnostic.
B) Chez l'adulte, le diagnostic étiologique des convulsions est tantôt
facile, tantôt très difficile. Les cas faciles sont ceux dans lesquels cer-
taines circonstances nous mettront immédiatement sur la voie : grossesse,
lièvre intense, affection cérébrale ancienne et notoire, albuminurie.
Appelé auprès d'une femme enceinte qui a ou a eu des convulsions, le
médecin doit d'abord penser à l'éelarrrpsie puerpérale, surtout si cette
femme a présenté de l'albuminurie pendant sa grossesse. Il y pensera il
plus forte raison s'il trouve la femme en travail et pendant les suites de
couches. Les accès éclamptiques ressemblent beaucoup à l'épilepsie : ils
sont constitués par une phase de convulsions toniques, suivie d'une phase
de convulsions cloniques et s'accompagnent de perte de connaissance.
Il y a pourtant quelques traits qui les différencient du mal comitial, outre
la présence de l'albumine dans les urines : l'accès éclamptique est pré-
cédé de quelques prodromes (céphalalgie, doigt mort, barre épigastrique
de Chaussier, troubles visuels, etc.) et d'une phase d'invasion (contrac-
tures dans les muscles de la face et des yeux, mouvements alternatifs
de la tête à droite et à gauche). Nous insistons sur ces signes parce qu'il
peut arriver qu'une femme enceinte ait une crise (l'épilepsie vraie, et
soit une ancienne comitiale.
En dehors de l'éclampsie, la recherche de l'albumine dans les urines peut
encore être une source de renseignements précieux; il faut donc que le
praticien la fasse systématiquement et qu'au besoin il sonde le malade
pour se procurer la quantité nécessaire d'urine. Ce sera le seul moyen
de déceler Y urémie convulsive, s'il est appelé pour la première fois
auprès du malade, si les oedèmes sont peu marqués ou nuls. Ce sera
aussi le moyen d'agir à temps, énergiquement, non seulement dans les
formes éclamptiques, simulant l'épilepsie, dont elles ne diffèrent que par
l'absence de cri initial, d'aura, de morsure de la langue, de flexion forcée
du pouce, mais encore dans le type qui ressemble à une crise (l'épilepsie
Ilravais-,jaclaonnicnne ou dans le type tétanique, - et de sauver son
malade. Car trop souvent, si le traitement n'intervient pas, si on ne pra-
tique pas la saignée, les accès se précipitent, le malade entre dans le
coma et la mort vient terminer la scène. Malheureusement, il y a une cir-
constance où le diagnostic peut être malaisé; c'est dans l'urémie par
néphrite interstitielle. L'albumine et 1'(J'dirne, en effet, peuvent manquer
et il faudra rechercher le bruit de galop, l'hypertrophie du coeur, l'hy-
pertension artérielle. Puisque nous parlons de convulsions auto-toxiques,
mentionnons le diabète comme cause possible.
On reconnaîtra sans peine aussi les convulsions des alcooliques invé-
térés (m des nerveux ivres : la face' du malade est typique; l'odeur de
l'haleine, les vomissements ne laissent pas de doute. On pcutCI1 dire autant
des convulsions par intoxications : les commémoratifs ne manqueront
guère et l'on aura affaire le plus souvent à une tentative d'empoisonné-
CONVULSIONS ET CRISES C011'ULSI'Is. 827
ment ou à un empoisonnement involontaire par la strychnine, l'opium,
la belladone, l'ergot de seigle.
Les ouvriers qui manient la céruse présentent quelquefois des crises
épileptiformes qui sont plus longues que celles de l'épilepsie (encéplza- :
apathie saturnine à forme convulsive), s'accompagnant de trismus;
on a dans ce cas, pour servir au diagnostic, les commémoratifs et, sou-
vent, la présence du liseré saturnin des gencives.
Toutes ces convulsions sont plus ou moins apyrétiques ; mais le méde-
cin pourra être appelé auprès de malades qui ont de la fièvre et une
forte fièvre, qui sont quelquefois alités depuis plusieurs jours et qui
ont ou qui viennent d'avoir des convulsions généralisées. Dans ce cas,
le diagnostic ne devra par s'égarer. En examinant le malade on trou-
vera les marques d'une pyrexie au début, d'une fièvre typhoïde,
d'une fièvre éruptive. Les convulsions pourront, il est vrai, marquer
tout à fait le début de l'état infectieux et le diagnostic être moins
aisé. On attendra pour se prononcer, et le plus souvent les soupçons se
changeront en certitude après une nouvelle visite faite au malade. Tar-
dives, les convulsions seront ici facilement rapportées à leur cause. Nous
ne mentionnons que pour être complet la fièvre pernicieuse il forme
convulsive que connaissent les médecins des régions à paludisme, ainsi
que les convulsions de la rage, pour en arriver tout de suite aux
manifestations nerveuses, fébriles aussi, des infections du système
nerveux.
On est en présence d'un malade qui a un état infectieux grave, de
la fièvre, des convulsions; on ne trouve pas de signes des grandes py-
rexies connues, telles que la scarlatine, la lièvre typhoïde, la pneumonie,
la grippe, mais on est frappé par l'importance des réactions nerveuses.
On recherchera les signes nerveux et on reconnaîtra la méningite aiguë,
la méningite cérébro-spinale épidémique. aux contractures, aux acci-
dents délirants et comateux. L'opisthotonos, le trismus, l'origine épidé-
miclueferont pencher en faveur de la méningite cérébro-spinale. En cas
de doute, il faut recourir à l'examen cytologique et bactériologique du
liquide retiré par ponction lombaire. Nous avons vu comment on pouvait
reconnaître une méningite tuberculeuse : ces signes valent pour l'adulte
comme pour l'enfant. Chez celui-ci la présence fréquente d'autres loca-
lisations tuberculeuses évidentes fournit un appoint au diagnostic, quand
des convulsions partielles ou généralisées auront fait leur apparition.
En dernier lieu, il faut savoir penser à une affection qu'on a trop long-
temps méconnue, l'encéphalite aiguë. On lui attribue nombre d'acci-
dents .nerveux des pyrexies, mais il reste cependant un certain nombre
de faits où elle est apparue chez des individus indemnes de toute affec-
tion préalable, s'affirmant ainsi comme une maladie primitive (Char-
tier). Un malade infecté présente des symptômes cérébraux, céphalée,
délire, jactation. agitation des membres, convulsions localisées et con-
tractures. Mais le pouls reste régulier et. soutenu, hien que rapide et ce
[ROUSSY.]
828 CONVULSIONS ET CRISES CONVULS1VES.
qui domine, c'est une somnolence profonde, se compliquant bientôt de
phénomènes paralytiques.
Le diagnostic des convulsions est encore facile dans d'autres affections
cérébrales et méningées, apyrétiques, et dont le début remonte à des
mois ou à des années. C'est ainsi que dans la sclérose cérébrale chro-
nique vous constaterez qu'il v a des paralysies ou des contractures et on
vous aura dit qu'elles dataient de l'enfance. C'est ainsi qu'on vous
appellera auprès d'un paralytique général qui vient de compliquer son
état déjà si grave par des convulsions partielles ou généralisées; si nous
ne connaissons déjà le malade, l'entourage nous dira que depuis quel-
ques mois déjà l'état intellectuel du malade avait baissé, qu'il y avait
des manifestations délirantes, tristes ou ambitieuses. On reconnaîtra
la cause en recherchant les signes essentiels de la paralysie générale,
tremblement, troubles de la parole, signe d'Argyll-Robertson, etc. On
pourra rencontrer quelquefois aussi des cas de méningite chronique, un
hématome.
Terminons ce diagnostic en rappelant les convulsions qui résultent de
l'insolation et celles qui dépendent de l'anémie cérébrale consécutive
aux grandes hémorragies externes et internes, d'un traumatisme crânien.
enfin d'une irritation périphérique ou viscérale (épilepsie pleurale
diaque, nasale, etc.). '
Nous venons d'énumérer les cas où le diagnostic étiologique des con-
vulsions est relativement aisé. Il nous reste à parler, avant, de décrire les
deux grandes névroses convulsives, l'épilepsic et l'hystérie, d'une série
de circonstances cliniques où le praticien pourra être fort embarrassé.
Dans certains cas, très graves, cela ne sera que de peu d'importance
au point de vue thérapeutique; dans d'autres, au contraire, le salut
du malade pourra dépendre d'un diagnostic précis et sur.
],'héiiio7,i,agie méningée peut se manifester par des convulsions épilep-
tiformes survenant au moment de l'ictus apoplectique auxquelles succé-
dera bientôt un état comateux avec hémiplégie ou paralysie des quatre
membres. Elle est fréquente chez les alcooliques. Mais une hémorragie
infra-ventriculaire peut aussi frapper un alcoolique et il sera difficile de
différencier les deux états; peu importe. Mais voici des cas où il faudra
faire un diagnostic précis.
Des convulsions généralisées ou partielles pourront être les premiers
symptômes d'une tumeur cérébrale, d'un abcès, d'une lésion tubercu-
leuse limitée, qui sont quelquefois curables, d'une allémlion syphilitique
qui l'est souvent aussi. Il faudra rechercher alors avec soin s'il n'existe
pas, au moins à l'état d'ébauche, un des signes suivants : céphalée et dou-
leurs localisées, parésie hémiplégique, paralysie d'un nerf crânien, oedème
papillaire en faveur d'une tumeur, des signes surtout cérébelleux en
faveur d'une localisation au cervelet, quelque lésion otique ou nasale
en faveur d'un abcès. Le début des convulsions par le membre inférieur,
épilepsie partielle crurale, doit faire penser, chez un tuberculeux, à une
CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES. 829
plaque méningée; l'exaspération nocturne de la douleur, les antécédents
spécifiques à la syphilis cérébrale. Toutes ces conditions seront quelque-
fois insuffisantes et l'on sera souvent tenté et autorisé de faire appliquer
le trépan autant dans un but de diagnostic que de traitement. Dans des
éventualités plus rares, l'apparition de convulsions chez un malade ne
cause pas d'embarras au clinicien et lui rend plutôt le service de porter
son attention sur une étiologie cérébrale possible. Il s'agit de malades qui
souffrent depuis des semaines d'abattement, de torpeur, de maux de tête,
de poussées thermiques. On les examine et on ne trouve rien ou presque.
L'apparition des convulsions éclaire alors d'une lumière intense cette
symptomatologie vague et montre que le danger est au cerveau.
Faute d'y penser on peut être embarrassé par la survenue de convul-
sions après un accès de migraine ophtalmique ou méconnaître les rela-
tions qu'elles peuvent avoir avec un pouls lent permanent.
Il nous reste enfin à parler de deux causes capitales de convulsions,
Y hystérie et l'épilepsie. Nous les rangeons avec les diagnostics difficiles,
non pas que leur symptomatologie ne soit très typique, mais parce que
le médecin n'arrive que trop rarement à temps pour voir la crise et qu'il
doit, dans bien des cas, se contenter de la description que lui a fait
l'entourage.
Crise convulsive de l'épilepsie. L'accès épileptique peut,
apparaître soudainement, au milieu d'un état de santé tout à fait satis-
faisant en apparence ; il semble au spectateur que le malade soit tombé
comme foudroyé, et la brusquerie de la crise a empêché l'entourage de
prendre aucune précaution. D'autres fois, au contraire, il y a des phéno-
mènes prémonitoires, presque toujours les mêmes pour chaque malade
et dont la survenue prévient l'épileptique et son entourage qu'une nou-
velle crise va éclater. Ces phénomènes sont d'une constatation particuliè-
rement utile quand ils précèdent de quelques heures ou même de
quelques jours l'accès comitial; ils sont très variables et peuvent con-
sister en tremblements généralisés ou partiels, en grincements de dents,
en clignotements, en sensations de chatouillement sur la luette, dans
l'un des yeux, dans l'une des narines, en excitation génitale insolite, etc.
Quand elles précèdent immédiatement le paroxysme convulsif, les mani-
festations prémonitoires prennent le nom d'all1'as : elles constituent en
réalité le symptôme initial de l'accès et affectent la forme de troubles
moteurs, sensitifs, sensoriels ou psychiques et viscéraux. L'énumération
des variétés d'auras que l'on a pu rencontrer serait longue. Contentons-
nous de signaler ici, dans l'ordre moteur, les secousses musculaires, les
tremblements, les spasmes qui remontent de la périphérie d'un membre
à sa racine; les mouvements automatiques, tels que l'acte de se gratter le
front, de cligner des yeux ou de se passer la langue sur les lèvres, les
mouvements coordonnés. Des sensations particulières de chaud, de froid,
d'engourdissement remontant du tronc et des membres vers la tète,
constituent l'aura sensitive. Les auras sensorielles sont surtout visuelles :
[ROUSSY.]
850 CONVULSIONS ET CRISES l;0\VULSlI'1 : 5.
photophobie, obnubilation de la vue pouvant aller jusqu'à la cécité,
scotomes de formes et de couleurs diverses, vision grossie ou rapetissée
des objets, hallucinations, etc. Elles peuvent être auditives, olfactives ou
gustatives. Les auras psychiques sont particulièrement intéressantes :
réminiscence rapide et vite évanouie de quelque événement antérieur,
dépression mélancolique, terreur folle, accès de violence, etc. Enfin les
douleurs précordiales, les palpitations, les coliques violentes, l'angoisse
respiratoire avec sensation de spasme laryngé, le vertige, le bégaiement
ou la paraphasie réalisent de véritables auras viscérales.
Quoi qu'il en soit du mode de début, l'accès convulsif est toujours
secondaire. Le malade pâlit, pousse un cri et tombe sans connaissance.
Aussitôt commencent les convulsions toniques, bientôt suivies par le
stade clonique. Après une à deux minutes, stertor qui termine l'attaque.
Le patient épuisé s'endort. L'ensemble reproduit les deux phases
toniques et cloniques que nous avons signalées plus haut dans notre des-
cription générale des convulsions.
Dans la phase tonique en effet, la tête s'incline ou se porte en arrière,
les globes oculaires se dirigent en haut et du côté où se tourne la tète,
puis se fixent en strabisme convergent, les pupilles dilatées sont insen-
sibles il la lumière, le visage est grimaçant et surtout la langue est
mordue profondément. Les membres raides sont tendus, les mains
fermées, le pouce replié dans la paume de. la main ou sur les doigts
fermés. La poitrine immobile est fixée en expiration, la face rouge et
congestionnée au point de devenir le siège de ruptures vasculaires con-
jondintles ou palpébrales. Dès ce moment, on peut observer des évacua-
tions involontaires de matières et d'urines. Le pouls est fréquent, la
pression artérielle élevée.
Au bout de quelques secondes commence la phase clonique. Les
membres sont portés en tous sens, tout le corps est agité par saccades;
on voit les globes oculaires animés, agiles de mouvements incoordonnés
et violents, mettant l'oeil en strabisme, entraînant la pupille en haut.
Les dents grincent, la langue est déchirée et chaque effort expiratoire
projette hors de la bouche une salive sanguinolente, véritable mousse
rougeatre. Des grimaces résultent des mouvements des muscles peauciers.
La respiration courte, brusquement entrecoupée et presque asphyxiante,
prouve que la musculature respiratoire participe il la convulsion. L'éva-
cuation des urines et des mat ières fécales s'observe comme précédemment,
mais par relâchement des sphincters. L'hypertension artérielle, la tache- : cardie persistent.
Enfin, l'explosion convulsive se calme et le malade entre dans la phase
de stertor. Les membres sont flasques et inertes, la face livide, le malade
insensible reste dans la torpeur, il ronfle. Puis au bout de quelques
minutes, d'une demi-in'ure et quelquefois davantage, on le voit se
réveiller, hébété et las, n'ayant aucun souvenir de ce qui vient de se
passer..
CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES. 851
Quand le médecin n'aura pas été présent à l'attaque, il se fera raconter
minutieusement la scène et n'oubliera pas de constater lui-même si la
langue a été mordue, si les urines ont été rejetées et si le malade s'est
blessé; il insistera sur l'existence de l'amnésie de la crise.
Il tiendra compte aussi de la possibilité de crises atténuées, incom-
plètes ou, au contraire, aggravées. C'est ainsi que, par exemple, la phase
tonique pourra être très courte, ou absente, la phase clonique limitée à
une partie du corps, le cri initial, la morsure de la langue, les évacua-
tions manqueront quelquefois. Dans d'autres circonstances, les crises
pourront se multiplier, se répéter même coup sur coup, devenir subin-
trantes et constituer Y étal de mal, lequel conduira il la mort par collapsus
ou au milieu des convulsions, quelquefois à la guérison. Enfin l'accès,
souvent nocturne, peut passer inaperçu, le malade continuant son som-
meil après la phase stertoreuse : le praticien recherchera s'il n'y a pas eu
évacuation d'urine ou morsure de la langue pendant la nuit, s'il n'y a
pas une ecchymose au réveil.
L'attaque comitiale typique peut alterner avec des attaques anormales,
dites petit mal, ou être remplacée par elles : il s'agit alors d'accès de
vertiges, d'ictus apoplectiformes, d'absences, d'épilepsie précU1'sive,
d'automatisme ambulatoire, de crises stertoreuses, etc. Elle peut aussi
alterner avec les équivalents, syndromes sensoriels, viscéraux ou psy-
chiques, dont la nature épileptique ressort de leurs allures paroxystiques,
de leur retour périodique, de l'action de la médication broniurée sur eux.
Crise convulsive de l'hystérie. Très difficile quand elle
simule l'épilepsie ou l'allaque jacksonienne, le diagnostic de la grande
crise convulsive hystérique est plus facile quand on peut noter les par-
ticularités suivantes. A la suite de prodromes plus ou moins éloignés,
consistant en tristesse, excitation, besoin irrésistible de marcher, de
gesticuler, de parler, en hallucinations, en palpitations, rougeurs ou
pâleur des extrémités, hoquet, oppression, nausées, tremblements, etc.,
survient l'aura proprement dite, la « boule hystérique ». C'est une sen-
sation de corps arrondi qui se déplace en remontant des parties inférieures
de l'abdomen vers l'épigastre, la poitrine, le cou. Il va des sensations de
suffocation, de sifflement dans les oreilles, des battements dans les
tempes, du vertige; puis l'accès éclate et s'accompagne de perte de con-
naissance et de chute.
La phase tonique commence d'emblée, avec. quelquefois miction invo-
lontaire et morsure de. la langue, bientôt suivie d'une phase clonique et
de résolution : le tout constitue la période épileptoïde. Puis, au milieu
de cris, de soubresauts, le sujet entre dans la deuxième période, celle
des contorsions et des grands mouvements, dite encore période de
c/0 ! <; ! u.< ? . Il se contorsionne, grimace, déchire ses vêlements, prend
les altitudes les plus imprévues, particulièrement celle dite « en arc de
cercle » , Il semble que des hallucinations d'un caractère effrayant le pour-
suivent.
[ROUSSY] ]
852 CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES.
Dans la période des altitudes passionnelles, les jeux de physionomie
les gestes, les poses les plus expressives, les paroles reproduisent les
diverses scènes d'une hallucination, d'un rêve, toujours les mêmes pour
chaque malade et reproduisant des événements du passé avec leur cortège
d'émotions tristes ou gaies.
La quatrième période, dite période de délire, annonce la fin de la
crise. C'est un délire surtout parlé.
La terminaison de toute cette scène dramatique se fait quelquefois au
milieu de quelques phénomènes critiques : polyurie, pleurs, rires,
hoquets. Le sujet se réveille et en est quitte pour un peu de fatigue.
Ainsi constituée, la crise peut se répéter il intervalle, variable, tous les
jours, plusieurs fois par jour. On a décrit un état de mal ? s/en'<7Me. Ce
qu'il importe de savoir surtout, c'est que le paroxysme hystérique ne
présente pas toujours, il s'en faut, celle intensité et cette complexité.
Très fréquente, en effet, est la petite attaque d'hystérie qui débute par
une aura, suivie de perte de connaissance plus ou moins complète. Une
période convulsive survient, tonique, puis clonique, avec ébauche d'arc
de cercle et d'attitudes passionnelles, et la crise se termine par une
période post-convulsive ou de délire.
Ici, comme dans l'épilepsie, il peut y avoir des formes irrégulières ou
frustes d'attaques hystériques : on pensera au vertige hystérique, aux
attaques épileptoïdes, aux attaques démoniaques, d'extase, de syn-
cope et de sommeil, etc. -
Le diagnostic différentiel entre la crise convulsive épileptique et la
crise convulsive hystérique se basera sur les considérai ions suivantes :
la crise hystérique est plus fréquente chez la femme; elle éclate pendant
la journée, souvent à propos de chagrins, d'émotions, de querelles; elle
dure longtemps. La crise épileptique est aussi bien nocturne que diurne,
elle apparaît sans motif apparent, s'accompagne d'incontinence d'urine,
de morsure de la langue, est suivie d'une longue période, de stertor. Mais
quelques-uns de ces caractères, morsure' de la langue, évacuation invo-
lontaire d'urine, peuvent se rencontrer accidentellement dans le pa-
roxysme hystérique; d'autre part, une émotion intense, peut quelquefois
provoquer un accès comitial. Le praticien recherchera alors quelques-
uns des signes objectifs, que l'hystérique ne peut reproduire, cette né-
vrose, d'après la définition de Babinski, ne pouvant réaliser que ce que
la volonté et l'imagination peuvent réaliser. Ces signes, en faveur de
l'épilepsie, sont le phénomène des orteils et la lividité de la figure,
particulièrement des lèvres. On y peut ajouter l'exagération fréquente
des réflexes tendineux avec clonus du pied, l'état de la pupille qui est
dilatée et immobile à la lumière. En outre, en examinant le malade en
dehors des crises, on verra que l'hystérique présente les signes du pilhia-
lisntc (Babinski), absents chez les épileptiques; tous les troubles pithia-
tiques peuvent être reproduits par suggestion et on peut les faire dispa-
raître sous l'influence exclusive de la persuasion. Cela revient à dire
CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES.. > 855
qu'il ne faudra pas s'attarder à rechercher les fameux « stigmates » de la
névrose auxquels on attachait autrefois tant d'importance. Ceux-ci sont
inconstants, artificiellement provoqués le plus souvent par les examens
réitérés des médecins, quelquefois par l'influence suggestive de conver-
sations, de lectures, par l'imitation. Ils peuvent par conséquent faire
défaut, et il sera nécessaire de se contenter de l'analyse de la crise
convulsive elle-même. L'épileptilluc aura eu souvent des crises convut-
sives dans l'enfance : il présentera les stigmates de la dégénérescence,
dans certains cas; presque toujours des cicatrices ou des ecchymoses,
témoins de chutes anciennes ou récentes.
Enfin le praticien "n'oubliera pas qu'hystérie et épilepsie peuvent
coexister chez le même malade et qu'il faudra dans ce cas chose sou-
vent malaisée faire le départ de ce qui revient à l'une et à l'autre
maladie.
PXATKHXEUROL. M
[ROUSSI.]
TREMBLEMENTS
par le De CROUZON
Littré définit le tremblement : « Une agitation involontaire du corps
ou de quelques membres par petites oscillations pendant l'exécution de
mouvements volontaires qui n'en continuent pas moins à se produire et
qui ne font que perdre de leur précision ».
Cette définition est adoptée sans restriction par Blocq et Onanolf :
llallion fait remarquer que les oscillations pour caractériser le tremble-
ment doivent être régulières et rythmées. D'antre part, les oscillations
peuvent être assez étendues comme dans la sclérose en plaques; enfin,
certains tremblements peuvent cesser pendant l'exécution des mou-
vements volontaires. I-(allion propose donc de substituer à la définition
de Littre la suivante : « Agitation involontaire par oscillations rythmées ».
Nous allons passer ci-dessous en revue un grand nombre de variétés
de tremblements : dans chacune de ces catégories le tremblement sera
caractérisé par un certain nombre de points suivants :
1° Siège du tremblement. Le tremblement peut être généra-
lisé aux membres, il la tête et au tronc. Il peut au contraire être limité à
un côté du corps, à un membre, aux deux membres inférieurs; il est
quelquefois limité aux globes oculaires : c'est le nystagmus.
20 Intensité du tremblement. - Le tremblement est quel-
quefois très faible, le malade ne s'en aperçoit pas, tel est le cas du
tremblement alcoolique; il faut alors user de certaines manoeuvres pour
mettre en évidence ce tremblement. C'est ainsi que pour les membres
supérieurs il faut demander au malade d'étendre les bras et d'écarter les
doigts : c'est l'altitude du serment.
Au niveau des membres inférieurs, il faut demander au malade
d'étendre les jambes. Azoulay et Regnault (Congrès de Caen, 1894) ont
montré que le meilleur moyen pratique d'exagérer le tremblement ou de
le faire apparaître s'il est insensible, est de faire exécuter un effort au
malade. Ils ont étudié le tremblement par la méthode graphique sans
effort et avec effort et ont constaté l'exagération de ce tremblement.
D'autre part, l'effort synergique exagère aussi le tremblement; on sait,
depuis .lendrassik, que le réflexe rotulien peut apparaître pendant un
effort, il en est de même du tremblement : si l'on fait un effort dans nn
bras, le tremblement s'exagère dans l'autre bras. Mais, à part ces cas oir
TREMBLEMENTS 83.
l'intensité du tremblement est minime, il est des cas oil l'intensité est telle
qu'elle empêche presque le mouvement volontaire, la marche devient diffi-
cile, il faut une analyse minutieuse quelquefois pour déceler que cette
démarche est rendue difficile par le tremblement.
3° Rythme du tremblement. - Il peut être variable si les oscil-
lations sont inégales en fréquence. Comparés les uns aux autres, les trem-
blements peuvent être classés en rythmes rapides ou tremblements vibra-
toires (8 à 12 oscillations par seconde); le type de ce rythme rapide est
le tremblement de la maladie de Basedow. Le rythme peut être moyen,
de y 1/'2 il 7 oscillations J/2 par seconde, c'est le tremblement de la
plupart des intoxications. Enfin, le rythme peut être lent comme dans
la paralysie agitante, les oscillations sont de 4 à 5 1/2 par seconde.
4° Influence des mouvements volontaires. Le procédé
le plus simple pour découvrir les tremblements exagérés ou provoqués
par les mouvements intentionnels consiste il faire prendre au malade un
verre rempli d'eau jusqu'au bord et il lui demander de le porter à sa
bouche pour le boire. Cet acte peut quelquefois s'accomplir facilement
malgré le tremblement. D'autre part, le tremblement peut cesser pen-
dant l'accomplissement de cet acte chez certains trembleurs (paralysie
agitante). Enfin, il peut s'exagérer et on peut voir le tremblement
augmenter progressivement, au sur et à mesure que le mouvement
s'accomplit. Quand le verre se rapproche des lèvres, le tremblement
s'exagère, les dents se choquent et le liquide est répandu : on mettra
ce fait en évidence dans l'examen d'un malade atteint de sclérose en
plaques.
5° Autres influences modificatrices. L'émotion peut exa-
gérer le tremblement fébrile, elle peut au contraire le diminuer ou le
faire disparaître.
La peur de trembler, la lI'élllopllObie (Mcigc) peut accentuer le trouble
moteur.
6" Évolution du tremblement. Le tremblement peut se
produire tout d'un coup brusquement; il peut se produire lentement
envahissant successivement toutes les parties du corps. La durée du
tremblement peut être variable, quelquefois il est passager comme dans
le frisson; il peut avoir une tendance à l'amélioration comme dans
l'hystérie, comme dans les intoxications; il peut être enfin chronique
comme dans la sclérose en plaques, dans la paralysie agitante, dans
la maladie de Basedow. Mais, il travers l'évolution d'un tremblement, le
rythme et ses variations suivant les mouvements intentionnels persis-
tent invariables. -
7° Inscription d'un tremblement par la méthode gra-
phique. L'enregistrement du tremblement est le complément néces-
saire de l'élude clinique qu'on en a fait; nous n'entrerons pas ici dans le
détail de la technique de la méthode graphique.
Le pneumographe de Marcy a permis il Parisot (de Nancy) de constater
(CROUZON.]
856 TREMBLEMENTS.
dans les tremblements l'existence d'un tremblement respiratoire dont le
nombre des oscillations et les caractères sont identiques à ceux du trem-
blement général, .
8° Phénomènes accompagnant le tremblement. Le
tremblement peut avoir une répercussion sur d'autres fonctions : la ta-
chycardie se rencontre fréquemment chez les trembleurs, suivant Gilbert
Ballet elle serait fonction du tremblement. Pierre Marie estime au con-
traire qu'entre les deux phénomènes il n'y a pas de relation de cause i,
effet mais que les deux phénomènes dépendent au même titre d'une per-
turbation probable du système nerveux central.
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
Y a-t-il tremblement ? - On ne confondra pas le tremblement :
avec les secousses fib1'illail'es des muscles qiii ne sont pas suffisantes
pour produire un déplacement du membre. De même les secousses ten-
dineuses ne provoquent pas de déplacement des membres,, et d'autre part
ils se produisent d'une façon irrégulière et non rythmée, ce qui est con-
traire à la définition que nous avons donnée du tremblement.
Les mouvements choréiques qui sont étudiés plus loin se distinguent
par un certain nombre de caractères : ce sont des contractions muscu-
laires involontaires, incessantes, irrégulières, de grande amplitude, assez
brusques, mais sans secousses qui déterminent des mouvements contra-
dictoires.
Les mouvements de l'aileélose sont au contraire des mouvements plu»
lents, réguliers, de petite amplitude, illogiques et caractérisés au niveau
des mains et des doigts par des mouvements successifs d'extension et de
flexion, d'adduction et de flexion qui rappellent ceux du poulpe.
Les tics sont des mouvements plus brusques que les mouvements
choréiformes, des mouvements convulsifs et intempestifs répétés à l'excès,
commandés primitivement par une cause extérieure ou par une idée
acquise. Dans la suite, ils se répètent involontairement. '
Les mouvements du tahétique ne sont ni réguliers ni rythmés, et leur
incoordination suffit pour les distinguer du tremblement.
L'asynergie cérébelleuse décrite par Babinski est caractérisée par un
trouble dans la faculté d'associer les mouvements des divers segments
d'un membre dans un mouvement complexe comme la marche par
exemple. Les asynergiques présentent également la perte de la diaduco-
cinésie : c'est l'impossibilité d'exécuter des mouvements successifs tels
que ceux de supination et de pronation pour l'avant-bras : il en résulte
une série de mouvements irréguliers qui sont tout à fait distincts du
tremblement. - , ,
Les spasmes fonctionnels sont également différents des 1renr ! JI(']lle1ts :
ce sont, comme l'a montré Brissaud, des troubles moteurs dépendant d'une
irritation siégeant sur un point quelconque d'un arc réflexe : tel est le
DIAGNOSTIC DE LA CAUSE DU TREMBLEMENT. S7
spasme qui accompagne la névralgie du trijumeau. Les contractions
musculaires du spasme occupent un territoire nerveux défini, elles sont
parcellaires, paradoxales et illogiques, elles ne peuvent être reproduites
par la seule volonté : telles sont l'incurvation de l'aile du nez et la consta-
tation de la fossette mentonnière dans le spasme facial (Babinski).
Cependant, dans certains cas, le tremblement peut avoir des rapports
avec d'autres mouvements normaux; on a pu observer quelquefois des
associations fréquentes des mouvements choreiformes et des trem-
blements : telle est la maladie de Friedrcich où les mouvements inten-
tionnels coexistent avec les mouvements choréiforines. Toutefois, il ne
faut pas aller jusqu'à penser que le, tremblement simple peut, dans
certains cas, se transformer en mouvement arythmique choréiforme.
.. DIAGNOSTIC DE LA CAUSE DU TREMBLEMENT
Il faut nous demander tout d'abord si le tremblement est toujours un
phénomène pathologique : Lamarcq a rapporté (Congrès de Neurologie,
1890) le résultat de l'examen qu'il a pratiqué avec M. Pitres : sur
1000 sujets il a observé, en dehors de tout état pathologique, un trem-
blement dans 40 pour 100 des cas. Ce tremblement ne différait du reste
ni du tremblement émotionnel ni du tremblement alcoolique, il était de
petite amplitude et à oscillations rapides. Il a trouvé un même nombre
de trembleurs chez les hommes que chez les femmes.
Croctj de Bruxelles pense que ces tn'lI1h]eurs, en apparence nor-
maux, sont des sujets pathologiques, et il pense, que le tremblement est
un phénomène anormal.
Parizot (Congrès de Nancy, 1890) a étudié avec Meyer le tremblement t
physiologique et pense que tout le monde tremble plus ou moins il l'état
physiologique. Ce sont du reste également, les conclusions de Bloch
et uliuscluct (Société de Biologie, février 1004). Ces auteurs pensent
que, le tremblement est un phénomène commun à tous les individus,
il se produit dans deux circonstances : dans l'effort musculaire intense
et dans la recherche d'une position d'équilibre. Ce tremblement a une
vitesse variable suivant les individus et pour un même sujet, il côté
d'une uniformité de vitesse, il présente des irrégularités d'amplitude.
Le tremblement physiologique a fait l'objet de la thèse de Husquet
(Paris, 1904).
Celte question du tremblement physiologique étant écartée, toutes les
lois que ) l'on se trouvera en présence d'un tremblement manifestement
pathologique, il y aura lieu d'en déterminer la cause. Pour cette recherche
de la cause du tremblement, les différents auteurs se sont guidés sur des
classifications différentes : c'est ainsi que Charcot, et à son exemple
llnibou, distingue les tremblements suivant les modifications que leur
donne les mouvements volontaires et aussi suivant la rapidité du rythme :
nous pensons que cette distinction est plus théorique que pratique et
[CROUZON.]
8M TREMBLEMENTS.
qu'il convient, en présence d'un tremblement, de se demander tout
d'abord si ce tremblement est transitoire ou s'il est permanent : dans le
second cas il y a lieu de passer en revue les affections cérébro-spinales.
les affections nerveuses sans lésions organiques connues, les intoxica-
tions, en un mot toutes les affections qui peuvent provoquer le trem-
blement : c'est l'ordre que nous suivons.
1" Tremblements transitoires. Le plus fréquent des trem-
blements transitoires est le tremblement émotionnel : il apparaît à l'occa-
sion d'une émotion, d'une frayeur, d'une perturbation morale quelle
qu'elle soit : ce tremblement n'est du reste que l'exagération du trem-
blement physiologique, ou. dans certains cas, l'exagération d'un trem-
blement pathologique préexistant.
Le frisson est le tremblement du début des pyrexies : l'intensité du
tremblement, le claquement des dents, la sensation de froid que présente
le malade en font faire aisément le diagnostic qui est confirmé par l'appa-
rition de la température et quelquefois par le stade de sueur qui termine
l'accès.
Reginald Nùller (llrait7,1 ! )()l).) a décrit un tremblement aigu survenant
chez les enfants, à mouvements lents, rapprochés, continus, de cinq os-
cillations par seconde, lie ? une attente morbide du système cérélwllll-
rnbro-spinal et dont la guérison survient en quelques semaines.
2° Tremblements permanents. Les tremblements perma-
nents ou tremblements chroniques s'observent au cours d'un grand
nombre d'affections du système nerveux. On peut les diviser, comme le
faisait Cliarcot, en tremblements persistants pendant le repos et en trem-
blements n'apparaissant qu'à l'occasion des mouvements volontaires.
Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire de ranger tous les trem-
blements dans l'un ou l'autre de ces groupes. Nous décrirons successi-
vement les tremblements liés à des lésions organiques du système ner-
veux et les tremblements qui ne sont pas liés à des lésions organiques
connues.
Tremblement dans la sclérose en plaques. Il est le type du
tremblement apparaissant l'occasion des mouvements et de la volonté :
ce tremblement en effet ne se montre jamais quand le malade est au
repos, il apparaît uniquement il l'occasion des mouvements volontaires et
le procédé classique qui consiste il le mettre en évidence est celui que
nous avons indiqué : demander an malade de porter un verre rempli
d'eau il sa bouche; mais on peut le voir aussi apparaître quand le malade
n'est pas suffisamment en équilibre sur sa chaise ou dans son lit, c'est
alors le tremblement d'attitude.
Enfin le tremblement apparaît d'une façon très évidente quand le
malade se met il écrire; le. tremblement s'exagère pendant toute la durée
des mouvements et rend l'écriture tout il fait irrégulière, au bout de
quelque temps elle devient tout il l'ait impossible.
D'autre part, ce tremblement est imitatif, tout un membre est emporte
DIAGNOSTIC DE LA CAUSE DU TREMBLEMENT. 859
par ses oscillations. Le tremblement part de la racine du membre, de
l'épaule par exemple, et se transmet au hras, à l'avant-bras, à la main et
aux doigts. Ce caractère du tremblement s'oppose il celui des tremble-
ments S('gll1l'nlail'cs : en général, il est plus marqué au niveau des
membres supérieurs, mais il est également très marqué au tronc et à la
tète dans les mouvements du corps. Les mouvements du tronc et de la
tète peuvent, dans ce cas rendre difficiles les mouvements du corps :
c'est la démarche vacillante d'0p])enheim; de même quand le malade
porte un verre il sa bouche, la tète participe au tremblement et rend
l'exécution des mouvements difficiles.
Si le tremblement est surtout intentionnel, il n'en est pas moins vrai
qu'il est modifié par d'autres circonstances : 1 étendue du mouvement
exécuté exagère le tremblement, l'émotion, l'attention agissant dans le
même sens.
L'évolution de ce tremblement est progressive : il s'exagère dans le
cours de la maladie et au sur et il mesure qu'il s'accentue, il entrave l'ali-
j\mcntation du malade, il empêche la marche et l'oblige à garder le lit.
A côté du tremblement de la sclérose en plaques, nous mentionnerons
immédiatement le tremblement de la maladie de Friedreich qui est en
effet très analogue à celui de la sclérose en plaques. Le diagnostic de la
maladie se fera par l'ataxie statique, les mouvements choréiformes, le
nystagmus et surtout par l'abolition des réflexes associée au signe de
Babinski.
Nous rapprocherons également de ces tremblements celui observé par
Babinski dans certaines affections de l'appareil cérébelleux, nous faisons
allusiol1 ,'\ l'Iu\lIli tr'(,11 Iblel1 Il'11 associé, à l'héllliasynergie produite par une
lésion cérébelleuse protuberantielle. Dans le cas de Babinski (Société de
Neurologie, 7 février 1901) le malade présentait des petits mouvements
alternatifs de flexion et d'extension de l'avant-bras sur le bras, de pro-
nation et de supination de la main sur lavant-bras; la main présentai !
un tremblement analogue caractérisé par des mouvements alternatifs
d'abduction et d'adduction; quand le malade portait un verre à sa bouche
il apparaissait un tremblement caractérisé par des oscillations au nombre
de 3 ou 4 à la seconde, s'accentuant il mesure que l'objet s'approchait du
but. 1M. André Thomas et Jumentie (Revue Neurologique, 15 no-
vembre 1909) ont observé les mêmes troubles de la sensibilité et en
particulier le tremblement kinétiquc et statique dans l'atrophie olivo-
ponto-cerebelleuse. Gordon Holilles a décrit un tremblement analogue.
Tremblement dans la paralysie générale. Il se présente quelque-
fois au repos, mais cependant c'est surtout pendant l'effort volontaire qu'il
apparaît : on l'apprécie aux mains dans l'attitude du serment, aux doigts
dans la maladresse des mouvements, enfin à la langue et aux lèvres dès
que le malade commence il vouloir parler : on voit alors, au niveau des
muscles qui entourent l'orifice buccal, de petits mouvements irréguliers,
asymétriques qui s'accentuent quand le malade commence à parler; si
{CROUZON-1 .
'.840 .. - TREMBLEMENTS.
on demande au malade de tirer la langue on peut voir apparaître un même
.tremblement d'intensité variable : quelquefois la langue se déploie avec
intensité dans sa totalité d'arrière en avant donnant l'apparence désignée
par Magnan sous le nom de mouvements de trombone; quelquefois la
langue présente des secousses irrégulières, d'autres fois enfin ce sont de
simples tremblements fibrillaires analogues à ceux des lèvres; si l'on fait
écrire au malade on trouve dans son écriture, en dehors des troubles
psychographiques, des troubles calligraphiques (Joffroy) qui sont caracté-
risées par un tremblement dans les jambages des lettres et par l'irrégu-
larité et la confusion quand il s'agit d'un degré plus avancé. Ce tremble-
ment peut également se manifester aux membres inférieurs et entrer
pour une part dans les troubles de la marche. Ce tremblement est minime
au repos ; à différents segments du corps, il est même nul, suivant certains
auteurs (Dupré) ; il est menu et rapide. La méthode graphique a permis
d'apprécier sa fréquence (6 à 8 vibrations par. seconde). Klippel au
moyen du pneumographe a pu déceler un tremblement respiratoire chez
ces malades. Parisot (de Nancy) a confirmé ces recherches.
. Tels. sont les principaux tremblements des maladies organiques
cérébro-spinales : il convient d'y ajouter un dernier mode de trem-
blement qui appartient à plusieurs d'entre elles, nous voulons parlcr du
tremblement clonifoiî ? ze du pied avec trépidation épileploïde qui se
rencontre le plus souvent au pied, quelquefois à la rotule, quelquefois à
la main. Ce clonus est un véritable tremblement, il apparaît à la période
de contracture ou le précède et est caractéristique d'une affection orga-
nique du système nerveux. Nous l'avons du reste déjà étudié à propos de
l'exagération des réflexes achilléens. Pour que ce tremblement soit consi-
déré comme un clonus vrai symptomatique d'une affection organique,
il faut, comme l'a montré Babinski, que ce tremblement soit régulier, à
rythme pendulaire, et qu'il puisse se produire dans l'état de relâche-
ment des muscles du malade. Il doit être distingué par -conséquent du
tremblement cloniforme qui peut se rencontrer chez les sujets nerveux
sous certaines influences et en particulier dans l'état de raideur des
membres inférieurs; dans ces cas cependant le rythme est plus irrégulier
que dans le clonus vrai.
Tremblement de la maladie de Parkinson. Ce tremblement,
suivant Brissaud, n'est pas un tremblement proprement dit : c'est plutôt
une agitation au niveau des bras, des jambes, de la langue, dans tout le
corps, sauf à la tête. Au niveau des mains, ce sont de petits mouvements
du pouce et de l'index, ces deux doigts vont au devant l'un de l'autre par
des mouvements successifs de flexion et d'extension ; suivant la compa-
raison classique, on dit que le malade file de la laine ou compte des
écus.. '
, Aux membres inférieurs, le tremblement produit le battement du talon
sur le sol quand le malade s'appuie sur la partie antérieure du pied..
. DIAGNOSTIC DE LA CAUSE DU TREMBLEMENT. - 841
La mâchoire est également animée de mouvements successifs d'élé-
vation et d'abaissement qui immobilisent les deux lèvres par rapport
l'une à l'autre; on dit que le malade marmotte une litanie interminable.
Nous. avons vu que la tête ne participe pas au tremblement.
Damaschino fait remarquer que la langue, lorsqu'elle reste enfermée
dans la cavité huccale, est animée d'un tremblement assez accusé qui
augmente quand elle est tirée hors de la bouche ; mais le malade ne peut
projeter sa langue hors de sa bouche, si on lui ordonne de la tirer, il
entr'ouvre lentement les lèvres et ne sort sa langue que par petites
secousses successives, il semble qu'il ait une certaine difficulté à la
mouvoir rapidement. C'est d'ailleurs ce qui se passe pour les autres
mouvements volontaires. Mais l'ensemble de ces tremblements de la
mâchoire, des lèvres et de la langue ne constitue pas un tremblement de
la tête proprement dit; la tète ne tremble donc pas dans la maladie de
Parkinson dans la majorité des cas. Cependant Fred. Peterson (New- Y o1'k
Médical Journal, 11 octobre 1890) dit que sur 47 .cas de paralysie agi-
tante qu'il a examinés, il y avait fois tremblement propre de la tête.
Plus récemment (Société de Neurologie, juin 190) Klippel et Weil
ont signalé le tremblement des paupières qui avait été déjà vu par Koenig
et Galezowski, mais dont ils ont précisé les caractères d'oscillations très
rapides et apparaissant dans les mouvements des paupières et quelquefois
sous forme de crise trémulante.
En résumé, comme l'a montré Brissaud, ce tremblement est toujours le
fait d'une série de contractions successives des extenseurs et des fléchis-
seurs. Le chiffre des oscillations est de à 7 par seconde.
Voici du reste les chiffres donnés par les différents auteurs : '
M2 TREMBLEMENTS.
suivant Brissaud, un argument en faveur du trouble fonctionnel central
qui préside il la maladie.
Nous n'insisterons pas sur les autres symptômes qui caracté-
risent la maladie, car le tremblement est le hllls carucU'risliyuc : ccpen-
dant le masque parkinsonien. la raideur, l'attitude figée, la thermo-
phobie, enfin les troubles psychiques pourront concourir à faire faire le
diagnostic.
Le tremblement n'y est du reste pas toujours constant et si la raideur
et les autres symptômes peuvent exister sans le tremblement, par contre,
il semble que le tremblement n'existe jamais sans eux.
Mais, en présence d'un tremblement offrant les caractères que nous
venons d'indiquer, on ne doit pas conclure d'emblée à l'existence de
maladie de Parkinson; il faut penser quelquefois au tremblement de
forme parkinsonienne symptomatique d'une affection cérébrale : tels
sont les tremblements parkinsoniens symptomatiques d'une tumeur du
pédoncule cérébral (cas de Bloch et Marinesco, Société de Biologie,
mai 1895). Tels sont les tremblements de forme parkinsonienne 1)('1" 011
posl-hémi plégiques.
Il est des cas où ce tremblement parkinsonien était provoqué par
l'hystérie, tels sont les cas de Charcot, de Grandlllaison, de Boinet, etc.
Enfin, dans la maladie de Parkinson, on peut observer des formes aty-
piques, tels sont les cas des tremblements unilatéraux de la maladie de
Parkinson où le tremblement s'est étendu à des parties du corps qui ne
l'intéressent pas habituellement.
Nous avons déjà vu les cas de Pelerson où le tremblement siégeait au
niveau de la tète. Collet a signalé d'autres cas où le tremblement inté-
resse la face, la langue cl le maxillaire et en résumé il range en 4 groupes
les tremblements parkinsoniens anormaux :
1° Le cas où le tremblement s'étend il des parties du corps qui ne
l'intéressent pas habituellement : ,
2" Le cas où le tremblement est unilatéral;
5° Le cas où le tremblement bi-latéral d'abord devient unilatéral dans
la suite;
4" Le cas de maladie de Parkinson sans tremblement.
Tremblement sénile. Le tremblement sénile s'oppose imméclia-
tement au 'tremblement de la maladie de Parkinson; comme lui, il existe
au repos absolu, il existe néanmoins quand les sujets sont dans un mini-
mum de contractions musculaires, il est d'un rythme lent comme le trem-
blement parkinsonien, mais, à l'inverse de celui-ci, il augmente dès que
les muscles exécutent une contraction soutenue et cependant ne s'exagère
pas à mesure que le mouvement s'achève, connue on le voit dans le 11'('111-
blement intentionnel de la sclérose en plaques. Enfin, il l'inverse du
tremblement parkinsonien, il se localise spécialement sur la tête et
détermine un tremblement dans le sens antei'0-posterieni'on dans le
sens transversal qui lui donne l'apparence du tremblement affirmatif 011
DIAGNOSTIC DE LA CAUSE DU TREMBLEMENT. 84."
du tremblement négatif. Ce tremblement est donc tout il fait distinct
cliniquenient du tremblement parkinsonien et l'on ne saurait adlllellJ'('
l'opinion de Démange (Revue de Médecine, 1882) qui a woulu assimiler
ces deux tremblements. Gallavanlin et Rheuler ont montré que les -cordes
vocales et le diaphragme peuvent participer il ce tremblement. Le trem-
blement sénile n'est du reste pas absolument lié à la sénilité, il peut
apparaître chez des sujets jeunes. Cette opinion est soutenue par plu-
sieurs auteurs : par Raymond, par Dubief (Thèse de Paris, 1887) elle a
été discutée dans la thèse de liourgarel en 1887.
* " Tremblement de la maladie de Basedow. Le tremblement de la
maladie de Basedow est un symptôme cardinal de cette affection : aux
trois symptômes caractéristiques qui étaient connus dès la description de
la maladie (goitre, exophtalmie, tachycardie), M. Pierre Marie a ajouté
le tremblement qu'il a décrit dans sa thèse (Paris, 1885). Ce tremble-
ment existe d'une façon à peu près constante dans certains cas, son
intensité est des plus variables, tantôt il est tellement développé qu'il
attire il lui seul l'attention, tantôt il est peu prononcé et il faut le recher-
cher avec soin en faisant répéter au malade certains mouvements du
coude, par exemple, en lui faisant faire des mouvements précipités qui le
font réapparaître. Quelquefois le tremblement se présente comme une
vibration perpétuelle très marquée au repos et s'exagérant légèrement
dans les mouvements : on se rend compte de cette tréinulation lorsque le
malade est debout : en appuyant les deux mains sur ses épaules on per-
çoit facilement les oscillations dont tout le corps est animé, oscillations
qui semblent se faire dans le sens vertical. Quand on fait déshabiller le
malade, on voit qu'il existe un grand nombre de tremblements fibrillaires
sur toute la surface du corps.
Aux membres supérieurs, pour le voir, si on demande au malade de
tenir le bras étendu on voit alors de petites oscillations rapides d'ampli-
tude variable, niais surtout imperceptibles l'extrémité du membre,
cependant les doigts ne sont pas animés de mouvements propres, ces
oscillations sont produites par des mouvements de transmission il la
main et ce tremblement est assez analogue il celui du tremblement alcoo-
lique. Du côté des membres inférieurs, on percevra également le trem-
blement en faisant étendre le pied au malade et. quand le pied repose sur
le sol par la pointe, on voit la jambe se mouvoir suivant un mouvement
de pédale, quelquefois le tremblement est assez accenlué et rend la
marche difficile.
La méthode graphique a montré qu'en moyenne les oscillations dans la
maladie de Basedow se produisent 8 fois 1/2 par seconde.
Tremblement hystérique. Le tremblement hystérique ne peut être
comparé il aucun des tremblements précédents ou plutôt il peut être
comparé à tous, car peut les simuler tous. Ce tremblement hystérique
a fait l'objet des éludes de Charcot (leçons de clinique). Il a fait
l'objet d'une clinique de Rendu, et enfin il est le sujet de la thèse inau-
[CROUZON.] ]
su , TREMBLEMENTS. , '
gurale de Dutil, et antérieurement il était déjà fait mention de ces
tremblements dans les travaux de plusieurs auteurs : Briquet, Pitres,
Letulle, Ormerod, Germain. Sée, Chambard et Hornolle. Cependant dans
quelques cas, le tremblement peut avoir des rapports avec d'autres mou-
vements normaux; on a pu observer quelquefois des associations fré-
quentes de mouvements choréiformes et des tremblements, telle est la
maladie de Friedreich où un mouvement intentionnel coexiste avec les
mouvements choréiformes.. -
Le-tremblement hystérique se -présente avec les caractères suivants :
quelquefois son début est insidieux, mais c'est là une chose exception-
nelle. En général, le début est subit à la suite d'une émotion,- d'une
frayeur, d'un traumatisme, d'une attaque de paralysie ou d'une attaque
d'hystérie. - .
Quelquefois le début est brusque, mais n'est précédé ni d'un choc
nerveux, ni d'une attaque quelconque. Le siège du tremblement hysté-
rique peut être localisé à une partie du corps sous la forme hémiplégique
ou une forme- paraplégique, sa durée est très variable : quelquefois elle
persiste pendant plusieurs mois, quelquefois pendant plusieurs années.
Dans certains cas, le tremblement se montre par accès suivis d'une
attaque convulsive pour s'atténuer et s'effacer. Au bout de peu de temps,
l'intensité du tremblement est également très variable, tantôt il est néces-
saire que le malade prenne l'attitude du serment pour le mettre en évi-
dence, quelquefois le tremblement est tellement intense que la marche
des malades devient très difficile et les membres supérieurs deviennent
tout à fait malhabiles à saisir les objets nécessaires pour la vie journa-
lière. Le rythme du tremblement hystérique est en général très variable,
très lent, quelquefois très rapide, c'est un type de tremblement vibra-
toire, en général, ce rythme est régulier, ce tremblement apparaît seu-
lement à l'occasion des mouvements volontaires; dans d'autres cas, il
persiste à l'état de repos. , - '
- Enfin- le même sujet peut présenter un tremblement qui varie de siège,
d'intensité, de rythme. Le tremblement hystérique est donc essentiellement
polymorphe et on ne peut, suivant l'expression de Dutil, décrire le trem-
blement hystérique, mais des tremblements hystériques. Nous allons
passer en revue les principaux types qu'a pu présenter ce tremblement.
1° Tremblement hystérique à oscillations rapides vibratoires.
Ce tremblement présente de 8 à 12 oscillations par seconde, il persiste
au repos, il est peu ou point modifié par les mouvements volontaires,
souvent il est consécutif à une attaque convulsive et passagère, mais
quelquefois il peut durer pendant des semaines, des mois, il peut être
généralisé, il imite le tremblement de la maladie de Basedow, le tremble-
ment alcoolique et celui de la paralysie générale. Ce tremblement ne
s'efface que pendant le sommeil, à l'état de veille, il persiste tout le
temps, mais cependant il peut passer sous des influences diverses par des 's
périodes de recrudescence après lesquelles il redevient très peu apparent
DIAGNOSTIC DE LA CAUSE DU TREMBLEMENT. 845
et ne gêne pas le malade dans l'exécution des mouvements des membres
supérieurs et inférieurs. Ce tremblement, nous l'avons dit, simule le trem-
blement alcoolique, le tremblement de la paralysie générale cl le trem-
blement de la maladie de Basedow. Ce n'est guère qu'en recherchant les
symptômes de ces maladies que l'on peut faire le diagnostic.
2" Tremblement de rythme moyen. Les tremblements de rythme
moyen se présentent avec 1/2 à 7 )/2 oscillations par seconde : ce sont
les cas les plus nombreux qui revêtent cette forme, comme le dit Dutil,
ce rythme moyen est le rythme de prédilection des tremblements hysté-
riques. Cependant les tremblements qui présentent ce même rythme ne
sont pas toujours semblables, ils se présentent suivant quelques types
classiques assez bien différenciés :
a) Il existe un tremblement intentionnel au repos, mais exagéré par les
mouvements volontaires. Ce tremblement rémittent intentionnel, auquel
Dutil donne le nom de type Rendu, imite d'une façon parfaite le trem-
blement mercuriel; le malade est presque constamment agité; dès que
l'on commande les 'mouvements, le tremblement prend une amplitude
plus grande rendant la marche et l'écriture difficiles, la langue est
atteinte de trémulations; si l'on demande au malade de prendre une posi-
tion couchée, le tremblement cesse, dans le décubitus en général, il
prédomine dans les membres de l'un des côtés du corps, il s'exagère
sous l'influence des attaques et des émotions.
Connue on le voit, non seulement cette description ressemble il celle
du tremblement mercuriel, mais elle, rappelle le tremblement de la sclé-
rose en plaques que nous avons décrit tout d'abord, cependant celle res-
semblance est imparfaite, car le tremblement persiste au repos et son
allure est plus rythmée.
b) Le tremblement de rythme moyen peut être localisé aux membres
inférieurs, il revêt le type paraplégique, et ce tremblement peut éirc assi-
milé à la trépidation des paraplégies spasmodiques. Nous avons dit plus
haut, il propos du clonus du pied, quels étaient les caractères différentiels
de ce vrai clonus et du faux clonus du pied.
c) Le tremblement de rythme moyen peut être absolument nul au
repos et être purement intentionnel, il simule alors absolument le trem-
blement de la sclérose en plaques, c'est donc alors un véritable symptôme
hystérique simulateur de celte allée ! ion comme dans le cas de Souques
cité par Dutil; c'est la recherche des autres symptômes de la sclérose en
plaques, l'état des- réflexes tendineux, le phénomène des orteils, le
nystagmus qui seuls pourront faire affirmer le diagnostic de la sclérose
en plaques.
5" Tremblement lent (4 il 5 1/2 oscillations) par seconde. Les
tremblements lents persistent au repos, ils sont peu ou pas modifiés par
les mouvements volontaires et simulent d'une façon frappante la paralysie
générale, quelquefois le tremblement sénile, quelquefois la paralysie
agitante, comme dans les cas de Rendu, d'Oppcnheim.
[CROUZON.]
846 TREMBLEMENTS. '
Le tableau ci-dessous résume les caractères de ces tremblements :
DIAGNOSTIC DE LA CAUSE DU TREMBLEMENT. 847 î
Suivant Debove et Renault, ce tremblement peut se transmettre aussi
bien dans la ligne paternelle et ne pas atteindre nécessairement tous les
membres d'une même famille, il apparait dès l'enfance quand l'enfant
commence il écrire. Suivant Debove et Renault, son rythme est rapide,
nul au repos complet, très net quand les sujets étendent les mains, il per-
siste sans s'exagérer dans les mouvements intentionnels, il peut occuper
les membres, les paupières, les lèvres, la langue, il a pour siège de pré-
dilection les membres supérieurs, cependant ces caractères donnés par
Debove et Renault ne sont pas constants. Raymond montre qu'il est
susceptible de modalités assez diverses, il peut avoir un rythme très lent.
il peut exister au repos absolu, il peut s'exagérer notablement sous l'in-
fluence des mouvements volontaires, il peut prédominer et. rester limité
aux mains, mais il peut également s'étendre aux membres inférieurs, il
peut affecter la tête, à la façon du tremblement sénile; enfin chez des
membres d'une même famille il peut revêtir des types assez différents.
D'après Charcot et surtout d'après Achard, ce tremblement aurait de
certaines analogies avec le tremblement sénile, rien en dehors de l'héré-
dité ne le sépare de ce tremblement, qui, du reste, comme l'ont montré
Charcot, Joffroy, Bourgarcl, Leyden, Luys, Démange, Thébaut, ne se ren-
contre pas exclusivement chez les vieillards, le tremblement sénile est
du reste héréditaire dans certains cas (Démange, Thébauit, Boiircai-el).
Le tremblement héréditaire et le tremblement sénile devraient, être
unis dans un même groupe suivant Achard et devraient porter le nom de
tremblement essentiel ou de névrose trémulante.
Un dernier caractère de ce tremblement héréditaire est celui sur lequel
ont insisté Raymond et son élève Ilamade et sur lequel a insisté également
Bourgarcl; ce tremblement se rencontre surtout chez les dégénérés et
chez les malades qui présentent une lourde hérédité névropathique, tels
sont les cas de Langenhagen, de Pelizaeus et Achard.
Tremblement toxique. Le tremblement alcoolique est le plus fré-
quent de ce tremblement toxique, c'est un tremblement variable de petites
oscillations parfois imperceptibles au repos, il est nécessaire pour le faire
apparaître de commander au malade d'étendre les mains dans l'attitude
du serment, ce tremblement ressemble donc à celui de la maladie de
Basedow, il est peu marqué au repos; enfin il se reconnaît à la langue,
aux muscles, à la face où il apparaît surtout pondant la parole, il est en
général plus accentué le matin il jeun. Ce tremblement alcoolique a donc
un caractère rémittent intentionnel et c'est là un caractère commun
à tous les tremblements toxiques : café, tlié, plomb et mercure, sulfure
de carbone, arsenic, camphre, absinthe, champignons, belladone, ergot
de seigle, curare, haschisch.
D'après Jourdran (Presse médicale. 1906) il existe un tremblement
palustre persistant. M. Boinet a observé un tremblement produit par
l'opothérapie surrénale chez les adclisonicns, assez analogue au trem-
blement hasedowicn, prédominant aux extrémités, il oscillations répétées,
, [CROUZON.] ]
8t8 ' TREMBLEMENTS.
petites, menues, rapides, au nombre de six par seconde et exagéré dans
les mouvements intentionnels.
Dans l'intoxication saturnine on peut observer le tremblement en
général, il est peu marque au réveil contrairement au tremblement alcoo-
lique, il augmente avec la l'aligne de la journée et devient intense le soir,
il est partiel, quelquefois il se généralise et s'étend aux muscles de la face.
dans quelques cas rares, il peut être assimilé a la paralysie agitante.
Lc.trembtement Ulacul'ielestun tremblement assez caractéristique. La
séméiologie du .tremblement mercuriel a été décrite par Letnlle, Charcot,
Dutil, sa pathogénie a fait l'objet de nombreuses discussions. Ce trem-
blement est de rythme moyen comme celui de la paralysie agitante, il
existe au repos, sauf dans de rares moments de calme absolu, il
s'exagère par les mouvements volontaires et se rapprocherait des trem-
blements décrits par Dutil sous le nom de rémittents intentionnels. Il
s'observe chez les ouvriers qui manient le mercure professionnellement
(préparation des peaux de lapins dans l'industrie des chapeaux, dorure
au mercure). La question qui se pose il propos de ce tremblement est
relative à sa nature hystérique : les recherches de Lelulle, de Charcot, de
Dulil ont montré très nettement la nature hystérique de certains trem-
blements mercuriels, En est-il de même pour tous les tremblements
mercuriels, c'est la une question qui' été récemment discutée par
Raymond et Sicard (Société de Neurologie de Paris, 15 niai 1902) et
par Guillain et Laroche (Société de Neurologie, 7 février 1)07). Alors
que, suivant les recherches indiquées ci-dessus et surtout d'après l'opi-
nion de Charcot, on admettait que le. tremblement était un tremblement
Iv'triclle. R;yll«ml et Sic;r.l, ('IIiII;lio semblent admettre l'existence
d'un tremblement mercuriel propre, ils se basent, sur les arguments sui-
vants les tremblements mercuriels sont semblables entre eux, leur
début est le plus souvent à marche lente et progressive et ils sont varia-
bles il la période d'étal; ils s'améliorent par les soins hygiéniques et
disparaissent par le changement de profession suivant Raymond et Sicard.
Enfin l'existence de la lymphocytose dans le liquide céphalo-rachidien
et la présence de. traces de mercure dans le liquide ont semblé il ces der-
niers auteurs les arguments devant entraîner des réserves sur l'origine
hystérique du symptôme. Guillain a présenté deux malades chez lesquels
le tremblement persistait quoiqu'ils eussent cessé leur profession depuis
50 et 40 ans, unis on peut invoquer d'autres arguments, les troubles des
réflexes tendineux observés par Syllaba et Crocq et les lésions histologi-
ques constatées par Wising ct liraucr, ct élllcilrc l'hypothèse que ce
tremblement est peut être dû il des lésions organiques du cervelet ou'
des voies cérébelleuses.
En résumé, ces derniers travaux semblent marquer une réaction contre
l'opinion exclusive de Charcot qui niait l'existence du tremblement mer-
curiel et qui disait que le tremblement observé dans les cas d'intoxi-
cation mcrcurielle était toujours un tremblement hystérique.
CHORÉES
par le D' CROUZON
On appelle chorécs ou mouvements choréiques des contractions muscu-
laires involontaires donnant lieu à des mouvements de grande amplitude
ordinairement constants, se renouvelant incessamment ou par accès et
s'interrompant pendant le sommeil. Ce mot de chorée ou de mouve-
ments choréiques est donc un terme générique et ne désigne pas une
seule entité morbide, il peut s'appliquer au contraire à des affections
multiples : il y a des chorécs et non pas une. chorée. En effet, si au début
le mot de chorée servait à désigner la chorée épidémique ou chorée hysté-
rique, si plus tard il a servi il décrire la petite chorée de Sydenham, il
ne s'applique pas aujourd'hui spécialement à telles ou telles de ces moda-
lités cliniques, mais ne sert qu'à désigner le symptôme commun il
toutes ces affections et d'autres particularités cliniques ont servi à diffé-
rencier chacun des types morbides.
Nous allons donc nous attacher il décrire, tout d'abord les caractères
communs à toutes les chorécs; nous chercherons à différencier ces
caractères de ceux des autres mouvements involontaires : tremblements,
athétose, myoclonies, et nous chercherons enfin à donner il chacune des
chorées ses caractéristiques cliniques.
Description. La chorée est caractérisée avant tout par les désor-
dres de la motilité. Ce sont des mouvements involontaires qui se renou-
vellent sans cesse pendant le jour et qui disparaissent, comme nous
l'avons dit. pendant le sommeil; ils sont exagérés par les émotions et
cessent quelquefois pendant les mouvements volontaires; ils sont assez
rapides, moins lents que ceux de l'athetosc, moins vifs que les tics et
d'une grande amplitude, de plus. ils sont désordonnés et irréguliers.
, Le siège des mouvements est assez variable ; si les mouvements sont
fréquemment généralisés, ils le sont rarement d'emblée, ils débutent, le
plus souvent par un membre pour s'étendre ensuite au tronc et aux
membres de l'autre côté : quelquefois cependant, la localisation initiale
persiste à un membre, d'autres fois, la localisation est limitée il un seul
côté du corps, c'est l'hemichoree.
Chacune de ces localisations entraîne des troubles fonctionnels spé-
ciaux, le faciès est grimaçant, les lèvres se projettent en avant et le malade
lait la moue, successivement le malade prend une-expression de tristesse
et une expression de sourire, la langue subit des oscillations continuelles,) ;
s
rjtATfQCE nEUft0l.. , 54 .
MOUZOJV.]
8M . CHORÉES, -
elle rend difficile la déglutition, elle gêne la parole et les mots sont
entrecoupés par des pauses, par des bruits aspiratoircs ; les yeux se
convulsent en diverses positions; on a signalé également des mouve-
ments pupillaires (Cadet de Gassinconrt), de même on a pu voir alterna-
tivement des contractions et. des dilatations pupillaires en présence d'un
foyer lumineux constant, c'est la un phénomène de l'hippus (Cruchet,
Revue neurologique, 1904). '
Quand les membres supérieurs sont atteints, le malade est incapable de
saisir un objet ; après nombre de gesticulations, il le saisit et, si on se sert
du procédé déjà employé pour le tremblement, si on demande au malade
de porter à sa bouche un verre rempli d'eau, on voit que le malade a la
plus grande difficulté pour approcher la main du verre, pour le saisir.
puis l'ayant saisi, il a la plus grande difficulté pour le porter à sa bouche,
mais arrive à le mettre en contact avec ses lèvres, et le vide tout d'un
(rait et très rapidement.
Quand les membres inférieurs sont pris, la marche devient difficile,
elle ressemble à un sautillement perpétuel (Trousseau), ou bien il s'agit
simplement de troubles plus légers consistant clans des inégalités de
l'allure, dans le projettement du pied hors de la ligne médiane pendant la
marche, dans l'élévation trop grande de la jambe, quelquefois les troubles
peuvent être au contraire heaucoup plus accentués et le malade est
obligé de rester au lit. Quand le malade est au repos, les mouvements
ne l'abandonnent pas, les pieds et les jambes s'agitent comme par une
sorte de piétinement.
Quelquefois les contractions des muscles thoraciques et du diaphragme
amènent la dyspnée ou l'irrégularité de la. respiration (Pibnatti). Morano,
(Clinica medica italiaita, 51 décembre 1898) a observé une altération
du rythme respiratoire chez un choréique : c'est l'abdomen qui prenait le
plus de part à la respiration, et la respiration qui paraissait se composer
de 90 à 150 expirations à la minute était, en réalité, composée d'une
série d'actes respiratoires subdivisés en 2 ou 5 temps.
Tous ces mouvements entraînent un certain nombre de troubles, les
frottements répétés amènent des excoriations qui peuvent être l'origine
d'abcès ou phegmons diffus d'affections secondaires variées.
La force musculaire est en général un peu affaiblie, quelquefois très
affaiblie (chorée molle) ; mais on peut dire qu'elle est rarement affaiblie
jusqu'à la paralysie complète.
D'autre part, dans certains cas, l'exagération des mouvements peut
entraîner un état nerveux spécial qui se révèle par l'insomnie et qui peut
être le prélude de l'état du mal choréique.
L'excitabilité mécanique et électrique des nerfs et des muscles est eu
général diminuée.
La chorée ne trouble pas d'une façon générale les réflexes tendineux.
M. Joffroy (Progrès médical, 1885), a cependant trouvé très fréquem-
ment la diminution des réflexes patellaires et même leur abolition. Oddo
CIIOI31;S.
(Congrès international de médecine de Paris, 1900, section de neuro-
logie) a étudié les réflexes tendineux dans la chorée de Sydenham et a
trouvé tantôt l'exagération, tantôt la diminution des réflexes, et ceci peut
s'expliquer suivant lui par la participation des centres modérateurs ou
des centres excitateurs du système nerveux central.
Les troubles de la sensibilité sont inconstants, il existe des douleurs
périarticulaires, des douleurs au point d'émergence des nerfs ; mais les
troubles de la sensibilité objective n'appartiennent pas à la chorée et quand
ils existent, ils sont liés à l'hystérie ou à une affection concomitante.
Cependant Triboulet admet que la sensibilité générale est diminuée dans
cette affection..
La chorée est souvent accompagnée de troubles mentaux, mais il est
préférable de faire une description complète de ces troubles mentaux
dans les modalités de la chorée qui y sont le plus fréquemment sujettes.
Toutefois il convient dès maintenant de nous demander si ces troubles
sont dus à la chorée elle-même, et s'ils ont un caractère spécifique, ou
s'il faut -admettre, avec Joffroy, Séglas, Breton, que la chorée ne fait
que susciter des troubles mentaux qui relèvent du tempérament du
malade. - .
Cependant, cette conception n'est pas admise par tous les auteurs, et
peut-être faut-il admettre avec Blocq et Grenet qu'il faut distinguer les
troubles psychiques réellement très fréquents dès le début de la chorée
et alors très légers, consistant tout particulièrement dans des modifications
du caractère, émotivité, tristesse ou dans un affaiblissement léger de la
mémoire; plus rarement ces troubles sont assez accentués pour donner au
malade l'aspect d'un imbécile où d'un idiot. Enfin les troubles psychiques
paraissent directement liés à la chorée dans une des variétés que nous
avons à étudier, nous voulons parler de la chorée chronique. A côté de
ces troubles, Blocq et Grenet pensent qu'il faut classer des manifestations
non choréiques (hallucinations) qui peuvent devenir nombreuses, être,
suivies d'un état maniaque et constituer alors. un délire hallucinatoire
aigu souvent caractéristique de l'état de mal : ces troubles psychiques
sont peut-être d'origine toxique. Dans ce dernier groupe des manifesta-
tions non choréiques, il faut ranger le délire, qu'on a distingué sous
le nom de délire choréique et qui se caractérise par l'excitation maniaque,
par la mélancolie ou par le délire de la persécution ; il dépend de la dégé-
nérescence nerveuse et alors, il n'y a pas de relations entre l'intensité
(le la chorée et. le développement des troubles psychiques.
Le liquide céphalo-mchidien a été étudié dans la chorée, et à part
quelques cas où l'on a constaté la lymphocytose (Sicard, Babonneix, Car-
rière), on peut dire que, d'une façon générale, la chorée ne s'accompagne
pas de présence d'éléments cellulaires dans le liquide céphalo-rachidien.
Complications de la chorée. - La température peut, s'élever :
die peut être l'indice d'une complication, elle peut, au contraire, s'ob-
server en dehors de toute complication apparente, elle annonce alors
' CcaovzoN.
852 - CHORÉES. '
l'état de mal choréique; dans certains cas, l'apparition de la température
fait disparaître les mouvements, mais cette disparition n'est pas cons-
tante, il y a bien des contradictions à cet égard (Germain Sée, Jules
Simon, Triboulet, Lannois). -
Le coeur est fréquemment lésé, tout au moins dans certaines variétés.
aussi réserverons-nous la description des complications cardiaques pour
les variétés des chorées, où -on les rencontre, nous nous contenterons
d'insister sur la nécessité de provoquer l'examen de cet organe chez tous
les choréiques.
D'autres complications s'observent également, les rhumatismes, comme
nous 1 '.avons vu, peuvent entraîner une infection locale ou une infection
purulente généralisée, ou un pseudo-rhumatisme infectieux.
Les complications nerveuses peuvent également s'observer : on peut voir
survenir une hémorragie cérébrale, une embolie cérébrale comme dans
les cas de Simon et Crouzon où une hémiplégie droite parut au cours
d'une chorée de Sydenham. '
Enfin on peut voir survenir des complications respiratoires : apoplexie
pulmonaire, pleurésie, complications digestives, noma à la suite d'ulcé-
rations de la langue, ou des lèvres, etc.
Formes. La chorée peut se manifester suivant les deux formes
différentes, et les deux tableaux cliniques que nous venons de décrire,
nous voulons parler tout d'abord de la chorée molle ou chorée paralyti-
que, la paralysie survient chez le choréique de deux façons différentes. Il
peut exister une chorée très manifeste au cours de laquelle apparaissent
des paralysies de type variable : ce sont les paralysies chez les cho-
réiques (Ollive, Thèse de Paris, 1885), mais, à côté de ces troubles, il
existe d'autres cas, où la paralysie domine la scène et dans laquelle les
mouvements convulsifs sont à peine manifestes et quelquefois peuvent
être manifestes, dans ce cas le malade peut être pris pour un para-
lytique, hémiplégique, paraplégique, monoplégiqne, et les mouvements
choréiques sont à peine évidents, et alors les erreurs de diagnostic peu-
vent se faire très facilement.
II est une autre forme de chorée distincte de la forme moyenne que
nous avons décrite, ce sont les cas des chorées graves qui se terminent
par le syndrome auquel nous avons déjà fait allusion : l'état de mal
choréique qui s'annonce par des agitations extrêmes, l'insomnie et l'éléva-
tion de la température.
Évolution. - Il nous est impossible de décrire l'évolution de la
chorée en général. Cette évolution varie suivant chacune des formes que
nous passerons en revue tout à l'heure. Nous pouvons cependant, d'après
les travaux qui ont été publiés sur ce sujet, dire (') que la mort dans ce
1. Guillemet. Thèse de Paris, 1893. - YICQ. Thèse de Paris, 1905. - Sergesi
B,UiO.NrÇEIX. Société médicale des Hôpitaux, 1904. - DIEULAPOY. Clinique médicale de
l'Hôtel-Dieu. LÉAuTlL Thèse de Paris, 1904. Barrieh. Société médicale des
Hôpitaux, lévrier 1904. DvvnAXDE. Thèse de Paris, 1905.
' . - CHORÉES. 855
cas peut se produire de la façon suivante : dans les chorées non compli-
quées, elle survient par syncope, asphyxie; dans les chorées compliquées,
la mort peut être due alors à une de ses complications, ce sont surtout
des lésions circulatoires : endocardite végétante ou embolie, en parti-
culier l'embolie cérébrale, ou ce sont des complications nerveuses : délire,
manie, apoplexie, coma; ce peuvent être des complications respira-
toires : pneumonie, pleurésie, asphyxie; enfin, ce peut être une affec-
tion secondaire : érysipèle, phlegmon, gangrène, ou enfin une maladie
intercurrente comme la tuberculose, la scarlatine ou la diphtérie..
Diagnostic différentiel. Le diagnostic de la chorée doit se
faire avec les autres mouvements involontaires. Nous avons déjà vu quels
sont les caractères des tremblements, qu'ils soient toxiques, organiques
ou fonctionnels, les tremblements sont caractérisés par leur rythme,
leur irrégularité et le peu d'amplitude de leurs oscillations. Le caractère
s'oppose très nettement aux mouvements rythmiques irréguliers et amples
de la chorée.
L'athétose double est assez semblable à la chorée, puisque M. Brissaud
pense que ces deux syndromes peuvent se confondre dans une commune
origine et porter le nom d'athétose-chorée, mais là, cependant, les mou-
vements involontaires sont beaucoup plus lents et s'accompagnent de
raideur musculaire. On compare avec assez d'exactitude ces mouvements
à des mouvements de poulpe. ' z
La maladie des tics peut quelquefois être confondue avec la chorée,
cependant ce qui caractérise les tics, c'est la brusquerie et la rapidité
du mouvement, c'est d'autre part l'apparente coordination qui reproduit
un certain nombre de gestes. Le tic est primitivement commandé par une
cause extérieure ou par une idée et coordonne vers un but par la répé-
tition : il est passé à l'état d'habitude, se reproduit involontairement,
en s'exagérant dans sa forme, dans son intensité et dans sa fréquence,
mais il garde néanmoins l'apparence de l'acte initial. Dans la maladie
des tics, il s'agit d'une assemblée de contractions se reproduisant sur
des groupes de muscles différents, et on constate alors que la diffusion
de ces troubles puisse en imposer pour la chorée. suffira de décom-
poser les mouvements de la maladie des tics en chacun des actes pseudo-
intentionnels qui le constitue. '
Les myoclonies et, en particulier, le paramyoclonus multiplex cônsis-
tent dans des secousses musculaires courtes, cloniques, involontaires
ayant la rapidité des secousses électriques ; elles ne sont pas systémati-
sées, elles sont tantôt localisées, tantôt diminuées et se répètent à
intervalles variables. Comme on le voit, la brusquerie des mouvements
contraste avec la rondeur des mouvements choréiques; nous aurons du
reste l'occasion plus loin de distinguer, dans le chapitre dès myoclonies,
les caractères différentiels dé chacune des variétés de myoclonies.
Enfin les mouvements choréiques se distingueront de l'ataxie statique
-de la maladie de F1'ied1'eicJt. Cette ataxie statique est caractérisée par
[CROUZON.]
8;)1. i CII013L>;S.
des secousses régulières qui se manifestent seulement dans les parties du
corps manquant de point d'appui.
Nous venons de voir le diagnostic différentiel de la chorée en général
avec les antres mouvements normaux, Une nous suffit pas d'avoir porté
le diagnostic de chorée, elle n'est qu'un syndrome, elle fera répéter ce
syndrome à sa véritable cause, et c'est par l'élude des tableaux cliniques
qui vont suivre que l'on pourra faire cette différenciation.
Diagnostic de la variété des chorées. La chorée varie
d'aspect clinique suivant l'âge du sujet qui en est atteint, ou, pour mieux
dire, la chorée de l'enfant est une autre maladie que celle de l'adulte, et
celle de l'adulte est une autre maladie que celle du vieillard.
CHORÉE DES ENFANTS OU CHORÉE DE SYDENHAM
On l'appelle danse de Saint-Guy, chorée vulgaire, chorea minor,
mais de toutes ces appellations, la plus fréquente est celle de chorée
de Sydenham, du nom de l'auteur qui en traça un tableau magistral en
1688 : c'est la chorée des enfants. Elle les atteint depuis l'époque de
la deuxième dentition jusqu'à la puberté; le maximum de fréquence
semble exister entre G et 12 ans, et ce maximum de fréquence semble
répondre à des époques d'évolution dentaire (Legay). On a décrit une
chorée congénitale, les cas qui ont été observés sont exceptionnels et
même il y a lieu de douter de leur existence, cependant Gilbert Ballet
admet leur existence (Bulletin médical, 1S ! 1G). Cette chorée frappe surtout
le sexe féminin, les filles sont atteintes dans la proportion de deux pour
un garçon. La chorée survient chez des sujets le plus souvent à la suite
d'une des causes que nous allons étudier : rhumatismes, infection, héré-
dité nerveuse.
Le rhumatisme est une cause fréquente de chorée : c'est Germain Sée
(1850) qui a mis en lumière cette association morbide. Le rhumatisme a
été rencontré 01 fois sur 128 observations de chorée. Cette nature rhu-
matismale de la chorée a été admise également par II. Roger et elle
semble contestable dans la moitié des cas; toutefois cette opinion est
mise en doute, comme nous le verrons, par Charcot, Gille de la Tomette,
,loffroy, etc., et les recherches modernes n'ont pas apporté d'éclair-
cissement à cette question, bien que Triboulet, puis Triboulet et Coyon.
Triboulet, Coyon et Zadock aient constaté il l'autopsie de sujets morts
de rhumatisme avec chorée, la présence d'un microbe qu'ils considè-
rent comme l'agent du rhumatisme articulaire aigu.
Ces faits doivent être rapprochés de ceux qui avaient déjà été constates
par Lcyden, mais le rhumatisme n'est pas la seule cause infectieuse que
l'on ait relevé de l'étiologie de la chorée de Sydenham. Le rôle de 1 in-
fection a été déjà soutenu par Moebitis, Osier, Herkfety (John 7A ?
lfospilalreports, 18 ! )1), Triboulet l'avait déjà mentionné dans sa thèse
de Paris (1895), Dana, Massaiongo, Pianese (Ri forma mcclico, 14 .11111-
CHORÉE DES ENFANTS OU CHORÉE DE SYDENHAM. 855
let 1891) ont soutenu une opinion analogue, mais cette étiologie a été
encore précisée par d'Espine et Picot qui ont vu la chorée consécutive à
la scarlatine, à la pneumonie, à la fièvre intermittente. Rilliet et Barthcz ont
de même observé la chorée après la pneumonie et la fièvre typhoïde. Haus-
halte ! ' (Revue médicale de l'Est, 1894) l'a observés à la suite des oreillons.
On l'a signalé à la suite de la rougeole, de l'érysipèle, de la coqueluche,
de la scarlatine. Enfin les faits de chorée consécutive aux maladies
infectieuses sont rassemblés dans la thèse de Saquet (Paris, 1885).
Ainsi donc, si la nature de la chorée est expliquée dans nombre de cas
par les rhumatismes ou par une infection, cependant Charcot et ses
élèves sont partisans des rapports de la chorée avec les maladies ner-
veuses. Suivant Charcot, la coexistence de la chorée et du rhumatisme
s'expliquerait par la fréquence de l'association et de la diathèse nerveuse
et arthritique. , .
Cette théorie nerveuse a été soutenue par Joffroy qui fait de la chorée
une névrose cérébro-spinale d'évolution. Krafft-Ebing admet aussi qu'à
côté de la chorée relevant d'une infection, il existe des cas où cette mala-
die est d'origine nerveuse et se développe sous l'influence du trauma-
tisme psychique. Elle â été soutenue également par Comby, par Leroux;
un certain nombre de faits s'accordent du reste avec cette théorie, ce
sont les cas d'hérédité similaire. Quoiqu'ils aient été contestés par
Raymond, ils ont été admis par Charcot, Sée, Féré, Huet dans sa thèse
de Paris (1888), Triboulet, enfin plus récemment, Brissaud, Rathery et
Bauer ont signalé une famille dans laquelle 4 enfants avaient été frappés
de chorée (Société de Neurologie, mars 1905). C'est surtout l'hérédité
de transformation que l'on rencontre dans l'étiologie de la chorée; les
choréiques sont souvent des enfants d'hystériques, de neurasthéniques,
d'épileptiques.
Si nous avons insisté sur cette étiologie de la chorée de Sydenham,
c'est qu'elle est importante dans le diagnostic de cette affection : c'est en
effet par l'âge du malade ou par la notion du rhumatisme, d'une
infection, d'une hérédité nerveuse que l'on fait le diagnostic de chorée
de Sydenham. Cependant, la chorée de Sydenham présente quelques par-
ticularités séméiologiques que nous allons passer en revue.
Symptômes, - Le début de la chorée est brusque ou lent; le début
brusque est plus rare, il s'observe à la suite d'une émotion, quand le .
début est lent, la chorée est précédée de prodromes : ce sont des troubles
psychiques, affaiblissement des facultés intellectuelles, diminution de
l'affectivité, diminution de l'affection et de l'assiduité au travail : l'enfant,
change de caractère, il devient capricieux. On peut noter également
quelques prodromes moteurs, ce sont alors des contractions isolées, des
muscles de l'avant-bras ou des mains qui provoquent quelques mala-
dresses : l'enfant laisse tomber un objet, il se tient mal à table ou bien il
grimace, les parents s'évertuent à lui faire des remontrances dont il ne
tient aucun compte.
, [CROUZON.] ]
856 ' CHORÉES.
Les prodromes peuvent être sensitifs, ce sont des douleurs erratiques,'
de la fatigue, bientôt les mouvements involontaires qui étaient isolés
deviennent prédominants, l'affection est alors constituée.
A la période d'état, les troubles moteurs ont les caractères que nous
avons décrits aux mouvements choréiques en. général : contractions invo-
lontaires, continues, cessant pendant le sommeil, passant d'un muscle à
l'autre, irréguliers et désordonnés. Le siège. de ces mouvements dans la
chorée de Sydenham a été étudié par Oddo (Congrès de l'IIa°seille;
1899), il pense que la tendance habituelle ' des symptômes de la chorée
est la distribution unilatérale : 1 hëmichorée serait rarement pure
puisqu'il y aurait toujours quelques mouvements du côté sain et la forme
la plus fréquente est donc la chorée à prédominance hémilatérale. Quel-
quefois la prédominance reste du côté où la maladie a commencé, c'est
la prédominance fixe, quelquefois elle passe dé l'autre côté à l'occasion
d'une rechute, d'une recrudescence, c'est la prédominance alternante.
Presque toujours il y aurait affaiblissement musculaire du côté où les
mouvements choréiques sont prépondérants.
Oddo a également étudié avec soin les réflexes tendineux dans la chorée
de Sydenham, il est revenu à plusieurs reprises sur ce sujet (Gazelle des
Hôpitaux, .30 octobre 1900; Congrès de Marseille, 1899; Congrès
international de Médecine de Paris, section de Neurologie). Ces
troubles des réflexes avaient déjà été vus par Joffroy, il pense que les
réflexes peuvent se trouver normaux des deux côtés ou d'un seul. Ils
peuvent être modifiés par des mouvements choréiques, il y a alors un
réflexe paradoxal du choréique ou bien alors il y a inconstance du réflexe.
Enfin il peut y avoir affaiblissement ou suppression des réflexes, c'est là
le trouble qui se rencontre chez la plus grande partie des choréiques,
elle est plus fréquemment bilatérale et la suppression des réflexes dure
aussi longtemps que la chorée elle-même. L'exagération des réflexes
rotuliens a été rencontrée bien plus rarement que leur suppression.
II a fait les mêmes constatations sur les réflexes du tendon d'Achille
dans plus de la moitié des cas de chorée, dans le reste des cas les .
réflexes du tendon d'Achille étaient moins atteints que les réflexes
patellaires.
A part les mouvements involontaires, on constate dans la chorée
d'autres troubles moteurs. Nous avons déjà vu qu'il y a rarement inté-
grité de la force musculaire dans la chorée, mais ce qu'il y a de spécial
dans la chorée de Sydenham, c'est que ces troubles y sont particu-
lièrement fréquents.
Ces troubles moteurs peuvent se présenter sous deux formes, ou bien il
s'agit de la chorée paralytique ou chorée molle dans laquelle les troubles
moteurs dominent la scène : le malade semble paralysé, et ce n'est qu'ac-
cessoirement que se manifestent les mouvements involontaires; ou bien
il s'agit d'une chorée manifeste au cours de laquelle apparaît la para-
lysie.
CHORÉE DES ENFANTS. OU CHORÉE DE SYDENHAM. 857
Nous avons vu que ces paralysies dans la chorée ont fait l'objet, de
nombreux travaux^1). ...
Elles peuvent, suivant l'époque à laquelle elles apparaissent, être
qualifiées de paralysies pré-choréiques, inter-choréiques ou post-cho-
reiques. Leur topographie est variable, elles peuvent se manifester sui-
vant le type. monoplégique, hémiplégique ou paraplégique.
Les réactions électriques sont habituellement normales dans la chorée
de Sydenham, peut-être cependant a-t-on pu rencontrer une légère dimi-
nution de l'excitabilité des nerfs et des muscles; quelquefois cependant
on a pu observer l'exagération (Rosenthal).
La sensibilité est quelquefois troublée suivant les modes que nous
avons indiqués pour la chorée en général, c'est-à-dire qu'on y observe
des douleurs juxta-articulaires et des douleurs au point d'émergence des
nerfs.
Les troubles psychiques sont constants, ils sont une des caractéris-
tiques de la chorée de Sydenham. Blocq pense qu'il faut distinguer
parmi eux les troubles choréiques et les troubles non choréiques.
1° Les troubles choréiques sont pour lui évidents, quoi qu'en disent
certains auteurs (Joffroy, Séglas, etc). Ces troubles appartenant en
propre à la chorée, sont ceux qu'on observe à la période prodromique et
leur constance est un argument en- faveur de leur nature spécifique. Nous
avons vu qu'ils se manifestent par les modifications du caractère, de
l'affection, de la mémoire; , , .
2° Au contraire les troubles non choréiques sont inconstants, ce sont
des psychoses provoquées chez les dégénérés par la chorée et on en con-
naît deux variétés principales.
C'est tout d'abord l'état de. mal choréique qui est semblable à un
délire d'intoxication et qui se présente sous là forme d'un délire halluci-
natoire aigu, d'un état maniaque ou de convulsions et d'incohérence dans
les idées.
D'autre part, il existe un délire choréique : c'est une véritable psychose
de dégénérés à manifestations multiples qui. peut se présenter sous la
forme de la mélancolie anxieuse ou d'une excitation maniaque.
L'état général dans la chorée de Sydenham vulgaire est peu atteint, on
verra cependant apparaître la fièvre dans quelques cas, elle est alors le
plus souvent symptomatique d'un état de mal ou d'une complication,
mais quelquefois elle peut se produire en dehors de toute gravité ou en
dehors de toute localisation splanchnique, dans ces cas .on peut observer
la disparition des convulsions quand la fièvre s'allume (feb1'is accedens
spasmos solvit). Toutefois cette disparition de contractions sous l'influence
1. Ollive. Paralysie chez les choréiques. Thèse de Paris, 1885. Pémsson. Amyo-
Irophic dans la chorée. Thèse de Bordeaux, 1891. Ronnou. Paralysie de la chorée,.
Gazelle hebdomadaire de Bordeaux, 1889. Amyotrophie dans la paralysie de la choréc.
Thèse de Bordeaux, '1891. Michel. Thèse de Paris, 1904. Londe. Société
médicale des Hôpitaux, 1899. '
[CROUZON.] ]
858 CHORÉES.
de la fièvre est soumise à certaines règles qui ont été fixées par Germain
Sée et Jules Simon. La fièvre fait cesser les contractions quand elle sur-
vient au moment de leur croissance, les contractions suivent une marche
parallèle à la fièvre quand celle-ci survient dès le début de la maladie.
' Formes. Le type qne nous venons de décrire est la chorée vul-
gaire. La forme grave de la chorée est caractérisée, comme nous l'avons
déjà indiqué, par l'état de mal, par l'élévation dé la température, par
l'existence d'une septicémie dont le point de départ est souvent cutané.
Plus intéressante est la forme à-laquelle nous avons déjà fait allusion,
nous voulons parler de la chorée molle, chorée paralysante.
Les premières observations ont été publiées par Todd, West, Gowers
puis de nombreux auteurs, Igeboldine, Filatoff, etc., en ont publié des
exemples. Nous décrivons ici cette forme de chorée car elle est toute spé-
ciale au jeune âge; c'est de 2 à 14 ans et en particulier entre 6 à 7 ans
qu'elle s'observe le plus fréquemment, elle peut quelquefois succéder à
la chorée vulgaire que nous venons de décrire, comme dans le cas de
Daddi Sylvestrini (La Settimana medica, juillet 1899).
Le plus souvent la chorée est molle d'emblée et son début est brusque,
quand il est progressif, la maladie se révèle par une marche inhabile ou
par la maladresse des mains. Quand il est brusque, la paralysie est
d'emblée complète, elle peut être généralisée et alors on constate la flac-
cidité généralisée des membres ou quelques petits mouvements choréi-
formes à intervalles éloignés : ou bien la. paralysie est localisée (hémi-
plégie, paraplégie ou monoplégie).
L'aspect tout particulier de cette chorée molle la rend donc clinique-
ment différente de la chorée vulgaire, aussi souvent a-t-on pu prendre
cette maladie pour une paralysie infantile ou pour une. polynévrite.
L'évolution de la chorée molle est en général de six semaines à deux
mois, au bout de ce temps le petit malade sort de l'état que nous
venons de décrire; la guérison est la règle mais cependant on a décrit
des amyotrophies consécutives, elles occupent surtout les membres supé-
rieurs, mais leur fréquence est minime.
Complications. La chorée de Sydenham peut présenter des
complications nerveuses, cardiaques, cutanées et articulaires.
Les complications nerveuses sont : l'hémorragie cérébrale, l'embolie
cérébrale pouvant amener l'hémiplégie et l'aphasie comme dans le cas de
L. G. Simon et Crouzon. On peut observer aussi un rhumatisme cérébral
au cours de la chorée ; enfin Aper't a observé des phénomènes de ménin-
gisme (Société de pédiatrie, 1900).
, Le coeur est beaucoup plus atteint par les complications (Osier,- Le coeur
dans la chorée, llTedical C7o ? uci ! e, août 1899). Suivant Mal'1'an, les com-
plications cardiaques existent dans 18 pour 100 des cas de chorée; dans
'9 pouf 100 l'endocardite et la chorée simple semblent être de nature
rhumatismale. -' ....
Ces complications cardiaques peuvent être rangées en 4 groupes :
CHORÉE DES ENFANTS OU CHORÉE DE SYDENHAM. 85f
1" Les manifestations cardiaques rhumatismales au cours de la chorée;
c'est pour Roger une preuve de la nature rhumatismale de la chorée, sa
statistique personnelle présente un pourcentage considérable, puisqu'il
décrit les lésions cardiaques dans 2/3 des cas de chorée, c'est surtout de
7 à 8 ans que l'on observe ces complications et c'est surtout l'insuffisance
mitrale que l'on rencontre. Plus souvent c'est la péricardite, Dupré et
Canins (Société médicale des Hôpitaux, avril 1904) ont même observé
un cas de péricardite hémorragique chez un choréique ancien rhumatisant.
2" Le coeur peut être le siège d'une détermination infectieuse : les endo-
cardites infectieuses non rhumatismales ont été rencontrées dans la chorée
et caractérisées bactériologiquement par différents auteurs (Leredde, Tri-
boulet).
5° Les souffles anémiques chez des choréiques anémiques ou chloro-
tiques sont une autre modalité de ces troubles cardiaques.
4" Enfin le l'oelU' peut être le siège lui aussi de mouvements invoton-
hures, c'est la chorée du coeur (11. Roger, Jules Simon, liasse et Ollivier),
elle se manifeste par de l'arythmie qui est constante, par des souffles dont
l'existence est passagère et l'évolution capricieuse, et elle peut exposer
le malade il la mort subite.
Les complications cutanées sont des phlegmons, des abcès, elles peu-
vent entraîner la septicémie. On a pu rencontrer dans la chorée grave des
erytitoues scartafiniiormes (Sergent et 13aLonneia, Société médicale des
Hôpitaux, mai l ! 10> ! .)
Les complications articulaires sont, ou bien du véritable rhumatisme
^associé il la chorée, ou du pseudo-rhulllalisl1ll' infectieux.
- Évolution. L'évolution est régulière, et c'est après des alter-
natives d'amélioration et d'aggravation que la maladie décroît lentement.
L'amélioration se l'ait progressivement, la durée totale varie de 0 semaines
à 4 mois, mais on peut dire qu'une danse de Saint-Guy dure de 1 à 2 mois.
Quand la guérison est obtenue alors que les mouvements ont disparu, il
subsiste pendant quelque temps un peu d'apathie intellectuelle, cepen-
dant on a pu observer de^ rechutes qui donnent alors il la maladie une
durée excessive de 8 il 10 mois; on a pu observer également une ou plu-
sieurs récidives laissant entre elles des intervalles variables de quelques
jours à quelques années, mais, suivant-Germain Sée, la durée est dimi-
nuée il chaque récidive nouvelle.
La maladie peut passer il Létal chronique dans des cas exceptionnels :
un malade de, Pierre Marie et Crouxon qui avait été atteint à l'âge de 7 ans
d une chorée présentait encore celle affection il 00 ans.
La mort est rare dans la danse de Saint-Guy, elle ne 's'observe que
dans 2 à 2 12 pour 100 des cas. et elle se produit alors par état de mal ou
épuisement nerveux, comme dans le cas de Barié pal' arrêt diastolique du
('OEIlI' 011 par infection comme dans plusieurs cas de Guzelli et Guirdorossi
où 1 infection était due au staphylococcus pyogenes aurons (Ri for ma
medica, 1899).
[CROUZON] ]
800 . CHORÉES ? ,
, Malgré tout, on peut dire que le pronostic est, en général bénin; il est
sans gravité au-dessous de Il 0 ans, et cette gravité augmente un peu avec
l'âge suivant Paul Blocq.
CHORÉE DES ADULTES
On peut observer chez l'adulte la chorée rhumasiimale semblable à la
chorée de Sydenham, il en existe quelques rares exemples, ce sont les
cas de Wilks (Reports of Hospital Pratice in Médecine and Sw'ge1'y);
le cas de Landouzy (Société de Biologie, 31 mai 1875); le cas de Solié,
le cas deMackensie (British Medical Journal, 1887); le cas de Pritchard
(lYledicizzallVews, 1896, GoodccalGug's s Hospital ReportXLVII), Nattau-
Larrier et Crouzon (Tribune 'médicale, 1905).
Souvent ces cas peuvent être du reste des cas de chorée récidivante
chez l'adulte (Ziehen) ; les autres variétés de chorée de l'adulte sont la
chorée gravidique, la chorée hystérique, la chorée variable des dégénérés,
les chorées de Bergeron et de Dubini, la chorée fibrillaire de Morvan.
La chorée gravidique ou chorée des femmes enceintes ou chorée de la
grossesse frappe surtout les femmes jeunes, elle s'observe chez des
femmes n'ayant eu ni rhumatisme, ni chorée de l'enfance, cependant, sur
15 cas delà Thèse de Gentin (1899), la chorée a récidivé deux fois à deux
grossesses successives et quelquefois elle a pu passer à l'état chronique.
Elle s'observe surtout chez les primipares et le plus souvent ne se rencontre
qu'à une seule grossesse. Elle a fait l'objet de nombreux travaux et de nom-
breux cas ont été mentionnés (Mastié, Thèse de Lyon, 1898-99. -Dulour,
nier, Bulletin médical, 21 novembre 1894. Mac Cann, Obstétrical
Society de Londrès, 4 4 novembre 1891. Gayrard, Thèse de Paris, 1 88).-
Elle est souvent précédée par une émotion, un traumatisme, par l'hérédité
nerveuse suivant Hocquet (Thèse de Paris, 1888) ; elle -survient souvent
chez des hystériques et même I-Iocquet et Gilles de la. Tourette (Semaine
médicale, 1899), contestent l'existence de la chorée gravidique et pré-
tendent qu'il n'existe que des pseudo-chorées développées à l'occasion de
la grossesse; ce seraient alors, des' manifestations de l'hystérie ou une
maladie des tics' ou une chorée chronique; cependant nombre d'auteurs
contestent cette opinion (Launay, Thèse de Paris, 1901), et même cette
existence ne peut être mise en doute.
La maladie débute dans la première moitié de la grossesse, pendant les
4 premiers mois. Le. début est brusque ou lent et quand la maladie est
constituée, elle se présente avec les signes de la chorée de Sydenham.
Le palper abdominal. et le toucher vaginal augmentent les mouve-
ments choréiques (Blocq) ; l'affection disparait avec la grossesse. Suivant
Blocq, il n'y a rien de fixe dans l'influence du travail sur la chorée,
mais -la chorée disparaît après la délivrance (Oui, Echo médical du
Nord, 1901), dans les 15 premiers jours ou dans le mois qui suit l'accou-
chement. C'est la chorée post-gravidique ; ou quelquefois persiste pen-
CHORÉE VARIABLE. {i 1
7'i
dant l'allaitement, c'est clmrca lactantiurn : quelquefois la mort peut
survenir par état de mal choréique comme dans le cas c.lc l3echtorell'
(Réunion scientifique des maladies mentales et nerveuses de Saint-
Pétersbourg, 1896).
Le pronostic de la maladie est plus grave que celui de la chorée vul-
gain', la mortalité est considérable, elle est de 22 pour 100 pour Char-
pentier; de 2 pour 100 pour Delage; l'avorlement et l'accouchement
prématuré sont fréquents et s'observent dans 50 pour 10U des cas, et on
observe 10 pour J 00 de mortalité infantile; c'est dire que le pronostic est
grave non seulement pour la mère, niais encore pour l'enfant.
CHORÉE HYSTÉRIQUE ;
La chorée hystérique se présente souvent 2 formes : ta choyée rythmique
et la chorée arythmique.
La chorée rythmique est la forme la plus fréquente, son siège est quel-
quefois limité, c'est l'tiemiehoree hystérique, mais souvent elle peut
affecter aussi les membres, la face et le cou. Elle se produit sous forme-
de mouvements systématiques coordonnés dans le but de l'accomplisse-
ment d'une fonction, elle peut imiter les mouvements de la danse
(choreesattatoire). On a également signalé la chorée. natatoire (mouve-
(le. natation) ou chorée malléatoire (mouvements du forgeron). Elle, se-
reproduit d'une manière intermittente et sous forme d'accès pouvant durer
de quelques minutes il quelques jours.
La chorée arythmique est moins fréquente, elle a été signalée par
Drbuve : des observations ont été présentées par Chantemesse, Dettting
(Thèse de Lyon, -1t ? 12),.Sonneyille qui l'a étudiée chez l'enfant (Thèse de-
Lille, 1901), Auseher ( décembre 1891). Cette chorée se présente d'une
façon toute semblable il la chorée de Sydenham : les mouvements sont
involontaires, réguliers et contradictoires, et c'est cette parenté qui
dans certains cas a parmis de fonder l'interprétation qui rattache à
l'hystérie la chorée de Sydenham (Revue neurologique, 1806 et Presse
médicale, l ! ) ! 1).
CHORÉE VARIABLE
Brissaud a écrit dans ses « Leçons sur les maladies nerveuses a.
(2" Série, 1899), une variété de chorée qu'il a appelée chorée variable et
polymorphe des dégénérés ou encore chorée variable des dégénérés. Celte
chorée s'observe chez des dégénérés physiques et mentaux, les sujets
présentent des stigmates physiques : infantilisme, malformation génitale,,
nucrocephalie; ils présentent des stigmates psychiques, ils ont des senti-
ments affectifs peu développés, inintelligents, ils ont des manies ou des
hallucinations.
[CROUZON.]
802 CHORÉES. - ?
La chorée est variable dans le temps et dans sa forme : on peut donc
dire qu'elle est variable et polymorphe. - - '
La variabilité dans le temps est marquée par la disparition et réappari-
tion subite. '" .
Le polymorphisme est caractérisé par l'irrégularité des mouvements
dans leur forme et dans l'amplitude : ce sont des gestes illogiques qui
quelquefois rappellent les tics et qui peuvent du reste être associés à des
tics2"ariables....'
L'évolution de la maladie est naturellement très irrégulière, puisqu'il
y a variabilité des mouvements dans le temps et dans la forme. La maladie
peut durer longtemps et finir par guérir, le malade reste néanmoins un
dégénéré. '
CHORÉE CHRONIQUE
La chorée chronique, chorée majeure, chorée de Huntington, chorée
des vieillards, chorée chronique progressive ou chorée héréditaire de
l'adulte est une- chorée dont une des caractéristiques étiologiques est
l'hérédité. Ce n'est pas seulement une hérédité nerveuse, c'est l'hérédité
similaire. Le malade atteint de chorée de Huntington est fils d'un cho-
réique de IIuntington. Les observations dans lesquelles se trouvent l'héré-
dité similaire sont nombreuses (Cas de Peretti, de Huit, d'Orméa, de
Marckay, de Clarke, de Hubert, de Hoffmann, de Lannois et de Olgsky).
Cependant l'hérédité dans la chorée chronique est régie par une loi qui a
été formulée par Huntington ; si un enfant de choréique est épargné, ses
enfants restent aussi indemnes, la chorée ne saute pas une génération.
Les descendants qui sont épargnés peuvent cependant être sujets à d'au-
tres affections nerveuses sans que cependant ce soit une règle absolue.
La chorée chronique apparaît en général entre 50 et 45 ans, elle est
encore fréquente jusqu'à 55 ans et devient rare ensuite. --
La chorée chronique frappe également -les deux sexes alors que la
chorée vulgaire frappe plus particulièrement le sexe. féminin.
Les autres causes étiologiques semblent tout à fait vagues ou même
négatives. Le rhumatisme fait exception dans les antécédents; la gros-
sesse semble ne pas avoir d'influence. Cependant il faut mentionner l'im-
portance de certaines émotions morales et'du choc nerveux. Quelquefois
l'apoplexie a été signalée au cours de la chorée chronique et même peut
la précéder.
Le tableau clinique est celui d'une chorée, mais différente par les points
suivants de la chorée vulgaire; le début peut être brusque, il peut se
faire à la suite d'atteintes successives de chorée vulgaire (cas. de Dutil
et de Huct), le plus souvent le début est lent et progressif. Les mouve-
ments sont ceux de la chorée vulgaire, mais quelques particularités les
différencient; ils pourraient, suivant Lannois, s'arrêter sous l'influence de
la volonté et c'est là un signe important entre la chorée chronique et. la
CHORÉE CHRONIQUE. 8G5
chorée vulgaire. Mais ce signe est constaté par Hitet qui montre qu'il se
rencontre dans toutes les observations de choréc chronique, qu'il s'a-
gisse ou non de la chorée héréditaire. Les troubles moteurs n'ont d'autre
particularité que de provoquer une démarche éhrieuse, les malades sont
souvent pris il cause de cela pour des ivrognes. La force musculaire est
en général diminuée, les réactions électriques sont normales, les réflexes
sont généralement forts, mais, ce qui caractérise avant tout la chorée
chronique, ce sont les troubles mentaux; ils ont été étudiés par nombre
d'auteurs : Osier, Ladame (Archives de Neurologie, 1900) Kattwinkel,
Vaschidc et Vurpas. Dutil pense que ces troubles psychiques sont con-
stants, et il ne croit pas qu'il existe une seule observation probante de
chorée de Huntington sans troubles-psychiques : au début, le malade est
. triste, mélancolique, avec tendance au suicide, puis il a des colères vio-
lentes, des manies, des hallucinations et enfin la mémoire se perd, il y a
impossibilité de préciser certains groupes de faits : un malade auquel on
demande de désigner plusieurs noms de Heurs ne retrouvera qu'un seul
nom et le répétera sans cesse.
L'affaiblissement des facultés intellectuelles est progressif et va jusqu'à
la démence (dementia chorcia de llollock). Cette démence pour plusieurs
auteurs serait assez analogue il celle de la paralysie générale (Osier,
Facklam).
Évolution. La marche de la chorée chronique héréditaire est
fatalement progressive, alors que la chorée chronique non héréditaire peut
durer un grand nombre d'années, comme dans le cas déjà mentionné de
Pierre Marie et Crouzon où le malade est resté plus de 50 ans choréique ;
la chorée héréditaire s'accentue, les mouvements augmentent d'étendue,
les troubles intellectuels progressent, le malade devient confiné au lit, il
ne peut plus s'alimenter, il tombe dans le gâtisme complet ;-la durée de
la maladie est cependant assez longue, beaucoup de malades atteints vers
50 ou 55 ans ne meurent qu'il (jeu, 70 ou 80 ans. Quelquefois l'évolution
est abrégée par les troubles respiratoires (larynx ou diaphragme) ou par
des accidents d'alimentation.
Le pronostic est des plus graves non seulement pour les malades mais
pour leurs descendants.
CHORÉES SYMPTOMATIQUES
Les chorées symptomatiques ou mouvements chorelformes ont une
signification différente suivant qu'ils sont localisés ou généralisés : s'ils
sont localisés c'est surtout sous la forme, d'héiuichoréc. Cette hémichorée
est pré ou post-hémiplégique, elle n'est qu'un symptôme quand ils se rat-
tachent il l'étudede l'hémiplégie, cependant elle signifie plus particulière-
ment que l'on a affaire it une hémiplégie infantile quand ils surviennent
des deux côtés du corps, ils peuvent alors simuler la chorée. Ils ont été
[CROUZON.]
864 CHORÉES.
mentionnés par Weir-Mitchell, Charcot, Lépùie,- Raymond. L'hémichorée
peut précéder la paralysie de quelques jours, suivant immédiatement l'ic-
tus mais le plus, souvent elle suit l'hémiplégie et ne se montre que quel-
ques mois après elle. Les mouvements offrent le caractère des mouve-
ments choréiformes peu étendus au début mais deviennent plus amples
et s'exagèrent jusqu'à la mort. Elle siège dans les membres, plus rare-
ment dans la face, elle s'exagère à propos des mouvements volontaires
mais existe au repos. Le plus~souvent l'hémiplégie associée à cette hémi-
chorée est légère de même que la contracture.
Les mouvements généralisés s'observent au cours de certaines névro-
ses, ils sont un signe accessoire de la maladie de Basedow (Dieulafoy).
On les observe également dans la paralysie générale.
MYOCLONIES
par le Dr CROUZON
On appelle myoclonies, pseudo-chorées, ou chorées électriques, des
contractions cloniques brusques semblables il celles que produit lélec-
tl'isatioll des muscles, d'où le nom de chorées électriques qui leur a été
donné.
Ces contractions sont involontaires, non systématisées, plus ou moins
localisées avec des intervalles variables, c'est surtout chez des malades
entachés d'une hérédité nerveuse que s'observent ces myoclonies, M. Ray-
mond (Leçons cliniques, 1 rI' série) a montré que toutes les myoclonies se
développent sur une souche commune (dégénérescence héréditaire ou
acquise). La plupart de ces sujets présentent des stigmates avérés de
dégénérescence physique ou mentale. Quelquefois, on observe chez eux
non seulement la présence de myoclonies, mais encore d'autres affections
nerveuses : la maladie des tics connue, dans des cas signalés par Lemoine
et Raymond, L'apoplexie, l'hystérie, etc..... -
Les autres causes sont banales, et on a signalé les émotions, le rhuma-
tisme, la fatigue, le surmenage, le traumatisme (Sizeret et Havait),
quelquefois les intoxications, et en particulier l'urémie (Ferrier, L. Levy
et l'ullct). Dcjcrinc et p, Call1Us ont constaté une myoclonie au cours de
l'hémiplégie cérébrale infantile.
Description. Les myoclonies sont caractérisées par des mouve-
ments involontaires brusques; on peut observer ces mouvements suivant
des aspects divers.
Ils peuvent être cloniques : il s'agit alors de secousses brusques
dans des muscles qui se contractent et se relâchent presque aussitôt.
Ces contractions siègent quelquefois dans un groupe spécial des muscles
et se généralisent dans la suite; quelquefois elles peuvent se produire
par nu choc par la percussion des muscles et des tendons, par une exci-
tation périphérique; elles s'exagèrent par les émotions, elles cessent pen-
dant le sommeil et sont arrêtées par la volonté. '
Les contractions tétaniques différent des précédentes par Icur pc rsis-
tance : enfin, les contractions tétaniques ne sont qu'une source de
secousses tétaniques séparées les unes des autres par des intervalles te)-
lement courts qu'il y acoutinuite apparente.
Enfin, le dernier type est constitué par les contractions si brilla ire s uni,
l'io.,rncr .emoi.. ' 55
LC7 ! 0[fZOJV.]
866 MYOCLONIES.
comme le nom l'indique, sont limitées il quelques faisceaux ou à des
fibrilles musculaires.
Tels sont les caractères généraux des myoclonies ; elles s'associent à
des troubles inconstants des réflexes, tantôt exagération, tantôt dimi-
nution, il n'y a pas de troubles de la sensibilité, ni de troubles de l'in-
telligence, et il ne semble pas qu'il y ait davantage de troubles de la
réaction électrique. Chez un enfant de 18 mois atteint de myoclonie,
Papillon et Gy ont constaté une abondante lymphocytose de liquide
céphalo-rachidien.
L'évolution des myoclonies est essentiellement bénigne en ce qui con-
cerne la vie. Cependant l'évolution est sujette il des variations, les rémis-
sions sont fréquentes, mais il peut y avoir souvent des améliorations, sans
toutefois que l'on puisse espérer la guérison.
Diagnostic. Le diagnostic réside surtout dans la différenciation
des tics et des chorées. La différenciation des tics est souvent difficile,
car y a souvent association des deux affections, et il y a une parenté
entre elles. C'est ainsi que M. Raymond (loc. cil.) considère la maladie
des tics comme un des anneaux de la chaîne pathologique qu'il englobe sous
le nom collectif de myoclonies. Cependant si l'on se reporte à la descrip-
tion qu'ont donnée des tics Brissaud, Meige et Feindel, on voit que les
tics sont surtout caractérisés par ce fait qu'ils sont systématisés et ont
pour point de vue souvent un acte volontaire, ils sont l'expression d'un
réflexe psychique, mais il n'en est pas moins vrai qu'il y a contiguïté
entre les deux groupes morbides et que souvent la distinction en est,diffi-
cile.
La chorée est caractérisée, par des mouvements involontaires également
brusques, mais cependant moins rapides et moins voisins des secousses
que les myoclonies. Enfin, les mouvements de la chorée ont une pins
grande amplitude, ils se généralisent plus rapidement; d'autre part,
chacune des variétés de chorées apportant ses caractères propres facilitera
la différenciation.
Description des variétés de myoclonies. Connue nous
l'avons dit, on a coutume, depuis la description de Raymond et d'un
certain nombre d'auteurs, de, décrire sous le nom collectif de myoclonies
un certain nombre d'états pathologiques que l'on considérait autrefois
comme des entités morbides; c'est du reste la classification qui a été
suivie par liloch et Grenet dans l'article du Traité de médecine, et par
Grenet dans l'article de la Pratique médico-chirurgicale.
Les modalités des myoclonies sont le paramyoclonus multiplex, la
chorée électrique de liergeron et de. llenoch, la chorée fibrillaire de
Morvan, la maladie deDubini, et enfin la myoclonie familiale d'Unverriclit.
Nous laisserons de côté la maladie des tics, le tic non douloureux de
la face que Raymond classe parmi les myoclonies, et nous réserverons
de même la description des myokYluies (Francesco liurzio, Anncrli (li Fîe-
nÍal1'ia, J 808).
CHORÉE ÉLECTRIQUE DE BERGERON. 867 ï
PARAMYOCLONUS MULTIPLEX
Le paramyoclonus multiplex a été décrit par Friedreicll (F ! 'rc/<0 ! f/s s
Archiv, 1881). Use rencontre surtout il l'âge mur; ses contractions peu-
vent cire cloniques, tétaniques, toniques ou librillaires; leur siège est le
plus souvent symétrique et habituellement bi-latéral ; c'est en général par
les membres inférieurs que débute la maladie.
Les contractions se produisent par accès ou par intervalles qui vont de
quelques minutes à '1/2 heure quelquefois. D'autre part les contractions
sont très rapprochées et semblent continues; ces mouvements entraînent
le déplacement des membres dans un certain nombre de cas, quelquefois
cependant la contraction est insuffisante pour procurer le changement de
position. ,
Les mouvements les plus variés s'observent aux membres supérieurs
et aux membres inférieurs, de même au niveau de la face et au niveau
de la tète. La contraction se produit dans les différents mouvements, on
l'observe en général dans l'exagération des réflexes et par des troubles de
la sensibilité. L'intelligence est intacte.
La marche de la maladie est progressive au début, mais arrivée à sa
période toutefois, sa durée est indéfinie ; il existe cependant dans un cer-
tain nombre de cas une tendance il l'amélioration ou à la guérison.
Le paramyoclonus multiplex n'est pas une entité morbide, il est symp-
tomatique de nombreuses affections cérébrales (Murri, Progrès médical,
- l 002; ()razio d'Allico, Riforma medica, 1897), il peut cire sympto-
matiquc de la maladie de Heckiinghausen et de l'urémie cérébrale; on l'a
observé également dans la sclérose en plaques ou au cours de l'atrophie
musculaire (Fiarges Priécracini et Tamburini). Enfin, on a pu observer
un paramyoclonus d'origine articulaire (Chauffard, Semaine médicale,
1890). ,
CHORÉE ÉLECTRIQUE DE BERGERON
La chorée électrique de Bergeron s'observe surtout chez les enfants;
(,'est une affection qui frappe également les deux sexes et qui apparaît
dans la seconde enfance. La nature de cette affection a été très discutée :
nous avons vu que certains auteurs pensent qu'elle est de nature hysté-
rique, tels sont les cas d'Ingelrans (Echo médical du Nord, -1 ! )0),
llenriot (Thèse de Lillc, ,1 ! IO;)), Cade (Société Médicale des Hôpitaux
(le Lyoll. 1902).
Le début de celle affection est le plus souvent brusque : ce sont,
('0 III Il Il' nous l'avons indiqué, des secousses a la façon d'une décharge
électrique qui sont rapprochées l'une de l'autre; elles sont localisées dans
certains cas, mais le plus souvent, elles atteignent l'ensemble du corps :
la tète, le tronc, les membres. A la tète, ce sont des mouvements brusques
{.CROUZON.}
.869 MYOCLONIES. '
d'extension et de flexion ; au tronc, ce sont des inclinaisons' brusques en
ayant et en arrière. Les variations dans ces secousses sont fréquentes,
quelquefois elles s'exagèrent quand lé malade cherche à les. empêcher :
elles, peuvent s'organiser en véritables paroxysmes, elles disparaissentpén-
dant le sommeil. Il n'existe aucun trouble des réflexes ni de la sensibilité,
l'état mental est indemne. Enfin, l'affection, en général, a une évolution
rapide et elle se termine par la guérison.
CHORÉE ÉLECTRIQUE DE DUBINI
Le début de cette affection est le plus souvent brusque : il se fait par
des douleurs intenses qui commencent en général par les extrémités
supérieures, par les doigts, par les mains; qui se généralisent ensuite il
un côté du corps, quelquefois à la totalité. '.
Ces douleurs s'accompagnent à brève échéance de secousses des mem-
bres qui ne sont comparables qu'à des secousses électriques qui se repro-
duisent à intervalles rythmés. .'
Quelquefois il existe, en dehors de ces secousses, de véritables attaques
convulsives. ' '
Il n'y a guère de troubles de la sensibilité ni des réflexes ; les réactions
électriques sont normales, mais il existe d'une façon constante une élé-
vation de la température.
La marche de la maladie est rapide, les secousses et les accès se répè-
tent et se rapprochent, et la maladie évolue progressivement pour se ter-
miner par le coma, les mouvements s'atténuent alors et la température,
s'élève. La mort survient dans 90 pour. 100 des cas d'après Blanchi.
CHORÉE FIBRILLAIRE DE MORVÀN
La chorée fibrillaire est. caractérisée par des contractions librillaires
qui apparaissent dans les muscles à la partie inférieure du corps, plus
particulièrement aux muscles des mollets, et à la partie postérieure des
cuisses, et par la suite aux muscles des membres supérieurs : dans tous
les cas, les muscles du cou et de la face sont respectés.
. Les contractions apparaissent sous forme de tressaillements dans les
muscles longs, dans les muscles plats,, tressaillements insuffisants pour
provoquer un déplacement ou un tremblement; ils cessent dans les
muscles dès que ceux-ci se contractent par un mouvement volontaire. Il
n'y a pas de troubles de la sensibilité ni de réflexes.
C'est une affection de l'adolescence. dont l'étiologie est assez obscure.
On y retrouve, comme dans toutes les chorées et les myoclonies, les
prédispositions héréditaire et nerveuse; l'évolution se termine par la guéri-
son, mais les récidives sont fréquentes. Quoi qu'il en soit;. le caractère
1 MYOCLONIES DANS LES AFFECTIONS DIVERSES. 869
essentiel qui différencie cette chorée fibrillaire des autres myoclonies est
justement la convulsion localisée fibrillaire du muscle, alors que les s
autres myoclonies s'accompagnent de secousses musculaires totales.
MYOCLONIES ÉPILEPTIQUES
Les myoclonies peuvent être observées chez les épileptiques. Elles ont
fait l'objet de la thèse de Robert (Paris, 1900). Elles se présentent sous
plusieurs aspects et nous adopterons la classification de Euzière et Maillet
[Gazelle des Hôpitaux, 7 juin 1910) qui distinguent les trois variétés
suivantes : , '
1° myoclonie épileptique intermittente. Les secousses myoclo-
.niques apparaissent par accès et doivent être considérées parfois comme
une aura motrice ou un équivalent épileptique, quelquefois comme des
phénomènes surajoutés. ,
2° Syndrome de Kojewnikoff ou épilepsie partielle continue. Les
sujets qui en sont atteints ont des crises d'épilepsie jacksonienne, et dans
l'intervalle des crises présentent des mouvements myocloniques.
5° Myoclonies familiales du type Unve1Ticht. Ce sont, le plus
souvent, des enfants qui ont présenté, dans leur jeune âge, des crises
épileptiformes qui, vers 10 ou 15 ans, cèdent peu à peu pour faire place
à des secousses musculaires des membres, du tronc, secousses qui sont
très analogues au paramyoclonus multiplex. Dans quelques cas les con-
vulsions épileptiformes persistent, elles sont précédées de secousses
musculaires fortes et- fréquentes ; il arrive tardivement que la myoclonie
s'accompagne de bégaiement et de difficulté de la déglutition :
La description de cette maladie a été faite par Unverricht, en 1891 : il
s'agissait d'une famille dont tous les enfants présentaient ce syndrome.
Le caractère familial a été rencontré par nombre d'autres auteurs. Cette
affection évolue le plus souvent chez les dégénérés.
MYOCLONIES DANS LES AFFECTIONS DIVERSES
On a signalé encore diverses myoclonies au cours de maladies du
système nerveux et dans la paralysie générale (Hermann, Méditz. Oboz,
'1899). On la rencontre également dans l'hystérie (Charmeil, Société de
Médecine du Nord, 1900).
Pic et Porot ont observé la myoclonie associée à la myotonie dans un
cas de sclérose en plaques fruste. Paviot et Nové-Josserand l'ont con
statée chez un vieillard atteint de méningo-encéphalo-myélitc chronique.
La myoclonie était un phénomène prémonitoire des accès dans un cas de
folie intermittente (Rogues de Fursac et Capgrasl.
[CROUZON.] ]
870 .. MYOCLONIES. '
On les a rencontrées aussi à la suite des maladies toxi-infectieuses de
l'enfance. - ..
Nystagmus-mnyoclonie. - Lenoble et Aubineau out. décrit (Société, de
Biologie, 1905 et 1er juillet 1909) une variété nouvelle de myoclonie
congénitale à nystagmus constant avec exagération des réflexes et trou-
bles trophiques qui peut être héréditaire et familiale : dans un de leurs
cas, il y avait association de glycosurie et de crises épileptiformes.
z Il y a lieu de se demander s'il n'y a pas analogie entre ces myoclonies
chez les épileptiques, et sa myoclonie familiale du type Unverricht, et,
d'autre part, il existe des cas où les myoclonies peuvent, non pas suivre
les attaques d'épilepsie, mais les précéder de plusieurs années.
MYOKYMIES
Key et Schultze ont décrit, sous ce nom, des secousses fibrillaires qui
se produisent dans les muscles des membres inférieurs d'une façon con-
tinue ; cependant, on a vu quelquefois des myokymies dans d'autres
muscles que ceux que nous venons de signaler. Les myokymies ne provo-
quent aucun trouble dans l'état général, elles surviennent chez les dégé-
nérés et leur évolution ne comporte aucune gravité.
ATHETOSE
par le D' CROUZON
1,'atlutosc est caractérisée par des mouvements involontaires incoor-
donnés qui s'accomplissent avec une extrême lenteur d'une façon continue
et avec exagération an delà des limites habituelles.
L'atliétose siège, le plus souvent aux orteils et aux doigts, c'est-à-dire
aux extrémités des membres, aux coudes, à la langue et à la face ; elle,
siège quelquefois d'un côté du corps : c'est alors 1 héiniatliélose ; quel-
quefois elle occupe les deux côtés du corps, c'est alors t'athétose double.
Les caractères des mouvements de )'atbétose sont la lenteur et l'exagé-
ration ; les mouvements ont été comparés avec exactitude aux mouve-
ments des tentacules du poulpe : ils atteignent leur limite d'une façon
continue sans secousses et gardent une apparence intentionnelle; aux
doigts l'extension semble prédominer sur la flexion, la main est largement
ouverte, la paume saillante en avant. De même les doigts s'écartent les
uns des autres et il y a adduction en patte d'oie. Le poignet est le siège
de mouvements analogues aux orteils : les mouvements se passent à la
l'ois dans la flexion et dans l'extension ; de même, au niveau du coude et de
la face, il existe des mouvements dans tous les sens; au niveau de la face
c'est particulièrement . l'orbiculaire des paupières et des lèvres qui sont
atteintes. Ces mouvements sont continus et persistent pendant le repos et
quelquefois même pendant le sommeil, mais cependant ils diminuent en
général d'intensité dans ces deux dernières conditions, l'émotion les exa-
gèrent. Enfin il ces mouvements s'ajoute le plus souvent un certain
degré de contracture avec des raideurs musculaires qui entraînent des
attitudes permanentes des membres.
Nous venons de passer en revue les caractères principaux de l'athétose,
mais ce n'est là qu'une description pour ainsi dire schématique. Nous
aurons il tracer les caractéristiques cliniques des deux grandes variétés
d athetose, nous voulons parler de l'hémiathétose et de l'athétose double
que nous avons déjà signalées.
Avant d'aborder la description de ces variétés cliniques, nous pouvons
nous baser sur les caractères généraux de l'athétose pour les différencier
des autres mouvements involontaires.
iCROUZON.-]
872 . ATHETOSE..
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
Nous avons vu que la chorée était caractérisée par des mouvements
brusques qui contrastent avec la lenteur des contractions de l'athétose;
d'une part, la chorée ne s'accompagne pas de raideurs musculaires
cependant il est des cas où les mouvements peuvent revêtir les caractères
athétosiques à la face et choréiques aux membres, c'est à des cas de ce
genre que Brissaud a donné le nom d'athétoso-choréique.
D'autre part les mouvements athétosiques peuvent simuler la sclérose
en plaques. Dans cette affection le tremblement et la dysarthrie peuvent
en effet être simulés par les mouvements athétosiques des mains, de la
bouche, de la langue, mais le nystagmus et la démarche cérébelleuse ou
cërébello-spasmodique orientent le "diagnostic vers. la sclérose en pla-
ques ; la paralysie agitantesm;a reconnue à ce tremblement si spécial
des extrémités existant en dehors des mouvements intentionnels que l'on
a comparé à l'émiettement du pain et au filage de la laine. Les tics ont
des secousses plus brusques en général systématisées et reproduisant un
acte de la vie courante. Enfin, chez certains malades, la raideur muscu-
laire, la difficulté de la démarche pourraient en imposer pour la maladie
de Little, mais cette maladie, si elle s'accompagne de contractures, ne
-s'accompagne pas de mouvements. Elle est cependant très, voisine de
l'athétose double, car elle a comme substratum une lésion cérébrale :
c'est, comme l'athétose double, une diplégie cérébrale.
DIAGNOSTIC. ET DESCRIPTION DES VARIÉTÉS D'ATHÉTOSE
Nous avons dit qu'il existe deux variétés d'athétose : l'athétose double
et l'hémiathétose. La description de chacune d'elles- est des plus faciles
parce qu'elle repose uniquement sur la localisation. Nous allons cependant
donner une rapide description de chacun de ces types cliniques.
- 1. Athétose double. L'athétose double est liée à une diplégie
de l'enfance : elle survient en effet chez les enfants dans les deux premières
années de la vie, beaucoup plus rarement dans la seconde enfance, clans
l'adolescence ou dans l'âge adulte; elle survient chez des sujets qui sont
en général prédisposés à une affection nerveuse par leur hérédité, mais sans
cependant qu'il y ait d'hérédité similaire comme dans les diplégies céré-
brales infantiles. Il conviendra de rechercher avec le plus grand soin les
lésions acquises du cerveau; ces lésions, comme on le sait, sont souvent
des lésions infectieuses, tantôt une affection caractérisée comme dans le
cas d'Ollivier, tantôt une affection indéterminée à localisation encépha-
lique, tantôt il s'agit de lésions traumatiques,- et le rôle des accouche-
ments laborieux, dés applications de forceps a été bien mis en lumière
dans ces dernières années par les travaux de Couvelaire. Telles sont les
notions étiologiques qu'il faut rechercher systématiquement dans les
DIAGNOSTIC ET DESCRIPTION DES VARIÉTÉS D'ATHETOSES 87
antécédents. Le début des observations est le plus souvent lent, quel-
quefois il y a des prndollws très nets : les convulsions, la fièvre marquant
le début de la maladie, l'envahissement se l'ait progressivement, quel-
quefois en plusieurs mois, quelquefois en plusieurs années; beaucoup
plus rarement la maladie a été généralisée d'emblée.
Quand la maladie est constituée elle est caractérisée par une triade
symptomatique caractéristique.
1. Les mouvements involontaires. Nous connaissons déjà les carac-
tères de ces mouvements ; nous nous contenterons de décrire les principaux
aspects cliniques qui se rencontrent dans t'athetose double. Le malade a
la face grimaçante, mais c'est surtout dans la partie inférieure que les
troubles sont accentués, l'expression de la physionomie est très modifiée,
le malade avance les lèvres ouvre la bouche, tire la langue, raidit le front
et quelquefois brusquement il part d'un violent éclat de rire qui lui ouvre
largement la bouche et qui est décomposé par une série de mouvements
spasmodiqiies des muscles respiratoires et des muscles pharyngés. La
parole est très modifiée par le fait des mouvements athétosiques de la
langue, des lèvres et du pharynx, la parole est lente et spasmodique,
les sons sont comme poussés.
Aux membres supérieurs, les mouvements sont plus accentués aux extré-
mités; c'est surtout au niveau des doigts qu ils existent et c'est pour ces
mouvements des doigts que l'on a créé la comparaison des mouve-
ments du poulpe. Les mouvements autour des autres articulations sont
moins étendus, au niveau des membres inférieurs c'est encore aux extré-
mités que prédominent les mouvements, mais moins qu'aux membres
supérieurs; on les constate également au niveau de la jambe et delà
cuisse.
2. Rigidité musculaire. La rigidité apparaît surtout au niveau des
membres, plus particulièrement au niveau des membres inférieurs, c'est
la contracture de flexion : le pied est dévié en \'itl'11St·lllllll aux membres,
la contracture se fait en flexion.
L'état spasmodique plus encore que les mouvements rend difficile l'u-
sage des membres. La démarche de ces malades est très difficile : ils s'a-
vancent en frottant les genoux et la cuisse l'une contre l'autre : quelque-
fois, ta flexion persiste, et le malade s'avance accroupi, certains d'entre
eux ne peuvent marcher que dans des chariots, d'autres enfin sont obligés
de rester au lit ou dans des chaises roulantes. Les membres supérieurs
sont également très malhabiles et les malades ne peuvent ni manger, ni
boire, ni s'habiller seuls. Il existe de l'exagération des réflexes, mais elle
est peu apparente en raison de la raideur musculaire.
5. Troubles intellectuels. Souvent, ces malades sont des idiots;
dès l'enfance ce syndrome mental a été lié comme l'athetosc Ü la plegic
cérébrale. Cependant, dans une proportion évaluée par Brissaud et
Souques à 1/4, l'intelligence a été bien conservée. Marcel Briand a observé
un syndrome athetoso-choreique familial chez une débile persécutée.
ICROUZON]
871k ATHETOSE. '
L'évolution de l'athétose double est lente, la maladie peut durer un
nombre d'années indéterminé; il n'est pas rare de voir ces malades passer
toute leur enfance dans les services spéciaux comme celui de Bicètre et.
passer ensuite un grand nombre d'années dans les hospices d'incurables.
Cette maladie est chronique et le séjour à l'hôpital peut amener
]'éclosion d'une tuberculose pulmonaire; dans d'autres- cas le malade
sera exposé aux complications du décubitus, ou enfin il pourra succomber
à des troubles de la déglutition.
~2° Hémiathétose. L'hémiathétose est tout à fait différente de
l'athétose double : ce sont les travaux de Charcot, d'Oulmont, qui ont
séparé cette affection de celle que nous venons de décrire et les travaux
d'Audry, Michaïlovsky, Kahler, Pick, Démange, Brid9n,Ricoux, Stephan
Banhoeffer, Boinet et Touche ont mis. au point la question; plus récem-
ment elle a été l'objet d'une excellente Bévue générale de Ferrand ( Gazette
des Hôpitaux, 1900). '
- L'hémiathétose est liée à une hémiplégie; ce n'est donc pas une affec-
tion primitive tout au moins en apparence comme l'athétose double,
c'est une affection secondaire à l'hémiplégie, elle ne s'observe pas indif-
féremment à la suite de toutes. les hémiplégies, elle est toute particulière
aux hémiplégies des enfants. Enfin, elle est plutôt associée à des hémi-
plégies légères dont les troubles sensitifs sont très accentués.
L'hémiathétose est donc consécutive comme l'hémiplégie à une lésion
cérébrale en foyer et cette lésion peut être une hémorragie, un l'amol-
lissement ou toute autre lésion d'hémiplégie infantile. Sous l'impulsion
des travaux de Charcot, de Raymond, d'Oulmont et de Grasset, on a
pensé que le siège de ces lésions était plutôt à la partie postérieure de
la capsule interne; cependant les travaux d'Hammand, de Gowcrs sem-
blaient plutôt rattacher l'athétose double à une lésion des noyaux gris
centraux, tandis que Kaliler et Pick la rattachaient seulement à une
lésion du faisceau pyramidal. - -
Aujourd'hui, la lésion de l'hémiathétose n'est pas plus précise qu'au-
trefois, tout au plus peut-on affirmer depuis les travaux de Pierre Marie
et Guillain qu'il n'existe pas de localisation dans la capsule interne.
L'hémiathétose est caractérisée par des mouvements que nous connais-
sons bien, puisque nous en avons donné les caractères à propos des mou-
vements athétosiques en général, puisque nous avons déjà dit les troubles
qu'ils provoquaient au niveau des membres supérieurs et des membres
inférieurs : c'est, au niveau des membres supérieurs les mouvements
qu'on a comparés à ceux du poulpe, au niveau des membres inférieurs ce
sont également des mouvements de flexion et d'extension. La face elle-
même n'est pas exempte des mouvements, mais cependant elle n'atteint
pas la mobilité des athétoses doubles.
Les caractères des mouvements sont les mêmes que ceux de toute
athétose, ils ne cessent pas complètement, ni pendant le repos, ni pen-
dant le sommeil, mais ils s'exagèrent par les émotions et par les efforts.
DIAGNOSTIC ET DESCRIPTION DES VARIÉTÉS D'ATHÉTOSE. 87.
La raideur musculaire que. nous avons trouvée dans l'athétose double,
existe également dans riiéniiatliétose, elle se manifeste alors comme un
spasme ou une contracture intermittente du poignet ou du cou-de-pied
et il existe également de la contracture du membre inférieur (1'Iotclmnc,
Thèse de Paris, 1900).
MM. Ballet et Pierre Kahn (Société de Neurologie, décembre 'l ! )()0)
ont observé un bemispastne il physionomie de contracture hémiplégique
s'acconipagnant de mouvements athétosiques analogues aux laits décrits
par Mlle Motehane et d'autres faits observés par MM. Landrieux et Scherb.
Enfin, à côté de ces caractères qui sont essentiels dans la maladie,
nous ne, devons pas oublier que le malade est un hémiplégique et il en
présentera tous les signes.
Les troubles moteurs, nous l'avons dit, sont plus accentués, il existe
l'exagération des réflexes. On a pu observer des phénomènes épilepti-
l'ormes, mais ils accompagnent surtout le début de la maladie.
Enfin, il l'inverse de ce que l'on rencontre quelquefois dans l'héllli-
1>1(ic, il y a de l'hypertrophie musculaire. Quelquefois enfin on peut
observer associés aux mouvements athétosiques des mouvements cho-
l'l.ifol'\)1('s du même côté.
Chez l'enfant, riiéniiatliétose présente des caractères spéciaux qui
justifient la distinction d'une forme infantile (Pierre Marie). Elle débute
quelquefois par des convulsions et les attaques éhilclltiforlllcs peuvent
persister, puis l'hémiplégie est installée et l'hl'Illiathétose apparaît ac(,oll1-
pagnée des troubles de développement de l'intelligence comme on l'ob-
serve quelquefois dans l'hémiplégie infantile.
Les mouvements athétosiques peuvent se présenter sous l'aspect de
l'athétose vraie avec des mouvements athetoïdes. Il existe dans l'athétose
vraie tous les caractères que nous avons déjà indiqués, niais lu les
spasmes sont peu marqués, le malade est il peine hémiplégique, il n'y a
pas d'exagération des réflexes ni de signe de Babinski.
Dans ce que l'on appelle les mouvements athetoïdes au contraire, c'est
l'hémiplégie qui domine la scène, le malade est contracture, les réflexes
sont, exagérés et les mouvements athetofdes sont superposés à l'llimui-
1 ¡]¡"gi l' , '
Enfin, dans certains cas, on trouve dans t'hemichoree la même asso-
ciation qui a été constatée par Brissaud pour l'athétose double et il' faut
alors donner il ces faits le nom qu'il a proposé : l'athétose-chorée.
L'évolution de l'héinialhélose est lente, elle peut survenir longtemps
après le début de l'hémiplégie, mais dès que la maladie est constituée,
elle ne s'atténue guère et elle ne régresse pas, l'avenir du malade est lié
aux règles générales du pronostic de l'hémiplégie.
[CROLZON.]
TICS
par le Dr ANDRÉ LÉRI
DÉFINITION
Des mouvements-anormaux très divers ont été désignés sous le nom de
tics : le mot « tic » en était arrivé à englober indistinctement la presque
totalité des mouvements convulsifs qui se répétaient pendant une durée
plus ou moins longue,- en dehors de l'action accidentelle d'une crise con-.
vulsive ou d'une maladie générale. De récents travaux ont cherché à mettre
un peu d'ordre dans la terminologie, à définir et à délimiter le tic : nous
citerons les travaux de Brissaud ('), de ses élèves Meige et I eindel (=), de
Noguès (3) d'une part, de Pitres et Cruchet (v) d'autre part. Nous nous
appuierons surtout sur les idées défendues par Brissaud et Meige et
admises par la plupart des neurologistes ; nous montrerons, chemin fai-
sant, que l'ancien désaccord de ces auteurs avec Pitres et Cruchet résidait
plus dans l'interprétation des mots que dans la constatation des faits.
Selon Brissaud, le tic est un mouvement convulsif, fréquemment répété
et fonctionnellement systématisé, conditionné par un état mental spécial :
c'est un trouble psycho-moteur, les défectuosités psychiques sont tout
aussi indispensables pour constituer le tic que les contractions muscu-
laires. Les différents termes de cette définition et les caractères acces-
soires du tic doivent être précisés : nous étudierons successivement les
caractères du mouvement qui constitue le tic et les particularités de l'état
mental du tiqueur.
- CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES TICS
I. Caractères des réactions motrices. - Le tic est un mot-
vement-convulsi-1, c'est-à-dire une contraction musculaire pervertie; elle
peut être pervertie par sa brusquerie ou par sa persistance; aussi, comme
1. BRISS,\VD. Tics et spasmes de la face. Leçons cliniques, 1895.
2. MEME et TcNn ? Les tics et leur traitement, 1902.
3. Noguès. Des tics en général. Rapport au Congrès des aliénistes et neuroloyisles.
Grenoble, 1902.
4. CRDcnET. Étude critique sur le tic convulsif. Thèse de Bordeaux, 1902. PrmES.
Congrès de Grenoble, 1902. Cruchet. Idem.
TICS. 877 î
les convulsions, les tics reconnaissent deux variétés : tics cloniques et
tics toniques. Les premiers, de beaucoup les plus fréquents, se caracté-
risent par une série de mouvements brusques, intermittents ; les seconds
par des altitudes forcées, permanentes, des membres ou du corps. Ces
derniers sont dits «tics d'attitude» (Meige); ils sont rarement purement
toniques, le plus souvent ils sont alternativement ou successivement toni-
ques et cloniques. Malgré ces transformations alternatives, cette seconde
variété, admise généralement depuis la description du torticolis mental
par Brissaud, n'entre pas dans le cadre des tics tels que les comprennent
Pitres et Cruchet.
Le tic est un mouvement fréquemment répété, habituel : c'est « une
habitude qui, par sa persistance, prend un caractère pathologique »
(Dupré), c'est une maladie de l'habitude. C'est à tort qu'on a décrit sépa-
rément des « tics d'habitude » : tous les tics sont des tics d'habitude. Ils
se répètent généralement par accès, de nombre et de durée variables
suivant les cas et suivant les moments. Dans chacun de ces accès la série
des contractions musculaires successives est essentiellement arythmique;
des « tics rythmiques » ne s'observent que chez certains hystériques et
idiots, ou bien ils forment un type clinique tout à fait spécial (« rythmies »
de Cruchet).
Le tic est un mouvement fonctionnellement systématisé : il ne porte
pas sur un ou plusieurs muscles au hasard ; il ne se manifeste pas non
plus par la contraction simultanée ou successive de muscles innervés par
le même nerf ou par les branches d'un même nerf ou de nerfs voisins,
ce qui en ferait un mouvement anafoiuiqueinent systématisé. 11 porte sur
un muscle ou généralement sur un groupe de muscles destiné il l'accom-
plissement d'un acte fonctionnel déterminé, tel un geste, une grimace,
un sourire ou un mouvement plus complexe. Les muscles bilatéraux
symétriques prennent souvent également part il l'accomplissement d'un
tic, particulièrement à la face; fréquemment aussi le tic est unilatéral,
ou bien il est bilatéral, mais plus prononcé d'un côté. Quand deux mus-
cles permettent d'exécuter le même geste, on peut les voir entrer en jeu
alternativement, même s'ils ont une innervation différente; en revanche,
quand les différentes parties d'un même muscle interviennent dans des
actes fonctionnels différents (deltoïde, trapèze), une seule de ces parties
peut se contracter dans le tic.
Le tic est la répétition habituelle et consécutive d'un acte fonctionnel,
acte primitivement destiné il son but normal : l'acte fonctionnel reproduit
se. retrouve au début de tous les tics. La fonction reproduite peut être fout
à fait normale, fonction automatique dès la naissance connue la respira-
lion, la succion, ou fonction plus ou moins développée par l'éducation,
connue la marche, la phonation, la natation ; elle peut être anormale,
occasionnellement créée par le malade, « parasite», tel l'acte ayant pour
fonction de faire entendre un craquement de l'épaule (Meige). Les actes
fonctionnels normaux dont la reproduction détermine les tics sont très
[A. LÉRI.]
878 CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES TICS.
fréquemment des gestes ou altitudes de défense : par exemple le cli-
gnotement est un geste de défense contre les corps étrangers de l'oeil que
l'on trouve à l'origine de tous les tics de clignotement. Les actes fonc-
tionnels initiaux peuvent être d'origine réflexe, ils peuvent être d'origine
purement corticale et déterminés par une idée, parfois une hallucina-
tion (Joffroy) (') ; mais l'acte ne devient jamais tic sans que la corticalilé
soit entrée en jeu.
Normal ou anormal, primitivement réflexe ou cortical, l'acte fonctionnel
du début ne devient tic que quand il est modifié dans sa brusquerie,
quand il est intempestif et excessif, quand il est inutilement exagéré à
la fois dans le temps et dans l'espace. '
L'acte fonctionnel a une cause et un but : le tic reproduit cet acte
fonctionnel hors de propos, sans cause et sans but; il le déforme de
façon il le rendre souvent difficilement reconnaissable, ce n'est plus que
la «caricature» de l'acte initial (Charcot).
Aussi les mouvements du tic ont pu passer pour « incoordonnés» H
(Gilles de la Tourelle) : en fait ils sont toujours coordonnés. Aussi c'est
à tort que Lclulle a réservé le nom de « tics coordonnés » des gestes
habituels d'une étendue plus grande et d'une durée plus longue que les
« tics convulsifs », sans caractère de brusquerie ; ces « tics coordonnés» »
se rapprochent des « tics » pris dans le sens vulgaire du mot, on les appelle
aujourd'hui gestes stéréotypés (stéréotypies).
Le tic est involontaire ; l'acte fonctionnel qu'il reproduit est pondant
très souvent volontaire, mais. comme tout mouvement fréquemment
répété, en même temps qu'il devenait habituel et exagéré, il est devenu
automatique. Il n'est pourtant pas soustrait à faction de la volonté,
pourvu que )'attention soit attirée sur lui ; et l'un des principaux carac-
tères du tic est que la volonté peut toujours le suspendre momentané-
ment ou l'atténuer : si la volonté était assez puissante, le tic se trouverait
définitivement jugulé ; mais ce qui domine précisément, comme nous le
dirons, dans l'état mental du liqueur, c'est l'insuffisance de la volonté.
Les tiqueurs atténuent souvent leurs mouvements par un certain nombre
de procédés, de stratagèmes antagonistes, de « trucs » dont chacun
est propre il son auteur : ces stratagèmes n'agissent jamais connue
moyens de contention réels, ils n'empêchent momentanément le mouve-
ment qu'en nécessitant l'attention du malade et en soutenant sa volonté :
ainsi par exemple la simple application du doigt sur la joue peut prévenir
pendant quelque temps l'apparition d'un tic du cou. Certains de ces
procédés, antagonistes au début, peuvent devenir, chez des prédisposés
comme le sont tous les liqueurs, des tics surajoutés.
Que la suspension du tic soit due ;1 la simple influence de la volonté
ou que la volonté soit secondée par un procédé apparent de contention,
cette suspension n'est jamais que momentanée ; a un moment donné le
1. Joffroy. Congrès de Grenoble, l'.)02.
TICS. 879 ;t
tic éclate, il est irrésistible : cette irrésistibilité est un caractère commun
aux tics et aux obsessions.
L'arrêt volontaire du tic ne va pas sans souffrance morale : cette souf-
france est le besoin qui accompagne toute contention d'une habitude
fonctionnelle ; ce besoin peut prendre, au bout d'une plus ou moins
longue attente, un caractère impérieux et angoissant. La satisfaction de
l'acte accompli suit la réapparition du tic, elle est d'autant plus grande
que le besoin, a été plus violent, elle est souvent tout aussi immodérée.
Aussi les accès sont souvent d'autant plus forts et plus prolongés que la
suspension a été plus longue. La répétition d'un acte, le besoin prémoni-
toire et la satisfaction consécutive sont les caractères d'une fonction ;
leur intensité excessive caractérise d'une façon générale les obsessions et
les impulsions ; leur existence également excessive dans le tic en fait une
véritable impulsion motrice, certains ont mérité d'être dits « tics
obsédants » . ,
Le tic présente encore un autre caractère commun avec l'obsession et
l'impulsion ; il est conscient, en ce sens que le tiqueur sait bien que son
tic existe, il sait généralement qu'il vase produire ou qu'il s'est produit;
niais il peut pourtant être inconscient , en ce sens que le tic peut se pro-
duire alors que le tiqueur pense à toute autre chose, que souvent aussi
celui-ci ne s'aperçoit ni de la menace du tic, ni même de son accomplis-
sement. Comme l'obsédé, comme l'impulsif, « avant comme après son
geste intempestif, le tiqueur est en mesure d'apprécier correctement son
étal, mais non pendant La conscience intervient ou disparaît à des
degrés ou ci des II/Olllents dil'e1'S» (Jleige).
Le tic disparaît pendant le sommeil : cette règle est absolue pour
Brissaud et Meige, elle pourrait présenter quelques exceptions pour
Cruchet (') : ce dernier a même décrit une variété spéciale de tic de.
balancement de la tête et du tronc chez les enfants n'existant que pen-
dant le sommeil.
Les tics peuvent apparaître il tout âge, excepté chez les très jeunes
enfants (jusqu'à 5 ans) ; dans la très grande majorité des cas ils débutent
dans l'enfance ou l'adolescence, de (i il 15 ans (tics «précoces»);
rarement ils se mollirent chez l'adulte ou le vieillard (tics «tardifs»),
ils viennent alors fréquemment se greffer sur des vésanies et présentent
quelques caractères spéciaux.
Le début du tic est généralement lent et insidieux; ces caractères
sont la conséquence même de la pathogénie ; le geste que le tic repro-
duit ne diffère pas au début des actes fonctionnels ordinaires; c'est par
sa répétition et par sa déformation progressive qu'il devient tic; la limite
est mal tranchée, entre le geste, normal et le tic, il y a « une période
1. Cruciif.t. Sur un cas de tic de la lèle, et. du U'onc n'existant que pendant le som-
meil. Soc. nuécl., Bordeaux, 1904. Tics et sommeil. Presse l/léd.,1 -lu0a. Sur
deux cas de lies eonvulsifs persistant dans le sommeil. Soc. de lIe1l/'ol., 19011. -
Ilyllnnies d'habitude du sommeil cticx l'enfant. Soc. méd" bordeaux, 1900.
[A. LÉRL]
}<80 CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES TICS.
d'hésitation et de tâtonnements ». Un tic récidivant peut au contraire
réapparaître très rapidement, même brusquement, après une plus ou
moins longue disparition : l'éducation du tic était faite par la première
atteinte, la période d'hésitation n'a plus de raison d'être. Les tics
apparaissent d'autant, moins lentement que l'état mental est plus
atteint, que le déséquilibre psychique porte plus rapidement le sujet a
imiter ses propres gestes et à les caricaturer. Les premiers tics sont
généralement les plus lents, les tics suivants apparaissent avec une faci-
lité de plus en plus grande quand le malade n'a été. soumis il aucune
manoeuvre thérapeutique destinée il éduquer sa volonté : ils apparaissent,
pour ainsi dire, par laisser-aller.
Dans son évolution spontanée, le tic est essentiellement capricieux et
envahissant. l.e tic est capricieux, car il est variable d'un moment à
l'autre, d'un jour à l'autre; il présente des rémissions, il parait ou dispa-
rait, il s'exagère ou s'atténue, soit en raison de certaines causes extérieures
ou intérieures, soit sans aucune cause appréciable. Le. plus souvent un
tic diminue de fréquence ou d'intensité par le repos, l'isolement, l'obscu-
rité, la distraction, il augmente par la fatigue, les excès, les préoccupa-
tions; mais les mêmes conditions produisent parfois chez certains sujets
un effet absolument différent. Les indispositions légères aggravent géné-
ralement les contractions; les maladies graves, et surtout fébriles, les
calment : ils reparaissent généralement il la convalescence, souvent pins
forts; les tics obéissent au vieil adage : Febris accédais spismos solât,
febris recédais spaslllos reducit.
Un tic donné se manifeste par la contraction toujours répétée des
mêmes muscles ou de muscles voisins produisant un geste il peu près
identique. Pourtant le tic est d'ordinaire envahissant, et cela de deux
façons. D'une pari, les muscles voisins y participent de plus en plus, parce
que .le mouvement se complique, l'acte fonctionnel initial se déformant
de plus en plus par exagération : il n'y a pas un tic nouveau, mais un tic
plus complexe. D'autre part, de nouveaux tics apparaissent, parce que
l'état mental du sujet le prédispose aux tics, la répétition et a la
déformation non seulement d'un seul geste, mais des gestes les plus
variés. Les tics nouveaux apparaissent souvent, mais non nécessaire-
ment, dans les portions du corps qui avoisinent les premières régions
affectées. En tout cas, les muscles nouvellement atteints ne le sont
pas en suivant la distribution d'un nerf quelconque : ce sont des grou-
pements musculaires fonctionnels, physiologiques, qui sont mis en
contraction anormale, non des groupes anatomiques, Les tics multiples
peuvent coexister ou alterner; l'apparition d'un nouveau tic coïncide
souvent avec la disparition d'un autre, mais presque toujours la mul-
tiplication des variétés, même alternantes, même rémittentes, dénoie
une progression et non une régression. Un somme, on peut dire, d'une
façon générale, que l'envahissement du tic se fait plus ou moins sui-
vant les mêmes modes que celui de l'érysipèle, toutes réserves faites
TICS. 881 1
sur la légitimité d'une comparaison entre une maladie il progression ana-
tomiclue et une affection à progression physiologique : le tic envahissant
peut être en tache d'huile, serpigineux, ambulant, erratique, migrateur.
Le degré d'envahissement le plus accentué est représenté par la
maladie des tics (Gilles de la Tourette). Cette affection débute dans l'en-
fance comme un simple tic de la face; progressivement toutes les variétés
des tics peuvent se combiner, se succéder ou s'associer; les gesticulations
continuelles et violentes qu'ils déterminent paraissent avoir perdu toute
systématisation : on y retrouve pourtant les principaux caractères des
tics, ce qui permet d'en faire le diagnostic. La maladie ne va pas sans
une atteinte profonde de l'état mental, et aux mouvements désordonnés
se joignent des tares psychiques nombreuses (obsessions, impulsions,
délires) pouvant aboutir à la démence.
Les tics sont pourtant guérissables, soit spontanément, soit à la suite
d'un traitement approprié. La guérison spontanée est rare, la guérison
thérapeutique est d'autant plus fréquente que le tic est plus simple et
plus récent et que l'état mental est moins altéré ou plus susceptible de
perfectionnement. Aussi les tics précoces, ceux des enfants surtout, sont
bien plus souvent curables que ceux des adultes; les tics tardifs sont
très tenaces. Parmi les tics tardifs, ceux des vieillards sont les plus
fâcheux, car ils dénotent généralement le début de la déchéance mentale
sénile; ceux des vésaniques sont les avant-coureurs de la démence (Du-
four). La maladie des tics est presque toujours incurable.
Le tic étant particulièrement récidivant, il faudra toujours se méfier
qu'une guérison ne soit que momentanée; une cure prolongée et une
bonne éducation psychique sont le meilleur préservatif d'une récidive.
II. L'état mental du tiqueur. A) Ses caractères. - L'état
mental du tiqueur est celui des dégénérés, pris dans le sens où l'entend
Magnan : la dégénérescence, folie des héréditaires, consiste dans « la
désharmonie et le défaut d'équilibre, non seulement entre les facultés
mentales, les opérations intellectuelles proprement dites d'une part, les
sentiments et les penchants d'autre part, mais encore dans la désharmonie
des facultés entre elles, le défaut d'équilibre du moral et du caractère ».
L'arrêt du développement mental qui constitue la dégénérescence peut
être global, porter sur l'ensemble des facultés, comme chez les idiots.
Ce n'est pas le cas pour les tiqueurs simples : chez ceux-ci le trouble du
développement n'est que partiel, leur évolution intellectuelle est par bien
des points complète, souvent même au-dessus de la normale, ils ont fré-
quemment l'esprit vif, alerte, l'imagination ingénieuse et séduisante, la
mémoire excellente, une élocution aisée et pleine d'à-propos, une grande
facilité d'assimilation : ce sont des dégénérés supérieurs , des déséqui-
librés simples (Ballet).
Le déséquilibre est, en effet, ce qui domine, tant dans leurs facultés
intellectuelles et leurs sentiments que, dans leurs sensations mêmes et
dans leurs réactions motrices, vaso-motrices, secrétoires et viscérales.
P11.1TIQUE neuikii.. 56
(.A. LÉRI.]
882 CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES TICS.
Chez les tiqueurs, l'atteinte proportionnelle des différentes facultés n'est
cependant pas quelconque, on peut dire qu'elle est jusqu'à un certain
point élective, car la déficience de certaines facultés est particulièrement
importante dans la genèse des tics.
C'est ainsi que, parmi les facultés intellectuelles, l'intelligence propre-
ment dite peut être ou non altérée, le jugement, le raisonnement, le
pouvoir de compréhension et d'assimilation étant ou non déformés; la
mémoire, l'imagination sont très souvent intactes. Mais ce qui est toujours
défectueux, c'est la volonté et l'attention : « le liqueur est essentiellement
léger, versatile, instable. Il ne sait pas vouloir; il veut trop ou trop peu,
trop vite ou pour trop peu de temps L'attention est toujours fugace.
« papillonnante », éphémère, indice d'un perpétuel état d'instabilité
mentale (.\'Ieige).'
L'insuffisance de la volonté se manifeste par la tendance qu'ont sou-
vent les tiqueurs il se laisser dominer par n'importe qui, à se laisser
influencer par n'importe quelle circonstance extérieure, il manquer de
pondération dans tous leurs actes connue dans la manifestation de leurs
sentiments : « ils parlent, ils marchent, ils mangent trop vite et sans
mesure;... ils ont des impatiences, des colères d'enfants » (Meige).
Cette insuffisance de la volonté se manifeste plus encore par la tendance
qu'ont beaucoup d'entre eux à imiter les gestes qu'ils voient exécuter;
on sait combien souvent, particulièrement chez les enfants, les tics ont
pour origine l'imitation d'un geste; chez certains même le besoin d'imiter
peut prendre un caractère obsédant. Chez beaucoup de tiqueurs dont
l'état mental est plus altéré, surtout au début des vésanies, la suggcslibl-
lité est plus grande encore, ils imitent invoioutairement et inconsciem-
ment les gestes qu'ils voient exécuter (echomimie)ou les paroles qu'ils
entendent (écholalie), ils répètent les mouvements qu'on imprime à leurs
propres membres (ecbokinesie).
L'imperfection de la volonté, non plus par insuffisance, mais par excès
au moins apparent, en tout cas inopportun, se manifeste chez beaucoup
de liqueurs par un besoin de contradiction, de résistance, de désobéis-
sance, par une tendance au contraire, au contraste (IVralt't.-I.bin ? Pitres
et Régis), qui chez certains va jusqu'au véritable négativisme, plus ou
moins involontaire et inconscient, des vésanies. Non seulement les mala-
des « sont très souvent poussés à faire juste le contraire de ce qu'on leur
dit, mais encore le contraire de ce à quoi ils pensent et de ce qu'ils vou-
draient faire H (Nogucs) ; c'est un des caractères que les liqueurs parta-
gent souvent, jusqu'à un certain point, avec les obsédés. On observe
fréquemment en même temps, chez les tiqueurs, une, tendance à prolon-
ger inutilement les contractions musculaires et à conserver les positions
qu'on donne il leurs membres; ce calatonisme a peut-être sa cause
autant dans l'insuffisance de la volonté à modifier une attitude que dans
la tendance à maintenir à l'excès une contraction musculaire. Si les atti-
tudes catatoniques vraies s'observent en somme assez rarement chez les
TICS. 885
liqueurs, en dehors des vésaniques et notamment des déments précoces,
l'aptitude cala tonique peut être constatée plus aisément par le « phéno-
mène de la chute des bras » (Meige) ('). Les tendances plus ou moins
accusées, en apparence opposées entre elles, à la suggestibilité et il l'écho-
praxie, au négativisme et au catatonisme, ne sont nullement exclusives
l'une de l'autre, le plus souvent elles s'observent alternativement chez le
malade liqueur comme chez le dément précoce.
Si chez le déséquilibré tiqueur c'est spécialement la volonté qui, parmi
les facultés intellectuelles, se trouve constamment altérée, c'est que l'im-
perfection de la volonté est précisément l'une des causes prédisposantes
les plus essentielles du tic : c'est parce que le contrôle cortical de la
volonté est insuffisant que le malade, après avoir exécuté volontairement
un acte fonctionnel pour une cause réelle et en vue d'un but déterminé,
répète cet acte sans cause et sans but, en fait un acte automatique, intem-
pestif et inutile, excessif par sa brusquerie et son intensité, en un mot
un tic.
Parmi les facultés affectives, l'émotivité est toujours déséquilibrée;
« les tiqueurs sont des émotifs,... le moindre changement dans leurs
habitudes les déconcerte,... ils sont timides à l'excès, perdent toute
contenance dès qu'ils se sentent observés » (Meige et Feindel), leurs
manifestations émotives sont excessives et fugaces. Et cette altération
constante de l'émotivité s'explique encore, car, dans le tic comme dans
l'obsession, le besoin prémonitoire souvent angoissant, l'irrésistibilité de
l'acte et la satisfaction consécutive témoignent d'un trouble intense de
l'émotivité ; l'émotivité joue peut-être, plus encore que la volonté, un
rôle important dans la genèse des tics (Noguès), de même que l'obsession
est plus une maladie de l'émotivité que de la volonté (Pitres et Régis) (2).
L'affectivité proprement dite des tiqueurs est souvent modifiée, capri-
cicuse. ils ont des passions vives, brèves, étranges.
Les facultés morales sont ou non intactes ; le sens moral peut être par-
lois atrophié ou perverti (").
1. Le. phénomène de la chute des bras est le suivant : le malade a les bras étendus
en croix, supportés dans le relâchement complet par les mains de l'observateur ; celui-
ci retire brusquement ses mains : à l'état normal, les bras tombent immédiatement,'
par un mouvement uniformément accéléré, jusque sur les cuisses où ils rebondissent et
, oscillent; chez ceux qui présentent une tendance aux attitudes catatoniques, la chute
ne se fait qu'après un temps d'hésitation, elle est ralentie par persistance de la contrac-
tion des élévateurs ou brusquée par participation des abaisseurs, les mains n'arrivent
pas jusqu'aux cuisses ou y restent appliquées sans osciller. (Meige, Congrès des alié-
nistes. Bruxelles, 1q(l.)
2. et Itccrs. Les obsessions et. les impulsions. Paris. 1902.
3. Nous devons ajouter, avec que les images mentales en général, et les
représentations motrices en particulier, ont chez ces sujets a une intensité et un
éclat réellement morbides ». La représentation mentale participe au déséquilibre des
facultés et contribue pour une part notable au trouble pathologique. « L'image d'un
mouvement se présente il la conscience du sujet avec, une intensité et un éclat qui
tendent il provoquer sa réalisation; le malade résiste tout d'abord;... mais il n'a pas
[A. LÉRI.
1181 f, : 11t : 1C'l'ÈItI;S &Ë\KHAU\ DES TICS.
Meige et Feindel ont appelé l'attention sur la ressemblance et l'état
mental des tiqueurs avec celui des enfants : légers, versatiles, insou-
ciants, impatients, coléreux, émotifs, impondérés comme des enfants,
l'arrêt partiel de leur développement psychique pourrait être qualifié
d' « infantilisme mental ».
Le déséquilibre des facultés mentales peut aboutir il de véritables
syndromes psychiques bien caractérisés; les idées fixes, les obsessions,
les impulsions, les phobies ne sont pas rares chez les tiqueurs; elles
dépendent essentiellement, comme les tics, de l'insuffisance du contrôle
cortical exercé par la volonté et du trouble de l'émotivité (').
Nous avons insisté, dans l'analyse tant des réactions motrices que de
l'état mental du liqueur, sur les nombreuses analogies des tics avec les
obsessions et les impulsions : l'association de ces différents syndromes
est très fréquente. Ils peuvent être indépendants l'un de l'autre, nés seu-
lement l'un et l'autre sur le même fond de dégénérescence mentale ; ils
peuvent aussi naître l'un de l'autre; c'est ainsi que le tic peut n'être
qu'un moyen de défense contre une obsession quelconque ou une réaction
contre l'obsession phobique du tic, contre la peur même de tiquer;
inversement le tic peut se compliquer d'une obsession, devenir un tic
obsédant (Noguès).
Les phobies sont fréquentes chez les liqueurs et particulièrement la
nosophobie, avec ses conséquences, hypocondrie et mélancolie. Les
« manies » diverses ne sont pas rares, aritlunomanie. ODûlat0111-
]lie, etc ^r^
B) Ses conséquences sur l'état physique. Le déséquilibre des IÏI(.(11-
tés cérébrales ne va pas le plus souvent sans un déséquilibre de toutes
les fonctions.
Le déséquilibre sensitif apparaît dans la disproportion fréquente entre
les excitations douloureuses et les manifestations de douleur que les
malades accusent : «une vive souffrance peut les laisser indifférents; une,
minime douleur, une simple gène les exaspèrent » : le geste qui doit se
plutôt refréné son mouvement ou triomphé du sa représentation mentale qu'une nou-
velle image se présente il la conscience, provoquant une véritable émotion et une
certaine angoisse : cette représentation motrice revient a la conscience toujours plus
intense jusqu'à ce que le mouvement soit exécuté. )) ( car.vs. Etat moteur des aliènes.
Revue de psychiatrie, l ! )0 ? ) On comprend combien particulièrement importante est
celte représentation excessive des images motrices riiez des sujets qui présentent le
déséquilibre de la volonté, de l'attention et d( )'( : moli"ité qllc nous a\'On5 si¡.rnall : :
« les deux coefficients représentatif et émotif jouent un rôle, important dans la genèse
des tics M. (VASCIIIIJE et Vuiipas. L'image mentale, morbide. Revue de médecine, 1 ! 1112.)
1. De. plus, dans ces mêmes cas, on observe une intensité anormale des images
motrices semblable il celle des tiqueurs. « On peut considérer les divers stigmates
psychiques ou syndromes de la dégénérescence, les tics, les impulsions et les obses-
sions, la folie, du doute, le délire du loucher, les inversions génitales, etc., comme
relevant d'un même substratum psychologique, l'intensité particulière des images meu-
tales. M (URI ? s. Loc. cil.)
TICS.
transformer en tic n'a souvent été au début qu'un mouvrton.r 4d*eÏense
contre une sensation insignifiante.
On constate assez souvent chez les tiqueurs un certain degré d'inhabi-
leté, de maladresse à exécuter des mouvements commandés ou spontanés,
même avec les membres qui ne prennent aucune part au tic; les mouve-
ments sont il la fois trop violents et mal dirigés; une analyse plus atten-
tive montre qu'un trouble de la notion de position des membres, Au sens
des attitudes segmentaires (P. Bonnier), est la cause de celle véritable
incoordination.
Le déséquilibre moteur apparaît non seulement dans tous les carac-
tères du tic, dans son inutilité, sa brusquerie, son intensité excessive, sa
disproportion avec le geste initial et avec sa cause, mais encore dans tous
les troubles moteurs que nous avons décrits comme conséquences de l'étal
mental des tiqueurs : exagération et brusquerie de tous les actes moteurs,
(\chopraxie, catatonisrne, impulsions et obsessions impulsives.
Le déséquilibre vaso-moteur se manifeste surtout par les poussées
intempestives de rougeur ; elles peuvent être dues à l'excès de l'émotivité,
souvent aussi à la peur de rougir, à l'éreutophoble (Régis) : dans un
cas comme dans l'autre, des gestes destinés à dissimuler la rougeur peu-
vent être le point de départ de tics.
Le déséquilibre sécrétoire donne parfois naissance il des véritables
crises sudorales, origine parfois de tics d'essuyage ou de frottement.
Le déséquilibre viscéral donne lieu à des troubles très divers : dyspep-
sie, constipation, crises diarrbéiques favorisées par l'habitude de mal
manger, trop et trop vite; pollakiurie et polyurie (Brissaud), véritables
tics de miction, etc....
C) Son importance; les conceptions pathogéniques. -- La dl"g("n('res-
cence moniale est considérée par Brissaud et Meige comme aussi indis-
pensable il la définition du tic que le trouble moteur lui-même ; le mou-
vement cOl1Yulsil' ne peut être un tic que s'il est conditionné par l'étal
mental spécial, dégénéré, déséquilibré, « infantile » des liqueurs. Il en
est ainsi du moins pour les tics précoces, de beaucoup les plus fré-
quents : les tics tardifs, ceux des adultes et des vieillards, sur-
viennent dans les vésanies, au début des démences, ils sont
conditionnés non par l'arrêt, mais par la régression dans le déve-
loppement mental. Noguès catégorise les tics en trois types : tics
psychiques ou obsessions tIC111el1SCS, psycho-moteurs et moteurs, suivant
que l'acte moteur suit plus ou moins immédiatement et fatalement, avec
ou sans aclion inhibitrice intermédiaire, la stimulation corticale : il
1-ecoiiiiiii d'ailleurs que tous les tics sont jusqu'à un certain point psy-
cho-moteurs. Grasset (') exprime une Idéea peu près analogue enadnietlant
des lies psychiques proprement dits ou mentaux, tics du psychisme
supérieur, et des tics polygonaux ou du psychisme inférieur, suivant,
t. lnrtAseT. Congrès de Grenoble, 1902.
[A. LÉRI ]
886 VARIÉTÉS CLINIQUES.
qu'ils sont ou paraissent plus ou moins volontaires, libres et responsables,
ou au contraire automatiques et subconscients ; il pourrait même exister
des tics bulho-méclullaires n'ayant aucun caractère de psychisme; ceux-ci
ne diffèrent guère des spasmes. Pour Joifroy (') les tics, et particulière-
ment la maladie des tics, rentrent dans un groupe naturel étendu de mala-
dies ou les (roubles musculaires (moteurs ou trophiques) et les troubles
mentaux qui les accompagnent ne sont que des manifestations diverses de
la dégénérescence, groupe que l'on peut dénommer maladies nlusculo-
psychiques d'origine conceptionnellc ou héréditaire ou plus simplement
myopsychies.
Pour si capitale que soit la dégénérescence mentale dans la définition
du tic, elle n'est pas tout, le phénomène moteur est indispensable, et
c'est par un abus de langage que certains auteurs, avec G. Cuinon, on !
admis une « maladie des tics sans tics », un tic purement mental « qui
ne se traduit extérieurement par aucun signe », un 'il' d'idée^).
A l'opposé des auteurs précédents, Pitres et Crnchet pensent que. si
un état mental prédisposant est nécessaire dans la production de tous
les « tics fonctionnels », il existe toute une catégorie de tics qui sont
conditionnés par une lésion organique, soit directe (tics spasniodiques),
soit indirecte (tics spasmodiques réflexes), et qu'on doit appeler « tics
matériels » : ils répondent à ce que Brissaud a séparé des tics sous le
nom de spasmes. Babinski (3), ayant constaté l'existence de certains
signes d'irritation du système pyramidal, extension des orleils, exagéra-
tion unilatérale du réflexe triripital. dans différents cas de tics Ioniques
du cou, de torticolis mentaux, croit que, dans certains cas au moins, les
tics ne sont pas d'origine mentale, niais d'origine organique. Pierre !
attire l'attention sur les lésions organiques qui peuvent être déterminées
dans le cerveau soit du foetus' pal' des toxines (Charrin et Léri), soit de
l'enfant par des traumatismes légers, lésions qui peuvent laisser des
cicatrices et rester normalement silencieuses jusqu'à ce qu'un étal toxi-
que les fasse entrer enjeu; les tics pourraient être déterminés par des
lésions de ce genre, dont les manifestations seraient éveillées par une
intoxication quelconque, par la diminution de la conscience, du « senti-
ment des convenances », sous l'influence d'une altération accidentelle des
neurones.
VARIÉTÉS CLINIQUES
Les variétés cliniques des tics s'étendent il l'infini et sont très souvent
associées entre elles : nous signalerons rapidement les formes les plus
fréquentes, en suivant la description de Meige.
1. ,loFFHor. Les myopsychics. Revue 1 ! eul'o ? 1902.
2. G. Guixon. Tic in Dicl. J)eI'fUlmb¡'e.
5. Ijabixski. Sur un cas d'hémispasme (Contrih. il l'élude de la palhogénie du torti-
colis spasmodique). Soc. de nerrol.. 1" février 1900. Sur le spasme du cuu. Idem.,
4 juillet 190].
TICS. 887 ï
Tics de la face. Les tics de la face sont de beaucoup les plus
ordinaires, c'est la conséquence de la multiplicité et de l'extrême diver-
sité des actes fonctionnels auxquels la face prend part : nictitation, masti-
cation, succion, respiration, phonation, expressions mimiques, etc.
Les tics des paupières sont les plus fréquents de tous : tic de nictita-
tion ou tic de clignotement (suivant l'occlusion plus ou moins complète
de l'oeil), cloniques; tic de clignement, tonique; tic d'écarquille-
ment, clonique ou tonique. Ces tics sont généralement bilatéraux. Leur
point de départ est le plus souvent un mouvement réflexe ou de défense
provoqué par la présence d'un corps étranger, parfois par une lumière
trop vive : ce sont des perturbations des fonctions de nictitation ou
d'occlusion ou de la fonction mimique.
Les tics des globes oculaires sont souvent associés aux précédents ;
les mouvements convulsifs des globes peuvent se produire sous les pau-
pières baissées ou quand les paupières sont ouvertes ; certains tics sont
réguliers, nystagmiformcs ; certains strabismes des enfants sont des tics
toniques. La cause des lies des globes oculaires est la même que celle
des tics palpébraux. La micropsie, la mégalopsie, l'hippus ou nvstag-
mus irien sont parfois assimilables à des tics des muscles intrinsèques
de l'oeil.
Les tics des lèvres sont les plus fréquents après ceux des yeux : tics
de moue, de pincement, de succion, tic de sifflement, tics grimaçants,
de rictus, etc. ; ils sont généralement cloniques, parfois toniques. Leur
cause est souvent un mouvement réflexe ou volontaire dû à une irritation
locale (gerçure, fissure des lèvres, troubles de la dentition, chute d'une
dent, etc.); d'autres tics sont des anomalies de la succion, de la masti-
cation, de la préhension des aliments, de l'articulation des sons, de la
mimique (dégoût, dépit, colère, etc.).
Tics du ne ? tic de reniflement du à une irritation de la muqueuse
nasale, tics de froncement, de battement des narines, généralement liés
des tics de la respiration, tics mimiques.
Tics du menton (génio-tics, Meige) : élévation de la lèvre inférieure,
plissement du menton, tics mimiques (pleurer, etc.).
Tics du front : froncement, rides cloniques ou toniques (muscles
frontaux, sourciliers, peauciers du crâne); tics mimiques (effroi, sur-
prise, colère) ou par irritation locale (cheveux trop longs, coiffure trop
serrée).
Tics de l'oreille : tics du pavillon; bourdonnements, bruits insolites
associés a des tics de la face et sans doute assimilables il des tics de
1 oreille interne (muscle de l'étrier), parfois à des tics du voile du palais
(muscles périslaphylins).
Tics de la langue, rarement isolés : tic de projection en avant ou sur
les côtés, pendant la parole ou le silence, (le de léchage, tic du chiqueur
(la langue fait bomber la joue) : ce sont des tics par irritation locale,
dentaire par exemple, ou par altération des fonctions de succion, de
[A. LÉRi.]
888 VARIÉTÉS CLINIQUES.
mastication, de déglutition, de phonation, de respiration. La langue par-
ticipe aux tics phonatoires et respiratoires de sifflement, de claquement,
de croassement, etc.
Tics de la mâchoire : tics d'abaissement, de propulsion, de diduction,
généralement dus à une irritation locale, labiale, dentaire ou gingivale,
de même ordre que les habitudes vicieuses de mordillage et de mâchon-
nement. Trismus mental, décrit par Raymond et P. Jane) : impossi-
bilité de desserrer les dénis pour parler avec possibilité d'ouvrir large-
ment la bouche pour exécuter certains mouvements, tirer la langue,
montrer la gorge, ou simplement pour chanter (Meige). Ce trismus
mental s'observe chez certains aliénés ; il représente un acte de défense
en relation avec une idée délirante, on l'observe aussi dans l'hystérie; il
est parfois tel qu'on est obligé d'alimenter les malades par une sonde
nasale ; il est souvent corrigé par les malades eux-mêmes il l'aide d'un
procédé personnel quelconque, un bouchon entre les dents, un doigt sur
les incisives, etc. ;
Tics du cou. Tic de hochement, généralement provoqué par le
redressement d'une coiffure instable, le chatouillement par une mèche
de cheveux, la gêne par un col trop étroit. Tics d'affirmation et de néga-
tion, tics mimiques. Tic de salutation.
Tic du peaucier du cou, rarement isolé (Oppenheim), tic mimique.
Torticolis-tic, torticolis mental (Brissaud) : rotation de la tète simple
ou avec flexion ou extension, parfois extension seule (rétrocolis), excep-
tionnellement flexion seule (procolis, Duchenne de Boulogne). C'est un
tic presque toujours du sterno-cléido-niastoïdien, d'ordinaire aussi d'au-
tres muscles très différemment associés, du même côté ou du côté opposé
(trapèze, scalènes, splenius, complexus, obliques, angulaire) ; associa-
tion très fréquente à des mouvements convulsifs de l'épaule, parfois du
bras, du tronc, plus rarement de la face et de la langue. Le tic est clo-
nique ou Ionique, soit que les mouvements cloniques et Ioniques alter-
nent dans un même accès ou dans des accès successifs, soit qu'au cours
de contractions toniques des mouvements cloniques exagèrent la dévia-
tion. On peut observer tous les degrés dans la forme, dans l'intensité,
dans la persistance de l'attitude vicieuse. Mêmes causes calmantes (repos,
tranquillité) ou excitantes (fatigue, préoccupations, émotions) que pour
tous les tics ; exagération par la lecture et l'écriture ; disparition pendant
le sommeil. Inhibition momentanée par la volonté, la distraction, mais
irrésis61Lilil.é, avec besoin, souffrance morale souvent angoissante, (lestes
antagonistes efficaces très variés, toujours les mêmes pour chaque sujet
ou parfois variant à des époques différentes, nullement en rapport avec
la force déployée, parfois paradoxaux : application d'un doigt sur le
menton ou sur la joue, paume de la main sur le front, etc. ; parfois pro-
cédés correcteurs étranges (un bâton entre les dents, un parapluie sur
l'épaule, un lorgnon sans verre, surtout un col carcan, etc.). Début insi-
dieux, évolution envahissante, capricieuse, changeant parfois de muscles
TICS ? - " . 889
ou môme de côté. Le point de départ se retrouve généralement dans un
mouvement de défense contre une irritation locale (abcès, anthrax, etc.),
dans une position choisie ou un geste accompli pour atténuer une dou-
leur (Souques, Séglas), pour dissimuler sa figure (Raymond et Janet),
pour, regarder de côté par une fenêtre (Sgobbo), pour rechercher un
craquement du cou (Brissaud et Meige), pour jeter un fardeau sur
l'épaule (tic du colporteur, Grasset), pour prendre des lettres dans un
casier (tic du typographe, Baylac), pour corriger certains troubles de la
vision, de l'accommodation ou de l'ouïe, etc. Selon Babinski, il n'est pas
démontré que le torticolis dénomme mental par Brissaud soit réellement
d'origine psychique. Il a relaté plusieurs cas de spasme du cou ayant un
aspect clinique identique à celui du torticolis mental et dépendant vrai-
semblablement d'une affection organique du système nerveux central dont
[A. LJBAT
Fig, '13, 14, 15 et 16. Deux types de torticolis mental avec les a gestes antagonistes n
qui les arrêtent (figures de Brissaud et Meige).
sun 1' : \ItIÎ : 1'(;S CLI\IQUIS.
plusieurs signes objectifs, en particulier le phénomène des orteils, prou-
vaient la réalité (').
Tics des membres supérieurs. Tics de l'épaule : tics de
haussement, de propulsion ou de rétropulsion : généralement cloniques,
parfois toniques, déterminant une attitude plus ou moins persistante.
Le mouvement fonctionnel initial a été d'ordinaire déterminé par la
gène d'un vêtement, d'une bretelle, par une douleur articulaire, la
recherche d'un craquement, etc.
Tics des bras et avant-bras ; tics d'écartement. ou de rapprochement,
tics de frappement (le sujet se donne un coup de poing) ; déterminés au
début par quelque sensation anormale, démangeaison, etc.
Tics des mains et des doigts : les vrais tics convulsifs sont rares, les
mouvements stéréotypés sont fréquents (grattage, irichoplastie, etc.).
Tics du tronc. Tics de tressautement, tics de salutation ou de
balancement, parfois rythmiques chez les idiots et les hystériques ; cer-
tains tics de balancement des enfants, dus à l'habitude prise de les bercer
pour les endormir, persisteraient ou se produiraient pendant le sommeil
(Cruchet). Certains tics du tronc, toniques, seraient l'origine de certaines
cyphoses ou scolioses.
Tics des membres inférieurs. Les plus fréquents sont les
lies de la marche, caractérisés par des mouvements très divers qui
interrompent brusquement la marche : coup de pied donné par un pied
sur la cheville opposée, lancement du pied en avant, en arrière ou sur
un côté, frappement du sol, arrêt brusque, génuflexion, saut sur un
pied ou sur les deux, changement de pas, pas de polka, pas de course.
Certaines chorées dansantes ou saltatoires doivent être rapprochées de
ces tics (Meige). Comme nous l'avons dit, la marche est généralement
irrégulière et accélérée chez les tiqueurs, sans qu'il y ait de tic propre-
ment dit de la marche.
Tics de la déglutition. Tics dysphagiques, efforts répétés de
déglutition, contractions brusques ou prolongées des muscles du pha-
rynx et du voile, hoquets, nausées convulsives.
Tics «aérophagiques» des hystériques et vésaniques : pénétration d'air
dans l'estomac et expulsion de cet air par « éructations en salves ».
Tics de la respiration. - Tics nasaux d'inspiration, d'expiration,
d'arrêt respiratoire ; tics de reniflement, de ronflement, de soufflement :
1. Dans un travail récent fort important, d'une richesse documentaire considé-
rable, Cruchet (Traité des torticolis spasmodiques. Paris, H107) s'est efforce de disso-
cier un certain nombre de formes de torticolis spasmodiques, d'après leur cause et
d'après leur aspect clinique. Il distingue : des torticolis névralgiques et des torticolis
professionnels; des torticolis paralytiques et des torticolis spasmodiques francs, ceux-ci
soit symptomatiques (maladies contagieuses et toxiques, syphilis, épilepsie, affections
centrales; une classe à part est formée par le torticolis mental, dont le torticolis d'habi-
tude est un premier degré), soit essentiels (c'est-à-dire sans cause connue) ; des torti-
colis rythmiques, également essentiels ou symptomatiques (affections centrales, épilepsie,
toxi-infections, troubles réflexes, hystérie) ; des tics du cou.
TICS. 891 l
généralement dus primitivement à une irritation nasale, coryza, végéta-
tions adénoïdes, etc.
Tics laryngés de toux, de hem ! , de sputation : cause initiale dans une
irritation pharyngée ou laryngo-trachéale, dans des crises asthmatiques.
Tics de la phonation. Tics de cris simples ou imitatifs (sons
inarticulés, aboiement, grognement), gloussement, tics verbaux (syllabes,
mots, phrases ou bribes de phrases) parmi lesquels les tics coprolaliques
(mots orduriers) et écholaliques ou auto-écholaliques (répétition de sons
ou mots prononcés devant le malade ou par le malade lui-même). Il n'y a
de tic véritable que quand les sons inarticulés ou articulés sont émis de
façon convulsive, brusquement et inopportunément; on peut générale-
ment retrouver au début la signification logique de ces émissions
bruyantes ou verbales.
r DIAGNOSTIC
Le spasme (tic matériel de Pitres et Cruchet) diffère du tic autant par
ses signes objectifs que par sa pathogénie. Pathogéniquement, il est du
à une irritation matérielle portant sur le nerf moteur dont dépendent les
muscles enjeu ou sur un des points d'un arc réflexe aboutissant à ce nerf
et à ces muscles. Cliniquement, le mouvement convulsif est plus brus-
que, comme produit par une décharge électrique ; il n'est nullement
coordonné, n'a aucune systématisation fonctionnelle, mais met en jeu
les muscles d'un territoire nerveux ({nato1//iquement déterminé; il est
immédiatement irrésistible, sans influence inhibitrice momentanée de
la volonté, sans besoin prémonitoire ni satisfaction consécutive; il ne se
suspend pas toujours pendant le sommeil; il est parfois douloureux,
parfois accompagné de troubles des réflexes, de la sensibilité, de la trophi-
cité, des réactions électriques ; il peut ou non survenir chez des dégé-
nérés, des déséquilibrés mentaux; il est particulièrement rebelle à toute
espèce de traitement, et en tout cas il la rééducation de la volonté, il est
parfois justiciable, de la chirurgie.
Le spasme de la face a une physionomie spéciale qu'il importe de dis-
tinguer des tics de la face. Il débute par des contractions fasciculaires
ou parcellaires, brusques et répétées, de certains muscles de la face; ces
contractions envahissent les muscles voisins, faisceaux par faisceaux, el
croissent en fréquence et en intensité jusqu'à déterminer une tétanisa-
tion de tous les muscles d'un coté innervés par le nerf facial : la face est
ridée, l'oeil demi-clos, les commissures labiales tirées en haut et en
dehors; il y a parfois des troubles de l'audition (Lannois) (^une poussée
de rougeur unilatérale. La contracture est « frémissante » par suite de la
persistance de contractions fibrillaires. L'accès se termine par une détente
progressive. Ces caractères ont été fort exactement décrits par Meige (3).
1. Lannois et Pohot. Les hémispasl11cs de la face. Soc. médit'. des luop. de Grlon,
1904.
2. Meige, Congrès des aliénistes el neural. Bruxelles, 1905.
[A. LÉRI.]
S92 ` DIAGNOSTIC. , - .
- ,
Un certain nombre de signes, sur lesquels Babinski ,(') a justement
insisté, ne peuvent être reproduits par la volonté et distinguent nettement t
1 hemispasme facial des tics : telles
l'unilatéralité de contraction avec répar-
tition rigoureuse aux muscles innervés
par le facial, les contractions fascicu-
laires, leur brusquerie, la production
de certains mouvements anormalement
déformants (incurvation latérale du
nez, fossette irrégulière du menton) ou
paradoxaux (synergie paradoxale : le
peaucier du cou se contracte en même
temps que la commissure labiale se
porte en haut et en arrière, la commis-
sure labiale s'élève en même temps que
le pavillon de l'oreille est déplacé, en
haut et en arrière, l'oeil se ferme par
contraction.de l'orhiculaire en même
temps que la peau du front se porte en .
haut par la contraction de la partie in-
terne du frontal, etc.). L'existence
de ces mouvements anormaux et la li-
mitation du spasme aux muscles innervés par le facial et à eux seuls
1. Badinski. lïémispnsme facial périphérique. Soc. de neurologie, avril 1905.
Fig. 17 et 18. Homme atteint d'/téutÏspasme facial gauche.
A). Phase clonique de la crise : On constate l'incurvation du nez, la fossette mentonnière,
le spasme du peaucier avec déviation de la commissure labiale en haut et en arrière, l'occlusion
de l'oeil associée à une contraction du frontal (plis cutanés il la -partie supéro-interne du sourcil).
B). Contraction volontaire du côté droit. On ne constate aucun des caractères de la figure A
(figures obligeamment prêtées par M. Babinski).
- Fig. 19.-remmeatteinterl'laénaispasne
- facial droit. - l'hase tonique de la
crise. - On voit l'incurvation du nez
et la fossette mentonnière (figure de
Babinski).
. - TICS. su
permettraient de penser, d'après Babinski, que certains au moins des
hémispasmes faciaux peuvent être considérés comme dus à l'irritation
directe du nerf facial et méritent d'être dénommés « périphériques ».
Un certain nombre de spasmes de la face sont pré-paralytiques et surtout
post-paral y tiques ce qui les distingue encore des tics C). ?
Le« tic douloureux de la face» est en réalité un spasme avec névralgie
du trijumeau : la cause en est soit dans une irritation du trijumeau
(Brissaud), .soit dans une irritation à la fois du trijumeau et du facial
(Babinski) CI).... -
Les « tics coordonnés » (Letulle) n'ont pas de caractère convulsif ; ils sont
bien involontaires, inconscients, et inopportuns, mais « ne diffèrent pas
objectivement de ce qu'ils seraient s'ils étaient volontaires, conscients et
justifiés » : ce ne sont pas des tics, ce sont des gestes stéréotypés, des
« manies », par exemple rider son front, ronger ses ongles, siffloter, se
balancer, etc.... Les « grands tics coordonnés » de J. Noir, tics des sau-
teurs, des grimpeurs, des tourneurs, etc., sont de même ordre.
Les. tics des hystériques peuvent être des tics véritables, les hystériques
étant des dégénérés comme les tiqueurs : ils ne sont pas plus curables par la
suggestion que chez les autres tiqueurs. Les « tics hystériques » propre-
ment dits sont fréquemment des tics rythmiques; ils reproduisent,
comme le tic ordinaire, un acte fonctionnel; cet acte est souvent com-
plexe et peut prendre l'apparence d'une véritable chorée plus ou moins
coordonnée (tic ou chorée saltatoire, natatoire, malléatoire, etc.); rythmi-
ques ou arythmiques, ils apparaissent plus rapidement que les tics vul-
gaires, sans période préliminaire d'éducation du tic, parfois à l'occasion
d'une attaque; ils disparaissent plus rapidement aussi,. après des accès
de quelques minutes à quelques jours; ils reparaissent parfois après des
intermittences de plusieurs mois; ils sont curables par la suggestion ().
L'hémispasme facial hystérique est plus un tic hystérique qu'un
spasme facial vrai : il n'est pas rigoureusement unilatéral ni rigoureuse-
ment limité au domaine du nerf facial, les secousses ne sont pas parcel-
laires ou fasciculaires, les contractions ne- sont pas déformantes ou para-
dovales, elles disparaissent pendant le sommeil (Charcot, P. Marie,
Babinski, Lannois, Porot) ; ce spasme facial présente les caractères d'ap-
parition, de disparition et de curabilité des tics hystériques. -
Le tic de Salaam est à peu près exclusif à la première ' enfance ; or
c'est le seul âge où l'on.n'observe pas de tics véritables. Il consiste en
mouvements cônvulsifs de salutation très rapides (20 à 50 et plus par
minute), mouvements se produisant par accès espacés, diurnes ou
1. Criciiet. Hemispasme facial périphérique post-paralytique. Revue neurol.,
50 octobre 1905. Ilnsp-,ism*e f-.icial périphérique post-piral y tique. Revive iieiii-ol.,
Idem. Formes cliniques des tics unilatéraux de la face. Congrès des aliénistes et
ne1ll'ol. Pau, 1904.
. Babinski. Loc. cit.
3. Tn'nEs et Cnummr. Le tic hystérique. Congrès de Pan, J 904..
> [il. LÉRI.
894 DIAGNOSTIC ? $
nocturnes. On l'observe souvent chez des enfants épileptiques, accompa-
gné de pâleur de la face, fixité du regard, dilatation pupillaire, perte de
connaissance.
Le tic de Salaam est une des principales variétés des rythmies de
Cruchet, c'est le type de la rythmie essentielle il l'état de veille. En dehors
du tic de Salaam ou spasme mitant, Cruchet distingue : 1° des rythmies
essentielles à l'étal de sommeil, soit que, existant déjà pendant la veillc,
elles se prolongent, pendant le sommeil, soit qu'elles n'apparaissent que
dans le présommeil ou le sommeil; 2" des rythmies SYmptomatiques. La
régularité des mouvements, simples ou combinés, mais se reproduisant
toujours sensiblement identiques il eux-mêmes, en nombre, en vitesse,
en intensité, et se succédant à des intervalles de temps égaux, leur siège
presque exclusif au cou distingueront ces rythmies des tics vulgaires.
Les crampes fonctionnelles ou professionnelles sont des contractions
toniques qui ne se produisent qu'à l'occasion d'un acte déterminé, sou-
vent professionnel.
La chorée de Sydenham ne peut être confondue avec les tics qu'il son
début ou surtout il son déclin; dans les deux cas il s'agit le plus souvent
d'enfants et de déséquilibrés. Oddo (') a particulièrement étudié le dia-
gnostic de la chorée avec la maladie des tics ; il résume ainsi les caractères
différentiels de la chorée : les mouvements sont nettement incoordonnés,
« le tic est un mouvement figuré, la chorée est constituée par un mouve-
ment amorphe » ; les mouvements choréiques suivent une marche serpi-
gineuse, interrompue par les écarts les plus imprévus. Ils sont extrême-
ment variables ; ils siègent exclusivement ou de façon prédominante d'un
côté; ils sont arythmiques, relativement lents, continus entre eux, non
« en salves », mais non simultanés, non synchrones; la volonté n'a pas
d'action; la force musculaire est diminuée, les douleurs fréquentes, Ics
réflexes tendineux souvent modifiés ; on trouve une hérédité névropathi-
que, rarement similaire; le sexe féminin est prédominant.
La chorée chronique de Huntington présente aussi des mouvements
incoordonués, non .systématisés, mais sur lesquels la volonté peut être
plus ou moins inhibitrice ; elle est souvent héréditaire, elle débute dans
l'âge adulte, elle est progressive, la déchéance mentale évolue en même
temps que le déséquilibre moteur.
La chorée électrique de Dubini, très rare, se caractérise par des atta-
ques convulsives suivies d'hémiparésies; les mouvements sont instan-
tanés, « électriques » ; l'évolution est rapidement fatale.
La chorée électrique de Bergeron est toute différente : elle survient
dans la seconde enfance; elle est constituée par des secousses rythmiques,
très brusques, électriques, des membres et de la face : ces spasmes sur-
viennent par accès intermittents, ils sont, arrêtés ou interrompus il la face
par la compression du facial (.Jof1roy) ; ils coexistent souvent avec un état
1. Orno. Presse médicale, 50 septembre 1899.
TICS. 89.'»
o'astrique défectueux et guérissent toujours rapidement, par un vomitif ou
un purgatif.
La chorée variable des dégénérés (Brissaud) est caractérisée par des
manifestations tantôt de la chorée, tantôt de la maladie des tics, évoluant
sur un terrain de dégénérescence mentale. Dans les périodes où les tics
prédominent, le diagnostic avec les tics simples ou la maladie des tics ne
peut se faire que par l'extrême variété des accidents, leur brusque appa-
rition et disparition.
Le paramyoclonus multiplex de Friedreich se manifeste par des
secousses convulsives, d'abord localisées, puis plus ou moins généralisées,
niais respectant généralement la face ; elles peuvent atteindre les muscles
entiers ou seulement des faisceaux musculaires isolés : souvent elles ne
provoquent pas de déplacement des membres ; elles ne sont pas fonction-
nellement systématisées ; la volonté les inhibe parfois, le sommeil les
fait disparaître. Il est probable que la description du paramyoclonus
multiplex de Friedreich répond, en réalité, à des cas disparates de tics,
de chorées et de lésions cérébrales.
Les mouvements athétosiques ont souvent une apparence de systéma-
tisation fonctionnelle (gestes, mimique) ; leur forme spéciale, leur len-
teur, leur développement « ondoyant et serpigineux », les troubles
.fréquents des réflexes les feront reconnaître.
TRAITEMENT
Le tic étant un trouble psycho-moteur, son traitement logique et ra-
tionnel consiste dans la régularisation IIIrt/lOdique des psycho-iiio-
teurs. Les règles d'application pratique de cette méthode ont été systéma-
tiquement étudiées par Brissaud et ses élèves, Meige et L'cinclel. Elle
comprend ; la rééducation motrice et la psychothérapie.
La rééducation motrice comporte des exercices de gymnastique
raisonnée. Cette « gymnastique ordonnée » avait été préconisée déjà
par Jolly, Blanche, Trousseau, Frenkel ; Brissaud l'appliqua régulièrement
depuis 1895 aux cas de torticolis mentaux d'abord, puis à tous les tics
toniques et cloniques, à l'exclusion de toute intervention chirurgicale
dont elle passait jusque-là pour un adjuvant.
Les exercices de rééducation motrice applicables aux tiqueurs compren-
nent, dans la méthode de Brissaud, l'immobilisation des mouvements est
les mouvements d'immobilisation, autrement dit des exercices d'immu-
hihté et des exercices de mouvements commandés.
La cure comprend schématiquement trois périodes :
1" Dans le premier stade, on recherchera seulement l'immobilisation
des muscles tiqueurs. Ces muscles devront être maintenus immobiles
d'abord pendant que le sujet sera au repos; on exigera cette immobilité l"
pendant un temps très court au début, quelques secondes seulement,
puis un temps de plus en plus long, jusqu'à cinq ou six minutes. Ensuite
les mêmes muscles tiqueurs devront rester immobiles pendant différents
[A. LÉRI 1
8' TRAITEMENT.
mouvements du sujet : passage de la position assise à la position couchée
ou debout, marche, élévation, abaissement des bras, etc.... Pendant ce
stade, les séances ne dureront d'abord que quelques minutes, deux il cinq
minutes, elles seront répétées jusqu'à 4 à C fois par jour ; plus tard elles
augmenteront de durée jusqu'à une demi-heure et diminueront de nom-
bre jusqu'à deux ou trois.
2° Dans le second stade, on fera exécuter au commandement, aux
muscles tiqueurs, des mouvements méthodiquement réglés; ces mouve-
ments devront être lents et réguliers. Par exemple, contre le tic de cli-
gnement on fera lever et baisser les paupières tantôt d'un oeil, tantôt des
deux ; contre les tics des lèvres, on fera ouvrir et fermer la bouche,
siffler, faire la moue, rire, parler, chanter, etc....
S'il s'agit de tics toniques, on fera exécuter des exercices méthodi-
flues de détente : les muscles tiqueurs devront être relâchés instantané-
ment au commandement.
5° Dans le troisième stade, on fera exécuter alternativement les deux
séries d'exercices précédents, en même temps que des mouvements
divers seront demandés aux muscles voisins. Les séances seront alors
espacées au sur et à mesure des progrès. '
Meige recommande, pour tous ces exercices, déplacer le malade en face
d'un miroir; le miroir rend au sujet un compte parfait, « inexorable »,
tant de ses défauts d'immobilisation que de ses incorrections dans les
mouvements ; il est d'autant plus utile que beaucoup de tiqueurs ont une
notion imparfaite de leurs attitudes segmentaires, de la position de leur
corps ou de leurs membres. Il permet de plus au malade de se contrôler
tui-meme quand il échappe momentanément à la surveillance du médecin
et particulièrement dans les séances supplémentaires qu'il peut faire à
domicile.
Meige recommande aussi d'apprendre aux malades à imiter leur tic, :
cette imitation, en dehors des périodes de tic, est généralement très
malaisée au début; elle ne s'obtient qu'en analysant, en décomposant le
mouvement, en le faisant exécuter par fractions successives : « le jour
où le malade est -capable d'imiter lui-même, à volonté, son défaut, il lui
est beaucoup plus facile de faire les corrections nécessaires pour l'empê-
cher de se produire ».
Tous ces exercices constituent une méthode de « discipline psycho-
motrice » ; « à l'inverse des méthodes d'éducation physique qui ont pour
objectif de transformer des actes voulus en actes automatiques, la disci-
pline psycho-motrice tend à supprimer les actes automatiques inutiles et
à développer le pouvoir frénateur et correcteur des centres supérieurs ».
La disciplime psycho-motrice est applicable même aux muscles de la vie
végétative, généralement déséquilibrés chez les tiqueurs ; le sommeil, la
faim, la miction, la défécation, etc., peuvent être réglés par une éduca-
tion bien dirigée.
En dehors des séances d'exercice, il ne faudra pas négliger d'avoir
TICS. : . 8Hi
recours aussi souvent qu'il sera utile ce contrôle des centres supérieurs
pour réprimer les actes automatiques : aussi il sera toujours nécessaire
que l'entourage du tiqueur, loin de chercher il lui dissimuler son tic,
l'avertisse chaque fois qu'il tique : « le tic tui-meme doit devenir le pro-
pre agent de sa guérison; il faut qu'à chaque geste intempestif succède
un effort de volonté et d'attention destiné à juguler le geste similaire qui
menace de se reproduire. »
De plus, on doit s'efforcer de maîtriser les réactions motrices et les
contractions musculaires excessives, qui se produisent chez les tiqueurs
non seulement au niveau des muscles atteints de tic, mais au niveau de
tous les muscles, en vertu d'un déséquilibre moteur général. On doit
s'efforcer aussi de développer les actes volontaires inhibiteurs ; la distrac-
tion atténue en général les tics, on doit, la rechercher; « certains actes
ou travaux délicats, exigeant une application de l'attention accompagnée
d'activité physique régulière, suspendent tout particulièrement les tics ;
c'est ainsi que certains tiqueurs ne tiquent pas en écrivant, en jouant du
piano, en causant, etc Mais surtout beaucoup de tiqueurs cessent
absolument de tiquer quand on les fait respirer profondément et lente-
ment. Le fait seul de chanter ou de déclamer ou de compter à haute voix
suffit dans un bon nombre de cas pour suspendre les tics tant que dure
l'expérience» (Pitres).
C'est la constatation de cette influence fixatrice des exercices rythmi-
ques de respiration qui a conduit Pitres à préconiser une méthode de
gymnastique respiratoire; cette méthode peut être appliquée isolément,
elle est combinée avec grand avantage à la méthode de Brissaud.
Voici les règles pratiques qu'appliquent Pitres et Cruchet : Le sujet est
placé droit contre un mur. Pendant deux il trois minutes, il récite il
haute voix une fable quelconque, en faisant fréquemment et régulière-
ment, tous les deux ou trois vers par exemple, une inspiration lente et
profonde; pendant les deux ou trois minutes suivantes, il fait des inspi-
rations longues et profondes, avec élévation lente des bras dans l'inspi-
ration, leur abaissement lent dans l'expiration. Les premiers jours, on
répétera ces exercices toutes les trois heures en moyenne, puis on augmen-
tera la durée des séances jusqu'à un quart d'heure en en diminuant la
fréquence jusqu'à trois ou quatre par jour; plus tard on diminuera pro-
gressivement à la fois le nombre et la durée des séances.
Tissie a compliqué cette gymnastique respiratoire en augmentant les
inspirations (jusqu'à 50 ou 55 par minute) par des exercices variés :
montée et descente d'escalier, épreuve du banc et du mur, manoeu-
vres d'équilibre, exercices de « CI'ul ? iernent», etc.
(\ol1l'l1cvilll' a employé dans le même but des exercices de piano avec chant.
Les méthodes gymnastiques agissent par rééducation de la volonté plus
que de la motricité proprement dite, puisque ce qui est altéré ce n'est
ni le muscle, ni le nerf ou le centre moteur, mais bien le contrôle corti-
cal volontaire.
PH.ITlI ! OE "ELno ?
.')7 7
{A LÉKI.]
898 TRAITEMENT.
Elles constituent aussi le meilleur agent de psychothérapie ; c'est
en s'adressant au territoire musculaire convulsé, il la région objectivement
malade, qu'on agit le plus sur l'esprit- du sujet, qu'on le suggestionne le
mieux.
Mais les autres procédés de psychothérapie seront des adjuvants de
premier ordre : il faudra profiter de toute circonstance « pour montrer
au patient par où pèche sa volonté et pour exercer ce qui lui en reste
dans un sens favorable », pratiquer en somme une véritable «orthopédie
mentale ». Les procédés accessoires de psychothérapie, l'électrisation « il
dose psychothérapique », les massages légers, les douches tièdes, etc.,
pourront être employés avec avantage. Dans des cas anciens ou violents,
l'isolement pourra être utile, ou au moins l'éloignement du milieu l'ami-
lial qui est souvent peu apte à comprendre sa tâche éducalrice et peut
empêcher la guérison. \ ? alitement a aussi rendu de grands services, c'est
un puissant moyen sédatif : on a même employé la cure d'obscurité.
Les résultats de la cure psycho-motrice des tics ne sont pas toujours
parfaits : il y a amélioration presque toujours et très rapidement, gué-
rison complète beaucoup moins souvent, la cure doit être continuée ou
reprise pendant plusieurs années pour éviter des récidives. L'interven-
tion delà volonté et de l'attention du malade étant la première-condition
du succès, le pronostic sera peu favorable quand la volonté du sujet sera
très instable, très défavorable soit quand le sujet sera indifférent il son
tic, soit quand le tic sera particulièrement obsédant et angoissant (ilar-
t.enler) .
Aucun traitement médicamenteux n'a donné de brillants résultais :
seuls les bromures seront prescrits dans les tics des épileptiques.
La question du traitement chirurgical reste encore très discutée; elle
a été particulièrement posée à propos d u torticolis commis if contre lequel
des sections musculaires et nerveuses diverses ont été maintes fois pra-
tiquées. Brissaud, considérant que la cause du torticolis-tic est purement
mentale et que la suppression opératoire d'un tic doit être Ù peu près
fatalement suivie de l'apparition d'un autre tic, se refuse a admettre toute
intervention opératoire : d'autres auteurs au contraire, Babinski entre
autres, non convaincus que le torticolis convulsif n'ait pas une cause
organique quelconque, restent partisans dans certains cas d'une tenta-
tive opératoire, particulièrement de celle qui paraît, avoir donné les
résultats les plus encourageants avec un minimnn d'inconvénients, la
section de la branche externe du spinal.
CRAMPES FONCTIONNELLES
ET PROFESSIONNELLES
par le D'ANDRÉ LÉRI
DÉFINITION. - SYNONYMIE
On a donné le nom de crampes fonctionnelles à des troubles moteurs
très variés qui n'ont comme caractère commun que de se produire à
l'occasion d'un acte fonctionnel déterminé, toujours le même. Cet
acte fonctionnel est toujours coutumier; quand il est professionnel, ce
qui est très fréquent, on dit qu'il y a crampe professionnelle. Mais le même
acte qui détermine la crampe, peut être chez les uns simplement fonc-
tionnel, chez les autres professionnel, l'acte d'écrire par exemple, de
jouer du piano ou du violon, etc.
Le mot crampe est très mal choisi ; il implique l'idée d'une douleur
qui est loin d'être constante (').
Les termes de contractures, de spasmes, d'impotences, de névroses
fonctionnels ou professionnels, qui ont été appliqués aux mêmes troubles,
ne sont d'ailleurs pas plus exacts, car ils ne répondent pas à la totalité
des faits. La contracture, le spasme ne sont pas constants, il y a des for-
mes paralytiques flasques ; l'impotence au contraire évoque l'idée de
forme paralytique, or elle est l'exception.
De plus, le terme « spasme » suppose une irritation organique du tronc
nerveux moteur ou d'un point d'un arc réflexe, et le terme « névrose »
élimine au contraire cette idée d'irritation organique : or il n'est nulle-
ment démontré que ces affections soient toujours organiques ou toujours
dynamiques.
Le terme « dyskinésies fonctionnelles » est encore préférable, il est le
seul qui ne préjuge en rien ni de la forme clinique des troubles moteurs
ni de leur pathogénie : or ces troubles nous paraissent répondre à un
ensemble de faits aussi disparates dans leur pathogénie que dans leur
expression clinique, il s'agit d'un syndrome aux limites encore peu
précises.
1. Ce mot résulte de la traduction défectueuse du mot allemand « krampl' », qui
signifie contracture.
. [A. LÉRI.]
'OO CRAMPES FONCTIONNELLES ET PROFESSIONNELLES.
ÉTUDE CLINIQUE ET PATHOGÉNIQUE
La « crampe des écrivains » est la forme de beaucoup la plus fréquente
et la mieux connue; elle nous servira de type; nous passerons ensuite
rapidement en revue les principales autres variétés de crampes profes-
sionnelles.
A) Crampe des écrivains. On désigne sous ce nom tous les
troubles moteurs qui ne surviennent que dans l'acte d'écrire et qui
ont pour résultat la difficulté ou l'impossibilité d'écrire. Ils surviennent
généralement chez les sujets qui par profession écrivent beaucoup (Lu-
reaucrates, etc.) : ils peuvent exceptionnellement survenir chez ceux qui
écrivent fort peu.
Ces troubles moteurs peuvent se présenter sous des formes extrême-
ment variées; pour la commodité de la description plus peut-être que
pour son exactitude, on. en a distingué deux grandes formes, la forme
spasmodique et la forme paralytique; comme variétés de la première, de
beaucoup la plus fréquente, on a décrit une forme tréinulente et une
forme choréique. Mais il importe de savoir que ces formes sont loin d'être
toujours pures, qu'elles alternent ou s'entremêlent très souvent chez le
même sujet, qu'elles atteignent chez les différents malades ou chez le
même malade à des périodes différentes des muscles très différents, et
qu'il n'y a pas deux crampes des écrivains qui se ressemblent.
Dans la'forme spasmodique, le. sujet essaye d'écrire; il trace d'abord
quelques mots, quelques lignes, parfois même une page, ou deux, de
façon assez correcte : puis brusquement, avec ou sans sensation de fati-
gue, son pouce et son index s'étendent ou se fléchissent, ensemble ou
séparément, serrant le porte-plume ou le laissant échapper; le médius,
souvent les autres doigts participent au trouble. Par un effort de volonté,
le malade peut résister un certain temps; il s'applique à maîtriser sa
main, modifie son attitude, tâche d'employer d'autres muscles, contient
sa main droite avec la gauche : il écrit ainsi quelques mots encore, mais
l'écriture est devenue irrégulière, anguleuse, clifiormc ou tout à fait
informe et illisible : il est bientôt obligé de renoncer à écrire. La crampe
se suspend alors immédiatement, et la mente main peut s'occuper à
toutes sortes d'autres actes fonctionnels. Quand les contractures sont
violentes, elles sont souvent douloureuses, mais la douleur cesse avec la
contraction.
Les muscles de la main ne prennent pas toujours seuls part aux pi ?
nomènes spasmodiques : les muscles de I avant-bras, du bras, de l'épaule
y participent souvent. « La fonction de l'écriture, pour être parfaite, exige
la coopération de, tous les muscles et de tous les segments du membre
supérieur » : il y des muscles qui doivent se contracter, il y en a qui
doivent ne pas se contracter : la contraction intempestive des supinateurs.
des pronateurs ou des fléchisseurs de lavant-bras, des abducteurs ou.
adducteurs de l'épaule, etc., rendront récriture tout aussi impossible'
ÉTUDE CLINIQUE ET P : 1'l'110Gi;1(ltiF. 901 1
que celle des fléchisseurs ou extenseurs des doigts. De tanne extrême
variété dans les modalités de la crampe des écrivains; elles n'ont qu'un
point commun, le déséquilibre moteur et, comme résultat, l'impossibilité
d'écrire.
Dans la variété trémulente, le spasme est remplacé par un tremble-
ment qui peut aussi ne frapper qu'un ou plusieurs doigts où simultané-
ment l'avant-bras, le bras, l'épaule ; l'écriture est tremblée et sinueuse.
Dans la variété choréique (chorée des écrivains), les mouvements sont
brusques, irréguliers, étendus, l'écriture présente des échappées, de
grands traits irréguliers, des pâtés, des piqûres du papier. La variété
athétosi forme, aux mouvements peu étendus, ondoyants et serpigineux,
est beaucoup plus rare.
Dans la forme paralytique, la main est rapidement ou lentement immo-
bilisée, « collée sur le papier », par une sensation progressive de fatigue,
d'engourdissement, de raideur.
Les caractères de début et d'évolution de ces réactions motrices, les
phénomènes qui s'y trouvent associés, le terrain sur lequel elles se déve-
loppent, sont très intéressants à étudier ; ils diffèrent tout autant chez
les divers sujets que les réactions motrices elles-mêmes.
Dans la grande majorité des cas, le début est lent et progressif, on ne
peut dire quand a commencé la crampe; le sujet ne s'aperçoit d'abord,
quand il écrit, que d'une certaine gène, d'un peu de raideur onde fati-
gue ; cette gène se, renouvelle et augmente peu à peu, elle l'oblige à
cesser momentanément d'écrire; il recommence après une courte inter-
ruption ; puis les repos doivent être plus fréquents et plus prolongés,
l'écriture devient plus difficile et irrégulière : l'affection peut s'arrêter ta.
elle peut aboutir il l'incapacité absolue d'écrire. Elle peut comporter des
améliorations passagères, remarquables par leur netteté et leur rapidité
autant que par leur fugacité ordinaire.
La volonté est presque toujours inhibitrice pendant un temps plus ou
moins long et les malades peuvent vaincre leurs crampes; la durée du
pouvoir inhibiteur diminue au sur et a mesure que l'affection progresse.
Les préoccupations, la fatigue. l.es émotions exagèrent la crampe. La
qualité du papier, la forme du porte-plume, le confortable de l'installa-
tion ont parfois une action modératrice ou accélératrice. Les travaux de
simple copie y prédisposent moins que les travaux de composition, à
écriture courante, qui nécessitent une certaine tension d'esprit.
Ce qui augmente tout particulièrement l'intensité de l'affection, c'est
Vidée d'écrire, surtout en public ; si les malades ont le temps de n'.Jl1\-
chir qu'ils vont avoir il écrire ou même qu'ils sont en train d'écrire, ils
songent immédiatement- qu'ils ne vont pas pouvoir écrire, ils ont l'ap-
préhension, parfois presque angoissante, de l'écriture, et cela seul peut
déterminer l'apparition de la crampe. La distraction diminue au contraire
la crampe : si les malades sont très préoccupés de ce qu'ils ont si écrire.
TA. LÉRIÏ
! '()2 CRAMPES FONCTIONNELLES ET PROFESSIONNELLES.
ils ne songent plus à l'acte même d'écrire, et dans ce cas il n'est pas
exceptionnel qu'ils puissent écrire très correctement, sans que la con-
tracture apparaisse. Bien plus, Jolfroy (') a signalé, chez un sujet névro-
pathe, sous l'influence de la seule peur d'être atteint de la crampe des
écrivains, une douleur tout à fait analogue à celle de cette affection,
mais sans phénomène spasmodique ni faiblesse musculaire; on peut dire
qu'il s'agissait d'une véritable « crampe d'idée », comparable aux,j.cs
d'idée. ."
Certains malades, ayant appris il écrire de la main gauche, ont vu
l'affection envahir cette main après l'autre.
Chez tous ces malades, on ne, constate presque jamais de troubles de
la sensibilité objective, de la réflectivité ou des réactions électriques. Au
contraire, on constate très ordinairement des troubles psychiques; ce
sont des névropathes, souvent héréditaires, des dégénérés, des déséqui-
libres. Les troubles psychiques sont plus ou moins apparents; dans cer-
tains cas, les troubles moteurs apparaissent nettement comme la consé-
quence d'un trouble mental, parfois au début d'une vésanie ; dans la
plupart des cas, une recherche systématique des stigmates psychiques
montre une prédisposition mentale analogue, à celle que nous avons
décrite chez les tiqueurs, et la crampe apparaît connue le résultat d'une
véritable perturbation de la volonté et de Vémotivilé, comme une ahou-
lie, une amnésie motrice.
Par tous ces caractères on peut dire que les crampes fonctionnelles
sont dans ces cas de véritables lies, on les a justement dénommées « tics
professionnels » : elles ont du lie, outre leur forme convulsive ordinaire,
leur cause dans la répétition habituelle d'un acte fonctionnel déterminé,
leur localisation dans les groupements musculaires physiologiques destinés
à l'accomplissement de cet acte, leur caractère impulsif et involontaire
souvent obsédant, leur irresistibilité soumise pourtant, il l'action inhibi-
tricc passagère de la volonté, leur début lent et insidieux, leur évolution
capricieuse et envahissante et leur difficile curabilité, surtout leur déve-
loppement sur un terrain mental prédisposé, déséquilibré, particulière-
ment émotif et aboulique.
De plus, la crampe des écrivains est parfois associée il des tics divers,
et particulièrement au torticolis convulsif (Audral. Duchennc de Boulo-
gne, de Quervain (2), Meige et Fcindel ("), Pitres (j) ; dans le cas de Meige
et Feindel le torticolis ne se montrait qu'en même temps que la crampe;
dans le cas d'Andral. le malade était atteint de torticolis en lisant et de
crampe en écrivant ; Destarac('') a observé chez un même sujet la crampe
des écrivains, le torticolis, un mouvement convulsif de la hanche et un
,1..JOFFHOY. Soc. M;c<7. des hop., Il avril 1890.
2. de flul· : rsv.m. Sc.mairae » rérl.. 1S ! Ifi.
5. Meige et Frmner,. Les associations du torticolis mental. Arch. de médec., 1 ! 10(f.
4. t'rnOEs. Journal de l11érlec. de Bordeaux, 1 Uo;j.
5. Dkstaisac. lieu. neltl"ill.,1 (JO 1.
ÉTUDE CLINIQUE ET PATIIOGÉNIQUE. 90 ?
tic du pied. HaskovccC) a vu deux sujets qui, atteints de crampe des
écrivains de la main droite, s'étaient habitués à écrire de la main gauche ;
or, chaque l'ois qu'ils écrivaient de la main gauche, des mouvements
convulsifs associés se produisaient dans la main droite, tout à fait ana-
logues à ceux de la crampe ; la crampe était devenue un véritable tic.
Ces diverses observations sont tout à fait en faveur de l'assimilation d'un
grand nombre de crampes à des tics. ,
En est-il toujours ainsi ? Les modes évolutifs de certaines crampes, les
phénomènes qui s'y associent, leurs déterminations etiologiques, les
constatations anatomiques nous font penser que certaines crampes pro-
fessionnelles ont sans doute une cause organique et non pas uniquement
mentale et dynamique.
Certaines crampes débutent assez rapidement, il la façon des spasmes :
la phase d'éducation de la crampe, « d'hésitation et de tâtonnements ».
l'ait plus ou moins défaut. Certaines ne se limitent pas aux muscles qui
interviennent à un degré quelconque dans l'acte d'écrire, si nombreux
qu'ils soient, elles atteignent d'autres groupements musculaires encore,
ceux du cou par exemple; certaines ne frappent que des muscles qui ont
dans l'acte d'écrire un rôle accessoire et assez effacé. Certaines crampes
aussi ne cessent pas brusquement quand le sujet renonce à écrire, ou
reparaissent dans des actes fonctionnels des mains et des doigts autres
que l'écriture. La volonté n'a sur quelques-unes qu'une action Inhibitrice
à peu près nulle.
Dans quelques cas, on a constaté de la douleur, spontanée ou à la pres-
sion, le long des troncs nerveux, du radial en particulier. Parfois on a
noté des sensations parcslhésiqucs (fourmillements, picotements), par-
l'ois de Ihyperesthesic et plus souvent de l'anesthésie cutanée dans les
domaines du médian, du radial et du cubital. Dans certaines formes
paralytiques, on a observé non seulement une impotence fonctionnelle,
mais les signes d'une paralysie organique véritable, particulièrement des
adducteurs du pouce, souvent avec atrophie ; on a noté aussi, à titre
d'exception, du tremblement librillaire (Poore) et aussi des troubles de
la contractilite électrique et la réaction de dégénérescence (l : ulenhnr,
Benedikt, etc.). Bencdikt n a même constaté des faits curieux : dans la
forme paralytique, non seulement les muscles qui participent à la crampe
présenteraient une excitabilité faradique et. galvanique très diminuée ou
même abolie, mais les autres muscles du membre, en apparence sains,
auraient une excitabilité électrique notablement exagérée. Dans d'autres
cas, il y a des troubles vaso-moteurs plus ou moins nets au niveau des
membres atteints de. crampe (Brissaud, llallion et Meige) Cl
1. Haskoyec. Mouvements associés dans la crampe des écrivains. Soc. de neurol.,
191)1
2. ISrvEmaT. Wiener rneclic. Prusse, 1897.
3. IBuss : wu, Halliox et Meige. Congrès de Bruxelles, 1905.
TA. LERIA
904 CRAMPES FONCTIONNELLES ET. PROFESSIONNELLES.
Assurément-certains de ces troubles pourraient, à la rigueur, s'expli-
quer soit comme conséquences d'une dégénérescence physique dont la
crampe serait un stigmate mental (dans le cas de. Brissaud, Haillon et
Meige, l'acrocyanose et la crampe des écrivains coïncidaient avec une
dégénérescence évidente), soit comme conséquences des contractures
mêmes de la crampe (certaines névrites d'après Remak, des rétractions et
atrophies musculaires d'origine fonctionnelle d'après Brissaud (1), etc.).
Il nous paraît toutefois difficile d'adapter cette hypothèse pathogénique à
l'ensemble des faits ; dans certains cas, la crampe avait été précédée de
lésions traumatiques ou pathologiques du membre supérieur (contusion,
périostite, etc.), souvent encore en évolution; dans d'autres cas, on peut
constater des lésions évidentes de névrite,' de myosite, des noyaux fibreux
intra-musculaires (Roskan), des artérites avec obturation plus ou moins
complète de certains vaisseaux (Vigoureux) ; enfin P. Bonnier a observé
un cas de crampe professionnelle symptomatique du mal de Bright et
améliorable par le régime lacté, et nous-même avons constaté un cas
analogue. -
Il nous semble donc bien que, dans la plupart de ces cas, il faut incri-
miner une altération organique, dégénérative, inflammatoire ou toxique,
siégeant soit dans la moelle (les théories anciennes, encore admises par
Benedikt, attribuaient la crampe à l'irritation spinale de certains systèmes
anatomo-physiologiques correspondant à certaines fonctions comme la
fonction d'écrire), soit plutôt dans les nerfs ou dans les muscles. Certaines
crampes sont sans doute comparables à de véritables « claudications inter-
mittentes » : leur manifestation est souvent très analogue (début pro-
gressif, nécessité d'un repos momentané, reprise avec l'exercice), leur
étiologie est parfois la même (arthritiques, brightiques), leurs lésions
sont plus ou moins semblables (la claudication intermittente typique
parait due à une endartérite oblitérante incomplète ; dans certains de ces
cas, Joffroy et Achard, Dutil et Lamy ont constaté des névrites par obli-
tération ou endo-périartérite des vaisseaux extra ou intrafasciculaires).
Quelle que soit l'origine du processus, sont surtout frappés, comme dans
nombre d'affections paralytiques ou atrophiques, les muscles auxquels
est imposé le plus grand surmenage fonctionnel ou professionnel.
Aussi pensons-nous que si, dans ses manifestations cliniques multiples,
la crampe des écrivains peut être très généralement attribuée à un
trouble du contrôle cortical, à une altération de la volonté et de l'émoti-
vité par suite d'un déséquilibre psychique congénital, clans d'autres cas
elle reconnaît pour cause une lésion. véritable inflammatoire ou dystro-
phique, portant sur une partie de l'ensemble neuro-musculaire qui permet
l'acte d'écrire, moelle, nerfs ou muscles n. On comprend que,, suivant
neural., 4 décembre 1902.
2. Les prétendues crampes professionnelles des hystériques, curables très facilement
par la suggestion, méritent une place à part.
- ÉTUDE CLINIQUE ET PATHOGÉNIQUE. flou
les cas, le pronostic et les indications thérapeutiques pourront être diffé-
rents, mais ces cas sont encore d'ordinaire fort malaisés à différencier en
clinique.
B) Crampes professionnelles diverses. Les crampes
professionnelles ou fonctionnelles sont très- variées; tout ce que nous
venons de dire à propos de l'étude clinique et pathogénique de la crampe
des écrivains s'applique à chacune d'elles. Nous n'en ferons qu'une,
rapide énumération.
La crampe des pianistes se manifeste par l'impossibilité de jouer du
piano chez des pianistes professionnels ou amateurs. Elle, est plus souvent 1
paralytique que spasmodique; elle est quelquefois particulièrement dou-
loureuse, accompagnée de douleurs le long des nerfs et d'atrophie muscu-
laire (Donath) (1). Elle est quelquefois bilatérale, plus souvent localisée à
droite. Elle atteint uniquement ou non les muscles des doigts.
La crampe des violonistes est paralytique, spasmodique ou doulou-
reuse; elle siège surtout à la main gauche qui pince les cordes, -parfois il
la main droite qui tient l'archet.
La crampe des télégraphistes (Oni111us), des dactylographes, peut être
aussi paralytique ou spasmodique, parfois trémulente; Cronbach (2) a
constaté parfois des troubles vaso-moteurs et sécrétoires.
Crampe de la couture (tailleurs, couturières, cordonniers) : deux
variétés : l'impossibilité de coudre siégeant dans les mouvements des
doigts, l'impossibilité de couper les étoffes avec de gros ciseaux siégeant
surtout dans l'épaule (deltoïde, trapèze, sous-scapulaire). .
Crampe de la traite des vaches; .
Crampe des ciseleurs (Ballet et Rose) ; .
Crampe des forgerons : biceps et deltoïde ;
Crampe des maîtres d'armes : avant-bras ;
Crampe des danseuses (Schultz) ;
Crampe des harpistes (Bonnus) : triceps sural gauche ;
Crampes des photographes, des cigarières, etc. ;
Crampes des horlogers, des graveurs, des bactériologistes (« tics
professionnels», Cruchet) : clignement convulsif d'une paupière, exten-
sion possible à toute la moitié de la face ; souvent paralytique ; la crampe
ne reste souvent pas exclusivement limitée à l'acte fonctionnel qui lui a
donné naissance. Chez les mêmes sujets, opticiens, horlogers, bacté-
riologistes, on connaît des crampes professionnelles de 1'(iccoîîiî ? 'Io-
dation; ...
Crampes professionnelles delà langue chez des joueurs d'instrument
à vent (Strümpell) ; - ..
Torticolis professionnels : en lisant, en écrivant, en fixant un
objet, etc.
1. DoxA'rn. Wiener med. Wochensclu, 1902.
2. Cnow : vco. : 1 relr. el p¡;yc ! t., '1 ! 10 ? -
.. [A. LENT.]
900 CRAMPES FONCTIONNELLES ET PROFESSIONNELLES.
TRAITEMENT
Les crampes professionnelles sont d'ordinaire très tenaces. Les médi-
caments sédatifs ou excitants échouent tous. L'électricité ne parait guère
efficace que dans certaines formes paralytiques. Le massage et les fric-
tions sont des palliatifs souvent recommandabies.
Dans certains cas seulement, des lésions locales, traumatismes, périos-
tites, etc., des névrites, des artérites, des intoxications donnent lieu il
des indications particulières.
Dans tous les cas. le repos fonctionnel serait théoriquement à conseiller;
mais, dans la pratique, l'exercice professionnel est trop important pour
qu'on ne cherche pas it hâter autant que possible le rétablissement inté-
gral de la fonction troublée. Dans la majorité des cas, le seul traitement
vraiment t eflicace est Inrééducation motrice, la gymnastique rationnnello.
passive et active, des doigts et la niécanolhérapie, la psycholhérapie : les
mêmes règles que pour les tics seront applicables.
Meige a récemment (') donné une « formule » pour le traitement de la
crampe : peu, lent, rond, gros, droit. « Ces malades, dit-il, écrivent
trop, ils doivent écrire peu; ils écrivent vite, ils doivent écrire lentement;
leur écriture est pointue, petite, couchée, et ne met en jeu que les llé-
chisseurs et les extenseurs; en écrivant rond, gros et droit, ils mettent
en jeu d'autres muscles et laissent ainsi reposer leurs fléchisseurs et
extenseurs. » Meige C) avait aussi recommandé les exercices d'écriture
simultanée des deux mains pour faciliter la rééducation de la main droite;
la main gauche écrira normalement « en miroir », de droite à gauche;
« dans le moment même où un centre préside ,'1 l'exécution d'un mouve-
ment, le centre symétrique est prêt à commander ce mouvement, mais
« en miroir »; il en résulte qu'un mouvement sera appris par un membre
malade avec plus de facilité si le membre symétrique sain exécute et
répète lui-même, ce mouvement ».
Les modifications dans le porte-plume ou dans la faconde le tenir (par
exemple entre l'index et le médius), les appareils prothétiques pourront
rendre des services.
Il est d'ordinaire plus facile d'apprendre à écrire de la main gauche
que de rééduquer sa main droite; mais la crampe peut atteindre la main
gauche après la droite. La pratique de la machine à écrire n'est elle-
même pas un procédé radical : la crampe des dactylographes succède par-
fois il la crampe des écrivains. Il est des cas où, de par son déséquilibre
psychique, le malade a, pour ainsi dire, besoin d'une crampe, comme, le
liqueur, malgré toutes les interventions, a besoin d'un tic.
1. Meige. Congrès de Dijon, 1908.
'2. Meige. Congrès de Limoges, 1901.
CATALEPSIE ET CATATONIE
par le D MOUTIER
La catalepsie, et la catatonie sont deux états extrêmement voisins, dis-
tincts cependant si l'on veut bien s'en tenir à la précision de définitions
exactes.
Catalepsie. - La catalepsie est caractérisée par l'abolition de la
contractilité volontaire, avec conservation passive des attitudes
imposées, quelles qu'elles soient. Toute notion ou expression de l'effort
est par conséquent abolie.
Le sujet examiné est souvent comateux, inconscient ou semi-conscient.
11 présente, en ce cas, un état psychique particulier, une passivité sans
laquelle il ne pourrait subir ou réaliser les altitudes cataleptiques. Si le.
malade est couché, les membres soulevés du plan du lit, au lieu de
retomber lourdement, demeurent immobiles, figés en la position donnée.
Ils restent ainsi fort longtemps, remués à peine de brèves oscillations ne
déterminant qu'un déplacement insignifiant. Il faut plusieurs quarts
d'heure, et parfois beaucoup plus, pour que la fatigue agisse enfin et
provoque un abaissement toujours progressif et lent. Le corps entier peut
être tixe en une attitude donnée, et conserver éventuellement d'invrai-
semblables équilibres.
Parfois, l'automatisme est plus complexe et s'étend aux mouvements.
Les yeux fixes, le regard perdu, atone, le cataleptique se met en marche
quand on le pousse, l'ait quelques pas, puis s'arrête bientôt, « inerte »
(Brissaud). Lorsqu'une secousse est imprimée au bras, ce membre peut
présenter pendant un certain temps des oscillations automatiques. Toute
sensihilité d'ailleurs est abolie.
La catalepsie n'est pas un état spastique. Les muscles conservent
l'attitude imprimée aux membres, au tronc, il la tête, mais ne sont point
contractures. Vient-on à changer la position première, ce résultat
s'obtient sans effort : le membre est souple et obéit sans peine. C'est ce
que l'on a désigné sous le nom de /i ? M<<<7S {'('l'en.
La catalepsie se voit dans un très grand nombre de conditions dine-
rentes. Elle est tout à rait remarquable dans l'hypnose. Chez les ityste-
riques. une frayeur, une impression sensorielle vive, un signal conven-
tionnel peuvent la provoquer. On est à même de constater en ce dernier
cas, il faut bien le dire, une culture et une éducation toutes spéciales
que 1 on doit encourager le moins possible.
TF. MOUTIER.]
n08 CATALEPSIE ET CATATONIE. ' - -
On rencontre enfin les attitudes cataleptiques dans des infections
diverses : pneumonie, fièvre typhoïde, méningites aiguës, tétanos,
urémie, maladie du sommeil (Sicard et Moutier), granulie, hémor-
ragie cérébrale, rhumatisme aigu, dans la plupart des intoxications
enfin (plomb, oxyde de carbone, alcool).
Caractérisée par la perte de la contractilité volontaire, la catalepsie ne
saurait être confondue avec la maladie de Th inseii oil cette contractilité
saurait être confondue avec Ia maladie de Thomsen où cette contractilité
n'est qu'entravée passagèrement. Remarquable par une aptitude spéciale
il conserver les attitudes données, elle se différencie immédiatement des
états. de contracture ou de paralysie dans lesquels les membres sont figés
en une position immuable. -
Catatonie. Nous entendrons par catatonie un état caractérisé par
l'intégrité de la contractilité volontaire, et par une tendance lzréclonzi=
nante à subir et conserver des attitudes choisies spontanément ollimpo-
sées par autrui, à la faveur d'un certain degré d'affaiblissement intel-
lectuel. La catatonie n'est autre qu'une myotonie accompagnée de troubles
- psychiques. C'estun symptôme, et non une maladie comme le voulait Kabl-
baum. Il s'agit d'une véritable stéréotypie. Le malade prend de lui-même
et garde une attitude, ou bien accepte une position qu'on lui impose. La
catatonie peut donc être active ou passive. Pendant des années parfois le,
catatonique restera la tète inclinée, les bras en croix. En d'autres cas, il
répétera un même geste, se promènera dans le même sens, heurtant du
même pied le même caillou, jappant contre une porte, ou recommençant
il perpétuité les mêmes génuflexions : D'autres manifestations de l'auto-
matisme : échopraxie, écholalie, verbigération . écriture avec stéréo-
typies, coexistent fréquemment avec la catatonie. Ce syndrome complexe
représente une forme évolutive de la démence précoce de Kroepelin,
mais les attitudes catatoniques simples se voient en revanche dans
nombre d'états de démence ou de déficit banaux : on les rencontre ainsi
dans la stupidité, la paralysie générale, l'épilepsie, la mélancolie. Les
attitudes prises et conservées par les malades leur sont généralement
suggérées par les hallucinations éprouvées. -
Séglas fait observer que la catatonie est à distinguer du tétanisme. Ce
dernier est caractérisé par une excitabilité réflexe intense du système
musculaire. Tout contact détermine une contraction spasmodique des
fléchisseurs, des pronatcurs, etc., mais jamais des extenseurs. Dans la
catatonie au contraire, existent des contractions toniques intéressant
les extenseurs à. l'égal de tout autre groupe musculaire. Ajoutons que
presque tous les états catatoniques s'accompagnent de dermalogra-
phismé intense.
HYPOTONIE
par le Dr CROUZON
L'hypotonie musculaire est un état spécial de flaccidité des muscles, (lui
permet aux membres des attitudes anormales. Cette affection se rencontre
plus particulièrement dans le tabès; nous allons voir comment, se présente
ce phénomène chez les tabétiques. " ,
Aux membres inférieurs, on peut constater la flaccidité des fléchisseurs
de la jambe, elle permet la flexion exagérée
de la cuisse sur le bassin. Alors que, noir-.
quand l'homme est couché sur le dos, il peut fléchir la cuisse
sur le bassin à 65° ou 75°, chez un tabétique, le membre inférieur peut
être redressé jusqu'à 100° et 150° : le membre inférieur peut être
placé au contact du tronc et la jambe vient se placer sur le côté de la
joue (fig. 1) ; si le malade est assis,ou debout, il porte alors son membre
dans la situation du fusil dans la position du port d'armés (fig. 2).
L'hypotonie des extenseurs de la jambe permet, dans la flexion du
genou, de faire toucher, avec les talons, la partie postérieure de la cuisse
et de la fesse.
L'hypotonie des adducteurs de la cuisse permet la position du grand
po. CROUZON.1
rig. 1. - Ilypotonie musculaire
chez nu tabétique.
fit. 2. Hypotonie musculaire
0 chez un tabétique-.
910 -HYPOTONIE. '
écart; les deux membres inférieurs se trouvent allongés de chaque côté
du tronc et le malade repose sur le sol par la face interne de la jambe, du
genou et de la cuisse.
Les extenseurs du pied, quand ils sont en hypotonie, permettent une
extension maxima de la jambe sur la cuisse, cette extension dépasse la
ligne droite qui est l'attitude normale ; il y a hyperextension et la cuisse
peut faire, avec la jambe, un angle obtus ouvert en avant : c'est le genu
recurvatum (fig. 5). De plus, si le malade est couché, cette hyperextension
permet au malade de détacher le talon du plan du lit alors que la cuisse
repose complètement sur le sol.
Cette hypotonie des membres inférieurs peut, du reste, permettre de
comprendre mieux certains phéno-
mènes les troubles de la marche,
le dérobcment des jambes (giving
way of thc legs), la flexion brusque
d'un genou, la torsion soudaine d'un
pied.
L'hypotonie des membres supé-
rieurs est surtout évidente au niveau
de la main : les doigts peuvent se
placer en hyperextension sur la, main
ct former, avec elle, un angle ouvert
en arrière, la main peut être renversée
alors complètement sur la face dorsale.
l'adduction forcée du pouce peut lui
permettre de se mettre à angle droit
avec l'axe de l'index et du premier
métacarpien, l'avant-bras vient se
mettre en contact, par sa face anté-
rieure, avec la face antérieure du bras.
L'hypotonie du tronc, et en particulier celle des muscles des gout-
tières vertébrales, peut permettre une grande mobilité des vertèbres, les
malades peuvent alors exagérer leurs mouvements en avant et placer leur
tête entre leurs jambes. D'autre part, la mobilité des vertèbres peut éga-
lement provoquer dcs troubles de là marche.
L'hypotonie des muscles abdominaux entraîne une flaccidité de la paroi :
les intestins apparaissent sous la peau, on peut percevoir leurs mouve-
ments.
Enfin, suivant Frenkel, il existerait également des troubles des muscles
des yeux, des muscles de la vessie et du rectum quc l'on peut mettre
sur le compte de l'hypotonie.
Dans tous' les troubles que nous venons de décrire, l'hypotonie, sui-
vant le degré auquel elle existe, peut entraîner des attitudes exagérées :
dans les mouvements provoqués, mais à un degré plus accentué, elle
entraîne des attitudes permanentes qui sont favorisées, d'autre part,
Fig. 5. - Tabétique
présentant. le genu recurvatum Lilaléral.
HYPOTONIE. 91 1
par les (roubles ostéo-articulaires, comme dans le genu recurvatum que
nous avons déjà mentionné.
Valeur séméiologique. - Nous avons dit que l'hypotonie était
surtout fréquente chez les tabétiques, et c'est un malade atteint de tabes
que nous avons pris comme type de description clinique. C'est il Levden
(18C5) et surtout il Frenkel (1896) (Ne1l1'ol. Certlrall3latt. 1898),' que
l'on doit la connaissance de l'hypotonie. Elle est constante, suivant
Frenkel, chez les tabétiques incoordonnés. C'est également l'opinion de
Sureau quia examiné 54 tabétiques du service de Pierre Marie (Thèse de
Paris, 1898). Elle peut s'observer souvent dès la période préataxique;
le plus souvent, l'hypotonie est liée à l'abolition des réflexes, cependant,
on a signalé quelques cas où elle a coïncidé avec une conservation com-
plète ou une exagération des réflexes (Frenkel. Babinski).
On la rencontre, le plus souvent, dans la maladie de Friedreich; elle
peut s'observer également dans la sclérose en plaques. Féré l'a rencon-
trée également dans la paralysie générale où il a décrit un aplatisse-
ment du pied par hypotonie.
Elle est aussi un symptôme des affections cérébelleuses (Dejerine) ; on
l'a rencontrée dans le mal cle Pott (Dcjerinc) ; dans la syringomyélie (De je-
rine); dans un cas de vertige labY1'inthique (Egger); dans la 111yafonie
congénitale d'Oppcnlceint. '
Elle a été rencontrée dans Y hémiplégie organique ; on trouve là le
phénomène que Babinski a décrit comme un signe d'affection organique :
il y a flexion exagérée de lavant-bras sur le bras par hypotonie des exten-
seurs. Pour apprécier celte, flexion exagérée, on peut la comparer à la
flexion de 1 avant-bras sur le bras du côté sain, en se plaçant devant le
malade et en fléchissant au même moment les deux avant-bras.
Ce signe, associé à la flexion combinée de la cuisse et du tronc, au
phénomène des orteils, au signe, du peaucier. fait partie du groupe des
symptômes qui ne peuvent être reproduits par l'hystérie.
[O. CROUZON.]
TROUBLES TROPHIQUES
par le Du MOUTIER
Les troubles Irophiques occupent une place particulièrement impor-
tante dans la séméiologie nerveuse. Susceptibles d'intéresser tous les
systèmes de tissus ou à peu près tous, ils peuvent s'observer dans la
plupart des maladies de l'axe cérébro-spinal et de ses dépendances.
Mais, tandis que les trophonévroses seront relativement rares dans cer-
taines affections comme la sclérose en plaques ou la paralysie générale,
dans d'autres, au contraire, elles feront partie intégrante du tableau cli-
nique banal de la maladie étudiée. Il en est ainsi notamment dans le
(abcs, dans la névrite lépreuse, dans la syringomyélie. La presque tola- .
lité des troubles trophiques peut même, il des degrés divers de fréquence
ou d'intensité, se rencontrer, se décrire chez les syringomyéliques. Ces
malades peuvent, en effet présenter de l'atrophie osseuse ou téguinen-
faire et notamment de l'hémiatrophie faciale, de l'hypertrophie portant
soit sur les mains (cheiromégalie), soit sur la face et les membres supé-
rieurs ([seudo-acronOalie), de la sclérodermie, de la sclérodactylie.
des maux perforants, des panaris analgésiques, de la gangrène symé-
trique des extrémités, des rétractions tendineuses, des éruptions
diverses, du vitiligo, de l'hyperkératose, sans compter les troubles vaso-
moteurs, les viciations de la sécrétion sudorale et les altérations des
phanères. Si nous prenons un segment du corps, la main par exemple,
nous rencontrerons dans la seule syringomyélie un nombre extraor-
dinaire d'altérations trophiques, soit que l'atrophie, musculaire simple
réalise la déformation dite main de singe ou main de cadavre, soit que
l'atrophie musculaire, la contracture et les rétractions tendineuses asso-
ciées déterminent les aspects connus sous le nom de main de prédicateur
cI de main en pince de homard, ou simulent la maladie de Dupuytren, soil
enfin que la destruction des doigts par des panaris donne à la main une
similitude remarquable avec le type observé dans la maladie de Morvan.
soit que l'infiltration oedémateuse des tissus, leur hypertrophie, ou tout
au contraire l'amincissement des téguments ne réalisent ces syndromes
particuliers connus sous les noms de main succulente, de sclérodactylie,
Ic ulciromoalie.
Cette simple (''numération nous dispensera d'entrer en de plus amples
détails sur l'importance et la fréquence des trophonévroses. Signalons
TROUBLES TROPHIQUES. 915
seulement que, si la plupart sont acquises, certaines paraissent congéni-
tales, voire familiales et héréditaires; de cet ordre sont certaines atro-
phies ou hypertrophies localisées, certaines productions neurofibroma-
teuses ou neurovasculaires. Certaines de ces soi-disant trophonévroses,
familiales ou isolées mais complexes, telles que la maladie de Dercum
associée à la sclérodermie, par exemple, semblent actuellement devoir
être rangées dans le cadre des insuffisances glandulaires, thyroïdienne
ou ovarienne. Mais ce point étiologique ne saurait nous arrêter ici; qu'il
nous suffise d'en avoir signalé le double intérêt pathogénique et théra-
peutique.
Les troubles trophiques peuvent intéresser la peau et les téguments
sous-jacents, les phanères, le squelette, les articulations, les tendons,
les muscles, les yeux. Une telle classification est un peu schématique,
en ce sens qu'un processus trophique n'est pas toujours univoque, et
que, loin de se borner au tégument par exemple, il atteint fréquemment
et tout ensemble celui-ci les plans sous-cutanés, les muscles, os et
articulations. Nous n'aurons guère à nous attarder sur les troubles tro-
phiques viscéraux : ceux-ci sont rares, mal étudiés, et il est difficile de
savoir quel est le rôle du trophisme proprement dit dans l'atrophie testi-
culaire d'un tabétique, par exemple, ou le gigantisme viscéral d'un acro-
mégalique.
Tégument et plans sous-jacents. Nous n'étudierons pas
ici les troubles vaso-moteurs et les perturbations de la sécrétion sudo-
rale, ces lésions, ainsi que la gangrène symétrique des extrémités ou
maladie de Haynaud et l'érythromélalgie, se trouvant décrites en d'autres
parties de cet ouvrage.
Altérations n'intéressant que l'épiderme et le derme Dans cer-
taines affections nerveuses, la peau présente seulement des changements
de couleur, d'aspect, de souplesse; dans d'autres surviennent des
éruptions, parfois même de la gangrène. Eludions successivement ces
deux catégories de troubles trophiques.
Nous rangerons, parmi les altérations les plus superficielles de la peau,
la glossy-skin, la sclérodermie, l'hyperkératose, l'ichtyose, les troubles
de la pigmentation. 1
La glossy-skin (ou glanz-haut) consiste en un amincissement de la
peau avec état lisse, aspect de vernis luisant. Ce trouble apparaît au
niveau des extrémités, tout d'abord à la face dorsale des dernières pha-
langes des doigts et des orteils. La peau est sèche, adhérente aux plans
sous-jacents. Elle forme aux doigts une gaine étroite, leur donnant un
aspect fuselé tout à fait caractéristique. Les ongles sont craquelés,
. l'riahles; enfin, il existe assez souvent au niveau des régions atteintes des
sensations subjectives de brûlure, d'ailleurs modérée. La glossy-skin
prédomine aux doigts, avons-nous dit; elle ne dépasse guère en tout cas
la face dorsale de la main ou du pied. On l'observe tout particulièrement
à la suite des plaies nerveuses et dans la syringomyélie, mais on la
PItATIQUE 11EUIIIII.. 58
[F. MOUTIER.]
914
TROUBLES TROPHIQUES.
rencontre également dans les névrites de tout ordre, chez les parkin-
soniens et les paralytiques infantiles, sur les membres paralysés, quelle
que soit l'étiologie .de cette paralysie, et. même chez les individus simple-
ment atteints -d'ostéo-arthrite rhumatoïde.
Dans la sclérodermie, les altérations cutanées peuvent être étendues
ou circonscrites, envahir un membre entier, se répartir. en zones méta-
mériques-ou en bandes suivant à peu près un trajet nerveux, ou au con-
traire se disséminer en taches plus ou moins isolées,' plus ou moins
vastes. Au niveau des lésions étendues, la peau est dure et fibreuse,
résistante, lisse, fixée aux -plans profonds. Sa coloration est variable,
souvent plus claire que les téguments à l'entour. Cela est net surtout
au' niveau des petites plaques isolées (morphée) bordées d'un anneau
lilas des plus caractéristiques. Cette sclérodermie peut apparaître sur
des membres atteints de névrite, chez des syringomyéliques, ou bien
evoiue spontanément
en apparence. On a,
justement semble-t-il,
incriminé dans ces cas
quelque dystrophie
glandulaire.
Il convient de rap-
procher de la scléro-
dermie, tout en l'en
distinguant nette-
ment, la sclérodacty-
lie ou sclérodermie
des extrémités. Dans
cette très singulière
affection, la peau ri-
gide, dure, immobi-
lise dans un véritable
étui les doigts qu'elle
déforme. Ce processus
sclérosant peut attein-
dre d'ailleurs les ten-
dons et de ce chef
détruire irrémédiable-
ment le jeu fonction-
nel de ces doigts. Il
est à noter que la sclérodactylie se développe rarement d'emblée, la phase
de rigidité des téguments est d'ordinaire précédée de crises anémique ou
asphyxique intéressant les phalanges distales. Par là, cette sclérodactylie
se rapproche parfois de la maladie de Raynaud. D'ailleurs, il est fréquent,
dans cette maladie, d'observer un certain degré de sclérodermie. des
phalanges.' La sclérodactylie se rencontre tout particulièrement dans la
Fig. 1. Sclérodactylie avec mutilation des extrémités digitales.
Musée de l'hôpital Saint-Louis, n° 580 (d'après Thibierge).
TROUBLES TROPHIQUES. 915
syringomyélie et les névrites, spécialement les névrites traumatiques. A
une période avancée de la maladie, il est ordinaire d'observer des ulcé-
rations aux angles saillants des phalanges et de leurs articulations. Ces
ulcérations guérissent le plus souvent, mais leurs cicatrices contribuent
à déformer et à immobiliser les doigts. Il coexiste fréquemment encore
diverses altérations unguéales.
Consécutivement aux sections nerveuses, s'observe très fréquemment
un état ichtyosique du tégument. La peau est sèche, mince et squa-
meuse; la sécrétion sudorale est tarie à sa surface. Mais cette ichtyose
n'est pas l'apanage de la névrite traumatique; on la retrouve dans le
tabès, chez les paraplégiques, et, d'une façon très générale, sur tous les
membres qu'immobilise une paralysie de date ancienne déjà. De même,
llilyl)elké),(ilose palmaire ou plantaire. se rencontre assez souvent dans
le tabès, dans les névrites, notamment dans la névrite arsenicale, chez
les hémi et les paraplégiques. On peut rapprocher de ces hyperkératoses
acquises les hyperkératoses symétriques congénitales, souvent fami-
liales, qui peuvent s'accompagner ou non de nævi,
Les troubles de la pigmentation se rencontrent dans un assez petit
nombre de maladies, si l'on en excepte la lèpre surtout, accessoirement
les névrites et. le goitre exophtalmique. Il s'agit parfois de mélano-
dermie, plus souvent de leucodermie. Celle-ci se dispose sur le trajet
des nerfs, d'autres fois se répartit en taches irrégulières, notamment sur
les organes génitaux, le cou, et autour de la ceinture, à la hauteur de la
zone de striction maxima du corset chez la femme. Les taches décolorées
peuvent être d'un blanc éclatant, porcelanique ; elles sont généralement
entourées d'une zone hyperpigmentée. Au toucher, elles sont lisses et
douces. Peut-être certaines leucodermies incertæ sedis, comme le viti-
ligo. ne relevant de façon évidente d'aucune affection nerveuse classée,
sont-elles étroitement liées à l'infection syphilitique ? Dans la lèpre, le
centre des macules blanches est anesthésique.
Des éruptions s'observent parfois à la surface de la peau : il s'agit
soit d'é1'ythl'lIU's, soit d'éruptions eczémateuses, soit encore d'éruptions
huileuses à grands éléments de type pemphigoïde. Ces exanthèmes lisses
ou vésiculeux peuvent ou non, ainsi que nous sommes accoutumés de
l'observer, se superposer à un trajet nerveux ou affecter une disposition
métamérique. On les rencontre particulièrement dans les plaies des
nerfs, dans les névrites et myélites aiguës, plus rarement dans la syrin-
gomyélie, le tabès et la sclérose en plaques. On peut quelquefois, dans
la lèpre, observer consécutivement au pemphigus siégeant sur les sail-
lies osseuses des ulcérations atteignant les articulations.
Doit-on rapprocher des trophonévroses la dermatose huileuse hé1'édo-
1)'(iiiiii(iliqiie, dans laquelle la simple friction de la peau fait rapidement
apparaître un élément vésiculeux de forte taille ? Nous ne saurions
1 affirmer. 11 s'agit là en tout cas d'une maladie autonome plus intéres-
sante pour le dermatologiste que pour le neurologue.
[F. MOUTIER]
! OI6 6 TROUBLES TROPHIQUES.
Certaines éruptions vésiculeuses se cantonnent étroitement sur une
section métamérique ou sur un territoire nerveux donnés, tels sont le
zona et les éruptions zostérifomes. Le zona est par excellence une
trophonévrose; son aspect est trop familier pour que nous ayons besoin
d'insister sur ses caractères, sur les connexions, étroites qui existent
entre l'éruption, les phénomènes névralgiques, la lymphocytose du
liquide céphalo-rachidien traduisant l'irritation méningée. D'autres
troubles trophiques peuvent d'ailleurs coexister avec l'éruption vésicu-
leuse ; c'est ainsi que des lésions de l'oeil se rencontrent dans le zona
ophtalmique. Nous insisterons seulement sur un point d'importance pri-
mordiale : le zona véritable, le zona maladie ne récidive jamais ; au
contraire, les éruptions zostériformes peuvent récidiver et de fait se
reproduisent souvent chez un individu donné. Ces zonas symptoma-
tiques se rencontrent dans une foule de névrites, dans la syringomyélie,
le tabes, et tout particulièrement au niveau du tronc dans nombre
d'affections méningées ou vertébrales, notamment chez les t'ottiques.
Il existe des altérations cutanées plus profondes que celles des exan-
thèmes simples ou vésiculeux précités. La gangrène est rare, mais peut
s'observer cependant. On la rencontre surtout au niveau de la pulpe des
doigts. Consécutive à des crises d'anémie locale, elle l'ait partie du
syndrome isolé par flaynaud. On la rencontre encore dans quelques cas
de névrite et chez les syringomyéliques : nous aurons l'occasion de la
signaler il nouveau en étudiant les troubles trophiques mutilants des
extrémités. On a également signalé des plaques de gangrène plus ou
moins symétriques à la suite de traumatismes graves du front ou
d'aspiration massive de gaz délétères : on sait qu'il peut se produire en
ce cas des hémorragies intenses et bilatérales dans les corps striés. Mais
en dehors de ces différents cas, il faut porter avec la plus grande réserve
le diagnostic de gangrène d'origine trophique. Il faut tenir compte, en
effet, de l'infection, de la souillure des plaies chez les paralytiques de
tout ordre, et d'un autre coté. l'origine d'un grand nombre de gangrènes
dites nerveuses se trouve élucidée depuis que l'on a su mettre en lumière
l'importance de la simulation. Il faut, en effet, faire table rase aujour-
d'hui des soi-disant troubles trophiques de l'hystérie. Huiles, ulcéra-
tions, gangrènes hystériques ont fait leur temps, et l'on ne saurait
attribuer à quelque trophonévrose hypothétique ce qui relève unique-
ment du fer rouge ou de la potasse caustique. Ce n'est pas le lieu
d'exposer à quelles raisons d'intérêt, il quel besoin de mise en évidence
obéissent ces simulateurs Ilatllolllimes ou mythomanes; qu'il suffise de
rappeler avec quelle habileté les malades savent dérouler la vigilance
la plus avertie, avec quelle hardiesse et quelle éloquence parfois pathé-
tique ils les récits les plus déconcertants.
Pratiquement, en présence de toute ulcération suspecte, on devra
rechercher si, soigneusement isolée, cette perte de substance ne guérit
pas spontanément et vite. On pourra aussi, le cas échéant, ménager une
1
TROUBLES TROPHIQUES. 917 î
voie d'accès sous quelque partie du pansement cacheté, et s'assurer si
le simulateur, croyant à quelque faute involontaire de l'observateur, ne
profite pas de ce trajet pour entretenir l'ulcération.
Lésions non ulcéreuses du derme et de l'hypoderme. Beaucoup
de ces troubles sont congénitaux, tels les n;uvi, les neuro-fibromes : ce
sont en somme des malformations,
souvent héréditaires et familiales. Ajou-
tons que ces troubles existent rarement
seuls ; divers stigmates de dégénéres-
cerce, des signes de faiblesse intellec-
tuelle leur sont fréquemment associés.
Les lmvi ne nous arrêteront qu'un
instant. Faciles à distinguer sur le
tégument où leur couleur et leur
aspect vasculaire ou pigmenté tran-
chent souvent disgracieusement, ils
semblent souvent superposés à quel
que trajet nerveux, moins qu'ils ne
paraissent affecter quelque disposition
métamérique. La première de ces
dispositions est fréquente à la face où
les rapports des najvi avec les terri-
toires des différentes branches du tri-
jumeau sont faciles il reconnaître. 11
est fréquent de discerner, plus ou
moins exactement lopographiées par
les taches vasculaires, les trois aires
faciales de la cinquième paire. Il peut
même y avoir une transformation noe-
voïde de la muqueuse nasale avec épis-
taxis récidivantes et l'on a signalé chez
l'enfant une hémiplégie foudroyante
avec convulsions par hémorragie mé-
ningée provenant d'un noevus durai
CUS11111 ? ? joutons que l'on peut noter
à la face, en même temps que ces
muyi, de l'hypertrophie des plans sous-
jacents et même du globe oculaire.
les taches piginentaircs prennent un développement consi-
dérable, maculent le corps entier de leurs aires de nuance café clair ou
marron, et. coexistant avec des neuro-fibromes, contribuent à former le
syndrome individualisé sous le nom de neurofibromatose généralisée
ou maladie de Recklinghausen. Cette affection est congénitale, mais
il survient d'ordinaire des poussées nouvelles chez l'adulte. Elle est
essentiellement constituée par trois symptômes cutanés et sous-cutanés :
[F. MOUTIER.
1 ig. 2. Naevus vasculaire systématisé z
Musée de l'hôpital Saint-Louis, n° 1936,
llallopeau (d'après Rist).
918 TROUBLES TROPHIQUES.
taches pigmentaires, fibromes, névromes. Les fibromes peuvent être au
nombre de plusieurs centaines, leur volume est essentiellement varié;
ils sont en général mous et sessiles, ou du moins très légèrement pédi-
culés. Il existe en général une tumeur majeure, de siège variable. Les
névromes plexiformes forment des masses indolores, parfois énormes,
siégeant avec une prédominance remarquable sur le territoire des tri-
. jumeaux ou des nerfs occipitaux. Ce sont, des masses d'une laxité remar-
quable qui tombent, masquant fréquemment une partie du visage.
Ajoutons que les malades atteints de cette singulière dystrophie pré-
sentent souvent une intelligence obtuse, de la frigidité avec atrophie testi-
culaire. Mais celle-ci peut-elle être tenue pour trouble trophique ?
Chez certains individus les tissus hypodermiques présentent seuls des
troubles trophiques, sans que le derme et l'épidémie soient intéressés.
Ces troubles sont les oedèmes et les adiposes.
On ne saurait rigoureusement, parmi les oedèmes nerveux, distinguer
un groupe d'oedèmes aigus et un groupe d'oedèmcs chroniques, innom-
brables étant les formes de transition entre la trophonévrose oedéma-
teuse fugace et la trophonévrose chronique, et cela non seulement d une
maladie à l'autre, mais encore d'un individu il un autre, voire même
chez un individu donné, d'une époque à l'autre de son existence.
Fig. 5. \euro-fibromalose généralisée avec nombreuses petites tumeurs, notamment au
niveau de l'hypocondre droit, et najvi pigmentaires assez développés sur la l'esse el dans la
région trocliantériennc (d'après Pierre Marie).
TROUBLES TROPHIQUES. 919
Les oedèmes nerveux ont quelques caractères communs que nous
indiquerons une fois pour toutes : ils sont blafards, durs, ne gardant
pas l'empreinte du doigt, indolores. Il est banal de rencontrer ce trouble
trophique chez les hémiplégiques ou les paraplégiques, que l'affection
en cause soit une maladie chronique ou une affection aiguë du cerveau
ou de la moelle. On observe souvent un oedème extrêmement dur,
pseudo-éléphantiasique au niveau des arthropathies lalueliques.
En dehors des oedèmes angioneurotiques proprement dits, dont nous
nous occuperons plus loin, se placent des oedèmes dus à la seule station
verticale, à l'accumulation du sang et à la gêne de la circulation dans
les tissus. Ainsi se forme la main succulente des syringomyéliques.
C'est une main potelée, cyanosée, froide, lisse et sèche, très dure et
dans laquelle on ne peut imprimer de godet. Un trouble analogue
peut s'observer au niveau du pied. La main succulente n'est point
d'ailleurs l'apanage exclusif de la syringomyélie ; on la rencontre éga-
lement dans les myopathies et dans les poliomyélites antérieures chro-
niques (Dejerine).
Plus ou moins aiguës peuvent s'observer des poussées oedémateuses
de siège variable au cours de diverses intoxications, aiguës elles-mêmes
ou chroniques, notamment de l'intoxication oxy-carbonée, ainsi que chez
les parkinsoniens, dans la tétanie et dans le goitre exophtalmique. En
présence Ir oedèmes bleus ou oedèmes dits hystériques, on songera tou-
jours à la simulation que révèle souvent la trace d'un lien placé à la
racine du membre. On se souviendra seulement que cette trace peut
disparaître ou n'être plus visible au moment de l'examen.
Un oedème diffus, généralisé au tégument entier, se rencontre dans
l'insuffisance thyroïdienne myxoedémateuse ; c'est un oedème extrême-
ment dur, épais, que le doigt ne saurait déprimer en godet. L'opothé-
rapie appropriée influe sur ce trouble trophique de façon très appré-
ciable et assez rapide.
Nous en avons fini avec les oedèmes épisodiques au cours d'affections
classées. Il nous reste à mentionner certaines formes morbides dans
lesquelles les oedèmes sont toute la maladie. Chez certains malades de
l'un ou de l'autre sexe, généralement âgés de 20 à 40 ans, surviennent
des poussées oedémateuses paroxystiques dont l'éliologie précise échappe
jusqu ce jour. Cet oedème angioneurotique ou maladie de Quincke
apparaît pour des causes souvent légères, trauma, froid, émotion. On le
rencontre surtout chez des névropathes, des intoxiqués, alcooliques ou
morphinomanes, etc. Il est plus fréquent pendant les saisons humides et
par temps froid. Son apparition est généralement soudaine, rarement pré-
cédée de malaises, céphalées, constipation ou diarrhée, inappétence,
fatigue. Quelquefois le précèdent sur la peau des ecchymoses spontanées
ou une éruption purpurique. L'oeclèmc peut se constituer en quelques
minutes, plus souvent eu quelques heures. Il atteint de préférence les
parties découvertes, les mains, le cou, la face, et sur celle-ci les joues,
- [F. MOUTIER.-]
? 0 TROUBLES TROPHIQUES.
les paupières, le front ; on l'observe très fréquemment aussi sur les
bourses, au prépuce, aux grandes lèvres. Il est parfois symétrique. Il
forme tantôt une tuméfaction variable, en nappe sur les surfaces planes,
en boudin sur les membres, tantôt des élevures arrondies de 2 à 10 cen-
timètres de large. L'oedème est peu surélevé par rapport à la peau saine ; ;-
un rebord le limite plus ou moins nettement. Lorsqu'il est en plaques de
peu d'étendue, celles-ci peuvent être plus ou moins confluentes ou tout
au contraire disséminées. Le doigt ne peut déprimer les tissus oedéma-
tiés ; ceux-ci présentent tantôt une couleur rose (généralement au début)
avec légère élévation de la température locale, tantôt une couleur pâle
avec légère hypothermie. Il existe rarement des phénomènes subjectifs au
niveau de la plaque; ces phénomènes consistent, le cas échéant, soit en
brûlures, soit en démangeaisons. Pendant la crise s'observe une oligurie
notable, sans qu'il y ait cependant décharge polyurique à la fin de l'accès.
L oedème disparait spontanément au bout de quelques heures ou de
quelques jours. Les accès reviennent assez souvent, espacés de façon
variable : parfois chez la femme s'établit une périodicité menstruelle.
Mais, d'une façon très générale. l'âge atténue beaucoup les crises et finit
par les faire disparaître complètement. Ajoutons que l'oedème peut se
déclarer non seulement au niveau de la peau mais encore des muqueuses.
Il peut éclater en ce cas des accidents menaçants d'oedème aigu du pou-
mon ou de la glotte : la trachéotomie a pu être pratiquée jusqu'à trois
fois sur le même individu. Des crises gastriques avec vomissements, des
crises intestinales avec diarrhée ont été également signalées.
Parfois, I'LC1O111C ne disparait pas aussi rapidement; des poussées répé-
tées entraînent une altération trophique continue. Ainsi se constitue un
troplrceclème acquis, intéressant généralement la totalité d'un membre.
Le trophoedème peut s'installer insidieusement, sans poussées aiguës préa-
lables : il est encore fréquemment congénital, voire familial. Nous avons
ainsi une gamme très nuancée de transitions entre les oedèmes aigus de
Quincke et le trophoedème chronique de Meige. Cette dernière lésion
peut persister toute la vie ; elle est généralement segnientaire. et
peut atteindre soit les deux membres inférieurs, soil plus souvent un
seul bras ou une seule jambe. Le trophoedème est le plus fréquent
et le plus typique au membre inférieur. Il existe un gonflement énorme
de tout le membre, qui va généralement s'accusant de haut en bas. Le
cou-de-pied est boursouflé, cachant les saillies malléolaires ; les tissus
se plissent et retombent à la façon du pantalon de zouave de l'éléphan-
tiasis (Meige). Les orteils sont peu atteints. La peau est blanche, ferme.
épaisse. Il n'existe jamais de douleurs : le malade, se plaint seulement
de la pesanteur du membre lésé. Les malades de cet ordre peuvent
avoir également des poussées aiguës, parfois accompagnées de purpura.
Il n'existe jamais d'asphyxie symétrique des extrémités; les articula-
tions, d'autre part, sont indemnes. Ces caractères permettront de distin-
guer les trophoedèincs chroniques, observés d'ailleurs comme les
-TROUBLES TROPHIQUES.
921
oedèmes de Quincke chez 'des névropathes ou des intoxiqués, des oedèmes
chroniques de l'éléphantiasis ou du- rhumatisme chronique, des oedèmes
traumatiques, du myxoedème, ainsi que de la maladie de Dercum. -
Certains auteurs ont signalé une certaine
diminution des oedèmes par la médication
bromurée intensive. ,
Le chapitre des adiposes pathologiques
est extrêmement vaste; et faire le. départ
de ce qui est proprement trophonévrotique
parmi elles est délicat. L'adipose peut être
diffuse; il en est ainsi dans ces myopa-
thies infantiles où l'on voit une infiltration
graisseuse souvent énorme dissimuler l'atro-
phie des mollets notamment, et même
exagérer considérablement la saillie de§,
jumeaux, donnant ainsi aux masses mus-
culaires déficientes un aspect pseudo-
hypel'l1'ophique., Des faits analogues s'ob-
servent dans la paralysie infantile. * ,
Dans certains cas, l'adipose est encore
diffuse, mais asymétrique; il en est ainsi
chez certains hémiplégiques.
Doit-on ranger parmi les troubles neuro-
trophiques les lipomes, petits ou grands,
qui affectent une disposition symétrique le
long des trajets nerveux (des membres, le
plus souvent) ou une distribution méta-
ml"J'ique ? C'est là un point encore peu
éclairci\ De même, la maladie de Dercum
ou adipose douloureuse est-elle un trouble
trophique du système nerveux ou une dys-
trophie glandulaire, peut-être thyroïdienne ?
Le tableau clinique de la maladie de Dercum
est assez variable pour qu'il soit utile de
donner ici quelques indications à ce sujet.
Toute adipose exagérée ne rentre pas en
effet dans le cadre de cette affection. Il
h agn namtuenement ue temmes aux alentours ne la ménopause. bes
malades présentent une obésité prononcée, une adiposité extraordinaire
portant sur le tronc et les membres. Mais, point, extrêmement singulier,
l'envahissement adipeux respecte absolument la face, le cou, les mains
et les pieds; d'où un contraste frappant entre les membres, colonnes
massives, et les extrémités dont les sépare un sillon, une collerette de
netteté remarquable. Cette adipose est douloureuse, la douleur pouvant
être à la fois spontanée et provoquée ou seulemént provoquée. Les
[F. MOUTIER.
Fig. 4. - Trophædème chronique
héréditaire (Henry Jeigct.
922 I-)
TROUBLES TROPHIQUES.
malaises ressentis sont rarement intenses ; ce sont des picotements et
surtout des brûlures. Au palper, l'on perçoit tantôt une infiltration dif-
fuse, tantôt' une infiltration nodulaire. Dans ce dernier cas, on a en
somme affaire à des li-
pomes de volume va-
riable, symétriques ou
non. Il n'existe pas de
troubles de la sensibi-
lité au niveau des ré-
gions adipeuses. En
revanche, les troubles
mentaux dépressifs et
l'asthénie nerveuse sont
de règle. On peut ob-
server, coexistant avec
- cette adipose doulou-
reuse, soit de la scléro-
dermie, soit de l'ostéo-
malacie, mais ce sont
là des éventualités des
plus rares.
Nous en aurions fini
avec les troubles tro-
phiques non ulcéreux
des téguments s'il ne
nous restait à mention-
ner une affection cuta-
- née d'ailleurs excep-
tionnelle, la panat1'o-
phie locale de Gowers.
Dans cette maladie, « certaines zones circonscrites du visage, du tronçon
des membres, dont la dimension varie du diamètre d'une cerise à celui
d'une orange, subissent une atrophie locale des tissus sous-cutanés
s'étendant jusqu'à l'os, la peau elle-même s'amincit légèrement. Il
semble qu'il se soit produit des pertes de substance sous-cutanées,...
(mais) la distribution de ces plaques atrophiques ne correspond à aucun
territoire nerveux cutané et se fait d'une façon tout à fait irrégulière »
(Purves Stewart).
Lésions ulcéreuses des téguments et des tissus profonds. Pro-
voquées le plus souvent par des traumatismes, ces lésions sont aggravées
par des infections intercurrentes et leur gravité ultime est en général
fonction de cette infection.
Les accidents ulcéreux se rangent sous trois chefs fort proches les uns
des autres, ce sont les maux perforants, les panaris analgésiques, les
escarres de décubitus. Nous verrons plus loin de quelle façon, avec
Fig. 5. Maladie de Dercum (d'après G. Ballet).
TROUBLES TROPHIQUES.
925
ou sans ulcération, se constituent les mutilations des membres.
Les ulcères ou maux perforants s'observent en toute région ; on en
a signalé de typiques au pied, à la main, au sacrum, dans la bouche, et
la rhinelkose de Marie et Guillain, lésion échancrant l'aile du nez.
semble fort rapprochée des troubles de cet ordre. On les observe égale-
ment au cours de nombreuses affections, névrites infectieuses (lèpre,
tuberculose), ou toxiques (diabète); névrites traumatiques (blessures
du plexus brachial et mal perforant palmaire), mal de Pott et caries
vertébrales diverses, spina-bifida, tabès, syringomyélie. Mais la lésion
banale, classique par excellence, est le mal perforant plantaire tabé-
tique. Notons que le mal perforant diabétique est également com-
mun et que, dans la pratique courante, les maux perforants plantaires
ne relèvent guère que de l'une ou l'autre de ces deux maladies, tabès ou
diabète.
Le mal perforant tabétique peut, d'une façon générale, siéger en tout
endroit saillant, soit par exemple à la partie anguleuse des orteils en
marteau, soit à la face
externe des orteils, soit
sur la saillie du cuboïde
dans les pieds bots ou
même à l'extrémité des
moignons. A la plante du
pied, son lieu d'élection,
le mal perforant se rencon-
tre au niveau de l'articu-
lation métatarso-phalan-
gienne du grand et du
petit orteil, au talon, ou
sous la phalange terminale
du gros orteil. L'évolution
de ce trouble trophique
passe par plusieurs stades
distincts. Au début s'ob-
serve un épaississement
corné, un simple duril-
lon d'aspect banal. Par-
lois la lésion se greffe sur la petite plaie d'un ongle incarne; elle peut,
mais rarement, débuter directement par une phlyctène ou par une escarre.
Quoi qu'il en soit, il se creuse bientôt un trou, un perluis centrant la
lésion primitive, pertuis par lequel va s'écouler un liquide plus ou
moins franchement purulent. A ce stade la lésion est souvent assez
pénible ; des douleurs fulgurantes particulièrement vives ont pu d'ailleurs
en précéder l'apparition. Bientôt se constitue l'ulcération. D'abord étroit
cratère, cette ulcération s'agrandit, s'arrondit, présentant des bords fon-
gueux. Un ou plusieurs trajets fistuleux et suintants partent du fond de
[F. MOUTIER-1
Fig. 6. - Mal perforant plantaire,
attribué il la tuberculose (d'après L. Arnaud).
9M
TROUBLES TROPHIQUES.
la perte de substance, et gagnent l'articulation sous-jacente. Les ten-
dons peuvent être détruits; les os se carient. On perçoit des craque-
ments articulaires. A ce moment encore les lésions peuvent rétrocéder
avec ou sans élimination de séquestres ; mais les récidives sont fré-
quentes en plein tissu cicatriciel. A la fin, le mal perforant est peu
douloureux : une zone anesthésique borde. -- d'ailleurs l'ulcération. Il
peut y avoir des complications, les unes légères, troubles divers de la
peaû et des ongles, d'autres beaucoup plus graves, voire mortels, ostéo-
arthrites suppurées. ..
Les maux perforants peuvent être multiples ; ils sont fréquemment
symétriques en ce cas. Le traitement de cette affection commune
est souvent délicat, ainsi qu'il est de règle pour tout trouble tro-
phiqùe. Le repos au lit, les pansements guérissent les ulcérations
légères; aux cas plus graves seront réservés le traitement par la bande
de Bier et les bains oxygénés très chauds, le curettage avec résection de
l'articulation malade, la faradisation du tibial postérieur, l'élongation
des filets nerveux à distance des foyers infectés. L'amputation sera tou-
jours sévèrement proscrite, les ulcéra-
tions pouvant apparaître sur le moignon,
et cela pour ainsi dire indéfiniment.
Le mal perforant peut s'observer éga-
lement dans la bouche. Les dents se déta-
chent et tombent. Il a usure puis résorp-
tion du maxillaire supérieur avec destruc-
tion du plancher de la cavité nasale.
Marie et Guillain ont fait remarquer l'im-
portance prépondérante du dentier dans
la genèse de ce trouble trophique.
Fort voisines des maux perforants sont
les escarres de decubitus qui peuvent
apparaître en tous les points où se trou-
vent longuement comprimés les tissus
d'un membre ou d'un tronc paralysé.
C'est ainsi que peut se gangrener la peau
au niveau des apophyses épineuses, des
crêtes iliaques, des coudes, etc., les
lieux d'élection du processus d'escarrifi-
cation étant la lace interne des genoux, la région au grand trocnamer
et par-dessus tout le sacrum. Ces lésions peuvent apparaître, à vrai
dire, chez les malades alités quelle que soit l'affection causale,
typhoïde ou démence, mais ce sont surtout les hémiplégiques et les
paraplégiques qui présentent les troubles les plus graves. Ces troubles
font défaut dans la poliomyélite, ils s'observent à leur acmé dans les
myélites aiguës (Voir Paraplégie). L'escarre est typique au niveau du
sacrum, qu'elle soit médiane (affections médullaires) ou latérale (affec-
Fig. 7. - Escarre sacrée particulière-
ment profonde développée au cours
d'une myélite. «
TROUBLES TROPHIQUES. 925
tions cérébrales). On voit apparaître tout d'abord un placard érythéma-
teux sur lequel se soulèvent bientôt une ou plusieurs bulles remplies de
sérosité louche. L'ouverture de ces phlyctènes laisse le derme à nu et
bientôt apparaît une nécrose du tégument qui atteint rapidement les
plans sous-jacents. L'infection se propage facilement aux méninges et la
mort est d'ordinaire le. prompt aboutissant des cas les plus graves.
L'évolution peut se faire en quelques heures parfois. Eviter le trauma-
tisme incessant de la région menacée, prévenir l'infection, tels doivent
être les préceptes de la prophylaxie de ces lésions.
Le panaris analgésique est une infection digitale atteignant certains
malades, les lépreux et les syringomyéliques notamment. L'infection
rencontre des tissus peu résistants, mais, chose singulière, si les déla-
brements locaux sont énormes, l'infection ne présente aucune tendance
à se propager vers les gaines palmaires. La lésion débute par l'extrémité
des doigts, le plus souvent à propos de traumatismes, de brûlures sou-
vent graves puisque ces doigts, de par l'affection nerveuse en cause
(névrite lépreuse ou cavité médullaire), sont anesthésiques. Bientôt sur-
viennent des phlyctènes, des escarres; le doigt se gonfle; il y a très
rapidement formation de séquestres et destructions osseuses. Ces lésions
sont à distinguer des cas où l'atrophie osseuse, sans lésion des tégu-
ments, intervient, seule pour mutiler les doigts dans les maladies men-
tionnées. Il est ordinaire de noter l'atteinte de plusieurs doigts, et, dans
[F. MOUTIER ]
. Fig, 8.
1 Fig. 0.
UCrOl'lI1al1on des mains dans la lèpre aneslliesique (il après Lesage et Ihlcl'ce1m),
926 1 TROUBLES TROPHIQUES.
la lèpre notamment, les mains peuvent être réduites à de lamentables
moignons amputes de tous leurs
doigts.
Les affections mutilantes des
membres sont en somme assez fré-
quentes. Au plus bas degré de
l'échelle se trouve la maladie de
Raynaud. Cette affection n'arrive pas;
à vrai dire, à tronquer les doigts.
Elle les effile seulement, en déter-
minant ou non la chute des ongles ;
elle les amincit et la pulpe. du doigt
présente une sclérodermie étoilée
de petites cicatrices blanches. Au
contraire, ainsi que nous l'avons
déjà dit, la lèpre et la syringomyélie
réalisent de véritables amputations.
Les névrites traumatiques ne sont
qu'exceptionnellement mutilantes.
- Signalons pour mémoire seule-
ment 1'aïnlaun2, singulière névrite
exotique dans laquelle on voit se dé-
tacher et tomber tous les orteils après
formation d'un sillon de striction
circulaire à leur base, sans
qu'apparaisse aucune lésion
du tégument.
Phanères. Les alté-
rations des ongles et des poils
sont fréquentes dans les ma-
ladies organiques du système
nerveux; celles des dents sont
plus rares, parce que peut-
être beaucoup mqins étudiées. Nous serons assez brefs sur ces différents
Fig. 10. Griffe lépreuse : atrophie
. des éminences thénar -et hypothé-
nar. Le médius et l'index sont tron-
qués par des panaris-; petits ulcères
trophiques sur le dos des phalan-
gettes, en majeure partie résorbées,
de l'auriculaire et de l'annulaire
(d'après Jeanselme).
Fig. 11.. Syringomyélie : usure trophique rapide-
ment guérie par le repos, Musée de l'hôpital Saint-
Louis, n° 1690, Jacquet (d'après Lenglet). .
TROUBLES TROPHIQUES. 927
sujets, leur étude étant d'importance secondaire au point de vue dia-
gnostique.
Le ralentissement de la croissance des ongles a été observé dans
nombre de maladies nerveuses, son accélération dans un certain nombre
également, chez les hémiplégiques par exemple, et du côté malade. Dans
les névrites, la lèpre, le diabète, la syringomyélie, le tabès, la sclérose
en plaques, on a signalé leur atrophie, accompagnée parfois de chan-
gement de coloration de la substance unguéale. L'ongle peut être réduit
à une petite masse cornée accrochée au bout du doigt et recourbée en
forme de griffe. La chute de l'ongle, parfois précédée d'hémorragies sous-
unguéales, a été notée chez les épileptiques, les syringomyéliques, etc.,
et tout particulièrement chez les hémiplégiques. Cette chute de l'ongle
se fait sans douleurs et sans phénomènes inflammatoires. Dans les né-
vrites, le tabès, la sclérose en plaque, la syringomyélie, l'hémiplégie, les
ongles sont fréquemment déformés, soit incurvés en verre de montre,
hypertrophiés, soit plissés, épaissis, ou plus ou moins décollés, feuilletés,
striés longitudinalement.
De même que les ongles, les poils présentent de nombreuses modi-
fications trophiques. L'une des plus remarquables est leur changement
de coloration, leur blanchiment ou canitie. Cette cavitie est partielle ou
totale : elle peut être ou non accompagnée de manifestations névralgiques
ou migraineuses. Elle peut survenir plus ou moins rapidement, sous
l'influence d'une violente émotion ou d'une crise d'épilepsie. On la ren-
contre dans l'aliénation mentale, le tabès, les tumeurs cérébrales, du
côté malade chez les hémiplégiques. Elle peut en ce dernier cas inté-
resser une moitié de la barbe. On a pu également observer le blan-
chiment des cils dans une ophtalmie sympathique consécutive à l'abla-
tion de l'oeil opposé.
L'amincissement, la fragilité des cheveux, leur chute plus ou moins
généralisée sont fréquents dans la sclérodermie du cuir chevelu, les
blessures des nerfs occipitaux, les truunlatismes et les névralgies du tri-
jumeau. Rappelons à ce propos les relations étroites qui paraissent
bien démontrées actuellement entre la pelade et les affections de la
VC paire.
Dans la sclérose en plaques, les alopécies ne sont point rares. Il en est
de même dans le goitre exophtalmique où l'alopécie peut être unilaté-
ra]e, comme l'exophtalmie d'ailleurs. Dans le tabès s'est trouvée signalée
la dépilation d'un membre, etc.
L'hypertrichose est parfois congénitale, héréditaire et familiale ou non,
associée ou non à des îuevi. Des plaques d'hypertrichose recouvrent par-
fois l'aire d'une spina-1]i(ï,la occulte. Enfin il existe souvent un dévelop-
pement exagéré des poils sur les membres paralysés, qu'il s'agisse de
poliomyélite infantile, de myélite chez l'adulte ou de névrite. On a éga-
lement signalé l'hypertrichose du côté de la face atteint de prosopalgie,
au niveau des plaques d'oedème chronique qu'il est parfois donné d'ob-
[F. MOUTIER.]
928 8
TROUBLES TROPHIQUES.
server dans le goitre exophtalmique, sur le tégument des articulations
atteintes de rhumatisme chronique.
Les altérations dentaires sont peu connues. En dehors des stries, des
irrégularités, des malformations témoins de syphilis héréditaire ou de
troubles de la nutrition, il n'est guère à signaler que la chute des dents
chez les tabétiques. Ce phénomène est en général indolore. Peut-être
d'ailleurs ne s'agit-il pas uniquement d'un trouble trophoneurotique,
l'infection des alvéoles venant sans doute aider singulièrement le pro-
cessus de névrite.
Squelette. Ouelques-unes des réserves formulées plus haut s'im-
posent encore à notre attention à propos de certains troubles trophiques
du squelette. On ne sait en effet quelle part revient au juste au trouble
neurotrophique ou il la
dystrophie glandulaire
dans des affections
comme l' acro mlgalie, la
maladie de Paget, peut-
être même certaines hy-
pertrophies ou atrophies
segmentaires. A l'acro-
mégalie, au gigantisme,
sont consacrés des chapi-
tres spéciaux : signalons
simplement ici que la sy-
l'ingol11yélie, rencontrée,
on le voit, à tout propos
dès que les troubles tro-
phiques sont en cause.
peut simuler jusqu'à
un certain point l'acro-
mégaiie. Il existe, en effet, une cheiromégalie et même un accroisse-
ment de la face syringomyélique rappelant un peu les déformations
homologues de l'acromégalie. Mais, dans la syringomyélie, ne se trouvent
jamais réunis tous les caractères de l'acromégalie, c'est un détail seul
qui évoque l'idée de l'acromégalie, l'ensemble est tout à fait différent.
L'étiologie d'un certain nombre d'hypertrophies est fort mal connue :
signalons simplement (en laissant de côté les malformations congénitales)
les héinihyperlrophies limitées ou non à la tête, intéressant les parties
molles aussi bien que le squelette et qu'il est donné d'observer, rarement
d'ailleurs, après un traumatisme céphalique dans l'enfance ou à propos
d'une tumeur cérébrale chez l'adulte (l1émieraniose de Brissaud ctLt're-
houllet). On rencontre également chez l'adulte des hypertrophies osseuses
segmentaires consécutives aux fractures (Boger et Garnier).
Les atrophies osseuses sont d'observation beaucoup plus fréquente
que les hypertrophies. Dans une certaine catégorie de faits il s'agit de
Fig. 12.
Fig. 13.
Hypertrophie pseudo-acnimégalique segmentaire
(d'après Chauffard et tirilfun).
TROUBLES TROPHLQUES. - 929
réduction globale du volume de l'os, et surtout d'arrêt de développement.
11 y a dans ces cas non seulement atrophie de squelette, mais réduction
du membre entier; de tels laits s'observent dans
les paralysies et dans lés hémiplégies infantiles..
Parfois l'os se raréfie, se réduit et finalement
disparaît; il en. est ainsi dans certaines formes,
de lèpre mutilante : les phalanges se résorbent,
le doigt se tasse, se recroqueville. Il peut y
avoir, par un mécanisme analogue, disparition
des os de la main et du pied avec tassement et
déformation extrêmes de ces segments. Enfin,
dans une autre catégorie de faits, la résorption
osseuse demeure incomplète, il y a seulement
tassement des segments osseux. Par ce méca-
nisme se forment les scolioses de la maladie
de Friedreich et de la "
syringomyélie, le tho-
rax en bateau de cette
dernière affection .
Dans certains cas,
à la suite de trauma-
tismes, de brùlures
étendues survient une
atrophie numérique
(Klippel), un arrêt de
développement por-
tant non seulement sur la région ou le membre
atteint, mais également à. distance, sur toute
une moitié du corps par exemple. Mais de toutes
les atrophies d'origine nerveuse, l'une des plus
typiques à coup sûr est l'Iaémiatroplzie faciale
de Romberg. Cette singulière affection est des
plus simples à diagnostiquer, tout au moins
dans les cas typiques, pu bien si l'on veut, à la
période d'état. Une moitié de la face, en effet,
est réduite, enfoncée pour ainsi dire. Le massif
frontal, la saillie malaire, l'arc maxillaire infé-
rieur sont comme effondrés ; l'oeil est enfoncé,
les lèvres (du côté atteint) -et l'aile du nez sont
amincies; la peau est flasque, hypotonique; la
moitié du cou et de la langue participent à la
réduction de volume. Enfin, on peut observer
la chute des dents et la canitie unilatérales.
L'Illégalité pupillaire; diverses perturbations sudorales ou vaso-motrices
sont également signalées. Au début, l'affection commence par une étroite
PRATIQUE NEOROL, 59
.. [F. MOBTIER.]
Fig, '15. - Scoliose dans la
syringomyélie (d'après Ilal-
lion).
Fig. 14. Paralysie infantile
avec atrophie considérable
de tout le membre supé-
rieur droit. -
! )0 ' 1
TROUBLES TROPHIQUES.
aire d'atrophie cutaneo-osseusc, cantonnée généralement au niveau d'un
trou d'émergence du trijumeau, le sous-orbitaire souvent. L'effet rie
l'affection dnment caractérisée est
saisissant : la face semble formée
de deux moitiés qui ne se raccor-
dent pas. L'étiologie de cette singu-
lière dyslrophic est des plus discu-
tables ; signalons brièvement parmi
les facteurs incriminés ou les illala-
dies coïncidentes, les traumatismes
crâniens, les lésions du sympathique
ou du trijumeau, diverses maladies
infectieuses. le tabès, la syringomyé-
1 ic, les tumeurs b ulbo- proLuhérnn-
ticlles. -
En dehors de l'atrophie osseuse
massive, les affections du système
nerveux peuvent déterminer de la
raréfaction des os. Cette ostéoporose
se révélera non plus par un chan
gcmcnt de volume du membre, mais
par une fragilité particulière, souvent -imprévue, du squelette. Des frac-
tures spontanées mettront en évidence cette fragilité. Les os se brisent
pour les mouvements les plus insignifiants : il en est ainsi dans la para-
lysie et l'hémiplégie infantiles, plus rarement dans l'hémiplégie de
l'adulte et chez certains aliénés. Ces fractures spontanées sont fré-
quentes, surtout dans le tabès et la syringomyélie. Elles sont indolores,
guérissent spontanément, niais de façon vicieuse en général. Le membre
fracturé présente toujours un empâtement énorme à la hauteur de la
lésion. S'agit-il vraiment d'une trophonévrose vraie dans la fragilité
osseuse idiopathique, dans t'osteopsathyrosis de Lobstein ? La parenté de
celle singulière affection avec la dysplasie périostale de Durante permet
d'en douter. Nous ne saurions aborder ici cette question théorique.
Articulations. Les seules arthropathies nerveuses vraiment
importantes par leur fréquence et par leur valeur séméiologique sont les
arthropathies du tabès et de la syringomyélie. Nous n'insislerons donc ni
sur les fausses arthropathies hystériques, ni sur les fluxions oedémaleuses
paroxystiques fort rares que l'on désigne sous le nom de /¡ ! Jd7'O]JS ai'li-
culorum inlermitlens. De même, les arthrites des hémiplégiques nous
arrêteront peu de temps : il en est de deux ordres, les unes sont des
arthrites infectieuses banales, à marche aiguë, aux suites redoutables;
les autres ont un début subaigu, mais aboutissent assez rapidement il
l'ankylose. Dans la lèpre, on observe moins une arthropattne qu'une
suppression pure et simple de l'articulation par résorption des tètes
osseuses. : Fig. IG - Iléinialropliie faciale
. cas de Romberg ; (d'après Brissaud).
TROUBLES TROPHIQUES.
951
En réalité, en présence d'une arthropathie du type neurotrophique,
caractérisée par ses dimensions souvent énormes, l'étendue des destruc-
tions osseuses, l'indolence, il. convient, nous le répétons, d'orienter son
diagnostic vers le tabès ou vers la syringomyélie. On a signalé des lésions
analogues dans la
paralysie générale ;
mais les faits de cet
ordre demeurent
encore de la plus
grande rareté.
Dans le tabes
comme dans la sy-
ringomyélie, le dé-
but, le plus sou-
vent brusque, ne
s'accompagne pas
de fièvre. Il sur-
vient en général un
gonflement énor-
me, mais l'indo-
lence est absolue.
L'articulation est
excessivement dé-
formée, avec un
empâtement diffus
qui s'étend souvent
à une très grande
distance de l'arti-
culation. En d'au-
tres cas, l'épanche-
ment articulaire
fait défaut, l'arti-
culation est alors
littéralement effon-
Orée. A la période d'état, au-dessous d'un tégument normal ou ne présen-
tant que d'insignifiantes altérations, crépitent des surfaces osseuses dont
tous les rapports normaux ont disparu. Le membre peut être déplacé
dans tous les sens sans effort, la laxité ligamentaire s'ajoutant à l'effon-
drement des cavités articulaires et à la destruction des plateaux et des
condyles osseux.- Finalement se prononcent des désordres énormes,
luxations, fractures, ossification des franges articulaires avec production
de corps étrangers intra-articulaires pédiculés ou libres. 11 se forme
ainsi d'énormes poches ou s'entrechoquent des moignons osseux.
L'évolution de ces lésions est- essentiellement chronique;. il se produit
de temps à autre de nouvelles poussées d'hydarthrose. Certaines compli-
\
[F. MOUTIER.]
Fig. 17. Double arthropathie tabétique du.genou
(cas de Glorieux et Van Gehuchten).
95 2 TROUBLES TROPHIQUES.
cations sont fré-
quentes, ce sont
les luxations et
les pseudarthro-
ses ; d'aulres sont
exceptionnelles,
telles la perfora-
tion, l'ankylose, la
suppuration ou la
tuberculisation se-
condaire. Après
ouverture de ces
poches articulai-
res, s'installe un
suintement abon-
dant, glaireux et
souvent sanguino-
lent, sans tendance
il la guérison. On
peut voir cepen-
dant le liquide se
résorber.
Nous avons dit
que les symptômes
des arthropathies
étaient les mêmes
dans le tabès et dans la syringomyélie; le syndrome spécial a chacune de
ces deux alléchons facilitera le
diagnostic. Remarquons d'ail-
leurs que, par ordre d'élection,
la syringomyélie frappe sur-
tout l'épaule, le coude, le poi-
gnet, la hanche, cependant que
le tabes atteint le genou, la
hanche, l'épaule et l'articula-
tion tibio-tarsienne. Rappelons
également qu'il y a deux types
d'arthropathies, l'une atrophi-
que à la hanche et à l'épaule,
l'autre hypertrophique, au ge-
nou et au coude.
Muscles et tendons, -
Nous n'insisterons pas sur les
myopathies et les amyolro-
vhies étudiées en d'autres par-
Fig. 18. Arthropathies tabétiques des deux épaules
(cas de Souques et J. B. Clarcotl.
Fig. 1'.). - Arlliropalhie tabétique du pied gauche.
TROUBLES TROPHIQUES. 955
ties de ce traité; rappelons seulement la lipomatose qui masque parfois
l'atrophie musculaire, et les déformations rachidiennes, les scolioses,
liées à l'atrophie des muscles des gouttières vertébrales.
Les affections des tendons n'ont pas grande individualité; les rétrac-
tions fibro-tendineuses sont de règle dans les poliomyélites et dans les
polynévrites. Signalons seulement la rétraction fibre-tendineuse palmaire,
d'origine syringomyélique, simulant la maladie de Dupuytren.-On ren-
contre parfois des ruptures tendineuses chez les tabétiques.
Organes des sens. Les yeux seuls sont atteints de troubles
intéressants. Mentionnons l'ophtalmie sympathique, les ulcérations de la
cornée dans le zona ophtalmique, la kératite neuro-paralytique dans les
affections du trijumeau. Notons à ce propos qu'une tumeur irritant la
VC paire donnera d'abord du zona puis une kératite neuro-paralytique (De
Lapersonne et Cantounet).
[F MOUTIER.]
HYPERTHERMIE, HYPOTHERMIE
TROUBLES CIRCULATOIRES & RESPIRATOIRES
par le D' CROUZON
HYPERTHERMIE.
Les modifications de la température peuvent se manifester par la fièvre
ou hypelth('1'111 il' : elles peuvent consister, d'autre part, dans l'hypo-
thermie. Nous commencerons tout d'abord par l'élude de la lièvre.
La fièvre est caractérisée par une perturbai ion de l'appareil régulateur
thermique et une exagération des processus proléolyliques qui se traduit
par l'élévation de la température.
Nous ne nous attacherons pas à rechercher la nature de la fièvre, c'est
là une question de pathologie générale encore obscure; dans cet exposé
pratique nous chercherons tout d'abord à analyser rapidement les phé-
nomènes satellites de la lièvre et à rechercher, d'autre part, les maladies
nerveuses au cours desquelles peut se, trouver l'élévation de la tempe-
rature.
Description de la fièvre et de ses symptômes satellites.- La fièvre
est caractérisée par une élévation de la température au-dessus de 58° :
en effet, chez l'homme normal, la température peut osciller entre 3Go et
58°, c'est-à-dire sur une échelle de 20 sans qu'on puisse dire qu'il y ail
fièvre. La température varie, d'autre part, de 1° environ entre le matin
et le soir; c'est ainsi que la température est de 5C ? à 4 heures du
matin, de 7)1", il à 5 heures du soir : dans la lièvre on trouvera des écarts
bien plus considérables, de 4 il 5".
La fièvre peut se manifester suivant divers types : la fièvre intermit-
tente est caractérisée par un accès débutant par un frisson, se continuant
par un stade de chaleur et se terminant par un stade de sueur.
On peut, d'autre part, observer des fièvres continues qui persistent à
un degré minimum pendant assez longtemps. On peut enfin distinguer
des fièvres éphémères de courte durée, de 'i't heures il deux jours.
II existe également des fièvres atypiques irrégulières. On peut encore
distinguer les fièvres d'après leur élévation de température : fièvres
légères a 58 et quelques degrés; lièvres modérées a 59"; lièvres fortes
a `0°; au clelit clc 10" la (ü'vre cst clitc lmlmrlln'rmiclac.
Phénomènes satellites de la fièvre. La fièvre s'accompagne d'un
certain nombre de phénomènes chimiques qui consistent dans la destruc-
tion des albuminoïdes : ce sont des phénomènes intimes qui ne doivent
pas nous arrêter.
HYPERTHERMIE. U55
D'autre part, il existe une série de, troubles fonctionnels qui sont plus
évidents cliniquement, ce sont, d'une part, les modifications du rythme
respiratoire, la polypnéc, rythme respiratoire d'une rapidité extrême,
ou une dyspnée simple, qui est l'accélération de la respiration.
Le pouls suit en général une marche parallèle à la température : cepen-
dant cette loi n'est pas absolue, il y a souvent dissociation entre la
courbe thermique et cardiaque. Dans la méningite, dans les lésions
bulbaires, dans la fièvre typhoïde on peut observer cette fièvre dissociée ;
dans la méningite, c'est une action localisée sur le système nerveux cen-
tral qui explique cette dissociation; dans les lésions bulbaires, c'est
l'inhibition des noyaux pneumogastriques qui permet d'expliquer cet état
stationnaire du pouls. La fièvre s'accompagne de troubles circulatoires,
de dicrotisme du pouls, puis de souffles cardiaques et de troubles vaso-
moteurs.
La tension artérielle semble a priori abaissée puisqu'il y a accélération
du pouls, cependant les résultats trouvés par les auteurs sont tout à l'ait
contradictoires. Les urines sont modifiées, il y a diminution de leur
quantité et modification dans l'élimination des éléments anormaux de
l'urine sans que nous puissions nous arrêter ici sur ce phénomène.
De même, il y a retentissement sur les autres organes, sur l'appareil
digestif. Enfin, l'évolution de la fièvre est souvent modifiée par l'appari-
tion des sueurs qui annoncent la défervescence, d'où le nom de sueurs
critiques.
Causes de la fièvre. Nous éliminerons ici les causes microbiennes
pour nous arrêter exclusivement, au rôle du système nerveux dans la
production de la fièvre; nous envisagerons ce rôle du système nerveux
tout d'abord à un point de vue, et nous verrons ensuite quelles sont les
maladies nerveuses dans lesquelles on peut rencontrer l'hyperthermie.
Tout d'abord, la fièvre peut cire produite par l'intervention du système
nerveux, même lorsqu'il y a un agent microbien ou une intoxication de
l'organisme. Les expériences de nombreux auteurs ont démontré cette
influence : c'est ainsi que Bruck et Gùnther ont produit une élévation de
température par des piqûres répétées de la région protubérantielle chez
le lapin. Wood a répété ces expériences sur des chiens et a admis l'hypo-
thèse que cette lésion provoquait la destruction d'un centre modérateur
de la lièvre : la destruction de ce centre modérateur est cependant une
hypothèse qui n'est pas admise par tout le monde ; bon nombre d'auteurs
pensent que l'hyperthermie peut être due il une lésion centrale soit
de l'écorce cérébrale (Ch. Bichet) soit d'une zone située entre le corps
strié et la couche optique (Aronsohn et.Sachs).soit du corps strié (Savado-
rowski et Haie, White, Ch. Richet). il est possible qu'il existe plusieurs
centres dont la résultante produit la régulation thermique et que le défaut
de parallélisme entre les centres thermogéniques et les centres ther-
nlolpticlnes ait pour résultat la production de la lièvre.
Fièvre dans les maladies nerveuses. - L'élévation de la température
[O. r.aonzoN.7
956 HYPERTHERMIE.
a été constatée dans un certain nombre de maladies nerveuses ; elle peut
être dans certains cas une complication infectieuse de ces maladies ner-
veuses, telle la fièvre urinaire dans le cas d'infections vésicales, mais il
est des cas où la fièvre est due probablement à une altération ou à une
lésion du système nerveux.
Dans ces maladies organiques du système nerveux, la fièvre peut
être due à un état inflammatoire : le type de cette fièvre est la fièvre de
la méningite. Dans les méningites cérébrales aiguës, la fièvre débute par
un grand frisson, persiste ensuite jusqu'à la mort avec des rémissions
matinales; elle peut s'élever encore vers la fin de la maladie et persister
encore pendant l'agonie et après la mort.
La fièvre s'observe dans la méningite tuberculeuse à la période du
début, et la température est généralement modérée, dépassant exception-
nellement 7>00,5, elle est rémittente à exaspérations vespérales, elle
s'abaisse progressivement et redevient presque normale vers la fin de la
maladie pour se relever ensuite aux approches de la mort et atteindre
pendant l'agonie 40° et plus. Le pouls, comme nous l'avons dit, ne sui
pas toujours la température, il y a alors dissociation des deux grands
signes de la fièvre : température et pouls, c'est la fièvre dissociée; vers
la fin de la maladie, le pouls s'accélère d'une façon considérable.
Dans la méningite cérébro-spinale épidémique, la fièvre est presque
constante, elle atteint rapidement 40°, elle a une évolution irrégulière, el
vers la fin de la maladie elle se termine par une chute graduelle :
courbe thermique n'a rien de caractéristique.
La fièvre peut s'observer encore dans d'autres affections organiques
telle est la température de 1'(pil(,I)sie.
Dans la première heure de Y hémorragie cérébrale, la température
centrale est abaissée en dépit de la fréquence du pouls et de la chaleur
de la peau ; au bout de 24 heures, la température est redevenue normale
ou même a atteint 58", c'est-à-dire qu'il y a élévation de la température,
qui se maintient pendant plusieurs jours, la température redescend alors
au chiffre normal ou bien s'élève encore. L'élévation de la température
dans ce cas a un pronostic extrêmement grave, elle indique une lésion
cérébrale, elle s'accompagne le plus souvent d'albuminurie et de décu-
bitus acutus ; cet ensemble de trois symptômes entraîne un pronostic
fatal. La température locale dans l'hémorragie cérébrale est toujours
plus élevée du côté paralysé, il y a entre les deux membres une diffé-
rence d'un demi-degré ou de 2(5 de degrés.
La température peut s'élever encore dans un certain nombre de mala-
dies : la paralysie bulbaire progressive, quand elle atteint le centre
thermique, peut provoquer l'hyperthermie, de même la paralysie bul-
baire asthénique est quelquefois caractérisée par une légère élévation
de la température.
Enfin, les élévations de température se voient encore au début de la
paralysie infantile, dans certaines myélites aiguës. Elles se voient encore
HYPOTHERMIE. 957 7
au moment des attaques congestives de la sclérose en plaques et de la
paralysie générale. -
Dans les névrites, la température peut être augmentée localement ;
dans la sciatique, la température du membre malade peut être abaissée
de Fou 2".
Klippel et Weill ont observé l'hypertherinie locale dans un cas de mala-
die osseuse de Pagel unilatérale.
La fièvre l'ait partie du cortège symptomatique. dans l'état de mal cho-
réique ou dans une complication associée à la chorée, particulièrement de
la chorée grave; dans ces cas, nous avons vu que l'apparition de la
température pouvait avoir une inlluence sur la cessation des mouvements.
Dans la maladie de Basedow il y a quelquefois de petites poussées
thermiques à de certains moments de la journée ; elles durent peu de
temps, mais cependant un certain nombre d'auteurs pensent qu'il ne
s'agit pas de fièvre véritable, mais bien plus souvent de bouffées de cha-
leur, de malaises, de fréquence du pouls sans élévation de la température.
Dans le ramollissement cérébral il n'y a pas d'abaissement initial de
la température comme dans l'hémorragie; celle-ci s'élève brusquement
à 40 degrés pour revenir ensuite à son degré normal.
Dans Y épilepsie, quand les accès se succèdent coup sur coup, il y a
constitution alors de l'état de mal opileptique, et un des signes capitaux
de cet état est l'élévation de la température; cette température reste
élevée jusqu'il la mort et monte même encore après la terminaison fatale.
Cet état de mal épiloptique, même quand il se rencontre dans la paralysie
générale ou dans l'élrilcpsie jacl : .onnienne, s'accompagne aussi d'éléva-
tion de la température. Au contraire, s'il y a épilepsie urémique, il y a
toujours abaissement de la température ou température normale (Rour-
neville), et l'existence de la fièvre au cours de l'épilepsic urémique
indique toujours qu'il s'agit d'une urémie associée il une grippe, à un
état infectieux, à une lésion cérébrale (Giraudeau, Crouron).
HYPOTHERMIE
L'hypothermie ou abaissement de la température est plus rare que
i hyperthermie, elle a été constatée dans certains cas : dans l'encéphalite
chronique de l'enfance en particulier; dans deux observations de diplé-
gie d'origine cérébelleuse (Boul'l1evillc et Crouzon). On l'a observée
encore dans les lésions bulbaires, en particulier dans la paraplégie bul-
U'6 ? 0<y ? Y'.S'S'6'.
Marie et Cuillain l'ont constatée dans le tabes. Enfin, comme nous
l'avons vu, l'hypothermie peut se rencontrer dans la troisième période
de la méningite tuberculeuse.
Marchand et Olivier ont constaté l'hyperthermie dans le cours de para-
lysie générale et dans la démence progressive. Jules Voisin, Roger Voisin
et ! {euh l'ont observée dans la paralysie générale infantile.
[O. CROUZON.]
958 TROUBLES SUDORAUX. -
La fièvre hystérique, sur laquelle un grand nombre de mémoires ont
été écrits, a été affirmée par Briquet et un grand nombre d'auteurs à sa
suite. D'après les classiques elle s'observe à la suite d'une émotion, elle
est polymorphe, quelquefois rémittente, quelquefois continue, quelque-
fois intermittente. Sa durée varie de quelques jours il plusieurs mois,
son intensité est variable, et les signes généraux manquent ou sont peu
proportionnés au degré de la fièvre. Il convient de faire à propos de cette
fièvre hystérique les mêmes remarques qu'il propos de tous les prétendus
accidents viscéraux et trophiques de l'hystérie ; il faut se méfier de la
tuberculose, d'une affection méconnue ou de la simulation si fréquente
chez les hystériques.
Babinski pense qu'il convient toujours de rechercher une infection
latente et qu'il faut souvent admettre l'existence de fièvre chez une hysté-
rique et non pas une fièvre hystérique. C'est là une opinion généralement
admise aujourd hui, et il n a plus lieu d'admettre l'existence de cette
lièvre hystérique. TROUBLES SUDORAUX f ÊÊ
TROUBLES SUDORAUX V
La sécrétion sudorale est souvent influencée par les maladies ner-
veuses. On ne connaît pas l'existence des centres sudoraux, il n'en est
pas moins vrai que le cerveau exerce une action, sur la sudoration. La
sueur peut être exagérée, elle peut être au contraire diminuée ou sup-
primée. La suppression de la sueur s'appelle anhidrose. L'anidtose est
due le plus souvent il des troubles nerveux locaux, elle s'observe au
cours de sections nerveuses dans des cas de névrites périphériques ou
dans l'llémiatrophie de la face. z
Il existe des troubles assez caractéristiques de la réaction sudorale
dans la paralysie faciale : c'est la réaction la pilocarpine. Straus, en
comparant la sudation provoquée par une injection de pilocarpine dans
un cas de paralysie faciale périphérique, a constaté un retard de la suda-
tion du côté paralysé. Ce phénomène ne s'observe que dans les cas graves.
L'exagération de la sueur s'observe dans un plus grand nombre de
cas ; cette exagération s'appelle 1li ! lpe ? i(liose.
L' ltyper'Ùl1'ose est assez fréquente dans un certain nombre de névro-
ses (Massin et de Alheriis) ; elle peut être héréditaire, elle se voit chez
les neurasthéniques. On l'observe enfin dans la maladie de 13asednte :
elle se montre par paroxysmes de bouffées de chaleur au niveau de la
tête, du tronc, de tout le corps, et l'on voit apparaître des sueurs prof'uses
accompagnées de sensations de chaleur intolérables. Cette apparition de
sueurs profuses est liée à l'existence de ces crises thermiques que nous
avons décrites.
On voit également des sueurs abondantes dans la syringomyélie ; on
voit enfin les sueurs constituer une partie du syndrome bulbaire; ces
sueurs profuses s'observent au même titre que les salivations exagérées.
TROUBLES DE LA PRESSION ARTÉRIELLE. 959
L'hyperidrose a été signalée dans la démence précoce (An (heaume et
Roger Mignot Congrès de Genève, 1907).
Les sueurs localisées se rencontrent dans les altérations périphériques,
dans les névrites périphériques assez souvent.
Enfin, nous mentionnerons simplement pour mémoire les autres trou-
bles sudoraux ; les sueurs colorées, chromidrose, et hématidrose qui
sont quelquefois associées à des affections nerveuses.
TROUBLES DE LA PRESSION ARTÉRIELLE
La pression artérielle peut être troublée dans quelquos maladies ner-
veuses. La technique pour rechercher la pression artérielle est la sui-
vante : l'appareil le plus courant est celui de Potain qui s'applique à
l'artère radiale ; le manomètre doit être amorcé à une pression intérieure
de 5 centimètres de mercure par exemple, le malade est placé l'avant-
bras étendu reposant sur un plan résistant; on saisit alors l'ampoule qui
est en rapport avec le manomètre, on l'applique par sa partie mince
sur le trajet de l'artère radiale, on applique un doigt de la main gauche,
au niveau du poignet pour éviter la récurrence de l'arcade palmaire et
l'index de la main gauche explore l'artère radiale au-dessous de l'am-
poule. On comprime alors l'ampoule avec les doigts de la main droite
jusqu'à ce que les battements de l'artère radiale cessent d'être perçus
par l'index de la main droite : on lit alors l'indication donnée par le
manomètre, et le chiffre indiqué correspond à la pression artérielle.
La pression artérielle mesurée avec cet appareil est, pour l'âge moyen
de 23 à 40 ans, de 18 à 19 centimètres de mercure. Il existe des varia-
tions nombreuses physiologiques dues à l'attitude du sujet, à l'émotion,
il l'exercice, à la digestion, à la température. Il faut se placer autant que
possible dans des conditions toujours semblables pour éviter ces varia-
tions. Et l'on pourra alors constater des troubles qui seront des troubles
d'hypertension ou des troubles d'hypotension.
Toutefois, pour avoir des mesures plus précises, il conviendra de
recourir à d'autres appareils : le sphygmosignal de Vaquez, l'oscillo-
nrètrc sphygmométrique de Pachon, l'appareil d'Amblard, etc.
Hypertension. L'hypertension ne s'observe guère dans les maladies
nerveuses; cependant il peut être un symptôme prémonitoire de l'hémor-
ragie cérébrale, de Y éclaihpsie puerpérale (Chirié, Thèse deParis 1907),
mais dans ces cas, elle n'est pas un symptôme de la maladie nerveuse,
mais plutôt de la maladie qui en est une des causes efficientes, nous
voulons parler de la néphrite interstitielle ou de l'athérome. L'hyperten-
sion est produite par l'opothérapic hypophysaire (Caselli, Paulesco, Gar-
nier el Thaon, Parisot).
L'hypertension a été constatée dans le tabès, mais il semble qu'elle soit
en rapport avec des lésions concomitantes des surrénales (Schmiegerld).
L'hypotension artérielle peut être au contraire observée dans la mala-
(O. CROUZON.]
940 'l'ItOLt3LI;S ItGSI'IRATOIRL,S.
die de Parkinson, d'après Sicard et Cuillain, sauf dans les cas où il existe
des lésions cardio-renates pouvant entraîner de l'hypertension. Quelque-
fois on a rencontré aussi rabaissement de la tension artérielle dans la
neurasthénie.
TROUBLES RESPIRATOIRES
Si l'on excepte les troubles laryngées, les troubles respiratoires sont
peu fréquents dans les maladies nerveuses. Comme l'étude des troubles
du larynx en est faite dans un autre chapitre, nous nous limiterons a
l'étude des troubles respiratoires proprement dits.
Rares sont les modifications de la respiration qui produisent la toux.
L'hystérie entraînerait ce phénomène. D'autre part, les hémoptysies hysté-
riques sont niées, on a pu observer dans certains cas des hémoptysies au
cours du tabès liées à des crises thoraciques. Les troubles les plus fré-
quents sont ceux du rythme respiratoire. Ce rythme respiratoire pourra
être troublé suivant la forme d'une polypnée ou accélération extrême de
la respiration qui dépasse alors les chiffres normaux; ces chiffres sont de
16 à 18 par minute chez l'adulte; 40 à 44 chez le nouveau-né; 28 à
36 jusqu'à '2 ou 5 ans; 24 jusqu'à 4 ans.
L'oalltopatc·c est une dyspnée avec angoisse qui oblige le malade il
rester assis ou debout.
La dyspnée expiratoire caractérise l'asthme vrai avec les asthmes
symptomatiques.
Enfin la dyspnée inspiratoire occupe le premier rang dans la respira-
tion, elle s'accompagne de bruits, quelquefois de ralentissement de la
respiration. Quelquefois les troubles respiratoires se manifestent par la
suspension momentanée de la respiration ou par le rythme de Che ! flle-
Stokes. Cette respiration est caractérisée par une pause respiratoire de
50 à 60 secondes, puis par une réapparition progressive et une accéléra-
tion progressive de la respiration qui, après un maximum, diminue pro-
gressivetncnt d'intensité pour revenir à l'apnée.
Toutes ces modifications de la respiration peuvent s'observer dans les
affections diverses du système nerveux, nous allons les passer en revue.
Ce sont avant tout les troubles bulbaires ; dans tous les syndromes bul-
baires : tumeurs du bulbe, paralysie bulbaire progressive, la dyspnée
peut être un symptôme.
Dans les traumatisme de l'encéphale, on peut observer au contraire
la diminution de la respiration. Dans le tabes on a pu observer terate ! )-
tissement extrême delà respiration (1 ? cr). Enfin, la dyspnée peut faire
partie des symptômes de la compression de la moelle dans les segments
supérieurs où la pneumogastrique et le phréniquo sont atteints.
Dans les méningites, le syndrome de Choyne-Stokes s'observe fréquem-
ment, c'est avec l'urémie la cause la plus fréquente de ces troubles res-
lriradirns. Dans les tumeurs du cervelet on observe également ce rythme
TACHYCARDIE. 941 t
respiratoire, de même que dans l'athérome du tronc basilaire ou dans
l'hémorragie cérébrale.
Dans l'ictns cérébelleux, l'apnée peut être un symptôme essentiel;
enfin la dyspnée peut s'obscrver dans les névrites, dans les paralysies
diphtériques.
Les (roubles respiratoires peuvent s'observer enfin dans les névroses,
dans la maladie de Basedow et enfin dans l'hystérie sous forme d'or-
thopnéc on de polypnée : mais dans ces cas, la dyspnée se produit sans
cyanose et disparait pendant le sommeil.
TACHYCARDIE
On appelle tachycardie l'accélération des battements du coeur. Il faut
cependant entendre par tachycardie l'accélération des battements du coeur
qui se produit sans élévation de température.
On dit qu'il y a accélération des battements du coeur toutes les fois
que le pouls battra chez l'adulte plus de 80 fois par minute, chez l'en-
fant plus de cent fois. On sait en effet que, chez le foetus, le pouls est
de 150 à 140 pulsations par minute et que les battements du coeur se
rapprochent constituant le rythme embryocardique. Quand il y a accéléra-
tion considérable de ces battements avec disparition des silences, le
rythme ernbr-ocardiaclue se rencontre également chez l'adulte.
Le pouls subit en général l'influence de cette accélération ; il est mou
et sa tension est diminuée suivant la loi de Marey : l'excès des battements
du coeur entraîne la diminution de la pression artérielle.
Cette tachycardie s'accompagne dans certains cas du reste de suffoca-
tions, d'angine de poitrine.
La tachycardie s'accompagne souvent de tremblement à tel point même
que l'on peut, suivant Pierre Marie, distinguer les tremblements en deux
groupes, ceux qui s'accompagnent de tachycardie et ceux qui ne s'accom-
pagnent pas de tachycardie.
Cette tachycardie ne doit pas être confondue avec le dicrotisme du
pouls qui est le dédoublement des pulsations; elle ne doit pas être con-
fondue avec l'arythmie qui ne s'observe guère que dans la méningite.
La tachycardie ne doit pas être confondue avec l'accélération simple
physiologique qui suit la digestion et qui s'observe quelquefois au cours
de la grossesse.
Ce symptôme tachycardie étant constaté, il faudra le rapporter à sa cause.
Il faut cependant éliminer les tachycardies qui proviennent de lésions
du muscle cardiaque : telles sont les tachycardies de la fièvre typhoïde
ou du rhumatisme.
On sait qu a l'état normal, le coeur est innervé par le sympathique
ou nerf accélérateur du coeur qui se confond en un plexus cardiaque
épanoui en avant, au-dessus et en arrière du coeur. D'autre part, le
nerf sympathique et le nerf pneumogastrique ont leur centre au niveau
[0. CROUZON.]
943 ) BRADYCARDIE.
du bulbe du 4" ventricule. On conçoit donc que les lésions du bulbe,
les lésions du sympathique ou les lésions du pneumogastrique puissent
entraîner ce trouble de la circulation.
Dans la tuberculose la tachycardie se voit soit dans la période du
début où la névrite est due à l'imprégnation des toxines, soit dans la
tuberculose avérée où la névrite peut encore être due à l'intoxication,
où elle peut être due à la compression par un ganglion tuberculeux.
La névrite du pneumogastrique peut s'observer dans l'alcoolisme;
c'est une des localisations des paralysies alcooliques au cours de la gros-
sesse (Dufour et Cottenot, Revue Neurologique, 1909).
A côté de ces tachycardies il peut exister des tachycardies réflexes au
cours des affections abdominales par irritation du sympathique abdo-
minal.
Enfin, il existe un certain nombre de tachycardies d'origine centrale :
telles sont celles qui sont dues à des lésions du noyau bulbaire, celle du
tabès, celle des hémorragies et des ramollissements bulbaires; celle de
la paralysie labio-glosso-Iaryngée, celle de la sclérose en plaques.
Il existe enfin des tachycardies de la maladie de Basedow et de la tachy-
cardie essentielle paroxystique,
La tachycardie de la maladie de Basedow s'observe dans toutes les
variétés de cette maladie, aussi bien dans la forme fruste que dans la
forme complète. Elle est, suivant Brissaud, le symptôme fondamental de
la maladie et son évolution persiste tant que persiste l'affection, elle s'ac-
compagne du tremblement auquel elle est associée suivant certains auteurs.
La maladie de Basedow peut être fruste ; il convient alors de rechercher
les grands et les petits signes de l'hyperthyroïdie (Crespin).
La tachycardie essentielle paroxystique s'observe chez les sujets
jeunes : c'est une crise d'accélération des battements du coeur qui s'ac-
compagne d'un certain nombre de phénomènes : pâleur de la face,
vertiges, oligurie, qui dure quelquefois plusieurs heures ou plusieurs
jours, qui se termine par la polyurie, mais qui peut cependant évoluer
vers l'asystolie, et par conséquent être d'un pronostic grave; elle peut
dépendre des symptômes basedowiens (Crespin) ondes troubles digestifs,
de gastro-entéroptose (Reynaud). -
BRADYCARDIE
Le pouls, au lieu d'être accéléré, peut, dans certains cas, être ralenti :
c'est le pouls lent permanent ou le pouls lent temporaire. Le pouls lent
temporaire peut être vu dans la méningite, dans l'hémorragie cérébrale,
dans les crises gastriques du tabès, dans les traumatismes du crâne et
dans les contusions abdominales.
Le pouls lent permanent, au contraire, en dehors des cas où il est dit à
une lésion cardiaque, peut s'observer dans les lésions bulbaires primi-
tives ou secondaires (tabès, sclérose en plaques, etc.).
TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE
Par le D E DESNOS
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ
NÉVRALGIES RÉNALES
Sous ce nom, on désigne une douleur plus ou moins fixe ayant le rein
pour siège, avec irradiations sur le trajet de l'allllareil nrinaire, et indé-
pendante de toute altération de structure, de fonctionnement, ou de fixa-
tion de l'organe.
Le diagnostic en est difficile, car il n'est pas toujours possible de
découvrir une lésion telle qu'un calcul, un foyer de tuberculose, une
coud me légère de l'uretère, mais les opérations rénales, nombreuses
aujourd but, qui ont fait constater l'absence de lésions ne permettent pas
de mettre les névralgies rénales en doute.
Étiologie. - Les névralgies rénales sont idiopathiques ou sympto-
maliques.
a) Idiopathiques. Les causes en sont vagues ; rares chez l'homme,
elles se voient surtout chez la femme de 20 à 50 ans; la menstruation,
la grossesse, ont été invoquées ainsi que le paludisme, la goutte et le
rhumatisme : l'hystérie semble agir plus réellement. Enfin un trauma-
tisme peut en être l'origine.
h) Symptomatiques. Le point de départ des névralgies rénales
réside parfois dans les organes voisins : tels sont les calculs biliaires,
les lésions de la colonne vertébrale, etc.
Plus fréquentes sont les causes relevant de l'appareil urinaire lui-
même; exceptionnellement un calcul vésical peut donner des sensations
rénales, ainsi que les affections de la prostate, un cancer par 'exemple. Le
réflexe réno-réual (Guyon) se rencontre ici fréquemment, et une lésion
d'un rein se traduit souvent par une douleur névralgique du congénère,
fait des plus importants pour le diagnostic qui oblige, à multiplier les
investigations et à ne négliger aucun moyen d'exploration. Certains trou-
bles de l'urine, tels que l'waltlric, la phosphalurie sont des causes fré-
quentes et certaines de névralgie, de même que les petites concrétions,
surtout dans le rein goutteux.
Presque toutes les affections douloureuses de la moelle peuvent déter-
miner des névralgies rénales, mais celles-ci prennent un caractère parti-
[E. DESNOS.]
9U TROUBLES DE L'APPAREIL URI : \'AIRE.
culier dans le tabès, où elles se produisent par crises plus ou moins pro-
longées, irradiant vers l'aine correspondante, cessant et se reproduisant
comme les autres névralgies tabétiques.
Enfin on retrouve chez presque tous les sujets une prédisposition, une
susceptibilité nerveuse. Tous les sujets ne sont pas entachés de névro-
pathie, encore moins d'hystérie caractérisée, mais on retrouve chez eux
des traces de ces affections.
Symptômes. Le début est variable. Ordinairement brusque, soit
spontanée, soit provoquée par une cause légère, un petit traumatisme
par exemple, la douleur se manifeste par des crises qui simulent la
colique néphrétique (Legueu), part de l'hypochondre et se dirige vers
l'ombilic, laine, ou l'autre rein; le testicule est rétracté, souvent dou-
loureux lui-même a la pression. Les vomissements sont à peu près cons-
tants. Toujours diminuée, la sécrétion urinaire est même souvent sup-
primée pendant quelques instants au début des crises qui durent de une
à plusieurs heures.
La fréquence et la nature de ces crises échappent à toute règle; le
mouvement et l'exercice exercent quelque influence dans un certain
nombre de cas. Mais il est rare que la douleur cesse complètement dans
l'intervalle des crises; un endolorissement, une courbature persistent
ordinairement. L'exploration reste négative, le palper bimanuel ne fait
constater ni mobilité, ni augmentation de volume, mais la pression
révèle une certaine douleur sur le trajet de l'uretère.
Pendant la crise l'urine diminue de quantité, quelquefois une polyurie
abondante survient après. On doit tenir pour suspect les cas où l'on
découvre de l'albumine et surtout du pus, car une lésion rénale doit être
soupçonnée. Il en est de même de l'hématurie, qui est signalée dans la
moitié des cas; toutefois, il semble bien que celle-ci puisse se montrer
dans des cas de névralgie, vraie, par congestion intense de l'organe.
Le tableau clinique n'est pas toujours aussi sombre, et on voit des
névralgies légères, bénignes qui disparaissent vite; ailleurs elles résis-
tent à tous les traitements et conservent une grande intensité.
Parfois, le diagnostic est entouré de grandes difficultés; on se basera
surtout sur l'ensemble des symptômes propres aux lésions rénales, sus-
ceptible de déterminer de la douleur et que nous ne pouvons passer en
revue à cette place.
C'est avec la lithiase rénale que la confusion se fait surtout; rappelons
que dans ces cas la douleur, comme l'hématurie, est provoquée par le
mouvement et cesse pendant le repos.
Enfin et surtout, on insistera sur les moyens d'exploration directe : la
radiographie ne donne pas toujours une certitude car les petits calculs,
qui peuvent échapper à cette investigation, sont quelquefois l'occasion de
douleurs atroces ; la séparation des urines, et surtout le cathétérisme des
uretères ne seront jamais négligés. On arrivera ainsi à retrancher des
névralgies rénales beaucoup d'affections qu'on y rangeait autrefois.
.NÉVRALGIES VFSIC : 11)JS. 915
Traitement. - Il est essentiellement subordonné à la cause : pour
les névralgies symptomatiques, on pourra y ajouter quelques-uns des
moyens- employés contre les névralgies Idiopathiques.
Le sulfate de quinine a donné des résultats dans quelques cas : le bro-
mure, la valériane, réussissent également, mais rantipyrine. le pyra-
inidon et l'aspirine sont de meilleurs calmants. Des injections hypoder-
miques de morphine, d'héroïne ou de dioninc seront pratiquées pendant
les crises. Les révulsifs n'ont guère, d'action; mais des malades se sont
bien trouvés d'une certaine constriction exercée sur la région doulou-
reuse au moyen d'une ceinture élastique ou autre. En tout cas on évitera
l'action du froid.
Si peu rationnelle, qu'elle soit, l'action chirurgical a cependant donné
des améliorations et des guérisons dans presque tous les cas ou elle a été
pratiquée. Aussi, lorsque des névralgies violentes et rebelles ont résisté
à tous les moyens médicaux, on sera autorisé à pratiquer une néphro-
tomie exploratrice. Suivant les circonstances on se bornera à une simple
décapsulation, ou bien on fera une néphrotoinie, avec drainage tempo-
raire. Enfin en présence de névralgies atroces et absolument rebelles, la
néphrectomie est légitime.
, NÉVRALGIES VÉSICALES
NÉVRALGIES VÉSICALES
Sous ce nom on doit comprendre un ensemble syniploniatique carac-
térisé par des douleurs siégeant au niveau de la vessie, indépendantes de
toute inflammation et de toute lésion organique de ses parois et pouvant
mettre en jeu ou altérer ses contractilités. Les douleurs provoquées par
une cystite, un calcul, un néoplasme, la tuberculose, etc.... ne sauraient
donc èlre comprises dans celle classe.
Il semblerait plus simple d'employer le mot cystalgie; mais plusieurs
personnes désignent ainsi à peu près toutes les affections douloureuses
de la vessie; il en résulte une confusion regrettable au point de vue
thérapeutique, le traitement étant différent pour chaque cas; il est fré-
quent en particulier de voir des vessies névralgiques s'infecter par des
manoeuvres intempestives.
Les névralgies vésicules sont idiopatbiques ou symptomatiques.
A) Idiopathiques. Ce sont celles dont la cause n'est, pas définie par
une lésion nettement déterminée et qui tiennent sous leur dépendance
les symptômes vésicaux (Hartmann). Elles deviennent de plus en plus
rares à mesure que les tnoyens de diagnostic se perfectionnent.
On a invoqué les causes les plus diverses : l'hérédité, le rhumatisme,
les névroses, les migraines habituelles, l'alcoolisme, l'arthritisine, la
goutte, la suppression d'un exanthème habituel, la dyspepsie, etc.; loca-
leruent i mcontinence nocturne de l'urine, l'abus du coït, la masturba-
tion, la sperinalorrée. l'irritabilité, la pudeur vésicule, la retenue des
mictions soit habituelle soit accidentelle, la non satisfaction d'un
I'uryri : NEUROL. un
[E DESNOS.]
i)4(i TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE. ' ,
besoin violent ayant été le point, de départ de la névralgie. L'efficacité
de ces causes est foin d'être démontrée; on observe surtout ces névralgies
chez les sujets prédisposés, les névropathes', les hystériques, hommes
surtout, les neurasthéniques.
13) Névralgies symptomatiques. Ce sont des manifestations vési-
cales d'une lésion anatomo-patliologiquc occupant : 1" l'appareil urinaire; : 20 tout autre organe, mais spécialement un organe voisin de l'appareil
urinaire; 5" le système nerveux.
1° Lésions de l'appareil urinaire. Elles peuvent en occuper tous les
organes. -
Pour l'urètre, les lésions bénignes sont plus souvent incriminées que
celles qui comportent une certaine gravité; tandis que les rétrécisse-
ments vrais, serrés ou infectés, y exposent rarement : l'alrésie du méat,
les végétations de celle région, un polype (surtout chez la femme), l'étroi-
tesse du prépuce, congénitale ou acquise et le phimosis, sont des causes
indéniables de névralgies vésicales, car celles-ci ont bien souvent dis-
paru avec la lésion soumise il un traitement approprié. .
Toutes les affections de la prostate peuvent retentir par voie réflexe
sur la vessie, mais la prostatite chronique y prend la plus grande part.
Nous avons indiqué pourquoi les lésions de la vessie elles-mêmes
devaient être séparées des névralgies vésicales; niais on voit souvent une
affection de cet organe laisser à sa place, après sa guérison, un état dou-
loureux qui constitue alors à lui seul toute la maladie ; on les a observés
après la lithotritie, après la guérison d'une cystite, Imite trace d'altéra-
tion- organique ayant disparu.
Ce sont surtout les lésions du rein et de l'uretère qu'il faut dépister.
Parmi elles, trois surtout sont en cause, la mobilité rénale, la lithiase et la
tuberculose. Si le diagnostic de rein fini tant est facile, les deux autres affec-
tions sont parfois d'un diagnostic épineux, surfont la tuberculose urinaire.
On sait que celle-ci commence presque toujours par le rein, très souvent
sans y provoquer des symptômes in situ, mais seulement des symptômes
vésicaux, douleur, gène ou pollakiurie qui eu sont les premiers indices.
2° Lésions des organes voisins. A titre de rareté, on a signalé l'in-
fluence de lésions de l'estomac ou du l'oie, de l'intestin, d'une coxalgie, etc..
sur la vessie, mais les seules affections dont l'action est manifeste et fré-
quente sont celles de l'utérus (fibromes, 1)J(\tTit('s), du vagin (déviations),
de l'anus (fissure, fistule), du rectum et des organes génitaux, les affec-
tions du testicule et plus souvent.. un varicocèle. Remarquons toutefois
que ces réflexes se produisent surtout chez les hystériques ou les prédis-
posés héréditaires.
5° Lésions du système nerveux. Les névralgies vésicales de cet
ordre appartiennent presque exclusivement à l'hystérie et au labes,
quoiqu'on en ait signalé dans la paralysie générale avec des caractères
analogues à ceux des tabétiques. Les crises vésicales peuvent être preta-
]Jéti(lues, et apparaître longtemps avant la maladie confirmée : mais c'cst
NÉVRALGIES VESICALES. - ' 947
à cette dernière période qu'on les observe surtout; elle sont rarement
très prolongées. ' .
Précoces et tenaces dans l'hystérie, elles varient beaucoup dans leur
apparition.
. Symptômes. - Des douleurs et des troubles mictionnels les caracté-
risent : : .
C'est une douleur rétro-pubienne, fixe» continue- ou par accès, irra-
diant le long de la verge,' ou vers la vulve, les aines, le coccyx, le sacrum.
Tantôt spontanée, elle est plus souvent provoquée par les causes occa-
sionnelles les plus variables et les plus opposées, par exemple le repos
prolongé chez les uns, la marche chez les autres, par les températures
élevées ou abaissées ; mais presque constamment par l'état de [réplétion
de la vessie; Une retenue prolongée le provoque; l'effort d'expulsion des'
dernières gouttes y contribue davantage. Ces douleurs procèdent par
crises dont la durée varie de quelques minutes à plusieurs jours : dans
ces derniers cas, elles s'atténuent sans cesser complètement .
Des troubles mictionnels s'y associent presque toujours, souvent
même ouvrent la scène et sont décrits sous le nom à' irritabilité vésicale.
Celle-ci commence par des besoins fréquents, de plus en plus impérieux;
indolores tout d'abord, ils deviennent promptement pénibles, puis dou-
loureux, et peuvent acquérir une intensité extrême, se renouveller 50,
40 fois en 24 heures, parfois toutes les 5 minutes et demeurer incessants.
La douleur est alors constante; elle tient non seulement à la douleur
propre, à la névralgie, mais aux contractions mises en jeu : celles-ci sont
de deux ordres, du corps et du col.
Le professeur Guyon et son école, Hartmann entre autres, ont démontré
que. contrairement à l'opinion anciennement admise, ce sont les conf1oac-
tures du corps qui sont douloureuses : le muscle vésical se contracte sur
lui-même; il en résulte une sorte de crampe dont l'expression est à la
fois la douleur, la fréquence des mictions, l'absence de rétention.
La contracture du col, peu ou pas douloureuse, détermine des troubles
mictiolmels, miction pénible, lente à venir, entrecoupée; le jet est
diminué, au point que l'urine sort goutte' à goutte, ce qui en imposé
pour un rétrécissement. Dans certains cas, cette contraction prématurée
du sphincter amène une rétention incomplète de l'urine.
En général bénignes et d'assez courte durée, les névralgies vésicales
atteignent un degré extrême et prennent des- caractères spéciaux dans lé
labes. Souvent prémonitoires et seul symptôme de la maladie pendant des
mois et des années, elles sont surtout violentes à la période confirmée :
fréquence très grande, irrésistible, faux besoins douloureux, douleurs
post-mictionnelles, parfois si prolongées et si rapprochées qu'elles sem-
blent continues, ou procédant par crises atroces irradiant dans la verge,
les. aines, l'anus et le rectum : elles donnent la sensation d'un corps
étranger offensif de l'urètre ou du rectum. Certaines attitudes les pro-
voquent; d'autres les calment ou les interrompent. '
. [E. DESNOS.]
918 ' TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE.
Que la névralgie soit idiopathique ou symptomatique, la violence, de
ses symptômes contraste avec l'absence presque complète de signes
physiques. Un explorateur parcourt la muqueuse vésicale sans y provo-
quer dé douleur ni même de sensation. Presque toujours, ces vessies
sont dilatables; on peut, surtout en détournant l'attention des malades,
y injecter une quantité normale de liquide sans provoquer le besoin
d'uriner; par le toucher vaginal, ou rectal, la pression sur la vessie est
indolore, et enfin le jet reste plutôt affaibli et la pression vésicale
s'abaisse. Enfin, l'urine ne renferme ni micro-organismes ni éléments
anormaux.
Diagnostic. Il n'est que trop facile de méconnaître les névralgies
vésicales, car toutes les affections de la vessie peuvent donner lieu il des
douleurs, mais il faut rechercher et écarter les lésions matérielles. C'est
en étudiant leurs symptômes propres qu'on les éliminera : nous ne pou-
vons les décrire ni les énumérer ici.
Les cystites présentent trois caractères fondamentaux : fréquence,
douleur mictionnelle, pus dans l'urine; les deux premiers prêtent à
confusion, le dernier ne saurait tromper. Enfin, l'examen de signes
physiques dont l'absence ou la faible intensité contraste avec la violence
des symptômes, conduit au diagnostic.
Pour plus de certitude, on s'aidera du cystoscope qui montrera une
muqueuse vésicale absolument saine en cas de névralgie non compliquée,
malgré des symptômes souvent très violents.
. La confusion est parfois difficile à éviter quand il y a coïncidence de
névralgie et d'autres affections qui sont l'origine du réflexe, comme une
urétro-prostatite, une pyélite déversant du pus qui se mélange dans
l'urine et provoquant des crises vésicales. Un calcul vésical, un néoplasme
peuvent ne donner lieu à aucun symptôme propre et être le point de
départ du réflexe douloureux. Mais un examen local, rigoureusement
conduit, permet d'éviter l'erreur. Rappelons que dans les cas douteux et
difficiles qui, il faut le reconnaître, ne sont pas rares, l'examen cystoseo-
pique et même le cathétérisme de l'uretère sont nécessaires et confèrent
.une certitude.
. Plus difficile est le diagnostic de la cause. Les névralgies vésicales
essentielles sont une rareté pathologique; ce n'est qu'après exclusion de
toute autre affection voisine qu'on sera en droit d'y croire. Il faut
explorer minutieusement, à plusieurs reprises et dans des conditions
différentes, l'urètre, la prostate, la vessie, les reins surtout et les
uretères, la région scrotale; les divers viscères abdominaux; faire des
analyses répétées des urines, chimiques, histologiques et bactériolo-
giques ; enfin rechercher les moindres signes des affections médullaires,
et en particulier du tabès. Dans certains cas, une rétention incomplète
s'établit et suffit pour entretenir la fréquence : les sondages répétés el
l'évacuation régulière suffisent parfois pour amener une guérison. On' se
rappelera enfin que certaines lésions provoquent des douleurs vésicales
- NÉVRALGIES VÉSICALES. - 9M
longtemps avant tout autre symptôme; telles sont la tuberculose et la
lithiase rénales, et le tabès. '
Traitement. Il dépend de la cause à laquelle il faut s'attaquer tout
d'abord : traitement d'un rétrécissement, d'une prostatite, d'un varico-
cèle, des lésions rénales (eaux minérales de lavage et traitement général,
en cas de pyélite ou de lithiase simple, néphrolithotomie quand le
calcul est retenu; néphrectomie si le cathétérisme urétéral montre une
tuberculose unilatérale; fixation par ceinture ou néphrorraphie contre
un rein flottant, etc.). Ailleurs la thérapeutique habituelle du tabès,
de l'hystérie, etc., devront être tout d'abord appliquées.
Si la névralgie de la vessie se complique d'une infection, le traitement
de cette dernière, qui est souvent rebelle, s'impose dans les conditions
ordinaires : lavages simples à l'eau stérilisée, boriquée; s'il y a rétention
purulente ' dans le bas-fond, lavages modificateurs (permanganate de
potasse à ] /1000, oxycyanure de mercure à 1/2000, protargol à 4/1000) :
mais il faut se garder de distendre la vessie et cesser l'injection dès que
le malade accuse le besoin d'uriner. Des instillations intra-vésicales
d'acide picrique (iL1 00) de protargol (10/,[00) sont plus rarement
utiles.
En présence de névralgies essentielles, il faut user de prudence dans
l'emploi du cathétérisme, car ces malades s'infectent très facilement. Il
paraît irrationnel que, le passage de gros béniqués, des instillations sur
le col, soient efficaces, quoiqu'on ait relaté des guérisons obtenues ainsi :
nous ne saurions les recommander, car plus souvent encore elles ont.
causé des exacerbations et des infections vésicales rebelles. Toutefois,
si une rétention incomplète s'établit, même minime, elle augmente les
douleurs et l'évacuation vésicale s'impose. .
Il n'en est pas de même de l'électrisation, galvanique de préférence,
qui est recommandable ; on l'a appliquée au moyen d'une électrode néga-
tive intra-vésicalc ou intra-cervicale, la plaque positive sur la région
lombaire. Il est. préférable de se tenir en dehors de la vessie et d'appli-
quer (Courtade) les électrodes- sur les régions lombaires et hypogas-
triques, en augmentant progressivement l'intensité du courant pendant
5 ou 10 minutes. Les courants de haute fréquence ont aussi donné de
bons résultats.
Enfin et surtout, on s'attachera au traitement général : douches, fric-
tions sèches, bonne hygiène, séjour au grand air, distractions; on évitera
l'isolement qui permet au malade de trop contempler ses symptômes : le
traitement moral a son importance, et la suggestion a réussi; -
[E. DESNOS.]
.950 TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE.
NEVRALGIES URÉTRALES ,
En dehors de l'hystérie et du tabes, les névralgies de l'urètre sont
rares; on les observe lorsqu'une tumeur, un traumatisme a intéressé une
des branches des nerfs honteux. Quant au paludisme, à l'arthritisme,
.ils paraissent rester en dehors- de cette étiologie. . , .
- , Dans l'hystérie, les névralgies* urétrales sont presque toujours liées
aux douleurs vésicales et se comportent avec les mêmes caractères ; très
variables dans leur apparition, pouvant être très légères et de courte
durée, ce qui arrive le plus souvent, durant parfois plusieurs mois, elles
ne sont pas en général augmentées par la miction. .
. La névralgie urétrale du tabès, ordinairement liée à une crise de
névralgie vésicale, peut exister seule; elle procède brusquement, com-
mence à la racine de la verge et s'irradie vers le gland avec des élance-
ments douloureux; la douleur gagne le rectum; elle est. souvent liée aux
douleurs fulgurantes qu'elle précède. Enfin, à chaque miction. le pas-
sage de l'urine provoque une sensation de brùlure plus ou moins vive.
TROUBLES DE LA CONTRACTILITE
DE L'APPAREIL URINAIRE
RÉTENTIONS D'URINE
Lorsque l'évacuation de la vessie ne peut s'effectuer par une miction
normale, il y a rétention : celle-ci est complète lorsque la totalité de.
l'urine est retenue, et incomplète lorsque, après l'émission d'une certaine
quantité de l'urine, une autre partie, grande ou petite, ne peut être
évacuée naturellement, quels que soient les efforts de miction.
Étiologie. La rétention est un symptôme ou une complication de
nombreuses affections du système nerveux.
Dans l'hémorragie cérébrale, après l'ictus, la rétention est aussi rare
qu'est fréquente l'incontinence ; en tout cas elle est rarement de longue
durée, lorsque l'influence du système nerveux est seul en cause; mais
les vieillards frappés par l'ictus apoplectique sont souvent des prosta-
tiques dont la vessie se vide mal depuis longtemps et chez lesquels il
suffit d'une cause adjuvante pour rendre complète une rétention incom-
plète préexistante. Il en est de même dans le ramollissement cérébral.
On l'observe rarement dans les méningites aiguës, par contracture du
sphincter; moins souvent encore dans la méningite tuberculeuse, sinon il
la première période à laquelle la rétention complète ou surtout incom-
plète doit être surveillée. Dans la deuxième, au contraire, les sphincters
vésicaux et rectaux sont relâchés. Elle est plus fréquente dans les ménin-
' RÉTENTIONS D'URINE. 9.')1
gÎtes spinales aiguës; des troubles mictionnels sont de règle, mais il la
rétention succède rapidement l'incontinence.
L'influence des myélites sur la miction varie avec la période de 1 affec-
tion, qu'elles soient aiguës ou chroniques. Au début, presque toujours,
il y a rétention complète; il coup sur, le malade ne vide jamais complè-
tement sa vessie. On dit généralement qu'aux périodes suivantes il y a
incontinence; cette dernière tient surtout au regorgement, la vessie ne se
vidant pas : aussi faut-il toujours s'assurer de l'état d'évacuation de la
vessie. On observe dans la sclérose en plaques les mêmes intermittences
des contractions vésicales que des autres systèmes musculaires. La réten-
tion due à la contraction du sphincter peut durer plusieurs jours,
ce qui est rare, et être telle qu'elle empêche le passage de la sonde;
dans l'intervalle des crises l'évacuation est complète.
Dans la paraplégie, la miction est affectée différemment suivant que le
début est brusque ou non; après un traumatisme, une hémorragie, la
rétention est complète, brusque, absolue. Sa durée est variable, rare-
ment très longue, de quelques jours il 2 ou 5 semaines, sauf exception,
durée d'ailleurs en rapport avec la gravité de la lésion médullaire.
L'incontinence lui succède et résulte, tantôt de mictions involontaires
quand le centre sphinctérien a été touché, tantôt de mictions incon-
scientes quand il y a anesthésie du col et de l'urètre. Quand la para-
plégie est progressive, comme dans lés compressions lentes, la période
de rétention complète ou incomplète est supprimée ou passe inaperçue
et l'incontinence parait primitive.
En présence d'une paralysie générale il semble qu'il n'y ait pas de
phénomènes mictionnels propres à la lésion cérébrale excepté à la période
ultime, à laquelle d'ailleurs l'incontinence est la règle. Aux périodes
moins avancées, les troubles mictionnels se confondent avec ceux du tabès
qu'il nous reste il étudier.
L'étude des troubles mictionnels du tabes, rétention, dysurie, incon-
tinence. ne peut être dissociée. Au début, les troubles consistent en une
hésitation, une lenteur particulière, une force moindre de projection du
jet. Quelquefois, après des efforts de miction infructueuse, quelques
gouttes d'urine s'écoulent involontairement : phénomènes initiaux, très
caractéristiques, prémonitoires, et pouvant exister en dehors de tout
autre signe de tabès. Il est très important de les diagnostiquer et d'éli-
miner par un examen local toute autre cause de dysurie. car on peut
ainsi découvrir la lésion dès le début et l'empêcher d'évoluer; ils sont
rapidement remarqués, s'ils consistent en douleurs, névralgies vésicales
(roy. ce mot) ou autres; ils laissent, en cas contraire, le malade indillé-
rcnt. Leur évolution aboutit assez rapidement il une rétention complète
ou presque complète, qui est douloureuse ou tout au moins pénible
ou gênante : mais cela est rare et le plus souvent l'incontinence appa-
raît la première.
Celle-ci peut être, vraie, et il s'agit alors soit d'une miction involon-
[E. DESNOS.]
9r»2 TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE.
faire, c'est-à-dire de contractions incomplètes et irrégulières ne rencon-
trant plus l'antagonisme des contractions sphinctériennes normales, mais
laissant nettement percevoir l'acte IlIictiol1lH'l, soit de mictions incon-
scientes, l'urine, s'écoulant parce que la vessie et le col, anesthésiés, ne
transmettent plus la sensation du besoin ni de la miction. Ordinairement,
l'incontinence, fausse et apparente, est la conséquence d'une rétention
lentement et sourdement établie, qui a évolué sans (aire naître la sens ! )-
tion il cause de troubles de l'innervation et de l'affaiblissement de la
vessie, ce qui permet au regorgement de s'établir très vite. Ce dernier est
méconnu lorsque les contractions des muscles abdominaux produisent
t'evacuation d'une petite quantité d'urine; aussi est-il indispensable de
s'assurer, par les moyens indiqués ci-dessous, de l'état de réplélion
de la vessie : la constatation précoce de cet étal a sur le pronostic et la
direction du traitement la plus grande influence. Plus lard enfin, l'ineon-
tincnce est absolue, totale et définitive quand la paralysie est devenue
complète.
Chez les hystériques, la rétention est aussi fréquente que l'inconti-
nence est rare. Elle débute parfois avec une attaque, d'emblée complète
et dure des semaines, des mois, des années, ou bien elle accompagne
une paraplégie. Elle doit être cherchée, car elle est souvent liée aune
anesthésie de la muqueuse et peut durer plusieurs jours sans être
découverte; ailleurs elle est intermittente el les besoins d'uriner dispa-
raissent à certaines périodes. La rétention complète est toujours assez
rapidement reconnue, mais l'évacuation incomplète de la vessie reste
souvent inaperçue.
L'incontinence est exceptionnelle dans l'attaque convulsive, ce qlli la
différencie de t'epitepsie; on l'observe passagèrement dans la forme
léthargique ou lorsque la contracture des membres inférieurs persiste :
mais beaucoup des incontinences hystériques qu'on observe sont dues à
du regorgement qu'un calhélérisnie bien conduit fait cesser. Rappelons
le lien qu'on a voulu établir entre l'hystérie et l'incontinence nocturne
infantile et qui est loin d'être démontré.
Citons enfin la rétention qui accompagne les commotions médullaires
et cérébrales, dont la durée est d'ordinaire très courte el qui disparaît
sans laisser de trace; celle de certaines intoxications, par exemple par la
morphine, qui agit sur la vessie par l'intermédiaire du système nerveux :
enfin on l'observe, quelquefois volontaire, chez des déments.
Symptômes et diagnostic. Rien n'est plus simple que de
reconnaître l'existence d'une rétention aiguë; sans parler des 1'01111111"-
morai ifs, les malades qui ont conservé leur sensibilité et leur intelligence
accusent un besoin d'uriner, rapidement pressant, bientôt atrocement 1 dOII-
toureux : s'il y a inconscience, il est rare qu une agitation particulière,
des mouvements dirigés dans le même sens n'éveillent pas t attention du
médecin; celui-ci ne tardera pas ;1 découvrir que le globe vésical est
distendu, et se présente sous la forme d'une tumeur médiane vohotn-
RÉTENTIONS D'URINE. f
neuse. arrondie, souvent douloureuse il la pression qui augmente le
besoin; certaines circonstances (obésité, grossesse, etc.) rendaient
difficile cette constatation, le toucher rectal ou vaginal, joint au palper
hypogastrique, donnerait des signes certains. Quant au catheterisme, dans
ces cas de rétention aiguë, il ne faut le pratiquer qu'avec les précautions
indiquées plus loin..
Le diagnostic des rétentions chroniques, et de celles qui se sont éta-
htics lentement, est souvent des plus épineux. Les sensations accusées
par les malades sont plutôt de nature il induire en erreur, car ceux-ci
se plaignent d'envies d'uriner fréquentes et négligent déparier des efforts
de miction; souvent enfin apparaissent des signes d'infection vésicale et
de cystite : enfin un dernier symptôme se montre : l'incontinence, qui
n'est (pie le regorgement d'une vessie distendue et trompe facilement
sur la nature de ta lésion.
Celle miction par regorgement est très fréquente dans les maladies du
système nerveux et se produit à une époque plus précoce qu'en présence
d'autres lésions urinaires : la vessie, dont l'innervation est depuis plus ou
moins longtemps en état de déchéance, cède, plus facilement et se laisse
distendre, d'où rétention; en est de même de l'appareil sphinctérien.
d'où précocité du regorgement. Aussi ne fera-t-on le diagnostic d'incon-
tinence vraie qu'après le palper recto-hypogastrique et. si celui-ci laisse
des doutes, après le catheterisme. Mais il faut se rappeler que ce dernier
est entouré de gros dangers si on n'apporte pas dans son exécution des
précautions rigoureuses.
Traitement. .Nous savons qu'il faut distinguer deux sortes de
rétentions : rétention complète et rétention incomplète ou stagnation. Les
indications, pour la seconde catégorie, sont multiples et peuvent être
discutées, tandis que la rétention complète commande d'urgence le
cathétérisnie.
a) Rétention complète. Le mot urgence veut dire ici qu'il faut
s'occuper sans retard de soigner le malade, mais en évitant toute préci-
pitation. L'indication d'agir est en effet moins immédiate dans certaines
rétentions d'origine nerveuse que dans d'autres, car des trouhtessensitits
se joignent ordinairement aux troubles de la inutilité et les malades souf-
Irent moins ; de plus l'incontinence par regorgement survient plus rapi-
dément, sorte de soupape de sûreté qui retarde les accidents sans rien
changer aux indications du traitement.
Les rétentions d'origine nerveuse, s'infectent avec la plus grande faci-
lité et l'ascension de l'infection aux voies supérieures est rapide. 11 ne
faut donc jamais sonder sans s'être assuré d'une asepsie absolue. Une
faute contre cette dernière est beaucoup plus dangereuse qu'une attente
de quelques heures de plus.
Si connues qu'elles soient, je crois nécessaire de retracer les règles
du catheterisme en les adaptant à la pratique journalière.
Lue sonde de caoutchouc rouge (sonde de Netaton) est l'instrument
[E. DESNOS.] ]
n : : i4 TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE.
de choix; on la fera bouillir pendant dix minutes dans un récipient où
on la laissera jusqu'au moment de l'usage.
Une solution d'oxycyauure d'ilg a 1/2000 ou de permanganate de
potasse il 1/2000 ou de nitrate de Ag à 1/l1U(1 est utile pour le lavage
préalable du gland et de la verge, mais le savonnage suivi d'un bon
rinçage ù l'eau bouillie suffit. De l'huile d'olives bouillie au moment
même, ou peu de temps avant l'opération est préférable il toute, prépara-
tion antiseptique, nubien on emploiera de la vaseline stérilisée, conservée
dans un tube métallique malléable.
11 est nécessaire de tout préparer d'avance, les récipients contenant la
sonde et l'huile, etc. ou destinés à recueillir l'urine, de découvrir le
malade, d'entourer les cuisses et l'abdomen de lainages ou de couver-
tures et de recouvrir, si possible, ces derniers de linges stérilisés ou
bouillis; puis le malade étant savonné et aseptisé et placé dans la position
horizontale, le médecin se lavera les mains avec, soin, au savon et à la
brosse. L'usage des doigtiers ou des gants de caoutchouc est. si généralisé
aujourd'hui qu'on doit en recommander l'emploi pour la pratique journa-
lière. ?
Placé il la droite du malade, le médecin saisit la verge de, la main
gauche et exerce sur elle une traction assez énergique. saisit de la
droite la sonde dans le récipient refroidi ou après évacuation de l'eau
bouillante, en trompe dans l'huile le premier tiers et, les lèvres
méat étant écartées, l'introduit par petits coups. Dans l'immense majorité
des cas on ne rencontre pas d'autre, résistance que cille du sphincter
membraneux qui cède facilement : la traversée prostatique étant l'aile,
l'urine s'écoule.
Il faut en régler le débit de manière qu'il soit d'autant plus lent, que la
vessie est plus distendue; on bouchera avec le doigt le pavillon de la
sonde, pour ne laisser l'urine s'écouler que par un filet mince, presque
goutte à goutte. La quantité qu'on doit évacuer à un premier sondage
varie avec le degré de la distension; on ne peut fixer de chiffre, mais il ne
faut jamais vider une vessie distendue en une rois. Si me ! ne l'urine
] tarait déjà infectée on introduira dans la vessie, il l'aide d'une seringue ou
d'un injecteur bien stérilisé, de 50 a 100 grammes d'une solution
d'oxycyauurc d'Hg à z/2000 qu'on y abandonnera.
On essaiera d'une sonde béquille de gomme si celle de caoutchouc ne
passe pas; on la fera bouillir de la tneme façon, tout au moins pour un
premier cathétérisnie d'urgence; ou bien d'une sonde bicoudée ou mieux
encore d'une béquille année d'un mandrin il grande courbure : enfin chez
les liomnes jeunes, une sonde bougie il bout olivâtre sera essayée..Mais
ces instruments de, gomme sont quelque peu offensifs; aussi apporte)' : )-
t-on aux manoeuvres la plus grande, douceur; quant aux sondes métalli-
ques et en particulier au vieil instrument dit sonde de trousse, on évitera
toujours de s'en servir.
On répétera le eatbeterismc aussi souvent qu'il sera nécessaire, et en
, INCONTINENCES D'URINE. 955
cas de.difficulté d'introduction on laissera une sonde à demeure. Si la
vessie est infectée, on instituera une médication topique ainsi qu'il est
indiqué ailleurs (V. Infection urinaire).
b) Rétention incomplète. Elle commande aussi le cathétérisme;
la répétition des sondages est subordonnée à l'importance de la rétention,
à l'infection, à la tolérance de la vessie. L'évacuation vésicale régulière,
commencée de bonne heure, empêche la distension du bas-fond vésical
de devenir irrémédiable, et beaucoup d'incontinences dues au regorge-
ment disparaissent. En même temps les reins sont protégés, car la prin-
cipale condition de l'ascension vers les voies supérieures de l'infection
est la stagnation de l'urine dans le bas-fond.
INCONTINENCES D'URINE
Quand l'urine s'échappe de la vessie, soit d'nnc'll1anière continue, soit
par intermittences, sans que le malade en ait conscience ou sans que sa
volonté puisse s'y opposer, il y a incontinence.
En réalité, l'issue involontaire de l'urine résulte de quatre phénomènes
distincts, quoique compris sous une même dénomination qui sont les
suivantes : a, miction involontaire ; le malade éprouve le besoin d'uriner ;
il sait que la miction va s'effectuer et s'effectue, mais il est impuissant
il s'y opposer; b, miction inconsciente : la vessie se contracteet expulse
l'urine, le malade ne s'aperçoit de la miction que parce qu'il se sent
mouillé par l'urine évacuée ; c, incontinence vraie ; les contractions de
l'appareil sphinctérien manquent, l'urine s'écoule constamment; d, incon-
tinence par regorgement : les parois d'une vessie en rétention ont été
distendues ainsi que le col (voir rétention). Ces variétés se retrouvent
dans diverses affections du système nerveux.
"
Étiologie. Pour éviter les redites, je renverrai à l'article rétention
pour plusieurs affections dans lesquelles les deux états de rétention et
d'incontinence se succèdent souvent.
Il en est ainsi de l'hémorragie cérébrale et du ramollissement; l'incon-
tinence succède à la rétention; bien plus fréquente que cette dernière
elle dure plus longtemps quoiqu'elle finisse par disparaître d'ordinaire;
de même dans la méningite et surtout dans la méningite tuberculeuse,
excepté à la dernière période.
L'incontinence constitue un des signes pathognomoniques de l'épi-
lepsie et se produit il plusieurs périodes pendant les accès, les vertiges,
les absences; le malade, perdant connaissance, urine sans le vouloir ou
ne résiste que quelques instants au besoin. Après une crise survenue
pendant la nuit, le fait de trouver le malade mouillé dans son lit a sou-
vent permis de diagnostiquer l'épilepsie. L'incontinence est due, dans
ce cas, il l'exagération de la contraction vésicale liée à l'affaiblissement
du sphincter. On observe aussi, dans l'épilepsie jacksonnienne des émis-
1 ' [E. DESNOS.]
i)S6 . TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE. ' - .
sions involontaires . abondantes produites pap'un mécanisme analogue.
Nombreuses sont les maladies de la moelle dans lesquelles on la ren-
contre dans les myélites aiguës, où elle succède à la rétention; con-
sciente d'abord (miction involontaire) puis inconsciente; de même dans la
myélite diffuse et dans la sclérose en plaques où elle est liée à l'évacua-
tion involontaire des matières fécales ; fréquente dans la maladie de Frie-
dreich, elle est rare, au. contraire, dans la maladie de Little; Dans les
syringomyélies, l'incontinence serait fréquente sticcédant 1(
plus souvent à la rétention; il semble qu'il s'agisse. dans ces cas d'un
regorgement; l'infection est facile.
Enfin, dans les polynévrites, les incontinences (Babinski) s.ont fré-
quentes et d'ordres divers. En présence des désordres- psychiques, on
observe de l'incontinence, tantôt sans rétention, le plus souvent par regor-
gement. S'il y a paraplégie, la dysurie existe toujours, souvent peu mar-
quée ; l'évacuation est lente, difficile ou retardée.
,le n'ai pas à revenir ici sur les incontinences du tabès et de l'hystérie,
celles-ci ayant été étudiées à l'article rétention. Quant à l'incontinence
essentielle, infantile, elle fera l'objet du chapitre suivant :
Symptômes et diagnostic. Suivant que l'on a affaire à des
mictions involontaires ou à une incontinence vraie, l'issue de l'urine se fait
différemment. Dans les deux cas, le malade est mouillé d'urine, mais
dans' le premier, on peut assister à l'émission d'un jet plus ou moins
puissant, par intermittences; dans le second, l'écoulement est à peu près
continu, et il suffit d'observer le méat pendant quelques instants pour
voir sourdre le liquide qui s'écoule en bavant. La miction involontaire
est peu commune et il est rare que le malade accuse le besoin d'uriner :
le plus souvent il y a inconscience. "
Dans l'incontinence vraie, il est très important de distinguer s'il y a
paralysie du sphincter ou regorgement. Un examen est presque toujours
nécessaire. Le toucher recto-hypogastrique donne d'utiles renseignements,
mais seulement lorsque la vessie retient une notable quantité d'urine.
Or, dans certaines maladies du système nerveux, le regorgement s'établit
très vite, nous l'avons vu, et une faible quantité d'urine produit le regor-
gement qui n'a lieu qu'avec une distension vésicale chez d'autres malades,
les prostatiques, par exemple.
Si le toucher ne donne pas une indication suffisante, le cathétérisme sera
pratiqué, avec les précautions extrêmes qui sont indispensables; nous
les. avons expliquées ailleurs (voir rétention).. En cas de retenue de
l'urine, le pronostic est relativement favorable, car des évacuations régu-
lières permettent de faire cesser ou tout au moins de diminuer l'issue
involontaire des urines.
Ces dernières sont ordinairement limpides au début, mais il est rare
qu'elles restent en cet état, car l'infection se produit très rapidement.
Traitement. Il découle de ce qui vient d'être dit et dépend
essentiellement de la lésion nerveuse. Celle-ci a-t-elle détruit ou profon-
INCONTINENCE ESSENTIELLE. U57 î
dément désorganisé l'innervation de la vessie, il n'y a qu'à s'opposera à
l'infection des organes urinaires, résultat qu'on peut toujours espérer et
qu'on obtient souvent.. Dans . les cas de miction involontaire un trai-
tement local, parfois efficace, est souvent dangereux; si l'évacuation tient
à des contractions répétées et violentes du corps vésical, le cathétérisme.
les lavages et autres manoeuvres intra-vésicales sont de nature à exciter
ces contractions. Lorsque, au contraire, les sphincters sont atones. ou
paralysés, on provoquera la contraction au moyen d'instillations portées
dans la prostate ou sur le col vésical, ou encore au moyen de l'électrisa-
lion localisée. Le massage par le rectum a. été également conseillé, mais
a peu d'efficacité; il en est de même des suppositoires contenant de la
strychnine ou de la noix vomique.
La thérapeutique est vraiment puissante dans les incontinences vraies
qui sont, dans la majorité des cas, dues ;i une rétention incomplète.
L'évacuation de la vessie devra être pratiquée régulièrement, même
lorsque la rétention paraît peu considérable. En permettant au. bas-fond
vésical de se relever, on favorise les contractions de tout l'appareil vési-
cal, corps et col, et on en rétablit très souvent les fonctions. On les favo-
risera par des lavages antiseptiques car l'infection est commune dans ces cas.
Enfin, les injections épidurales dont les indications et la technique
seront exposées dans le chapitre suivant, ont été employées contre toutes
les espèces d'incontinence, quelquefois avec succès. 11 en est de même
de la ponction lombaire.
INCONTINENCE ESSENTIELLE
(INCONTINENCE NOCTURNE, INCONTINENCE DE L'ENFANCE, ETC.)
Cette dénomination, acceptée par habitude, est impropre, car les petits
malades ne perdent pas leur urine inconsciemment : le nom de miction
involontaire conviendrait mieux. ,
Elle est symptomatique ou idiopathique. '
A) Symptomatique. 1° La cause réside dans la vessie (calcul,
néoplasme (rare), tuberculose, etc.), ou n'est autre qu'une altération de
l'urine (acidité excessive, albuminurie, glycosurie).
2° Elle est réflexe et due à une malformation de l'urètre, du pénis
(hypospadias, épispadias, phimosis, atrésie du méat, polypes ou tumeurs
urétrales chez la femme, plus rarement à une affection rénale (calcul,
tuberculose, sarcome, etc.).
5° Le réflexe a pour cause une lésion de voisinage (oxyures, polypes
du rectum, vulvite).
4° Il existe une affection nerveuse bien caractérisée (épilepsie, spina-
bifida, mal de Pott, myélites diverses).
Les incontinences qui relèvent de ces causes ne rentrent pas, à pro-
prement parler, dans le cadre des incontinences essentielles, mais elles
[E. DESIVOS.]
058 - TROUBLES.DE.L'APPAREIL URINAIRE.
prêtent- si. souvent à l'erreur qu'il- est nécessaire de les signaler et de les
avoir toujours présentes à l'esprit. On ne peut porter le diagnostic d'in-
continence essentielle que lorsqu'on les a éliminées. Le traitement dé-
coule du diagnostic et la disparition de la cause amène ordinairement la
guérison; toutefois, l'incontinence peut persister dans une certaine me-
sure, se comporter comme une incontinence idiopathique et'réclamer un
des traitements qui seront exposés plus loin.
B) Incontinence idiopathique. z La plupart des incontinents noc-
tures présentent une tare nerveuse personnelle ou héréditaire, hystérie
ou névropathie qu'on retrouve dans chacune de trois espèces suivantes
d'incontinence idiopathique : .
1° Psychique; -
2° Par excitabilité vésicale exagérée ;
5° Par atonie sphinctérienne..
1° Incontinence psychique. -- Les indolents, ordinairement poil akiuri-
ques, pendant le jour, pensent continuellement à leur miction, et cette
idée ne les abandonne pas la nuit; l'incontinence se produit, pendant
un rêve, que celui-ci ait rapport, soit à une vraie, miction, soit aune
idée qui la rappelle, de l'eau qui s'écoule par exemple. C'est pendant le
sommeil lé plus profond que l'acte s'accomplit; il ne réveille pas l'en-
fant et peut se renouveler plusieurs fois en une nuit. A côté de cette
classe, on rangera les paresseux, les enfants qu'éveille à moitié le besoin
d'uriner au milieu d'un sommeil profond, niais qui ne font pas un effort
suffisant pour se réveiller tout à fait.
2° Chez les incontinents par excitabilité vésicale exagérée, on constate
en général une hyperesthésie de la muqueuse urétrale, point de départ
du réflexe vésical. Tout se contracte, corps et col de la vessie, mais la
contraction de ce dernier cède la première et la miction a lieu, souvent
incomplète; que ce phénomène se reproduise souvent, surtout pendant
le jour, et la vessie prendra l'habitude de ne se vider qu'à moitié, d'où
une rétention incomplète. Ce phénomène, beaucoup plus fréquent qu'on
ne le croit, ne constitue pas une forme particulière d'incontinence (Rochet),
mais complique la rétention par excitabilité nerveuse..
a) Quand le sphincter est trop faible, soit congénitalement, soit par
vice de fonctionnement, il ne résiste pas à une pression intravésicale si,
comme pendant le sommeil, la volonté n'est plus là. Le diagnostic en est
facile au moyen du cathétérisme. Le boule d'un explorateur traverse le
sphincter membraneux sans résistance et sans douleur (Guyon), tandis
que l'une et l'autre sont vives dans le cas d'excitabilité vésicale.
Traitement. Les moyens généraux conviennent à toutes les formes
dont chacune réclame en plus une thérapeutique spéciale.
On considérera les enfants comme des névropathes : le grand air, les
douches, l'exercice, le repos intellectuel, et tout ce qui peut les dé-
tourner de l'idée de miction.. S'ils sont lollalciuriducs, il faudra leur
imposer une limite de temps et augmenter de plus en plus l'intervalle
INCONTINENCE ESSENTIELLE. ! 15n
.entre les mictions. La suggestion a donné des succès sur des sujets
impressionnables. Quant au traitement barbare consistant il infliger des
châtiments cruels aux enfants et il les terroriser, il n'a pas de raison
d'être pour les formes d'excitation ou d'atonie musculaire, et, dans la
1'01'1111' psychopatillue, c'est le pire, car l'idée de miction devient fixe chez
ces enfants, et le rêve est ainsi provoqué. Il est plus rationnel de réveiller
les enfants à heure fixe, surtout quand la miction nocturne se fait il une
heure il peu près fixe. On a également conseillé de les faire coucher sur
un plan incliné, la tète dans une position déclive pour éviter que la masse
de l'urine ne pèse sur le col.
Récemment Cathelin a appliqué un traitement chirurgical aux diverses
formes d'incontinence, ce sont les injections epidurates. On les pratique
de la manière suivante. Le sujet étant couché sur le côté gauche, on
délimite au-dessus de la crête sacrée et de chaque côté de l'orifice du
canal sacré, les deux tubercules osseux qui, avec la pointe du coccyx en
bas, forment les angles du triangle inférieur du canal sacré. Une serin-
nue stérilisée de 5 à 10 centimètres cubes, munie d'une longue aiguille
de platine ou d'acier est enfoncée verticalement un peu au-dessous de
la ligne des tubercules sacrés jusqu'à ce qu'on sente qu'elle traverse la
membrane ligamenteuse qui l'orme le canal sacré; puis on abaisse le
pavillon de la seringue qui devient horizontal. On pousse alors l'aiguille
qui pénètre pu toute liberté de ) centimètres environ et on pratique,
l'injection. Le liquide primitivement employé était une solution de
cocaïne, à 0,20/100, dont on peut faire usage à la dose de a centimètres
cubes ou un peu au delà; des résultats aussi bons sont obtenus avec
10 centimètres cubes de sérum artificiel physiologique. Le nombre des
injections varie de 2 il (>; en cas d'insuccès, il est inutile d'aller au delà.
La proportion de succès est assez grande, pour légitimer ce traitement
en lequel il ne faut pas cependant avoir une foi absolue. 11 a réussi dans
plusieurs autres cas d'incontinence, sans que la physiologie explique son
action; la suggestion paraît avoir contribué au succès dans quelques cas.
Un autre traitement chirurgical consiste (.laboulay) il pratiquer des
injections rétro-rectales de sérum physiologique, l'aiguille étant intro-
duite au niveau de la pointe du coccyx permet d'injecter une centaine de
grammes de liquide. Quelques succès ont été publiés.
Ces moyens conviennent seuls dans les cas d'incontinence psychopathi-
que. Dans les autres, on pourra y joindre un des traitements suivants :
1° Incontinence, par excitabilité vésicale. On emploiera les narcoti-
ques et les stupéfiants, soit à l'intérieur, soif en suppositoires. Un vieux
traitement, préconisé par Trousseau et qui réussit souvent, consiste in
donner des pilules contenant de fortes doses d'extrait de belladone, por-
tées successivement il 0, 7, 8 jusqu'à O,'J 5 centigrammes. Depuis on a
employé le chloral, le bromure qui est efficace et enfin, il la dose de 1 il
2 grammes, l'antipyrine et ses analogues, le I)U1UlIidon et l'aspirine.
Localement des instillations de cocaïne, portant sur le col, et dans la
TE. DES1VOS.]
ouo TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE.
prostate ne peuvent donner qu'un résultat éphémère, connue l'action du LUI
médicament lui-même. Enfin, on surveillera l'existence de la rétention,
cette dernière pouvant résulter de contractions prématurées du col.
2° Incontinence par atonie. Celle atonie paraissant résulter d'une
anesthésie du col, on a conseillé de réveiller la sensibilité au moyen de,
cautérisations, soit par des instillations, soit par le porte-caustique, sans
produire de résultats encourageants.
Dans celle forme, le traitement de beaucoup le plus efficace consiste
dans l'élcctrisalion localisée (Guyon). Une olive métallique est portée
dans la portion membraneuse où on la maintient : l'autre électrode
étant placée sur le périnée, on l'ait passer un courant faradique pendant
ai ou 10 minutes; une dizaine de séances sont nécessaires pour la guéri-
son ; on les espace de il à 4 jours.
Le sulfate de strychnine donné il l'intérieur a été conseillé sans grand
succès.
INFECTIONS URINAIRES
(CYSTITE ET l'YI,LITI3) . t
i
J'ai montré ici à plusieurs reprises que l'infection se produisait plus
facilement dans les affections vésicales dépendant dune lésion du sys-
tème nerveux que dans celles d'une autre nature. Celle, disposition dépend
du terrain et de l'agent infectieux. Le terrain est. rendu propice au déve-
loppement des germes par des conditions multiples : la diminution de
l'influx nerveux rend les tissus moins résistants et les troubles trophi-
ques observés dans plusieurs affections nerveuses en sont l'expression la
plus élevée. L'action vaso-dilatatrice prédispose aux congestions rénales,
vésicales et prostatiques, condition favorable au progrès de l'infection.
Dans les cas graves, les malades sont condamnés au lü, décubitus qui
augmente les influences congestives. Enfin la parésie et la paralysie vcsi-
cale ont pour conséquence la rétention, complète ou incomplète, qui
crée, un milieu de culture très favorable.
L'agent infectieux pénètre rarement par voie iicmatogene dans l'appa-
reit urinaire ; l'infection qui parait spontanée est quelquefois produite
par une prostatite ancienne, presque éteinte et latente, un vieux foyer
cl'urétrite, une vaginite ou quelque autre inflammation chronique de
voisinage. Ailleurs, lorsqu'il y a incontinence, par exemple, le relâche-
ment du sphincter permet l'incursion spontanée des micro-organismes
dans l'urètre postérieur et la' vessie. Mais la cause principale de l'infec-
tion est le catueterisme ; je ne reviendrai pas sur les précautions à
prendre (V. Rétentions) mais souvent, malgré tout. il est impossible
d'empêcher la pénétration des germes; aussi ne, devra-t-on sonder, dans
une affection du système nerveux, que, lorsque le diagnostic et le Il'ai-
tement y obligeront absolument.
INFECTIONS URINAIRES. 96 ! 1
Symptômes et marche. - La prostatite ne présente pas de carac-
tères particuliers dans ces affections nerveuses. L'infection vésicale revêt
ici deux formes : tantôt le contenu de la vessie seul est infecté, tantôt
les germes ont produit des lésions sur les parois vésicales. Dans le pre-
mier cas, il y a baclé}'Ïll1'ie simple qui est presque toujours liée il une
rétention complète ou incomplète ; elle n'a pour ainsi dire pas de
symptômes propres : ni douleurs, ni troubles mictionnels, mais l'urine
louche et trouble en masse dégage une odeur fade et fétide, non ammo-
niacale, et très caractéristique. Le pronostic de la bactériurie est sérieux
parce que cette infection vésicale est le plus souvent liée il une infection
de même nature des uretères et des bassinets.
La cystite est due Ù l'inflammation des parois vésicales et apparaît ici
avec ses caractères habituels, fréquence, douleurs, purulence des urines :
mais ceux-ci sont influencés par l'état du muscle vésical, lmrésié ou
excité. Si l'infection envahit une vessie déjà atteinte de névralgie, la
douleur devient atroce, et la fréquence extrême. S'il y a parésie ou para-
lysie vésicale, l'évacuation ne peut se faire malgré les efforts : il y a
toujours rétention incomplète, et, souvent, la muqueuse congestionnée
et oedématiée produit une oblitération du col, où rétention complète.
Dans ces cas, l'ascension aux voies supérieures est rapide et grave d'emblée.
La pyélo-néphrile affecte deux formes, aiguë et chronique, et est tou-
jours ascendante. Dans la première forme, c'est en général après un
cathétérisme septique ou mal conduit, avec évacuation trop rapide par
exemple, que les accidents aigus éclatent : frissons, fièvre intense, dou-
leurs lombaires plus marquées d'un côté, inappétence, soif intense, langue
sèche, tout le cortège, en un lll01, de l'intoxication urinaire aiguë. La
forme chronique peut être tout à l'ait latente, se traduire seulement par
des troubles digestifs, une dysphagie particulière pour les solides, de.
l'amaigrissement ; comme symptômes locaux, on observe des urines
troubles en niasse, ne s'éclaircissant pas par le repos, une légère dou-
leur lombaire et urétérale à la pression et souvent une augmentation de
volume du rein, congestionné, ou distendu par pyonéphrose. Cette com-
plication est commune dans les affections graves du système nerveux el
constitue pour ces malades une cause fréquente de mort.
Traitement. Le traitement préventif a une grande importance
puisque le cathétérisme joue un rôle considérable dans la production des
accidents; je renvoie donc il la technique exposée à l'article « rétention ».
Une fois l'infection vésicale installée, la première règle est de s'opposer
à la rétention : c'est-à-dire qu'on procédera il des évacuations régulières
dont la répétition dépendra de la marche de la maladie et de l'abondance
de l'urine retenue. Une faible quantité, de 40 à 50 grammes par exemple
peut ne nécessiter qu'un sondage chaque jour, surtout si l'amélioration
qu'il produit est rapide. Dans des conditions inverses, il est nécessaire
de sonder 1, (i ou 8 fois par jour : c'est alors que s'impose le maintien il
demeure d'une sonde; il est rarement possible de la laisser constamment
Pil.\TIICI : ¡¡E\JIIOI., (il
[E. DESNOS.]
962 TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE.
ouverte, car les parois de la vessie se froissent et s'irritent à leur propre
contact et à celui de la sonde ; on la fermera avec un fausset qu'on retirera
aussi souvent que la miction sera impérieuse, en ayant soin d'injecter
dans la vessie une petite quantité d'un liquide aseptique avant le retrait
de la sonde, pour maintenir ses parois un peu écartées.
La guérison est parfois obtenue par l'évacuation simple, dans les cas
de bactériurie légère par exemple. Ordinairement, il faut faire des
^lavages; jamais, sous aucun prétexte, on ne distendra la vessie; le lavage
évacuateur consiste à injecter avec une certaine force, sans violence, une
petite quantité de liquide, de 50 à 60 grammes au plus, qu'on laisse res-
sortir immédiatement; on renouvelle cette manoeuvre à plusieurs reprises.
On se servira de préférence d'une sonde de caoutchouc ou de gomme si
la vessie est très encombrée par des mucosités, et d'une seringue plutôt
que d'un laveur à moins qu'on ne soit forcé de confier les manoeuvres
au malade lui-même, ou à un assistant peu expérimenté.
Il faut éviter, autant que possible, les antiseptiques dans les complica-
tions urinaires des maladies nerveuses à cause de la réaction toujours
vive, des troubles trophiques possibles et du peu de résistance des parois
vésicales. L'eau bouillie, avec ou sans addition d'acide borique, est le
liquide de choix; si après évacuation régulière l'infection persiste, on
emploiera l'ou-c5-nnure d'Ilg g a ' 5 . O.oU' J ou le protargol à 500 ou le perman- .
1 J J d 5 0.00 l juU
ganate à 5 oo : mais on se gardera, à moins d'indications particulières,
du nitrate d'argent et du sublimé à cause de la nécrose des tissus qu'ils
tendent à produire. On agira mieux en injectant et abandonnant dans la
vessie quelques centimètres cubes d'une solution huileuse de goménol il
1.1 -i .
ou de gaiacol à 1 Enfin, en présence d'une infection localisée, des
1 0 Jt\)
instillations sur le col et dans la prostate sont indiquées, mais dans ces
cas, le protargol à est préférable au nitrate d'argent pour lequel on ne
dépassera pas le titre de : 2O' Comme dernière ressource, si la douleur
1 l UU
et l'infection, résistaient à- tout, une cystostomie hypogastrique serait
pratiquée.
La pyélite aiguë est surtout justiciable d'un traitement général, séjour
au lit, sudation, boissons chaudes, alcool; on se gardera des antisep-
tiques à l'intérieur dans cette phase; 1 ou 2 grammes de sulfate de quinine
procureront un certain bien-être; cataplasmes sinapisés, ventouses ou
autres révulsifs sur la région rénale; le lendemain de l'accès, purgatifs
légers et régime lacté avec continuation de l'alcool. Dans les urétéro-pyc-
lites chroniques, on s'adressera aussi à l'état général : régime lacto-
végétarien avec quelques toniques ; laxatifs légers et antiseptiques intes-
tinaux ; l'urotropine et l'licllittil à la dose de grammes au maximum
- POLYURIE. i)(j5
rendront quelques services. Localement les révulsifs seront appliqués de
temps en temps. On n'oubliera pas enfin que la pyélile est toujours
secondaire dans ces cas et il faudra en même temps soigner la vessie.
Il est bien rare que le pyélite s'accompagne de distension et par consé-
quent l'action chirurgicale n'est pas souvent indiquée, d'autant moins
que la déchéance générale du malade en détourne; mais en présence
(l'une ly-onépllrmc, surtout si elle est douloureuse, une néphrotomie est
indiquée et prolongera l'existence du malade.
POLYURIE
La polyurie existe il un moment quelconque de presque toutes les
affections du système nerveux, mais c'est tantôt un phénomène banal,
un réflexe qu'on retrouve dans beaucoup de maladies d'autres appareils,
tantôt un symptôme même, des lésions du système, nerveux dans lesquelles
la polyurie se présente avec une signification et une, modalité spéciales.
L'hémorragie cérébrale donne lieu presque toujours il une polyurie
d'abondance variable, mais la quantilé rendue dépasse toujours le chiffre
normal, atteint parfois 3 ou 4 litres après l'ictus, se prolonge pondant
plusieurs jours et même plusieurs semaines. Il en est de même du
ramollissement. Cependant une cause d'erreur résulte, d'une rétention
méconnue : ces malades, vieillards déjà prédisposés par une hypertrophie
prostatique, ont de l'incontinence, par regorgement, qui détourne de
l'idée de rétention, mais celle-ci est par elle-même une cause de polyurie.
qui dans certains cas n'est nullement de nature nerveuse, et cesse dès
qu'on vide, la vessie. -
La' polyurie. s'observe il la suite de traumatismes du crâne et de la
moelle, surtout dans les lésions du 4" ventricule, principalement les
fumeurs; elles est alors constante et prolongée et s'accompagne ordinai-
rement de glycosurie et de phosphaturie. La persistance, et l'abondance
de la polyurie indiqueraient une atteinte des noyaux du bulbe.
Signalée dans la sclérose en plaques, la polyurie est fréquente dans le
tabes; elle procède par crises paroxystiques, soit qu'elle accompagne
les crises de névralgies rénale ou vésicale, soit que la « crise d'urine »
se maintienne en dehors de toute douleur. La encore il faut surveiller la
rétention incomplète, fréquente chez le tabétique et cause par elle-même
de polyurie.
C'est dans l'hystérie qu'on la voit acquérir son maximum d'intensité;
elle se présente sous plusieurs aspects : le plus souvent des crises pas-
sagères de polyurie, relativement, peu abondantes, surviennent ou accom-
pagnent les crises d'hystérie pendant lesquelles les malades peuvent uriner
à ou (i litres en quelques heures. La polyurie permanente est plus rare,
surtout chez la femme ; le début en est brusque ou insidieux, s'accompa-
gnant souvent d'une rétention incomplète plus ou moins prononcée. On
« signalé jusqu'à 15, : W, même : 2;) litres d'urine rendue en 24 heures,
[E. DESNOS.]
964 TROUBLES DE. L'APPAREIL URINAIRE.
chiffres invraisemblables qui éveillent l'idée de supercherie. Toujours
est-il que le produit de la sécrétion rénale peut être considérable, le
chiffre de l'urée augmentant parallèlement jusqu'à 45. grammes et même
au delà. La soif est intense et la polydypsie en rapport avec la diurèse.
La durée est dans ce cas indéfinie et atteint plusieurs années, jusqu'à
8 et 10 ans. "
En dehors de l'hystérie, les neurasthéniques sont sujets à de fré-
quents accès de polyurie; rarement .celle-ci est continue et spontanée,
mais chez eux une cause futile, matérielle ou morale, en provoque l'appa-
rition ; elle prend quelquefois des proportions, considérables. Il faut
reconnaître d'ailleurs que des sujets qui n'ont aucune tare ont parfois
de. la polyurie nerveuse sous l'influence d'une émotion.
. Diagnostic. - La conséquence de la sécrétion exagérée est la
fréquence des besoins, parfois la vessie se distend et présente une cer-
taine rétention, ou au contraire la répétition incessante des besoins
éveille une sensibilité, puis une contractilité exagérée et la névralgie,
tout au moins l'excitabilité vésicale est créée.
La quantité d'urine rendue impose le diagnostic, mais on ne doit con-
clure à l'origine nerveuse que lorsque toute idée de lésion. organique aura
été écartée. On surveillera la rétention incomplète qui est elle-même une e
cause de sécrétion excessive ; si on la soumet à des évacuations régu-
lières,, on fait cesser la polyurie. On recherchera les moindres signes de
néphrite interstitielle, et de toutes les autres lésions rénales ; car ici les
deux causes peuvent se superposer et un calcul rénal, une pyéliic chez
un neurasthénique amène souvent une polyurie qui fait défaut dans
d'autres conditions. '
Traitement. La polyurie n'est qu'un symptôme; c'est, donc la
maladie génératrice qu'on traitera tout d'abord, s'il est possible. On évi-
tera les moyens thérapeutiques destinés, théoriquement à diminuer la
sécrétion rénal.e, tels que les opiacés, car ils congestionnent le paren-
chyme rénal. On s'efforcera plutôt de diminuer progressivement la quan-
tité de liquide ingérée.. La suggestion a donné des résultats à Babinski
dans la polyurie hystérique. On obtiendra de bons effets des dérivatifs,
en agissant sur la surface cutanée au moyen de frictions sèches, de dou-
ches et de bains d'air sec et chaud,. plutôt que de douches de vapeur. De
même, des laxatifs et des purgatifs sont indiqués. Quant aux médica-
ments tels que les balsamiques, l'ergot de seigle, la noix vomique ou la
belladone qui ont été tour à tour conseillés sans indication précise, leur
efficacité est tout au moins problématique.
AKL : i ! H ? OLIGURIE. 9gaz
ANURIE OLIGURIE
La suppression ou une grande diminution de la sécrétion urinaire est
signalée dans un certain nombre d'observations de maladie du système,
nerveux. Dans le tabès, dans le tétanos, dans des cas de compression
médullaire on a vu la quantité d'urine tomber à 200 ou 300 gr. et
revenir à la normale à mesure que la lésion (traumatique) s'améliorait.
On pourrait encore rattacher au système nerveux les anuries consécu-
tives aux traumatismes graves et aux brûlures étendues, car c'est par voie,
réflexe que cette inhibition de la fonction rénale se produit.
C'est dans l'hystérie qu'on observe les faits les plus remarquables
d'anurie complète, qui est rare, ou d'oligurie, qu'on voit souvent. Comme
tous les phénomènes hystériques, l'anuric peut survenir brusquement
après une attaque ou s'installer peu à peu. Elle est tantôt intermittente et
de courte durée, tantôt elle persiste longtemps ; on a signalé les
durées invraisemblables de plusieurs semaines et jusqu'à cinquante
jours 11). Les hystériques résistent, à cette absence d'élimination si bien
et si longtemps, qu'on est toujours tenté de rechercher la supercherie.
Il y a toujours alors des phénomènes vicariants, vomissements, sueurs
profuses, sialorrée, diarrée, etc., puis tout à coup l'urine reparait, mais
en faible quantité.
L'oligurie hystérique persiste parfois pendant des mois et des années,
sans donner lieu à des troubles notables de la santé. On voit l'urine
tomber à 00, 50, même 20 grammes dans les vingt-quatre heures; à
cette diminution de quantité correspond un abaissement de l'élimination
de l'urée, dont quelques grammes à peine (6, 4 et même 2 1/2) sont
retrouvés dans la masse totale expulsée. Il en est de même des chlorures.
Dans ces cas intenses, on observe souvent de la diarree, ou des vomisse-
ments contenant de l'urée.
Exception l'aile pour l'hystérie, où l'anurie plus ou moins prolongée
existe bien réellement sans lésions rénales, on n'acceptera qu'avec réserve
les observations d'anurie due exclusivement à l'influence du système
nerveux; car les observations sont nombreuses dans lesquelles l'autopsie
ou une opération chirurgicale a démontré l'existence dans le rein de
lésions graves (calculs, suppurations anciennes, allant jusqu'à la destruc-
tion du parenchyme, néphrite avancée, etc.), qui étaient restées mécon-
nues.
Le traitement a peu d'influence sur l'anurie ou l'oligurie hystérique.
Dans celle forme connue dans les autres, les révulsifs, les dérivatifs
appliqués sur la région rénale, sont d'une certaine utilité. On n'emploiera
la médication diurétique qu'avec beaucoup de ménagements pour ne
pas augmenter la tension sanguine ni provoquer des congestions
rénales. On évitera les médicaments toxiques, tel que la digitale et ses
[E. DESNOS]
966 TROUBLES. DE L'APPAREIL URINAIRE. ,
succédanés, qui risqueraient de ne pas être éliminés, ainsi que les
injections abondantes de sérum artificiel.
Enfin, dans les cas graves où la suppléance de l'élimination ne se fait
pas par d'autres organes et où la vie est menacée, une opération chirurgi-
cale peut rendre de grands] services ; une néphrotomie avec drainage ou
une décapsulation est de nature, non seulement à éviter les accidents
graves immédiats, mais à. rétablir la sécrétion rénale en faisant cesser la
congestion du rein. . - ' y .
NÉVROPATHIE URINAIRE
LES faux urinaires
Les maladies de l'appareil urinaire sont peut-être, entre toutes, celles
qui frappent le plus l'imagination. Sous l'influence d'une cause futile,
un entretien, la lecture d'un livre de médecine, d'une annonce de
journal, surtout de petites publications éhontées faites dans un Lui
inqualifiable, ou les conclusions hasardées d'une analyse d'urine, appa-
raît et s'installe dans l'esprit d'un sujet l'idée d'un rétrécissement, d'un
calcul vésical, d'une albuminurie, etc., qui n'existent pas et dont les sym-
tômes mêmes manquent absolument. Ce sont de vrais malades imagi-
naires dans l'esprit desquels il est assez facile de faire pénétrer la convic-
tion de l'absence de la lésion redoutée, en leur démontrant, par
exemple, par l'introduction d'un gros Béniqué, qu'ils n'ont pas de rétré-
cissement. Mais il n'en est pas toujours ainsi et, en plus, à côté de ceux-
là, existent d'autres malades qui créent de toutes pièces un ensemble
symptomatique dont ils souffrent réellement.
On retrouve souvent chez eux une tare nerveuse héréditaire ou indivi-
duelle. Beaucoup ont eu dans leur enfance de l'incontinence nocturne
ou, tout au moins, de la pollakiurie. Bien que guérie, celle-ci laisse
l'esprit du malade porté vers ses organes génito-urinaires, dont il analyse
constamment le fonctionnement. Il en résulte une exagération des sensa-
tions normales, une fréquence plus grande, quelquefois réelle, souvent
voulue, le malade examinant à tout instant comment se comporte le jet
d'urine. Ailleurs, et plus souvent, c'est à la suite d'une cause occasion-
nelle, une blennorragie, une cystite, un traumatisme qui a mis en jeu la
sensibilité de l'appareil urinaire; les symptômes, normaux, surtout le
reliquat de la maladie, sont amplifiés il l'infini par l'imagination du
malade. Toutes ces causes sont exagérées par des conditions adju-
vantes : la lecture de livres. de. médecine, des avis pseudo-médicaux,
donnés par des industriels sans aveu, etc., qui ne servent qu'à exaspérer
ces symptômes.
Si variées que soient ces causes, elles aboutissent à des symptômes qui
rentrent dans un cadre assez facile à limiter, et qui forment deux
groupes : pollakiurie et difficultés de la miction.
11VROPATIIII; URINAIRE. 967
La pollakiurie reconnaît parfois pour point de départ une lésion ana-
tomique bien caractérisée, comme lorsqu'elle succède à une cystite blen-
iiorragique. Elle est très variable dans son intensité et sa modalité, cesse
ordinairement la nuit ou lorsque l'attention du malade est concentrée
ailleurs. Elle peut s'éteindre et diminuer, mais plus souvent elle
s'aggrave et .aboutit à une névralgie vésicale.
1 : ) . ZD
La névropathie urinaire arrive à produire aussi des troubles de la mic-
tion : celle-ci devient hésitante, se fait goutte par goutte; c'est le bégaie-
ment urinaire, premier indice du spasme 1l1'élrai. Cette contraction
prématurée du sphincter détermine un certain degré de rétention d'urine
incomplète, très peu marquée d'abord et intermittente, puis perma-
nente : elle constitue alors une maladie véritable à lésion caractérisée,
que l'absence de- traitement aggrave et accentue. Parfois, la rétention est
complète.
Ce spasme urétral est souvent pris pour un rétrécissement de l'urètre,
notion qui augmente l'hypocondrie du malade. Le diagnostic est facile.
et il faut en faire la démonstration au malade.
Le traitement moral est le seul qui convienne. Tout au plus peut-on,
lorsqu'on a constaté l'intégrité des voies urinaires, pratiquer quelques
sondages comme moyen de suggestion ou, comme on l'a prétendu, pour
émousser la sensibilité de l'urètre, moyen à n'employer qu'avec ména-
gements, car on risque d'infecter la vessie et même d'augmenter la sen-
sibilité au lieu de l'amoindrir.
\E. DESNOS ]
TROUBLES DE L'APPAREIL GÉNITAL
-par le Dr E. DESNOS
- PRIAPISME
On comprend'sous ce nom des phénomènes assez différents; d'une
part une répétition très fréquente des érections, d'autre part une prolon-
gation anormale de celles-ci ; dans le premier cas le priapisme s'accom-
pagne d'une augmentation considérable du sens génésique; dans le
second tout désir vénérien peut être et est souvent absent; l'érection est
même souvent -Luie cause de douleurs.
. On le retrouve dans les maladies qui conduisent à l'onanisme, l'idiotie.
la démence, le crétinisme, etc. La fréquence de la masturbation déter-
mine une congestion habituelle des organes génitaux dont le développe-
ment prend parfois des proportions considérables. C'est dans ces cas que
les douleurs de l'érection se manifestent; l'éjaculation, trop souvent solli-
citée, ne pouvant plus se produire, un spasme douloureux du périnée
s'accompagne d'irradiations douloureuses au scrotum et au pénis.
Le priapisme est un symptôme des lésions des tubercules quadri-
jumeaux, ainsi que de celles de la moelle cervicale et du centre génito-
spinal ; l'érection se produit au moment de la pendaison et persiste sou-
vent après la mort. ;
Il n'est pas rare chez les neurasthéniques, chez lesquels on observe
d'abord des éjaculations hâtives et précipitées, puis des pollutions noc-
turnes. Bientôt apparaît une sensibilité excessive de la verge, du scrotum
et du périnée, qui provoque l'érection au moindre attouchement ou il
toute pensée lubrique ou génitale. Très rapidement, la volupté de l'or-
gasme vénérien diminue et est même remplacée par un sentiment de
brûlure pendant l'éjaculation. Enfin les pertes séminales augmentent et'
l'appétit sexuel disparaît; il en résulte une impuissance imaginaire.
Dans l'épilepsie, on voit souvent des érections prolongées et répétées
suivies ou non d'une éjaculation qui précède l'attaque. Ailleurs au con-
traire, une éjaculation suit cette dernière à court intervalle.
Le priapisme est un symptôme du début de la sclérose en plaques,
mais cette période dure peu et fait place rapidement à l'impuissance
définitive. Il en est de même dans la paralysie générale.
Dans le tabès les troubles génitaux sont variables. Au début on observe
SPEMIATOJuuOE. non
une excitation anormale, des désirs vénériens exagérés, suivis d'éjacula-
tions prématurées, tellement hâtives parfois qu'elles se l'ont à la vulve;
quant au priapisme véritable, c'est-il-dire il la prolongation très longue
d'une érection, il est plus rare. Bientôt l'éjaculation cesse d'être volup-
tueuse et s'accompagne d'une douleur et surtout d'une sensation de brll-
ture au niveau du cordon, des testicules. Ailleurs des phénomènes
bizarres se montrent, tel que la sensation d'un corps étranger dans le
rectum. Quoiqu'on ait vu des tabétiques conserver longtemps leur puis-
sance et même leur excitation génitale, la règle est de les voir rapide-
ment disparaître; l'inappétence sexuelle devient complète et l'érection
ne peut plus être provoquée.
De ces phénomènes nous rapprocherons les crises clitoridiennes de la
femme dans le tabès; elles consistent en une scnsatiolll'rotiqup, se répé-
tant si souvent chez certaines malades que la sensation et le désir sont
constants; elles présentent des paroxysmes qui sont de véritables spasmes
vénériens. A ces symptômes s'ajoutent des crises vulvo-vaginates qui ne
sont autres que des crises de vaginisme. c'est-à-dire des contractures
des muscles constricteurs du vagin, rarement accompagnées de sensations
voluptueuses au début, et aboutissant toujours à une douleur vive, an-
goissante et très prolongée. De telles crises sont provoquées par un
simple attouchement, aussi le coït est-il impraticable et la stérilité en est
la conséquence.
Traitement. C'est il la cause même qu'il faut s'adresser tout
d'abord; comme moyens locaux et préventifs on évitera de provoquer la
congestion des organes pelviens, le décubitus au lit ou la station assise
trop prolongée; on interdira au malade les lectures et les fréquentations
susceptibles de lui rappeler des idées erotiques; des bains généraux et
surtout les douches, les l'rictions au gant de crin [seront utiles. La mé-
dication bromuree procure quelquefois une certaine sedatiou, mieux que
la valériane; l'antipyrine, le pyraniidon ont réussi dans quelques cas.
- t " "
SPERMATORRÉE
Nous désignerons ainsi toute issue du liquide spornialiquc non pro-
voquée par le coït ou des pratiques d'onanisme.
Elle est a) physiologique ou b) pathologique.
a) Spermatorrée physiologique. Les pollutions nocturnes en
représentent le type. Sous l'influence d'un rêve erotique l'éjaculation se
produit, réveille le sujet pour lequel il n'en résulte aucune fatigue ni
inconvénient d'aucune sorte, faisant au contraire souvent cesser un
malaise moral et des préoccupations erotiques. Elles se, renouvellent
plus ou moins souvent, selon les dispositions individuelles, le tempé-
rament et surtout la prolongation de la continence. Mais elles n'en-
traînent jamais aucune conséquence fâcheuse excepté chez les 11l'\-l'(1-
pathes, dans des conditions que nous aurons il déterminer.
[E DESNOS ]
a170 ' TROUBLES DE L'APPAREIL GÉNITAL.
L'écoulement du sperme se produirait, suivant quelques auteurs,
pendant la défécation par la pression du bol fécal, chez les sujets qui ont
observé une continence prolongée et dont les vésicules seraient en état
de réplétion. 11 est rare qu'il s'agisse de spermatorrée dans ces cas, et la
prostate est bien plus souvent en cause. L'examen microscopique montre
assez souvent, il est vrai, quelques spermatozoïdes dans le liquide ainsi
excrété, mais leur rareté même permet de le distinguer du sperme dont
nous n'avons jamais vu une véritable expulsion par ce mécanisme. De
plus, par le toucher rectal, on trouve une prostate amplifiée, bosselée et
sensible; à l'aide d'une pression modérée sur sa face postérieure on
expulse du liquide, tandis 'qu'en agissant de même sur les vésicules on
les trouve normales sans qu'une pression du doigt produise le moindre
suintement. ¡Il .est bon de connaître ces détails pour rassurer des sujets
toujours- timorés.
Nous ferons la même réserve, plus expresse encore, pour les pertes
du sperme qui se produiraient pendant ou après la miction. Sans doute,
on peut retrouver au microscope quelques spermatozoïdes mélangés à
l'urine, chez des individus continents depuis longtemps ou soumis des
érections prolongées; mais le fait est exceptionnel. Quant à la description
du sperme mélangé à l'urine, quelquefois reproduites depuis Lallemand
et Trousseau, elle repose sur une erreur de clinique; les corpuscules,
le nuage floconneux ainsi décrits n'ont aucun des caractères du sperme
et sont des productions muco-purulentes (Malécot). ,. -' '
b) Spermatorrée pathologique. La spermatorrée est un symptôme
et n'a d'autre gravité que celle qui s'attache à la lésion première. On la
constate dans un grand nombre d'affections cérébrales et médullaires,
dans presque toutes les formes de l'aliénation mentale, chez les idiots,
qu'elle soit ou non précédée de masturbation, dans la syphilis cérébrale
et surtout dans la paralysie générale à la première période. Elle est au
début accompagnée d'érection, mais peut survenir ensuite clans l'étal de
flaccidité de la verge. On l'a signalée dans la méningite, dans la contusion
et la commotion cérébrale. Elle accompagne souvent l'hystérie et
l'épilepsie.
Plus souvent la spermatorrée est symptomatique d'une affection de la
moelle dont l'influence sur l'éjaculation. est certaine ; l'éjaculation
au moment de la pendaison constitue une sorte de preuve expérimen-
tale. Assez rare dans la myélite transverse, on voit fréquemment la
spermatorrée dans la compression lente de la moelle, sous forme du'1,1-
culations involontaires non perçues, dans la syringomyélie où elles sont
douloureuses. Enfin, et surtout dans le tabès à l'a période initiale, sou-
vent même les excitations génitales apparaissent avant tout autre signe et
ont pu être considérées comme une cause plutôt que comme un effet du
tabès.
Les causes psychiques ont la plus grande importance. Nous ne revien-
drons pas sur les rêves et l'influence des lectures, des fréquentations,
SPERMATORRÉE. i)7) I
des souvenirs. Mais une émotion, un effort d'attention très prolongé, la
crainte de ne pas voir un désir se réaliser, peuvent déterminer une
pollution, seulement, il est vrai, chez des sujets névropathes. C'est ex-
clusivement dans ces cas que l'existence d'une spermatorrée diurne
paraît réelle. Tous ces sujets ont une tare nerveuse héréditaire ou per-
sonnelle, beaucoup ont eu de l'incontinence d'urine nocturne infantile.
D'autres sujets sont conduits de même à une spermatorrée imaginaire.
Il s'agit en général d'hypocondriaques, issus de parents nerveux ou
alcooliques qui, après avoir remarqué un phénomène qui les étonne, tel
qu'un suintement de liquide urétral après une demi-érection, sont hantés
de l'idée de pertes séminales. Aidés par des conseils intéressés, par des
praticiens sans scrupules vers lesquels ils se dirigent fatalement, par la
lecture de brochures éboulées, ils se font une science fausse et refusent
de se laisser convaincre. Peu il peu ils se reconnaissent une série de sym-
ptômes : troubles digestifs, faiblesse générale, palpitations, vertiges,
sensations de vide, crainte de la folie, etc. Plusieurs deviennent de véri-
tables aliénés ou sont portés au suicide.
Diagnostic. - Deux points sont à considérer : y a-t-il spermatorrée ?
de quelle nature est-elle ?
Les causes d'erreur sont nombreuses. Le liquide observé après une
érection, clair, filant, analogue à du blanc d'oeuf est du liquide des
glandes de Cowper. Le, liquide plus visqueux, laiteux, expulsé pendant
les efforts de défécation vient de la prostate. Enfin, on se méfiera des
analyses histologiques faites sans compétence suffisante et d'une inter-
prétation hasardée de leurs résultats. Des conclusions risquées ont con-
duit des malades à l'hypocondrie et même au suicide.
D'ailleurs la constatation de la présence de spermatozoïdes dans l'urine
ne suffit pas pour établir le diagnostic, car celle-ci peut avoir été
recueillie peu de temps après une éjaculation, de même que quelques-
uns de ses éléments sont parfois entraînés par l'urine chez des sujets
continents depuis longtemps,' ce qui constitue un phénomène physio-
logique. Enfin, on aura souvent à combattre l'erreur de malades qui
prennent pour du sperme le produit purulent d'une urétrite ou d'une
prostatite chronique.
Quant au deuxième point du diagnostic, la spermatorrée ayant été
démontrée réelle, il suffira, pour en rechercher la nature, de se reporter
il l'examen des causes que nous avons énumérées.
Traitement. Tout d'abord, on s'adressera il la cause, la lésion
nerveuse, s'il est possible. La médication symptomatique pourra toujours
être employée comme adjuvant, mais elle n'a une réelle efficacité que
dans les cas simples d'irritabilité nerveuse. .
On établira une bonne hygiène, : exercice au grand air, exercice cor-
porel, susceptibles de produire une fatigue réelle, hydrothérapie et bains
de nier, séjour aux eaux minérales, électrisation, surtout sous forme de
courants de haute fréquence, suppression des travaux intellectuels, de
[E. DESNOS.]
972 ' . TROUBLES- 'DE L'APPAREIL -GÉNITAL.
,. ,
toute préoccupation si possible. Enfin, on fera cesser la continence si elle
est trop prolongée. . '
La médication interne est rarement indiquée et l'action des anti-
spasmodiques est loin d'être démontrée; il en est de même des moyens
locaux tels que les révulsifs au périnée. Plus efficaces seront les anneaux-
réveils dont on entoure le pénis et qui, au moment de l'érection, pro-
duisent le réveil, soit parce qu'ils sont armés de pointes- cachées, soit
1)arce qu'ils actionnent une sonnerie électrique.
Ellfin on agira surtout sur l'état mental du sujet, en lui démontrant la
bénignité de son .affection et en lui faisant voir la fausseté des consé-
quences graves qui lui ont été annoncées. La suggestion agit souvent sur
ces. nerveux.
13YSPEÀZMATISME
On désigne sous ce nom les perturbations apportées à l'émission régu-
lière du sperme alors que l'érection est normale (Pousson). Nous laisse-
rons de côté celui qui est dû à des lésions matérielles, à la présence d'un
calcul ou à l'oblitération du conduit éjaculateur à la suite de funiculite ou
d'orchite, pour nous occuper du dyspermalisme fonctionnel, sous l'in-
fluence d'une affection psychique ou nerveuse.
L'anesthésie des organes génitaux peut retarder indéfiniment l'éjacula-
tion, ainsi qu'on l'observe dans l'hystérie et surtout dans le tabès à la
première période. Elle annihile le point de départ des réflexes par un phé-
nomène d'inhibition; c'est ce qu'on voit aussi chez les convalescents, les
personnes affaiblies par l'âge, par des excès de toute nature, vénériens
et -surtout alcooliques : dans ces derniers cas, le dyspermatisme est tem-
poraire. 1 .
Sous l'influence de troubles psychiques, l'éjaculation peut être arrêtée :
celle-ci se produit, à l'état normal, parce que le sperme, emprisonné et
comprimé entre le sphincter de la vessie et celui de la région membra-
neuse, trouve subitement une issue par le relâchement brusque de ce
dernier. Que cette contraction antérieure ne cesse pas, et l'éjaculation
sera nulle : le sperme s'écoulera plus tard en bavant. Ailleurs, c'est le
sphincter interne qui cède et l'éjaculation a lieu dans la vessie. Enfin,
dans une troisième variété (Pousson), tout l'appareil sphinctérien contrac-
ture efface complètement la cavité de l'urètre .prostatique où rien ne
peut plus faire irruption, ni des vésicules, ni de la prostate, ni des déte-
rents : cette rétention en amont donne lieu à des douleurs très vives au
moment de l'éjaculation (colique spermatique. Reliquet).
Enfin la destruction du centre génito-spinal produit le même effet (frac-
tures de la colonne, plaies de la moelle, inflammations transverses, etc.).
Il en résulte un retard ou une absence d'éjaculation, une perturbation
dans les sensations voluptueuses qui sont atténuées ou prolongées;
ONANISME. 973
presque toujours une douleur ou une gêne périnéale est accusée. Le
mélange du sperme à l'urine peut faire croire à une spermatorrée qui
n'est pas réelle.
Le dyspcruiatisntc s'observe chez des névropathes exclusivement, mais
on relève presque toujours des causes occasionnelles, excès vénériens,
fraude pendant le coït, efforts intentionnels pour retarder l'éjaculation,.
manoeuvres libertines, surtout, chez les vieillards.
Traitement. Il faut tâcher de faire cesser les préoccupations et
empêcher le point de départ psychique. Le traitement se confond donc avec
celui de la spermatorrée sur presque tous les points; toutefois, lorsque,
la cause provient d'une gène ou d'une douleur ayant son siège dans les
organes génitaux, on recherchera la lésion première à laquelle on appli-
Huera un traitement approprié.
f ONANISME
*'
N'ayant considérer ici cet acte contre, nature que dans ses rapports
avec le système nerveux, nous ne pouvons en aborder l'étiologie, car
dans la plupart des cas, on se demande si l'onanisme est cause ou effet
de la maladie nerveuse.
L'influence de lésions du cervelet, considéré autrefois connue centre
g"t"l11lal, n'est plus acceptée aujourd'hui : par contre, des lésions de la
moelle cervicale, du centre génito-spinal ont pu déterminer le dévelop-
pement de l'onanisme. ? Presque tous les niasturbateurs, dans l'un et l'autre sexe, sont prédis-
posés par une tare héréditaire, telle que l'aliénation, l'hystérie, l'alcoo-
lisme. Dans ces conditions, les enfants se trouvant réunis au milieu
d'agglomérations, dans un pensionnat, par exemple, où cette habitude est
malheureusement, si fréquente, la contractent en compagnie de leurs
camarades; mais, alors que chez la plupart d'entre eux, ce vice est léger
e) éphémère, il acquiert chez les prédisposés une, intensité extrême et
a» accentue au lieu de se perdre a l'âge des rapprochements sexuels.
. Il est fréquent chez les idiots, les crétins, les imbéciles, chez lesquels
on retrouve souvent en même temps une malformation génitale (hypo-
spadias, herlllaphroditisme, cryptorchidie, etc.). Les épileptiques s'y
livrent souvent : on voit la crise éclater après des actes anormaux, ail-
leurs, an contraire, la crise est venue lorsqu'on a empêché une pratique
onanique habituelle. Les déments, les maniaques se livrent avec rage à
la masturbation : on cite des cas où cette habitude cesse quand les accès
de démence disparaissent : ailleurs c'est, au contraire, la reprise de la
masturbation qui les provoque.
l'ans la paralysie générale, l'onanisme est souvent un signe du début
l'i doit mettre sur le voie du diagnostic quand il apparaît chez des sujets
qui, ne s'y livraient pas auparavant, surtout s'il s'accompagne d'actes
. i [E. DESNOS.]
074 TROUBLES DE L'APPAREIL GÉNITAL.
publics. Les érections. fréquentes^ du tabes au début peuvent conduire à
l'onanisme. .
Que dans cette catégorie de faits l'onanisme soit cause ou effet, il est
certain qu'on doit tâcher de l'arrêter ou, encore. mieux, faire de la pro-.
phylaxie. Distractions, exercices physiques, douches, dépaysement, éloi-
gnement de tout ce qui peut provoquer les idées lubriques. Les rnoyèns
de coercition (camisoles de force, liens pour fixer les bras, appareils de
protection des organes génitaux) réussisent rarement.
IMPUISSANCE
On désigne sous ce nom l'impossihilité d'accomplir le coït parce que
les érections sont ou absentes, ou assez peu complètes et prolongées
pour permettre l'accouplement.
Quelquefois elle constitue un symptôme d'une lésion cérébrale ou
médullaire; ou bien elle est d'origine psychopathique. Plus fréquente
dans les maladies de la moelle, on l'observe dans certaines affections
graves de l'encéphale, telles que l'hémorragie ou le ramollissement, et
dans la paralysie générale; toutefois, il y a lieu de rechercher si, dans ces
cas, les lésions concomitantes du consécutives de la moelle ne jouent pas
le principal rôle. -
Très rare dans la maladie de Friedreich, plus fréquente dans la syrin-
gomyélie et surtout dans la sclérose en plaques, à la deuxième période,
constante dans les compressions lentes de la moelle et dans la para-
plégie, etc., l'impuissance succède presque toujours à une période
d'excitation sexuelle exagérée. Cette succession est surtout bien marquée
chez les tabétiques dont nous avons décrit les désirs exagérés au début
de l'affection. -
A cette classe on peut rattacher les effets de certains médicaments qui
paraissent agir par l'intermédiaire du système nerveux, action d'ailleurs
souvent problématique et toujours temporaire ou intermittente; tels sont
les anaphrodisiaques ou, prétendus tels, le nénuphar, le lupulin, les bro-
mures, le camphre, l'arsenic, enfin et surtout l'alcool, et, chez certains
individus, le tabac. '
A côté de cette impuissance d'origine spinale se range l'impuissance
psychique. Presque toujours.il s'agit de névropathes, chez lesquels l'ima-
gination joue un rôle prédominant; de timides, que l'approche d'une
femme impressionne; de craintifs au souvenir d'un premier échec;
d'autres fois, c'est une aversion iuvincible pour telle ou telle femme
qui empêche l'érection; ailleurs, l'éjaculation est tellement rapide qu'elle
ne permet pas l'intromission du pénis.
L'impuissance qui relève de ces causes est ordinairement temporaire
et curable; l'érection est possible et a lieu parfois sous d'autres influences
que les conditions normales. Dans l'impuissance d'origine 'spinale, au
IMPUISSANCE. i'75
contraire, l'érection, une fois disparue, ne, revient plus, les éléments
nerveux qui président à l'érection sont seuls atteints ; et dans ces cas les
sujets peuvent conserver des désirs et même avoir de la spcl1llalorn'.{'
sans érection.
Traitement. S'il s'agit, d'impuissance psychique, le traitement
visera surtout le moral du sujet; on modifiera ses conditions d'existence,
on supprimera temporairement la cohabitation. Le traitement général des
névropathes sera appliqué : vie au grand air, dépaysement, douches
tièdes ou froides. L'électricité, sous la forme de courants de haute fré-
1(11enec, donne certains résultats; comme application locale, elle ne semble
pas agir autrement que par suggestion. Il en est de même du massage
des testicules et de la prostate, et du tapotement de la région dorso-lolll-
)laire. Enfin on ne négligera pas de rechercher les lésions inflammatoires
de la prostate ou des testicules. En particulier, l'examen de l'urètre
prostatique au moyen de l'urétroscollc a souvent permis de découvrir des
lésions orificiellcs des canaux ejacutateurs ou du verumontanum et de
les traiter avec succès.
Quant à l'impuissance d'origine spinale, le traitement delà lésion géné-
ratrice est prédominant et il n a aucun traitement local; dans les lésions
curables, on ne se hâtera pas de conseiller la reprise des fonctions
sexuelles qui, d'ailleurs, dans la plupart des cas, restent plus ou moins
atteintes et affaiblies.
TE. DESNOS.
TROUBLES NERVEUX
DE L'APPAREIL DIGESTIF
par le Dr MOUTIER
Les troubles nerveux de l'appareil digestif sont de deux ordres, les uns
rentrent dans le cadre banal de toute affection gastro-intestinale, dou-
leurs, phénomènes vaso-moteurs, etc., les autres nous invitent à recher-
cher directement une altération définie du système nerveux. Des phéno-
mènes étudiés, les uns se rattachent aisément à leur cause, constipation
au cours d'une myélite confirmée par exemple, d'autres, anorexie psychi-
que, crise pseudo-appendiculaire d'une hystérique, ne laissent point d'être
d'un diagnostic plus délicat.
SÉMÉIOLOGIE DES VOIES DIGESTIVES SUPERIEURES
Bouche. Nous ne parlerons ici ni des lèvres, ni des joues, ni des
parois de la bouche, dont l'étude trouve sa place à la description du
faciès.
Examen des dents. Cet examen peut fournir quelques renseigne-
ments au neuropathologiste. Chez les dégénérés, leurs altérations sont
nombreuses. Elles peuvent être diminuées de nombre et de dimensions,
ou se trouver anormalement situées (dents palatines). Elles peuvent être
couvertes d'érosions polymorphes,- sillonnées, monstrueuses (canines à
forme d'incisive), leur fragilité est souvent extrême. Ces aberrations se
voient chez tous les dystrophiques, chez les idiots, les arriérés, les
hérédo-syphilitiques. Ces derniers ont de plus des altérations' spéciales,
une dent courte à plateau lisse (première grosse molaire, Fournier), et
des incivises médianes supérieures de la seconde dentition obliquement
dirigées de haut en bas et de dehors en dedans, plus étroites à leur sommet
qu'à leur base [dents en vis, au bord libre échancré en croissant, dont, le
biseau se taille aux dépens de la face antérieure (dents d'Ilutchinson)].
L'examen de la bouche permet de constater parfois l'absence de ce)'-
taines dents. Cette absence, totale ou presque totale à la face antérieure
des mâchoires, se voit chez les ciletiqz,es et trahit avec les cicatrices
du cuir chevelu et des arcades sourcilières, les chutes répétées des ma-
lades.
SÉMÉI0L0G1E DKS VOIES DIGESTIVES SUPIIl[¡';LIIES. 977
Les dents peuvent tomber en totalité chez certains individus. La chute
en est rapide et indolore, presque imperceptible, l'hémorragie est nulle
ou minime. Le tabès est en cause eu de tels cas, et cette chute des dents
peut être un accident précoce. .
Mal perforant buccal. On peut observer dans la bouche des pertes
de substance non syphilitiques, des ulcérations de la muqueuse attei-
gnant l'os-, résorbant, les rebords alvéolaires, perforant parfois, le maxil-
laire supérieur. 11 s'agit de maux perforants tabétiques, au niveau des-
quels existent des troubles de la sensibilité souvent prononcés (anesthé-
sie). Le port d'un dentier est la cause occasionnelle de cette ulcération
trophique.
Troubles de la sensibilité. Il n'est pas rare d'observer des pares-
thésies, dont la plus pénible est la sensation d'un corps 'étranger dans le
vestibule de la bouche : cette fausse sensation peut être intense au point
de revêtir tous les caractères d'une hallucination. Certains malades éprou-
vent seulement des picotements, se plaignent de froid ou de chaleur pure-
ment subjectives. En dehors des aliénés, la majorité des individus ainsi
éprouvés se classe parmi les psychasthéniques. La plupart de ces sen-
sations n'ont pas grande valeur diagnostique.
Les hyperesthésies s'accompagnent souvent de douleurs névralgiques,
et sont chez les individus prédisposés, l'occasion de tics variés, hem-
mage, crachement. Elles relèvent des mêmes causes que les paresthésies.
Il se localise parfois au niveau des arcs maxillaires des douleurs atroces,
fonction de petits névromes des rameaux dentaires. Quand les accès né-
vralgiques sont généralisés aux piliers, au voile, à la langue, aux gen-
cives, etc.. ils amènent en se répétant une abondante salivation. Ils em-
pêchent même le malade de parler, de causer. Le trijumeau est bien
probablement en cause en telle occurrence.
L'anesthésie totale de la cavité buccale est exceptionnelle et se rencon-
tre dans les grandes lésions de l'encéphale. Plus fréquente est l'hémi-
anesthésie; elle demeure rarement localisée à la seule muqueuse génienne
ou gingivale, mais intéresse également la langue. Les principaux facteurs
olo ? (ILies sont l'hystérie, les hémorragies et ramollissements céré-
braux, les paralysies périphériques de la cinquième paire, les lésions de
l'oreille moyenne. Dans tous ces cas, les morsures involontaires de la
l'ace interne des joues sont fréquentes, ainsi que la stase alimentaire dans
le vestibule.
Langue. La langue joue un rôle exceptionnel dans la sémiologie
nerveuse par l'aspect de sa surface, les troubles de sa sensibilité et de sa
inutilité, les accidents trophiques qu'elle peut présenter.
Aspect. Le simple examen de la surface de la langue est impor-
tant. Les accidents syphilitiques, rhagades, sclérose, leucoplasie ont une
grande valeur diagnostique. Les traces de morsures se rencontrent chez
les épileptiques ou traduisent des troubles de la sensibilité. L'état de la
muqueuse varie enfin selon la santé de l'individu : il s'agit là presque de
Pratique neurol. 62
EF MOUTIER.]
"7S TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.
irohltisme (l3rissand). Dans la neurasthénie, et d'une façon générale
chez les surmenés, les débilités, les convalescents, la langue est souvent
saburrale, aplatie, et l'empreinte des dents marque de ses crénelures
la pointe et les faces latérales. Cet étalement relève souvent d'insuffi-
sance de la nutrition, cause ou effet de l'asthénie, inanition à laquelle il
faut remédier d'urgence. Reprendre ou forcer l'alimentation est fréquem-
ment la seule façon de nettoyer une langue de la saburre accumulée.
Chez le mélancolique, la langue est extrêmement chargée, et cet état
est d'autant plus accusé que la dépression est elle-même pins profonde.
Chez les excités au contraire, la langue est normale.
Troubles de la sensibilité. Les uns intéressent la sensibilité géné-
raie, les autres la sensibilité spéciale de la langue.
L'anesthésie est généralement une béntianestbésie. Elle dépend 1'ru-
quemment de l'hystérie et peut alors accompagner ou non une hémiplé-
gie, coexister ou non avec des troubles gustatifs, survenir subitement
après une crise ou être précédée de prodromes, de sensations paresthé-
siques dans l'organe atteint.
De très nombreuses lésions en foyer la déterminent. En cas de lésion
protubérantielle inférieure, l'hémianesthésie linguale et faciale sera
croisée par rapport à celle des membres.
Les méningites et gommes de la base, syphilitiques ou tuberculeuses,
les ostéites de la face, etc., peuvent, par lésion du trijumeau, provoquer
l'anesthésie. Dans tous ces cas, on doit lutter contre la cause, diriger le
traitement antisyphilitique ou réparer le traumatisme.
Quand un malade se plaint de souffrir de la langue, ou bien l'on con-
state quelque carie dentaire, quelque ulcération linguale, cancéreuse on
autre, qui font la preuve de l'hyperesthésie, ou bien l'on ne découvre
aucune raison apparente de cette douleur. Tantôt diffuse, tantôt super-
posai) le à un trajet nerveux, la douleur relève directement alors de lésions
du trijumeau. Ces dysesthésies céderont le plus souvent aux moyens
thérapeutiques ordinaires antinervins, et surtout aux injections pro-
fondes d'alcool additionné ou non de principes médicamenteux.
II existe également des névralgies linguales purement, fonctionnelles.
La glossodynie est une névralgie essentielle des névropathes. La douleur
est paroxystique. Pendant l'accès, le malade ne peut tirer la langue; la
parole et la mastication sont également impossibles, la salive coule delà
bouche. En même temps, la muqueuse linguale est parcourue de picote-
ments, de fourmillement. La pointe et l'un des bords, quelquefois les
deux côtés ou seulement la ligne médiane, brûlent atrocement le patient.
Ces crises se renouvellent régulièrement le matin ou le soir, plus souvent
encore se répètent Ù propos d'excitations diverses. Fréquemment tout se
borne à une gêne, il une pesanteur tiraillant la base de la langue, et Il'
malade affolé se croit atteint d'une ulcération ou même d'un cancer qU11 il
localise naturellement aux papilles caliciforines. Le médecin, fréquem-
ment consulté par cet obsédé, devra le rassurer, le traiter comme ces
..... SÉMÉIOLOGIE DES VOIES DIGESTIVES SUPÉRIEURES. 979
syphilitiques névrosés pour lesquels tout pli an palais est plaque
muqueuse il son début.
On peut observer également des névralgies au cours du tabès ou de la
paralysie générale, des dysesllu'sies après la crise épileptique.
Les modifications de la sensibilité spéciale peuvent dépendre d'alté-
rations des nerfs crâniens ou de troubles centraux. On se rappellera que
le pneumogastrique, par le largyngé supérieur, et le glosso-pharyngien
innervent la base de la langue, siège plus particulier des sensations
d'amertume. La corde du tympan et le lingual innervent les parties anté-
rieures de l'organe. Tout ce qui détruira ou comprimera les cinquième,
septième et neuvième paires, provoquera donc une agueusie partielle ou
totale.
Dans l'héll11anesth(sie totale des lésions en foyer et de l'hystérie, la
perte de la faculté du goût lait partie du syndrome observé. Il peut y
avoir agueusie totale il la suite des crises d'épilepsie. Dans la paralysie
faciale enfin, dans les lésions nucléaires de l'intermédiaire de Wrisberg
et dans certaines paralysies Itl)l o- ? l osso-1 aiyn crées, des troubles analogues
s'observeront, d'intensité variable.
L'exagération de la sensibilité gustative et sa perversion (hyper- et
paragueusie) se voient surtout chez des hystériques, des aliénés, des
mélancoliques. Il serait sans intérêt d'insister sur les aberrations, les
véritables hallucinations, dont les maniaques font preuve. Il va de soi
qu'avant de formuler toute autre hypothèse, on aura soin de rechercher
et au besoin d'éliminer les viciations de la sensation, telles que les peu-
vent provoquer une paralysie faciale otitique, des maladies du l'oie ou de
l'estomac, un état fébrile.
Troubles de la motilité linguale. Parmi ces troubles se rangent les
tremblements, les paralysies, les contractures et spasmes.
Les tremblements sont associés le plus souvent à d'autres (roubles :
tremblement des mains chez les parkinsoniens, nystagmus et tremble-
ment intentionnel dans la sclérose en plaques, etc.
Le tremblement est rarement localisé à un seul côté de la langue. On
observe en ce cas des secousses fibrillaires, des mouvements vermicu-
laires ou d'ondulation, de reptation sur place, coexistant avec un degré
variable d'atrophie de l'organe. Le, plus ordinairement les secousses
provoquent un déplacement d'ensemble, mais se laissent apprécier seu-
lement lorsque la langue est tirée hors de la bouche (paralysie générale,
par exemple).
Les tremblements peuvent être lents (Parkinson, tremblement dit
st'nite). moyens (sclérose en plaques, hystérie) ou rapides (goitre exophtal-
mique, 1 intoxications alcoolique, mercurielle, saturnine),
mais avant de les attribuer à une lésion du système nerveux, il conviendra
de s'assurer que l'instabilité linguale ne dépend pas d'adynamie fébrile.
Chez les alcooliques, la trémulation est violente, s'accompagne généra-
liment de troubles vaso-moteurs, de rougeurs, de sueurs.
. [F. MOUTIER]
MU TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.
Dans la paralysie générale, la langue exécute des mouvements désor-
donnés, propulsions et retours violents (mouvements de trombone). Au
contraire la langue dans la sclérose en plaques ne montre que de faibles
secousses fibrillaires.
Dans le tremblement sénile l'aspect est tout à fait caractéristique :
lèvres et langue sont animés de mouvements d'ensemble, le malade mar-
motte sans cesse. Enfin, le tremblement de la langue peut, chez un épi-
leptique, marquer le début d'un accès, comme il peut se produire il sa
suite.
Les paralysies de la langue sont uni- ou bilatérales. Ces paralysies
généralisées peuvent être fonctionnelles ou organiques et s'accompagner
ou non d'atrophie.
La paralysie totale de la langue sans atrophie se voit chaque fois que
la lésion siège au-dessus de la protubérance, dans les hémisphères. Des
lésions bilatérales du cerveau symétriques et multiples réalisent un syn-
drome spécial l'appelant la paralysie tabio-gtosso-taryngée; les malades
qui en sont atteints, les yjse/o-MaM'es, ont une langue parésiée.
quelquefois immobile, collée au plancher de la bouche, pouvant parfois
encore exécuter quelques faibles mouvements de propulsion. La dysar-
thrie est très prononcée : le malade dit tout ce qu'il veut dire, mais un
a peine à comprendre les mots qu'il forme incomplètement.
L'affection a débuté généralement par un ictus. Le malade s'avance il
petits pas, présente un faciès pleurard, du rire spasmodique. Il existe un
déficit intellectuel variable et le reliquat d'une double hémiplégie. Lue
paralysie ou mieux une parésie totale, sans atrophie fait encore partie du
syndrome myaslhénique d'El'b-Goldfla/l/l, En même temps la dégluti-
tion est souvent impossible par impuissance du voile du palais, des mas-
ticateurs et du pharynx; l'oeil, la face y compris le facial supérieur, les
membres supérieurs et inférieurs se prennent. Il n'y a pas de Il. IL, ces
parésies sont remit tentes, le malade est avant tout un individu il t épui-
sement rapide, ainsi que le précise la réaction électrique spéciale.
Avec les lésions bulbaires se montrent l'atrophie, les secousses fibril-
laires, la réaction de dégénérescence. Ces troubles ont pu survenir rapi-
dement accompagnés d'hémiplégie, d'Irémi-anestlrésie, de glycosurie, de
polyurie, d'albuminurie, il s'agit alors de paralysie bulbaire aiguë, lice
le plus souvent à un foyer nécrotique. Dans ces cas, il est vrai, ainsi que
dans les cas de tumeur du bulbe, les troubles sont souvent irréguliers et
variables d'un côté Ü l'autre.
D'autres accidents bulbaires évoluent plus lentement. La langue est
flasque, aplatie sur le plancher buccal; la muqueuse trop large pour le
muscle en voie de disparition, semble flotter et se plisse en dépressions
et saillies rappelant l'aspect des circonvolutions cérébrales. Des conlrac-
tions vermiculaires très vives agitent l'organe, surtout quand le malade
fait d'infructueux efforts pour parler. Au début survient insidieusement
de la dysarthrie; puis les lèvres et le voile du palais sont atteints. Le
SÉMÉI0L0G1E DES VOIES DIGESTIVES SUPÉRIEURES. 981 t
facial supérieur est intact, il n'y a jamais de ptosis. Chez ce malade à
l'intelligence normale peuvent, d'un moment à l'autre, éclater de graves
accidents respiratoires et cardiaques. Cette évolution est caractéristique
de la paralysie bulbaire progressive de Duchesne.
La langue bulbaire atrophiée, vallonnée, agitée de secousses vermi-
culaires violentes, s'observe encore à la période terminale de la sclérose
latérale amyotrophique. Le syndrome bulbaire survient ici vers la fin
d'une maladie à évolution progressive et rapide. Il existe une atrophie
musculaire précoce et considérable au niveau des quatre membres, de
la contracture avec exagération des réflexes tendineux. Dans la maladie
de Charcot, la langue peut être pendant quelque temps librement propulsée,
mais finit par demeurer définitivement immobile.
Signalons que l'on a attribué il de la parésie de la langue les troubles
constants de la paralysie générale, fréquents de la sclérose en pla-
ques, passagers mais dangereux (chute vers le pharynx, suffocations) de
l'épilepsie, et que les myopathiques présentent quelquefois de la para-
lysie avec atrophie.
Les paralysies de la langue n'atteignant qu'un côté de l'organe peuvent
dépendre de lésions supra-bulbaires, bulbaires et périphériques. Dans
tous ces cas une atrophie peu marquée se décèle en saisissant la
langue entre les doigts. On sent le côté atteint se durcir peu ou point; on
aune sensation de mollesse toute différente de la résistance physiologique
normale.
Il ne survient point d'atrophie, ou cette atrophie est minime et il s'agit
plutôt d'amaigrissement, dans les lésions corticales et protub(;1'(l/Ilielles.
La langue est flasque, au début du moins, sans contractions lihrillail'es,
ni R. 11. La gène de la déglutition est fréquente mais peu intense; enfin
avec la dysarthrie peut coïncider un degré variable d'aphasie. Il convient
d'insister sur une variété de ? s6 ? ï'e linguale, intermittente ou con-
tinue, qui peut avoir dans la thrombose et le ramollissement cérébraux
la valeur d'un prodrome ou d'un reliquat. Il s'agit d'un embarras de la
parole uniquement lié il la inutilité linguale; le malade prononce diffici-
lement les mots il syllabes nombreuses, exigeant de la langue une asso-
ciation de mouvements complexes. Cette difficulté de prononciation est
accusée surtout lors d'une conversation rapide, d'une émotion. En même
temps la langue paraît au malade, lourde et pesante, et présente plus ou
moins nettement de la diminution de volume d'un seul côté.
On trouve encore dans l'lté7lliatropltit' faciale une hémiatroplue de la
Lingue qui se présente sans réaction de dégénérescence, semblable en
ce) : ) aux troubles d'origine corticale ou sous-corticale.
Au niveau du bulbe, les novaux de l'hypoglosse peuvent être atteints
dans le tabès, la syringomyélie, la jM7( ? ? ? r ? c cervicale hyperlro-
phique, [tins rarement dans la paralysie générale et la syphilis des
rentres. Dans Ions ces cas la langue est déviée ou mieux poussée du
l'été paralysé par prédominance du géao-glosse intact. Le début de
. [F MOUTIER] J
982 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.
l'atrophie est lent, la langue prend l'aspect d'un croissant dont le petit
côté, inscrit dans le plus grand, est formé par la moitié atrophiée, flasque,
secouée de mouvements fibrillaires, placée sur un plan un peu inférieur
à celui du côté sain. En général, malgré une atrophie notable, les mou-
vements sont encore possibles à l'exclusion d'un seul, celui du creuse-
ment en gouttière. Nous n'insisterons pas sur les troubles des réflexes et
de la marche des tabétiques, sur les dissociations de la sensibilité (sphère
du trijumeau), sur les complications d'ordre sympathique et trophique
dans la syringomyélie, sur les douleurs et la spasticité des membres su-
périeurs, puis des membres inférieurs dans la pachyméningite, etc., tous
signes qui permettent d'établir le diagnostic.
Enfin, les paralysies généralement accompagnées de troubles divers,
asymétriques le plus souvent, dans la sphère du trijumeau, du facial, de
l'oculo-moteur externe, feront penser à des lésions périphériques, aue-
vrismes, gommes, méningite de la base, traumatismes, etc., qui néces-
siteront une thérapeutique, surtout antisyphilitique, souvent effective.
La paralysie de la septième paire s'accompagne, quand elle est périuhe-
rique, de déviation de la langue du côté sain par prédominance du stylo-
glosse sain; il faut avoir soin de redresser, en écartant les commissures
labiales, l'erreur liée à l'entraînement de la langue par la commissure
paralysée, car cette déviation réelle due au stylo-glosse n'est pas constante.
La langue peut être déviée du côté malade : on est en droit de songer alors
à une paralysie faciale compliquée d'une atteinte de la douzième paire.
Dans le syndrome protubérantiel de Milhird-Gubler, la langue peut,
selon les cas, être déviée du côté de la face ou du côté des membres.
La morphologie linguale peut être modifiée encore par des cOl/fl'w'-
tures. La langue est toujours déviée du côté où agit le spasme. Cet
hémispasme peut coïncider avec une contracture des zygomatiques, [tins
rarement du territoire entier du facial; ce sont là des caractères dislillc-
tifs du spasme glosso-labié des hystériques particulièrement observé
chez les tabétiques (Brissaud et Pierre Marie).
La langue peut encore éprouver des secousses non plus toniques,
mais cloniques. Dans ce cas, tantôt elle est projetée violemment hors de
la bouche et fréquemment mordue (épilepsie), la convulsion de la langue
pouvant être un symptôme isolé, tantôt elle exécute dans la bouche
même des mouvements désordonnés (paramyoclonies) . Dans quelques
cas enfin, on observe au début de la parole une hésitation, une lenteur
qui font place bientôt à une souplesse normale de l'organe; celle paresse
initiale et passagère de la fonction est propre à la maladie de 7'honr.çmn.
Troubles trophiques. Nous n'avons pas à revenir sur l'alrophin
suffisamment étudiée plus haut en même temps que les paralysies.
L'hypertrophie de la langue peut porter sur une de ses moitiés ou sur
sa totalité. L'hypertrophie unilatérale est d'un diagnostic facile, il suffit
de ne pas prendre le côté sain pour une moitié atrophiée. Presque fou-
jours la face, ou du moins l'aglllydale et le voile du palais, quelquefois
SÉMIOLOGIE DES VOIES DIGESTIVES SUPÉRIEURES. 983
une moitié du corps, fréquemment alors couverte de naevi, participent à
l'hypertrophie.
L'hypertrophie massive de l'organe peut se rencontrer simplement
sans autre altération organique : dans ces cas, il est indiqué d'explorer
l'intelligence. L'idiotie est fréquente ou du moins il est normal de con-
stater un certain déficit intellectuel. Le facies de ces malades est typique;
leur parole est difficile, leur mastication pénible, et contre des dents
éversées par sa pression constante s'appuie une énorme langue cylin-
droïde.
On a signalé encore l'accroissement de la langue dans la paralysie
pseudo-hype1'/rophique. Cet accroissement est précoce et constant dans
)'ccr/</6 ! e, il coïncide avec une hypertrophie analogue des pieds et
des mains. Le maxillaire inférieur est disproportionné et saillant. Il
existe de la cypho-scoliose et fréquemment des troubles du fond de l'oeil.
Enfin, lorsqu'avec une langue violacée, saillante, on constatera des trou-
bles de la sensibilité dans le territoire du trijumeau, on sera en droit de
conclure à des troubles vaso-moteurs sous la dépendance des lésions
de la cinquième paire.
Troubles de la mastication et de la déglutition. - Les
muscles masticateurs innervés par le trijumeau peuvent être atteints
par les lésions bulbaires qui provoquent le syndrome de Duchenne. Les
symptômes sont les mêmes dans les lésions nucléaires et les lésions péri-
phériques, mais dans ce dernier cas aux accidents moteurs se superpo-
sent des troubles de la sensibilité. Dans les paralysies bilatérales, la mas-
tication est pénible, et la chute de la mâchoire fréquente. La propulsion
et les mouvements de déduction sont impossibles dans la paralysie des
ptérygoïdiens.
Les paralysies du trijumeau peuvent déterminer des troubles directs
de la déglutition par paralysie du péristaphylin externe et du mylo-hyoï-
dien. Quand la paralysie est unilatérale, les signes sont les mêmes, mais
existent d'un seul côté; la diduction du côté malade est gênée, les dents
ne peuvent être serrées; enfin, il peut y avoir abaissement du voile et
déviation de la luette du côté paralysé, puisque, nous l'avons vu, le
péristaphylin reçoit un rameau du trijumeau.
Voile du palais. Les paralysies du voile du palais sont faciles à
reconnaître. S'il s'agit d'un nourrisson, la succion devient difficile, le
cri est enroué, bourdonnant. Chez l'adulte, le nasonnement de la voix
frappe le clinicien; dans les deux cas, il y a ronflement pendant le som-
mcil. le p et le b sont, prononcés me ou fI ! : enfin, les liquides
chauds puis froids sont avalés de travers, et ce trouble augmente à la fin
du repas. Si l'on examine la bouche du patient, on aperçoit un voile
immobile, flasque, (rainant sur la langue. La titillation continue de la
luette provoque un effort continuel de déglutition et fréquemment des
vomissements. Le réflexe pharyngien est aboli; les troubles électriques
manquent en général. Tel est le tableau d'une paralysie périphérique
, [F. MOUTIER.] .]
984 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.
d'origine toxique (diphtérie, angines diverses), souvent accompagnée de
.troubles moteurs généralisés. La paralysie peut êtrè unilatérale : le
voile est rétréci d'un seul côté; il est abaissé et la luette se dévie du
sens opposé à cet affaissement. Parfois un seul côté de la luette est
atteint : c'est le côté droit si la luette se dévie à gauche, et réciproque-
ment ; ou bien, les deux palato-staphylins sont pris, et la luette tombe
sur la langue. .
- : le voile du palais est abaissé en masse dans la paralysie des pérista-
phylins ; l'arc de ses piliers postérieurs est agrandi dans celle des palato-
staphylins. Dans l'un et l'autre cas, il existe un reflux marqué des
liquides par le liez; mais la voix est nasonnée dans la paralysie des péris-
taphylins seulement.
Ces troubles s'observent dans les lésions périphériques dépendant de
compressions nerveuses ou de névrites, dans les lésions nucléaires des
syndromes glosso-labio-laryngés, qu'ils soient liés au tabès (rare), à la
sclérose latérale amyotrophique ou aux polioencéphalites inférieures de
diverses causes. (Voir plus haut : Paralysie de la langue.) La paralysie
du voile d'origine bulbaire peut se combiner à une paralysie récurren-
tielle homonyme (syndrome d'Avellis) à la même lésion accompagnée de
paralysie du trapèze et du sterno-cléido-mastoïdien (syndrome de Schmidt),
à'la même lésion encore, associée à une hémiplégie linguale (syndrome
de Jackson). 1
En dehors des indications banales relatives au traitement de toute
paralysie, signalons simplement dans ces conditions l'importance éven-
tuelle dé l'alimentation à la sonde oesophagienne.
Pharynx. A côté des troubles de la sensibilité liés à des mala-
dies infectieuses, s'observe fréquemment l'anesthésie du pharynx. La
sensibilité est facile à explorer; un abaisse-langue permet de constater
l'absence du réflexe au vomissement et l'anesthésie. Celle-ci est fréquente
chez les pnralliques généraux et chez les hémiplégiques, surtout les
hémiplégiques gauches (P. Marie). On la surprend encore après les crises
d'épilepsie ; elle est à peu près constante dans la méningite tuber-
culeuse. La disparition du réflexe pharyngien a perdu aujourd'hui toute
valeur en tant que stigmate de névrose. Cette absence est banale, en effet ,
puisqu'elle s'observe, d'après Guerra-Coffioli, dans la moitié des cas
environ chez l'homme normal.
Les névralgies du pharynx sont peu communes. Elles s'observent le
plus souvent chez des surmenés, des paludéens, des chlorotiques, chez
les porteurs de lésions nasales. Ce sont des douleurs irradiant de la pro-
fondeur vers les piliers, l'oreille, le voile du palais. Le diagnostic est
toujours difficile. On l'étaie sur l'unilatéralité, sur le caractère paroxys-
tique des douleurs spontanées ou provoquées par la pression des cornes
de l'hyoïde ou des parois latérales du cou.
Le pharynx peut présenter des spasmes s'opposant à toute déglutition.
Ce spasme s'associe habituellement à la contracture du voile du palais
SÉMÉIOLOGIE DES VOIES DIGESTIVES SUPÉRIEURES. 985
et de l'oesophage : On a signalé cependant la 'contracture isolée du
voile. Chaque fois que l'on constatera uivtel symptôme, on doit son-
ger à une lésion du trijumeau. Le spasme est caractérisé par une
sensation de strangulation ' au début de la déglutition; une contrac-
tion violente rejette presque aussitôt le bol alimentaire dans la bouche
du malade. '
Nous reviendrons sur ces symptômes à propos des troubles de l'oeso-
phage. Mais le clinicien doit songer à toutes les affections (angines
ulcérations tuberculeuses ou syphilitiques cancer) capables de créer
et d'entretenir un spasme, avant d'admettre l'existence d'un simple
trouble fonctionnel.
La paralysie du pharynx' est à peu près toujours d'origine névropa-
Ihique; elle aussi est marquée par de la dysphagie, mais dans celle-ci les
liquides sont plus fréquemment détournés vers le larynx que dans les
contractures. Les solides passent relativement bien, et la suffocation, si
elle se produit, est due non plus à une fausse route des aliments, mais à
leur arrêt dans le canal digestif. Enfin, le spasme est douloureux et fait
obstacle à la sonde oesophagienne; la paralysie n'arrête pas celle-ci et
n'est pas douloureuse. Elle ne s'accompagne, entre les accès ou tentatives
d'alimentation d'aucune sensation de strangulation subjective. Le voile
du palais et la langue peuvent, en cas de contracture pharyngienne, pré-
senter également de la rigidité paroxystique.
OEsophage. Au niveau de l'oesophage, conduit musculo-mem-
braneux, peuvent exister des troubles de la motilité ou de la sensibilité.
Les premiers de ces troubles comprennent des accidents paralytiques et
des accidents spastiques. Nous négligerons la paralysie de l'oesophage
dont l'existence est peu précise : on a bien signalé, au cours d'accidents
cérébraux ou plutôt bulbaires, dans les altérations du pneumogastrique,
chez les hystériques, l'hypotonie du muscle. Mais on signale tantôt la
chute précipitée dû bol alimentaire, tantôt la rétention des aliments,
leur accumulation pouvant même déterminer une suffocation de haute
gravité. On aurait observé à l'oesophagoscope la flaccidité des parois. Les
observations publiées jusqu'ici sont peu convaincantes, et n'autorisent
aucune conclusion pratique. -
Les spasmes sont, au contraire, bien connus. D'une lapon générale,
l'oesop ! wgisme, syndrome essentiellement polymorphe et soumis plus
que tout autre aux variations individuelles, est caractérisé par une sensa-
tion de cônstriction cervicale ou rétro-sternale, accompagnée de dys-
phagie et de régurgitations. Les aliments qui déterminent le trouble
peuvent être indifférents : il s'agit, au contraire, des liquides chauds
chez celui-ci, des solides chez cet autre. Pour peu que les symptômes
soient un peu prononcés, il s'ensuit une inanition relative ou complète.
Le spasme peut être continu ou intermittent, n'être qu'un phénomène en
quelque sorte local, ou s'accompagner de vives réactions générales : le
malade fait de vains efforts de déglutition, cherche à refouler du doigt
. ' [F. MOUTIER.]
980 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.
les aliments qu'il ne peut avaler, s'angoisse; une syncope peut même
survenir dans ces conditions.
Le diagnostic clinique du symptôme est rarement facile. 11 est plus
délicat encore d'en reconnaître la cause. Et tout d'abord, le spasme
existe-t-il ? en d'autres termes, n'a-t-on pas affaire simplement à une
sténose oesophagienne ? Voici quelques-uns des caractères différen-
tiels : dans la sténose organique, néoplasique, cicatricielle, par corps
étrangers ou par compression, la radiographie et l'oesophagoscopic donnent
une série de renseignements absolument démonstratifs. Il va de soi que
les antécédents du malade, présomption de cancer, ingestion de liquides
caustiques, déglutition de corps étranger, aideront singulièrement au
diagnostic. D'un autre côté, quand il s'agit d'un spasme simple, on constate
des fluctuations particulières, des originalités changeantes dans la
symptotuatotogie : fréquemment les solides glissent mieux que les
liquides, la sonde passe un jour et ne passe pas le lendemain, le cachet
de bismuth est arrêté à tel examen et ne Test plus à tel autre, ou bien
s'arrête sur place et présente une espèce de trépidation, puis tout à coup
s'effile et disparaît. Mais, encore une fois, les seuls signes tirés de
l'examen physique du malade sont en général des plus insuffisants.
Admettons donc que l'on ait reconnu la nature véritablement spasmo-
dique d'une sténose; il nous reste à déterminer l'origine de ce spasme.
A ce propos, l'on est justifié il distinguer avec A. Mathieu deux ordres de
spasmes, le spasme inférieur et le spasme total ou spasme à syndrome
supérieur.
Le spasme inférieur présente le syndrome des sténoses juxta-car-
diaques : déglutition possible avec régurgitations immédiates ou un peu
plus tardives; douleurs profondes, rétro-sternales. Une forme atténuée
du spasme local du cardia accompagne le vomissement pituiteux oeso-
phagien de l'hélllosialélllèse (A. Mathieu). Il s'agit là. en somme, d'un
mouvement de défense de l'estomac. Le diagnostic en est facile; le
spasme est peu intense, ne s'accompagne d'aucun état général inquié-
tant. Il précède le rejet périodique d'une quantité de liquide, toujours la
même, correspondant il ce que l'oesophage peut contenir du liquide
d'hypersécrétion pharyngo-oesophagienne avant de trop souffrir.
Ce spasme local et bénin nous amène au spasme simulant la sténose.
Nous avons vu plus haut comment on l'en différenciait, voyons mainte-
nant sa valeur sémiologique intrinsèque.
L'oesophagisme inférieur peut se rencontrer dans toutes les alleclions
de l'abdomen et du médiastin, dans un très grand nombre d'infections
et même de maladies dyscrasiques. Pratiquement, on devra songer à
une tumeur du médiastin, au cancer de l'estomac (région du cardia),
enfin, et d'une façon générale, il la névropathie isolée. Les spasmes
réflexes des affections organiques de voisinage (cancer du cardia, ané-
vrysme de l'aorte) sont continus et tenaces; au contraire, le spasme pure-
ment névropathique présente des fluctuations étranges, de grandes
SÉMÉIOLOGIE DES VOIES DIGESTIVES SUPÉRIEURES. 987 î
intermittences. Il est sous le coup direct de l'état mental du malade.
Ce spasme psychopathique ne reste pas toujours localise, à la région
inférieure de l'oesophage; il peut être total, et par là même c'est à Pori-
lice supérieur du conduit que les malades situeront leurs troubles prin-
cipaux. Ce spasme total est continu ou paroxystique. Son existence doit
avant tout faire songer à l'hystérie. On devra cependant examiner l'épi-
glotte, le pharynx, le cou, rechercher un syndrome bulbaire, afin de
dépister soit un spasme symptomatique d'une lésion de voisinage, soit
un spasme témoin d'une lésion du pneumogastrique. Le tabès peut
également donner de l'oesophagisme supérieur.
Le plus ordinairement le spasme total ou supérieur est un symptôme
de névrose. 11 caractérise ces crises nerveuses dans lesquelles le malade
est étranglé par une boule remontant de l'épigastre à la gorge, évolu-
tion souvent accompagnée de cris, de hoquets, de sanglots. Continu, il
comporte un pronostic très sévère. L'alimentation est, en effet, abso-
ment compromise, et l'inanition atteint un point fort dangereux. La
sonde ne passe pas, ou fort difficilement; on la sent violemment serrée
sur toute son étendue.
Aux troubles de la sensibilité de l'oesophage ressortissent une partie
des accidents précédemment décrits. La boule hystérique n'est ainsi
qu'une suite de contractions antipéristaltiques anormalement perçues,
et l'on peut voir des syndromes exclusivement douloureux simuler une
dysphagïc inférieure. Le diagnostic en est aisé : en de semblables cas.
la sonde passe toujours librement, il n'y a jamais de régurgitations,
parlant point de spasmes. Ce syndrome hyperesthésique s'observe chez
de simples névropathes aussi bien que dans le cancer de l'estomac. 11
peut exister également un pseudo-pyrosis caractéristique de Phyperes-
thésie oesophagienne. Le malade accuse de violentes brûlures, mais ne
présente jamais les renvois acides caractéristiques du pyrosis vrai. Ce
symptôme se voit chez les neurasthéniques, les surmenés.
En résumé, ce qui domine la sémiologie nerveuse de l'oesophage, c'est
le spasme, dont le syndrome ordinaire simule une sténose juxta-car-
diaque. On doit s'efforcer de le distinguer d'une sténose vraie, orga-
nique, puis de reconnaître sa nature, réflexe, par lésion de voisinage,
on névropathique essentielle. On s'efforcera enfin de l'améliorer, soit en
s adressant il l'affection organique occasionnelle, soit en allant atteindre
l'élément psychique. S'il s'agit d'un neurasthénique obsédé, le convaincre
qu'il n'a pas de lésion grave sera malaisé. Persuader à l'hypocondriaque
qu n'a ni rage hydruphobique, ni obstruction par corps étrangers
déglutis, ni occlusion cancéreuse sera également peu facile. Vaincre la
résistance de l'hystérique sera parfois plus délicat encore. On compte
pourtant des résultats inespérés, et certains spasmes disparaissent sans
retour après un sondage décisif. En tout cas, le gavage, la persuasion et
la suggestion, le repos forcé et l'isolement, seront de rigueur dans les
troubles nerveux graves.
[F MOUTIER]
988 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF. '
Ptyalisme. - La sialorrhée est plus spécialement le flux exagéré de la
salive, et le ptyalisrne, l'écoulement au dehors de ce flux anormal. Quoi
qu'il en soit, on emploie facilement ces deux termes l'un pour l'autre.
En présence d'un individu atteint de sialorrhée, avant de songer à une
névrose fréquemment monosymptomatique, surtout chez l'enfant, il con-
vient d'examiner la bouche et de constater la présence ou l'absence de
muguet ou de stomatite. Il ne faut pas oublier que le mercure, l'iodure
provoquent de l'hypersécrétion. '
Les bulbaires et pseudo-bulbaires présentent un faciès typique avec
leurs sourcils élevés, leur rire transversal, leurs lèvres entrouvertes
laissant couler la salive; il-y a d'ailleurs ici plutôt incontinence méca-
nique qu'hypersécrétion glandulaire.
L'idiot; l'enfant atteint de sclérose cérébrale avec ses contractures,
son strabisme, ses jambes croisées en ciseaux, sa microcéphalie, l'hémi-
plégique ne retiennent point davantage leur salive. 11 est facile de recon-
naître le goitre exophtalmique, la paralysie agitante, la rage même ;
enfin, dans les cas plus délicats, avant de songer aux névroses, il con-
viendra de penser que le ptyalisme peut dépendre d'un réflexe à point de
départ lointain ou proche, lésions digestives diverses, cancer de l'oeso-
phage, végétations de la caisse du tympan, etc.
On peut être consulté par un malade atteint de crises paroxystiques
d'une moitié du visage, crises atrocement douloureuses, accompagnées
de chorée musculaire et de sialorrhée. Quelquefois les crises de siittor-
rhée alternent avec les mouvements cloniques. Il s'agit là de névrite du
trijumeau et de tic douloureux de la face. 1
Plus simple à reconnaître est la sialorrhée de l'épileptique; elle pré-
cède sa crise ou même est toute la crise, cette équivalence pouvant être
difficile à reconnaître. Enfin, l' hysté1'ie présente de nombreux troubles
de la sécrétion salivaire, expuition accompagnée de nausées pendant la
digestion, ptyalisme périodique, menstruel, parfois teinté de sang, ptya-
lisme des grossesses, qu'il ne faut pas confondre avec certain ptyalisme
normal à ce moment. Mais à côté de. la sialorrhée considérable, hysté-
rique. qu'influence la médication psychique (Mathieu), il faut distinguer
mie sialorrhée nerveuse, simple, existant chez les gens à estomac peu
malade.
Enfin, la sécrétion peut s'accumuler dans l'oesophage et, s'il y a
spasme du cardia, se réalisera le syndrome des vomissements pituiteux
oesophagiens.
Hémosialémèse. On peut rencontrer chez les hystériques des
vomissements pituiteux simples, non teintés de sang; l'hémosialémèse
est le vomissement hématique. Le phénomène est plus fréquent le malin,
mais peut se produire à toute heure du jour. Il survient presque tous
les jours et cela souvent pendant des semaines et des mois. L'hémosialé-
mèse peut être périodique, coïncider avec chaque époque menstruelle
(Mathieu). Fréquemment, la veille du jour où le phénomène surviendra,
SÉMIOLOGIE DE L'ESTOMAC. 989
le malade aura éprouvé quelque fatigue plus intense, quelque émotion
plus vive. Puis, au réveil ou plus souvent vers la fin de la nuit, il sentira
une gène rétro-sternale, un malaise épigastrique tôt suivi du rejet pitui-
)eux. On vomit ou plutôt on régurgite ainsi de 80 il 1 O grammes d'un
liquide filant, de teinte sirop de ratanhia ou sirop de groseilles dilués,
c'est-à-dire brunâtre ou rouge, quelquefois noir par action du suc gas-
trique. Des efforts plus ou moins intenses accompagnent cette pituite;
puis tout est fini en quelques instants.
SÉMÉIOLOGIE DE L'ESTOMAC
De tout temps on a discuté pour savoir si les dyspepsies étaient d'ori-
gine nerveuse ou organique, explicables en ce cas par une gastrite ou
par un trouble du chimisme gastrique. Actuellement, on est obligé d'ad-
mettre que les phénomènes qui frappent le plus l'attention, les douleurs
et le retard de la motricité, sont d'ordre surtout nerveux et assez indé-
pendants en somme des lésions et du chimisme. La dyspepsie nerveuse
survient avec les chimismes les plus opposés; et l'élément le plus impor-
tant est évidemment alors t'tiyperesthésie de l'estomac et de ses centres
associée il la viciation de la motricité. Il esl très fréquent, dans ces condi-
tions, de rencontrer chez les névropathes un syndrome commun gastro-
intestinal appelé tantôt dyspepsie sensitivo-inolrice (Mathieu), tantôt
syndrontcneuro-tuoteur.
r. Ce préambule était nécessaire pour comprendre l'étroite union de la
pathologie nerveuse et de la pathologie gastrique.
Crises paroxystiques avec vomissement La plupart
des crises gastriques que nous nous efforcerons de décrire et de distin-
guer ici les unes des autres, s'accompagnent de vomissements.
Le vomissement est un symptôme très fréquent au cours des auec-
tions nerveuses les plus diverses. Nous voulons parler seulement ici du
vomissement sans crise douloureuse concomitante. En effet, le vomis-
sement vrai ou gastrique. « est précédé de bâillement, de pâleur,
d'accélération du pouls, d'une sensation générale d'anéantissement. Le
malade salive abondamment, a des sueurs froides, et fait en vain des
efforts de déglutition; il souffre. » jllehovu et lüémoncl). De plus, un
état nauséeux extrêmement pénible avec désir d'exonération se mani-
feste. Au contraire, le vomissement cérébral est un vomissement
simple; il se fait. facilement, sans efforts, soudain, sans état nauséeux.
Ce vomissement en fusée peut être alimentaire ou bilieux; en tout cas
il est peu abondant, mais se répète en général fréquemment.
Ci; type se rencontre au cours des méningites, il l'occasion des trau-
matisnies crâniens et des hémorragies méningées, dans l'apoplexie céré-
bratc. et marque surtout l'évolution des tumeurs cérébrales ou céréttet-
leuses. Il peut même, quand le bulbe est en cause, prendre une
[F. MOUTIER.]
! H1O TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.
fréquence et une allure particulières. Soupault conseille d'examiner soi-
gneusement lueil dans ces cas douteux afin d'y découvrir, le cas échéant,
l'oedème papillaire de si haute valeur diagnostique. On peut encore
observer des vomissements d'origine centrale à la suite des grandes émo-
tions, des ébranlements considérables.
Vomissement épileptique. Il peut servir de prodrome à une crise
typique par ailleurs, ou être un équivalent. Il s'accompagne fréquem-
ment de gastralgie et de nausées; mais il peut être isolé, alimentaire
ou bilieux, unique ou répété, survenir au milieu du repas ou pendant
la digestion. Un simple accès de nausée peut le remplacer. Le vomisse-
ment post-paroxystique est spécialement dangereux; survenant pendant
la période de résolution, il peut provoquer la mort par chute des ma-
tières vomies dans le larynx et suffocation.
Vomissements hystériques. Le vomissement hystérique peut être
supprimé ou reproduit par suggestion. Il existe généralement chez l'in-
dividu qui vomit ainsi une zone hystérogène à l'épigastre. Un certain
nombre de types cliniques sont faciles à distinguer dans ce groupe.
Le vomissement partiel est fréquent : l'hystérique mange sans objec-
tions; elle vient de manger ou n'a même pas fini de manger : soudain,
sans effort, sans nausées, le vomissement a lieu. Certains de ces vomisse-
ments sont volontaires; la malade s'efforce ainsi de se rendre intéressante.
Dans le type anorexique, la malade refuse de manger, déclare souffrir
et vomit. Le vomissement est plus ou moins rapide, précoce quand il
s'accompagne de nausées et d'un malaise général, plus tardif dans le cas
contraire. Enfin, il existe une classe de perverties, cl'znctnilic·e.s qui
vomissent sans cesse, obéissant à une foule d'idées étranges. L'état
nauséeux est continu; et l'on peut voir se réaliser le syndrome des
vomissements incoercibles.
Ce syndrome, à moins qu'il ne se complique d'anorexie, n'entraîne pas
toujours directement des troubles fonctionnels accusés. L'inanition est
toute relative; et cela seul l'ait faire le diagnostic. Mais ces vomissements
incoercibles, en plus des caractères spéciaux il touie l'hystérie gastrique :
zone hystérogène épigastrique -houle oesophagienne dégoûts électifs
bizarres rejet électif de tel ou tel mets, s'associent fréquemment à
des troubles plus graves : anorexie mérycisme idées fixes diverses
amenant à restreindre chaque jour de plus en plus l'alimentation. Cet
état diffère de l'anorexie proprement dite en ce que ta le refus de manger
est le plus souvent total, absolu, irraisonné, ou simplement dominé par
l'esprit de contradiction. Dans le vomissement incoercible au contraire, la
malade cesse de manger ou limite son alimentation parce que. dit-elle,
ceci la ferait vomir, cela ne serait point supporté. L'urine tombe à 500 ou
000 grammes, l'urée à quelques grammes par 24 heures; et néanmoins la
santé se maintient sans amaigrissement excessif, pendant quelque
temps du moins.
Tous les vomissements incoercibles ne dépendent, pas de la névrose;
SÉMÉIOLOGIE DE L'ESTOMAC. 991
mais la plupart se développent sur un terrain névropathiquc, et les affec-
tions (urémie, cancer) qui les provoquent, agissent par intoxication bul-
baire plus sans doute que par lésions de l'estomac.
Dans l'hystérie néanmoins, les vomissements incoercibles simulent
souvent l'intoxication urémique, et 1 examen des urines ne donne
pas toujours la clef du diagnostic. Il s'agit d'une femme jeune ayant
éprouvé une vive émotion ; depuis ce temps elle digère mal, et
brusquement, sans cause, elle vomit. Elle a vomi un jour, deux jours ;
bientôt aucun aliment ne sera toléré; et l'état vicieux sera constitué. Les
vomissements de la grossesse sont d'origine diverse probablement; mais
il importe de l'aire un examen serré de l'état névropathique ; car si parmi
ces vomissements beaucoup ne cèdent que par l'accouchement pro-
voqué. au moment où la tète du foetus ne comprime plus les parties
maternelles, un certain nombre aussi sont justiciables du grand traite-
ment des vomissements hystériques, c'est-à-dire de l'isolement rigou-
reux associé à la psychothérapie suggestive. Signalons encore d'après
Jaccoud, Desnos, Briquet, les vomissements stercoraux, exceptionnels,
et le type douloureux du vomissement hystérique. C'est la grande gas-
tralgie hystérique qui simule fréquemment l'ulcus; elle éclate souvent
après une crise typique de la névrose.
Hématémèses nerveuses. Le diagnostic des hématémèses d' O1'i-
(fille hystérique offre des difficultés considérables. Leur rareté va crois-
sant avec la précision plus grande des diagnostics et l'on n'en publie
aucune observation nouvelle tout en doutant chaque jour davantage des
observations anciennes, ou plutôt de leur interprétation. En tout cas.
soit que l'on admette avec Gilles de La Tourette la fréquence de l'ulcère
dans l'hystérie, ou avec Soupault le rôle simplement vaso-moteur et
l1uxionnairc de celle-ci sur une muqueuse ulcérée, il conviendra d'insti-
tuer un régime et un traitement sévères.
Les crises du tabès (voir plus loin) peuvent prendre le caractère gas-
trorragique. On a signalé encore des hématémèses consécutives à de vio-
lentes colères ( ? ) avec survie jusqu'à un âge avancé, et des hématémèses
apparues à la suite d'hémorragies cérébrales.
Crises liées à l'athérome cérébral. Ces crises gastriques réalisent
le type de l'indigestion. Un individu, un homme, en général d'un âge
avancé, est pris soudain de vertige et de vomissements alimentaires. Il
n'y a pas d'incontinence, la langue est bonne; mais le malade se plaint
d'une céphalée profonde. Parfois, pendant quelques heures, un accès de
manie aiguë effraye l'entourage. Puis tout se calme, et l'incident est
parfois complètement oublié quand se déroulent tous les signes d'un
ramollissement à marche souvent rapide. Ajoutons que celte indigestion
cérébrale est toujours nocturne, et que son importance pronostique est
considérable; car ce ne sont laui des malades à interner, ni surtout à
soigner comme gastriques (Dreyfus-Brisac). Il semble que l'urémie soit
fréquente chez eux.
[F. MOUTIER]
992 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.
Troubles gastriques du tabes. - Le tabes provoque des crises viscé-
rales surtout à la période preataxique; il s'agit donc de symptômes pré-
coces souvent révélateurs. Les crises gastriques du tabes sont essentiel-
lement caractérisées par la douleur et le vomissement avec torpeur et
tendance au collapsus, puis par l'excellent état de la santé entre les
crises. A ces vomissements incoercibles succèdent des périodes par-
faites, sans le moindre signe de dyspepsie, sauf exceptions à préciser
plus loin.
La crise survient soudain, brutalement; parfois depuis quelques jours
un état nauséeux se marquait, associé ou non à de la tension sus-ombili-
cale. En tout cas, l'accès est spontané, sans aucun rapport avec l'alimcn-
tation. Son début violent est comparable à une douleur fulgurante; et
souvent aussitôt après ce premier choc survient un vomissement consi-
dérable, généralement alimentaire. La douleur est épigaslrique, quelque-
fois abdominale, avec irradiations à la base du thorax, aux côtes, vers les
omoplates, le long delà colonne dorsale. Parfois, il y a de l'angoisse* des
douleurs anguleuses, de t'etouffemcnt pseudo-astluuatique :
La douleur est une étreinte sourde ou vive : les malades la comparent
à une torsion, une màchure, un écrasement. La souffrance parfois rapide.
dure d'autres l'ois plusieurs heures. Le vomissement n'est pas du type
cérébral, mais du type bulbaire (Brissaud) ; loin de rejeter simplement,
en tournant la fête, le contenu de son estomac, le malade a l'angoisse
violente de l'effort.
Le vomissement, fort abondant, est tantôt muqueux, tantôt alimen-
taire, très souvent porrace. Le mucus est quelquefois strié de sang. Et
toute cette souffrance est accrue du l'ait d'une soif vive que le malade
étanche en vain, car l'intolérance est absolue. Il y a une constipation
opiniâtre et le taux des urines est très diminué. Peu de symptômes
abdominaux d'ailleurs : le ventre est souvent rétracté, c'est toul. La
pression soulage plutôt le malade.
Bientôt se prononce une tendance au collapsus; couché en chien de
fusil, les poings à 1 épigastre, immobile et pâli;, le malade se plaint
de crampes. Son pouls est rapide et faible, le premier bruit cardiaque
est étouffe (Louis), la cyanose et les sueurs froides complètent l'aspect
cboteriforme. Cet état peut aller jW.;(IU'¡'1 la syncope ou au coma mortel,
éventualité exceptionnelle il va sans dire.
Quoi qu'il en soit, l'accès peut durer une ou plusieurs heures; quel-
quefois un véritable état de mal embrasse plusieurs journées. Les crises'
s'espacent parfois de si mois en (i mois; chez certains labéliques, elles
reviennent beaucoup plus fréquemment. En tout cas, l'euphorie est 1'0111-
plètc entre les crises; et c'est là un gros symptôme diagnostique.
Ce bien-être peut cependant être modifié de diverses façons; Dejerine
et Houx ont insisté sur les troubles dyspeptiques d'origine médicamen-
teuse qui compliquent le syndrome. A ces crises manque la douleur épi-
gastrique; le sujet souffre surtout sur les côtés, et le régime alilllt'nlai ! 'l'
- Il /
Séméiologie DE I,'I;ST0.11.1
a«>it favorablement. Mathieu a montre que la morpWnOIlHll1le si ire-
q7wnte, presque constante chez ces malades, favorisait la continuité des
crises, et provoquait un étal nerveux propice il la réalisation d'accès où
la simulation involontaire joue un grand rôle. Ces états pithiatiques se
distinguent facilement des crises légitimes par l'absence absolue d'oligurie.
La crise labélique est d'ailleurs très polymorphe, tantôt les douleurs,
tantôt les vomissements peuvent manquer. On a décrit des formes
cr,t»llm ? lcs, des crises sèches, des formes avec hématémèses. La défi-
nition en est plus facile que le diagnostic. Aussi en présence d'un
malade il grandes crises gastriques, faut-il toujours songer au tabès,
pratiquer la ponction lombaire (lymphocytose), analyser les douleurs
fulgurantes, rechercher le Robertson, le Westphal, le Ronberg. les trou-
bles de la sensibilité à topographie radiculaire. Il serait fastidieux d'énu-
mérer les erreurs de diagnostic possibles; tout ce qui est syndrome
douloureux abdominal peut simuler la crise tabétique. Il convient spé-
cialement néanmoins d'examiner le rein, l'appendice, le foie, à raison
des opérations quelquefois répétées auxquelles sont exposés les tabé-
tiques ; on a vu de même provoquer l'avortement chez une femme pré-
sentant simplement du tabès viscéral (Leyden).
Sclérose en plaques. On peut rencontrer des crises très voisines
des crises tabétiques. Ces crises associées ou non à de l'incontinence
fécale, sont fort rares.
Vomissements périodiques de Leyden. Ces vomissements sur-
viennent irrégulièrement, séparés par des intervalles parfois fort longs
de santé parfaite. Ils durent de 4 heures à 5 jours et leur début est ins-
tantané : ils viennent sans cause; aucune céphalée ne les précède, et
c'est le matin surtout qu'ils se produisent.
Le vomissement est muqueux, incolore ou verdâtre; le liquide rejeté
est abondant et acide. L'estomac est dilaté, Pépigaslre douloureux; et.
comme pendant la crise tabétique, la constipation et l'oligurie sont de
règle. Chez ces malades se notent quelquefois des douleurs fulgurantes.
En somme, en dehors de l'absence éventuelle de certains signes du tabès,
la crise de Leyden est une crise du type tabétique. Et si l'on peut
suivre les malades qui ont été atteints, on voit évoluer un tabès légitime.
Gastroxynsis de Rosbach. C'est la gastroxic de Lépine. Elle
affecte surtout les enfants et les jeunes gens surmenés; on a remarqué
la cessation des crises pendant les vacances. Le syndrome s'atténue
vers Page de 15 à 0 ans. L'accès se produit surtout après le repas; la
céphalée ouvre la crise et le vomissement la termine. Le visage est pale,
le malade lipolhyniique. Après la crise survient un sommeil prolongé,
et tout est fini au réveil. II s'agit en somme de phénomènes très
proches des accès migraineux.
Vomissements dans l'oedème aigu angioneurotique. 11 existe
parfois dans la maladie de Quinckc des crises gastriques violentes avec
vomissements. On a signalé le rejet de fragments de muqueuse oedématiée
PHATIQUE liEunOL. 63
. [F. MOUTI £ R.] ]
994 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.
Vomissements paroxystiques des ptosés (Mathieu). Ces crises se
voient chez des personnes atteintes de rein mobile. Le début est violent,
sans nausées; la douleur épigastrique est spontanée. Les vomisse-
ments se répètent et deviennent bientôt incoercibles; ils soulagent le
malade qui se force à vomir. Ces crises peuvent durer des mois.
Syndrome de Reichmann. - On appelait autrefois « maladie de
Reichmann » un syndrome constitué par hypersécrétion chlorhydrique,
stase, liquide le matin il jeun dans l'estomac avec débris alimentaires
restreints, mauvaise utilisation des hydrates de carbone, et consécuti-
vement, dilatation de l'estomac. Il pouvait y avoir, ou non, des vomis-
sements ou des crises douloureuses d'intensité moyenne.
Actuellement la grande majorité des cliniciens admet, après Soupaull,
Hartmann, A. Mathieu,'que la fameuse « névrose sécrétoire » n'est autre
qu'un syndrome d'ulcus juxtapylorique. Nous n'avons donc plus à y
insister ici.
Crises paroxystiques avec vertige. Dans les syndromes que nous
allons étudier maintenant. le vertige n'est pas le phénomène unique,
des vomissements surviennent en même temps. Mais le vertige donne
au groupement des symptômes un cachet tout particulier. De fait, il est
dificile, au point de vue du diagnostic a porter, de délimiter exactement
quel est le facteur étiologique en cause : tous ces troubles trahissent une
perturbation du bulbe ou de ses nerfs, mais il est parfois malaisé de
préciser davantage. '
C'est ainsi que le vertige stomacal peut affecter des caractères fort
dissemblables. Tantôt tournoiement vrai, tantôt sensation de soulève-
ment, de culhute ou (l'enfoncement, il est quelquefois réduit a une
simple sensation d'obnubilation improprement appelée vertige.
C'est, en tout cas. une affection rare, très rare même, et Mathieu et
Habinsky ne l'admettent qu'a titre absolument exceptionnel. Selon ces
auteurs, on confond d'ordinaire vertige gastrique et vertige auriculaire,
oculaire ou toxique. D'un autre côté, un homme souffrant de l'estomac
peut voir coïncider avec les exacerbations de sa dyspepsie des troubles
autres que le vertige; il ne faut pas prendre, par exemple de l'agora-
phobie pour des paroxysmes vertigineux. De même, la défaillance de
i hyperchiorhydrique atteint de faim douloureuse, ou le malaise que fait
éprouver il la jeune névropathe une faim nauséeuse doivent être soi-
gneusement distingués des troubles giratoires ou oscillatoires.
Quoi qu'il en soit, le vertige stomacal ne survient jamais soudain.
Spontané ou réveillé par des images sensorielles (odeur, vue d'un objet,
mouvement) il est précédé de douleurs ¡"pigastriql1es. de pesanteurs
quelquefois suivies de vomissements glaireux ou alimentaires.
Il ne fait. jamais tomber l'individu atteint; mais il peut produire de la
titubation. Il se produit il jeun, mais plus souvent après le repas. Il faut
du reste réserver le diagnostic de vertige stomacal pour les seuls cas
influencés nettement par une thérapeutique gastrique.
SÉMÉIOLOGIE DE L'ESTOMAC. 995
Tous les vertiges ne s'accompagnent pas de vomissements; il en est
un cependant vertige de Ménière qu'il convient de ne point rap-
porter à une maladie de l'estomac. Là aussi on peut trouver des nausées,
des étourdissements, des vomissements; mais le début foudroyant avec
chute et sifflement, la surdité consécutive éventuelle, la sialorrhée due
.') une lésion de la corde du tympan, contribueront au diagnostic. Seu-
lement, il ne faudrait pas prendre les symptômes auditifs pour une aura
sensorielle, ou bien les phénomènes gastriques pour un équivalent
épileptique; les séquelles, particulièrement les troubles de l'intelli-
1 : ) ,rence, empêcheraient de croire à la névrose.
Nous n'insisterons pas sur le mal de mer. Cette affection n'est autre
qu'un syndrome bulbaire avec troubles vaso-moteurs, troubles de l'équi-
libration, et phénomènes morbides dans le domaine du pneumogastri-
que. Le patient éprouve d'abord du froid et de la somnolence; puis
commence le vertige accompagné de céphalée frontale, de vomisse-
ments et de troubles intestinaux. Le pouls est fréquent, et sa pression
diminue de même que baisse la température. Plus tard, il y a parfois
un peu de fièvre. Ici encore les excitations sensorielles (treillages,
mosaïques, odeurs diverses du navire) jouent un rôle important.
Spasmes pyloriques. On a signalé le spasme pylorique dans les
névroses et chez les tabétiques. Triolo a décrit un spasme pylorique
cl'o°i.t/ine GttlGtine : une tumeur épigastrique survient par intermittence,
accompagnée de vomissements, et coïncidant avec le syndrome de Stokes-
Adams. Avant de songer à porter un diagnostic aussi exclusivement
neuropathique, il faudrait être bien sur de l'inexistence de la moindre
lésion organique.
Tétanie. En pratique on ne voit guère que des formes très bénignes,
limitées aux mains. La contracture y est typique (main d'accoucheur),
mais de faible intensité. De telles formes se rencontrent chez les dyspep-
tiques, les hystériques, et dans les sténoses pyloriques peu serrées.
Dans ces crises bénignes, les mains et les pieds (type d'extension)
peuvent être seuls atteints, et alors les douleurs sont faibles, ou bien il
peut y avoir des contractures généralisées, mais sans atteinte des muscles
respiratoires. Ces divers accès durent de quelques minutes à plusieurs
heures; ils se reproduisent sans intervalles réglés.
La forme généralisée de la tétanie survient surtout au cours des
grandes dilatations gastriques généralement liées à la sténose pylorique.
Son pronostic et son allure sont extrêmement graves. Les contractures
débutent par des fourmillements et de l'engourdissement des extrémités;
puis les membres se prennent. Il s'agit de convulsions toniques, quel-
clnefois cloniques, rapidement généralisées. Il peut se produire alors des
vomissements abondants, du hoquet, de l'élévation de la température
avec fréquence du pouls et myosis. Le malade est inconscient et peut
mourir dès la première ou la seconde attaque; ou bien le coma survient
et précède la mort. S'il y a plusieurs crises, entre ses paroxysmes le
. [F. MOUTIER.]
996 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.
malade sommeille ou délire; ses reins fonctionnent mal, il y a quelque-
fois de l'albumine, du sucre dans les urines...
On peut relever enfin des troubles persistants de la sensibilité, des
troubles trophiques (oedèmes, urticaire, herpès, sueurs) et vaso-moteurs,
de la. paresse intellectuelle consécutifs. Mais même ces formes graves s
peuvent guérir [malades opérés en pleine tétanie (Mathieu)].
On a signalé des accès courts, s'accompagnant de convulsions béné-
ralisées avec perte de connaissance, chez des individus dont l'estomac
renfermait de nombreux corps étrangers (bateleurs, etc.). Après l'accès
le retour à la santé était absolu.
Toux gastrique. C'est une toux sèche, quinteuse, superficielle,
inutile puisqu'elle ne libère aucune sécrétion broncho-pulmonaire, dan-
gereuse parce que souvent émétisante. On la rencontre dans toutes les
affections gastriques, ulcère, cancer, dyspepsie. L'ingestion des aliments
ou des liquides glacés, la simple pression au creux épigastrique parfois,
la provoquent. Elle survient souvent. après le repas, et cela à heure fixe
quelquefois, dix minutes, une demi-heure après. Elle est absolument
exceptionnelle chez d'autres que les tuberculeux.
Troubles de la motricité. -.On décrit sous le nom de gastroplégie
une affection rare, consécutive à un traumatisme ou à une laparotomie.
C'est une inhibition avec perte de la tonicité atteignant soit l'estomac
seul, soit l'appareil digestif entier. Le symptôme principal est le ballon-
nement de toute la partie sus-ombilicale de l'abdomen. Il y a accumula-
tion des aliments dans l'estomac avec putréfaction ; les vomissements
sont très tardifs. L'état général est alarmant; la mort pcut survenir, le
traitement est simple : diète absolue, et lavage de l'estomac. On prôné
la gastrotomie temporaire en semblable cas. Une autre forme de gastro-
plégie est réalisée par atrophie de la musculature viscérale comme dans
la myélopathie deDuchenne-Aran.
Troubles de la sensibilité. Nous n'avons pas à revenir sur les
douleurs et hyperesthésies accompagnées ou non de points hystérogènes.
Quant aux anesthésies de l'épigastre, elles peuvent être superficielles ou
profondes; superficielles, elles décèlent surtout l'hystérie; profondes,
elles sont fréquentes dans le tabès, et leur intensité permet au malade
de subir sans collapsus les chocs les plus violents dans la région du
plexus solaire.
Troubles centraux attribués à des états gastriques. Nous avons
'déjà signalé les rapports du coma et de la tétanie. On a fréquemment
observé le coma au cours des sténoses serrées du pylore. Il faut généra-
lement que le malade soit en même temps un grand inanitié pour que
survienne cette torpeur. L'haleine des malades sent la pomme de rei- .
nette. Il y a fréquemment de l'acétone dans l'urine, mais pas de- sucre.
Enfin, des hémiplégies, des aphasies passagères, ont été mises sous la
dépendance de désordres digestifs.
SÉMIOLOGIE DE L'INTESTIN ET DU PÉRITOINE. 997
SÉMÉIOLOGIE DE L'INTESTIN ET DU PÉRITOINE
Paroxysmes douloureux. Des crises intestinales d'ordres
divers sont fréquentes au cours des maladies nerveuses, mais elles sont
rarement douloureuses. Néanmoins, surtout dans l'hystérie et le tabès,
peuvent se rencontrer, peu fréquemment d'ailleurs, des paroxysmes
douloureux.
Crises tabétiques. Elles sont de deux ordres, les unes s'accompa-
gnent d'hypersécrétion (voir plus bas), les autres de phénomènes dou-
loureux. Dans ce cas l'entéralgie est généralement surajoutée à une crise
gastrique; la diarrhée coexiste avec les vomissements; la cyanose et
l'oliguric donnent au malade une allure de cholérique; il peut même y
avoir collapsus et mort au cours d'une crise de cet ordre.
Hystérie. On trouve simplement ici du spasme douloureux du
sphincter anal. Il s'ensuit une constipation opiniâtre tant que dure ce
spasme; celte forme d'hystérie demande à être dépistée avec soin. Elle
est souvent monosymptomatiquc et se rencontre plutôt chez des individus
d'un certain âge. Spasme et douleurs peuvent disparaître subitement il
propos d'une émotion. ,
Epilepsie. Certains sujets présentent des crises subites d'entéralgie;
ils éprouvent de violentes coliques et tout aussitôt un besoin urgent
d'aller il la selle. Ils peuvent ou non avoir de la diarrhée. Là se bornent
les symptômes, ou bien parfois une fugitive perte de connaissance permet
de reconnaître un équivalent épilcptiquc viscéral.
Troubles de l'évacuation intestinale. Il saint tantôt de
troubles sécrétoires, tantôt d'anesthésies ou de paralysies musculaires.
Diarrhées paroxystiques. Elles sont des plus fréquentes en sémio-
logie nerveuse; toutes ont des caractères communs. Elles surviennent
sans cause, elles disparaissent de même; la thérapeutique a peu ou point
de prise sur elles.
Dans le tabès peut s'installer pour longtemps une telle diarrhée. C'est
en général un phénomène précoce, 1W otavicluc. Chez tout malade pré-
sentant une diarrhée du type nerveux, il conviendra de rechercher les
signes du tabes (Argyll, «'esilr,ll, llollllrer, etc.). Cette diarrhée est semi-
liquide : il s'agit même plutôt de selles fréquentes que de selles molles.
Dans le goitre exophtalmique, la diarrhée peut s'installer dune façon
plus tenace encore; elle est cette fois liquide, et il y a de ai '20 selles
par jour. Elle cacheulisc le malade plus vite que la diarrhée tabétique,
bien que pendant longtemps encore subsiste une santé excellente.
L'hystérie enfin présente, elle aussi, des phénomènes paroxystiques qui
coïncident généralement avec divers troubles vaso-moteurs. C'est une
diarrhée essentiellement variable, fugace ou tenace, n'influençant, ni ne
dépendant de l'étal général. Il peut exister également des crises intes-
tinales dans la maladie de ()li«cl : c.. ,
[F. MOUTIER.]
998 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.
Dans la maladie de Friedreich et la sclérose en plaques peuvent se
rencontrer des diarrhées, voisines des .précédentes. .
Hémorragies. - On les rencontre dans l'hystérie et le tabes. Les
hémorragies intestinales hystériques ressemblent à toutes les manifes-
tations de la névrose, elles laissent la santé florissante et coexistent avec
d'autres accidents. Il est bon de toujours. songer à la simulation. Quoi
qu'il en soit, l'hémorragie est rarement à répétition, mais peut survenir
périodiquement à l'époque menstruelle. La colite muco-membraneuse favo-
riserait la production de ces grandes hémorragies hystériques, à l'exis-
tence desquelles on croit du reste de moins en moins chaque jour.
Tout autres sont les hémorragies tabétiques. D'une constance souvent
désespérante, elles surviennent brusquement ou précédées de douleurs
fulgurantes ano-rectalés. Elles peuvent se répéter pendant quelques jours
et disparaître, ou revenir chaque jour pendant des mois.
Ténesme rectal. Les tabétiques présentent quelquefois des trou-
bles remarquables. Ils sont sollicités par un besoin impérieux et immé-
diat d'aller à la selle; ce besoin les harcèle plusieurs fois par jour, et.
lorsqu'ils veulent le satisfaire, ils ne font rien ou à peu près. Ces tenta-
tives sont du reste indolentes.
Après leur crise; lies épileptiques ont quelquefois de la diarrhée qui
peut souiller leurs vêtements, ou bien ils ont un besoin'impérieux d'éva-
cuer l'intestin. La défécation ne se produit point en général. Ces phéno-
mènes, au lieu d'être post-paroxystiques, peuvent annoncer les crises
ordinaires. ? .
Paralysies intestinales. La constipation d'origine nerveuse peut
dépendre de trois facteurs principaux; elle peut être paralytique (para-
lysie intestinale), spasmodique (excitation solaire) pu liée à de l'anes-
thésie rectale [hystérie (Grasset)]. "
La paralysie intestinale doit être recherchée au cours de la méningite;
elle fait place à de l'incontinence à la fin de la maladie. Associée à du
tympanisme, elle fait-partie du syndrome des traumalismes et compres-
sions de la moelle : une fracture, un mal de Pott déterminent ainsi de
la constipation qui les révèlent. Des lésions du bulbe et de l'encéphale,
le ramollissement entre autres, occasionnent, surtout au début,, de
la constipation. '
Enfin, les paralytiques généraux, les tabétiques surtout ont à souffrir
d'une constipation opiniâtre ; et chez les' vieillards, la faiblesse médul-
laire sénile détermine une atonie intestinale chronique avec constipation
rebelle.
Troubles de le défécation révélant un état mental. Le diagnostic
est simple dans tous ces cas. Parfois il s'agit d'une idée fixe; tel l'hypo-
condriaque, pour lequel la selle quotidienne à obtenir, devient la princi-
pale préoccupation de la vie. Dans d'autres cas,, l'oubli des usages sociaux
devient complet, et démence ou délire, son état fait négliger à l'aliéné
le réglage volontaire de la défécation. Ces troubles peuvent être pas-
SÉMÉIOLOGIE DE L'INTESTIN ET DU PÉRITOINE. 9 ! )9
sao'ers ou chroniques; ils peuvent traduire enfin une déchéance défi-
nitive de l'individu, désormais inconscient, comme dans les dernières
phases de la paralysie générale, dans la démence sénile et le coma.
(Voir Gâtisme.)
Troubles sphinctériens. D'une façon générale il y a plutôt consti-
pation dans les lésions de l'axe cérébro-spinal.
Il y a incontinence du sphincter anal dans le coma de l'apoplexie
cérébrale, dans les paraplégies flasques quel que soit leur siège, il condi-
tion que la section de la moelle soit complète, et se soit produite rapide-
ment, à condition encore qu'il n'y ait point de contracture des parois de
l'abdomen. Il y a également incontinence quand le centre sphinctérien de
la moelle dorso-lombaire est détruit. lui fin, il peut y avoir incontinence
ou rétention dans les lésions lombaires et sacrées.
La constipation est fréquente dans l'hémiplégie, presque de règle
dans toutes les lésions de la moelle autres que les exceptions sus-men-
tionnécs. Mais au niveau de la moelle cervicale, les troubles sont très
inconstants.
Dans les lésions de la queue de cheval, il y a toujours constipation;
l'incontinence lui succède quand les racines s'atrophient.
Ces différents états dépendent et de l'anesthésie du rectum et des
troubles du sphincter. C.-P. Martin a constaté chez tous les tabétiques
observés par lui une anesthésie totale du sphincter externe de l'anus.
Comme les troubles vésicaux et rectaux sont parmi les signes précoces
du tabès, il serait utile d'examiner les réflexes dans tous les cas de
constipation rebelle avec paralysie du sphincter externe de l'anus.
Troubles hystériques simulant une maladie organique. Avant
d'aborder l'élude des troubles hystériques proprement dits, signalons
chez les névropathes des crises intestinales décrites par Nollmagel. Il
s'agil de contractions des anses intestinales survenant à l'occasion des
règles ou d'un choc moral, spontanément quelquefois. Ces contractions
s'accompagnent de sensations plus ou moins désagréables et les anses se
dessinent sous la paroi; Nothnagel a donné à ce syndrome le nom d'agi-
tation péristaltique de l'intestin. A l'heure actuelle, en présence de tels
cas, il faudrait songer à quelque occlusion intestinale plutôt qu à des
accidents sine nza.lefUa.
Pseudo-péritonite. Le malade accuse une douleur aiguë; il sur-
vient des vomissements, porracés parfois. Le ventre, ballonné, est extrê-
mement hyperosthésique; parfois même le faciès est grippé, mais cela
est une exception. Eu général, la figure est bonne et le pouls régulier.
Dans certains cas au contraire, l'allure clinique est exagérée, l'allure
trop tapageuse; un malade atteint de péritonite vraie éviterait ces mou-
vements et cette agitation. D'ailleurs, donnez du chorol'ol'Ille et tout
disparaîtra.
Tympanite. - En général, le météorisme ne prend pas une allure
clinique aussi aiguë que celle précédemment décrite, et le ventre se
[F. MOUTIER.]
1000 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.
gonfle simplement, on ne sait par quel mécanisme. On se trouve en
présence d'une femme jeune, au ventre énorme, non douloureux au
palper (Mathieu). Lue dyspnée considérable existe par refoulement en
haut du diaphragme. Le début a été brusque ou insidieux, précédé
d'accès de 11l ! "f¡"orisIIlC légers et passagers. L'examen de la malade
révèle l'aérophagie (Mathieu).
Quelquefois, la voussure se localise en une seule région de l'abdomen,
ou bien la contracture des grands droits sangle en deux moitiés cet
abdomen distendu. Les ovaires peuvent correspondre des zones d'hyper-
ou d'anesthésie. Sous le chloroforme enfin, tout disparaît encore.
Mais il faut connaître les fausses tympanites qui ne sont point dues.
comme les précédentes, il une distention gazeuse de l'intestin, et
dépendent de l'immobilisation forcée du diaphragme en inspiration
maxima. La respiration reste alors superficielle et à peu près exclusive-
ment costale. On peut dépister cette simulation en faisant longuement
souffler le sujet sur un objet, ou en le faisant rester suspendu un instant
par les mains. Ces différents exercices sont impossibles si le diaphragme
est immobilise. Le diaphragme peut cependant être fixé par une con-
tracture indépendante de toute simulation.
Fausse occlusion. Une tuméfaction plus ou moins globuleuse peut
se limiter en un lieu du ventre; des douleurs et des vomissements sur-
viennent bientôt. Parfois même, la crise est précédée d'évacuations de
matières amincies et rubanées sous l'influence du spasme intestinal.
L'état général est parfois effrayant : des vomissements bilieux survien-
nent, suivis éventue'leincnl de vomissements ('écaloïde5. Bientôt tout se
dissipe; souvent la malade s'endort, et l'on fait bien dans tous les cas de
vérifier la sincérité de la mise en scène.
Pseudo-appendicite. Il s'agit encore du même syndrome, ballon-
nement plus ou moins localisé, état général plus ou moins grave, douleur
au point de Mac Burney bien ou mal localisée. Puis tout s'efface, c'est
réellement l'appendicite fantôme. Souvent, une névralgie de la douzième
intercostale a été le thème de ces accidents; c'est le point perforant
du nerf qui simule le Mac llurney; il faut chercher avec soin les deux
autres points névralgiques : le vertébral et le latéral.
SYNDROMES ASSOCIÉS
*
Les symptômes nerveux et digestifs s'enchaînent étroitement, ainsi
que nous l'avons montré au début de cet exposé.
On fait son syndrome digestif avec son terrain 1}(;\Topathique; et dans
ces conditions, indispensables à connaître pour comprendre plus tard le
traitement, faire la sémiologie nerveuse des troubles gastriques serait
refaire toute la pathologie digestive. Nous nous bornerous à quelques
données générales.
TROUBLES PSYCHIQUES. 1001
Neurasthénie digestive. Le chimisme est indifférent; il y a avant
tout affaiblissement de la motricité stomacale, hyperesthésie des libres
sensitives du pneumogastrique. Les malades sont des dyspeptiques dont
toutes les digestions sont pénibles, le système vaso-moteur instable,
l'appétit diminué; la constipation ou une fausse diarrhée s'observent
fréquemment. Dilatation et ptôse sont, fréquentes aussi.
Entéro-névrose. Un certain nombre d'entèro-colites subissent le
contre-coup des ptôses, de l'épuisement nerveux, du surmenage intellec-
tuel, des émotions violentes. La cyanose, les sueurs, les syncopes, doi-
vent spécialement attirer l'attention sur le système splanchniql1l"
Syndromes solaires (d'après Laignet-Lavastine). L'n certain
nombre des troubles dépendant des altérations du plexus solaire intéres-
sent l'intestin. Dans certains cas (syndrome de paralysie), il y a une
diarrhée fétide, sanglante et incoercible, accompagnée de vomissements,
d'abattement profond, de petitesse du pouls et d'oligurie. Ce syndrome
est réalisé dans les péritonites; on l'a signalé en outre dans le tabès, la
paralysie générale, dans un cas de gliome fusiforme de la substance grise
de la moelle (10" segment dorsal au 2" lombaire, région tatero-poste-
rieurc). D'autres fois (syndrome d'excitation), il y a constipation, douleur
épigastrique et hypertension. C'est ce que réalise la colique de plomb.
jt TROUBLES PSYCHIQUES
. ! Nous étudierons surtout les viciations de la faim, les phobies et tics
.divers intéressant l'appareil digestif.
, Viciations de la faim. - La faim peut être supprimée ou per-
vertie. La principale de ces viciations, parce que la plus terrible, est
l'anorexie. »
Anorexie tabétique. C'est un trouble rare (Fournier). Le malade
mange par raison; autrement, il ne s'alimenterait jamais plus, car il a
perdu la sensation de la faim. La langue reste bonne; on peut se
demander s'il ne s'agit point d'hystérie chez un tabétique. (P. Marie.)
Anorexie hystérique. L'hystérique peut s'inanitier par spasme
de I oesophage, par gastralgie, par vomissements incoercibles, mais sur-
tout par cette anorexie primitive si admirablement décrite par Lasegue.
La malade est généralement une jeune fille de 18 il '20 ans. Elle com-
mence il restreindre son alimentation pour des raisons diverses, soit
pour quelques vagues douleurs de. déglutition1, soit pour quelque pesan-
teur imprécise après le repas; mais le plus souvent, minée par quelque
chagrin secret ou par quelque désir de coquetterie, elle a cessé de
manger parée qu'elle n'a plus eu faim, ou parce qu'elle a voulu maigrir.
Nous n'en sommes alors qu'il la période encore volontaire, pour ainsi
l, Dans ce cas, l'anorexie est plutit secondaire.
[F. MOUTIER.]
1002 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.
dire, de l'anorexie. Bientôt la jeune malade, étonnée, heureuse de se
sentir bien portante encore, quelquefois plus légère même, va diminuer
encore le taux de ses repas. Mais des malaises, imprécis d'abord, puis de
plus en plus accusés, teint terreux, peau sèche, haleine fétide, consti-
pation opiniâtre, troubles de la menstruation ne tarderont pas à sur-
venir ; la famille s'inquiète et harcèle de questions, de supplications
bientôt la jeune lille qui devrait pourtant ressentir quelque préoccupa-
tion. Soit inconscience ou indifférence, soit entêtement, l'anorexique
s'obstine, et. quand il toutes les prières des siens, elle répond : « A quoi
bon ? » le pli est pris, ou, si l'on préfère, l'obsession est créée; l'alimen-
tation sera diminuée encore, loin d'être augmentée. L'idée fixe est entre-
tenue par l'entourage qui supplie au lieu de menacer, par le médecin qui
hausse les épaules ou prescrit un régime inutile; car seul l'isolement
claustral supprime la maladie. Quand elle n'a plus son cénacle et qu'aux
prises avec des étrangers elle se sent la moins forte, beaucoup des illu-
sions de l'anorexique se suppriment, et sa cure est bien avancée déjà.
Néanmoins, cette cure est longue et lente, non exempte de rechutes; car
souvent le degré de cachexie et de maigreur est stupéfiant, et le psy-
chisme de ces êtres émaciés est devenu tout à fait anormal.
Anorexie neurasthénique. Le neurasthénique, l'hystérique et
1 aliéné deviennent tous les trois des inanitiés parce qu'ils raisonnent
mal. '
L'hystérique a une véritable perversion du raisonnement ou plutôt elle
ne se donne pas la peine de raisonner, elle se laisse aller souvent sans
savoir pourquoi, au gré d'un premier caprice. On peut cependant encore
agir sur elle en la forçant à renoncer il son habitude. D'autres malades ne
mangent plus parce qu'ils ont la honte du corps, la honte de la vie maté-
rielle; ce sont là des préoccupations, plus profondes et plus angoissantes
que celles de l'hystérique, et qui ne se développent que sur un terrain
dégénéré ; il s'agit ta de psychasthéniques, ou si l'on préfère, de phobiques
obsèdes. A côté d'eux se placent les aliénés qui sont des délirants, et par
définition déraisonnent. Quant au neurasthénique, il ne mange pas assez
soit parce qu'il a mal compris ou mal appliqué son régime, soit parce
qu'il éprouve de petits troubles qu'il plus ou moins juste titre il rapporte
à son alimentation. Il diminue donc celle-ci de toutes façons; et un jour
vient où son organisme affaibli souffre réellement de la digestion la plus
légère. Alors se crée le cercle vicieux suivant : le malade s'affaiblit
parce qu'il s'alimente insuffisamment et son alimentation est pénible et
douloureuse parce qu'il s'affaiblit. Les principaux symptômes sont l'aillai-
grissement, t'hyperesthesie du plexus coeliaque, l'asthénie, la pesanteur
des digestions, un degré de ptôse ou de dilatation variables, une langue
extrêmement saburrale. Ces neurasthéniques sont des gens uniquement
préoccupés de leur estomac, souvent résignés, au contraire des cancéreux
et des individus atteints d'ulcère, et supportant patiemment, pendant
longtemps le même régime restreint. A côté de ce neurasthénique ') 'ni
TROUBLES PSYCHIQUES. 1003
type simple, il convient de distinguer un neurasthénique dégénéré
(Mathieu et J.-Ch. Roux) chez lequel des phobies viennent aggraver le
tableau clinique. Ce neurasthénique dégénéré, phobique, nous fournit un
type de transition entre les individus subnormaux et les grands dégénérés
proprement dits.
Anorexie des dégénérés et aliénés. Innombrables sont ici les
raisons qui s'opposent il l'ingestion des aliments. Les mélancoliques ne
mangent plus par dégoût de toutes choses; ils n'ont plus la force d'aller
acheter leur nourriture, à quoi bon la vie avec ses tristesses et ses per-
pétuels recommencements ? Ce sont des êtres timorés, peureux, désolés
qui, même lorsqu'on veut les réaliinenler, trichent et se laissent mourir
(Mathieu).
L'hypocondriaque est un nosophobe; il a étudié les traités de méde-
cine et s'est fait il son usage personnel une pathologie digestive. Il se
croit toujours menacé d'accidents funestes, mais au contraire du mélan-
colique, il ne veut pas mourir, s'alimente malheureusement d'une façon
trop fantaisiste et personnelle et se trouve bientôt inanitié.
Enfin, il y a toute la foule des douleurs et des obsédés, des aliénés
sitiophobes, qui ne mangent point parce qu'ils ont un estomac fragile,
pas d'estomac du tout, une boule dans l'oesophage. parce qu'ils n'existent
plus, ou parce qu'ils sont immortels, immatériels. Certains paralytiques
généraux au début présentent de tels troubles, mais fugaces et instables.
Enfin, les abouliques, les déments cessent de s'alimenter comme ils
cessent toute autre fonction.
Déviations du goût. C'est encore parmi les aliénés que l'on trou-
vera des perversions telles que la géophagie. la coprophagie, etc. A un
degré plus léger, ces perversions se retrouvent chez les chloro-ané-
rniques, chez les femmes enceintes (désir du vinaigre, du poivre, etc).
Acorie. Perte de la sensation de satiété; on cesse de manger par
raison.
Exagérations de la faim. Certains individus sont de grands
mangeurs : d'autre part, la gloutonnerie des idiots et de certains aliénés,
des paralytiques généraux notamment, est de notion courante. Certaines
faims seraient d'origine bulbaire1 : diabète, goitre exophtalmique, anémie
pernicieuse (boulimies).
La faim peut être modifiée encore dans sa qualité; elle peut être dou-
loureuse, nauséeuse, phobique, etc.
Faim douloureuse (Mathieu)*. Elle est tardive et liée, à des
crampes douloureuses du pylore, trahissant la présence de liquide hyper-
acide encore dans l'estomac. L'ingestion d'aliments calme ses tiraille-
ments. X
Faim phobique. C'est une faim angoissante, cérébrale et non
bulbaire, survenant chez des sujets tarés au point de vue nerveux. Le
1. I.iioi'oi.n Un : Essai sur la faim, Arc/¡. clén. (le néd., p. 115, '1 no;).
2. M ITBIEU et Roux : L'inanition clic : - les dyspeptiques et les nerveux, Masson, 1905.
[F. MOUTIER.]
1004 . TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.
malade éprouve en même temps que le besoin de nourriture, un. malaise
effrayant avec sensation de mort imminente. Aussi( les poches de ces
malades renferment-elles toute une série-de provisions; le remède en
effet est simple, il suffit de manger. Insistons en passant sur cette forme;
car elle peut déterminer les malheureux qui en sont atteints à com-
mettre des actes délictueux : vol d'un pain chez un boulanger, etc.
Faim nauséeuse. La nausée remplace la sensation d'appétit qu'il
est fréquent d'éprouver vers 4 ou 5 heures de l'après-midi; en même
temps se produit une légère sensation ' de vertige avec salivation, et
quelquefois même vomissement pituiteux du type oesophagien, caracté-
risé par le rejet de gorgées claires d'un liquide incolore et filant. Là
-encore l'alimentation répare tout le mal. Il s'agit seulement, en effet,
de simple hyperacidité gastrique dans l'immense majorité des cas.
Faim défaillante (Benda-Ewald-Mathieu). Chaque'jour à la même
heure revient la crise, caractérisée par du vertige, de la pâleur, des
sueurs, une tendance syncopale. « Ces accidents disparaissent lorsqu'on
remplace les grands repas espacés par de petits repas plus rapprochés. »
(Mathieu et Roux.) )
Faim valle. Ce n'est qu'une faim phobique.
Tics et phobies. Aérophagie. (Bouverét-Mathieu). Nous
isolons ce tic à cause de sa fréquence et de son intérêt diagnostique. Le
malade atteint est un dyspeptique banal. Immédiatement après le repas.
il éprouve une grande pesanteur, une gêne épigastrique intense, une
tension bientôt soulagée par de nombreuses et sonores éructations.
Tous ces dyspeptiques tendent à attribuer le moindre petit malaise
après le repas à quelque fermentation anormale. Ils font alors des efforts
désespérés pour se débarrasser du gaz qui les tracasse. En ce faisant, ils
réussissent par leurs mouvements de déglutition à introduire de Pair dans
leur estomac; la tension s'en accroît encore, et leurs efforts redoublent.
Finalement éclatent soit des rots en série, soit une éructation unique
mais prolongée. Le gaz rejeté est inodore, c'est de l'air. De fait, la
grande flatulence des anciens auteurs n'existe point, et à partir de cinq
ou six rots en salve, on peut affirmer qu'il s'agit d'aérophagie et non de
fermentations (Mathieu). Il existe du reste des degrés dans l'aérophagie,
il y a loin de l'aérophagie simple post-prandiale, au grand hoquet, suite
d'éructations sonores, bruyantes, venant par crises à grand fracas. L'aéro-
phagie peut enfin être un tic continu, déterminant une tympanite abdo-
minale considérable. .
Quelquefois l'air peut rester dans l'oesophage et accompagner une
pituite; d'autre part, il y a lien de distinguer le tic simple du dyspep-
tique, de l'aérophagie de l'hystérique liée à un véritable spasme clonique
du pharynx. Certains malades ont des crises d'aérophagie nocturne, sur-
venant pendant le sommeil : ils se réveillent soudain ballonnés, élreints
parfois d'une sensation d'angoisse prononcée que soulage bientôt l'exoné-
ration accoutumée.
TROUBLES PSYCHIQUES. 1005
Quoi qu'il en soit, les malades prennent les habitudes les plus
étranges pour s'exonérer : frictions des côtes, de l'épigastre, etc.
Parfois même, ils présentent de véritables points réflexes, dont le
simple attouchement détermine la salve (rot il déclenchement de
Mathieu). Ajoutons que des névropathes vivant avec des aérophages
légitimes, prennent parfois un tic d'imitation qui consiste il simuler le
rot gastrique par un bruit laryngé ou faux rot laryngé. Dans ce cas. le
larynx ne subit pas l'ascension témoignant de la déglutition de l'air.
Le traitement est simple : faire comprendre au malade qu'il a un tic
et qucl lic, le mener devant une glace ou lui faire tàter son larynx, le
faire se rendre compte de l'ascension de cet organe et la lui expliquer.
Un bon moyen pour empêcher l'aérophagie, est de consciller au malade,
quand il sent venir sa crise, de se maintenir la bouche grande ouverte
par un bouchon, un manche de couteau, etc. Seulement il faut bien lui
expliquer ce que l'on attend de celte manoeuvre.
Du reste, si le petit dyspeptique est assez facile à convaincre, certains
dégénérés atteints alors d'une véritable phobie des. gaz ne se laisseront
pas aisément guérir.
Rumination. Mérycisme. La rumination est le retour à volonté
des aliments dans la bouche, pour leur faire subir une seconde mastica-
tion. C'est un acte simple qui s'apprend facilement, que présentent beau-
coup d'idiots et un certain nombre de dégénérés supérieurs. C'est un acte
agréable en soi. On ne peut ruminer les aliments introduits il la sonde.
Le mérycisme doit être nettement différencié de la rumination
(Mathieu). Il consiste en une régurgitation exagérée que le dyspeptique
facilite autant qu'il est en son pouvoir parce qu'elle le soulage sans lui
être agréable. Les malades finissent non seulement par aider il la régur-
gitation, mais encore par la provoquer, et le mérycisme devient une
obsession et un tic. Le retour des aliments s'accompagne souvent de pe-
santeur, quelquefois de nausées, toujours d'éructations. Il se produit une
tension des grands droits avec antipéristaltisnie gastrique et imuobili-
sation de la cage thoracique. Si ce besoin est contrarié, le sujet éprouve
une souffrance comparable il celle de tout liqueur qui ne peut satisfaire il
son impulsion.
Tics divers. Nous n'insisterons pas sur les tics de déglutition, de
sputation, de mâchonnement, etc., qu'il est si fréquent d'observer. Le
voile du palais peut prendre part il ces secousses diverses. Quand ses
mouvements sont associés à des mouvements de la face, le diagnostic est
aisé; mais si le voile présentait isolément des secousses cloniques, il
pourrait être bien difficile de distinguer le tic d'un spasme du voile lié
à des lésions cérébelleuses ou but))aires.
Certains malades ont la manie d'avaler leurs cheveux, d'où, dans leur
estomac, la production de ces ér¡ag¡'opilel> ou trichobezoars, pelotes feu-
trées parfois énormes, pouvant nécessiter alors une intervention chirur-
gicale.
[F. MOUTIER.]
1006 TROUBLES NERVEUX. DE L'APPAREIL DIGESTIF, . "
Enfin, certains névropathes arrivent à faire entendre dans leur tube
digestif des bruits extraordinaires dont la pathogénie est encore obscure.
Il n'est pas d'ailleurs jusqu'au sondage qui ne devienne une manie, et
l'oesophage des tubards finit par avoir un besoin constant du passage de
l'instrument.
Obsessions. Les phobies et obsessions digestives sont innombra-
bles ; elles peuvent porter sur chaque temps de la digestion : déglutition,
élaboration, défécation. Le malade a peur de s'étouffer en avalant, il
craint les parasites intestinaux. Les selles le préoccupent : il en retire
l'été du sable intestinal (akènes de fraises), il a peur de n'en point avoir,
mais il. craint d'en avoir trop; il a honte de manger, etc.
En terminant cet exposé diagnostique des troubles nerveux et digestifs
qui se mêlent et s'enchaînent, il convient de rappeler la haute impor-
tance de l'état des voies digestives dans les états morbides de l'esprit. La
constipation suffit en effet, entre autres causes d'intoxication, pour ra-
mener ou accroître les délires, les accès dé manie ou de mélancolie,
d'irascibilité, les troubles génitaux, les cauchemars, les obsessions, etc.
On a décrit enfin les hallucinations calmes et tristes des dilatés (Bou-
chard) et la tendance au suicide si fréquente chez les dyspeptiques.
" THÉRAPEUTIQUE
La plupart des malades atteints d'affections digestives sont des névro-
pathes, soit parce qu'ils l'étaient avant de souffrir, soit parce qu'ils le
sont devenus depuis. Il est cependant de très importantes distinctions à
retenir (A. Mathieu) pour conduire de façon profitable les traitements
divers; ces traitements seront en effet bien différents selon l'état mental.
Dans tout traitement, il existe, en effet, trois choses à considérer, la
lésion (s'il en existe une) et nous ne nous y attarderons pas ici, le
symptôme, l'état névropathique. Or, ce qu'il faut bien savoir, c'est que
le nerveux faiblement touché, le névropathe simple, le neurasthénique
du type du surmené banal sont parfaitement éducables; la persuasion
peut agir sur eux. Les neurasthéniques héréditaires, les phobiques, les
dégénérés sont déjà beaucoup moins maniables et demeurent à peu près
hors de la portée de nos méthodes psychothérapiques. Chez les hystéri-
ques, chez les suggestionnés, chez les simulateurs, la suggestion, l'inti-
midation, la séquestration médicale réussiront en général suffisamment.
Vis-à-vis des aliénés enfin, nous sommes complètement impuissants et les
médications doivent être très surveillées chez ces malades. Chez eux en
effet, tout devient matière à obsession, toute habitude est bientôt mala-
die. Il ne faut donc pas abuser de la morphine, de la cocaïne, des hypno-
tiques.
Il vaut mieux changer fréquemment d'analgésique en présence d'ac-
coutumances rapides, plutôt que d'augmenter sans cesse les doses du
THÉRAPEUTIQUE.' ' 1007
même produit. Il faut également limiter l'emploi des médications les
plus anodines, car bientôt, à tout propos et hors de propos, le malade
même guéri renouvelle l'absorption du médicament ou la manoeuvre
thérapeutique. Tels sont les alcalinomanes qui arrivent il ingérer, sou-
vent sans grand dommage du reste, des quantités considérables de bicar-
bonate de soude. Tels sont les tubards sur lesquels nous avons insisté
déjà. Il ne faut pas abuser de la soude, pas plus qu'il ne faut abuser des
lavages d'intestin. En dehors d'indications précises, ils fout à la longue
beaucoup plus de mal que de bien.
Enfin, les neurasthéniques et hystériques du tuhe digestif sont plus
que tous autres des esprits propres à la germination de l'idée fixe. L'on
aura souvent quelque difficulté à la dépister; il faudra toujours la détruire
si l'on veut retirer quelques succès de la thérapeutique. C'est ainsi qu'un
malade déglutit de Pair parce qu'il croit par ses contorsions expulser
des gaz; c'est ainsi que tel autre se force à vomir, parce qu'un jour un
vomissement sporadique le soulagea. Un troisième patient ne peut dé-
glutir, parce qu'il vit au voisinage d'une malheureuse atteinte de cancer
du cardia, etc. On pourrait citer d'innombrables exemples, ceux-là sont
typiques.
11 convient en terminant d'insister sur un principe fondamental, l' iso-
lement du malade. Nous l'avons déjà dit, supprimer l'entourage, c'est
supprimer sinon la maladie, du moins une cause occasionnelle au début.
sans cesse favorisante et aggravante ensuite. Le médecin doit ètre très
sévère sur ce point, et prévenir soigneusement la famille de ce qu'il
compte faire; il est préférable de ne pas assumer la direction d'un traite-
ment. si l'un ne peut, au point de vue très particulier de l'isolement, le
diriger à sa «mise. Cet isolement sera absolu.
Le malade ne reverra sa famille qu'en cas de progrès sensibles, ou
mieux de guérison. Autrement, il survient généralement une rechute
après chaque entretien familial ou même après chaque lettre. Cet isole-
ment sera combiné au repos absolu : le lit, pas de lectures, point de
bruit, souvent peu de lumière.
Telles sont les règles principales qu'il faut suivre toujours dans le trai-
tement des névrosés de l'appareil digestif, en dehors des indications
spéciales concernant l'hystérie, la neurasthénie ou les maladies plus
spéciales comme le tabès.
11 nous reste à dire un mot des opérations; l'intervention chirurgicale
peut avoir ses indications précises dans les maladies organiques, il n'en
est pas de même dans les cas qui nous occupent. On pourrait être tenté
de l'aire opérer les gastropathes chez lesquels les sensations douloureuses
sont un obstacle à l'alimentation; il peut être utile aussi de simuler par
une incision superficielle sous chloroforme une laparotomie chez quel-
que vésauique qui se croit atteint d'un cancer ou dévoré par un animal
mystérieux. Mais, à coté de ces cas, il en est d'autres placés sur les
limites de notre cadre : ce sont, par exemple, des malades atteints d'un
[F. MOUTIER]
1008 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.
ulcère; le diagnostic en a été affirmé par des hématémèses, des crises
paroxystiques il horaire particulier, etc. Ils n'ont plus de gastrorragies,
ils n'ont plus de grandes crises douloureuses; mais ils souffrent tout le
temps. Or, aucune maladie organique de l'estomac ne détermine une
douleur ainsi continue. Celui qui sent toujours son estomac est un névro-
pathe (Mathieu), il s'agit en un mot d'une véritable topalgie. Ces ma-
lades sont les premiers à réclamer une intervention; devrons-nous les y
encourager ? Si la maladie, cause déterminante de certaines crises et
cause occasionnelle des autres, peut être influencée directement par l'opé-
ration, nous la conseillerons; mais si elle vise uniquement il détruire
des douleurs d'ordre surtout psychique, nous la déconseillerons. Trop
souvent en effet, ces malades sont des hypocondriaques, et, après
une sedation passagère souvent il peine marquée, leurs douleurs recom-
mencent et se poursuivent tout au long du nycthefuere.
GATISME
par le D' MOUTIER
Le gâtisme est l'incontinence ano-vésicale. Il convient de comprendre
également sous ce terme l'incontinence anale seule ou l'incontinence vési-
cale seule, à condition cependant que celle-ci ne demeure pas absolu-
ment isolée, mais s'accompagne parfois d'émission de matières fécales. Il
importe, en effet. d'éliminer l'incontinence d'urine essentielle.
Le syndrome étudié se présente chez deux catégories de malades bien
différentes. Tantôt il se rencontre au cours de maladies organiques pures,
sans phénomènes démentiels, tantôt il fait partie du tableau clinique
d'une psychopathie.
Gâtisme et maladies non démentielles. Le conta est à
coup sur le syndrome clinique le plus fréquemment accompagné de
gâtisme. Nous n'insisterons pas sur le coma lui-même, étudié ailleurs;
mais il convient ici de montrer la diversité des troubles sphinctériens
que l'on peut observer au cours de son évolution. Au début, il y a géné-
ralement rétention d'urine et constipation. Parl'ois même la rétention
urinaire demeurera constante, et il faudra sans relâche sonder une
vessie rebelle à toute évacuation spontanée. En général cependant, les
matières sont émises spontanément au bout de quelques heures ou de
quelques jours, et l'incontinence urinaire s'installe. Celle-ci est variablc
en sa manière d'être. Quelquefois, la vessie se remplit et s'évacue par
intermittences réglées comme chez un être normal (incontinence miction-
nelle) ; le plus souvent il y a incontinence par regorgement, ou inconti-
nence vraie. Dans celle-ci, la vessie est vide; dans celle-là, elle est
pleine; dans les deux cas, l'urine coule sans cesse et goutte il goutte.
Il est assez fréquent de voir l'incontinence vraie succéder à Pincontienee
par regorgement.
Le gâtisme peut également se rencontrer dans des états plus ou moins
voisins dn coma, dans certains sommeils morbides tels qu'en peuvent
déterminer les tumeurs cérébrales, les méningites, les trypanosomiases,
1 hystérie. On l'observe encore, parfois persistant, parfois épisodique,
dans un certain nombre d'affections diverses de /'( ? (;(' cél'éúJ'o-spil1(/l. Sa
valeur séinéiologiquc est à la vérité insuffisante pour permettre de façon
précise un diagnostic de. localisation. (Voir troubles digestifs : sphincter
anal). Chez les vieillards lacunaires et chez ceux qui présentent des ! n.ry;e eumn.. ' 04
, [F. MOUTIER.]
1010 ' GATISME.
foyers de ramollissement, le gâtisme est très fréquent dès que l'éten-
due ou le nombre des lésions oblige les malades à garder le lit. Les
altérations médullaires s'accompagnent plutôt de rétention si la lésion
est élevée, cervicale ou dorsale supérieure; il y aura plutôt incontinence
si elle est inférieure. Cependant, il n'est point rare d'observer consécu-
tivement aux lésions du renflement lombaire ou de la queue de cheval
de la rétention qui, plus lard, fera place au relâchement des sphinc-
ters. Enfin, d'une façon générale, il y a incontinence lors des sections
complètes de la moelle, rétention dans le cas contraire. Il convient
cependant de tenir compte des dégénérescences tardives des nerfs;
celles-ci peuvent secondairement déterminer la suppression du tonus
sphinctéricil.
Dans les paraplégies flasques, et nous insisterons spécialement sur les
accidents des méningo-myélites aiguës, il y a gâtisme absolu et précoce.
Rappelons qu'il n'existe de troubles des sphincters ni dans la maladie de
Landry, ni dans les poliomyélites antérieures aiguës. Ces troubles peu-
vent, mais très rarement, s'observer au cours des polynévrites aiguës,
surtout dans les polynévrites avec troubles vésaniques (syndrome de
Korsakow).
Le gâtisme peut exister encore au cours des maladies aiguës les plus
diverses; il coïncide généralement avec le délire.
Diagnostic du syndrome « gâtisme ». Le gâtisme se rencontre
avec une fréquence toute particulière chez le vieillard. Ce dernier est
souvent en effet Ill'CI111(IIIC ou diabétique, atteint de ramollissement céré-
bral, ou présente, connue nous le verrons plus loin, des troubles vésani-
ques. Quelque multiples que puissent être ces causes, il convient de ne
pas confondre le gâtisme avec les accidents qui pourraient le simuler.
Ces troubles sont nombreux à la vérité. Les maladies' de la prostate, les
cystistes importunent le vieillard par les mictions répétées qu'elles dé-
terminent, et fréquemment quelques gouttes d'urine s'échappent et souil-
lent le linge du malade. Dans la syphilis de la moelle,- il existe souvent
des mictions impérieuses que l'on ne peut toujours satisfaire à temps;
mais, dans aucun de ces cas, on ne doit parler de gâtisme :
Chez le vieillard enfin, il n'est point rare de rencontrer de la diarrhée
par cancer de l'intestin ou par entéro-colile chronique. Dans de tels cas,
il arrive assez souvent que le malade ne puisse retenir ses matières, et
que la cachexie spécifique d'origine digestive l'oblige a demeurer au lit.
L'examen de l'appareil intestinal doit être pratiqué avec soin chez tout
vieillard gâteux, mais non paralytique
Gâtisme et psychopathies. Le gâtisme est fréquent dans
la paralysie générale, où il traduit la déchéance de l'individu. Parfois,
dû à l'indifférence et il la malpropreté du paralytique, il dépend en d'au-
tres cas de ses idées délirantes, 'soit que le malade se soulage en se
trompant d'emplacement, soit qu'il satisfasse il quelque illusion soma-
tique de mégalomane.
GATISME. 10B 1
Dans les tumeurs cérébrales, on rencontre parfois de l'affaiblisse-
ment de l'intelligence, de l'enfantillage (Brissaud) avec négligence des
soins de propreté, ignorance et oubli. Mais le gâtisme appartient surtout
aux états vésaniques. Il est souvent involontaire, mais parfois aussi volon-
taire. Dans la démence sénile, il dépend de la déchéance intellectuelle
et morale; les malades sont profondément atteints, ont assez souvent de
1'j "Tosses lésions cérébrales amenant des iclus parfois répétés. Le gâtisme
est, dans ces cas, normal et persistant. Mais, chez le vieillard, nous
attirons de nouveau l'attention sur ce point, ce n'est pas seulement dans
les états de démence que l'on voit s'installer le gâtisme ; la simple pré-
sence des lacunes de désintégration (Pierre Marie) dans les noyaux gris
centraux et peut-être aussi dans quelques gros faisceaux de la substance
blanche du cerveau (corps calleux, etc.) suffit a déterminer le gâtisme.
Le gâtisme est le plus souvent épisodique dans la confusion mentale
et dans les délires. Il lient il des causes diverses, soit que le malade
éprouve une impulsion irraisonnée pour les actes de l'exonération, soit
qu'il veuille satisfaire aux ordres émis par les voix impérieuses que ses
hallucinations lui font entendre.
Le syndrome étudié peut encore survenir sous d'autres influences. Lin
certain nombre de mélancoliques gâtent par inertie, par aboulie; les
mène-t-on aux cabinets, leurs fonctions s'y accomplissent normalement,
mais ils ne sauraient y aller d'eux-mêmes. Enfin, c'est par distraction ou
par véritable anestltésio (pie gâtent les maniaques. Le trouble est ici
irréfléchi : dans d'autres cas, au contraire, il sera conscient et volon-
taire.
C'est ainsi que dans le délire des négations, le gâtisme surviendra
parce que le malade se déclarera incapable de prendre le vase. Certains
persécutés croient, en se souillant, échapper à leurs ennemis ou se
venger; nombre d'idiots salissent pour le plaisir de faire mal. Il n'est
pas exceptionnel enfin d'avoir affaire ê't quelque simulateur résolu.
Barbouillage. Un certain nombre de malades ne sont pas seule-
ment incontinents, mais encore se salissent les mains et se barbouillent
d'innomable façon. Certains, a vrai dire, ne gâchent ainsi que par mala-
dresse.
Beaucoup de gâteux par ramollissement cérébral roulent constamment
entre leurs doigts, leurs couvertures, leurs draps, les alexes qui les gar-
nissent. C'est ainsi que peu il peu se barbouillent les lacunaires dl'l>-
1)),(111,1 : et les imbéciles.
D'autres déments mangent leurs excréments, et celte seatophagie n'est
pas exceptionnelle dans un grand nombre d'états, dans la paralysie géné-
rale par exemple. Enfin, des idées diverses de grandeur, (l'humilité, le
désir d'être désagréable aux infirmiers, aux surveillants, inspirent il un
certain nombre de délirants ou de minus halH'ns le besoin de se souiller
ainsi.
Le gâtisme n'a de valeur pronostique que tout à fait générale, il est
, [F. MOUTIER.J
lOt'2 ` ! GATISME.
l'indice d'une profonde anesthésie psychique on organique, d'une, dé-
chéance irrémédiable de la mentalité. Il est de plus un danger pour l'in-
dividu qu'il expose il toutes sortes d'infections, dont il détermine et
aggrave les escarres. On peut dans certains cas, par persuasion, s'efforcer
d'arrêter le gâtisme en raisonnant le dément et cherchant, il détruire
l'idée fixe. En d'autres cas, on peut pallier, au moins en partie, au gâtisme
de l'idiot en l'obligeant à des évacuations à heure fixe. Mais. i) n'est guère
possible le plus souvent que de donner des soins d'hygiène et de pro-
preté. Il importe de faciliter l'écoulement des urines par des matelas
spéciaux, et de veiller il ce que le malade soit changé aussi souvent qu'il ii
peut en être besoin. Ces considérations donnent au médecin le devoir
d'exercer sur qui soigne le malade une rigoureuse surveillance; la pré-
vention et la guérison des accidents cutanés sont il ce prix.
SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN
par le Dr ANDRE LÉRI
La main présente des déformations extrêmement variées au cours de
maladies purement locales, au cours de maladies neuro-musculaires ou
ostéo-articulaires à détermination locale occasionnelle ou constante, au
cours de maladies générales. Ces déformations peuvent n'être qu'un sym-
ptôme accidentel sans grande valeur diagnostique pendant l'évolution
d'une de ces affections, elles peuvent constituer dans l'ensemble d'un
tableau morbide une indication qui met l'observateur sur la voie du
diagnostic ou limite le nombre des diagnostics différentiels, elles peuvent
être enfin par elles-mêmes suffisamment pathognomoniques pour qu'on
puisse faire le diagnostic par le seul examen de la main. On comprend
donc la grande importance pratique de leur étude.
Les déformations de la main peuvent être dues à un trouble local du
développement embryonnaire ou foetal on à une dystrophie générale
congénitale.
Elles peuvent être représentées par des difformités, presque toujours
acquises, dues soit à un trouble vaso-moteur ou trophique prédominant
sur les parties molles, soit à une maladie dystrophique ou inflammatoire
essentiellement osseuse ou ostéo-articulaire. Quand les altérations portent
sur le squelette, elles peuvent consister en une simple hypertrophie de
l'ensemble ou de certaines parties des mains, hypertrophie systématisée
pour ainsi dire, toujours identique sous l'influence d'une cause déter-
minée, changement de volume total ou partiel plutôt que changement de
l'orme; elles peuvent au contraire être tout à fait irrégulières, vraiment
déformantes, variables dans une même maladie, déterminant des anoma-
lies de l'orme et de direction des différents segments. Portant à la fois
sur le squelette et les parties molles, certains troubles trophiques peu-
vent déterminer de véritables mutilations.
D'autres déformations tiennent non plus il une difformité, mais à une
atlitude vicieuse, d'origine congénitale on acquise, de la main sur
Pavant-bras ou des doigts sur la main.
Enfin certaines déformations de la main sont caractérisées par des
mouvements anormaux dont elles sonl le plus souvent la conséquence.
Ces différentes déformations ne conservent pas toujours la simplicité
[A LÉRI.]
1014 . SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN.
clinique qui en permettrait un diagnostic immédiat : des dystrophies
ostéo-articulaires s'accompagnent plus ou moins tardivement de paraly-
sies, de contractures ou de rétractions secondaires, des attitudes vicieuses
déterminent des troubles trophiques, des changements de direction et
de volume dans les os et dans les articulations, etc. Malgré la fréquence
relative de ces déformations complexes, il est souvent facile en clinique.
jusqu'à une période plus ou moins tardive, de distinguer s'il s'agit d'un
trouble du développement congénital (difformité tératologique locale on
dystrophie générale), d'une difformité par altération ostéo-articulairc
hypertrophiante ou déformante ou par dystrophie des parties molles,
d'une attitude vicieuse, ou de mouvements anormaux. Aussi est-ce dans
l'ordre suivant que nous passerons en revue les principales déformations
que l'on peut observer au niveau de la main :
1. Troubles du développement (embryonnaire ou foetal) :
A) Trouble local : difformité tératologique :
a) Par défaut : arrêt, atrophie :
Ectromélie : ecti-omèles, hémimèles, phocomèles.
Ectrodactylic.
lr) Par excès : hypertrophie, liyperaccroissement :
Polydactylie. Syndactylie. Mégalodactylie.
Hypertrophie congénitale.
H) Dystrophie générale : achondroplasie, dolichosténoméfic.
II. Difformités, généralement acquises :
A) Difformités ostéo-articulaires : '
a) Alfections systématisées qui hyperl/'opltienlla main ou les doigts :
ACIIOJ1ÉGALIE; gigantisme, 0stéo-carllropatlric hypertrophiante pneumique.
Clrirornégalie. Doiyts hippocratiques. Cyanose.
h) Affections irrégulières qui déforment la main ou les doigts :
Rhumatisme chronique : déformant, goutteux, sénile. Nodosités d'IIcberdcn :
nodosités de Bouchard ; rétraction de l'aponévrose palmaire; camptodact'lie.
Goutte.
Rachitisme.
Arthropathies nerveuses (syringomyélie, tabès).
Ostéomalacic.
Dactylites : tuberculeuse (spina ventosa), syphilitique, lépreuse, ])Iellnoli',I-iqiie.
B) Difformités des parties molles : '
Main succulente. Myxoedème. OEdèmes des hystériques. ErythromH-
lalgie. -- Névrome plexiforme de la main.
C) Affections mutilantes :
Main de Morvan : syringomyélie, lèpre. Maladie de Raynaud. Sckhv-
rlr.rmir. : sclérodactylie. Acrospbaeèlc par congélation. S¡lilla vellln,111
tuberculeux, spina ventosa syphilitique. ! < ! . Attitudes vicieuses : paralysies, atrophie, contracture, accessoirement
rétraction :
A) De la main sur l'avant-bras : Mains-botes :
Congénitale : par malformation osseuse; paralytique; spasmodique.
Acquise : paralytique; spasmodique.
TROUBLES DU DEVELOPPEMENT. 1015
B)Des.doigtssur la- main : Griffes : . ,
Griffe radiale ; griffe cubitale; griffe -.médiane ; main d'Aran-Duchenne.
IV. - Mouvements anormaux : , '
Maladie de Parldnson. Athélose : hémi-athétose, - athétose double.
Tétanie. = Crampes. - ' . z
I. TROUBLES DU DÉVELOPPEMENT
A. DIFFORMITÉS TÉRATOLOGIQUES -
Les monstruosités des membres ou tératomélies par défaut sont
représentées par les diverses variétés de l'ectromélie : l'ectromélie vraie,
absence complète ou presque complète d'un ou plusieurs membres, l'Iaé-
rnimélie, absence des segments terminaux seuls (avant-bras et main), les
segments ba-
saux (bras) su-
hsistant, la.p7ao- -
çoraélie (cpwx'r¡ ,.
phoque), absen-
ce des segments
basaux, le seg-
ment terminal,
la main pour
le membre su-
périeur, étant
directement
suspendu au
tronc (Yoir ar-
ticle : SÉIIÉIO-
LOGIE DU PIED,
iig. 1). Chez les
premiers il peut
s'agir parfois
d'amputations
congénitales, chez les derniers il s'agit bien d'arrêts localisés du dévelop-
pement, de monstruosités véritables.
L'ectrodactylie est l'absence plus ou moins complète d'un ou plusieurs s
doigts ; elle peut porter sur les doigts extrêmes ou sur ceux du milieu ;
dans ce dernier cas elle détermine une variété de «pince de homard».
La polydactylie est l'augmentation du nombre des doigts ; la forme la
plus fréquente est l'existence d'un 6° doigt à la fois aux mains et aux
pieds; les doigts surnuméraires sont plus bu moins complètement déve-
loppés, contenant ou non un squelette osseux. .
La mégalodactylie (fig. 1) est l'hypertrophie d'un ou plusieurs
doigts ; elle peut se faire ou non la fois en longueur et en largeur ;
tA. ZJ3HI .]
Fit. 1. Mégalodactylie. Il 3· hypertrophie de l'index et du
médius ci,' en même temps, des métacarpiens correspondants.
1Ô16 6 SÉMÉIOLOGIE DE LÀ MAIN.
elle est plus rarement congénitale qu'acquise ; dans ce dernier cas il s'agit
de chiromégalie.
. La syndactylie est là fusion plus ou moins complète de deux ou plu-
sieurs doigts voisins; l'union des doigts peut se faire uniquement par des
parties molles ou par des ponts osseux. La polydactylie et la syndactylie
coexistent parfois ; la soudure d'un doigt surnuméraire à un doigt.normal
peut déterminer la formation d'un doigt eh battoir où la palpation ou la
Radiographie dissocie deux squelettes digitaux. .
D'ailleurs les différentes monstruosités coexistent et s'entremêlent
fréquemment ; elles sont souvent héréditaires et- familiales ; elles ont été
considérées comme des signes. physiques de;la dégénérescence.
- Des hypertrophies des membres peuvent ;être congénitales : elles se
présentent sous la forme d'hémihypertrophie partielle ou d'hémihyper-
trophie totale, c'est-à-dire portent sur un membre (plutôt un membre
inférieur qu'un membre supérieur) ou sur les denx membres d'un même
côté (Geoffroy Saint-Hilaire,- Moebius, Trélat et Monod, Duplay, Moncliet,
etc.) : la main ou le pied y participent, mais souvent moins que les seg-
ments proximaux. A titre exceptionnel, on peut ne trouver qu'une hyper-
trophie limitée, à une main par exemple (cas. d'Apert, Iconogr. delà
Salpêtr. 1905). Ces hypertrophies globales semblent dues à un dévelop-
pement exagéré du système osseux, du tissu musculaire et surtout de
l'appareil vasculaire ; elles s'accompagnent volontiers de troubles tro-
phiques cutanés et de nævi vasculaires, quelquefois de dilatations vei-
neuses, d'augmentation des pulsations artérielles,- d'élévation de la
température locale.
1 L'atrophie d'un- membre congénitale est plus souvent la conséquence
d'une sclérose cérébrale que d'un véritable arrêt de développement pri-
mitif ; elle relève plutôt de la pathologie intra-utérine que de la térato-
logie proprement dite. '
Avec les difformités tératologiques nous devrions décrire les mains-
botes congénitales par malformation osseuse : il nous paraît plus utile
d'en faire plus loin le diagnostic avec les autres variétés de mains-botes
congénitales, paralytiques ou spasmodiques.
B. DYSTROPHIES CONGÉNITALES
Achondroplasie. - La main de l'achondroplasique est tout à fait
spéciale (Pierre Marie) : elle est petite, réduite dans toutes ses dimen-
sions, mais charnue, « carrée». Les doigts sont presque égaux en lon-
gueur, notamment l'index et le médius d'une part, l'annulaire et
l'auriculaire d'autre part; l'annulaire est souvent sur un plan postérieur
au médius et à l'auriculaire et en partie recouvert par eux. Les doigts,
réunis au niveau de la première phalange, s'écartent les uns des autres
au niveau des deux dernières; cette disposition s'applique à tous les doigts
ou seulement au médius et à l'annulaire ; elle donne à la main l'aspect de
main en trident tout à fait caractéristique de l'achondroplasie. Cette
DIFFORMITÉS ACQUISES. : 1017 T
main est assez pathogno1nonique . pour permettre de faire un. diag-
nostic qui sera complété par le nanisme, le volume excessif de la tête,' la
micromélie, l'intellect infantile ou puéril, etc. v . '
Dolichosténtimélie. Marfan a décrit sous ce nom une déformation
congénitale-- exceptionnelle des quatre membres, surtout des mains,
caractérisée par l'allongement des os avec amincissement et rétraction
tendineuse, sans paralysie ni modification de l'excitabilité électrique : on
observe une main en araignée. .
Il. DIFFORMITÉS ACQUISES
A) DANS LES AFFECTIONS OSSEUSES SYSTÉMATISÉES, IiYPERTROPHL1\TES -- -
Acromégalie (Pierre Marie). Le développement exagéré dé la
main est souvent le premier signe de l'acromégalie, il reste d'ordinaire
l'un des plus prononcés : il débute dans l'adolescence ou l'âge adulte.
L'excès de développement
peut se faire surtout en
largeur ou à la fois en
largeur et en longueur.
Le plus souvent la main
s'accroît « en large » ; elle
prend la forme de main
en battoir (fig. 2) ; elle est
épaisse, étalée, courtaude,
massive, cubique. L'hy-
pertrophieporte également
sur tous les tissus, os,
muscles,- tissu cellulo-adi-
peux, peau; il n'y a pas
d'oedème.- Les éminences
thénar et hvnothénar sont
augmentées de volume ; les sillons de la main, lès plis interphalan-
giens sont plus profonds que normalement, la main paraît « capitonnée » .
Les doigts sont gros, souvent énormes, aussi larges à leurs extrémités
qu'à leur base, « en saucisson », mais sans déformation articulaire, sans
déviation. La déformation s'atténue à partir du poignet; elle est peu
marquée ou nulle au niveau des avant-bras et des bras.
Quelquefois, surtout dans les cas d'acromégalie précoce, la main et
les doigts s'accroissent proportionnellement en longueur et en largeur ;
elle parait par suite moins déformée que dans le cas précédent, c'est
simplement une main « géante » .
L'excès de développement de la tète (faciès acromégalique), de la
langue, des pieds, la céphalée, l'aménorrhée, la cyphose cervico-dorsale,
les troubles visuels (hémianopsie 1]iteniporale), la glycosurie. les défor-
- [A. LÉRI.]
Fig. 2. 4c)'fM) ! e<y< ? f ! . Mains en battoir, épaisses, '
courtes et massives.
1M8
SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN..
mations du crâne constatables à l'examen radioscopique (épaississement
irrégulier, développement excessif des sinus frontaux et de la selle tur-
cique,) etc., complètent ou confirment le diagnostic.
Gigantisme. La main du géant est régulièrement développée dans
toutes ses dimensions (fig. 3); c'est le « type en long » de la main de
l'acromégale, celui qui, nous l'avons dit, s'observe dans l'acromégalie pré-
coce ; mais on peut aussi constater le « type en large » des acromégaliques.
01 ! -observe d'ailleurs tous les intermédiaires cliniques entre le géant
infantile dont le développement excessif est très précoce, au début de
l'adolescence, et se fait alors que les épiphyses ne se sont pas soudées,
le géant -ac2,o ? ? ,iégale dont le développement se fait un peu plus
tard, la maladie em-
piétant sur l'âge adulte,
les épiphyses étant plus
ou moins complètement
soudées (le géant in-
fantile « s'acroméga-
lise » quand les épi-
physes se soudent), et
Y acromégalique vrai
dont le développement
se fait plus tard encore,
dans l'âge adulte, quand
les épiphyses sont sou-
dées . II y a pour certains
auteurs (Brissaud et
Meige, Launois et Roy,
etc.) des relations nettes entre le gigantisme et l'acromégalie, l'une et
l'autre relevant peut-être des lésions de l'hypophyse survenues à un âge
différent Brissaud a prétendu que « l'acromégalie est le gigantisme de
l'adulte, le gigantisme est l'acromégalie dé l'adolescent ». Pour Pierre
Marie pourtant, l'acromégalie. a tous les droits, que le gigantisme n'a
pas, à être considérée comme une entité morbide bien classée.
Dans l'ostéa-arthropathie hypertrophiante pneumique,
affection décrite par Pierre Marie, les mains sont grosses, en pattes (fig. 4),
les doigts sont élargis avec une phalangette renflée, huileuse, « en battant
de cloche », en spatule; les ongles minces, striés longitudinalement
et friables, sont élargis et convexes en tout sens, ils ont une forme
« en verre de montre » et donnent aux doigts vus de profil un aspect
« en bec de perroquet ». Les phalangettes sont souvent en hyperexten-
sion. La déformation des doigts est d'ordinaire la première en date. Plus
tard le poignet se déforme, il devient énorme en tous sens, à la fois
élargi et épaissi, de sorte que l'extrémité inférieure de l'avant-bras est
souvent plus volumineuse que son extrémité supérieure; Le métacarpe
est peu déformé,, sauf un léger élargissement au niveau des têtes des
fjg. 3. Gigantisme. PeuL-nh'0 ncromégalie Truste ( ? )
« avec type en long-» de la main.
: DIFFORMITÉS ACQUISES.
lOi 9
métacarpiens..La-main est toute différente de la main de l'acromégalique.
Les pieds présentent des déformations analogues; les os longs de
l'avant-bras- et de la jambe sont aussi hypertrophiés, surtout à leur extré-
mité, les mouve-
ments sont gênés,
les articles sont
douloureux.
L'affection est
secondaire à une
infection de l'1p-
pareil pleuro-pul-
monaire troublant
l'hématose, surtout
à une affection sup-
purante, point de
départ de toxines :
la dilatation bron-
chique et la pleu-
résie.purulente sont
les maladies que
l'on retrouve le plus
souvent dans l'étio-
logie, les bronchites chroniques, la tuberculose pulmonaire, s'observent
souvent. Gilbert et Fournier ont signalé aussi la cirrhose hypertrophiquc
hiliaire, Bamberger les affections cardiaques, d'autres auteurs la pyélo-
' néphrite, la dysenterie, etc... : il est probable qu'on a confondu' sou-
vent Fostéo - arthropa -
thie véritable avec le
doigt hippocratique.
Bien qu'elles ne cons-
iituent pas des entités
cliniques, mais de sim-
ples symptômes, cer-
taines difformités des
mains doivent être rap-
prochées des hypertro-
phies osseuses systéma-
tisées dont nous venons
de décrire les aspects.
La chiromégalie sy-
ringomyélique (fig. 5),
décrite par Charcot et
Brissaud, ressemble à l'acromégalie : elle est caractérisée comme cette
affection. par une hypertrophie des mains et surtout des doigts qui sont
gros, arrondis ou « en massue » .Cette hypertrophie est souvent asymétrique .
IA..LÉRI.]
Fig. 4. OStéO-a7'thl'Opalhze fZY1Je1'tl'ophianle pneumique,
Mains en pattes; doigts épais, spatules; 'ongles en bec de perro-
quet. Épaississement de l'extrémité inférieure de l'avant-liras.
I'ig. 5. - Chiromégalie ches un syringomyélique. - Les 2°,
5° et 4° doigts de la main gauche sont hypertrophiés ; ils
scmblel1{ appartenir it unc autre main que le 5°' doigt.
1020 SÉMIOLOGIE DE LA MAIN.
il n'est pas rare qu'elle porte exclusivement sur un ou plusieurs doigts
d'une .main, et le contraste est alors frappant entre les gros doigts chiro-
mégaliques et les doigts voisins normaux. Les troubles scnsitifs et tro-
phiques de la syringomyélie, l'absence d'hypertrophie de la face et de la
langue, distinguent en tout cas la chiromégalie de l'acromégalie.
Le doigt hippocratique ressemble à première vue à celui de l'ostéo-ar-
thropathie hypertrophiante pneumique. Il a une forme « en massue »,
« en tète de serpent », due à une hypertrophie apparente ou réelle de la
pulpe et à une incurvation longitudinale excessive de l'ongle, en griffe,
telle qu'il semble soulevé à sa racine et abaissé vers son bord libre.
L'ongle hippocratique peut être observé indépendamment de toute défor-
mation de la phalangette, ainsi que le démontre la radiographie. On le
remarque surtout dans la tuberculose pulmonaire, on le trouverait aussi
dans nombre d'affections provoquant au niveau du doigt un trouble de la
circulation, d'origine soit générale, soit locale (Bezançon et de -long).
La cyanose congénitale ou maladie bleue provoque souvent un élargis-
sement en spatule ou en baguette de tambour des extrémités digitales; la
phalangette semble y participer généralement, quelquefois il y aurait
simple hypertrophie de la pulpe (Yedel).
Sans doute y a-t-il des intermédiaires nombreux entre ces différentes
déformations constatables au cours des maladies cardiaques et pulmonaires
qui troublent l'hématose : augmentation de la pulpe, augmentation de la
phalangette, incurvation antéro-postérieure des ongles hippocratiques,
incurvation totale en verre de montre, peut-être aussi ostéo-arthropathic
hypertrophiante; dans ces cas intermédiaires le diagnostic n'est pas tou-
jours aisé.
B) Dans les affections OSTGO- : 1RTICUL : 11RES irréguuères, déformantes
Dans le rhumatisme chronique déformant les déformations
des mains, qui sont les plus caractéristiques et presque toujours
les plus précoces, dépendent à la lois d'arthrites des articulations
métacarpo-phalangiennes et intcrphalangicnnes, de périarthrites et de
synovites, d'ostéites productives, de contractures secondaires des muscles
et de subluxations. On voit et on sent à la palpation le gonflement des.
épiphyses articulaires, les ostéophytes et les bourrelets osseux qui les
entourent, l'épaississement des synoviales, la tension des cordes tendi-
neuses, ces différents éléments étant essentiellement variables et pro-
duisant suivant les cas, et dans le même cas suivant les articulations, des
déformations très différentes.
Charcot a ramené ces déformations des mains à deux types principaux.
le type de flexion et le type d'extension. Dans le type de flexion (fig. 6).
tous les segments de la main sont fléchis les uns sur les autres, à l'excep-
tion des phalangines qui sont étendues ou même hyperétcndues sur les pha-
langes, et la main est plus ou moins fléchie sur l'avant-bras. Dans le type
DIFFORMITÉS ACQUISES. :
10'il
d'extension, tous les segments sont étendus les : uns sur les autres, à
l'exception des phalangines qui sont fléchies sud es phalanges, et la main
est aussi plus ou moins fléchie sur l'avant-bras. Mais il y a de nombreuses
variantes dans ces deux types; c'est ainsi que toutes les articulations
peuvent être fléchies les unes sur les autres, que les phalangettes peu-
vent être en extension en même temps que les .'phalangines, etc. De plus,
Vidal, Besnier, JuhcI-llénoy ont décrit un type rectiligne ou linéaire
caractérisé par l'extension complète des doigts avec demi-flexion des
doigts sur le métacarpe. Dans foutes ces variétés, l'ensemble des doigts
est généralement dévié en masse vers le bord cubital, « en coup de vent»,
et les phalangines sont parfois déviées en sens inverse vers le bord
radial. Lnlin sur
une même main la
déformation des dif-
férents doigts peut t
être analogue ou
tout à fait dissem-
blable. Les articula-
tions du pouce sont
en flexion ou en
extension.. ' :
La main peut être
non seulement en
flexion, mais en
pronation exagérée,
ce qui lui donne un
aspect en « nageoire
de phoques (de
Saint-Germain). Les différentes extrémités articulaires présentent à un
degré plus ou moins accusé des hypertrophies ou nouures et des suùluxa-
tions : aussi les. têtes articulaires sont souvent très saillantes; entre la
saillie du poignet et la saillie des têtes métacarpiennes la face dorsale de
la main est souvent concave. Les nouures et la raideur peuvent parfois
exister seules, sans altitudes vicieuses.
Toutes ces déformai ions sont généralement symétriques et plus ou
moins simultanées aux deux mains; Charcot a pourtant décrit une forme
pendant un temps très prolongé ou même pendant toute l'existence. Ces
arthropathies sont presque toujours douloureuses au début et pendant
plus ou moins longtemps.
Sur ces mains de rhumatisants, la peau semble lopins souvent adhérer
aux os par suite d'une atrophie en masse des muscles et du tissu sous-
cutané; cette peau est sèche, lisse ou couverte d'une fine desquamation,
dure, privée de rides, fortement pigmentée, parfois violacée, toujours
froide, privée de poils, privée de sueur et de sécrétion sébacée, hypoesthé-
[A. LÉRL]
Fig. fi. /1hztllwlisllle chronique. Type de flexion : les pha-
langes et les phalangettes sont lléclrics, les phalangines sont
hyperétendues.
1022
SÉMÉIOLOGIE DE LA MIN.
sique ou anesthésique : les ongles sont cannelés, durs, irréguliers, hyper-
trophiés ou incurvés, souvent fragiles et cassants.
Les mains du rhumatisme déformant sont souvent assez typiques pour
que le diagnostic puisse se faire à première vue par le simple examen
des mains, elles sont vraiment pathognomoniques. Mais les autres articu-
lations ne restent pourtant pas indemnes et leur examen peut confirmer
le diagnostic; les pieds se prennent d'ordinaire en même temps que les
mains, les autres articulations des membres, coudes, épaules, genoux
sont atteints plus tardivement.
L 'examen radiographique
montre dans le rhumatisme
déformant une hypertrophie
des extrémités osseuses, un
empâtement général sans li-
mitation précise, surtout une.
disparition de la bande claire
que donnent normalement les
cartilages articulaires, et un
tassement, une soudure des
os voisins.
Dans le rhumatisme gout-
teux, qui peut présenter les
mêmes déformations des
mains à l'examen clinique,
mais dont les déterminations
étiologiques sont différentes
(l'arthritisme au lieu du froid
humide d'après J. Teissier et
Roque), l'épreuve radiogra-
phique révèle des lésions
d'une autre nature : il n'y a ni disparition du cartilage, ni déformation et
pénétration réciproque des têtes articulaires, mais apparition de taches
blanches résultant de la formation d'ostéophytesuratiques, très perméables
aux rayons X (Potain et Serbanesco, J. Teissier, Barjon et Destot, etc.).
Laforme de rhumatisme sénile (fig. 7) décrite parP. Marie etA.Leri('),
intéresse tout spécialement les mains. Elle est caractérisée essentiellement
par une saillie dorsale des articulations métacarpo-phalangiennes de
l'index et du médius, parfois aussi de l'annulaire; mais toujours l'annu-
laire est moins atteint que le médius et le médius que l'index. L'articu-
lation métacarpo-phalangienne de ce dernier doigt fait aussi saillie sur le
bord radial. Le pouce est très saillant au niveau de son articulation avec
le métacarpe; il a une forme en croissant à concavité dorsale, de sorte
1. P. Marie et A. Liini. he rapport du Pr Teissier sur « les formes cliniques du
rhumatisme chronique u. Congrès de médecine. Liège, 1905.
Fig. 7. Rhumatisme chronique sénile. -Saillie
des articulations métacarpo-phalangiennes du pouce,
de l'imlcx et du médius. Cette déformation est un
peu anormale, ce n'est pas celle qu'on observe le
plus souvent ; d'ordinaire le pouce est en croissant.
DIFFORMITÉS ACQUISES.
1025
que son bord externe continué avec celui du premier, métacarpien prend
la forme d'un S très allongé. " .'
La main typique ..du rhumatisme sénile; s'observe à partir de 55 ou
60 ans, surtout chez des hommes, fréquemment chez des sujets qui par
profession ( corr9yem;s,.tanneurs, blanchisseuses, etc.) ont eu fréquem-
ment les mains dans l'eau. " -
Déjà par la palpation attentive on peut s'assurer que ces déformations
sont dues au gonflement ides têtes articulaires et surtout à une' subluxa-
tion des phalanges en avant : l'épreuve radiographique rend ces consta-
tations bien plus nettes; elle .montre en même temps, associées, les
altérations articu-
laires du rhumatisme -
déformant et en partie
celles du rhumatisme
goutteux (J. Teissier).
Une variété spé-
ciale du rhumatisme
chronique dyscrasi-
que, arthritique, est
représentée par les no-
dosités d'Heberden
(fil. 8) : cesontdepe-
tites nodosités fusi-
formes, dures, qu'on
observe souvent chez
. des gens âgés, de cha-
que côté de l'articula-
lion de la phalangette,
avec la phalangine
a un ou plusieurs doigts. Il articulation est élargie, aeiormee, l extrémité
du doigt un peu déviée, mais non douloureuse, sans craquements ni frois-
sements, sans ankylose. Ces nodules sont osseux et non uratiques, non
perméables aux rayons X; ils sont formés par l'accroissement anormal
de petites nodosités normales ; les cartilages voisins ne sont pas altérés.
Les nodosités de Bouchard se produisent de la même façon, mais aux
côtés des articulations des phalanges avec les phalangines (fig. 8) ; il
s'agirait, d'après Bouchard, d'une forme spéciale de rhumatisme chro-
nique dû à l'auto-intoxication acide par dilatation de l'estomac.
Aux différentes variétés du rhumatisme chronique ostéo-articulairc se
joint souvent une forme de rhumatisme fibreux qui peut aussi être isolée,
la rétraction de l'aponévrose palmaire, maladie de Duchenne (fig. 9). Au
début on ne constate que de petites indurations, des callosités, très adhé-
rentes à la peau, au niveau de la première phalange des doigts, surtout des
trois derniers doigts. Ces callosités augmentent de nombre et de volume,
se rejoignent et forment de vraies cordes fibreuses au-devant des deux
[A. LERL]
Fig.. 8. Nodosités d'Heberdett. Saillies nodulaires très
nettes sur les côtés des articulations entre les 2e et 5° pha-
langes, on constate également dans ce cas des nodosités entre
les 1" et 2° phalanges [nodosités de Boitchdî-d) (collection
Demaselino).
'1024
SEMEtOLOGIE DE LA MAIN.
premières phalanges et de la; paume jusqu'au sillon médian de la peau.
La paume est excavée, bourrelée de sillons et de mamelons irréguliers,
durs, souvent comme cornés; en général les brides sont longitudinales,
plus ou moins noueuses,
traversées de plis emboîtes
les uns dans les autres, en
arcades semi-lunaires il
convexité supérieure; les
doigts sont fléchis au ni-
veau des deux premières
articulations, l'articulation
de la phalangette demeu-
rant indemne. La rétrac-
tion ne peut être vaincue ;
la traction, la pression
sont douloureuses, et plus
tard la paume est dou-
loureuse spontanément. La
flexion des doigts peut être
telle qu'ils s'appliquent et
s'incrustent pour ainsi
dire dans la paume de la
main. La flexion forcée des trois derniers doigts avec liberté relative ou
absolue du pouce et de l'index donne parfois la main une attitude en
. pince de homard qui n'est pas sans analogie avec celle de certains
syringomyéliques..
La camptodactylie, décrite par Lanùouzycomme une autre manifesta-
tion de l'arthri-
tisme, est une
flexion perma-
nente du petit
doigt, souvent
de l'annulaire,
rarement des
autres doigts,
au niveau de
l'articulation
de la première
avec la seconde
phalange et par-
fois aussi au
niveau de l'arti-
culation de la seconde phalange avec la troisième. La première phalange
demeure libre, l'aponévrose palmaire reste saine.
. Dans la goutte chronique, les mains sont généralement très déformées
Fig. 9. Rétraction de l'aponévrose palmaire A
droite la rétraction a entraîné la flexion des deux der-
niers doigts et commence à"Iléchir le médius; à gauche
rétraction au début, tirant la peau de la paume vers le
poignet et formant des replis indurés.
Fig. 10. Goutte., ' Déformation de la main, flexion des doigls,
tophus sur l'articulation phalango-phalanginicnnc de l'index droit, de
l'index et du médius gauche.
¡
DIFFORMITÉS ACQUISES. 1
(fig. 10). Les déformations peuvent tenir à deux causes, les tophus et les
lésions articulaires ; ces deux variétés de déformations qui se trouvent
associées ou isolées, parfois elles coexistent avec des déformations du
rhumatisme chronique, notamment la déviation cubitale des doigts.
Les tophus sont des amas uratiques, de volume très variable, dissé-
minés irrégulièrement dans le tissu cellulaire sous-cutané et dans la peau,
mobiles sur les parties profondes; plus ou moins mous au début, ils
sont durs ensuite, sauf s'ils tendent à s'abeéder. On les trouve près ou
loin des jointures, la paume des mains notamment et sur les doigts.
Les déformations goutteuses proprement dites des doigts tiennent à
une lésion exclusivement limitée aux extrémités osseuses ou étendue il la
fois aux diaphyscs et aux épiphyses. Dans le premier cas les doigts sont
monitiforlnes et d'aspect très spécial, dans le deuxième cas ils sont uni-
formément épais et en baguettes de tambour; les déformations peuvent
donner aux mains une conformation tout à fait bizarre, difforme et irré-
gulièrc, « en botte de panais » Elle s'accompagnent souvent
de subtuxations ou de luxations véritables, d'ankyloses, de rétractions
tendineuses et d'atrophies musculaires.
Quand il y a des tophus ou des déformations de la diaphyse des pha-
langes, le diagnostic avec le rhumatisme chronique est aisé; quand les
déformations sont limitées aux jointures, il est souvent plus difficile.
La symétrie ordinairc du rhumatisme, l'asymétrie de la goutte ne sont
pas des caractères constants. Dans les cas douteux, la radiographie
peut rendre de grands services; elle montre, dans la goutte, d'une
part la conservation et l'intégrité des interlignes articulaires, les
dépôts uratiques étant perméables aux rayons de Rontgen, d'autre part
l'existence de taches blanchâtres disséminées sur les os aux points où
des dépôts d'urates très perméables ont remplacé dans la constitution
de ces os les phosphates très peu perméables. (Potain et Serbanesco,
.1. Teissier.)
Dans le rachitisme, la déformation des mains portc d'ordinaire uni-
quement sur le poignet, les petits os étant pourtant parfois plus gonflés
qu'il l'état normal (Guersant). La « notaire » du poignet est très carac-
téristique : produite par le gonflement de l'extrémité inférieure du radius
et du cubitus, elle donne lieu a une tuméfaction arrondie et circulaire,
en bracelet, sur une hauteur de ou 4 4 centimètres; le gonflement est
régulier et généralement symétrique, sans aucun signe d'inflammation :
les mouvements ne sont pas limités, ils sont au contraire souvent plus
lâches (laassowitr). Le gonflement peut être limité au radius seul, et la
main se trouve déjetée en varus. Dans le rachitisme infantile, de beau-
coup le plus commun, des incurvations des os longs, un chapelet costal,
un thorax en carène ou cn sablier, un front olympien ou un crâne nati-
',il ventre bombé, etc., complètent le tableau morbide. Le rachi-
tisme tardif ou des adolescents est au contraire souvent mouosympto-
matiquc, il peut être réduit il une nouure du poignet ou à un poignet
PHATIQUE NEUROI.. 65
[A. LÉRI.]
102(i -SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN.
varus. Exceptionnellement le rachitisme peut être foetal et les altérations
sont alors congénitales.
Certaines arthropathies nerveuses, des tabétiques et surtout des
syringomyéliques, peuvent aussi s'observer au poignet. La comme ailleurs,
elles se caractérisent par un gonflement rapide ou brusque, parfois consi-
dérable, de l'article, par une laxité extrême, souvent par une dislocation
complète avec intégrité remarquable des mouvements fonctionnels, sans
attitude vicieuse par atropine ou contracture musculaire, sans signes
d'arthrite, rougeur, chaleur ou douleur, sans craquements fins, mais
parfois avec de gros craquements et avec présence de corps étrangers
articulaires.
Dans l'ostéomalacie, les mains participent au ramollissement général
du squelette; les doigts peuvent prendre une forme spéciale qui serait
due aux ellorts que font les malades pour se soulever dans leur lit (Le
Dentu) : les doigts se tassent et se raccourcissent, leur extrémité s'épaissil
et s'élargit en battant de cloche, en raquette, en même temps qu'elle se
renverse en arrière.
Le spina ventosa est une affection tuberculeuse qui détermine des
déformations très spéciales. Les premières phalanges on les métacarpiens
sont en général atteints; 1 os est frappé dans sa diaphyse, il l'inverse de
la plupart des ostéites tuberculeuses; il ce niveau le doigt est gonflé.
fusiforme, comme soufflé, la peau est tendue, amincie, pâle au début.
plus tard violacée et luisante. L'af1l'clion peut persister un temps très
long sans modifications, elfe se termine quelquefois par résolution, beau-
coup plus ordinairement par suppuration qui entraîne des séquestres
osseux et détermine parfois des mutilations des doigts, des ankyloses,
des décollements épiphysaires. des luxations. Le doigt peut s'allonger ou
diminuer par irritation ou destruction du périoste et des cartilages; le
spina. ventosa d'un métacarpien peut provoquer de la même façon un
« doigt rentrant », « en lorgnette » ou un doigt « repoussé». (Lanne-
longue.)
La dactylite syphilitique ou spina ventosa syphilitique se présente sous
une forme analogue, un gonflement fusiforme d'un ou de plusieurs doigts.
La première phalange est aussi le plus souvent atteinte, mais la tumé-
faction peut embrasser plusieurs segments de doigt; elle peut être due
il l'infiltration gomineuse soit des parties molles, soit du squelette; elle
est dure et résistante, ou mollasse et même fluctuante; elle présente
toujours une coloration violacée spéciale et est douloureuse surtout la
nuit. Elle se termine par résolution ou par ulcération et nécrose plus ou
moins mutilante.
Dans la lèpre, les doigts peuvent présenter momentanément l'aspect
du spina ventosa : le spina leprosa est le prélude de mutilations impor-
tantes et rapides.
La dactylite blennorragique, pselHlo-phleguHJ\1eIISe (Fol1l'niel'). déter-
mine un gonflement uniquement pé¡'Ùll'tÙ'ulim'e au niveau d'une ou plu-
"' DIFFORMITÉS ACQUISES.
1027
sieurs phalanges : les doigts prennent une forme « en fuseau », en rave
ou « en radis ». Tardivement la dactylite peut passer à l'état chronique
et déterminer toutes les déformations du rhumatisme chronique progressif,
ainsi que des troubles trophiques intenses (amyotrophies, chute des poils
et des ongles, cornes cutanées, etc.). Elle n'est pas mutilante.
Nous n'insistons pas sur toutes les variétés d'arthrites inflammatoires
aiguës ou tuberculeuses, qui ne diffèrent en rien à la main de ce qu'elles
sont partout ailleurs.
C) Dans LES affections dystrophiques DES parties molles.
La main succulente, décrite dans la syringomyélie par Pierre Marie
et llarinesco (fig. 11 ), est due à la fois à l'atrophie musculaire et à des
troubles trophiques de la peau et du tissu sous-cutané. Par suite de l'amyo-
trophie, les bords cubital et radial sont concaves au lieu d'être convexes, et
la maiu est déjetée vers le bord cubital. Par suite d'une hyperplasie sous-
cutanée et d'un processus vaso-moteur, la face dorsale est tuméfiée, comme
« potelée », les tendons extenseurs ont moins de relief, les veines sont
comme voilées, mais il n'y a pas d'oedème véritable, la pression n'y laisse
pas de godet. Les doigts sont fusiformes, allongés, ou courts et boudinés;
leur attache manque de souplesse, leur ligne d'insertion s'arrondit brus-
quement à cause de la boursouflure de la peau interdigitale.
La tuméfaction de la main peut s'arrêter aux doigts ou se continuer
sur la première phalange; le tégument de la troisième phalange est lui-
sant et comme collé aux os (glossy skin) ; la striation longitudinale des
ongles est exagérée. A la face palmaire, l'atrophie de l'éminence hypothé-
nar et presque toujours de l'éminence thénar donne à la main l'aspect
[A. LÉRI.]
Fig. Il. - Main succulente de la syringomyélie. Main potelée, sans rides, sans dépres-
sions, épaissie, sans oedème.
1028 SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN :
simien ; assez souvent la main prend l'attitude de la main de prédicateur.
Cette main est toujours froide et sèche, rouge violacée et marbrée en
hiver.
La radiographie ne montre pas de lésion nette des os, mais une légère
hypertrophie de la tète des deuxième et troisième métacarpiens et surtout
la distension et le relâchement des ligaments des articulations métacarpe-
phalangiennes et radio-carpienne, ce qui explique la déviation cubitale
de la main et la possibilité de mouvements anormaux.
Cette main succulente est tout à fait spéciale à la syringomyélie pour
Pierre Marie et Marincsco ; pour Gilbert et Carnier, Dc,jerine, llirallié, on
pourrait l'observer dans des cas divers, hémiplégie, atrophie musculaire
Aran-Duchenne, myopathie, etc.
Dans le myxoedème congénital ou acquis, les mains sont épaisses, en
bêche, les doigts gros et boudinés; mais l'étatde la main n'est qu'un des
éléments accessoires du tableau morbide, et le faciès InYXoedématm : 'est
bien plus caractéristique. . tJ ? .
On admet généralement aujourd'hui que les oedèmes blancs ou bleus
des hystériques ne sont nullement un symptôme d'un entité clinique ; ils
sont toujours provoqués par des manoeuvres artificielles, toujours volon-
taires quoique la volonté chez ces sujets soit plus ou moins consciente
d'elle-même. Si ces oedèmes sont plus fréquents à la main, c'est parce
que la congestion qui les détermine est plus facile à provoquer à la main
qu'ailleurs par la simple application d'un lien circulaire sur l'avani-lras
ou le bras; ils présentent la coloration et les troubles vaso-moteurs et
thermiques des oedèmes par compression veineuse. Certains sont provo-
flués de façon dilférente et présentent les caractères des oedèmes inflam-
matoires.
L'oedème aigu des extrémités, violacé, douloureux, circonscrit, inter-
mittent ou paroxystique, donne à l'érytlaromélalgie un aspect très parti-
culier. '.
Une variété intéressante de la neurofibromatose ou maladie de Hel'Idin-
ghausen, le névrome plexi forme, peut se développera la main sous lune
de ses trois variétés, bien indiquées par Pierre Marie, tumeur, repli
cutané, éléphantiasis. Cette dernière forme peut être aisément confondue
avec toutes les variétés d'oedème, mais son développement congénital,
son irrégularité de distribution, l'absence de godet et la sensation plus
ou moins nette il la palpation de cordons durs enchevêtrés, la rugosité, la
pigmentation et la pilosité fréquente de la peau, la coïncidence des deux
grands signes ordinaires de la neurofibromatose, grains de iiiolluseilli, et
taches pigmentaires, rendront le diagnostic facile pour peu (pion y
pense (').
1. Un cas de ce genre, que nous avons observé dans le service du Il Pierre Marie,
avait été considéré par les uns comme un oedème congénital, par les autres comme une
affection inflammatoire de la main qui lui avait valu une intervention opératoire.
DIFFORMITÉS ACQUISES.
Dans l'adipose douloureuse ou maladie de Dercum, même généralisée,
il est remarquable que les extrémités, mains et pieds, ne participent pas
il l'adiposité générale, et l'on voit une main de dimension normale, par-
fois petite, à l'extrémité d'un bras et d'un avant-bras à aspect parfois
pseudo-éléphantiasique ; la limite se fait nettement en bourrelet, au niveau
du poignet en bracelet. -
D) Dans LES affections mutilantes.
La main de Morvan (fig. 12) caractérise la «parésie analgésique
avec panaris des extrémités supérieures » à laquelle on a donné le nom
de maladie de Morvan. En réalité, on n'admet plus guère que la maladie
de Morvan soit une
entité clinique; les
cas doivent en être
répartis entre deux
maladies à troubles
sensitifs objectifs
tout particulière -
ment accentués, la
syringomyélie et la
lèpre. C'est précisé-
ment parce qu'ils
sont indolents que
les panaris, dont la
cause est une infec-
tion d'origine ex-
terne comme pour
les panaris vulgaires,
sont spécialement
graves ; c est aussi parce que ces panaris se développent sur un terrain ou
les troubles trophiques sont très intenses. Les phalangettes d'abord atteintes
baignent dans le pus, le pus gagne le long des gaines les phalangines et
les phalanges, souvent la paume de la main : les abcès s'ouvrent à l'exté-
rieur par de larges ulcérations, ils se propagent en profondeur jusqu'aux
articulations et aux os, les os se nécrosent, des séquestres se forment et
s'éliminent. ; après un temps plus ou moins long, les fistules finissent
par se fermer. Il reste une main privée d'un ou plusieurs doigts en partie
ou en totalité, les sections sont boursouflées et inégales, les portions res-
tantes, tant des doigts que delà main, sont grosses, épaisses, irrégulières,
couvertes d'une peau sèche, écailleuse, insensible, souvent parcourue de
cicatrices saillantes, les ongles sont atrophiés; tel est le type de la main
de Morvan, main fréquente, mais nullement constante tant s'en faut,
dessyringoniyéliqucs et des lépreux. Exceptionnellement un traumatisme
de troncs nerveux, une névrite périphérique autre que la névrite
. (A. LERl.l
Fig. 12. Main de Morvan chez un sY1'lIlgo ? yéIÙ¡ue. Main
, ll1util¡'e par des panaris analgésiques des 21 et 5e doigts gauches;
doigts lioursuullus. boudinés, inégaux.
1050 SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN.
lépreuse, une paralysie radiculaire du plexus brachial peuvent provoquer
une altération très analogue. -
Nalbandofl (') a rapporté une observation de syringomyélie où les trou-
bles trophiques de la main avaient pris une allure très différente; on
constatait à la radioscopie l'absence presque complète des deux phalanges
du pouce qui avaient disparu par résorption simple, sans ulcération, et
l'on pouvait transpercer le doigt sans résistance et sans douleur.
La sclérodermie peut être plus ou moins généralisée d'emblée, elle peut
être progressive. Dans le premier cas elle envahit les mains comme la face.
le tronc et les membres inférieurs, les doigts sont immobilisés, indurés,
parfois momentanément épaissis (sclérodermie oedémateuse), puis effilés.
Dans le deuxième cas elle débute très fréquemment par les extrémités
et surtout par les doigts ; c'est la sclérodactylie décrite par Bail. Les
extrémités des doigts sont d'abord dures, violacées, douloureuses, puis
de petites ulcérations se forment parfois au niveau des articulations, elles
guérissent après un certain temps en laissant une cicatrice blanche indé-
lébile. Les doigts se fléchissent alors, les troisièmes phalanges sur les
deuxièmes, plus tard les deuxièmes phalanges sur les premières, les
doigts déformés s'immobilisent , les déformations rappellent plus ou moins
celles du rhumatisme noueux : mais il y a réfraction des tissus périarti-
culaires, et notamment des tendons, sans ankylose osseuse. Rarement
il y a au contraire une laxité anormale des jointures. Les doigts immo-
bilisés s'indurent et s'effilent, la peau mince, lisse, luisante, dure.
adhère aux os, les ongles sont en grande partie détruits ; les os eux-mêmes
diminuent de volume, une portion plus ou moins considérable d'un ou
plusieurs doigts disparait par résorption, mais généralement sans ulcéra-
tion profonde, sans suppuration, sans nécrose, sans élimination de la
la phalangette (2 ; exceptionnellement pourtant leur phalangette se spha-
cèle et sort il travers une ulcération ou une fistule. Ces lésions sont à peu
près symétriques, elles envahissent, le reste des mains, la face dorsale
s'indure, de petites taches lilas apparaissent sur les paumes, des bulles,
des ulcérations plus ou moins tenaces. Puis les avant-bras sont atteints il
leur tour, les bras, la face et plus ou moins toute la surface cutanée. La
peau prend souvent une teinte brunâtre plus ou moins foncée qui rappelle
celle de la maladie d'Addison.
En dehors de ces sclérodermies généralisées ou progressives, on peut
constater des sclérodermies localisés au niveau d'un ou plusieurs doigts
(sclérodermie annulaire d'un doigt, dans un cas de Miraull).
La gangrène symétrique des extrémités ou maladie de Raynaud
débute par une période plus ou moins prolongée d'asphyxie locale qui
ne peut être distinguée de la période de début de la sell"J'odaclylie :
les doigts, surtout à leur extrémité, ont une coloration blanc bleuâtre
1. Nalbakdoff. Soc. de ncvrol. de OloscoTC, 18 ! ).
2. Dans un cas M. Ilallopcau n'a plus trouvé, pour représenter le squelette du ? doigt.
qu'un débris atrophié de la 2° phalange libre au milieu des parties molles.
DIFFORMITÉS ACQUISES. 1051
ou violacée ou noirâtre, ils sont très douloureux spontanément, par accès,
mais insensibles à la piqûre; ils sont froids, les veines qui en partent
dessinent des marbrures livides le long des mains et des avant-bras.
A la période suivante, la maladie de Raynaud se distingue tout lait
de la sclérodactylie ; cette période se caractérise par la production de
phlyctènes, le harelaeriai2e»ient ou la formation d'escharc s. Les phlyctènes
se développent il l'extrémité des phalangettes, petites, isolées ou mul-
tiples : elles se rompent ou se dessèchent; rompues, elles laissent écouler
un liquide séro-purulcut et forment une légère excoriation ; desséchées,
elles brunissent, puis se détachent par plaques, laissant des ulcérations
superficielles ; dans les deux cas, il se forme des cicatrices irrégulières,
blanches, saillantes ou déprimées. Des poussées successives se produisent
aux mêmes doigts ou aux doigts voisins. A la longue ils prennent un
aspect flétri, rétracté, comme chagriné. L'état parcheminé peut survenir
d'emblée, sans phlyctènes, le bout du doigt jaunit, se ratatine, se raccor-
nit, se « momifie » ; après quelques jours des pellicules épaisses et dures
s'en détachent.
S'il y a gangrène d'emblée, les téguments deviennent noirâtres au
nivcau de la phalangette ; un cercle inflammatoire, puis un sillon d'éli-
mination limitent la zone de sphacèle; du pus parait dans le sillon et sous
le bord libre de l'ongle ; enfin une eschare se détache, généralement peu
épaisse, de 1 -il 2 millimètres ; il se constitue alors assez rapidement une
cicatrice blanche, irrégulière, dure, ou bien des croûtes se forment et
tombent en laissant il plusieurs reprises une nouvelle ulcération. Dans un
certain nombre de cas, assez rares d'ailleurs, la gangrène s'étend jusqu'à
l'os, la phalangette se nécrose et s'élimine, l'ongle se recourbe et se
recroqueville.
La maladie de Raynaud n'est pas toujours limitée aux mains : elle
atteint souvent aussi les pieds, mais moins souvent que la gangrène
sénile, parfois le nez, les oreilles, les joues.
A la suite d'exposition au froid, il peut survenir un acrosphacèle par
congélation tout il fait analogue à la maladie de Raynaud ; les doigts se
durcissent, se raccornissent, se momifient, un sillon d'élimination se
forme et de vastes escarres sèches, noires, tombent en entraînant parfois
la totalité d'une phalangette, d'une phalangine, même d'un doigt complet.
Cet acrosphacèle est d'autant plus à rapprocher de la maladie de Raynaud
que Etienne (') a constaté la diminution des battements de la radiale et
que le froid détermine sans doute la gangrène par l'intermédiaire de
lésions nerveuses et vasculaires qu'il produirait directement.
Nous avons déjà parlé des formes mutilantes de la tuberculose et de la
syphilis des mains et des doigts : leur mode de début et leurs suppura-
lions prolongées empêcheront de les confondre avec les affections muti-
lantes que nous venons d'envisager.
Il. EïlEXKK. Archives de médecine, 26 décembre 1905.
[A. LÉRI.]
10;;2 SIs111;10LOCIG D L : 1 MAI\..
III. ATTITUDES VICIEUSES
Dans la détermination des attitudes vicieuses de la main s'associent
il un degré variable suivant les cas des atrophies musculaires, des para-
lysies, des contractures, secondairement des rétractions et des déforma-
tions osseuses. 11 est souvent difficile de se rendre compte si c'est
J"amyotrophie, la paralysie ou la contracture qui a été la cause originelle
de l'attitude vicieuse, ou même parfois si ce n'est pas une altération non
musculaire, une lésion osseuse ou fibreuse ; une déformation très ana-
logue peut résulter de causes tout à fait dissemblables : nous donnerons
les principaux éléments du diagnostic.
Les principales attitudes vicieuses sont des déviations de la main sur
lavant-bras ou mains-botes et des déviations des doigts sur la main ou
griffes. " -
A) Déviations DE la main sur. L'AYAXT-nRAS : MAINS-HOTES.
Les mains-botes se divisent, comme les pieds-bots, en équines ou
palmaires, talus ou dorsales, valgus ou radiales, varns ou cubitales; les
variétés palmaire, cuhito-palmaire et surtout radio-palmaire sont les plus
fréquentes.
Les mains-botes sont congénitales ou acquises : les formes acquises
sont paralytiques ou spasmodiques. les formes congénitales peuvent être
paralytiques, spasmodiques ou dues il une malformation osseuse.
Les mains-botes congénitales avec malformation osseuse sonl
très rares, alors que les pieds-bots de même nature sont très fréquents;
le squelette peut être complet, mais présenter des vices de conformation
ou des rapports anormaux des surfaces articulaires : le plus souvent le
squelette est incomplet et c'est l'absence d'un ou plusieurs os qui déter-
mine la déformation : c'est l'absence totale ou partielle du radius que
l'on constate le plus fréquemment. Il existe en général d'autres malfor-
mations, et nous aurions dû décrire cette main-bote au chapitre des
troubles du développement de la main si nous n'avions cru préférable de
donner ici ses caractères différentiels avec les autres mains-botes. La
main-bote congénitale par déformation osseuse est fréquemment S ! IIIU>-
ll'ique nwe déviation égale des deux cotés, elle est irréductible, il n'y a
ni amyotrophie marquée, ni troubles trophiques et vaso-moteurs, mais.
contrairement au pied-bot de même nature, elle est généralement impo-
tente.
La main-bote congénitale paralytique s'observe quelquefois, notam-
ment après des traumatismes obstétricaux du plexus brachial ou de
différents nerfs ; la main-bote paralytique est plus fréquemment infantile
que congénitale, elle résulte alors une paralysie infantile : elle peut
prendre des altitudes variées. Elle est, en général unilatérale, 011 aSYJ//é-
trique et parfois dissemblable des deux côtés, elle s'accompagne souvent
. , . ATTITUDES VICIEUSES. '1055
d'atrophie musculaire, de troubles vaso-moteurs et trophiques, elle est
froide et violacée, le tissu graisseux sous-cutané est développé, les liga-
ments sont relâchés et les articulations flottantes ; la déviation est facile-
ment réductible, au moins pendant longtemps, jusqu'à l'apparition des
contractures et rétractions secondaires ; la main est impotente ; les
réflexes tendineux sont diminués ou abolis. '.
La main-bote congénitale spasmodique (fig. 13) est plus fréquente;
elle s'observe dans les diverses va-
riétés d'atrophie et de sclérose cé-
rébrale, d'encéphalite foetale et in-
fantile, d'hémiplégie et de diplégie
cérébrale infantile, de syndrome de
Little chez les prématurés, les hé-
rédo-syphilitiques, après un accou-
chement laborieux ou une maladie
de la mère, etc. Elle est beaucoup
moins fréquente que le pied-bot de
même nature, elle ne se rencontre
guère sans coexistence du pied-bot,
alors que le pied-bot spasmodique
est au contraire fréquemment isolé,
dans les paraplégies spasmodiques
familiales et dans certains syndromes
de Little par exemple..
La déviation de la main peut être
extrême, généralement cubito-pal-
maire; la main peut s'appliquer
presque en son entier sur la face
antérieure de l'avant-bras, les doigts
sont étendus ou fléchis. Cette défor-
mation est bilatérale ou unilatérale ; il y a de la raideur des articula-
tions, les muscles sont durs, la réduction est difficile ou impossible ;
on ne constate de troubles trophiques et vaso-moteurs importants que
dans l'hémiplégie spasmodique infantile; la main est impotente; les
réflexes tendineux sont exagérés. ,
Les mains-botes acquises sont paralytiques ou spasmodiques e) ;
1. Madelung a décrit sous le nom de « subluxalion spontanée des poignets » une
variété de main-bote acquise, survenant de 15 à 25 ans, dont un trouble de l'ossifica-
tion serait la cause déterminante. Par suite de la mollesse anormale de l'extrémité
inférieure du radius, cette épiphyse serait entraînée en avant par l'action prépondé-
rante des fléchisseurs sur les extenseurs; le relâchement des ligaments serait une
cause prédisposante. Le poignet est' fléchi, en avant et tombant; les extrémités infé-
rieures du radius et du cubitus font saillie sur la face dorsale; le poignet est épaissi,
les mouvements sont limités, l'articulation est douloureuse. Nous ne parlons pas des.
mains-botes par ankylose ou cicatrice vicieuse qui sont plus du domaine de la chirurgie
que de la médecine..
[A. LÉRI.]
Fig. 15. Hémiplégie et paraplégie céré-
brales infantiles. Main-bote congé-
nitale spasmodique (déformation très pro-
noncée) avec pied-bot.
'J054 . ' SÉMIOLOGIE DELA MAIN.. V -1 - -
leurs caractères différentiels sont les mêmes que pour les déformations
congénitales. On observe la main-bote paraly-
tique à la suite de certaines paralysies infan-
tiles (`) (6g. 14) ou de paralysies spinales aiguës
de l'adulte, à la période flaccide des hémiplé-
gies, à une période très- tardive des myopathies
progressives, à une : période également tardive
dès atrophies musculaires progressives myélo-
pathiques, quand, à la paralysie des muscles des
mains qui déterminé la main d'Aran-Duchenne
se joint la paralysie des muscles des avant-bras
qui provoque là « main de squelette » ou « de
cadavre ».
Dans la plupart de ces cas; tous les muscles
sont également paralysés ; il y a une main-bote
totale : ; ces mains sont généralement flasques et
ballantes ; il s'agit plutôt de « mains paraly-
tiques » que de mains-botes paralytiques.
-, La localisation de l'atrophie .ou de la paralysie
soit sur les extenseurs, soit sur les fléchisseurs
de la main peut déterminer une main-bote para-
lytique partielle par simple prépondérance des
antagonistes; z
mais cette
attitude est
en général
passagère, soit que ces antagonistes
s'atrophient ou se paralysent à leur
tour, soit qu'ils se contracturent et se'
rétractent, la main-bote paralytique
devenant alors spasmodique. La forme
la plus remarquable est la a main dé
prédicateur » (fig. 15), qui été dé-
crite par Charcot ,et Joffroy dans la
pachyméningite cervicale hypertro-
phique, qui peut s'observer exception-,
nellement dans la paralysie infantile
(Seelgmüller, Dejerine), mais que l'on
constate surtout dans la syringomyélie.
La main est dans l'extension forcée sur
l'avanl-bms avec un certain degré de
supination. Cette altitude est due à 1 atrophie ou à la paralysie des muscles.
1 . Il est.rare de constater chez l'adulte la persistance d'une paralysie infantile au
membre supérieur ; quand la lésion de la moelle est assez intense pour déterminer
lllïg. 14. - Atrophie du mem-
bré supérieur droit il la
' suite d'une paralysie in-
fantile.. Main-bote para-
lytique, flasque.
Fig. 15. ? Main de prédicateur (main
gauche). Syringomyélie il forme spas-
modique.. ,
ATTITUDES. VICIEUSES.
'I 035
innervés par le cubital et le médian, fléchisseurs et pronateurs, interos-
seux et lombricaux, avec intégrité des muscles innervés par le radial,
extenseurs et supinateurs. Suivant le degré variable d'atrophie, de
paralysie ou de contracture de ces muscles, les doigts peuvent prendre .
une attitude variable : le plus souvent ils sont fléchis dans leurs deux
dernières phalanges et étendus dans la première, parfois ils sont fléchis
dans les trois phalanges ; dans la forme spasmodique de la syringomyélie
décrite par Pierre Marie et Guillain, les deux ou le plus souvent les trois
derniers doigts seuls sont fléchis et contractures, le pouce et l'index sont
relativement indemnes et restent étendus plus ou moins complètement ; ' -
il en résulte une main « en pince de
homard» (fig. 16).
Certaines variétés de mains fléchies
du rhumatisme chronique sont dues
au contraire à l'atrophie des exten-
seurs et à la prédominance d'action
des fléchisseurs.
La main-bote spasmodique s'ob-
serve dans l'hémiplégie spasmodique
organique ou hystérique. Dans l'hé-
miplégie organique, elle est rarement
primitive (contractures précoces),
généralement consécutive à une pé-
riode de flaccidité. Dans l'hémiplégie
hystérique, elle est presque toujours
spasmodique d'emblée; l'hémiplégie
hystérique flasque reste flasque, elle
est beaucoup plus rare que la forme
spasmodique. ' .
La main contracturée des hémi-
plégiques organiques se présente
comme un poing fermé ; la main -est
en légère flexion sur Pavant-bras et les doigts en flexion plus ou moins
forte au niveau des phalangines et des phalangettes, les phalanges res-
tant généralement en extension. La main conserve la même attitude quand
l'avant-hras est en demirflexion sur le bras, position la plus ordinaire, ou
quand il est en extension, position plus rare. Cette flexion des doigts est
due à la contracture des fléchisseurs superficiel et profond, car en exa-
gérant passivement, la flexion de la main on peut dans certains cas voir les
doigts s'étendre et le poing s'ouvrir, alors qu'au contraire en étendant pas-
sivement le poignet on voit les doigts se fléchir plus fortement dans la main.
une paralysie permanente du hras, elle est trop haut placée pour ne pas déterminer le
plus souvent la mort de l'enfant. L'arrêt du développement osseux caractérise généra-
lement cette forme de main-bote paralytique. D -
Fig. 16. Main eu pince de homard chez
un syringomyélique (c'est la main droite
du malade ci-dessus). Flexion des 5 der-
niers doigts, extension des deux premiers.
. En même temps panaris analgésique de
l'index.
1056 SEMIOLOGIE DE LA MAIN.
La main-bote spasmodique est toujours relativement faible dans l'hé-
miplégie de l'adulte si on la compare aux déformations tout à fait exces-
sives que l'on observe souvent dans l'hémiplégie cérébrale infantile.
La main-bote de l'hémiplégie hystérique ressemble absolument à celle
de l'hémiplégie organique; elle est pourtant souvent plus prononcée, il
n'est pas rare aussi que les phalangettes restent étendues alors que les
phalanges et les phalangines sont lléchies ; enfin alors que la contracture
hémiplégique persiste dans le sommeil naturel ou dans le sommeil chlo-
roforrniclne, la contracture hystérique cède et la main s'étend, à l'excep-
tion des cas où il s'est fait des rétractions fibreuses.
B) Déviations des DOIGTS sur la main : GRIFFES.
La paralysie ou l'atrophie des muscles innervés par un des nerfs
moteurs des doigts ou la contracture de leurs antagonistes détermine
une «griffe»; chaque grille est désignée par le nom du nerf atteint ;
on a ainsi une griffe radiale, une griffe cubitale, une griffe médiane ;
chacune d'elles est totale ou partielle. Le domaine musculaire de plu-
sieurs nerfs moteurs peut être atteint en même temps totalement ou
partiellement, soit que plusieurs nerfs soient frappes simultanément dans
leur trajet périphérique, soif que l'origine centrale commune de plusieurs
.nerfs soit lésée; il en résulte de nouvelles variétés multiples dégriffés,
la grillé des interosseux, la main d'Aran-Duc)¡enne, etc.
La griffe radiale est caractérisée par la paralysie des extenseurs
des doigts et du poignet. Dans la griffe complète, la main est tombante
et ne peut être spontanément relevée. Les doigts sont fléchis dans leur
trois phalanges, mais ils peuvent être volontairement étendus dans
leurs seconde et troisième phalanges, par suite de l'intégrité des inter-
osseux, lorsque l'observateur étend passivement la main et la première
phalange. Les doigts peuvent être plus complètement fléchis et le poing
'fermé, à la condition qu'on relève passivement le poignet de façon à
écarter normalement les insertions supérieures et inférieures des muscles
fléchisseurs. La main, appliquée à plat, ne peul être portée ni vers le côté
radial par suite de la paralysie du premier radial, ni vers le côté cubital
par suite de la paralysie du cubital postérieur. Le pouce ne peut être porté
en dehors par suite de la paralysie de son long abducteur. Si l'on fait
fléchir l'avant-bras en s'opposant au mouvement, on ne sent plus sur
son bord externe la corde tendue du long supinateur. Sur le dos du poi-
gnet apparaît plus ou moins tardivement une tumeur dorsale du carpe.
tuméfaction indolente due il un trouble vaso-moteur ou à une synovite
hyperliopliique.
Le type de la griffe radiale complète se trouve dans les lésiotts trautna-
tiques du nerf radial, section, ecrasementou, plus souvent, compression
(paralysies dücs ct fit/o°c ? ) ; encore le long supinatcurcst-il indemne dans
quelques cas rares où le traumatisme a porté au-dessous de l'émergence
ATTITUDES VICIEUSES. : 1057 7
du rameau nerveux du long supinateur. Dans les traumatismes graves
seulement ou dans les névrites radiales, on observe des troubles sensitifs
dans le territoire cutané du radial (partie postérieure- et externe de la main
et des doigts, sauf les deux dernières phalanges de l'index et du médius).
La griffe radiale est la forme de beaucoup la plus coimnunedespamlysies
saturnines; elle présente alors quelques caractères particuliers; l'exten-
seur commun des doigts étant pris avant les extenseurs propres de l'index
et de l'auriculaire, le médius et l'index sont tombants avant le 2e et le 5e
doigts, et pendant un certain temps le malade « fait les cornes » ; le long-
abducteur du pouce restant très longtemps intact, le pouce et la main
peuvent être portes en an-
duction ; enfin le long supi-
nateur est presque toujours
respecté et l'on peut sentir
sa corde contractée durant
la flexion active de l'avant-
bras ; la paralysie est gé-
néralement bilatérale et cu-
rable.
Dans toute autre polyné-
vrite toxique ou infectieuse
que la névrite saturnine, la
paralysie n'est presque ja-
mais limitée au domaine du
nerf radial.
Dans le tabes on observe . -
parfois une paralysie radiale passagère, prenant le long supinateur, due .
peut-être à une névrite.
Des lésions du plexus brachial ou de ses racines produisent exception-
nellement une paralysie radiale. Il en est de même de certaines lésions
médullaires ou méningées, paralysie infantile, atrophie musculaire pro-
gressive au début, pachyméningite cervicale, etc....
La griffe cubitale (fig. 17) comporte la paralysie des interosseux,
des muscles hypothénar, de l'adducteur du pouce et d'une partie du court
fléchisseur, des deux lombricaux internes et des deux faisceaux internes
du fléchisseur commun profond des doigts, du cubital antérieur. Le petit
doigt et l'annulaire sont fortement étendus dans leur première phalange
et fléchis dans leurs deux dernières, l'éminence hypothénar .est atro-
phiée, les espaces interosseux sont déprimés, les doigts écartés ne peu-
vent être rapprochés; le pouce ne peut être opposé au petit doigt; la main
est légèrement déviée vers le bord radial et ne peut être portée en adduc- .
tion. Il y a souvent de l'hypo ou de l'anesthésie sur la partie interne de
la paume et du dos de la main, sur le petit doigt, la face interne de l'an-
nulaire et la partie interne du dos de la première phalange du médius..
Le type de la griffe cubitale s ? observe dans les lésions traumatiques du
IA. LÉRI ]
Fig. 17. - Grille de la main à la suite d'une lésion
traumatique du poignet. C'est une grille cubitale
légèrement modifiée.
! 058 SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN.
nerf cubital, section, écrasement ou compression, surtout au poignet ou
dans la gouttière olécrÙnienne; les paralysies par compression sont quel-
quefois professionnelles, chez les ouvriers qui s'appuient sur la face interne
du coude ou dont l'instrument appuie sur renunencehypothenar (menui-
siers, cordonniers, tailleurs de diamants ou de cristaux, verriers, etc.).
La même griffe peut s'observer dans certaines névrites toxiques ou
infectieuses, notamment dans la lèpre où le nerf cubital est fortement
hypertrophié, rarement dans la syphilis, dans la fièvre typho ! d la
grippe, dans l'alcoolisme. -
La griffe médiane amène la paralysie de tous les muscles antérieurs
de l'avant-bras et de l'élllinence thénar, sauf le cubital antérieur et les
deux faisceaux internes du fléchisseur profond, l'adducteur du pouce etune
partie du court fléchisseur. L'éminence thénar est atrophiée, le pouce se
porte en arrière, tourne sur son axe et se met sur le même plan' que les
autres doigts, son opposition est impossible : c'est la « main de singe ».
Les premières et deuxièmes phalanges de l'index et du médius sont
étendues et ne peuvent être fléchies ensemble; la flexion de la première
phalange n'est possible qu'après l'extension des deux dernières sous
l'action des interosseux. La deuxième phalange de l'annulaire et de l'auri-
culaire est étendue alors que la première et la troisième sont demi-fléchies.
La flexion de la main sur l'avant-bras n'est possible qu'avec une forte
adduction sous l'action du cubital antérieur; la pronation de la main est
très limitée et due seulement au long supinateur. Des troubles sensitifs
peuvent intéresser le territoire cutané des deux tiers externes- de la
paume de la main, de la face palmaire des trois premiers doigts et de la
moitié externe du quatrième, du dos des deux dernières phalanges de
l'index et du médius et de la moitié externe de celles de l'annulaire.
La grille médiane s'observe plus ou moins complète dans les tralllll : 1-
tismes du nerf, section ou compression, et dans de rares névrites toxiques
ou infectieuses. La main de singe marque habituellement le dchutdn
l'amyotrophie spinale Aran-Duchenne.
La main d'Aran-Duchenneest constituée par l'association d'atro-
phie ou de paralysie des muscles de la main dans le domaine a la
fois du médian et du cubital : c'est une main de singe avec «rifle des in-
1('rossl'lIx et généralement, atrophie de l'hypothénar. L'eminencethenar est
atrophiée et l'opposition du pouce impossible; les espaces interosseux sont
déprimés, l'adduction des doigts impossible; les premières phalanges
des doigts sont étendues, les deux dernières sont fléchies et ne peuvent
être étendues (cela pour tous les doigts et non seulement pour les deux
dernierscommedans la grifl'l' enhitale pure).
La main d'Aran-nnebenue est un syndrome dont la cause peut se
trouver dans des lésions médullaires portant sur l'origine des W paire cer-
vicale et )"' paire dorsale (d'où partent la plus grande partie des fibres
du médian et du cubital), dans certaines lésions nél'1'iliques et dans des
atrophies myopathiques.
ATTITUDES VICIEUSES.
10 ! 1
La main d'Aran-Duchcnne d'origine médullaire est constante et
presque toujours bilatérale dans la poliomyélite antérieure chronique (')
et dans la sclérose latérale amyotrophique : dans la première, les réflexes
tendincux' sont diminués ou abolis, dans la seconde ils sont toujours
exagérés. Certaines formes de méningo-myélile syphilitique produisent
un syndrome tout il fait analogue a la première de ces affections; l'atteinte
secondaire des faisceaux pyramidaux peut amener une exagération des
réflexes et une extension des orteils; le tableau clinique simule alors une
sclérose latérale amyotrophique à évolution lente (Raymond, A. Léri).
Dans le labes on a signalé maintes fois une amyotrophie à type Aran-
Duchenne : il est fort vraisemblable qu'elle est due plus souvent à la
propagation aux cornes antérieures
du processus de rnéningo-myélitc
postérieure syphilitique, qui consti-
tue le tabès, qu'à une névrite asso-
ciée.
La main d'Aran-Duchenne est
très fréquente dans la syringomyélie
(fin. 18) : elle est souvent unilatérale.
Dans cette maladie l'Intégrité extrê-
mement prolongée des muscles exten-
seurs du poignet donne souvent à la
main d'Aran-Duchenne l'attitude, de
prédicateur que nous avons signalée.
La dissociation de la sensibilité, la
cypho-scoliose distingueront la syrin-
gomyélie.
La main d'Aran-Duchenne s'observe
aussi dans l'hémalomyélie, exccp-
tionnellement dans les compressions
et hémisections de la moelle et
dans la paralysie mlantlle. L atrophie .musculaire type Ltiarcot-jiane et
la névrite interstIticHehypertrophiquc de Gombautt, Dejerine et Sottas.
lICCt1011S qui s'accompagnent de lésions médullaires, amènent parfois'
aussi la production de celte même main.
Toutes les lésions portant sur les nerfs médian et cubital ou leurs
racines peuvent produire ramyotropilic de la main type Aran-
Duchenne.
Les lésions des racines médullaires portant sur la 8e cervicale et la
J "0 dorsale peuvent être une pachyméningite et notamment une pachy-
méningite cervicale hypel'l1'ophir¡ue, une tumeur méningée, un mal de
1. Nous avons dit il l'article ce Atropines musculaires » que, à noire sens comme à
celui de Pierre Marie, l'existence d'une poliomyélite antérieure chronique, en tant
qu'entité morbide cliniquement bien individualisée et anatomiquement bien systema-
tisée, ne devait être encore admise que sous certaines réserves.
IA. LÉRI]
Fig. 18. Mains d'A1'an-Dllchcllllc chez
un sy1'illgomyéliqllc (collection Damas-
chine).
1040 SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN. -
Pott, une fracture ou une luxation du rachis ; sur le plexus brachial peu-
vent porter des paralysies traumatiques ou obstétricales; sur les troncs
du médian ou du cubital, des traumatismes, des compressions profes-
sionnelles, des névrites infectieuses (lèpre, pneumonie, etc.) ou toxiques
(arsénicisme;- alcoolisme exceptionnellement en dehors de la paralysie
des extenseurs du pied, saturnisme exceptionnellement en dehors de la
paralysie radiale, -etc.). Les douleurs pseudo-névralgiques spéciales, une
.déformation fréquente du rachis dénotent la pachyméningite cervicale
hypertrophique ; comme dans la syringomyélie, on observe souvent l'atti-
tude de prédicateur. Dans toutes les lésions portant sur la 1"e racine
dorsale ou la partie inférieure du plexus brachial,, on observe des trou-
bles de sensibilité et. surtout des troubles oculo-pupillaircs, myosis,
rétrécissement de la fente palpébrale, souvent enfoncement du globe
oculaire (Mme Dejerine-Ilmnpl : e).
Enfin, cette même déformation de.la main peut s'observer il une
période généralement tardive des- myopathies facio-scapulo-huméralc
(type Landouzy-Dejerine) ou scapulo-humérale (type Erb).
IV. MOUVEMENTS ANORMAUX
Quelques variétés de mains sont caractérisées non seulement par leur
attitude, mais par leurs mouvements anormaux.
Dans la paralysie agitante les mains participent à la rigidité muscu-
laire : les doigts sont fléchis dans leur première phalange et étendus
dans leur deuxième et troisième, parfois hyperétendus ; ils se touchent
l'un l'autre sans pouvoir -s'écarter, et lâchée palmaire du pouce est. de
même appliquée énergiquement sur la face palmaire de l'index; il y a
une sorte de', main en cône : La main participe aussi au tremblement
général'; en outre elle présente souvent des mouvements spéciaux, lents
et continus, de très faible amplitude, mouvements de flexion et d'exten-
sion légère des doigts, d'abduction et d'adduction légère du pouce, pen-
'dant lesquels le pouce ne quitte pas la face antérieure de l'index : le
malade a ainsi l'air de constamment « rouler une cigarette ». Très
exceptionnellement les.'parkinsoniens ont le poing fermé.
Les mouvements athétosiques de la main s'observent dans deux condi-
tions très différentes : dans l'hémi-athétose post-hémiplégique et dans
l'athétose double. ' .
L'hémi-athétose post-hémiplégique est bien plus fréquente à la suite
des hémiplégies cérébrales infantiles qu'à la suite des hémiplégies de
l'adulte, elle est aussi souvent bien plus prononcée. La main et les doigts
sont animés de mouvements lents, irréguliers et arythmiques, de
faible amplitude, jusqu'à un certain point « ondulés », mouvements
de « reptation », de « tentacules de poulpe ». L'attitude coutumière de
MOUVEMENTS ANORMAUX.
ton
la main est très spéciale, elle est en pronation forcée, la paume en avant,
à demi fléchie sur le poignet, les doigts étendus et écartés en éventail,
étalés en patte de canard; cette attitude varie d'ailleurs d'un moment à
l'autre par suite des mouvements de la main et des mouvements isolés de
chaque doigt; elle est surtout caractéristique par le fait qu'elle ne rentre
aucunement dans la série des atti-
tudes qu'on donne normalement il la
main. Ces mouvements sont inter-
rompus de temps en temps par des
spasmes. Ils augmentent ou dimi-
nuent suivant les moments; ils sont
exagérés par l'émotion, calmés par
la distraction : ils cessent dans le
sommeil. Dans lhénii-athélosc post-
hémiplégique infantile on observe
d'ordinaire une atrophie plus ou
moins prononcée des membres at-
teints et notamment de la main;
souvent les mouvements sont si-
multanément choréiques il la racine
des membres et athétosiques il leur
extrémité.
Dans l'athétose double (fig. 19),
affection très ordinairement congeni-
tale, on observe souvent aussi la pro-
nation de la main, mais d'ordinaire
moins forcée ; les mouvements^ont
beaucoup plus variés, plus irrégu-
liers, moins lents, sans avoir aucu-
nement la brusquerie des tuouve-
ments choréiques. A ces mouvements
athétosiques, toujours bilatéraux et
non accompagnés de paralysie, sejoint
une rigidité musculaire générale,
des altérations prononcées de Va parole et des troubles profonds de 1 in-
telligence qui donnent au malade un caractère tout il fait particulier.
Dans les accès de contracture douloureuse de la tétanie, les mains
prennent, dès le début, des attitudes variées et changeantes. L'une des
plus caractéristiques est la « main de l'crccozccheico » : pouce en adduc-
tion forcée, doigts il demi-nechis avec les phalanges étendues, paume
creusée par le rapprochement de ses bords. De très nombreuses variétés
s'observent : « main de scribe », index en flexion forcée, poing fermé,
pronation forcée. La contracture s'étend généralement aux autres
segments du membre. L'ensemble du tableau clinique est très caracté-
ristique.
P ! I.\TlQUE : OEt; ! lIH.. titi
[A. LÉRI.] .
Fig. 19. - Athétose double. - )luu\'cll1clIls
spéciaux des mains.
SEMEIOLOGIE DU PIED
par le Dr ANDRÉ LÉRI
. Nous suivrons pour la description des diverses déformations du pied
le plan que nous avons adopté pour celles de la main. Les- détails que
nous avons donnés sur certains troubles de la main nous permettront
d'être bref sur les troubles similaires du pied. Nous noterons pourtant
que, d'une façon générale, les diverses variétés de déformations ont une
fréquence et- une importance très
différentes à la main et au pied.
I. TROUBLES
DU DÉVELOPPEMENT
A. DIFFORMITÉS TÉRATOLOGIQUES
Les diverses variétés d'ectromélie
(fig..1), d'ectrodactylie, de polydac-
tylie, de syndactylie sont semblables à
la main et au pied : elles jportent souvent
symétriquement sur les membres.
Aux membres inférieurs, on observe
parfois aussi la symélie, soudure ou
fusion des deux membres : les symé-
liens sont divisés (Geoffroy Saint-Hilaire) *)
eh : synièles, chez lesquels les deux
membres inférieurs sont soudés à
l'exception des pieds; urodèles (oupa.,
queue), chez qui les deux membres sou-
dés se terminent par un seul pied, sou-
vent très incomplet; sirénomèles, chez
lesquels il y a à la fois symélie et ectro-
mélie, les pieds manquant complètement.
Les hypertrophies et les atrophies congénitales portent plus souvent
sur les membres inférieurs que sur les supérieurs et sont souvent plus
prononcés ; leurs causes sont les mêmes. On observe exceptionnellement
Fig. 1. = Phocomélie. La cuisse
gauche fait à peu près . entièrement
défaut ; il y a d'autres malformations
tératologiques : raccourcissement des
deux jambes, ectrodactylie (4 orteils à
gauche, 3 à droite). '
DIFFORMITÉS ACQUISES.
1045
une macroclccclylie ou une 11tac1'opodie congénitale et unilatérale (acro-
mégalie partielle de Virchow).
Les pieds-bots congénitaux sont infiniment plus fréquents que les
mains-botes et sont dus très souvent à un trouble de développement, du
squelette : nous y reviendrons. '
B. DYSTROPHIES CONGÉNITALES
Chez les achondroplasiques les pieds sont gros et courts, mais il n'a
pas été signalé de forme spéciale du pied analogue à celle de la main.
Les pieds participent, à un moindre degré que les mains, à l'allonge-
ment et à l'amincissement des os dans la dolieliosténoiiiélie de Marfan.
' ? DIFFORMITÉS ACQUISES
il) D.11S LES AFFECTIONS OSSEUSES SYSTÉMATISÉES, liIPERTROPltl : 1\TES.
Dans l'acromégalie, les pieds comme les mainS sont éla1'f)is el e'paissis,
camards, sans augmentation notable de
longueur. L'hypertrophie porte égale-
ment sur tous les tissus, squelette et
parties molles. De profonds sillons sé-
parent des bourrelets saillants. Les or-
teils sont volumineux, sans être défor-
més, ni déviés; les ongles sont courts,
plats et larges, généralement striés lon-
gitudinalement. La déformation s'arrête
généralement au cou-de-pied; elle est
en tous cas toujours relativement minime
au cou-de-pied et au genou, à la jambe
et à la cuisse.
Le pied des géants est semblable à
celui des acromégaliques, mais souvent
développé à la fois en longueur et en
largeur.
Dans l'ostéo-arthropathie hypertro-
phiante pneumique, les phalangettes
des orteils sont épaissies, en battant de
cloche, surtout celle du gros orteil, le
métatarse et le tarse sont relativement
mucmnes, les malléoles sont au contraire très épaissies, ueuoruanies, ue
sorte que le cou-de-pied forme un gros bourrelet circulaire, que la partie
inférieure de la jambe est plus volumineuse que la partie moyenne et que
le pied a l'aspect spécial du gros « pied d'éléphant » (lia. 2). Le tibia est
plus ou moins épaissi, surtout à ses extrémités, le fémur l'est beaucoup
moins. L'articulation tibio-tarsienne est peu mobile et douloureuse.
[A. LÉRI.]
Fig. 2. - Osléo-a1'lhropalhie hycr-
11'ophianle ]Jncll1/11qlte. Pied massif,
hypertrophie de l'extrémité inférieure
de la jambe et, il un moindre degré,
de son extrémité supérieure.
10 a Sl.)11;10t.OGli : DU PIED.
13) Dans les affections OS'fi : 0- : 11t'l'ICUL : IIItI : S irrégulières, déformantes.
Dans le rhumatisme chronique déformant, les pieds sont souvent
portés dans leur ensemble soit en dedans, soit en dehors, l'articulation
tibio-tarsienne est parfois ankyloséc, le pied est gros, court, saillant au
niveau du tarse. Les orteils sont déviés vers le bord externe, de telle
façon que l'articulation niétaearpo-phalangienne du gros orteil forme une
saillie angulaire où se trouve parfois un durillon et une bourse séreuse.
Le gros orteil est parfois très déformé isolément, il est porté en haut et en
dehors et recouvre les doigts voisins, ou plus rarement il est porté en bas
et en dedans et est recouvert par le 2C orteil : c'est l'ltallux vctlrps
(fig. 5). Le petit orteil peut présenter la même déviation latérale vers
l'axe du pied. D'autres fois le gros orteil est relevé, en extension perma-
nente, avec ou sans les autres orteils. "
Parfois un orteil, le 2c ou le 5e surtout, est étendu dans sa première
phalange et fléchi à angle droit dans sa deuxième phalange, « en mar-
teutt » ? l'orteil en marteau n'est d'ailleurs pas toujours rhumatismal, il
est souvent congénital. Les orteils sont quelquefois en Z, comme les
doigts, fléchis dans la deuxième phalange et étendus dans la première
et la troisième. La peau du pied du rhumatisant chronique est sèche,
rude, écailleuse, mate, parfois lisse et luisante.
Le rhumatisme chronique blennorragique prend au pied une marche
assez spéciale : c'est la gaine du tendon d'Achille au niveau de son inser-
tion au calcanumn, « l'articulation du talon (Bicord), qui est la première
épaissie et douloureuse : c est la lalalgie blennorragique.
L'articulation tibio-tarsienne et les articulations du métatarse se pren-
nent ensuite : le pied s'étale, s'aplatit et s'ankylose plus ou moins, il se
fait une sorte de pied plat douloureux; ce pied est souvent dévié en to-
talité sur son bord externe. Les articulations phalangiennes sont envahies
plus tardivement encore, des nodosités et des bosselures y apparaissent;
les orteils se déforment et se dévient : l'aspect devient semblable il celui
du rhumatisme chronique déformant, le pied reste très longtemps dou-
loureux.
La crise typique de la goutte articulaire aiguë porte sur le gros orteil.
Son début brusque au milieu de la nuit, l'intensité extrême des douleurs
siégeant au niveau de l'articulation metatarso-pbatangicnne du pouce,
contusives, continues à paroxysmes lancinants, dilacérants, spontanées
et exagérées par la pression, le gonflement rouge violacé, « pivoine »,
chaud, luisant, tendu comme par un abcès, sont des caractères tout il
fait pathognomoniques. La crise douloureuse cède généralement au bout
de peu de jours, avec ou sans participation d'autres jointures, mais la
raideur, la douleur a la pression, l'eeclènle persistent souvent beaucoup
plus longtemps.
La goutte chronique se révèle aux pieds comme aux mains par des
DIFFORMITÉS ACQUISES.
1045
déformations articulaires et par des dépôts d'urates dans le tissu sous-
cutané et la peau, près ou loin'des articulations. Les tophus se localisent
souvent à la plante des pieds ou au talon; ils caractérisent nette-
ment la goutte. En l'absence de tophus le diagnostic peut être hésitant,
car les déformations ne sont guère aussi typiques qu'elles le sont sou-
vent aux mains : la radiographie pourra rendre des services en montrant
l'intégrité des inter-
lignes articulaires
et l'existence de
taches blanches au
niveau des os.
Dans le rachitis-
me, la saillie des
malléoles détermine
une nouure caracté-
ristique au niveau
du cou-de-pied; le
« dopple joint » qui
en résulte est d'au-
tant plus apparent
que le tibia est sou-
vent incurvé ainsi
que le fémur; la dé-
viation tibiale peut
être antérieure et
ressemeler au uma
en lame de sabre, « tibia Lannelongue » de la syphilis osseuse, mais elle
est fréquemment aussi latérale ou irrégulière, symétrique ou asymétrique
aux deux extrémités. Les petits os du pied sont souvent plus gonflés qu'à
l'état normal.
L'arthropathie nerveuse, presque exclusivement tabétique, de l'arti-
culation tibio-tarsienne détermine un gonflement souvent énorme du
cou-de-pied, ressemblant à la. fois à la nouure du rachitisme et à la
déformation de l'ostéo-arthropathie hypertrophiante ; mais elle n'est pas
accompagnée des autres déformations osseuses que l'on observe dans ces
maladies. De plus son début brusque et non douloureux, sa tuméfaction
excessive, son irrégularité, ses saillies osseuses inégales et parfois mo-
biles, sa laxité, sa dislocation, ses gros craquements donnent à cette
arthropathie des caractères spéciaux.
Le « pied tabétique » (Charcot et Féré) (fig. 4) est essentiellement une
ostéo-arthropathie du tarse et du métatarse. Ses caractères sont : une tumé-
faction du dos du pied surtout marquée au niveau des articulations tarso-
métatarsiennes ; un affaissement de la voûte plantaire, tel que celle-ci
devient plate ou même convexe (exceptionnellement une cambrure exa-
gérée, en « pied de Chinoise » ) un épaississement du bord interne qui
rA. LÉRI.]
Fig. 5. -Rhumatismc goutteux. Orteils en marteau, lnillux valgus.
1046
SÉMÉIOLOGIE DU PIED.
est arrondi et quelquefois saillant au niveau de l'apophyse du scaphoïde
et du premier cunéiforme ; un raccourcissement du pied qui, joint aux
caraçtères précédents, donne au pied un aspect- « cubique» ; souvent une
déviation totale du métatarse en dehors ; une immobilité relative des.diF-
férents segments les uns sur les autres. L'empreinte du pied tabétique
présente' une forme spéciale en rapport avec ces déformations (J. Teissier
et Couturier) : retrécissement
de la plante, continuité de
l'empreinte du gros orteil avec
celle du métatarse, déviation
angulaire du gros orteil en
dehors.
C) Dans LES affections DYSTRO-
PHIQUES DES PARTIES MOLLES.
. Le pied participe dans le
myxoedème à l'infiltration gé-
nérale du tégument et du tissu
sous-cutané; les pieds sont
élargis, épaissis, pachydermi-
ques; la peau, est sèche et
squameuse, les ongles cassants,
atrophiés, striés longitudinale-
ment.
Les oedèmes dits hystériques
portent moins souvent sur le pied que sur la main, ce qui se conçoit,
étant donné leur mode de production artificiel. Tous les autres oedèmes
portent plus volontiers sur les pieds que sur les mains : les oedèmes
blancs, mous, indolores, surtout vespéraux et malléolaires au début, des
néphritiques; les oedèmes rouges, durs, sensibles des cardiaques; les
oedèmes pâles, mous, indolores des cachectiques ; les oedèmes blancs,
durs, douloureux des phlébitiques, etc.. 1.1
Les oedèmes segmentaires des membres inférieurs de Debove, Mathieu,
Joffroy, le trophoedème congénital deMeige portent surtout sur les mem-
bres inférieurs; ils sont souvent héréditaires; ils sont blancs, durs,
accompagnés souvent d'autres troubles trophiques et doivent être rappro-
chés de certaines hypertrophies congénitales des membres.
L'éléphantiasis des pays chauds, comme le pseudo-éléphanliasis ou
oedème chronique suite d'érysipèle, de' phlébite, etc., prennent surtout
la jambe et le pied et donnent aux membres inférieurs un aspect spécial.
L'oedème aigu, violacé et douloureux de l'é1 : ylhromélalgie porte plus-
souvent sur les pieds que sur les mains ou débute par les pieds.
. Nous ne pouvons insister ici sur le diagnostic de ces différents oedè-
mes ; leurs caractères aigu ou chronique, congénital ou acquis, dur ou
Fig. 4. Pied tabétique : cubique, épais, plat
et court, saillie du tarse et du métatarse.
DIFFORMITÉS ACQUISES. 1047
mou, blanc, bleu ou rouge, les symptômes associés ou les signes des
maladies causales permettront en général de faire assez facilement ce
diagnostic.
D) Dans LES affections mutilantes.
17 Les mutilations produites par la sclérodermie, par la maladie de Ray-
naud peuvent s'observer, quoique plus rarement, aux pieds comme aux
mains : elles se présentent avec des caractères tout à fait analogues et
ne méritent pas une description distincte.
La gangrène sénile est au contraire plus fréquente au niveau des
orteils que des doigts. C'est une gangrène sèche, noire, momifiante,
mutilante; elle diffère de la maladie de Raynaud par son siège unilatéral,
son étendue souvent plus vaste et plus extensive; en effet, si les orteils
sont souvent atteints les uns 'après les autres, le pied tout entier, la
jambe, la cuisse même peuvent se sphacéler, soit d'emblée, soit secon-
dairement il des mutilations plus limitées, spontanées ou opératoires.
Celle gangrène a souvent été précédée de crises de claudication inter-
mittente ; on peut constater la diminution ou la suppression des batte-
ments artériels au-dessus du foyer.
La gangrène diabétique peut être superficielle ou profonde; profonde,
elle est tout à fait analogue à la gangrène sénile, car elle relève comme
elle d'une oblitération artérielle. Comme la gangrène sénile, elle est
presque toujours sèche, elle peut devenir humide quand à la nécrose
simple se surajoute l'invasion du foyer par des germes saprogènes ou
pyogènes. -
La forme gangreneuse de l'ergotisme ressemble tout à fait à la gan-
grène symétrique ou à la gangrène sénile; son étiologie spéciale, son
caractère souvent épidérnique, la coïncidence chez le même malade ou
chez d'autres sujets de formes convulsives, des signes généraux d'intoxi-
cation permettront de penser à la gangrène ergotinique.
Les gangrènes massives et symétriques d'origine névritique, décrites
par Pitres et Vaillard, ont d'emblée une étendue plus grande que la plupart
des gangrènes précédentes, des signes de névrite les accompagnent, et les
précèdent.
L'rrïnlrrrrrt est une maladie des pays chauds, spéciale à la race nègre,
caractérisée par l'amputation spontanée du 5e orteil de l'un ou des deux
pieds, parfois du 4e et rarement du 5e. Elle débute par un sillon cutané
indolent et non ulcéré qui se creuse de plus en plus profondément :
l'orteil, gonflé, ovoïde, de plus en plus finement pédicule, finit par
tomberai ! bout de plusieurs années. Jamais l'affection ne s'étend ni au
au reste du pied, ni aux doigts.
La congélation peut, amener le sphacèle des orteils comme des doigts.
La lèpre, la tuberculose, la syphilis peuvent provoquer des mutila-
tions du pied très analogues à celles qu'elles déterminent parfois au
niveau des mains.
[A. LÉRL]
1048 SÉ)11 : 101,OG11 DU PIED.
Le mal perforant est plantaire dans la grande majorité des cas, alors
qu'on ne l'observe qu'exceptionnellement aux mains ou à toute autre
partie du corps. Il siège surtout aux trois principaux points d'appui de la
plante : l'articulation uietatarso-phatangienne du pouce,' celle du petit
orteil et le talon. Par l'ulcération à bords épais, taillés il pic ou en gra-
dins, il fond irrégulier et iorocntem, nnesthésique, souvent précédée
d'un durillon, peuvent s'éliminer de petits fragments d'os nécrosé, mais
les véritables mutilations, les amputations des orteils, sont plus rares.
Les tabétiques, les diabétiques, ceux qui ont subi un traumatisme grave
des nerfs du pied, une gelure, etc., sont le plus volontiers atteints de
maux perforants. '
\
Iii. ATTITUDES VICIEUSES
Il
Irnüfwstinguer les altitudes vicieuses du pied sur la jamhe ou pieds-
bots, qui peuvent être varus ou en adduction, valgus ou en abduction.
équin ou en extension, talus ou en flexion, et mixtes; les attitudes
vicieuses du métatarse et du tarse ou pieds-creux et pieds-plats; les
attitudes vicieuses des orteils ou griffes.
Très souvent ces diverses attitudes vicieuses sont combinées sur un
même pied : par exemple le pied-bot varus équin se complique souvent
de pied creux avec grille des orteils : le pied-bot talus est presque tou-
jours un pied-creux, le valgus est presque toujours un pied-plat, etc.
Pour la commodité de la description, il importe cependant de les étudier
séparément; nous indiquerons chemin l'aisant leurs combinaisons cli-
niques principales.
A. PIEDS-BOTS
a) Variétés cliniques. Les pieds-bots sont congénitaux ou acquis;
dans les deux cas la forme la plus fréquente est le varus équin; dans
les deux cas ils peuvent être paralytiques ou spasmodiques.
Il existe, en outre, une variété de pied-bot congénital très fréquente,
c'est le pied-bot congénital avec malformation osseuse (fig. 5); elle
mérite d'être étudiée d'abord. Que la malformation des os du tarse soit
primitive ou consécutive à une altération nerveuse ou il une attitude
vicieuse intra-utérine (différentes théories pathogéniques ayant été émises),
on peut dire qu'il s'agit d'un trouble du développement : à cet égard, ce
pied-hot aurait dû entrer dans notre classe des difformités teratotogiqucs.
si nous n'avions cru utile d'en donner ici les caractères particuliers qui
le différencient des pieds-bols paralytiques ou spasmodiques.
Le pied-bot congénital avec malformation osseuse estunilaléral ou
plus souvent bilatéral et symétrique avec déviation égale des deux côtés :
il se présente comme une malformation isolée ou s'accompagne fré-
ATTITUDES VICIEUSES.
1049
quemment d'autres malformations et de troubles du développement;
mais les muscles de la jambe et du pied sont intacts, contrairement aux
autres pieds-bots, ce qui constitue une excellente condition de succès
pour les interventions chirurgicales; il est irréductible et ne s'accom-
pagne pas d'impotence, ou seulement d'une impotence modérée; il n'y a
pas de troubles trophiques ou vaso-moteurs.
La, variété de beaucoup la plusfréquente est le varus équin; excep-
tionnellement on observe des pieits-I)ots
valgus, talus ou équins directs.
Qu'ils soient congénitaux ou acquis,
les pieds-bots paralytiques et les pieds-
bols spasmodiques présentent souvent
certaines similitudes : la même déforma-
tion peut être produite, on le conçoit,
par la paralysie ou l'atrophie d'un muscle
ou d'un groupe de muscles ou par la
contracture du muscle ou du groupe de
muscles antagoniste. Il existe pourtant
des caractères généraux différentiels en
rapport avec la paralysie ou la contrac-
ture et sans rapport avec les muscles at-
teints : ils sont semblables à ceux que
nous avons indiqués pour les mains-
botes. ..
Les pieds-bots paralytiques sont sou-
vent unilatéraux ; quand ils sont bilaté-
raux, ils sont d'ordinaire asymétriques :
les muscles sont atrophiés, petits à l'in-
spection, mous à la palpation, ne durcis-
sant pas par les efforts de contraction;
l'articulation est plus ou moins lâche,
ballante, ses mouvements sont excessifs,
au moins dans une direction donnée, ses ligaments paraissent allongés;
la déformation est facilement réductible, mais se reproduit aussitôt, et
l'impotence est grande.
Il y a des troubles trophiques et vaso-moteurs de la jambe et du pied,
la peau est froide, violacée, le membre est atrophié, le tissu adipeux
sous-cutané souvent anormalement développé efface les saillies. Les
réflexes tendineux, rotuliens et achilléens, sont diminués ou abolis.
Les pieds-bots spasmodiques sont unilatéraux ouïe plus souvent bila-
léraux et plus ou moins symétriques; les muscles sont saillants et durs,
les tendons forment des cordes tendues : la déformation est difficilement .
réductible, l'impotence est grande. Le plus souvent il n'y a pas de trou-
bles trophiques ou vaso-moteurs marqués ; les réflexes tendineux sont
exagérés et l'on constate souvent du clonus du pied.
' [A. LÉRI.]
Fig. 5. Pied-bot congénital avec
malformation osseuse. En même
temps malformation de la main qui
n'a que 4 doigts sans pouce (ectro-
dactylic).
1050 SÉMÉIOLOGIE DU PIED..
Les caractères différentiels de ces pieds-bols n'ont pas toujours en
clinique une netteté absolue : ainsi, la plupart sont assez souvent, réduc-
tibles au début, mais plus tard les rétractions tendineuses et les défor-
mations osseuses, les atrophies des muscles relâchés ou les hypertro-
phies et contractures des muscles continuellement tendus rendent les
corrections difficiles ou impossibles dans les pieds-bots paralytiques
ou spasmodiques ; les troubles vaso-moteurs et trophiques peuvent faire
leur apparition dans les deux variétés ou n'exister ni dans l'une ni dans
l'autre. Très souvent, c'est moins par l'examen du pied que par les signes
associés de la maladie, dont le pied-bot n'est qu'un symptôme, qu'on fera
le diagnostic de sa nature, paralytique ou spasmodique, diagnostic
capital pour la direction du traitement.
Les pieds-bots, paralytiques ou spasmodiques, prennent les attitudes
les plus variées suivant les muscles paralysés ou contractures qui les dé-
terminent.
La paralysie de tous les muscles du pied produit un pied ballant,
souple, lâche, obéissant à la pesanteur, équin quand il est pendant, mais
très facilement et indéfiniment réductible, facile il contenir aussi par
une chaussure à contrefort solide qui supprime l'action de l'articulation
tibio-tarsienne en maintenant le pied fléchi à angle droit : c'est le pied-
bot total, il s'agit d'un pied paralytique plutôt que d'un pied-bot
paralytique. '
En dehors de ce cas. la paralysie ou l'atrophie isolée de certains
muscles d'une part, la contracture de ces mêmes muscles d'autre part,
provoquent des déviations diamétralement opposées : ces déviations
sont en rapport avec la fonction physiologique de ces muscles.
Les principaux muscles fléchisseurs du pied sur la jambe sentiejannxcr
antérieur et l'extenseur commun des orteils : le jambier antérieur fléchit
le pied en le portant en dedans, l'extenseur commun en le portant
en dehors.
Si le jambier antérieur est seul paralysé, il y a un léger équin valgus,
la flexion ne peut plus se faire sans que le pied soit préalablement porté
en abduction; si l'extenseur commun est seul paralysé, y a un léger
équin varus, la flexion ne peut plus se faire sans que le pied soit d'abord
mis en adduction; si les deux muscles sont simultanément paralysés, la
flexion ne peut plus se l'aire, il y a un pied-bol équin paralytique. Si le
jambier antérieur est seul contracture, il y a un pied-bol talus varus
spasmodique; si l'extenseur commun est seul contracture, il y a un pied-
bol talus valgus; si les deux muscles sont contractures simultalémenl,
il y a un pied-bol talus direct.
Les principaux muscles extenseurs du pied sur la jambe sont le triceps
sural et le long péronier latéral. Le triceps sural étend surtout l'arnerc-
pied ; il le porte aussi en adduction et en rotation interne, en varus. Le
long péronier étend surtout il le porte aussi en adduction
et en rotation externe, en valgus. De plus, le long péronier latéral
ATTITUDES VICIEUSES. )05 !
exagère la concavité de la voûte plantaire, cambre le pied; le long
fléchisseur commun des orteils contribue aussi accessoirement à cambrer
le pied; il a pour rôle principal de fléchir énergiquement les deux
dernières phalanges et faiblement les premières et de porter légèrement
le pied en rotation interne.
Si le triceps sural est seul paralysé, il y a flexion de J'arrière-pied avec
extension de l'avant-pied, talus pied-creux direct paralytique; si le
fléchisseur commun est paralysé en même temps, il y a un talus pied
creux valgus. Si le long péronier latéral est seul paralysé, il y a un pied
plat varus qui devient pied-plat valgus dans la position debout par
glissement de l'astragale sur le calcanemu : si le fléchisseur commun est
paralysé en même temps, il y a un talus pied-plat, direct; si l'extenseur
commun est aussi paralysé, le jatubier antérieur agit seul, il y a talus
pied-plat varus. Si le triceps et le long péronier sont paralysés simulta-
nément, le pied est fléchi parle jambier antérieur et courbé par le fléchis-
seur commun, il y a un talus pied-creux varus.
Si le triceps sural est seul contracture, il y a un pied-bot équin val'us :
si le long péronier est seul contracture, il y a un pied-creux valgus : si
les deux muscles sont contractures simultanément, il se produit un pied-
bol équin direct.
Les principaux muscles rotateurs du pied sont le jambier postérieur
et le court péronier latéral. Le jambier postérieur porte le pied en
adduction et rotation interne, le court péronier en abduction et rotation
externe. La paralysie isolée de ces muscles ne déterminerait pas de
déformation accentuée, à cause de l'action compensatrice de certains
muscles fléchisseurs ou extenseurs. La contracture isolée du jambier
postérieur détermine un varus direct, celle du court péronier un valgus
direct.
On voit donc que les variétés de déformations, pieds-bols avec ou sans
pieds-creux ou pieds-plats, sont extrêmement nombreuses; par l'étude
attentive de chacune d'elles on peut savoir quels sont les muscles para-
lysés ou contractures; par les caractères généraux des pieds-bots para-
lytiques et des pieds-bols spasmodiques, on peut diagnostiquer s'il s agit
d'une paralysie ou d'une atrophie de certains muscles ou d'une contrac-
ture de leurs antagonistes, les deux lésions déterminant une déformation
à peu près analogue il première vue. Ceci est vrai au moins dans les lore-
miers temps, avant que l'atrophie ou la contracture secondaire, les retrac-
tions fibreuses ou les déformations osseuses aient modifié l'aspect clinique.
Les cas typiques s'observent dans les lésions traumatiques des muscles
ou des nerfs.
b) Variétés étiologiques. \ous passerons en revue les principales
variétés de pieds-bots que l'on observe dans les maladies nerveuses
congénitales ou acquises, myopathiques. nevritiques, myetopathiques.
cérébrales ou fonctionnelles : aucune variété n'est palhognoinonique.
Le pied-bot congénital paralytique est très rare ; il est total
{.A. LÉRI]
'1052
SÉMIOLOGIE DU PIED.
ou partiel,. Il peut être dù à une' paralysie spinale congénitale qui est
très exceptionnelle. Parfois il est dû à un spina-bifida : le plus sou-
vent la tumeur rachidienne, médiane» arrondie ou elliptique, molle,
fluctuante ou rénitente, d'ordinaire partiellement ou totalement réduc-
tible par la pression, ne laissera, pas de doute sur la cause de la para-
lysie des membres inférieurs et du.pied-hot; cette paralysie s'accompagne
fréquemment de troubles . sensitifs et trophiques et d'incontinence des
réservoirs; ces symptômes,. ainsi que l'existence d'une hypertrichose
localisée au niveau de la scissure ra-
chidienne, faciliteront le diagnostic
dans les cas de spina-hifida latent, où
la tumeur fait défaut.
Le pied-bot congénital spas-
modique est beaucoup plus fré-
quent. Il est unilatéral dans l'hémi-
plégie cérébrale infantile ; il est
généralement alors en varus équin par
la contracture prédominante du triceps
sural, exceptionnellement en talus
varus; il y a des troubles trophiques
et vasomoteurs très accusés, un arrêt
du développement de tout le membre
inférieur et du membre supérieur du
même côté.
. Il est bilatéral dans les paraplégies
. spasmodiques familiales, les mala-
dies de Little, les diplégies céré-
brales infantiles. Dans la première
variété (fig. 6), les membres inférieurs
sont contracturés à l'exclusion des
membres supérieurs; dans les deux
autres variétés la rigidité spasmodique
est étendue aux quatre membres. Des troubles intellectuels prononces,
idiotie, imbécillité, des attaques épileptiques, des mouvements choréo-
athétosiques, une tendance progressive plutôt que régressive distingue-
raient théoriquement les diplégies infantiles de la maladie de Little pro-
prement dite : mais, en réalité, il existe entre ces formes des intermédiaires
nombreux, et ces affections méritent d'autant plus d'être réunies sous le
nom de « syndrome de Little » que dans presque tous les cas de soi-disant
maladie de Little on trouve une lésion cérébrale (') et non seulement,.
4. Les lésions cérébrales grossières, les hémorragies surtout, ne sont pas rares aux
autopsies d'enfants nés avant terme ou après un accouchement laborieux (Couvelaüc)
ou dont les mères' ont été atteintes de maladies infectieuses au cours de la grossesse
(Charrin et Léri) : or, ce sont ces conditions étiologiques qui produisent en général le
syndrome de Little. ' ,
Fig. 6 : - Pied-bot congénital spasmo-
dique dans la maladie de Little. - .
ATTITUDES VICIEUSES.
1055
comme on le croyait, une agénésie médullaire du faisceau pyramidal. La
paraplégie spasmodique familiale n'est elle-même pas absolument diffé-
rente : la contracture envahit souvent secondairement les membres supé-
rieurs et les troubles intellectuels ne sont pas rares. Dans tous ces cas, le
pied-bot est généralement un varus équin spasmodique; la jambe est
contracturée en demi-flexion sur la cuisse et la cuisse sur le bassin, les
cuisses sont en adduction forcée, les genoux se touchent et souvent se
croisent. Les troubles trophiques et vaso-moteurs sont presque toujours
beaucoup moins accusés que dans l'hémiplégie spasmodique.
Le pied-bot acquis paralytique s'observe dans un grand nombre
d'affections : a) cérébrales, b) médullaires, c) névritiques, d) myopathi-
ques, e) fonctionnelles.
a) Dans l'hémiplégie cérébrale, à la période de flaccidité, on observe
un pied immobile et hallant, équin par son propre poids, soit quand il
est pendant, soit au lit : c'est un pied-bot total ou un pied paralytique.
b) Parmi les affections médullaires, certains pieds-bots ont un aspect
particulier : tels le pied-bot tabétique, décrit par Joffroy, et le pied de
Friedreich. ,
Le pied-bot tabétique (Hg. 7) est un pied-bot équin varus, avec
enroulement du
bord interne du pied
et flexion des or-
teils, il est d'ordi-
nairc bilatéral. Tout
à fait réductible au
début, il serait dû,
d'après Joffroy, à la
flaccidité et à l'ato-
nie de l'ensemble
des muscles de la
jambe et à l'allon-
gement des liga-'
ments et tendons
antérieurs, sousl'in-
fluence du poids des
couvertures. Plus tard il devient irréductible par les rétractions muscu-
laires et aponévroliqucs, mais'il ne devient pas spasmodique, les muscles
antéro-externes de la jambe et ceux du mollet restant mous et flasques.
Le gros orteil est fortement fléchi dans ses deux jointures par la rétrac-
tion des tendons des muscles thénar et des muscles abducteurs, obliques
et transverses du gros orteil; les autres orteils sont généralement flécliis
modérément dans leur première phalange et fortement dans les deux
autres par la' rétraction de l'aponévrose plantaire; très exceptionnelle-
ment ils sont fortement étendus dans la 'l rc phalange et fléchis dans les
deux autres par la rétraction du muscle pédieux.
- [A. LÉRI.]
Fig. 7. -. Pieds-bols tabétiques de Joffroy (collection Charcot).
Enroulement du pied sur son bord interne.
1054
SÉMÉIOLOGIE DU PIED.
Le jambier antérieur est quelquefois moins atrophié que les autres
muscles et il y a parfois momentanément, au début, une flexion du pied
avec adduction et rotation interne, un talus varus plus ou moins prononcé.
Le pied de Friedreich (fig. 8) est un pied creux varus équin avec
grillé : il est court, « lassé » d'avant en arrière, l'avant-pied est large;
il est en extension modérée et en rotation interne et adduction légères;
il est fortement « cambré », creux a sa face plantaire, saillant à sa face
dorsale; les orteils sont en extension dans leur première phalange el
en flexion dans les autres ; l'extension de la première phalange du gros
orteil est toujours plus accentuée que celle des autres orteils, parfois il
tel point que cet orteil semble s'implanter sur le dos de l'avant-pied.
Cette déformation est généralement bilatérale : exceptionnellement, elle
peut être modifiée par la suppression de la griffe. Elle présente les carac-
tères généraux des pieds-bots paralytiques; elle est facilement réduc-
tible et s'atténue spontanément dans la position debout; les muscles sont
amaigris et mous, notamment les muscles antéro-externes de la jambe;
les réflexes tendineux sont diminués ou abolis.
Le « pied de Friedreich » s'observe presque constamment et précoce-
ment dans la maladie de Freidreich, exceptionnellement dans certaines
myopathies ou dans des affections variées de la voie pyramidale (Cestan).
On observe un pied très analogue dans la névrite interstitielle /¡ype1'll'o-
phique de Gombault, Dejerine et Sottas, affection qui s'accompagne
toujours de lésion médullaire : on y retrouve le tassement du pied,
le pied-bot équin varus modéré, le pied-creux, la grille des orteils avec
extension de la première phalange, surtout au pouce, et flexion des
autres phalanges.
Dans l'atrophie musculaire Charcot-Marie, qui est aussi une myélo-
névrite, le pied est moins déformé; il est en équin direct, parfois eu
Fig..8. Pieds de Friedreich. Pied-bot paralytique, hyperextension des orteils, surtout
du gros orteil, pied cambré et creux.
ATTITUDES VICIEUSES.
1055
équin varus, rarement en valgus; il est moins creux et la griffe est
moins accusée. 0 n
Dans la paralysie infantile, poliomyélite aiguë de l'enfance, on
peut observer un pied-bot total, pied ballant paralytique, ou des pieds-
bots partiels divers. Parmi ceux-ci, le plus fréquent est l'équin varus
{Rg. 9) /parfois l'équin direct, par prédominance de la paralysie sur les
muscles innervés par le sciatique poplité
externe, muscles antéro-externes de la
jambe, péroniers latéraux et pédieux.
Le jambier antérieur peut être seul plus
ou moins complètement respecté, il y
a production d'un équin varus pied-
creux. Rarement on observe un talus
pied-creux direct par paralysie du tri-
ceps sural.
Dans la poliomyélite aiguë de l'adulte,
on observe aussi le plus souvent soit le varus équin, soit l'équin direct.
Dans les différentes formes du syndrome amyot1'ophie Amen-
Duchenne (poliomyélite antérieure chronique, méningo-myélile syphili-
tique amyotrophique, syringomyélie, sclérose latérale amyotrophique),
on constate rarement et tardivement des atrophies musculaires assez
.accusées des membres inférieurs pour produire un pied-bot équin; le
fait est particulièrement exceptionnel pour la syringomyélie.
Dans les myélites transverses, diffuses ou disséminées, dans les
.9ectiolîs complètes de la moelle, on peut observer des pieds-bots para-
lytiques totaux.
c) Dans toutes les altérations des nerfs et de leurs racines, dans les
compressions ou destructions de la queue de cheval, dans les para-
lysies radiculaires et les compressions du plexus lombo-sacré, dans les
'.név1'ites traumatiques par section ou compression du sciatique, dans
{A. LÉ RI.]
Fig. 9 et 10. Deux variétés fréquentes de déformation des pieds dans la paralysie
infantile portant sur les membres inférieurs. "
A) Double pied-bot équin varus très prononcé.
B) Atrophie à la fois des pieds et de la totalité des membres inférieurs (cul-de-jatte)
(collection Damaschino).
1056 SÉMÉIOLOGIE DU PIED.
les névrites infectieuses de la lèpre, du béribéri, de la puerpéralité, de
la phlébite, etc., dans les névrites toxiques : alcoolique, arsenicale, satur-
nine à type inférieur, etc., on observe le plus souvent un pied-bot équin
direct ou équin varus par paralysie de tous les muscles innervés par le
sciatique }J'lplifé externe. Parfois dans ces différents cas on peut constater
un équin varus pied-creux par intégrité relative ou complète du jambier
antérieur, plus rarement un léger équin valgus avec perle des mouve-
ments de flexion du pied sauf après adduction préalable par paralysie
isolée du jambier antérieur.
d) Dans les myopathies progressives on observe ou un pied-bot total
ou le plus souvent un pied-bot équin, généralement peu prononcé parce
que les muscles postérieurs de la jambe sont presque toujours touchés à
un certain degré en même temps que les muscles aniéro-ealorncs, rare-
ment avec grillé parce que les muscles de la plante sont ordinairement
respectés.
e) Le pied-bot paralytique est rare dans l'hystérie : c'est un pied
équin ou varus équin. '*
Le pied-bot acquis spasmodique s'observe dans cerlaiues a(l'ec-
tions a) cérébrales, b) médullaires, c) fonctionnelles.
o) Dans l'hémiplégie cérébrale de l'adulte avec contracture, le pied
est en extension modérée sur la jambe, en équin ou varus équin; la
jambe et la cuisse sont aussi presque toujours en extension, rarement en
flexion; les orteils sont modérément fléchis, rarement en flexion très
forte. L'equinisme du pied est une des principales causes déterminantes
de la démarche hélicopode, « en fauchant » ; la flexion forte des orteils
est un obstacle important pour la marche. Les déformations sont presque
toujours beaucoup moins prononcées que dans l'hémiplégie cérébrale
infantile.
ú) Dans toutes les paraplégies spasmodiques d'origine médullaire,
par traumatisme de la moelle, section incomplète, écrasement ou com-
pression, par myélite Iransverse, par méningite ou )1J('.ningo-myélite
syphilitique, par sclérose en plaques, par cancer médullaire, méningé ou
vertébral, par mal de Poil surtout, on peut observer des pieds-bols dont
la principale variété est le pied équin ou varus équin.
c) Le pied-bot hystérique est presque toujours spasmodique, il est
aussi le plus souvent varus équin, il ne s'accompagne pas d'exagération
des réflexes tendineux comme tous les pieds-bots spasmodiques orga-
niques ; le malade marche « en draguant » et non en fauchant (Charcol).
IL PIEDS-CREUX
Les pieds-creux sont caractérisés par la cambrure exagérée du pied.
Ils sont congénitaux ou acquis; ils sont rarement simples, presque
toujours ils sont combinés à diverses variétés de pieds-bots dont nous
avons déjà parlé, ou à une griffe des orteils.
Une forme spéciale de pied-creux congénital est la griffe pied-
.ATTITUDES VICIEUSES.
1.057
creux de Duchenne (de Boulogne) ; elle se révélerait dans la deuxième
enfance et serait caractérisée par la griffe des orteils par atrophie des in-
lernsseux (extension de la première phalange avec flexion des deux
autres), par la cambrure exagérée du
pied, souvent par un certain degré
d'équinisme. "
Les pieds-créux acquis sont ,
toujours combinés à un certain degré
de pied-bot : les principaux sont le.
talus pied-creux et le pied-creux valgus.
Comme nous l'avons dit, le Lctlzsspied-
creux (fig. 1 1 ) est dû- une paralysie
du triceps sural seul (talus pied-creux
direct), ou du triceps et du long péro-
nier latéral (talus pied-creux varus),
ou du triceps et du fléchisseur coin-
mun des orteils (talus pied-creux val-
gus). Le pied-creux valgus est dû à la
contracture du long péronier.
C. PIEDS-PLATS
Les pieds-plats sont caractérisés par
un affaissement de la voûte plantaire.
Ils sont simples ou combinés à un certain degré de pied-bot. Ils sont
congénitaux ou acquis.
Les pieds-plats congénitaux ne se révèlent qu'à Page de la
marche, parce que normalement le pied de l'enfant est plat; la voûte
plantaire ne se forme que quand il marche. Le pied-plat congénital est
simple ou plus ou moins valgus.
Le pied-plat congénital n'est pas forcément pathologique; bien ? des
sujets, notamment dans les campagnes où l'on marche sans chaussures,
conservent des pieds-plats pendant toute' leur existence sans en éprouver
aucune gêne; les pieds-plats ne sont nullement toujours douloureux; ils
peuvent pourtant devenir douloureux, mais la plupart des pieds-plats
valgus douloureux sont acquis.
Nous avons donné les causes d'un certain nombre de pieds-plats
acquis avec pieds-bots paralytiques : nous rappellerons que la paralysie
du long péronier latéral détermine un pied-plat varus, qui devient valgus
quand sujet est debout ou marche (par suite du glissement de l'astragale
sur le calcanéum) ; si à la paralysie du long péronier se joint celle du flé-
chisseur commun des orteils, il y a un talus pied-plat direct; si à la
paralysie de ces muscles se joint celle de l'extenseur commun, le taltis
pied-plat devient varus.
La forme la plus importante de pied-plat est. le pied-plat valgus dou-
loureux ou tarsalgie des adolescents. : c'est une affection, presque spé-
PItATIQUG NEUIIOl. 67
, , [A. LÉRL]
Fig. 11. Talus pied-creux il la suit.(
d'une ancienne paralysie infantile (paru
lysie alruphiquc surtout du triceps sural]
1058 SÉMIOLOGIE DU PIED.
ciale à l'adolescence, caractérisée par l'affaissement de la voûte plantaire,
sa rotation en dehors et l'apparition de douleurs vives qui siègent surtout
dans l'articulation médio-tarsienne et qui déterminent une contracture
des muscles voisins, notamment des péroniers latéraux et des extenseurs
du pied. Il est d'ordinaire bilatéral. Il parait en rapport étiologique avec
le rhumatisme, le rhumatisme blennorrhagique, le rachitisme (le genll
valgum et la scoliose sont fréquents) : il importe de le distinguer du
« pied tabétique » que nous avons décrit, qui est dû à une ostéo-arlhro-
pathie spéciale, qui est aussi plat, mais qui est « cubique » et n'est pas
douloureux. La pathogénie du pied-plat douloureux est discutée : il
serait dû soit à une arthrite (Gosselin), soit à une paralysie du long
péronier (Duchenne), soit à une contracture des muscles du pied
(« crampe du pied » de soit à un relâchement ligamenteux (Le
Fort et filiaux).
D. GRIFFES
Il y a deux variétés de griffes des orteils :
1° La griffe avec extension des premières phalanges et flexion des
deux autres. Elle est due à la paralysie ou à l'atrophie des interosseux
dont le rôle physiologique est de fléchir les premières phalanges et
d'étendre les 2e et 5e. Les mouvements d'abduction et d'adduction des
orteils sont aussi abolis, mais ils sont très minimes il l'état normal en
dehors de l'abduction du pouce. Les espaces interosseux présentent une
dépression sur la face dorsale du pied. L'abducteur et, le court fléchisseur
du gros orteil participent généralement il l'atrophie, de sorte que, sur la
face plantaire, l'éminence thénar est aplatie.
Cette griffe se rencontre dans la « griffe. pied-creux » congénitale de
Duchenne, dans le pied de la maladie de Friedreich et de la névrite
interstitielle hypertrophique, dans quelques rares myopathies ou chez
quelques rares parkinsoniens, etc. ;
2° La griffe avec flexion des premières phalanges et extension des
deux autres. Elle est due à la paralysie de l'extenseur commun des
orteils et de l'extenseur propre du gros orteil, sans paralysie des inter-
osseux ; elle peut être due à la contracture des interosseux. Elle ne s'ac-
compagne pas de pied-creux, mais le plus souvent d'un certain degré de
pied-bot équin. On observe sa forme paralytique dans certaines para-
lysies, la paralysie alcoolique en particulier, sa forme spasmodique dans
des cas rares d'hémiplégie avec contracture, de l'adulte ou plus souvent
de l'enfant.
IV. MOUVEMENTS ANORMAUX
Les mouvements anormaux sont hien moins caractéristiques aux pieds
qu'aux mains, ce qui se conçoit, étant données la moindre variété, la
MOUVEMENTS ANORMAUX. 101»9
moindre étendue, la moindre délicatesse des mouvements que l'on peut
constater au niveau des pieds.
Dans la paralysie agitante on ne voit guère de mouvements des
orteils, mais de petits mouvements trémulents d'extension et de flexion
se font dans l'articulation tibio-tarsienne, « mouvements de pédale » ;
quand dans la position assise la pointe du pied touche le sol, le talon fait
entendre une succession de chocs rythmiques et rapides. Ces mouvements
se produisent au repos comme d'une façon générale le tremblement des
parkinsoniens ; ils peuvent pourtant être exagérés ou même provoqués
par le redressement brusque de la pointe du pied : il en résulte un
« faux clonus » du pied. Les pieds du parkinsonien sont souvent raides,
étendus, en équin ou en varus équin surtout après un séjour prolongé
au lit; on constate seulement un peu d'équinisme quand le sujet reste
couché depuis longtemps; exceptionnellement la rigidité musculaire est
assez prononcée pour déterminer un pied-creux équin avec griffe des
interosseux (Dejerine).
Dans l'héitîiathélose post-hérniplégique, surtout infantile, on observe
aux pieds comme aux mains des mouvements lents et irréguliers de
reptation, d'extension, de flexion, d'adduction et d'abduction des orteils
et du pied.
Dans l'athétose double, les mouvements sont moins accentués aux
pieds qu'aux mains : il y a pourtant des mouvements lents, arythmiques
et inégaux, de circumduction du pied, d'extension et de flexion des
orteils.
Dans les accès de contractures de la tétanie, le pied se porte en varus
équin, il se creuse en long et se cambre, les orteils se fléchissent,
surtout le pouce qui se porte sous les orteils voisins : le pied de la
tétanie reproduit l'attitude de la main. Les déformations ne sont sud
d'ailleurs uniformes, elles peuvent être très variées.
[il. LERI.]
ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE
- par le Dr MOUTIER
L'Anthropométrie est l'étude des dimensions du corps humain. Elle
emploie deux méthodes' qui se combinent; dans l'une on exprime des
mensurations directes, telles que nous les relevons sur le. sujet, -l'autre
traduit les variations des formes par des rapports numériques établis
entre les chiffres précédents. ... '
Ce chapitre est essentiellement clinique. Nous ne nous occuperons
que des mensurations les plus connues dont la valeur fait ses preuves :
de même notre instrumentation sera simple, et ne comprendra poinl
les appareils'usités seulement dans les laboratoires spéciaux. Noire tech-
nique sera limitée ; il ne s'agit point, en effet, d'établir un type moyen ou
dé chercher les proportions d'un canon scientifique ou artistique. Mais
avant d'en venir à l'étude des mesures à relever, il importe de mettre ,
celui qui veut traduire en chiffres une déformation ou- une anomalie, en
garde contre certaines tendances.
Les dimensions que l'on peut noter sont innombrables, un petit
nombre seulement sont utiles ou pour mieux dire utilisables ; c'est 'il
l'opérateur de savoir choisir celles qui, par elles-mêmes ou par leur
valeur dans l'établissement d'un indice, mettront en relief les points
intéressants. Mesurer est peu de chose en effet; lire ses mensurations,
comme on lit une coupe, est beaucoup plus important et plus délicat.
Enfin, le clinicien, par cela même que d'ordinaire il opérera sur des
anormaux, se heurtera bien souvent à de grosses difficultés. Telle me-
sure sera imprenable; dans tel autre cas, il lui faudra imaginer quelque
hauteur nouvelle à relever. L'essentiel, en tout cas, est d'indiquer soi-
gneusement ses points de repère; autrement on aura fait oeuvre inutili-
sable. Comment comparer, en effet, des séries dans lesquelles on ignore
si le D. ant.-post. maximum de la tête a été pris -avec pour point de
repère l'ophryon ou la glabelle ?
On devra toujours, en outre, s'efforcer dans la mesure du possible de
développer l'enseignement à rétirer des chiffres relevés, et ne point se
contenter d'aligner une colonne de mensurations prises un peu comme
l'on a pu, incoordonnées, sans conclusions.
Nous ajouterons encore un conseil important; un chiffre en soi ne
ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. -1061
signifie rien, el cela parce que les variations individuelles sont en
somme considérables. De même un indice en soi n'a pas une très grande
valeur si l'on ne cherche avec soin quelle est la mesure dont l'augmenl
ou l'amoindrissement a fait varier cet indice par rapport a la normale.
D'un autre côté, quand on compare la mesure relevée sur le sujet exa-
miné aux moyennes, aux normales indiquées, il faut avoir présente il
l'esprit la notion suivante : les moyennes sont établies avec des séries
dont les chiffres extrêmes sont parfois fort éloignés; et tel cas qui parait
très anormal peut l'être bien peu en conséquence. Aussi faut-il intro-
duire dans toutes moyennes des sériations par taille, par âge, parallèle-
ment, il (elle ou lelle autre variation de diamètres différents, en un mot
lenir pour importants le détail des rapports, et non comparer un chiffre
isolé aune moyenne, donnée en gros pour ainsi dire.
D'ailleurs, dès que l'on aura relevé, fût-ce une seule bailleur ou un
diamètre unique, on se rendra compte de toutes ces petites difficultés. z
Ce sont, ces points de technique, et d'interprétation que nous allons nous
efforcer d'exposer clairement.
Instruments d'anthropométrie. Parmi les instruments d'anthro-
pométrie, les uns sont d'un usage courant, d'autres sont plus spéciaux.
Règle générale, on devra toujours s'assurer de temps à autre que les gra-
duations demeurent exactes, Ics alllarcils étant, sujets il se fausser pour
diverses causes. a
Le ruban métrique sera de (il verni, c'est le meilleur; il s'écaille
avec l'usage, mais il s'allonge moins que les autres; c'est un instrument
facile remplacer. On le vérifiera souvent sur un mètre étalon en bois.
Un aura en outre une équerre triangulaire dont le plus long côté aura
une trentaine de centimètres, et un crayon derniographique.
Le compas d'épaisseur est un des instruments principaux pour la
tète : on se procurera le compas de Broca dont la tige droite transversale
est. graduée de 0 il )0 centimètres. On tiendra chaque branche courbe
en main, comme une plume à écrire; on aura quelque avantagea s'habi-
tuer il la manier en la serrant du pouce et du médius, l'index, doigt ittcli-
cate1l1', cherchant et fixant le point de repère, en assurant l'équilibre de
l'instrument.
On se servira de la vis de pression selon l'indication fournie plus
.loin (Voir D. ,lnt.-llost. de la tête). Les mesures doivent être exprimées
en millimètres. "
Le compas-glissière est utilisable pour les mesures dont les points
extrêmes ne sont point séparés par une courbe trop saillante; ses branches
s'écartent non plus selon un arc de circonférence, mais selon des lignes
parallèles. On se sert, des pointes si l'on précise la distance de saillies.
1'1 du talon des branches, si l'on mesure l'écartcment d'os arrondis ou
plus ou moins parallèles (arcades zygomatiques, branches du maxillaire
inférieur, par exemple.) .
La glissière anthropométrique permet de relever les dimensions des
[F. JI1OUTIER]
1062 ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE.
membres, des diamètres transverses du thorax, du bassin, etc. On en
trouve dans le commerce un modèle commode de 80 centimètres de
long, divisé en deux parties se raccordant à vis. Nous recommanderons
seulement de faire, graduer les tiges indicatrices mobiles, ce qui peut
être utile en certains cas.
On peut encore avoir besoin de lames de plomb peu épaisses, longues
de GO centimètres; nous reviendrons plus loin sur leur emploi. Enfin,
nous n'insisterons pas ici sur l'usage des goniomètres, instruments dont
l'exposé sortirait de noire cadre, mais dont nous dirons cependant un
mot plus loin à propos du prognathisme et de l'angle facial de Camper.
Ajoutons pour terminer ce paragraphe que l'on peut tirer parti de la
méthode des projections, notant ainsi facilement la distance qui sépare
la projection verticale de deux points sur un plan horizontal.
Termes employés. - Il j a en anthropométrie, une terminologie
assez complexe; nous ne citerons et n'expliquerons les points de repère
qu'au sur et il mesure de leur emploi. Nous dirons cependant de suite
(pic ces points de repère sont, au point de vue scientifique, de valeur très
inégale; les uns ont une valeur absolue, ce sont les interlignes articu-
laires par exemple; d'autres, comme t'ecartemcnt des commissures
labiales, la hauteur du nombril, le diamètre transverse maximum du
crâne donnent moins de certitude soit parce qu'en plaçant différemment
le malade, on peut les altérer, soit parce que en eux-mêmes, ils ne
dépendent pas d'un substratum anatomique toujours identique.
Tue hauteur, un diamètre, une circonférence n'ont pas besoin d'être
définis. Seul, l'indice, dont le débutant a parfois quelque mal à saisir et
le calcul et la valeur, demande une explication.
Vu chiffre en soi. nous le répétons à dessein, est peu de chose : des : )
comparaison il un nuire se retire la notion des changements survenus.
Or, on a pris, mmwnlllllllll('llelrl('17f, l'habitude de rapporter un chiffre il
l'unité, et de chercher combien de l'ois ou de fractions de l'ois plutôt,
l'autre chiffre serait contenu en lui dans ces conditions. Pour éviter les
décimales, on fait le chiffre, étalon égal à 100 et non it 1. Chercher le
rapport centésimal d'un chiffre a un autre, c'est encore chercher le re-
port de ce chiffre par rapport il l'autre - I 110.
Un exemple simplifiera celle démonstration.
L'indice réphalique est le rapport centésimal du D. transverse
maximum au Il. aIlL-posl, maximum; c'est, en parlant autrement, Il !
rapport du transverse it t'ant.-post. = 100. Soit un Il. transverse
maximum de 152 millimètres, un D. an ? post. maximum de 185 milli-
mètres, l'indice céphalique sera le rapport, de 152 à 185 = 100.
Dans l'établissement d'un indice, à pari de très rares exceptions, c'est
le plus petit chiffre qui sert de dividende; el. le calcul s'établira selon la
formule suivante, en reprenant notre exemple.
i r - i r IMXIOC .H. ?
Indice ('('1' 1 : 1 /(111(' = 15 ? 1.111..
lo3
ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. 10671
Ce chiffre : 2. Hi. qui est l'indice, n'est qu'une valeur fictive; il n'im-
plique ni centimètres, ni millimètres. Il veut dire simplement que si
l'on rait le diamètre antéro-postéricur de cette tète = 100, le transverse
ne sera égal qu'au 82.10 centièmes de cette quantité. Et. c'est unique-
ment pour simplifier le calcul que l'on multiplie le numérateur par 100;
on aurait aussi bien pu écrire.
. ,. 152 )'
Indice céphaliquo = rnr= 0,8210.
loi)
Il est évidemment plus simple de manier des unités que des dix-mil-
lièllus; on pourrait d'ailleurs, après coup et par convention toujours,
l'aire avancer la virgule de deux chiffres vers la droite. Cela reviendrait
exactement au même.
On nomme le quotient la caractéristique de l'indice, les deux termes
sont les décimales de cet indice.
Nous étudions ici simplement 1 anthropométrie sur le vivant, ou, d'une
façon plus générale, sur le corps intact, vivant ou mort. Les moyennes
que nous donnerons s'appliqueront donc, dans la mesure du possible, au
squelette revêtu des parties molles; s'il en était autrement, une mention
spéciale le signalerait. Enfin, nous avons dû mettre après chaque chiffre
le nom de l'auteur, l'anthropométrie n'étant pas encore une science imper-
sonnelle.
Examen du sujet. Il vaudra mieux commencer une série complète
de mensurations par celles qui nécessitent la nudité de l'individu. Il faut
souvent beaucoup de patience avec les vieillards, les femmes, les pusil-
lanimes, les inférieurs que le moindre instrument effraie, ou pour les-
quels le déshabillage est un tourment; nous n'avons pas il insister sur
ces poinls. D'un autre côté, il serait plus logique de commencer l'étude
suivante par l'examen du corps, mais en clinique, ce que le médecin
désire mensurer le plus souvent est la tète : nous commencerons donc
parlacepitatometrie.
Chaque fois que nous le pourrons, nous ferons suivre l'exposé tech-
nique d'une mesure, de l'examen des circonstances pathologiques où sa
recherche et l'élude de ses variations sont le plus utiles il pratiquer.
Céphalométrie. La céphaloméll'ie est l'étude des dimensions
de la tête, par opposition il la cl'lÎnio1nétl'ie qui mesure son squelette.
Pour pratiquer cet examen, on placera le sujet sur un siège de hauteur
telle que l'on puisse commodément manoeuvrer. L'éclairage sera favo-
rahlc. 11 relira deux fois chaque mesure. L'idéal sérail de répéter les
opérations à quelques jours d'intervalle, alors que l'on aurait oublié la
première série de chiffres.
Le compas glissière ne sera point trop serré tout d'abord; quand on
sera parvenu à la dimension cherchée, on serrera la vis de pression.
maintenant ainsi au degré voulu l'écartemeut des deux branches et l'on
appliquera celles-ci aux extrémités du diamètre étudié. En forçant très
légèrement, l'on doit pouvoir faire franchir au compas serré cette plus
[F. MOUTIER.]
1064 ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE.
grande largeur-, et si la mensuration est bien faite, on perçoit, surtout
par les doigts, un certain degré de frottement des branches aux extré-
mités du D. maximum. C'est une vérification utile et simple.
On pourra marquer certains points de repère .sur la peau; quant aux
cheveux, ils gênent plus ou moins, il faut se défier des erreurs faciles à
commettre dont ils seraient responsables. ? .
D. Antéro-postérieur maximum. -,Ce diamètre est des plus impor-
tantes. Il a, en avant, un point de repère précis.
- Nous mesurerons un, D. ant.-post. glabellaire et non .pas un ophryo-
postérieùr. L'ophryon (op'J;, sourcil) est l'ancien point sus-nasal; il se
trouve au milieu d'une tangente à l'arc des sourcils, il coïncide encore
en général avec le milieu du D. frontal minimum. Mais le D. ophryo-
postérieur n'est pas un antéro-postérieur maximum. Nous prendrons
comme point de repère la glabelle située au-dessus du nasion ou point,
nasal, c'est-à-dire de la suture naso-frontale qu'apprécie aisément l'ongle.
D'ordinaire renflement placé entre les crêtes sourcilières, immédiate-
ment au-dessus du point nasal, la glabelle peut n'être qu'une surface
plane, un méplat quelquefois. En tout cas, de la glabelle comme point.
fixe, en restant soigneusement dans le plan sagittal, on cherchera le
point le plus éloigné du crâne,. dans la région occipitale par conséquent.
Mais il est admis que si ce point devait tomber au sommet d'une protu-
bérance occipitale externe ou inion (tvtov-nucrue) très développée, on
doit reporter la mesure à la base de cette protubérance. D'ailleurs, en
général, le maximum est au-dessus.
Le D. antéro-postérieur maximum- est en général plus allongé chez les
hommes grands que chez les individus de faible taille ; il est oblique chez
les plagiocéphales : le nom l'indique. Il est plus allongé chez les
scaphocéphales (r.yo;-hat.eau) dont la déformation relève d'une synostose
totale et précoce de la suture sagittale. Enfin, les microcéphales sont
généralement dolichocéphales (GG) ? r05-lonb). -
La mesure étudiée est tellement variable (Parisiens : II. 180 à 190;
F. 170 à 180) que seules les variations de l'indice céphalique doivent
être interprétées, du moins en général.
D. transverse maximum. - Ce D. n'a pas de point fixe ; il peut
tomber n'importe où. On placera le shranches du compas d'épaisseur au-
dessus des conduits auditifs, et en tâtonnant, l'oeil fixé sur la tige
graduée, on élèvera, on avancera ou reculera l'instrument jusqu'à ce que
l'on ait un maximum. Une petite difficulté : rester toujours dans un plan
frontal, autrement on aurait un D. oblique et non transverse..
Dimensions moyennes (Papillault. II. 1-nit.; - F. = 14S mm).
Ce D. est comme le précédent, très variable ; il est accru dans la trigone-
céphalie que produit la soudure de la suture médio-frontale ; il est très
petit chez les scaphocéphales, considérable chez les hydrocéphales.
Enfin il peut être à des niveaux très différents. En général placé sur
les pariétaux, il est abaissé chez les infantiles. Mastoïdien et accru en
ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. lOlï'3
même temps, il traduit ' un faible développement encéphalique.
D. ant.-post. métôpique de Broca. « Lorsqu'on vient de mesurer
l'amtéro-posé ? ie2c° maximum, sans changer de place la branche de
l'instrument qui touche le point maximum postérieur, on détache l'autre
de la glahelle, et on la relève jusqu'au niveau du métopion ou point
intermédiaire aux deux bosses frontales... » (Topinard). Comparé au D.
ant.-post. glabellaire, le D. métôpique 'montre le retrait du front, très
faible en général chez les Parisiens (Broca, I : I. - J .12). Chez la femme
il a fréquemment une légère saillie (Broca, F. = -+- 0.24).
, Le D. métôpique est en raison inverse de la taille : en d'autres termes
il est relativement plus grand chez l'enfant. 11 est faible chez le géant,
surtout chez le géant infantile, mais il est à noter que chez ces malades,
il peut être augmenté par un ressaut occipital post-lambdoïdien. Chez les
trigonocéphales, la partie moyenne du front est saillante, mais les bosses
frontales sont nulles, et les parties latérales de l'os sont fuyantes.
D. frontal minimum. On prendra ce D. en plaçant les branches du
compas d'épaisseur sur les crêtes frontales, faciles à sentir sous la peau
immédiatement, au-dessus -des apophyses orbitaires externes qui dépen-
dent de la face au point de vue anthropologique. On fera ouvrir la bouche
du sujet, de façon que le muscle temporal s'efface le plus possible, et
réduise au minimum la différence entre le D. sur le vivant et le D sur
l'os sec. - .....
Broca donne pour ce D (crâne) =11 ? 100 millimètres ; F. 95.2; il a ! )7.6 millimètres pour Hovelacque et Hervé, '104.6 sur le vivant pour
Papillault chez l'homme, 101 chez la femme. Le frontal minimum est
très faible chez les trigonocéphales ; il est réduit également chez les acro-
céphales qui ont un front vertical et étroit. Associé à la plagiocéphalie,
l'acrocéphalie donne le crâne réi11fornie... ' .
Il est logique de constater un D. frontal minimum exagéré chez les
hydrocéphales, faihle chez les microcéphales.. Ceux-ci présentent en
même temps fréquemment de la trigonocéphalie (synostoses coronale et
sagittale). ..
D. sus-auriculaire. 11 se prend au-dessus du trou auditif sur le
bord supérieur de la racine horizontale de l'arcade zygomatique.Le point
sus-auriculaire correspond à une dépression très nette qui. se trouve
à peu près au point où,, suivie d'avant en arrière, l'arcade zygomatique
rencontre le cartilage de l'oreille. (Manouvrier). Sur le vivant, le repé-
rage de cette fossette détermine une douleur légère, mais exquisément
localisée, dont nous n'avons su préciser la cause (filet nerveux constant ? ).
Nous étudierons aux indices la valeur de ce Di
. Hauteur verticale auriculaire. Cette hauteur du. crâne se prend
du vertex au centre du trou auditif. Elle s'obtient par différence entre la
distance du vertex au sol et la distance du trou auditif au- sol (vpir plus
loin). On peut la prendre encore au moyen du compas-glissière dont on
retiré le couteau mobile. Se réglant sur la ligne des yeux (Manouvrier),
. - [F. MOUTIER.]
- 1066 . ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. -
on met la branche supérieure bien horizontale sur le vertex et l'on fait
glisser l'ongle sur la branche graduée, placée aux côtés de la tête, jusqu'à
ce que l'on atteigne le milieu ou tragus de sa pointe. Cette hauteur est
assez approximative. Nous en verrons plus tard la valeur moyenne. Elle
est exagérée dans l'oxycéphalie (synostose pariéto-occipitale) et amoindrie
sur les crânes de type infantile. Dans l'hydrocéphalie, la largeur de la
tête est accrue aux dépens de la hauteur.
- D. bizygomatique. - Nous rapprochons l'étude de ce D. de celle des
autres D. crâniens; car, en réalité, ses variations traduisent le plus sou-
vent celles de la base du crâne. On le prendra soit avec le compas d'épais-
seur, dont on placera les deux branches au sommet de la courbure des
arcades zygomatiques, soit avec les talons du compas-glissière. Broca lui
assigne en moyenne sur le crâne : ' H. 1,5 millimètres; F. 125.5. Papil-
lault a noté 155 et 120.
L'arcade zygomatique est relevée chez les hydrocéphales. Le 1) est
accru, bien que faiblement, chez les géants où il contribue à marquer la
déchéance du crâne par rapport à la face.
D. bimastoldien. C'est à dessein que nous plaçons, à la fin de cette
partie de notre étude, le D. bimastoïdien, condamné par certains auteurs,
et repris par quelques-uns. On peut avoir intérêt à le comparer d'autres
D. transverses; en tout cas, les points extrêmes manquent un peu de
précision. Le compas d'épaisseur sera appliqué à la base de l'apophyse,
malheureusement très variable d'individu à individu, et non à son
sommet. (D. H. =1 2 ; = F =1 ` . Papillault). On peut adopter comme
point de repère horizontal le trou auditif.
Indices craniens. - Le calcul et l'étude des indices sont, en
céphalométrie la mise en oeuvre des mesures que nous venons de relever.
Indice céphalique. Cet indice est le principal ; il traduit la varia-
tion des dimensions longitudinales et transversales de la tête. C'est le
rapport centésimal du D. transverse maximum au D. ant.-post. maximum
(D. glabellaire), c'est-à-dire du transverse à l'ant ? post.='100.
Cet indice ne présente pas de différences sexuelles.; nous rappellerons
en outre que la saillie plus forte de la glabelle justifie la dolichocéphalic
ou, en tout cas, la faiblesse relative de l'indice des sujets de forte taille.
Suivant le chiffre obtenu, on classe comme suit les. sujets examinés.
(Broca).
ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE.
1067
diminuer de deux unités les indices obtenus à l'aide des mensurations sur
le vivant. Dans ce -cas, en effet, il faut tenir compte de l'épaisseur des
chairs et surtout du muscle temporal (D. transverse max.).
Indice transverso-frontal. (I. frontal de Broca). C'est le rapport
centésimal du. D. frontal, minimum au D. transverse maximum. Broca
donne 68,8 sur le crâne, et Papillault 68,6 (IL) et 69.5 (F.) sur le sujet
revêtu de parties molles. Il est intéressant à considérer quand on veut,
mettre en évidence les variations relatives du crâne antérieur et du crâne
postérieur. Nous signalerons particulièrement qu'il est plus grand chez
les hommes de stature élevée que chez les sujets de faible dimension.
Indice frontal minimum-bimastoïdien = 100. - C'est le rapport du
[F. MOUTIER.]
Fig. 2.
I.'ig'. ig. 5..
l'ig. 1 et 2. Points de repère céphaliques (tracé imité de Duplay, Rochard et Uemoulin).
Fig. 5. Points de repère dorsaux (tracé imité de Duplay, Rochard et Demoulin).
1068
.u\TFIItOPOlII;TRIr CLINIQUE.
frontal à l'un des D., de la base du crâne. En moyenne de 79.8, il révèle
les variations de développement relatif de la hase et de la partie anté-
rieure du crâne. Comparé au précédent,
son étude est instructive, il montre que
parallèlement à l'accroissement de la
taille, les D. transverses du crâne subis-
sent des. allongements inégaux, le frontal
minimum augmente plus que les D.
de la voûte, mais moins que ceux
. de la base.
Indice fronto-zygomatique. -
Nous parlons ici de l'indice de Ma-
nouvrier, rapport du frontal mini-
mum au bizygomatique='100. Il
ne faut point le confondre avec le
fronto-zygomatique de Topinard on
JJlstèpl1amen (frontal maxïmum-bïzygomatïque = '1 UO. L indice de Jnpi-
nard est de 90,7 (crânes parisiens H) et de z1, 7 (id. F.). L'indice frontal
minimum-hizygomatique = '100 est de 77.56 en moyenne. Ces indices
présentent de l'intérêt, soit. dans, les cas où il y a élargissement de la
Fiv. 4. Points, de repère du tronc et des
membres; points de repère ventraux (dessin
original J.
Légende commune aux 4 figures.
(en partie d'après les schémas remis aux
voyageurs par le laboratoire d'Anthropologie
du Muséum).
1. Ophryon. 2. Inion. .3. Glnbelle.-
4. llélupion. - 5. Point .de repère du II.
sus-auricutairc. G. Point mentonnier.
' 7. Point alvolaire.-8. Gonion.-9.llastoïln.
10. Vertex. 1-l.Nasion. AIL Taille de-
lout. - 1 : Hauteur de l'articulation de
l'épaule. Il. Hauteur de la hanche.
TT'. D. Transverse maximum. CC'. D. au-
lero-poslérieur maximum. FF'. Frontnl
maximum. 00'. D. Liauricutaire. ZZ'. n.
bizygomatique. MM'. D. angulaire de la
mâchoire. EE'. D. des épaules. II'. D. du
hassin. - E.T. Longueur du bras. JK. Lon-
gueur de t'avant-bras. KG. Longueur de
la main. DG' X 2. Grande envergure.
JI'L. Longueur de la cuisse. LN. Longueur.
de la jambe au sommet de la malléole interne.
. t1 : \TIIItOP01LÉTItIE CLINIQUE. ' -1060
base du crâne ou accroissement de la face, soit dans les cas d'anomalie
de la voûte (hydrocéphalie : 1. dé-Topiiiard 128).' ,. , 1 . 1
Indice bimastoïdien bizygomâtiqu : e.=100. Il complète les données
précédentes; nous, n'insisterons pas. Chez l'homme 1= 97.0; chez la
femme 1= 9.7.6 (Pahill2ul.t : ) . ? ? '
Indice sus-auriculo-transverse maximums C'est le rapport du D.
sus-auriculaire au D. transverse maximum = 100. L'indice obtenu peut
renseigner sur le développement relatif de la voûte. et de la base. Broca
donne comme moyennes (crânes de Parisiens) : Il'- 8 ? 1; ? F.= 80. 4
Indices verticaux. Ils représentent l'aplatissement dé la tète ou
l'oxycéphalie ; on peut calculer l'indice. z
ou plus simplement l'indice hauteur-longueur ="100,.et l'indice hauteur-
largeur = 100. Les résultats obtenus sont tout à. fait différents chez
l'homme et chez la femme. Les modifications de la taille les influencent
fort peu. ' '
1070 , ' ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. -
repère, l'ongle marque la limite. On y place alors les branches du com-
' pas d'épaisseur; on note le chiffre et l'on serre la vis du compas. La
lame est alors portée sur le papier ; et comme son élasticité la fait se
redresser légèrement, on redonne la longueur voulue, grâce au compas ;
il ne reste plus qu'à suivre au crayon la concavité de plomb.
Ce sont dans les cas spéciaux seulement que les résultats obtenus
présentent de l'intérêt : maladie de Paget, hydrocéphalie par exemple.
Dans l'hydrocéphalie, on cite des observations où la circonférence hori-
zontale maxima a mesuré 910 millimètres au lieu de la normale 545 mil-
limètres ; des crânes de microcéphales adultes mesuraient 549 milli-
mètres seulement (Hovelacque et Hervé)...
Diamètres de la face. -1\Tous rappellerons que le diamètre bizy-
r/o ? xa.ti jzie déjà étudié plus haut, oscille chez l'homme autour de '155 mil-
limètres, chez la femme autour de 126.
Nous avons à mesurer sur la face un certain nombre de diamètres
placés dans le plan sagittal; toutes ces dimensions doivent se prendre
avec le compas-glissière. Nous avons déjà cherché plus haut la hauteur
ophryo-nasale, nous n'y reviendrons point (moyenne = 16 millimètres).
H. ophryo-mentonnière. -.Cette hauteur se mesure de l'ophryon au
point mentonnier. L'ophryon est le milieu d'une ligne passant tangentiel-
lement au bord supérieur des sourcils. Le point mentonnier se trouve
sur le prolongement vertical de l'intervalle séparant l'une de l'autre les
deux incisives médianes inférieures; il se trouve à la partie à la fois la
plus inférieure et la plus antérieure du bord maxillaire. Il convient, parti-
culièrement de repérer ces points au crayon dermographique. Les dimrn-
sions moyennes de cette hauteur sont de 136 millimètres chez l'homme,
de 124 chez la femme.
Indice facial total. C'est le rapport de la hauteur ophryo-menlon-
nière au diamètre bizygomatique = 100. Papillault a trouvé chez des
Parisiens adultes, II. il 00. 7 et F = 98.7. Cet indice est intéressant à
. étudier chez les géants, les infantiles, les acromégaliques. En le calculant
d'après quelques chiffres relevés dans Launois et Roy, nous l'avons trouvé
de 106.45 en moyenne chez les géants infantiles. Le D. bizygomalique
varie peu ou point relativement aux dimensions verticales de la face qui
s'accroissent surtout dans leur partie sous-nasale.
H. ophryo-alvéolaire. Le compas-glissière est appliqué de profil
et l'on se sert de ses branches obtuses. De l'ophryon en haut, on descend
en relevant la lèvre supérieure au point alvéolaire ; pour repérer ce point,
correspondant à l'intervalle des incisives médianes supérieures en leur
point d'implantation, il conviendra de ne point tenir compte, le cas
échéant, d'une saillie anormale de gencives malades. On pourra de même
mesurer la distance naso-alvéolairc.
ANTHROPOMETRIE CLINIQUE. 1071
Maxillaire inférieur. - L'étude de la mandibule est intéressante
chaque fois qu'il y a accroissement du crâne ou de la face : géants
acromégaliques,.etc. Les dents ne sont pas influencées par la taille; tout
se passe dans la hauteur sous-naso-alvéolaire et symphysienne. De plus,
l'étude du diamètre higoniaque montre en général que ce D. comparé à
ceux de la base, varie peu; enfin, la longueur gonio-mentonnière rensei-
ancra suffisamment sur le prognathisme. Les points de repère de ces
différentes mesures nous sont déjà connus ; le gonion se trouve au côté
externe de l'angle de la mâchoire inférieure. Il sera bon de noter si son
déjettement possible en dehors semble dépendre d'un développement
anormal des muscles masticateurs.
fOi2 . ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. -
, ' L'opération se résume alors en une addition de logarithmes, et l'on
saura une fois pour toutes que le logarithme de - . 1 z=1,6'1979. Le
volume moyen serait de. 1560 cent, environ.
Mensuration du tronc et des membres : - Bien que ces mensura-
tions soient multiples, le clinicien les pratiquera moins souvent que les
précédentes. Leur appréciation est plus complexe ; elles sont plus déli-
rates' à prendre aussi ; et, ;du reste, les cas où elles seront nécessaires
ou seulement utiles, sont rares... 11 s'agira le plus' ordinairement de ma-
lades de Paget, d'acromégaliques, d'infantiles, de nains, d'idiots, de
dystrophiques en un mot. Par cela même que nous nous occupons de
. pathologie, les sujets présenteront souvent des anomalies dont la présence
rendra difficile, sinon impossible, tel ou tel temps de nos recherches.
Ici plus que jamais, il-ne faut point craindre de faire et rcl'aire les me-
sures ; un écart de plusieurs centimètres peut survenir facilement entre
'les mains d'un non professionnel. Ici, plus que jamais encore, il faudra
préciser les repères qu'indiquerait insuffisamment le nom même du
diamètre ou de la hauteur. Le bras, par exemple, est mesuré par les uns
de l'acromion à l'épicondyle* par les autres de l'acromion à l'interstice
huméro-radial.
Enfin il est inutile, pour un cas unique, d'encombrer une observation
de toutes les mensurations possibles, ni même peut-être de toutes celles
que nous indiquerons. '
Si, encore une fois, tant d'observations anthropométriques prises par
des médecins sont inutilisables, c'est que l'on n'y sait point dégager
l'important du superflu; c'est que souvent, chose louable en soi, telle ou
telle malformation a obligé l'expérimentateur à improviser un diamètre,
il noter une hauteur nouvelle, mais faute d'indications précises sur les
repères choisis, on ne peut tirer de tout cela le parti désirable.
Enfin, certaines mesures se verraient tellement- entachées d'inexacti-
tude chez le vieillard cyphotique, chez un choréique dont l'instabilité ne
permet pas d'appliquer un instrument, chez un scoliotique ou un malade
atteint de genu valgum, qu'il vaudrait mieux ne point les relever.
Instrumentation. - lous n'avons plus à employer ici le compas-glis-
sière. Le ruban métrique, dont les dimensions facilement s'exagèrent
sous l'influence de la transpiration fréquente du sujet chez l'adulte
l'été, chez nombre d'enfants en toute saison sci-virt uniquement il
prendre les circonférences. La glissière anthropométrique nous servira
souvent, mais avant tout nous aurons employer la toise. C'est un instru-
ment simple : tige de 2 mètres de haut, sur laquelle un. curseur glisse,
facilement et permet de repérer au-dessus du. sol la projection, sur la
surface verticale du double mètre,. du point considéré. Il convient, eu
effet, de mesurer toutes ou à peu près toutes les hauteurs en distances au
sol=0, et cela pour les raisons suivantes. Les mensurations 'effectuées
sur le vivant ne donnent pas la longueur réelle de l'os, mais Jbien la Ion-
ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. 1075
gucur, les proportions des formes et des masses musculaires qui entou-
rent la charpente osseuse. Dans ces conditions, prises à compter du sol,
toutes les mesures se trouvent plus exactement proportionnelles entre
elles et à la taille totale ; l'établissement d'un canon en sera plus facile.
Cependant, nous conseillons absolument de vérifier les mesures du
membre supérieur au compas-glissière, en prenant pour 0 l'acromion, et
même d'indiquer en outre, segment par segment, les mesures absolues
des membres.
D'une façon générale, on trouve facilement la dimension d'un segment
donné en retranchant de son niveau supérieur, la hauteur à sa limite la
plus basse. Par exemple, si l'on veut, avoir la dimension de l'avant-bras.
on retranchera de la taille il l'interstice huméro-radial, la taille au poi-
gnet ; la différence donne la longueur cherchée.
Enfin pour les membres et pour le tronc comme pour la tète, un
chiffre isolé a peu de valeur. Il faut établir des rapports; et le principal
d'entre eux est le rapport d'une mesure donnée à la taille parce que
de toutes les hauteurs de l'homme, la taille est celle qui varie le plus.
Ces remarques sommaires étant présentes à l'esprit, procédons a l'exa-
men du sujet.
On peut l'examiner debout ou couché; dans ce dernier cas, il faudrait
une toise un peu spéciale. Admettons que l'examen se fasse debout. Le
malade est bien éclairé face a la toise, ou placé au côté de cet instrument
dont le bon fonctionnement et la verticalité sont vérifiés. On procédera
rapidement; c'est que, en effet, la fatigue agit vite et peut modifier beau-
coup certains rapports. On commencera donc par marquer, au crayon
d'aniline, tous les points de repère; puis on procédera aux mesures en
ne déplaçant le malade devant la toise que le moins possible. '
Chaque chiffre sera écrit par un secrétaire et appelé par lui, pour
éviter toute erreur. Enfin, on aura soin de faire asseoir le malade afin de
prendre la hauteur du pied, de façon il alléger la voûte plantaire. Nous ne
saurions trop insister sur la nécessité absolue de marquer d'avance les
points de repère. Il faut aller vite et pour le malade nu, maussade
souvent et pour l'observateur qui doit viser il l'exactitude la plus grande,
Mensurations à effectuer. On relèvera la hauteur des points sui-
vants au-dessus du sol; l'ordre ci-dessous est commode.
Vertex.
Centre de chaque conduit auditif.
l'oint mentonnier (bord intérieur de
la mandibule).
Fourchette sternale.
Acromion de chaque côté (bord
externe).
Coude de chaque côté (iuteriignehu-
méro-radial).
Poignet de chaque cote (apophyse sty-
loïde du radius.
Pratique neurol.
Médius, extrémité de chaque coté.
Centre des mamelons de chaque coté.
Centre de l'ombilic.
Bord supérieur du pubis.
Epine iliaque ant. sup. de chaque côté.
Bord supérieur de chacun des grands
trochanters.
Articulation des genoux (interligne).
Vertex assis.
Apophyse épineuse de la 7° cervicale.
Bord inférieur des malléoles internes.
68
[F. MOUTIER.]
1074 ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE.
Les diamètres suivants sont à noter.
131-acromial.
131-lmméral.
Bi-mamelonnaire (femme, petite fille).
Anl. post. du thorax.
Transverse du thorax.
Bi-crétal iliaquu.
Di-épineux iliaque.
, Bi-trochanlérien.
Grande envergure.
Longueur du pied.
Quant- aux circonférences, on pourra se contenter de prendre celles
-qui, dans le cas donne, présentent seules de l'intérêt. En général, les
plus importantes sont : -
Circonférence du cou son lieu moyen :
thoracique sus-mammaire (au repos le spécifier) ;
mamelonnaire ;
minima de la taille (immédiatement au-dessus des crêtes
iliaques) ; .
de la hanche (au niveau des Irochanlers) ; .
du bras en son milieu (là où, l'avant-bras étant fléchi niais le
muscle au repos, la masse musculaire est le plus saillante.
Le malade ne doit pas faire de biceps) ;
du poignet, au-dessus des styloïdes;
de la cuisse partie moyenne ;
maxima du mollet;
minima de la jambe, au-dessus des malléoles.
Avant d'aborder l'étude des principaux rapports, nous indiquerons
brièvement le mode de repérage de certains points insuffisamment décrits
dans les pages précédentes. ,
Le vertex est le point culminant de la tête; sa hauteur représente la
taille; on l'obtient en abaissant l'équerre directement sur la tête du
sujet, dont le conduit auditif et le plan sous-nasal doivent être sur un
même plan horizontal.
L'acromion doit être soigneusement repéré; on marquera au crayon
gras son bord externe, tranchant. Quant à l'interligne Itlllnéro-mdial,
il est facile à trouver en faisant exécuter au radius quelques mouvements
de pronation et de supination. On marquera avec soin encore l'extrémité,
inférieure de l'apophyse styloïde du radius, au niveau de laquelle le
doigt s'enfonce dans la dépression articulaire du poignet. Le bras devra
pendre naturellement le long du corps, soigneusement étendu. La main
tombe verticalement le long de la cuisse, dans une position intermédiaire
à la pronation et à la supination. Pour mesurer la grande envergure, on
peut additionner le D. hiacromial (glissière anthropométrique) et la lon-
gueur des bras. On peut encore mesurer au ruban métrique (défectueux)
ou à la glissière soigneusement tenue parallèle a l'axe du membre le
segment compris entre la fourchette sternale en son milieu et l'extrémité
du médius. Le bras doit être horizontal, le pouce redressé au maximum,
en érection.
Le D. bicrêlal iliaque se mesure du sommet d'une crête iliaque à
l'autre, sur la lèvre externe de la crête.
ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. 1075
Quant au D. bitrochantérien, il convient de le considérer comme un
]). maximum et de le mesurer, en serrant un peu les téguments cepen-
dant, à la face externe du trochanter, au point le plus excentrique de
cette surface.
L'interligne du genou doit être marqué sur la face externe, mais on
le sent fréquemment de façon plus nette à la face interne de l'articulation.
Ajoutons qu'il est quelquefois plus facile de noter, sur le mur au
moyen de l'équerre ou autrement, la projection de certains points
sommet de la crête iliaque, bout du médius et de mesurer directe-
ment ensuite au ruban, le malade étant écarté, soit le D. Liurêtal, soit la
grande envergure.
Enfin, la longueur du pied se prend avec le compas-glissière du point
le plus reculé du talon il l'extrémité supérieure du gros orteil quel-
quefois au deuxième, puisque c'est une longueur maxima sans clé/mi-
mer la pulpe de l'orteil. Le pied ne doit pas supporter le poids du corps.
Mensuration de la taille. Le sujet ayant la tète appuyée contre le
mur, on abaisse sur le vertex la toise, en prenant la précaution d'orienter
l'organe céphalique connue il a été dit un peu plus haut. Les talons
doivent être au mur, les pieds d'équerre. Si l'une quelconque de ces
conditions n'avait pu être remplie, on le signalerait. On pourrait, du
reste, caler la tête avec des doubles de linge, par exemple.
Pour prendre la taille assis, le sujet sera placé sur un tabouret de
50 centimètres, les yeux Ù l'horizon, les pieds légèrement avancés pour
qu'il n'y ait point tendance à s'appuyer et s'incliner en avant. On devra
veiller à ce que le bas du dos s'applique correctement contre le mur.
On se déliera de rallongement momentané que l'extension volontaire
peut amener dans la taille : on surveillera également l'affaissement de
l'asthénique. Il y a là de grosses causes de variations. Couché, le sujet
peut gagner 17 millimètres et plus; une fatigue passagère, une séance
prolongée peuvent raccourcir la taille, affaisser le thorax, de même
que le décubitus atténuera les courbures.
La taille moyenne de l'homme est en France de 1 m. (i4; la femme
présente de 10 à 12 centimètres de moins. Rapportée à la taille, voici
ce que donne la hauteur du tronc mesuré en projection entre la 7° côte et
le sommet du sacrum, soit avec la glissière, soit avec la toise sur le sujet
assis, et appliqué autant que possible contre la pièce verticale de la toise.
TRONC A TAILLE =100 (FHHË)
J 07G ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE.
De l'examen de ces chiffres, on conclut que la proportion du tronc il la
taille diminue à mesure que la taille augmente. Nous ajouterons, pour
préciser le sens et l'intérêt des recherches il faire, que le segment cervical
est plus développé chez l'homme grand que chez le petit. Ce dernier
l'emporte pour le segment dorsal, et la femme se comporte comme
l'individu de faible stature. Le segment lombaire varie peu, mais est
absolument et relativement plus grand chez la femme que chez l'homme.
Indice thoracique. C'est le rapport du D. transverse pris au niveau
du D. antéro-postérieur à ce 11='100. De l'extrémité inférieure du
sternum (abstraction faite de l'appendice xyphoïde) au point horizonta-
lement opposé sommet de l'apophyse épineuse se prend le D. an-
téro-hostérieur. Le transverse tombe donc à peu près constamment à la
hauteur de la 7e côte. Il faut bien spécifier la façon dont on a pris la
mesure; car ces points ne donnent pas toujours un D. maximum et
quelques auteurs prennent le maximum.
Quoi qu'il en soit, le thorax sera en position indifférente. On pourra
établir une moyenne entre les mesures prises les bras abaissés et les
bras élevés, la main placée sur la tète.
L'indice est de 112 chez l'homme et de 115 chez la femme (Weis-
gerber). Le D. antéro-postérieur est exagéré chez les cyphotiques malgré
le renfoncement du sternum, par suite du redressement des apophyses
épineuses.
Rapportés il la taille = 1 UI), les D. thoraciques donnent, d'après
Topinard : .
.ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. 1077 7
Rapportés à la taille = 100, les diamètres nous donnent (Bertillon),
chez des hommes : .
)078 ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE.
H convient de noter le poids du sujet.
On peut suivre au ruban métrique les courbures rachidiennes, et la
radioscopie montrera parfois si certains points de repère douteux corres-
pondent ou non aux vrais interlignes articulaires.
Des mensurations répétées permettront de suivre l'évolution d'une
scoliose : on pourra au besoin employer le procédé d'OEldcr, dessiner au
crayon dermograptiique les contours formés par les apophyses épi-
neuses et les omoplates, puis mettre le sujet derrière un quadrillé de lils,
et le photographier. On comprend que de telles photographies, convena-
blelllcnt faites, donnent un graphique appréciable de l'évolution d'une
courbure vertébrale.
GIGANTISME - INFANTILISME - NANISME
. par le Dr MOUTIER
Gigantisme, infantilisme, nanisme sont loin d'être des entités morbi-
des ; ce sont des complexus ayant une valeur symptomatique différente
selon les cas, et ce chapitre s'efforcera de mettre le praticien en mesure
de ranger dans le groupe qu'il convient le géant, l'infantile ou le nain
offerts à son examen. L'exposé didactique de ces syndromes se compli-
que du fait que des dystrophies voisines peuvent réaliser des aspects dis-
semblables, : ainsi, par exemple, l'infantilisme peut se rencontrer aussi
bien chez des géants que chez des nains, le gigantisme chez des infanti-
les comme chez des adultes portant leur âge, le nanisme s'observe chez
des êtres dont là singularité réside tantôt en l'aspect foetal qu'ils présen-
tent, tantôt en leur aspect sénile et rabougri.
. ` . GIGANTISME
Le gigantisme est un syndrome morbide caractérisé par une éléva-
tion anormale de la taille relativement aux sujets de race et d'âge
voisins, par une croissance prolongée du squelette el des malforma-
tions osseuses, enfin par des anomalies psychiques.
. 11 importe de se tenir strictement aux termes d'une telle définition,
sous peine de se perdre en des discussions ici déplacées. On ne doit pas
en effet juger de la grandeur par un nombre de centimètres, une limite
entre-le normal et l'anormal étant- impossible à fixer. Il est évident cepen-
dant qu'aux environs de 2 mètres la taille commence à s'écarter du type
morphologique de la variété européenne. Enfin, si Brissaud et Meige,
Launois et Roy insistent sur le gigantisme, maladie univoque, essentiel-
lement évolutive, allant de l'infantilisme à l'acromégalie, on devrait ad-
mettre, avec Pierre Marie, qu'il peut y avoir des gigantismes d'ordres
divers à côté du gigantisme acromégalique, et notamment un géantisme
essentiel, non pathologique, caractérisé uniquement par une taille élevée.
Les fonctions génitales seraient normales en ce cas on a d'ailleurs signalé
des infantiles de haute taille sans tare sexuelle. Sans entrer plus avant
dans le débat encore pendant, rappelons seulement avec Pierre Marie que
[F. MOUTIER.
1080 GIGANTISME. INFANTILISME. NANISME.
plus on examine de géants, plus on rencontre d'acromégales. D'un autre
coté, il est un gigantisme indépendant il coup sur de l'acromégalie, c'est
le gigantisme eunuchoïde, le gigantisme des castrats.
Nous ne pouvons insister sur les théories pathogéniques en présence
et sur t'anatomie pathologique des syndromes. Qu'il nous suffise de signa-
ler l'évolution fréquente de l'infantilisme géant vers l'acromégalie. Chez
tout géant doivent donc se rechercher avec soin les signes de cette der-
nière maladie.
Gigantisme avec infantilisme. Le gigantisme avec infanti-
lisme on gigantisme infantile est le gigantisme observé chez les sujets
adultes dont les épiphyses ne sont pas soudées. (Launois et Roy.)
Il est caractérisé d'une façon générale par la persistance de tous les
caractères somatiques et psychiques de l'enfant. Il y a pllé1'ilisme post-
p2cbé°al, pourrait-on dire, en faisant allusion il l'époque habituelle de la
puberté, puisque celle-ci manque de fait le, plus souvent. Le gigantisme
commence d'ailleurs à évoluer avant la puberté. Celte circonstance esl
d'accord avec les lois de Godin : cet auteur a montré, en effet, qu'avant la
crise sexuelle la croissance se faisait surtout en longueur, pour s'cirec-
tuer en épaisseur, pendant et après la puberté.
Gigantisme. Les malades considérés présentent à étudier divers
groupes de symptômes, mais ce sont, avant tout des géants. Leur taille
est variable, dépasse souvent 2 mètres. L'évolution est active vers la
vingtième année surtout, mais se poursuit bien au delà, jusqu'à la mort
de l'individu souvent. Kilo se produit par poussées coupées d'intervalles
où la taille demeure stationnai re. Le tronc reste il peu près normal
(Papillault). L'anomalie de croissance porte principalement sur les
membres inférieurs : ceux-ci s'allongent proportionnellement plus que
les membres supérieurs, et les avant-bras et les jambes plus que les
bras et les cuisses. La main elle pied sont relativement moins développés
que les segments voisins des membres respectifs. Il est fréquent de
constater un genu valYll1n, et. l'on a l'occasion de le voir évoluer si l'on
suit les malades pendant plusieurs années. Ce n'est pas que ces malades
vivent longtemps : peu dépassent trente ans. Ils meurent plus ou moins
vite, asthéniques, cachectiques, souvent tuberculeux, quelquefois empor-
tés très rapidement. S'ils avaient eu quelque vigueur athlétique vers leur
vingtième année, quelque intelligence, seulement normale même, tout
cela s'efface bientôt dans un très réel épuisement de toutes les facultés.
L'examen complet d'un géant infantile comprend un certain nombre
de mensurations; les plus intéressantes portent sur les membres, surtout
les membres inférieurs.
.Nous recommanderons également de prendre le contour de la main et
du pied. Il va de soi que toutes les mesures capables, comparées avec les
chiffres éventuels recueillis auparavant, de décider une évolution pinson
moins nette vers l'acromégalie, seront il recueillir encore. Enfin, l'examen
du géant serait, incomplet sans radiographie des articulations.
' GIGANTISME. 1051
Infantilisme. Le type clinique étudié se rencontre surtout chez
l'iiomme. Nous serons brefs sur le groupement des signes qui en font un
infantile, devant revenir plus loin sur ce point. Les poils sont rares, les
muscles faibles. La verge est petite; les testicules sont extrêmement peu
développés. Le ventre proémine et le bassin est large. Le visage est
imberbe, enfantin, peu intelligent, souvent hébété ou riant d'un air
stéréotypé. D'ailleurs, les idées sont mobiles, les liassions futiles, pue-
riles en un mot. L'appétit sexuel est encore dormant; les hommes sont
impuissants et les femmes stériles, non réglées le plus souvent.
Acromégalisation. 11 convient de rechercher sur tout géant infan-
tile les caractères propres à l'acromégalie. Ils peuvent être effacés; néan-
moins, cet examen portera principalement sur la forme et les dimensions
des mains et des pieds, sur le profil du maxillaire inférieur, la l'orme
normale ou le défaut de rectitude de la colonne vertébrale. La radiogra-
phie du crâne sera, comme nous aurons l'occasion de le redire, spéciale-
ment profitable. Enfin, les viscères seront soigneusement examinés en
dirigeant les recherches dans le sens indiqué plus loin.
Gigantisme eunuchoïde. Il s'agit ici d'un gigantisme infan-
tile pur. n'évoluant jamais vers l'acromégalie. Il est directement en
rapport avec l'insuffisance des glandes génitales, ou plutôt avec leur
suppression totale. Nous reverrons d'ailleurs les castrats à propos de l'in-
l'anlilisnlc. Les géants eunuchoïdes sont par leur voix, leur peau nue et
pale, leur pnerilisme psychique, de grands enfants. L'accroissement de
leur taille porte surtout sur les membres inférieurs, absolument comme
dans le groupe précédent. On en trouve des types parfaits chez les cas-
trats des harems et aussi chez les S/copl : -7/s, ces fanatiques religieux qui,
par chasteté, suppriment leurs organes sexuels. Répétons encore avant
d'aller plus loin qu'après soudure de leurs épiphyses, les géants eunu-
choides ne s'acromégalisent pas.
Gigantisme avec acromégalie. C'est l'acromégalo-gigan-
tisnie de Erissand et Meige. On sait que l'acromégalie est une hyper-
trophie singulière non congénitale des extrémités supérieures, inf'é-
)')frr ? << ? <7//</)<(P.arIc).On rencontre fréquemment un tel
syndrome associé au gigantisme. Aussi, pour Brissaud et Meige, 1Cl'Oml"-
galie et gigantisme ne font-ils qu'un; pour P. Marie, l'acromégalie est
seulement le principal l'acteur du gigantisme. Pour les premiers auteurs.
selon une formule célèbre, le gigantisme est l'acromégalie de l'ado-
le·sccetl : l'acromégalie, le gigantisme de l'adulte. Il est plus précis de
dire avec Launois et Roy que le gigantisme aeromégalique est l'acromé-
galie chez- un géant, après soudure, retardée ou non, des épiphyses.
Quoi qu'il en .oi ? ke·aisté à coup sur deux types cliniques différents,
et nous ne chercherons pas plus longtemps dans quelle mesure ils sont
réductibles l'un à l'autre. Il suffit de se rappeler que fréquemment le
type infantile s'acromegalise et que fréquemment encore le syndrome
acromegalique coïncide avec le gigantisme. Nous avons exposé prece-
[F. MOUTIER.]
1082
GIGANTISME. .INFANTILISME. NANISME.
demment les caractères de l'infantilisme gigantesque, voyons maintenant
les signes de l'acromégalo-gigantisme. - Le malade examiné a générale-
ment été l'objet de la curiosité sinon des médecins, du moins des foules
dans quelque établissement forain. C'est un géant, ou du moins c'en fut
un. Car un des symptômes de l'acromégalie est la scoliose, partant l'af-
faissement de la taille, et le géant de la veille peut ainsi, par télescopage,
devenir en hauteur absolue un homme semblable à ses voisins. Donc, non
seulement legéantacromegale cesse de croître, mais encore l'incurvation
du tronc. amène une diminution métrique.
Le développement de la face et des extrémités caractérise essentielle-
l'ig. 1. Gigantisme et acromégalie :
Jean-Pierre Mazas, géant de Montastruc
(Brissaud et II. neige).
Fig. 2. Gigantisme et acromegalic
(Brissaud et Il. Meige).
GIGANTISME. 1085
ment l'acromégalie. Il existe quelques caractères secondaires remarqua-
bles par leur fréquence élevée : ce sont la cypho-scotiose dorsale, la
céphalée, et, chez la femme, les troubles de la menstruation. La face pré-
sente un aspect disgracieux, repoussant. Son maximum de développe-
ment se prononce dans le sens vertical, et. dans ce visage ovalaire allongé,
les yeux sont enfouis sous un front bas et saillant. Les os mataires sont
proéminents, le liez est gros, les lèvres épaisses, la langue énorme, et
le menton de galoche accuse par son prognathisme l'allongement et la
pesanteur du profil. Les paupières sont lourdes sur les yeux sans expres-
sion. La peau sèche, épaisse et foncée, descend de la tète sur la région
cervicale où la soulève parfois la saillie d'un larynx accru. Enfin, les poils
sont épais et durs.
Les extrémités sont énormes. Ce sont des mains en battoir, en
bêche (spaclc-lil : e), aux téguments épais, capitonnés, aux doigts « en
saucisson » que terminent des ongles petits et striés. Les pieds sont
camards, les orteils et les ongles conformes au type précédemment décrit
au membre supérieur. P. Marie a signalé deux variétés : tantôt les mains
sont allongées, tantôt elles frappent surtout par leurs dimensions trans-
versaies. Le premier type, type en long, se voit surtout chez t'acromega-
tique jeune, adolescent; nous l'observerons donc de préférence chez les
géants acromegaics. Le second type, type en large ou cubique, se voit
quand l'acromégalie débute plus tardivement.
Nous avons déjà fait allusion aux déformations du tronc. Elles con-
sistent, avant tout en une scoliose cervico-dorsale; le thorax est projeté
en avant à sa partie inférieure, et voilà réalisée la double bosse du Poli-
chinelle classique (P. Marie). La voix grave et caverneuse de l'acromégale
contribue encore à parfaire la ressemblance. Ajoutons, pour en finir avec
rcxamen somatique. que les os sont assez fragiles, et les fractures maintes
fois signalées dans l'histoire de tous ces pauvres gens.
L'aboutissant naturel du gigantisme acromëgaiiqueestia mort. Celle-ci
survient plus implacablement et surtout plus rapidement que chez les
aeromégaliqucs simples, c'est-à-dire plus âgés. Il ne faudrait malheureu-
sement pas croire que cette évolution est dépourvue de souffrances. Loin
de là, l'acromégale géant souffre, et de façons diverses et nombreuses.
Son intelligence est souvent obtuse ; néanmoins, il assiste à une déchéance
progressive de toutes ses fonctions, à une déformation implacable de ses
formes. Il n'est pas sans en éprouver un ressentiment ou du moins une
gène, dont l'effet, le pins simple et le plus banal est de le soustraire il la
curiosité médicale, de rendre tout examen délicat et souvent fort insuf-
fisant.
Le malade souffre. Une céphalée constante le tourmente, il présente
même parfois le syndrome des tumeurs cérébrales. Les crises épilepti-
formes, les troubles visuels sont remarquablement fréquents (tumeurs
de l'hypophyse agissant sur le chiasma), et l'hémianopsie bitemporale
(perte de la vision dans les moitiés nasales de la rétine) est fréclucl-
[F. MOUTIER]
1084 GIGANTISME. INFANTILISME, NANISME. '
ment, signalée ; on peut même rencontrer la cécité complète. Un autre
symptôme habituel est la polyurie et la glycosurie. On constate parl'ois
seulement de la glycosurie alimentaire. L'appétit est développé parallè-
lement ; la boulimie est notée dans la plupart des cas rapportés.
La céphalée n'est pas le seul élément douloureux qui harcèle l'acromé-
galique géant. Il éprouve d'autres souffrances, et celles-ci présentent
tantôt des caractères rhumatismaux ou névralgiques, tantôt simulent les
fulgurations du tab.es, parfois encore se bornent à des engourdissements,
au phénomène du doigt mort. En somme, la mort atteint un cachecti-
que, elle est parfois précédée de crises convulsives mal définies à ce
jour.
Fig. 3. Une femme acromégalique typique (profil).
Dans le coin de droite, la même à 20 ans, avant le début de l'affection (d'après Launois).
GIGANTISME. 1 UXJ
L'examen de racromégalique demande il être conduit avec méthode.
EII dehors des renseignements ordinaires et des descriptions usuelles, il
convient de recueillir un certain nombre de mensurations. Les plus inté-
ressantes sont il la face les diamètres bimalaire et bixygomatiqne, le
bigoniaque, la hauteur totale de la face et la hauteur ophryo-alvéolaire.
On apprécie de cette façon les variations du maxillaire inférieur. On
notera également le prognathisme et le ressaut lambdoïdien que le palper
décèle à la voûte postérieure du crâne. Les diamètres de cette voûte
varient peu, si ce n'est le frontal minimum. L'analyse des diamètres de
la base du crâne révèle au contraire un élargissement notable de celle-ci.
On mesurera enfin les membres, on relèvera le contour des mains et des
pieds. L'hypertrophie éventuelle de l'os hyoïde et du larynx sera recher-
chée avec soin.
Toute observation serait incomplète encore sans l'examen radiogra-
phique. Cette recherche montre la soudure des épiphyses, et, au crâne.
ce que l'on peut appeler le syndrome de Béclère, c'est-à-dire l'inégale
épaisseur des parois du crâne, le ressaut lambdoïdien, la dilatation des
sinus frontaux et surtout l'agrandissement de la selle irrneicluc. L'au-
topsie doit enfin être conduite avec un soin particulier. On examinera
tout spécialement les glandes il sécrétion interne, le corps thyroïde, le
thymus, les surrénales, le pancréas, les glandes génitales, et surtout
l'hypophyse logée dans une cavité considérablement élargie. Le volume,
le poids, les prolongements éventuels de l'hypophyse, ses rapports avec
le tuber cinereum, regardé par quelques auteurs comme un centre glyco-
surique, seront, recherchés. 11 peut exister encore une splanchnomégalie
plus ou moins uniforme.
Diagnostic du gigantisme acromégalique. Le diagnostic est en
général très simple. La maladie de Paget débute après quarante ans et
atteint surtout les diaphyses. Les os s'épaississent et s'incurvent. Les
jambes arquées supportent un tronc courbé en avant; les tibias, les cla-
vicules, les radius sont spécialement atteints. Enfin, au-dessus de la face
normale, la voûte du crâne augmente démesurément le volume. Les
extrémités sont indemnes.
Elles le sont également dans la leonliasis ossea, hyperostose dilluse
de la face signalée souvent il la suite de suppurations auriculaires ou
lacrymales. L' osf¡¡o-a 1'1 Ii l'Olla 1 hie hypertrophiante pneu III ique de Pierre
Marie rappelle de bien loin seulement l'acromégalie. 11 y a, en effet,
hypertrophie aL'ee déformation des mains et des pieds, élargissement de
la phalangette osseuse, incurvation de l'ongle en « bec de perroquet B,
bombement, étalé en « verre de montre ». De plus, la face est absolu-
ment indemne et il existe une cyphose dorsale inférieure. On constate
soit une lésion cardiaque ou vasculaire congénitale ou acquise (ané-
vrisme), soit le plus habituellement quelque affection pulmonaire chro-
nique. Il peut être utile de connaître enfin l'existence d'une syringo-
myél ie à à forme pseudo-acromégalique, caractérisée par l'hypertrophie
[F. MOUTIER.-}
108C GIGANTISME. .INFANTILISME. NANISME.
des deux bras ou d'un seul. Cette hypertrophie est irrégulière; il coexiste
d'ordinaire des troubles trophiques variables.
Traitement. Nous en dirons peu de chose ; les opothérapies hypo-
physaire, thyroïdienne, ovarienne, etc., ont été essayées. On n'a guère
enregistré de résultats appréciables. Seul le traitement chirurgical
compterait à son actif quelques succès définitifs.
Gigantisme transitoire de la puberté. Il s'agit ta d'un
gigantisme tout relatif. A t'age ingrat (Brissaud), à la suite d'une fièvre
typhoïde parfois, on voit croître et se développer chez les adolescents
les membres inférieurs surtout. Ces jambes « en peuplier », ces membres
d' « éctiassicrs », sont des phénomènes tout à fait passagers; mais par-
fois, ainsi que le fait remarquer Brissaud, ces jeunes gens présentent
également pendant quelque temps un syndrome acromégalique transi-
toire. Ils ont de grands pieds, de larges mains, un nez considérable, une
voix souvent grave et indécise. Bientôt ces petits ridicules s'atténuent
et la croissance nivelle les défectuosités passagères.
Gigantisme dû à l'hérédo-syphilis. On a considéré la
syphilis comme pouvant déterminer une dystrophie gigantesque. Ce syn-
drome se distinguerait par la présence des stigmates d'Hutchinson, du
tibia en fourreau de sabre, du front olympien, d'accidents spécifiques
éventuels. Il est en tout cas fort rare de l'observer ?
INFANTILISME
L'infantilisme est un état morbide remarquable par l'absence des
caractères sexuels secondaires, et la persistance, à un rifle donné, d'un
syndrome physique et mental plus jeune, caractéristique de l'enfant
ou de l'adolescent. Lasegue a créé le mot; Lorain, llrouarclel, Brissaud et
Meige ont parfait les descriptions premières.
Sont infantiles tous ceux chez lesquels l'évolution puhérate a fait
défaut, quelle qu'en soit la cause (P. Marie). C'esl, laisser comprendre
qu l'égal du gigantisme l'infantilisme n'est qu'un syndrome. L'étio-
logie en est multiple, et les aboutissants divers : nains ou géants peuvent
être infantiles, nous le verrons plus loin.
Il est cependant une description d'ensemble, convenant approximati-
vement à tous ces types. Nous l'ébaucherons tout d'abord, nous confor-
mant à la synthèse de Meige et de P. Marie.
L'infantile masculin est ordinairement de faible taille, et ce raccour-
cissement porte surtout sur les membres inférieurs. L'hahitus général
est celui d'un individu jeune, mais ce peut être d'un adolescent, ce
peut, être d'un enfant. La face est arrondie, joufflue; les lèvres sont
charnues, le nez peu développé. La dentition est retardée, l'implantation
des dents souvent défectueuse. On ne sent pas le corps thyroïde au
palper d'un cou d'ailleurs arrondi, sans grande saillie du larynx. Les
membres sont potelés, effilés de la racine aux extrémités; les attaches
INFANTILISME. 1087
en sont peu fines et plutôt épaisses. Le torse est arrondi, sans relief, et
domine un ventre un peu gros, un peu saillant, comme l'ont les enfants.
La radioscopie montre un retard en la soudure des épiphyses.
Les poils sont. rares et clairsemés. Ils peuvent manquer complètement
ou n'exister qu'au pubis. En ce dernier cas, ils affectent la disposition
féminine, et ne gagnent pas l'ombilic en remontant la ligne blanche.
Les testicules et la verge sont rudimentaires. L'ectopie n'est pas oxcep-
tiul11ll'lI ? quelque hernie t'accompagne fréquemment. La région pubienne
est bombée comme chez la femme. Enfin ces hommes ont une voix jeune
et ténorisante, et non ennuchonde. Le son de voix légendaire est dû, en
réalité, d'après Krauss, au défaut d'ouverture de l'angle du cartilage
thyroïde.
Au point de vue mental, ces êtres sont plutôt des minus habens, Leurs
mouvements sont, lents et maladroits. Ce sont des gamins légers et pleur-
nichards. aux peurs enfantines, aux passions futiles, aux colères et aux
joies également passagères, également irraisonnées. De l'enfant, ils ont
les élans de confiance et les bouderies déconcertantes. Influençables sans
pouvoir réagir, ils sont plus faibles que méchants. Leur sens moral est
souvent nul. Ils prennent facilement l'allure efféminée, et beaucoup sont
des professionnels de la pédérastie. Ils sont du reste généralement
impuissants.
Nous ne signalerons de l'infantilisme féminin que les caractères par-
ticuliers ne rentrant pas dans le cadre précédent. Le torse est cylin-
drique, et la taille ne se dessine point. Le périmètre du bassin est à peu
près égal il celui des épaules. Les règles ne sont jamais venues le plus
souvent, et la vulve regarde en avant comme chez les fillettes. Les grandes
lèvres sont peu saillantes, et les poils y sont très clairsemés. Les aisselles
sont glabres, les seins indiqués seulement par le mamelon. La voix est
grêle, l'intelligence et les préoccupations sont d'une enfant, d'une grande
enfant qui aime encore à jouer à la poupée. La figure se fane vite, et
prend de bonne heure un aspect vieillot, fréquent chez les infantiles
âgés. Cet liabilus tardif ne doit pas être confondu avec le sénilisme pré-
coce de certains dégénérés, nous aurons l'occasion d'y revenir.
Il n'y a pas à proprement parler d'évolution de l'infantilisme. Les
infantiles atteignent pourtant rarement un âge avancé. Leur circulation
se fait ma); ils luttent difficilement contre la tuberculose. Beaucoup
aussi, obsédés de leur impuissance, font de l'hypocondrie génitale et
se suicident. '
Infantilisme gigantesque. L'esquisse précédente a rapide-
ment établi le syndrome infantilisme. En réalité, les infantiles sont nom-
1]rcux, et même fort dissemblables d'un groupe au groupe voisin. Nous
avons étudié déjà l'infantilisme à propos du gigantisme. Rappelons seu-
lement que le géant infantile présente le type de l'adolescent et qu'il
convient de rechercher systématiquement chez lui les signes d'une acromé-
galie commençante. Le pronostic de cette forme est fatal à l'heure actuelle.
[F. MOUTIER.] ]
1088 GIGANTISME. INFANTILISME. NANISME. -
Infantilisme eunuchoïde. Dans cette classe peuvent encore
se rencontrer des géants (voir plus haut). Souvent cependant, la taille
est. normale, mais dans ce cas même, il est donné d'observer une dys-
harmonie de l'organisme, et les dimensions des membres inférieurs
l'emportent relativement au tronc.
Le syndrome infantile est un peu différent selon que l'émasculation a
été pratiquée avant, ou après la puberté. Avant la puberté, le corps de-
meure beaucoup plus grêle, la voix plus aigre. Le système pileux ne
prend aucun développement, et ni la prostate, ni les vésicules séminales
ne croissent. L'impuissance génitale est complète. Les castrats posl-
pubéraux peuvent présenter encore quelques attributs sexuels. 11 peut
se déceler des poils, clairsemés d'ailleurs. Des érections parfois accom-
pagnées de jouissance et d'éjaeulalion prostatique sont possibles, mais
le fait est exceptionnel.
Le plus souvent, le faciès est glabre; les joues bouffies encadrent un
double menton. Le corps est gras, sans reliefs musculaires. La figure est
molle, sans expression, l'esprit sans désirs. Il faut noter cependant que
l'obésité n'est point fatale; elle est fonction à un certain point de l'état
du castrat, et celui-ci peut être fort maigre s'il peine à un dur labeur
musculaire. D'un autre côté, les eunuques ne sont pas a priori envieux,
égoïstes et. cruels. Comme les enfants, ils sont susceptibles d'attache-
ment et de dévouement. Leurs haines ne sont bien souvent que la contre-
partie des railleries coutumières, et leur envie égoïste le résultat d'une
neurasthénie sexuelle facile il comprendre.
Il existe parfois un eWl1lchislIIe familial, soit par atrophie lesiicii-
laire familiale (Debove) soit par hernie des ovaires Il va
sans dire que l'hérédité s'exerce en semblable cas par voie collaté-
rale.
Infantilisme type Lorain. Il se rapproche au plus près du
schéma exposé. L'infantile de Lorain est à 25 ou 50 ans un adolescent.
L'ossification précoce a immobilisé et fixé d'une façon immuable, la taille
de ce petit homme qui présente en tout son être une juvénilité persis-
tante. Le corps est maigre et élancé, la face allongée et fixe. La tète est
plutôt petite, ainsi que le tronc. Les membres sont au contraire rctati-
vement longs. Les os et les muscles, le bassin et les épaules se dessinent
assez bien. Les parties sexuelles sont glabres, mais bien conformées. Les
organes naturellement, petits. II n'y a en somme aucune difformité dans
l'ensemble de cet individu.
Les causes de cet infantilisme sont fort nombreuses; et on a pu l'al-
tribuer un pcu à tout ce qui provoque une dystrophie. En fait, il semble
être le plus souvent anangioplasique (Brissaud), c'est-à-dire sous tin-
llenc;e directe d'une insuffisance circulatoire. Mais les cachexies frappant
l'organisme en pleine évolution, les intoxications endo ou exogènes, le
défaut des glandes vasculaires sanguines peuvent être incriminés
encore. Nous devons donc nous borner peu près il une énuniéralion.
INFANTILISME. 1059
L'insuffisance vasculaire se rencontre tout spécialement chez la
femme. Il peut s'agir d'un rétrécissement mitral, d'atrésie de l'artère
pulmonaire. P. Marie a vu, chez un infantile de sexe masculin, l'aorte
se rétrécir au niveau des artères spermatiques. On a rencontré parfois un
défaut de sécrétion pancréatique : l'infantile
présente des selles graisseuses que l'opothé-
rapie appropriée fait disparaître. On a vu en
même temps, dans un cas heureux, la taille
s'accroître et la puberté se manifester. Les
capsules surrénales, les testicules et les ovai-
res, l'hypophyse (tuberculose) sont éventuelle-
ment un obstacle à notre évolution normale
quand leurs fonctions sont insuffisantes. On a
incriminé également le brightisme et l'hépa-
tisme, l'alcoolisme, l' infeclio n paludéenne. Les
végétations adénoïdes et le poltisme réalisent
encore (P. Marie eLLéri) les conditions favora-
bles à l'arrêt du développement. Il est probable
que cette liste s'allongera encore. Dans ces dif-
férents cas, répétons-le, l'infantile se rapproche
plus ou moins du type Lorain, il s'en écarte au
contraire dans la dystrophie thyroïdienne.
Infantilisme type Brissaud. Bris-
saud a montré que les idiots myxoedémateux
décrits par Bourneville présentaient un syn-
drome infantile. Mais au lieu de conserver à
l'âge d'homme le faciès de l'adolescent, ils
cessent encore plus tôt leur évolution et mon-
trent un type foetal, c'est-à-dire difforme et
presque repoussant. Ils s'écartent donc beau-
coup des autres groupements établis dans ce
chapitre.
Ce sont des êtres gros et gras, à formes arron-
dies, de taille beaucoup moins élevée que les
précédents. Ils atteignent rarement un mètre,
tout au moins en dehors des influences thérapeutiques. Chez eux tout est
vraiment enfantin en effet : et si au lieu d'être congénital, le myxoedème
est tardif, l'individu subit une régression véritable, et retourne en l'état
du nourrisson.
La forme générale est arrondie : le tronc est cylindrique, le ventre
gros, et, au contraire du type Lorain, les membres sont relativement
courts, bien que les épiphyses ne soient pas soudées (llertogh). Le
visage pâle et bouffi est caractéristique du facies lunaire. Les pau-
pières de cette tête plutôt volumineuse sont gonflées et cachent à demi
des yeux sans expression.- Les cheveux sont roux, durs et cassants. En
Pit.%TIQUE ¡¡EUR01-, 09
. [F. MOUTIER.1
Fig. 4. Infantilisme du type
Lorain. Femme de 50 ans
(d'après Il, Meige).
1090 GIGANTISME. INFANTILISME. NANISME.
somme, la ligure prend facilement un aspect vieillot auquel se prêtent
les rides précoces et le teint cireux. La seconde dentition tarde à venir
ou ne vient jamais (Marfan et Guinon). Le larynx est à peine saillant, et le
palper le plus attentif ne découvre pas trace du corps thyroïde. Les organes
génitaux sont rudimentaires et leurs fonctions nulles. Quant aux caractères
sexuels secondaires, ils dépendent de t'age du malade au début de
son affection. Il n'en existe aucun si le myxoedème a été précoce. Il peut
en exister plus ou moins si le myxoedèrne a été retardé dans son appa-
rition. L'ossification est incomplète; et ces pauvres êtres sont au dernier
degré de l'échelle intellectuelle. Ils mènent une vie purement végétative.
On voit que cette forme se distingue facilement des syndromes précé-
dents.
Féminisme. Masculisme. Hermaphrodisme. -
Le syndrome infantile présente parfois des signes accessoires. C'est ainsi
que l'infantile montre assez fréquemment quelques-uns des caractères
du sexe opposé. Cela n'a rien de bien surprenant, puisque le foetus et
même l'enfant ne se spécialisent pas encore et possèdent à la fois les
caractères secondaires de l'un et de l'autre genre. Chez l'infantile, les
hommes ont l'allure molle et efféminée; les seins se développent parfois
et les hanches s'élargissent. La peau est fine et particulièrement glabre,
délicatement veinée. Beaucoup de ces individus sont invertis. De même,
mais plus rarement, la femme a un son de voix plus grave; le mamelon
est seul à marquer la place du sein. Le ventre ne s'accuse pas et le
bassin est étroit. Il y a quelquefois une obésité diffuse. Enfin la vulve est
peu développée, le mont de Vénus aplati, et le triangle pubien prolonge
jusqu'à l'ombilic son revêtement pileux. Les traits sont épais, même en
dehors du myxoedènte. Il ne faudrait pas prendre en effet pour ce der-
nier le syndrome complexe infantilisme-masculisme-ohésité.
Il peut y avoir enfin des hermaphrodites à type infantile. Rappelons
sans insister sur les caractères sexuels secondaires, que ces soi-disant
androgynes sont ordinairement ou bien des hypospades s'il s'agit de
sujets du sexe masculin, ou bien des femmes à clitoris anormalement
développé s'il s'agit d'individus du sexe féminin.
Sénilisme. Nous passerons rapidement encore sur le sénilisll1c,
gérodermie génito-distrophique de Rummo. S'agit-il ici de dystrophie
génitale ou d'insuffisance thyroïdienne ? On l'ignore encore. Les individus
types sont de faible hauteur; leur faciès est anguleux, ridé, sénile. La
peau est couleur de cire vieillie; elle est glabre et flasque. Les cheveux
sont raides et la canitie les attend de façon précoce. Il ne faut point
d'ailleurs abuser du terme « sénilisme ». Un certain nombre d'individus
présentent, en effet, des traits vieillots sans avoir auparavant moulin
le faciès infantile, tandis que certains infantiles acquièrent secondaire-
ment l'aspect de « petits vieux ». Les premiers sont de « faux séniles ».
Ce sont des cachectiques, des rabougris de toute catégorie, des dégénérés :
en un mot.
NANISME. 1091
Traitement de l'infantilisme. L'opothérapie est à peu près la
seule ressource dont nous disposions. Tel ou tel organe est choisir selon
le diagnostic étiologique; mais le corps thyroïde est certainement celui
que ou aura le plus souvent, occasion de prescrire. On administrera
l'iodothyrine, la glande fraîche de mouton ou quelqu'une des nombreuses
marques de poudre de glande desséchée.
NANISME-
De tous les groupes dystrophiques étudiés, celui-ci est à coup sur le
plus disparate. Des affections tout à l'ait différentes provoquent le nanisme
ou l'accompagnent; la plupart, il est vrai, sont des maladies classées et
dûment rcemnucs. Nous écarterons naturellement de notre étude les
nanisnics accidentels, comme en peuvent produire certaines fractures,
par exemple.
Le nain représente exceptionnellement un raccourcissement limité à
la taille. D'autres modifications se reconnaissent, souvent nombreuses.
L'allure générale et le faciès sont du reste éminemment variables, bien
que souvent le nain ait plutôt un type vieillot, un air précocement sénile.
Il serait inexact enfin de parler de l'intelligence et de l'esprit du nain
opposés à la sottise du géant, infantile habituel : cette différence peut
exister parfois, mais n'est pas une règle absolue, loin de là.
Nanisme myxoedémateux. Le nanisme est spécialement
réalisé dans le, 111'\(e(li'111C congénital et infantile, dans l'icliotie //i;/a'oe-
rléattulertse de Bourneville. Brissaud a repris l'étude de ces faits, et les a
décrits sous le nom d'infantilisme myxoe,zélllalenx. Ce simple exposé
suffit il laisser entendre que les nains sont ici des idiots présentant un
.aspect infantile, l'cetal même, pourrait-on dire il plus juste titre. Cet
aspect est dû aux membres boudinés, à la face bouffie, à la très petite
taille, il l'inertie presque absolue. Souvent ces dystrophiqucs sont des
infantiles vieillots et rabougris, particulièrement impressionnants par un
mélange de jeunesse extrême et de sénilité prononcée.
L'évolution vitale de ces arriérés est longue. L'arrêt de développement
débute après le sevrage; et ces idiots, propres et doux, éduquables à un
certain degré, vivent parfois jusqu'à 40 ans. L'arrêt trophique peut sur-
venir dans le jeune âge : en ce cas, on se trouve en présence d'infantiles
proprement dits, reconnaissables encore au syndrome mvxoedemateux.
Quoi qu'il en soit, sous les cheveux roux, gros et rudes, cassants, se
développe un crâne volumineux en arrière, rétréci en avant. Le front est
bas, étroit, comprimé latéralement : la fontanelle antérieure est remar-
rluallle par sa persistance indéfinie. Le. nez est camus, la langue énorme,
Les lèvres sont, grosses, les dents mauvaises. La région cervicale est sou-
vent chargée de masses tipomateuses. Le ventre proémine fortement; et
l'aspect bizarre de ces pauvres êtres est encore augmenté par des incur-
vation8 éventuelles du rachis, par l'épaisseur et la brièveté de membres,
. [F. MOUTIER ]
1092
GIGANTISME. INFANTILISME. ? NANISME.
parfois difformes, par l'infiltration pachydermique du tégument.
Il n'y a ni poils, ni sexualité. Lès organes génitaux sont réduits au
minimum, le corps thyroïde ne peut se révéler, au palper lé plus minu-
tieux, la puberté n'apparaît point. Ces nains ne sont pas des vicieux.
Ils ne. présentent pas de surdité, com-
prennent quelques phrases, ont un certain
degré de mémoire, sont parfois suscepti-
bles de manifester quelques sentiments
affectifs et ne se masturbent point.
Le traitement thyroïdien fait parfois
merveille; niais il réussit mieux chez les
infantiles proprement dits, chez les dys-
thyroïdiens de Hertoghe, que chez les
idiots de Bourneville.
Quoi qu'il en soit, les éléments actifs
agissent à la fois sur l'intelligence, sur
la puberté dont ils peuvent provoquer
l'apparition, sur l'infiltration des tégu-
ments'et. sur la taille. Ce dernier gain est
particulièrement sensible, lorsque, l'on
songe qu'à 20 ans, le nain inyxoedéma-
teux ne dépasse guère 0 m. 85.
Nanisme achondroplasique.
L'achondroplasique est toujours et essen-
tiellement un nain. Sa taille oscille entre
0 m. 90 et 1 m. 40; il convient de noter
aussitôt que la tête et le tronc sont nor-
maux en hauteur sinon en proportions,
et que seule la brièveté des membres
détermine le raccourcissement de la taille.
L'achondroplasie, maladie parfois fa-
miliale, est donc caractérisée par de la
micromélie; celle-ci est .1'hizomélique
(Pierre Marie), c'est-à-dire prédomine à
la racine-du membre. Le corps réduit est
surmonté d'une tête aux diamètres énor-
mes ; souvent cependant, l'expression de
la physionomie est normale. Il en résulte,
étant donné que ces petits hommes attei-
gnent facilement l'âge adulte, un type de nain tout à fait saisissant et
facile à reconnaître (Hommes bassets). '
Il convient d'insister sur les différents caractères déjà mentionnés.
L'extrémité des doigts affleure le grand trochanter. L'avant -bras se place
normalement en pronation, le bras légèrement écarté du tronc. Les
mains sont petites, charnues, carrées, Les doigts sont égaux, et quand
Fig. 5. - Infantile myxoedémateux
de 21 ans (d'après llcrtoyle). Taille
1 m. 17. «
NANISME.
1093
on les maintient, accolés, l'annulaire s'écarte du médius, donnant ainsi
à la main l'aspect dit en trident (P. Marie). L'annulaire est en même
temps sur un plan un peu postérieur aux -
autres doigts. -
Les mêmes caractères se retrouvent d'une
façon générale au membre inférieur ; P. Ma-
rie a montré que le péroné remonte au
niveau de l'articulation du genou. Ajoutons
que, par suite de la rbizomélie, les indices
radio-huméral et fémoro-tibial sont géné-
ralement élevés.
La macrocéphalie est considérable. La
tète présente un périmètre inouï, plus de
60 centimètres parfois. Il en résulte un z
indice céphalique considérable, souvent
égal à 100. Une telle hyperbrachycéphalie
est tout à fait caractéristique. Cette voûte
crânienne énorme est d'ailleurs parfaite-
ment ossifiée. La
face est normale,
petite, mais les
traits sont nets et
agréables.
Le tronc pré-
sente peu de par-
ticularités intéres-
santes : le dos est
plat, et la région
lombaire montre
une ensellure exa-
gérée. Quant au
bassin, il est uni-
formément rétréci (Porak). Les accouchements
nécessitent toujours des interventions spéciales;
mais -il est des femmes achondroplases qui ont
supporté plusieurs opérations césariennes.
. 11 est peu de chose à dire enfin des organes
génitaux, des muscles, de l'intelligence. Ceux-là
sont normaux, celle-ci est parfois d'une moyenne
satisfaisante, mais souvent tout à fait pué-
rile. -
La radiographie montre des os rectilignes ou
présentant une brusque coudure juxta-épiphy-
saire. Ces epiphyses sont d'ailleurs énormes. Les omoplates sont rapetis-
sées, le crâne est très épaissi. Il n'est rien d'anonnti aux clavicules, aux
[F. MOUTIER.]
fig. 7. Achondroplasie
(d'après Porak).
Fig. 6. Achoildroplasie
(d'après Pierre Marie).
1094 GIGANTISME.- INFANTILISME. -.NA11S111;. - .
. 1 .
côtes, aux vertèbres. Quant aux cartilages,
. ils sont parfois ossifiés, parfois non ossifiés.
Histologiquement, on constaterait une
« sclérose du cartilage jugal avec insuffisance
de la multiplication, de la sériation et de
l'ossification des cellules cartilagineuses ».
Il n'existe aucun traitement .
Nanisme rachitique. - Le nanisme
est fréquent chez les rachitiques. On se
trouve en présence de nains mal conformés,
ou plutôt déformés, dont le 'gros ventre et
la tête carrée figurent une « gourde» mons-
trueuse (Comby). Les individus des groupes
- précédemment étudiés ne présentaient nul-
lement les déformations que l'on rencontre
ici; leur corps n'avait point l'aspect tour-
menté des malheureux rachitiques. La tète,
carrée, présente des bosses frontales déve-
loppées, des pariétaux souvent saillants. Les
dents apparaissent fort tard et se rangent
péniblement. Au tronc s'exagèrent toutes les
courbures. Le sternum se creuse en enton-
noir ; une dépression cupulifonne déprime
les hypocondres. Des nouures dessinent le
chapelet coslal hien connu. En même temps.
le ventre s'étale au-dessus d'un bassin que
modifient les courbures cvphoticlilcs ou sco-
liotiques des vertèbres. Aux membres, les
fractures ne sont point rares; elles se conso-
lident à angle de grande ouverture, et du reste, sans iracture nécessaire,
jambes et bras pré-
sentent des courbu-
res à grand rayon.
Aux poignets, aux
genoux, des épais-
sissements se décè-
lent encore; et les
jamhes s'écartent ou
s'accolent en figures
fantasques, en K,
en 0, en 1, enD, etc.
Ces nains sont
intelligents, mais ils
ont l'air chétif, souf-
freteux. Un grand
Fig. 8. Achondroplasie
(d'après Baldwyn). .
1-'iê. 9. Mains en trident dans l'achondroplasie
. (d'après P. Marie).
NANISME. <10 ! i : ,
nombre frappe par l'expression sénile des traits. Ils peuvent, vivre jusqu'à
un âge avancé, mais beaucoup succombent tuberculeux, ou victimes de
complications cardio-pnlrnonuires diverses, que facilitent ou aggravent
les malformations thoraciques.
Nanisme par dysplasie périostale. Cette anomalie de
l'ossification périostale a été décrite par Durante; elle s'accompagne par-
fois de diminution de la taille. Les membres sont courts et boudinés. La
face est normale, la voûte crânienne mal ossifiée, hap-recée. Les dia-
physes sont fragiles, raréfiées. Aussi les os sont-ils extrêmement friables,
et les fractures très fréquentes. Soulignons l'intégrité de la face qui
acquiert une certaine importance pour le diagnostic différentiel du
syndrome.
Nanisme chez les arriérés. Nous avons eu déjà l'occasion
d'étudier l'infantilisme et le nanisme des myxoedématl'ux, La taille est
souvent anormale chez d'autres idiots, notamment chez les mongoliens.
De tels êtres sont faciles à reconnaître grâce au repli cutané (épicanthus)
qui bride l'angle interne de l'oeil. De diagnostic également l'acile sont
l'idiot simiesque, aux traits durs et accentués, à la mâchoire inférieure
accusée, aux arcades orbitaires saillantes, aux oreilles détachées, ou
l'idiot négroïde que caractérisent un nez épaté, des lèvres charnues, etc.
Le nanisme est épisodique, bien entendu, chez tous ces êtres dégénérés.
Des malformations diverses se rencontrent d'ordinaire chez la plupart
d'entre eux.
Nanisme dans l'hérédo-syphilis. Il n'est pas exceptionnel.
Fournier a montré l'importance de la recherche et de la constatation des
différents stigmates de la spirillose : lésions osseuses, triade de Hutcbiu-
son, cicatrices cutanées. Ces nains syphilitiques sont tout particulière-
ment chétifs, étriqués, rabougris, séniles. Leur crâne est souvent
déformé; il convient toutefois de noter que les déformations natiforme
ou olympienne n'ont pas de valeur spécifique, et se rencontrent également
dans le rachitisme et dans l'hérédo-syphilis.
Nanismes dystrophiques divers. Nous avons signalé au
paragraphe de l'infantilisme type Lorain les principales causes des
dystrophies. Il suffira de s'y reporter, en notant simplement que ces
infantiles sont fréquemment des nains plus ou moins prononcés. Il con-
vient de remarquer que l'insuffisance lesticulaire ou ovarienne peut pro-
duire le nanisme et quelquefois aussi le gigantisme. On est peu fixé
encore sur la raison d'être de semblables variations. L'opothérapie peut
donner quelques succès.
Nanisme essentiel. Existe-t-il des nains chez lesquels la fai-
blesse de la taille est physiologique et ne peut être imputée ni au rachi-
tisme, ni au myaolùmc, ni il l'achondroplasie. ni il Dieredo-syphuts,
pour ne citer que les quatre grandes causes du nanisme ? Poucet et
Leriche le pensent et décrivent des nains bien proportionnés, sans tare
pathologique, descendant de parents très souvent de taille peu élevée
. MOUTIER.]
>;. [Fe MOJTIER.]
10% GIGANTISME. INFANTILISME. NANISME.
eux aussi. Ce seraient de vrais pygmées, des achondroplases ethniques,
disent, les auteurs lyonnais. En d'autres termes, ce seraient des nains il
rapprocher des achondroplasiques mais présentant une ossification
normale du cartilage jugal. Nous signalons simplement ce cadre; de
nouvelles observations montreront quelle extension il convient de lui
donner.
Nanisme par anomalie des membres inférieurs. Dans
de tels cas, le tronc et les membres supérieurs, la tête sont d'un homme
normal. Le raccourcissement de la taille dépend uniquement d'un trouble
téralologique des membres inférieurs désigné sous le nom de phocomélie.
STIGMATES DE DÉGÉNÉRESCENCE
- par le Dr MOUTIER
Nous entendrons par « stigmates de dégénérescence » les signes phy-
siques ou mentaux, le plus souvent héréditaires et 1'éve1'sifs, par les-
quels un individu donné diffère de la moyenne des individus de même
race et de même niveau social, dans des conditions générales de milieu
aussi semblables que possible.
11 va de soi qu'au mot « stigmate » ne s'attache aucun sens infamant,
et que si la dégénérescence traduit l'amoindrissement individuel, elle
est aussi la rançon de tout progrès. A ce point de vue, déficit ou exagé-
ration, tout ce qui s'écarte de la moyenne dégénère. Se perfectionner en
effet, c'est se compliquer; c'est par conséquent déchoir, La dégénéres-
cence est en somme l'aléa de l'évolution générale.
Les signes que nous allons étudier sont très variables en intensité et
en valeur. Nous les diviserons en stigmates anatomiques, obstétricaux,
physiologiques et mentaux, et suivrons, pour l'exposé des signes anato-
miques, la classification de Mayet, du moins en ses grandes lignes. Nous
avons également puisé de précieux renseignements dans les travaux de
Lombrôso, Séglas et Féré, Dallemagne, Galippe, etc. Nous croyons
inutile, au point de' vue pratique, d'insister longuement sur l'étiologie de'
la déchéance; en dehors des causes générales, sociales et naturelles,
l'alcoolisme des procréateurs, la tuberculose, la syphilis, tout ce qui est
appauvrissement et surmenage, joue ici un rôle considérable.
Stigmates anatomiques. Un coup d'oeil permet au praticien
d'apprécier la virilité, l'accentuation du type, de même que quelques
réponses donnent une certaine idée de la vivacité de l'entendement. Il va
de soi que d'emblée, la taille^ du sujet devra retenir l'attention. (Voir
Gigantisme, INFANTILISME, Nanisme.)
Une des premières choses que l'on doive apprécier est l'asyrnél1'ie.
Elle peut être totale ou ne porter que sur certains membres, sur la
face, etc. Il ne faut pas oublier, du reste, que nous sommes tous légère-
ment asymétriques, et que normalement (Liebreich), le malaire droit,
plus proéminent, est sur un plan antérieur au malaire gauche. De même,
l'oeil gauche est sur un plan postérieur à l'oeil droit; il est aussi plus
allongé, plus oblique en dehors et en arrière. .
[F. MOUTIER.]
- J098 - STIGMATES DE DEGENERESCENCE.
Des asymétries, les unes sont congénitales, les autres acquises; c'est
ainsi qu'au niveau de la tète, certains aplatissements, certaines conca-
vités d'une moitié du squelette peuvent dépendre de lésions de l'oeil, de
l'oreille, ou de torticolis congénitaux ou du moins précoces.
Tête. Il faut examiner à. ce niveau, les anomalies de la forme et
du volume, l'état des sutures et des fontanelles. Celles-ci peuvent ne pas
être comhlées (dyostose-cléicl.o-crâniéazne). Au contraire, la précocité des
soudures crée les anomalies de la forme. S'agit-il d'une synostose pré-
coce interpariétale ? On aura un crâne en carène de bateau, en d'autres
termes de la scaphocéphalie. La trigonocéphale se caractérise par un
rétrécissement frontal lié à la soudure métopique,. ce qui détermine un
élargissement des régions occipito-pariétales. D'autres synostoses déter-'
minent la plagiocéphalie, l'ac1'o- et l'oxcéplzalie. (V. Anthropométrie
clinique.) La micro- et Y hydrocéphalie .sont encore des types nets de
dégénérescence.
OEil. Nous nous c'ontenterons d'une simple énumération.
Asymétrie, différences de volume de l'oeil, de largeur de la fente pal-
pébrale, épicanthus (oeil mongolien), brièveté des paupières, troisième
paupière (membrane nictitante). Coloboma palpébral, orhitaire.
Absence d'iris, variations dans sa coloration, dans sa forme. Pupilles
inégales (assez fréquent pour qu'il soit utile d'y bien songer en exami-
nant un malade), imperforées, à ouvertures multiples. Coloboma irien.
Astigmatisme, myopie, hypermétropie. Cataracte congénitale, ectopie
congénitale du cristallin.
Rétinite pigmentaire. Coloboma du fond de l'oeil. Décoloration de la
choroïde. Persistance de l'artère centrale de la rétine. -
Oreille. Les stigmates sont ici des plus fréquents et des plus
importants. Ils sont ordinairement du type régressif, et leur présence
donne à l'individu un caractère simien souvent prononcé.
.. Asymétrie. Anomalies d'implantation, de volume, d'écartement
(oreilles en anse). .
Hélix : exagéré ou- incomplet. Dans ce dernier cas, l'oreille peut n'être
pas ourlée.
Anthélix : dépression ou proéminence exagérées.
Tragus : double, conique.
Antitragus : absent. -
Lobule : absent, petit, palmé, complètement flottant (à ce point de
vue, nous croyons qu'il faudrait tenir compte du port de certaines
boucles d'oreilles pesantes, propres à tirailler, allonger l'organe).
Les saillies supplémentaires jouent un rôle propondérant dans la mor-
phologie anormale de l'oreille. Ce sont elles qui lui donnent son aspect
le plus bestial. Nous citerons surtout le tubercule de Daa°wiaz, placé sur
l'hélix à l'union de ses courbes horizontale et descendante. Blaiiiville
a insisté sur l'asymétrie par inégalité des parties correspondantes. On
appelle oreille de Motel, ces organes déplissés où la région de l'hélix est
STIGMATES DE DÉGÉNÉRESCENCE. 1 om¡
amincie, effilée. L'oreille de Wildermulh présente une saillie de l'an-
thélix dominant l'hélix; le lobule manque dans le type complet, ce qui
donne il l'oreille un aspect tronqué bien spécial. Enfin, Slithl a décrit
plusieurs groupes d'anomalie dont les principales portent sur les variétés
ou l'absence de la bifurcation de l'authelix (mira furcata).
Prognathisme. Peut être supérieur ou inférieur; c'est un bon
signe de dégénérescence. Il est remarquablement héréditaire. On peut
également rencontrer l'apophyse 1(>/lI1l1'ienne d'Albrecht qui, du bord
inférieur de l'angle du maxillaire inférieur, se dirige en bas et en
dehors. Le prognathisme peut être acquis (acromegalie) ou seulement
apparent (implantation vicieuse des dents) ( ? Axtiihopométhie CLI-
nique).
Dents. Leurs viciations sont extrêmement fréquentes. Les points
suivants sont à étudier : évolution retardée ou avancée, volume (micro-
Il1f1C1'o(lolltlS111(') : amorphisme (canines ayant l'aspect d'incisives), dvs-
trophies (llulcbinson, etc), vulnérabilité (structure, érosion, friabilité).
Direction, implantation.
Cruet a signalé chez les idiots une anomalie vraie de l'articulation.
Elle consiste en ce que les molaires étant au contact, les mâchoires fer-
mées. les incisives et les canines n'arrivent pas à se joindre.
Nez. Absence complète, absence de la cloison. Rétrécissement.
Déviation. Asymétrie.
Il convient de tenir compte des lésions traumatiques si fréquentes :
chutes des enfants et des épiloptiques.
Face et cavité buccale. Zygomas saillants. Lèvres épaisses, sail-
lantes. 1'\'(,I'sl'es. Atrésie ou illalmrl'oralioll de l'orifice buccal.
ft- l3cc-Ilc-liiwrc et ses variétés. Voûte ogivale.
Voile du palais divisé, luette bifide.
Anomalies gingivales : tubercules, saillies papillaires (M"le Cornclia
de Lauze).
Langue asymétrique, énorme, petite. bifide, fissurée, de motilité anor-
male. La langue peut parfois se loger presque complètement dans le
naso-pharyl1\. : il y aurait intérêt il rechercher cette bizarrerie dont, à
notre connaissance, il n'a été publié qu'un cas il ce jour.
Rachis. Spina hifida. On sait que celte malformation embryonnaire
peut être assez fruste, et se révéler seulement par un faible entonnoir,
une fistule, de l'hypertrichose localisée il la région lombaire.
Scolioses. Il semble y avoir hérédité d'une certaine tendance à la
fragilité de l'architecture rachidienne (scolioses de l'adolescence,
cyphosl' I\('réd 0- tl'a uma t iq ue) .
Thorax. Les anomalies de forme en sont très nombreuses : thorax
en gouttière (Fere et Schmid), en entonnoir (Ebstein), en proue (P. Marie)
ou en carène, thorax paralytique congénital caractérisé « par son péri-
mètre Ihoracique plus petit que la moitié de la taille, l'augmentation
apparente de la longueur de la poitrine, augmentation liée à l'accroisse-
[r.MûtrrjM] ]
1100 STIGMATES DE DÉGÉNÉRESCENCE. ' ~
ment des espaces intercostaux », par Tétroitessc du sternum et l'insuf-
fisance respiratoire qui l'accompagnent. ,
Asymétries : un certain degré d'inégalité est habituel. Dans tous ces
cas, il est indispensable d'examiner le coeur et les voies respiratoires
supérieures dont les malformations congénitales entraînent corrélative-
ment des modifications thoraciques.
Anomalies musculaires : la plus banale est l'absence du grand pectoral.
Membres. Les monstruosités y sont tout spécialement fréquentes.
Nous ne saurions y insister ^ici, étant donné que la tératologie tout
entière rentre dans les manifestations de la dégénérescence.
Signalons cependant les anomalies des doigts, l'absence des segments
osseux, les hyperostoses, les apophyses ou canaux anormaux, les raccour-
cissements, les hypertrophies localisées (souvent accompagnées de
naevi), les rapports métriques anormaux entre l'envergure et la taille, la
jambe et l'avant-bras, etc. (Y. Anthropométrie clinique), les anomalies
des aponévroses (Féré), du nombre et des insertions des muscles.
Organes génitaux. Les anomalies ont ici un intérêt social, puisque
leurs combinaisons peuvent réaliser le syndrome hermaphrodite et
aboutir des erreurs sur la qualité sexuelle.
. En réalité, il n'y a que du pseudo-hermaphrodisme, aucun individu
n'étant à la fois de l'un et de l'autre sexe, et les sujets envisagés ont
toujours tel ou tel appétit vénérien plutôt que tel autre. Ils peuvent être,
il est vrai, invertis-nés, et présenter les tendances et goûts féminins
alors qu'ils sont mâles hypospades ot cryptorchides par exemple.
Hommes. Anorchidie, crypto.; micro., macrorchidie.' Pénis absent,
verge double, palmée, tordue. Phimosis. Verge en battant de cloche
(Marandon de Montyel) : il ne faudrait pas confondre cette anomalie avec
une viciation de forme due à l'onanisme, il s'agit ici d'une réelle hyper-
trophie du gland . .. '
Hypospadias. Epispadias.
Exstrophie vésicale.
Femmes. Yagin absent, cloisonné, atrésié, imperforé. Clitoris
absent, nul, anomalies du .capuchon. Petites et grandes lèvres réduites
ou hypertrophiées (en dehors des variations ethnologiques : tablier),
absentes.
Mamelles; Gynécomastie. Polythélie. Polylnastiè. La polythélic est
très fréquente dans l'un et l'autre sexe, mais on prend souvent les ma-
melons supplémentaires pour des « grains de beauté ».
Anus. Imperforation. Cloaque.
Peau. Phanèrés. Anomalies de la coloration, molluscum, nawi
(rechercher le syndrome caractéristique de la maladie de leClvl1l1g11al1SCl1 ;
nsevi, fibromes sous-cutanés, névromes, molluscum penduillm, infériorité
psychique). Ichtyose.
Albinisme, canitie, vitiligo. Des canities partielles sont parfois hérédi-
taires.
STIGMATES DE DÉGÉNÉRESCENCE. 1101
Aspect lanugineux, atrichose, hypertricliose, cheveux friables. Tour-
billon du vertex double, triple, ou simple mais de siège anormal.
Ongles absents, minces, cassants. Noter si les ongles sont rongés
(onychophagie), si les poils sont arrachés (trichotillolnanie).
Rides précoces. Cela peut tenir à des causes pathologiques légitimes,
mais être aussi témoin d'une sénescence hâtive anormale.
Ride zygoinatiquc (Oltolenghi) : se voit au milieu de chaque joue avant
25 ans.
Os. - Hypertrophies de tout un segment. Exostoses localisées.
Viscères. Monstruosités incompatibles avec la vie ou du moins avec
la vie lui âge avancé. Inversion.
Exslrophies. Malformations cardiaques. Agénésies nerveuses (voir plus
loin). Notre regretté maître Du Castel attira maintes fois notre attention
sur le fait suivant : les individus atteints d'ulcères dits variqueux pré-
sentent rarement de grosses varices, mais rapportent fréquemment que
leurs parents étaient porteurs d'énormes dilatations veineuses. Il y a là
évidemment hérédité d'une fragilité spéciale d'un système, c'est-à-dire
un signe de dégénérescence. ? Stigmates obstétricaux. On pourrait les définir avec Larger
« tout ce qui, dans la conception, la grossesse et l'accouchement,
s'écarte du type physiologique ». Il importerait d'ajouter, nous semble-
te à condition que de tels écarts ne soient point sous la dépendance
de maladies ou de difformités acquises. Or, en obstétrique tout parti-
culièrement, il est parfois difficile de déterminer l'étiologie des phéno-
mènes. Nous nous contenterons donc simplement de reproduire la classi-
fication de Larger.
f Anomalies de la conception. Stérilité, gémellité, grossesse ecto-
|pique.
Anomalies de la grossesse. Placenta : multilobé, adhérences,
pi. 17raLVia, hémorragies.
Membranes : hydramnios, rupture prématurée, non-rupture.
Cordon : insertion Yl'Iamenteusc, brièveté, allongement.
Anomalies de l'accouchement. Avortement et accouchement pré-
maturés, grossesse prolongée, procidence, toutes les présentations et
positions autres que 01G A. (Ceci n'aurait guère de valeur que chez les
primipares, Hâtons-nous d'ajouter que cette manière d'entendre les
stigmates obstétricaux est fort compréhensive et non admise par beau-
coup).
Stigmates physiologiques. Toute classification est arbi-
traire, et ce paragraphe nous obligera, pour être clair et suffisamment
complet . à quelques redites. '
Troubles de la motilité. Ils sont nombreux et leur étiologie est
pour beaucoup encore, fort obscure. D'un côté, se classent de petits acci-
dents comme, le retard de la marche, le strabisme et le nystagmus, la
mobilité anormale du pavillon de l'oreille, des peaussiers, des orteils,
· [F. MOUTIER.]
z102 STIGMATES DE DÉGÉNÉRESCENCE.
puis des phénomènes d'un ordre plus élevé comme Tambidextérité et
le mancinisme qui se voient tout particulièrement chez les épileptiques
et les criminels. , ..
Troubles du langage ? Signalons toute la gamme des troubles de la
parole : mutité, balbutiement, nasonnement, bégaiement, zézaie-
ment, etc. A, coté des altérations du langage parlé se placent les altéra-
tions du langage écrit. Nous n'envisageons naturellement pas ici l'écri-
ture des individus atteints de maladies acquises. Il s'agit seulement des
caractères, des stigmates qui donnent à l'écriture un cachet indéniable
d'anomalie. Sans vouloir faire de graphologie, signalons seulement l'im-
possibilité de garder une direction régulière (marges croissantes ou
diminuées, lignes ascendantes, plongeantes, chevauchantes, etc.), l'em-
pâtement des traits, l'exagération et l'enjolivement futiles ou pompeux des
caractères, surtout des majuscules, la saleté du tracé. Ce sont là quelques
caractères élémentaires que jamais une écriture normale ne présentera.
Il faut tenir grand compté, pour toute appréciation de ces stigmates, de
là culture du sujet examiné.
Troubles sensoriels. Surdi-mutité, hyperacousie. Astigmatisme,
myopie, hypermétropie, rétrécissement du champ visuel, daltonisme.
Goût, odorat frustes.
Chez quantité de gens, les appréciations sensorielles sont rudimcu-
taires. S'agit-il ici d'un stigmate à proprement parler, ou d'un défaut
d'éducation ? Le milieu dictera la réponse.
Troubles sensitifs. Anesthésie. llypoesthésie, hyperesthésie (notam-
ment des os de la face, Schaikewitsch). Analgésie. Extension des cercles
de Weber. Appréciation fruste des notions de poids, de température, de
résistance. , ' ,
Troubfes intellectuels. Lenteur ou insuffisance des réactions et
des réponses aux tests concernant l'attention, l'association des idées, la
mémoire, etc. Il faut ici se garder de parler trop vite de dégénérescence :
toutes les épreuves de psychologie expérimentale étant en général diffi-
ciles, voire disproportionnées avec l'état cérébral de l'immense majorité.
Maladies nerveuses congénitales, évolutives, familiales. Ce sont
là des stigmates de dégénérescence au premier chef. Nous ne savons
rien d'ailleurs sur les causes qui déterminent l'apparition du plus grand
nombre d'entre elles. ,
Maladie de Little. -
Amyotrophie Charcot-Marie, maladie de Friedreich, hérédo-ataxic
cérébelleuse de Pierre Marie, névrite interstitielle hypertrophique progres-
sive de l'enfance de Dejerine et Sottas. '
Myopathies. Maladie de Thomsen. Paralysies périodiques familiales.
Myoclonies. Aptitude convulsivante (Joffroy), certaines chorées, athétose
double. Epilepsie, incontinence d'urine. Tremblement héréditaire.
Stigmates mentaux. Les décrire tous dépasserait, et de beau-
coup, les limites de cet exposé. Ce qu'il importe de mettre en relief,
S'l'1111 : 1'l'I : S Ill; 1)I : G1 : \I : IiI,SCI : \CI : . 110°
c est que la dégénérescence constitue avant, tout une base, un terrain sur
lesquels au gré des infections bactériennes et des épreuves morales, s'éla-
borent les démences et psychopathies diverses. Certains troublés per-
mettent de prévoir ce qu'est le fond mental de l'individu : ce sont ces
anomalies et non les délires évolutifs qui sont les stigmates il proprement
parler.
Viciations de l'équilibre individuel. Les dégénérés sont des ins-
tables et des excentriques, des émotifs, des déséquilibrés en un mot. A
côté du déficit global de l'idiot et de l'imbécile, il y a place pour une
gamme infinie de tares il la base desquelles se placent les tics, les obses-
sions, les manies, les impulsions mentales. Chez certains, l'instinct
même de la personnalité est détruit (suicide). Chez d'autres, ce sont le
jugement, le sens moral, la mémoire, l'intclligence, la volonté, l'atten-
tion, l'émolivité qui sont atteints. Parfois, chez les plus inférieurs,
subsiste et même s'hypertrophie, on ne sait pourquoi, une faculté men-
tale, la mémoire le plus souvent.
D'autres individus présentent des anomalies diverses : gloutonnerie,
scatophagie, excès sexuels, inversions sexuelles. Le tatouage lui-même
traduit un état mental tout particulier chez celui qui subit volontairement
cette mutilation.
Viciations de l'aptitude sociale. La plupart des troubles précé-
dents ne facilitent guère les relations sociales du dégénéré. Il en est de
plus accusés encore à cet égard, rencontrés parfois chez des individus d'in-
telligence assez élevée. Certains ont perdu tout sentiment altruiste : il y a
loin encore, il est vrai, de la misanthropie au meurtre. Mais pour certains
amoraux la distance est vite franchie. Les moindres de ces tarés sont
paresseux, menteurs. La plupart finissent dans les asiles d'aliénés.
Inaptitude à la vie. Avec Mayet nous décrirons sous ce tenue
la déchéance finale des plus dégénérés. Elle se traduit par l'extinction de
l'individu et de la famille. La vie est courte, la descendance rare, et
bientôt supprimée par les avortements répétés, la morti-natalité ou la
mort en bas âge. A ce propos, il est utile de rappeler que la consangui-
nité n'a, en soi, ni valeur dirimante, ni valeur améliorante. Ses effets
sont ceux de l'hérédité; elle fixe également ce qui est bien et ce qui est
mal chez les conjoints.
En résumé, les stigmates de dégénérescence sont d'une multiplicité
telle qu'il est à peu près impossible que les sujets les plus normaux n'en
possèdent pas un ou plusieurs. Le tout est de savoir apprécier l'importance
de ces stigmates et de comprendre leur valeur. Celle-ci dérive avant tout
de l'accumulation des tares et du danger qu'elle révèle, menaçant pour
l'individu et pour la société.
[F. MOUTIER.]
STIGMATES DE LA SYPHILIS
par le Dr CROUZON
L'importance de la syphilis dans l'étiologie des maladies nerveuses
nous amène à rechercher ici comment cette syphilis peut être dépistée
chez un malade que l'on soupçonne atteint d'une lésion nerveuse spéci-
fique. Nous envisagerons successivement la recherche de la syphilis
acquise, puis celle de la syphilis héréditaires
SYPHILIS ACQUISE W
La syphilis acquise pourra se reconnaître de deux façons : ou bien
par l'interrogatoire du malade, ou par l'examen direct. Si le malade est
de bonne foi et s'il est éclairé et instruit, son interrogatoire pourra,
dans un certain nombre de cas, donner des renseignements suffisants.
Quelquefois, la syphilis a été ignorée, a passé inaperçue par suite du peu
d'importance des lésions, par suite de l'ignorance ou de l'indifférence du
sujet : c'est dans ces cas que la recherche des stigmates sera importante.
1° Interrogatoire du malade. On pourra penser qu'il s'agit de
syphilis quand le malade aura eu la notion du chancre.
1° Cette lésion a en général une incubation de 15 à 50 jours après le
contact suspect, dans certains cas cette notion sera suffisante pour per-
mettre le diagnostic;
` ? ° La lésion est souvent unique, cependant la multiplicité du chancre
syphilitique n'est plus un fait contesté et dans bon nombre d'observations
on a trouvé 2, 5, 4 et même beaucoup plus de chancres syphilitiques
simultanés (Queyrat) ;
5° Le malade se rappellera que cette lésion était volumineuse, suré-
levée, que c'était un gros boulon siégeant le plus souvent à la verge;
4° Cette lésion est accompagnée de ganglions rarement suppures;
5° C'est une lésion d'assez longue durée : 5, 4, 5 semaines;
Ou A la suite de cette lésion, après une seconde incubation de 45 jours,
est apparue la roséole et quelquefois un cortège de troubles secondaires :
céphalée nocturne, iritis, éruption papuleuse, plaques muqueuses de
la bouche et de l'anus, alopécie.
Chez la femme, la notion de ces accidents et surtout de l'accident initial
est le plus souvent absente. La syphilis se révèle dans la vie génitale de
la femme par la multiplicité des fausses couches et la polymorlalité
infantile.
STIGMATES DE LA SYPHILIS. 1105
2° Examen direct. La recherche des traces du chancre peut quel-
quefois donner des résultats intéressants. Si le plus souvent il laisse
une cicatrice nulle ou maculeuse ou légèrement pigmentaire, il est des
cas où pendant des mois et des années après la cicatrisation on trouve le
vestige d'une induration cartilagineuse de la forme d'un pois ou quel-
quefois de la forme d'une noisette.
On peut retrouver les adénopathies : c'est surtout à la région cervicale
postérieure, au niveau de l'aine, au niveau des aisselles que l'on consta-
tera l'existence des adénopathies secondaires ou secondo-tertiaires, sous
forme de petits ganglions durs roulant sous le doigt.
Examen de la peau. Les lésions de la peau peuvent, dans certains
cas, coexister avec des lésions nerveuses à une période avancée de la
maladie, de nombreux cas ont été mentionnés. Nous nous contenterons
de rappeler les faits de Gaucher et Babonneix, de Verney ( Thèse de
Nancy, 1887); de Charbonneau (Thèse de Paris, 1891); d'Anglade
(Thèse de 1891) ; de Sérieux et Farnarier (Revue de Médecine, 1900), etc.
Les lésions de la peau : roséole, syphilides papuleuses, papulo-
squameuses, papulo-vésiculeuses, pustulo-croitteuses, psoriasiformes ou
tuberculeuses laissent en général peu de cicatrices; cependant, dans
quelques cas, elles peuvent se reconnaitre après quelques mois ou quel-
ques années, mais ce sont surtout les syphilides tuberculeuses ou ulcé-
reuses qui laissent derrière elles des vestiges dont nous allons donner
les caractères spécifiques.
Les cicatrices sont suspectes de syphilis :
1° Quand elles seront étendues;
2° Quand elles ont la pigmentation brune ou noire :
5° Quand elles présentent une des formes suivantes : ,
A) La forme arrondie, l'orbicularité parfaite qui est synonyme de
syphilis.
Il) La configuration arciforme en demi-lune, en arc de cercle. z
C) La forme polycyclique dans laquelle la cicatrice est constituée par
une série d'arcs de cercles réunis bout à bout.
D) La forme serpigineuse à contours festonnés, sinueux, géogra-
phiques.
E) La disposition en baguettes ou criblures en coup de plomb.
F) Toutes ces cicatrices sont caractérisées non seulement par leur
étendue, par leur pigmentation et par leur forme, mais encore par
l'atrophie cicatricielle, l'aspect déprimé et gaufré qui se trouve au
centre de la zone pigmentée.
4° Dans certains cas, c'est une localisation particulière de la cicatrice
qui est suspecte : cicatrices de la gorge, cicatrices du voile du palais et
du pharynx, etc.
Stigmates muqueux. Enfin la syphilis pigmentaire du cou qui
est caractérisée par son siège si spécial, par un réseau ntaculeuv circons-
crivant des zones décolorées et presque pathognomoniques de la syphilis
PRATIQUE : \EUII01.. 70
[0. CROUZON]
1100 STIGMATES DE LA SYPHILIS.
et ne s'est guère rencontrée que dans quelques observations exception-
nelles de tuberculose. L'alopécie pourra être la signature de la syphilis :
quand elle est localisée en certains points, quand elle siège aux sourcils,
quand il y a aspect clairsemé des sourcils, disparition de la queue des
sourcils (signe de l'omnibus de Fournier).
Il est rare que des plaques muqueuses s'observent en dehors de la
période secondaire de la syphilis, cependant on peut observer quelquefois
des plaques muqueuses 5 ans, 10 ans, 15 ans et même plus après le
début de la maladie, mais l'examen des muqueuses peut donner des ren-
seignements plus intéressants. On peut constater les cicatrices du
pharynx, une perforation du voile du palais (dans sa portion membra-
neuse) ou de la voûte palatine. »
Plus important est encore le stigmate de la leucoplasie. Celle leuco-
plasie est caractérisée par des îlots d'inégales dimensions d'un blanc
laiteux occupant la muqueuse de. la langue, la muqueuse delà face interne
des joues au niveau des points de contact dentaire, quelquefois formant
de simples stries blanches, linéaires en toile d'araignée accompagnée
de fissures qui peuvent être dans la suite le point de départ, du cancer.
Cette leucoplasie est considérée par certains auteurs (Landouzy, Gaucher)
comme un témoignage certain de syphilis; dans tous les cas, elle est un
indice qui doit conduire à rechercher cette maladie.
Le vitiligo est aussi souvent un indice de syphilis : on sait qu'il est
caractérisé par des zones d'achromie entourées par des zones d'hyper-
chromie. Suivant Pierre Marie et Crouzon, il est révélateur de syphilis et
particulièrement de syphilis nerveuse.
La glossite exfoiialrice marginée a été considérée aussi comme une
affection qui se plait sur le terrain syphilitique et qui porte à rechercher
cette affection.
L'examen du malade suspect de syphilis devra porter également sur le
nez; on constatera quelquefois des malformations désignées sous le nom
d'effondrement basai du nez est de nez en lorgnette.
Sur les yeux on pourra constater l'existence d'inégalité pupillaire,
d'Irrégularité des pupilles par vestiges d'iritis ancienne.
Sur les os, l'existence d'exostoses et de periostoses du tibia, du
crâne, etc., est aussi un bon signe.
L'examen des viscères pourra, dans certains cas. être instructif : le
foie avec ses bosselures, sa tuméfaction avec conservation relative de
l'état général pourra faire penser au foie syphilitique.
Certaines néphrites aiguës survenant en dehors de toute scarlatine, en
dehors de dégénérescence amvloïde, en dehors de suppuration tubercu-
leuse doivent être rapportées à la syphilis quand on voit la quantité (ral-
bumine s'élever à 8, 10, 20 grammes par litre.
D'autre part, l'existence de phlébites multiples indolentes, super-
ficielles sans embolie est encore la signature de l'infection syphili-
tique.
STIGMATES DE LA SYPHILIS. 1107
Enfin, la fumeur du testicule indolent, à bosselures met énatementsur
la piste de la maladie. z
Il nous reste il mentionner les stigmates du système nerveux qui sont
caractéristiques de la maladie.
Tout d'abord le signe de Robertson, c'est-à-dire l'abolition du réflexe
lumineux avec conservation du réflexe a l'accommodation a été considéré,
pariiabinski et Charpentier comme un stigmate de cette affection.
L'association du signe de Robertson à l'inégalité pupillaire, à l'aortite
chronique et à la lymphocytose du liquide céphalorachidien constitue le
syndrome de Babinski caractéristique de la syphilis (Vaquez).
La paralysie du moteur oculaire commun survenant subitement, est
également un stigmate de syphilis : en effet, si la paralysie de la 6e paire,
est l'apanage du diabète, on peut dire que celle de la 5" survenant en
dehors de toute cause appréciable est celui de la syphilis.
L'hémiplégie survenant chez un sujet âgé de moins de 40 ans qui n'est
pas cardiaque est presque à coup sûr syphilitique (Pierre Marie).
La lymphocytose du liquide céphalo-rachidien en dehors de la tuber-
culose et de quelques rares processus de méningite subaiguë ou chro-
nique, est un signe de syphilis. '
L'apoplexie de l'adulte est également souvent liée à la syphilis.
Enfin nous avons écarté le tabès et la paralysie générale qui sont consi-
dérés par la majorité des auteurs comme des accidents syphilitiques.
Nous nous contenterons de rappeler les arguments de Fournier ; fré-
quence extrême des antécédents syphilitiques chez ces malades : nombre
considérable des sujets syphilitiques qui deviennent paralytiques géné-
raux ou tabétiques ; rareté extrême de la paralvsie générale chez les fem-
mes en dehors du milieu fréquenté par la syphilis ; rareté de la paralysie
générale chez les ecclésiastiques, etc.
Tilles sont les manifestations multiples que peut laisser derrière elle
la syphilis et qui pourront éclairer sur le diagnostic étiologique. Nous
ne voulons pas cependant terminer sans signaler l'existence d'accidents
syphilitiques tertiaires, de gommes chancriformes qui peuvent fré-
quemment être pris pour des accidents initiaux de la syphilis et faire
rejeter par conséquent toute influence étiologique à cette maladie dans
une affection du système nerveux. Il est nécessaire d'avoir toujours ces
faits présents à l'esprit pour se garder de semblables erreurs. ,
SYPHILIS HÉRÉDITAIRE
Une enquête sur l'hérédo-syphilis doit, suivant Fournier, porter sur la
famille. tout d'abord sur les ascendants et même sur les parents de ces
ascendants. On peut en effet incriminer la syphilis de seconde génération.
D'autre part, l'enquête portera sur les collatéraux. Le signe le plus
caractéristique c'est la polymortalité infantile caractérisée par les avor-
[O. CROUZON ]
1108 STIGMATES DE LA SYPHILIS.
tcments, les accouchements avant terme, les naissances à terme d'enfants
morts-nés ou par des morts d'enfants dans les premières semaines ou
dans les premiers mois, morts souvent très rapides et même subites.
Enfin l'enquête sur les collatéraux survivants pourra permettre de
retrouver sur eux quelques stigmates d'hérédo-syphilis.
L'enquête sur le malade portera sur ses antécédents, sur la recherche
des maladies de l'enfance, s'il a eu des érosions, des maladies de gorge,
des maux d'yeux, des écoulements d'oreilles, des douleurs osseuses, des
convulsions, si son développement a été difficile et ce n'est qu'après avoir
acquis ces renseignements qu'on pourra procéder à l'examen direct du
malade.
A une époque rapprochée de la naissance, la tare hérédo-syphititiquc
s'accuse par une chétivité : l'enfant ne fait que dépérir et succombe peu
de temps après, ou bien il se développe normalement puis tout à coup se
met à dépérir rapidement, ou après une période normale il dépérit graduel-
lement et meurt, c'est là le processus qui explique la polymortalité in-
fantile chez les syphilitiques. Quoi qu'il en soit. l'enfant, à cette période,
a l'aspect sénile. A un âge plus avancé, la tare héréditaire n'a plus d'ex-
pression aussi accentuée, il s'agit simplement d'enfant malingre et
débile. ..
Le développement physique peut subir des retads et des imperfections :
la marche et les dents sont retardées, la croissance est pénible et l'en-
semble clinique se traduit par le mot infantilisme ; quelquefois la réduc-
tion de la taille et l'exiguïté des formes vont jusqu'au nanisme.
Quelquefois le rachitisme peut être une expression fréquente de la
syphilis héréditaire; il y a donc, suivant Fournier, une tendance à revenir
à l'opinion de Parrot qui rattachait le rachitisme à la syphilis.
Quelquefois enfin des exostoses de développement ou exostoses ostéo-
géniques peuvent être également un stigmate de syphilis.
Stigmates cutanés ou muqueux. Les stigmates cutanés ou
muqueux dans l'hérédo-syphilis IH' sont pas spéciaux par leur caractère il
l'hérédosyphilis, nous ne mentionnerons que les cicatrices péri-buc-
chales si communes chez les enfants hérédo-syphilitiques du premier âge
qu'on appelle stigmates de Fournier et qui sont caractérisés par l'aspecl
fripé et irrité de la peau au niveau des commissures et du menton,
aspect produit par un lacis de sillons cicatriciels sur la muqueuse labiale,
ou perpendiculaires au grand axe des lèvres, cicatrices d'anciennes
rhagades.
D'autre part, les cicatrices tombo-fessières ou stigmates de Parrot sont
les vestiges de ces syphilides si communes dans l'enfance; ces cicatrices
sont des taches blanchâtres à contours indécis qui sont tout Ù fait frustes
et doivent être bien recherchées pour être vues, ce caractère atténué
et effacé est un témoin de leur ancienneté. '
Stigmates testiculaires. - Ce sont, ou bien une atrophie scléro-
tique de l'organe consistant dans un testicule petit, dur et irrégulier,
STIGMATES DE LA SYPHILIS. 110'J
vestige du sarcocèle syphilitique, ou bien c'est le testicule infantile.
Stigmates osseux. Quelquefois l'enfant a eu dans la jambe des s
douleurs osseuses, nocturmes et persistantes; quelquefois on a pu obser-
ver des fractures spontanées quand on examine l'enfant ou l'adulte, on
constate alors des lésions osseuses caractérisées par une exostose et
hyperoslose dans la croissance des os longs : tibias, fémurs, cubitus.
Ces hyperostoses peuvent produire l'aspect du tibia en lame de sabre
hyperostosé ou quelquefois, suivant Lannelongue, la maladie de Pagel.
Enfin, l'hérédo-syphilis peut produire des lésions rachitiques ou pseudo-
rachitiques ou enfin même une déformation connue sous le nom de
thorax en entonnoir (Gaucher et Crouzon).
Stigmates articulaires. La syphilis peut produire des hy-
darthroses chroniques et même des arthropathies déformantes ou même
le rhumatisme déformant. -
Stigmates nerveux. Nous nous attacherons plus particulière-
ment aux stigmates nerveux de t liérédo-syphilis. Fournier signale les
convulsions comme un signe de méningite syphilitique de l'enfance ; on a
signalé également quelques signes d'incontinence d'urine par hérédo-
syphilis. Nous ne nous arrêterons pas sur les troubles des réflexes pupil-
laires déjà décrits dans la syphilis acquise ni sur les troubles des réflexes
rotuliens. L hérédo-syphitis peut produire également des arrêts de déve-
loppement intellectuel à tous les degrés.
Stigmates dystrophiques de l'hérédo-syphilis. Ces
stigmates ont été décrits par Ed, Fournier dans sa thèse (Paris, 1898) :
il les divise en dystrophies totales, dystrophies partielles, dystrophies du
développement intellectuel et dystrophies de prédisposition.
1° Les dystrophies totales se traduisent par les modifications dans
l'habitus, le visage et la constitution que nous commenterons.
2° Dystrophies partielles. Au premier rang de ces dystrophies
partielles il faut citer les malformations crâniennes du front, c'est la
proéminence en masse, l'aspect bombé qui constitue un front olympien ;
ce peut être le front à bosselures latérales, chaque bosselure étant située
de chaque côte de la ligne médiane, ou encore le front en carène bossue
par les saillies médianes qui suivent le trajet de la suture médiofrontale
ou quelquefois c'est le crâne natiforme qui est spécifique de l'hérédo-
syphilis, suivant Fournier. C'est un crâne qui représente assez exacte-
ment la forme des fesses : il est. renflé à la partie supéro-postérieure en
deux moitiés globuleuses qui sont séparées par une rigole médiane
antéro-postéricurequc l'on peut comparer au pli Intrafessicr.
L'asymétrie crânienne, les synostoses du crâne, t'acrocéphalie, la
(10111'IIOI'.tl)Il,lIIC, la scapbocépbatic. la microcéphatic ont été également
signalées comme des stigmates d hérédo-syphilis. .
Plus importante est l'hydrocéphalie : elle constitue un phénomène
d'observation assez commune et Fournier en a rassemblé 170 exemples.
Suivant lui, l'influence hérédo-syphililique peut se traduire par l'hydro-
[O. CROUZON.]
1110 STIGMATES DE LA SYPHILIS.
céphalie et constitue même un élément important de l'étiologie de cette
affection.
Conséquemment l'hydrocéphalie peut être considérée comme un stig-
mate d'ilérédo-sypinlis. -
Enfin, on peut voir quelquefois associé à l'hydrocéphalie, quelquefois
indépendant d'elle, un autre stigmate décrit par A. Fournier ; c'est la
circulation crânienne collatérale : ce développement exagéré du système
veineux est surtout marqué sur le trajet de la veine temporale superfi-
cielle, sur le trajet des veines frontales. Ce signe s'observe avec une no-
table fréquence dans l'hérédo-syphilis et peut-être même plus fréquem-
ment que dans n'importe quelle autre maladie.
Stigmates faciaux. On constate ces stigmates sur le nez, la
bouche, les mâchoires et le pavillon de l'oreille.
Sur le nez, on peut trouver la trace de malformations natives peu
caractéristiques : ce sont l'élargissement et l'aplatissement de la base du
nez. quelquefois le nez camard. Mais plus caractéristiques sont les mal-
formations qui sont consécutives à des lésions nasales dont les symptômes
fonctionnels ont été le coryza chronique, jetage nasal, épistaxis, ozène
et expulsion des fragments osseux. L'effondrement du nez peut se pro-
duire sous deux aspects particuliers, ou bien c'est l'effondrement de la
base du nez, des os propres du nez, il y a alors une excavation qui rem-
place la racine et la pointe du cartilage, delà cloison, le segment inférieur
du nez se fait alors, en rentrant dans le segment supérieur, il y a alors
enchâssement, télescopage du nez en lorgnette.
On a signalé encore d'autres malformations hérédo-syphilitiques aussi ca-
ractéristiques : le bec-de-lièvre, les malformations diverses des maxillaires.
Le pavillon de l'oreille peut, lui aussi, présenter des stigmates d'hérédo-
syphilis : ce sont les malformations connues sous le nom d'oreilles géantes
ou oreilles infantiles, ou oreilles rondes, oreilles en plat à barbe, oreilles
de faunes, etc.
Ces anomalies ne sont pas spéciales il la syphilis, ce sont des malforma-
tions de dégénérescence qui peuvent mettre quelquefois sur une piste
utile il suivre pour la découverte de rhél'l;do-syphilis.
Triade d'J/utcltinson, Le triade lrIlutchinson se compose de trois
sortes de lésions : stigmates auriculaires, stigmates oculaires, stigmates
dentaires.
Stigmates auriculaires. C'est le souvenir ou quelquefois la persis-
tance d'écoulements d'oreilles. D'autre part, la présence de cicatrices du
tympan ou de perforation de cette membrane, la destruction complète ou
incomplète de la chaîne des osselets; enfin la persistance de troubles
auditifs.
Ces troubles sont caractérisés par leur brusquerie d'apparition, leur
progression rapide et leur intensité habituelle. Quelquefois ces troubles
auditifs aboutissent il la surdi-mutité.
Stigmates oculaires. Les stigmates oculaires tiennent le premier-
STIGMATES DE LA SYPIIILIS
rang dans la sémiologie de l'hérédo-syphilis tardt\ ? E-P<7Ûier). Le
malade a eu le plus souvent dans l'enfance des maux d'yeux longs et
terribles pourtant sans douleurs ayant souvent intéressé les deux yeux :
ce sont le plus souvent des lésions d'iritis, d'irido-choroïdite, kératite
interstitielles; d'autre part, le strabisme convergent peut être une mani-
festation de l'hérédité ; enfin, ce sont les stigmates cornéens, les reli-
quats de la kératite interstitielle caractérisées par les opacités profondes
avec absence de méplats et des surfaces et persistance d'un fin réseau
musculaire.
D'autre part, des stigmates iriens, déformation de cet orifice.
Enfin il existe des stigmates du fond de l'oeil, foyers atrophiques ou
scléreux de chorio-rétinitc ou dépôts pigmentaires chorio-rétiniens qui
sont, suivant E. Fournier, des stigmates rudimentaires.
Un certain nombre de troubles fonctionnels sont en rapport avec ces
stigmates : c'est l'amblyopie, l'héméralopie, la myopie, etc. Enfin il
peut exister aussi un certain nombre de malformations oculaires : mal-
formation des orbites, des paupières, etc.
Stigmates dentaires. Les stigmates dentaires sont des plus impor-
tants, le plus souvent il y a eu un retard dans l'évolution du système den-
taire : au lieu de percer ses premières dents vers 6 ou 8 mois, l'enfant
les perce vers 10 mois, un an, 15 mois et plus tard : d'autre part, l'examen
des dents permet de trouver 4 stigmates de l'hérédo-syphilis.
1° C'est l'atrophie cuspidienne de la première grosse molaire : cette
lésion consiste dans un état atrophique, une sorte d'usure et de quasi-
destruction du sommet de la dent, alors que là encore la dent se pré-
sente normale, bien constituée, il semble qu'on voie une dent plus petite
sortir d'une dent plus grande et cette dent plus petite est irrégulière,
hérissée d'éminences rugueuses :
2" On peut constater des dystrophies cuspidiennes multiples systéma-
tisées d'une façon homologue pour une même série de dents sur tout un
groupe d'incisives ou de canines par exemple. Ce sont des érosions coro-
naires en cupules, en sillons, donnant l'aspect de dents en gradins ou en
nappes, ou bien ce sont des érosions cuspidiennes portant sur l'extrémité
libre, donnant l'aspect de dents à sommet laminé, ou de dents à sommet
élimé, ou de dents en clous de girolle.
Enfin la dystrophie dentaire la plus célèbre est la dent d'IIutchinson :
c'est une érosion en échancrure semi-lunaire ou échancrure en croissant
ou échancrure en coup. Cette échancrure occupe le bord libre de la dent.
quelquefois il existe, en dehors, un aspect, en tournevis ou une direction
oblique convergente. Cette malformation dentaire siège au niveau des
incisives médianes supérieures de seconde dentition, elle est le plus
souvent symétrique. Enfin celle lésion n'apparaît qu'à un certain âge;
chez les sujets jeunes, l'échancrure n'existe pas au delà de l'adolescence,
et vers 50 ans l'échancrure disparait complètement.
En dehors de ces stigmates très importants, on peut encore signaler
' [O. CROUZON.]
! il 2 STIGMATES DE LA SYPHILIS.
d'autres malformations dentaires qui consistent soit dans l'exiguïté de
taille de la dent, soit dans la persistance des dents de lait. Nous n'insis-
terons pas sur les autres malformations dentaires, sur la vulnérabilité,
sur les autres stigmates provenant de l'espacement anormal des dents, de
la désorientation des dents, de l'absence de certaines dents onde l'engre-
nage vicieux des arcades dentaires. -
Enfin, l'hérédo-syphilis peut produire un certain nombre de dystrophies,
de malformations, de monstruosités, elle peut produire le géantisme ou
le nanisme; elle peut être la cause de l'ichthyose, elle peut entrer pour
une part dans les dystrophies cardio-vasculaires (rétrécissement mitral,
persistance du trou de Botal, etc.). Elle peut causer également des ectasies
veineuses non seulement crâniennes, mais disséminées sur la surface du
tégument cutané. Enfin, elle peut produire un certain nombre de mal-
formations tératologiques qui n'ont rien de caractéristique.;
Il se peut qu'un malade hérédo-svphilitidue ne présente aucun des
stigmates que nous venons de mentionner ; quelquefois un seul stigmate
mettra sur la voie du diagnostic, ce sera, par exemple, les lésions den-
taires, il faudra donc faire la part des stigmates causant véritablement
la syphilis et des stigmates simplement dystrophiques. Les stigmates
dystrophiques n'impliquent pas la syphilis chez les sujets qui les por-
tent, elles dénoncent une tare héréditaire, mais ces sujets peuvent être
indemnes de syphilis puisqu'on a observé la syphilis acquise chez des
sujets présentant ces stigmates.
Pour conclure, il faut attacher, suivant Fournier, une importance ca-
pitale et pathognomonique pour l'hérédo-syphilis aux signes suivants : le
crâne natiforme, fia dent d'Ilutchinson, le tibia en lame de sabre et, la
dent en tournevis.
RÉACTION DE WASSERMANN
Le séro-diagnostic de la syphilis, par la méthode de Wasscrmauu. est,
de l'opinion de la plupart des cliniciens, capable de donner les plus pré-
cieux renseignements dans les cas douteux : elle se rencontre en (,n'et
non seulement dans les cas de syphilis récente, mais dans les cas de
syphilis très ancienne.
Nous ne pouvons entrer ici dans l'exposé de la technique de ce séro-
diagnostic, nous nous contenterons d'indiquer les résultats des recherches
pratiquées dans les maladies du système nerveux.
La réaction de Wassermann se rencontre presque toujours chez les
tabétiques et les paralytiques généraux, même ont été traites
d'une façon intensive.
Elle se rencontre également dans les cas de syphilis cérébro-spinale
avérée.
STIGMATES DE LA SYPHILIS. 1115
Mais on l'a rencontrée aussi dans un certain nombre de maladies du
système nerveux où la syphilis ne pouvait être que soupçonnée : la
réaction de Wassermann a apporté une preuve de syphilis.
Les recherches de M. Joltrain, sur les malades de l'hospice de Bicèire,
ont apporté des éclaircissements sur beaucoup de points.
Les lacunaires que M. Pierre Marie considérait pour une partie comme
syphilitiques ont eu une réaction positive fois sur 11.
Chez les hémiplégiques vulgaires, Joltrain a rencontré 8 réactions
positives sur 15.
Dans la sclérose en plaques, la réaction a été positive dans les trois cas
observés. Et ce résultat a d'autant plus d'intérêt que M. Pierre Marie a
montré cliniquement l'origine syphilitique de certaines scléroses en
plaques. De même, la réaction était positive dans deux cas d'hydro-
céphalie et dans un cas de paralysie pscudo-bulbail'c.
Nous ne saurions mieux donner une idée de l'intérêt comparatif de ces
recherches qu'en reproduisant ci-dessous le tableau de M. Joltrain.
TRAITEMENT DE LA SYPHILIS DU NEVRAXE
par Georges GUILLAIN
Les accidents nerveux d'origine syphilitique doivent être traités d'une
façon précoce. La médication mercurielle et indurée donne en effet des
résultats très favorables dans les lésions récentes, mais elle n'agit pas ou
fort peu sur les lésions anciennes, sur les dégénérations secondaires. *
Dans la syphilis nerveuse dont les accidents sont souvent menaçants,
le traitement doit être pratiqué, en principe, d'une façon intensive. Peut-
être y a-t-il dans certaines formes de myélite syphilitique un correctif à
faire à ce principe.
La mercurialisation par les pilules ou par les potions ne doit pas être
conseillée pour traiter la syphilis nerveuse. Il faut avoir recours aux
frictions mercurielles, et principalement aux injections.
Le traitement par les frictions sera préconisé lorsque le malade est
éloigné d'un médecin ou manifeste une pusillanimité telle qu'il refuse
les injections. On prescrira alors des frictions cutanées d'onguent mer-
curiel double la dose de 4 ou 5 grammes par jour; ces frictions
seront faites dans les plis de flexion des membres, alternativement dans
l'un ou l'autre d'entre eux, durant vingt jours consécutifs; on inter-
rompra alors le traitement durant dix jours et on fera une nouvelle série
de vingt frictions. Ce même traitement pourra èlre conseillé de nouveau
à des intervalles plus ou moins éloignés pendant plusieurs années; cela
dépendra de la forme clinique et de l'évolution du cas observé.
Le traitement le meilleur de la syphilis nerveuse est le traitement par
les injections; on connaît ainsi la dose exacte de mercure introduite dans
1 économie. On emploie soit les sels solubles de mercure, soit les sels
insolubles. Les sels solubles sont injectés il petites doses ctadesinter-
valles de temps rapprochés, les sels insolubles sont injectés il des
intervalles de temps plus ou moins longs, ce qui est un avantage pour
les malades, mais il convient d'ajouter que l'intoxication mercurielle
paraît plus fréquente avec ces derniers. Les sels solubles seront injectés
quotidiennement pendant vingt jours, les sels insolubles seront injectés
une fois par semaine durant cinq semaines. Les injections doivent d'ail-
leurs être renouvelées pendant plus ou moins longtemps.
- TRAITEMENT DE LA SYPHILIS DU KÉVRAXF. 1115
Préparations de sels mercuriels solubles. On emploie surtout le
biioduré de mercure, le benzoate de mercure, le sublimé.
Biiodure de mercure : .
1116 TRAITEMENT DE LA SYPHILIS DU NÉVRAXE.
Cyanure de mercure. Les solutions de cyanure ou d'oxycyanure
de mercure sont employées spécialement pour les injections intra-
veineuses, elles ne coagulent pas le sang.
TRAITEMENT DE LA SYPHILIS DU NÉVRAXE. 1117 7
stitué, mais il semble qu'il puisse enrayer l'affection et éviter le dévelop-
pement de lésions nouvelles. Chez les paralytiques généraux les résultats
du traitement sont le plus souvent négatifs et môme la maladie peut
être aggravée. Toutefois il est difficile de se prononcer exactement sur
ce sujet, car le traitement est très fréquemment commencé il une période
beaucoup trop tardive, alors que les lésions sont déjà anciennes et très
accentuées. Il parait cependant bien certain que les syphilis soignées
au début d'une façon intensive et pendant plusieurs années ont moins
de chance d'être suivies plus tard du tabès ou de la paralysie générale.
Le traitement des manifestations nerveuses de la syphilis chez les
enfants se fera par les frictions mercurielles, la liqueur de Yan Swieten
et les injections de sels solubles. Les doses des médicaments employés
varieront suivant l'âge de l'enfant et suivant la forme clinique de la
syphilis.
Des recherches récentes sont poursuivies sur le traitement de la
syphilis du névraxe et des affections parasyphilltiqucs par le dioxydiami-
doarsénohenzol (préparation 000 d'Erlich). Les résultats acquis dans les
cas de lésions nerveuses syphilitiques me paraissent trop incertains pour
pouvoir déjà spécifier avec précision les indications et les contre-indi-
cations de cette méthode.
[G. GUILLAIN.] 1
PERCUSSION ET AUSCULTATION
DES CENTRES NERVEUX
par le Dr F. MOUTIER
Ces différentes méthodes d'exploration sont encore peu précises, et les
données actuelles ne permettent pas de porter un jugement définitif sur
leur valeur. ? '.
La pression demande il être distinguée de la percussion. Elle suffit
parfois, notamment au niveau du rachis, à déceler une zone, une apo-
physe douloureuses. La douleur éveillée peut être extrêmement violente.
On se souviendra que des points peu sensibles à tout autre mode d'explo-
ration se révèlent soudain lorsque l'on promène au long des vertèbres
une éponge chaude. Ce procédé s'utilise souvent dans le diagnostic du
mal de Pott. Signalons, au niveau de la base du crâne, la sensibilité
de la voûte pharyngienne à la pression, dans les cas de tumeur de la
fosse cérébrale moyenne.
La percussion s'emploie principalement au niveau du crâne. Nous pos-
sédons à ce sujet quelques données fournies par les travaux de Mori et de
Paoli, Mac Ewen, Gilles de la Tourettc et Chipault, Bruns, Koplik. Ces
auteurs ont également étudié l'homme sain et le cerveau malade. Il
convient de ne pas oublier la valeur des termes : un son est de tonalité
d'autant plus grave qu'il est plus sonore, plus prolongé. Chez l'enfant
normal, le son est beaucoup moins mat que chez l'adulte, et la sonorité
est plus forte au niveau des frontaux et pariétaux qu'au niveau de l'oc-
cipital, ce qui correspond à des épaisseurs plus faibles des premiers de
ces os. Il faut du reste apprécier surtout la résistance au doigt, l'élas-
ticité du choc, et percuter en veillant il l'occlusion de la bouche du sujet.
Duret conseille de placer la bouche en position moyenne, correspondant
à la prononciation du son ou. 11 est préférable enfin de percuter direc-
tement et de négliger le plessirnèi,re et le marteau.
La percussion est parfois douloureuse : cette sensibilité peut être loca-
lisée et répondre à quelque lésion sous-,jacente, ou être diffuse et témoi-
gner d'un degré variable d'hypertension inlra-cranienne. Bechterew a
signalé la sensibilité spéciale de l'apophyse zygomatique dans les tumeurs
de la base.
PERCUSSION ET AUSCULTATION DES CENTRES NKRYEUX. 1119
En d'autres cas, on constate soit des variations de la sonorité, soit la
production de sons anormaux. Chez l'enfant rachitique, la sonorité du
ptérion et de la bosse temporale augmente, traduisant, dit-on, un agran-
dissement du ventricule latéral par l'accumulation du liquide céphalo-
rachidien. En effet, la zone sonore n'est de règle au niveau des parié-
taux qu'a partir de deux ans : à ce moment, toute dilatation vcntricuhure
par un excès de liquide exagère la sonorité (signe de Mac Ewcn'l. Le
malade doit être assis la tête rigoureusement droite, autrement les pres-
sions ne se répartiraient pas également dans les ventricules. On constate
la sonorité cherchée dans la méningite tuberculeuse au début, dans les
tumeurs du cervelet et du plancher du 4e ventricule avec compression
des veines de Galion et hydropisie 'elltl'IC1111111'e ? 11 contraire, dans la
méningite cérébro-spinale et d'une façon générale dans tous les cas où
du liquide s'interpose entre le crâne et le cerveau, on constate de la
matite aux points considérés.
Chez l'adulte, l'augmentation de la sonorité témoigne surtout d'un
amincissement de la paroi, « c'est plutôt un signe d'altération de l'os
qu'un signe de localisation des tumeurs » (Duret). La matité peut èlre
plus considérable à son tour et indiquer alors une épaisseur anormale
des parois, indice utile à connaître avant l'intervention chirurgicale. 11
peut s'agir dans de tels cas d'hyperostoses localisées ou de ces crânes
plus ou moins uniformément épaissis tels qu'on présentent arriérés,
idiots, épilclotiqucs, hérédd-syphililiques.
Enfin il peut se produire un son inexistant normalement, son 1 ! Jlllpa-
nique, bruit de pot fêlé. Le tympanisme se rencontre parfois au-dessus
dune trépanation, le bruit de pot fêlé au niveau d'une fracture, de
sutures disjointes par de l'hypertension céphalo-rachidienne. Ajoutons
que certains auteurs ont conseillé d appuyer un stéthoscope au niveau du
bregma et de pratiquer ainsi, afin de mieux recueillir les sons. une sorte
de percussion auscullatoirc.
L'auscultation, fournit peu de résultats chez l'enfant. En appuyant
légèrement le stéthoscope au niveau des fontanelles, on peut entendre un
souffle doux, systolillue, signalé spécialement dans l'hydrocéphalie, dans
l'anémie, le rachitisme. 11 manquerait dans les méningites. Chez
l'adulte, les anéuismes des artères de la base de l'encéphale, les tumeurs
richement vascularisées, les néoplasies comprimant quelque vaisseau
sanguin, déterminent des souffles continus ou non, d'intensité très
variable parfois chez le même individu. La compression de la carotide
peut en diminuer la tonalité (Duret). Enfin, il ne faudrait pas se laisser
induire en erreur par ce l'ait que, chez les anémiques, le souffle caroti-
dien se prolonge souvent à l'intérieur du crâne (Oppenheim, d'après
Duret).
Ludion a préconisé récemment l'emploi du phonendoscope pour recon-
naître les localisations vertébrales de l' « arilrnlis deformans ».
[F. MOUTIER]
LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN
PONCTION LOMBAIRE ET SÉMÉIOLOGIE DU LIQUIDE
CÉPHALO-RACHIDIEN
par le D' CROUZON
PONCTION LOMBAIRE '
La ponction lombaire est une ponction des méninges rachidiennes au
niveau de la région lombaire, dont le but est l'extraction d'une petite
quantité de liquide céphalo-rachidien comme moyen thérapeutique ou
comme moyen de diagnostic. ,
Technique de la ponction lombaire ? Avant de pratiquer
une ponction lombaire, on se préoccupera d'avoir une aiguille, des tubes
destinés à recueillir le liquide céphalo-rachidien, et enfin tous les objets
nécessaires à assurer l'asepsie et l'anesthésie de la peau du malade.
1° L'aiguille sera une aiguille en platine iridié, longue de 8 à 10
centimètres, fine; l'aiguille de Tuffier mesure 1 millimètre de diamètre
externe et G/10 de millimètres de diamètre interne.
Les aiguilles en platine iridié sont préférables aux aiguilles en acier,
car, même après un long usage, elles glissent bien dans la peau. L'ai-
guille devra avoir un biseau court, de façon que ce biseau soit tout
entier à l'intérieur de l'enveloppe arachnoïdienne.
Enfin, il est de la plus haute importance que cette aiguille soit munie
d'un fil rigide en laiton, qui permettra de s'assurer, comme nous le
montrerons plus loin, de la perméabilité de l'aiguille.
Cette aiguille sera rendue aseptique par l'ébullition dans l'eau, pen-
dant dix minutes. Toutefois, il sera préférable d'avoir, dans un labora-
toire, des aiguilles stérilisées à l'autoclave, dans des tubes à essai : on
aura ainsi, à sa disposition, des aiguilles toujours prêtes.
2° Attitude du malade. Le malade sera placé, soit dans le décu-
bitus latéral, soit dans la position assise.
Le décubitus latéral s'impose dans les cas de méningite, chez les
comateux. Sicard le préfère chez tous 'les malades. Dans ce cas, le
sujet est mis dans la position en chien de fusil, on lui fait fléchir les
LIQUIDE I;IPII1L0-R : 1CIIIDIG\. 1121 I
genoux et rapprocher la tête de ses genoux, en cherchant à lui faire faire
« le gros dos ».
Pour la position assise, on pourra le faire mettre sur le bord de
son lit, ou sur un escabeau, ou enfin sur une chaise dont le dossier
soit placé latéralement ; on recommandera au malade de baisser la
tète en avant, de croiser ses bras, et de poser ses coudes sur ses
genoux.
5" Recherche des points de repère. La ponction lombaire sera
pratiquée dans l'espace situé entre la 4e et la 5e lombaire ; or, une ligne
transversale unissant les deux crêtes iliaques passe au niveau de l'apo-
physe épineuse de la quatrième lombaire. On prendra donc comme
point de repère les deux crêtes iliaques, on cherchera, sur la ligne
transversale qui les unit, une crête saillante (4e lombaire), et le doigt de
la main gauche marquera l'interstice sous-jacent. C'est à ce niveau que
t sera pratiquée la ponction.
4" Asepsie et anesthésie de la peau. - La région lombaire, autour
du point choisi, sera savonnée, lavée au sublimé, à l'alcool et à l'éther,
ou plus simplement nettoyée à la teinture d'iode et, après avoir fait cette
toilette de la peau, on pourra placer sur la région lombo-iliaque une
large compresse stérilisée, un champ opératoire, au centre duquel on
aura fait une fenêtre; ce champ opératoire permettra à l'opérateur, dont
les mains auront été aseptisées, de prendre de nouveau le repère des
crêtes iliaques sans se contaminer les mains.
L'ancsthésie de la peau pourra être obtenue par la simple application
d'un tampon d'éther; on se servira le plus souvent du chlorure d'éthyle.
Brissaud, Grenet et Rathery ont cherché à réaliser l'anesthésie des
plans profonds, en injectant une solution de cocaïne ou de stovaïne au
centième. Avec la cocaïne, il faut quatre à cinq minutes avant d'obtenir
une anesthésie; avec la stovaïne, l'anesthésie est presque immédiate.
5" Ponction du canal rachidien. On prendra l'aiguille de la main
droite, entre le pouce et le médius, à la façon d'une plume à écrire,
l'index étant appliqué sur le pavillon, et destiné à diriger l'aiguille.
L'aiguille sera enfoncée dans l'interstice marqué par l'index de la
main gauche, sur le côté interne de ce doigt, à un demi centimètre
environ de la ligne médiane, ou même, suivant Aubourg, au niveau de la
ligne médiane.
L'aiguille sera dirigée légèrement en haut et en dedans, elle sera
enfoncée doucement, et si l'aiguille pique bien, avec l'anesthésie au
chlorure d'éthyle le malade ne devra pas sentir la ponction. L'aiguille
traversera la masse musculaire et arrivera au ligament jaune qui présentera
une consistance un peu plus rude, mais facile à vaincre.
Le passage à travers ce ligament jaune donne une sensation spéciale
qui ne trompe pas, analogue à celle que l'on percevrait en piquant une
peau de tambour; cette sensation étant perçue, on pourra affirmer que
l'aiguille est dans le canal rachidien.
PRATIQUE 1(I- : UI\OL" 71 I
[O. CROUZON.]
'il 22 LIQUIDE CÉPIIALO-nACIIlDIEN.
L'aiguille sera entrée à ce moment de 4 à 6 centimètres chez l'adulte,
de 1 /2 à 5 5 chez l'enfant.
6" Écoulement du liquide. Le liquide s'écoule normalement goutte
à goutte, on enlève le fil conducteur qui a été laissé en place à l'intérieur
de l'aiguille, l'écoulement devient alors un peu plus rapide, le liquide
est recueilli dans des tubes effilés, destinés il la centrifugation; on
recueille, en général, trois centimètres cubes de liquide.
7° Incidents au cours de la ponction. A) L'aiguille est dans le
canal rachidien et l'écoulement du liquide ne se produit pas; c'est ici
qu'apparaît l'utilité du fil; nous avons vu que le fil devait être laissé à
l'intérieur de l'aiguille pendant la ponction, sans que, toutefois, il
dépasse le nivcau de l'aiguille ; si l'écoulement ne se produit pas, on
poussera légèrement le fil en avant, de façon à lui faire dépasser le
niveau de l'aiguille et à libérer ainsi l'orifice des débris cartilagineux
ou ligamenteux qui pourraient s'y trouver et l'obstruer. J
Si ce procédé ne réussit pas, on retirera et on poussera alternative-
ment l'aiguille de quelques millimètres, de façon à rechercher le point
optimum de l'enveloppe arachnoïdienne.
Mais, malgré ces manoeuvres, il arrive, de temps en temps, que le
liquide céphalo-rachidien ne s'écoule pas, et cet échec s'observe dans un
cas sur dix environ, d'après Sicard, et dans une proportion semblable,
dans une série de soixante ponctions lombaires que nous avons pratiquées
dans le service de M. Babinski.
Certains de ces cas peuvent être dus à l'existence d'une disposition
anatomique anormale; on a signalé, dans d'autres cas, l'existence de pus
collecté dans les méninges spinales, qui pouvait rendre impossible l'écou-
lement du liquide céphalo-rachidien (cas de Furbringer). '
B) L'aiguille pourra buter contre une lame vertébrale. Dans ce cas, il
faudra légèrement modifier la direction de l'aiguille pour trouver l'in-
terstice par tâtonnement.
C) Il peut s'écouler une petite quantité de sang au début de la
ponction.
Quelques gouttes de sang s'écoulent, puis sont suivies de gouttes san-
guinolentes plus claires, enfin le liquide céphalo-rachidien s'écoule lim-
pide. On le recueillera seulement alors cc moment, et on recomman-
dera au malade de ne pas faire d'effort pour éviter le retour de quelques
gouttes de sang qui viendraient souiller le liquide céphalo-rachidien.
D) Le malade pourra se plaindre d'une douleur vive au niveau du
pied, d'une crampe violente au niveau de la jambe.
Il s'agit, en ce cas, d'une piqûre d'une racine de la queue de cheval;
celle douleur est passagère, mais, dans certains cas, on pourra la faire
disparaître en changeant très légèrement l'aiguille de place.
8° La ponction est terminée. On retirera brusquement l'aiguille,
on nettoiera la région au sublimé ou à l'alcool, on pourra y appliquer un
peu de collodion ou une goutte de teinture d'iode.
LIQUIDE CI : PHALO-RACIIIDIEIV. 1125
9° Accidents de la ponction lombaire. On peut observer des acci-
dents immédiats et des accidents consécutifs.
A) Les accidents immédiats sont rares : ce peuvent être des vertiges,
des syncopes, Milian a apporté un exemple d'ictus apoplectique survenu
au cours d'une ponction lombaire; mais des accidents plus graves ont
été rapportés; on a observé, en Allemagne, plusieurs cas de mort immé-
diate au cours de la ponction lombaire.
Furbringer, sur 87 ponctions lombaires, a observé cas de mort
subite : 2 fois chez des urémiques, et 3 fois chez des individus atteints
de tumeur cérébrale. Lichteim, Gumprecht, Martin ont observé des cas
analogues. De Lapcrsonne et Cerise ont eu un cas de mort après ponction
lombaire dans un cas de tumeur cérébrale. Toutefois, cette complication
est rare. Jean Nunet et Lavoix ont fait le total des cas publiés jusqu'en
1909 et en comptent 34.
B) Accidents tardifs. Le plus important des accidents tardifs est
la céphalée; le mal de tête est assez fréquent après la ponction lombaire.
Milian a même dit qu'il était constant, mais il n'atteint une intensité
considérable que dans des cas exceptionnels; quelquefois, des vomisse-
ments s'y adjoignent, la température peut s'élever à 58° ou 39° ; on a
alors un tableau qui simule absolument la méningite; et Milian rapporte
un cas dont nous avons été personnellement témoin, où ce syndrome mé-
ningitique a duré huit jours. Nageotte (Société médic. des llôpit., 7 juin
1901), rapporte un cas semblable où la ponction lombaire, chez un
épileptique, provoqua la céphalée, des nausées et des vertiges pendant
huit jours après la soustraction d'un centimètre de liquide.
Ces accidents étaient attribués autrefois à la piqûre des méninges, ou
à la soustraction d'une quantité de liquide. Sicard pense qu'il y a ouver-
ture des méninges en un point déterminé ; que cette ouverture permet
l'écoulement du liquide céphalo-rachidien dans le tissu cellulaire sous-
cutané ; et c'est cette prolongation de l'écoulement qui produit la céphalée.
L'antipyrine a peu d'effet sur cette céphalée ; pour l'éviter on conseillera
au malade le repos, ou on le mettra la tête en bas, sorte de position de
Trendelenburg ; cette position évitera, suivant Sicard, l'écoulement du
liquide céphalo-rachidien par les pertuis restés ouverts.
Mais, d'autre part, Assépow, dans des recherches expérimentales sur
des chiens, a constaté que la ponction lombaire provoquait une hyperé-
mie des méninges et pouvait augmenter une hémorragie cérébrale déjà
existante.
Enfin, on a signalé des modifications des réflexes tendineux : diminu-
tion, après la ponction, des réflexes rotuliens (Pita et Abasie). ou enfin
l'apparition d'un clonus du pied. D'autre part, Mongourd, de Bordeaux
(Société Biologie, 1q0), a signalé une légère augmentation des réflexes
après la ponction lombaire. Quoi qu'il en soit, ces accidents sont des
plus rares. Ségua a signalé aussi, chez le cobaye, la diminution des mou-
vements réflexes à la suite de la soustraction du liquide.
i
. [O. CROUZON.
H24 LIQUIDE CÉPIIALO-RACHIDIEN.
On a signalé enfin (Henneberg) des hémorragies de la queue de
cheval à la suite d'une ponction lombaire.
Résultats de la ponction lombaire. Pression. Le
liquide s'écoule en général goutte à goutte, c'est là l'écoulement normal,
mais il peut se faire que le liquide s'écoule en jet, ou très rapidement;
dans ces cas, il y a augmentation de la pression; cette pression peut être
mesurée à l'aide d'un manomètre, plusieurs instruments ont été con-
struits dans ce but, l'un sur les indications de Kroenig, de Berlin, un
second plus récemment sur celles de Frank Eve par Allen et Hamburger :
l'instrument consiste en une aiguille à ponction lombaire à laquelle est
adapté un tube de verre gradué, d'un côté et de l'autre, un tube permet-
tant au liquide de s'écouler dans le tube à essai.
La pression calculée suivant l'appareil de Frank Eve est normalement
de 5 à 8 pouces.
Calculée par rapport à une colonne d'eau, elle est chez un adulte couché
de 120 millimètres. Quand il est assis, elle s'élève à 330 ou 350 d'après
Kroenig.
Parisot a construit un manomètre double. '
En pratique, on peut souvent se passer du manomètre et l'on appré-
ciera la pression du liquide d'après l'écoulement, à condition que l'ai-
guille ait été bien nettoyée et bien ramonée au trocart.
La pression du liquide céphalo-rachidien a pu être étudiée dans
diverses maladies. Dans l'épilepsie, Nageotte et Jamais (Société mé-
dicale des Hôpitaux, i 7 janvier 1902) ont constaté que le liquide s'écoule
avec rapidité chez la plupart des malades; chez plus de la moitié d'entre
eux il se produit un jet continu pendant toute la durée de l'écoulement.
Ces faits ont été confirmés aussi par Biro. Dorméa l'a étudiée dans
l'épilepsie expérimentale sur des chiens; il a trouvé la pression augmentée
pendant l'accès épileptique.
La pression a été trouvée encore augmentée dans les méningites en
général (Quincke, Falkenheim, Naunya), dans l'urémie, dans l'hyd1'o-
céphalie. Cependant une pression normale a été rencontrée, dans ces
mêmes maladies, et on ne peut tirer aucun argument de l'absence de
cette augmentation de pression.
Quantité du liquide céphalo-rachidien. La quantité de liquide
céphalo-rachidien que l'on retire par une ponction lombaire sera variable
suivant qu'on pratique cette ponction lombaire dans un but diagnostique
ou dans un but thérapeutique; comme nous le verrons, cette quantité
se a de 5 centimètres cubes dans une ponction lombaire pour un cyto-
diagnostic. Dans une ponction lombaire thérapeutique, la quantité pourra
être beaucoup plus considérable ; dans ce but, il est important de con-
naître la quantité normale de liquide céphalo-rachidien que Magendie
déclarait être de 62 grammes, Cotugno de 125 à 155. Cette quantité peut
du reste varier suivant les sujets; elle semble plus considérable chez, les
vieillards, suivant certains auteurs, d'après Mya au contraire, elle attelli-
LIQUIDE CÉPIiALO-RACfiIDIEN. H21
drait son maximum vers la deuxième ou troisième année de la vie; puis
irait graduellement en diminuant.
Aspect du liquide. Le liquide céphalo-rachidien normal est clair
comme de l'eau de roche, comparable au liquide du kyste hydatique
(Milian), sa mobilité est très grande; agité, il retombe plus vite et mouille
moins que l'eau. Il devient trouble ou purulent dans les méningites
cérébro-spinales, reste au contraire limpide dans la méningite tubercu-
leuse, enfin, il peut être rosé ou rouge dans les hémorragies du névraxc.
On observe quelquefois un syndrome de méningite puriforme aseptique
avec intégrité des polynucléaires (Widal et A. Brissaud), Widal, Lemierre
et Boivin. Dans certains cas, cet état du liquide était dû à la syphilis des
centres nerveux. La valeur de cette coloration est telle, que le mot
chromo-diagnostic a été créé pour désigner les éléments de diagnostic
qui peuvent être tirés de cet aspect.
Chromo-diagnostic. Tuffier et Miliau, pour apprécier la valeur
exacte du symptôme, ont insisté sur la technique à appliquer à cette
étude. Il faut en effet éviter les causes d'erreur suivantes : l'aiguille en
traversant les tissus a piqué une veine de la peau ou des muscles, dans
ce cas le début seul de l'écoulement est teinté.
10 En recueillant le liquide dans trois tubes successifs, .on verrait que
le premier tube est le plus teinté, que le second n'a plus qu'une teinte
très minime et que le troisième est absolument limpide;
2° Un autre caractère permet de reconnaître le sang qui ne vient pas
de la cavité arachnoïdienne; en effet, dans les hémorragies intra-rachi-
diennes, le liquide sanguinolent obtenu n'est pas coagulable, les globules
rouges se déposent au fond du tube sous l'action de la pesanteur, mais
sans formation de caillot. Le sang venant directement des vaisseaux au
moment de la ponction coagule immédiatement : un caillot se dépose au
fond du tube si l'hémorragie est suffisante; si elle est peu abondante,
on trouvera seulement quelques flocons fibrineux nageant dans le liquide;
3° Il peut se faire que le sang s'écoule mêlé de liquide céphalo-rachi-
dien quand une aiguille à biseau longue se trouve à la fois dans une cavité
arachnoïdienne et dans une veine. Dans ce cas, il suffira d'imprimer des
mouvements de va-et-vient à l'aiguille pour que l'écoulement de sang
diminue.
Ainsi donc, nous avons trois procédés : procédé des trois tubes avec
différence de coloration, non coagulabilité du liquide, disparition de
l'écoulement rosé par les mouvements de va-et-vient qui nous permettront
de conclure à l'origine arachnoïdienne du sang.
Variations de coloration du liquide céphalo-rachidien hémorra-
gique. A) Teinte sanglante rouge cerise. Elle s'observe dans les
grandes hémorragies : hémorragie cérébrale, fracture du crâne ; cet
aspect est pathognomonique. La numération des hématies montre
9 2t10 000 hématies par millimètre cube environ (Milian), ces hématies
disparaissent rapidement et on voit apparaître le plus souvent la lym-
[O.CROUZON.]
))2fi LIQUIDE CL'l'IIALO-I; : 1CIIIDII\.
phocylose qui est l'indice de terminaison du processus et résorption.
B) On peut constater une couleur rosée ou couleur chair (Milian).
A cette coloration correspond environ 10000 hématies par millimètre
cube. Elle répond aux petites hémorragies ou aux hémorragies an-
anciennes dont une partie est déjà résorbée.
C) Coloration jaunâtre du liquide céphalo-rachidien (xantlwrromie .)
Cette coloration jaunâtre a pu être observée par Tuffier et Milian au
décours d'une hémorragie du liquide céphalo-rachidien dans une frac-
ture du crâne ; on peut observer donc cette teinte jaune du liquide dans
les hémorragies; la première explication qui avait été admise par Bard
et Sicard était que cette xanthochromie était due à l'hémoglobine, du
sang épanché y subissant une coloration pigmentaire spéciale. Il semble.
d'après les travaux de Gilbert et Herscher et ceux de Tuffier et lflilian,
que ce sérum soit coloré en jaune par un pigment : serochrome, plus
ou moins abondant suivant les sujets et qui est le témoin de la cholémie;
on conçoit alors que si une hémorragie du névraxe se produit au-dessus
du caillot, persistera un sérum qui par serochromie teintera le liquide
en jaune. Milian et Chiray ont rapporté une observation de méningite
il pneumoccoques qui démontre que cette xanthochromie n'est nullement
pathognomonique de l'hémorragie arachnoïdienne.
Coagulation du liquide céphalo-rachidien. Babinski a observé un
cas où la ponction lombaire retirait un liquide légèrement hémorra-
gique, prenant en masse : il s'agissait d'une véritable méningite fibri-
neusc hémorragique. Cestan et Ravaut ont observé un cas analogue, une
coagulation en masse associée à la xanthochronlie dans une pachyrnénin-
gomyélite du cône terminal. Ils ont fait le relevé des observations ana-
logues connues et n'en ont trouvé (pie dix.
Derrien, Mestrezat et Roger, Sicard et Descomps ont observé des cas
analogues avec xantoclrromie et hémalo-lymphocylose.
Densité du liquide céphalo-rachidien. La densité est variable sui-
vant les différents auteurs : .
Acbard et Locper l'évaluent 1,00 ? 1 ,004 ; Toison et Lenoble I,(101;
Marc Séc à 1 ,00(i et Lheriticr à 9,002; Widal et Sicard lui ont trouvé une
valeur de 1,004 à 1012 chez les tabetiqucs et les paralytiques généraux.
La composition chimique du liquide céphalo-rachidien est la suivante
d'après Ch. Robin : 4V-
LIQUIDE CÉI'lIALO-R : lCIlIDIGV. , 1127
On a pu voir cette composition chimique varier dans certaines con-
ditions. La teneur en albumine qui est très légère, suivant Robin, et aussi
suivant Marchand et Méhu, qui est même même nulle d'après Arthus et.
Schmid, peut être augmentée dans certaines affections des centres nerveux
suivant Sicard, Quincke, etc.
A l'état normal, le liquide céphalo-rachidien contient une substance
réductrice de la liqueur de Fehling. Grimberg et Coulot, Rossi, puis
Launois et Boulu ont montré que cette substance était le glucose, dont la
teneur normale est de 0,40 et 0,50 pour 1000, c'est-à-dire le tiers de la
quantité de glucose renfermé dans le sérum. De plus, Launois et Boulu ont t
constaté que, dans le diabète, la quantité de sucre était 3 ou 4 fois plus
grande qu'à l'état normal.
On a pu voir le glucose dans le liquide céphalo-rachidien des diabé-
tiques (Achard et toper, Widal et Sicard). Widal a pu voir le sucre
baisser proportionnellement après un régime, à la fois dans les urines et
dans le liquide céphalo-rachidien.
L'urée a été trouvée en forte proportion dans le liquide céphalo-rachidien
des urémiques (Comso). Dans le liquide céphalo-rachidien l'azote total
égale l'azote de l'albumine augmentant dans les maladies parallèlement
à l'augmentation de l'albumine; l'azote résidual varie peu, Comso ne l'a
trouvé augmentée considérablement que dans deux cas d'urémie.
Le liquide céphalo-rachidien n'est pas toxique.
Cryoscopie. Le point cryoscopique du liquide céphalo-rachidien
est de 0.72 à 0.78 suivant Widal, Sicard et Bavant (Soc. Biologie,
20 août 1900), alors que le sérum sanguin a un point cryoscopique de
0.5G. Ce. point cryoscopique baisse du reste dans la méningite tuber-
culeuse et dans la méningite cérébro-spinale.
Méthode cryoscopique de Bard. -Bard a proposé un procédé clinique
de détermination de l'isotonicité du liquide céphalo-rachidien, à l'état
normal; le liquide céphalo-rachidien a un degré cryoscopique inférieur à
celui du sang, c'est-à-dire qu'il est hypertonique. Une goutte de sang
de l'individu mélangé à une petite quantité de son liquide céphalo-rachi-
dien lui donne une coloration inégale d'un aspect trouble. Au microscope,
les globules rouges sont intacts et après centrifugation le liquide est inco-
lore ; au contraire, un liquide hypertonique a un aspect limpide, d'un
beau rouge, et les globules rouges sont dissous; après centrifugation le
liquide est jaune, on peut donc, par ce procédé, apprécier si un liquide
est hyper ou hypotonique ; mais on ne peut pas mesurer le degré exact de
l'isotonie; cependant en ajoutant au liquide céphalo-rachidien, goutte à
goutte, une certaine quantité d'eau distillée on ramène le liquide céphalo-
rachidien à une teneur moins élevée et on peut le rendre isotonique au
sang, le laquage se produira; on pourra donc calculer d'après le nom-
bre de gouttes d'eau distillée qu'on aura dû ajouter pour arriver à l'iso-
tonie l'écart de tonicité entre le liquide céphalo-rachidien et le sang.
Perméabilité méningée. A l'état normal, la méninge rachidienne
[0. CROUZON.]
1128 LIQUIDE CLPIiAT.O-RAClIIDIC1.
n'est pas perméable aux substances ingérées ou injectées dans l'organisme ;
par exemple l'iodure de potassium, le bleu de méthylène. Pour mesurer
la perméabilité de l'iodure de potassium on fera ingérer au malade deux
grammes d'iodure et on les cherchera dans le liquide céphalo-rachidien
par le réactif classique, à l'amidon; on voitapparaitre une coloration bleue
due à l'action de l'iode sur l'amidon, s'il y a de l'iodure dans le liquide
céphalo-rachidien.
Le passage du bleu est plus facile encore à constater : après avoir injecté
un centimètre cube d'une solution de bleu de méthylène dans la fesse, on
recherchera l'apparition de la coloration bleue dans le liquide céphalo-
rachidien. Cette recherche se fera directement ou en versant dans le liquide
céphalo-rachidien une quantité de chloroforme, que l'on mélangera à ce
liquide; le bleu sera pris par le chloroforme qui mettra en évidence la
coloration. Par la chaleur seule on pourra quelquefois mettre en évi-
dence non plus le hleu, mais le chromogène.
La perméabilité méningée n'existe donc pas à l'état normal, elle exis-
tera au cours de certaines méningites tuberculeuses; dans certains cas
d'urémie nerveuse.
La perméabilité à l'égard du mercure a été constatée au cours de l'hy-
drargyrisme chronique par Raymond et Sicard. L'imperméabilité a été
constatée au contraire au cours du traitement hydrargyrique prolongé
par Launay et Lelioiix chez six tabétiques auxquels on faisait une injection
hebdomadaire de calomel de cinq centigrammes.
CYTO-DIAGNOSTIC ,-
Le liquide est recueilli dans un tube à. essai effilé comme nous l'avons
dit à propos de la technique de la ponction lombaire. Dans la plupart des
cas, on recueille deux tubes : l'un servira pour le cyto-diagnostic, l'autre
pour l'examen bactériologique. Pour faire le il suffira
de recueillir centimètres cubes dans le tube à centrifuger.
1° On place ce tube dans un centrifugeur, celui de Krauss par exemple,
à main, à eau ou dans un centrifugeur électrique; on fera la centnfu-
gation pendant dix minutes au minimum ;
2° Le tube sera alors renversé, on en jettera le contenu qui pourra du
reste servir ensuite à des examens chimiques, on égouttera ce tube, en le
reversant et en essuyant les hords avec du papier filtré ;
3° On recueillera le culot de la façon suivante : on fera usage d'une
pipette dont i'extremite-nnernent effilée soit un véritable tube capillaire-
L'extrémité fine de cette pipette devra être sectionnée perpendicutai-
rement il la lumière et non en biseau. Avec une pipette ainsi construite,
que chacun pourra du reste confectionner dans son laboratoire extcm-
poranément, on pourra très aisément recueillir le culot qui montera dans
le tube par capillarité. Pour cela il suffira, le tube étant tenu renversé.
LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN. 1120
d'introduire la pipette, de l'appliquer au fond du tube; le liquide du culot
montera de lui-même et on recueillera le culot tout entier en promenant
doucement la fine extrémité de la pipette le long des parois du fond du
tube. Le liquide monte alors dans le tube capillaire sur une hauteur d'un
centimètre au minimum.
4° Le liquide recueilli dans la pipette sera déposé sur deux lames de la
façon suivante : on déposera sur chacune d'elles le liquide, de façon à ne
former sur chacune qu'une goutte, qui en s'étalant aura les dimensions
d'une pièce de cinquante centimes au maximum.
5° On porte les deux lames à l'étuve à 37 degrés pour les faire sécher,
ou on les laisse exposées à l'air pendant quelques heures. 1
6° On fixe les préparations en les plaçant pendant 20 minutes au mi-
nimum dans un mélange à parties égales d'alcool et d'éther (on pourra se
servir également de tout autre liquide fixateur du sang).
7° On colorera les lames, avec deux colorations différentes. A. L'une par
une coloration simple, le bleu de Unna étendu de moitié d'eau; on laisse
la lame dans le mélange pendant 5 à 5 minutes, on décolore par l'alcool
absolu jusqu'à ce que l'alcool renversé s'égoutte clair. Avec cette colo-
ration, les globules rouges seront teintés en vert clair, les noyaux des
globules blancs apparaîtront en bleu foncé.
B. La deuxième lame sera soumise à une double coloration, on la plon-
gera tout d'abord dans une solution d'éosine à l'eau à 1 ? pendant cinq
minutes, on la lavera à l'eau courante, on la plongera ensuite dans une
solution d'hématéine ou d'hérnatoxyline pendant cinq minutes aussi, on
lave ensuite à l'eau de fontaine pour assurer le virage de l'hématoxyline
et on passe à l'alcool absolu; avec cette coloration, les globules rouges et
le protoplasma des globules blancs sont colorés en rouge par l'éosine, les
noyaux des globules blancs sont colorés en bleu par l'hématoxyline.
Après le passage à l'alcool de l'une et l'autre lame, on pourra les éclair-
cir au xylol, les monter au baume ou il l'huile de cèdre.
On peut encore faire le cyto-diagnostic par la méthode d'Alzheimer
qui consiste à ajouter de l'alcool goutte il goutte au liquide cépha ! o-ra-
chidien, à centrifuger, à durcir le culot par l'alcool absolu, à l'inclure
dans la colloïdine et à le couper.
Résultats généraux du cyto-diagnostic. A l'état normal le liquide
céphalo-rachidien ne renferme que quatre à cinq lymphocytes (petits
mononucléaires) par champ de microscope. A l'état pathologique, on
pourra rencontrer des globules rouges dans les hémorragies du névraxc.
Dans les processus inflammatoires méningés on rencontrera dans le liquide
céphalo-rachidien une abondance de polynucléaires ou de lymphocytes.
Les polynucléaires sont plutôt l'indice d'un processus méningé aigu.
Les lymphocytes sont l'indice d'un processus méningé subaigu ou chro-
nique.
En effet, alors que les polynucléaires ont pourbut de phagocyter les micro-
bes, de jouer le rôle de microphages, les mononucléaires sont l'indice d'un
[0. CROUZON.]
1150 LIQUIDE CÉPIIALO-RACIIDIEN.
processus qui se termine; aussi les lymphocytes peuvent-ils succéder aux
polynucléaires, ils digèrent les gros éléments cellulaires tels que les hé-
maties ou les polynucléaires, et quelquefois ils parviennent aussi à détruire
le bacille de la tuberculose.
Ainsi donc, devant un processus microbien méningé, on verra appa-
raître les polynucléaires, sauf dans les cas de tuberculose; les lymphocytes
se trouveront dans la tuberculose et dans tous les processus méningés
chroniques.
On pourrait se demander quel est le mécanisme intime de laproduction
de cette lymphocytose ou de cette polynucléose ; le mécanisme a été étudié
dans la méningite tuberculeuse et dans la paralysie générale par Anglade
et Chevreaux; les lymphocytes proviennent, d'après eux, des vaisseaux
piemériens et aussi de l'épithélium ventriculaire. '
Il convient, de plus, de faire toutes réserves sur le cyto-diagnostic du
liquide céphalo-rachidien retiré après la mort (Villa..., el, Tixier). A
RECHERCHES CHIMICIUES SUR LE LICIUIDE
RECHERCHES CHIMIQUES SUR LE LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN .
Recherche des albumines. La recherche de l'albumine dans le
liquide céphalo-rachidien se fait par ébullition. A l'état normal t'ébuiii-
tion provoque une légère opalescence. Mais la précipitation il froid de
la globuline par une solution saturée de sulfate de magnésie empêche la
production de cette opalescence. Au contraire, la même réaction chez les
paralytiques généraux provoque un trouble très prononcé. Cette recher-
che avait été l'aile antérieurement par Widal, Sicard, René Monod qui
avaient trouvé la quantité d'albumine augmentée au cours de processus
aigus méningés. Mais cette étude a surtout été faite chez les paralytiques
généraux et les tabétiques. Widal, Sicard et Itavaut (son. Neurologie,
2 avril 190), ont publié une série d'observations de paralytiques géné-
raux, de tabétiques, de méningo-myélites et de myélites syphilitiques
où ils ont constaté cette réaction de l'albumine. Guillain et Parant dans la
même séance de la Société de Neurologie ont constaté la même réaction
seize fois sur seize paralytiques généraux examinés.
Vingt observations de psychoses diverses examinées comparativement 1
n'ont pas montré celle réaction. Les auteurs montrent que la réaction de
l'albumine est parallèle à la lymphocytose. Cependant, on trouve l'alhu-
mine même dans le liquide céphalo-rachidien privé d'éléments cellulaires
par centrifugation.
Recherche de la choline. La choline dans le liquide cuhllalo-ra-
chidien peut être recherchée ctiniquementde la façon suivante. On prend
dix centimètres cubes de liquide céphalo-rachidien qu'on place dans une
éprouvette stérile. On les acidulé par l'acide on évapore
il siccité ; on épuise le résidu par l'alcool absolu. On a alors du chlorhy-
drate de choline. On ajoute ensuite une ou deux gouttes d'une solution
dans l'alcool absolu de chlorure de platine. On obtient un précipité de
LIQUIDE ( : Ll'IIALO-lt.1C111DfG\. 1151
chlorure double de platine et de choline, chloroplatinate de choline. H
est nécessaire, pour ne pas avoir de cause d'erreur, d'employer l'alcool
absolu : sans quoi, on pourrait être induit en erreur par la présence de
cristaux de chlorure. Cette recherche de la choline est donc assez simple.
Elle a été faite tout d'abord par 1-loti et Ally Burton.
Cette substance ne se rencontre pas dans le liquide céphalo-rachidien
normal. Elle ne se rencontre pas dans l'hystérie. Elle a été constatée dans
le liquide cérébro-spinal des tabétiques, scléroses combinées, scléroses
en plaques par Mott et Ally Burton. Elle a constaté dans le liquide
céphalo-rachidien des épileptiques et des maladies organiques par
Denalh. Enfin, S. A. K. Wilson, d'Edimbourg, a communiqué à la Société
de Neurologie du 14 avril 1cJ(1 ! ses recherches sur la choline faites dans
le service de Pierre Marie. Il a pu constater la présence de la choline
dans huit cas sur 12 de tabes. Il l'a trouvé, aussi dans l'épilepsie, dans
les tumeurs cérébrales, dans l'hématomyélie. Il montre qu'il y a corré-
lution entre l'apparition de la choline et l'apparition des corps granu-
leux. Mais la choline n'a pas de rapport apparent avec la lymphocytose.
La lymphocytose dénote un processus méningilique, la choline, un pro-
cessus parenchymateux. Cependant, M. Pierre Marie a fait remarquer
que cette présence de choline n'est pas exactement en rapport avec
l'intensité de la dégénération nerveuse : elle est presque constante chez
les tabétiques anciens, et elle n'est pas plus abondante dans les cas de
désorganisation myélinique rapide.
Liquide céphalo-rachidien dans les ictères chroniques. Gilbert
et Castaigne (Presse médicale, 5 novembre 1900) ont pratiqué la ponc-
tion lombaire chez 18 ictériques. Dans trois cas, ils ont pu, par les
réactions classiques de Gmelin et de Pettenkoll'er constater la présence
de pigments et de sels biliaires, Ces éléments disparurent après la gué-
rison et la cessation des accidents. Le passage de ces pigments et sels
biliaires dans le liquide céphalo-rachidien est mal expliqué par ces
auteurs. Plus tard, Widal, Sicard et Ravaut ont constaté un pigment
dérivé dans le liquide céphalo-rachidien d'un ictère chronique. Ils pen-
sent qu'il s'agit d'un pigment dérivé de la toile ou du sérum sanguin,
car les réactions chimiques n'étaient pas positives.
Enfin Bard, de Genève, a pu dans un épanchement hémorrhagique du
liquide céphalo-rachidien constater la transformation de l'hémoglobine
en pigment biliaire avec réaction nette de Gmelin et de Pettcnkoner.
Recherche des chlorures dans le liquide céphalo-rachidien.
Le chiffre des chlorures dans le liquide céphalo-rachidien an cours des
maladies des enfants a été étudié par Domenico Crisofi. Ce chiffre a été
trouvé augmenté dans les cas de broncho-pneumonie aiguë et diminué
dans les méningites.
Toxicité du liquide céplznlo-rachidien. Elle a été étudiée dans
l'épilepsie par Dide et Sacquépée et paraît augmentée après les attaques
convulsives. Elle est également, augmentée dans l'urémie (Castagne).
[0 CROUZON.]
1152 . LtQUIDECËPHALO-RAMHDOEN.
' EXAMEN BACTÉRIOLOGIQUE
Nous ne pouvons entrer ici dans les détails de la technique bactério-
scopique du liquide céphalo-rachidien. Elle ne diffère en rien de celle
des autres humeurs de l'organisme.
Séro-diagnoslic. La réaction de Wassermann, comme la réaction
de Porges, peuvent être faites pour le diagnostic de la syphilis avec le
liquide céphalo-rachidien.
Les résultats généraux de la ponction lombaire sont basés sur les re-
cherches de nombreux auteurs que nous retrouverons pour la plupart
dans les résultats particuliers que nous allons maintenant étudier.
ÉTUDE DU LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN DANS LES MALADIES NERVEUSES
Le liquide céphalo-rachidien, dans les maladies nerveuses chroniques
qui sont le principal objet de cet ouvrage, doit être étudié d'une façon
pratique, surtout au point de vue du cyto-diagnostic.
Liquide céphalo-rachidien dans le tabes. Le cyto-diagnostic du
tabes a été fait par René Monod, Widal, Sicard et Ravaut.
La lymphocytose leur a semblé dans le tabes presque constante, mais
leurs statistiques portaient sur un petit nombre de cas à cette époque,
elles ont été confirmées dans l'important travail de Babinski et Nageotte.
Quelques objections présentées par Déjerine, Armand Delille et Camus
ont provoqué des examens systématiques dont les résultats ont été com-
muniqués il la séance du 5 mars 1905, de la Société de Neurologie. Ces
résultats furent les suivants : Brissaud et Bruandet eurent huit cas posi-
tifs sur huit malades, Souques trois positifs sur trois. Babinski rapporte
dix cas positifs; Ballet et Delherm sur huit cas trouve des résultats
positifs cinq fois. Pierre Marie et Crouzon, dans vingt cas, ont une
lymphocytose très nette, sauf dans un cas où elle était discrète. Froin,
dans sept cas, trouve la lymphocytose dans tous les cas, Gombaud et
lIMIb1'Orl, dans onze cas, ne trouvent qu'un résultat négatif; Milian constate
aussi la lymphocytose dans le tahes; tous ces résultats s'opposent de la
façon la plus nette aux constatations d'Armand Delille et Camus. Les
examens ont été du reste pratiqués à des époques variables du tahes;
Vaquez l'a trouvé dans des tabès frustes; Pierre Marie et Crouzon, Gom-
haut et llalbron avaient choisi des tabétiques de dates et de formes
les plus variables.
Depuis lors, ces résultats ont été confirmés à l'étranger par Erb,
Schoenbol'l1, Campbell, etc On peut donc dire aujourd'hui que dans le
tabès la lymphocytose est la règle, l'absence de lymphocytose l'exception.
Toutefois, on peut observer des poussées de polynucléose comme dans
les deux cas de Vaillant et Tixier.
Liquide céphalo-rachidien dans la paralysie générale. - La consta-
tation de la lymphocytose dans la paralysie générale a été faite par René
LIQUIDE CPHALO-RACHIDIF
Monod, Widal, Sicard et Ravaut dans leurs comiruri Jti le cyto-
diagnostic du tabès; après eux, Séglas, Nageotte et"jo1fronfirment la
présence de la lymphocytose; Mercié et Jamais, Belin et Bauer font les
mêmes constatations.
Ainsi donc, ici encore la lymphocytose est la règle. Cependant, la lym-
phocytose a été absente dans un certain nombre d'observations, celles
d'Achard et Grenet, d.'Ardin-Delteil. Dupré, sur 25 cas, n'a trouvé qu'une
seule exception à la règle; mais à côté de la règle il existe des cas, où à
côté de la lymphocytose, on a pu constater de la polynucléose, Widal et
Lemierre ont constaté cette lymphocytose au cours des poussées conges-
tives de la paralysie générale. On a constaté aussi d'autres faits anormaux
dans le liquide céphalo-rachidien ; Belin et Bauer ont constaté en dehors
d'une polynucléose un liquide louche pendant plus de trois mois; ces
faits peuvent être rapprochés des suppurations méningées constatées à
l'autopsie de paralytiques généraux.
Enfin, dans le tabes, comme dans la paralysie générale, la réaction de
Wassermmn a été trouvée dans le liquide céphalo-rachidien (Charrier,
Marie et Levaditi).
Liquide céphalo-rachidien dans les maladies mentales. Les
études faites sur ce point ont été négatives et s'opposent très nette-
ment aux résultats obtenus dans la paralysie générale. Dans l'épilepsie,
dans la manie, dans la paranoïa, chez les persécutés hypocondriaques,
dans la démence sénile, dans la démence organique par ramollissement
cérébral, dans la mélancolie avec délire, les résultats ont été nuls d'après
les travaux de Nageotte et Jamet, de Séglas et Nageotte, de Dupré et
Devaux, de Duflos ; ils ont été confirmés par Nissl, en Allemagne, la seule
affection qui fasse exception à la règle, est, semble-t-il dans certains cas
la démence précoce : Camus et Lhermitte, dans six cas sur vingt, ont
trouvé une lymphocytose avérée chez des malades arrivés à la phase ter-
minale.
Liquide céphalo-rachidien dans le zona. 1° Cytodiagnostic,
L'étude cytologique du zona a donné lieu à de nombreux travaux. Bris-
saud et Sicard, Achard et Loeper, Dopter, Hirtz et Salomon, Follet et Sac-
quépée, Achard et Froin, Griffon, Widal et Le Sourd, etc..., ont constaté
la lymphocytose dans la moitié environ des cas de zona. Il s'agit donc
dans ces cas d'une réaction méningée subaiguë, qui permettra d'appré-
cier l'origine centrale méningo-médullaire de certains zonas et de les
distinguer des zonas périphériques.
Un point intéressant de ce cyto-diagnostic est la persistance d'une lym-
phocytose qui a été constatée tout d'abord par Chauffard et Froin au trente-
et.-unième jour et au vingtième jour de zona et même chez un autre
malade après six mois et demi, Achard et Grenet ont cité un l'ait du même
genre. Enfin Brandès (de Bordeaux) a même cité deux cas de lymphocy-
tose persistant onze mois après et dix ans après. Chauffard et Froin font
ressortir un autre point intéressant : les lymphocytes de la période avancée.
[O. CROUZON.}
1154 LIQUIDE CÉPHALO-RACllIDlEN.
dans le zona sont plus petits que ceux du début, il y aurait donc une micro-
lymphocytose de la période avancée;
2° Examen bactériologique. Achard, Loeper et Laubry ont étudié
le zona au point de vue bactériologique. Dans dix-sept cas, ils ont trouvé
neuf fois des cultures positives, dont cinq fois des bacilles, qui, dans un
cas, pouvait être rangés dans le groupe des coli-bacilles, une fois le strep-
tocoque, deux fois le staphylocoque, une fois le bacille pyocyanique.
Dopter a trouvé dans un diplo-bacille ne prenant pas le Gram, se rap-
prochant d'un de ceux d'Achard et Lceper, mais liquéfiant la gélatine.
Ces résultats sont donc des plus vagues et ne peuvent être considérés
que comme des constatations d'attente.
Examen du liquide céphalo-rachidien dans les hémorragies du
névraxe. Nous avons vu plus haut la technique du chromo-diagnostic
indiquée par Tuffier et Milian [procédé des trois tubes, absence de varia-
tions dans la coloration malgré le déplacement de l'aiguille, absence de
coagulation du sang]. Il semble donc, d'après Tuffier et Milian que la
teinte sanguinolente du liquide céphalo-rachidien conserve toute sa valeur.
Toutefois, Sicard n'admet pas la valeur pathognomonique de cette teinte
sanguinolente. Suivant Sicard, la coloration jaune verdâtre a encore une
très grande valeur; en dehors des affections nerveuses, cette teinte n'a a
été observé que dans l'urémie, et très exceptionnellement dans la ménin-
gite purulente et dans la méningite tuberculeuse. Cette coloration paraît
dùe à un pigment spécial dérivé de l'hémoglobine, telle est. l'opinion de
Bard en ce qui concerne cette coloration jaunâtre. Dans d'autres cas, le
liquide céphalo-rachidieu n'est pas rouge en apparence, mais il est histo-
logiquement hémorragique comme dans le cas de Dupré et Sébileau.
Sabrazès et Muratet (de Bordeaux) ont pu constater la présence de volumi-
neuses cellules rondes, ovalaires, polyédriques, en raquette, isolées, sou-
dées ou agminées, pourvues d'un noyau oval souvent marginal et riche en
nucléoles; le protoplasma exubérant de ces cellules a englobé des héll1a -,
ties, parfois au point d'en être littéralement bourré, il peut contenir aussi
des granulations ou des morceaux d'hématoïdine, des débris leucocytaires,
des vacuoles. Ces cellules sont donc hémato-macrophages ; elles sont
symptomatiques de l'hémorragie méningo-encéphatique ; les auteurs fai-
sant l'autopsie de la malade observée par eux ont pu constater un ramol-
lissement hémorragique avec corps granuleux dont l'apparence était
tout à fait la même que celle des cellules hémato-macrophages du liquide
céphalo-rachidien.
Nous venons de voir les divers aspects que peut revêtir t'épanchcmcnt
hémorragique dans le liquide cél>halo-racliüen; quelle est la significa-
tion de cette hémorragie du liquide céphalo-rachidien ? : elle est le témoin
d'une hémorragie sous-arachnoïdienne, qui peut être elle-même primi-
tive, soit d'origine alcoolique, par rupture spontanée des vaisseaux, soit
d'origine traumatique, chez l'adulte ou chez l'enfant; mais elle peut aussi
être le témoin d'une hémorragie cérébro-méningée, c'est-à-dire d'une
LIQUIDE CÉI)HALO-1 ? CIIIDIELN. 1 t35
hémorragie encéphalique, ayant fait issue soit dans les ventricules, soit
dans les méninges de la convexité.
Enfin, elle peut s'observer au cours des hémorragies cérébrales, sans
inondation ventriculaire, ni inondation méningée d'après Crouzon; il
existe en effet, au cours des hémorragies cérébrales, des hémorragies
pie mériennes siégeant au niveau de la moelle, de la surface du cervelet,
et de la surface même du cerveau, qui ne sont nullement dues à une
inondation méningée, elles sont secondaires à une hémorragie cérébrale,
mais sans rapport direct avec elle ; l'aspect hémorragique du liquide
pourra donc être causé par elle, aussi Crouzon pense que la couleur
sanglante du liquide céphalo-rachidien n'est pas nécessairement imputable
il l'inondation méningée et peut être le signe d'une hémorragie cérébrale
à topographie normale. Des faits analogues ont été observés depuis par
Faure-Beaulieu et Fage et confirment cette manière de voir.
Examen du liquide céphalo-rachidien dans les méningites.
1) Méningites tuberculeuses. La ponction lombaire dans la méningite
tuberculeuse a été faite d'abord par Widal, Sicard et Ravaut qui ont
constaté la présence des lymphocytes dans le liquide céphalo-rachidien.
Il nous suffira de mentionner les travaux confirmatifs de Guinon et Simon,
de Variât de Tarruelle. Faisans a observé la lymphocytose dans une mé-
ningite tuberculeuse avec aphasie et hémiplégie, Souques et Quiserne
l'ont trouvée dans une méningite tuberculeuse à forme hémiplégique.
Cependant quelques auteurs ont relevé des exceptions à cette loi;
Guinon et Pineau, sur leur statistique de seize cas ont trouvé une fois la
polynucléose à trois ponctions successives chez le même malade. Marcou-
Mutzner a cité aussi des cas de polynucléose. Orgel Maister a trouvé des cas
analogues. Enfin Josué et Salomon, Sicard nous ont mis en garde contre le
cyto-diagnostic du liquide céphalo-rachidien pris sur le cadavre. Tel liquide
renfermant des lymphocytes sur le vivant, renfermait sur le cadavre par-
ties égales à peu près de mononucléaires et de polynucléaires.
Enfin on a pu observer des cas de méningite tuberculeuse avec gué-
rison, dans ces cas, la lymphocytose avait été un appoint au diagnostic :
on a pu voir disparaître cette lymphocytose au moment de la guérison
comme dans un cas de Rocaz. Enfin, elle peut apparaître tardivement :
Laedrich l'a vue survenir au 20" jour.
Enfin on peut observer dans certains cas, à une première ponction, la
polynucléose du liquide céphalo-rachidien, mais peu après des ponctions
faites à plusieurs reprises montrent invariablement l'apparition de la
lymphocytose.
L'examen bactériologique du liquide sur sang gélose de neZm1\On et
Griffon permet de compléter le diagnostic par la constatation du bacille
de Koch.
Il) Méningite cérébro-spinale. Dans la méningite cérébro-spinale
on constate la présence de polynucléaires. Un point plus particulier de. la
cytologie de la méningite consiste dans la disparition progressive, au
[0. CROUZON.J
1150 LIQUIDE CÉI'UALO-RACllIDIEV..
moment de la convalescence des polynucléaires qui sont remplacés par
des lymphocytes; s'il y a reprise de la méningite cérébro-spinale, on voit
les polynucléaires réapparaître de nouveau. Tels sont les faits qui res-
sortent des observations de Labbé et Castaigne, de Griffon et Gandy, d'A-
chard, de Sicard et Brécy.
Un autre point curieux de la cytologie des méningites cérébro-spinales
est le suivant, on a pu constater la présence des polynucléaires à la ponc-
tion lombaire de malades qui présentaient des signes très discrets de
méningite cérébro-spinale et qui vaquaient cependant à leurs occupations.
Il s'agissait vraisemblablement de méningite cérébro-spinale fruste, et
c'est par analogie avec les méningites cérébro-spinales avérées que la
ponction lombaire a permis de poser un diagnostic ferme.
Pinault, Apert et Griffon ont constaté des faits anale gués.
Sicard et Descomps considèrent comme des signes de. guérison la substi-
tution des polynucléaires sains aux polynucléaires avariés, l'apparition de
cellules endothéliales, de mononucléaires, la diminution de l'albumine.
C'est donc la ponction lombaire qui est le véritable critérium de dia-
gnostic de la méningite cérébro-spinale ; et c'est à lui que Chauffard et
Froin ont demandé la différenciation de la méningite cérébro-spinale et
de l'hémorragie méningée.
On a constaté encore dans les méningites cérébro-spinales quelquefois
la présence d'hémorragie méningée (Achard et Grenet).
L'examen bactériologique complète le diagnostic.
Enfin, Vincent et Bellolonl décrit une réaction pl'écipitante déterminée
par le sérum spécifique sur le liquide céplralo-rachidien centrifugé qui
constitue, en l'absence de culture, un moyen pratique de diagnostic.
Cyto-diagnostic dans la paralysie infantile. Dans la paralysie infan-
tile, la réaction méningée a été variable. Raymond et Sicard ont observé
des cas de polynucléose du liquide céphalo-rachidien au cours d'une évo-
lution de symptômes rappelant la paralysie infantile, il s'agissait donc
alors de méningite cérébro-spinale. '
Triboulet et Lippmann ont observé un cas analogue; d'autre part
Guinon et Paris, Brissaud et Londe, Achard et Grenet ont observé des
cas de lymphocytose au cours de la paralysie infantile. Widal a observé
trois cas négatifs, mais dans ces cas la paralysie infantile était éteinte.
Il semble donc que dans un certain nombre de cas, le syndrome de la
paralysie infantile soit créé par la méningite cérébro-spinale, que dans
un deuxième groupe de faits, la paralysie infantile s'accompagne de réac-
tion méningée lymphocytique, enfin que dans un certain nombre de cas
il n'y ait pas eu de réaction méningée du tout ou qu'elle ait disparu.
Cyto-diagnostic dans les tumeurs cérébrales. La statistique de
Babinski et Nageotte comporte sept cas de tumeur cérébrale sans réac-
tion méningée. Gombaut et Ilalbron ont observé, dans un cas de tumeur
cérébrale, d'abord de la polynucléose, puis de la lymphocytose rachi-
dienne. Depuis lors Achard et Laubry ont publié un cas d'endothéliomedu
LIQUIDE cuvLO-t ? cmu : v. 1137 i
cervelet avec lymphocytose légère. Dufour a observé aussi des lympho-
cytes dans un sarcome du cerveau avec méningite sarcomateuse.
Laper et Crouzon ont constaté la sarcouiatose du liquide céphalo-rachi-
dicn dans un cas de sarcome cérébral. Widal et Abrami ont trouvé des
cellules néoplasiques du liquide céphalo-raclridien au cours de cancer
du cerveau.
Cyto-diagnostic dans la sclérose en plaques. Carrière de Lille
a examiné trois cas, a trouvé un nombre considérable d'éléments cellu-
laire avec prédominance des lymphocytes.
Cyto-diagnostic dans la pachyméningite cervicale hypertrophique.
Widal et Le Sourd ont constaté la présence d'éléments monol1llclél'S,
lymphocytes, tandis que dans le mal de Poil, il n'y avait pas de lym-
phocytes.
Cyto-diagnostic dans la maladie de Friedreich. Barjon et Cade
y ont trouvé un liquide très pauvre en éléments cellulaires, présentant
quelques lymphocytes.
Cyto-diagnostic dans le ramollissement cérébral. Nageotte et
Jarnet y ont trouvé une lymphocytose très légère, bien inférieure à celle
du tabès et de la paralysie générale.
Cytologie dans la méningite chronique alcoolique. On y constate
la présence de très nombreux éléments lymphocytiqucs.
4 Cytologie de l'épilepsie essentielle. Absolument négatif.
Cytologie dans la névralgie du trijumeau. Pitres a observé dans
ses trois cas de la lymphocytose du liquide céphalo-rachidien.
Cyto-diagnostic dans un cas d'hémiatrophie faciale progressive.
Claude et Sérary y ont trouvé la lymphocytose.
Cytologie dans la paralysie agitante : la chorée chronique, le deli-
rium tremens, la myopathie progressive, le méningisme, l'hémiplégie.
Dans tous ces cas le cyto-diagnostic est négatif, d'après Widal, Sicard
et Bavant.
Dans les méningo-myélites Sicard et Monod ont trouvé la Iymphocy-,
tose quand l'origine était syphilitique.
Dans un cas de méningo-myélite d'autre nature, il y avait à la fois :
lymphocytose et polynucléose.
Cyto-diagnostic dans les maladies infectieuses. Le cyto-diagnos-
tic a surtout été fait dans les maladies de l'enfance. Ce sont surtout les
travaux de Nobecourt et de Voisin, qui ont fixe la cytologie du liquide
céphalo-rachidien dans les affections broncho-pulmonaires. Leurs recher-
ches ont surtout porte sur ces affections compliquées de symptômes ménin-
gés. Dans la moitié des cas environ, alors même que le liquide était clair
et limpide on a trouvé les lymphocytes., Quelquefois même on a constaté
des polynucléaires. Le liquide est en général plus abondant dans les cas
de symptômes méningés. Ces résultats ont fait l'objet des recherches de
Floracini de Rome qui a trouvé aussi une légère leucocytose dans les
maladies à détermination méningée.
Pratique nedroi.. , ,'l
[O. CROUZON ]
1158 . LIQUIDE CLP11AL0=RACF11Uf1s1T : '
Dans la scarlatine, Dufour et Gùon (Soc. médicale des Hôpitaux
31 mars 1995), ont constaté la leucocytose au cours des quelques trou-
bles nerveux passagers qui se rencontrent dans la scarlatine.
Au cours de la variole, malgré l'intensité des phénomènes nerveux
observés parfois (céphalée-vomissements-rachialgie), Thaw a constaté
exceptionnellement une lymphocytose discrète du liquide céphalo-rachi-
dien. --
Dans le tétanos, Hélion et Legros ont deux fois examiné le liquide
céphalo-rachidien, ont constaté l'absence d'éléments figurés, et ont montré
l'utilité de ce signe, pour le diagnostic d'avec la' méningite cérébro-
spinale.
La ponction lombaire et le cyto-diagnostic ont permis de déceler
des méningites latentes chez des pneumoniques. On a constaté une
méningite lTmphocytique dans les oreillons (Chauffard et. Boidin),
au cours d'une paralysie faciale ourlienne (Dopter), dans les pro-
cessus méningés subaigus du rhumatisme (Jean-Lépine) dans le té-
tanos, etc.
Le liquide céphalo-rachidien dans le coup de chaleur était normal dans
les cas bénins; dans les cas graves, il était trouble, albumineux teinté,
présentait au début une légère polynucléose suivie de lymphocytose.
On a constaté la lymphocytose dans le purpura exanthématique, dans la
lèpre, Emile Weil et Tanon ont trouvé un liquide céphalo-rachidien normal.
Dans les herpès génitaux, Ravaut et Darré ont trouvé la lymphocytose
21 fois sur 26. ' .
Dans les dermatoses huileuses, Milian et Chiray ont constaté une ]ym-
phocytose discrète mais certaine et qui témoignait de la participation
du système nerveux.
. Enfin, Hartmann (de Vienne) a pu reconnaître un cysticerque céré-
bral par la ponction lombaire, .
Cyto-diagnostic dans la syphilis. 1° Cyto-diagnostic dans la-
syphilis nerveuse. L'existence d'une lymphocytose dans le tabes et la
paralysie générale, affections dont la nature syphilitique est incontestable,
a eu pour conséquence l'étude du liquide céphalo-rachidien dans les cas
de manifestations nerveuses syphilitiques. '
Widal et Le Sourd ont constaté la lymphocytose dans un cas d'hémi-
plégie syphilitique-; plus tard Widal et Lemierre ont observé la lympho-
cytose douze fois sur treize dans l'hémiplégie syphilitique. Et en plus,
dans deux cas, il existait de la polynucléose superposée à de la lympho-
cytose. Valette dans sa thèse (Paris, 1904) a confirmé les recherches
précédentes. ,
Dans la méningite syphilitique, Widal et Le Sourd (Soc. médic. des
Hôpitaux, 17 janvier 1902) ont constaté de la lymphocytose, Brissaud et
Brécy (Soc. rnédic. des Hôpitaux, 14 mars 1902) ont observé un cas
analogue.
Dans un cas de syphilis médullaire probable, Sabrazès, Muratet et
LIQUIDE CII'll : lLO-11 : 1GIIIDII : \. 9139
Bannes (Soc. de Biologie, 5 décembre 1905, Archives générales de méde-
cine, 1904) ont observé une lymphocytose énorme et en plus la présence
d'une cellule nerveuse dont ils attribuent l'origine à un foyer de mortifi-
cation médullaire.
A côté de ces grands accidents de la syphilis nerveuse, les petits acci-
dents de la syphilis nerveuse ont aussi présenté de la lymphocytose : tel
est le cas de lymphocytose arachnoïdienne avec mydriase paralytique et
troubles de la sensibilité d'Achard et Grenet (Société de Neurologie,
5 mars 1905).
Tel est encore la paralysie faciale de la période secondaire de Thibierge
et Ravaut (Soc. médic. des Hôpitaux, 21 novembre l ! ->0`).
Le signe d'Argyll-Robertson qui est, comme l'ont montré Babinski et
Charpentier, un signe de syphilis acquise ou héréditaire a été particuliè-
rement étudié aussi au point de vue du cyto-diagnostic. Babinski et
Nageotte, Widal et Lemierre, Déchy, Vaquez ont constaté la lymphocytose.
La syphilis oculaire elle-même a été étudiée à ce même point de vue par
le professeur De Lapersonne : on l'a constatée dans la névrite optique ré-
cente, elle était absente dans la névrite optique ancienne, on l'a constatée
dans la chorio-rétinite et dans l'iritis syphilitique. Ces résultats mon-
trent l'utilité de la ponction lombaire au point de vue du diagnostic de la
syphilis oculaire; en effet, en dehors de la syphilis, le cyto-diagnostic
n'a été positif que dans un cas de névrite oedémateuse symptomatique
d'une méningite tuberculeuse.
Enfin Bavant a constaté la lymphocytose chez certains hérédo-syphili-
tiques et l'a toujours trouvée liée à des troubles nerveux.
2° Cyto-diagnostic dans la syphilis, sans accidents nerveux.
L'existence de la lymphocytose au cours d'accidents nerveux de la syphilis
ont amené Milian, Crouzon et Paris à rechercher dans le service du profes-
seur Fournier s'ils pouvaient surprendre le début de ces accidents, par
l'examen du liquide céphalo-rachidien. Dans ce but, ils ont examiné des
malades il la période secondaire, présentant de la céphalée et se sont de-
mandé si celte céphalée ne pouvait pas être une première manifestation
de la syphilis nerveuse. Sur huit syphilitiques examinés; deux ont pré-
senté la réaction leucocytaire en même temps que de l'hypertension du
liquide céphalo-rachidien, cette constatation présenta un très grand inté-
rêt parce que c'est la première où on constata la lymphocytose dans la
syphilis sans accidents nerveux, elle eut d'autre part un intérêt diagnos-
tique au point de vue de la céphalée, puisque à côté de la céphalée osseuse
et de la céphalée hystérique des syphilitiques, elle a permis de recon-
naître l'existence d'une céphalée méningitique. De plus elle a posé la
question de l'avenir de ces céphalées méningitiques qui peuvent être le
premier symptôme d'un tabès ou d'une paralysie générale il longue
échéance ; hypothèse admise d'ailleurs par Cette communication
de Milian, Crouzon el Paris fut confirmée par une communication de
Widal qui, faisant l'historique des recherches antérieures jusque-là néga-
[0. CROUZON.] ]
1140 LtflUll)l : Cl : l't1.1L0-RelCIIIDIG\.
tives, fit connaître qu'il avait trouvé une lymphocytose discrète dans deux
cas de syphilis en période secondaire. Thibierge et Bayant ont constaté
plus tard un cas analogue dans une syphilis de dix-huit mois avec cépha-
lée. Puis viennent les travaux remarquables de Ravaut (Annales de Der-
matologie, janvier et juillet 1905, Soc. médic. des Hôpitaux, ! ) octobre
1905) qui a montré que sur 54 syphilitiques en période secondaire, sans
accidents, ou avec accidents cutanés superficiels (roséole, plaques mu-
queuses), sept seulement présentent la réaction méningée . Au contraire.
sur cinquante-cinq atteints de syphilides papuleuses, miliaires, psoria-
siformes, pigmentâmes, la réaction méningée existait quarante et une
fois; des examens répétés montrent que les réactions augmentent ou
diminuent parallèlement à la lésion cutanée. Ainsi donc la lymphocytose
varie proportionnellement aux lésions cutanées profondes.
Enfin, nous avons mentionné plus haut les cas du liquide céphalo-ra-
chidien puriforme au cours de la syphilis des centres nerveux.
Cyto-diagnostic dans les affections oculaires. Nous avons vu plus
haut à propos de la syphilis nerveuse que le cyto-diagnostic n'avait été
positif que dans les cas de syphilis oculaire et dans une névrite sympto-
matique d'une méningite tuberculeuse, il nous suffira donc de dire que
le cyto-diagnostic a été négatif dans un cas de tumeur cérébrale, dans un
cas de migraine ophtalmoplégique, etc.-
Cyto-diagnostic dans les fractures et les traumatismes du crâne.
La valeur de la ponction lombaire dans les fractures du crâne a été
mise en relief par Tuffier et Milian. Tuffier et Milian admettent que la
présence du sang au cours des traumatismes du crâne y suffit pour faire
admettre le diagnostic de fracture et la clarté du liquide écarte complète-
ment ce diagnostic. Cette valeur a été admise par Demoulin, par Poirier,
par Paul Reynier, etc....
Tesson a publié un cas où la ponction lombaire hémorragique au
quatrième jour était claire au huitième jour. Par conséquent, même en
présence d'un liquide clair, il ne faut pas se hâter de conclure l'absence
de fracture. De plus, l'autopsie du malade montra un épanchement san-
guin par contusions recouvrant presque toute la face externe de 1 honi-
sphère cérébral. La contusion peut donc, comme la fracture, provoquer
l'état hémorragique du liquide céphalo-rachidien. C'est là l'opinion de
de Piochard, de Guinard, etc.
Nous savons d'autre pari que l'hémorragie cérébrale peut provoquer
aussi la teinte rosée du liquide céphalo-rachidien.
Enfin Sainlon et Ferrand ont montré par une observation que la teinte
hémorragique du liquide avait disparu quatre jours après la fracture.
Ce fait est donc à rapprocher de celui de Tesson. De plus ces auteurs ont
pu constater une méningite cérébro-spinale surajoutée à la fracture.
Marcel Boulier, Guégain dans leurs thèses ont montré que la teinte
hémorragique du liquide céphalo-rachidien ne saurait être considérée
comme pathognomonique. C'est là la conclusion à laquelle il faut s'arrêter.
LIQUIDE CI ? t'll1L0-1B1CII1DIE\'. 1 HI
La teinte hémorragique du liquide ne permet donc pas de faire le diagnos-
tic de fracture du crâne sur un sujet plongé dans le coma. Ce signe n'a
de valeur qu'en présence d'un commémoratif bien précis d'un trauma-
tisme portant sur le crâne; et encore il peut s'agir d'un épanchement par
contusion cérébrale.
PONCTION LOMBAIRE THÉRAPEUTIQUE
Nous avons vu que la quantité retirée par la ponction lombaire pour
l'examen du liquide céphalo-rachidien était de 5 ce. environ. Dans cer-
tains cas, la ponction lombaire est employée dans un but thérapeutique,
c'est du reste la l'origine de la méthode. Quincke l'avait employé tout
d'abord dans ce but. Les quantités soustraites sont beaucoup plus con-
sidérables, allant jusqu'à 50 c. c. En Allemagne, on est allé jusqu'à 90
et 100 c. c. L'effet de cette évacuation est très heureux dans un grand
nombre d'affections que nous allons rapidement passer en revue.
Ponction lombaire thérapeutique dans la méningite cérébro-spi-
nale. A côté des bains chauds, la ponction lombaire a été indiquée
comme le traitement de choix, tout d'abord, par Koplik, de New-York ;
par Babinski, par Lenhartz, de Hambourg, par d'autres auteurs : Blanat
(Thèse Paris, 1902), Netter,- Pellagot, Orlandi, Haynaud, Donath,
Raczynski. Chaque ponction doit retirer 20 à 50 c. c. environ de liquide.
Une ponction en général n'est pas suffisante, il faut répéter ces ponctions
à des intervalles variables; certains les répètent tous les 8 ou 10 jours,
même plus fréquemment. La répétition sera d'autant plus nécessaire
que la méningite sera plus aiguë.
Babinski a pu obtenir le même résultat curatif dans les méningites
subaiguës et dans un cas de méningite fibreuse hémorragique.
Ponction lombaire thérapeutique dans la méningite tuberculeuse.
La ponction lombaire a été étudiée et pratiquée pour la première fois
en France, par Marfan, dans la méningite tuberculeuse. Elle sera prati-
quée dans les mêmes conditions que pour la méningite cérébro-spinale.
Ces résultats seront cependant moins favorables étant donné l'allure
fatale de la maladie. Cependant, des améliorations passagères ont été
signalées dans un certain nombre de cas. Nous rappellerons le cas de
Faisans (Soc. Médie, des llôpil., 28 juin 1901). Un malade aphasique
retrouva la parole quelques heures après l'évacuation de 10 c. c. de
liquide céphalo-rachidien.
Ponction lombaire contre l'urémie. La ponction lombaire a été
pratiquée chez les urémiqucs pour la première fois en France, par Pierre
Marie et Guillain (Soc. Médie, des Ilùpif., mai 1901). Ils observèrent une
amélioration remarquable d'une céphalée bri;blique à la suite d'une
ponction lombaire. Ces auteurs rappellent les cas antérieurs de Seegel-
ken. de 13ra : ;ch. de Noike. Legendre, Chantemesse ont observé des cas
avec soulagement passager.
[0. CROUZON.]
1142 LIQUIDE CÎ;P(1 : 1T.0-R : 1CIIIDIE\.
Vigouroux a observé la guérison d'un délire hallucinatoire brigblique
par deux ponctions lombaires de J5 et 50 c. c.
Seiffert a observé le bon effet de la ponction lombaire dans les urémies
par néphrite scarlalineuse. Mac Oeil. Ilelme ont aussi observé des
résultats favorables. Mais, à côté de ces résultats heureux, il faut signaler
les cas où le résultat a été nul : Quincke. Furhinger, Licllteim, Von
Leiden, Stadelman, Raun, etc
Audebert et Fournier la considèrent comme un bon moyen de traite-
ment des convulsions éclamptiques. ' .
Quoi qu'il en soit, les résultats ne sont nullement de nature à faire
rejeter ce moyen thérapeutique qui pourra donc être utile dans bien des
cas.
Ponction lombaire dans les comas. -La ponction lombaire peut être
appliquée dans un certain nombre de cas comme thérapeutique du coma
(cas de lirmnig, ) ! )iodes). Le malade peut reprendre connaissance sous
l'influence de la ponction lombaire, comme nous l'avons vu dans le cas
de Faisans.
Ponction lombaire dans les céphalées en général. Nous aurons
surtout en vue ici les céphalées de la syphilis, et de la chlorose. Pierre
Marie et Guillain ont observé un cas de céphalée syphilitique améliorée
par la ponction.
Lenllarti, dans les chloroses très accentuées, lorsqu'il existe de fortes
céphalalgies, a vu souvent de fortes pressions du liquide céphalo-rachi-
dien. Dans dix cas sur vingt, la ponction lombaire a déterminé une ces-
sation immédiate de la céphalalgie. La ponction lombaire a été plus
spécialement pratiquée contre la céphalée dans la méningite tuberculeuse
dans les tumeurs cérébrales, par Carrière Hbodes. Celte étude est faite
à propos de chacune de ces affections.
Ponction lombaire dans les tumeurs cérébrales. L'heureux effet
de la décompression dans les tumeurs cérébrales a été mentionné par
Babinski. Antérieurement, Chipault avait obtenu des succès qu'il rcfatés
dans le Congrès de Chirurgie de 1890. Depuis la connaissance de la
ponction lombaire, la décompression par intervention chirurgicale a été
remplacée par le racbicentèse. Une des observations les plus démonstra-
tives à ce point de vue, est celle de Widal et Digne : dans un cas de
tumeur du cervelet, une première ponction lombaire fait disparaître les
vomissements, l'exophtalmic, le nvstagmus et l'asthénie musculaire.
Une autre ponction fil. sortir le malade de létal comateux. Trocmé (Thès ! '
de Paris, 1 ! IOD) a résumé l'état de la question.
Ponction lombaire dans les névrites optiques et particulièrement
dans l'oedème papillaire. La ponction lombaire a amélioré l'oedème
papillaire et la névrite optique consécutive dans de nombreuses observa-
tions : nous citerons les cas cle lillrull;rrdt, de Ioldsclv'icler, de Fraenkel,
d'llllpenln'irn, de Fleisclnnann ; plus récemment, Abadie (de Bordeaux) a
relaté un cas d'amélioration (f oedètue papillaire après ponction lombaire.
' t.Ifll.IDf; ( : Ia'11 : 1L0-R : 11;1111)II\. 1 145
Babinski et Chaillous ont rapporté huit cas de guérison ou d'améliora-
lion de névrites optiques d'origine intra-cranienne. Cette ponction pya-
cuatrice sera, comme celle que l'on pratique dans la méningite cerebro-
spinale, assez abondante et l'on devra arriver il trente ou quarante
centimètres cubes pour obtenir un résultat.
Ponction lombaire dans les troubles auriculaires. Babinski a
remarqué que le vertige voltaïque pouvait être influencé par la ponction
lombaire. On sait que ce vertige vollaïque est caractérisé par l'inclinaison
de la tête sous l'influence d'un courant galvanique. La ponction lombaire
diminue la résistance à ce vertige wllaïdue.
Les variations de ce vertige suivant les troubles auriculaires ont amené
Babinski il rechercher si la ponction lombaire qui influe sur le vertige
influait aussi sur les troubles auriculaires. Il a pu obtenir des améliora-
lions dans les bourdonnements d'oreille, el dans le vertige de Meniere et
une amélioration de la surdité. D'après Lumineau cette efficacité serait
surtout rencontrée dans les labyrinthites, les otites cicatricielles, les
otites sèches, Mignon, dans une thèse de Bordeaux (i')05-)')04), admet
aussi que la ponction lombaire agit sur les affections labyrinfhiques con-
sécutives il une exagération de pression du liquide de l'oreille interne.
Elle provoque la disparition ou l'atténuation des vertiges ou des bruits
subjectifs.
Ponction lombaire thérapeutique dans les troubles psychiques et
l'hydrocéphalie. Groler, et quelques autres auteurs ont obtenu de
bons résultats de la ponction lombaire dans l'hydrocéphalie des jeunes
sujets. Molli a observé la guérison d'un cas de stupeur IYP¡"II1aniaquc par
deux ponctions lombaires à quatre jours d'intervalle.
Ponction lombaire dans les traumatismes crâniens et rachidiens.
La ponction lombaire a été employée non seulement comme moyen de
diagnostic des fractures du crâne, mais encore comme moyen de traite-
ment. Dans un article de I;t l'rcsse Jlc·clicalc tlu >t) avril i ! )(1 ? , ticrcllarcl
relate deux observations, dans l'une, il y eut disparition de la céphalée
après deux ponctions, dans l'autre guérison après huit pondions.
C'est là également l'opinion de Cllinanl (Journal de médecine illleme,
1910).
La ponction lombaire a pu être appliquée au traitement, des trauma-
tismes rachidiens Plallelail'l'. AlbertinDans le cas d'Albertin, il y eut
amélioration considérable d'une paraplégie consécutive à un traumatisme
de la portion lombaire de la colonne vertébrale. Leliquide retiré était, séro-
Ill'matilJue et vraisernhlabll'II1l'nl fOl'lllait un l"panchellll'nl. intra-rachidien,
Il est certain que la ponction ne peut ([n'améliorer des cas analogues.
Ponction lombaire thérapeutique dans diverses affections ner-
veuses. La ponction lombaire a été pratiquée dans un but thérapeu-
tique. Dans les crises gastriques du tabès, par Debove (Soc, médit, des
tlypit., 19 avril 1001), trente centimètres cubes de liquide enlevés
guérirent une crise gastrique instantanément.
10. CROUZON ]
1144 LIQUIDE ctt>it : r,o-tcittnit;v..
Castaighe a observé un cas analogue.
Méry et Courcoux ont guéri un méningisme hystérique par la ponction
lombaire (Soc. zuéclic. des Ilôpil., 20 juillet 1901).
Abadie, de Bordeaux, a guéri des douleurs névralgiques consécutives
à un cas de zona, par ponction lombaire.
Ponctions accidentelles et écoulement prolongé du liquide céphalo-
rachidien. On peut observer des écoulements de liquide céphalo-
rachidien par le nez, par l'oreille ou par le pharynx au cours des fractures
de la base du crâne. Enfin, il peut exister des écoulements de liquide
céphalo-rachidien par le nez ou par le pharynx sans qu'il y eut de trau-
matisme crânien par élargissement des trous préexistant de la lame
criblée, liée à une tumeur ou il l'hydrocéphalie (Vigouroux). D'autre part,
il peut exister des écoulements de liquide céphalo-rachidien à la suite de
plaie pénétrante du rachis. Les cas les plus remarquables sont ceux de
Babinski, Sicarcl, Vo11ur11Lcr, Frendcnthal, Saint-Clair Thomson, Guido
Noccioli, etc. Vigouroux y consacré une étude intéressante et très com-
plète (Presse médicale, 1909). Nous n'étudierons pas ici ces écoulements
de liquide cérébro-spinal au point de vue de la pathologie et au point de
vue de la pathogénie, Nous ne les étudierons qu'au point de vue de la
quantité et de la qualité du liquide recueilli.
1° Quantité : L'écoulement du liquide peut atteindre des quantités
considérables. ,
Dans les cas de l31llrolll. de Verneuil, de Routier et de Tillaux, il
s'agissait de un il deux litres de liquide en vingt-quatre heures.
Dans le cas de Guido-Noccioli, il s'écoula 80 grammes en une nuit et
1000 grammes environ en vingt-quatre heures.
Dans un cas de Vigouroux où le liquide s'écoulait par les fosses nasales
d'un débile, la quantité était de 800 centimètres cubes par vingt-quatre
heures.
Enfin, dans un cas du docteur Giss (de 'fhiol1Yille) publié par Mathieu
sur lequel Demoulin fil un rapport à la Société de Chirurgie, il se fil il la
suite d'une plaie pénétrante du rachis un écoulement de deux il trois
litres de liquide céphalo-rachidien par jour; puis cet écoulement diminua,
et atteignit la quantité de deux il trois cents grammes par vingt-quatre
heures. Au total, au bout de cinq semaines, la quantité de liquide perdu
était de trente litres.
2° Caractères différentiels du liquide céphalo-rachidien. Dia-
gnostic d'avec Thydrorrhée zcusule el l'écoulezrtez7l du liquide de Colugno.
Les véritables caractères différentiels sont les suivants :
1° Le liquide céphalo-rachidien a un pouvoir réducteur très marqué.
Comme l'a montré Launois, de Lyon, la substance réductrice est le
lycose;
2° Sicard a indiqué comme- caractère différentiel la réaction à l'ioclure.
L'iodure de potassium ingéré se retrouve dans l'hydrorrhée nasale, ne se
retrouve pas dans le liquide céphalo-rachidien.
LIQUIDE CÉPII.LO-RACIIIDII ? Il;) ! i INJECTIONS SOUS ARACHNOIDIENNES
La ponction lombaire peut non seulement être elle-même une méthode
thérapeutique, elle peut également être le premier temps de l'injection
intra-rachidienne d'un liquide modificateur. La plus répandue de ces
injections sous-arachnoïdiennes est l'injection de cocaïne ou de stovaïne,
raclii-cocaïnisation ou rachi-slovaïnisatiûn. L'idée en appartient à Corning
et à Bicr, et c'est Tuffier qui appliqua le premier en France cette méthode
en chirurgie. Nous ne pouvons ici apprécier les avantages et les inconvé-
nients de cette pratique.
Nous pouvons toutefois insister sur ce fait que la cocaïne qui, par sa
toxicité, avait donné lieu à des accidents, a été remplacée par la stovaïne.
et, d'autre part, les troubles consécutifs à l'injection, qui étaient dus
pour une part à la réaction méningée, résultant du contact de la solution
avec les méninges, ont été très atténués par l'adjonction à la solution
de stovaïne du chlorure de sodium qui produit l'isotomie ou par la dilu-
tion de cette solution dans le liquide céphalo-rachidien lui-même retiré,
puis réinjecté (Guinard, Ravaut, Aubourg).
Celte méthode des injections sous-arachnoïdiennes a été l'objet de
nombre;' 5 tentatives d'application en thérapeutique médicale (Sicard) (').
Les douleurs du tabès, la sciatique, le lumbago, ont été traitées par
l'injection de cocaïne (Pierre Marie et Guillain, Achard). Mais les inconvé-
nients de cette méthode dépassent les avantages qui sont du reste passa-
(1el's.
8'erS'
Nous devons signaler également les autres applications des injections
sous-arachnoïdiennes : la (ihrolvsine injectée dans le liquide céphalo-
rachidien des labétiques (Lhermilte et Fernand Lévy), la stovo-cocaïne
dans l'eau distillée stérilisée alcoolisée (Sicard et Descomps), le biiodure
de mercure à la dose de 2 à 5 milligrammes (Sicard, Ducros) mais les
résultais ont été si minimes que ces méthodes ne sont point entrées dans
la pratique.
L'injection intra-rachidienne de collargol et d'éleelrargol a été tentée
dans les méningites aiguës. Mais cette méthode qui a obtenu cependant
quelques succès (\Vida) et l3amond, etc.), a fait place aujourd hui dans
la méningite cérébro-spinale ail traitement spécifique par le sérum anti-
méningococciqne préparé en Amérique par Flexner, en Allemagne par
Jochniann (sérum de Merck, Wassermann et Kolle), et en France par
Doper. On injecte en général 20 ou 50 centimètres cubes de sérum, et on
les injections tant que la température n'a pas baissé ou tant qu y y
a des microbes dans le liquide céphalo-rachidien. On injecte ce liquidé
dans la cavité cérébro-spinale, après soustraction d'une quantité de
1. 81( : .\11\1, Tf¡¿'se de Pl/fis, 11)00. Les injections sous-aiaelmoïdiennes et le liquide
céphalo-rachidien.
[O. CROUZON ]
1140 LIQUIDE CLIli,1,0-1(ACIIIDIEY. -
liquide céphalo-rachidien, au moins égale à celle du sérum qui doit être
injecté.
Ce traitement a donné les résultats les plus remarquables (Dopter, Nette ?
Gardner). La mortalité qui, sans sérum, était de 50 il 80 pour 100 suivant
les épidémies et les localités, est tombée dans les cas traités parle sérum
à. 25 pour 100, 18 pour 100, 14 pour 100. Et le sérum agit non seule-
ment en diminuant la mortalité, mais encore en abrégeant la durée de
la maladie, et en diminuant la fréquence des complications.
Les injections intra-arachnodiennes dans le tétanos ont été également
pratiquées. On semble aujourd'hui reconnaître quelque avantage pour la
sédation des contractures douloureuses aux injections de sulfate de
magnésie (lartignon, ci, Doury).
Ces mêmes injections de sulfate de magnésie ont eu une action séda-
tive remarquable sur les mouvements de la chorée de Sydenham
(Marinesco).
INJECTIONS ÉPIDURALES
Si les injections sous-arachnoïdiennes ont été abandonnées dans le
traitement d'un certain nombre d'affections douloureuses du système
nerveux, il reste néanmoins une méthode analogue encore utilisée aujour-
d'hui, c'est celle des injections épidurales (Sicard, Cathelin).
Cette méthode a.pour but d'introduire un médicament dans l'espace
épidural du canal sacré, région qui communique avec le tissu ccllulo-adi-
peux, du canal, le cône durai, les racines sacro-coccygiennes, le muni
terminal et les veines qui siègent dans le canal sacré. Cette région est
fermée en bas par la double membrane obturatrice sacrée postéro-infé-
ricure. On peut se servir d'une aiguille plus courte et plus fine que celle
que l'on utilise pour la ponction lombaire. Le malade est placé en position
génupectorale ou en décubitus latéral. On prend comme points de repère
les deux tubercules sacrés postéro-internes et le sommet de la dernière
apophyse épineuse sacrée. Ces trois points constituent un triangle. Le
.lieu d'élection de la ponction correspond à peu près à la moitié de la
hauteur de ce triangle, On enfonce l'aiguille obliquement à 20 degrés sur
l'horizontale jusqu'à ce qu'on ait perforé la membrane obturatrice; puis
on abaisse ensuite le pavillon et on pousse l'aiguille horizontalement ou
obliquement en haut vers le canal sacré.
La solution injectée peut être une solution de cocaïne ou de stovaïne, cl
toutes les douleurs des membres inférieurs et en particulier la scialique.
peuvent être calmées par cette méthode.
L'injection épidurale de sérum physiologique a donné également de
bons résultats dans l'incontinence d'urine infantile (Cathelin).
Enfin cette méthode a pu permettre l'introduction de sels mercuriels
solubles dans le traitement de la syphilis médullaire.
SYNDROMES VENTRICULAIRES
par le Dr Gabriel DELAMARE
Si la méthode anatomo-eliniflue ne nous permet pas encore de tracer
une semiotiquc définitive des affections épendymaires, elle nous montre
du moins qu'à côté des accidents immédiats, consécutifs à l'inondation
des ventricules par les hémorragies cérébrales ou choroïdiennes (syn-
drome hémorragique) el de ceux, beaucoup moins brusques, qui résul-
tent de l'envahissement des mêmes cavités par les tumeurs autochtones
ou voisines (syndrome néoplasique), il existe un comph'xus morbide par
quoi se révèlent les epcndymo-chorokntes toxi-infectienses. à plus ou
moins gros épanchements (syndrome inflammatoire).
SYNDROME INFLAMMATOIRE
Encore qu'il soit assez généralement ignoré et souvent méconnu. le
syndrome inflammatoire mérite une description détaillée à cause de son
importance au double point de vue théorique et pratique (thérapeutique).
Schématiquement, il est constitué par : a) des signes nerveux (céré-
1]rau, cérébelleux, pédonculaires, protubéranliels et bulbaires); b) des
symptômes toxi-infectieux; c) des modifications du liquide venlriculaire.
Signes nerveux. Déterminés en grande partie tout au moins par
1 hypertension ventriculaire, les signes cérébraux sont nombreux et
variés, mais de fréquence et, par suite, de valeur inégales : les plus
constants sont, sans contredit, la céphalée, les vomissements, la stase
papillaire et la somnolence.
Généralement intense, parfois atroce, la céphalée apparaît de bonne
heure; elle est diffuse, i'ronto-occililalc, rarement, localisée ou unilaté-
rale (Keen); quelquefois continue (Tillgren), elle présente, le plus sou-
vent. des intermittences; ses paroxysmes ne sont pas vespéraux comme
ceux de la céphalalgie syphilitique dont l'origine épendymaire, admise
par Ravaut et Ponselle, demande confirmai ion. Elle s'atténue ou dispa-
rait sous l'influence des ponctions évacuatrices et, dans certains cas.
s accompagne de vertiges (Par)oes-Weber).
Les vomissements surviennent sans grandes nausées et sont plutôt
espacés qu'incessants : ils ne se compliquent pas forcément de constipa-
is. DDLAT1ARE.]
1148 SYNDROMES VENTRICULAIRES.
tion; lorsqu'elle existe, celle-ci est légère et, souvent, elle ne tarde pas
à être remplacée par de la diarrhée.
La stase papillaire bilatérale est ordinairement précoce et capable de
conduire assez vite à une cécité parfois irrémédiable. Dans certains cas,
on trouve de la névrite optique (Beck). Souvent aussi, les pupilles sont
inégales, les réflexes lumineux, faibles ou nuls ; la mydriase (Lecène et
Bourgeois), l'hémianopsie biternporale due il la compression du chiasma
par le plancher du troisième ventricule (Finkelburg), l'exophtalinie, les
ecchymoses palpébrales (von Beck), sont très rares.
La somnolence, contrairement à celle de la maladie du sommeil, n'est
pas uniquement diurne et n'alterne pas avec un délire et une agitation
exclusivement nocturnes. S'il survient, par hasard, une bouffée délirante,
elle se montre aussi bien pendant le jour que pendant la nuit. La torpeur
s'installe assez tut et va progressivement jusqu'au coma dont le caractère
le plus remarquable est sa durée parfois très longue : au début, les
malades ne sont pas sans présenter quelques analogies avec les neuras-
théniques dont ils ont l'apathie et l'asthénie, la fatigue continuelle
(Quincke, Loepel') ; plus tard, ils tombent dans un état d'hébétude complet
troublé seulement par quelques cris chez l'enfant, par quelques accès
délirants chez l'adulte. Lorsque cette torpeur profonde, cette obnubilation
intellectuelle absolue ont été précédés d'affaiblissement de la mémoire
(kohols), de dysarthrie (Moequin), de paraphasie (Cllotzeu), d'aphasie
(Knapp), elles peuvent, un moment, en imposer pour une stupeur,
démentielle d'origine curéhru-malaciclue. "
A côté des signes fondamentaux qui viennent d'être décrits, prennent
place, à titre accessoire et bien plus contingent, les convulsions généra-
lisées ou partielles, rarement subintrantes (Lecène) ci plutôt tardives que
précoces, la rigidité télaniforme des quatre membres avec paroxysmes
toniques, le trismus, la raideur de la nuque (von Beck). L'opistholonos
(Tillgren), le signe de Kcrnig, le tremblement (Mocquin, Tillgren), sont
exceptionnels ainsi que l'himiplébic (llayo Ioh.on). Il est difficile de
faire étal des réflexes tendineux, car ils peuvent être normaux, abolis ou
exagérés. Goldscbeiber, cependant, a vu des réflexes rotuliens abolis
réapparaitre après la ponction lombaire. Les réflexes cutanés ne semblent
pas, en général, modifiés et, à part l'hyperesthésie tégumentaire signalée
par von Beck, la sensibilité objective n'est généralement pas modifiée.
Les sphincters sont presque toujours intacts et, comme troubles vaso-
moteurs, on ne peut que signaler les syncopes et les accès de cyanose
enregistrés par Tillgren. En somme, si la céphalée, les vomissements, la
stase papillaire et la somnolence constituent les éléments positifs majeurs
du syndrome cérébral, l'absence habituelle de rétraction du ventre, de
paralysie motrice des membres, de parésie vaso-motrice, sphinctérienne
et sensitive en représentent les éléments négatifs essentiels.
A maintes reprises, on a noté des troubles de l'équilibre et de la
marche qui devenait ébrieuse, titubante et pouvait même légitimer le
SYNDROMES VENTRICULAIHES. 1149
diagnostic d'ataxie cérébelleuse (Parkes-Weber, Finkelburg, l'eurath,
Oppenheim).
Les signes pédonculaires sont le ptosis, la diplopie par paralysie de la
troisième paire (Mocquin), le nystagmus (Parkes-Weber). Contrairement
aux troubles cérébraux, ils paraissent résulter indifféremment de l'hyper-
tension ventriculaire ou des lésions nucléaires. La même réflexion s'ap-
plique aux manifestations bulbo-protubérantielles.
Comme signes protubérantiels, on peut citer la névralgie légère du
trijumeau (von Beck), le strabisme divergent par paralysie de la sixième
paire, la parésie masticatrice ou faciale et surtout la surdité avec ou sans
troubles labyrinthiques engendrée par les altérations de la huitième
paire.
Les signes bulbaires sont à la fois beaucoup plus nombreux et beau-
coup plus significatifs. Au premier rang, il convient de placer les troubles
de la respiration et du pouls qui ne font pour ainsi dire jamais défaut.
La respiration s'accélère (Ilanot et Joffroy) ou se ralentit et devient sterto-
reuse (Lecène); il y a des phases d'apnée (Tillgren, Merle), du Cheync-
Stokes (Mocquin).
Le pouls devient irrégulier, foetal et surtout s'accélère. Lecène compte
150 pulsations; avec Merle, nous observons chez le chien, un pouls
fémoral qui atteint 150 et ne tarde pas à devenir incomptable. Von Beck.
au contraire, enregistre du ralentissement, mais il suffit de retirer 40 ce.
de liquide ventriculaire pour que, de 54, le pouls revienne à 80.
Plus contingentes sont la polyurie (Picliler, llarinesco, Imper et Gou-
raud), la polydipsie (llayem), la glycosurie et l'albuminurie (Mocquin).
La mort subite a été observée par Kratter et Bôhmig, Ilensen, Bressler et
nous-mêmes. Cette symptomatologie se diversifiera encore si la relation
actuellement entrevue entre les épendymites hémorragiques d'une part
et la myélite bulbaire de Leyden ou l'encéphalite de Wernicke d'autre
part, se trouve confirmée; si l'on peut préciser les rapports qui, parfois,
semblent unir la paralysie asthénique d'Erb-Goldflamm aux anomalies
de l'aqueduc de Sylvius ou du quatrième ventricule et ceux qui paraissent
rattacher les plaques de sclérose hériventriculaire il l'existence d'une
épcndymitc chronique.
Symptômes toxi-infectieux. Ils se réduisent à l'amaigrissement
et à la fièvre. L'amaigrissement est tardif, toujours plus marqué chez
l'enfant que chez l'adulte et ne prend des proportions considérables que
dans certaines formes chroniques, d'origine méningococciques (degré)
ou tuberculeuses (Delamare et Merle), qui, seules, méritent l'épithète de
cachectisantes. Chez un malade de Pierre Marie, Widal et Gougerot, où la
tuberculose épendymaire se greffa sur une méningococcie chronique à
symptômes intermittents, la fonte du panniculc adipeux et des masses
musculaires, la sécheresse et la pigmentation de la peau ne commencèrent
qu'au bout de deux ans.
La fièvre est rarement intense, et l'on compte les cas où elle atteint 59°
[G. DELAMARE.]
1150 SYNDROMES VENTRICULAIHES.
ou 39°,5 (Rilliet, von Ileclc, Axhausen) ; en règle très générale, elle ne
dépasse pas 38° aussi bien chez l'homme que chez l'animal, quelque
soit le microbe en cause (Delamare et Merle). Elle n'est pas obligatoire et,
souvent, à la fin de la maladie, elle est remplacée par de l'hypothermie.
Modifications du liquide ventriculaire. Elles sont d'ordre phv-
sique, chimique et cytologique.
Qu'il reste clair et limpide (épendymite séreuse), ou qu'il devienne
hémorragique, séro-purulent ou purulent, le liquide ventriculaire aug-
mente de façon considérable surtout chez les enfants où l'on en peut
recueillir 100, 150 et même 200 ce. (d'Astros).
Ordinairement faible dans les épanchements séreux, la teneur en albu-
mine et en fibrine est considérable dans les exsudais sanglants ou suppu-
res. De même, les leucocytes et les globules rouges l'ont défaut ou sont
très rares dans les épendymites séreuses subaiguës et surtout chroniques
alors qu'ils abondent dans les épendymites séro-purulentcs ou suppura-
tives. Les microbes échappent souvent il l'examen cytologique des frottis
et réclament, pour être décelés, la culture ou l'inoculation. Plus on s'é-
loigne du début des accidents, plus on a naturellement de chances de tomber
sur un produit stérile, ce qui, bien entendu, ne prouve rien contre l'ori-
gine infectieuse probable. La formule leucocytaire, très propre à renseigner
sur la réalité du processus inflammatoire, est peu susceptible de rensei-
gner d'une façon précise sur la nature de l'infection parce que les mono-
nucléaires se rencontrent nombreux dans les suppurations ventriculaires
les plus banales, alors que les polynucléaires sont loin de faire défaut dans
la tuberculose (Delamare et Merle). Si ces modifications cytologiques
ne sont appréciables que par la ponction ventriculaire, les modifications
physiques (accroissement de quantité et de pression) peuvent être
soupçonnées non seulement par la clinique (signes d'hypertension intra-
cranienne) mais encore par la [jonction lombaire. Deux éventualités sont,
à cet égard, possibles : il y a ou il n'y a pas d'hypertension rachidienne.
Dans le premier cas. l'évacuation du liquide céphalo-rachidien amène une
amélioration des symptômes d'hypertension crânienne et permet dépenser
que les cavités ventriculaires communiquent librement avec les espaces
arachnoidiens ; il s'agit à peu près sûrement de méningo-l'pendYl1lite,
Dans le second cas, la ponction lombaire n'améliore pas ou aggrave,
lorsqu'elle est répétée, les signes d'hypertension cérébrale ; on peut en
inférer que les ventricules ne communiquent plus avec les espaces
arachnoïdiens; l'épendvmite a des chances pour être pure ou très prédo-
111111Vtlte- ceci se déduisant, bien entendu, des résultats négatifs ou non
fournis par l'examen Gylologi(J1w et bactériologique du liquide rachidien.
Dans la crainte d'exagérer la différence déjà anormale des pressions intra-
et extra-ventriculaires, il faut renoncer définitivement à la ponction de
Quincke et recourir à la ponction ventriculaire qui n'est contre-indiquée
qu'en cas de tuberculose avérée et généralisée.
Évolution, durée. L'évolution du syndrome inflammatoire est plus
SYNDROMES VENTRICULAIRES. 1151
souvent subaiguë ou chronique que franchement aiguë; presque tou-
jours elle est irrégulière, intermittente. Ses formes les plus rapides
durent volontiers 4 ou 6 semaines (Ilanot et Joffroy, Mocquin, Merle),
tandis que les plus longues se prolongent pendant 4 ou G mois (Rilliet,
Parkes-Weber) ou davantage (2 et même 3 ans). Si la mort lente consé-
cutive aux progrès insensibles du coma semble la terminaison la plus
habituelle, la mort subite, le passage il la chronicité ou même la gué-
rison spontanée n'ont rien d'inouï. Nettement indiqué par Rilliet et
Huismann, le passage à la chronicité détermine, chez l'enfant, une
idiotie amaurotique, compliquée souvent de surdi-mutité et caractérisée
par des déformations crâniennes considérables (cràne en tour).
Comparaison avec la maladie du sommeil, les syndromes néopla-
siques et hémorragiques. A part quelques différences secondaires.
le syndrome inflammatoire ressemble étrangement au tableau clinique
de la maladie du sommeil qui, à côté de lésions méningo-encéphaliques
disséminées et variables, comporte une trypanosomiase ventriculaire
constante. Ne trouve-t-on pas dans celle-ci, à côté de la somnolence
diurne alternant avec le délire vespéral, une céphalée prolongée et assez
violente, une fièvre irrégulière et peu élevée, une accélération du pouls
et de la respiration qui persiste dans les périodes d'apyrexie, un ptosis
fréquent ?
Abstraction faite de sa grande prédilection pour les enfants, de l'hy-
pcrtlrerlnic d'ailleurs contingente, de la durée relativement brève de ses
formes aiguës et subaiguës, il est identique au syndrome néoplasique
(épithélioluas épendymo-choroïdicns, tumeurs juxta puis intra-ventri-
culaires).
Par contre, le syndrome inflammatoire diffère sensiblement du svn-
drome hémorragique des ventricules latéraux et du 4'' ventricule. Dans
l'ingravescent apupiexy de Broadbent, l'ictus initial de l'hémorragie
cérébrale ordinaire est bien remplacé par de la céphalée, des vertiges,
des nausées, mais il y a constamment une hémiplégie; le coma est pro-
agressif. accompagné ou non de convulsions mais il est rapide et aboutit
en quelques jours à la mort. Presque tous les auteurs insistent sur 1 exils-
tence, fréquente dans, l'inondation ventriculaire, des convulsions par-
iielles ou généralisées et sur la précocité des contractures; suivant
Pierre Marie, ces contractures précoces seraient d'ailleurs souvent rem-
placées par une simple raideur.
Lorsque l'hémorragie envahit le 4e ventricule, la scène est encore plus
brutalement, dramatique : des convulsions généralisées surviennent de
suite et précèdent de peu la mort qui est souvent très rapide sinon
presque subite. Lorsque la survie se prolonge un peu, le malade tombe
vile dans un coma apoplectique profond avec contractures, convulsions,
vomissements, respiration de Clreyne-Stol : es : contrairement à ce qui
arrive dans le syndrome inflammatoire, il y a du myosis et l'hypothermie
initiale est remplacée par une hyperthermie terminale, excessive.
[G DEL.1MARE,}
1152 " SYNDROMES VENTRICULAIRES.
Le syndrome inflammatoire que nous venons d'étudier dans sa forme
la plus générale présente un certain nombre de variétés résultant de la
localisation des lésions causales au niveau des ventricules cérébraux, de
l'aqueduc de Sylvius ou dû 4c ventricule, de l'âge du malade (nourrisson
ou adulte), de la prédominance ou de l'absence de certains symptômes
(hyperthermie, contractures, somnolence), de la nature du parasite mor-
bifique. Dans le dessein de serrer de plus près la réalité clinique, nous
allons, maintenant, passer en revue les diverses modalités hydrocé-
phaloïde, pseudo-suppurative, pseudo-méningitique, pseudo-tumorale,
comateuse de l'épendymite cérébrale, les principaux types de l'épen-
dymite sylvienne et rhomboïdale; nous rechercherons s'il existe un
syndrome clinique de l'épendymite médullaire et, après avoir consacré
quelques lignes à la physiologie pathologique, nous aborderons le trai-
tement des toi-infections ventriculaires.
ÉPENDYMITES CÉRÉBRALES ,
Épendymite hydrocéphaloïde des nourrissons et des jeunes en-
fants. Le début est insidieux et souvent séparé de l'infection causale
par un intervalle de quelques mois : peu il peu le crâne augmente de
volume, les sutures se distendent, les fontanelles bombent et battent.
La fièvre est minime ou fugace, l'état général médiocre; l'enfant maigrit,
s'affaiblit et se met à vomir. Parfois, il manifeste une certaine agitation
et pousse quelques cris, mais, le plus souvent, il ne tarde pas à tomber
dans un état de somnolence continuelle. Il peut avoir des convulsions.
La rigidité de la nuque et des membres, le signe de Kernig l'ont ordinai-
rement défaut, mais, de bonne heure, l'examen du fond de l'oeil révèle
l'existence d'une stase papillaire ou d'une névrite optique bilatérales.
Assez lente dans son évolution, l'épendymite hydrocéphaloïde se ter-
mine habituellement par un coma mortel; toutefois il lui arrive de passer
à la chronicité et de se compliquer de déformations crâniennes (oxycé-
phalic, crâne en tour), de cécité, de surdi-mutité, d'idiotie (').
Les symptômes cliniques imposent le diagnostic d'hydrocéphalie. La
ponction lombaire, suivant qu'elle fournit un résultat négatif ou positif
autorise à parler d'hydrocéphalie apparemment Idiopathique ou associée
à une méningite. Ce diagnostic d'hydrocéphalie est confirmé lorsque la
ponction ventriculaire donne issue il un liquide clair; il est infirmé,
lorsqu'elle donne issue à un liquide sanglant (hémocéphalie) ou purulent
(pyocéphalie ou cmpyèllie cérébral).
Hydrocéphalie. Si le liquide clair, de densité peu élevée, pauvre
en albumine, contient. quelques leucocytes et des microbes (bacilles de
Pfeincr, d'Eberth, colibacilles, bacilles de Koch, pneumocoques ou
1. Malgré la cécité, cetle idiotie épendymogenc se distingue aisément de l'idiotie
amaurotirfue de Sachs qui est familiale, s'observe presque uniquement ehux les Juifs et
comporte de l'h')1lcracousie.
SYNDROMES VENTRICULAIRES. 1153
méningocoques), on est en droit d'affirmer l'existence d'une hydrocé-
phalie épendymogène, consécutive à l'irritation septique des parois ven-
triculaires ou, ce qui revient au même, celle d'une épendymite séreuse,
toxi-infectieusc.
Si le liquide est très abondant et dénué, comme cela arrive fréquem-
ment dans les cas subaigus et surtout chroniques, d'éléments figurés,
l'origine infectieuse n'est plus soupçonnable que par les circonstances
étiologiques (méningite, otite moyenne, bronchopneumonie, coqueluche,
rhinite, oreillons, gastro-entérite, typhoïde, syphilis).
On pensera comme de juste à la syphilis héréditaire, si l'enfant pré-
sente la triade d'lIutcliinson : en l'absence de commémoratifs précis ou
de stigmates cliniques nets, on ne manquera pas d'utiliser la réaction de
Wassermann.
Il faut, par contre, renoncer à démontrer la provenance épendymaire
et à établir une distinction clinique entre cette hydrocéphalie et les autres
hydrocéphalies internes consécutives aux méningites, aux compressions
de la veine de Galion et à ses thromboses, il la phlébite oblitérante des
sinus dure-mériens, aux processus tératologiques. Ceci est uniquement
du ressort de l'anatomie, voire de l'histologie pathologique.
Hémocéphalie. Lorsque le liquide ventriculaire est, malgré les
pressentiments cliniques, rose, rouge ou ocreux et qu'il ne s'agit pas
d'une faute de technique, on peut éliminer l'hypothèse d'une hémorragie
ventriculaire d'origine cérébrale, épendymaire ou choroïdienne à cause
de la lenteur évolutive du syndrome et grâce à la présence, à côté des
hématies et des débris hémoglobiques, de nombreux leucocytes poly et
mononucléaires (Delamare et Merle).
Rare en clinique humaine où l'on ne rencontre guère que des épen-
dymites histoloriiquement hémorragiques, tuberculeuses, syphilitiques,
méningococciques. l'épendyniite hémorragique est fréquente en patho-
logie expérimentale et s'obtient aisément par l'injection ventriculaire de
tuherculine (Cruchet et Verger) ou par l'inoculation ventriculaire de
staphylocoques, de pyocyaniques (Delamare et Merle).
Pyocéphalie. Quand le liquide ventriculaire est ambré, jaune, vis-
queux, louche et qu'il tient en suspension des flocons fibrino-purulents
ou quand il est, ce qui arrive bien plus rarement, .tout à fait purulent,
épais, homogène ou grumeleux, cilrin ou verdâtre, le diagnostic d'em-
pycme hydrocéphaloïde ne fait pas de doute; il faut préciser si la suppu-
ration ventriculaire est primitive ou secondaire et quel en est l'agent :
les épendymites primitives dont l'indiscutable réalité est démontrée par
l'expérimentation (inoculation carotidienne de cultures microbiennes)
étant très rares en pathologie humaine, on pensera de préférence à la
possibilité d'une variété secondaire, résultant, exceptionnellement, de l'ou-
verture d'un abcès cérébral clans la cavité ventriculaires et, fréquemment,
de la propagation d'une infection méningée à travers les trous de Luschka
et de Magendie, le long des vaisseaux, des gaines péri-vasculaires ou à
)) 73
t KAThJI'L : m. : uno ? 73
[G. DELAMARE }
H54 - SYNDROMES VENTRICULAIRES.
travers le stroma conjonctif des toiles choroïdienncs. Il est, à ce propos,
important de savoir qu'une épendymite secondaire peut survivre à la
méningite causale et, de ce chef, acquérir toute l'importance patholo-
gique d'une détermination autonome, primitive.
Pour l'agent pathogène, il peut être très variable, car les germes les
plus divers ont été signalés et, sans avoir la prétention d'être complet,
on doit citer le streptocoque, le staphylocoque, le pneumocoque, le
méningocoque, le pyocyanique, le bacille de Koch.
Toutefois, on ne perdra pas de vue que le meningocoque est très cer-
tainement le microbe qui a le plus de tendance à se cantonner dans
les ventricules et à y cultiver alors qu'il a, depuis longtemps, ahan-
donné les espaces araclrnoltlieus (Cushing et Sladen, Fischer).
Épendymite pseudo-suppurative, à type clinique d'abcès cérébral.
L'invasion est assez brutale pour légitimer l'expression d'apoplexie
ventriculaire, séreuse. Un jeune sujet atteint d'otorrhec ou de fracture
infectée du frontal présente une ascension brusque de sa température
qui monte à 3H degrés ou 59°, 5; le pouls se ralentit (54) ou s'accélère
(120). La céphalée est vive, diffuse et s'accompagne, mais inconstal\1mcnl,
de vomissements, de raideur de la nuque, de convulsions généralisées
ou partielles et, plus rarement, d'hyperesthesie cutanée, d'hémiplégie,
d'aphasie. La stase papillaire ou la neuroretinite sont constantes. Le
patient ne tarde pas à tomber dans le coma. "
Étant données les circonstances étiologiques, l'intensité de la fièvre,
la gravité des accidents, on ne manque pas de porter le diagnostic d'abcès
cérébral. On trépane. Devant l'intégrité des méninges, on ponctionne,
à tout hasard, les ventricules et l'on évacue un liquide clair et abondant.
Les accidents disparaissent comme par enchantement el, après une, deux
ou trois ponctions, le malade qui semblait voué à une mort prochaine
guérit rapidement et définitivement (Mayo Ilohson, liyron Bromwell. von
Beck, Lecène et Bourgeois, Broca).
L'intégrité des méninges, vérifiée au cours de l'intervention, élimine
l'hypothèse de méningite séreuse, macroscopique, cI. les effets remar-
quables de la ponction ventriculaire cadrent mieux avec l'idée dune
épendymite séreuse, selltiduc qu'avec celle d'une méningite liislolobiclue.
On ne peut s'empêcher d'insister sur le singulier paradoxe clinique qui
veut que certaines épendymites séreuses se manifestent, sous les appa-
rences d'un abcès cérébral alors que certaines 1"pendYlIlites suppurées se
manifestent sous les traits d'une hydrocéphalie.
Épendymite pseudo-méningitique. L'apparition des phénomènes
morbides est beaucoup moins dramatique que dans la forme précédente, :
la fièvre ne dépasse pas 58 degrés ou 58",5; le pouls s'accélère, bat
130 fois à la seconde, alors que la respiration se ralentit et devient même
stertoreuse. 11 y a de la céphalée, des vomissements, plus rarement de la
constipation. La raideur de la nuque, le signe de Kel'l11g existent. Les
convulsions sont fréquentes et généralisées. La stase papillaire peut se
SYNDROMES VENTRICULAIRES. 1155
compliquer de mydriase, d'inégalité pupillaire et de paralysie irienne.
L'évolution est plus longue, plus irrégulière que celle d'une méningite;
elle conduit à un coma mortel ou se prolonge pendant trois ou quatre
mois et aboutit à une idiotie complète.
Ce tableau clinique ne diffère de celui d'une méningite que par des
nuances à peine saisissables et d'ailleurs contingentes, telles que l'ab-
sence habituelle de constipation, de rétraction du ventre, de troubles
vaso-moteurs. L'absence d'éruptions cutanées n'a pas une valeur très
générale, car les exanthèmes et l'herpès ne se rencontrent guère que
dans la méningite cérébro-spinale épidémique. L'insignifiance de la
fièvre est moins propre que l'examen du fond de l'oeil à distinguer l'épen-
dymite pseudo-méningée de la méningite tuberculeuse : la stase papil-
laire est en effet inconstante et tardive dans celle-ci, constante et préma-
turée dans celle-là. L'extrême lenteur de la marche, son irrégularité, la
conservation de l'état général sont, par contre, des indices nullement
négligeables. Malgré tout, l'hésitation est d'autant plus naturelle que les
épendymites pures sont infiniment plus rares que les méningo-éper.-
dymites. Pratiquement, l'idéal sera donc moins de tendre à une diffé-
renciation absolue qu tâcher de suspecter la possibilité dune déter-
mination ventriculaire et à vérifier cette supposition par l'ophtalmoscopie
et par la cytologie du liquide céphalo-rachidien.
Ce type clinique qui parait résulter plutôt des épendymites séreuses
que des épendymites séro-purulentcs, a un grand intérêt théorique en
ce sens qu'il conduit à attribuer une base anatomique précise à des
syndromes tels que le méningisme ou les pseudo-méningites (Donath);
mais il est bien évident que la solution du problème qui se pose au lit
du malade, ne peut être trouvée clnal l'autopsie et grâce à l'examen
microscopique, seul capable d'éliminer l'hypothèse de méningite histo-
logique qui, en pareil cas, se présente naturellement à l'esprit.
* Ependymite à forme clinique de tumeur cérébrale.- Le syndrome
pseudo-tumoral est tantôt généralisé, tantôt, partiel.
Dans les formes généralisées, on trouve une céphalée diffuse et inter-
mittente, des vomissements qui surviennent sans efforts et dont la fré-
quence augmente progressivement , des modifications du pouls qui devient
irrégulier ou très accéléré, de la névrite optique bilatérale avec. parfois,
du nystagmus, des vertiges, de l'afaxie. Les convulsions peuvent n'appa-
['nitre qu'au lI1olTl : 'nl de la terminaisou fatale c'est-à-dire cinq ou six mois
/après les premiers symptômes. 11 est probable que ce tableau clinique
encore très rudimentaire ne manquera pas de se diversifier lorsque le
démembrement, à peine ébauché, des méningites séreuses el des hydro-
céphalies internes permettra de lui attribuer, en toute connaissance de
cause, quelques-uns des innombrables signes accessoires de 1 hyperten-
sion intra-cranienne.
Dans les formes unilatérales, il arrive que la céphalée se localise à l'une
des moitiés du crâne et que la percussion du côté malade semble plus
- lG. DELAMARE.}
1151J
SYNDROMES VENTRICULAIRES.
douloureuse que celle du cote sain. Les convulsions sont tranche ment
unilatérales ou prédominent d'un côté; on enregistre également une
hémiplégie compliquée d'aphasie ondes différences appréciables dans les
réflexes tendineux droits et gauches. Enfin, l'hypertension de l'un des ven-
tricules latéraux peut, on devine aisément pourquoi, n'être pas décelable
par la ponction lombaire et, c'est en pareille occurrence que la ponction
de Quinckc est inutile et devient nuisible, sa répétition ne faisant qu'exa-
gérer les différences de la pression intra-vcntriculaire et arachnoïdienne.
11 est à peu près impossible de distinguer avec les seules ressources
de, l'analyse symptomatique ces variétés apyrétiques des vraies tumeurs
cérébrales. A peine, si leur prédilection pour les enfants, leur évolution
moins régulièrement, moins fatalement progressive et cachcctisante que
celle des néoplasmes pourraient, à la rigueur, faire naître un soupçon.
Il y aurait lieu de rechercher si la radioscopie ne pourrait pas fournir
quelques renseignements utiles à ce sujet. ~
Lorsqu'on se trouve en présence de ce syndrome, on a beaucoup de
chances pour avoir affaire à une épendymite séreuse car ce sont les
épendymites séreuses subaiguës ou chroniques, apyrétiques, généralisées
ou partielles (oblitérantes, unilatérales) qui le réalisent le plus nettement.
Toutefois, il convient de ne pas ignorer que les épendymites suppurées
peuvent donner naissance à un tableau clinique assez semblable. Le
début, il est vrai, a été précédé par une broncho-pneumonie, un abcès
cérébral, une méningite; avant d'être à la normale ou en hypothermie,
le malade a présenté une légère ascension fébrile (37U ? ou 58") ; la stase
papillaire et les convulsions sont plus inconstantes, mais le délire et les
troubles bulbaires sont plus fréquents, révolution un peu plus rapide.
Pour ce qui est du diagnostic étiologique, on ne manquera pas de
penser à la possibilité de la syphilis et surtout à celle des cysticerques
et de la tuberculose chronique, typique qui, sans être les seules causes
du syndrome pseudo-tumoral, sont parmi les plus fréquentes et les mieux
définies.
Souvent latents quand ils sont intra-cérébraux, les cysticerques engen-
drent, lorsqu'ils pénètrent dans les ventricules, une épendymite chro-
nique d'emblée, à gros épanchement séreux qui se manifeste par un
syndrome très analogue il celui que nous venons d'étudier. C'est ainsi
qu'en se localisant au ventricule latéral gauche (Verdun etiversenc), les
cysticerques ont pu produire une céphalée continue mais sujette à des
exaspérations paroxystiques, d'abord localisée à l'occiput puis au verlex;
de la constipation suivie, de diarrhée; des vomissements cérébraux; de la `
diminution de l'acuité visuelle avec pholophobie et diplopie; des crises
éplleptiformes avec perle de connaissance et raideur de la nuque ('); de
la torpeur; un sommeil irrésistible et quelques idées de suicide. L'évo-
lution se poursuivit pendant deux ans et comporta une rémission de plu-
1. Ce symptôme n'est donc pas nécessairement d'origine méningée.
SYNDROMES VENTRICULAIRES. 1 157 î
sieurs mois durant laquelle les troubles visuels furent seuls il persister.
La mort, fut précédée d'un coma qui dura huit heures et s'accompagna
de résolution complète, des membres, de cyanose, de refroidissement
des extrémités, de dyspnée. Le pouls battait 44 fois à la seconde; la
température était légèrement abaissée (50°, 8).
D'autres fois, on a observé, à côté des signes cardinaux qui viennent,
d'être passés en revue, de la paraphasie, des vertiges, une démarche
hésitante.
Les placards de tuberculose typique chronique peuvent donner lieu
à un complexus symptomatique assez semblable : dans un cas pur, ayant
évolué pendant deux ans, la seule particularité, en dehors de la céphalée
continue, des vomissements intermittents et de l'amaurose, tenait à
l'existence d'accès d'aphasie, accompagnés de tremblement de la
moitié droite du visage et de pertes de connaissance avec rougeur puis
pâleur livide de la face, ralentissement du pouls, trismus, opisthotonos,
convulsions cloniques du bras droit, convulsions oculaires et suivis de
cyanose, d'arrêts respiratoires, de troubles du pouls qui devenait petit
et rapide.
La difficulté extrême du diagnostic étiologique tient à ce que rien, ni
dans l'état local, ni dans l'état général n'autorise à suspecter la tuber-
culose : les viscères sont ou paraissent intacts, l'amaigrissement est,
tardif, la température manque. Anatomiquement même, l'hésitation peut
subsister si, en l'absence d'inoculation, les bacilles de Koch sont trop
rares pour être décelés dans les cellules géantes.
Épendymo-choroïdite comateuse. Si presque toutes les ependv-
mites comportent de la torpeur et se terminent par le coma, on doit
réserver 1 epithetc de comateuse il la variété fruste, presque apyréliquc
bien décrite par Loepcr, dans laquelle font complètement défaut les
troubles moteurs convulsifs ou paralytiques et la stase papillaire. dans
laquelle la céphalée initiale est suivie d'une somnolence considérable
qui aboutit il un coma prolongé.
Ce coma ependymo-cboroïdicn se distingue du coma méningitique
par sa durée, plus longue, l'absence de paralysies, de troubles vaso-
moteurs,, de température, du coma apoplectique, compliqué d oedème
papillaire et d'hémorragies rétiniennes, par sa prédilection pour les
enfants et les sujets encore jeunes, par son début insidieux, son intensité
moindre, l'hypothermie qui est terminale au lieu d'être initiale. En
dehors même des coininénioratifs, sa durée et l'absence d'odeur de
l'haleine suffisent à ne pas le confondre avec les comas alcoolique et
diabétique. L'absence de vomissements, de lividité faciale, de sueurs
et de grand refroidissement des extrémités permet d'éliminer l'empoi-
sonnement par les champignons. L'état des pupilles qui sont intactes,
inégales ou paresseuses, le différencie du coma belladone où la mydriase
est énorme, des comas opiacé et uremique, dans lesquels le myosis est
extrême.
. [G DELAnfARE] }
1158 SYNDROMES VENTRICULAIRES.
La forme comateuse reconnue, on pensera naturellement à la possibi-
lité d'une épendymo-choroïdile tuberculeuse, aiguë de l'adulte, puisque
c'est chez les tuberculeux qu'elle a été aperçue par Andral, Gintrac,
Fournél et bien décrite par Laper. Il est à peine besoin d'ajouter qu'il
n'y a là qu'une indication, nullement un axiome permettant d'écrire :
forme somnolente = tuberculose. Pour le croire, il faudrait ignorer que
cet état peut être réalisé par des épendymites banales, et ne pas connaitre
les formes hydrocéphaloïde et pseudo-tumorale de la tuberculose épen-
dymaire. Nous avons, pour notre compte, observé une tuberculose
typique, chronique de l'épendyme qui se termina par la mort subite,
sans somnolence ni coma avant-coureurs. jt
ÉPENDYMITES DE L'AQUEDUC DU SYLVIUS ET DU 4' VENTRICULE
Les symptômes sont les troubles pedoncutaircs, protubérantiels et
bulbaires que nous avons décrits comme éléments constituants du syn-
drome inflammatoire. ]1 est à remarquer que les modifications du pouls
et de la respiration prédominent dans les épendymites cérébro-bulbaires,
aiguës tandis que la polymie et la glycosurie s'observent plutôt dans les
épendymites uniquement bulbaires et chroniques.
La difficulté du diagnostic ne tient, pas ici il l'imprécision des signes
mais à la difficulté de les rattacher clillirlucluent au processus anato-
nnidae dont ils dérivent. Pour y parvenir, il faut y penser systématique-
ment, et surtout ne pas se contenter du diagnostic commode, mais peu
précis, de polyurie essentielle, de glycosurie nerveuse, etc.
Une autre cause d'erreur résulte de ce que la poly"rie et la glycosurie
notamment peuvent relever aussi bien d'un processus néoplasique que
d'un processus inflammatoire, d'une cpendymite banale que d'une épen-
dymite il cysticerques. En règle générale, la présence de symptômes
bulbaires ne doit pas orienter la recherche étiologique dans le sens de la
tuberculose, car il semble que les toxines du bacille de Koch respectent
fréquemment, sans doute il cause de leur dilfusibililé nulle ou minime,
les noyaux du plancher de la fosse rhomboïdale. ..
ÉPENDYMITES MÉDULLAIRES
Certaines paraplégies et certains syndromes syringomyetiqucs relèvent-
ils d'une épendyniilc médullaire ? Les abcès de la moelle déterminant
une paraplégie spasmodique avec perle de la sensibilité objective, dou-
leurs violentes dans les lombes 1'1 les membres inférieurs, paralysie des
sphincters ano-vesicaux, on a le droit de supposer que les épendymites
médullaires, purulentes (Zenker, Delamare et Merle), qui détruisent
l'épithéliuni et ahcèdeut la substance blanche sont susceptibles de donner
naissance il un comptexus clinique analogue.
La paraplégie de la dourine s'explique évidemment par les multiples
SYNDROMES VENTRICULAIRES. 1159
foyers de ramollissement médullaire trouvés à l'autopsie, mais il y aurait
lieu de rechercher si cette myélomalacie n'est pas, dans une certaine
mesure au moins, conditionnée par la trypanosomiase du canal épendy-
maire.
La paraplégie, signalée par Jou'roy et Achard, dans un cas d'épendymite
médullaire chronique, de cause indéterminée, peut s'expliquer par les
lacunes concomitantes et les lésions épendymaires observées ressemblent
trop aux altérations banales, quasi physiologiques du canal central de la
moelle humaine pour qu'il soit possible de leur attribuer, sans hésitation,
une conséquence clinique aussi importante. Il est, par contre, possible
d'affirmer que certains syndromes syringomyéliques sont véritablement
l'expression clinique, tardive d'une hydromyélie toxi-infectieuse, lente,
congénitale ou acquise dont les lésions sont analogues, sinon identiques
celles des épendymites séreuses, chroniques.
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
Une expérience de Vulpian, répétée avec un résultat identique par Cossy.
montre que les parois ventriculaires sont inexcilables. Il s'en suit que les
irritations épendymaires sont latentes ou bien qu'elles doivent, à la
manière des irritations méningées, emprunter leurs expressions sympto-
matiques il la souffrance des centres nerveux voisins et, par conséquent,
présenter une physionomie- clinique différente suivant qu'elles sont céré-
branles, bulbo-prolubéranlielles ou médullaires. Les fonctions des centres
sous-corticaux étant très obscures, celles des centres .bulbaires étant
relativement bien connues, il y a donc beaucoup de chances pour que le
syndrome des épendymites bulbaires soit plus caractéristique que celui
des épendymites cérébrales.
L'hypothèse de la latence obligatoire étant inconciliable avec un
certain nombre de faits analonio-cliniques bien observés (épendymites
pures de Rilliet, Parkes Weber, locquin, épendymites prédominantes de
Beck, épcndymo-ctioroidites de Loeper. épendymite séropurulente,
lI1éningoco('cique de Cushing et Sladen, Fischer, Merle), on est conduit
à accepter l'idée de la symptomatologie d'emprunt.
Celle symptomatologie d'emprunt ne peut être que toxique et méca-
nique : toxique, elle résulte de la diffusion des poisons ventriculaires qui
traversent t'épithéhum épendymaire et vont adultérer les centres nerveux
contigus; mécanique, elle résulte de la compression exercée sur les
mêmes centres par 1'('I)aiielieiiieiii liquide. L'existence de. symptômes
d'ordre toxique est probable il cause de la facilité avec laquelle les poisons
(acide chlorhydrique dilué, urine stérilisée), les pigments (carmin), les
microbes (staphylocoque, pyocyanique). introduits directement dans la
cavité du ventricule latéral, franchissent l'épithétium, passent dans les
gaines périvasculaires et arrivent au contact, des noyaux nerveux. (Leur
progression descendante explique comment une épendymite primitive-
[G. DELAMARE.
1160 SYNDROMES VENTRICULAIRES.
ment cérébrale devient successivement sylvienne, rhomboïdale et même
médullaire; elle montre que le canal central sert surtout à diffuser les
produits morbifiques dans toute la hauteur du névraxe.)
La symptomatologie toxique est démontrée parla réaction fébrile passa-
gère mais vive que suscite l'injection ventriculaire de tuberculine, par
l'hyperthermie légère et l'amaigrissement que déterminent certaines
infections ventriculaires spontanées, et plus encore par l'existence d'alté-
rations considérables des noyaux bulbaires constatées dans certaines
épendymites expérimentales (Delamare et Merle).
L'existence de la symptomatologie mécanique est mise en évidence
par la disparition de certains signes cérébraux (céphalée, convulsions)
et bulbaires (bradycardie), sous l'influence de la soustraction du liquide
ventriculaire. Dans le même sens, plaident également les expériences de
Duret et de Sicard ; la dilatation brusque des ventricules par l'injection
directe, rapide d'une quantité d'eau supérieure à ') 00 grammes provoque
le ralentissement du pouls, des irrégularités respiratoires et un coma
rapidement mortel (Duret) ; la dilatation des ventricules consécutive il
l'injection sous-arachnoïdiennede sérum détermine un ralentissement et
des intermittences du pouls et de la respiration ; le chien en expérience
présente une somnolence et une parésie du train de derrière qui dispa-
raissent si l'on suspend l'injection avant d'atteindre la dose mortelle
(250 à 550 centimètres d'eau salée) (Sicard).
Il est vrai que la dilatation des mêmes cavités avec une quantité de
paraffine ou de vaseline, égale au tiers du poids de l'encéphale, ne produit
aucun effet appréciable chez le cobaye (Bruandet) et ne détermine, chez
le chien, qu'une légère rigidité spasmodique (Armand Delille). Mais quelles
conclusions en tirer si ce n'est que les centres nerveux périépendymaircs
s'accommodent mieux d'une compression lente que dune compression
brusque et possèdent une tolérance inversement proportionnelle au degré
de perfection cérébrale du sujet en expérience.
Est-il bien nécessaire d'ajouter que la résistance à la compression len-
tement exercée par des corps chimiquement inoffensifs n'implique en
aucune manière une résistance analogue vis-a-vis des liquides virulents
ou toxiques ? En fin de compte, l'introduction de paraffine ou de vaseline
dans les cavités cérébrales du cobaye et du chien n'est guère propre qu'il
mettre en lumière l'insignifiance des facteurs mécaniques, lents dans la
pathologie ventriculaire de ces animaux; elle ne légitime pas, bien
entendu, l'extension de ces données aux cerveaux, beaucoup plus per-
fectionnés, du singe et de l'homme et ne prouve ricn contre les faits posi-
tifs, humains ou expérimentaux, précédemment signalés.
Nous sommes donc en droit de penser que si certains troubles lml-
baires proviennent d'altérations nucléaires toxiques, la majorité des
signes bulbaires et la presque totalité des signes cérébraux proviennent
des effets purement mécaniques de l'hypertension venlriculaire ou, ce
qui revient au même, que si certaines épendymites bulbaires, sèches
SYNDROMES VENTRICULAIRES. Util
peuvent avoir une histoire clinique, les épendymites cérébrales restent
frustes ou latentes quand elles ne comportent pas un gros éllancllenleni.
Peut-on objecter que la relation génétique entre l'épanchement et
l'inflammation épendymo-choroïdienne n'est pas toujours bien établie ?
Nous ne le croyons pas, car, grâce il l'anatomie pathologique, nous possé-
dons un certain nombre d'observations complètes dans lesquelles J'hydro-
céphalie, 1 hémocéphalie ou la pyodphalie 'ne peuvent provenir que de
l'inflammation épendymaire. Le mécanisme productif de l'héinocéphalie
et de la pyocéphalie epcndymogencs est évident; celui de l'hydrocé-
phalie ependymogenc est, il faut le reconnaître, beaucoup plus incertain.
Ilésulte-t-elle d'une hypersécrétion de l'épendyme irrité ? Nous n'en
savons positivement rien, car nous ignorons si 1'¡;pithélill\l1 ventriculaire
prend une part quelconque à l'élaboration du liquide céphalo-rachidien.
L'hydropisie de certains culs-de-sac glanduliforines devenus kystiques
est néanmoins un argument favorable à cette hypothèse. Dans les cas.
d'ailleurs assez rares, où les plexus choroïdes participent de façon impor-
tante il l'inflammation, l'intervention de leur revêtement est admissible,
puisque ce revêtement présente les indices histologiques d'une activité
secrétoire, excitahle par 1'¡"lher et la muscarine sillon par la pilocarpine.
L'hydropisie est-elle, pour une part, l'effet de la congestion active ou pas-
sive, de la gainite' ? C'est possible, mais non certain, car il y a des conges-
tions et des gainites sans hydropisies et inversement. Dans les cas qui
passent à la chronicité et s'accompagnent de sclérose n]éninu-cérélrale,
le rôle respectif des granulations, de la pachyependymite, des scléroses
périveineuses, choroïdienne et méningée, est. encore plus difficile à définir
et à préciser, presque toutes ces altérations pouvant se rencontrer
dans des épendymites sèches ou manquer dans des épendymites liquides.
Un seul fait est certain, c'est l'action sur le développement et la topo-
graphie de t'epanchemeut des adhérences, des symphyses, des kystes qui
oblitèrent, les trous de Mouro. l'aqueduc de svlvius, le 4" ventricule.
Les conséquences de la fermeture des trous de Magendie et de Luschka
par un processus épendymaire, méningé ou mixte, sont plus discutables,
les attatonustcs affirmant l'inconstance physiologique de ces foramina.
" Ces difficultés, analogues du reste à celles que soulève le mécanisme
de la majorité des hydrocéphalies internes et, plus particulièrement,
celui de l'hydrocéphalie tueningitiqne.n'otent rien il l'hydrocéphalie
épendymogène de son incontestable réalité et de son très réel intérêt. La
valeur nosologique et pratique du concept en question apparaît évidente
si l'on réfléchit qu'il est capable de fournir une base anatomique il des
syndromes de tneningisme ou dl pSl'llllo-lIll'lIingite et que. faute de le
connaître, des chirurgiens de la plus haute valeur ont classé dans la mé-
ningile séreuse des faits où l'intégrité des méninges était aussi certaine
que t infection des ventricules était évidente !
En tout étal de cause, il semble bien qu'on ait le droit de parler d'hy-
drocephahc cpcndytuogene et de préférer cette expression au terme
[G. DELAMARE.]
1162 SYNDROMES VENTRICULAIRES.
vague d'hydrocéphalie idiopathique, essentielle ou inflammatoire, à celui
de méningite ventriculaire, séreuse, qui prête à confusion et consacre
une hérésie anatomique, lorsqu'il ne s'applique pas exclusivement il
l'inflammation hydropigène de la partie conjonctive des toiles choroï-
diennes.
- - TRAITEMENT
Les indications thérapeutiques découlent naturellement de la nature
de l'infection, de sa limitation plus ou moins exacte à la cavité ventricu-
laire et de l'importance plus ou moins considérable de l'épanchement.
Ainsi, par exemple, l'abstention doit être la règle en présence d'une
meningo-ependymitc tuberculeuse aiguë, d'une épendymite chronique
associée à un processus teratotogiquc alors que le traitement mercuriel
intensif doit être appliqué sans retard aux épendymites séreuses des
hél'l'.do-syphi Ii ti 1111es, '
Pour les 11ll"ningo-épendYlnites à meuiugocoqucs, la ponctionetl'injec-
tion ventriculaire du sérum de Flexner sont indiquées lorsque la ponc-
tion de Quincke et t'injection arachnoïdienne n'ont eu aucun effet utile.
Ce sérum perdant toute son efficacité lorsqu'il n'est pas mis au contact
direct du germe à détruire, il est, en effet, bien évident que l'inoculation
\ lombaire n'a et ne peut avoir aucune action bienfaisante si, comme il
arrive quelquefois, le diplocoque de Weiselwlbaum se cantonne exclusi-
vement dans les ventricules. On a d'ailleurs tout lieu de penser que si le
canal central diffuse les poisons, il peut aussi diffuser les anticorps, les
antitoxines et l'on conçoit que la sérothérapie ventriculaire de la menin-
gococcie (Cushing et Sladen, Fischer) ne soit qu'un cas particulier d'une
méthode plus générale, susceptible de nombreuses applications dans les
formes graves du tétanos (Pickerell. Choupin), de la diphtérie, de la rage.
Abstraction faite de la nature de l'agent causal, qu'il soit connu ou
inconnu, il convient, en règle, très générale, de renoncer il la ponction
lombaire dès qu'elle ne procure pas d'amélioration nette ou lorsque
l'absence d'hypertension rachidienne et d'éléments figurés démontre
l'absence de communication entre le ventricule infecté et les espaces
araelmoïdieiis. La ponction lombaire est inutile et peut devenir nuisible
car elle exagère la différence des pressions intra- et extra-ventriodaires.
II faut alors, sans s'attarder à la trépanation décoinpressive dont l'action
n'est qu'indirecte, recourir il la ponction ventriculaire qui, seule, esl
capable d'évacuer rapidement l'excès de liquide seplique ou toxique.
Dans certains cas, il est indispensable de la renouveler deux et même
trois fois. Les merveilleuses guérisons obtenues dans des circonstances
presque désespérées (forme pselldo-suppuraliye de t'ependymite séreuse)
prouvent assez la haute valeur de cette méthode, seule vraiment ration-
m'lie en présence de l'infection grave d'une cavité close, chirurgicale-
ment accessible. A l'employer, on n'a rien à perdre, tout à gagner.
RADIOLOGIE
par le D'André LÉRI (1)
La neurologie a parfois trouvé dans la découverte de Rontgen un pré-
cieux moyen d'investigation, susceptible non de suppléer au diagnostic
clinique, mais de lui faire suite en le complétant.
Les applications neurologiques des rayons X faites jusqu'à ce jour sont
de deux ordres : dans certains cas les rayons ont été employés pour
contribuer il établir un diagnostic, cas de radiographie ou de radioscopie,
dans d'autres cas, jusqu'ici plus rares, ils ont constitué une thérapeu-
tique. On envisage dans le premier groupe de ces faits les rayons qui,
après avoir traversé une partie du corps, viennent impressionner une
plaque photographique ou un écran, dans le second groupe les rayons
qui, au contraire, sont arrêtés ou absorbés par les tissus irradiés.
1
t I. RADIODIAGNOSTIC
t (Emploi des rayons X en clinique neurologique).
A. GÉNÉRALITÉS
, 1" Classification des cas justiciables du radiodiagnostic.
La moelle et le cerveau sont des organes de faible densité, clairs,
inclns dans un étui osseux compact ; ils sont tels que les modifications
même considérables de la densité du contenu restent toujours cachées
par l'opacité du contenant. Aussi les applications du radiodiagnostic il
l'élude des lésions directes du système nerveux central se trouveront
limitées : soit aux cas où la boite osseuse opaque se trouvera déformée
ou partiellement épaissie ou raréfiée (traumatismes, hyperostoses ou
destructions osseuses), soit aux cas où dans cette boîte opaque aura péné-
tré un corps étranger plus dense encore (balle de revolver, lame de cou-
tean, etc.).
Beaucoup plus fréquemment la radiologie ne sera applicable qu'il des
altérations secondaires du tronc ou des extrémités : ces modifications
pourront être dues soit il une maladie du système nerveux central ou
périphérique, soit à des affections dyslrophiautes diverses généralement
classées par les auteurs, il tort, ou à raison, parmi les maladies du sys-
tème nerveux, affections dont l'origine est en réalité peu connue, sou-
vent sans doute autotoxique.
I. Nous tenons : 1 remercier notre ami le D' Gaston Legros, ancien interne des hôpi-
taux, chef dn laboratoire de radiographie de l'hôpital Tenon, dont la grande compétence
en radiologie nous a été très précieuse pour la rédaction de cet article.
[A. LÉRI.
1164 . RADIOLOGIE.
Parmi les premières de ces altérations, on doit compter les arl.liro-
pathies et ostéopathies tabétiques et syringomyéliques, les atrophies
osseuses de la paralysie infantile et des scléroses cérébrales infantiles,
les déformations des névrites et des myopathies. ,
Parmi les secondes dé ces affections, il faut placer, d'une part les
déformations plus ou moins systématisées de l'acromégalie, de la maladie
de Paget, de l'ostéo-arthropathie hypertrophiante pneumique, de l'achon-
droplasie et de la dyschondroplasie, de la dysostose cléido-cranienne
héréditaire, d'autre part les ostéopathies diffuses ou irrégulièrement
disséminées du rachitisme, de l'ostéomalacie, etc.
2° Utilité relative de la radioscopie et de la radiographie.
La radioscopie est surtout applicable aux cas où, comme dans le tho-
rax par exemple, des organes compacts comme le coeur, l'aorte, font
une tache opaque sur un fond relativement transparent comme le pou-
mon, Dans les applications neurologiques, il ne s'agit presque jamais
de cas semblables, exception faite des rares cas où dès corps étrangers
métalliques ont pénétré dans l'encéphale ou la moelle : la radioscopie
peut être alors fort utile.
Dans toutes les autres circonstances, que l'on ait à rechercher des alté-
rations du crâne ou du rachis, ou que l'on ait à constater les déforma-
tions trophiqucs des os du tronc, de la face ou des extrémités, les rayons
X ont surtout à mettre en évidence des lésions fines de la structure
osseuse, des raréfactions, des hyperplasies ; la radioscopie, étant donné
le pouvoir éclairant faible de l'écran, n'est pas favorable à la mise en
évidence de ces altérations ; la plaque, sensible, au contraire, les accuse,
car elle additionne les impressions reçues en plusieurs secondes de pose,
ce que l'oeil ne saurait faire ; la radiographie est donc leprocédé-de choix.
La radioscopie reste, bien entendu, utilisable pdur la constatation
facile et rapide d'une. fracture spontanée, d'une pseudarthrose, etc.;
elle peut préparer et préciser la radiographie qui sera prise ensuite,
car elle permet l'examen de grandes étendues de régions ou de grands
segments de membres; elle élimine donc les clichés trop grands,
c'est-à-dire donnant des images déformées ou voilées, déformées pour
les régions éloignées du point d'incidence du rayon normal, voilées par
les rayons secondaires qui prennent naissance au contact des corps irra-
diés ; enfin elle est un excellent moyen de mensuration d'un raccourcis-
sement osseux et d'appréciation de son évolution. Pour le reste, la
radioscopie est inférieure à la radiographie : celle-ci donne ce que
celle-là ne peut donner.
3° Instrumentation. - Technique.
L'instrumentation et la technique de la radiographie n'offrent rien de
spécial et ne sauraient être envisagées ici. Les règles générales qui
RADIODIAGNOSTIC. H 65
doivent être observées pour l'obtention de bonnes épreuves sont plus
essentielles ici encore que dans hien d'autres circonstances de la pra-
tique médicale ou chirurgicate. Par exemple, une certaine dislocation des
travées d'un radius ou d'un tibia doit pouvoir permettre d'affirmer un
diagnostic de maladie de Paget douteux, un élargissement de la selle
turcique ou une destruction des apophyses clinoïdes sont un signe im-
portant de tumeur hypophysaire : on peut déduire de ces deux exemples
l'importance de radiographies nettes, à détails fins, prises en positions
correctes et identiques, toujours comparables entre elles.
De nombreux et récents perfectionnements des appareils et. surtout
des ampoules employées permettent actuellement la radiographie
rapide ou instantanée, c'est-à-dire une diminution considérable des
temps de pose pouvant, descendre jusqu'à trois quarts de seconde pour
le cliché d'un thorax. Cette technique est utile et peut même être né-
cessaire pour la radiographie du coeur('), du poumon ; elle supprime les
mouvements respiratoires et donne des radiogrammes fouillés, d'une
précision et d'une clarté exceptionnelles ; enfin des malades nerveux,
des agités, des alcooliques, des dyspnéiques, ne peuvent guère être
radiographiés que par ce procédé. Ces dernières raisons d'ordre général
peuvent rendre la radiographie instantanée précieuse en neurologie, mais
en dehors d'elles et pour l'étude des os, des vertèbres, du crâne, il n'y
a pas d'avantage sensible à délaisser les procédés ordinaires. La méthode
de pose doit même être préférée à la radiographie rapide ou instantanée
si l'on veut faire varier la qualité des rayons employés en vue des détails
cherchés, pour la mise en évidence de la structure du tissu osseux, des
muscles, des tendons, des bourses séreuses même, par exemple.
La stéréoradiographie doit être mentionnée dans cet exposé rapide.
La stéréoradiographie ou radiographie stéréoscopique sera particulière-
ment apte à donner une image précise et vivante. Elle permet de voir
l'e squelette et les lésions, ou, s'il y a lieu, le corps étranger, connue
reconstitués en perspective; on peut juger de la superposition des plans
et des distances qui les séparent : ainsi on peut apprécier, par exemple,
la situation relative des différents fragments dans un foyer de fracture
ou bien l'aspect exact d'une extrémité osseuse luxée. Une stéréoradio-
graphie est double et se compose de deux vues de l'objet examiné,
prises de deux points un peu distants de l'espace (5 centimètres en
général) : ces deux vues représenteront la vision de l'oeil droit et celle
de l'oeil gauche et leur réunion donnera dans le stereosconc la sensation
du relief.
1. Les perfec ! ionncments de la radiographie instantanée ont permis récemment, en
Allemagne et dans certains laboratoires français privilégiés, d'obtenir, au moyen de
bobines puissantes et encore fort dispendieuses, des cinématograpliies radiographiques
des mouvements viscéraux, des cinématographies des mouvements du coeur notamment :
on conçoit que l'emploi de ces appareils sera sans doute précieux pour l'étude de la
physiologie normale et pathologique de certains organes.
[A. LÉRI.]
1166 RADIOLOGIE.
B. L'ASPECT RADIOGRAPHIQUE a '
DANS LES DIFFÉRENTES AFFECTIONS NERVEUSES t
Nous passerons rapidement en revue les applications radiographiques
dans l'étude des affections suivantes :
1° Traumatismes de la moelle et du cerveau avec ou sans pénétration
de corps étrangers; .4
2° Déformations pathologiques du crâne et du rachis : '
5° Déformations trophiques osseuses et articulaires des extrémités, con-
sécutives à des affections du système nerveux central ou périphérique;
4° Affections osseuses dystrophiantes, soit systématisées, soit diffuses
et irrégulières.
1° TRAUMATISMES DE (LA MOELLE ET DU CERVEAU
Lorsqu'on suppose qu'un corps étranger a pénétré dans la
moelle ou dans le cerveau, la radiographie ou la radioscopie donnent les
renseignements les plus précis si le corps étranger es)' particulièrement
opaque aux rayons X, si c'est notamment un corps métallique, ce qui est
généralement le cas, car il s'agit presque toujours de balles de revolver,
de lames de couteau, de pointes de stylets ou de fleurets, etc.
Pour le crâne deux cas peuvent se présenter : '10 ou bien on ignore si z
le corps étranger s'est enfoncé et est resté dans les tissus, la radiographie
tranche la question en révélant ou non sa présence ; 2" ou bien il s'agit
non plus d'indiquer la présence douteuse, mais bien de préciser le siège
d'un corps étranger certain :
1" Dans le premier cas la radiographie permet d'affirmer que les
troubles cérébraux qui auront pu se produire sont dus soit il la présence
du corps étranger dans le crâne, soit il l'existence d'une hémorragie mé-
ningée ou cérébrale, ou sont simplement attribuables il une contusion ou
une commotion de l'encéphale. Quelquefois même la radiographie per-
mettra de préciser un de ces derniers diagnostics en révélant un trait de
fracture au lieu du corps étranger métallique recherché;
2° S'il s'agit de préciser le siège exact du corps vulnérant dans le
crâne et d'en rendre ainsi possible l'extraction, différentes méthodes
peuvent, être utilisées.
Le principe des dispositifs les plus fréquemment employés est celui
du compas il trois branches des sculpteurs : il faut. en appliquant les
trois branches d'un compas sur trois points osseux saillants et faciles à
repérer de la région envisagée, indiquer avec une quatrième branche
mobile la situation du corps étranger dans l'espace. On doit pour chaque
recherche : 1" prendre deux épreuves radiographiques du corps étranger
ou relever il l'écran sur le blessé les points d'entrée et de sortie du rayon
normal de l'ampoule [tassant par le, corps étranger suivant deux inci-
dences successives variant de 40 degrés il 90 degrés; 2° régler le' compas
en reconstituant matériellement dans l'espace par des fils les deux
RADIODIAGNOSTIC. 1 167
rayons incidents et leur intersection : celle-ci répond à la situation du
corps étranger dans le crâne pour les points de repère choisis. Ce pro-
cédé, plus ou moins modifié, est employé dans les appareils de Ht'IIIY et
Contremoulins, Mackenzic, Davidson, Guilloz, Leduc, etc.
Ces appareils, et surtout le premier, sont en général coûteux, délicats à
manier et demandent des opérations minutieuses et très longues. Aussi
Tuffier a-t-il préconisé un appareil beaucoup plus simple. Celui-ci se
compose d'une bande métallique souple qui s'applique et se moule sur
le crâne. On détermine radioscoliduernent les points d'entrée et de sor-
tie de deux rayons normaux perpendiculaires entre eux qui passent tous
deux par le projectile; on marque ces points d'entrée et de sortie sur
la bande souple ; on marque également sur le crâne la position exacte
de la lame métallique par de légères pointes de l'eu. On enlève alors sans
la déformer la laine métallique munie de ses quatre marques et on tend.
entre les quatre points marqués, deux fils; leur entre-croisement repré-
sente la situation exacte du corps étranger, une fois la bande métallique
remise en place. L'appareil est enlevé, une aiguille indicatrice v est
introduite et sa genouillère fixée de manière que la pointe affleure exac-
tement la croisée des fils; on enlève alors ces derniers devenus inutiles,
et l'appareil stérilisé est prêt à servir au cours de l'opération. A ce mo-
ment le chirurgien réappliquera l'appareil exactement sur le sujet en
superposant ses contours aux traces du thermocautère, et l'aiguille indi-
catrice enfoncée dans sa genouillère conduira vers le projectile au niveau
duquel sa pointe s'arrêtera. La simplicité de l'appareil et de la méthode
de repérage sont séduisantes, mais la bande métallique flexible par prin-
cipe [tout facilement se déformer, d'où des causes d'erreur et de fausses
directions possibles; la mobilité des téguments, la profondeur du siège du
corps étranger sont encore susceptibles d'accentuer les écarts il craindre.
Perches a décrit un autre mode de recherche sous le nom de ponction
des corps étrangers; il est basé sur l'innocuité des piqûres viscérales par
des aiguilles très fines et consiste à prendre le contact avec le corps
étranger au moyen d'une aiguille à acupuncture longue et mince sous le
contrôle de la radioscopie et sur la table d'opération; on procède séance
tenante il l'extraction. Ce procédé est considéré par Loison (') comme un
procédé de choix; il considère les piqûres par aiguilles fines comme
complètement inoffensives même pour le cerveau, les vaisseaux et les
nerfs, et éviterait ainsi il la fois les techniques difficiles du repérage et
les fausses routes opératoires.
Pour ce qui concerne le rachis. il peut être bien plus difficile d'affir-
mer a priori que le corps étranger qui a traversé les tissus superficiels a
bien pénétré dans la cavité rachidienne. Ces tissus sont en dlet plus
épais, ont un pouvoir d'arrêt plus considérable, et d'autre part la para-
plégie brusque, signe habituel en cas de pénétration dans la moelle, peut
1. Loison. Les rayons de 11(jifleii. Dois, 1905.
[4. LERL
1168 RADIOLOGIE.
cependant faire défaut pour une lésion médullaire partielle ou exister
sans que le corps étranger ait pénétré dans la colonne vertébrale; on
peut en effet observer une paraplégie brusque, ou bien dans le cas de
fracture ou de luxation vertébrale, ou bien à la suite d'une hémorragie
soit d'une vertèbre non luxée ou fracturée (hélllt1torachis), soit de la mé-
ninge (hémorragie méningée), soit de la moelle elle-même (hématomyé-
lie), ou bien à la suite d'un simple choc médullaire, d'une commotion ou
d'une contusion médullaire.
La symptomatologie n'est pas toujours assez dissemblable dans ces
différents cas pour permettre d'en faire le diagnostic clinique; la radio-
graphie lui viendra puissamment en aide en révélant : 1° la présence ou
l'absence du corps étranger dans la plaie; 2° sa situation en hauteur;
5" jusqu'à un certain point sa situation en profondeur. Mais, étant donnés
le diamètre relativement considérable du tronc et le diamètre très
restreint de la cavité rachidienne, il ne faudra pas compter sur la radio-
graphie, sauf en des cas très exceptionnels, [tour juger si l'agent vulné-
rant a ou non louché la moelle et si la paraplégie résulte ou non d'une
section ou d'un écrasement médullaire. Que le corps étranger ait pénétré
ou non dans le rachis, la radiographie montrera parfois, avec une net-
teté plus ou moins grande, une fracture ou une luxation vertébrale qui
feront le diagnostic cherché, mais elle ne révélera jamais les hémorra-
gies de la moelle, de ses enveloppes ou du rachis dont l'élimination
serait nécessaire pour aboutir au diagnostic, si important au point de vue
pronostique ou thérapeutique, de contusion ou de commotion médul-
laire, voire même de paraplégie névropathique.
Les traumatismes du crâne ou du rachis peuvent encore se produire
de façons très différentes sans action de corps étrangers, péné-
trants ou non : tels sont les chutes et les coups portant directement ou
indirectement sur la tète ou le dos, chutes sur les pieds, sur les genoux,
sur le siège. Le seul renseignement, souvent essentiel, il est vrai, que
pourra alors fournir le radiodiagnostic consistera dans la révélation d'une
fracture du crâne, d'une fracture ou d'une luxation du rachis. Cependant
les fractures et les luxations légères, incomplètes ou partielles, n'appa-
raissent souvent pas avec netteté sur la plaque sensible : telles sont les
fractures de la table interne ou les fissures du crâne, les fractures de la
base sans déplacement, les luxations antéro-postéricurcs du rachis avec
ou sans bascule de vertèbres et compression de la moelle, les arrache-
ments de fragments osseux d'un corps vertébral ou d'une apophyse
venant comprimer la moelle ou les racines, etc. ; or c'est dans ces cas
précisément que la symptomatologie du début, serait souvent assez fruste
pour que le diagnostic ait besoin d'un contrôle radiographique.
Il nous faut dire un mot encore des troubles traumatiques
tardifs, ceux-ci particulièrement importants pour le neurologisle, car
ils surviennent souvent à une période où le traumatisme est oublié et
où le malade n'a plus aucune raison pour s'adresser directement au chi-
RADIODIAGNOSTIC. Il 611 i
rurgien. Nous voulons parler, pour le crâne, soit des signes de compres-
sion inira-crttnienne, soit des monoplégies ou des hémiplégies, soit sur-
tout des crises épilepliformes, généralisées ou jacksonniennes, qui
peuvent survenir plusieurs semaines, plusieurs mois ou plusieurs années
après un traumatisme souvent d'apparence bénigne; pour le rachis, des
paraplégies tardives.
Dans ces différents cas, il pourra s'agir d'accidents purement névro-
pathiques ou de maladies définies de la moelle ou du cerveau dans l'appa-
rition desquelles le traumatisme aura joué un rôle nul ou tout au plus le
rote de cause occasionnelle, paralysie générale, tabès, sclérose en
plaques, etc. ; la radiographie n'a rien à voir avec ces affections.
Il pourra s'agir de la détermination locale au niveau d'un traumatisme
ancien d'une maladie générale, tuberculose, syphilis, tumeur, etc., détcr-
mination sans doute appelée par le traumatisme : nous dirons plus loin
les aspects radiographiques que peuvent produire ces lésions quand elles
tsiègent sur les os du crâne ou du rachis.
f Enfin parfois il s'agira de troubles cérébraux ou médullaires, dépen-
dant bien réellement du traumatisme préalable. ' ? Les troubles cérébraux, et tout spécialement les crises d'épilepsie
jacksonnienne, résulteront souvent alors de la saillie interne d'un cal
exubérant ou d'adhérences méningées au crâne et au cerveau : si le trait
de fracture a été préalablement reconnu par la clinique ou par la radio-
graphie et si son siège correspond il la localisation des convulsions, le
diagnostic causal est rendu des plus faciles; mais, même au cas où la
lésion osseuse ancienne aurait été méconnue, la radiographie peut par-
fois révéler une opacité plus ou moins nette, plus ou moins linéaire,
bien ou mal limitée, qui permettra le diagnostic : et ce diagnostic sera
d'autant plus important qu'une trépanation osseuse simple, bien locali-
sce, relativement bénigne, amènera la suspension de crises parfois par-
ticulièrement répétées et tenaces.
Les paraplégies tardives dues à l'action directe d'un traumatisme
sonl beaucoup plus rares : elles paraissent être en jeu notamment dans
certains cas exceptionnels de cyphose heredo-traumatique de Pierre Marie
et Astie. Elles nous paraissent avoir même pathogénie que les troubles
cérébraux post-trauma1.iques tardifs, à savoir la production de cals
osseux exubérants et de compression nerveuse : mais ces cals se pro-
duisent dans le rachis non seulement sur les os, mais aussi sur les liga-
ments. Nous avons en effet constaté sur une colonne vertébrale de cy-
phose heredo-traumatique. outre l'ossification du ligament vertébral
antérieur dans la concavité de la courbure cyphotique, l'existence de
nodules osseux intra-rachidiens partant des ligaments jaunes antérieu-
rement déchirés ('). Nous avons pu nous assurer, avec le concours de
1. A. UHI. Autopsie d'un cas de cyphose hé1'édo-lraumatiqlle, Soc. rnécl. chs Irôpil.
22 juillet 100 t, Anatomie, pathologique et pathogénie des ankylose» vertébrales. Con-
grès de médecine. Liège, 190ô.
PHATIQUE KEUROL. 7-i
[A. LÉRI.]
1170 RADIOLOGIE.
notre ami G. Legros, que ces 'néo-ossifictions, et notamment les bour-
geons osseux saillants dans la cavité rachidienne, apparaissent sur une
radiographie de la colonne vertébrale isolée; nous ne savons s'il en
pourrait être de même sur le vivant : il serait intéressant, et pour le
diagnostic et pour le traitement, de s'en assurer dans les observations
ultérieures, ces nodules osseux pouvant très vraisemblablement détermi-
ner un certain nombre de paraplégies traumatiques tardives par com-
pression de la moelle.
2 ? DÉFORMATIONS PATHOLOGIQUES DU CRANE ET DU RACHIS
Le crâne et le rachis peuvent présenter des lésions localisées d'une
maladie générale, comme la tuberculose ou la syphilis, ou d'un processus
néoplasique, ostéome, ostéo-sarcome, cancers secondaires. Le crâne peut
aussi être le siège de déformations d'ensemble; le rachis, de déformations,
de déviations ou d'ankyloses.
a) Crâne. Les lésions localisées, infectieuses ou néoplasiques,
du crâne, ne donnent dans la plupart des cas aucune image radiogra-
phique précise. Pourtant la tuberculose du crâne détermine quelquefois
des lésions par défaut, des trous ou des enfoncements plus ou moins pro-
fonds, qui apparaissent sur la radiographie sous forme de taches claires,
étendues, irrégulières, interrompant plus ou moins la continuité du con-
tour. La syphilis du crâne peut déterminer, à côté d'usures osseuses, de
pertes de substances, d'ostéoporose diffuse, des néoformations, des pro-
cessus hyperostosiques et des exostoses, des dépôts de couches osseuses
sous-périostiques plus ou moins concentriques, en bulbe d'oignon : la
juxtaposition de ces lésions par défaut et par excès donne parfois des
images radiographiques très .caractéristiques (h'. Ii-rause.).
Les ostéomes et ostéo-sarcomes des os du crâne, soit de la voûte, soit
parfois de la base, peuvent produire des opacités étendues, à contour
plus ou moins diffus; les tumeurs secondaires des os, et notamment les
sarcomes partis de la méninge et ayant ultérieurement envahi l'os, provo-
quent au contraire plus fréquemment des transparences anormales mal
délimitées (Mills, de Martel, etc.).
Les tumeurs du cerveau ou des méninges qui n'envahissent pas les
os du crâne ne produisent presque jamais de modifications de l'image
radiographique : parfois cependant on a pu constater la dépression des
lamelles osseuses qui forment la base sous la poussée de l'hypertension
intra-cranienne, l'abaissement de l'ethmoïde, l'extension de la distance
du nasion à la selle turcique, l'agrandissement de la selle turcique elle-
même en dehors de toute tumeur de l'hypophyse. Exceptionnellement,
dans une tumeur purement intra-cranielinc, on a observé des atrophies
et des usures osseuses décelables sur la plaque photographique, ou une
.véritable disjonction de certaines sutures qui peuvent s'écarter de plu-
sieurs. millimètres, cela surtout chez de jeunes sujets (Oppel1heim et
RADIODIAGNOSTIC. 1171 1
Krause). Plus exceptionnellement encore, la radiographie a montré la
tumeur intra-cranienne elle-même quand elle présentait des caractères
particuliers de calcification ou d'ossification : c'est ainsi que Schuner a
pu voir l'image d'un anévrisme calcifié de la carotide interne.
Nous ne parlons pas ici des altérations spéciales déterminées par
les tumeurs de l'hypophyse : nous les envisagerons à propos de l'acru-
111éallC.
Des déformations d'ensemble du crâne s'observent dans l'acro-
mégalie, dans la dysostose cléido-cranienne, dans l'achondroplasie : nous
les décrirons plus loin avec les affections osseuses dystrophiantes systé-
matisées.
Nous signalerons seulement ici une déformation très spéciale, excep-
tionnelle, l'oxycéphalie ou crâne en tour, signalée par Hirschberg,
étudiée par Merle, par Hirschberg et Grunmach. La forme caractéristique
du crâne serait due à une synostose prématurée et totale des sutures
crâniennes chez l'enfant avec, semble-t-il, hydrocéphalie et lésions de la
dure-mère. 11 y aurait en outre par places des épaississements des os du
crâne et des exostoses et. chez une malade de Hirschberg. une dilatation
considérable de la selle turcique. Cet ensemble de lésions donnerait il
l'image radiographique un aspect qui permettrait un diagnostic très
précoce.
b) Rachis. Les lésions localisées, infectieuses ou néoplasiques,
du rachis produisent bien moins souvent encore que celles du crâne des
.modifications de l'image radiographique. ,
. La tuberculose vertébrale est exceptionnellement en foyers assez
étendus et assez profonds pour que la radiographie montre une caverne
sous forme d'une lacune dans l'os, Le mal de Pott ne se révèle géné-
ralement sur la plaque sensible que par les déviations qu'il détermine,
dues à des luxations ou à des effondrements osseux : dans ces cas, le
radiodiagnostic est trop tardif pour avoir une valeur quelconque, surtout
étant donné que. même à cette période, il ne montre que la déformation
osseuse sans en révéler la nature. Dans quelques cas un volumineux abcès
par congestion peut apparaître sur la plaque ; mais à ce moment l'abcès
est, généralement trop volumineux déjà pour que le diagnostic clinique
n ait encore pu être fait. La constatation de certaines déformations ao1'-
tiques dans le mal de Pott sera parfois plus intéressante.
Les déterminations de la syphilis sur le rachis paraissent très excep-
1 ionllelles; Leyden a décrit une forme ulcéreuse analogue au mat de
l'oit tuberculeux et une forme ostéophytiqut, plus ou moins semblable
au rhumatisme vertébral : peut-être la constatation radiographique de
volumineux ostéophytes pourrait-elle parfois permettre de faire ce
diagnostic, mais nous manquons actuellement complètement de notions
sur ce sujet.
Nous n'avons non plus aucune notion sur l'aspect radiographique des
tumeurs, primitives ou secondaires, du rachis.
. [A.LÉFL]
1 1 72 RADIOLOGIE.
Les déviations de la colonne vertébrale sont latérales (scolioses) ou
antéro-postérieures (cyphoses et lordoses). Leur élude radiologique a été
peu faite et ne parait pas présenter un notable intérêt au point de vue
du diagnostic.
On considère généralement les scolioses dites essentielles de l'adoles-
cence comme reconnaissant pour cause une dystrophie primitivement
musculaire.
Pourtant c'est en se basant sur l'élude radiographique d'adolescents
scoliotiques que Max Jiohne a établi sa théorie de la scoliose par rnalfor-
mation vertébrale. Cette scoliose, d'après lui, reconnaît uniquement
comme cause une anomalie de développement de la septième cervicale ou
de la première lombaire. Ces vertèbres, assez fréquemment, se développent
suivant le type des vertèbres dorsales voisines et présentent des rôles
accessoires; le développement, symétrique des deux côtés de la vertèbre
suivant ce type ne modifie pas la direction normale de la colonne verté-
brale, le développement anormal unilatéral ou asymétrique entraine une
déformation cervico-dorsatc ou 101llho-dorsale avec déviation compensa-
trice.
La paralysie infantile frappant une zone [tins ou moins étendue des
muscles spinaux est une cause évidente d'un grand nombre de scolioses.
cause déjà signalée pal' lIuchcl11H' de lloulognc; il semble qu'en général
la paralysie infantile portant, sur un des côtés du thorax amène une
scoliose il convexité dirigée vers le côté sain. la paralysie infantile
portant sur un des côtés de la région S11C1'O-1O1171);111'(' une scoliose il
direction inverse. Il est d'ailleurs impossible de généraliser, les lésions
osseuses atrophiques unilatérales des corps vertébraux peuvent jouer un
rôle comme l'atrophie musculaire : ici encore la radiologie peut à la fois
préciser le diagnostic et éclairer la pathogénie.
L'étude radiographique des scolioses, quand elle sera plus approfondie,
pourra peut-être, à notre sens, donner quelques indications intéressantes
sur l'évolution de l'all'ection, sur son pronostic et aussi sur son traitement.
L'examen anatomique d'un certain nombre de colonnes scoliotiques nous
a en effet permis d'établir que c'est par des neoformations osseuses que
le rachis tend à se consolider, que ces néoformations se trouvent sur les
bords des disques intervertébraux et aussi dans les espaces intercostaux
et costo-vertebraux, luais cela toujours du côté concave, e'cst-à-dire du
côté où la colonne tend à glisser, qu'elles sont ainsi toujours situées de
façon à limiter autant que possible la déformation ('). Peut-être pour-
rait-on voir sur les radiographies ces lIéo('ol'lualiol1s osseuses et cela,
on le conçoit, pourrait avoir un certain intérêt pour la direction du traite-
ment.
La colonne vertébrale présente encore des déviations et des anky-
1. A. Lkiu. Pathogénie des ankyloses et spécialement des ankyloses vertébrales. Rapport
au Congrès de l'Avancement des Sciences, Lyon, 190G.
RADIODIAGNOSTIC.
Il 73
loses, avec ou sans déformations, dans deux affections longtemps con-
fondues, le rhumatisme vertébral et la spondylose rhizomélique qui a
été isolée par Pierre Marie. La spondylose rhizomélique est plutôt une
maladie de la première moitié de la vie. elle est généralement infec-
tieuse, surtout blennorragique, parfois tuberculeuse, elle n'ankylose
guère que le rachis et les articulations de la racine des membres. Le
rhumatisme vertébral est généralement plus tardif, il est surtout d'origine
Iliathésiqw', il ne prend que rarement la colonne vertébrale, et seule-
ment alors que les petites articulations des extrémités sont déjà déformées.
Nous avons cherché il établir la différenciation anatomique et pathoge-
nique de ces deux affections (') : nous avons constaté que le rhumatisme
vertébral présente des déformations et des ankyloses ir régulières, avec
hyperostoses et ostéophytes multiples (rhumatisme vertébral ostéophyti-
que de J. 'l'cissier) ; la spondylose est au contraire une ankylose régulière
de toutes les articulations vertébrales par ossification sur place, sans
saillie, des fibres ligamenteuses, processus de consolidation d'une ostéo-
pathie primitivement raréfiante, d'une ostéomalacic relative.
M. le D'' Béclère a montré, en radiographiant deux de nos malades, que
ces caractères différentiels pouvaient apparaître sur l'épreuve et servir
ainsi au diagnostic. Il a constaté les caractères suivants : .
1. Rhumatisme vertébral chronique.
a) Colonne vertébrale.
Déformation du corps des vertèbres
JM' par élargissement de l'extrémité
**[ supérieure et par exagération de la
jji cannelure circulaire.
, Disques intervertébraux manifeste-
ment plus transparents que les
corps,
l'as ou ;1 peine de bande verticale
opaque correspondant aux liga-
nients.
I) l3ctssiu.
Pas de déformation notable.
Pas de transparence anormale des
fosses iliaques osseuses.
2. Spondylose rhizomélique.
a) Colonne vertébrale.
Pas de déformation des corps verté-
braux presque cylindriques.
Disques non plus transparents que les
corps.
risques et corps recouverts par une
large bande à bords parallèles; en
dehors de cette bande dépassent
les parties les plus externes des
corps vertébraux remarquables par
leur transparence anormale; les
apopbvses présentent une remar-
quable transparence.
hl Bassin.
I Déformation (en bassin ostéomala-
cique, en coeur de carte à jouer).
Transparence anormale des fosses
iliaques osseuses.
I. A. Léiu. La spondylose rhizomélique. Revue de Médecine, août, septembre el octo-
bre 1809. PIERRE Marie et A. Léri. Anatomie pathologique el palhogénic de la spon-
dylose rhizomélique, NOIl1', iconographie, de la Salpélrière. 1906, n" l.
[x.r.Eni] 1
1 1 74 RADIOLOGIE.
3" DÉFORMATIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES
CONSÉCUTIVES A DES AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX
CENTRAL OU PÉRIPHÉRIQUE
Les arthropathies tabétiques donnent plusieurs variétés d'images ra-
diographiques. 11 semble qu'on puisse actuellement dans le tabès trophique
dissocier du groupe ancien des arthropathies deux ordres de faits. cet;)
notamment, grâce aux documents radiographiques de lilrert(') et de
Dupré et 1)evau(r).
Ces auteurs ont d'abord étudié des cas de tabès avec arthropathies où
la déformation et la disparition des surfaces articulaires coïncide avec
une hyperplasie exubérante des parties osseuses juxta-articulaires, l'arti-
culation pouvant disparaître du milieu des néoformations désordonnées.
Ils ont ensuite attiré l'attention sur un autre mode non décrit de pro-
ductions osseuses. Celles-ci se constitueraient dans les tissus périarti-
culaires par des néoformations ostéolihreuses de la capsule et de la
synoviale tendant à se développer, puis à se réunir : il y aurait dans ces
cas une intégrité relative des épiphyses. On pourrait, donc peut-être
distinguer, à côté de l'arthropathie tabétique classique, une pé1'iarJAro-
patine d'origine plus fibreuse qu'osseuse. ™
Dans les ostéopathies tabétiques proprement dites, nous envisagerons
surtout ici les lésions constituées par des fractures spontanées ou des
processus localisés d'ostéite apparaissant chez des sujets non plus à une
période avancée du tabès, non plus même il la période préataxique. mais
bien comme symptôme tout à fait initial de l"afïection(3) : l'appareil
osseux est ici le premier touché et. cette lésion précède parfois de long-
temps tout autre symptôme préataxique. parfois tout signe pupillaire.
c'est essentiellement dans ces cas que le radiodiagnostic peut être utile.
L'os spontanément fracturé est alors le plus souvent le siège d'une
raréfaction osseuse parfois susceptible d'entraîner la résorption de por-
tions considérables de l'os. Ce processus, comparable il celui de l'ostéite
raréfiante des vieillards, se caractérise par une réduction considérable des
principes inorganiques de l'os au profit des principes organiques (24
pour 100 au lieu de 66 pour 100. d'après llegnard) : l'os apparaît donc
sur la plaque sensible avec une transparence anormale. Les fractures dans
ce cas ont en conséquence des cals très peu denses ou même transparents
et en même temps exubérants et irréguliers. Aussi faut-il, comme le
remarque Destot, lorsqu'il existe des ossifications anormales en même
temps qu'une destruction du squelette appréciable à la radiographie,
soupçonner le tabes et le rechercher avec soin.
A côté de ces cas de fractures prr'-tab("ti(f11es, il faut placer certains cas
1. Gikeiit. Nouvelle Iconographie de la Salpélrière, n" 2. 1 ! rllll.
'2. Duphé et Dkvaux. Société de Neurologie, H juillet 1000.
3. Stefani, Gazette des Hôpitaux, 25 février 1908.
RADIODIAGNOSTIC. 1175
encore peu connus d'ostéite limitée récidivante, précédant de longtemps
tout symptôme de tabès et simulant une ostéite tuberculeuse, par exemple.
Dans un cas de Gangolphe et Stefani, il s'agissait d'une tuméfaction d'un
;)C orteil ayant toutes les apparences d'un spina veutosa : récidive et
même aspect clinique six mois après sur le 1° métatarsien ; récidive nou-
velle l'annéc suivante sur te'2''ortcit : ace moment.et [tour la première fois,
le malade présenta de l'inégalité pupillaire et de l'ataxie. On conçoit la
difficulté du diagnostic dans ces cas. Stefani signale de même une forme
articulaire 1J\'l"labl;tiqup ayant l'aspect clinique de l'hydarthrose, un début
brusque, et présentant un oedème blanc et dur spécial des tissus periar-
ticutaires avec apparition rapide de mouvements anormaux dans la join-
ture. Dans tons ces cas, la radiographie, susceptible de montrer et de
suivre l'évolution des lésions d'ostéite raréfiante, des cals anormaux et
des déformations articulaires, est évidemment précieuse.
. Les ostéopathies tabétiques semblent être d'ordinaire un mélange en
proportions variables de troubles trophiques dus les uns il des lésions
médullaires, les autres il des lésions névritiques, D'après Destot ('), en
effet, ces deux ordres de lésions donneraient des aspects radiographiques
différents, la myélite se traduirait surtout par un processus atrnphiqm,
la névrite par des néoformations osseuses. Aussi, alors que dans le tabès
il y a à la fois atrophie et rénovation osseuse, dans la syringo.myélie (ar-
thropattues et ostéopathies) il aurait à peu [très exclusivement une
résorption du squelette.
Dans les névrites, au contraire, notamment les névrites alcooliques et
diabétiques, il y aurait des néoformations osseuses prenant leur origine
dans le périoste, les tissus périarticulaires. les ligaments, les 'muscles, etc.
Achard et Luollolcl Lévi ont particulièrement étudié (s) les résultats
fournis par la radiographie dans la paralysie infantile. La faiblesse du
développement des os dans le sens de la largeur et de l'épaisseur y est
frappante : le squelette est par contre plus voisin de la normale au point
de vue de la longueur, surtout si l'on tient compte des raccourcissements
par déformations et rétractions tendineuses; mais les os sont unis, arron-
dis, il peu près dépourvus de dépressions el de saillies, en un mot sans
modelé; enfin l'épaisseur du tissu compact est moins grande, l'os devient
transparent. Il existe, en somme, un processus modifiant la configuration
extérieure de l'os connue sa structure dans le sens atrophique, et si l'on
compare les radiographies il celles d'un sujet normal du même âge, deux
termes peuvent caractériser le squelette de la paralysie infantile : ce. sont
des os clairs el grêles.
Dans certains cas d'hémiplégie organique, quelques auteurs, notam-
ment Dejerine et Ttléottari (3), ont parfois constaté par la radiographie
t. 1)¡ ? ToT, Société médicale des Hôpitaux de Lt/oM. 17 mai 1900. : 1. 1\ Cil ,\11 el Lkvi. Nouvelle Iconographie de la Salpèlrière, 1897. ? Ilar.rtar e[ TnF : on : rt. Socit·(r· rlo l31ologie, 13 ! IS.
[A. LÉRl.]
H7Cf ( - - jazz RADIOLOGIE.
1170 ( " y : ·' : ? s3 ? " RADIûWGIE.
une pÓ'1 ? } ? quée de la substance osseuse du côté paralysé.-
Certaines déformations osseuses communes dans les myopathies (apla-
tissement du crâne, aplatissement du thorax, taille de guêpe, etc.),
doivent faire penser que le'tissu osseux prend une certaine part dans ces
affections il la dégénérescence diffuse qui atteint essentiellement le tissu
musculaire. Pierre Marie et Crouzon (') et d'autres auteurs ont pu s'assurer
qu'il- existe en effet chez- certains myopathiques une gracilité extrême
des os et une diminution de leur densité décelables par la radiographie,
qui expliquent certaines fractures plus ou moins complètement sponta-
nées. Des radiographies publiées récemment par Landouzy et Lortat-Ja-
cob (2) dénotent une translucidité accentuée plus qu'une diminution de
volume des os.
L'atrophie numérique de Klippel est intéressante il rapprocher, au
point de vue radiographique, des types précédents d'atrophie myélopa-
(chique ou myopathique; elle montre une aplasie osseuse, caractérisée par
le moindre développement et la transparence excessive; l'os du segment
atteint est réduit dans toutes ses dimensions et plus clair que l'os symé-
trique normal. ...
On a signalé de même dans la sclérodermie (Nicolas et Favre) un pro-
cessus de résorption et de raréfaction osseuses, remarquable au niveau
des mains du sujet. Dans un cas de psoriasis al'tl/1'opathique, Belot ci
Chaperon ont trouvé des lésions du même type susceptibles d'amener en
certains points une disparition totale des articulations phalangiennes, les
phalanges extrêmes semblant se continuer sans l'intermédiaire d'articu-
lations.
4° AFFECTIONS OSSEUSES DYSTROPHIANTES
Les affections osseuses dystrophiantes ne sont pas toutes dues à une
lésion du système nerveux; la plupart même semblent être dues il des
auto-intoxications, que le trouble trophique résulte des déchets toxiques
de la nutrition'générale (rachitisme, etc.), ou qu'il soit lié à l'altération
d'une glande vasculaire sanguine destructive de poisons (acromégalie,
ostéomalacie, etc.) ; quelquefois l'intoxication serait d'origine exogène,
peut-être parfois loxinique (ostéoarthropathie hypertrophiante pneumi-
que, etc.). Quelle que soit la cause de ces affections dystrophiantes, c'est,
à tort ou à raison, parmi les maladies du système nerveux que les auteurs
ont pris coutume de les ranger : c'est il cet usage que nous nous confor-
mons en signalant ici leurs aspects radiographiques.
Certaines de ces affections sont nettement systématisées, c'est-à-dire
frappent d'une façon constante certains os et, certaines parties de ces os
il l'exclusion des autres : telles sont l'acromégalie, l'achondroplasie, la
dysostose cléido-cranienne, la maladie de Paget, etc. Les autres peuvent
atteindre tous les os et toutes les parties de ces os, soit d'une façon di/=
1. P. Mark et C¡wczox. Revue Neurologique, 1005.
2. LAFDouzY et Lortat-Jacoii. Presse médicale, 22 lévrier 1909.
1 - RADIODIAGNOSTEC. 1 il'7
fuse et générale, soit dluie façon irrégulière, isolée ou irrégulièrement
disséminée : tels sont le rachitisme, l'ostéomalacie, jusqu'à un certain
point l'affection niai connue dite exostoses osléogéniques. etc.
Pour la plupart d'entre elles,, d'ailleurs, le radiodiagnostic ne fait que
confirmer un diagnostic clinique .facile : il s'agit de déformations portant
principalement sur les os des membres ou de la tête, et ces déformations.
.sont assez caractéristiques par elles-mêmes. Une exception doit seulement
ètreilfaite pour l'acromégalie. affection dans laquelle l'aspect radiogra-
phique tout spécial du crâne, dû au développement d'une tumeur hypo-
physaire, doit. aujourd'hui permettre de poser un diagnostic d'une façon
ferme dansées cas cliniquement les plus frustes. . ..
Acromégalie. Les rayons R(111tgetl montrent dans les cas dou-
teux ou au début de cette affection des lésions bien spéciales et qui ne
peuvent être mises en évidence par aucun autre moyen d'investigation.
Oppenheim a signalé, dès 1899, des essais de radiographie de la selle
turcique chez un acromégale, mais les mémoires de Béclère (') sont par-
ticulièrement précis et importants sur ce sujet. Posant en principe l'uti-
lité constante de la radiographie du crâne. chez les malades suspects de
1 umeur'hypophysaire, . il démontra l'existence de l'élargissement de
la selle turcique chez un géant de Launois' et Roy, et indiqua la technique
il suivre 'dans la . recherche de cette déformation. Von -Rntersl : i précisa : certaines particularités de cet élargissement;; qui porte surtout, d'après : lui, 'sur la partie postérieure : celle-ci s'agrandit et s'excaye dans le sens
vertical. Schiiller montra l'usure, l'atrophie, parfois la destruction irré-
guliere de la selle. Enfin des distinctions un peu subtiles lurent propo-
sées ''par d'autres auteurs suivant les aspects présentés par la selle, sa
partie postérieure ou son orifice supérieur : l'appréciation de ces diffé-
rences légères peut être difficile même sur les radiographies les plus
nettes et il n'est pas absolument établi qu'elles aient, au point de vue de
la précision du diagnostic et de l'évolution de la tumeur hypophysaire, la
valeur qu'on a voulu leur attribuer.
L'augmentation du volume de l'hypophyse une fois mise en évidence
par la radiographie, sa nature de l'hypertrophie n'est d'ailleurs pas pré-
cisée ; il peut s'agir d'un néoplasme ou d'une autre lésion : hypertrophie
simple, syphilis, tuberculose, etc. -
D'autres lésions osseuses spéciales de l'acromégalie peuvent être déce-
lées par la radiographie du crâne, ce sont l'épaississement irrégulier des
parois, le développement exagéré en hauteur et en profondeur des
sinus frontaux ou des sinus maxillaires, parfois l'exagération du ressaut
post-laml]do'idieu (Papillault)'- .. -
Aux membres, les métacarpiens, les métatarsiens et surtout lés pha-
langes apparaissent déformés, et celles-ci, grossies, irrégulières, moins
opaques, sont couvertes d'ostéophytes; les interlignes articulaires enfin
. ) . . .
1. Société médicale des Hôpitaux, 5 décembre 1902. - Presse médicale, 1905, p. 845.
.. IA. LÉBI.1
1178
RADIOLOGIE..
Ces deux jambes sont également déformées, mais : dans le Rachitisme il y a des incurvation ?
sans grosse modification de la structure osseuse, avec seulement épaississemellt de la couche
compacte le long du bord concave; dans la maladie de Paget, l'os est entièrement
" ouateux n, la couche compacte est mal délimitée vers le centre, vers la moelle osseuse, elle
est mal délimitée aussi vers la périphérie parce que la couche immédiatement sous-periostcc
est devenue presque transparente; il en résulte un double contour (radiographies prises sur
le vivant, clichés du D teg'I'os1, .
Fig. 1 et 2. Jambes : A) d'un nachitique, B) d'un Par/étique.
RADIODIAGNOSTIC. 1179
sont agrandis au niveau du carpe, du métacarpe et des phalanges.
Brissaud et Meige ont soutenu qu'il n'y avait dans la différence des
lésions de l'acromégalie et du gigantisme que l'effet d'une différence
d'âge : l'acromégalie serait le gigantisme de l'adulte, le gigantisme sérail
t'acromégalie de l'enfant ou de l'adolescent ; la dissemblance des lésions
dépendrait uniquement de ce que, les cartilages de conjugaison seraient
ou non préalablement soudés. Le géant devenant adulte peut d'ailleurs
s' « acromégaliser ».
Launois et Roy se sont appuyés [tour défendre cette théorie sur la
radiographie du crâne de certains malades : ils ont en effet constaté que
certains géants, non atteints de déformations acromégaliques des extré-
mités, présentaient pourtant sur l'image radiographique un élargissement
de la selle turcique ; ils en ont conclu que le gigantisme serait, comme
l'acromégalie, un syndrome hypophysaire.
Les géants sont donc acromégales ou non : d'après certains auteurs il
existerait un gigantisme physiologique, d'après d'autres le gigantisme
serait toujours pathologique.-
Le nanisme au contraire parait pouvoir être parfois physiologique : il
existe des nains qui sont simplement des sujets normaux, mais très petits,
des hommes ordinaires en miniature : ils sont très exceptionnels -.presque
tous les nains sont des achondroplasiques, des rachitiques ou des
lIlyxoedémaleux, Dans certains cas douteux assez rares, l'examen radio-
graphique peut servir il ce diagnostic étiologique.
L'arrêt de développement du système osseux est caractérisé dans le
myxoedème par la persislarzee de l'état cartilagineux des épiphyses et des
cartilages de conjugaison, par des diaphyses courtes, des points d'ossili-
cation à apparition tardive ; ces troubles sont précocement décelables par
les rayons de Rontgen. Ceux-ci permettent également de surveiller et de
suivre les effets d'un traitement thyroïdien ; par suite de l'ossification
tardive des cartilages diaphyso-épiphysaires, les nains myoedémateux peu-
vent grandir il un oit la croissance est terminée chez les sujets normaux
ou chez les nains des autres variétés, achondroplasiques ou rachitiques.
Les nains achondroplasiques se reconnaissent cliniquement au volume
relativement considérable de leur tète, au raccourcissement excessif sur-
tout du segment rhizomélique des membres (cuisses et bras), il la défor-
mation des mains en trident, etc. L'examen radiographique montre la
sclérose ou l'ossification des cartilages de conjugaison, la déformation des
os longs des membres qui sont épais, non fragiles et non fracturés, parfois
angulairement coudés dans la région jnxta-épiphysaire, enfin le volume exa-
géré de la tète qui est bien ossifiée. Porak a signalé aussi une atrophie de
la base du crâne et du trou occipital, un faible développement du bassin dans
tons les sens avec proéminence du sacrum dans l'aire du détroit supérieur.
Raymond et Claude (') ont décrit, une forme de dyschondropldsie avec
1. et Claude. Société de Biologie, z15 février 1908.
1 [A. LÉRL
1180
RADIOLOGIE.
arthropathie et miel'omélie". non congénitale, mais secondaire ; à une
polyarthrite, et présentant des analo-
gies à la fois cliniques et radiologi-
ques avec l'achondroplasie vraie.
La radiographie montre chez les
rachitiques : au niveau du crâne
une mauvaise ossification ; au niveau
du bassin un aplatissement antéro-
postérieur ; au niveau des membres
des os grêles, fréquemment fracturés.
incurvés à grand rayon dans leur dia-
physe, généralement- plus courts et
plus minces dans la partie moyenne
dès diaphyses, plus élargis à leurs
extrémités et parfois extrêmement dé-
formés au niveau des épiphyses. Au
point de vue de la disposition des travées osseuses, nos recherches per-
Fig. 3. - - . A) Fémur ogléomalaciqllc.
Aspect alvéolaire très spécial. Cet
. aspect est suri oui frappant quand on le
- compare à celui des deux autres fémurs
ci-contre :
Pis. 4. B) Fémur rachitique,
RADIODIAGNOSTIC. 1181
sonnelles avec G. Legros nous ont montré une disposition assez régulière-
ment conservée malgré les courbures de l'os et parfois des déformations
des extrémités; if y a un épaississement marqué de la couche compacte
du côté concave et au contraire un peu d'ostéite raréfiante avec quelques
fines travées irré1111ères du côté convexe; l'os est le plus souvent-petit
et- déformé, mais d'aspect général normal.
. Notons enfin que pour les os profondément situés (fémur, par exemple)
la radiographie donne; parfois un résultat inattendu en révélant une
courbure anormale auparavant peu appréciable. Il en est ainsi notam-
ment dans les cas de lésion d'un seul os, relativement assez fréquents dans
le rachitisme tardif ou des adolescents.
On a ici dans la radioscopie un moyen rapide et pratique de mesurer un
raccourcissement osseux et d'en suivre l'évolution, nous en empruntons
la description à Wullyamoz e) : on emploie le châssis de Béclèrequi donne
le rayon normal et on place l'ampoule de façon à ce que ce rayon passe
par l'extrémité de l'os à mesurer, on marque sur la peau au crayon der-
Congrès de l'avancement des Sciences, l3eims, 1907.
[A. zar.7
Fig. 5. C) Tête de. fémur de maladie de Pagel.
1182 RADIOLOGIE.
niographique muni d'un index métallique les limites inférieures et supé-
rieures de l'os déformé, puis, s'il y a lieu, de l'os normal symétrique, on
note ensuite et l'on compare les mensurations obtenues.
Nous avons entrepris en collaboration avec G. Legros, et après L. Levi et
fonde (') et Iludelo et Ileitz, l'étude radiologique de la maladie de Paget,
nous basant tout d'abord sur la radiographie d'os secs provenant de la
riche collection du musée 1)ulytren. Les nombreuses radiographies que
nous avons prises d'os atteints de maladie de Paget, et parallèlement d'os
ostéomalaeiques, rachitiques et syphilitiques, nous ont permis d'observer
tout d'abord d'une manière constante, dans la première de ces affections,
un aspect spécial déjà signalé par les auteurs que nous avons cités. Cet
aspect, due l'on peut retrouver sur le vivant au niveau d'os quelquefois
peu atteints, d'autres fois très déformés, ne se retrouve que dans la seule
maladie de Pagel. Sa mise en évidence sur le vivant a donc une valeur
toute spéciale si l'on considère qu'elle peut être facile même sur un os
ne présentant encore que des déformations relativement peu accentuées.
L'examen des os dans la maladie de Pagel montre à la périphérie une
condensation ou une raréfaction parfois extrêmement accentuée de la
couche compacte avec un rebord tout il l'ait imprécis, au centre un fouillis
de fibrilles enchevêtrées en amas d'épaisseur variable qui donnent a l'os
un aspect « ouaté » tout à fait spécial. Cette dernière disposition, par
son irrégularité, montre sur la radiographie osseuse un fond (acheté el
des contours imprécis, le fond [tins ou moins clair ou foncé étant con-
stitué par des amas [tins ou moins épais de fibrilles anastomosées entre
elles : l'aspect ouaté est plus ou moins diffus et uniforme.
Plus limité, le processus reste localisé il la partie centrale de l'os ou se
propage il la périphérie; il gagne parfois en longueur une épiphyse dans
laquelle on retrouve encore au milieu de l'aspect floconneux un souvenir
de la structure normale. Dans ces cas limités surtout, la radiographie
peut donner d'intéressants renseignements en révélant des lésions frustes
ou initiales ctiniquement, mais déjà caractéristiques sur la plaque sen-
sible.
M. Héclèrc a insisté sur l'existence dans la maladie de Paget, dans
un certain nombre de cas au moins, d'une calcification très étendue des
artères des membres atteints, calcification décelable par la radiographie
et qui a peut-être une, importance dans la pathogénie de l'affection.
L'ostéomalacie, débutant par une cyphose ou une scoliose irrégulière
ou [tins rarement, par des déformai ions caractéristiques des membres, a
été bien étudiée au point de vue radiotogique. Les os infléchis, tordus el
repliés parfois sur eux-mêmes il la manière d'anses intestinales sont aussi
caractéristiques dans ces cas extrêmes par leurs contours lions que par
leur transparence; celle-ci peut aller jusqu'à la disparition presque
complète de la silhouette osseuse sur les radiographies.
1. L. Lévi cL Lundi : . Nouvelle Iconographie delà Salpélrière, 18\17, p. 200; lletu ? u
l'llhmz. rOOI (idem); G. L" : I;¡ : Os et A. Lr;m. Nouvelle Iconographie, 1\10 ! I,
IiADIOG\111'l'lf : . 1185
Nous avons étudié des os secs présentant des lésions beaucoup moins
accentuées, plus intéressants par conséquent au point de vue du dia-
gnostic radiographique précoce. Dans les formes les [tins habituelles
on trouve la couche compacte conservée sur une partie importante de la
hauteur de la diaphyse; au contraire, les épiphyses sont extrêmement
claires, il semble que la couche compacte disparaisse brusquement à
leur niveau et on ne trouve plus à leur centre que des traces de la struc-
ture normale et il leur périphérie que des contours flous et comme
estompés, l'os, en un mot, possède des contours dÙt¡J ! I ! lsaires précis
et des contours ë¡II'¡Jltysai1'es vagues.
Au centre de la diaphyse l'aspect est des plus caractéristique, cette
partie n'est [tins constituée de façon homogène par de fines travées
obliques, mais elle est claire et cloisonnée, alvéolaire. Les cloisons
épaisses, opaques, en général transversales par rapport au grand axe de
l'os, en réunissent complètement ou incomplètement les deux faces, et
limitent entre elles des alvéoles clairs de grandes dimensions, irregu-
liers et semblant plus ou moins communicants entre eux.
« L'ostéomalacie, écrit Bouchard, arrivée il son développement extrême
est une maladie rare, mais ses formes ébauchées sont fréquentes; à coté
de ces cas extrêmes où la spoliation calcaire amène l'incurvation des os.
il est un grand nombre de cas où la proportion des phosphates calcaires
diminue dans les os. non sans diminuer leur solidité, mais sans que leur
apparence physique soit sensiblement modifiée ; le vice de nutrition du
tissu osseux peut rester latent, il n'aboutit pas aux déformations et sou-
vent ne provoque pas les douleurs, mais il se révèle quelque jour par
une fracture que ne semble pas expliquer suffisamment la violence mo-
dérée de la cause vulnérante. » terrier (') a apporté il l'appui de cette
conception un certain nombre de cas d ostéocie ». ( : est-il-dire d'allè-
gemcnt du tissu osseux, entraînant une diminution du poids spécifique
du corps assez considérable pour que certains sujets deviennent plus
légers ([ne l'eau. L'ostéocie serait, d'après Lerrier. une osteomataoie
fruste. Ces faits appellent des confirmations et des recherches nouvelles,
mais il est permis de penser que ces squelettes décalcifiés présentent
déjà des modifications appréciables à la radiographie et peut-être des
lésions du type caractéristique que nous avons décrit.
Les exostoses ost8ogéniques multiples apparaissent en tous points de
la longueur des os. mais surtout au voisinage des épiphyses : on les trouve
(Tailleurs aussi sur les os plats. Certains auteurs les ont considérées
comme cartilagineuses (« exostoses cartilagineuses » (IC ·1)llvlll.lllll);IIlOlIS
avons pu constater radiographiquement dans deux cas. avec Pierre Marie
et Fanre-IIP : 1111wII (s), qu'elles étaient bien constituées par de l'os véri-
table, os spongieux, sans coque compacte, il travées irrégulières, mais
1. Fo- : mu : n..Irclrincs générales de Médecine, 1901, n° 18.
2. Pu-uni'. MAillE, .\, Lérr et I.wnl : -Br : .w.u.u, Société médicale des Hôpitaux, 7 juil-
let 1905.
[A. LBRI] ]
Il X4 HADIOLOGIE.
tendant pourtant à rayonner à partir d'un poinl d'illlplantation. Il 11 peul
Ure intéressant, an point de vue thérapeutique, de s'assurer dans les
difïercnts cas, par la radiographie, si ces exostoses sont osseuses ou car-
tilagineuses, ou peut-être si elles ne passent pas parrois au début par une
phase CMl'tl1y111Cllsl'.
II. RADIOTHÉRAPIE '
(Emploi des rayons X en thérapeutique neurologique.)
Les recherches de Labeau sur la moelle en voie de développement oui
montré la résistance de la cellule nerveuse jeune aux rayons de Hôntgen.
Un long fraitoncntdc liéclère, entrepris après trépanation chez un ado-
lescent porlellr d'un osteosarcome de l'occipital, montra, par des irradia-
tions répétées laites directement au travers du tégument cutané par
la brèche osseuse, la remarquable innocuité des rayons pour l'encéphale.
Enfin des recherches expérimentales multiples sur le cerveau du lapin et
du chien avec ou sans trépanation préalable ont confirme ces faits. Ces
observations rendaient légitimes la multiplication des tentatives théra-
peutiqucs sur le système nerveux central.
Elles ont été laites avec un certain succès dans la syringomyélie, les
paraplégies, la sclérose en plaques, le tahes, etc. Les tumeurs de l'hypo-
physe ont. dans quelques observations, fourni des résultats très nette-
ment encourageants.
Enfin le goitre exophtalmique et, parmi les affections du système ner-
veux périphérique, les névralgies et les névrites semblent avoir quelque
peu benencie de cette méthode.
Ces premiers résultais autorisent des essais nouveaux, quelques-uns
légitiment de grandes espérances; nous exposerons simplement les faits
qui semblent acquis. .
A -- GÉNÉRALITÉS
La méconnaissance de l'utilité des mesures exactes en radiothérapie a
déterminé autrefois des accidents fréquents entre les mains d'opérateurs
peu prévenus, (les accidents sont actuellement presque toujours évita-
Irlcs. L'évaluation des mesures exactes comporte (') : : 1" la connaissance de
la quantité de rayons tombant d'une distance donnée sur un point pen-
dant un temps donné : celte quantité est fonction de l'énergie électrique
génératrice; " la connaissance de la qualité des rayons employés, ils
peuvent être pins ou moins pénétrants, et un pouvoir pénétrant faible
donne lieu des absorptions supcrncieNes considérables : cette qualité
est fonction du degré de raréfaction des ampoules : : )0 la notion des
1. G. Ln : ai;o. Cancers et radiothérapie. Gaelle des Hôpitaux. ? janvier 1905.
RADIOTHÉRAPIE. 91 tta
temps respectifs consacrés à l'absorption des rayons et des intervalles de
repos ménagés entre ces temps.
Avec Béclère, nous rappellerons « que l'action de la radiothérapie
« doit s'exercer en respectant l'intégrité des téguments pour, des quan-
« tités de rayons maxima employés dans le minimum de temps, et que.
« d'autre part, les fractions du rayonnement de Rontgen successivement
« absorbées par les diverses couches de tissus qu'il traverse vont
« toujours décroissant de la superficie vers la profondeur ». Il s'ensuit
qu'à la dose maxima compatible avec l'intégrité de la peau correspond
toujours pour les tissus sous-cutanés une dose moindre, d'autant plus
faible qu'ils sont situés plus profondément.
Cet écart est d'ailleurs susceptible d'être diminué et réduit (Béclère) (')
par éloignement, du foyer d'émission, par l'emploi de rayons très péné-
trants et par interposition sur le rayonnement d'une lame d'aluminium
agissant la manière d'un filtre et éliminant les radiations les moins
agissant Ù la manière d'un filtre et éliminant les radiations tes moins
pénétrantes. Enfin un précieux moyen d'accentuer et de multiplier les
doses profondes sans qu'il y ait superposition des doses superficielles,
c'est-à-dire sans porter atteinte à l'intégrité de la peau, est le suivant : il
consiste à diriger le rayonnement par des portes (Ventrée cutanées
variables de façon que les rayons convergent vers un centre commun,
la lésion à irradier : par exemple, on irradie l'hypophyse par les
diverses zones temporo-1'rontales et par la bouche, on irradie la moelle
par chacune des gouttières vertébrales (méthode dite des « feux croisés »).
On arrive ainsi à donner au point à traiter, l'hypophyse ou une hauteur
de la moelle, par exemple, la moitié de la dose que reçoit la peau; grâce à
l'heureuse sensibilité de certaines tumeurs sarcomateuses ou gliomateuses
aux rayons de Rontgen, ces doses sont destructives pour les éléments cel-
lulaires déviés du type normal et. inoffensives pour les éléments normaux.
La radiothérapie est, bien entendu, susceptible de déterminer ici comme
ailleurs des accidents de radiodermite dans les cas d'applications trop
intenses d'emblée ou trop répétées ; il est actuellement facile d'éviter ces
accidents à la l'ois par la mesure exacte des doses, par le système des ir-
radiations à porte d'entrée cutanée variable et. enfin par la filtration des
l'ayons. Mais existe-t-il au point de vue de la sensibilité du tissu nerveux
des inconvénients aU ribuables à des applications radiothérapiq ucs réglées 1
Il semble bien établi actuellement que non, si l'on s'en tient aux doses
thérapeutiques usuelles; de nombreuses observations en l'oni,foi.
Un autre danger, indirect celui-là, doit cependant étresignalé, c'est celui
de doses fortes .appliquées sur une tumeur volumineuse distante ou non
du système nerveux central. C'est ainsi que l'on a pu employer dans deux
intéressantes observations rapportées par Martini l'expression un peu
forcée de « ])(l/>apléyies radiolhérapiques ». Il s'agissait dans les deux
cas de sarcomes volumineux, l'un de la cage thoracique, l'autre du cou;
i
z. Mclère. Société médicale des Hôpitaux, 1'3 lévrier 1909.
Pratique sn : moi.. "5
[A. LÉRI.
1186 RADIOLOGIE.
la radiothérapie faite à doses massives détermina après la deuxième séance,
en même temps que la disparition de la tumeur, une paraplégie complète
avec troubles sphinctériens bientôt suivie de mort, sans que l'autopsie
montrât de métastases rachidienncs comme le diagnostic en avait tout
d'abord été porté. On peut estimer qu'il s'agissait dans ces cas d'une
toxémie par résorption trop rapide des néoplasmes traités, et ces faits
doivent faire proscrire les traitements trop intensifs de grosses tumeurs
du type sarcome, particulièrement susceptihle de fonte rapide sous
l'influence des rayons de Rontgen.
B. - TRAITEMENT DE DIVERSES AFFECTIONS NERVEUSES (')
Syringomyélie. Un fait actuellement bien connu est la sensibilité
toute spéciale des cellules néoplasiques à l'action destructive des rayons
de Rontgen ; il semble que cette action s'exerce éleetivement sur les cel-
lules déviées du type normal; celles-ci disparaissent dans les cas les plus
favorables d'une manière rapide sans lésion des cellules qui les entou-
rent,sans réaction même des tissus qui les recouvrent, absolument à la
manière d'une lésion spécifique sous l'influence du mercure ou de l'iodure.
C'est dans une action de ce genre qu'il faut chercher l'interprétation des
remarquables résultats obtenus par la radiothérapie sur certains gliomes
de la moelle épinière donnant les symptômes de la syringomyélie. Ray-
mond, Oberthur et Delherm, Beaujard et Lhermitte, Delherm, Cramegna.
Ranzoni, Lambeau, de Nobcle, llolrnren et Olaf, Laquerrière ont rapporté
des cas personnels remarquables et concordants ; en l'absence de toute
autre médication l'évolution progressive de l'affection est arrêtée, la sen-
sibilité reparait ou redevient normale, l'anesthésie tactile et l'anesthésie
douloureuse disparaissent avant l'anesthésie thermique (Beaujard), les
troubles de la motricité rétrocèdent et les muscles récupèrent les
mouvements volontaires jusqu'aux mouvements fins de l'écriture ou de
la couture, les troubles trophiques eux-mêmes rétrocèdent, (panaris, sco-
liose, etc.). Ces résultats semblent persister et rester acquis après plu-
sieurs années, ils sont d'autant plus nets que le traitement est inter-
venu d'une manière plus précoce et avant la destruction par le néo-
plasme des éléments nerveux qu'il comprime; ainsi chez deux malades
de Labeau qui étaient atteints depuis quinze ans, on n'obtint qu'une atté-
nuation passagère des douleurs, sans modification de la sensibilité objec-
tive ni de la motricité; Dcsplats n'a observé que trois résultats négatifs.
De semblables tentatives ont été faites dans les paraplégies, la sclérose
en plaques, le tabès. Les paraplégies spasmodiques ont été parmi les
premières affections médullaires traitées, sur l'initiative de Habinslu.
par la radiothérapie. Dans un premier cas particulièrement heureux.
I. Le présent article était imprimé quand ont paru les rapports de Beatlj;ll,(l el de
Marinesco sur « la Radiothérapie dans les maladies de la moelle épinière » (Congrès de
Physiothérapie, Paris, 1910); nous avons pu pourtant leur emprunter encore quelque*
renseignements intéressants.
RADIOTHÉRAPIE. 1187
l'affection d'origine traumatique (enfant de 1 ans. victime d'un accident
d'automobile) se modifia à la suite de radiographies multiples; la contra ?
ture généralisée du cou, du tronc et des quatre membres se modifia en quel-
ques jours et disparut en trois mois, il en fut de même de l'épilepsie
spinale, le phénomène des orteils redevintnormalC). Dans un deuxième
cas, chez une femme atteinte de paraplégie spasmodique avec abolition à
peu près complète des mouvements volitionnels, Babinski (2) observa,
il la suite de pratiques radiographiques, une modification telle que quel-
ques semaines après le début du traitement la malade fut en état de se
tenir debout et de faire quelques pas; cette amélioration, il est vrai, ne
fut que transitoire ; une laminectomie faite ultérieurement montra que,
conformément au diagnostic qui avait été porté, il s'agissait d'une
tumeur intra-rachidienne (communication orale). D'autres cas du même
genre ont été améliorés nettement, ceux-ci après traitement systémati-
que, et ces résultats sont assez favorables pour indiquer parfois la radio-
thérapie quand on a à traiter une paraplégie spasmodique. Beaujard,
Delherm ont obtenu des résultats parfois favorables dans des paraplégies
spasmodiques : les meilleurs résultats ont été observés dans des cas de
paraplégies spasmodiques dépendant probablement de plaques médullaires
de sclérose. P. Lereboullet et Beaujard ont obtenu une amélioration mani-
feste dans un cas de paraplégie Masque avec rétraction douloureuse des^.
membres inférieurs due à une ancienne paralysie infantile.
Dans la sclérose en plaques, les résultats sont souvent favorables,
mais moins nettement que dans la syringomyélie. Trois cas de Mari-
nesco avec résultats variables montrent ce que l'on peut parfois obte-
nir. Dans un premier cas, il se produisit chez un homme de 29 ans
une amélioration notable de la plupart des troubles de la motilité, le
tremblement des membres supérieurs disparut presque complètement, le
malade put porter un verre d'eau a sa bouche et même écrire; la force
musculaire augmenta, la marche s'améliora, mais dune façon moins sen-
sigle ; 1 séances de rayons de Rontgen avaient été faites. Dans une seconde
observation, chez une jeune femme de 25 ans, les progrès furent sen-
siblés; mais un peu moins nets ; ils lurent nuls dans un troisième cas
(évolution très avancée). Duhain, Raymond, et Beaujard ont obtenu dans
plusieurs cas de sclérose en plaques une amélioration très notahle de la
motilité. En revanche Belot, l3tu jon n'ont eu que des insuccès.
Les compressions médullaires du mal de Poil peuvent être heureuse-
ment influencées, surtout quand elles relèvent de la paehyméningite. Les
symptômes douloureux subissent des modifications accentuées allant,
de l'espacement et de la diminution de l'intensité des crises jusqu'à
1. Babinski. Contracture généralisée due à une compression de la moelle cervicale,
très améliorée a la suite de l'usage des rayons X (Soc. méd. des Hôpitaux de Paris,
séance du 50 novembre 1906). ? . 13 : vwsm. De la radiothérapie dans les paralysies spasmodiques spinales (Soc. méd.
des Hôpitaux de Paris, 1" mars 1907).
[A. LÉRI ]
1188 Q8 ' . RACIOLOGIE, .
leur disparition complète, les troubles paraplégiques . s'atténuent aussi.
Les douleurs fulgurantes du tabes ont été très rarement modifiées
par la radiothérapie médullaire (Labeau, Delherm, Aubourg), mais la
radiothérapie épigastrique a parfois atténué des crises gastriques (Zim-
mern, Laquerrière).
' Un cas très intéressant de spondylose rhizomélique soumis au même
-traitement a été rapporté par M. Babinski. Le malade, atteint depuis
sept ans de douleurs articulaires et de douleurs névralgiques, était depuis
deux ans dans l'impossibilité de faire usage de ses jambes, son tronc était
fléchi et sa colonne vertébrale rigide avec limitation accentuée des mou-
vements d'adduction de l'articulation coxo-fémorale. Ce malade vit, à la
suite du traitement, s'atténuer les douleurs et la flexion du tronc, 1; !
marche redevint possible malgré la rigidité persistante de la colonne
vertébrale. Delherm, Beaujard, Laquerrière, à côté d'insuccès, ont
obtenu quelques bons résultats dans d'autres cas de spondylose.
On a pu de même tenter d'appliquer la radiothérapie au traitement de
certaines affections de l'encéphale et notamment aux; affections de l'hy-
pophyse. Nous avons éliminé au début de cette étude la question de Li
nocivité des rayons de Rôntgenpourlecerveau; il subsistait une difficulié,
celle de la profondeur des régions à traiter et des obstacles osseux qui
s'opposent à la pénétration des rayons. Cette profondeur, évaluable,
comme l'a montré M. Béclère, à une distance maxima exceptionnelle
de 10 centimètres, permet cependant des irradiations effectives et actives
tout en respectant l'intégrité de la peau. M. Béclère s'efforça de rendre
encore le traitement plus actif en profondeur par l'emploi d'i1'1'itation.
convergentes dirigées de points variables de la région fronto-temporale ;
celle-ci, représentant à peu près un quart de sphère ayant pour centre l'hy-
pophyse, pouvait être divisée en cinq .zones et chacune recevait isolément
le maximum d'irradiation compatible avec l'intégrité de la peau; seules
ainsi s'additionnaient les doses profondément données à l'hypophyse.
Cramegna '), d'autre part, en même temps qùe M. Béclère (2), employait
la voie buccale, avantageuse par les faibles obstacles opposés au passage
des rayons. Ces deux procédés d'ailleurs sont susceptibles de se combiner
et de faire parvenir à l'hypophyse une totalité de radiations plus forte.
Uramegna, chez sa malade, réussit par deux fois à sept mois d'intervalle
à faire rétrograder les phénomènes de compression : la céphalée dispa-
rut, la vue s'améliora et l'examen ophthalmoscopiquc montra des veines
et des artères papillaires revenues à peu près à l'état normal. Il n'obtint
toutefois qu'un résultat passager et l'affection reprit son évolution malgré
un nouvel essai de traitement.
La malade de Béclère, âgée de 16 ans, atteinte de gigantisme
avec céphalée et troubles visuels graves, récupéra partiellement la
vision de l'oeil droit complètement abolie et celle 'de l'oeil gauche très
1. GPA3f13GNA. Remee Neurologique, 15 janvier 1909.
2. BiïCLÈiiE. Société médicale des Hôpitaux, 12 février 1909.
11 : 1111()'flll;lt : lt'll ? Il ? \1
compromise. Les céphalées disparurent également par 1 LI irradiations.
C'est en relatant ces premiers résultats que Béclère revendique pour
la radiothérapie cette l'orme d'infantilisme génital, associée ou non à des
lésions du squelette avec adipose et lésions de la peau, qui rappelle le
tuyxoedeme et que certains auteurs considèrent comme liée à un étal,
pathologique de la sécrétion hypophysaire.
Récemment, Fernandez Sal1Z semble avoir obtenu un résultat assez
remarquable en irradiant une tumeur du cervelet il travers une brèche
osseuse faite par trépanation.
Goitre exophtalmique Beck ('), Schmidl : et Rolland, notamment,
dans une. vingtaine de cas de cette affection, ont enregistré de très heu-
reux résultats : la fréquence du pouls diminue, le tremblement des mains
et les autres symptômes nerveux s'améliorent rapidement, par contre le
volume du cou, l'exophtalmie sont peu modifiés. Les résultats sont
d'autant plus favorables que le traitement est plus précoce. D'après
d'autres auteurs, c'est la tachycardie et l'exophtalmie qui seraient par-
ticulièrement influencées; le goitre, en somme, ne subit qu'exception-
nellement une modification. Il faut signaler, enfin. dans les essais qui ont
été faits de radiothérapie du goitre simple, l'apparition, sous l'influence
de doses fortes, de symptômes passagers de thyroïdisme. Ces phénomènes
semblent liés Ù une hyperi"mie du corps thyroïde parallèle à l'l7yperémi(`
de la peau et disparaissant avec cette dernière.
Névralgies et névrites. Indépendamment des névralgies sympto-
matiqucs liées à une compression du système nerveux périphérique par
une tumeur sensible aux rayons de Rontgen (masses ganglionnaires,
sarcomes, squirrhes) et des douleurs viscérales des tabétiques qui sont
parfois très heureusement influencées, la névralgie du trijumeau a fourni i
il la radiothérapie de très beaux succès dont le plus typique a été relaie
par Béclère (*). Son malade avait subi successivement l'enlèvement de toutes
les dents de la mâchoire supérieure gauche, la section de la branche
sous-orbitaire du trijumeau, l'enlèvement du ganglion de Casser, du
ganglion cervical supérieur du grand sympathique; chacune de ces
interventions n'avait donné qu'une trêve de quelques mois et la guérison
complète fut obtenue et se maintint pendant 4 ans à la suite de 4 séances
de radiothérapie. Quelqu'exceptionnel que soit évidemment un semblable
résultat, il n'en doit pas moins être enregistré et autorise indiscutable-
ment la radiothérapie avant toute intervention chirurgicale. Babinski,
avccDethermet Charpentier, a vu plusieurs cas de sciatiques graves
favorablement influencées par les rayons X (').
1. l3rch. Berlin. MM. Woch., 15 mai 1905.
2. Société médicale des //<t<nu;f, mai 1904.
71. La radiumthérapie doit être ici mentionnée comme susceptible d'agir activement
sur les douleurs névralgiques en général (Touchard, etc.) ; elle aurait même, d'après
Raymond, l3arcal et Delamarre, réalisé des sédations remarquables dans des cas de don-
leurs fulgurantes, douleurs en ceinture et crises gastriques du tabès.
[d. LÉRL]
1190 RADIOLOGIE.
La radiothérapie des maladies nerveuses, encore mal connue et
imprécise dans ses indications et la pathogénie de son action, possède
cependant déjà à son actif de remarquables succès obtenus peut-être
précisément dans les affections les plus rebelles jusqu'ici à toute autre
thérapeutique : il semble donc qu'on soit en droit de lui faire un large
crédit, en raison des résultats déjà acquis, de l'innocuité des rayons
maniés par des mains autorisées, et souvent du caractère difficilement
curable des affections auxquelles justement on l'oppose.
APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ
. AU DIAGNOSTIC ET AU TRAITEMENT
DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX
par E. HUET '
Chef dit Service d'Élcclrothérapie
de la Clinique des .Maladies du système nerveux a ta la Salpètiiére.
L'électricité est souvent employée soit pour le diagnostic, soit pour
le traitement des maladies du système nerveux. Les modes d'application
de l'électricité sont assez nombreux; suivant les cas, en effet, on utilise
les courants faradiques, les courants galvaniques, l'électrisation statique.
les courants dits de haute fréquence et les rayons de Roentgen ou
rayons X. On utilise encore, mais plus rarement, les courants dits ondu-
latoires et les courants sinusoïdaux. Parmi ces divers modes d'application
de l'électricité, nous nous occuperons surtout des courants galvaniques
et des courants faradiques qui sont le plus souvent mis en usage dans la
pratique courante et qui peuvent être facilement employés par tout
médecin.
COURANTS GALVANIQUES
Les courants galvaniques ou voltaïques ont été ainsi appelés des
noms de Galvani et de Volta, à qui nous sommes redevables de la pile
électrique. On les appelle parfois aussi courants continus : dans bien
des cas, cette dernière dénomination laisse à désirer, car on applique
souvent ces courants en les interrompant, ou encore en les soumettant à
de brusques renversements de direction. Nous les appellerons courants
galvaniques, dénomination qui a le plus généralement prévalu.
On peut demander le courant galvanique à une machine dynainivèleir-
trique ou à un secteur urbain qui débitent du courant considéré l('mnuuul("
continu au point de vue industriel, bien que ce courant ne puisse èta"
considéré comme rigoureusement continu au point de vue ali-sskllnuaan.
Mais il vaut mieux se servir d'accumulateurs ou de piles. On pr ? ff¡ ? NI(;.lJ.
les accumulateurs pour des cliniques ou pour des inst<d ! a<n)s< ? <jr'<t't5M
rapiques dans lesquelles on peut avoir à soumettre on même temps
te...eMM
1102
APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
plusieurs personnes aux applications des courants galvaniques. Si une
seule prise de courant suffit, il vaut mieux, au point de vue de l'éco-
nomie et de la facilité de l'entretien, la demander à des piles; celles du
genre Leclanché (zinc, charbon, bioxyde de manganèse et chlorhydrate
d'ammoniaque ou chlorure de zinc) conviennent très bien en ce cas :
pour le cabinet d'élcctrotliérapie on choisira ces piles d'assez grande
.surface, en donnant la préférence aux piles il sac et à zinc circulaire. Si
même on n'a pas à faire un grand nombre d'applications du courant
électrique, on peut se contenter pour le cabinet, des appareils transpor-
tables qui servent aussi pour les applications au lit des malades. Les
piles au bisulfate de mercure sont celles il préférer pour ce genre d'appa-
reils ; on peut les maintenir facilement en bon état et en attendre un bon
fonctionnement. '
11 est très important, .pour les applications du courant galvanique,
d'avoir toujours présente a la mémoire une loi simple qui régit le cou-
rant, la loi d'Ohm. Elle peut s'exprimer ainsi : l'intensité d'un courant
est directement proportionnelle à la force électro-motrice qui le produit
, l'ig. 1. - Batterie transportais de piles au hisnll'all' de mercure.
COURANT.S GALVANIQUES.' " 1105
1 ..
et inversement proportionnelle à la résistance qu'il rencontre; elle se
formule par la notation :
Ces éléments du courant peuvent être évalués en les rapportant à des
unités de mesure universellement adoptées. .
L'unité de mesure d'intensité, Y Ampère, est une valeur trop forte en
électrothérapie où on n'utilise que de faibles intensités; on prend alors
comme unité courante la. millième. partie de l'ampère, c'est-à-dire le
milliampère, que l'on peut écrire en abrégé m. A.
On évalue en volts la -force électro-motrice, qui engendre le courant,
ou bien encore la différence de potentiel qui existe entre deux, points et
qui donne lieu à un courant' quand ces deux points sont convenablement
réunis.
La résistance est mesurée en ohms.
De toutes ces valeurs, la plus importante à connaître pour le courant
galvanique, au point de
vue médical, est l'in-
tensité. On l'évalue à
l'aide d'un galvano-
mètre gradué en unités
de mesure, ou 111,illiwn-
pè1'emètTe. L'intensité
étant la même, dans
tous les points d'un
circuit, le milliampère-
mètre peut être inter-
calé en un point quel-
conque de ce circuit.
Lemilliampèremètre
doit être convenable-
ment choisi suivant les
applications que l'on se
, propose de faire. En
électrodiagnostic, il est
parfois utile de pouvoir évaluer des fractions de milliampère (demis,
quarts et même des dixièmes). En électrothérapie, on doit pouvoir
mesurer des intensités portées souvent à 25, 50 parfois 100 m. A., plus,
rarement davantage. Un galvanomètre possédant une seule graduation ne
permettrait pas de faire de semblables mesures; pour mesurer des
fractions de m. A. il faut un galvanomètre ayant une assez grande sensi-
bilité ; pour mesurer jusqu'à 50 ou 100 m. A., il faut un galvanomètre
d'une sensibilité beaucoup moindre. Avec un seul instrument on peut
cependant effectuer toutes les mesures désirables à la condition de le ,
- [E. HUET.]
Fig. 2 ? llilliampi;rèmëtre.
11 9 ! k APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
munir de shunts. Le galvanomètre qui nous parait convenir le mieux à
l'ensemble des applications que l'on peut avoir à faire, serait un galva-
nomètre divisé pour mesurer 5 ni. A. et possédant deux shunts permet-
tant de mesurer l'un jusqu'à 25 m. A., le second jusqu'à 125 ni. A. Dans
la pratique courante, cependant, un galvanomètre avec un seul shunt
permettant de mesurer d'une part 25 m. A. et d'autre part 125 m. A.
peut suffire. On peut.choisir d'autres combinaisons pour le galvano-
mètre ; on peut prendre par exemple des shunts multipliant par 10 au
lieu de multiplier par 5; dans ces conditions, avec le dernier galvano-
mètre dont il a été question, on aurait un instrument permettant de
mesurer 25 m. A. sans le shunt et 250 m. A. avec le shunt. Nous n'insis-
terons pas davantage sur les combinaisons rccolllll1aJlClablcs pour le
choix du miniampcrcmctrc, ce sont les applications que l'on se propose
de faire qui guideront ce sujet.
Le vol/mètre, qui consiste en un galvanomètre disposé pour mesurer
en volts la différence de potentiel existant entre deux points du circuit
parcouru par le courant, est moins indispensable que le miHIampere-
mètre; nous le considérons cependant comme un instrument très' utile.
Sa place est rigoureusement déterminée par la position des points dont
on veut connaître la différence de potentiel; il doit, en effet, être placé
l'ig. 5. - Voltmètre.
COURANTS GAL1'9\IOULS. 11a
en dérivation entre ces deux points. C'est la différence de potentiel
entre les points d'application du courant sur le corps qu'il importe le
plus généralement de connaître. Dans la pratique, on ne peut pas placer
le voltmètre directement en dérivation entre ces deux points ; le milliam-
péremètre, en effet, se trouverait rejeté du côté de la source d'électricité,
entre celle-ci et la dérivation établie pour le voltmètre, il ne mesurerait
pas seulement l'intensité du courant traversant le corps, mais la somme
des deux courants passant l'un par le circuit où se trouve le corps, et
l'autre par le circuit dérivé du voltmètre. La place du milliampèremètre,
indifférente quand il n'y a qu'un seul circuit, ne l'est plus quand il existe
aussi un circuit dérivé ; elle doit être dans la partie du circuit où l'on
veut connaître l'intensité du courant, c'est-à-dire, pour le cas présent.
dans la partie du circuit qui se rend au corps. La dérivation se rendant
au voltmètre est prise alors d'une part entre la source d'électricité et
à .
le nnilliampèrenièlre, et d'autre part entre la source d électricité et le
corps. Le schéma ci-contre indique quelles doivent être les places
respectives du voltmètre et du milliampèremètre. 11 en résulte bien une
certaine erreur dans la mesure de la différence de potentiel existant au
niveau des électrodes appliquées sur le corps; mais, comme la résistance
dumiltiampèrcmètrecst généralement faible par rapport à celle du
corps. l'erreur n'est que minime, et peut être négligée. Un voltmètre
permettant de mesurer jusqu'à 7a volts est suffisant pour la plupart des
cas. Il doit avoir la plus grande résistance possible; néanmoins l'évalua-
tion de la différence de potentiel au niveau des électrodes serait toujours
entachée d'une certaine erreur, si on la faisait à circuit ouvert ; pour
remédier Ù cet inconvénient, il faut laisser le voltmètre en circuit, et,
le courant passant par le corps et le voltmètre, lire la valeur des volts en
même temps qu'on lit la valeur de l'intensité sur le miniampèren)ètre.
La mesure des résistances est plus compliquée que celle de l'intensité
ou celle de la différence de potentiel. La mesure de la résistance du corps,
[F.. HUET.]
Fig. 4, - Sdh : ma .k la dispositiOl ! à donner an voltmètre et au milliampèremclre.
Il % APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
en particulier, présente d'assez grandes difficultés en raison des varia-
tions que celte résistance snbit sous l'influence du passage du courant,
et en raison de la polarisation produite du côté des électrodes et du côté
du corps. On peut cependant en prendre une notion relative, lorsque l'on
connaît l'intensité du courant qui traverse le corps, et la différence de
potentiel au niveau des électrodes. La loi d'Ohm permet de connaître
,. ]11' ln ET l '¡ "
cette résistance au moyen de la formule R ^= . La valeur en ohms ainsi
obtenue ne donne qu'une notion approximative de la résistance du corps;
'pour en avoir une notion plus exacte, il faudrait effectuer certaines cor-
rections, comme par exemple retrancher la résistance des électrodes
(et aussi la résistance du millialllpèremètre avec le procédé de mesure
des volts dont nous avons parlé) ; il faudrait encore pouvoir corriger
l'erreur provenant de la force contre-(qectl'o-moll'iee de polarisation des
électrodes et du corps. De plus, il faut savoir que la résistance du corps
ainsi évaluée est celle qui existe au moment de la lecture des volts et des
milliampères, mais qu'elle peut être différente aux moments qui précè-
dent ou aux moments qui suivent.
La résistance du corps, dans la plupart des applications de l'éleciro-
thérapie et de l'électro-diagnostic, est généralement assez élevée, auei- v
gnant facilement 1000 ohms ou davantage. Parl'ois même, sur certaines
régions du corps et dans certaines conditions, elle est beaucoup plus
élevée, atteint plusieurs milliers d'ohms et peut dépasser 10000 ohms,
Un raison de cette grande résistance du corps, les piles de la batterie
doivent être réunies en tension (reliées les unes aux autres par leurs
potes de non) contraire). Pour répondre à la généralité des besoins de
l'électrothérapie et de l'électrodiagnostic, il faut pouvoir disposer d'un
assez grand nombre de volts, une soixantaine au moins; il faudra donc,
avoir une trentaine d'éléments si l'on se sert d'accumulateurs, une qua-
rantaine de piles, si l'on se sert de piles Leelanché ou de piles au bisul-
fate de mercure.
Le courant galvanique peut être appliqué, soit en le laissant passer d une
façon continue, soit en le soumettant à des fluctuations rapides, c'est-à-
dire en le rendant intermittent par des interruptions et des rétablissements
brusques dans la même direction ou avec renversements de direction.
. Dans le premier cas, le nom de courant galvanique continu peut lui
convenir; il met en jeu les effets de l'état permanent du courant. Nous
appellerons galvanisation continue ce mode d'application du courant
galvanique. Nous appellerons galvanisation par interruptions simples,
ou galvanisation par courants intermittents, ou plus simplement encore
galvanisation interrompue, les applications du courant galvanique
interrompu et rétabli sans changer de direction, et galvanisation aller-
native les applications de ce courant avec renversements brusques de
sa direction, c'est-à-dire avec ce qu'on a encore appelé des alternatives
voltiennes.
COURANTS GALVANIQUES.
1197 î
COURANT GALVANIQUE CONTINU
Lorsqu'on applique la galvanisation continue proprement dite, on
recherche généralement l'action du courant galvanique dans son état
permanent. Faisant partir l'intensité de zéro, on l'élève plus ou moins
lentement et progressivement jusqu'à une certaine valeur, on l'y main-
tient un temps plus ou moins long, puis on la ramène graduellement à
zéro.
Avant de parler des effets de ce courant continu, il nous importe de
savoir comment graduer le courant galvanique et aussi comment le faire
pénétrer dans le corps.
Pour graduer le courant galvanique, on a plusieurs procédés à sa dis-
position : le collecteur d'éléments, le rhéostat en tension, le rhéostat en
dérivation et le réducteur de potentiel.
Dans le premier procédé, on fait entrer dans le circuit, à l'aide du
collecteur d'éléments, un nombre graduellement croissant de piles ou
d'accumulateurs. On augmente ainsi progressivement la force électro-
motrice prise sur la batterie. L'intensité du courant augmente en consé-
quence. Quand elle a atteint la valeur voulue, il faut, si l'on veut la
maintenir constante, surveiller le nuilliampèrelnètre. Généralement, en
effet, elle continue à croître sous l'influence de la diminution de la
résistance de la peau produite par le passage du courant. On la ramène il
la valeur proposée en diminuant le nombre des éléments mis en circuit.
Quand l'application doit prendre fin, on ramène graduellement le collec-
teur en arrière jusqu'au moment où il ne reste plus d'éléments intercalés
dans le circuit.
Dans le second procédé, avec le rhéostat en tension, on ne fait plus
varier la force électro-motrice prise sur la batterie, mais, conservant
pendant toute la durée de l'application, un nombre fixe d'éléments, on
fait varier la résistance opposée au courant. Au début, cette résistance
doit être aussi élevée que possible ; en la faisant diminuer progressive-
ment, l'intensité du courant s'élève peu à peu. Quand celle-ci a atteint
la valeur voulue, il convient, comme précédemment, de surveiller le
milliampèremètre pour la maintenir constante; si elle tend à monter, on
[E HUET.]
5 5 - Collecteur d'éléments.
1198 APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
l'abaisse en manoeuvrant le rhéostat
de manière à augmenter sa résistance.
Pour terminer l'application, on ramène
l'intensité graduellement à zéro en
augmentant progressivement la résis-
tance du rhéostat.
Les rhéostats qu'on peut employer
dans ce mode de graduation du cou-
rant sont assez nombreux. On se sert
le plus généralement de rhéostats à
liquide parmi lesquels nous citerons
plus particulièrement ceux de Bcrgo-
nié, de Bordier et de Guilloz.
. Les deux procédés de graduation
du courant dont il vient d'être ques-
tion présentent chacun leurs incon-
vénients propres. Avec le collecteur
d'éléments le passage d'un élément à
l'autre fait varier l'intensité d'une
façon brusque et avec une valeur
d'autant plus accentuée que la force
électromotrice des éléments de la bat-
terie est plus élevée et que la résis-
tance opposée dans le circuit du cou-
rant est plus faible. Avec le rhéostat
en tension, pour certains modèles
Fig. 6. Rhéostat de Bergonié.
Fie-. 7. - Rhéostat de Guilloz.
COURANTS GALVANIQUES. 1199
surtout, le courant s'établit parfois assez brusquement, atteignant au
moment du début une intensité plus on moins élevée ; de même il cesse
brusquement, tombant tout à coup d'une certaine valeur de l'intensité à
zéro. Ces inconvénients du rhéostat en tension sont d'autant plus pro-
noncés que d'une part la force électro-motrice totale de la batterie est
plus élevée, et que d'autre part le maximum de résistance opposée par
le rhéostat au début ou à la fin de l'application est plus faible.
On peut remédier aux inconvénients de ces deux procédés de gra-
duation du courant galvanique en les combinant l'un avec l'autre. Pour le
collecteur d'éléments, par exemple, en intercalant dans le circuit une
résistance plus ou moins élevée, on diminue d'une façon proportionnelle
les lluctuations d'intensité qui existent au moment du passage d'un
élément à l'autre. Pour le rhéostat en tension, on diminue les fluctuations
de l'intensité existant au début et à la fin de l'application si, au lieu de
prendre la force électromotrice totale de la batterie, on en prend seu-
lement une fraction, les trois quarts, la moitié, ou seulement le quart,
par exemple.
Nous ne parlerons pas du procédé de graduation au moyen d'un rhéostat
placé en dérivation, procédé qui fait débiter une grande quantité d'élec-
tricité dans le circuit du rhéostat quand on veut de faibles courants dans
le circuit du corps et qui, pour cette raison, épuiserait rapidement les bat-
teries de piles. (Dans d'autres applications du courant galvanique, dans la
recherche des effets de l'état variable du courant pour l'électro-diagnostic,
par exemple, ce procédé associé à celui du collecteur d'éléments peut être
parfois utile.) .
f Le procédé de graduation avec le réducteur de potentiel se rapproche
du précédent, mais il a sur lui l'avantage de laisser toujours le courant
fermé sur une résistance assez élevée. Dans un premier circuit se trouve
placé un conducteur assez long dont la résistance est fixe et assez grande,
de a00 à 1500 ohms par exemple. Sur ce circuit on prend en dérivation
le courant destiné au corps. Lorsque la résistance entre les deux points
de cette dérivation est faible, la différence de potentiel entre ces deux
points est également faible; elle augmente graduellement si l'on fait
croître progressivement la résistance comprise entre les deux points où
la dérivation est établie; elle atteint son maximum quand la dérivation
est prise aux deux extrémités de la résistance, et elle correspond alors, à
peu de chose près, à la différence de potentiel existant aux deux bornes
de la source. Par ce procédé, on peut. graduer d'une façon régulière et
très sensible, par dixièmes de milliampère ou par fractions plus faibles
encore, l'intensité du courant qui traverse le corps. C'est le procédé
auquel nous donnons la préférence; il convient tout particulièrement au
cas où l'on prend le courant sur une dynamo ou sur un secteur il courant
continu; il est applicable encore avec une batterie d'accumulateurs ou
avec une batterie de piles d'assez grande capacité. Il ne convient guère
pour les appareils transportables; par lui-même le réducteur de potentiel
[E. HlTET.]
il 200 APPLICATIONS, DE L'ÉLECTRICITÉ.
constitue déjà un appareil plus ou moins lourd et encombrant : de plus,
il nécessite une source d'électricité pouvant débiter sans se polariser
sensiblement une assez grande quantité d'électricité; ce n'est généra-
lement pas le cas pour les appareils transportables, ou, si cette, condition 1
est suffisamment réalisée, le réducteur de potentiel en use trop rapi-
dement les piles. Avec les appareils transportables le mode le plus simple
de graduation du courant est le collecteur d'éléments auquel on associe ? ig. 8. I. Repré-
sentation schémati-
que e du réducteur
de potentiel ;
A C, circuit résistant
du réducteur de
potentiel, traversé
d'une façon continue
par le courant pro-
venant de la batte-
ric ; - BB'B", po-
sitions différentes
données à la bran-
che de dérivationTll.
pour augmenter l'in-
tensité du courant
traversant le corps ;
- AB, AB', AU",
portions variables du
circuit résistant du
réducteur de potentiel sur lesquelles sont prises en dérivation le courant allant au corps
II. Représentation schématique du rhéostat en dérivation. R, entre les deux points ;1, et et
' 1 ? En il' résistance qu'il est utile souvent d'ajouter en tension entre la batterie et les
dérivations.
. .. Fig. 9. - Modèle courant de réducteur de potentiel.
COURANTS GALVANIQUES. 1201
ou non, suivant les cas, une résistance ou un rhéostat placé en tension
dans le circuit.
Pour faire pénétrer le courant dans le corps, les conducteurs doivent
être reliés à celui-ci d'une manière convenable, et l'on se sert de pièces
intermédiaires appelées électrodes, constituées par une matière bonne
conductrice, métal ou charbon. Dans quelques conditions particulières
(dans l'électrolyse par exemple) le métal ou le charbon sont mis direc-
tement en contact avec le corps. Il n'en est pas ainsi dans la plupart des
applications du courant galvanique au traitement et au diagnostic des
maladies nerveuses. Comme les électrodes sont habituellement placées
sur la peau, la résistance opposée au passage du courant serait très
grande avec des électrodes nues, par le fait de la grande résistance élec-
trique de l'épiderme, qui se montre d'autant plus élevée que cet épiderme
est plus sec. De plus, comme le courant ne s'établirait guère que par des
points où la conductibilité est meilleure, c'est-à-dire au niveau des ori-
lices glandulaires, la densité du courant serait très forte en ces points et
il s'y développerait, au contact direct du métal ou du charbon, des actions
électrolytiques intenses produisant de vives douleurs et des effets caus-
tiques avec formation d'escarres. On obvie à ces inconvénients en recou-
vrant le métal ou le charbon de l'électrode avec une substance spongieuse
suffisamment épaisse et capable de retenir dans ses mailles un liquide
bon conducteur dont on l'a imbibée (eau simple, solution de chlorure de
sodium, ou autre). En somme, ce liquide constitue l'intermédiaire con-
duisant le courant : il a de plus l'avantage, en humectant l'épiderme, de
le rendre meilleur conducteur, et il permet d'obtenir une conductibilité
suffisamment bonne sous toute la surface de l'électrode.
Dans certains cas, on peut constituer l'électrode, établissant le contact
avec le corps, par un hain dans le liquide duquel on fait plonger la pièce
de métal ou de charbon attachée au conducteur. On prend soin, en pareil
cas, de ne pas mettre ce métal ou ce charbon directement en contact
avec la peau ; on choisit aussi le vase ou la baignoire en substance mau-
vaise conductrice (verre, porcelaine, tôle émaillée, bois, marbre, etc.).
Il faut éviter de choisir pour la constitution des électrodes des métaux
facilement attaquables par les produits de l'électrolyse, comme le cuivre,
le zinc : les oxydes et les sels formés à la surface du métal ont 1 Ïncon-
vénient d'élever dans des proportions souvent considérables la résistance
de l'électrode; de plus les composés électrolytiques formés par l'attaque
du métal peuvent être entraînés vers la peau et avoir des actions nocives.
Les métaux inattaquables ou peu attaquables, comme le platine et l'or,
ont l'inconvénient d'être d'un prix élevé; on peut en conserver les avan-
tages, sans tomher dans ce dernier inconvénient, en prenant des métaux
attaquables recouverts d'une mince couche d'un métal inattaquable : le
enivre platiné, par exemple, constitue de bonnes électrodes; on peut lui
reprocher seulement de n'être pas toujours suffisamment malléable pour
bien s'adapter aux contours de la surface qu'il doit recouvrir.
Pratique NEUROL. 76
[E HUET] ]
1202 ' APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
L'étain a l'avantage d'être très malléable ; pour cette raison il est
souvent employé; il est moins attaquable que le cuivre et les produits
dus à son électrolyse ne sont pas nuisibles. On peut lui reprocher le
défaut d'augmenter la résistance de l'électrode; ce défaut cependant ne
se développe qu'après un usage assez prolongé comme électrode positive;
il est très atténué si l'électrode qu'il forme est tour à tour employée
connue électrode posi-
tive et comme électrode
négative.
Le charbon est inat-
taquable et constitue
de très bonnes électro-
des de petites dimen-
sions. Pour les électro-
des plus grandes il ne
peut être employé que
si leur forme n'a pas
besoin d'être modifiée
pour épouser les con-
tours des parties sur
lesquelles on les ap-
plique.
Le revêtement de
l'électrode peut être
constitué par des com-
presses de toile, de
coton ou de tarlatane
interposées , entre le
métal ou le charbon et
la peau du corps. Il
peut être formé aussi
par de la ouate hydro-
phile; mais celle-ci a
l'inconvénient de laisser écouler trop abondamment le liquide de l'élec-
trode quand elle se trouve pressée un peu fortement. On recouvre sou-
vent encore le métal ou le charbon des électrodes avec de la peau de
chamois; une seule épaisseur de peau n'est pas suffisante; le métal ou le
charbon se trouvent ainsi trop rapprochés de la peau du corps exposée
alors au développement facile de brûlures électrolytiques. Cet inconvé-
nient peut être écarté avec plusieurs épaisseurs de peau ou par l'interpo-
sition d'autres substances spongieuses, telles que de l'amadou ou du
feutre. Les électrodes auxquelles nous donnons la préférence, .quand
il s'agit d'électrodes en forme de plaques, sont constituées par un feutre
épais d'un centimètre environ, hien fixé à la' plaque de métal, le tout
recouvert d'un tissu hydrophile ou de peau de chamois. Il importe que
1' i. 90. - I : Icctroles en l'orme de ]ihucs(etuin, l'entre et
peau de chamois). Divers modèles d'électrodes en charbon
avec revêtement spongieux.
? t2 ? éoURA ? 1TS GALVANIQUES. 1205 0 5
le revêtement spongieux déborde les bords du métal de plusieurs milli-
mètres, sinon celui-ci pourrait se trouver trop rapproché de la peau du
corps ou même prendre contact avec elle, ce qui pourrait produire des
escarres.
On a encore employé comme revêtement des électrodes de l'amiante
ou de la terre glaise enveloppée dans de la toile ou de la tarlatane. La
terre glaise présente
certains avantages,
pour les grandes élec-
trodes principalement,
elle retient bien le li-
quide dont elle est im-
bibée et elle s'applique
intimement à là surface
de la région sur laquelle
elle est placée. Elle a
l'inconvénient de né-
cessiter pour la confec-
tion des électrodes des
manipulations assez
longues et assez com-
pliquées qui doivent
être souvent renouve-
lnes. -
Le liquide dont on
imbibe les électrodes est le plus habituellement de l'eau de fontaine,
modérément chaude. Par les substances salines que l'eau ordinaire
contient toujours, en plus ou moins grandes proportions, sa conduc-
tibilité est suffisante. Parfois on emploie de l'eau salée ou de l'eau
légèrement acidulée; ces liquides ont l'inconvénient de rendre les
applications du courant galvanique plus douloureuses; ils ont encore
l'inconvénient d'oxyder rapidement le métal des électrodes ou les pièces
métalliques qui les relient aux conducteurs, d'où une augmentation sou-
vent considérable de la résistance des électrodes. Leur usage habituel
n'est donc pas à recommander. On peut cependant y avoir recours si, la
résistance du corps étant très élevée, la source d'électricité dont on
dispose se montre insuffisante pour fournir l'intensité voulue. En aug-
mentant non seulement la conductibilité des électrodes, mais encore la
conductibilité de l'épidémie, ces solutions, meilleures conductrices que
l'eau ordinaire, permettent souvent d'arriver à l'intensité cherchée.
Dimensions ET positions A donner aux électrodes.
. Les électrodes peuvent affecter des formes et des dimensions très
différentes suivant les applications que l'on' se propose de faire. Nous
[E. HUET.]
Fig. l 1 . - Électrodes en charbon rccomcrles de plusieurs
doubles de peau de 'chamois, les unes on forme de tampon,
les autres de forme olivaire.
1204
APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
devons tenir compte tout spécialement de la dimension des électrodes;
d'elle, en effet,. dépend en grande partie la densité du courant, facteur
très important en électrothérapie.
Par densité électrique d'un courant, on entend le rapport de l'inten-
site de ce courant à la section du conducteur qu'il traverse. Cette densité
est un nombre abstrait puisqu'elle est exprimée par un rapport. Nous
pouvons cependant nous faire une idée de ce qu'elle est au niveau de la
surface d'application d'une électrode en disant qu'elle est représentée
par le nombre de, milliampères qui passe par centimètre carré d'électrode.
Nous avons à nous demander encore ce que devient cette densité dans
la profondeur du corps pour un point ou pour un organe déterminé. La
réponse serait facile s'il s'agissait d'un conducteur homogène et de sec-
tion connue; mais le corps est composé de tissus différents qui ne pré-
sentent pas tous la même résistance électrique, et l'on sait que les lignes
de flux du courant suivent de préférence les voies de plus faible résis-
tance ; il en résulte que la densité du courant n'est sans doute pas régu-
lièrement répartie dans la profondeur du corps. On comprend néanmoins
que cette densité, dépendant déjà des dimensions des électrodes, doit
dépendre heaucoup aussi de la position relative donnée aux deux élec-
trodes.
Nous admettrons les trois propositions suivantes : .
La plus grande densité se trouve sous les électrodes et dans leur
voisinage immédiat. Lorsque les électrodes sont de dimensions iné-
gales, la plus grande densité se trouve sous la plus petite électrode.
Dans l'espace compris entre les deux électrodes, le maximum de densité
se trouve sur le plus court chemin qui les réunit.
Fig. 12 (d'après Erb). Schémas de la distribution et de la densité du courant dans le Irnnc.
selon les dimensions des électrodes. A. Densité du courant avec deux électrodes d'égales
dimensions; leurs densités sout les mêmes; B. Densité du courant avec des électrodes
de grandeurs différentes : l'anode est double de la cathode ; la densité de la cathode est
double de celle de l'anode. -
COURANTS.' GALVANIQUES.
1205
Les deux premières propositions sont évidemment exactes; la troisième
peut l'être souvent aussi, mais elle est passible de certaines réserves
en raison des différences de conductibilité des divers tissus.
Les quelques figures que nous reproduisons ici, en les empruntant au
Traité d'.B7ec<ro</ ! e ? Y'e d'Erb, représentent schématiquement la dispo-
sition de la densité entre. des électrodes de mêmes dimensions et des
électrodes de dimensions différentes, suivant les diverses positions
qu'elles peuvent occuper. Elles donnent une idée des dimensions et des
positions respectives qu'il convient de faire prendre aux électrodes pour
atteindre dans les meilleures conditions possibles un organe déterminé
d'après la situation qu'il occupe.
'1 °. Pour localiser le courant sur un point situé superficiellement ou
peu éloigné de la surface du corps, on prendra deux électrodes de
dimensions inégales, on placera la plus petite électrode aussi près que
possible du point à atteindre, et l'autre plus grande en un point assez
éloigné. C'est ce procédé que nous utiliserons généralement en électro-
diagnostic pour localiser l'excitation électrique sur les nerfs et sur les
muscles. On l'utilise également en électrothérapie.
2° Pour localiser le courant sur une étendue plus grande mais
encore peu éloignée de la peau, par exemple sur des muscles gros ou
larges, comme le deltoïde, les fessiers, le vaste interne de la cuisse,
les jumeaux, etc., on choisira deux électrodes égales, de dimensions
moyennes, et on les placera plus ou moins rapprochées l'une de l'autre
sur l'espace à électriser, de façon que les lignes qui les réunissent le
plus directement au-dessous de la peau traversent cet espace.
5° Pour atteindre avec le courant des parties plus ou moins étendues
situées dans la profondeur du corps, par exemple la moelle épinière, il
[E. HUET.-\
Fig. 15 (d'après Erb). Schémas de la distribution et de la densité du courant relativement
à sa direction dans le corps. - A, quand il est dirigé transversalement à travers le corps;
B, quand on applique les électrodes sur la même surface, l'une près de l'autre. Les lignes
de llux inertes sont ponctuées. La zone de la plus grande densité est ombrée.
12011 APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
convient de prendre deux grandes électrodes et de les appliquer aussi
éloignées que possible l'une de l'autre en comprenant entre elles les
parties à atteindre. Si elles étaient rapprochées, la plus grande partie du
courant resterait dans le voisinage de la peau (A. fig. 1 ! ) ; éloignées, au
contraire, un plus grand nombre de lignes de flux pénètrent dans la
profondeur (B. fig. 14).
4° Pour localiser le courant sur un point déterminé situé dans la
profondeur des organes, on prendra deux électrodes assez grandes que
l'on placera diamétralement en face l'une de
l'autre de manière que le point à atteindre se
trouve sur le trajet réunissant directement les
deux électrodes. On emploiera ce procédé
pour atteindre un point limité de la moelle
épinière ou un point situé dans la profondeur
du cerveau. On l'emploiera encore pour sou-
mettre à l'action du courant une articulation,
comme le genou, l'épaule, etc.
Les considérations qui précèdent ne s'adres-
sent pas seulement au courant galvanique con-
tinu, elles peuvent valoir aussi pour les appli-
cations des courants galvaniques interrompus,
des courants faradiques, etc.
A d'autres points de vue encore il importe
de tenir compte de la densité du courant. On
en tiendra compte, par exemple, pour éviter les
brûlures de la peau. Si l'on doit employer des courants de forte intensité
et que l'on prenne de petites électrodes, la densité du courant est très
grande sur la peau et les actions chimiques s'y développent avec une
ng. 14 (d'après Erb). Schémas de la distribution et de la densité du courant relativement
à sa pénétration dans la profondeur (ici dans la moelle épinière). A, quand les deux
électrodes sont rapprochées; B, quand elles sont très éloignées l'une de l'autre.
F)g. 15 (d'après Erb).Schéma
de la meilleure application
des électrodes pour amener
un foyer pathologique situé
dans la profondeur de l'hémi-
sphère cérébral gauche dans
la zone des lignes de flux
les plus denses et les plus
actives.
COURANT GALVANIQUE CONTINU. 1207
énergie suffisante pour provoquer la formation d'escarres; avec de
grandes électrodes, au contraire, la densité est beaucoup plus faible,
les courants sont répartis sur une surface plus étendue et l'escarrilica-
tion est évitée.
Action DES courants galvaniques continus.
Effets DE l'état permanent DU courant.
Le courant galvanique passant d'une façon continue développe des
effets thermiques, mécaniques, chimiques et physiologiques.
Les effets thermiques dans les applications du courant galvanique au
traitement des maladies nerveuses sont insignifiants en raison des faibles
intensités données au courant et en raison de la grande masse du con-
ducteur formé par le corps.
Les effets mécaniques sont également minimes dans ces applications
éicctrothérapiques. On peut leur rapporter la cataphorèse, c'est-à-dire le
transport de particules, principalement de particules liquides entraînées
par le courant. Les phénomènes de cataphorèse sont d'ailleurs assez
discutés; on leur attribue actuellement une importance beaucoup moins
grande qu'autrefois où l'on confondait avec eux des phénomènes de
transport des ions que nous allons retrouver dans les effets suivants.
Les effets d'ordre chimique sont beaucoup plus importants que les
précédents. Le corps est composé de tissus divers, contenant des
substances liquides, colloïdes et électrolytes. Ces derniers sont en pré-
pondérance et parmi eux les solutions de chlorure de sodium occupent
une part très prédominante. Les autres substances minérales dissoutes
dans les liquides de l'organisme sont aussi pour la plupart des sels de
sodium, sulfates, carbonates, phosphates. Les sels de potassium, de
calcium, de magnésium, etc., sont en proportions beaucoup plus faibles.
L'on sait que. dans une solution électrolytique traversée par un courant
continu, les ions de l'électrolyte sont entraînés par le courant; ceux qui
sont chargés positivement, les ions électro-positifs, se portent au pôle
négatif ou cathode, d'où leur nom de cathions; ceux qui sont chargés
négativement, les ions électro-négatifs, se portent au pôle positif ou
anode, ce sont les anions. Au contact de l'anode et de la cathode les ions
perdent leur charge et obéissent à leurs affinités chimiques. Ne considé-
rant que les ions et Ci, de beaucoup les plus nombreux dans les
tissus et les liquides de l'organisme, nous voyons que du coté du pôle
négatif l'ion sodium \a, soit qu'il sorte du corps, soit qu'il provienne
de la sueur ou des liquides qui imbibent l'électrode, se porte sur le
inétal ou le charbon qui constitue la cathode; à son contact il perd sa
charge positive, obéit aux affinités chimiques du sodium, \a, décompose
l'eau pour former de la soude, Nao, et mettre de l'hydrogène, 11, en
liberté. Du côté du pôle positif c'est l'ion chlore CI, qui se porte sur le
[E. HUET]
1208 APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
métal; à son contact il perd sa charge négative, devient Cl, décompose
l'eau pour former de l'acide chlorhydrique IIC1 et mettre l'hydroxyle
OU en liberté. Si les électrodes sont en matière inattaquable, platine ou
charbon, il ne se produit pas d'actions secondaires, et, si le métal ou le
charbon ne sont pas suffisamment éloignés des téguments, les substances
formées de la façon que nous venons de voir produisent l'escarrification
des tissus, agissant suivant leurs propriétés, comme un acide au pôle
positif, comme une base caustique au pôle négatif. On évite ces effets
caustiques, comme nous l'avons indiqué déjà, en éloignant suffisamment
le métal ou le charbon de la surface de la peau avec des revêtements
spongieux plus ou moins épais et humectés de liquide et en ayant soin
de ne pas employer une trop grande densité de courant. 1
Lorsque le métal des électrodes est attaquable par les produits de
l'électrolyse, les phénomènes sont plus complexes. A l'action des bases
ou des acides, formés au niveau des électrodes, s'ajoute ou se substitue
l'action des substances chimiques formées secondairement par l'attaque
du métal de l'électrode. Dans certaines applications électrothérapiques,
on utilise les effets caustiques ainsi développés au niveau des métaux
inattaquables, ou les effets dus aux produits secondaires prenant nais-
sance au contact des métaux attaquables; nous n'avons pas à y insister
pour les applications de la pratique neurologique (').
Il n'a été question jusqu'alors du transport des ions que dans le sens
où ils sortent du corps; leur transport se fait aussi en sens opposé. Sous
chaque électrode, en effet, il se produit un double courant ionique. A la
cathode les cations descendent le courant et sortent du corps, tandis que
les anions remontent le courant et pénètrent dans le corps. A l'anode,
les effets inverses se produisent, les anions remontent le courant, sortent
du corps, tandis que les cations descendent le courant et pénètrent dans
le corps. Ces phénomènes de transport des ions sont utilisables dans la
pratique neurologique; ils permettent d'introduire localement des médi-
caments par la peau.
On a longtemps discuté sur la réalité de l'introduction électrolytique
des substances médicamenteuses à travers la peau, la rapportant soit
simplement à l'absorption cutanée, soit encore il la cataplrorèse.
Cette pénétration des ions dans le corps sous l'influence du passage
du courant est bien démontrée aujourd'hui, après les expériences de
Leduc sur l'introduction des ions colorés et sur l'introduction de sub-
1. Les effets de l'électrolyse au niveau des électrodes produisent des phénomènes
que l'on a appelés polarisation; ils développent une force électro-motrice dont la
direction est opposée il celle du courant qui leur a donné naissance. Cette force contre-
electro-motrice de polarisation est parfois très gênante en électrothérapie et surtout en
électrodiagnostic. On peut remédier ces inconvénients en employant des électrodes
particulièrement constituées pour supprimer la polarisation. Ces électrodes impolari-
sables sont surtout employées dans les recherches physiologiques, beaucoup plus rare-
ment dans les applications etcctrotherapiqucs.
COURANT GALVANIQUE CONTINU. 1209
stances toxiques. Avec les ions colorés on peut constater facilement leur
pénétration dans les orifices et les canalicules glandulaires; avec des
électrodes imbibées de substances toxiques, en plaçant en même temps
deux animaux en série sur le trajet du courant, on ne détermine des
effets d'intoxication que sur l'animal porteur de l'électrode dans laquelle
le transport de l'ion toxique se fait vers le corps ; l'autre animal reste
indemne, bien qu'il soit porteur d'une électrode identique, mais disposée
de manière que l'ion toxique chemine en s'éloignant du corps.
Pour faire pénétrer une substance médicamenteuse à travers la peau,
en un point déterminé, il suffit d'orienter convenablement le courant
après avoir appliqué sur ce point une électrode contenant une solution
d'un composé de cette substance ; l'autre électrode est simplement
imbibée avec de l'eau ordinaire ou avec une solution de chlorure de
sodium ou de potassium. Lorsque c'est un anion qui constitue la partie
active de la substance à introduire, par exemple l'iode d'un iodure
alcalin, ou l'acide salicylique du salicylate de soude, l'électrode imbibée
de cette substance doit correspondre à la cathode. Lorsque c'est un cation
que l'on veut faire pénétrer, comme le lithium du carbonate de lithine,
ou comme la quinine du chlorhydrate de quinine, l'électrode active doit
correspondre à l'anode. Nous verrons qu'on a traité avec succès des
névralgies rebelles, soit par l'introduction de l'ion salicylique, soit par
l'introduction de l'ion quinine.
Il convient de remarquer, cependant, que les ions ainsi introduits à
travers la peau ne doivent pas pénétrer très profondément dans les tissus,
même avec la position la plus favorable donnée aux électrodes, en les
plaçant, par exemple, en face l'une de l'autre dans une situation diamé-
tralement opposée. Il est très vraisemblable d'admettre, en effet, que les
ions qui ont pénétré dans la peau se trouvent bientôt entraînés dans la
circulation générale par les vaisseaux sanguins ou par les vaisseaux lym-
phatiques. Par suite, on ne peut guère espérer agir directement avec ces
ions que sur des organes superficiellement situés.
L'épiderme présente un très grand obstacle il la pénétration des ions;
leur introduction se fait surtout par les orifices et les canalicules glandu-
laires, ainsi que le montrent les expériences faites avec les ions colorés.
C'est aussi, suivant toute évidence, la principale voie suivie par le cou-
rant galvanique pour pénétrer dans le corps.
Les phénomènes ioniques dont nous venons de parler sont ceux qui
se passent surtout au niveau des électrodes, à l'entrée et à la sortie du
courant. Nous devons nous demander encore quels sont les phénomènes
qui se passent dans la profondeur des tissus, sur l'espace interpolaire
parcouru par les lignes de flux du courant.
On sait que, lorsque deux électrolytes de composition différente sont
contigus,le passage d'un courant continu produit entre eux des échanges
d'ions conformément aux lois de transport des ions. Ces échanges sont
encore plus actifs si les électrolytes sont séparés par des membranes per-
fB.HUET]
z1 `310 APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
méables. De pareils échanges d'ions se produisent encore entre diverses
parties d'un même électrolyte, séparées par des membranes.
Ces diverses conditions se trouvent réalisées par les tissus de l'orga-
nisme. Sous l'action du courant galvanique continu, il doit y avoir
échange d'ions entre éléments d'un même tissu et entre éléments de
tissus différents ; c'est sans doute là une des raisons des effets physiolo-
giques et des effets thérapeutiques de ce courant. Ces phénomènes d'élec
trolyse interpolaire, dans l'intimité des tissus, se trouvent manifestés !
par ce que l'on a appelé la polarisation interne; celle-ci, de même que
la polarisation externe, au niveau des électrodes, développe une force
électro-motrice de direction opposée à celle du courant qui la produit.
On peut constater expérimentalement cette force électro-motrice de la
polarisation interne, on peut même la mesurer. M. Weiss a constaté
qu'elle pouvait atteindre 0.4 à 0,5 de volt, avec les courants utilisés
communément en électrothérapie. 1
Quand les courants sont très intenses, l'électrolyse interpolaire peut
présenter de graves inconvénients et être assez considérable pour amener
la désorganisation et la mort des tissus. En soumettant des muscles de
grenouille à des courants galvaniques, même faibles, M. Weiss a constaté
que les fibres musculaires étaient profondément altérées et qu'ensuite
elles s'atrophiaient définitivement. Dans ces conditions, la densité du
courant était très élevée en raison des faibles dimensions des muscles de
grenouille. Chez l'homme, dont les muscles sont beaucoup plus volumi-
neux, on peut employer sans inconvénient des intensités plus grandes;
il est cependant des limites qu'il convient de ne pas dépasser; l'observa-
tion d'accidents survenus avec des courants continus industriels montre
que les muscles de l'homme peuvent être également détruits et s'atro-
phier définitivement après le passage de courants trop intenses.
Les effets physiologiques produits par le passage du courant galva-
nique sont de différents ordres et se manifestent sur les nerfs moteurs
et sur les muscles, sur les nerfs sensitifs, sur les nerfs vaso-moteurs et
sur les organes glandulaires. Nous aurons aussi à parler des effets élec-
trotoniques et des effets dits catalytiques,
Sur les nerfs moteurs et sur les muscles, le courant galvanique, dans
son état permanent, ne parait guère produire directement des effets
d'excitation. Avec de forts courants, cependant, on peut voir les muscles
mis en état de contraction soutenue plus ou moins prononcée ; c'est ce
que Hemak a appelé les contractions galvano-loniqucs. Il y a lieu de
croire que ces effets d'excitation des organes moteurs sont en grande
partie dus il l'action sur les nerfs moteurs ou sur les muscles des pro-
duits de l'électrolyse interne. Ils ne s'observent qu'avec de forts cou-
rants. Il convient de remarquer, cependant, qu'ils sont produits plus
facilement lorsqu'on arrive à l'état permanent du courant en élevant
rapidement son intensité, que si on élève celle-ci lentement et graduel-
lement.
.COURANT GALVANIQUE CONTINU. 211
On observe encore sur les nerfs moteurs des effets du courant gaha-
nique constant ayant comme conséquence de modifier l'excitabilité de
ces nerfs; c'est ce que l'on a appelé effets électrotoniques.
L'électrotonus a été mis en évidence par les recherches des physiolo-
gistes. Il consiste non seulement dans des modifications de l'excitabilité
des nerfs, mais encore dans des modifications de la conductibilité de
J'influx nerveux et dans des modifications de l'état électrique des nerfs;
on les observe facilement sur un nerf dénudé et isolé, parcouru par un
courant continu dans les conditions réalisables en physiologie. Ces modi-
fications sont différentes suivant la direction descendante ou ascen-
dante du courant. Le courant descendant est celui qui suit la direction
de l'influx nerveux moteur; il est réalisé lorsque le pôle positif est placé
du côté des centres nerveux et le pôle négatif du côté de la périphérie.
Le courant ascendant est celui qui répond aux conditions inverses.
Comme les modifications produites par l'électrotonus'paraissent dépendre
des actions polaires, il est plus simple de considérer ce qui se passe à
chaque pôle.
Pendant le passage du courant, l'excitabilité du nerf est augmentée au
niveau du pôle négatif et dans son voisinage ; elle est diminuée au con-
traire au niveau du pôle positif. On a appelé ces effets catélectrotonus et
onë/fc'ooHMs. Après l'ouverture du courant ces effets s'inversent; il y
a diminution de l'excitabilité à la place du pôle négatif et augmentation
à la place du pôle positif; mais ensuite on constate pendant plus ou
moins longtemps de l'augmentation de l'excitabilité à la place des deux
pôles. Les effets sur la conductibilité du nerf sont semblables.
Chez l'homme, dans les conditions des applications électrothérapiques,
les manifestations électrotoniques sont plus difficiles ' à saisir, et les
recherches faites dans ce but ont donné des résultats contradictoires.
Tandis qu'Eulenburg a trouvé les mêmes modifications de l'excitabilité
que celles observées dans les recherches physiologiques, Erb a trouvé
des modifications inverses. Cela tient sans doute, comme le fait remar-
quer Erb, aux conditions dans lesquelles on opère chez l'homme; on ne
peut faire agir, en effet, le courant produisant l'électrotonus et explorer
l'excitabilité du nerf qu'à travers les téguments et les tissus interposés.
Dans ces conditions interviennent ce qu'llelmholtz a appelé les pôles vir-
lnels; l'existence de ceux-ci s'explique par la façon dont le nerf est par-
couru par le courant; la figure 16 fait comprendre comment de chaque
côté de la zone correspondant à la polarité de l'électrode se trouvent des
zones correspondant à des pôles de nom contraire. Au niveau de ces
pôles virtuels, les modifications électrotoniques se trouvent être l'inverse
de celles qui sont produites par le pôle de l'électrode. En localisant
l'exploration de l'excitabilité du nerf au niveau même de l'électrode élec-
trotonisante de manière à éviter de tomber dans la sphère d'action des
pôles virtuels, Erb a retrouvé, comme Eulenburg, les mêmes manifesta-
tions qu'en physiologie. Des recherches ultérieures n'ont pas cependant
[E. HUET.] ]
1212. " . APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITE. z
abouti à des résultats bien certains, et la question de l'électrotonus chez
l'homme reste assez obscure. , .
- On est porté généralement à admettre qu'en faisant agir le pôle positif
on p.out, nar le fait de l'anélectrotonus. diminuer l'excitabilité des nerfs,
tandis qu'en fai-
sant agir le pôle
négatif on aug-
mente leur excita-
bilité par le fait
du catélectroto-
nus. Dans le trai-
tement des névral-
gies, par exemple,
on a remarqué que
souvent le pôle po-
sitif se montrait
plus etiteace que le pôle négatif. Ces résultats, cependant, ne sont pas
constants, parfois le pôle. négatif a produit les mêmes, effets que le pôle
positif; on pourrait l'expliquer, même en admettant la réalité des modi-
fications électrotoniques précédemment exposées, soit par l'action de
pôles virtuels, soit par les actions secondaires qui se développent après
la suppression du courant. -
. Les nerfs sensitifs seraient donc soumis, comme les nerfs moteurs,
aux modifications de l'électrotonus. Ils diffèrent des nerfs moteurs en ce
sens qu ils paraissent davan-
tage excités par le courant
galvanique dans son état per-
manent. En effet, le courant,
pendant son passage continu,
non seulement provoque au
niveau des points d'applica-
tion des électrodes des sen-
sations particulières de pi-
cotement mélangées à des
sensations de cuisson ou de
brûlure, mais encore il pro-
voque dans la sphère de dis-
tribution périphérique d'un
nerf soumis à son action des
sensations d'engourdissement
et de fourmillement. Il con-
vient sans, doute de faire intervenir dans la production de ces sensations
non seulement l'action directe du courant, mais encore les effets résul-
tant des produits de l'électrolyse.
Les nerfs vaso-moteurs sont aussi excités par le courant galvanique
Il
Fit. 16 (d'après Erb). Représentation schématique de l'action
polaire primaire et secondaire (ou virtuelle); en -j- anode pri-
maire ; en cathodes virtuelles.
Fig. 17 (d'après Erb). Représentation schématique
de la différence de densité au pôle différent (-) et
. au pôle virtuel. A l'anode virtuelle ( ? ) la densité
n'est que la moitié de ce qu'elle est à la cathode (-). ).
ÉTATS DU COURANT GALVANIQUE 1 : 115
passant d'une manière continue. Sous les électrodes, au début de l'appli-
cation, les petits vaisseaux de la peau se resserrent, la peau est anémiée
et présente une coloration blanchâtre ; cet état est d'ailleurs de courte
durée, bientôt les vaisseaux cutanés se dilatent et la peau prend une colo-
ration rouge fortement prononcée qui, le plus souvent, s'accentue encore
après la cessation du courant. Cette dilatation des vaisseaux se produit
plus rapidement avec des courants forts qu'avec des courants faibles.
Le courant galvanique continu agit encore sur les organes glmulu-
laires et provoque leur sécrétion. La galvanisation de la corde du tym-
par. par exemple, provoque la sécrétion de la glande sous-maxillaire. Le
même effet est produit par la galvanisation de la glande elle-même. Pen-
dant les applications du courant galvanique à la face ou au cou, on
observe souvent une augmentation de la sécrétion salivaire ; la cause en
est vraisemblablement complexe, due non seulement il l'excitation des
nerfs sécréteurs, mais aussi à une action réflexe consécutive il l'excita-
tion des nerfs du goût. Des sensations gustatives, en effet, sont facile-
ment produites par le passage du courant galvanique continu, même
avec de faibles intensités.
A ces divers effets du courant galvanique continu, nous pourrions
ajouter les effets appelés par Remak effets catalytiques. C'est une expres-
sion vague par laquelle on entend les effets encore mal connus et mal
définis produits sur la nutrition intime des tissus par l'action directe ou
indirecte du courant apportant des modifications dans les circulations
sanguine et lymphatique, dans les phénomènes d'osmose, dans la consti-
tution moléculaire des éléments de l'organisme, etc.
COURANT GALVANIQUE DANS SES ÉTATS VARIABLES
(Excitations de fermeture et d'ouverture.)
Au lieu d'appliquer le courant galvanique en le laissant passer d'une
manière continue, développant les effets de l'état permanent dont il vient
d'être parlé, on peut l'appliquer en le soumettant à des interruptions et
a des rétablissements brusques développant les effets de ses états variables.
Supposons que par l'un des procédés de graduation du courant, dont il
a été déjà question, nous ayons établi au niveau des électrodes appliquées
sur le corps une différence de potentiel plus ou moins élevée, et qu'au
moyen d'un appareil approprié, un interrupteur placé dans le circuit,
nous ayons empêché le courant dépasser. (Un des meilleurs interrupteurs
que l'on puisse employer dans ce but est la clef de Morse.) Agissons
maintenant sur l'interrupteur pour fermer le circuit, en appuyant sur la
clef de Morse par exemple, le courant s'établit et atteint presque immé-
diatement une certaine intensité en rapport avec la dillérence de poten-
tiel existant au niveau des électrodes et avec la résistance opposée par le
corps. Le courant passe par la période d'état variable de fermeture. Si
[E HUENT ]
z1214 APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
nous maintenons l'interrupteur de manière que le courant continue il
passer, nous avons affaire à une période d'étal permanent du courant.
Puis, si nous agissons
sur l'interrupteur de ma-
nière à interrompre le
courant, à ouvrir le cir-
cuit, l'intensité retombe
presque immédiatement
à zéro, c'est la période
d'état variable d'ouver-
ture. Nous pouvons
représenter schematiqnement par la courue de la ligure 'la 1 onde gal-
panique que nous venons défaire passer ainsi par le corps. N.
Le courant galvanique, au moment de ses états variables, a la ]>ro-i
prieté d'exciter les nerfs et les muscles. Sur le muscle cette excitation;*
lorsqu'elle est suffisante, c'est-à-dire lorsque l'intensité du courant est
suffisamment élevée, se manifeste par la contraction du muscle. Sur un;
nerf moteur, cette excitation se traduit par la contraction des muscles
animés par ce nerf. Sur un nerf sensitif cette excitation éveille des sen-,
sations, soit de sensibilité générale, soit de sensibilité spéciale, suivant ! c,
la nature du nerf excité.
L'excitation n'est pas tont il fait la même au moment de l'état variable
de fermeture et au moment de l'état variable d'ouverture. Elle est aussi
en rapport avec la direction du courant, différente suivant que le courant
est ascendant ou descendant, autrement dit encore suivant que l'excita-
tion est produite au niveau du pôle négatif ou au niveau du pote positif.
Il est très important, aussi bien pour tetcctro-dia-mostic que pour les
applications thérapeutiques, de bien connaitre ces propriétés du courait
galvanique dans ses étals variables...
effets des états V : 11tL11tLES de fermeture et d'ouverture sur les nerfs
MOTEURS ET sm LES MUSCLES.
Pour le moment, nous nous occuperons seulement de l'excitation des
nerfs moteurs et des muscles, et nous exposerons les résultats obtenus
avec la méthode d'excitation polaire. Dans cette méthode, l'une des
électrodes est large, de façon que la densité du courant y soit faible,
c'est Y électrode neutre ou indifférente. On la place assez loin des nerfs
et des muscles que l'on veut exciter, le plus généralement sur la ligne
médiane (par exemple sur l'une des régions suivantes : slernale, cervi-
cale postérieure, dorsale, lombaire ou sacrée), de manière que, si l'on
doit agir sur l'un et l'autre côté, on le fasse dans des conditions symé-
triques et comparables. L'autre électrode est beaucoup plus petite, de
dimensions appropriées il l'organe que l'on veut exciter, de façon que le
courant 1 aborde dans les conditions de densité les plus favorables ; c'est
Fig. 18. - Schéma de l'onde galvanique AF, période
d'état variable de fermeture; 1<'0, période d'état penna-
lIellt; OB, période d'état variable d'ouverture.
ÉTATS VARIABLES DU COURANT GALVANIQUE.
1215
Y électrode active, différente ou exploratrice. Suivant que l'on met en
rapport cette électrode avec le pôle négatif ou avec le pote positif (nous
verrons plus loin comment il convient de le faire), on peut différencier
les actions de chacun de ces pôles. Il y a lieu de considérer les effets
produits avec l'un et l'autre pôle au moment de la fermeture du courant,
pendant la durée de passage du courant en état permanent, puis au
moment de l'ouverture.
Sur les nerfs moteurs, l'excitation produite peut être résumée par le
tableau suivant, indiquant les contractions obtenues sur les muscles
correspondant au nerf excité.
9` ? IG APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ. *
obtient seulement une contraction des muscles avec le pôle négatif et au
moment de la fermeture, NFC ('). Aucune excitation ne se manifeste avec
le pôle négatif pendant le passage du courant ni au moment de l'ouver-
ture ; aucune excitation avec le pôle positif ni au moment de la ferme-
ture, ni pendant le passage du courant, ni au moment de l'ouverture.
2° Avec des courants que nous appellerons moyens (de 1 m. A. par
exemple à plusieurs m. A., 5, 4, 5 ou davantage, suivant le nerf con-
sidéré) l'excitation produite avec le pôle N, au moment de la fermeture,.
1\lû, devient plus forte; aucune autre excitation n'est encore manifeste,-
avec ce pôle, soit pendant le passage du courant, soit au moment de
l'ouverture. Mais l'excitation avec le pôle P commence à être efficace,,
généralement d'abord au moment de la fermeture, PFC; puis bientôt
aussi au moment de l'ouverture, POC. Quelquefois, avec ce pôle P, l'exci-
tation au moment de l'ouverture apparaît avec un courant de même,
intensité que l'excitation au moment de la fermeture, 110(- : = Fl'C; quel-;
quefois même l'excitation produite au pôle P, au moment de l'ouverture,
apparaît avec un courant plus faible qu'au moment de la fermeture,
sites plus fortes, qu'en le réglant ave le collecteur d'éléments ou avec le réducteur de
potentiel.
z1. Pour abréger l'écriture et le langage, on a pris l'habitude de traduire les résultats
de l'excitation électrique par une notation spéciale, en désignant simplement par leurs
initiales les noms des potes, les mots fermeture et ouverture, et les mots contraction'
ou secousse (ou encore sensation pour les organes de la sensibilité). Le pôle négatif ou
cathode est généralement représenté par Ka, ou simplement K, ou \; le poie positif ou
anode par An, ou A, ou P; la fermeture par F ou S (Sc1¡[ie,SIIIIY); l'ouverture par 0;
la contraction par C ou Z (Xuckung) ou S ; on la représente aussi par Te quand elle
devient une contraction tétanique. Celte notation a d'abord été adoptée en Allemagne;
M. Vigoureux avait proposé de l'accepter en lui conservant l'écriture allemande, ce qui
aurait eu l'avantage de donner des formules uniformes, malgré la diversité des langues.
Malheureusement, cette proposition n'a pas prévalu; il semble au contraire que l'on se
soit efforcé à multipier les façons d'écrire ces notations; sans les reproduire toutes.
nous citerons les quelques exemples suivants : ..
ÉTATS. VARIABLES DU COURANT GALVANIQUE. 1217
POC > PFC. Pendant la durée de passage du courant, aucune excitation
ne se manifeste avec le pôle P. " , .
L'apparition de POC en même temps que PFC, ou avant PFC, est plus
fréquente sur certains nerfs que sur d'autres; elle est très fréquente sur.
le nerf radial, assez 'fréquente sur le nerf sciatique poplité externe, le
nerf médian et le nerf cubital, plus rare ou exceptionnelle sur d'autres,
tels que le nerf facial, -le nerf l ! 1usculo-cutané et. la branche externe du
nerf spinal. Elle paraît dépendre plutôt des conditions qui favorisent
l'action secondaire du courant de polarisation que d'une façon spéciale
de réagir du nerf. Toutes les conditions, en effet, ;qui augmentent la
polarisation des électrodes et des tissus. (courants de forte intensité, pas-
sage prolongé du courant, excitations répétées avec la .même direction du
courant), de même que les conditions qui facilitent l'écoulement du cou-
rant secondaire de polarisation (exploration avec la double clef, par
exemple) développent l'excitation produite l'ouverture du courant prin-
PfUTI.JCE HUROL. t 77
[B. HUET.]
Ivig. 19. - Méthode polaire. Électrode neutre sur la nuque. E)cctrode exploratrice '
sur l'élévateur de l'aile du nez et de iatcvre supérieure.
1 ? 11gv
APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.-
cipal. A la chute de l'intensité qui se produit au moment de PO, s'ajoute
la variation d'intensité due au courant de polarisation, et cette dernière
correspond à une fermeture de pôle N, puisque la direction du courant
de polarisation est inverse de la direction du courant principal. (Nous
sommes tout porté à croire que c'est cette fermeture du courant secon-
daire de polarisation qui joue le principal rôle dans la production des
excitations d'ouverture.)
5" Avec des courants forts (variant suivant les cas entre 5, 10,
15 mjlliampères ou davantage), l'excitation produite avec le pôle N, au
moment de la fermeture du courant, croit encore et se prolonge plus ou
moins pendant le passage du courant, 1FCC ou NFCCC devenant NFTe;
au moment de l'ouverture, on peut voir apparaître une légère excitation,
10c; celle-ci n'apparaît souvent qu'avec des courants très forts et n'est
pas facile à constater, car la tétanisation produite pendant le passage du
courant se prolonge généralement jusqu'au moment de l'ouverture, et on
Fig. 20.. Méthode polaire. Électrode neutre au-devant du sternum;
électrode exploratrice sur le biceps.
, EXPLORATION DE L'EXCITABILITÉ GALVANIQUE. 1219
observe alors, au lieu d'une contraction, la cessation de la tétanisation du
muscle. Au pôle P, les excitations produites augmentent aussi avec l'in-
tensité du courant; à la fermeture, cependant, la contraction obtenue
PFC ou PFCC reste, plus petite, pour un courant de même intensité, que
la contraction à NF; il est rare de la voir devenir tétanique et se pro-
longer pendant le passage du courant, même avec des intensités élevées
et difficiles à supporter. Les contractions à l'ouverture, POC, augmentent
également, mais deviennent rarement durables et tétaniques, en dehors
de certains cas pathologiques.
En sommé, les réactions normales produites par l'excitation des nerfs
uvec les courants galvaniques peuvent être résumées de la. façon suivante :
Sur les muscles les réactions galvaniques normales correspondent sen-
siblement à celles des nerfs moteurs; elles ne s'en distinguent que par
de faibles divergences : la différence entre l'action du pôle négatif et
celle du pôle positif est souvent moins accusée que pour les nerfs; NFTe
est plus difficile à obtenir; les excitations se produisent surtout à la fer-
meture du courant; elles sont généralement plus faibles et même font
souvent défaut à l'ouverture; NOC s'obtient rarement, POC s'observe
plus facilement, mais reste en général inférieur à PFC.
Applications A l'électao-diagnostic des effets DE l'état variable
' du courait galvanique
Pour procéder à l'exploration de l'excitabilité galvanique des nerfs et
des muscles, on emploie généralement la méthode polaire dont il a été
déjà parlé. Une électrode d'assez grandes dimensions est placée loin des
régions à examiner et de préférence sur la ligne médiane du corps e);
1. Lorsque l'électrode indifférente est placée sur l'une des régions suivantes, ster-
nale, dorsale, lombaire ou sacrée, il y a avantage à la maintenir au moyen d'une ceinture
élastique avec interposition d'une serviette ou de compresses; lorsqu'elle est placée sur
la nuque, il est facile de la faire maintenir avec un anneau attaché à un lac pendant
au-devant du tronc et tenu par le patient lui-même'. (Voir iig. 19 et 20).
Dans le cas où l'exploration nécessite une intensité de courant assez élevée, il vaut
mieux placer cetle électrode sur les autres régions que sur la nuque.
[E HOET.]
1220'è.\ ; APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ. '
une électrode plus petite, de forme et de dimensions appropriées, sert à
provoquer l'excitation des nerfs ou des muscles. Cette dernière, électrode
différente ou exploratrice ('), doit être placée en des points déterminés,
dits points d'élection, au niveau desquels l'excitabilité du nerf ou du
1. L'électrode différente est généralement constituée par un tampon de charbon
recouvert de substances spongieuses. Pour l'examen des nerfs superficiellement placés
et pour l'examen des petits muscles comme ceux des mains et de la face, il convient de
prendre une petite électrode de 1 cent. de diamètre par exemple. Pour les nerfs cl
muscles des membres et du tronc, il y a avantage à se servir d'une électrode plus
grande; on emploie habituellement une électrode de 2,5 cent. ou de 5,5 cent. de dia-
mètre. Il est très important que l'électrode soit bien placée au niveau des points d'élec-
tion, un faible éloignement de ceux-ci nécessite souvent des courants heauconp plus
forts pour obtenir le seuil de l'excitation; de plus, quand l'électrode n'est pas suffisam-
ment placée sur les points d'élection, on peut avoir, même sur des muscles normaux, de
l'inversion polaire par l'action de pèles virtuels.
Fie. 21 (d'après Erb).
Points moteurs de la tête
et du cou. -1. 1. Muscle-
frontal; - 2. Nerf
facial (branche stipe- ·
rieure) ; 5. Muscle
sourcilicr ; - 4. Orhi-
culaire des paupières ;
- 5. 5. Muscles du nez ;
z 6. 6. Zygomatiques;
- j. 7. Orbiculairé des
lèvres; - 7' Brandir
moyenne du nerf fa-
rial ; - 8'. Masséter :
9. Muscle de la
houppe du menton ;
10. Carré du menton ;
- l 1. Triangulaire c ! cç
lèvres; - '12, Nerf
grand hypoglosse ; -
13. Branche inférieure
du nerf facial ;
14. Muscles sus-hyoï-
diens ; - 15. Muscles
sous-hyoïdiens; -
16. Muscle omo-Imnï-
dieu; - 17. Serf Il ?
racique antérieur cl
muscle grand pectoral :
18. Région des
circonvolutions cen-
trales ; 19. Terni-
sième circonvolution frontale et insula ; 20. Muscle temporal ; 21. Branche temporn-
faciale au-devant de l'oreille; 22. Nerf facial (tronc); 23. Nerf auriculaire postérieur :
24. Branches faciales moyennes; 25. Branche faciale inférieure; -26. Muscle splénius :
- 27. Sterno-cléido-mastoïdien; 28. Branche externe du nerf spinal; 29. Muscle
angulaire de l'omoplate; 50. Muscle trapèze; 51. Nerf dorsal de l'épaule; 52. nerf
axillaire. 53. Nerf du grand dentelé; 54. Plexus brachial; 55. Point d'Erb (muscles
deltoïde, biceps, brachial antérieur et long supinateur) ; - 56. Nerf phrenique.
EXPLORATION DE L'1 : \CI1' : 1BILIT GALVANIQUE. 1221
muscle que l'on examine est à son maximum (Voir fig. 21, 22 et 2).
On recherche alors les diverses manifestations de l'excitabilité du
nerf ou du muscle sur lequel l'électrode est appliquée en établissant des
courants que l'on interrompt et que l'on rétablit tour à tour et dont on
rait varier convenablement l'intensité.
[E. HUET.]
A FiG. 22 (d'après Erb). B
1. Points moteurs'du membre supérieur (face antérieure). 1. Triceps brachial (longue por-
lion); 2. Triceps (vaste interne); 5. Nerf cubital; 4. Muscle cubital antérieur;
5. Fléchisseur commun profond des doigts; 6. Fléchisseur superficiel des doigts (médius
et annulaire); 7. Fléchisseur superficiel (index et auriculaire); 8. Nerf cubital :
9. Palmaire cutané; 10. Adducteur du petit doigt; 11. Court fléchisseur du petit
doigt : 12. Opposant du petit doigt; 15. Lombricam : -14, Deltoïde (partie antérieure) : -
15. Nerf museulo-culanc, 16. Biceps; 1 ï. Brachial antérieur. 18. Nerf médian ;
19. Long supinateur; 20. Rond pronateur; 21. Palmaires; 22. Fléchisseur super-
ficiel des doigts; 23. Long fléchisseur du pouce; - 24. Nerf médian; 25. Court
abducteur du pouce; 26. Opposant; 27. Court fléchisseur du pouce; 28. Adduc-
teur du pouce.
11. Points moteurs du membre supérieur (face postérieure). -1. Deltoïde (partie postérieure) ;
2. Nerf radial; 5. Brachial antérieur; 4. Long supinateur : 5. Muscle premier
radial; - tL Muscle second radial ; - 7. Extenseur commun des doigts; - 8. Extenseur
propre de l'index : 9. Long abducteur du pouce; 10. Court extenseur du pouce;
IL Muscles iulerosseux dorsaux (I et II); -12. Triceps brachial (longue portion); z 15. Tri-
ceps brachial (vaste externe); - 14. Muscle cubital postérieur; 15. Court supinateur;-
16. Extenseur du petit doigt; z 17. Extenseur de l'index; 18. Long extenseur du pouce;
19. Adducteur du petit doigt; 20. Muscles interosseux dorsaux (III et IV).
1222
APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
. Tous les interrupteurs ne conviennent pas également pour cet examen.
Il importe que les fermetures et les ouvertures du courant soient faites
d'une manière franche et nette. La clef de Morse, ou les pédales agissant
d'une façon analogue, constituent à ce point de vue les meilleurs intcr-
rupteurs. Il convient aussi d'avoir à sa disposition un rcnverscur de cou-
rant qui permet de changer la direction du courant et de pratiquer
l'examen avec l'un et l'autre pôle sans que l'on ait à changer la disposi-
tion des fils conducteurs.
Le pôle négatif étant celui qui dans l'état normal produit le plus faci-
lement l'excitation, on commence habituellement l'examen avec ce pôle.
Fin. 25 (d'après Erb).
A. Points moteurs de la cuisse (face antérieure). 1. Nerf crural; - 2. Nerf obturateur;
5. Muscle, pectiné; 4. Grand adducteur; 5. Muscle crural; 0. Vaste interne;
7. Tenseur du fascia lala; 8. Couturier; 9. Triceps fémoral (point commun);
10. Droit antérieur; 11. Vaste externe.
B. Points moteurs du membre inférieur (face postérieure). -1. \erf sciatique;- 2. Biceps fé-
moral (longue portion); 5. Biceps fémoral (courte portion); 4. Nerf sciatique poplité
externe (nerf péronier); 5. Jumeau externe; 6. Soléaire : 7. Long fléchisseur du
gros orteil ; 8. Grand fessier ; 9. Grand adducteur ; 10. Demi-tendineux ; z 11. Demi-
membraneux; 12. Nerf sciatique poplité interne (nerf tibia)); 13. Jumeau interne; -
14. Soléaire; 15. Fléchisseur commun des orteils; 16. Nerf tibial postérieur.
C. Points moteurs de la jambe (face anti;ro-estcrne). 1. Jambier antérieur; 2 Extenseur
commun des'orteils ; - 3. Court péronier latéral; 4. Long extenseur du gros orteil;
5. Interosseux; 6. Nerf péronier (sciatique poplité externe); 7. Jumeau externe,
8. Long péronier latéral ; 9. Soléaire; 10. Long fléchisseur du gros orteil; - 11. l'é-
dieux ; - 12. Adducteur du petit orteil.
EXPLORATION DE L'EXCITABILITÉ GALVAMOUE. 1225
En produisant des fermetures avec des courants faibles que l'on augmente
ou que l'on diminue, suivant l'effet obtenu, on recherche avec. quelle
intensité l'excitation la plus faible se manifeste; c'est le seuil de l'excita-
tion à la fermeture avec le pôle négatif. Renversant alors le courant, on
recherche de la même façon le seuil de l'excitation à la fermeture avec le
pôle positif. En comparant les valeurs des intensités nécessaires pour
obtenir les seuils d excitation, on
se rend compte de l'action propre
de chaque pôle dans la produc-
tion des excitations de fermeture.
Au moment où l'on vient de
renverser le courant pour pro-
céder, à l'examen avec le pôle
positif, après avoir obtenu le
seuil de l'excitation avec le pôle
négatif, il peut arriver qu'on
obtienne aussi à la fermeture
avec le pôle positif des contrac-
tions des muscles sans que l'on
n'ait cependant rien changé à la
force électro-motrice prise à la
source du courant. Il ne faudrait
pas en conclure, avant d'avoir lu l'intensité du courant sur le milliampè-.
rcmètre, que l'action du pôle positif est égale ou supérieure à celle du
pôle négatif. En effet, par suite de la polarisation produite pendant t
l'examen avec le pôle négatif, l'intensité du courant est généralement
plus forte au moment des premières fermetures qui suivent le renver-
sement ('). C'est pourquoi, dans la comparaison de l'action réciproque,
des deux pôles (2), il convient de prendre comme terme les valeurs
des intensités.
Très souvent dans un examen électrodiagnostique on peut se contenter
de rechercher les seuils des excitations ' de fermeture à la cathode et à
l'anode. Si l'on veut faire un examen plus complet, on déterminera aussi
à quel moment, c'est-à-dire avec quelles intensités, apparaissent les
wl. Pour diminuer dans une' certaine mesure les inconvénients de la polarisation, il
importe de laisser le courant fermé le moins longtemps possible. C'est pourquoi dans les
examens de l'excitabilité galvanique pratiqués avec la clef de Morse ou les appareils
analogues, il vaut mieux donner à l'interrupteur la disposition dans laquelle le cou-
rant est ouvert dans la position de repos et fermé dans la position d'abaissement de la
clef.
2. D'après Dabois (de Berne) la .notation des volts serait plus importante que celle
des milliampères pour prendre notion des valeurs de l'excitation. Pour nous, nous
croyons préférable de tenir avant tout compte de l'intensité. Mais, quand les appareils
que l'on a a sa disposition le permettent, est facile de noter en môme temps la valeur
des milliampères et la valeur des volts; c'est la façon de faire que nous adoptons pour
les examens minutieux. '
[E HUET.]
Fic;. 24. - Interrupteurs. '
A, clef de Morse. - B, Pédale interruptrice
à deux directions.
1 . i
1924 . APPLICATIONS -DE L'ÉLECTRICITÉ.
manifestations des excitations d'ouverture avec L'anode et parfois aussi
avec la cathode. On pourra encore recherchera quel moment les contrac-
tions produites deviennent tétaniques.
Si l'on associe deux clefs de Morse.de la façon indiquée sur le schéma
ci-dessous (lig. 20) on
constitue un appareil
qui facilite beaucoup
l'examen de l'excita-
bilité galvanique en
agissant à la fois
comme interrupteur
et comme renver-
s'eur (1). Dans la si-
tuation de repos,
comme le montre la
figure, les deux clefs
et par suite les deux électrodes appliquées sur le corps sont en rapport
avec le même pôle de la batterie (le pôle négatif sur la figure), par
conséquent le courant ne passe pas. Si l'on abaisse l'une des clefs,
celle-ci vient prendre contact avec l'autre pôle (le pôle positif), l'élec
trode en rapport avec elle correspond alors à l'anode tandis que l'autre
électrode conserve ses connexions avec la cathode, le courant se trouve-
. ainsi fermé. Si on
laisse la. clef ré-
venir à sa situation
première, le cou-
rant est de nou-
veau ouvert. Sui-
vant qu'on abaisse
l'une ou l'autre
clef on met l'élec-
trode exploratrice
en rapport avec le
pôle positif ou avec
le pôle négatif,
tandis que l'autre
électrode se trouve
en rapport avec
le pote contraire.
Avec la double clef, non seulement l'exploration de l'excitabilité gal-
vanique se trouve facilitée, mais encore elle peut être faite d'une façon
1. Cette association de deux clefs de Morse se trouve réalisée sur une même plan-
chette dans la clef de Courtade. Au lieu de clefs de Morse on peut, comme je l'ai fait
faire, associer d'une façon analogue deux pédales; avec celles-ci, les connexions sont
plus simples il établir et les contacts sont mieux assurés.
I'ic. `1 ? - tcnvcrscar.
ric. 20. Association de deux clefs de Morse formant, un appareil
interrupteur-inverseur et permettant en E l'exploration alternative-
ment avec le pôle négatif et le pôle positif.
]-"XIILOiIATIOiN DE L'EXCITABILITÉ GALVANIQUE.'
1225
plus rigoureuse. Lorsqu'on l'empluie il y a avantage Ù abaisser alternati-
vement l'une et l'autre clef de façon à rendre l'électrode exploratrice
leur à tour cathode et anode. On évite ainsi dans -une grande mesure les
inconvénients de la polarisation, et on arrive facilement à pratiquer l'ex-
ploration en obtenant avec chaque pote une intensité semblable pour une
même force électro-motrice.
La double clef permet encore dans bien des cas de simplifier l'examen
et de le rendre plus rapide. Dans un grand nombre d'examens pratiqués .
eu vue de l'èleetro-diagnostie il importe surtout de comparer l'action de
la cathode avec l'action de l'anode. On comprend que le procédé d'explo-
ration, qui vient d'être indiqué par la double clef et qui consiste à
faire agir alternativement l'un et l'autre pote dans des conditions
assez rigoureusement semblables, facilite beaucoup cette comparaison
sans qu'il soit nécessaire de rechercher les seuils mêmes de l'excitation.
Assez souvent, ce-
pendant, à la compa-
raison de l'action de
l'un et l'autre pôle,
('est-a-direàl'examen
de l'excitabilité galya-
nique au point de vue
qualitatif, il y a lieu
d'ajouter l'examen de
l'excitabilité gai va-
nique au point de vue
quantitatif. Dans bien
des cas on pourra se
contenter -de déter-
miner le seuil le plus
nas de 1 excitation en notant avec quel pote u est omenu. Lorsque ou
veut un examen plus complet ou détermine, comme il a été dit plus
haut, les seuils de l'excitation avec l'un et l'autre pôle à la fermeture.
Si l'on veut un examen plus complet encore, on recherche les seuils
de l'excitation à l'ouverture. Enfin, on peut rechercher aussi, comme
nous l'avons dit précédemment il propos de l'exploration avec la clef
simple, il quel moment les contractions provoquées par l'excitation
deviennent tétaniques.
Il convient de remarquer qu'avec la clef double les contractions pro-
duites à l'ouverture du courant s'obtiennent plus facilement, et qu'elles
sont plus fortes qu'avec la clef simple. Le courant provenant de la pola-
risation des électrodes et du corps se trouve fermé dans la double clef
sur un circuit de faible résistance, autrement dit, se trouve mis en court
circuit selon l'expression adoptée. 11 importe d'en tenir compte dans
l'appréciation des résultats de l'examen (') ,
1 . Avec la double clef de Mergier, basée sur un dispositif différent de celui réalisé
[E. HUET.]
FIG. 27. -Clef de Courtade et clef de fluet.
.... 1 - Il
1226
APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
Au lieu d'employer la double clef, on pourrait pratiquer l'exploration
de l'excitabilité galvanique, de la façon qui vient d'être dite, avec d'autres
genres de renverseurs à la condition de choisir un renverseur qui permette
de faire des fermetures et des ouvertures du courant franches], et
nettes.. .
On peut encore employer, pour pratiquer l'exploration de l'excitabilité
galvanique, le métronome, surtout celui disposé pour faire non seulement
des interruptions simples, mais aussi des interruptions avec inversion du
courant.
dans l'association. de deux clefs de Morse, le courant de polarisation ne se trouve pas
mis en' court circuit, et les secousses d'ouverture sont obtenues avec les mêmes valeurs
que dans l'exploration avec les interrupteurs simples. Il en est de même dans l'explora-
tion pratiquée avec le métronome inverseur.
Voir à ce sujet : Manuel de diagnostic médical de DEDOVE et Aciurd, t. II, p. 45,
et Société française d'eleclrolhél'apie, novembre 1895, ou Archives d'électricité médi-
cale, décembre 1895. '
ro.. 28. - Métronome inverseur
COURANTS GALVANIQUES INTERROMPUS EN THÉRAPEUTIQUE. 1227
Applications A la thérapeutique des actions de l'état 'A11(ABf.I :
DU COUTANT galvanique
Pour appliquer au traitement des maladies nerveuses les actions de
l'état variable du courant galvanique, on se servira des appareils dont il
vient d'être question, interrupteurs simples, interrupteurs et renverseurs,
t métronome.
.. Au point de vue thérapeutique le courant galvanique peut être appli-
que en l'interrompant simplement à intervalles plus ou moins rapprochés
sans changer sa direction. C'est ce que nous appellerons galvanisation
interrompue ou galvanisation avec interruptions simples. Ici, le choix
de l'interrupteur a moins d'importance que lorsqu'il s'agit de l'examen
de l'excitabilité. Nous donnons cependant encore la préférence à la clef
de Morse, à la pédale, ou à la clef double en ne faisant agir que l'une des
clefs (').
Dans certains cas, on laisse passer le courant un temps assez long dans
l'intervalle des interruptions. Il convient alors de donner à l'interrupteur
la disposition qui laisse passer librement le courant dans sa situation de
,. repos et qui l'interrompt quand on le fait manoeuvrer.
t Dans d'autres cas, on répète fréquemment les interruptions du cou-
rant en ne laissant le circuit fermé qu'un temps assez court. Il est préfé-
rable alors de choisir la disposition qui ferme le courant en agissant sur
l'interrupteur et le laisse ouvert en situation de repos. Dans ces condi-
tions, il y a souvent avantage à employer le métronome interrupteur.
Au lieu d'interrompre simplement le courant de l'une ou l'autre des
façons qui viennent d'être dites, on l'interrompt, parfois, en changeant sa
direction à chaque interruption. C'est ce qu'on a appelédectrisation avec
alternatives vol tiennes : nous l'appellerons habituellement, pour simpli-
fier le langage, galvanisation alternative. En pareil cas, on agit avec un
renverseur de courant. La clef double est particulièrement appropriée
pour ce genre d'éleetrisalion ; elle permet, en abaissant alternativement
1 une et l'autre clef, de faire les excitations avec alternatives volliennes
dans de très bonnes conditions. Le métronome inverseur convient très
bien aussi à ce genre d'excitations. -
COtlltA\1' GALVANIQUE LABILE
On appelle galvanisation labile un mode d'éleelrisation dans lequel
on fait glisser l'électrode active sur les téguments au lieu de la laisser
I. On pourrait encore se servir pour les applications thérapeutiques d'un manche
interrupteur. Nous n'en avons pas parlé il propos de l'exploration de l'excitabilité, parce
que ce manche, se trouvant attaché ;1 l'électrode, ne peut pas être toujours maintenu
suffisamment immobile, pendant les manoeuvres d'interruption et qu'il rend l'examen
moins précis, soit qu'il se déplace légèrement, soit qu'il communique des mouvements
à la peau et aux tissus sous-jacents.
. [E. HUET
122S 8 . APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
en place comme dans les modes d'électrisation précédents. Dans ce
genre d'électrisation, on applique habituellement une large électrode,
qui est maintenue en place, sur un point assez éloigné, très souvent sur
la ligne médiane du corps et notamment sur la colonne vertébrale à une
hauteur qui correspond à l'origine des nerfs de la région à électriser.
L'autre électrode constituée, soit par une des électrodes ordinaires dont
il a été déjà parlé, soit de préférence par un rouleau mobile autour d'un
axe, affectant la forme d'un cylindre, d'une sphère, d'une ellipsoïde ou
d'un disque, est promenée de haut en bas et de bas en haut sur la peau
suivant la direction des nerfs et des muscles. Si, en même temps, on suit
des yeux l'aiguille du galvanomètre, on la voit, alors même que l'électrode
mobile ne quitte pas la peau, indiquer des fluctuations plus ou moins
grandes d'intensité provenant des variations de résistance des régions de
la peau rencontrées par l'électrode. On voit aussi, lorsque l'intensité est
suffisamment élevée, des excitations se manifester du côté des nerfs et des
muscles et se traduire par des contractions musculaires plus ou moins
soutenues. En somme, dans ce genre d'électrisation on associe aux effets
d'un courant galvanique qui passe d'une façon continue, mais dont
l'intensité subit des variations continuelles, des effets se rapprochant
des excitations de l'état variable du courant et dus aux fluctuations de
l'intensité.
COURANTS FARADIQUES >
\
Les courants faradiques ont été appelés aussi courants interrompus,
courants intermittents, courants induits. La première dénomination doit
être préférée; elle évite toute confusion avec d'autres courants appliqués
d'une façon interrompue, tels par exemple les courants galvaniques
interrompus. .
Les appareils fournissant ces courants sont de deux ordres : les appa-
reils magnéto-faradiques et les appareils volta-faradiques. Les ondes
électriques produites par ces appareils diffèrent notablement comme
qualités physiques; il en résulte que leurs effets physiologiques ne sont
pas absolument semblables. Dans la pratique courante, pour l'électro-dia-
gnostic surtout, on n'emploie guère que les appareils volta-faradiques;
de ceux-là seuls nous nous occuperons en les appelant simplement
appareils faradiques. Il en existe un certain nombre de variétés ayant
pour commune origine la bobine de Huhlllkorfl'. On peut les considérer
comme des transformateurs donnant, au lieu d'un courant de bas voltage
circulant dans un circuit primaire, un courant de voltage beaucoup plus
élevé produit dans un circuit secondaire.
Parmi ces variétés d'appareils faradiques nous donnerons la préférence
à ceux dont la bobine induite est mohile sur la bobine inductrice. Cette
disposition permet de graduer l'énergie du courant en engainant plus ou
moins les deux bobines l'une dans l'autre; elle permet aussi de se servir
COURANTS FARADIQUES. 1 : W
de bobines induites formées par des fils plus ou moins gros. Générale-
ment, avec un chariot faradique sont fournies deux bobines induites.
L'une est constituée par un fil fin, de très grande longueur, dont l'en-
roulement comporte un très grand nombre de tours. Cette bobine fournit
un courant induit de voltage élevé, un courant de tension, comme on
dit parfois, mais dont l'intensité est relativement faible en raison de la
forte résistance due à la grande longueur et à la faible section du fil.
L'autre bobine est constituée par un gros lil, relativement peu long et
dont l'enroulement forme beaucoup moins de tours que dans la bobine
précédente; elle donne un courant induit de voltage beaucoup plus
faible, mais, par suite de la faible résistance de son fil, le courant qu'elle
peut débiter atteint une intensité relativement assez grande, lorsqu'il est
fermé sur un circuit extérieur assez peu résistant : on le dit courant de
quantité par opposition avec le courant de tension de la bobine à fil fin
Parfois, avec le chariot faradique, le constructeur fournit une troisième
bobine dite à lil moyen; elle constitue un intermédiaire entre les deux
autres, mais elle se rapproche beaucoup plus par les qualités et les pro-
priétés de son courant de la bobine à gros fil que de la bobine à fil fin.
Le courant inducteur de bas voltage est généralement fourni par des
accumulateurs au nombre de un ou deux, ou par des piles, piles Leclan-
ché, piles au bichromate, piles au bisulfate de mercure, etc., au nombre
de une à trois suivant les appareils. Il convient que ces piles soient
d'assez grandes dimensions et puissent débiter un courant suffisamment
constant. Pour les appareils portatifs il y a avantage il .se servir de piles
sèches.
Le courant inducteur circulant dans le primaire ne détermine des
effets d'induction dans le circuit secondaire que lorsqu'il se trouve
soumis à des variations de flux. Celles-ci sont produites par rétablisse-
ment et la disparition du courant primaire et sont renforcées dans la
plupart de ces appareils, faradiques par l'aimantation et la désaimanta-
lion d'un noyau de fer doux compris dans l'axe de la bobine inductrice.
La fermeture et la rupture du courant inducteur peuvent être faites avec
un interrupteur manoeuvré à la main placé sur l'appareil. Le plus habi-
tuellement elles sont produites par un dispositif qui établit et interrompt
automatiquement le courant. L'interrupteur le plus simple est constitué
par un ressort métallique qui en vibrant vient fermer et rompre le cou-
rant ; son mouvement est entretenu par l'aimantation et la désaimantation
du faisceau de doux de la bobine inductrice : interrupteur de Necf et
interrupteur de Rul]ml : orli. Cet interrupteur fonctionne bien, mais il ne
donne que des courants faradiques à intermittences rapides. Lorsque le
ressort est bien tendu, la fréquence des interruptions peut atteindre aU
par seconde; lorsqu'il est moins tendu, les interruptions sont moins
nombreuses, mais elles restent toujours assez fréquentes. Dans les appli-
cations des courants faradiques au traitement ou il l'électro-diagnostic, il
y a souvent avantage à employer des courants à intermittences plus
[E. HUET.
1250
APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
rares, réduites parfois au nombre de 1 il 5 par seconde. D'autres genres
d'interrupteurs donnent cette fréquence. Le meilleur appareil pour une
. installation fixe est, à notre avis,, le grand chariot de Gaine-Tripier. Un
pendule, dont le mouvement est entretenu par le courant primaire,
permet d'avoir des interruptions rares, ne dépassant pas une à deux par
seconde; en inclinant de plus en plus le pendule, on augmente le nombrc
des interruptions et on peut les rendre assez fréquentes, fréquentes ou
très fréquentes;' de plus, cet appareil est généralement muni aussi de
l'interrupteur vibrant. Dans un autre appareil de Caille, les interruptions
sont produites par une palette de fer doux qui oscille verticalement au
devant de ! 'é ! ectro-aimant de la bobine inductrice et peut donner ainsi
depuis des intermittences rares jusqu'à des intermittences fréquentes.
Ce dernier modèle de chariot a été mis sous unc forme réduite dans une
boîte avec deux piles sèches et constitue ainsi un hon appareil portatif.
Qualités physiques et propriétés physiologiques de l'onde faradique
Au moment de la fermeture du courant dans le circuit primaire, il se
produit dans le circuit secondaire une onde induite, qui, conformément
aux lois de Lcnz et de Max Well, a une direction inverse de celle du cou-
rant qui lui donne naissance. Pendant l'état permanent du courant pri-
maire, il n'existe aucun courant dans le circuit secondaire. Au moment
de l'ouverture du courant, primaire, il se produit dans le circuit secon-
daire une nouvelle onde induite qui a la même direction que le courant
primaire. Ces effets d'induction sont représentés schéinaliqiieincnl sur la
ligure 51.
¡'IG. 2(}. - Chariot de Gaine-Tripier.
COURANTS FARADIQUES.
1251
Les deux ondes induites, l'une à la fermeture, l'autre à l'ouverture du
courant primaire, sont égales en quantité, mais elles diffèrent l'une de
l'autre en ce sens que l'onde induite à la fermeture a une durée plus
longue et une tension moindre que l'onde induite à l'ouverture. De ces
qualités^ physiques différentes des deux ondes découlent des propriétés
physiologiques différentes, qu'il est facile de constater, en établissant
les fermetures et les ouvertures du courant inducteur avec l'interrupteur
manoeuvré à la main. L'on voit ainsi que l'onde induite d'ouverture
provoque facilement la contraction des muscles ou l'excitation des nerfs,
tandis que l'onde. induite de fermeture, avec une même énergie des cou-
rants, reste inefficace; il faut augmenter beaucoup l'énergie du courant
pour voir cette excitation apparaître avec cette dernière onde. Ces pro-
priétés physiologi-
ques différentes des
deux ondes induites
permettent de donner
une polarité aux bor-
nes de la bobine se-
condaire, bien que
les courants induits
y soient alternatifs et
que, par conséquent,
la polarité des bornes
change à la fermeture
et à l'ouverture du
courant primaire. On
ne tient pas compte
des courants induits
de fermeture dont
Faction excitante est
nulle ou très faible, et on ne considère aux bornes de la bobine
secondaire que la polarité qui correspond aux courants induits d'ou-
verture. --
Le courant faradique excite les nerfs et les muscles en raison de l'état-
variable de ses ondes. Si l'on excite un muscle avec des chocs faradiques
isolés, .en faisant agir sur ce muscle des ondes induites d'ouverture assez
rares et d'énergie convenable, on peut remarquer, en inscrivant la
courbe de la contraction, musculaire, que la contraction ne commence pas
au moment même où l'onde induite est produite; il s'écoule entre ce
moment et le début de la contraction un certain temps variant, suivant
la nature des muscles, de quelques millièmes à un centième de seconde;
c'est la période d'excitation latente; puis, la contraction commence, la
courbe s'élève progressivement pour atteindre un maximum en trois à
quatre centièmes de seconde, c'est la période d'énergie croissante;
alors commence la décontraction, la courbe descend progressivement pour
[E. HUET.]
. Fis. 30. Chariot faradique transportable.
z) 3 1)
APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
atteindre la ligne de repos, c'est la période d'énergie décroissante, qui i
dure de trois à cinq centièmes de seconde. Si l'on produit une nouvelle
excitation du muscle après qu'il a terminé sa décontraction et qu'il est
revenu à l'état de repos, les mêmes phénomènes se reproduisent : période
d'excitation latente, période d'énergie croissante et période d'énergie
décroissante, et ainsi de même tant qu'on renouvelle les excitations dans
les mêmes conditions. On provoque ainsi des contractions isolées et
successives des muscles. Les mêmes résultats sont obtenus lorsqu'au lieu
d'exciter directement les muscles on excite dans les mêmes conditions
le nerf qui les anime. ' .
Lorsqu'on augmente la fréquence des interruptions produisant le
courant induit, des résultats un peu différents sont obtenus et ils varient
suivant les conditions dans lesquelles s'effectue l'excitation du muscle on
du nerf. Si la fréquence des ondes induites est un peu augmentée, de
façon qu'une nouvelle excitation se trouve produite lorsque le muscle est
dans la période d'énergie décroissante, celui-ci, après le temps perdu
correspondant à la période d'excitation latente, entre de nouveau en
contraction avant d'être revenu à l'état de repos; il recommence une
période d'énergie croissante, en atteint le maximum, puis recommence
sa décontraction. Mais une nouvelle excitation lui arrivant avant que la
décontraction ne soit terminée, il entre de nouveau en contraction et ainsi
de même tant que les excitations sont renouvelées. On voit que, dans ces
conditions, les secousses musculaires se rapprochent, elles tendent à se
fusionner d'autant plus que les excitations sont elles-mêmes plus 1 ? 11'-
FIG, 3J, , ,
FiG. 5'2.
FiG. ol. Onde faradique. Représentation schématique des ondes du courant inducteur ou
courant primaire, P, et du courant induit ou courant secondaire, S. F A période d'étal
variable de fermeture du courant primaire, à laquelle correspond l'onde induite de ferme-
ture F' A' de sens inverse : A 0 période d'état permanent du courant primaire pendant
laquelle il n'y a pas d'induction dans le. secondaire; 0 B période d'état variable d'ouver-
ture du courant primaire a laquelle correspond l'onde induite d'ouverture 0' B' de rnèmr
sens que. le courant inducteur.-
rcc. 32. Contraction musculaire. 31 Courbe du myographe ; S Temps en 'l/l00e de se-
conde ; E Signal de Dépretz; A B Période d'excitation latente ou temps perdu : -
B C Période d'énergie croissante; CD Pério ie d'énergie décroissante.
EXPLORATION ET TRAITEMENT FARADIQUE.
125
prociiees ; dans l'intervalle de ces excitations successivement répétées, le
muscle n'atteint pas l'état de repos, il reste en état de tétanos incomplet.
Si la fréquence des ondes induites est plus grande, et telle qu'une
nouvelle excitation
atteigne le muscle e
dans sa période
d'énergie croissante
ou vers la fin de cette
période, le muscle ne
peut commencer sa
décontraction, ses se-
cousses se fusionnent
complètement et il est
en état de tétanos
complet.
Au point de vue
de la pratique, il im-
porte de tenir compte
des effets différents
des courants faradi-
ques suivant leurs
fréquences, et l'on
peut t distinguer les
courants avec inter-
ruptions rares ou es-
pacées produisant des
secousses isolées des
muscles, les courants
avec interruptions
semi-fréquentes, pro-
duisant le tétanos in-
complet des muscles,
ce tétanos étant d'autant plus développé que les interruptions sont plus
nombreuses, et les courants avec interruptions fréquentes produisant
iatetanisation complète.
Applications des courants faradiques A LGLECTRO-DL1G\OSTIC
et au traitement f
Pour exciter les nerfs moteurs et les muscles striés avec les courants
faradiques, on prendra le courant fourni par unc bobine induite à gros fil
ou il fil moyen. Les électrodes seront les mêmes que celles dont il a été
parlé à propos des courants galvaniques. Elles seront bien mouillées, le plus
habituellement avec de l'eau ordinaire, par exception avec de l'eau salée
P3LTIQUE NEUROL. 7 ? ^
[E. li UET. J
Fie. 35. - Secousses musculaires. M Myographe ; 'E Excita-
tions électriques : S Temps en secondes; I. Secousses
musculaires espacées; II. Secousses musculaires plus rap-
prochées, tétanos incomplet; III. Fusionnement des se-
cousses, tétanos complet.
1254 . APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ. ?
si l'appareil qu'on emploie est trop faible et ne fournit pas un courant
d'une énergie suffisante.
Pour graduer les courants faradiques, divers procédés sont à notre
disposition. Avec les appareils à chariot, dans lesquels l'une des bobines
est mobile, on règle l'énergie du courant en rapprochant plus ou moins
la bobine induite de la bobine inductrice; l'énergie est au maximum
quand la première recouvre complètement la seconde. On ne possède
pas, comme pour les courants galvaniques, des moyens de mesures per-
mettant d'estimer, en unités de mesures électriques, la valeur des cou-
rants faradiques. Les instruments, du nom de faradimètres, avec lesquels
on a cherché à le faire, sont d'un maniement délicat qui les rend peu utili-
sables dans la pratique. Ils ne font connaître d'ailleurs que l'intensité
moyenne du courant, et la valeur d'excitation de celui-ci dépend encore
d'autres facteurs, par exemple de la fréquence des ondes faradiques, de
leur forme qui varie suivant la self-induction et suivant le coefficient
d'induction mutuelle des bobines, etc. C'est pourquoi on se contente
généralement d'estimer la valeur d'excitation du courant faradique on
mesurant en centimètres ou en millimètres l'écartement des deux bobines.
Ainsi l'on procède le plus souvent aux recherches d'électro-diagnostic en
notant l'écartement des bobines avec lequel apparaît le seuil de l'excita-
tion des nerfs ou des muscles (').
Lorsqu'on emploie des appareils faradiques dans lesquels les deux x
bobines sont fixes, l'une recouvrant complètement l'autre, on augmente
ou diminue l'énergie des courants à l'aide d'un cylindre métallique creux
placé dans l'intérieur de la bobine primaire et recouvrant le faisceau de
fer doux. Dans ce cylindre se développent des courants de Foucault. On
augmente l'énergie des courants en retirant plus ou moins ce cylindre;
les courants sont d'autant plus forts que le noyau de fer doux est plus
découvert. On diminue, au contraire, l'énergie des courants en enfonçai !
plus ou moins le cylindre métallique. Ce mode de graduation est impar-
fait et peu pratique, surtout pour l'électro-diagnostic. On peut le rem-
placer par un autre dans lequel on emploie le rhéostat en tension de la
façon que nous avons vue déjà pour les courants galvaniques. Pour
apprécier le degré d'excitabilité d'un nerf ou d'un muscle, on note la
résistance qu'il est nécessaire d'opposer au courant pour obtenir le seuil
1. Ce mode d'évaluation de l'excitaliililé faradique ne permet pas de comparer direc-
tement les uns aux autres les résultats obtenus avec des appareils différents. Cependant
lorsque l'examen porte la fois sur des nerfs et muscles normaux et sur des nerfs et
muscles dont l'excitabilité est altérée, on pourra juger par comparaison du degré de ces
altérations, 11 la condition de tenir compte du degré d'excitabilité propre que les divers
nerfs et muscles présentent dans l'état normal pour les courants faradiques comme
pour les courants galvaniques.
Quant aux résultats obtenus avec un même appareil, ils peuvent être facilement
comparés lorsqu'on a soin de se placer dans des conditions suffisamment rigoureuses :
choix d'une bobine induite convenablement appropriée, valeur bien déterminée et
constante du courant inducteur, même fréquence des interruptions, etc.
EXPLORATION ET TRAITEMENT FARADIQUE. 1255
de l'excitation. Le procédé du rhéostat en tension est quelquefois
employé avec des chariots à bobines mobiles; on laisse alors les deux
bobines fixes, l'une engainant complètement l'autre; mais généralement
on préfère le procédé précédemment exposé dans lequel on règle le
courant en écartant plus ou moins les bobines.
Dans l'application des courants faradiques, pour exciter les nerfs
moteurs ou les muscles en vue du traitement ou en vue de l'électro-
diagnostic, on emploie habituellement la méthode polaire dont il a été
parlé déjà il propos des courants galvaniques. Avec des courants fara-
diques il intermittences rares, donnant lieu à des chocs faradiques
espacés, on peut laisser passer le courant librement; il ne se produit que
des contractions isolées des muscles, séparées par des intervalles de repos
plus ou moins longs. Avec des courants à intermittences fréquentes, ou
même seulement à intermittences assez fréquentes, produisant une téta-
nisation plus ou moins complète des muscles, il y aurait inconvénient a
les laisser agir d'une façon trop prolongée; en provoquant des contrac-
tions tétaniques trop longtemps soutenues, on risquerait de surmener et
d'épuiser les muscles et de produire des effets nuisibles. On évite ces
inconvénients en rythmant les excitations au moyen d'un interrupteur
(clef de Morse, pédale, manche interrupteur ou métronome) placé sur le
trajet d'un des conducteurs partant de la bobine secondaire. A l'aide de
cet interrupteur, on ne laisse le courant exciter les nerfs ou les muscles
qu'un temps assez court, une, deux ou (rois secondes par exemple : puis
on suspend le passage du courant de façon à laisser les muscles à l'état
de repos un temps sensiblement égal ou même plus prolongé; et l'on
continue, en renouvelant et suspendant de la même façon les excitations
un nombre de fois plus ou moins grand, suivant les indications que l'on
se propose de remplir.
On se sert parfois aussi d'onduleurs de courants pour rythmer les
excitations faradiques tétanisantes dans les applications thérapeutiques.
Ces appareils ont l'avantage de provoquer chaque série d'excitations avec
des courants dont l'énergie va graduellement en croissant, atteint un
maximum plus ou moins élevé et décroit ensuite graduellement. Les
contractions ainsi produites se rapprochent davantage des contractions
physiologiques que les contractions produites en rythmant simplement
les courants avec les interrupteurs ordinaires. Cependant ces appareils
assez compliqués ne sont pas indispensables, et dans la pratique courante
on peut faire de bonne thérapeutique faradique en rythmant les excita-
tions avec des interrupteurs simples.
Pour les courants faradiques l'orientation des potes a beaucoup moins
d'importance que pour les courants galvaniques. Néanmoins le pôle consi-
déré comme pôle négatif se montre généralement un peu plus excitant
que l'autre pote. Il y a des cas, cependant, où le pôle positif est préfé-
soit qu'il excite davantage le nerf ou le muscle soumis il son
action, soit qu'il permette de mieux localiser l'excitation en produisant.
[E. HUET ]
1256 . APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
moins d'excitations de voisinage. Aussi, au point de vue pratique, peut-il
être utile d'employer la double clef pour rechercher le pote donnant la
meilleure excitation et pour l'utiliser ensuite dans l'application du
traitement.
La méthode labile, dont il a été parlé déjà à propos de la galvanisation,
peut être employée aussi pour la faradisation. Au lieu de laisser en place
au niveau du point d'élection l'électrode excitatrice, on la promène le
long du nerf ou du muscle en la faisant glisser ou en la faisant rouler si
l'on se sert d'un rouleau. Avec les courants faradiques à intermittences
espacées, on voit que l'excitation est plus ou moins efficace suivant les
points où se trouve l'électrode; elle est la plus développée lorsque l'élec-
trode passe sur les points d'élection. Il en est de même avec les courants
à intermittences semi-fréquentes et à intermittences fréquentes. On peut
employer l'électrisation labile pour rythmer les excitations sans recourir
à un interrupteur. Après avoir fait rouler l'électrode tout le long du nerf
ou du muscle, on la soulève et on la tient éloignée le temps que l'on veut
suspendre l'excitation; on la replace alors sur la peau pour la faire rouler
de nouveau plus ou moins rapidement, la soulever ensuite, la replacer et
ainsi de même tant que l'on veut continuer l'éleetrisation. ,
Au lieu de la méthode polaire, il y a parfois avantage pour la faradisa-
tion des nerfs moteurs, aussi bien au point de vue de l'lleetro-ùiagi1¡)stic
qu'au point de vue du traitement, à employer la méthode bipolaire. Les
deux pôles de la bobine induite sont reliés à deux électrodes semblables,
de forme et de dimensions appropriées ; électrodes en forme de tampons
ou en forme d'olives. Ces deux électrodes, mouillées avec de l'eau ordi-
naire ou avec de l'eau salée, sont placées assez près l'une de l'autre sur
le nerf ou le muscle au niveau des points d'élection, et l'on fait passer le
courant en le graduant convenablement de la même façon que dans la
méthode polaire. Si l'on provoque des contractions isolées des muscles,
on peut tenir les électrodes en place en laissant passer le courant libre-
ment. Si l'on provoque des contractions avec tétanos plus ou moins
complet, il faut, comme dans la méthode polaire, rythmer les excitations
avec le métronome ou avec un interrupteur tel qu'une clef simple ou
une clef double. Cette dernière a l'avantage de permettre de chercher
facilement et rapidement l'orientation du courant donnant la meilleure
excitation.
La méthode de faradisation bipolaire a été très employée par Dl1chcl1llc
de Boulogne. Au point de vue du traitement, elle est dans certains cas
préférable à la méthode polaire; au point de vue de l'èleelt'o-diaglloslic
elle peut être aussi très ulile pour compléter un examen pratiqué avec
la méthode polaire. Elle permet de localiser davantage l'excitation et elle
doit être employée surtout lorsque l'excitabilité des nerfs ou des muscles
est fortement diminuée. Dans ces conditions, il faut mettre en jeu des
courants forts qui souvent excitent dans le voisinage ou à distance des
nerfs et des muscles restés sains ou peu altérés ; les contractions Illllsl'l1-
EXPLORATION ET TRAITEMENT FARADIQUE.
1257
laires ainsi produites prédominent sur les contractions des muscles que
l'on cherche à obtenir; elles masquent celles-ci et dans les recherches
électro-diagnostiques ne permettent pas de les reconnaître convenable-
ment ; dans les applications thérapeutiques, ces excitations il distance ont
l'inconvénient de faire contracter des muscles qu'il y aurait avantage il
ne pas exciter. Localisant davantage l'excitation, la méthode bipolaire
permet d'éviter ou de diminuer ces excitations il distance.
Les courants faradiques peuvent être utilisés aussi pour exciter les
nerfs de la sensibilité générale. Dans ce but on emploie souvent la
méthode polaire; l'électrode indifférente est une électrode humide :
fait Ire est une électrode métallique que l'on applique directement sur la
peau. Il convient pour ces applications que la peau soit bien sèche; au
besoin on peut l'assécher avec de la poudre de talc, d'amidon ou cle Ivco-
pode. Dans ces conditions, la résistance au passage du courant est très
grande et il faut prendre le courant de la bobine à lil fin. L'électrode
excitatrice peut être un pinceau de fils métalliques ou un rouleau de
métal. On la promène plus ou moins rapidement sur la peau en prenant
un courant a intermittences fréquentes et d'énergie suffisante. Elle pro-
duit des sensations de picotement mélangées de sensations de brûlure
assez désagréables dès que le courant est un lieu fort, et les sensations
deviennent rapidement douloureuses lorsqu'on augmente la force du
courant. Au moment où commencent les premières excitations, on
observe souvent de la vaso-constrielion, la peau est anémiée et blanche;
cet effet est très fugitif et fait rapidement place à de la vaso-difatation, la
peau rougit et reste rouge tissez longtemps. Lorsque les courants sont
suffisamment faibles et que la peau est bien sèche, les excitations sensi-
tives peuvent être seules en jeu. Avec des courants un peu plus forts, il
s'y ajoute des excitations des nerfs moteurs et des muscles, surtout
lorsque l'électrode excitatrice se trouve à la hauteur des points électro-
moteurs ; avec des courants encore plus forts, l'excitation se diffuse z
[E HUET ]
Fic.. : 'iL - Méthode hipoiairc localisée, - Excitation de la partie externe du triceps hrachial
- avec 2 tampons de 10 enie; - Il. Excitation du biceps brachial avec deux grosses .olives ;
jttjjjjjc- III. Excitation de l'opposant du pouce avec deux petites olives.
p .
1238 APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.
davantage aux nerfs moteurs et aux muscles et plus particulièrement à
ceux qui se trouvent dans le trajet interpolairc.
L'excitation des nerfs sensitifs, pratiquée comme il vient d'être dit, est
surtout faite en vue du traitement. Pratiquée en vue del'électro-diagnostic,
elle peut être faite aussi avec la méthode polaire. Dans ce cas, l'électrode
active est constituée par un ou plusieurs fils métalliques nus sur une
certaine hauteur ou bien engainés dans une substance isolante et nus
seulement à leur extrémité, comme dans l'électrode d'Erb.Pour l'électro-
diagnostic il y a souvent lieu d'employer des courants assez forts afin
de rechercher si l'anesthésie est complète ou pour déterminer le degré
d'hypoesthésie qui existe. Ces courants forts peuvent agir sur les nerfs
moteurs et sur les muscles, soit au niveau de l'électrode, soit à distance
dans l'espace interpolaire et les sensations accompagnant l'excitation des
muscles peuvent gêner pour estimer l'état de la sensibilité cutanée.
Aussi est-il préférable d'employer la méthode bipolaire. L'électrode dont
on se sert habituellement est constituée par deux fils métalliques nus sur
une petite hauteur et fixés dans un manche qui les isole l'un de l'autre ;
ces fils sont reliés à deux bornes auxquelles on attache les conducteurs
venant de la bobine à fil fin.
On peut encore employer dans le même but le râteau de Tripier construit
sur le même principe, mais dans lequel chaque pôle de la bobine fara-
dique se trouve en rapport avec plusieurs fils. Le râteau de Tripier sert
aussi au traitement; on le promène sur la peau sans qu'il y ait à employer
une électrode mouillée, puisque les deux pôles de la bobine aboutissent
a ce râteau. ».
ce COURANTS GALVANO-FARADIQUES \ k
On a associé, au point de vue du traitement, les deux courants et on a
appelé cette association des courants l'un à l'autre courants galvano-fara-
diques, courants combinés, ou encore courants de De AVatteville du nom
de l'auteur qui a le premier employé cette combinaison.
On associe les deux courants en série, et, pour cela, on relie la bobine
faradique et la batterie galvanique par deux potes de nom contraire. Les
pôles restant libres, l'un à la bobine, l'autre à la batterie, sont reliés aux
électrodes appliquées sur le corps. Cette association des deux courants
peut être faite simplement de la façon qui vient d'être indiquée; mais
pour la rendre plus facile dans les applications thérapeutiques, il y a
avantage à se servir du combinateur de De Walteville qui permet par le
jeu d'une manette de prendre le courant faradique seul, ou le courant
galvanique, ou la réunion des deux courants.
Dans les applications du courant galvano-faradique, il faut distinguer
deux genres un peu différents, suivant que le courant faradique est à
intermittences espacées ou à intermittences fréquentes. Dans le premier
cas, lorsque le courant faradique est à intermittences espacées, on règle
COURANTS GALVANO-FARADIQUES.
1259
d'abord le courant galvanique de façon à lui donner l'intensité que l'on
se propose de faire agir dans son passage à l'état continu; on règle
ensuite le courant faradique de façon que les chocs faradiques en exci-
tant le nerf ou le muscle produisent des contractions musculaires avec
une énergie modérée. On laisse alors passer librement les deux courants.
A l'action du courant galvanique dans son état continu, effets ioniques et
électrotoniques, se trouve ajoutée l'action des chocs faradiques espacés;
cette dernière est plus forte due si le courant faradique était employé
seul non seulement en raison de la forme de l'onde galvano-faradique
représentée schématiquement sur la figure 55, mais encore en raison des
effets électrotoniques dus au courant galvanique et en raison de la dimi-
nution de la résistance de la peau, produite par le passage de ce même
«courant.
1 Lorsque le courant faradique est à intermittences fréquentes, on ne
doit plus laisser passer lihrement pendant un temps prolongé le courant
gaivano-faradique ; il convient de le rythmer de la façon déjà dite pour le
courant faradique seul. Au moyen d'un interrupteur on fait passer le
courant un temps déterminé, de une à quelques secondes; on interrompt
ensuite son passage pendant un temps égal ou plus long, et on renou-
velle les mêmes manoeuvres un nombre de fois plus ou moins répété,
suivant le temps que l'on veut faire agir ce courant galvano-faradique
rythmé. A chaque passage du courant on détermine ainsi avec le courant
galvanique une excitation de fermeture suivie de l'action du courant
dans son étal continu puis une excitation d'ouverture; aux effets pro-
duits par le courant galvanique s'ajoutent les excitations du courant
faradique produisant, lorsque l'énergie est suffisante, des contractions
musculaires avec tétanisation plus ou moins complète suivant la fré-
quence des intermittences. Comme dans le cas précédent, les excitations
faradiques se montrent plus fortes que les excitations produites par le
courant faradique seul, résultat explicable par les mêmes raisons. Pour
E HUET.]
Flj. 50.
FIG. 35.
Pc. 55 et 3(\' Onde galvano-faradique. G Courant galvanique e; F Courant fara-
i ifique e'; I. Courant galvanique et courant faradique en tension e - e'; II. Courant
t galvanique et courant faradique en opposition c r'. .
1240 . ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
régler convenablement le courant galvano-faradique dans ce dernier
genre d'application, on procède de la même façon que dans le premier.
Au lieu d'être faite en série, l'association des deux courants pourrait,
être faite en opposition c'est-à-dire en reliant la bobine faradique et la
batterie galvanique par les pôles de même nom. Il vaut mieux ne pas
employer ce mode d'association des deux courants. Si l'on considère la
forme de l'onde faradique en pareil cas (fig. 56), on voit que la tension
de l'onde faradique d'ouverture se trouve diminuée par son opposition
avec le courant galvanique, et que par conséquent son action excitante
doit se trouver diminuée. En pratique cependant, cette diminution est
moins prononcée qu'on pourrait le penser au premier abord, sans doute
en raison de la diminution de la résistance de la peau produite par le
passage du courant galvanique, vraisemblablement aussi par suite des
effets électrotoniques de ce même courant.
Pratiquement le courant galvano-faradique est employé dans certaines
conditions pour exciter les nerfs moteurs et les muscles striés. Il pré-
sente surtout des avantages pour exciter les muscles à fibres lisses. On
sait que ces muscles se montrent peu excitables par les courants sa ra-
diques ; lorsque ceux-ci sont employés seuls, les muscles lisses ne sont
guère excités que par des courants de bobine à fil fin ; avec le courant
galvano-faradique ils deviennent aussi assez facilement excitables nar des
courants de bobine à gros fil,
DE L'EXCITABILITÉ FARADIQUE ET GALVANIQUE
DANS LES ÉTATS PATHOLOGIQUES
.
Dans les affections du système nerveux et dans les affections de l'appa-
reil moteur, l'excitabilité faradique et l'excitabilité galvanique des nerfs et
des muscles se comportent différemment suivant les cas : ou elles
restent normales; ou elles se trouvent modifiées seulement en plus ou en
moins, simples altérations quantitatives; ou elles sont modifiées aussi en
qualité et présentent des altérations complexes constituant par leurs
groupements des syndromes comme celui de la réaction de dégénéres-
cence. L'étude de ces réactions des nerfs et des muscles est très impor-
tante au point de vue du diagnostic et du pronostic. à
CONSERVATION DES RÉACTIONS NORMALES
L'excitabilité électrique reste généralement normale dans les névroses,
la neurasthénie et l'hystérie, alors même qu'elles donnent lieu à des
troubles moteurs plus ou moins accentués. Il en est de même dans un
certain nombre d'affections du système nerveux central, particulièrement
dans celles qui atteignent plus spécialement les neurones moteurs cen-
traux. Il en est parfois de même dans les altérations du système nerveux
périphérique, lorsque ces altérations sont légères.
AUGMENTATION DE L'EXCITABILITÉ. 1241
ALTÉRATIONS SIMPLEMENT QUANTITATIVES
L'excitabilité électrique peut être modifiée seulement en quantité et
rester normale en qualité. Le plus souvent les altérations simplement
quantitatives se comportent de la même façon pour l'excitabilité faradique
et pour l'excitabilité galvanique. Parfois elles se montrent un peu diffé-
rentes, et l'excitabilité faradique se trouve plus modifiée que l'excitabilité
galvanique ou inversement.
Les modifications quantitatives de l'excitabilité électrique se pro-
duisent dans deux sens différents qui doivent être étudiés séparément :
ou bien l'excitabilité est plus grande, ou au contraire elle est plus
faible que dans l'état normal. ;
Augmentation simple DE l'excitabilité électrique ? -
. L'augmentation de l'excitabilité électrique se reconnaît pour les cou-
iants faradiques lorsque le seuil de l'excitation apparaît avec des cou-
rants plus faibles que dans l'état normal. En fait, il n'est pas toujours
facile de la reconnaître si elle n'est que peu prononcée. Elle est parfois
plus apparente que réelle, lorsque par exemple la résistance de la peau
se trouve notablement diminuée ('). Lorsque l'augmentation de l'excita-
bilité faradique ne porte que sur un côté du corps, l'autre côté restant
normal, il est facile de s'assurer de son existence réelle par un examen
comparatif portant non seulement sur l'excitabilité mais encore sur la
résistance. Lorsque le degré de l'excitabilité faradique ne peut être déter-
miné que par comparaison avec des sujets différents C) ou par compa-
raison avec le degré d'excitabilité de nerfs ou muscles différents de
la même personne, l'augmentation de l'excitabilité peut rester incertaine
si elle n'est que légère; le doute n'existe plus si cette augmentation est
très accentuée.
L'augmentation de l'excitabilité galvanique se reconnaît également
lorsque le seuil de l'excitation se montre avec des courants dont l'inten-
sité est plus faible que dans l'état normal. De même que pour l'excitabi-
lité faradique, l'augmentation de l'excitabilité galvanique n'est bien nette
que lorsqu'elle est assez accentuée, si un examen comparatif d'un côté à
1 autre n'est pas applicable.
1. Des anomalies dans la disposition des nerfs, ou encore des modifications acciden-
telles dans leur situation, ayant pour effet de les rapprocher de la peau, les rendent
plus accessibles à l'excitation et peuvent donner lieu aussi il une augmentation plus
apparente que réelle de l'excitabilité.
2. 11 importe de retenir, pour la comparaison de l'excitabilité des nerfs et des muscles
chez des personnes différentes, que cette excitabilité varie dans de certaines limites,
d'une personne à l'autre pour un mème nerf ou un même muscle, conditions qui
contribuent il rendre difficile la constatation de l'hyperexcitabilité quand elle est peu
prononcée.
[E. HUET.]
1242 " ÉLECTRO-DIAGNOSTIC. y
L'augmentation simple de l'excitabilité électrique, faradique et galva-
Li -
nique, peut s'observer dans des affections du système nerveux central,
encéphale et moelle, surtout à leur début ou à des périodes peu avancées.
On l'a constatée dans des paralysies cérébrales récentes, dans la paralysie
générale progressive, dans des cas de tumeur cérébrale. On l'a rencon-
trée encore dans des méningites spinales, dans des myélites aiguës et
subaiguës, parfois dans des cas de tabès dorsal. L'augmentation simple
de l'excitabilité électrique s'oberve parfois aussi au début des poliomyé-
lites antérieures subaiguës ou chroniques et dans la sclérose latérale
amyotrophique, lorsque les altérations ne sont pas encore assez accen-
tuées pour donner lieu à de la réaction de dégénérescence; parfois, aussi,
dans le cours de ces maladies, elle se montre sur des muscles paraissant
encore indemnes de paralysie et d'atrophie, c'est souvent un indice de
leurs altérations prochaines.
Dans les paralysies périphériques on trouve quelquefois, au début, de
l'augmentation simple de l'excitabilité électrique; il en est ainsi, par
exemple, dans certaines paralysies faciales; celles-ci peuvent rester
légères, mais assez souvent elles évoluent vers une forme plus grave, et la
simple hyperexcitabilité électrique fait bientôt place aux altérations plus
complexes constituant la réaction de dégénérescence.
Dans des paralysies toxiques, notamment dans des paralysies ducs à
l'intoxication par le sulfure de carbone, l'augmentation de l'excitabilité
électrique peut s'observer aux périodes initiales, plus tard elle se trouve
remplacée soit par de la diminution simple de l'excitabilité, soit pages
manifestations de réaction de dégénérescence.
Dans la tétanie, l'augmentation de l'excitabilité électrique est souvent
très prononcée, au point que la formule d'excitation, sans présenter d'al-
térations qualitatives proprement dites, montre certaines particularités
assez importantes pour le diagnostic. L'hyperexcitabilité est générale-
ment plus accusée sur les nerfs que sur les muscles; elle existe pour les
courants faradiques et pour les courants galvaniques, mais elle est sou-
vent plus accentuée pour ces derniers. Les divers éléments de la formule
de l'excitabilité galvanique conservent leur rang respectif : la première
NFC apparait souvent avec une intensité extrêmement faible ; PFC et POC
apparaissent également beaucoup plus tôt que dans l'état normal; de
plus les contractions deviennent facilement tétaniques, d'abord à \h puis
à PF et même à PO; la présence de POTe, qui ne se rencontre pas dans
l'état normal, est intéressante à constater dans ces cas, et il y a intérêt à
la rechercher pour l'électro-diagnostic.
Chez des animaux éthyroïdés on a constaté aussi de l'augmentation de
l'excitabilité faradique et galvanique, principalement sur les nerfs, parti-
cularités qui méritent d'être rapprochées de l'hyperexcitabilité trouvée
dans la tétanie.
Richard Geigel a attiré l'attention, en 1895, sur des manifestations
d'hyperexcitabilité galvanique que l'on détermine artificiellement sur des
DIMINUTION DE L'EXCITABILITÉ. 1243
nerfs en soumettant ceux-ci, en même temps que les vaisseaux qui les
accompagnent, à la compression digitale, ou en produisant la compression
du membre entier avec la bande d'Esmarch. L'augmentation de l'excita-
bilité ne se manifeste que pour les excitations d'ouverture et elle est telle
que non seulement POC s'obtient plus facilement, mais encore que NOC,
assez rarement constatable dans l'état normal, devient souvent très mani-
feste. R. Geigel a donné à ces modifications de l'excitabilité galvanique
des nerfs observées dans ces conditions le nom de réaction de compres-
sion. On a étendu la compréhension de cette réaction aux divers cas où on
observe de l'augmentation des secousses d'ouverture et on l'a modifiée en
lui donnant par erreur le nom de réaction de Ricli. Nous ne croyons pas
que cette hyperexcitabilité galvanique des nerfs pour les excitations d'ou-
verture dans la réaction de Geigel dépende de la compression même des
nerfs; elle nous parait dépendre surtout de l'arrêt ou du ralentissement
de la circulation favorisant le développement des courants de polarisa-
tion dont on connaît le rôle dans les excitations d'ouverture. Avec les
courants faradiques qui ne produisent guère de polarisation des tissus,
l'hyperexcitabilité des nerfs ne se montre pas dans ces conditions.
Diminution simple DE l'excitabilité électrique
La diminution simple de l'excitabilité électrique se rencontre plus sou-
vent que augmentation. On la reconnaît avec les courants faradiques et
galvaniques, lorsque le seuil de l'excitation n'apparaît qu'avec des courants
plus forts que dans l'état normal. Lorsque l'hypo-excitabilité est peu pro-
noncée, on éprouve la même difficulté pour la reconnaître que pour
reconnaître l'hyperexcitabilité. Quand elle est suffisamment prononcée
elfe devient bien manifeste ('). Dans certains cas elle peut être extrême et
aboutir à l'aholition de l'excitabilité.
La diminution simple de l'excitabilité existe généralement à la fois sur
les nerfs et sur les muscles pour les courants faradiques et pour les cou-
rants galvaniques. Parfois, cependant, elle est plus prononcée sur les
muscles que sur les nerfs ou inversement; elle peut aussi, dans certains
cas, être plus marquée avec un genre de courants qu'avec l'autre.
Dans les affections du système nerveux central qui atteignent plus par-
ticulièrement les neurones centraux, on peut rencontrer de la diminution
simple de l'excitabilité électrique, surtout il des périodes déjà assez avan-
1. Lorsqu'on explore l'excitabilité électrique des nerfs et des muscles, il est très
important de faire mettre dans le relâchement les muscles sur lesquels l'excitation doit
produire des contractions. Il faut donc donner au membre ou à la partie du corps que
l'on examine une position telle que ces muscles soient en état de relâchement; il tau u
aussi veiller à ce que les patients ne tiennent pas ces muscles en état de contraction
volontaire. Pour exciter des muscles contractés il faut, en effet, des courants plus
forts que pour exciter des muscles en état de repos; et en omettant les précautions
que nous venons de dire, on s'exposerait il prendre pour réelle une hypo-excitabilité qui
ne serait qu'artificielle-.
[E. HUET.]
J 214 ? ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
cécs de leur évolution. Ainsi on aura occasion de l'observer dans des pa-
ralysies cérébrales anciennes, clans les myélites, dans le tabes, dans la
sclérose en plaques, dans des paralysies par compression de la moelle.
L'excitabilité électrique n'est pas nécessairement diminuée dans ces
divers cas; elle peut rester sensiblement normale, on même être aug-
mentée, comme nous l'avons vu pour les périodes initiales.
Dans les atrophies musculaires qu'on observe parfois dans les hémi-
plégies cérébrales, l'excitabilité électrique est souvent peu altérée; elle
peut, en effet, rester normale ou elle se ni on Ire simplement diminuée.
Dans les atrophies musculaires qui dépendent de lésions des cornes anté-
rieures de la moelle, l'excitabilité électrique est généralement plus altérée,
non seulement elle est plus ou moins diminuée mais encore elle montre
les modifications qualitatives qui caractérisent la réaction de dégénéres-
cence ; parfois, cependant, la réaction de dégénérescence, est peu appa-
rente, et on constate surtout la diminution des réactions électriques, toit
que les altérations qualitatives de l'excitabilité aient disparu au moment
de l'examen, soit que, par suite de la lenteur du processus d'atrophie, les
libres nerveuses et les fibres musculaires se trouvent détruites lentement
et séparément, de sorte que les manifestations de la réaction de dégéné-
rescence sont masquées par les réactions des libres nerveuses et muscu-
laires encore peu atteintes.
Dans les processus aigus portant sur les cornes antérieures de la
moelle, la poliomyélite antérieure aiguë, par exemple, on peut ne trouver
à la période initiale que de la diminution simple des réactions électriques
sur certains muscles, alors que d'autres présentent de la réaction de dé-
générescence. On en peut, conclure que les cellules des neurones corres-
pondant aux premiers de ces muscles n'ont été que peu atteintes ; ces
muscles ne s'atrophient pas ou ne s'atrophient que peu, et ils récupèrent
plus ou moins rapidement leurs fonctions. A des périodes éloignées du
début de ces affections on peut aussi ne plus trouver que de la Cllllllllll-
tion des réactions électriques lorsque, par suite de l'évolution de la réac-
tion de dégénérescence, les modifications qualitatives de l'excitabilité
électrique ont disparu; celte diminution est parfois très prononcée et
peut aller jusqua l'abolition lorsque l'atrophie est très grande.
Parmi les paralysies périphériques il en est qui ne donnent lieu, le plus
généralement, qu'a de la diminution simple de l'excitabilité électrique,
telles sont les paralysies ducs à de la compression passagère et modérée
des nerfs, la paralysie radiale par exemple dans la grande majorité des
cas. Souvent même cette diminution n'est bien manifeste que pour' les
excitations portées sur le nerf au-dessus du point qui a été comprimé.
alors que les excitations du nerf portées au-dessous, ou les excitations
des muscles, donnent lieu à des réactions peu diminuées ou même sensi-
blement normales. Le nerf parait avoir conservé son excitabilité tandis
qu'il a perdu sa conductibilité au niveau des parties lésées. Dans certains
cas, cependant, ces paralysies par compression dépendent de lésions suf-
DIMINUTION DE L'ESClTADlLITIt 1245
lisamment prononcées pour entraîner de la réaction de dégénérescence ;
le pronostic est alors plus sérieux, la réparation se produit encore le plus
souvent, mais la durée de la paralysie est beaucoup plus longue que
dans les cas avec simple diminution de l'excitabilité électrique.
Des paralysies périphériques par névrites toxiques ou infectieuses
peuvent aussi ne donner lieu qu'à de la diminution simple des réactions
électriques;. en est ainsi dans certains cas de paralysie par intoxication
smfo-carbonéc, dans des paralysies alcooliques, dans certaines formes de
paralysies diphtériques, etc.; le pronostic de ces paralysies est générale-
ment assez hénin. Dans d'autres cas les mêmes genres de paralysies s'ac-
compagnent de réaction de dégénérescence ; leur pronostic est plus grave
et se trouve conditionné par le degré de la réaction de dégénérescence,
ainsi que nous le verrons plus loin; parfois la réparation des lésions reste
incomplète; d'autres fois elle est complète, mais elle se produit après un
temps beaucoup plus long que s'il n'a existé que de la simple hypo-exci-
tabililé électrique. Il arrive d'ailleurs que dans des névrites périphériques
comme celles dont il vient d'être question on rencontre sur le même ma-
lade de la diminution simple de l'excitabilité électrique sur certains ter-
ritoires nerveux et de la réaction de dégénérescence sur d'autres nerfs et
muscles; il en découle la même signification pronostique que celle que nous
venons de voir, assez bénigne pour les territoires nerveux avec simple
diminution de l'excitabilité, plus grave pour les autres où la réparation
ne se fait que plus lentement et peut même rester incomplète.
La diminution simple de l'excitabilité électrique s'observe aussi dans
des névrites périphériques à une période tardive de leur évolution, alors
qu'elles ont présenté antérieurement de la réaction de dégénérescence,
Cette lyho-ecit,hilitls peut persister assez longtemps après que la gué-
rison semble ohtenue et que la motilité volontaire est bien revenue; elle
peut être aussi en rapport avec une réparation incomplète; ou bien elle
est due à l'absence complète de réparation, et alors la diminution de l'ex-
citabilité peut aller jusqu'à l'abolition. Ces derniers cas sont plus rares
dans les polynévrites que dans les poliomyélites.
La diminution simple de l'excitabilité électrique se rencontre encore
dans les affections primitives des muscles. On l'observe dans les diverses
formes de myopathies, proportionnelle au degré des altérations muscu-
laires. Quand celles-ci ne sont pas encore très prononcées, la diminution
de l'excitabilité est parfois plus marquée par la diminution d'amplitude
des contractions que par les changements dans l'apparition du seuil de
l'excitation. Les mêmes particularités peuvent se rencontrer dans cer-
laines formes de myopathie, alors que les altérations musculaires sem-
1)1(,iit déjà assez accentuées; il en est notamment ainsi parfois dans des
myopathies donnant lieu à des rétractions rnucalo-teudineuses très pro-
noncées.
Dans les atrophies musculaires par simple impotence fonctionnelle
et dans les atrophies musculaires réflexes articulaires ou aharticulaires,
W HUET.]
1246 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
c'est aussi la diminution simple de l'excitabilité électrique que l'on
constate habituellement.
Dans les myosites comme celles qui compliquent certaines fractures,
notamment dans les myosites des fléchisseurs des doigts, observées plus
particulièrement chez les enfants dans des fractures du coude (syndrome
de l'ollcrnanu), la diminution simple de l'excitabilité électrique est souvent
très prononcée.
ALTÉRATIONS COMPLEXES DES RÉACTIONS ÉLECTRIQUES
CONSTITUANT LES SYNDROMES DE DÉGÉNÉRESCENCE
Des modifications pathologiques de l'excitabilité électrique sont plus
complexes que celles qui viennent d'être exposées. Parmi elles on doit
donner une place prépondérante, en raison de la signification qu'elles ont
souvent pour le diagnostic et le pronostic, il celles qui constituent la
réaction de dégénérescence ou, pour mieux dire, les syndromes de dégé-
nérescence. Ces altérations de l'excitabilité électrique, suivant leur manière
de se grouper et suivant leurs caractères particuliers, constituent des
formes diverses auxquelles on pourra sans doute donner dans l'avenir
une signification plus précise que celle que nous leur connaissons; dès
maintenant on leur connaît une signification générale très importante
permettant souvent de préciser le diagnostic quand on la rapproche des
autres constatations fournies par l'examen des malades. Au point de vue
clinique nous aurons à distinguer la manière dont se comporte la réaction
de dégénérescence dans les processus aigus et dans les processus
chroniques. ' .
Pour abréger l'écriture et le langage, nous nous conformerons à un
usage généralement admis qui consiste à désigner la réaction de dégéné-
rescence par les initiales des mots qui entrent dans sa dénomination;
tantôt on écrit RD et tantôt DU; nous adopterons cette dernière
abréviation.
Réaction de dégénérescence dans les PROCESSUS AIGrs. t
Lorsqu'elle se développe dans des affections qui suivent un processus
aigu, la Ull affecte soit la forme appelée complète, soit seulement la
forme partielle.
La DU n'est bien caractérisée qu'un certain temps après le début de
l'affection ou après l'établissement de la lésion qui la produit. Ce n'est
qu'après une dizaine de jours, parfois même une vingtaine, que ses carac-
tères essentiels se montrent bien apparents. Les altérations des réactions
électriques qui la font reconnaître sont alors nettement accusées et per-
sistent pendant longtemps, plusieurs semaines an moins, plusieurs mois
le plus souvent, parfois plusieurs .années, subissant cependant peu ;'1 peu
diverses modifications qu'il est important de connaître.
RÉACTIONS DE DÉGÉNÉRESCENCE. 1247
La DR ne reste donc pas immuable pendant toute la durée de l'affection
qui lui a donné naissance; elle suit une certaine évolution dans laquelle
nous aurons à distinguer une période de début, une période d'état et une
période de déclin.
Laissant de côté pour l'instant la période initiale, sur laquelle nous
reviendrons plus loin, nous nous occuperons dès maintenant de la période
d'état. Les altérations des réactions électriques qui caractérisent alors
la DR sont les unes quantitatives, les autres qualitatives.
Dans la forme complète de la DR, les altérations quantitatives de l'exci-
tabilité électrique peuvent être distinguées des simples altérations quan-
titatives étudiées précédemment, parce qu'elles ne sont pas les mêmes
pour l'excitabilité faradique et pour l'excitabilité galvanique et parce
qu'elles se comportent différemment sur le nerf et sur le muscle. Sur le
nerf, en effet, l'excitabilité est abolie aussi bien pour les courants galva-
niques que pour les courants faradiques. Sur le muscle, l'excitabilité
faradique est abolie aussi, mais l'excitabilité galvanique est conservée;
au début elle est même augmentée; plus- tard, elle se montre plus ou
moins diminuée, mais reste longtemps présente; dans les cas graves,
elle finit par disparaître, mais cette abolition ne s'observe qu'après de
longs mois, souvent même après plusieurs années.
Les altérations qualitatives de l'excitabilité électrique sont encore plus
importantes à constater, car elles sont plus particulièrement caractéris-
tiques. Dans la forme complète de la 1)Il, elles ne se montrent que pour
l'excitabilité galvanique du muscle, puisque c'est la seule excitabilité qui
soit conservée. Elles sont de deux ordres portant, d'une part, sur la forme
de la contraction musculaire, et, d'autre part, sur la formule polaire de
l'excitation. La contraction, au lieu d'être vive et rapide comme dans
l'état normal, devient lente et traînante ; elle met un certain temps à se dé-
veloppcr, persiste un moment à son maximum de développement, puis ne
disparaît que lentement ('). Cette lenteur de la contraction, très prononcée
;t la période d'état de la DU dans les processus aigus, est à elle seule très
caractéristique, au point que quelques auteurs ont été tentés de négliger
les altérations de la formule polaire, qui se montrent parfois plus incon-
stantes et plus variables. Ces altérations de la formule polaire sont cepen-
dant très importantes aussi; elles constituent un caractère de plus de la
DR et elles sont généralement bien accusées dans les processus aigus.
La formule polaire de l'excitation se trouve inversée; au lieu que l'exci-
1. La lenteur de la contraction des muscles dégénérés est telle qu'elle peut donner
lieu a un phénomène intéressant qu'on a appelé phénomène de la double contraction.
Si on excite avec des courants galvaniques des muscles dégénérés (les extenseurs des
doigts par exemple), alors que les muscles antagonistes sont normaux (fléchisseurs des
doigts) et que les courants soient assez forts pour exciter il distance ces derniers, on
voit d'abord apparaître le mouvement produit par la contraction vive et brève des mus-
des normaux (flexion des doigts) auquel succède le mouvement lent produit par les
muscles dégénérés (extension des doigts) dont la contraction met plus de temps à se
développer et se montre plus durable. - . -
[E. HUET 1
- 1248 . ' ÉLECTRO-DIAGNOSTIC. '
tation de fermeture à la cathode apparaisse la première et se montre plus
forte que l'excitation de fermeture à l'anode (NFC> PFC), on voit l'exci-
tation de fermeture à l'anode prédominer sur l'excitation de fermeture
à la cathode (PFC > NFC) ('). Parfois l'inversion polaire est moins accusée,
il y a seulement équivalence polaire (NFC = PFC). Parfois même, mais
plus rarement, la contraction reste prédominante à la cathode (NFC PFC)
alors que la DR se trouve bien caractérisée encore par les autres
caractères, lenteur des contractions et altérations quantitatives de
l'excitabilité. L'absence d'inversion polaire et l'équivalence polaire
se voient plutôt dans les formes partielles de DR que dans la forme
complète (2).
Aux altérations quantitatives et qualitatives de l'excitabilité électrique
qui viennent d'être exposées et qui ont été longtemps tes seules recher-
chées pour reconnaître la DR, il convient d'ajouter les modifications de
l'excitabilité signalées tout particulièrement depuis une quinzaine
d'années sous les dénominations de déplacement des points moteurs,
réaction de dégénérescence à distance, ou modifications de l'excitabilité
longitudinale. Pour les rechercher, on ne place plus, comme précédem-
ment, l'électrode exploratrice au niveau des points d'élection, mais on la
place loin de ceux-ci, généralement sur la partie inférieure du muscle,
ou sur ses terminaisons tendineuses, ou même plus has encore, de sorte
que le muscle compris dans l'espace interpolaire se trouve parcouru
longitudinalement par le courant excitateur. Lorsqu'il existe de la DR,
on voit que l'excitation longitudinale produite de cette façon est plus
forte que dans l'état normal, et que souvent elle prédomine sur l'excitation
produite au niveau du point moteur; de plus, elle se montre aussi altérée
qualitativement,' les contractions,' en effet, sont lentes, mais l'excitation
1. Il faut éviter de prendre pour l'inversion polaire de la DR une inversion que l'on
pourrait appeler artificielle et qui se rencontre assez souvent sur certains muscles, même
à l'état normal. On observe surtout cette inversion (PFC > INFC) lorsque l'électrode
excitatrice n'est pas exactement placée sur le point d'élection ; elle est plus apparente
que réelle, et on peut l'expliquer par l'action du pote virtuel, alors que PF semble agir
au niveau de l'électrode excitatrice pour produire PFC, c'est la \F du pèle virtuel qui
agit en réalité au niveau du nerf ou au niveau du muscle. On évite cette erreur en
poursuivant l'exploration ; il suffit souvent de déplacer légèrement l'électrode excita-
trice pour retrouver l'excitation normale NFC > PFC; de plus, on peut remarquer
qu'avec l'inversion artificielle, la contraction n'est généralement pas modifiée dans sa
forme et qu'elle reste vive.
Cette inversion artificielle peut s'observer 1, l'étal normal sur un assez grand nombre
de muscles, mais elle est plus fréquente sur certains d'entre eux; ainsi on la rencontre
assez facilement au membre supérieur sur le deltoïde, le vaste externe du triceps,
le long supinateur, le 1er interosseux dorsal et l'adducteur du petit doigt; au membre
inférieur sur les fessiers, le vaste interne, le vaste externe, le long péronier, les
jumeaux, etc.
2. On voit parfois, dans ces formes de réaction de dégénérescence, la contraction
rester assez vive et prédominer à la fermeture de la cathode au seuil de l'excitation,
tandis qu'avec des courants plus forts les contractions se montrent lentes et que PFC
devient égale ou supérieure à NFC.
RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE. 12f
de la cathode reste habituellement plus forte que l'excitation de l'anode,
NFC>PFC(').
Cet état de la réaction longitudinale n'est pas seulement, comme on l'a
dit parfois, une manifestation éloignée de la DR; il apparaît au contraire
de bonne heure, en même temps que les altérations de l'excitabilité au
niveau des points d'élection, et il se prolonge pendant toute la durée de
révolution de la DR. Il est très important de le rechercher, surtout
lorsque les autres manifestations de la DR restent assez mal caractérisées,
aiusi qu'on l'observe parfois, mais plutôt dans les formes partielles de la
DR que dans la forme complète.
La DR partielle peut affecter un certain nombre de formes plus ou
moins différentes qu'il ne nous paraît pas nécessaire d'étudier ici dans
leurs détails. D'une façon générale, on peut dire que la DR partielle
diffère de la DU complète, surtout par des altérations quantitatives moins
prononcées de l'excitabilité électrique.
Sur le nerf, l'excitabilité n'est pas abolie, mais elle est le plus souvent
diminuée, à des degrés divers suivant les cas. La diminution de l'excita-
bilité du nerf porte sur l'excitabilité faradique et sur l'excitabilité gatva-
nique ; cette dernière n'est généralement pas altérée en qualité, les
contractions produites par l'excitation du nerf restent en effet vives (2) et
sont conformes à la formule polaire normale, \l'CP1C. Sur le muscle,
l'excitabilité faradique n'est pas non plus aholie mais, comme sur le nerf,
elle est plus ou moins diminuée. L'excitabilité galvanique du muscle se
comporte habituellement comme dans la DR complète, augmentée au
début de la période d'étal, diminuée plus tard; elle est, de plus, altérée
qualitativement, les contractions obtenues sont lentes, et le plus souvent
la formule polaire est modifiée, soit qu'il y ait inversion complète,
NFC Cl'IFC, soit qu'il y ait équivalence, NFC = PFC; parfois, cependant,
la formule polaire n'est pas sensiblement modifiée et NFC reste prédomi-
nante sur PFC.
1. Dans certains cas de DU, l'excitation longitudinale est parfois plus forte à l'anode
qu'à la cathode ; cette inversion est exceptionnelle et n'a pas jusqu'alors de signification
particulière reconnue.
2. Lorsqu'on explore l'excitabilité d'un nerf dans le territoire duquel existe de. la
DU. on observe parfois des contractions lentes produites par l'excitation galvanique sur
un on plusieurs muscles tributaires de ce nerf. On commettrait souvent une erreur en
rapportant ces contractions lentes il l'excitation du nerf : on peut les observer alors
même que le nerf est inexcitable, Elles s'expliquent par une excitation directe du
muscle distance et. s'observent surtout dans la période où les muscles présentent de
l'hyperexcilabilité galvanique. On évitera cette erreur en remarquant que les cnntrac-
lions lentes ne s'observent que sur des muscles assez voisins du point où porte l'excita-
tion, alors que d'autres muscles du même territoire nerveux, mais plus éloignés, restent
mexcilables. Exemple : en excitant la branche inférieure du nerf facial en étal de
dégénérescence, on observe fréquemment l'excitation avec contractions lentes du trian-
gulaire des lèvres, alors que les muscles du menton et l'orbiculaire des lèvres restent
Dexotes, si on a le soin de ne pas prendre des courants trop forts, auquel cas ils
seraient excités eux-mêmes a distance.
l'n.\TIQvE [- : t'nOL, 70
[E HUET] ]
1250 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
La lenteur de la contraction provoquée par l'excitation galvanique du
muscle est donc aussi la manifestation la plus importante de la DR par-
tielle dans les processus aigus. Elle existe habituellement pour les exci-
tations avec l'un et l'autre pôle ; dans des formes atténuées de DR on voit
parfois la lenteur de la contraction manifeste seulement à l'excitation avec
le pôle positif, tandis que la contraction reste assez vive pour l'excitation
avec le pôle négatif.
Les modifications de l'excitabilité longitudinale se rencontrent dans la
DR partielle comme dans la DR complète ; et nous avons déjà dit combien
il était important de les rechercher; elles permettent parfois, en effet, de
reconnaître une DR mal définie par ses autres caractères.
Nous devons revenir maintenant sur l'évolution de la DR qu'il est im-
portant de connaître pour les applications cliniques.
Période initiale de la DR. Avant d'aboutir à la période d'état, dont
nous venons d'exposer les principales manifestations, la DU passe par une
période initiale qu'on a bien étudiée expérimentalement, en produisant
des lésions plus ou moins prononcées des nerfs et qu'on peut observer
en clinique dans certains cas, par exemple à la suite de lésions trauma-
tiques des nerfs, dans des névrites (plus particulièrement dans la para-
lysie faciale) et dans des affections aiguës portant sur les cornes antérieures
de la moelle. Les modifications de l'excitabilité électrique dans la période
initiale de la DR présentent d'ailleurs quelques différences d'un cas à
l'autre, suivant la nature et l'intensité des lésions qui la déterminent.
Comme type, on peut prendre la DR causée par une lésion grave d'un
nerf, section, écrasement ou élongation.
En suivant les modifications qui se produisent dans l'excitabilité du
nerf au-dessous de la lésion, on constate que l'excitabilité faradique est
d'abord conservée; elle est même augmentée au début pendant un jour
ou deux, puis elle diminue progressivement pour disparaître le sixième
ou septième jour, quand la DR doit être complète. L'excitabilité galvanique
du nerf se comporte sensiblement de même, augmentée les premiers
jours, elle diminue ensuite progressivement pour disparaître au bout de
quelques jours. Du côté des muscles, l'excitabilité faradique ne présente
généralement pas d'augmentation, elle montre de bonne heure de la
diminution qui s'accroit assez rapidement et aboutit bientôt à l'abolition.
L'excitabilité galvanique des muscles commence aussi par diminuer;
mais elle ne continue pas dans ce sens; bientôt en effet, au bout d'une
semaine environ, elle se relève et ne tarde pas à se montrer augmentée.
Lorsque l'on constate de pareilles altérations quantitatives dans l'excita-
bilité du nerf et dans l'excitabilité des muscles, on peut prévoir l'établis-
sement de la DR; mais celle-ci ne se trouve bien caractérisée que lorsque
se montrent les altérations qualitatives de l'excitabilité galvanique des
muscles. On peut alors considérer la DR comme entrée dans sa période
d'état; c'est généralement dans le cours de la deuxième semaine, après
la lésion, qu'apparaissent les altérations qualitatives de l'excitabilité
RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE. 1251
galvanique des muscles ; parfois cependant elles tardent un peu plus et
ne deviennent bien apparentes que dans le cours de la troisième semaine,
rarement davantage ; il est fréquent de les voir apparaître ainsi tardive-
ment dans la paralysie faciale.
Période d'état de la DR. Par période d'état de la DR nous enten-
dons le temps pendant lequel celle-ci se montre avec les modifications
quantitatives et qualitatives qui la caractérisent de la façon que nous
avons dite plus haut. Celte période est de longue durée ; elle se prolonge
au moins plusieurs mois, le plus souvent elle dépasse l'année; on peut la
voir même s'étendre sur plusieurs années. Ainsi comprise la période
d'état de la DR pourrait se subdiviser elle-même en trois périodes. La
première correspond au temps pendant lequel l'excitabilité galvanique
des muscles est augmentée ; sa durée est souvent assez courte, de quelques
jours à quelques semaines, c'est généralement le cas sur les territoires
nerveux des membres et du tronc ; parfois elle se prolonge davantage, il
en est très souvent ainsi sur le territoire du nerf facial où l'on peut la
voir persister d'assez longs mois ('). La deuxième correspond au temps
pendant lequel l'excitabilité galvanique des muscles est peu altérée en
quantité, elle n'est plus augmentée mais elle est encore peu diminuée;
sa durée est variable suivant les cas ; on pourrait d'ailleurs réunir cette
période à la précédente en estimant que la durée de ces deux périodes
réunies varie en moyenne de quelques semaines à quelques mois. Enfin
la DR continuant son évolution, on voit l'excitabilité galvanique des
muscles diminuer plus ou moins rapidement dans des proportions
notables, parfois très prononcées, les altérations qualitatives caractérisant
la DU restant encore bien nettes; cette dernière partie de la période d'état
de la DR est assez longue et se prolonge souvent de nombreux mois.
Période terminale de la DR. A la période d'état de la DR succède
1. A cette période de la DU on observe assez souvent, en excitant les muscles, des
modifications de l'excitabilité galvanique portant aussi sur les secousses d'ouverture.
Celles-ci sont obtenues plus facilement que dans l'état normal, non seulement il PO,
mais encore à \\1 : on peut voir même, contrairement à ce qui existe dans l'état
normal. N0C>POC. Cette inversion des contractions d'ouverture s'observe plus parti-
culièrement quand il y a aussi inversion des contractions de fermeture, PFC> NFC.
On a voulu il tort l'aire rentrer ces modifications des secousses d'ouverture dans la
réaction que l'on a appelée par erreur réaction de Rich et que l'on aurait dû appeler
réaction de Richard ( : elle réaction diffère complètement des modifications des
secousses d'ouverture observées dans la DR. Dans la réaction de Richard Geigel, il existe
bien de l'augmentation des secousses d'ouverture, mais elle s'observe dans l'excitation
du nerf et non dans l'excitation des muscles ; elle est produite dans des conditions bien
déterminées, compression des nerfs et des vaisseaux avec arrêt plus ou moins pro-
nonce de la circulation : elle n'est que passagère et disparait dès que l'on cesse la
compression. Dans la DII, l'augmentation des secousses d'ouverture s'observe dans
des muscles et non dans l'excitation du nerf; les contractions ainsi obtenues
sont aussi modifiées dans leur forme et se montrent plus ou moins lentes; enfin ces
altérations de l'excitabilité d'ouverture se montrent plus ou moins durables, se prolon-
gent des jours, des semaines, parfois des mois : elles paraissent sous la dépendance de
1 l'yperexcitabilite galvanique des muscles existant à cette période de la DU.
[E. HUET ]
1252 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
une période terminale ou de déclin, que l'on doit envisager d'une façon
différente suivant que les lésions originelles, causes de la DR, abou-
tissent à la réparation ou suivant qu'elles laissent une destruction
définitive.
Dans le premier cas, lorsque les lésions se réparent, on constate que
les altérations de l'excitabilité électrique, qui caractérisent la DR, s'atté-
nuent peu peu, et quand la DR était complète on voit une DR partielle
lui succéder. L'excitabilité faradique et l'excitabilité galvanique du nerf,
qui étaient abolies, reparaissent d'abord et augmentent peu à peu, mais
elles restent longtemps, souvent même très longtemps, plus ou moins
diminuées. L'excitabilité galvanique des muscles à cette période de la DR
est habituellement assez diminuée ; ses altérations qualitatives, lenteur
des contractions, modifications de l'excitabilité polaire, prédominance de
l'excitabilité longitudinale sur l'excitabilité au point d'élection, persistent
encore un certain temps, mais elles s'atténuent peu à peu, les contractions
deviennent manifestement moins lentes, puis elles se montrent tissez
vives et finalement reprennent une vivacité sensiblement normale;
l'inversion polaire s'atténue également, au lieu que PFC prédomine sur
NFC elle lui devient égale puis inférieure comme dans l'état normal.
En même temps que l'excitabilité galvanique des muscles reprend ses
caractères normaux, au niveau du point d'élection, l'excitabilité longitu-
dinale se modifie aussi et se rapproche de l'état normal, elle perd sa
prédominance, et les contractions auxquelles elle donne lieu redeviennent
vives. Il importe d'ailleurs de savoir que, dans les cas où la DR aboutit
à la réparation, la motilité volontaire reparaît bien avant la disparition
de la DR; on voit souvent la motilité volontaire assez bien revenue, alors
que persistent encore les altérations qualitatives de la Dit; plus tard,
quand celles-ci ont aussi disparu, la motilité volontaire est souvent
redevenue bonne, alors que l'excitabilité faradique et l'excitabilité
galvanique se montrent encore assez diminuées, parfois même très
diminuées non seulement sur le nerf, mais aussi sur les muscles, souvent
plus diminuées dans l'excitation des muscles que dans l'excitation du
nerf, et, à ce moment, l'excitabilité galvanique est souvent plus diminuée
que l'excitabilité faradique.
Lorsque les lésions qui ont donné lieu à la DR ne se réparent pas et
restent définitives, l'excitabilité galvanique des muscles, la seule qui
persistait, continue à s'affaiblir de plus en plus, au point que les altéra-
tions qualitatives de la DR deviennent moins apparentes, PFC conserve
généralement un certain temps encore la prédominance sur NFC, niais
les contractions sont tellement faibles que leur lenteur devient moins
appréciable; puis les contractions disparaissent à NF et plus tard elles
disparaissent aussi à PF, même avec les courants les plus forts qu'on
puisse faire supporter, 25 ou 50 m. A, ou même davantage. L'excita-
hilité longitudinale persiste plus longtemps que l'excitabilité au point
d'élection, mais elle devient de plus en plus faible et elle finit par dispa-
RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE. 1255
raitre à son tour. Il est des cas, cependant, où plusieurs années après
son apparition la DR est encore reconnaissable par les altérations de
l'excitabilité longitudinale et par des traces d'altérations qualitatives de
l'excitabilité au point d'élection.
La DR partielle, d'emblée lorsque les lésions qui lui donnent lieu ne
sont pas très intenses, suit aussi une évolution comparable en beaucoup
de points à celle de la DR complète. A une période assez rapprochée de
son début l'excitabilité galvanique des muscles est souvent augmentée,
pendant un certain temps, ce qui forme contraste avec l'excitabilité
faradique des muscles et avec l'excitabilité faradique et galvanique du
nerl' conservées niais plus ou moins diminuées. Les lésions qui donnent
lieu il cette DU partielle dans les processus aigus aboutissent généra-
lement à une réparation plus ou moins complète, par conséquent les
altérations qualitatives de l'excitabilité galvanique des muscles qui
caractérisent aussi cette DR disparaissent quand la réparation est assez
avancée, ce qui se produit beaucoup plus rapidement que dans les cas de
DR complète, en quelques mois le plus généralement. La diminution de
l'excitabilité faradique et galvanique du nerf et des muscles persiste
souvent assez longtemps aussi après le retour de la motilité volontaire
et elle est souvent plus marquée sur les muscles que sur le nerf.
f 11 est des cas, cependant, où la DR partielle, développée avec un
processus aigu ou subaigu, n'aboutit pas à la réparation. On la voit
persister longtemps, augmentant souvent en gravité et linissant par se
transformer en DR complète. On observe plus particulièrement cette
évolution de la DR dans les affections nerveuses à marche progressive,
comme la sclérose latérale ainyolrophique, certaines myélites ou méningo-
myélites, la syringomyélie, etc. y
Des syndromes de dégénérescence dans les processus chroniques
Dans les maladies du système nerveux qui portent sur les neurones
moteurs périphériques et se développent en suivant un processus chro-
nique, l'excitabilité électrique est souvent altérée dans le sens de la
réaction de la dégénérescence. Mais, par suite de la longue durée du
processus, du développement lent des lésions et de leur progression
graduelle, l'excitabilité électrique ne se trouve modifiée que peu à peu et
ne laisse pas toujours reconnaître facilement les altérations caracté-
ristiques de la DR qui se montrent si nettes dans les processus aigus. Le
plus souvent, cependant, on trouve des traces plus ou moins marquées
de ces altérations dans une partie au moins des territoires nerveux atteints
par la maladie, ou bien si on n'en a pas trouvé à un premier examen on
en peut trouver il un examen ultérieur pratiqué quelques semaines ou
quelques mois après. Il y a donc intérêt dans ces cas à renouveler de
temps à autre l'exploration électrique.
Considérons seulement pour l'instant un muscle ou un groupe de
[E HUET]
1254 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
muscles atteints. Au début de leur envahissement on constate parfois une
augmentation de l'excitabilité électrique par leur excitation directe et par
leur excitation indirecte avec les courants faradiques et avec les courants
galvaniques. Cette augmentation de l'excitabilité électrique fait place plus
ou moins rapidement à de l'hypoexcitabilité, et de plus on peut constater
assez souvent la présence d'une DR partielle caractérisée de la façon
déjà dite. A mesure que les lésions progressent l'hypoexcitabilité s'accentue,
la DR partielle peut faire place à de la DR complète; souvent alors
les altérations qualitatives de l'excitabilité galvanique se montrent moins '
nettes, les contractions musculaires produites étant devenues très faibles
leur lenteur n'est pas toujours très marquée, mais assez fréquemment il
existe de l'inversion ou de l'équivalence polaire. Plus tard enfin, l'hypo-
excitabilité aboutit à de l'inexcitabilité. Cette dernière se montre plus ou
moins rapidement suivant la nature de l'affection et suivant la marche
des lésions; dans certains cas elle peut déjà exister en quelques mois;
dans d'autres elle met beaucoup plus longtemps à s'établir. Parfois
même elle n'existe pas encore après de nombreuses années; on pourrait
citer comme exemples certains muscles plus ou moins atrophiés par le
fait de la poliomyélite antérieure chronique ou de la syringomyélie.
ou de l'atrophie Charcot-Marie; on peut voir, dans cette dernière maladie
en particulier, des muscles atteints depuis dix ans ou même davantage,
présenter encore des manifestions de DR partielle atténuées mais 1'1'1'011-
naissables ; dans des cas semblables j'ai rencontré l'excitabilité faradique
et l'excitabilité galvanique du nerf très diminuées mais non abolies,
l'excitabilité faradique des muscles abolie ou extrêmement diminuée tandis
que leur excitabilité galvanique était mieux conservée quoique fortement
diminuée, les contractions produites étaient peu lentes ou mêmeiasstv,
vives, mais l'inversion polaire était bien accusée.
Les manifestations de DR partielle ou complète ne sont d'ailleurs pas
toujours aussi appréciables qu'il vient d'être dit. dans les processus
chroniques. Les muscles, en effet, ne sont souvent pas altérés au même degré
dans leur totalité, ou dans leur plus grande partie ; les lésions, au con-
traire, les envahissent pour ainsi dire fibres par libres; de là il résulte
qu'au début les réactions des fibres musculaires altérées qui devraient
manifester de la DR se trouvent masquées par les réactions des fibres
restées saines; ces conditions ne permettent de constater que de l'hypo-
excitabilité simple plus ou moins marquée. Plus tard, quand les fibres
d'abord indemnes s'altèrent il leur tour, les fibres les premières atteintes
sont assez atrophiées pour être devenues à peu près inexcitables; delà
une très grande hypoexcitahilité clans l'ensemble du muscle ne permettant
pas de constater d'une façon bien nette les altérations qualitatives
caractérisant la DU.
Le plus souvent, cependant, lorsqu'on a à examiner les réactions
électriques dans les affections à processus chronique devant entraîner de
la DR, on peut constater l'existence de celle-ci sur un certain nombre
RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE AU POINT DE VUE DU DIAGNOSTIC. il
de muscles, quand la maladie n'est pas trop ancienne. Les muscles, en
effet, se trouvant altérés à des époques différentes, un certain nombre
d'entre eux peuvent être déjà assez peu excitables pour que la DR n'y soit
pas constatable à la période d'état ; mais, sur d'autres, le processus étant
moins avancé, les réactions électriques se trouvent encore suffisamment
développées pour que l'on puisse constater des manifestations de DR plus
ou moins accusées. Il peut arriver aussi que la DU, difficile à constater a
un moment, soit plus facilement reconnaissable quelques semaines ou
quelques mois après. Dans le processus chronique de la maladie, l'évo-
lution prend parfois à certains moments des allures plus actives, et sur
les muscles envahis à cette époque la DR se montre souvent plus
manifeste.
SIGNIFICATION DE LA RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE
AU POINT DE VUE DU DIAGNOSTIC
La DR a une grande valeur au point de vue du diagnostic. Elle indique
qu'il existe des lésions du neurone moteur périphérique. File ne permet
pas de reconnaître directement par elle-même, dans l'état actuel de
nos connaissances, si les lésions ont pour origine les cellules des neu-
rones moteurs (cornes antérieures de la moelle, noyaux du bulbe et de
l'isthme de l'encéphale), ou les racines nerveuses motrices qui en
partent, ou les fibres nerveuses dans les plexus, ou les nerfs dans leur
trajet périphérique. En quelque point, en eflet, que le, neurone soit
primitivement lésé, on voit apparaître les manifestations de la DR
£ de la façon que nous avons vue.
. Dans bien des cas, cependant, on peut arriver à reconnaître d'une
manière indirecte le siège originel de la lésion en étudiant la répartition
topographique de la DR. Lorsque celle-ci se trouve exactement limitée
à un ou plusieurs territoires nerveux périphériques, il est vraisemblable
d'admettre des lésions portant sur le nerf ou sur les nerfs correspon-
dants. Lorsqu'elle se trouve localisée dans un territoire d'innervation
radiculaire, le diagnostic se trouve orienté vers des lésions de racines
nerveuses répondant à cette topographie radiculaire. La conclusion
n'est cependant pas toujours aussi rigoureuse dans ce cas que dans le
précédent, parce que des lésions nucléaires peuvent donner lieu aussi à
des localisations affectant plus ou moins une topographie radiculaire :
il est rare, toutefois, que dans les lésions des cornes antérieures, la DR
soit exclusivement localisée à un territoire radiculaire, le plus souvent,
on trouve en même temps des muscles plus ou moins altérés dans
d'autres régions.
Le mode d'évolution de la DR fournit de son côté certains éléments de
diagnostic. En présence d'une DR bien constatée, il y a souvent lieu de
rechercher si l'âge de la DR correspond à l'âge que doivent avoir les
lésions, d'après leur origine supposée. Dans des cas d'accidents du tra-
[E. HUET.]
g 56 ... ' - ' Li;);GTRO-D1AGOSTIG : . .
vail, par exemple, il'est.parfois très important de pouvoir élucider cette
question. La connaissance des caractères que présente la DR, à ses
diverses périodes, est de nature à éclaircir ce point du diagnostic.
, A d'autres points de vue, la DR donne encore des indications pré-
cieuses. Dans un examen des réactions électriques, on peut trouver sur
certains muscles de la DR à sa période d'état et,sur d'autres muscles de
la- DR à une période plus -avancée : on est en droit de conclure que l'on
se trouve en présence soit d'une affection à évolution progressive,
comme on l'observe dans certaines affections de la moelle, soit d'une
affection procédant par étapes successives, ainsi qu'on le voit dans des
névrites toxiques, telles que la paralysie saturnine dans certaines de
ses formes. En rapprochant ces données de l'électro-diagnostic des
autres données fournies par l'examen clinique, on peut souvent formuler
un diagnostic précis.
Puisque la DR est une expression symptomatique de lésions des neu-
rones moteurs périphériques, il est facile de voir dans quelles affections
du système nerveux elle doit se rencontrer et dans quelles autres affec-
tions elle doit manquer. -
Dans les maladies de l'encéphale elle fait habituellement défaut; ainsi
on ne la rencontre pas. dans les paralysies cérébrales par hémorragies,
par ramollissements ou par tumeurs. Dans ce dernier genre de paralysies,
cependant, si la DR fait toujours défaut au niveau des membres, elle
peut exister sur le territoire des nerfs craniens, lorsque ceux-ci se
trouvent irrités ou comprimés par la tumeur en quelque point de leur
trajet.
Dans les lésions de la protubérance et du bulbe, la DR fait défaut
également du côté des membres paralysés, mais elle peut exister sur
des nerfs craniens, même dans des cas d'hémorragie ou de ramollis-
sement, si les noyaux moteurs de ces nerfs ou les fibres radiculaires qui
en partent se trouvent intéressés par le foyer de la lésion. En pareil cas,
la localisation périphérique de la DR contribue à faire localiser le siège
de la lésion centrale.
La DR se rencontre aussi dans les lésions des noyaux bulbaires qui
donnent lieu à la paralysie lal)io-glosso-laryiigée; elle n'est pas toujours
facile à reconnaître dans ces cas, et, le plus souvent, elle présente les
caractères et les allures que nous lui avons vu affecter dans les processus
chroniques.
La. DR se rencontre dans les maladies de la moelle qui atteignent les
cornes antérieures, soit directement, poliomyélite antérieure aiguë,
sclérose latérale amyotrophique, poliomyélite antérieure chronique, soit
par extension de voisinage, hématomyélie, syringomyélie. Elle se ren-
contre encore lorsque les racines antérieures des nerfs se trouvent
atteintes, comme dans les radiculites produites par la méningite cérébro-
spinale, dans les irritations ou les compressions produites par les pachy-
méningites, les tumeurs, les fractures et les luxations de la colonne
RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE .AU POT ^W'Du'DIAGN0^C. 12o7
% ? <y
vertébrale. La DR, au contraire, fait déf ? St m s cas où les
cornes antérieures et les racines antérieures se trouvent indemnes ou
suffisamment épargnées, dans un grand nombre de compressions de la
moelle, dans les myélites diffuses et non systématisées, telles que les
myélites transverses et la sclérose en plaques et dans les myélites
systématisées qui ne portent que sur les cornes postérieures et sur les
faisceaux des cordons blancs, telles le tabès (*), l'ataxie cérébelleuse, la
maladie de Little.
11 y aurait intérêt à rechercher comment la DR se comporte dans les
maladies de la moelle suivant leur nature; nous ne donnerons sur ce
point que les principales indications.
Dans la poliomyélite antérieure aiguë (paralysie infantile et paralysie
spinale antérieure de l'adulte), la DR se présenté avec ses caractères
d'acuité bien accusés. En rapport avec le degré des lésions, elle se
montre complète dans la sphère de distribution des cellules des neurones
profondément lésées, partielle seulement sur les muscles correspondant
à des cellules moins altérées; elle fait défaut sur les muscles qui, bien
que momentanément paralysés, répondent à des cellules peu touchées.
(Dans les radiculites occasionnées par la méningite cérébro-spinale, la
DU affecte souvent des allures assez semblables ; elle suit un processus
aigu; suivant le degré des lésions radiculaires elle est complète ou
seulement partielle, ou bien il n'existe que de l'hypoexcitabilité simple;
la DR aboutit souvent aune meilleure réparation que dans la poliomyélite ;
la réparation cependant peut être incomplète, soit en raison du degré des
lésions des racines, soit par suite de lésions nucléaires concomitantes).
Dans la sclérose latérale amyotrophique, la DR n'apparaît souvent
qu'un certain temps après le début de la maladie, tantôt avec les carac-
tères de la DR des processus aigus, tantôt avec des caractères plus
effacés, comme dans les processus chroniques; elle procède aussi par
étapes successives, apparaissant sur de nouveaux muscles ou sur de
nouveaux territoires nerveux, à intervalles plus ou moins éloignés, de
sorte qu'au moment d'un examen, on la trouve à des périodes différentes
de son évolution suivant les régions et les muscles examinés.
Dans la poliomyélite antérieure chronique, les manifestations de DR
ne sont pas toujours facilement reconnaissables en raison du développe-
ment lent des altérations nucléaires et neuro-musculaires ; très souvent,
cependant, on constate la présence d'une DR plus ou moins caractérisée
sur des muscles en voie d'atrophie, alors que sur d'autres muscles plus
altérés la DR se montre très avancée dans son évolulion ou même a fait
place à de l'inexcitabilité complète.
Dans les lésions des nerfs, médicales ou chirurgicales, la DR s'observe
1. Dans certains cas de tabes on rencontre des atrophies musculaires plus ou moins
localisées, accompagnées de DR ; celle-ci est en rapport dans ces cas soit avec des lésions
étendues aux cellules des cornes antérieures, soit avec des lésions de racines nerveuses,
soit avec des lésions de nerfs périphériques.
' [E. HUET.]
1258 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
communément dès que les altérations nerveuses sont un peu prononcées.
On la rencontre habituellement dans les lésions des nerfs résultant de
traumatismes : section, piqûre, écrasement, contusion, compression,
élongation. La DR se développe encore lorsque les nerfs se trouvent
irrités ou comprimés par des lésions de voisinage, tumeurs, fractures,
cicatrices, foyers de suppuration, injections irritantes (éther, alcool,
cocaïne, huile camphrée, etc.) pénétrant dans le nerf ou seulement
l'avoisinant. Les brûlures, les gelures peuvent donner lieu à des lésions
des nerfs entraînant de la DR. Le froid agit encore en provoquant des
névrites avec DR, paralysies dites a frigorie et paralysies rhumatismales.
Dans la plupart de ces cas, la DR est celle des processus aigus, tantôt
complète, tantôt partielle, suivant la gravité des lésions nerveuses; dans
quelques autres, elle allecte les allures de la DR des processus chroniques
ou des processus subaigus : alors elle peut être partielle d'abord, coni-
plète ensuite, comme dans les cas ûe compressions ou d'irritations persis-
tantes et progressives.
Les névrites toxiques, névrites alcooliques, saturnines, arsenicales,
hydrargyriques, sulfo-carhonées, etc., entraînent généralement de la DR
suivant le plus habituellement un processus aigu, plus rarement un
processus subaigu ou chronique. La DR prend dans ces cas la ferme
partielle ou la forme complète, suivant la gravité des lésions. Dans
quelques cas de paralysies toxiques la DR fait défaut; elle manque, par
exemple, dans des paralysies sulfo-carbonées légères, mais elle se
rencontre dans des cas plus graves. Dans la plupart de ces paralysies
toxiques, la DR se localise plus particulièrement sur certains territoires
nerveux ou sur certains groupes musculaires, faisant défaut ou ne se
manifestant que sous une forme plus atténuée sur d'autres muscles qui
sont cependant plus ou moins affaiblis. La nature de l'intoxication déter-
mine souvent une localisation plus particulière de la 111t; ainsi elle siège
plus spécialement sur les extenseurs des doigts dans les névrites satur-
nines, sur les extenseurs des orteils et sur le quadriceps fémoral dans
les névrites alcooliques.
Dans les névrites infectieuses, la DR est habituelle, paralysies consé-
cutives à la diphtérie, à certaines angines, la lièvre typhoïde, aux lièvres
éruptives, variole, scarlatine, rougeole, aux oreillons, au typhus eianthé-
matique, à la pneumonie, névrites tuberculeuses, syphilitiques, gonococ-
ciennes, névrites de la lèpre, du béribéri, etc. Parfois cependant la DU
peut manquer ou n'être que peu accusée et peu étendue; c'est ce qu'on
observe, par exemple, clans certaines formes de paralysies diphtériques,
alors que dans d'autres, la DR est bien prononcée; les premières sont,
généralement légères et elles guérissent beaucoup plus rapidement que
les dernières.
Les névrites toxiques et infectieuses se montrent parfois très étendues
et se développent avec un cortège de symptômes aigus, telles certaines
polynévrites alcooliques, tuberculeuses, grippales, ou encore des polyné-
RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE AU POINT DE VUE DU DIAGNOSTIC. 1259
vrites d'étiologie assez mal déterminée, attribuables souvent à des auto-
intoxications. Leur diagnostic avec d'autres affections du système ner-
veux comme la poliomyélite antérieure aiguë, ou les radiculites de la
méningite cérébro-spinale, n'est pas toujours facile; parfois la topographie
de la DR fournit un élément assez important pour ce diagnostic. Mais
il n'en est pas toujours ainsi; souvent, en effet, dans ces polynévrites, la
DR ne se trouve pas régulièrement répartie dans tous les territoires
nerveux périphériques atteints, et les autres conditions cliniques et étio-
logiques doivent intervenir pour permettre d'établir le diagnostic.
Les névrites dyscrasiques, comme celles observées dans le diabète,
déterminent le plus souvent de la DR plus ou moins prononcée. Celle-ci
peut faire défaut dans les formes légères de ces paralysies.
Dans les affections primitives des muscles, il est de règle que la DR
fasse défaut. Ainsi on ne l'observe pas dans les diverses formes de la
myopathie, paralysie pseudo-hypertrophique, myopathie facio-scapulo-
humérale du type Landouzy-Dejerine, myopathie scapulo-humérale du
type Erb, atrophie musculaire du type Leyden-Mobius, etc. Dans ces
diverses myopathies, les altérations de l'excitabilité sont surtout quan-
titatives. Dans quelques cas, cependant, on a signalé des altérations de
l'excitabilité électrique ressemblant plus ou moins aux altérations de la
DR soit par une lenteur plus ou moins accusée des contractions mus-
culaires, soit par des modifications de la formule polaire de l'excitation.
Dans les paralysies et atrophies musculaires réflexes d'origine articu-
laire ou on n'observe pas la DR.
Dans les troubles moteurs des névroses, hystérie, neurasthénie, chorée,
myoclonies, la DR fait défaut. Dans les quelques cas de paralysies ou
d'atrophies musculaires observées chez des hystériques où la DR a été
signalée, il semble qu'il s'agissait d'associations pathologiques. Person-
nellement, toutes les fois que j'ai rencontré la DR chez des hystériques,
des associations morbides, telles que hématomyélies, névrites ou autres
affections comportant la DR dans leur symptomatologie habituelle, étaient
reconnaissables.
SIGNIFICATION DE LA RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE
AU POINT DE VUE DU PRONOSTIC .
La DR fournit souvent d'importantes indications pour le pronostic. Ace
point de vue, cependant, la signification de la DR n'est pas absolue. La DR
complète, en effet, n'indique pas toujours un pronostic plus grave que
la DR partielle; et réciproquement la DR partielle ne correspond pas tou-
jours il un pronostic plus favorable que la DR complète. La valeur pronos-
tique de la DR n'est que relative; elle est subordonnée à la cause et à la
nature des lésions. Avec une lésion curable par sa nature, la guérison
peut se produire malgré la présence de la DR complète. On l'observe, par
exemple, dans les lésions traumatiques des nerfs, si le bout périphérique
[E. HUET.]
1200 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
du nerf a conservé ses rapports avec le bout central ; mais, en pareil cas,
on peut prévoir une guérison tardive, n'apparaissant qu'après de longs
mois, souvent même une ou plusieurs années. La DR partielle, avec de
semblables lésions, indique une guérison possible en un temps beaucoup
plus court, de quelques mois à une année : et l'absence de DR permet de
compter sur une guérison beaucoup plus rapide encore.
Lorsque la DR est sous la dépendance d'une cause qui persiste et
qui peut continuer à se développer, le pronostic doit être très réservé. La
présence d'une Dit seulement partielle ne permet pas de conclure il
une guérison certaine et plus ou moins rapide; elle indique des lésions
moins accentuées qu'une DU complète, mais avec la persistance et le
développement de la cause originelle, on peut voir la lésion des neurones
s'aggraver et la DR partielle remplacée par une DR complète, par exemple
dans certains cas de compression des nerfs, notamment dans les com-
pressions produites par des tumeurs. L'électrodiagnostic, en pareils cas,
peut fournir cependant encore d'importantes indications en le répétant il
plusieurs semaines ou à plusieurs mois d'intervalle ; une DR complète
succédant à une DR partielle indique une aggravation des lésions; au
contraire une DR partielle remplaçant une DR complète indique une
rétrocession des altérations nerveuses.
Dans les affections nerveuses d'ordre plus spécialement médical on
doit faire valoir des considérations analogues. Dans les affections il marche
progressive, comme la sclérose 1;U ? rale muyotropliiyne, la syringomyélie,
la poliomyélite antérieure chronique, etc., la DR partielle indique seu-
lement des altérations nerveuses moins accentuées que la DR complète,
mais elle ne permet pas de préjuger de l'avenir, puisque le plus souvent les
lésions continuent à se développer, ou que, pour le moins, elles restent
définitivement acquises, ainsi qu'on l'observe parfois dans des syringo-
myélies s arrêtant plus ou moins longtemps dans leur évolution.
S'il s'agit d'affections dont la cause n'est que transitoire, l'absence ou
la présence de la DR d'une part, le degré de la DR d'autre part, ont. une
signification importante pour le pronostic. Dans ces cas encore, il y a
lieu de tenir compte de la nature de la maladie et du siège originel des
altérations; ainsi à égalité de développement de la DR le pronostic est
souvent plus grave lorsque les altérations portent primitivement sur les
cellules des neurones que lorsqu'elles portent seulement sur leurs pro-
longements périphériques. Il suffira pour donner quelques exemples, de
passer rapidement en revue la valeur pronostique de la DR dans la
poliomyélite antérieure aiguë, dans les radiculites et dans les polYI1l;-
vrites.
Dans la poliomyélite antérieure aiguë, la présence de la DR complète
indique des altérations graves, ne permettant pas d'espérer une bonne
réparation des neurones et des muscles; une amélioration n'est pas com-
plètemcnt impossible mais la réparation reste toujours très imparfaite et
ne se produit que lentement après de nombreux mois, souvent plusieurs
RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE AU POINT DE VUE DU PRONOSTIC. 1201 1
années; la DR seulement partielle indique des lésions moins graves,
aboutissant après un temps assez long, plusieurs mois au moins, souvenl
une année, parfois davantage, à une réparation meilleure, bien qu'incom-
plète assez souvent; de simples altérations quantitatives, sans DU, indi-
quent des lésions légères ou des troubles passagers, disparaissant assez
rapidement et ne laissant guère de traces après quelques semaines.
Dans la polynévrite, le pronostic de la DR complète est souvent moins
grave; la réparation, en effet, peut se faire beaucoup mieux que dans les
poliomyélites, mais elle nécessite aussi un temps assez long, atteignant
une année ou davantage ; parfois aussi la réparation n'est que très impar-
faite et la présence de la DR complète oblige à un pronostic assez réservé
dans les premiers temps ; plus tard seulement, au bout de quelques mois,
suivant la façon dont évolue la DR dans le sens soit de la non-réparation,
soit au contraire d'une réparation plus ou moins accentuée, le pronostic
peut être posé plus sûrement. La DR partielle dans les polynévrites
indique des altérations généralement curables, dont la durée peut être
prévue d'après le degré de la DR partielle ; plusieurs mois au moins sont
nécessaires, même dans les cas les plus favorables, pour que la guérison
se produise. Quand la DR fait défaut et qu'il n'existe que de simples
altérations quantitatives de l'excitabilité électrique, la réparation est
^beaucoup plus rapide et peut être bonne en quelques semaines.
... Dans les radiculites, la signification pronostique de la DR tient pour
ainsi dire l'intermédiaire entre sa signification dans les poliomyélites et
sa signification dans les polynévrites. Même avec de la DR complète la
réparation se fait généralement mieux que dans les poliomyélites ; elle
n'est cependant pas toujours totale ; souvent elle se montre moins bonne
que dans les polynévrites, soit en raison de lésions concomitantes des
cellules des neurones, soit par le fait d'altérations produites secondaire-
ment sur ces cellules, l'une et l'autre de ces conditions paraissant plus
fréquentes dans les radiculites que dans es polynévrites.
La signification pronostique de la DR est donc subordonnée au diag-
nostic : elle ne peut être établie avec quelque certitude que lorsqu'on a
reconnu la nature de la maladie et lorsque la cause qui a donné lieu à la
DR n'est plus persistante et n'est plus active. De plus, pour poser le pro-
nostic, il importe d'attendre que les altérations de l'excitabilité électrique
aient eu le temps de se produire; dans les jours qui suivent une lésion
nerveuse ou l'invasion d'une maladie atteignant les neurones, on
peut prévoir le développement de la DR par les modifications quantita-
tives de l'excitabilité électrique, mais on ne la reconnaîtra d'une façon
positive et on ne pourra juger de sa forme et de son degré qu'après
deux il trois semaines. C'est à partir de ce moment seulement qu'on
pourra tirer les conclusions qu'elle comporte au point de vue du pronos-
tic ('). Ainsi, pour prendre un exemple souvent cité, dans les paralysies
1. Dans certains cas de lésions des neurones moteurs périphériques susceptibles d'en-
traîner de la DR avec processus aigu, on observe de bonne heure, dès les premières
[E. HUET.] ]
t262 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
faciales dites a frigore ou rhumatismales, et dans les paralysies faciales
d'origine infectieuse, la DR complète indique une paralysie grave, qui
ne guérira certainement pas avant six mois, un an ou même davantage,
qui, peut-être aussi, ne guérira pas complètement et qui expose au déve-
loppement d'une contracture secondaire plus ou moins prononcée. La
DR partielle indique une paralysie de moyenne intensité devant guérir
vraisemblablement dans l'espace de six mois à un an, et dans laquelle la
contracture secondaire peut être souvent évitée. L'absence de DR indique
une paralysie légère, devant guérir rapidement en quelques semaines
et n'exposant pas à de la contracture secondaire. Le même pronostic ne
saurait être établi pour des paralysies faciales dont la cause peut être
persistante, comme les paralysies faciales d'origine otitique, les paralysies
faciales par compression produites par des tumeurs de la parotide, de la
base du crâne ou de l'encéphale, etc. ; si la cause a cessé d'agir le même
pronostic peut se vérifier ; si au contraire, la cause persiste et continue
son action nocive, une paralysie légère peut faire place il une paralysie de
moyenne intensité, ou celle-ci à une paralysie plus grave.
RÉACTION MYOTONIQUE f
La réaction myotonique (My R) constitue un autre syndrome électrique
présentant sous quelques rapports, de légères ressemblances avec la DR;
mais elle en diffère par de nombreux caractères et par sa signification.
Certaines altérations de l'excitabilité électrique avaient été signalées déjà
dans des observations de maladie de Thomsen (myotonie congénitale),
mais la réaction myotonique n'est bien connue que depuis 1885, époque
à laquelle Erb a groupé et mis en relief ses divers caractères.
Les caractères les plus importants de la réaction myotonique sont
fournis, comme dans la réaction de dégénérescence, par les altérations
de l'excitabilité des muscles. Les contractions provoquées par l'excitation
électrique des muscles deviennent, en effet, facilement toniques et plus
ou moins persistantes : elles se prolongent au delà de l'excitation pendant
un temps variable souvent assez long. De plus, dans certaines conditions,
les contractions ainsi provoquées ne sont pas régulièrement soutenues,
mais elles se trouvent soumises à des oscillations alternativement crois-
santes et décroissantes; ces contractions ondulatoires des muscles ne
semaines parfois, une grande diminution de l'excitabilité galvanique des muscles associée
il une grande diminution ou à l'abolition de l'excitabilité faradique; en même temps les
modifications qualitatives de l'excitabilité galvanique des muscles sont atténuées, la le»-
teur des contractions n'est pas très prononcée et l'inversion polaire peut. être peu accusée.
J'ai observé cette forme de DR non seulement dans des lésions de nerfs périphériques mais
encore dans des lésions des racines nerveuses et dans des lésions des cornes antérieures;
elle comporte une signification pronostique plus favorable que la forme commune de la
DR dans laquelle, il cette période, l'excitabilité galvanique des muscles est bien conservée
en quantité, souvent même augmentée, avec altérations qualitatives très prononcées ; la
motilité volontaire reparaît en général plus tel et finalement la réparation est plus rapide
et souvent plus complète.
RÉACTION MYOTONIQUE. 1265
sont pas constantes, mais, quand elles existent, elles constituent un
caractère assez important de cette réaction.
Dans la réaction myotonique les modifications de l'excitabilité électrique
ne se comportant pas exactement de la même façon sm les nerfs et sur
les muscles, il convient, pour prendre une idée plus complète de cette
réaction, de passer en revue les modifications de l'excitabilité électrique
des nerfs et les modifications de l'excitabilité électrique des muscles ; il
y a aussi intérêt à considérer par comparaison les modifications de l'exci-
tabilité mécanique des nerfs et des muscles.
Nerfs. L'excitabilité électrique des nerfs est relativement peu
modifiée. Leur excitabilité faradique reste sensiblement normale en
quantité. Avec des chocs faradiques isolés elle reste aussi sensiblement
normale en qualité, si forts que soient les courants. Avec des courants
tétanisants (courants à intermittences fréquentes) le tétanos musculaire
ne persiste pas au delà de l'excitation, lorsqu'il s'agit des excitations
minimales; en augmentant l'énergie des courants on voit la contraction
persister un temps appréciable après l'interruption du courant excitateur.
L'excitabilité galvanique des nerfs reste de même sensiblement normale
en quantité et n'est que peu altérée en qualité ; c'est tout au plus si on
observe un peu de retard dans l'apparition de N F Te; cependant, en
sommant les excitations par la répétition fréquente des fermetures du
courant, ou encore avec des courants labiles, on peut observer aussi la
persistance des contractions.
Muscles. Dans l'excitation directe des muscles les modifications
caractéristiques de l'excitabilité électrique apparaissent avec tout leur
développement. L'excitabilité faradique des muscles est souvent aug-
mentée et elle est modifiée dans ses qualités. Avec les chocs faradiques
isolés et avec les excitations minimales des courants tétanisants, les
contractions restent sensiblement normales. Avec des courants tétani-
sants plus forts la persistance des contractions apparaît ; au moment où
on interrompt le courant excitateur, le muscle ne revient pas immédiate-
ment à l'état de repos, il ne se décontracté que lentement, et sa
décontraction n'est complète qu'après un temps variable, de quelques
secondes à une minute ou davantage, suivant les cas. Lorsque les courants
tétanisants sont forts et un peu prolongés, la contraction tétanique du
muscle n'est pas toujours continue et régulière, mais elle s'accompagne
parfois de mouvements ondulatoires plus ou moins fréquents non seule-
ment pendant le temps de l'excitation, mais encore pendant la dècoutiac-
tion lente qui la suit.
Eu renouvelant convenablement avec les courants faradiques les
excitations du muscle, on voit la répétition des excitations produire le*
mêmes effets que la répétition des mouvements volontaires : le spasme
myotonique diminue peu il peu et finit même par disparaître, de sorte
que la contraction ne persiste plus au delà de l'excitation et la décontrac-
tion s'effectue rapidement.
ff R ! 'rE1\
J2H4 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
Pour observer ce résultat il faut, si l'on emploie des courants fara-
diques tétanisants (courants à intermittences fréquentes) prendre des
courants d'énergie modérée et répéter des excitations assez courtes, de
quelques secondes de durée seulement, en laissant entre chaque excita-
tion un intervalle de repos de quelques secondes également. On peut
observer le même résultat avec des courants à intermittences semi-fré-
quentes ne provoquant dans l'état normal qu'un tétanos incomplet. Dans
le cas de réaction myotonique, si l'on prolonge quelque temps l'excitation,
on voit se produire d'abord un spasme myotonique avec tétanisation plus
complète qu'elle ne le serait dans l'état normal, puis le spasme rnyoto-
nique se résout peu à peu, la tétanisation du muscle devient moins
complète, et les secousses plus ou moins fusionnées prennent l'étendue
qu'elles auraient dans l'état normal. On observe encore un effet sem-
blable avec des courants il intermittences assez peu fréquentes qui, dans
l'état normal, provoquent des secousses musculaires rapprochées mais
distinctes les unes des autres; dans le cas de réaction myotonique, on
voit souvent ces courants produire au début de l'excitation une tétanisa-
tion incomplète, puis celle-ci se résout peu à peu et les contractions
deviennent distinctes et séparées les unes des autres comme elles
l'auraient été dans l'état normal dès le début de l'excitation.
L'excitabilité galvanique des muscles est généralement un peu
augmentée; des courants de faible intensité, un quart, un demi, un
milliampère, provoquent souvent des contractions et l'excitation s'étend
facilement aux muscles voisins. Au point de vue qualitatif, l'action de
l'anode devient souvent égale ou un peu supérieure à celle de la cathode,
rappelant ainsi ce qu'on observe dans la réaction de dégénérescence.
Cette action prédominante de. l'anode n'existe pas toujours, cependant,
pour les excitations minimales; elle est souvent plus manifeste et
plus constante, avec les excitations un peu plus fortes, pour la produc-
tion des contractions toniques et persistantes.
Les contractions se trouvent, en effet, modifiées dans leur forme : au
seuil de l'excitation, les contractions restent quelquefois assez brèves,
mais avec des courants un peu plus intenses les contractions deviennent
bientôt toniques, surtout à la fermeture de l'anode, et persistent, meute
après l'ouverture du courant, un temps variable de quelques secondes il
une demi-minute, ou même davantage. La lenteur et la tonicité des
contractions sont généralement les plus accentuées dans le voisinage de
l'électrode excitatrice, sur les faisceaux musculaires exposés à la plus
forte densité du courant. La répétition des excitations de fermeture, avec
les courants galvaniques, produit les mêmes effets que la répétition des
excitations avec les courants faradiques, c'est-à-dire la diminution pro-
gressive, parfois même la disparition de la lenteur et de la tonicité des
contractions qui redeviennent brèves et sans persistance, si les courants
ont une intensité modérée.
On a dit que dans la réaction myotonique les courants galvaniques
RÉACTION troTOwnrt;. 9s
provoquaient seulement des secousses de fermeture et ne provoquaient
pas de secousses d'ouverture. Cette règle n'est pas absolue; avec des
courants suffisamment intenses, les secousses d'ouverture apparaissent
aussi, surtout avec l'anode et elles se montrent également toniques et un
peu persistantes.
Enfin, avec les courants galvaniques, des courants stables, d'intensité
assez élevée, peuvent provoquer des contractions musculaires rythmiques
et ondulatoires, surtout lorsque les muscles sont parcourus par le courant
dans le sens de leur longueur, c'est-à-dire lorsque l'électrode exploratrice
est appliquée sur le tendon terminal des muscles, ou à l'extrémité des
membres, à la paume de la main ou sur le dos du pied par exemple; on
voit apparaître alors des contractions toniques, irrégulièrement soutenues,
avec oscillations rythmiques qui donnent lieu à des soulèvements ondula-
toires des muscles paraissant suivre une direction déterminée et aller de
la cathode -il l'anode.
Les contractions rythmiques ondulatoires, ainsi provoquées, semblent
d'ailleurs moins constantes que les autres manifestations de la réaction
myotonique. Elles sont parfois difficiles à faire apparaître, car elles ne se
montrent souvent qu'avec des courants assez intenses et assez prolongés
qui ne sont pas toujours suffisamment supportés, en raison des douleurs
qu'ils provoquent. On peut parfois faciliter l'apparition de ces contrac-
tions ondulatoires au moyen de certains artifices : en augmentant et
diminuant à plusieurs reprises l'intensité du courant; en renversant le
sens du courant plusieurs fois et à intervalles rapprochés ; en faisant
glisser les électrodes sur la région ou elles sont appliquées, en répétant
fréquemment l'examen.
Parallèlement aux modifications de l'excitabilité électrique, il existe des
modifications de l'excitabilité mécanique des nerfs et des muscles. Sur
les nerfs, cette excitabilité est plutôt diminuée ; sur les muscles elle est au
contraire augmentée et elle se trouve plus ou moins modifiée dans sa
qualité. Les contractions provoquées par l'excitation mécanique des
muscles se montrent lentes et plus ou moins durables; suivant l'intensité
de l'excitation et aussi suivant l'état des muscles, elles restent localisées
aux faisceaux musculaires percutés ou s'étendent il la totalité du muscle.
La persistance de la contraction varie, suivant les cas, de quelques
secondes à une demi-minute, une minute ou davantage; parfois, pendant
que le muscle opère sa décontraction lente on le voit agité de petits mou-
vements irrégullcrs analogues aux mouvements ondulatoires dont il a été
question à propos des modifications de l'excitabilité électrique. Les
contractions réflexes provoquées par la percussion des tendons sont, au
contraire, généralement vives et sans persistance.
Les modifications de l'excitabilité électrique et mécanique des muscles
dans la réaction myotonique paraissent avoir une origine 111y'01)at11111r1C et
dépendre d'altérations des fibres musculaires. Elles constituent des signes
objectifs important ? pour le diagnostic de la maladie de Thomsen et elles
I HATIQUK \EUItOI..
80
[E. HUET.]
1266 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
permettent d'écarter, quand elles existent, tout soupçon de simulation.
Il convient de se rappeler, quand on recherche la réaction myotonique,
que les troubles de l'excitabilité électrique et mécanique, ainsi que
d'ailleurs les troubles de la motilité volontaire, ne sont pas toujours
également développés en tout temps dans la maladie de Thomscn et qu'ils
peuvent n'apparaitre que d'une façon intermittente, sous l'influence du
froid par exemple. Il faut se rappeler aussi que, pendant l'exploration
électrique, sous l'influence de la répétition des excitations, divers carac-
tères de la réaction myotonique peuvent être atténués; quelques-uns
même peuvent disparaître complètement d'une façon transitoire.
Avec E. Remak on pourrait admettre comme réaction myotonique
incomplète la tendance à l'apparition de la persistance des contractions
aussi bien à NF qu'à PF, avec de faibles courants galvaniques, réaction qui
a été signalée par Eulenburg dans la paramyotonie familiale congénitale
(rigidité transitoire des muscles produite sous l'influence du froid). Cette
interprétation paraît d'autant plus vraisemblable que Delprat a rencontré
dans une même famille, en même temps que des membres atteints de
paramyotonie, d'autres membres atteints de myotonie vraie avec réaction
myotonique complète.
Il ne faut pas considérer comme des manifestations de la réaction
myotonique la persistance des contractions tétaniques que l'on observe
parfois, en dehors même de tout état pathologique, avec des excitations
faradiques fortes, surtout lorsqu'elles sont douloureuses (Erb,). Dans cer-
taines conditions pathologiques, notamment dans des névrites, les con-
tractions tétaniques persistantes produites par de forts courants faradiques,
deviennent très prononcées; divers caractères permettent de les distin-
guer en général des contractions toniques lentes et persistantes de la
réaction myotonique; en effet, dans ces cas, l'excitabilité faradique des
nerfs et des muscles est habituellement diminuée, parfois dans des pro-
portions très grandes ; des courants tétanisants (c'est-à-dire des courants
forts et avec intermittences fréquentes) provoquent seuls ces contractions
tétaniques persistantes; elles sont douloureuses et pendant leur durée le
muscle est très dur, comme contracture et en état de crampe véritable;
les courants avec intermittences assez peu -fréquentes (ZI à 15 par seconde)
ne provoquent pas l'apparition d'un spasme myotonique, suivi bientôt du
retour graduel et progressif des muscles aux conditions de l'excitabilité
normale.
Bien que la réaction myotonique paraisse plus spécialement sous la
dépendance de la maladie de Thomsen, il convient de signaler qu"(dle a
été constatée par Talma, avec tous ses caractères, dans des cas qu il a
décrits sous le nom de myotonie acquise, présentant les mêmes troubles
de la motilité volontaire que la maladie de Thomscn, mais s'en distin-
guant par leur apparition à une époque plus ou moins avancée de la vie
et aussi par leur curabilité.
Dans des troubles de l'appareil musculaire décrits par Schllltzc sous le
RÉACTION MYASTHÉNIQUE. 1267
nom de myokymie (mouvements ondulatoires spontanés des muscles),
des altérations de l'excitabilité électrique des muscles, rappelant quel-
ques-unes des manifestations de la réaction myotonique, ont été constatées,
mais nombre de caractères de la réaction myotonique faisaient défaut.
A la réaction myotonique on pourrait opposer la réaction neurotonique,
ainsi nommée par Marina et E. Remak, qui ont signalé des modifications
de l'excitabilité électrique rappelant par quelques caractères la réaction
myotonique; elles s'en distinguaient par le fait qu'elles se montraient
surtout à l'occasion de l'excitation des nerfs au lieu de dépendre princi-
palement de l'excitation des muscles. La réaction neurotonique reste
encore assez peu définie par ses divers caractères et surtout par les con-
ditions pathologiques dans lesquelles elle se rencontre. (Marina l'a cons-
tatée chez deux hystériques et E. Remak chez un malade présentant des
troubles des mouvements et de l'atrophie musculaire probablement d'ori-
gine myélopathique.)
RÉACTION MYASTHÉNIQUE
Sous le nom de réaction myasthénique Jolly a signalé des troubles de
l'excitabilité électrique observés dans un genre d'affections qu'il a appelées
myasthénie pseudo-paralytique. Ces troubles ont été rencontrés dans les
affections particulièrement étudiées par Erb et Goldflam auxquelles on
donne souvent le nom de paralysie bulbaire asthénique. Il existe dans ces
cas de la parésie plus ou moins prononcée avec fatigabilité rapide des
muscles donnant lieu à un épuisement plus ou moins complet de la moti-
lité volontaire. Les territoires d'innervation bulbaire sont généralement
plus spécialement atteints; les mêmes troubles peuvent exister aussi et
parfois même prédominent dans des territoires d'innervation spinale.
Les modifications de l'excitabilité électrique dans la réaction myastlié-
nique consistent essentiellement en l'épuisement plus ou moins rapide et
plus ou moins complet de cette excitabilité. On les obtient surtout avec
les courants faradiques. Si l'on soumet un nerf ou un muscle à l'excita-
tion d'un courant faradique à intermittences fréquentes, courant tétani-
sant, en prolongeant convenablement cette excitation, on voit la contrac-
tion musculaire s'affaiblir rapidement et graduellement et disparaître
même complètement. Si on augmente alors l'énergie dn courant la
contraction reparait d'abord, mais faible, puis elle continue a s'affaiblir
pour disparaître de nouveau. Si, au lieu d'une excitation tétanisantes
soutenue, on emploie des excitations tétanisantes rythmées, séparées par
des intervalles de repos de quelques secondes, l'épuisement de la contrac-
tion se produit moins rapidement; avec des excitations suffisamment
énergiques, assez prolongées, et plus ou moins répétées, l'épuisement de
la contraction finit cependant par apparaître, au début de chaque
excitation le muscle se contracte, mais le tétanos ne se maintient pas
comme dans l'état normal, il va en s'affaiblissant pendant la durée de
i
. [E. HUET.]
1268 . ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
l'excitation; avec la répétition des excitations la tétanisation musculaire
s'affaiblit de plus en plus et peut même disparaître complètement (') :
. Lorsqu'on a obtenu l'épuisement de l'excitabilité d'un nerf de la façon
qui vient d'être dite il suffit souvent de déplacer l'électrode excitatrice et
de la reporter sur un autre point du nerf pour voir reparaître l'excita-
bilité ; en prolongeant convenablement l'excitation, ou en répétant suffi-
samment les excitations, l'excitabilité s'épuise de nouveau. De même,
lorsqu'on a obtenu l'épuisement d'un muscle excité directement, si l'on
reporte l'électrode excitatrice sur un autre muscle du même territoire
nerveux, on constate la présence de l'excitabilité de ce muscle; généra-
lement aussi on en peut provoquer l'épuisement en prolongeant ou en
répétant les excitations.
Par un repos suffisamment prolongé les nerfs et les muscles, sur les-
quels s'est montré l'épuisement de l'excitabilité, redeviennent excitables.
En renouvelant alors leur excitation on provoque de nouveau l'épuise-
ment de leur excitabilité.
Avec les courants faradiques à intermittences espacées (chocs fara-
diques isolés) l'excitabilité des nerfs et l'excitabilité des muscles ne se
montre guère altérée et on n'obtient pas habituellement d'une façon
appréciable l'épuisement de la contractilité musculaire.
·1. Il ne faudrait pas prendre pour de la réaction myasthénique des troubles de
l'excitabilité électrique qu'on observe parfois dans certaines conditions, notamment
dans des atrophies musculaires plus ou moins prononcées, suites de poliomyélites on de
polynévrites. En pareils cas, il s'agit de muscles dont l'atrophie n'est pas complète et
dont l'excitabilité faradique est conservée, ou a reparu après avoir été momentanément
abolie. Celte excitabilité, toutefois, reste plus ou moins diminuée, et nécessite, pour
être mise en jeu, des courants assez forts. Si l'on excite un nerf animant ces muscles
plus ou moins atrophiés, il peut arriver qu'un muscle voisin de ce nerf se trouve plus
excitable et qu'en se contractant il éloigne l'électrode, excitatrice du nerf excité, dimi-
nuant ainsi l'excitation de ce nerf ou même la faisant cesser complètement. On voit
dans ces conditions les muscles animés par le nerf entrer en contraction au moment
où on établit l'excitation, et aussitôt après leur contraction diminue ou disparait; si,
après avoir interrompu le courant excitateur on le rétablit, les mêmes phénomènes se
reproduisent, et ainsi de même tant qu'on renouvelle les excitations. Lorsqu'au lieu
d'exciter un nerf on excite un muscle, on constate parfois des troubles semblables de
l'excitabilité électrique. En se contractant, le muscle se gonfle et éloigne ainsi l'élec-
trode des rameaux nerveux qui le pénètrent généralement par sa face profonde;
comme c'est au niveau de ces rameaux nerveux que se produit surtout l'excitation fara-
dique du muscle, on comprend ' que des effets semblables il ceux que nous venons de
voir pour l'excitation môme des nerfs puissent se manifester. Il ne s'agit pas en pareil
cas d'uu épuisement de la contraction musculaire comme dans la réaction myasthé-
nique, mais d'un affaiblissement de l'excitation produit par l'éloigncment de l'électrode
des points qui doivent être excités, éloignement faible, mais suffisant dans les condi-
tions actuelles de diminution de l'excitabilité pour produire la diminution ou la cessa-
tion de l'excitation efficace. Dans ces cas, on diminue ou l'on fait même disparaître les
troubles observés en modifiant convenablement les conditions de l'exploration, en ayant
soin, par exemple, de bien placer l'électrode aux points d'élection où l'excitation est la
meilleure, en ayant, soin aussi d'appuyer fortement l'électrode. Enfin, en augmentant
l'énergie du courant excitateur, on peut voir encore diminuer ou disparaître les troubles
dont il s'agit.
NERFS SENSITIFS ET SENSORIELS. 1'I : li'l'IGI, 'UI'l' : IlyUl ? 12Glt
Il en est de même pour les excitations galvaniques de fermeture même
fréquemment répétées; cependant j'ai vu dans un cas de paralysie asthé-
nique grave des excitations galvaniques assez fréquemment réitérées pro-
duire l'épuisement des contractions avec la cathode et avec l'anode; cet
épuisement n'était pas complet, la contractilité musculaire s'affaiblissait
assez rapidement et graduellement, mais elle ne disparaissait pas
complètement.
La réaction myasthénique se rencontre fréquemment dans les para-
lysies asthéniques bulbaires ou hulbo-spinales. Lorsqu'elle est très déve-
loppée l'épuisement de la contractilité musculaire avec les excitations
faradiques suffisamment prolongées peut être complet ; d'autres fois il est
moins complet, les contractions musculaires s'affaiblissent plus ou moins
vite et diminuent graduellement mais ne disparaissent pas tout à fait.
Il convient de rappeler aussi que cette réaction n'est pas constante
dans toutes les paralysies asthéniques; on l'a vue manquer dans des cas
où le syndrome d'Erb-Goldllcun était bien accusé.
Par contre, la réaction d'épuisement a été rencontrée, plus ou moins
prononcée, dans d'autres affections, telles que des paralysies cérébrales
(1 ? enedil;t), des cas de maladie de Basedow, de poliocncéphalites, de
poliomyélites, de paralysies hystériques, de neurasthénies (raumatiques.
On peut la développer artificiellement chez des personnes normales, soit
en anémiant un membre avec la bande d'Esmarch, soit en arrêtant la
circulation veineuse, comme dans la méthode de Bier (Marinesco).
NERFS SENSITIFS ET SENSORIELS - VERTIGE VOLTÀIQUE
Nerfs sensitifs de la peau et nerfs de la sensibilité générale. Le
courant électrique, galvanique et faradique, impressionne comme nous
l'avons déjà vu la sensibilité de la peau, et met en jeu l'excitabilité des
nerfs sensitifs. Avec un courant galvanique, suffisamment intense, on
perçoit normalement, au niveau des points d'application des électrodes,
une sensation de picotement et de chaleur, qui devient une sensation de
brûlure et de douleur souvent très vive lorsque l'intensité et la densité
du courant sont un peu élevées. Cette sensation se produit non seule-
ment à la fermeture du courant, niais elle persiste plus ou moins accusée
pendant la durée de son passage. On l'a rapportée pour une partie à l'ac-
tion des produits acides ou basiques mis en liberté par l'électrolyse, et
pour une partie aussi à l'action propre du courant électrique. Lorsque le
courant atteint le tronc ou un rameau d'un nerf sensitif on d'un neri
contenant des mets sensitifs, la sensation de picotement ou de fourmille-
nient se produit aussi il la périphérie dans la sphère de distribution du
nerf; elle est plus marquée, au moment des états variables du courant, à
la fermeture et a l'ouverture, mais se fait sentir aussi, lorsque le courant
est suffisamment intense, pendant le passage du courant. En dirigeant
leurs recherches sur des personnes analysant suffisamment leurs sensa-
LI : , HLET.7
1270 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
tions, et surtout en opérant sur eux-mêmes, les physiologistes ont trouvé
pour les nerfs sensitifs une formule d'excitation assez semblable à celle
des nerfs moteurs. Ils ont vu ainsi que les effets d'excitation des nerfs
sensitifs se produisent d'ahord à la fermeture : la première sensation est
perçue à NF et elle est de courte durée ; puis, si le courant est plus
fort, la sensation (picotements, fourmillements de direction excentrique)
devient durable tout en diminuant peu à peu pendant NI); puis apparaît
une sensation analogue, courte et plus faible à PO; plus tard se
montre il PF une sensation faible, ne se convertissant en sensation
durable pendant PI) qu'avec des courants plus forts ; enfin, avec des
courants forts, lorsqu'on a attendu suffisamment pour que la sensation
de ND ait disparu après avoir diminué progressivement (') on voit appa-
raître à NO une sensation faible mais bien nette.
Dans la pratique il est généralement très difficile d'examiner la sensi-
bilité en recherchant la manière dont se comporte la formule d'excitation
polaire par suite de la difficulté d'obtenir des patients une analyse suffi-
sante de leurs sensations. Il est souvent très difficile aussi d'obtenir une
distinction suffisante entre les sensations produites sous les électrodes et
les sensations produites dans la sphère de distribution du nerf. Le plus
souvent on doit se contenter de constater si la sensibilité galvanique est
augmentée ou diminuée ou si elle reste peu près normale. '
L'excitation faradique de la peau, avec des électrodes humides et des
courants suffisamment énergiques, provoque à chaque choc du couvant
induit une sensation brève et rapide de picotement dont le degré est en
rapport avec l'intensité et la tension du courant. Lorsque les intermit-
tences du courant sont rapides, la sensation devient continue, constric-
tive, désagréable et bientôt douloureuse. Si l'excitation porte au niveau
d'un tronc ou d'un rameau nerveux, la sensation se propage dans la sphère
de distribution du nerf. Dans tous ces cas elle est plus forte avec le pôle
négatif qu'avec le pôle positif. Mais, en général, dans l'exploration élec-
trique de la sensibilité cutanée on n'emploie pas des électrodes humides,
qui étendent facilement l'excitation aux parties profondes; on se sert
plutôt d'électrodes métalliques qui localisent davantage l'excitation à la
surface soit avec la méthode polaire, soit avec la méthode bipolaire, ainsi
qu'il a été dit précédemment (p. 1257).
L'exploration électrique ne peut donner connaissance des différents
modes de la sensibilité cutanée; le tact et la sensibilité à la température
doivent être explorés par des procédés spéciaux; la sensibilité électrique
se comporte, généralement de la même façon que la sensibilité à la dou-
leur. L'excitant électrique, dont il est facile de graduer l'énergie par les
1. Les sensations provoquées par le courant diminuent, en effet, progressivement
'pendant le passage du courant, et cela permet, dans les applications thérapeutiques, en
élevant plus on moins lentement et graduellement l'intensité, de faire agir de forts
courants qui n'auraient pas élé supportes si on les avait établis avec une semblable
intensité dès le début de l'application.
NERF OPTIQUE ET NERFS DU GOUT. 1271
procédés indiqués précédemment, peut donc être employé avec avantage
pour explorer la sensibilité à la douleur et rechercher si elle reste nor-
male ou si elle se trouve augmentée ou diminuée. Lorsque les troubles
portent sur un seul côté du corps l'examen est rendu facile par la compa-
raison avec le côté sain; il importe cependant de tenir compte, pour éta-
blir cette comparaison, de l'état de la résistance électrique. Lorsque les
troubles de la sensibilité portent sur les deux côtés du corps ils ne peu-
vent être estimés que par comparaison avec l'état de la sensibilité de per-
sonnes bien portantes ; des tables de cette sensibilité en diverses régions
du corps établies antérieurement avec le même appareil faciliteront beau-
coup cette comparaison; dans ces conditions encore il importe de tenir
compte de l'état de la résistance électrique.
¡ Dans l'examen de la sensibilité de la peau envers le courant électrique
on peut rechercher à quel moment le minimum de sensation commence : ' être perçu, puis à quel moment la sensation devient douloureuse. Il y
a parfois intérêt à explorer ainsi l'état de la sensibilité dans certaines
affections cérébrales et spinales, dans des compressions ou des sections
hémilaférales de la moelle, dans des névrites périphériques, dans l'hys-
térie et l'hystéro-neurasthénie, etc. Souvent le pinceau faradique a été
employé pour rechercher et déjouer la simulation; on peut être conduit
^dans ces cas il employer des courants assez forts et vivement douloureux.
On rencontre parfois une dissociation particulière de la sensibilité
électrique. Ainsi dans des cas de tabès, où le tact et la sensibilité à la
température étaient conservés, tandis qu'il existait de l'analgésie, on a
trouvé la sensibilité électrique conservée seulement en partie, la sensa-
tion produite par le courant était perçue, même avec des courants faibles,
à peu près comme dans l'état normal, mais à aucun moment cette sen-
sation ne devenait douloureuse, même avec des courants très forts.
Quelquefois la sensibilité envers les courants galvaniques se comporte
différemment de la sensibilité envers les courants faradiques, la première
étant conservée, parfois même plus ou moins exaltée, tandis que la se-
conde est plus ou moins diminuée. Ces particularités ont été rencontrées
dans des cas de tabes et dans des névrites.
Nerf optique et rétine. Nerfs du goût. Nerf olfactif. Le nerf optique
et la rétine assez peu sensibles aux courants faradiques sont au contraire
facilement impressionnés par les courants galvaniques, que ceux-ci soient
dirigés sur l'u'il à travers les paupières fermées ou qu'ils soient appliqués
dans son voisinage et parfois même à une distance assez grande. Sur
l'oeil ou dans son voisinage des courants de faible intensité, se comptant
par fractions de milliampères, suffisent souvent à provoquer des sensa-
tions lumineuses comparées par les patients à des éclairs, auxquelles
s'ajoutent souvent des sensations colorées. C'est particulièrement au
moment des états variables du courant ou à l'occasion de fluctuations
dans son intensité que se produisent ces sensations. On s'est efforcé de
déterminer comment celles-ci se comportaient aux divers moments de
[E HUET.]
-1 272K. v" < ? ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
V^riLfiNiSJ>^
l'onde galvanique en faisant agir plus spécialement Fini ou l'autre pôle.
On est arrivé à des résultats assez semblables comme formule d'excita-
tion polaire, mais différant souvent d'une personne il l'autre au point de
vue de la qualité des sensations lumineuses ou colorées. En passant de
la physiologie à la pathologie on a constaté, surtout dans les cas de lésions
de la rétine ou du nerf optique, des modifications dans les réactions com-
munément observées. De tous ces faits il ne se dégage pas jusqu'à pré-
sent pour les neurologistes de conclusions bien précises et bien définies
applicables d'une façon régulière à l'électro-diagnostic.
Les nerfs du goût sont aussi très facilement impressionnés par les con-
rants galvaniques non seulement quand ceux-ci sont directement appli-
qués sur la muqueuse linguale et buccale, mais encore quand ils sont
appliqués dans le voisinage, sur les joues par exemple, ou même à une
distance plus grande, sur le cou, la nuque et parfois sur la partie supé-
rieure du tronc. Les sensations gustatives se trouvent provoquées non
seulement par les états variables de fermeture et d'ouverture, mais aussi
par le passage du courant il l'état permanent. Du côté du pote positif on
observe une sensation acide, un goût métallique, du côté du pôle négatif
une sensation salée ou alcaline. Il n'est pas certain que ces sensations
soient exclusivement dues il l'action directe du courant sur les nerfs du
goùt; il semble très vraisemblable que les modifications de la salive dues
à l'électrolyse interviennent aussi dans leur production.
L'examen des sensations gustatives provoquées par le courant galva-
nique ne présente qu'un intérêt bien secondaire en électro-diagnostic.
Dans l'état actuel de nos connaissances il n'y a guère à tenir compte
que de la diminution ou de l'abolition de ces sensations; on les
observe principalement dans les cas de lésions du nerf lingual et du
trijumeau.
Les nerfs olfactifs se montrent au contraire peu sensibles envers les
courants électriques, et l'examen de leurs réactions ne présente guère
d'intérêt.
Nerf acoustique. Vertige Voltaïque. - Parmi les appareils senso-
riels, l'appareil auditif présente des réactions assez importantes il
connaître au point de vue électro-diagnostique. Ces réactions sont en
rapport les unes avec les fonctions d'audition, les autres avec les fonc-
tions d'équilibration.
Réactions auditives. Dans l'état normal le courant faradique impres-
sionne peu le nerf auditif. Dans certaines conditions pathologiques
ce courant provoque des sensations auditives, bruissements ou bourdon-
nements, qui semblent moins dues à l'excitation même du nerf auditif.
qu'à l'excitation des muscles de la chaîne des osselets; les bruits
produits par la contraction de ces muscles, trop faibles pour être
entendus par une oreille normale, se trouvent perçus par une oreille en
état d'hyperexcitabilité fonctionnelle.
Le courant galvanique donne difficilement aussi, dans l'état normal,
NERF ACOUSTIQUE. VERTIGE VOLTAÏQUE. 1275
des réactions auditives. Pour en obtenir il faut employer de forts
courants qui le plus souvent provoquent, à distance l'excitation du nerf
optique, des nerfs du goût et du nerf facial; de plus agissant sur
l'appareil d'équilibration ils provoquent en même temps des sensations
de vertige accompagnées de malaise plus ou moins prononcé et souvent
pénible. Dans certaines conditions pathologiques les sensations auditives
deviennent beaucoup plus faciles à provoquer; généralement elles
apparaissent d'abord avec le pôle négatif à la fermeture puis avec le
pôle positif à l'ouverture, restant plus fortes et plus prolongées à l\F
qu'à P 0; il est plus rare d'obtenir des sensations à PF et à NO, on pent
l'observer cependant et même voir P F prédominer sur N F.
Les réactions auditives provoquées par les courants galvaniques
paraissent dépendre de l'excitation même des terminaisons du nerf
acoustique. Pour les rechercher, de même que pour rechercher les
réactions provoquées par les courants faradiques, quand il en existe, il
convient d'employer la méthode polaire. L'électrode indifférente est
placée sur le sternum ou de préférence sur la partie supérieure du
dos. L'électrode exploratrice, représentée parmi petit tampon avec revê-
tement spongieux et bien mouillé, est placée sur le tragus au-devant de
1 oreille que l'on veut examiner; ou bien, représentée par une petite
olive recouverte de ouate hydrophile mouillée, elle est introduite dans 1
conduit auditif externe. '
Il peut arriver, en pratiquant l'examen de cette façon, que les réac-
tions auditives se produisent exclusivement, ou bien qu'elles prédo-
minent dans l'oreille opposée, phénomène que Brenner à appelé réaction
paradoxale de l'acoustique et que Erb a expliqué par Follet de pôles
virtuels agissant sur cette oreille. Généralement l'oreille sur laquelle se
produisent les sensations auditives dans la réaction paradoxale réagit
comme si l'électrode indifférente était appliquée sur. elle, le maximum
de la sensation perçue s'y manifeste donc lorsque l'électrode exploratrice
placée sur l'autre oreille correspond au pôle positif avec une ferme-
ture du courant, PF : souvent aussi une sensation auditive est
produite, mais plus faiblement, avec le pôle négatif au moment de
l'ouverture, NO.
Ainsi, lorsqu'on recherche comme nous venons de le dire les réactions
auditives, deux ordres de cas peuvent se présenter : ou il ne se mani-
feste pas de réactions auditives, ou il s'en produit.
Dans le premier cas, lorsqu'il ne se produit pas de sensations
auditives, on se trouve en présence soit d'une oreille normale, soit de
lésions légères si pour d'autres raisons l'examen olologique a montré
que l'oreille doit être malade, soit de simples troubles fonctionnels
comme dans la surdité hystérique, soit au contraire de lésions graves et
d'une dégénérescence complète du nerf.
Dans le second cas, lorsqu'il se produit plus ou moins facilement des
sensations auditives, on doit en rechercher la cause soil dans une
, [E. MUET.1
1274 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
conductibilité plus grande des tissus de l'oreille comme on l'observe
dans la furonculose du conduit auditif externe, ou dans l'otite moyenne
surtout avec épanchement, ou dans l'hyperémic de l'oreille interne
(labyrinthe), soit dans une irritabilité plus grande du nerf dépendant
d'une otite interne, ou d'une névrite du nerf acoustique, ou d'affections
augmentant la pression intra-cranienne comme les tumeurs de l'encé-
phale, les méningites, les traumatismes crâniens.
La présence de sensations auditives facilement obtenues entraîne le
plus souvent un pronostic assez sérieux ou grave; elle devient au
contraire assez favorable dans les otites anciennes, en montrant que le
nerf auditif n'est pas complètement dégénéré.
Vertige voltaïque. Les réactions électriques de l'appareil auditif en
rapport avec les fonctions d'équilibration constituent ce que l'on a appelé
le vertige voltaïque. On peut les rechercher avec la méthode polaire,
comme précédemment les réactions auditives. Mais en pratique, au point
de vue des indications qu'on en peut retirer, il est préférable de recher-
cher le vertige voltaïque en plaçant symétriquement les électrodes dans
le voisinage de l'une et l'autre oreille. On prendra, par exemple, deux
tampons humides, de dimensions moyennes, 3 à 4 centimètres de
diamètre, et on les placera respectivement sur chaque tempe, ou sur
chaque apophyse mastoïde, ou de préférence au-devant de chaque
oreille, à la hauteur ou un peu au-dessus du tragus, comme le fait
Babinski qui a particulièrement étudié les indications fournies par le
vertige voltaïque. Les électrodes seront tenues à la main, ou, ce qui
vaut mieux, fixées au moyen d'une bande élastique ou d'une bande de
crêpe.
On peut obtenir le vertige voltaïque en laissant passer librement, sans
interruptions, un courant galvanique dont on augmente graduellement
l'intensité. Dans ces conditions le mode de graduation du courant a une
influence appréciable sur le moment d'apparition du vertige; celui-ci
apparaît plus facilement avec le collecteur d'éléments, qui donne lieu à
des fluctuations d'intensité plus ou moins grandes en passant d'un
élément à l'autre, qu'avec le rhéostat ou le réducteur de potentiel qui
augmentent l'intensité par une progression beaucoup plus régulière.
Pour obtenir des résultats plus facilement comparables, il vaut mieux
rechercher le vertige voltaïque en provoquant de temps à autre des inter-
ruptions et des rétablissements du courant. On commence avec un cou-
rant faible, de 1 à 2 ni. t1. ; en restant cette intensité ou interrompt et on
rétablit le courant à plusieurs reprises; on élève ensuite l'intensité il 5 ou
4 m. A. et de nouveau on interrompt et rétablit plusieurs fois le courant;
puis, s'il y a lieu, on continue il élever le courant en augmentant succes-
sivement l'intensité de 1 ou 2 ni. A. et en faisant quelques interruptions
et rétablissements du courant après chaque augmentation. Dans l'état
normal, à un moment de l'examen ainsi poursuivi, le plus souvent avant
qu'on arrive à 6 ou 8 m. A., le patient accuse une sensation d'étourdis-
NERF ACOUSTIQUE. VERTIGE VOLTAÏQUE. 1275
sement et de vertige, et généralement il se sent entraîné vers l'électrode
qui correspond au pôle positif. Ce n'est d'abord qu'une sensation subjec-
tive ; niais, si on laisse passer le courant et surtout si on l'augmente un
peu, à la sensation subjective de vertige s'ajoutent des phénomènes
objectifs, il se produit une inclination et une rotation de la tête vers le
côté armé de l'électrode positive, et le patient se trouve exposé à perdre
complètement l'équilibre et à tomber, surtout lorsqu'il est debout. En
même temps on observe souvent du côté des yeux du nystagmus latéral.
Généralement les sensations subjectives de vertige et les phénomènes
objectifs d'inclination de la tète et du tronc apparaissent plus facilement
et se trouvent augmentés avec l'occlusion des yeux.
Après avoir recherché le vertige voltaïque avec une direction déter-
minée du courant, il convient de le rechercher de nouveau en donnant au
courant une direction inverse. En reprenant, pour commencer, de faibles
intensités, et en poursuivant l'examen de la même façon que précédem-
ment, il y a lieu d'observer non seulement à quelle intensité se reproduit
l'inclination de la tête, mais encore dans quel sens elle se fait.
Dans l'état pathologique le vertige voltaïque peut être modifié de deux
façons, en quantité et en qualité. En quantité, ou bien il apparaît plus
facilement, ou au contraire il s'obtient plus difficilement que dans l'état
normal. En qualité la sensation d'entraînement et l'inclination de la tête
au lieu de se produire régulièrement vers le côté du pôle positif, dans les
deux directions du courant, se produit constamment du même côté,
aussi bien lorsque celui-ci est en rapport avec le pôle négatif que lors-
qu'il est en rapport avec le pôle positif. Le vertige voltaïque se produit
de cette dernière façon dans les affections de l'oreille qui atteignent le
labyrinthe; dans ces cas il peut y avoir au point de vue quantitatif résis-
tance au voltaïque, mais l'entraînement se fait, pour l'une et
l'autre direction du courant, du côté de l'oreille malade si l'affection
est unilatérale, du côté de l'oreille la plus malade si l'affection est
bilatérale. Toutefois dans les cas où tous les organes labyrinthiques sont
détruits, ou lorsqu'il y a une dégénérescence complète du nerf acoustique,
le vertige voltaïque fait complètement défaut.
Il semble bien, en effet, actuellement que le vertige voltaïque est dû à
l'excitation des organes du labyrinthe, où se termine la branche vestibu-
laire de l'acoustique (nerf du sens de l'espace), et non à l'action du
courant électrique sur le cerveau ou sur le cervelet, comme on l'avait
cru autrefois.
Ce serait aussi par retentissement sur les organes du labyrinthe que
l'augmentation de pression du liquide céphalo-rachidien rendrait plus
grande la résistance au vertige voltaïque, comme on l'observe dans le cas
de tumeurs intracranienncs (Babinski et Cestan); souvent alors le vertige
n'apparaît qu'avec 12, 15 ou 20 m. A.
En rapprochant les renseignements fournis par l'examen des sensa-
tions auditives de ceux fournis par l'examen du vertige voltaïque on
[E. HUET] ]
1276 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
obtient des indications importantes sur l'état de l'appareil auditif. (') Ces
indications sont résumées dans le tableau ci-contre, page 1277 () :
RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE DU CORPS
La résistance électrique du corps humain se distingue de la résistance
des autres conducteurs par diverses particularités. Elle diffère sous de
nombreux rapports de la résistance des conducteurs métalliques; elle se
rapproche davantage de la résistance, des conducteurs électrolytiques.
mais elle en diffère cependant par suite de réactions produites par le
passage du courant. .
La résistance du corps ne se comporte d'ailleurs pas d'une faron iden-
tique pour les divers genres de courants; elle n'est pas exactement son-
blable avec les courants faradiques et avec les courants galvaniques; et
même pour ces derniers elle diffère notablement suivant que l'on consi-
dère le courant dans son état continu ou dans ses étals variables. Il ne
nous est pas possible d'aborder ici les diverses questions qu'entraîne
l'étude de la résistance électrique du corps ; nous devons cependant en
dire quelques mots en raison de quelques particularités qu'il importe de
connaître dans la pratique courante, en raison aussi des quelques appli-
cations que l'on a cherché à en tirer pour l'électro-diagnostic.
Résistance électrique du corps envers le courant galvanique con-
tinu. Si l'on établit, avec un faible voltage de manière à avoir une
intensité assez faible, un courant galvanique continu entre deux régions
du corps il l'aide de deux électrodes spongieuses, bien mouillées (3) et
placées sur un épidémie intact, on voit, au moment de l'établissement du
courant, l'aiguille du galvanomètre indiquer une certaine intensité. Celle-
ci est en rapport avec la résistance initiale opposée par le corps au cou-
rant électrique. mesure que le courant passe on voit l'intensité s'élever
plus ou moins rapidement, et pendant plus ou moins longtemps (de plu-
sieurs minutes généralement à un quart d'heure ou davantage) jusqu'à
un moment où l'intensité ne varie plus ; la résistance a alteint un mini-
mum relatif, passant pour arriver à ce minimum par une période de
chute de la résistance . Le minimum atteint n'est que relatif; en effet, si
on augmente alors le voltage et qu'on établisse de nouveau le courant,
l'intensité prend immédiatement une valeur qui correspond à une résis-
tance plus faible que celle du minimum relatif précédent. Si on laisse
passer le courant, l'intensité s'élève de nouveau graduellement et atteint
1. Roqiks. Etal, actuel de l'Eleclrodiagnostic dans les olopalhies, Archives d'électri-
cité médicale, 2;') juillet 'l 909.
2. 1'10(;1 ? 11, l : lccrrotlrérapie, Paris, t9C'\ "
5. Au lieu de mouiller les électrodes avec de l'eau ordinaire, il vaut mieux si
l'on veut se trouver dans des conditions plus rigoureusement comparables, les mouiller
avec une solution saline un titre défini, avec, une solution de chlorure de sodium a
1 pour 100 par exemple, ou mieux encore avec une solution de chlorure de potassium
également à 1 pour 100. ,
RÉSULTATS FOURNIS PAR L'EXAMEN DES RÉACTIONS ÉLECTRIQUES
- . DE L'APPAREIL AUDITIF - '
1278 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC...'
plus ou moins rapidement une valeur correspondant à un nouveau mini-
mum relatif de la résistance. Les mêmes phénomènes se reproduisent si
l'on augmente encore le voltage : nouvelle valeur de la résistance moindre
que celle du minimum relatif qui précède, nouvelle période de régime
décroissant de la résistance aboutissant à un nouveau minimum relatif et
ainsi de même tant que la résistance n'a pas atteint son minimum absolu.
La résistance initiale est d'autant plus faible, la chute de la résistance
est d'autant plus rapide et d'autant plus grande, le minimum relatif
atteint est d'autant plus bas que l'intensité donnée au courant est dès le
début plus élevée. Le minimum absolu est lui-même d'autant plus vite
obtenu que les intensités successives sont plus fortes.
Si, après que la résistance est arrivée à son minimum absolu, ou
seulement à un minimum relatif, on diminue le courant, la résistance
remonte dans des proportions d'autant plus grandes que la nouvelle
intensité donnée au courant est plus abaissée, mais le nouveau minimum
relatif de la résistance est plus faible que celui atteint précédemment
avec une pareille intensité.
C'est pour n'avoir pas tenu suffisamment compte de la manière dont ! a
résistance du corps se comporte envers les courants galvaniques que
nombre d'auteurs sont arrivés à des résultats très discordants'les uns
des autres. Ainsi, la résistance du corps est considérable pour ceux qui
ont particulièrement recherché sa valeur initiale, surtout lorsqu'ils l'ont
fait avec de faibles courants; pour Gaertner et Jolly, la résistance ainsi
recherchée varie entre 100000 et 400 000 unités Siemens ('); la résis-
tance du corps est beaucoup plus faible pour ceux qui l'ont mesurée
après le passage plus ou moins prolongé du courant, pour Remak et
Runge, elle serait habituellement comprise entre 1000 et 5000 unités
Siemens; elle se montre plus faible encore si les mesures sont faites
après le passage de forts courants. Pour D. d'Arman, dans les conditions
ordinaires de l'électro-diagnostic et de l'électrothérapie, la résistance
varie entre 800 et 50000 ohms; elle peut varier dans des limites beau-
coup plus étendues, entre 200 et 1 250000 ohms.
Un certain nombre de conditions influent sur l'état de la résistance
électrique du corps ; nous n'en citerons que les plus importantes.
Les dimensions des électrodes doivent être prises en considération.
Avec de grandes électrodes la résistance se montre plus faible qu'avec
de petites électrodes. Ce résultat ne dépend pas seulement de la section
du conducteur; il dépend aussi de conditions qui déterminent la péné-
tration du courant dans la peau.
Lorsque les électrodes sont de dimensions inégales il faut tenir compte
de l'orientation du courant. Généralement, la résistance est plus faible
quand l'électrode la plus grande est à l'anode. Ce résultat, cependant,
n'est pas constant, il peut être différent suivant la nature des ions con-
1. L'unité Siemens a une valeur très voisine de la valeur de l'ohm.
RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE DU CORPS. 1279 9
tenus dans les solutions dont sont imbibées les électrodes; avec des solu-
tions de sels de zinc, par exemple, le résultat peut être inverse.
Les interruptions et les renversements du courant ont une certaine
influence sur la résistance. L'influence des interruptions simples est peu
marquée, celle des renversements est beaucoup plus prononcée. Immé-
diatement après l'inversion du courant, l'intensité s'élève, non seulement
sous l'action du courant de polarisation qui s'ajoute au courant principal,
mais encore par le fait de la diminution de la résistance. Puis, suivant
la nature des ions entrant dans la composition des électrodes, ou bien
l'intensité diminue parce que la résistance augmente parfois dans des
proportions assez considérables, ou bien l'intensité continue à croître, la
résistance continuant elle-même à diminuer. L'augmentation secondaire
de la résistance après le renversement du courant s'observe notamment
avec des électrodes contenant des sels de zinc en contact avec la peau :
elle s'observe aussi avec des électrodes contenant des sels de cuivre, ou des
sels de manganèse, etc. La diminution secondaire de la résistance, après
le renversement, est plus fréquente que l'augmentation ; avec des électrodes
imbibées de chlorure de sodium elle est souvent assez prononcée.
Parmi les solutions ioniques, celles constituées avec le chlorure de
potassium ne modifient que peu la résistance dans les diverses directions
données au courant, aussi y a-t-il avantage à s'en servir dans les recher-
ches destinées il mesurer la résistance.
La concentration des solutions a aussi une notable influence sur la
résistance. Avec une concentration faible la résistance est généralement
plus grande qu'avec une concentration plus forte.
La pression des électrodes sur les points où elles sont appliquées entre
aussi en ligne de compte. En augmentant cette pression, dans certaines
limites toutefois de façon que les électrodes restent bien humectées, on
voit diminuer la résistance. La température des électrodes a encore
quelque influence, mais d'ordre très secondaire.
De nombreuses conditions doivent donc être prises en considération
lorsqu'on cherche à évaluer la résistance électrique du corps. Si l'on n'en,
tient pas suffisamment compte on arrive à des résultats très différents
qui ne peuvent pas être comparés les uns avec les autres .
Peut-on se contenter de rechercher la résistance initiale ? Il est difficile
de l'évaluer exactement; le passage du courant modifie rapidement la
résistance; pendant les manipulations nécessaires aux mesures, si courtes
soient-elles, la résistance se trouve déjà plus ou moins modifiée et elle
n'est évaluée que lorsqu'elle est entrée dans son régime décroissant, à
un moment variable et le plus souvent indéterminé de ce régime. De
plus, on sait que cette résistance, initiale se montre très différente sui-
vant qu'on opère avec des courants faibles, moyens ou forts.
Vaut-il mieux rechercher la valeur de la résistance au moment où elle
a atteint son minimum absolu ? La résistance se montre alors relativement
faible et les différences observées sont généralement peu prononcées.
[E HUET.]
1280 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
Mais, à moins d'employer des courants forts, souvent pénibles à supporter,
le minimum absolu est long à obtenir et le résultat cherché peut n'être
qu'approché. De plus, en se limitant à la recherche du minimum absolu
on néglige des indications importantes que peuvent fournir et la résis-
tance initiale et la manière dont la résistance se comporte pendant ses
régimes décroissants.
. La résistance ne se montre pas la même sur les diverses régions du
corps. Relativement faible sur la face et le cou, elle est plus forte sur le
tronc, plus forte encore sur les membres. Suivant les régions, la résis-
tance initiale se montre donc plus ou moins élevée; sa période de régime
décroissant est aussi plus ou moins longue et les minima relatifs sont
notablement différents suivant les points d'application des électrodes.
Sur la paume des mains et la plante des pieds la résistance se comporte
d'une manière notablement différente en ces points, la résistance initiale
est souvent moins élevée que sur d'autres régions, mais la résistance ne
présente pas un régime décroissant aussi accusé; elle reste au contraire
assez constante, parfois même elle augmente légèrement pendant le
passage du courant, et, dans tous les cas, la résistance finale s'y montre
assez forte.
Causes physiques et physiologiques de la résistance du corps et de
ses variations avec les courants galvaniques. Le siège principal de
la forte résistance opposée par le corps au courant électrique réside dans
1 épidémie. Si, après avoir évalué la résistance entre deux régions du
corps, on enlève l'épidémie a l'aide de vésicatoires, et si on évalue de
nouveau la résistance, on la trouve infiniment plus faible. On obtient
des résultats semblables sur le cadavre en évaluant la résistance avec ou
sans l'épiderme. Jolly a ainsi estimé que l'épiderme opposait au courant,
aux deux points d'application des électrodes, une résistance 500 fois pins
forte que l'ensemble des autres tissus, par conséquent 150 l'ois plus forte
pour chacune des régions de la peau en contact avec les électrodes.
\'ciss est arrivé au même résultat, en principe sinon numériquement,
en mesurant la résistance entre les deux épaules par un procédé permet-
tant d'éliminer la résistance de la peau tout en laissant celle-ci intacte; il
a trouvé une résistance de 40 ohms dans un cas, de 250 ohms dans un
autre. La résistance mesurée entre les deux mains, y compris la résis-
tance de la peau, variait de 1000 à 2000 ohms. Les tissus situés
au-dessous de la peau ont donc une conductibilité infiniment meilleure;
parmi ces tissus les muscles sont ceux qui ont la conductibilité la plus
grande : si l'on représente par 1 leur résistance, celle des autres tissus,
nerfs, tendons, cartilages, varie entre 1,5 et 2,5, celle des os est de li) à
20 fois plus considérable (Eckhard).
Les causes de la diminution de la résistance pendant le passage du
courant sont multiples : c'est tout d'abord l'humeetation de l'épiderme
par le liquide contenu dans les électrodes. Ce sont ensuite les phéno-
mènes de cataphorese et surtout les migrations des ions. Autrefois on ne
RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE DU CORPS. 1281
faisait guère intervenir que la cataphorèse; à l'anode l'épiderme est
pénétré par le liquide des électrodes, à la cathode il est pénétré par les
liquides contenus dans les tissus sous-jacents. Actuellement on attribue
le rôle le plus important à la migration des ions et surtout à la pénétra-
tion des ions des électrodes dans les canalicules glandulaires (Leduc) (').
Ces trois ordres de causes se font sentir non seulement sur le vivant mais
encore sur le cadavre; sur ce dernier, cependant, la diminution de la
résistance pendant le passage du courant est moins accusée. Sur le vivant,
en effet, interviennent d'autres causes d'ordre physiologique : pendant
le passage du courant, les vaisseaux sanguins subissent des modifications
dans leur calibre, comme en témoigne la rougeur qui se développe sur la
peau au-dessous des électrodes; il en résulte une meilleure conductibilité
due pour une partie à l'augmentation du contenu des vaisseaux, et pour
une autre partie à l'augmentation de la quantité des liquides organiques
dans les espaces cellulaires et intercellulaires des tissus. Mais on est loin
de s'accorder sur le rôle respectif de ces deux conditions; les uns, avec
Silva et Pescarolo, attribuent une action prépondérante à la seconde; les
autres, avec Vigouroux, placent en première ligne la dilatation même des
vaisseaux et l'augmentation de leur contenu.
On discute aussi sur les conditions qui entraînent dans l'état physiolo-
gique des différences de résistance entre les diverses régions du corps
d'un même individu ou entre les régions semblables chez des individus
différents. On a pensé que le nombre des orifices glandulaires s'ouvrant à
la surface de la peau jouait un rôle important pour les différences de
résistance entre les diverses régions ; mais, comme l'ont fait remarquer
Silva et Pescarolo, la résistance est relativement très faible aux joues où
on ne compte que 75 glandes sudoripares par centimètre carré, tandis
quelle est élevée au contraire à la paume des mains où on en compte 560
pour une même surface. L'épaisseur totale de l'épiderme ne parait jouer
qu'un rôle secondaire. Les conditions les plus importantes paraissent
dépendre de l'état de kératinisation des cellules superficielles de l'épi-
derme, de leur renouvellement plus ou moins rapide, et de l'épaisseur de
la couche cornée. Ces conditions jouent d'ailleurs, aussi, un rôle impor-
tant dans les divers états pathologiques.
Méthodes d'évaluation de la résistance électrique du corps avec
les courants galvaniques. -- Les procédés pour évaluer la résistance
en unités de mesure sont nombreux : tous sont sujets à des critiques et
aucun ne permet une mesure absolument rigoureuse de la résistance en
aucun ne permet une mesure absolument rigoureuse de la résistance en
raison de causes d'erreurs dont il est difficile de tenir suffisamment
compte; au premier rang de celles-ci se placent la polarisation des élec-
trodes et la polarisation des tissus.
Un procédé simple et le premier employé est la mesure par substi-
Intion. Après avoir noté à divers moments, pendant le passage du courant
1. Avec certains ions, et dans certaines conditions, la diminution de la résistance est
remplacée par une augmentation de résistance.
PHATIQUE 8t
[E HUET.]
1282 ) . ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
à travers le corps, les déviations d'un galvanomètre ou les intensités du
courant pour une force électro-motrice constante, on substitue au corps
une caisse de résistance étalonnée en ohms et on recherche quelles sont
les résistances qui correspondent aux déviations du galvanomètre ou aux
intensités du courant précédemment observées. Les résultats ainsi obtenus
ne sont qu'approximatifs et plus ou moins entachés d'erreur par le l'ait
de la polarisation du corps et des électrodes.
Les procédés de mesure avec le pont de TT'healslone, excellents pour
la mesure des résistances des conducteurs métalliques, laissent beaucoup
à désirer pour les mesures des résistances du corps où il existe dans
l'une des branches du pont des forces contre-électro-motrices provenant
de la polarisation des électrodes et du corps. Ils nécessitent une instru-
mentation délicate et complexe. En raison des grandes variations dans
les résistances du corps, résistances parfois très élevées, d'autres fois
beaucoup plus faibles, les conditions nécessaires pour obtenir une
approximation suffisante des valeurs de la résistance sont difficiles à réa -
liser et les erreurs dans le calcul de ces valeurs peuvent être assez élevées.
De plus le pont de Wheatstone ne permet pas de suivre bien rigoureu-
sement les régimes de décroissance de la résistance, car pendant les
manipulations nécessaires pour les mesures la branche de dérivation dans
laquelle se trouve le corps est parcourue par des courants sous des diffé-
rences de potentiel variables. Cependant le procédé de Weiss('), avec le
pont de Wheatstone, présente quelques avantages importants; il permet
notamment d'éliminer les erreurs dues à la polarisation des électrodes,
mais seulement dans quelques conditions qui ne s'étendent pas à toutes
les recherches que comporte l'étude de la résistance du corps.
Le procédé de mesure par le galvanomètre différentiel (procédé de
Slehl et Sano) C) ne permet pas non plus de suivre suffisamment les
régimes de décroissance de la résistance; comme le précédent il soumet
le corps à des courants sous des différences de potentiel variables.
Les procédés basés sur la loi d'Ohm ont été particulièrement employés
par Vigouroux et par d'Arrnan. Ils consistent à évaluer d'une part la
différence de potentiel au niveau des électrodes, à laide d'un voltmètre
en dérivation, et d'autre part l'intensité du courant traversant le corps.
On obtient la résistance par le calcul au moyen de la formule R = K En
laissant constamment le voltmètre en circuit et en lisant simultanément
la valeur des volts et les valeurs de l'intensité on évite, comme l'indiquent
les lois de Kirchoff, des erreurs dans l'évaluation des volts qu'entrai-
nerait le plus souvent, par suite des résistances trop faibles des volt-
mètres, la détermination des volts faite en laissant ouvert le circuit du
courant passant par le corps. Comme le voltage ne peut être estime
qu'aux points d'attache des fils sur les électrodes, il faut retrancher des
1. V iass. Archives d'électricité médicale, 15 juillet 1895, p. 275.
2. Sn'Et. et Saxo. Journal de neurologie et d'hypnologic de 13ru.cclles, fév. 189l>.
RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE DU CORPS. 1285
valeurs fournies par le calcul la résistance propre des électrodes; il en
faut retrancher généralement aussi la résistance du milliampèremètre
placé dans le circuit où se trouve le corps; il en faudrait retrancher
encore la résistance apparente due à la force contre-électro-motrice de
polarisation des électrodes et des tissus, mais cette dernière correction
est difficile à faire d'une façon suffisamment rigoureuse.
La méthode de Bergonié, appelée par son auteur méthode de l'ohm-
mètre médical, est basée aussi sur la loi d'Ohm. Avec un dispositif réa-
lisant un réducteur de potentiel on établit aussi rapidement que possible
un courant de 1 m. A. passant par le corps. Rompant alors le circuit
fermé sur le corps on fait passer le courant par un autre circuit qui com-
prend un voltmètre, faisant connaître la valeur correspondante des volts
et par suite la valeur correspondante de la résistance, I== Ex 1000.
Mais la valeur des volts ainsi évaluée, lorsque le circuit est ouvert sur le
corps, peut ne pas correspondre exactement à la différence de potentiel
qui existait lorsque ce circuit était fermé; de là des erreurs possibles,
plus ou moins prononcées, dans les évaluations de la résistance. De plus
dans cette méthode on se contente de rechercher une résistance plus ou
moins rapprochée de la résistance initiale, alors qu'au point de vue phy-
siologique comme au point de vue pathologique il y a intérêt à connaître
la marche suivie par le régime décroissant de la résistance.
Pour prendre une notion suffisante de la résistance du corps et en
retirer les indications qu'elle peut donner en clinique, nous croyons
important de chercher à se placer dans des conditions aussi comparables
que possible qui donnent une idée approximative de la résistance initiale
et permettent de suivre la chute de la résistance pendant son régime
décroissant jusqu'au moment où elle atteint son minimum relatif.
Les procédés suivants nous paraissent parmi les plus recommandables
bien qu'ils soient imparfaits aussi et qu'ils comportent des erreurs plus
ou moins grandes résultant surtout de la polarisation des électrodes et
du corps.
On choisira des électrodes de dimensions déterminées, inégales ou
égales. Avec des électrodes inégales, l'une grande, de 1 UU ? par exemple
(10e"' de côté) sera placée sur la poitrine, au-devant du sternum, ou sur
le dos; l'autre, plus petite, de 9cm2 par exemple (le côté) sera placée
sur la région de la peau dont on veut rechercher particulièrement la résis-
tance. La grande électrode sera l'anode, la petite la cathode.
Dans d'autres conditions il y a lieu de prendre des électrodes égales
(9 ? 2 ou 9 (j""=, par exemple) que l'on place sur deux points déterminés,
lorsqu'on veut connaître la résistance existant entre ces deux points.
Les électrodes doivent être imbibées d'une solution saline à titre défini ;
il y a avantage à choisir une solution de chlorure de potassium, à 1 0/0
par exemple, ainsi que l'a proposé Leduc. .
On établit un courant continu, soit avec un voltage constant, soit avec
une intensité constante. Si le courant est à voltage constant, 10 volts par
[E. HUET.l
'I28{ ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
exemple, on note l'intensité atteinte sur le galvanomètre au moment de
p
l'établissement du courant; la formule d'Ohm, Il = E@ 1 donnera la valeur
approximative de la résistance voisine de la résistance initiale. On suit
l'augmentation que subit, l'intensité pendant le passage du courant, et on
la note à intervalles assez rapproches d'abord (toutes les 15 secondes
par exemple) plus espacés ensuite (toutes les 50 ou 60 secondes),
jusqu'au moment où l'intensité ne varie plus, c'est-à-dire jusqu'au
moment où la résistance a atteint son minimum relatif. De nouveau le
calcul au moyen de la formule d'Ohm fournit les valeurs de la résistance
aux divers moments où l'intensité a été notée. De celte façon on suit la
chute de la résistance pendant tout son régime décroissant depuis la
résistance initiale jusqu'à son minimum relatif.
Il est un peu plus compliqué d'opérer avec un courant maintenu à
intensité constante ; mais ce procédé donne des résultats qui permettent
une comparaison plus rigoureuse d'un cas à un autre. 11 nécessite un
milliampèremètre et un voltmètre maintenus constamment en circuit, et
il est rendu assez facile par le réducteur de potentiel.
Comme intensité à maintenir constante il y a avantage à choisir habi-
tuellement 9 m. A. Les électrodes étant mises en place on établit
un courant qu'on amène aussi rapidement que possible avec le réducteur
de potentiel à 1 m. A., on note alors le nombre de volts indiqué parle
voltmètre ; puis l'intensité tend à augmenter, mais avec le réducteur on
la maintient constante; le voltage indiqué au voltmètre diminue et on le
note à intervalles plus ou moins espacés, toutes les 15 secondes d'abord,
toutes les 50 ou 60 secondes ensuite, jusqu'au moment où ce voltage ne
varie plus. Comme précédemment par le calcul avec la formule R= i.
ou dans le cas présent Il.=10011 E, on obtient les valeurs de la résis-
tance correspondant aux valeurs des volts notées et on peut suivre ainsi
les variations de la résistance depuis une valeur voisine de la résistance
initiale jusqu'à la valeur du minimum relatif.
Dans certains cas, on peut choisir des intensités plus élevées, par
exemple 2,5 m. A., ou 5 m. A, ou 10 m. A., mais celte dernière intensité
est souvent trop élevée.
Parfois, pendant l'exploration électro-diagnostique de l'excitabilité des
nerfs moteurs et des muscles, on a besoin de [«rendre une notion relative
de l'état de la résistance et de déterminer très approximativement dans
quelle mesure cette résistance diffère pour deux points symétriquement
placés d'un côté et de l'autre du corps. Il n'est pas nécessaire alors de
recourir à une opération aussi compliquée que celles dont il vient d'être
question. Il suffit le plus souvent, en utilisant l'électrode indifférente
déjà placée pour l'exploration électro-diagnostique, de rechercher avec
l'électrode exploratrice quelle intensité on obtient dans un temps déter-
miné (10, 15 ou 20 secondes par exemple) avec une. même force électro-
RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE DU CORPS. 1285
motrice sur l'un et l'autre point. La comparaison ainsi faite permettra de
voir s'il existe une différence entre la résistance de l'un et l'autre côté
et dans quel sens a lieu cette différence, si ces deux points, ou seulement
l'un d'eux, ne viennent pas d'être soumis précédemment au passage du
courant galvanique ; dans le cas contraire, cette comparaison pourrait
donner des résultats erronés, surtout si ces deux points n'ont pas été
soumis à des courants de même intensité et de même durée par suite
des modifications déjà apportées dans leur résistance.
Résistance du corps avec les courants faradiques. La résistance
du corps ne se comporte pas exactement de la même façon avec les cou-
rants faradiques qu'avec les courants galvaniques. Avec les premiers,
même lorsqu'ils sont à intermittences fréquences, la résistance ne se
trouve guère modifiée pendant le passage du courant; avec de forts
courants faradiques, cependant, on peut voir la résistance diminuer un
peu sous l'action du courant, mais la chute de la résistance est loin
d'atteindre en durée et en proportions ce qu'on observe avec les courants
galvaniques. De la manière différente dont la résistance se comporte
envers ces deux ordres de courants, il résulte que dans la pratique de
l'électrodiagnostic, quand on doit explorer les réactions des nerfs et des
muscles, il vaut mieux commencer par l'examen faradique, qui ne modifie
guère la résistance du corps, plutôt que par l'examen galvanique qui, au
contraire, modifie plus ou moins cette résistance.
Les courants alternatifs, lorsque leurs ondes sont égales et semblables
dans les deux sens, ont l'avantage de ne pas donner lieu à la polarisation
des électrodes et des tissus du corps. Les courants faradiques, qui sont
des courants alternatifs dont les ondes inverses sont égales en quantité,
ne participent pas complètement à ces avantages; par suite de la tension
plus grande de l'onde d'ouverture, l'intensité du courant qui traverse le
corps au moment où cette onde agit, est un peu plus forte qu'au moment
de l'onde de fermeture; il en résulte un peu de polarisation dans le sens
de l'onde d'ouverture, mais en somme cette polarisation est très faible.
Aussi, pour éviter dans l'évaluation de la résistance du corps les erreurs
dties à la polarisation, a-t-on cherché à se servir des courants alternatifs
et particulièrement des courants faradiques d'un emploi si fréquent'
dans la pratique médicale. Mais on n'a pas obtenu de résultats bien pré-
cis avec les divers procédés de mesure que l'on a essayés, ni avec l'élec-
trodynamomètre et la méthode de substitution, ni avec le pont de
Wheatstone dans lequel le galvanomètre est remplacé par le téléphone
suivant la méthode de Kohlrausch, ni avec le téléphone différentiel sui-
vant la méthode proposée par Bergonié. Dans ces deux dernières
méthodes, lorsque le courant traverse le corps, on n'obtient pas au télé-
phone un silence suffisant pour avoir une valeur suffisamment approchée
de la résistance. Aussi l'examen de la résistance du corps avec les courants
faradiques n'a-t-il pas été utilisé jusqu'alors en clinique.
Modifications de la résistance galvanique dans les états patholo-
; [E. HUET.]
1286 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.
giques. Après que Vigoureux eut signalé, il y aune trentaine d'années,
les modifications de la résistance électrique qu'il avait observées dans
l'hystérie et dans le goitre exophtalmique, on crut avoir trouvé des signes
importants pour l'électrodiagnostic et on rechercha l'état de la résistance
électrique dans un assez grand nombre d'états pathologiques.
Dans l'hystérie avec hémianesthésie Vigouroux avait trouvé une résis-
tance notablement plus élevée du côté anesthésique que de l'autre côté.
Mais, tandis qu'Estorc a constaté des modifications semblables, Silva et
Pescarolo. puis d'Arman ne les ont pas rencontrées d'une façon constante.
D'une façon générale il semblerait cependant que la résistance électrique
est plutôt augmentée dans l'hystérie. Suivant d'Arman cette augmenta-
tion serait beaucoup plus accentuée dans l'hystérie avec aliénation que
dans l'hystérie sans aliénation.
Dans la mélancolie (les étals de mélancolie anxieuse exceptés), on
observe généralement une augmentation souvent considérable -de. la
résistance électrique (Séglas, R. et A. Vigoureux, d'Arman).
Dans le goitre exophtalmique, au contraire, on observe habituellement
de la diminution de la résistance électrique, et Vigouroux avait pensé
qu'elle avait une valeur séméiologique presque égale à celle des autres
symptômes cardinaux de cette affection.
On a contesté cette opinion de Vigoureux en montrant que la diminu-
tion de la résistance électrique n'est pas constante dans la maladie de
Basedow. On s'est élevé aussi contre l'interprétation qu'il lui donnait en
attribuant une influence directe à l'étal du système 'a<SO-Il10tC111' sur la
diminution de la résistance dans cette maladie, et on a fait remarquer
que l'hyperhidrose si fréquente en pareils cas, un renouvellement plus
actif de l'épiderme, une kératinisation moindre deses cellules superficielles
étaient plutôt, sans doute, les causes efficientes de cette diminution de
la résistance.
Quelle que soit l'interprétation que reçoive ce phénomène on doit
reconnaître que, sans être constant, il constitue un symptôme fréquent
de la maladie de Basedow. Il peut y avoir intérêt à le rechercher en
observant suffisamment la façon dont se comporte la résistance. On cons-
tatera souvent qu'un courant même de force électro-motrice faible atteint
rapidement une intensité relativement élevée, la résistance initiale se
montre faible, la période de régime décroissant de la résistance est le
plus souvent très courte, et finalement le minimum relatif est assez sou-
vent inférieur au minimum relatif trouvé dans les mêmes conditions
d'exploration chez des personnes saines. Ces particularités se retrouvent
plus ou moins sur les diverses régions du corps ; elles sont généralement
moins accentuées sur les pieds et sur les mains; aussi les méthodes
consistant à explorer la résistance entre les deux mains plongées dans
l'eau ne sont-elles pas à recommander pour ce genre de recherches.
Dans la mélancolie l'augmentation de la résistance a été aussi contestée.
Spehl et Sano ne l'ont pas retrouvée en explorant la résistance entre les
RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE DU CORPS. 1287
deux mains plongées dans des bains. Dans d'autres conditions, notam-
ment de la nuque au sternum, ou d'un bras à l'autre, nous avons géné-
ralement constaté cette augmentation de la résistance se caractérisant par
une résistance initiale forte, une chute lente et prolongée de la résistance
et finalement un minimum relatif restant élevé.
Des modifications de la résistance électrique ont été signalées aussi
dans d'autres états pathologiques. On a constaté son augmentation dans
l'épilepsie et surtout l'épilepsie avec aliénation (Boccolari et Borsari,
d'Arman) dans la paralysie générale, dans la folie alcoolique et dans l'idiotie.
La résistance paraîtrait plutôt diminuée dans la manie, la mélancolie
anxieuse, la neurasthénie et la chorée. Dans des cas de tétanos, d'Arman ! 'a vue très diminuée.
Dubois a trouvé dans des cas d'hémiplégie cérébrale la résistance nota-
blement augmentée sur le côté paralysé surtout quand il existe de ce côté
un abaissement de température. Pour Silva et Pescarolo cette augmenta-
tion de la résistance n'est pas constante, même avec des troubles vaso-
moteurs accentués.
Dans la poliomyélite antérieure aiguë (paralysie infantile et paralysie
spinale de l'adulte), Vigouroux a constaté une augmentation considérable
de la résistance; d' Arman a trouvé également cette augmentation pour la
résistance initiale, mais avec chute rapide aboutissant à une différence
assez forte entre la résistance finale et la résistance initiale.
Dans les atrophies musculaires la résistance est augmentée (Frey et
Windscheid, Destot). Dans les myopathies, même avec atrophie, la
résistance resterait sensiblement normale (Silva et Pescarolo).
Dans les états cachectiques, notamment la cachexie carcinomateuse et
la cachexie sénile, la résistance est généralement augmentée (d'Arman).
La résistance s'est montrée augmentée dans le diabète (Poncin).
D'après Silva et Pescarolo, la résistance est augmentée dans la plupart
des étals fébriles, même lorsqu'il existe de la congestion intense des
téguments comme dans l'érysipèle, la rougeole, la scarlatine à la période
d'éruption. Ces auteurs rapportent cette augmentation de la résistance,
non seulement à l'élévation de la température, mais encore à la sécheresse
de l'épiderme et à la forte kératinisation de ses cellules superficielles.
Dans les fièvres paludéennes la résistance se montre augmentée jusqu'à la
période des sueurs ; elle est alors au contraire diminuée.
Dans la sclérodermie Eulenhurg a trouvé la résistance augmentée dans
les parties de la peau plus ou moins altérées, et plutôt diminuée dans les
parties épargnées ou légèrement atteintes. On a encore trouvé la résis-
tance augmentée dans le myxoedème (Tiemann) et dans l'éléphantiasis
(Pascheles).
Enfin l'ingestion de certains médicaments diminue la résistance de la
peau ; c'est le cas pour l'antipyrine et pour la pilocarpine; c'est le cas
aussi pour la quinine, surtout quand dans la fièvre elle abaisse la tempé-
rature (Silva et Pescarolo).
[E. HUET.]
1288
\
ÉLECTROTHERAPIE.
APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ AU TRAITEMENT
DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX
Pour exposer les applications de l'électricité au traitement des mala-
dies du système nerveux nous ne passerons pas en revue une par une
ces diverses maladies. Afin d'éviter de trop longs développements et des
répétitions nombreuses, nous réunirons par groupes ces maladies,
rapprochant les unes des autres celles qui sont susceptibles de considé-
rations analogues et peuvent recevoir les mêmes genres de traitement.
Les groupements auxquels nous nous arrêtons sont forcément artificiels,
et nombre de maladies du système nerveux s'étendent dans plusieurs
groupes; nous en tiendrons compte à l'occasion.
Nous établirons quatre groupes principaux. Dans le premier prennent
place les maladies qui portent plus particulièrement sur les neurones
moteurs centraux, soit dans l'encéphale, soit dans la moelle.
Dans le second se trouvent réunies les maladies qui portent plus parti-
culièrement sur les neurones moteurs périphériques, soit au niveau des
cellules de ces neurones dans le bulbe et dans la moelle, soit dans leurs
prolongements périphériques, racines nerveuses et nerfs. Dans ce second
groupe nous ferons entrer des maladies de l'appareil moteur atteignant
plus particulièrement les muscles.
Dans le troisième nous nous occuperons des maladies portant plus
particulièrement sur les neurones sensitifs, centraux et périphériques.
Dans le quatrième nous réunirons les névroses, hystérie et neurasthénie.
et des maladies qui n'auront pas eu place dans les groupements précé-
dents, comme la maladie de Basedow, la maladie de Parkinson, etc.
I. MALADIES DÉPENDANT DE LÉSIONS
PORTANT PLUS PARTICULIÈREMENT SUR LES NEURONES MOTEURS
CENTRAUX DANS L'ENCÉPHALE ET DANS LA MOELLE
Comme type des affections atteignant plus spécialement dans l'encé-
phale les neurones moteurs centraux nous prendrons les paralysies par
hémorragie cérébrale, l'hémiplégie cérébrale.
Faut-il intervenir par un traitement électrique dès le début d'une
hémiplégie cérébrale ? Quelques électro-thérapeutes conseillent d'appli-
quer de honne heure, par exemple après une ou deux semaines, quelque-
fois même après quelques jours seulement, des courants galvaniques
continus dirigés sur la tète. On place sur le front une large électrode
avec revêtement spongieux épais et bien humecté que l'on met généra-
lement en rapport avec le pôle négatif; une autre électrode semblable,
d'assez grandes dimensions également, en rapport avec l'autre pôle, est
HÉMIPLÉGIE CÉRÉBRALE. ? '- . . 1289
placée sur la nuque. Ou, comme l'ont indiqué d'autres auteurs, on place
les deux électrodes de chaque côté du crâne au niveau des apophyses
mastoïdes; ou encore l'une des électrodes au niveau d'une apophyse mas-
toïde et l'autre sur la tête du côté du foyer hémorragique et à la bailleur
correspondant au siège supposé de ce foyer. On établit lentement un
courant continu dont on élève peu à peu l'intensité jusqu'à 5 ou 10 m. A.
(il a même été conseillé de monter parfois jusqu'à 50, 40 ou 50 m. A. ;)
on laisse passer le courant pendant un temps variant de quelques minutes
il un quart d'heure, prolongé parfois jusqu'à une demi-heure, puis on
ramène lentement l'intensité à zéro. Il est très important, quand on
établit ou quand on fait cesser le courant, de faire varier son intensité
doucement et progressivement, en évitant toute fluctuation brusque; on
gradue donc de préférence le courant avec le réducteur de potentiel
ou avec le rhéostat de la façon que nous avons indiquée précédemment.
On a pensé agir de cette manière sur le foyer hémorragique, activer sa
résorption et faciliter la réparation des éléments nerveux comprimés ou
partiellement détruits. On ne met plus guère en doute aujourd'hui,
comme on l'a fait autrefois, la pénétration du courant galvanique dans
l'intérieur de l'encéphale à travers les enveloppes crâniennes ; mais son
action favorable sur la résorption du foyer hémorragique et sur la restau-
ration des lésions qu'il a entraînées est loin d'être démontrée. D'autre
part, en raison de l'action sur la circulation cérébrale, il n'est peut-être,
pas sans inconvénient d'employer le courant galvanique dirigé sur la tête
dans des conditions où les vaisseaux cérébraux sont devenus plus ou
moins fragiles. Aussi, croyons-nous préférable de s'abstenir généralement
de la galvanisation cérébrale dans l'hémiplégie organique, surtout avec
des courants forts et à une époque rapprochée du début. Si l'on veut
essayer ce qu'elle peut donner il convient d'agir avec prudence, en com-
mençant par des courants faibles, d'assez courte durée, et en évitant les
fluctuations brusques et quelque peu prononcées d'intensité.
Les lésions primitives de l'hémorragie cérébrale sont suivies habituel-
lement de lésions secondaires parmi lesquelles la dégénérescence descen-
dante du faisceau pyramidal prend un rôle important. Elle entraine un
état spasmodique plus ou moins accusé, depuis la simple exagération des
réflexes jusqu'à de la contracture parfois très prononcée. Cette sclérose
secondaire s'étend sur toute la longueur du faisceau pyramidal et elle s'y
montre plus ou moins intense suivant les cas. On a cherché à y remédier
par des applications de courants galvaniques continus dirigés sur la
moelle. On place une large électrode, de 100 à 200cl11" sur la région
cervico-dorsale et une autre électrode semblable sur la région lombaire;
on établit lentement et progressivement un courant galvanique continu
dont on élève l'intensité, à 5, 10 ou 15 m. A. Quelques auteurs conseil-
lent des courants plus forts, atteignant 20. 50 et même 40 m. A., mais
nous croyons préférable de ne pas dépasser 15 ou 20 m. A. et souvent
même de s'en tenir à des intensités plus faibles. La direction à donner
[E HUET.] ]
1290 ÉLECTROTHÉRAPIE.
au courant ne semble avoir qu'une importance secondaire; assez généra-
lement on choisit la direction ascendante, la cathode en haut et l'anode
en bas ; on laisse passer le courant de 5 à 20 minutes, puis on le ramène
progressivement à zéro. On peut aussi, comme l'indiqué Et-]) changer
plusieurs fois, pendant la même application, la direction du courant;
après l'avoir laissé passer quelques minutes, 5 minutes par exemple,
dans une première direction, on le ramène à zéro, on change sa direction
et on le rétablit en l'élevant de nouveau progressivement à la même in-
tensité que dans la direction précédente. Après une durée de passage
sensiblement égale à la première on ramène le courant à zéro, soit pour
terminer l'application, soit pour la continuer en opérant une ou deux
fois dans les mêmes conditions et en changeant chaque fois la direction
du courant. 11 n'est pas démontré que la galvanisation continue de la
moelle ait une bien grande influence sur la sclérose descendante du
faisceau pyramidal; mais elle est généralement bien supportée, elle ne
présente pas d'inconvénients et n'a pas de retentissement fâcheux sur la
contracture secondaire comme certains autres modes de ti-aiteiiienâé'lec-
trique dont il sera parlé plus loin.
Il convient de ne pas commencer la galvanisation de la moelle dès le
début de l'hémiplégie; il ne faut pas, d'autre part, attendre trop long-
temps, si l'on veut avoir quelques chances d'agir sur les dégénérescences
secondaires. Au bout de deux à trois semaines elle paraît devoir être sans
inconvénients. II n'est pas nécessaire de la renouveler tous les jours;
deux ou trois applications par semaine pendant quelques semaines sem-
blent suffisantes.
On pourrait combiner la galvanisation cérébrale à la galvanisation de la
moelle en plaçant une large électrode en rapport avec le pote négatif sur
le front ou sur la région temporo-mastoïdienne du côté de la lésion et
une autre large électrode en rapport avec le pote positif sur la colonne
vertébrale à la hauteur de la région dorso-lombaire ou de la région dor-
sale. En raison de l'action que ce mode d'électrisation peut avoir sur la
circulation cérébrale il importe d'agir avec prudence, de ne pas employer
des courants trop forts ni trop prolongés, d'en surveiller les effets et de
suspendre ces applications si elles se montrent tant soit peu défavorables.
On a souvent dans les hémiplégies dirigé le traitement électrique à la
périphérie sur les nerfs et les muscles paralysés. Les nerfs et les muscles
conservent, comme nous l'avons vu à l'éleelro-diagnostic, une bonne exci-
tabilité pour les courants faradiques et pour les courants galvaniques ;
leur excitabilité est même souvent augmentée dans une première période.
On a certainement abusé et on abuse parfois encore de ce traitement
périphérique dans les paralysies cérébrales. Il peut présenter, en effet, des
inconvénients graves surtout lorsqu'on emploie des courants faradiques
un peu forts, avec intermittences fréquentes, en leur faisant produire des
excitations un peu prolongées. Duchennc de Boulogne a signalé il y a
longtemps déjà ces inconvénients. Les excitations ainsi provoquées à la
HÉMIPLÉGIE CÉRÉBRALE. 1291
périphérie sur les nerfs et sur les muscles retentissent par action
réflexe sur les centres nerveux ; elles augmentent la contracture qui est
une manifestation secondaire fréquente dans l'hémiplégie, ou elles pro-
voquent son apparition lorsque la contracture n'est encore que latente.
Ces inconvénients sont moins à redouter lorsque les paralysies restent
flasques et qu'il n'y a pas exagération des réflexes.
On n'entreprendra donc qu'avec circonspection le traitement périphé-
rique dans les hémiplégies cérébrales. ne faut pas le commencer trop
tôt. Duchenne était d'avis d'attendre en moyenne six mois; nous croyons
que, suivant les cas, on peut le tenter après quelques semaines ou seule-
zonent après quelques mois.
Avec les courants faradiques on pourra provoquer des excitations assez
peu nombreuses et peu prolongées des muscles paralysés, en les faisant
porter de préférence sur les antagonistes des muscles déjà contracturés
ou menacés de contracture (en général aux membres supérieurs la con-
tracture porte plus particulièrement sur les fléchisseurs, aux membres
inférieurs sur les extenseurs). On pourra aussi diriger ces excitations sur
des muscles plus ou moins atrophiés (malgré une atrophie parfois assez
prononcée de certains muscles dans les paralysies cérébrales, leur excita-
bilité faradique est généralement bien conservée). On prendra comme
courant excitateur le courant d'une bobine à gros fil ou à fil moyen, de
préférence avec des intermittences espacées (chocs faradiques isolés).
Si l'on emploie des courants à intermittences fréquentes ou semi-fré-
quentes (courants donnant un tétanos complet ou incomplet), on ryth-
mera les excitations en les faisant courtes, de une à deux secondes de
durée, et en les séparant par des intervalles de repos au moins égaux ou
plus longs. On emploiera soit la méthode d'excitation polaire, soit la
méthode bipolaire, soit l'excitation avec le rouleau ainsi qu'il a été dit
précédemment; et on donnera au courant une énergie modérée en s'éloi-
gnant peu de l'énergie produisant le seuil de l'excitation. Sur chaque
muscle, ou sur un même groupe musculaire, l'électrisation ne sera pas
prolongée au delà de une à deux minutes. Il suffira de renouveler l'élec-
trisalion deux ou trois fois par semaine.
On a employé aussi dans les hémiplégies cérébrales le traitement fara-
dique avec le courant de la bobine à fil lin et des excitations faites avec
le pinceau ou avec un rouleau métallique. Ce mode de traitement doit
être dirigé avec grande prudence, il faut avoir soin de ne pas mettre en
action des courants trop forts, ni trop prolongés ; au pinceau ou au rou-
leau promené directement sur la peau on pourrait substituer un procédé
plus doux appelé main électrique par Duchenne de Boulogne. Une élec-
trode indifférente en rapport avec l'un des pôles de la bobine est placée,
sur le corps du malade; l'opérateur tient dans une main la seconde élec-
trode en rapport avec l'autre pôle de la bobine et promène son autre
main qui représente l'électrode excitatrice sur la peau des régions qu'il
veut soumettre à l'électrisation : il se rend compte par les sen-
[E. HUET.] ]
1292 ÉLECTROTHÉRAPIE.
sations qu'il éprouve lui-même de l'énergie des excitations pro-
duites.
Le traitement faradique conduit prudemment avec l'un ou l'autre des
procédés précédents amène parfois une amélioration assez grande et
assez rapide de la paralysie. Si cette amélioration fait défaut après
quelques séances d'électrisalion, ou si une fois obtenue elle cesse de
progresser, il y lieu de cesser ce mode de traitement soit pour l'ahan- -
donner définitivement, soit pour le reprendre et l'essayer de nouveau
après un repos plus ou moins prolongé. Dans tous les cas il faut surveiller
avec grand soin l'état des membres paralysés au point de vue de la spus-
modicité et arrêter le traitement si l'on voit quelque tendance à l'appa-
rition ou à l'augmentation de la contracture.
Les courants galvaniques ont été utilisés aussi pour le traitement
périphérique des paralysies cérébrales, le plus souvent sous la forme de
galvanisation continue; une grande électrode, généralement en rapport
avec le pôle positif, est placée sur la colonne vertébrale; l'autre électrode,
la cathode, est représentée par un bain dans lequel on fait plonger la
main ou le pied; l'intensité donnée au courant doit être assez faible
de 5 à 5 m. A., elle peut être élevée à 8 ou 10 m. A., rarement au delà.
Le courant est établi progressivement, sans secousses, et après l'avoir
laissé passer un temps moyen de 5 à 15 minutes on le ramène progres-
sivement il zéro.
. Le bain galvanique diffuse l'action du courant sur l'ensemble des nerfs
et muscles du membre soumis à l'électrisation. Il est souvent préférable
de le remplacer par l'application d'une électrode assez large, placée il
l'extrémité inférieure du membre et plutôt du côté des muscles les moins
menacés par la contracture, par exemple sur la face dorsale du poignet
et de la partie inférieure de l'avant-bras pour le membre supérieur,
sur la partie inférieure de la face antérieure et externe de la jambe pour
le membre inférieur.
Au lieu de la galvanisation continue on peut employer la galvanisation
labile en promenant l'électrode en forme de rouleau lentement et dou-
cement sur divers groupes musculaires, de préférence sur ceux les moins
menacés par la contracture, avec des intensités plutôt faillies, de 5 à
ni. A., pendant un temps variant de une demi-minute il 2 ou 5 minutes
sur chacun des groupes musculaires choisis.
Les excitations des nerfs et des muscles par les courants galvaniques
interrompus ou les courants galvaniques avec alternatives voltiennes ne
doivent être essayées qu'avec prudence, en s'en tenant à des courants
faibles, voisins de ceux qui produisent le seuil de l'excitation, et en
applications peu prolongées.
Le traitement par les courants galvaniques suivant l'un ou l'autre de
ces procédés ne sera répété que deux ou trois fois par semaine. A ce
traitement s'appliquent les remarques déjà faites à propos du traitement
faradique sur la durée totale qu'il convient de lui donner, sur les mena-
HÉMIPLÉGIE CÉRÉBRALE. 1295
céments avec lesquels il faut le diriger, et sur la surveillance à observer
du côté de la contracture.
Les courants galvaniques sont utilisables aussi pour le traitement de
certaines complications secondaires des hémiplégies cérébrales. Sous
l'inlluence de l'inaction fonctionnelle d'une part et de troubles trophiques
d'autre part, on voit assez souvent se développer des raideurs articulaires
avec manifestations d'arthrite sèche ou de péri-arthrite. L'articulation de
l'épaule, en particulier, est parmi les plus fréquemment atteintes. La
galvanisation continue jointe à des mouvements modérés de mobilisation
de l'articulation m'a donné des résultats satisfaisants en pareils cas.
Voici comment l'on peut procéder à cette électrisation : une large
électrode de 200 à 500 centimètres carrés, constituant l'anode, est placée
sur la région dorsale; la cathode est représentée par une électrode en
forme de croissant, dont les deux cornes sont arrondies; elle a une
longueur de 25 à 50 centimètres et une largeur de 7 à 8 ou 9 centimètres.
Cette électrode est placée sur l'épaule, sa concavité regardant d'abord en
bas et en. dehors et les deux cornes descendant l'une en avant sur le
deltoïde et la partie voisine du grand pectoral, l'autre en arrière sur le
deltoïde et la région sous-épineuse. Un courant continu est établi pendant
10 il 15 minutes avec une intensité relativement assez forte, 10, 15 ou
20 m. A., élevée même parfois à 25 ou 50 ni. A. Le courant ramené à
zéro, la même électrode est replacée sur l'épaule dans une autre posi-
tion, de manière à entourer l'épaule en dehors, la partie moyenne du
bord concave correspondant à la pointe de l'acromion, les deux cornes
. embrassant le deltoïde en avant et en arrière ; de nouveau un courant
continu est établi dans les mêmes conditions de durée et d'intensité que
précédemment. Malgré les intensités assez élevées qui ont été employées
je n'ai pas vu, dans les applications ainsi faites à l'épaule, de retentisse-
ment nuisible sur la contracture.
M. Vigoureux, et après lui quelques électrothérapeutes ont employé
l'électrisation statique dans le traitement des hémiplégies cérébrales. Ce
traitement consiste habituellement dans le bain statique pendant une
partie duquel on dirige, sur la colonne vertébrale et sur les membres
paralysés, des effluves ou la friction électrique et même des étincelles.
S'il est vrai, comme on tend à l'admettre aujourd'hui, que le bain
statique augmente la tension artérielle, l'électrisation statique devrait
être employée avec ménagement chez les hémiplégiques par hémorragie
cérébrale ou par ramollissement dû à la thrombose des vaisseaux; ces
inconvénients seraient moins à redouter dans le cas d'embolie cérébrale,
chez des sujets jeunes tout au moins. Avec l'électrisation statique il faut
surveiller aussi les efl'ets possibles du traitement sur la contracture,
surtout lorsqu'on emploie les étincelles et même les frictions un peu
énergiques.
Dans l'exposition précédente nous avons eu principalement en vue le
traitement électrique des hémiplégies par hémorragie cérébrale. Les
[E HUCT,]
1294 ÉLECTROTHÉRAPIE.
mêmes considérations pourront servir de guide pour le traitement à
appliquer aux hémiplégies par ramollissement, soit par thromhose, soit
par embolie, aux monoplégies d'origine cérébrale, et aux hémiplégies
par lésions de l'isthme de l'encéphale et du bulbe ; dans ces dernières,
aux manifestations symptomatiques dépendant des lésions des neurones
moteurs centraux s'ajoutent parfois des manifestations dépendant de
lésions de neurones périphériques, nucléaires, radiculaires. ou funicu-
laires, telles que paralysies des nerfs moteurs du globe oculaire, paralysie
faciale, etc. ; les indications relatives au traitement de ces dernières
seront données plus loin.
Les maladies portant plus particulièrement sur les neurones centraux,
dans la moelle épinière. dépendent soit de lésions en foyer (myélites
transverses, blessures ou compressions de la moelle), de lésions plus ou
moins disséminées (sclérose en plaques), de lésions systématisées. ,
Les lésions ne sont pas toujours étroitement limitées aux neurones
centraux, elles s'étendent parfois aussi aux cornes de la substance grise,
aux fibres radiculaires dans leur trajet intra-médullaire, aux racines
nerveuses intra-rachidiennes. Pour le moment nous aurons particulière-
ment en vue le traitement il appliquerais manifestations symptomatiques
dépendant des lésions des neurones centraux. "'0;
Les développements dans lesquels nous sommes entrés sur le trai-
tement des paralysies par lésions du cerveau et de l'encéphale peuvent
s'appliquer en grande partie au traitement des affections de la moelle
dont il est actuellement question. Le plus souvent il y a lieu d'attendri',
pour commencer le traitement électrique, qu'un certain temps se soit
écoulé depuis le début de la maladie : d'une façon générale, cependant,
on pourra attendre moins longtemps que pour le traitement des paralysies
cérébrales.
La galvanisation continue de la moelle constituera une première étape
du traitement. On la pratiquera comme il a été dit précédemment à l'aide
de deux grandes électrodes appliquées sur la colonne vertébrale, l'une en
haut et l'autre en bas. Dans le cas de lésions en foyer il y aura souvent
indication de placer l'une des électrodes, généralement la cathode, à la
hauteur de la colonne vertébrale qui correspond au siège de la lésion :
l'autre électrode sera placée, suivant les cas, au-dessus ou au-dessous;
parfois il y a avantage à placer cette dernière électrode sur la partie anté-
rieure du corps dans une position diamétralement opposée à celle de
l'électrode appliquée sur la colonne vertébrale.
Dans le traitement périphérique des paralysies médullaires nous don-
nerons d'abord la préférence au traitement par la galvanisation continue :
on pourra le combiner avec le traitement dirigé sur la moelle, en plaçant
l'une des électrodes il la hauteur de la lésion, s'il s'agit de lésions en
foyer, ou il diverses hauteurs sur la colonne vertébrale suivant les jours,
dans le cas de lésions disséminées ou systématisées; l'autre électrode
sera appliquée à la périphérie sur la partie inférieure du membre ou sur
MYÉLITES-SCLÉROSES MÉDULLAIRES. 'l')95
le segment de membre que l'on voudra particulièrement soumettre à
l'action du courant. Dans les affections médullaires il y a souvent lieu
d'électriser de la même façon les deux membres homologues; on peut le
faire séparément et successivement, ou bien simultanément en plaçant
une électrode sur chaque membre, et en reliant l'une et l'autre par un
conducteur bifurqué au même pôle de la source galvanique. Dans ces
conditions le courant se divise sur chaque membre et il y a lieu de donner
au courant une intensité plus forte que lorsqu'on électrise chaque
membre séparément. Le bain électrode constitue aussi un moyen pratique
d'électriser deux membres simultanément; on peut l'employer également
pour l'électrisation d'un seul membre. -
La galvanisation labile est utilisable dans les mêmes conditions que
pour le traitement des paralysies cérébrales. Suivant les cas on la fait
porter davantage sur certains muscles ou groupes musculaires.
Les excitations par courants galvaniques avec interruptions simples
ou avec alternatives voltiennes ne doivent être employées qu'avec ména-
gement.
Le traitement par les courants faradiques peut être appliqué suivant
les procédés indiqués à propos des paralysies cérébrales. Ce genre de
traitement doit être aussi employé avec prudence. Dans beaucoup de cas
de paralysies médullaires, la contracture est moins à redouter que dans
les paralysies cérébrales ; dans d'autres elle existe aussi et. parfois même
elle est une des principales manifestations symptomatiques. Il y a donc
lieu de surveiller attentivement les effets du traitement sur l'état spas-
modique et de suspendre le traitement si la contracture apparaît
lorsqu'elle n'existait pas, ou augmente quand elle était déjà développée.
L'électrisation statique a été appliquée aussi, dans les conditions déjà
dites, au traitement des affections par lésions des neurones centraux
intra-méduttaires.
Enfin, depuis quelques années on a appliqué, avec des succès parfois
encourageants, la radiothérapie à un certain nombre de ces affections,
notamment dans des scléroses en plaques et dans des cas de compres-
sion médullaire par tumeurs ou par pachyméningite. Il en a été parlé
dans une autre partie de cet ouvrage.
II. - MALADIES DÉPENDANT DE LÉSIONS PORTANT PLUS PARTICULIÈREMENT
SUR LES NEURONES MOTEURS PÉRIPHÉRIQUES
Les aflections atteignant plus particulièrement les neurones moteurs
périphériques bénéficient en général beaucoup plus d'un traitement par
l'électricité que les affections portant sur les neurones moteurs centraux.
Pour éviter des redites trop nombreuses nous ne passerons pas en
revue ces maladies suivant une classification nosographique rigoureuse,
mais nous rapprocherons les unes des autres celles qui sont susceptibles
d'être traitées par des procédés plus ou moins semblables.
[E. HUET.]
1296 ÉLECTROTHÉRAPIE.
En nous plaçant à ce point de vue nous réunirons dans un premier
groupement les affections, qui en suivant un processus aigu, atteignent
soit les cornes antérieures de la moelle comme les poliomyélites anté-
rieures aiguës, soit les racines nerveuses comme les radiculites dans la
méningite cérébro-spinale, soit les nerfs périphériques comme les poly-
névrites. Nous nous occuperons ensuite des névrites isolées et des para-
lysies limitées à un ou plusieurs nerfs ; puis des affections à processus
chronique (atrophies musculaires myélopathiques, etc) ; et enfin des
myopathies et des atrophies musculaires réflexes et par inaction.
Poliomyélite antérieure aiguë. Qu'elle se présente sous la forme
la plus fréquente de paralysie spinale infantile, ou sous la forme plus
rare de paralysie spinale antérieure des adolescents ou de l'adulte, la
poliomyélite antérieure aiguë comporte un traitement sensiblement
semblable.
Faut-il commencer le traitement de bonne heure, dès la période d'in-
vasion ? Quelques électrothérapeutes, s'appuyant sur l'évolution favorable
de plusieurs cas ainsi traités, conseillent d'agir de cette façon. Mais il ne
faut pas oublier que des poliomyélites antérieures aiguës, bien qu'assez
semblables en apparence au début et donnant lieu à des paralysies très
accusées et assez étendues, suivent spontanément une évolution notable-
ment différente; les unes aboutissent assez rapidement à une réparation
assez satisfaisante quoique le plus souvent incomplète; les autres au con-
traire donnent lieu à de grosses atrophies avec déformations plus ou moins
accentuées des membres. Nous partageons l'avis de ceux qui croient
aussi avantageux et peut-être plus prudent d'attendre quelque temps,
une ou deux semaines au moins, pour commencer le traitement élec-
trique. ? 4'
Auparavant il est important de pratiquer l'exploration des réactions
des nerfs et des muscles, qui renseignera, comme nous l'avons vu à
l'électrodiagnostic, sur l'étendue et la gravité des lésions et indiquera
dans une certaine mesure ce que l'on peut espérer du traitement. Dans
le cours de la première semaine, et souvent même dans le cours de la
deuxième, l'examen ne peut donner que des renseignements très approxi-
matifs ; la diminution plus ou moins prononcée ou l'abolition de l'excita-
bilité faradique permettent de soupçonner seulement la plus ou moins
grande gravité des lésions; mais vers la fin de la deuxième semaine, ou
dans le cours de la troisième, lorsque s'est écoulé le temps nécessaire
pour que la DR se développe avec ses caractères de la période d'état,
l'examen devient très démonstratif et peut fixer sur la répartition des
lésions, sur leur intensité et sur la marche qu'elles suivront selon toute
probabilité. Pendant le cours du traitement, d'ailleurs, il y a intérêt à
renouveler de temps il autre, à intervalles de quelques semaines au plus,
l'examen électl'Odiagnostiquc afin de suivre l'évolution des lésions et à
bien fixer les détails que comportent le diagnostic et le pronostic.
On peut commencer le traitement par la galvanisation continue delà
PARALYSIE INFANTILE. 1 U7
moelle. Si la paralysie est localisée sur les membres inférieurs, on place
une large cathode sur la colonne vertébrale au niveau de la région dorso-
lombaire et une large anode il la région dorsale supérieure, ou encore
sur la paroi abdominale. Si la paralysie est localisée sur les membres
supérieurs, on place la cathode sur la région cervico-dorsale de la
colonne vertébrale et l'anode sur la région dorso-lombaire ou au devant
de la poitrine sur la région sternale. On établit, lentement et sans
secousses, un courant continu avec une intensité de 5 à 15 m. A. Quelques
auteurs conseillent des intensités plus fortes; nous croyons préférable de
s'en tenir il des intensités faibles ou moyennes. La durée de chaque
nleclrisation peut être comprise entre 5 et 20 minutes, plus rarement une
demi-heure; il nous paraît suffisant de renouveler le traitement tous les
deux jours ou trois fois par semaine. Au lieu de pratiquer la galvanisa-
tion continue dans une seule direction, on peut la pratiquer en changeant
plusieurs fois la direction du courant après avoir ramené son intensité
à zéro; en pareils cas on laisse passer le courant dans chaque direction
pendant 5 ou minutes donnant à l'électrisation une durée totale de
10 minutes à une demi-heure. Ce dernier mode de traitement est uiili-
sable dans l'un ou l'autre des cas précédents, lorsque la paralysie est
localisée aux membres supérieurs ou aux membres inférieurs; il est par-
ticulièrement applicable lorsque la paralysie atteint à la fois membres
supérieurs et membres inférieurs ; dans ce cas il est plus simple de ne
pas placer une des électrodes sur la face antérieure du corps, mais de
placer les deux électrodes l'une sur la région cervico-dorsale, l'autre sur
la région dorso-lombaire. On peut cependant, si l'on veut soumettre
les deux renflements de la moelle, correspondant a l'origine des nerfs des
membres, il l'action d'un seul pote, le pote négatif par exemple, placer
l'anode sur la face antérieure du corps et la cathode successivement sur
la région cervico-dorsale et sur la région lombaire. On peut encore
opérer simultanément sur ces deux régions en appliquant sur chacune
d'elles une électrode reliée par un cordon bifurqué au même pôle de la
source galvanique.
Il y a généralement indication d'associer le traitement dirigé sur la
moelle au traitement dirigé il la périphérie sur les nerfs et muscles para-
lyses. On peut agir ainsi, soit dès le début du traitement, soit après
quelque temps de galvanisation localisée à la moelle. Dans la plupart des
cas de poliomyélite antérieure aiguë le traitement périphérique doit être
l'ait, d'abord avec le courant, galvanique, et on commence par le courant
galvanique continu. Si les troubles paralytiques sont assez étendus sur ! un des membres inférieurs, ou sur tous les deux, on se sert avec : \\',111-
lay, comme l'une des électrodes d'un bain dans lequel on fait plonger
suivant le cas un pied, ou les deux pieds : l'autre électrode, sous la forme
dune, large plaque, est appliquée sur la région dorso-lombaire de la
colonne vertébrale. Lorsque la paralysie porte sur les membres snpe-
rieurs on fait plonger dans le bain une main, ou les deux mains, cl l'autre.
l'11.ll'lf ! UE ? I'HOI., 2
[E. HUET .]
1 298 . ELECTROTHÉRAPIE.
électrode est placée sur la région cervico-dorsale. On fait passer pendant
10 à 20 minutes un courant continu auquel on donne une intensité de
a à 1.0 m. A., généralement avec l'anode sur la colonne vertébrale et la
cathode à la périphérie. On peut aussi établir successivement des direc-
1 ions différentes du courant, en ramenant le courant à zéro chaque fois
que l'on change sa direction, et en le laissant passer de 3 it 5 minutes
dans chaque direction.
Lorsque les troubles paralytiques sont moins diffus et se montrent pré-
dominants sur certains muscles ou groupes musculaires, au lieu du bain
électrode, il est souvent préférable d'employer une plaque électrode que
l'on place sur la partie inférieure, des muscles les plus atteints. Générale-
ment dans ce cas on donne au courant une intensité plus faible qu'avec
le bain électrode; et, suivant les indications fournies par l'état des mus-
('les on reporte, après avoir ramené lc courant à zéro, l'électrode sur
d'autres groupes musculaires soit sur le même membre, soit sur l'autre
membre. Sur chacune des régions choisies on prolonge le passage du
courant de façon que la durée totale de l'électrisation ne dépasse guère
20 à 50 minutes. Les séances de traitement peuvent n'être répétées que
tous les deux jours. Dans le cas où l'électrisation doit être étendue à plu-
sieurs membres, il peut y avoir avantage à faire des séances quotidiennes
pour soumettre à l'électrisation un jour les membres inférieurs et un
autre jour les membres supérieurs. *
A la galvanisation continue ainsi dirigée, il y a lieu d'ajouter, après
quelque temps, deux ou plusieurs semaines suivant les cas, des exci-
tations des muscles avec le courant galvanique interrompu. Ces exci-
tations peuvent être faites d'abord pendant l'application du courant alva-
nique continu soit avec le bain soit avec les plaques. Pendant cette
application on interrompt et on rétablit brusquement le courant de
15 à 00 fois à intervalles de quelques secondes. Au moment de ces
ouvertures et fermetures du courant il faut avoir soin d'abaisser t intcu-
sité de manière que les excitations ne soient pas trop fortes; on donne au
courant une intensité voisine de celle qui produit les contractions mini-
males des muscles, intensité qui il cette période de la poliomyélite peut
être comprise en moyenne entre 5 et 11. A. Après ces excitations on
laisse généralement passer quelques minutes encore le courant, à l'état
continu, en relevant son intensité à la valeur choisie pour la galvanisation
continue.
Après quelques semaines de ce traitement il y a lieu souvent d'insister
davantage sur les excitations des muscles, soit en continuant encore les
applications de courant galvanique continu, soit en les remplaçant par
des séances uniquement consacrées aux excitations musculaires. 1 ce
moment il y a généralement indication de localiser plus particulièrement
les excitations sur les muscles que l'électrodiagnoslic montre les plus
atteints, en évitant au contraire d'exciter, autant qu'il est possible, les
muscles restés sains ou peu atteints, pour ne pas augmenter les déloi-
PARALYSIE INFANTILE. 1299
mations qui résultent parfois de la prédominance d'action de ces
derniers. On procède habituellement à l'électrisation en employant la
méthode polaire : une grande électrode est appliquée sur la colonne
vertébrale, et avec une électrode d'assez petites dimensions en forme de
plaque ou de tampon on localise les excitations sur les muscles que l'on
se propose d'exciter, soit avec le courant galvanique simplement inter-
rompu, soit avec le courant galvanique interrompu et renversé. Il y a
avantage à agir par excitation longitudinale en plaçant l'électrode sur la
partie inférieure du muscle ou sur son tendon; on peut faire aussi
quelques excitations sur le corps du muscle, et d'autres au niveau de son
point d'élection. Lorsqu'on emploie la galvanisation simplement inter-
rompue c'est la cathode qu'il convient de faire agir dans l'excitation
longitudinale et le plus souvent, au contraire, l'anode dans l'excitation
au point d'élection. Dans la galvanisation interrompue et renversée, pro-
cédé auquel nous donnons habituellement la préférence, l'électrode
excitatrice est rendue alternativement cathode et anode au moyen de la
double clef ou du métronome inverseur. Qu'on agisse par la galvani-
sation simplement interrompue ou par la galvanisation alternative on
donne au courant une intensité suffisante pour produire des excitations
assez faibles. A une époque pas très éloignée encore du début de la
maladie une intensité de. à 5 m. A. se montre souvent suffisamment
active; plus tard l'intensité doit être plus élevée et atteindre 8 à l 0 m. A; -,
parfois davantage; nous évitons généralement de dépasser 15 m. A. Les
excitations ne doivent pas non plus être trop prolongées; sur chaque
muscle ou groupe musculaire soumis, à ce traitement on limitera l'élec-
trisation à une durée de 1 à 2 minutes en répétant les excitations à
intervalles de 1 à secondes. Lorsqu'on doit employer des intensités
un peu élevées, les excitations avec la méthode polaire se diffusent
parfois sur des muscles restés sains ou déjà bien réparés; il peut y avoir
avantage à employer dans ces cas la méthode bipolaire et à placer les deux
électrodes sur le muscle, l'une à sa partie supérieure, l'autre il sa partie
inférieure.
La galvanisation labile pourrait être employée aussi comme mode de
traitement dans les périodes de la poliomyélite auxquelles s'adressent les
excitations des muscles dont il vient, d'être question. On la localise sur
les muscles les plus atteints; mais dans le plus grand nombre des cas
nous lui préférons la galvanisation interrompue et surtout la galvanisation
alternative.
Le traitement pur les courants faradiques comporte beaucoup moins
d'Indications que le traitement par les courants galvaniques. Il est même
contre-indiqué pour les muscles présentant de la DR complète et même
de, la 1)11 partielle assez accentuée, tant que l'excitabilité faradique des
muscles est abolie ou fortement diminuée. Dans les poliomyélites légères,
le traitement faradique peut être employé de bonne heure; il vaut mieux
If' commencer avec des courants faradiques à intermittences espacées et
[E HUET.] 1
1500 ÉLECTROTHÉRAPIE. ,
des excitations modérées des muscles, soit par la méthode polaire, soit par
la méthode bipolaire. Un peu plus tard on peut employer, mais avec
ménagements, les courants faradiques à intermittences fréquentes, avec
excitations rythmées courtes et séparées les unes des autres par des
intervalles de repos de deux à trois secondes au moins. Dans les polio-
myélites plus graves, le courant faradique pourrait être employé aussi sur
des muscles peu atteints ne présentant pas de DR ou ne présentant que.
de la DR partielle légère; mais dans ces cas les efforts du traitement
doivent porter surtout sur les muscles plus profondément atteints et
avant que ceux-ci, soumis au traitement galvanique, se trouvent plus ou
moins réparés, les muscles peu atteints ont déjà acquis une bonne répa-
ration. De plus, il vaut mieux éviter, le plus souvent, de faire porter
l'excitation électrique sur les muscles peu atteints ou sains pour ne pas
développer leur prédominance d'action et augmenter les déformations
qui en résultent parfois.
A une époque plus ou moins éloignée de l'évolution des poliomyélites
graves lorsque les muscles ont acquis une réparation suffisante et ont
retrouvé plus ou moins de leur excitabilité faradique, le traitement
dique dirigé avec ménagements peut se trouver indiqué. On le commen-
cera avec les courants faradiques à intermittences espacées ; on n'em-
ploiera que plus tard les courants- à intermittences fréquentes avec
excitations rythmées. Dans ces cas il y à souvent avantage à employer les
courants galvano-faradiques, d'abord les courants dans lesquels le fan-
dique est à intermittences espacées et plus tard les courants avec fara-
dique à intermittences fréquentes.
L'électrisation statique avec le bain, friction sur la colonne vertébrale,
et étincelles immédiates ou médiates plus ou moins fortes dirigées sur
lés muscles a été employée aussi pour le traitement des poliomyélites
antérieures aiguës. Nous préférons à ce mode de traitement, dans la
grande majorité des cas, le traitement par les courants galvaniques et
accessoirement par les courants faradiques ou galvano-faradiques.
La direction générale du traitement peut être la suivante : au commcn-
cement le traitement sera appliqué sans interruption pendant plusieurs
mois, 5 à 6 mois en moyenne. On pourra le suspendre alors quelques
semaines pour le reprendre pendant quelques mois, le suspendre de
nouveau, le reprendre ensuite et ainsi de même pendant un temps assez
long; tant que l'on voit ou que l'on peut espérer des effets utiles de nez
traitement. A mesure que l'on s'éloigne davantage du début de la maladie
les périodes de repos du traitement électrique peuvent être plus prolon-
gées; dans ces intervalles de repos il convient souvent de continuer on
d'appliquer ' d'autres modes de traitement tels que massage, balnco-
thérapie, etc. Ainsi compris, le traitement électrique s'étend habituelle-
ment sur plusieurs années. Les résultats, sont très variables suivant les
cas : rarement très bons, sauf dans les cas de poliomyélite légère.
souvent médiocres, parfois peu satisfaisants; généralement cependant
' : '' . ' : POLYNÉVRITES, I u01 1
une amélioration plus ou moins accentuée accompagne le traitement. Les
cas les plus défavorables ne sont pas toujours ceux dans lesquels un très,
grand nombre de. muscles sont atteints ; avec, quelques muscles ou
groupes musculaires profondément altérés on observe parfois, sous l'in-
lluence de la prédominance d'action des muscles antagonistes, des défor-
mations contre lesquelles l'orthopédie reste souvent impuissante et qui
nécessitent des interventions chirurgicales plus ou moins heureuses sui-
vant les cas : anastomoses nrusculo-tendüeuses, sections de tendons,
srllnodèses; etc.. -
On-est appelé quelquefois tardivement à traiter lés atrophies muscu-
et les troubles moteurs laissés par des poliomyélites, qui n'ont pas
encore été traitées par l'électrisation, ou dans lesquelles le traitement
électrique incomplet ou mal dirigea été abandonné depuis longtemps.
Un certain nombre de ces cas peuvent bénéficier encore de l'électrisation.
Généralement en pareils cas les applications à faire consistent en excita-
tions plus ou moins localisées sur les muscles, que l'examen électro-
diagnostique montre plus particulièrement atteints,, avec les courants
galvaniques simplement interrompus ou avec les courants, galvaniques
interrompus et renversés. Parfois aussi la faradisation ou la galvano-
ihradisation peuvent être utiles. On appliquera ces modes de traitement
suivant les indications déjà données.
. Complications de la méningite cérébro-spinale. - Dans. la ménin-
gite cérébro-spinale on voit parfois se produire des complications occa-
sionnant des troubles moteurs qui ressemblent beaucoup à ceux de la
poliomyélite; il n'est même pas toujours facile de les distinguer les uns
des autres. Ces complications sont souvent dues à des lésions des racines
nerveuses; elles peuvent aussi dépendre de lésions concomitantes des
cellules des cornes antérieures. Qu'elles aient l'une ou l'autre de ces ori-
gines les complications de la méningite cérébro-spinale sont passibles du
même traitement. Il faut attendre que la période aiguë de la méningite
ait pris fin pour commencer le traitement électrique; ensuite celui-ci
pourra être dirigé de la manière que nous avons dite pour la poliomyélite.
Les résultats; du traitement sont souvent meilleurs dans les séquelles de
la méningite que dans la poliomyélite', alors même que les. lésions secon-
daires des nerfs périphériques et des muscles se sont montrées sensi-
hiement semblables à l'examen électro-diagnostique. La restauration des
nerfs et des muscles n'est cependant pas toujours complète et les compli-
cations de la méningite laissent parfois des atrophies plus ou moins pro-
noncées étendues suivant les cas à un plus ou moins grand nombre de
muscles.
- Polynévrites. Parmi les polynévrites il en est qui se développent
dune manière aiguë avec manifestations symptomatiques prédominant
dans la sphère motrice et qui affectent ainsi une ressemblance plus ou
moins grande avec les poliomyélites antérieures aiguës. Dans ces poly-
névrites, cependant, les troubles sensitifs. tels que douleurs sur le trajet
· [E HUET.]
1302 ÉLECTROTHÉRAPIE.
des nerfs et douleurs au niveau des muscles, sont généralement plus
accentués que ceux existant parfois aussi dans les poliomyélites. Le trai-
tement électrique qu'il convient d'appliquer il ce genre de polynévrites
est sensiblement le même que celui des poliomyélites. Ce traitement ne
doit pas être commencé de trop bonne heure; il faut attendre que les
phénomènes aigus de la période d'invasion soient en rétrocession; c'est
donc seulement après plusieurs semaines, lorsque les douleurs ont beau-
coup diminué sinon complètement disparu, que le traitement sera com-
mencé. La galvanisation continue spécialement localisée à la moelle ne
comporte pas dans ces cas d'indications particulières. Pour la galvani-
sation continue à diriger il la périphérie sur les nerfs et sur les muscles
nous croyons cependant qu'il y a avantage a placer l'une des électrodes
sur la colonne vertébrale. Pour la direction générale du traitement et les
détails sur les diverses applications qu'il comporte, nous renvoyons il er
que nous avons dit du traitement de la poliomyélite.
Les résultats obtenus dans ces polynévrites sont généralement bons ou
assez bons; ils ne. sont pas cependant toujours parfaits : dans ces cas
aussi un plus ou moins grand nombre de muscles peuvent rester plus ou
moins atrophiés, soit que dès le début les cellules de leurs neurones
moteurs périphériques aient été aussi lésées, comme dans les cas auxquels
on a donné le nom de cellulo-névritcs, soit que les lésions des nerfs
moteurs aient été primitivement intenses et aient entraîné consécuti-
vement des altérations des cellules motrices des cornes antérieures.
Dans certaines polynévrites, les troubles sensitifs, sensations d'engour-
dissement, de fourmillement, anesthésies, etc., prennent une assez
grande importance, il côté de troubles moteurs assez prononcés aussi
parfois, plus effacés d'autres fois. Les altérations des réactions électriques
sont souvent moins accentuées dans ces l'ormes de polynévrite que dans
les précédentes; elles ne sont parfois que simplement quantitatives,
d'autres fois elles montrent aussi de la DR, mais plus souvent partielle
que complète. Il en est fréquemment ainsi, par exemple, dans les poly-
névrites diphtériques. Le traitement électrique peut généralement être
commencé de bonne heure dans ces formes de polynévrites; il peut être
sensiblement le même que celui des poliomyélites ; la galvanisation con-
linue notamment est très utilisable en appliquant une des électrodes sur
la colonne vertébrale et l'autre sur les parties des membres où les
troubles moteurs et sensitifs sont prédominants; le bain électrode con-
vient très souvent dans ces cas. Les excitations des nerfs et des muscles
se montrent également utiles; elles peuvent être faites par la galvanisa-
tion simplement interrompue ou par la galvanisation alternative, mais il
y a souvent avantage il les faire par la faradisation ou par la galvano-farn-
disation.
L'électrisation statique employée seule, ou ajoutée aux modes de Irai-
ternent précédents, nous paraît assez recommandable dans ces cas. Au
bain statique on ajoutera Cfihfvation, et de préférence la friction élec-
PAH.\LYSJES 1'1;;HIJ>IIIJlIQ(]E. 171t);¡
trique plus ou moins généralisée quand elle est bien supportée, parfois
aussi l'excitation des muscles avec étincelles.
Les résultats de ces divers modes de traitement dans ces formes de
polynévrite se mollirent généralement bons et sont souvent assez rapides.
Paralysies par lésions des nerfs ou de leurs racines, lésions trauma-
tiques, névrites, etc. Dans la pratique on se trouve souvent en
présence de paralysies limitées au territoire périphérique d'un ou de
plusieurs nerfs ; d'autres fois, les paralysies sont distribuées suivant une
topographie indiquant qu'elles dépendent de lésions ou d'altérations des
plexus formés par les racines des nerfs, et parfois de lésions ou d'altéra-
tions des racines nerveuses dans leur partie comprise entre la moelle et
les plexus. La première indication à remplir dans le traitement de ces
divers genres de paralysies est de rechercher quelle a pu être leur cause.,
et, si celle-ci est persistante, d'y remédier lorsqu'il est possible (suppri-
mer, par exemple, la compression d'un nerf produite par les fragments
ou par le cal d'une fracture, suturer les deux bouts d'un nerf sec-
tionné, etc.).
Lorsque la cause de la paralysie a été supprimée, ou lorsqu'elle n'a agi
que d'une façon transitoire, la paralysie persiste néanmoins et peut se
prolonger pendant un temps parfois très long. Le traitement par l'élec-
trisation se trouve généralement indiqué. L'état des nerfs et des muscles
qu'ils animent reconnu par l'examen étectrodiagnostique doit servir de
guide dans les applications du traitement qu'il convient d'appliquer.
On peut se trouver en présence de nerfs et de muscles qui ont bien
conservé leur excitabilité électrique, faradique et galvanique, ou qui ne
montrent que de la simple diminution de leur excitabilité, sans DR. Ces
conditions sont assez fréquentes dans un assez grand nombre de paraly-
sies nerveuses périphériques; elles se rencontrent parfois aussi dans les
paralysies d'origine radiculaire, ou dans les paralysies des plexus; elles
sont habituelles dans les paralysies dues à une compression modérée et
transitoire des nerfs, la paralysie radiale du sommeil, par exemple,
(exceptionnellement on rencontre dans cette dernière variété des para-
lysies plus graves avec DU plus ou moins accentuée, comme on l'a observé
dans des cas d'ivresse profonde avec sommeil prolongé). Ces paralysies
sont habituellement légères et pourraient guérir spontanément. Le
traitement électrique balte la guérison et la produit en quelques jours
parfois, en quelques semaines plus généralement. Dans ces cas nous
conseillons surtout la faradisation, soit par la méthode localisée et bipo-
laire, soit par la méthode unipolaire, soit par la méthode labile. Dans ces
deux dernières conditions l'une des électrodes est placée vers la racine
du membre ou sur la colonne vertébrale, et électrode sert à exciter
les muscles. Il peut y avoir avantage parfois à remplacer la faradisation
par la galvano-faradisation. On peut commencer le traitement avec les
courants à intermittences espacées. mais bientôt, parfois même dès le
début du traitement, on peut employer les courants à intermittences fré-
[E MUET]
1Ô04 1 : ;U<;.cTHOTlIÉRAPIE.
quentes, en rythmant les excitations; celles-ci doivent être faites avec
des courants d'énergie modérée, et prolongées de 1. à 2 ou minutes sur
chaque muscle ou groupe musculaire soumis à l'électrisation. Les séances
de traitement seront renouvelées tous les jours ou tous les deux jours.
Dans un grand nombre d'autres cas de paralysies périphériques par
névrites localisées ou par lésions des nerfs, des plexus ou des racines
nerveuses, il existe de la DR plus ou moins prononcée : Le traitement élec-
trique se montre aussi très utile, mais la guérison est beaucoup plus
tardive; dans les cas les plus favorables elle n'est pas obtenue avant quel-
ques mois ; parfois elle n'est bien complète qu'après une ou plusieurs
années. Il est des cas aussi dans lesquels la guérison est très imparfaite
ou même fait défaut plus ou moins complètement.
. Lorsque la DR est complète, la direction du traitement peut être sensi-*
blement la même que celle exposée pour la poliomyélite. On commencera
par la galvanisation continue, en appliquant l'une des électrodes, l'anode
de préférence, sur la colonne vertébrale, ou à la racine du membre, sur
le trajet du nerf, et l'autre électrode, la cathode, à la périphérie soit
dans un bain, soit sur les muscles paralysés. Mêmes intensités du cou-
rant et même durée que dans le traitement de la poliomyélite. Parfois des
indications particulières résultent de la cause de la paralysie. Ainsi lors-
qu'une cicatrice dure et plus on moins exubérante est une cause qui
produit ou entretient la paralysie par la compression ou l'irritation d'un
nerf, on peut chercher à ramollir et à réduire la cicatrice par le courant
continu en la recouvrant avec la cathode de forme et de dimensions
appropriées; il y a avantage à faire intervenir alors l'action de certains
ions en imbibant la cathode soit avec unp solution de chlorure de sodium,
soit avec une solution d'iodurc de potassium.
A la galvanisation continue on ajoute bientôt des excitations des
muscles paralysés et plus ou moins atrophiés faites avec le courant gal-
vanique simplement interrompu ou avec le courant galvanique inter-
rompu et renversé. Plus tard, lorsque la réparation est suffisamment
avancée et que l'excitabilité faradique des nerfs et des muscles a reparu,
les courants faradiques ou galvano-faradiques peuvent être utilisés pour
l'excitation des muscles.
Lorsque la DRn'est que partielle, la galvano-faradisation et la faradisa-
lion peuvent. être employées plus tôt; mais, en général, il vaut mieux
aussi commencer le traitement avec les courants galvaniques continus,
puis avec les courants galvaniques interrompus et renversés.
Comme dans le traitement des poliomyélites il y a souvent avantage.
dans les cas où la réparation se fait lentement, à suspendre de temps il
autre le traitement électrique pour le reprendre de nouveau après des
intervalles de repos plus ou moins prolongés.
Ces considérations générales nous paraissent suffisantes pour indiquer
la conduite à tenir et la direction il donner au traitement dans la plupart
des paralysies périphériques funiculaires, réticulaires ou radieulaires;
, PARALYSIE FATALE., , l~>or>
elles sont applicables chez l'enfant comme chez l'adulte; elles sont appli-
nables.aussi aux paralysies ohstétricales qui, le plus souvent, portent sur
le membre supérieur et reconnaissent habituellement comme cause
J'élongation des racines du plexus brachial, soit en partie seulement, soit
en totalité. Dans ces cas de paralysies radiculaires les lésions ne sont pas
habituellement égales sur toutes les racines; l'électro-diagnostic permet
de le reconnaitre, et suivant les indications qu'il fournit, on pourra se
contenter d'appliquer sur certaines parties 'du membre paralysé le trai-
tement indiqué pour les paralysies légères, alors que pour d'autres parties
il faut appliquer le traitement convenant à des paralysies plus graves avec
DR partielle ou avec DR complète.
- Dans les paralysies périphériques de quelques nerfs, le traitement
comporte certaines particularités que nous devons indiquer brièvement.
Paralysies faciales. Au point de' vue du traitement, les paralysies
Faciales périphériques peuvent être divisées en deux grands groupes, les
paralysies' dans lesquelles les réactions électriques sont bien conservées
ou sont altérées seulement en quantité sans DR, et les paralysies dans
lesquelles existe de la DR soit partielle, soit complète. -
Les paralysies du premier groupe, celles qui ne présentent pas de DR,
sont des paralysies légères, dans lesquelles la réparation tend à se faire
spontanément; la réparation cependant est parfois traînante, et le traite-
ment électrique peut la rendre plus rapide. En pareil cas, le traitement
peut être fait.par des excitations faradiques des muscles, de préférence
avec des courants à intermitlences espacées; ces excitations doivent être
très modérées et assez peu prolongées-, une à deux minutes, par exemple,
sur chacun des principaux muscles paralysés. Il nous paraît bien suffit-
sant de renouveler le traitement deux ou trois fois par semaine. Il ne faut
pas oublier que dans les paralysies plus graves les manifestations de DR
ne se montrent souvent bien confirmées qu'après deux ou trois semaines,
parfois même quatre semaines; aussi convient-il d'agir prudemment avec
le traitement faradique, pour les raisons que nous verrons bientôt, et il
peut être préférable de commencer pendant les premières semaines le
traitement des paralysies faciales légères avec les courants galvaniques
comme s'il s'agissait de paralysies plus graves.
Dans les 'paralysies faciales avec DR, surtout : lorsque celle-ci est com- -
plète, on voit assez souvent, à la période de réparation, la paralysie rem-
placée peu à peu par de la contracture plus ou moins prononcée. Ce
mode de terminaison des paralysies faciales graves s'observe même dans
des paralysies abandonnées a elles-mêmes et n'ayant été soumises à aucun
traitement électrique; mais l'observation a montré depuis longtemps
qu'un traitement électrique mal dirigé, avec des courants trop intenses,
ou trop prolongés, augmente la contracture ou même provoque facilemenl 1
son apparition. Duchenne a déjà insisté tout particulièrement sur ce point :
et il conseillait de conduire avec prudence- le traitement électrique de la
. paralysie faciale. Nous croyons avec la plupart des électrothérapcutcs
(B-HUBT.]
150G s : > ÉLECTROTHÉRAPIE.. -
contemporains qu'au début des paralysies faciales avec DR il est préfé-
rable de ne pas employer le traitement faradique, même dans les para-
lysies avec DR partielle où l'excitabilité faradique n'est pas abolie; nous
déconseillons surtout le traitement avec les courants faradiques à inter-
mittences fréquentes et le traitement avec le pinceau faradique très sou-
vent employé encore par beaucoup de praticiens.
Le traitement galvanique sera fait d'abord avec le courant continu
seulement. Une large anode, sera appliquée sur la région dorsale supé-
rieure ou de préférence sur la nuque; la cathode, représentée par une
électrode de 5 il ! ¡. centimètres de diamètre, sera appliquée successive-
ment au-dessous et en arrière de l'oreille au niveau de l'émergence du
nerf facial par le trou stylo-mastoïdien; au-devant de l'oreille, à la hall-
teur du tragus, au niveau de la division du nerf facial en ses branches
principales; sur la tempe près de l'angle externe de l'oeil au niveau de
la branche frontale et des rameaux se rendant à l'orbiculaire des pau-
pières ; sur le muscle frontal ; au-dessous de l'oeil, au niveau du plexus
sous-orbitaire et des muscles orbiculaire inférieur des paupières et él( ?
vateurs de l'aile du nez et de la lèvre supérieure; sur la joue au niveau
du buccinateur, des zygomatiques et des rameaux nerveux se rendant à
l'orbiculaire des lèvres; il la partie inférieure de la joue sur la branche
inférieure du facial et sur le muscle triangulaire, des lèvres; enfin sur le
menton au niveau des muscles du menton et de la partie inférieure de
l'orbiculaire des lèvres. Sur chacun de ces points on fait passer pendant
une à deux minutes un courant continu de 3 il 5 m. A.
On peut employer aussi comme cathode la large électrode, utilisée par
Hergonié dans le traitement de la névralgie faciale. Cette électrode
échancrée en arrière au niveau de l'oreille, et en avant au niveau de l'oeil
et de la bouche, recouvre toute la moitié de la face envoyant en avant
trois prolongements l'un sur le front, le second sur la joue entre l'oeil et
la bouche, et le troisième sur le menton ; dans ces conditions on fait
passer pendant 10 à 12 minutes un courant de il 10 m. A., courant
faible étant donné la large surface, de l'électrode.
Après quelque ternps de ce traitement par la seule galvanisation con-
tinue, deux il trois semaines, par exemple, on fait en plus quelques exci-
tations des muscles avec le courant galvanique simplement interrompu
ou avec le courant galvanique interrompu et renversé. C'est à ce dernier
mode d'excitations, au moyen de la clef double, que nous donnons la
préférence; il permet de se rendre compte, en même temps qu'on
applique le traitement, de l'état de l'excitabilité galvanique des muscles.
A chaque séance d'éjectrisatiou nous croyons préférable de commencer
par les excitations des muscles. Celles-ci sont faites avec une petite élec-
(rode de 1 à 2 centimètres de diamètre sur les principaux muscles para-
lysés, frontal, orbiculaire des paupières, élévateurs de l'aile du nez et de
la lèvre supérieure, zygomatiques. orbiculaire des lèvres, muscles du
menton, triangulaire des lèvres. L'électrode excitatrice est placée sur les
PARALYSIE FACIALE. 1307
points où l'excitation des muscles est le plus facilement obtenue, points
qui ne correspondent plus toujours aux points d'élection normaux en
raison du déplacement de ces points. D'abord les excitations faites sur
chaque muscle sont peu nombreuses, de 15 il 20; dans la suite leur
nombre est augmenté, et porté raz0 ou 40, parfois même plus. Les inten-
sités doivent être faibles et en rapport avec l'état de l'excitabilité galva-
nique ; dans la période d'hyperexcitabilité une intensité de 1/2 il 1 m. A.
est souvent suffisante; dans la suite, l'intensité doit être augmentée,
atteindre 1 ou 2 m. A., puis être plus élevée encore quand survient de
l'hypoexcitabilité. On termine la séance par l'application du courant gal-
vanique continu suivant l'un ou l'autre des procédés déjà indiqués.
Dans les paralysies faciales avec DR la réparation ne se fait jamais
qu'assez lentement et le traitement doit être continué longtemps; il
parait suffisant d'en renouveler les applications tous les deux ou trois
jours ; des applications quotidiennes ne semblent pas être plus utiles.
Après quelques mois, lorsque la réparation tarde à se montrer, ou si elle
progresse lentement, il peut y avoir avantage à faire de temps à autre des
intervalles de repos de deux ou plusieurs semaines dans les applications
du traitement électrique.
A une période assez éloignée du début, lorsque l'excitabilité faradique
des muscles est, présente, les courants faradiques peuvent être employés
pour exciter les muscles ; ces excitations doivent toujours être très
modérées, peu prolongées et faites plutôt avec des courants à intermit-
tences espacées qu'avec des courants à intermittences fréquentes.
développement possible de la contracture secondaire. Celle-ci ne se
v développe que lorsque la période de réparation de la paralysie est com- ! mencée, et elle se montre surtout lorsque la réparation se fait inégalement
et incomplètement dans les divers territoires du nerf facial. Le plus
souvent elle commence dans le territoire moyen du facial sur les zygoma-
tiques et les élévateurs de l'aile du nez et de la lèvre supérieure avec le
retour de la tonicité et de la contractilité de ces muscles. On en est
averti par des signes subjectifs (sensation de raideur dans la joue
ressentie par le malade) et par des signes objectifs (redressement et
élévation de la commissure labiale du côté paralysé, accentuation du pli
naso-labial, secousses spasmodiques dans les muscles en état de contrac-
[lire., soit au repos, soit surtout à l'occasion des mouvements ou à l'occa-
sion d'excitations cutanées ou électriques) ; à ces signes s'ajoutent plus
tard des mouvements associés d'élévation de la commissure labiale lorsque
le malade cherche à fermer les yeux ou à plisser le front, ou inversement
des mouvements associés d-oc(-Itisloii des paupières lorsque le malade
ouvre la bouche. Dans ces conditions, il faut cesser d'abord tout traite-
ment électrique, même la galvanisation continue, sur les muscles atteints
ou menacés de contracture; il peut y avoir avantage il continuer l'élec-
trisation sur les muscles où la réparai ion est le moins avancée, par
[E. HUET] 1
1508 ' , ÉLECTROTHÉRAPIE. ,
exemple, dans le cas actuellement cité, sur le frontal, l'orbiculaire infé-
rieur des lèvres, les muscles du menton et le triangulaire des lèvres. Si
la contracture tend néanmoins ;t augmenter, il faut cesser tout traitement
électrique. Après un long intervalle de repos on peut essayer de reprendre
le traitement en le faisant porter seulement sur les muscles les moins
réparés qu'on excite soit avec les courants galvaniques, soit avec les cou-
rants faradiques ou les courants galvano-faradiques; si la contracture ne
parait pas diminuer et surtout si elle tend à augmenter, il faut arrêter
définitivement le traitement électrique.
Paralysies des nerfs moteurs du globe oculaire. Dans le traite-
ment de ces paralysies on peut se borner le plus souvent à des appiicn-
fions' de courants galvaniques continus. L'une des électrodes, l'anode géné-
ralement, est placée il la nuque sur la ligne médiane ou sur le côté opposé
à celui de la paralysie; la cathode, de forme et de dimensions appropriées.
est placée sur les paupières fermées, paupière supérieure, ou paupière
inférieure, ou l'une et l'autre paupière successivement suivant les cas.
Représentée par un tampon de 5 à 4 cm. de diamètre, la cathode peut
être placée aussi sur la tempe en arrière et en dehors de l'angle externe
de l'oeil. On utilise des courants d'assez faible intensité, de il 5111. A..
par exemple, et la durée totale de l'électrisation est le plus souvent de
à 15 minutes. ' .
On a cherché aussi à agir plus directement sur les muscles de l'oeil.
avec les courants faradiques ou avec les courants galvaniques interrompus,
en plaçant dans les culs-de-sac de la conjonctive près de l'insertion des
muscles, un petit tampon représenté par une petite boule recouverte de
ouate hydrophile. Ce mode de traitement est d'une application délicate
et nous paraît ne.devoir être tenté qu'exceptionnellement. 1
Paralysies du voile du palais. On a conseillé de traiter ces para-
lysies.avec les courants faradiques ou avec les courants galvaniques en
portant directement sur le voile du palais l'une des électrodes si on
emploie la méthode unipolaire ou les deux électrodes si on a recours à la
méthode bipolaire. En pratique, ces applications sont difficiles à faire est
nécessitent l'anesthésie préalable de la muqueuse de l'isthme du gosier.
Le plus souvent il vaut mieux agir, croyons-nous, d'une façon indirecte
au moyen du courant galvanique continu appliqué extérieurement.
L'une des électrodes, l'auode de 50 à 6(1 ? est placée sur un côté delà
nuque; l'autre électrode, plaque ou tampon de 15 à 50 ? est placée de
l'autre côté successivement sur la joue en dehors du nez, puis au-devant
de l'oreille, et en troisième lieu sur le cou au-dessous de l'angle du maxil-
laire inférieur; sur chacun de ces points on fait passer pendant quelques
minutes un courant galvanique continu avec une intensité, de 5 a
10 m. A. On agit ensuite de la même, façon sur l'autre côté.
Paralysies du larynx. Ces paralysies pourront être traitées aussi en
plaçant extérieurement les électrodes sur la peau : anode sur la nuque,
cathode successivement sur l'un et l'autre côté du larynx, et courant con-
ATROPHIES MUSCtt.AHOES \1 Ü : LOI'.\TfIHjrES. i : nl1
tinu de il li ou 10 m. A. Dans certains cas. it la galvanisation continue
on pourrait ajouter des secousses par courants galvaniques interrompus,
mais avec intensités plus faibles de 5 à 5 lu. : 1., et parfois des excitations
par courants faradiques modérés avec intermittences espacées ou avec
intermittences fréquentes en ayant soin de rythmer les excitations dans
ce dernier cas.
Paralysies de la langue. A ces paralysies on peut appliquer la
même direction du traitement que celle indiquée pour les paralysies du
larynx en plaçant l'une des électrodes, la cathode, sur la région sus-hyoï-
dienne. Les applications portées directement sur la langue sont égale-
ment possibles.
Affections à processus chronique portant sur les neurones moteurs
périphériques. Les paralysies et les atrophies musculaires qui résul-
tent de lésions des neurones moteurs périphériques et qui se développent
plus ou moins lentement, en suivant, un processus chronique, ont été
soumises souvent à des traitements par l'électricité. De nombreux modes
(l'électrisation ont été essayés. Les résultats obtenus ont été en général
peu satisfaisants dans ces affections qui suivent pour la plupart une évo-
lution progressive. Parfois le développement des lésions semble s'arrêter
pendant un temps plus ou moins prolongé, ou leur progression ne se
fait que très lentement; mais il est difficile de reconnaître la part qui.
dans cette évolution, revient au traitement ou il la marche naturelle de
la maladie. Le traitement électrique, cependant, discrètement appliqué,
peut être utile il plusieurs points de vue; il soutient le moral des malades
en leur faisant considérer que leur maladie n'est pas sans espoir de gué-
rison ou d'amélioration; il peut aussi agir directement sur l'état des
muscles incomplètement atrophiés en entretenant ou en stimulant le
développement de leurs fibres restées saines.
Comme type principal de ces affections nous pouvons considérer
\' atrophie musculaire mclopalhiqlce l'almur-Duclrelne. Les modes de
traitement que nous avons précédemment indiqués peuvent lui être
appliqués : galvanisation continue de la moelle soit seule, soit associée à
la galvanisation périphérique des muscles atrophiés, galvanisation tahiie
dirigée sur ces muscles, excitations modérées des muscles atrophiés ou
en voie d'atrophie, faites suivant l'étal de leur excitabilité électrique avec
les courants faradiques ou galvano-faradiques ou avec les courants gaha-
niques simplement interrompus ou interrompus et alternativement ren-
versés. L'électrisation statique avec frictions et étincelles le long de la
colonne vertébrale et sur les muscles atrophiés a été aussi employée. Ou
a encore essayé les courants de haute fréquence, et d'autres modes
il électrisation sur lesquels il ne nous parait pas nécessaire d'insister.
Quel que. soit le. mode de traitement électrique utilisé, il faut éviter les
courants trop forts, les séances trop prolongées et trop souvent répétées :
deux ou trois séances par semaine sont largement suffisantes. sl'.Ill'1'71-
temcnt aussi il convient de ne pas poursuivre le traitement électrique
[E HUEr 1
1 7t ! () ÉLECTROTHÉRAPIE.
d'une façon continue, mais de l'appliquer de temps il autre pendant
quelques semaines ou quelques mois, et de le suspendre pendant des
intervalles de repos plus ou moins prolongés.
Dans la sclérose latérale ccoroln'opl.ilze le processus morbide suit en
général une marche beaucoup plus rapide. On pourra essayer de mettre
en oeuvre dans cette maladie l'un ou l'autre des modes de traitement
électrique que nous venons de rappeler; lorsque les manifestations spas-
modiques sont assez accentuées, il faut écarter ou n'employer qu'avec
ménagement les modes d'électrisation qui pourraient augmenter la spas-
modicité.
La paralysie labio-glosso-Iaryngée se montre souvent comme expression
symptomatique de la sclérose latérale arnyotroplrique, soit il la fin, soit au
début. Dans ce cas on pourrait essayer la galvanisation continue de la
manière indiquée pour les paralysies du voile du palais, du larynx et de
la langue. On ne peut guère compter sur son efficacité, pas plus d'ailleurs
que sur l'efficacité des modes d'électrisation tentés contre les autres loca-
lisations de la paralysie et de l'atrophie; généralement l'évolution pro-
gressive continue sa marche et aboutit à une terminaison fatale, en
moyenne dans un espace de deux ans, parfois cependant d'une façon plus
lente.
Dans l'atrophie musculaire du type i.hc( ? COt,-1%(XY'2G, le traitement
électrique pourra se montrer plus utile; la marche de cette affection est
beaucoup plus lente et subit parfois des temps d'arrêt plus ou moins pro-
longés. Dans ces moments surtout on peut espérer voir l'électrisation
soutenir la nutrition et ramener dans la mesure possible le développe-
ment des parties des muscles qui n'ont pas été complètement atrophiées.
La syringomyélie entraîne souvent des atrophies musculaires par
extension des lésions aux cornes antérieures ou par compression de voi-
sinage. Les résultats des traitements empruntés aux divers modes d'élec-
trisation déjà indiqués ont été médiocres et souvent même il peu près
nuls. Depuis quelques années on a essayé dans la syringomyélie le trai-
tement par la radiothérapie; les résultats paraissent avoir été assez favo-
rables, davantage pour les troubles trophiques et sensitifs que pour les
troubles neuro-moteurs; l'état de spasmodicité, lorsqu'il existait, aurait
été cependant avantageusement modifié parfois, mais les atrophies mus-
culaires n'ont été guère influencées ; cela se conçoit facilement d'ailleurs
pour les cas où les cellules des neurones se trouvent déjà profondément
lésées.
Myopathies primitives (Dystrophies musculaires progressives).
Les diverses formes de la myopathie primitive, paralysie pseudo-hyper-
trophique de Duchenne, atrophie J'aeio-seapulo-huII\(\rale de Landouzy-
Dejerine, atrophie scapulo-humérale (l'I'.r'h, atrophie musculaire du type
Leyden-Mobius, paraissent dépendre d'une dystrophie primitive des
muscles et non de. lésions des neurones moteurs périphériques comme
les atrophiées musculaires mvétopathiques.
MYOPATHIES. [ : il i
L'électrisation est communément employée dans leur traitement; on
a signalé des cas où une grande amélioration, et même la guérison.
auraient été obtenues avec le traitement électrique, notamment avec les
courants sinusoïdaux et avec des courants polyphasés; il convient de
n'accueillir qu'avec réserves d'aussi bons résultats et de se rappeler que
des affections de nature différente peuvent donner lieu à des parésies
affectant, par leur localisation et par les déformations qu'elles produisent,
des ressemblances plus ou moins grandes avec les myopathies ; nous
pourrions citer comme exemples des polynévrites et certains cas de mal
de Pott. Les myopathies sont des affections qui par leur nature. suivent
une marche plus ou moins lente mais presque toujours progressive, et
l'on peut s'estimer heureux lorsque le traitement parait arrêter ou
retarder leur évolution.
Les traitements les plus recommandables semblent être ceux qui peu-
vent exciter la nutrition et le fonctionnement des muscles. Comme
ceux-ci conservent longtemps leur excitabilité électrique, faradique
et galvanique, plus ou moins diminuée seulement suivant les
cas, la faradisation ou la galvano-faradisation sont particuliè-
rement utilisables. Il faut éviter des courants trop forts et trop
prolongés qui, en fatiguant les muscles, risqueraient de produire des
effets plutôt nuisibles. Nous donnons souvent la préférence à la
galvano-faradisation. Une assez large électrode correspondant à l'anode,
est appliquée sur la colonne vertébrale; l'autre électrode, représentée par
un tampon de 5 il 4 centimètres de diamètre ou par un rouleau, sert il
porter l'électrisation sur les muscles les plus affaiblis.
La galvano-faradisation peut être faite avec courants faradiques à
intermittences espacées ou avec courants faradiques à intermittences
fréquentes. Dans le premier cas, les excitations sont plus douces et
ménagent davantage les muscles ; on donne au courant galvanique une
intensité comprise en moyenne entre 5 et 6 m. A. ; on donne, au cou-
rant faradique fourni par une bobine à gros fil ou à fil moyen, une
énergie modérée ne produisant que des contractions faibles ou assez fai-
hies sans provoquer de douleurs. Si l'on se sert de l'électrode en forme de
tampon, celle-ci est placée il demeure sur le muscle au niveau du point
d'élection ; si l'on se sert de l'électrode en forme de rouleau on peut
pratiquer l'électrisation suivant la méthode labile en promenant le rou-
leau sur toute la longueur du muscle. Pour la galvano-faradisation avec
courants faradiques à intermittences semi-fréquentes ou fréquentes, on
observe la même conduite au sujet de l'intensité il donner au courant
galvanique, et au sujet de l'énergie du courant faradique; mais que l'on
se serve de l'électrode tampon ou de l'électrode rouleau, il faut rythmer
les excitations, de la manière indiquée dans la première partie de cet
article; avec l'électrode tampon placée d'une façon stable au niveau du
point d'élection du muscle, les excitations sont rythmées au moyen d'un
interrupteur ou d'un métronome ; elles pourraient aussi être rythmées avec
[E. HUET.]
! 512 `3 ÉLECTROTHÉRAPIE.
un onduleur de courant si on dispose d'un semblable appareil; avec
l'électrode rouleau et la méthode labile d'électrisation, les excitations
sont rythmées en soulevant le rouleau lorsqu'il est arrivé à une extrémité
du muscle.
La durée de l'électrisation sur chaque muscle sera en moyenne de
si. il 7.) minutes; d'une façon générale, elle doit être, plus courte, avec la
galvano-faradisation à intermittences fréquentes, qu'avec la galvano-far;l-
disation à intermittences espacées. - .
Dans le traitement des myopathies il n'est pas nécessaire de renou-
veler l'électrisation tous les jours; deux ou trois séances de traitement
par semaine sont en général suffisantes.
La faradisation seule peut être employée au lieu de la galvano-faradi-
sation. Les procédés d'application sont les mêmes que ceux qui i
viennent d'être indiqués, avec cette différence que le courant galva-
nique est supprimé. ,
D'autres modes d'électrisation ont été employés dans le traitement des
myopathies. Nous nous contenterons de les indiquer brièvement. La gal-
vanisation continue, la galvanisation labile, la galvanisation interrompue
et la galvanisation alternative sont utilisables; pour leurs applications on
pourra prendre comme guide les indications données précédemment a
propos du traitement des poliomyélites antérieures aiguës.
L'électrisation statique a été aussi employée soit avec le bain statique
et excitations des muscles par étincelles médiates ou immédiates, soit
avec excitations des muscles par le wave current ou par les courants
statiques induits de Morton.
Nous rappellerons que les courants sinusoïdaux appliqués dans des
bains auraient donné dans quelques cas des résultats très favorables.
Les myopathies, qu'elles se développent dans l'enfance, dans l'adoles-
cence ou plus tard encore, ont une marche lente et une durée souvent
très longue. C'est en commençant le traitement électrique de bonne
heure, lorsque l'affaiblissement des muscles et leur atrophie ne sont pas
encore très prononcés, que l'on peut le plus espérer en retirer quelques
avantages..11 faut le continuer pendant longtemps, surtout s'il parait
avoir quelque efficacité, en procédant par séries de traitement de plu-
sieurs mois entrecoupées de séries de repos plus ou moins prolongé.
Pendant ces périodes de repos il y a souvent lieu de continuer. ou d'insli-
tuer d'autres genres de traitement, tels que massage, gymnastique, etc.
Atrophies musculaires réflexes d'origine articulaire. A la suite
de lésions ou d'irritations articulaires, on voit souvent se développer
des atrophies musculaires parfois très prononcées. En général ces afro-
phies frappent davantage les muscles extenseurs de l'articulation ; elles
ne, reconnaissent pas seulement pour Cause l'inaction fonctionnelle, niais
elles s'expliquent par une action réflexe portant sur les centres médul-
laires et entraînant des troubles dans la trophicité des muscles. L'électrt-
sation se montre' habituellement très efficace dans le traitement de ces
ATROPHIES MUSCULAIRES RÉFLEXES. 1510
atrophies musculaires. Lorsque toute irritation articulaire n'a pas encore
complètement disparu et lorsqu'il y a lieu de ne pas provoquer de contrac-
tions trop fortes ou trop répétées des muscles qui meuvent l'articulation,
on peut commencer le traitement par la seule galvanisation continue.
Une large anode est placée sur la colonne vertébrale à la hauteur des
racines des nerfs animant les muscles atrophiés, une large cathode est
placée sur ces muscles les recouvrant sur une assez grande surface ou
entourant leur partie inférieure, et l'on fait passer pendant un temps
variant de 10 à 50 minutes un courant continu dont l'intensité est habi-
tuellement comprise entre 5 et 10 m. A. et peut être portée avec de
larges électrodes jusqu'à 15 ni. A. Lefort et Yaltat ont traité avec succès
ce genre d'atrophies musculaires, en soumettant les muscles à une
électrisation prolongée pendant plusieurs heures avec des courants conti-
nus de faible intensité. On peut aussi soumettre les muscles atrophiés il
la galvanisation labile avec des courants d'une intensité moyenne de 5 à
li m. A. Lorsque l'état de l'articulation le permet, on peut à la galva-
nisation continue ajouter des excitations avec les courants galvaniques
simplement interrompus ou interrompus et renversés. Mais dans ces
conditions il est généralement préférable d'agir sur les muscles atrophiés
par la faradisation ou la galvano-faradisation. La faradisation et même la
galvano-faradisation peuvent être appliquées suivant la méthode bipo-
laire, mais nous préférons généralement le mode d'application par la
méthode polaire de la façon indiquée déjà pour le traitement des myo-
pathies. On peut sans inconvénient soumettre les muscles à des excita-
tions plus fortes que dans le traitement des myopathies, en évitant cepen-
dant toute exagération dans la durée et dans l'énergie des excitations.
L'électrisation pourrait être au besoin renouvelée tous les jours ; il suffit,
cependant, le plus souvent de la renouveler tous les deux jours.
, Les résultats fournis par le traitement électrique dans les atrophies
musculaires réflexes d'origine articulaire sont généralement bons et assez
rapides, surtout lorsque l'atrophie n'est pas trop ancienne. On voit assez
rapidement les muscles gagner en volume et en force. L'atrophie toutefois
ne disparait pas toujours complètement et avec elle persiste souvent une
diminution simple plus ou moins accusée des réactions faradiques et
galvaniques.
Le même traitement est applicable aux atrophies musculaires réflexes
il' origine abarliculaire ; il est applicable aussi aux atrophies muscll-
laires par inaction fonctionnelle comme celles qui résultent de IÏll1mo-
Iilisal.ion par un appareil de fracture, ou par des pansements assez long-
temps prolongés, etc.
l'it,iTIQUE llEUIIOI..
87. >-)
[E. HUET.]
ÉLECTROTHÉRAPIE.
\ £ ï Jd-Wr AFFECTIONS PORTANT PLUS PARTICULIEREMENT
SUR LES NEURONES SENSITIFS.
Nous nous occuperons plus spécialement ici du traitement électrique
des névralgies en prenant comme types la névralgie sciatique et la névral-
gie faciale. Nous dirons aussi quelques mots du traitement du tabes et
du traitement de la syringomyélie.
Névralgie sciatique. - La névralgie sciatique, comme les névralgies
en général, reconnaît des causes variées : le froid, des traumalismes, des
fatigues exagérées, un état diatbésiquc (rhumatisme, goutte, diabète), une
infection (blennorragie, syphilis, tuberculose, paludisme), des intoxica-
tions ; elle peut être symptomatique de lésions vertébrales (mal de Poil),
de lésions des méninges rachidiennes, de lésions des racines nerveuses,
de lésions des organes du bassin. Dans certaines de ces formes l'électri-
sation peut être le traitement principal; dans d'autres il n'est qu'un adju-
vant et doit être associé Ü d'autres traitements dont l'indication se trouve
fournie par la cause de la névralgie quand celle-ci a pu être reconnue.
Certaines névralgies sont dues il des névrites avec lésions s'étendant aussi
aux neurones moteurs; l'examen électro-diagnostique fait généralement
reconnaître dans ces cas de la DR plus ou moins accentuée dans le territoire
du nerf atteint, ou dans des territoires radiculaires; il en résulte au point
de vue du traitement des indications particulières dont il sera question
plus loin. Dans d'autres formes de névralgies l'examen anatomique ne
fait pas reconnaître de lésions appréciables des nerfs, ce sont des névral-
gies sine rnale1'ÙI. dans lesquelles les réactions du nerf et des muscles
ne présentent habituellement pas d'altérations.
Dans la névralgie sciatique la galvanisation continue est le traitement
électrique le plus généralement indiqué. On peut l'appliquer de la façon
suivante : une large électrode de 150 à 500 ou 400 cm2 est placée sur la
région lombaire il la hauteur de l'émergence des racines du nerf scia-
tique, elle est reliée au pôle négatif; l'anode est constituée par un bain
dans lequel on fait plonger le pied, ou les deux pieds si la sciatique est
double, de façon que l'eau s'élève, au-dessus des malléoles ou même
jusqu'au mollet. On établit lentement et progressivement, en évitant les
variations brusques d'intensité, un courant qu'on élève jusqu'à 20, 40.
fi0 m. A. ou même davantage, suivant la façon dont il est toléré ; il con-
vient cependant de ne pas dépasser généralement la densité de 1/2 m. A.
par centimètre carré d'électrode. La durée de l'électrisation doit être
assez longue, de 20 minutes à 1/2 heure; elle peut être prolongée
davantage et porlée à 5/4 d'heure ou 1 heure. En terminant on ramène
lentement et graduellement le courant à zéro.
Il est parfois préférable de pratiquer l'électrisation en laissant le
malade couché. Le bain électrode est alors remplacé par une large plaque,
correspondant à l'anode, de 150 il 500 cm\ placée sur la partie inférieure
, NÉVRALGIE SCIATIQUE. 1 ? ) : .
de la jambe ou sur le mollet. Si la sciatique est double on opère successi-
vement sur l'une et l'autre jambe, ou bien sur les deux jambes à la fois
en réunissant au même pôle de la batterie par un fil bifurqué les deux
plaques placées sur l'une et l'autre jambe. Pour le reste, intensité du
courant, durée de l'électrisation, manière d'établir et de faire cesser le
courant, on opère comme il vient d'être dit.
La galvanisation continue dans le traitement de la névralgie sciatique
peut être faite d'une manière un peu différente. Une large cathode est
placée comme précédemment sur la colonne vertébrale. L'anode, repré-
sentée par une plaque de 100 à 200 cnr, est placée successivement sur
les points où se font sentir plus particulièrement les douleurs, soit spon-
tanément, soit à la pression. Les principaux points douloureux dans la
sciatique se trouvent : au-dessous et en arrière de la malléole externe
(point malléolaire), vers le milieu du mollet, en arrière de la tète du Il
péroné (point péronicr), dans le creux poplité (point poplité), sur le
trajet du nerf sciatique à la cuisse (points fémoraux inférieur, moyen et
supérieur), au niveau de l'échancrure sciatique (point fessier ou ischia-
tique), en arrière du grand trochanter (point trochantérien), au niveau
de l'articulation sacro-iliaque (point sacro-iliaque), vers le milieu de la
crête iliaque (point iliaque). Suivant les cas les douleurs prédominent
davantage au niveau de certains de ces points ; c'est sur ceux-ci que l'on
place l'anode. Sur chacun des points choisis on fait passer pendant 10 il
20 minutes un courant galvanique continu avec une intensité d'au moins
une dizaine de m. A., portée souvent bien au delà en ne dépassant pas
toutefois habituellement la densité de 1/2 m. A. par d'électrode; le
courant est établi lentement et graduellement et. il est ramené de même
à zéro avant de porter l'électrode sur un autre point.
Au lieu de placer l'électrode supérieure sur la région lombaire de la
colonne, vertébrale, on la place quelquefois au niveau de l'échancrure scia-
lique, il la région fessière ou ischiatique ; elle s'y trouve maintenue par
le. poids du corps, que le malade soit couché ou qu'il soit assis. La posi-
tion de celle plaque sur la région lombaire nous parait en général pré-
l'oral]le.
La direction ascendante du courant que nous avons indiquée dans les
divers modes d'application précédents est celle qui est le plus habituel-
lement conseillée ; la direction inverse a été aussi employée, elle peut se
montrer également efficace et parfois même plus efficace.
Dans le traitement des névralgies il y a souvent avantage à répéter les
séances tous les jours, lorsque l'étal de la peau le permet. Il n'en est pas
toujours ainsi, surtout lorsqu'on emploie de fortes intensités, et l'on se
voit obligé à espacer les séances à intervalles de 2 ou 5 jours, il moins de
changer d'une séance il l'autre les points d'application des électrodes.
four ménager l'état de la peau, il convient d'ailleurs, après chaque appli-
cation, de saupoudrer avec de. la poudre de talc ou de la poudre d'amidon
les points où les électrodes ont été appliquées : souvent même il est bon
[E. HUET.]
1516 G ÉLECTROTHERAPIE.
d'enduire légèrement la peau de vaseline avant de la saupoudrer avec le
laïc ou l'amidon.
Lorsqu'il existe des excoriations de la peau, ou de simples éraflures
de l'épiderme, au niveau des points sur lesquels sont appliquées les
électrodes, le passage du courant devient très douloureux et il y peut
produire des escarres, surtout lorsqu'on emploie des intensités élevées.
Un recouvrant avec du collodion riciné les points excoriés il est facile, si
les excoriations ne sont pas trop nombreuses, de faire supporter sans
danger l'électrisation.
La galvanisation continue employée de l'une ou l'autre des manières
indiquées se montre souvent efficace dans le traitement des névralgies
sciatiques. L'amélioration est quelquefois très marquée après quelques
séances; d'autres fois elle ne s'accuse qu'après un temps plus long, au
bout de plusieurs semaines, et il n'est pas rare, de, la voir entrecoupée
par des retours de crises plus ou moins douloureuses. Le traitement par
la galvanisation continue échoue aussi dans un certain nombre de cas, et
lorsque l'amélioration tarde trop à se confirmer il y a lieu de cesser
l'électrisation ou de remplacer la galvanisation par un aulrejmoile de
traitement électrique. ^
On a traité avec succès des névralgies par la galvanisation avec intro-
duction d'ions médicamenteux. Bien que le nerf sciatique et ses princi-
pales branches se trouvent situés profondément et que les ions ne
pénètrent sans doute pas directement jusqu'à leur contact, on peut em-
ployer ce mode de traitement dans la névralgie sciatique. En agissant sur
des terminaisons du nerf, ou sur certaines de ses ramifications situées
plus superficiellement, les ions introduits par la galvanisation peuvent
produire des effets favorables. L'ion salicylique et l'ion quinine sont ceux
qui ont été plus spécialement mis en oeuvre dans ces cas. Pour faire agir
l'ion salicylique, l'électrode imbibée d'une solution de salicylate de soude
il 1 ou 2 pour 100 doit être mise en rapport avec le pôle négatif; pour
l'ion quinine l'électrode contenant une solution de chlorhydrate, de qui-
nine au même titre doit être en relation avec le pôle positif. Une grande
électrode, mouillée avec de l'eau ordinaire ou avec une solution de chic.
rure de sodium ou de chlorure de potassium, est placée sur la colonne
lombaire ; on lui donne la polarité contraire à celle de l'autre électrode
qui contient l'ion que l'on se propose de faire agir. Celle-ci est placée du
côté de la périphérie au niveau des régions les plus douloureuses sur un
seul point, ou le plus souvent sur plusieurs points successivement. On
établit, de la même façon que pour la galvanisation simple, un couranl
dont l'intensité se trouve comprise d'après la tolérance entre 10 et 50 on
ti0 m. A. et on le laisse passer de 10 à 20 ou 50 minutes suivant le
nombre des points à soumettre à l'électrisation. Après avoir ramené le
courant à zéro on reporte l'électrode sur un autre point et on rétablit
le courant comme précédemment. 1
Ce genre d'électrisation peut être répété tous les deux jours et même J
NÉVRALGIE SCIATIQUE. 1517 ï
tous les jours si l'état de la peau le permet. L'ion salicylique est très bien
supporté et altère peu la peau; l'ion quinine l'altère davantage : après le
passage du courant la peau reste longtemps rouge, puis elle prend une,
coloration brunâtre plus ou moins persistante, l'épidémie durcit, se sèche,
et finalement tombe en s'écaillant. Aussi avec l'ion quinine est-on sou-
vent obligé de mettre un intervalle de plusieurs jours entre deux électri-
sations, à moins de changer d'un jour à l'autre les points d'application de
l'électrode.
On a traité aussi la sciatique, comme d'autres névralgies, par la farta-
disafion. On emploie en pareil cas le courant de la bobine à fil fin et le
pinceau métallique que l'on promène sur les points douloureux et sur le
trajet du nerf. Ce genre de traitement est assez douloureux, d'autant plus
que l'on doit employer des courants assez forts; il a donné des succès,
mais il ne réussit pas toujours et il augmente parfois les douleurs de la
névralgie. En somme il n'est pas il conseiller habituellement pendant la
période aiguë d'une névralgie; on pourrait l'essayer lorsque les douleurs,
après avoir notablement diminué, se prolongent néanmoins dans une
période de déclin plus ou moins traînante.
Les névralgies, la sciatique en particulier, ont été traitées encore par
l'électrisation statique. Généralement le malade est placé sur le tabouret
isolant et l'on promène sur le trajet du nerf un excitateur en forme de
pointe émoussée de façon à produire des étincelles petites et très nom-
breuses; on peut encore pratiquer la friction électrique sur le trajet
du nerf. D'autres fois le malade est couché sur une chaise longue, non
isolée du sol, et les petites étincelles ou la friction électrique sont pro-
duites avec une électrode reliée a la machine statique par un conducteur
isolé, et tenue par l'opérateur ;t l'aide d'un manche isolant. Ce genre de
traitement nous paraît, comme le précédent, moins utilisable dans la
période aiguë des névralgies que dans leur période de déclin. L'électrisa-
hon statique est employée parfois avec des procédés plus doux, connue le
bain statique avec souffle ou effluvation; ce genre de traitement est appi-
cable avec quelques chances de succès dans des cas particuliers, par
exemple dans certaines névralgies des névropathes et des hystériques.
Les courants de haute fréquence ont été employés encore dans le trai-
tement de la scialique et des névralgies. Deux genres d'application sont
utilisables. Dans l'un, une des spires extrêmes du petit solénoïde, com-
pris entre les armatures externes des condensateurs, est reliée à une
électrode constituée par une fine toile métallique ou par une plaque avec
revêtement spongieux et mouillé. Cette électrode est appliquée au niveau
des points douloureux ou sur le trajet du nerf. Celle seule électrode peut
suffire, le courant se trouvant fermé sur le sol par le corps du malade
quand il n'est pas isolé. On peut aussi appliquer sur une autre partie du
trajet, du nerf, ou sur la colonne vertébrale au niveau de ses origines,
une seconde électrode reliée à l'une des spires de l'autre extrémité du
petit solénoïde. Dans un autre genre d'application ces courants sont portés
[E. HUET ]
1518 ÉL t C)TI 1 ÉIIAIIIE.
a une tension beaucoup plus élevée par l'influence d'un résonateur. Avec
un excitateur en forme de pinceau ou de balai métallique on dirige
j'cfuuvation de haute fréquence sur la colonne vertébrale au niveau de
l'origine du nerf et sur tout le trajet de celui-ci. On peut y ajouter ensuite
des excitations et une révulsion plus énergiques en promenant directe-
ment sur la peau, suivant le même trajet, le balai métallique ou une
électrode formée par une tige métallique, recouverte d'un manchon de
verre (électrode condensatrice). Ce dernier genre d'application des cou-
rants de haute fréquence nous a donné de bons résultats dans le Irai-
tement de névralgies sciatiques qui après avoir passé la période aiguë se
montraient plus ou moins persistantes, et parfois aussi dans le traite-
ment de névralgies récentes dont les symptômes ne présentaient pas une
grande acuité.
Enfin, la radiothérapie semble pouvoir intervenir en certains cas dans
le traitement des névralgies.
Dans les névralgies avec névrites, lorsque les neurones moteurs sont
atteints et qu'il existe de la DR plus ou moins accentuée, il y a lieu de
prendre aussi en considération le traitement de ces troubles de la sphère
motrice. Pendant la période aiguë de la névralgie le traitement ne
différera guère de ceux qui viennent d'être exposés ; on donnera généra-
lement la préférence au traitement par la galvanisation continue. Plus
tard, lorsque les douleurs de la névralgie auront disparu ou pour le
moins beaucoup diminué, il y aura lieu de chercher à remédier à 1 affadi-
blissement et à l'atrophie des muscles en portant sur ces derniers des
excitations comme il a été indiqué pour le traitement des lésions des
neurones moteurs périphériques.
Les indications précédentes, données plus spécialement pour le trai-
tement de la névralgie sciatique, seront suivies également pour le traite-
ment des autres névralgies soit aux membres inférieurs, névralgies
crurale, obturatrice, etc., soit aux membres supérieurs, névralgies des
divers nerfs du plexus brachial ; soit au tronc, névralgies intercostales, etc.
Parmi ces divers modes de traitement, la galvanisation continue est
d'une application simple et facile; elle convient tout particulièrement
dans la période aiguë des névralgies; les formes et les dimensions des
électrodes et les positions à leur donner se trouvent indiquées par les
conditions anatomiques des nerfs qui sont le siège de la névralgie,
parfois aussi par la localisation plus particulière des douleurs en certains
points des territoires nerveux atteints; généralement il y a avantagea j'l
choisir de larges électrodes, ce qui permet, tout en tenant compte de la
densité du courant, d'employer des intensités fortes ou assez fortes. La
direction la plus habituelle à donner au courant est la direction ascen-
dante (pôle négatif du côté central, pôle positif du côté, périphérique) : il
y a cependant des exceptions il celte règle, notamment lorsque l'on veut
ajouter à la galvanisation continue l'introduction de certains ions; la
polarité des électrodes se trouve alors déterminée par la nature des ions
NÉVRALGIE FACIALE. 1 : ; I ! I ! i
et par leur lieu d'introduction. Même en dehors de l'ionisation médica-
menteuse on peut voir l'application du pôle négatif' la périphérie donner
des résultats aussi favorables que l'application du pôle positif.
Névralgie faciale. Bien que les névralgies du trijumeau soient, au
point de vue de leur traitement, assimilables sous de nombreux rapports
aux névralgies des autres nerfs, elles présentent quelques particularités
qui nous engagent à en parler tout spécialement.
Comme dans les autres névralgies il faut tout d'abord répondre
aux indications causales si la cause est connue et si elle justifie un
traitement local ou général. C'est le cas, par exemple, pour les névral-
gies imputables au mauvais état des dents, à des sinusites ou il
des otites, ou encore au paludisme, il la syphilis, etc. Il arrive parfois,
que la névralgie persiste malgré le traitement dirigé contre la cause : ou
bien la cause a cessé d'agir, comme dans les névralgies a j'rigore ; ou la
cause n'est pas facilement saisissable et reste inconnue. Dans ces divers
cas, il y a lieu d'essayer le traitement par l'électricité; il se montre sou-
vent utile soit en atténuant les douleurs si intenses parfois de la névralgie,
soit en éloignant les crises, soit même en amenant une véritable guérison.
alors que d'autres médications, comme les calmants, l'opium, l'aconit.
ont échoué ou sont restées insuffisantes. L'électrisation permettra
souvent d'éviter des opérations, comme la résection de branches du tri-
jumeau, qui parfois ne sont que palliatives et sont suivies de récidives,
ou même des opérations plus graves comme la résection du ganglion de
(lasser. Depuis quelques années, les injections d'alcool ou de cocaïne
dans des branches du trijumeau, ou dans leur voisinage, ont été em-
ployées, souvent avec succès, dans le traitement des névralgies faciales;
mais leur technique est délicate, et il semble préférable de les réserver
pour les cas où le traitement électrique, d'une application beaucoup
plus facile, a échoué.
Des névralgies faciales légères et cerlaines névralgies des hystériques
ou des névropathes peuvent être traitées avec succès par l'électrisation
statique au moyen du souffle et des effluves, ou par l'eflluvation de haute
fréquence, ou par la faradisation avec le pinceau faradique. Ce dernier
mode de traitement est assez douloureux; il doit n'être employé qu'avec
ménagement, et dans certains cas il peut augmenter les douleurs et les
crises névralgiques. Il y a donc souvent avantage il employer aussi dans
les névralgies légères la galvanisation continue, qui est le traitement
électrique, de choix dans les névralgies plus graves. Celles-ci comprennent
plusieurs formes. Les unes ressemblent aux névralgies des autres nerfs;
il existe un état d'endolorissement ou d'engourdissement continu dans le
territoire, nerveux atteint, accompagné souvent d'ilypcrcstliésie avec
points douloureux il la pression; il s'y ajoute a intervalles irréguliers et
plus ou moins fréquents des douleurs paroxystiques parfois extrêmement
vives. Ces névralgies peuvent s'étendre sur la totalité du trijumeau ou
rester localisées a une de ses parties.
[E.HUET.]
1520 . ÉLECTROTUER.APOE.
Dans une autre forme, la névralgie épileptiforme de Trousseau, les
douleurs reviennent seulement par crises paroxystiques aiguës et plus
ou moins prolongées et font défaut dans l'intervalle ; lorsqu'il s'y ajoute
des secousses convulsives et spasmodiques des muscles faciaux on a
affaire au tic douloureux de la face.
Dans ces diverses formes de la névralgie faciale on a employé la galva-
nisation continue, souvent avec succès, surtout depuis que l'on suit la
pratique préconisée par Bergonié avec de fortes intensités et des séances
prolongées au lieu de s'en tenir à de faibles intensités et à des séances
courtes.
Pour employer de fortes intensités, Bergonié a conseillé une large élec-
trode recouvrant toute une moitié de la face, alors même que la névralgie,
est localisée à une seule branche du nerf trijumeau. Cette électrode, en
forme d'e, présente deux échancrures l'une au niveau de l'oeil, l'autre
au niveau de la bouche, et trois prolongements, l'un s'étendant sur le
front, l'autre sur la joue jusqu'au nez et le troisième sur le menton. Elle
est constituée par une lame de métal munie d'une borne et doublée d'un
revêtement spongieux épais, uniforme et homogène en feutre ou en ouate
hydrophile (le feutre, qui retient beaucoup mieux que la ouate l'eau qui
l'imbibe, nous parait préférable en le recouvrant lui-même d'une ou plu-
sieurs épaisseurs d'un tissu hydrophile). Au lieu d'étain il vaut mieux
prendre, pour métal de l'électrode, de l'aluminium ou du cuivre platiné,
comme l'a conseillé Bordier. L'électrode doit être bien mouillée avec de
l'eau ordinaire, puis suffisamment exprimée pour éviter"que l'eau en s'ac-
cumulànt dans les parties déclives ne donne au courant une densité plus
grande en ces points. Pour la même raison, lorsque l'on doit employer
de fortes intensités, il convient de faire étendre le malade sur un lit ou
sur une chaise longue, de façon que l'électrode se trouve dans un plan
horizontal; elle doit être bien appliquée sur toute la surface qu'elle
recouvre et fixée avec une bande élastique.
, L'électrode faciale est habituellement reliée au pôle positif; cette
règle cependant souffre des exceptions; dans certains cas, en effet, le
pôle négatif se montre aussi efficace, parfois même son action est plus
favorable. L'autre électrode, reliée à l'autre pôle, est placée sur une
région indifférente, généralement sur le dos; elle doit être d'assez
grandes dimensions, de 200 à 500 centimètres carrés, par exemple.
On a soin d'établir le courant doucement et d'élever lentement et
progressivement son intensité en évitant toute fluctuation brusque; le
réducteur de potentiel ou un bon rhéostat sont donc bien préférables au
collecteur d'éléments pour graduer le courant; si l'on doit se servir du
collecteur il est habituellement nécessaire de lui associer un rhéostat.
L'intensité du courant est élevée graduellement jusqu'au maximum qu'il "
est possible de faire supporter, 25, 50, 60 m. A ? Bergonié l'a même
portée jusqu'à 80 m. A. Dans les premières séances, toutefois, il convient
de rester à des intensités plus basses. Le passage du courant est prolonge
NÉVRALGIE FACIALE. t : n1 1
pendant 20 à 50 minutes, parfois davantage si l'état de la peau le permet.
Pour cesser l'électrisation on ramène lentement et graduellement le
courant à zéro. On conseille souvent de répéter l'électrisation tous les
jours dans le traitement de la névralgie faciale. Cette pratique n'est pas
toujours possible quand on fait intervenir de fortes intensités; pour
ménager l'état de la peau on se voit obligé à ne répéter les séances
d'électrisation que tous les deux jours et parfois même à espacer davan-
tage les séances.
L'électrisation quotidienne devient plus facilement applicable quand
on suit la pratique conseillée par Zinunern. Les conditions d'application
des électrodes sont les mêmes que dans la méthode de Bergonié; on met
seulement en jeu des intensités beaucoup plus faibles; 5, 10, 15 ou 20 ni. : 1., suivant la façon dont elles sont tolérées; mais on prolonge davantage
la durée de passage du courant, au moins une demi-heure, souvent trois
quarts d'heure ou une heure, parfois davantage.
L'électrisation ainsi appliquée par la méthode de Bergonié ou par la
méthode de Zimmern a donné de bons résultats dans le traitement des
névralgies faciales, meilleurs généralement dans les cas de névralgie
simple que dans les cas de névralgie, épileptiforme ou de tic douloureux.
Après la séance d'électrisation on constate souvent une accalmie dans
les crises douloureuses, et cette accalmie s'accentue et se prolonge, avec
la répétition du traitement. Dans les cas de névralgies graves il convient
de poursuivre le traitement jusqu'au moment où les douleurs ont disparu
complètement ou en grande partie : deux ou trois mois de traitement,
régulièrement soutenu sont souvent nécessaires; c'est ce que Zimmern a
appelé la période de cure active. On peut alors, si l'amélioration est
suffisante, suspendre momentanément l'électrisation; mais avant de
l'abandonner complètement il convient le plus habituellement de la conti-
nuer encore pendant plusieurs mois, avec des séances plus espacées, au
nombre de une il deux par semaine, période de soutien (Zimmern).
Lorsque la névralgie ne s'étend pas il tout le territoire du trijumeau on
peut, au lieu du masque facial de Bergonié, employer des électrodes plus
petites, de forme et de dimensions appropriées aux régions qui sont le
siège des douleurs. Guilloz a obtenu de bons résultats par ce procédé en
mettant enjeu de fortes intensités, atteignant la densité de 1 à I 1/2 m. A.
par centimètre carré; la durée de passage du courant était assez longue,
une demi-heure ou davantage tant qu'il n avait pas menaces d'escarrili-
calion de, la peau. Dans les observations que Cuilloz a publiées il a fait
agir tantôt le pôle positif, tantôt le pôle négatif, et il n'a pas remarqué
(le différence, d'action bien appréciable au profit de l'un ou l'autre pôle,
bien qu'en principe on préfère généralement l'anode comme électrode
active. Dans des névralgies légères on pourrait employer ce même pro-
cédé avec des densités plus faibles du courant.
1. ('<1 IH' a conseillé tout particulièrement, dans le traitement de la
névralgie faciale, la galvanisation avec introduction de l'ion salicylique ou
[E HUET ]
15'2'J ÉLECTROTHÉRAPIE.
de l'ion quinine. L'intensité du courant doit être assez forte, de 20
à 40 m. A. ou même davantage ; comme guide sur l'intensité à atteindre
on pourra se proposer, en dehors de la tolérance du patient, la densité
moyenne de 1/2 m. A. par centimètre carré. La durée de l'électrisation
doit être assez longue, 20 minutes au moins, et, lorsqu'il est possible,
une demi-heure ou davantage. Nous renvoyons il ce qui a été dit précé-
demment sur la polarité à donner à l'électrode et sur la tolérance de la
peau envers l'ion salicylique et envers l'ion quinine. Ce mode de trai-
tement est d'une application facile et peut être essayé soit primitivement,
soit après l'un ou l'autre des procédés précédents dans le cas où ils
n'auraient pas donné de résultats suffisants.
Le traitement par la radiothérapie a été appliqué aussi aux névralgies
faciales et dans quelques cas les résultats se sont montrés favorables.
Tabes dorsal. Les lésions du tabes portent surtout sur le système
neuro-sensitif, c'est pourquoi nous parlerons à cette place du traitement
du tabès, sans oublier toutefois que les lésions tabétiques s'étendent
parfois aussi au système neuro-moteur et au grand sympathique.
Le traitement par l'électricité a été souvent employé contre le tabes.
Les résultats obtenus sont restés généralement très imparfaits, parfois
même nuls. Pour les apprécier, d'ailleurs, il faut compter avec l'évolu-
tion naturelle de la maladie, très différente suivant les cas, et ne pas
oublier que certains tabès ont une évolution lente et présentent des
manifestations symptomatiques très atténuées, tandis que d'autres
montrent des troubles sensitifs et moteurs plus ou moins prononcés el
suivent une évolution relativement rapide.
On ne peut guère espérer guérir réellement le tabes par le traitement
électrique si on en distingue les cas que l'on a rangés dans la classe des
pseudo-labes ; ceux-ci, au contraire, reconnaissant généralement pour
origine des polynévrites, sont susceptibles de guérison, et le traitement
qui leur convient le mieux est celui des polynévrites dont il a été parlé
précédemment. On devra s'estimer heureux lorsque l'on pourra croire
avoir arrêté l'évolution d'un tabès véritable, et encore, nous le rap-
pelons, faudra-t-il compter avec l'évolution spontanée et naturelle de la
maladie. Il ne faut cependant pas écarter systématiquement l'électrisa-
tion du traitement du tabes, elle peut rendre des services appréciables'
en agissant parfois, sinon toujours, contre certaines manifestations
symptomatiques.
La galvanisation continue de la moelle a été souvent conseillée cl
employée contre le tabès. Deux larges électrodes sont appliquées sur la
colonne vertébrale, l'une il la région cervico-dorsale, l'autre à la région
dorso-lombaire; puis on établit un courant continu d'intensité et de durée
variables suivant les auteurs : l'intensité doit être assez faible pour les
uns : 5 à 10 m. A. ; moyenne pour d'autres, 15 il 20 m. A., ou plus forte
encore, 20 à 40 m..\. : la durée de passage, du courant varie également :
courte pour les uns, "> à 10 minutes; plus prolongée pour d'autres, nn
TARES DORSAL. ] 3271
quart d'heure, une demi-heure ou même davantage. Nous conseillons
volontiers des intensités moyennes de 10 il 50 m. A., et une durée de
10 minutes à une demi-heure, suivant la façon dont ces courants sont
tolérés. La direction du courant ne parait pas avoir d'importance parti-
culière; quelques-uns cependant ont donné la préférence aux courants
ascendants; on pourrait aussi établir dans la même séance plusieurs
directions successives du courant, comme il a été indiqué précédemment
pour la galvanisation de la moelle il propos des paralysies cérébrales ou
médullaires et des poliomyélites.
Dans le traitement du tabès on a conseillé aussi la galvanisation dite
du grand sympathique. Une grande électrode est placée sur la colonne
rervico-dorsale; une électrode plus petite, de 10 cm2 environ, en forme
de tampon, est placée il la partie supérieure du cou, entre le larynx et le
muscle sterno-cléido-mastoïdien ; courant de ai à 10 m. A. pendant
J minutes de chaque côté. La galvanisation du grand sympathique peut
être employée seule ; mais il vaut mieux l'associer il la galvanisation de
la moelle qui vient d'être indiquée.
Le traitement électrique a été dirigé aussi plus particulièrement contre
diverses manifestations symptomatiques du tabes.
Contre les douleurs fulgurantes, on a employé la galvanisation coup-
t i IUW. Une grande électrode, généralement l'anode, est placée, sur la
colonne vertébrale, au niveau de la région dorso-lombaire, ou de la
légion dorsale, ou encore de la région cervico-dorsale. L'autre électrode,
la cathode, est représentée par un bain, dans lequel on fait tremper les
pieds, ou les mains, suivant que l'on se propose d'agir sur les membres
inférieurs ou sur les membres supérieurs; courant de 10 à 50 m. A.,
pendant 10 il 20 minutes. Le bain peut être remplacé par des plaques
fixées sur les mollets, ou sur les cuisses, ou sur les avant-bras ; lorsque
l'on veut agir à la fois sur les deux côtés, un conducteur bifurqué
réunit le pôle négatif aux plaques placées sur l'un et l'autre côté; l'inten-
sité du courant est proportionnée à la surface des électrodes et à leur
nombre, et la durée de l'électrisation est comme précédemment de 10
;1 20 minutes.
On a employé aussi contre les douleurs fulgurantes la faradisation
pratiquée avec le pinceau faradique ou avec la main électrique en diri-
geant l'électrisation le long de la colonne vertébrale et sur les membres,
dans les régions qui sont plus particulièrement le siège des douleurs. Ce
mode de, traitement donne parfois de bons résultats, mais d'autres ibis
il exaspère les douleurs, et, dans ce cas ne doit pas être continué. On
pourra employer encore, dans les mêmes conditions, soit le bain statique
avec effluves et frictions dirigés sur la colonne vertébrale et sur les
membres, ou l'cfnuvation de haute fréquence.
Les mêmes modes de traitement sont applicables aux douleurs en
ceinture, aux crises viscérales, gastriques, vésicales ou rectales. La gal-
vanisation continue donne parfois de bons résultats en appliquant une
[E. HUET.]
1524 1 : ;LICTHOTIIIIL\PIE,
électrode sur la région dorsale ou dorso-tondtaire et l'autre électrode sur
la région épigastrique dans le cas de crises gastriques, et sur la région
hypogastrique dans le cas de crises vésicules ou rectales; si l'on veut 1
essayer l'effluvation et la friction statiques ou l ? f'I1l1vation de haute 1'1'1"-
([uence on les dirigera sur la colonne vertébrale, et sur les régions épi-
gastrique ou hypogastrique.
Dans ces dernières années, la radiothérapie a été employée, parfois
avec succès, contre les crises viscérales, en dirigeant les rayons sur le
creux épigastrique, et le plexus coelial}lIe dans les crises gastriques, cl
sur la colonne vertébrale au niveau des centres d'innervation correspon-
dants. On pourrait agir de même dans les cas de crises vésicales ou rec-
tales sur le plexus hypogastrique et sur la région dorso-lombaire de la
colonne vertébrale. De même, la radiothérapie a été utilisée contre les
douleurs fulgurantes des membres en dirigeant les rayons sur la colonne
vertébrale au niveau des racines nerveuses et des centres d'innervation
correspondant aux régions périphériques où se manifestent les douleurs.
Contre l'incoordination motrice on a cherché a agir moins sur les mus-
des eux-mêmes, dont la puissance et les réactions électriques sont en
général bien conservées pendant longtemps, que sur la sensibilité péri-
phérique, cutanée, musculaire et profonde. Pour cela, on peut utiliser
soit la faradisation avec le pinceau, soit la friction statique, soit la galva-
nisation labile, il la condition que ces modes d'électrisation soient bien
supportés et ne provoquent pas de crises de douleurs fulgurantes. Dans
le cas d'hypotonie musculaire il peut v avoir utilité à pratiquer la faradi-
sation ou la galvano-faradisation en la dirigeant plus particulièrement
sur les muscles où l'hypotonie domine.
Lorsqu'aux symptômes tabétiques habituels s'ajoutent des paralysies
plus ou moins localisées, avec atrophies musculaires et présence de la DIS
indiquant l'atteinte des neurones moteurs périphériques, il y a lieu d'ap-
pliquer le traitement déjà indiqué contre ce genre de lésions.
Les paralysies des nerfs moteurs des globes oculaires sont assez 1'1'1 ?
quentes dans le, tabès. Souvent elles ne sont que transitoires; il peut \
avoir avantage, cependant, il leur appliquer le traitement déjà indiqué'.
Contre certains troubles trophiques, les maux perforants en particu-
lier, le traitement électrique a été encore employé. Contre le mal perfo-
rant plantaire, Crocq a conseillé, après en avoir retiré de bons résultats,
la faradisation du nerf tibial postérieur. Nous-mêmes avons obtenu de
bons résultats avec l'effluvation de haute fréquence, de meilleurs encore
avec l'ionisation du chlorure de zinc (pour cette ionisation le pôle actif
doit être l'anode). Récemment, Oudin a cité un cas ayant résisté à de
nombreux traitements, rapidement guéri par de petites étincelles de
haute fréquence et de haute tension.
L'électrisation peut être employée aussi contre les troubles vésicaux.
rétention ou incontinence d'urine. Le plus souvent on pourra s'en tenir
à des applications externes des courants sans recourir à leur application
NÉVROSES ET AFFECTIONS DIVERSES. 9.'n ? : ,
interne intra-urétrale ou intra-vésicale. Avec les courants galvaniques,
par exemple, on placera une grande électrode positive sur la région
lorso-lombaire de la colonne vertébrale, une électrode négative de 5
à crn. de diamètre au-dessus du pubis ou sur le périnée, (plus particu-
lièrement au-dessus du pubis dans la rétention, et sur le périnée dans
l'incontinence). On fera agir pendant dix minutes ou un quart d'heure
un courant continu avec une intensité de a 'lui m. A. A l'action du cou-
rant continu il y a souvent avantage il ajouter quelques secousses de fer-
meture. Les courants faradiques ou galvano-faradiques sont aussi utili-
sables dans les mêmes conditions d'application.
' Lorsque les applications externes sont restées inefficaccs, on peut
essayer la faradisation pratiquée au moyen de sondes spéciales dans
l'intérieur de la vessie ou au niveau du col, la faradisation intra-vésicale
dirigée plus particulièrement contre la rétention, et la faradisation du col
vésical contre l'incontinence.
Syringomyélie. Nous avons déjà parlé de cette affection à propos
du traitement des troubles qu'elle entraîne par lésions des neurones
moteurs périphériques.
Les troubles dus aux lésions des neurones sensilifs, qu'il s'agisse de
perturbation de la sensibilité comme celle qui constitue la dissociation
syringomyélique de la sensibilité, ou qu'il s'agisse de troubles subjectifs
et de crises douloureuses parfois très pénibles et très intenses, parais-
sent n'avoir guère été modifiés par la galvanisation continue souvent
employée, comme nous l'avons dit dans le traitement de cette affection.
La radiothérapie, au contraire, parait s'être montrée assez efficace, et
actuellement elle est le mode de traitement le plus recommandable.
IV. - NÉVROSES ET AFFECTIONS DIVERSES, GOITRE EXOPHTALMIQUE,
' , PARALYSIE AGITANTE, ETC.
Hystérie. Les accidents pathologiques si nombreux et si variés
créés par l'hystérie constituent un vaste champ dans lequel le traitement
par l'électricité a récolté de multiples succès. Il en a été ainsi déjà au
milieu du XVIIIe siècle, époque dès laquelle on a commencé à appliquer au
traitement des maladies nerveuses l'électricité fournie par les machines
statiques que l'on venait d'inventer. 11 a continué à en être ainsi, sous des
formes plus variées, il mesure que les nouvelles découvertes et les
nouvelles inventions faites dans le domaine de l'électricité ont été appli-
quées en médecine. On sait que beaucoup d'accidents morbides
développés sous l'influence de l'hystérie peuvent simuler plus ou moins
nombre d'autres affections ; on sait aussi combien les accidents hystériques
sont susceptibles d'être influencés par la suggestion. Il est important de
se le rappeler lorsqu'on cherche il apprécier l'efficacité réelle et intrinsèque
d'un traitement électrique dans une affection déterminée.
[E HUET.]
17d6 6 f ? LECTlto']'l 1 1-lIl% PIE.
Pour l'hystérie il est incontestable que la suggestion joue le plus sou-
vent un très grand rôle dans l'action du traitement électrique; en dehors-
de la manière d'être que l'on connaît à l'hystérie, nombre de faits pour-
raient le démontrer. On a vu des accidents hystériques disparaître après
des applications électriques mal appropriées; on a vu aussi des troubles
hystériques disparaître sur des régions trop éloignées de celles soumises
au traitement électrique pour en subir l'influence directe; on a vu même
des manifestations hystériques guérir subitement ou très rapidement
après un simple simulacre d'électrisation. Il ne faut pas cependant se
baser sur de pareils faits pour se croire autorisé à appliquer au hasard
l'électricité dans le traitement de l'hystérie; tout en escomptant les effets
suggestifs de l'électrisation, il convient de se placer dans des conditions
rationnelles, ou dans des conditions que l'expérience a montrées les plu
favorables, pour créer la suggestion, la développer et la faire accepter par
les malades. ;
Le traitement électrique dans l'hystérie peut être envisagé comme trai-
tement général ou comme traitement symptomatique dirigé plus parti-
culièrement contre certaines manifestations de la névrose. 1
Comme traitement général l'électrisation statique se trouve plus parti-
culièrement indiquée. Il convient le plus habituellement de commencer
par le bain statique seul, en faisant donner à la machine statique un débit
faible ou très modéré, et en évitant toute excitation intempestive comme
celle qui résulterait d'une étincelle éclatant accidentellement; il importé,
en effet, de surmonter tout d'abord l'impressionnabilité souvent très
grande de ces malades et de les accoutumer peu a peu aux applications
que l'on se propose de leur faire supporter. La durée du premicr bain
statique sera généralement courte, de il z10 minutes; celle des bains
suivants est peu à peu augmentée et portée plus ou moins rapidement.
suivant la tolérance observée, à 15 ou 20 minutes, parfois une demi-
heure, rarement plus. En même temps il y a avantage à chercher à déve-
lopper la suggestion et pendant les instants consacrés au bain statique on
trouve facilement l'occasion de diriger la conversation dans le sens d'une
psychothérapie rationnelle. Le bain statique peut être répété tous lez
jours; il suffit souvent de ne le répéter que tous les deux jours, parfois
même seulement deux fois par semaine.
Lorsque les malades sont arrivés à bien supporter le bain, il y a géné-
ralement indication d'y adjoindre d'autres applications de l'électricité
statique, applications qui varient suivant l'étal des malades et suivant
les troubles prédominants; contre les algies on dispose du souffle, de
l'effluvation, parfois même des frictions; contre la céphalée le souffle
dirigé sur la tête ou la douche statique se trouvent indiqués; les mêmes
procédés sont utilisables contre l'insomnie lorsque le bain seul est resté
insuffisant; contre les spasmes et les contractures, le souffle, les effluves,
parfois la friction électrique peuvent donner de bons résultats. Contre
les troubles gastro-intestinaux, l'anorexie et la constipation, on utilise le
HYSTÉRIE. 1527 7
souffle, les effluves, et même les étincelles dirigées plus particulièrement
selon les cas sur la région de l'estomac ou sur l'abdomen en suivant le
trajet du gros intestin; en cas de dépression plus ou moins généralisée
ou de troubles parétiques on peut aussi recourir à l'ei'lluvation, à la
friction ou aux étincelles dirigées sur la colonne vertébrale ou sur les
membres.
Ainsi en appliquant 1 électrisation statique comme traitement général 1
on peut déjà répondre plus particulièrement il un certain nombre d'indi-
cations symptomatiques; lorsque celles-ci prennent une importance plus
grande il y a lieu souvent de s'en occuper tout spécialement et de faire
intervenir d'autres modes d'électrisation.
Dans les paralysies hystériques les réactions électriques sont, comme
nous l'avons vu, généralement bien conservées non seulement en qualité
mais aussi en quantité. Les courants faradiques se trouvent donc indiqués
pour exciter les nerfs et provoquer la contraction des muscles. Pour
habituer les malades à supporter la faradisation on peut commencer par
des excitations avec des courants faradiques il intermittences espacées,
mais il y a avantage à les remplacer bientôt par des courants à intermit-
tences fréquentes. En excitant les muscles isolément ou en groupe par
l'intermédiaire du nerf, soit par la méthode polaire, soit par la méthode
bi-polaire, on montre aux malades que leurs muscles ont conservé, le
pouvoir de se contracter. On a soin de rythmer plus ou moins régulière-
ment les excitations pour ne pas fatiguer les muscles, d'autant plus qu'il
y a lieu d'employer souvent des courants assez forts pour amener le
déplacement des parties sur lesquelles s'attachent les muscles et provoquer
des mouvements plus ou moins étendus. Il y a souvent avantage à com-
biner la faradisation avec la rééducation fonctionnelle des mouvements
et il provoquer ou compléter par l'excitation faradique les mouvements
que l'on demande aux malades de faire. De cette façon, et la suggestion
aidant, on voit guérir rapidement ou assez rapidement des paralysies
hystériques, surtout lorsqu'elles sont récentes. La guérison s'obtient en
général plus difficilement et peut même faire défaut dans les paralysies
plus anciennes.
Les anesthésies hystériques n'entraînent généralement pas de gène
bien accusée chez ces malades. On a montré d'ailleurs dans ces dernières
années combien ces anesthésies sont souvent artificielles et quel rôle
peut jouer le médecin dans leur production. Lorsqu'elles accompagnent
des paralysies elles disparaissent fréquemment en même temps que ces
dernières. Lorsqu'elles existent isolément il peut y avoir avantage il
rechercher leur disparition. L'éleclrisation statique avec le souffle, les
effluves, ou la friction conduisent parfois ce, résultat; d'autres fois il y
a lieu d'employer des procédés d'électrisation plus énergiques, tels que
la faradisalion avec le pinceau et le courant de la bobine à fil fin; pendant
qu'on augmente progressivement l'énergie du courant il arrive généra-
lement un moment où l'on reconnaît il un geste que la sensation est
[E HUET .]
1 : -d ÉLECTROTHÉRAPIE. E.
perçue; on en profite pour faire remarquer que la sensibilité n'est pas
complètement perdue et Ion continue quelque temps encore l'éleclri-
station, mais en diminuant le courant si la sensation paraît devenir trop
douloureuse. A la suite de Ulectrisation les autres modes de sensibilité,
mit souvent aussi reparu. Le retour de la sensibilité peut s'étendre bien
au delà des parties électrisées, tout un membre et même, la moitié du
corps dans les cas d'hémianesthésie ; s'il se montre plus localisé on fera
reparaître aussi la sensibilité sur d'autres régions en les soumettant
également à l'électrisation. La sensibilité ainsi revenue persiste parfois
d'une manière définitive; le plus souvent l'anesthésie reparaît après
quelques heures ou après quelques jours; mais, la suggestion aidant, elle
peut disparaître définitivement après quelques séances d'électrisation.
l1yperest/¡ésies, névralgies, iol)o(t(lies. L'électricité est encore
utilisable lorsque la sensibilité est altérée dans un sens inverse, exagérée
ou diversement pervertie, ce qui n'exclut d'ailleurs pas la présence
simultanée d'anesthésies plus ou moins étendues. Ou bien il s'agit de
zones d'hyperesthésie, dont quelques-unes sont parfois hystérogènes, ou
bien de douleurs se présentant sous la forme de névralgies, ou encore
de ces douleurs qu'on a classées sous la dénomination générique de
lopoalgies.
On aura recours alors soil il 1 éleclrisalion statique (bain accompagné
de souffle, d'efllnvation, parfois même de la friction électrique), soit à la
galvanisation continue, souvent avec des intensités faibles qui permet-
tront au besoin des séances assez prolongées, soit à la faradisation avec
le pinceau métallique. On emploiera, avec avantage le plus souvent, des
procédés doux, faciles à faire supporter et on évitera de heurter les pré-
ventions que les malades peuvent avoir contre tel ou tel mode d'électri-
sation. On comptera d'ailleurs beaucoup dans ces divers cas sur les
effets suggestifs de l'électricité, plus particulièrement lorsqu'il existe
des zones hystérogènes à la création desquelles, comme on le sait, la
suggestion directe, indirecte ou spontanée, a joué elle-même un très
grand rôle. '
Les contractures hystériques, assez faciles souvent à faire disparaître,
lorsqu'elles sont récentes, se montrent au contraire assez rebelles quand
elles sont plus anciennes. On a employé plus particulièrement contre
elles divers procédés d'électrisation. Le bain statique avec souffle,
effluves et friction, a assez souvent réussi, surtout dans les cas récents.
Les courants de haute fréquence semblent aussi assez recommandables
dans ces cas en employant l'el'f1mation du résonateur ou la friction avec
l'électrode condensatrice.
La galvanisation continue a donné aussi de bons résultats : on placera,
par exemple, une large anode sur les muscles qui sont le siège de la
contracture, et la cathode indifférente sur la colonne vertébrale ou vers la
racine du membre, et l'on fera passer, pendant un temps assez prolongé,
un courant faible, de quelques milliampères seulement.
HYSTÉRIE. 15-2'J
On peut encore employer la faradisation rythmée sur les muscles
antagonistes des muscles contractures, on bien exciter ces muscles anta-
gonistes avec des courants faradiques tétanisants et assez forts pendant
que l'on recommande aux malades de s'efforcer à faire un mouvement
dans le sens opposé à l'action des muscles contractures. Enfin, on a obtenu
parfois des résultats en excitant avec des courants faradiques assez forts
et assez prolongés les muscles contracturés, de façon à en produire la
fatigue.
Spasmes de l'oesophage. OEsophagisme. Les spasmes du pharynx
et de l'oesophage sont assez fréquents dans l'hystérie; peu prononcés,
ils n'ont pas de graves inconvénients; plus développés, ils sont non
seulement gênants, mais peuvent encore compromettre gravement
l'alimentation.
Contre ces spasmes, on a plus particulièrement employé la faradisa-
lion pratiquée avec le pinceau sur les parties antérieures et latérales du
cou, ou la galvanisation continue des pneumo-gastriques. Pour cette
dernière on opère de la manière suivante : une large électrode, en rap-
port avec le pôle négatif est placée sur la région épigastrique ; deux
autres électrodes, en forme de tampons de 5 centimètres de diamètre
environ, reliées l'une et l'autre au pôle positif, sont placées à la partie
inférieure du cou, entre les deux chefs du sterno-cléido-mastoïdien de
chaque côté; on fait passer pendant 10 à 20 minutes un courant continu
avec une intensité de à 1 m..1., pouvant être élevée jusqu'à 20
ou 50 mu. Cette électrisation est répétée tous les jours, si l'état de la
peau le permet; au besoin on change un peu les points d'application des
électrodes.
La faradisalion directe de l'oesophage a été aussi employée ; elle est
pratiquée au moyen d'un cathéter oesophagien, portant à l'extrémité
%. d'une tige isolante une boule métallique reliée à une borne extérieure
par un conducteur passant dans l'axe de la tige. L'autre électrode, con-
stituée par une plaque ordinaire, est placée sur le sternum ou sur la
colonne vertébrale.
On a traité encore l'rcsophagisme par le courant galvanique porté
directement dans l'oesophage à l'aide de sondes semblables à celles dont
il vient d'être parlé pour la faradisation. La sonde oesophagienne est
reliée au pôle négatif; l'anode est placée extérieurement sur le sternum
ou sur le rachis. Il vaut mieux dans le traitement des spasmes de l'aso-
phage ne pas mettre la boule métallique du cathéter directement en
contact avec la muqueuse, comme on le fait dans le traitement électro-
lytique des rétrécissements cicatriciels; il importe en effet d'éviter soi-
gneusement l'escarrilication de la muqueuse, qui pourrait être cause
dans la suite d'un rétrécissement cicatriciel ; on recouvrira donc la boule
du cathéter d'une couche assez épaisse et uniforme d'ouate hydrophile
enfermée elle-même dans une enveloppe en tarlatane ; dans ces condi-
tions on peut élever l'intensité jusqu'à 6 ou 8 m. A. et laisser passer le
PIIA1'IQUE M : ChOI.. 84
[E. HUET.]
1550 ÉLEcTROTJI]IIAPIE, -
courant pendant 10 il 15 minutes; avec l'électrode métallique nue, on
ne pourrait employer qu'une intensité beaucoup plus faible, 2 à il. A.
et pendant un temps beaucoup plus court.
- Quel que soit le mode de traitement employé, il importe, au moment
où le spasme oesophagien cède, de faire avaler une petite quantité de
liquide ou d'aliments demi-solides, pour montrer au malade que la
déglutition est redevenue possible. -
Les vomissements, et en particulier les vomissements de la grossesse.
pourront être traités par la galvanisation des 1)iieiiiiio-(rasti-l(ltles. Il y a
lieu plus particulièrement de recourir à ce mode de traitement lorsqu'on
se trouve en présence de vomissements incoercibles, qui compromettent
gravement la nutrition. La méthode préconisée par Apostoti pourra
donner de bons résultais.
On place sur la région épigastrique, comme nous venons de l'indiquer
pour le traitement de l'usoplabismc, une grande électrode de 100
il 150 centimètres carrés reliée au pôle négatif. Deux électrodes de 5 cen-
timètres de diamètre environ sont placées à la base du cou, entre les
deux chefs du sterno-cléido-mastoïdien de chaque côté, et sont reliées
par un fil bifurqué au pôle positif. Il est souvent préférable de n'em-
ployer qu'une seule électrode, qu'il est plus facile de bien maintenir sur
le trajet du pneumo-gastrique, et on la place sur le côté droit.
On établit d'abord pendant quelques, minutes un courant assez faible
de 2 à G ni. A. Puis, le courant continuant passer, on fait boire une
petite quantité d'aliments liquides ; s'il se produit des nausées, et des
menaces de vomissement, on augmente rapidement le courant et l'on
porte son intensité : t l0, 15 m. A. ou même davantage. Souvent les
nausées -disparaissent et l'on ramène le courant à une intensité plus
faible, entre 10 et m. A. On fait prendre de nouveau un peu de liquide
et l'on se tient prêt à relever l'intensité du courant, s'il survient des
nausées. En opérant ainsi plusieurs fois de suite, on arrive souvent il
faire conserver une notable quantité d'aliments liquides. S'il est néces-
saire, on renouvelle une ou deux fois l'électrisation dans la journée, puis
on espace davantage les séances de galvanisation, pour les cesser dès
que l'alimentation peut se faire suffisamment. Ce résultat est obtenu par-
fois après quelques séances; d'autres fois le traitement doit être continué
davantage, 8 jours, 10 jours, ou même plus; il est des cas aussi, où on
le voit échouer.. -
Lorsqu'il existe chez des hystériques une constipation prononcée et
rebelle aux antres traitements, on pourra recourir à 1'¡"lectrisation qui a
donné aussi de bons résultats en dehors de l'hystérie. L'électrisation sta-
tique (bain, effluves çt étincelles sur le trajet du gros intestin, en insis-
tant plus particulièrement sur-la fosse iliaque gauche) s'est montrée effi-
cace. La galvanisation est souvent plus active. On peut l'employer,
suivant la méthode de Donner, dans le traitement de l'cntéro-colite
muco-membrancuse; deux grosses électrodes (tampons bien recouverts
- , HYSTÉRIE. 1551
de ouate hydrophile) sont placées de chaque côté de l'abdomen, au
niveau des fosses iliaques : l'une des électrodes est reliée à l'un des
pôles de la batterie, et l'autre électrode il l'autre pote; on établit un cou-
rant assez intense, 40 il 00 ni. A., s'il est possible; au bout d'une
minute, on renverse brusquement le courant; l'intensité s'élève alors
d'une part sous l'influence des effets de la polarisation et d'autre part
en raison de la diminution de la résistance du corps produite par le renver-
sement; si la nouvelle intensité est mal supportée, on la diminue un peu.
et l'on continue l'électrisation pendant une dizaine de minutes, en
faisant il chaque minute un renversement du courant. Les renver-
sements brusques ainsi faits ne sont pas toujours bien tolérés, en
raison des secousses et des douleurs qu'ils provoquent. On fera supporter
plus facilement ce mode de traitement avec des intensités assez élevées
en diminuant plus ou moins le courant, le ramenant même au zéro, avant
chaque renversement. On le relève ensuite à la plus forte intensité
supportable. Dans ces conditions, on pourra prolonger davantage la durée
de l'électrisation et la porter il 15 ou 20 minutes.
La galvanisation peut être pratiquée par un autre procédé, au moyen de
deux grandes électrodes de 400 centimètres carrés placées l'une sur les
lombes, l'autre sur l'abdomen ; cette dernière est reliée de préférence
au pote positif. On établit progressivement un courant continu, qu'on
élève il de fortes intensités, dans les limites supportables. Avec ces
grandes électrodes munies d'un revêtement spongieux épais, et bien
uniformément humecté, on a élevé l'intensité jusqu'à 100 et même
150 m. A.; nous croyons habituellement suffisant de rester entre 50 et
100 m. A. La durée de l'électrisation sera en moyenne de ! 0 a 15 minutes.
On peut employer encore la galvano-faradisation. On se place dans les
conditions d'application des électrodes qui viennent d'être dites, et on
établit d'abord le courant galvanique continu, avec une forte intensité :
on met alors en jeu l'interrupteur du courant faradique réglé pour
donner des intermittences fréquentes et on gradue ce courant, de façon
que son action soit assez faible et ne produise que de légères trémulations
des muscles de l'abdomen. Delllcrm et Laquerrière conseillent d'employer
de préférence le courant de la bobine il fil fin. -
Connue précédemment, la durée de l'électrisation est en moyenne
de 10 à 15 minutes.
Nous n'insisterons pas sur d'autres procédés d'éleclrisalion indiqués
aussi pour le traitement de la constipation ; nous nous contenterons de
ceux qui viennent d'être exposés, et qui se sont montrés souvent efficaces.
L'aphonie hystérique disparait souvent sous l'influence de l'éleciri-
sation, surtout lorsqu'elle est récente. On pourra employer plus particu-
lièrcment l'élcctrisation statique, avec souffle ou même petites étin-
celles sur le lal'n1x. ou la faradisation au pinceau sur le cou, en avant
du larynx et de chaque côté, ou la faradisation bipolaire avec deux
petites électrodes placées de chaque côté du larynx.
[E HUET.j
1552 ÉLECTROTHÉRAPIE.
Neurasthénie. Sous le nom de neurasthénie on comprend souvent
des états variés et assez différents les uns des autres. Les états de neu-
rasthénie acquise, résultant de fatigues excessives, de surmenage phy-
sique et moral, d'intoxications ou d'auto-intoxications, seraient il
distinger des états de la neurasthénie constitutionnelle et héréditaire
dans lesquels on confond fréquemment d'ailleurs des états différents de
névropathie et de psychopathie. Nous ne pouvons entrer ici dans une
analyse détaillée de ces divers états, et nous devons nous contenter de
donner quelques indications générales sur le traitement par l'électricité
des états neurasthéniques et de quelques-unes de leurs manifestations
symptomatiques. ,
Les neurasthéniques ne sont pas pour beaucoup accessibles à la sug-
gestion au même litre, que les hystériques. La suggestion, cependant,
peut jouer aussi un rôle important dans les résultats du traitement, mais
le plus souvent d'une façon un peu particulière, venant dans une cer-
taine mesure des malades mêmes et résultant des idées qu'ils se font sur
l'efficacité du traitement qui leur est appliqué. Aussi y a-t-il lieu géné-
ralement, en même temps qu'on soumet les neurasthéniques il l'électri-
sation, de s'efforcer d'éveiller en eux l'espoir d'une guérison plus ou
moins prochaine, de les encourager et de soutenir leur volonté souvent
chancelante, et de chercher à redresser les fausses interprétations qu'ils
se font de leur maladie et de ses symptômes.
L'électrisation statique est un procédé de traitement souvent employé
dans la neurasthénie ; on lui doit un assez grand nombre de résultats
favorables. Il ne parait pas y avoir une grande différence d'action entre
le bain statique négatif et le bain positif; parfois, cependant, on conseille
d'employer plutôt ce dernier, quand on recherche des effets calmants, et
le premier, quand on recherche des effets excitants. Chez beaucoup de
neurasthéniques, timorés et émotifs, il convient de commencer par des
séances courtes, de iL -ci '1(,) minutes; on en augmente plus ou moins
rapidement la durée, jusqu'à 20 ou 50 minutes, rarement davantage.
Il vaut mieux, le plus habituellement, ne pas répéter l'électrisation
tous les jours et se contenter de deux à trois séances par semaine.
Au bain statique on ajoute, suivant les symptômes prédominants, des
applications appropriées de la l'ranl : liuisction, ainsi que nous l'indique-
rons plus loin.
Chez les neurasthéniques, qui présentent de l'hypertension artérielle,
au bain statique on préfère souvent des applications de courants de
haute fréquence dans le grand solénoïde ou sur le lit condensateur, en
leur donnant une durée moyenne de 10 a 15 minutes. Ces modes de
d'arsonvalisation abaissent, comme on le sait, la tension artérielle.
D'autres modes d'application des courants de haute fréquence élèvent au
contraire la tension artérielle; tel est le, résultat; de l'eflluvation et surtout
des étincelles dirigées sur la colonne vertébrale avec l'intermédiaire du
résonateur. Ces derniers modes d'application de la haute fréquence sont
NEURASTHÉNIE. 1555
à employer plutôt chez les neurasthéniques présentant de l'hypotension
artérielle.
La faradisation généralisée a été préconisée par Beard et Rockwell
dans le traitement de la neurasthénie. Le malade est assis sur un
tabouret, et les pieds reposent sur une large électrode humide, à laquelle
est, relié l'un des pûtes de la bobine, de préférence le pôle négatif,
d'après les auteurs américains. On pourrait aussi faire tremper les deux
pieds dans un hain électrode. Dans le cas où l'on voudrait pratiquer la
faradisation généralisée, en laissant le malade au lit. on appliquerait deux
larges électrodes humides sous les pieds, ou à la partie inférieure des
jambes, et on les relierait par un fil bifurqué au pôle négatif de la bobine.
L'électrode excitatrice, correspondant au pote positif, est représentée,
soit par la main de l'opérateur, connue dans le procédé de la main élec-
trique, soit par un rouleau métallique, soit par un rouleau avec revê-
tement spongieux, ou par un tampon humide assez large, 4 à li centi-
mètres de diamètre. Dans les deux premiers cas, main électrique et rou-
leau métallique, on prend la hohine à fil fin; dans les deux autres, on
prend de préférence la bobine à fil moyen. L'électrisation avec la main
se pratique surtout sur la tète; elle peut être employée aussi sur le reste
du corps, mais elle y est généralement remplacée par 1 électrisation avec
le rouleau ou avec le tampon.
On commence par la faradisalion de la tète avec un courant modéré :
la main est promenée légèrement sur le front et sur les tempes, puis sur
le sommet de la tète et sur la nuque. Augmentant alors la force du cou-
rant, on agit pendant quelque temps, de haut en bas, sur toute la lon-
gueur de la région rachidienne où, suivant les indications particulières,
on insiste davantage sur certains points. Ensuite, avec un courant plus
faible, on porte la faradisation sur le cou, principalement sur les parties
latérales, en suivant le trajet des cordons nerveux profonds, grand sym-
pathique, pneumo-gastrique, phrénique : on faradisc ensuite la région
antérieure de la poitrine, surtout la région précordiale : puis avec des
courants plus énergiques l'abdomen : on insiste plus spécialement, suivant
les cas, sur la région épigastrique ou sur les parois ahdominales eu
suivant le trajet du gros intestin ; puis on électrise les muscles postérieurs
du tronc et les quatre membres, en suivant le trajet des gros troncs
nerveux et des muscles de manière à faire contracter légèrement ceux-ci;
quelquefois on termine en électrisant de nouveau pendant quelque temps
la région rachidienne. La durée totale de la faradisation générale est de
10 à 20 minutes, en faisant varier d'ailleurs, suivant les indications spé-
ciales, la durée et l'intensité de l'excitation sur telle ou telle région.
D'après Dard et la faradisation généralisée aurait des effets
avantageux sur l'ensemble des phénomènes nutritifs; elle activerait la
circulation, augmentcrait l'appétit, stimulerait les fonctions digestives,
régulariserait le sommeil, combattrait les phénomènes de dépression ou
de faiblesse irritable du système nerveux.
[E HUET ]
1554 ÉLECTROTHÉRAPIE.
La galvanisation générale, également préconisée par l3carcl et Rock-
well, est un procédé d'électrisation analogue au précédent, dans lequel
les courants galvaniques remplacent les courants faradiques. Elle aurait
des effets semblables; mais la faradisation générale, d'une application
plus facile, lui est habituellement préférée.
Betton-Massey, considérant avec quelques auteurs que la neurasthénie
est la conséquence d'un mauvais fonctionnement du grand sympathique
et plus particulièrement du plexus solaire, a conseillé la galvanisation
employée de la façon suivante : une grande électrode, de 200 il 500 centi-
mètres carrés en rapport avec le pôle négatif, est placée sur la région
lombaire ; une électrode semblable, en rapport avec le pôle positif,
est placée sur l'abdomen, et l'on fait passer pendant un quart d'heure
environ, un courant galvanique continu auquel on donne une intensité
de ai0 il '150 m. A.
Nous nous contenterons d'exposer brièvement les procédés d'électri.
sation plus particulièrement utilisables contre les principales manifes-
tations symptomatiques de la neurasthénie.
Contre la céphalée, les vertiges, la dGl7ress.ioll intellectuelle et
l'insomnie, on ajoutera au bain statique la douche électrique ou le souffle
dirigé sur le front, sur la tète et sur la nuque. On pourra aussi pra-
tiquer la galvanisation cérébrale : une électrode de 15 il 20 centimètres
de longueur sur 6 il 7 centimètres de largeur esl appliquée sur le front
et elle est en rapport avec le pôle négatif; l'autre électrode de 100 il
150 centimètres carrés est appliquée sur la nuque ou sur la région cer-
vico-dorsale, et l'on fait passer un courant de il 20 ni. A. pendant un
temps variant de JO minutes à une demi-heure; on établit et l'on fait
cesser le courant progressivement, et pendant son passage, on évite avec
soin toute interruption.
Lorsque la céphalée est particulièrement prononcée, on pourrait,
comme l'a indiqué Leduc, mouiller la cathode frontale avec une solu-
tion de salicylate de soude.
Contre la rachialgie, el les douleurs sous forme de « plaque sacrée »,
on ajoutera au bain statique l'eflluvation et la friction électrique le long
de la colonne vertébrale en insistant sur la région lombaire et la région
sacrée; ou bien on emploiera l'ef'f1mation de haute fréquence et la friction
avec l'électrode condensatrice; ou bien encore, si on a recours à la fara-
disation, on emploiera le courant de tension avec le pinceau ou le rouleau
métallique. '
S'il existe des troubles cardiaques, tachycardie, palpitations, mani-
festations de fausse angine de poitrine, on agira avec le souffle statique
sur la région précordiale, ou bien avec la galvanisation continue en
plaçant une électrode au cou sur le trajet du pnemuo-gastrique gauche,
et l'autre électrode sur la région dorsale ou sur la région épigastrique,
courant de 5 10 ni. A. pendant 10 à 20 minutes.
Dans le cas de troubles dyspeptiques, avec ou sans distension ou dila-
GOITRE EXOPHTALMIQUE. 1 ?
talion de l'estomac, au bain statique on ajoutera des effluves et des
étincelles sur l'abdomen et la région épigastrique; ou bien on pourra
employer la galvanisation continue, électrodes sur la région dorso-lom-
haire et sur la région épigastrique, courant de 10 à 20 m. A. ou courant
plus intense comme dans la méthode de traitement de Betton-Massey.
Dans le cas de constipation on pourra employer des modes d'électrisation
analogues, ou agir comme il a été dit déjà pour le traitement de la consti-
pation chez les hystériques.
Contre l'asthénie musculaire on emploiera soit l'éleclrisation statique
avec friction et étincelles sur la colonne vertébrale, le tronc et les mem-
bres, ou les procédés indiqués au mode de traitement par la faradisation
générale; on pourra employer encore les bains hydro-électriques, fara-
diques ou sinusoïdaux.
L'impuissance génitale sera traitée soit par l'éleclrisation statique en
ajoutant au bain statique la friction et des étincelles sur la colonne verté-
brale plus spécialement sur la région dorso-lombaire, et la friction
électrique sur les 'cuisses en insistant plus particulièrement sur leurs
faces internes, soit par la friction et les étincelles de haute fréquence sur
les régions dorsale et lombaire. On pourra employer aussi les courants
galvaniques : large électrode, en rapport avec le pôle positif, sur la région
lombaire; électrode en forme de tampon de 5 Ü 4 centimètres de dia-
mètre, en rapport avec le pôle négatif, sur le périnée, sur les cordons
inguinaux au-dessous du canal inguinal, sur le pubis à la racine du pénis :
sur chacun de ces points courants de 5 il J 2 m. A. pendant quelques
minutes. On peut ajouter au traitement par la galvanisation des exci-
tations faradiques ou galvano-faradiques portant sur la région périnéale
au niveau des muscles bulbo-caverncux.
Goitre exophtalmique. (Maladie de Basedow. Maladie de Graves.)
Le goitre exophtalmique a été considéré pendant longtemps comme
une maladie nerveuse que l'on rapportait soit il des troubles bulbaires,
soit il des troubles dans les fonctions du grand sympathique. Actuelle-
ment on le rapporte plutôt à des troubles dans les fonctions du corps
thyroïde retentissant par un mécanisme d'auto-intoxication sur les fonc-
tions du bulbe et du grand sympathique. On rapporte quelquefois aussi
celle maladie il des troubles dans les fonctions des glandes parathyroï-
diennes. Sous l'influence de ces théories nouvelles on a été porté à
donner une moins grande importance il l'électrisation qui a été con-
sidérée pendant un temps comme le traitement principal du goitre
exophtalmique, et on l'a plus ou moins délaissée soit pour des traitements
médicaux, notamment pour l'opothérapie, soit pour des traitements chi-
rurgicaux s'adressant de diverses manières au corps thyroïde. Pendant un
moment on avait cru aussi trouver dans des interventions chirurgicales
sur le grand sympathique un mode de traitement, très efficace du goitre
exophtalmique; ces opérations sur le grand sympathique n'ont pas le
plus souvent répondu aux espérances que l'on avait fondées sur elles.
[L HUET] ]
J : ï5G ÉLECTROTHÉRAPIE.
L'électrisation employée seule ou associée à des traitements médicaux
(opothérapie, salicylate de soude, etc.) reste un mode de traitement
important du goitre exophtalmique, donnant souvent de bons résultats
et permettant d'éviter des interventions chirurgicales qui ne sont pas
toujours sans danger.
Les modes de traitement électrique employés contre le goitre exophtal-
mique ont été assez variés, pour la plupart ils sont pratiqués soit avec
les courants faradiques, soit avec les courants galvaniques, soit à la fois
avec ces deux genres de courants.
Vigouroux, qui s'est occupé tout particulièrement du traitement élec-
trique de la maladie de Basedow, donne la préférence à la faradisation.
Sa méthode de traitement se divise en quatre temps, faradisation caroti-
diennc ou du grand sympathique, faradisation oculaire et circum-orbi-
taire, faradisation du goitre, et faradisation précordiale.
Une large électrode de 50 il 100 centimètres carrés est appliquée sur
la nuque, ou sur la région cervico-dorsale; elle est reliée à la borne
positive d'une bobine à fil moyen dans les trois premiers temps, à la
borne négative dans le dernier; on prend un courant il intermittences
fréquentes.
Dans le premier temps, faradisation carotidienne appelée aussi faradi-
sation du grand sympathique, une petite électrode, en forme de bouton
de un centimètre de diamètre environ, ou en forme d'olive, est placée sur
le cou, au-dessous du maxillaire inférieur, entre l'os hyoïde et le bord
antérieur du ste1'l1()-cllido-mastoïdien. Cette électrode négative est
enfoncée profondément jusqu'à ce qu'on perçoive les pulsations de la
carotide. On établit alors un courant assez fort, tel qu'il produise des
contractions apparentes des fibres du peaucier, ou des contractions assez
fortes du stcrno-ctéido-mastodicn lorsqu'on déplace l'électrode en dehors
vers ce muscle. L'application est faite successivement des deux côtés el
dure pour chacun d'eux une minute et demie environ.
Dans le deuxième temps, faradisation oculaire et circmn-orhitaire, on
reporte la petite électrode sur le point moteur de l'orbiculaire des pau-
pières. On a eu soin auparavant d'écarter les bobines du chariot faradique
pour n'avoir pas un courant trop fort ; puis on gradue le courant de façon
il produire des contractions de l'orhiculairc. On passe ensuite légèrement
et plusieurs fois l'électrode, sur les paupières fermées. Enfin on la pro-
mène sur le pourtour de l'orbite de façon il obtenir des contractions de
l'orbiculaire, du sonrcilier et du frontal, en évitant d'exciter les nerfs sus
et sous-orbitaires. Il faut éviter aussi, pendant ces différentes manoeuvres,
de placer l'électrode sur un point situé à un centimètre environ en dehors
et au-dessous de la queue du sourcil, où l'excitation provoque la pro-
pulsion en avant du globe oculaire, vraisemblablement par l'excitation du
grand oblique. Celte faradisation est prolongée de une à deux minutes sur
un côté; ensuite on la fait de la même façon sur l'autre côté.
Dans le troisième temps, faradisation thyroïdienne, la petite électrode
GOITRE EXOPHTALMIQUE
est remplacée par une eleclrode-lampon de J il 11; centlm\\ ! ! I ! t}kÇ.l[¡ar1@,\-\
On l'applique d'abord immédiatement au-dessus de la fourh ? Kn
sur l'isthme du corps thyroïde; en ce point, si l'électrode n'est pas mise
en contact avec le sternum, les malades peuvent supporter habituelle-
ment une force de courant assez grande. On promène ensuite l'électrode
sur les deux lobes du corps thyroïde et l'on provoque des contractions
des muscles sterno-hyoïdien et stemo-thyroïdien en excitant leurs points
moteurs. Ce troisième temps dure de 5 à 5 minutes.
Dans un quatrième temps on pratique la faradisation précordiale avec-
la même électrode que dans le temps précédent ou avec une électrode un
peu plus grande. Le courant est au préalable renversé, dans la pratique
de Vigoureux, de façon que cette électrode corresponde il la borne posi-
tive de la bobine : elle est placée sur le troisième espace intercostal
gauche au voisinage du sternum et on laisse agir pendant deux à trois
minutes un courant assez faible pour provoquer tout au plus de légères
contractions du grand pectoral. Quelques électro-thérapeutes conseillent
de placer l'électrode plus bas et plus en dehors, dans l'espace intercostal
où l'on sent battre la pointe du coeur.
Les séances seront renouvelées tous les deux jours ; dans les cas graves
il peut y avoir avantage à les répéter chaque jour. La durée totale du
traitement doit être assez prolongée, six mois, un an ou davantage en
l'entrecoupant par des intervalles de repos. Après une première applica-
tion du traitement pendant quatre il six semaines, on le suspendra pen-
dant trois il quatre semaines, pour le recommencer pendant plusieurs
semaines, le suspendre de nouveau, et continuer de même en augmentant
de plus en plus les intervalles de repos.
Les courants galvaniques ont été employés souvent aussi dans le trai-
tement du goitre exophtalmique. Généralement, on les applique de la
façon suivante : une grande électrode, de 1110 cnr environ, est placée
sur la colonne cervico-clorsale; une autre électrode est placée au-devant
du cou, de manière qu'elle, recouvre bien tout le corps thyroïde; la forme
la plus appropriée à donner à cette électrode pour arriver à ce résultat.
est. celle d'un croissant il cornes émoussées auquel on donne, suivant
les dimensions du corps thyroïde, une longueur de 15 il 20 cm., sur
une largeur d'environ 6 cm. Habituellement, on met en rapport cette
dernière électrode avec le pote négatif et l'on fait passer un courant de
10 à 20 m. A. pendant un temps variant de un quart il une demi-heure; i
on a même conseillé des courants plus intenses atteignant 50 ou 40 lu. 1.,
parfois plus, si les malades peuvent les supporter. Certains électrn- ! l1l"rapeutcs se sont bien trouvés de mouiller cette électrode avec une
solution d'iodurc de potassium; on pourrait la mouiller encore avec une
solution de salicylate de soude.
Avec les courants galvaniques, surtout lorsqu'on emploie des courants
un peu intenses, on ne peut guère faire de séances que tous les deux
jours, et parfois il est nécessaire de faire un repos de plusieurs jours si
[E. HUET ]
1558 i ? cfl3ormrarlr.
la peau se trouve un peu irritée à la suite des séances précédentes.
Nous avons employé souvent la galvanisation d'une façon un peu dif1'L'-
rente en en retirant de bons résultats. Nous pratiquons suivant la mé-
thode de Vigoureux l'électrisation carotidienne, avec une électrode
olivaire, de dimensions moyennes, l'électrisation thyroïdienne, et l'élec-
trisation précordiale avec une électrode-tampon de 4 il G cm. de dia-
mètre ; mais au lieu de courants faradiques nous prenions des courants
galvaniques continus avec une intensité de il 10 m. A. pour la galvani-
sation carotidienne et une intensité de 10 à 15 ni. A. pour la galvanisa-
tion thyroïdienne et la galvanisation précordiale.
Lorsqu'il y a exophtalmie assez prononcée et que l'on veut chercher il
agir directement sur l'oeil, nous sommes d'avis d'ajouter au traitement
par la galvanisation l'électrisation oculaire avec les courants faradiques
suivant le procédé de Vigoureux, plutôt qu'avec les courants galvaniques.
On peut d'ailleurs associer le traitement faradique au traitement gal-
vanique de plusieurs façons. Ainsi à la galvanisation du goitre suivant le
premier procédé que nous avons indiqué, on pourrait ajouter la faradisa-
tion carotidienne et la faradisation oculaire ou seulement l'une ou l'autre.
On pourrait ajouter aussi la faradisation précordiale. Généralement nous
préférons, lorsque la galvanisation a été pratiquée sur le cou, employer
aussi la galvanisation sur la région précordiale. Nous nous sommes bien
trouvé parfois d'associer le traitement galvanique au traitement, fara-
dique en pratiquant la faradisation des trois premiers temps de la
méthode Vigouroux et en remplaçant dans le dernier temps la faradisa-
tion par la galvanisation précordiale.
Les résultats donnés par ces divers modes de traitement sont assez
souvent favorables. L'amélioration est parfois assez rapide surtout du
côté de l'état général et de quelques symptômes secondaires comme
l'irritabilité générale, l'agitation, l'insomnie, les crises diarrhéiques, la
dénutrition et l'amaigrissement. La disparition totale des symptômes
ne se produit que lentement lorsqu'elle est obtenue ; le plus souvent elle
n'est pas complète, bien que dans son ensemble, l'état des malades
puisse être redevenu très satisfaisant. Parmi les symptômes cardinaux,
le tremblement est souvent assez rapidement modifié. Les palpitations
et la tachycardie se trouvent souvent aussi assez diminuées, niais la dis-
parition complète de la tachycardie est plutôt rare, pendant long-
temps le pouls reste au-dessus de 80 elle plus souvent entre 00 et. 00.
parfois cependant on a vu le pouls revenir il la normale. Le goitre se
comporte différemment suivant les cas; lorsqu'il a apparu en même
temps que les autres symptômes, il diminue souvent assez vite sous
l'influence du traitement,; parfois il disparaît complètement; le plus
généralement le corps thyroïde reste plus volumineux que dans 1 état
normal; parfois aussi le goitre n'est que peu modifié alors que les autres
symptômes sont très atténués dans leur ensemble, il en est le plus sou-
vent ainsi dans les cas de goitre basedowiue. L'exophtaimie est un des
, NÉVROSES ET AFFECTIONS DIVERSES. 1559
symptômes les plus tenaces quand elle existe ; elle ne s'alténue en
général qu'assez lentement et rarement elle disparait complètement lors-
qu'elle a été assez prononcée.
Le traitement n'a pas toujours une influence aussi favorable et il est
des cas où il reste sans résultais appréciables. Lorsqu'un mode de trai-
tement a échoué, il convient souvent, avant d'abandonner le traitement
électrique, de rechercher si un autre mode d'électrisation, parmi ceux
indiqués, ne se montrera pas plus efficace. r
L'électrisation statique est généralement assez mal supportée par ce
genre de malades, souvent elle augmente l'agitation, elle augmente aussi
ou provoque l'insomnie. Il est cependant des exceptions à cette règle et
certains malades se sont bien trouvés de la 1'ranklinis,tion.
Depuis quelques années, la radiothérapie a été tentée contre le goitre
exophtalmique avec des résultais assez variables, favorables dans un assez
grand nombre de cas, médiocres ou nuls dans d'autres, aussi n'est-on
pas bien fixé encore sur la valeur de ce mode de traitement.
Paralysie agitante. Le traitement par l'électricité a été souvent
tenté dans la paralysie agitante ou maladie de Parkinson, mais sans
résultats bien appréciables. Parmi les malades de ce genre, .que j'ai eu
l'occasion de soumettre à l'électrisation je n'en ai pas vu retirer un béné-
lice durable des divers modes de traitement essayés, électrisation sta-
tique, haute fréquence, galvanisation et faradisation. Les quelques
améliorations observées n'ont été que transitoires, et m'ont paru plutôt
sous la dépendance d'effets suggestifs momentanés que sous l'influence
du traitement électrique même. '
Chorée. La Chorée de Sydenham est une affection qui guérit géné-
ralement par les moyens purement médicaux. On a conseillé parfois de
la traiter par l'électricité, soit par l'électrisation statique, bain statique.
douche et effluves le long de la colonne vertébrale, soit par la galvani-
sation de la moelle. Ces modes de traitement pourraient être appliqués
plus particulièrement dans les cas de chorée grave, ou dans les cas de
chorée qui se prolongent. Lorsque la chorée prend la forme de chorée
molle ou paralytique, l'électrisation peut devenir utile, soit que l'on agisse,
par la galvanisation de la moelle, soit que l'on agisse sur les muscles,
dont l'excitabilité électrique est généralement bien conservée, en les
excitant avec des courants faradiques rythmés ou avec des courants gal-
vano-faradiques.
Dans la chorée hystérique l'éicctrisaflon peut être utile, ne serait-ce
que connue procédé de traitement suggestif.
Myoclonies. Dans les diverses formes de myoclotties et dans la
maladie des tics, l'électrisation peut être un adjuvant des autres traite-
ments. C'est encore la galvanisation continue ou l'éleclrisation statique
qui se trouvent plus particulièrement indiquées.
Le spasme facial et le tic non douloureux de la, face sont souvent
rebelles aux divers modes de traitement, y compris l'électrisation. La
[E. HUET]
1540 0 ÉLECTROTHÉRAPIE.
franklinisation, bain et souffle, et la galvanisation continue suivant le
mode indiqué au traitement de la névralgie faciale sont, parmi les pro-
cédés d'électrisation, ceux qui paraissent les plus recommandables.
Torticolis. Le torticolis mental est également souvent rebelle aux
divers traitements. L'électrisation s'est montrée cependant parfois utile.
On pourra essayer les traitements suivants applicables aussi au torti-
colis rhumatismal. On agira par exemple par la galvanisation continue :
électrode négative sur la colonne vertébrale; électrode positive, plaque
ou rouleau, sur les muscles qui sont le siège de la contracture ou des
spasmes, courant continu faible et prolongé, de 5 (i ni. A. ou courants
plus forts de 15 à 20 m. A. On peut encore employer l'électrisation
statique, bain, effluves et friction, ou les courants de haute fréquence,
effluvation et frictions avec l'électrode condensatrice ou la faradisation
avec le pinceau. Parfois, dans le torticolis spasmodique, on se trouverai
bien d'agir sur les muscles antagonistes des muscles atteints en les exci-
tant avec des courants faradiques rythmés.
Crampes professionnelles. - Le fonctionnement fréquemment répété
ou prolongé de certains muscles produit chez des personnes prédisposées
à la névropathie des troubles fonctionnels se manifestant surtout sous la
forme de spasmes et de contractures. Ces troubles se développent plus
particulièrement à l'occasion des mouvements nécessités par des exercices
professionnels. Les variétés de ces crampes fonctionnelles ou profession-
nelles sont assez nombreuses : crampes des écrivains, des télégraphistes,
des couturières, des fleuristes, des pianistes, des violonistes, des dan-
seuses, etc. Ces troubles sont souvent graves en ce sens qu'ils entravent
plus ou moins complètement l'exercice de la profession et qu'ils sont
souvent rebelles aux divers modes de traitement. Lorsqu'ils ne sont pas
encore trop anciens ni très développés, le traitement électrique ,joint à un
repos suffisamment prolongé peut en amener la disparition; mais pour
éviter les récidives, il est nécessaire de ne laisser reprendre que lente-
ment et progressivement les exercices qui provoquaient l'apparition des
crampes et d'éviter tout surmenage.
Le bain statique avec souffle dirigé sur la colonne vertébrale et sur les
régions qui sont le siège des contractures a donné parfois des résultats
favorables.
On peut aussi employer la galvanisation continue avec électrode néga-
tive sur la nuque ou sur la région lombaire, électrode positive recouvrant
les muscles sur lesquels se produisent les spasmes, courants faibles de
quelques milli-ampères pendant une dizaine de minutes, ou la galvani-
sation labile avec l'électrode rouleau positive et également des courants
faibles et peu prolongés.
La faradisation légère des muscles, siège des spasmes, ou la faradi-
sation de leurs antagonistes ont été aussi employées, mais nous croyons
préférables les modes d'électrisation précédents.
Au traitement par l'électricité il y a d'ailleurs lieu d'ajouter le pins
NÉVROSES ET AFFECTIONS DIVERSES. 15 il
souvent une sorte de rééducation fonctionnelle par une gymnastique
appropriée.
Maladie de Raynaud. Cette maladie, appelée aussi asphyxie locale
des extrémités, se caractérise.par des crises débutant par un spasme des
vaso-moteurs suivi de leur paralysie : il s'y ajoute parfois des gangrènes
plus ou moins étendues, gangrènes symétriques des extrémités. Le siège
de ces troubles est le plus habituellement les doigts et les orteils, parfois
le nez et les oreilles. Leurs causes sont d'ordres divers : artério-sclérose
avec lésions cardiaques ou rénales, intoxications, infections, maladies
nerveuses ou de la nutrition. Parfois ces troubles précèdent ou accom-
pagnent la sclérodermie.
On pourra employer le traitement indiqué par Raynaud : galvanisation
de la moelle avec des courants descendants, le pôle positif sur la
5° cervicale, le pôle négatif sur la dernière vertèbre lombaire, intensité
de 15 à 20 m. A. pendant un quart d'heure.
On pourra encore, suivant les indications de Nothnagel, placer dans le
cas où les troubles portent sur les membres supérieurs le pôle négatif à
la nuque, le pôle positif sur le plexus brachial, avec intensité de à à
10 m. A. pendant 5 à 10 minutes. Pour agir sur les membres inférieurs
d'une façon analogue, on placerait une grande électrode négative sur la
région lombaire, une électrode positive assez grande sur la paroi abdomi-
nale daus la fosse iliaque. On pourrait encore se servir comme électrode
positive d'un bain, à la condition qu'il soit bien supporté, ce qui n'est pas
toujours pour ce genre de malades ; suivant les cas, on v ferait plonger
les pieds ou les mains en donnant au courant une intensité de 10 à
15 m. A. et une durée d'un quart d'heure. '
La faradisation avec le pinceau faradique a été aussi employée.
Nous avons obtenu de bons résultats, comme Denoyès et d'autres élec-
t rothérapeules, en employant la haute fréquence avec l'cfuuvation ou
avec la friction au moyen de l'électrode condensatrice.
[F.. HUET.]
HYDROTHÉRAPIE
par Georges GUILLAIN
Je renvoie aux ouvrages des spécialistes pour la description des appa'4
relis usités en hydrothérapie, pour la technique des nombreuses métho-
des employées, pour l'élude générale des contre-indications de ce traite-
ment tirées soit de l'âge, soit de l'état du système cardio-vasculairc. son
des lésions pulmonaires des malades. Je voudrais simplement indiquer
quelles sont les maladies du système nerveux qui paraissent bénéficier
des différentes modalités de l'hydrothérapie. 11 ne faut pas croire en effet,
il l'exemple de certains auteurs, que toutes les maladies du système ner-
veux, organiques ou fonctionnelles, nécessitent un traitement hydrothera-
pique; les indications thérapeutiques sont certes beaucoup plus limitées.
Je rappelle tout d'abord l'utilité des bains froids, des lotions froides
dans les maladies infectieuses avec lièvre, délire, troubles ataxo-adynann-
ques, principalement, dans les formes cliniques dites cérébrales de ces
maladies (lièvre typhoïde, rhumatisme articulaire aigu, pneumonie, fiè-
vres éruptives, etc.). Dans les cas demeningtte cérébro-spinale aiguë les
applications froides sur la tête et la colonne vertébrale (vessie de glace,
tubes réfrigérants) associées aux bains chauds à 55". 40" sont à con-
seiller ; dans les cas de méningite cérébro-spinale ameningocoque on fera
en même temps les injections intra-rachidiennes de sérum anliniéningo-
coccique.
Les états d'agitation observés en pathologie mentale, les accès d'excita-
tion maniaque sont favorablement influencés par les bains chauds à
54°, 50" prolongés pondant plusieurs heures; dans certains établisse-
ments spéciaux existent des installations permettant de maintenir les ma-
lades dans les bains pendant plusieurs jours, cette méthode est dite mé-
thode des bains permanents. Les bains tièdes prolongés améliorent parfois
les mélancoliques anxieux.
Pour combattre certaines insomnies on conseillera aux malades soit de
prendre le soir avant de. se coucher un bain chaud à 5,1 ? ai", 57" de 20
ou 50 minutes de durée, soit de prendre it la fin de l'après-midi une dou-
che chaude à 55" en jet brisé de une à deux minutes. Chez d'autres
malades le résultat sera meilleur avec des douches froides ou des bains
de piscine froids.
HYDROTHÉRAPIE. 1545
Les neurasthéniques constituent une catégorie de malades qui 1]éuéfi- ,
cient souvent des différents traitements hydrothérapiques. Aux neura-
sthéniques déprimés on conseillera la douche froide courte en pluie, en
jet plein ou en jet brisé, douche qui a des effets excitants toniques : on
pourra conseiller aussi l'usage du drap mouillé, des affusions froides le
matin. Chez quelques malades deux douches par jour peuvent être. utiles,
l'une froide tonique le matin. l'autre tiède sédative vers la fin de la jour-
née. Certains neurasthéniques obtiennent de meilleurs résultats avec l'hv-
drothérapie chaude (bains chauds, douches chaudes, enveloppements
chauds). Il faut d'ailleurs se rappeler, pour le traitement de la neurasthé-
nie, que bien souvent cet état morbide est symptomatique d'une lésion
organique ou d'un trouble fonctionnel viscéral.
On a coutume de conseiller aux hystériques les douches froides, le
drap mouillé, les bains de piscine. Ces procédés sont incontestablement
des adjuvants utiles à la psychothérapie, qui reste le traitement nécessaire
et rationnel du pithiatisme,
L'épilepsie, que je considère non pas comme une névrose mais connue
une affection créée soit par une lésion cérébrale soit par une intoxication
des centres nerveux, ne me paraît justiciable de l'hydrothérapie qu'au
point de vue de l'hygiène. Dans les états convulsifs infantiles les bains
tièdes répétés paraissent avoir une action sédative; dans certains états
choréiques les bains tièdes ou le drap mouillé froid sont des adjuvants
utiles au traitement général.
Dans les paralysies dépendant de lésions organiques les douches locales
chaudes et froides, associées au massage, à l'électrothérapie, peuvent avoir
des effets favorables pour faciliter la circulation sanguine, les échanges
nutritifs des tissus, la restauration fonctionnelle. Ce traitement d'ailleurs
ne sera jamais l'ait dans la phase aiguë d'une paralysie. Le massage sous
l'eau, les mouvements spontanés ou provoqués des membres paralysés
sous l'eau (bains kiuéto-thérapcutiqucs) sont des modalités thérapeutiques
à conseiller dans les cas d'hémiplégie, de paralysie.
Les contractures bénéficient, surtout de la chaleur (bains chauds, com-
presses locales chaudes, douches de vapeur).
A la phase aiguë des polynévrites sensitives les applications chaudes
soulagent les malades. Dans les névralgies la chaleur est spécialement à
recommander (compresses chaudes, enveloppements humides chauds,
douches de vapeur) : c'est dans le même but que l'on utilise les douches
d'air chaud, les bains 1)owsin généraux ou locaux. On a conseillé, pour
améliorer certaines névralgies, l'action successive du chaud et du froid,
par exemple une douche chaude à 40". 45" de une à deux minutes de
durée il laquelle succède une douche froide de quelques secondes.
Certaines céphalées sont améliorées par des bains chauds dérivatifs du
siège ou des membres inférieurs, en même temps que des compresses
froides sont maintenues sur le front ou sur la tète.
Pour les tabétiques il est assez difficile de poser des indications d'un
[G. GUILLAIN
1;, ¡ ¡, HYDROTHÉRAPIE.
traitement hydrothérapique rationnel. Je ne crois pas que l'hydrothérapie
ait une action thérapeutique quelconque dans le tabès, mais elle est à
recommander au point de vue hygiénique. Les bains simples chauds, les
lotions chaudes matinales suivies de frictions semblent convenir spécia-
tement à ces malades qui, d'ailleurs, supportent souvent fort mal l'eau
froide. Parfois les hains de siège, les douches locales périnéales sont
utiles aux tahetiqnes présentant des troubles vésicaux.
J'ajouterai, pour terminer, que le inli ou le bain quotidien doit être,
au point de vue de l'hygiène, une pratique normale chez tous les indivi-
dus, enfants ou adultes, nerveux ou non.
METHODES
1
D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX
TECHNIQUE
DES EXAMENS ANATOMO-PATHOLOGIQUES
par Georges GUILLAIN
Formolage des centres nerveux avant l'autopsie. Les
lésions cadavériques se développent dans les centres nerveux avec une
grande rapidité, surtout pendant les saisons chaudes de l'année et dans
les hôpitaux où les cadavres ne sont pas conservés à la glacière. Ces
lésions cadavériques sont une gêne très grande pour l'étude microsco-
pique et même macroscopique des centres nerveux. C'est pour obvier à ces
inconvénients primordiaux que le Professeur Pierre Marie a conseillé dans
son laboratoire de l31cètre une technique spéciale consistant à formuler
les centres nerveux le plus longtemps possible avant l'autopsie. Il suffit
pour cela, au moyen d'une seringue il laquelle est adaptée une longue
aiguille, d'injecter dans chaque orbite, par le trou optique ou la fente
sphénoïdale, environ 100 centimètres cubes d'une solution ainsi com-
posée :
I ? WI1 : 'l'111U1 ? S D'1 : 'l'UDI : DI : S l;l : \'l'ItI.S \F : lt\'IU\..
avec un scalpel, on incise les muscles temporaux. La calotte crânienne
peut être enlevée soit au moyen de la scie, soit au moyen d'un marteau
qui brise les os. Il faut scier ou briser les os juste au-dessus des points
de décollement de la peau du crâne. Que l'on scie les os ou qu'on les
brise, il est nécessaire de ne pas déployer une force trop grande pour
éviter toute lésion du cortex. La méthode de la scie, si l'on agit avec
douceur et lenteur, me parait la méthode de choix; elle est moins bru-
tale, moins inélégante que la méthode du marteau, donne une section
nette des os et permet, de plus, de conserver le crâne intact. Chez les
enfants, la méthode de la scie doit toujours être employée, car il existe
des adhérences puissantes entre la dure-mère et les os du crâne.
Lorsque la calotte crânienne est enlevée, on incise avec de petits
ciseaux mousses la dure-mère à droite et il gauche de la ligne médiane,
puis une nouvelle incision est faite perpendiculairement à la première,
pour diviser la dure-mère en deux parties, l'une antérieure et l'autre
postérieure, que l'on récline afin d'extraire facilement le cerveau. Peur
cette extraction, on soulève doucement, lentement et progressivement le
cerveau avec les doigts de la main gauche et l'on coupe successivement
avec un scalpel ou de petits ciseaux tenus de la main droite les nerfs de
la base du crâne; la protubérance est sectionnée transversalement il sa
partie moyenne au-dessus de l'émergence des racines du trijumeau. Un
dépose alors avec soin, dans un récipient, la masse céphalique compre-
nant les deux hémisphères, les pédoncules et la partie supérieure de la
protubérance annulaire.
Je crois préférable, suivant le procédé du Professeur Pierre Marie, de
sectionner la protubérance par sa partie moyenne avant d'extraire le
bulbe et le cervelet, car on évite ainsi des tiraillements sur l'encéphale
et en particulier sur les pédoncules. En effet, le cerveau étant préalable-
ment enlevé, il est facile d'inciser la tente du cervelet, de couper les der-
niers nerfs de la base du crâne et finalement de sectionner la moelle cer-
vicale au niveau de ses premiers segments. On obtient, ainsi, en un même
bloc, le cervelet, la partie inférieure de la protubérance, le bulbe ra-
chidien et la partie supérieure de la moelle cervicale.
Il est possible, et c'est là d'ailleurs une méthode souvent adoptée,
d'enlever en même temps les hémisphères, la protubérance, le bulbe cl
le cervelet. Dans ce cas, au lieu de faire une section transversale de la
protubérance, ainsi que je l'ai indiqué plus liaut, on incise d'emblée la
tente du cervelet le long du bord supérieur du rocher et l'on continue
l'extraction globale de la masse encéphalique.
Chez les foetus et les nouveau-nés, l'extraction du cerveau est diflicile
il cause de la mollesse des tissus. M. et Mme Dejcrine conseillent alors la
méthode suivante : « Après avoir incisé et rabattu 1'(;l'icrÙne, on incise
« au scalpel le périoste, la périphérie de chacune des plaques osseuses,
« sans intéresser les fontanelles ni la membrane suturale. On enlève ces
« plaques, parcelle par parcelle, et lorsque les deux os pariétaux, les
AUTOPSIE DES CENTRES NERVEUX. 1517 7
« deux frontaux et l'écaillé de l'occipital ont été ainsi enlevés, on plonge
« la tête dans une solution très faible de liqueur de Millier, puis avec des
« ciseaux on incise sous le liquide la dure-mère, soit eirculaireinent,
« soit en croix. Dans ces conditions, il devient facile d'extraire l'encé-
« phale qui flotte dans le liquide. Il faut avoir soin, en employant ce
« procédé, de ne pas léser la dure-mère en enlevant, les plaques osseuses,
« car la moindre ouverture donne issue à la matière cérébrale. »
Pour faire l'autopsie de la moellc épinière, le cadavre est mis dans le
décubitus ventral avec un billot, sous le sternum pour faire saillir la
colonne vertébrale. La peau est incisée depuis l'occipital jusqu'au coccyx,
les muscles des gouttières vertébrales sont disséqués soigneusement, les
lames vertébrales mises à nu sont ruginées, puis, avec le rachitome
maintenu hien au contact des apophyses épineuses et le marteau, on
sectionne à droite et à gauche les lames vertébrales sur toute la hauteur
du rachis. Il faut avoir soin de ne pas donner de coups de marteau trop
. puissants, car il est extrêmement facile de léser ainsi la moelle épinière
et de créer des altérations artificielles; je crois qu'un certain nombre
d'observations d'hétérotopies ou de myélomalacics de la moelle épinière
sont dues simplement à des coups de marteau. Lorsque les lames verté-
orales sont toutes sectionnées, on détermine par une section transversale
la rupture de la dernière vertèbre lombaire; il suffit alors d'exercer une
traction avec le crochet du rachitome ou la pince-davier de Farabeuf pour
enlever la série des apophyses épineuses et des lames vertébrales ; la
moelle est alors mise à nu. Dans le cas de lésions de la queue de cheval,
il est nécessaire de pratiquer très bas l'ouverture de la colonne pour avoir
tout le sac Il reste toujours sur la dure-mère des esquilles
osseuses, on les enlève avec un davier ou une pince à disséquer.
M. Cbavigny (Autopsie de la moelle épinière. Instrumentation spéciale.
Presse Médicale, '20 juillet l')04, p. 460), a préconisé un levier spécial
pour faire l'ablation de la colonne vertébrale après section des lames
vertébrales au rachitome courbe d'Amussat. Je n'ai pas eu l'occasion
d'employer le levier de M. Chavigny, mais d'après la description donnée
par cet auteur, l'instrument nie paraît très pratique.
La dure-mère contenant la moelle sera progressivement soulevée de
bas en haut avec une pince à disséquer, et l'on sectionnera successive-
ment,, avec de fins ciseaux, les racines rachidiennes. Les ganglions
rachidiens doivent être soigneusement disséqués dans les trous de conju-
gaison, après avoir enlevé les pédicules des vertèbres.
Pour extraire la moelle de foetus ou d'enfants nouveaux-nés, on procé-
dera avec la même technique, mais au lieu de rachitome, on peut se
servir d'un simple scalpel à forte lame.
Il est utile de repérer les racines rachidiennes. M. et Mme Dejerine
conseillent de choisir comme point de repère la première racine dorsale.
qui est facile à reconnaître il son volume et à ce que la seconde racine
dorsale qui lui succède est très grêle. Celte racine sera entourée d'un
[G GUILLAIN.]
1548 8 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.
fil et l'on aura ainsi une indication topographique exacte quand la moelle
sera durcie. M. et Mme Dejerine spécifient aussi que, pour éviter toute
erreur, « on peut aller à la recherche du premier nerf dorsal dans le
« creux sus-claviculaire, au niveau du point où il entre dans la consti-
« lutin du plexus brachial. Ce nerf est toujours facile à reconnaître,
« car il passe par-dessus la première côte. En le dénudant un peu et en
« exerçant sur lui une légère traction, on. s'assure aisément si la racine
« étiquetée première dorsale dans le canal rachidien correspond bien
« au premier nerf dorsal. »
Coupes macroscopiques de l'encéphale et de la moelle.
- - On laissera le cerveau et la moelle plusieurs jours dans le liquide fixa-
teur et durcissant, avant de pratiquer des coupes. Cette recommandation
s'applique surtout pour les cas où le formolage, avant l'autopsie, n'a pas
été pratiquée : il ne faut jamais faire de coupes macroscopiques sur un
cerveau ou une moelle à l'état frais, car on rend ainsi les pièces inutili-
sables pour un examen microscopique ultérieur.
Pour faciliter la fixation, la moelle, au bout de quelques jours passés
dans le liquide durcissant, sera divisée en plusieurs segments par quel-
ques coupes passant entre les racines rachidiennes.
Avant de séparer l'un de l'autre les deux hémisphères cérébraux, je
conseille, suivant l'usage du Professeur Pierre Marie, d'isoler les pédon-
cules en un fragment spécial. Avec un couteau à lame ovalaire, on
pratique une coupe horizontale passant au même niveau à droite et il
gauche par la région pédonculaire supérieure. Ainsi l'on peut ultérieure-
ment pratiquer des coupes microscopiques symétriques des deux pédon-
cules, comparer les zones de dégénérescence ou mesurer, par la méthode
que j'indique plus loin, les atrophies globales, qui sont loin d'être rares
dans cette région.
Les deux hémisphères cérébraux sont séparés l'un de l'autre par une
section du corps calleux. Si l'on a l'intention d'étudier les dégénéres-
cences du corps calleux, il est utile de faire la section le plus près pos-
sible de l'hémisphère sain.
Les lésions macroscopiques du cerveau, corticales ou centrales, doivent
toujours être dessinées sur un schéma.
On a proposé beaucoup de procédés pour couper le cerveau, mais le
point le plus important à noter est de ne pas faire d'emblée des coupes ma-
croscopiques telles que plus tard tout examen microscopique des dégé-
nérescences soit rendu impossible. C'est ainsi que les coupes de Pitres,
vertico-transversales, parallèles au sillon de Bolando, sont excellentes
pour les localisations des lésions dans le centre ovale, niais, par contre.
rendent très difficile l'étude des dégénérescences du faisceau pyramidal.
Les coupes horizontales de Flechsig et de Brissaud sont souvent
employées. La coupe de FIcchsig, se pratiquant de dehors en dedans,
passe par la tête du noyau caudé et par la partie moyenne de la couche
optique. La coupe de Brissaud se pratique de dedans en dehors, elle
AUTOPSIE DES CENTRES NERVEUX. 15113
passe par le milieu de la tète du noyau caudé et par le point de réunion
du tiers supérieur avec les deux tiers inférieurs de la couche optique;
cette coupe est oblique en bas et en arrière.
M. et Mme Dcjerine conseillent des coupes qu'ils décrivent ainsi : « A
(( 131cètre, nous avons l'habitude de prendre connue point de repère de
« la coupe de Flechsig le tubercule antérieur de la couche optique èt
« l'extrémité antérieure du pli cul7éo-liml]ique. Cette coupe est donc,
« comme dans le procédé de Brissaud, oblique en bas et en arrière, et
« de plus nous inclinons la lame du couteau légèrement en bas et en
« dehors. Nous obtenons, de celle manière, une coupe oblique par
« rapport il l'axe horizontal et il l'axe verlico-transversal. La capsule,
« interne est ainsi sectionnée dans sa plus grande étendue, le genou en
« est extrêmement accentué et la coupe intéresse les trois segments du
« noyau lenticulaire. Cette coupe, qui doit être pratiquée sans enlever la
« pie-mère, ne rend des services, de même que celle de Brissaud. qu'au
« point de vue macroscopique, car, comme elle passe très près de la
« partie supérieure de la région sous-optique, elle n'est pas à employer
« s'il s'agit d'une pièce que l'on veuille faire durcir et débiter au micro-
« tome en coupes sériées. Dans ce cas, il est de beaucoup préférable de
recourir à la coupe horizontale de Flechsig, mais en la pratiquant par
« la face interne de l'hémisphère et en faisant passer le couteau plus
« haut que ne le fait cet auteur, c'est-à-dirc par le tiers supérieur de la
« couche optique. On n'intéresse alors que deux des segments du noyau
.< lenticulaire, le genou de la capsule interne est certainement moins
« accentué que dans la coupe à direction oblique, mais on a le grand
x avantage de pouvoir, une fois la pièce durcie, la couper en série de
« haut en bas au microtome et de pouvoir ainsi étudier, dans toute sa
« hauteur, la zone de transition située entre la partie thalamique de la
« capsule interne et la région sous-thalainique. On peut, par conséquent,
« assister au mode de formation de tous les faisceaux de celte dernière
« région. »
Les coupes z1 pratiquer sur le cerveau dans les autopsies peuvent être
soit verticales, soit horizontales, soit obliques, suivant que l'on veut
étudier la dégénération de tels ou tels faisceaux <1 direction horizontale,
verticale, ou oblique, car l'étude des dégénérations secondaires doit se
faire surtout sur les coupes perpendiculaires à la direction des faisceaux.
Le fait important est de noter les points de repère des coupes macrosco-
piques que l'on fait, et d'inscrire les lésions trouvées sur des schémas.
Lorsqu'il existe une lésion corticale de la zone rolandique et que l'on
désire étudier les dégénérations secondaires du faisceau pyramidal, ce
qui est un cas fréquent en anatomie pathologique humaine, la méthode
qui parait la meilleure consiste il pratiquer sur le cerveau une coupe
veriico-trausversale passant en avant du genou du corps calleux, une
seconde coupe vertico-transversale passant en arrière du bourrelet du
corps calleux; sur le fragment moyen du cerveau on fait, dans le but de
. [G. GUILLAIN 1
1550 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.
faciliter le durcissement et la pénétration de liquides fixateurs et durcis-
sants, une ou plusieurs coupes horizontales, en notant avec soin les points
de repère de la face interne du cerveau (corps calleux, couche optique,
etc.), par lesquels passent ces différentes coupes.
MÉTHODES DE FIXATION
C'est immédiatement après l'autopsie qu'il faut mettre les centres
nerveux dans les liquides fixateurs et durcissants. Au fond du récipient
contenant le liquide fixateur, on déposera une couche épaisse d'ouate
hydrophile sur laquelle seront mis les fragments à durcir; ces fragments
devront être fréquemment retournés.
Les liquides fixateurs suivants sont d'un emploi fréquent dans les
études neurologiques : ' cf
Liquide de Müller.
, INCLUSIONS. 155t
de petits fragments (système nerveux central, ganglions, nerfs périphé-
riques). Ces petits fragments sont maintenus pendant un ou deux jours
dans de grandes quantités de liquide que l'on renouvelle quand il se
trouble, puis ils sont lavés à l'eau distillée et conservés dans l'alcool
il 80".
Formol. La solution suivante est souvent employée pour la fixation
du cerveau et de la moelle.
1552 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.
ou de bulbe, davantage pour les fragments plus volumineux. Sorties de
l'alcool absolu, les pièces sont.portées dans un mélange à parties égales
d'alcool absolu et d'éther où elles séjournent pendant un à cinq jours;
puis dans des solutions de celloïdine de plus en plus concentrées. La
durée de l'imprégnation par la celloïdine est de quelques jours pour les
petits fragments, d'une ou de plusieurs semaines pour les fragments plus
volumineux.
Solution faible de celloïdine.
INCLUSIONS. 1555
régulière avec le rasoir. On recommence la même manoeuvre pour chaque
coupe.
Inclusion à la paraffine. Les inclusions à la paraffine ne peuvent
être pratiquées que sur de petits fragments, elles sont utiles pour les
éludes de cytologie fine. Ces inclusions disloquent facilement le tissu
nerveux.
Voici le procédé qui, d'après Gombault et Philippe, donne le moins de
mécomptes pour l'anatomie pathologique du névraxe :
le Déshydratation (alcools progressivement concentrés, alcool absolu).
Comme durée : quelques heures ou une journée suivant le volume tou-
jours petit et le nombre de morceaux à inclure;
'2" Pénétration par l'huile de cèdre, pendant quelques heures, jusqu'à
ce que la pièce soit devenue transparente ;
50 Inclusion proprement dite (quelques heures) pratiquée à l'étuve il
paraffine (40 à 54 degrés).
a) Premier bain dans un mélange de paraffine molle (55 degrés il
40 degrés) dissoute dans l'huile de cèdre à saturation.
b) Deuxième bain dans un mélange de paraffine dure (45 degrés à
,il degrés). Ce bain devra être renouvelé deux ou trois fois dans le but
d'obtenir l'élimination complète de l'huile de cèdre;
4° Solidification. La pièce bien orientée est coulée avec sa paraffine
chaude dans un moule quelconque (boîte en carton ou métallique, etc.).
La prise se fait vite en hiver; en été on place la boite dans un peu d'eau
fraîche.
On obtient des résultats aussi bons en employant pour l'inclusion le
xylol au lieu de l'huile de cèdre.
Coupes sériées. Pour l'étude des dégénérations secondaires, il est
souvent nécessaire de débiter les fragments du névraxe en coupes micro-
scopiques sériées.
On découpe préalablement une série de feuilles de papier à filtre dont
la surface doit dépasser de 1 il 2 centimètres la surface des coupes
microscopiques; ces feuilles sont numérotées. Sur chacune de ces feuilles
numérotées et sur la face du papier qui contient le numéro d'ordre, on
recueille les coupes faites avec l'un quelconque des microtomes actuel-
lement en usage. Toutes les coupes obtenues sont mises les unes au-dessus
des au Ires suivant leur numéro d'ordre, elles sont ensuite colorées et
dans chaque série l'on monte un plus ou moins grand nombre ou la tota-
lité des coupes suivant les recherches poursuivies.
Procédé pour obtenir des coupes non fragiles. Les coupes
microscopiques, surtout quand elles ont un certain volume, sont diffici-
lement maniables il cause de leur fragilité; souvent elles sont altérées
lors des bains successifs nécessités pour les différentes colorations. Le
procédé suivant permet d'ohtenir des coupes possédant une certaine con-
sistance et dont le maniement est ainsi rendu facile.
1° Coupes. Les coupes sont recueillies dans l'alcool sur des feuilles
, [G GUILLAIN]
1554 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.
de papier closet très mince : ces feuilles de papier portent le numéro de
la coupe sériée écrit au crayon de mine ordinaire. Les coupes sont mises
les unes au-dessus des autres dans un récipient contenant une légère
quantité d'alcool.
2° Préparation des plaques de verre. Faire couper des plaques de
verre de 20 à 25 centimètres carrés. Les laver soigneusement à l'eau et
à l'alcool et les bien essuyer. (Le linge ayant servi à essuyer les verres
sortant de l'eau doit être remplacé pour les essuyer sortant de l'alcool.)
Préparer la solution suivante :
MÉTHODES DE COLORATION. 1555
usage fréquent et qui m'ont paru être spécialement utiles pour les exa-
mens anatomo-pathologiques habituels. C'est ainsi que l'on ne trouvera
pas ici les différentes méthodes de coloration de Golgi, les méthodes vitales
d Kin'IIeh et de lpellte, les colorations d'Apathy et de Bethe pour l'étude
des fibrilles primitives, les procédés de lleld et de Cox pour la coloration
de la substance achromatique des cellules nerveuses, les procédés de
Freud, Schmaus. Stroebe pour la coloration des cylindres-axes, etc.
Toutes ces méthodes sont certes très intéressantes au point de vue de
l'histologie normale du système nerveux de l'homme et de la série ani-
male, mais elles n'ont aujourd'hui qu'une importance secondaire au point
de vue des études d'anatomie pathologique humaine.
Coloration des cellules nerveuses, de la névroglie, du tissu con-
jonctif et des vaisseaux par les carmins. - Le picro-carmin alllI1W-
niacal de llanviel' est spécialement recommandable pour les colorations
du système nerveux. Il est préférable de faire les coupes sur des pièces
peu mordancees par les sels de chrome. On met les coupes dans un cris-
tallisoir contenant de l'eau distillée à laquelle on ajoute quelques gouttes
de picro-carmin jusqu à ce que la teinte devienne fleur de pêcher et on
laisse la coloration se poursuivre durant 24 heures à froid. Les cylindres-
axes sont rouges, la névroglie rouge moins foncé, les gaines de myéline
jaune clair, les cellules nerveuses ont leur protoplasma coloré en rouge,
leur noyau est moins foncé. Les plaques de sclérose névroglique ont une
coloration rouge qui les met facilement en évidence.
Les colorations au carmin borate et au carmin aluné de Grenacher, au
carmin lithine de Ul'lh ne donnent pas de résultais spécialement utiles sur
les coupes du système nerveux.
Le procédé de coloration en masse de Foret par le carmin est excel-
lent pour l'étude de la névroglie. De petits fragments du système nerveux
de 1/5 à li2 centimètre d'épaisseur sont fixés et mordancés dans le liquide
de llüllcr pendant 4 il 8 semaines, lavés pendant plusieurs jours à l'eau
distillée ou a l'eau courante jusqu ce que l'eau de lavage ne se colore
plus par les sels de chrome, puis colorés pendant 3 il semaines dans
des flacons contenant du picro-carmin de Ranvier à 1 pour 100. Les frag-
ments sont ensuite déshydratés par les alcools et inclus dans la celloïdine
ou la paraffine.
La méthode du picro-carmin en masse, après fixation par action com-
binée du sublimé et de l'acide osmique, est recommandée par A. Thomas
et G. Hauser pour l'élude des ganglions rachidiens chez les tabétiques.
« Cette méthode, l'ont remarquer ces auteurs, a l'avantage de bien colorer
« les gaines de myéline en noir et de permettre d'apprécier le degré
« d'atrophie des racines postérieures dans leur trajet extra et intragan-
« glionnaire. quelquefois même l'aspect histologique de la dégénéres-
« cence en voie dévolution (corps granuleux) : en outre les cellules et les
« capsules cellulaires, les noyaux sont bien colorés, le pigment est géné-
« ralemenl coloré intensivement en noir : enfin il existe quelquefois dans
[G. GUILLAIN.] ]
1556 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.
« le corps de la cellule des boules de graisse de dimensions variables qui
« sont également bien colorées. »
Thomas et Hauser conscillent les deux procédés suivants :
A) 1° Suspendre les ganglions fendus longitudinalement dans un
mélange de :
MÉTHODES DE COLORATION. 1557
lisoir contenant de l'eau distillée additionnée de quelques gouttes d'acide
acétique, puis dans l'eau ordinaire faiblement alcaline jusqu'à virage au
bleu, puis dans l'eau ordinaire.
Après coloration à l'hématoxyline, on peut faire une double coloration
avec une solution aqueuse d'éosine à 5 pour 100. De même on peut
colorer les coupes préalablement au picro-carmin et faire ensuite agir
l'hématoxyline, on obtient ainsi une triple coloration. Il faut, dans ce
dernier cas, colorer très peu de temps à l'hématoxyline, car la coloration
au picro-carmin serait modifiée.
Au lieu de l'hématoxyline à l'alun, on peut utiliser l'hématéine alunée
préparée dans les mêmes conditions.
Coloration par la fuchsine (procédé de Nissl). De petits fragments
de il 5 millimètres sont fixés pendant 48 heures dans l'alcool à 70 de-
grés, puis pendant 4 à 5 jours dans l'alcool absolu. Les coupes sont
colorées une à deux minutes par une solution saturée de fuchsine chauffée
jusqu'à dégagement de vapeurs ou pendant 24 heures à la température
du laboratoire. La décoloration se fait par l'alcool absolu pendant deux
minutes et par l'essence de girofle jusqu'à ce qu'il ne se dégage plus de
matières colorantes. Les coupes sont portées ensuite dans le xylol et
montées dans le baume de Canada.
Coloration par la fuchsine picriquée de Van Gieson. Les coupes
sont colorées pendant quelques secondes dans la solution suivante :
¡;jars MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.
différencialeur de substance colorante. Le liquide différencialeur a la
composition suivante :
MÉTHODES DE COLORATION. 1559 9
bleu polychrome de Lnna, la thionine, le bleu de toluidine. le rouge
Magenta conviennent fort bien.
Parmi les liquides diftérenciatcurs proposés, je citerai :
le L'alcool absolu;
2" L'alcool aniline ;
° 1.c liquide de Gothanl :
15GO MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.
heure dans l'alcool absolu). Eclaircir par le xylol phéniqué de Weigert :
, . - . METHODES DE COLORATION. 1501
tillée pendant quelques minutes, puis on les transporte dans cette solu-
tien : -
'131\2 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.
Méthode de Marchi. Les pièces sont fixées et mordancées il froid
dans le liquide de .Millier pendant quatre à six semaines. Le séjour à
l'utuve à 57 degrés active le durcissement, mais le durcissement à froid
est de beaucoup préférable.
On peut utiliser des fragments ayant séjourné pendant plusieurs mois
dans le liquide de \Iüller; on peut utiliser aussi des pièces fixées par le
formol, mais il faut dans ce dernier cas les laver à l'eau courante pen-
dant 24 ou 4K heures avant de les mettre dans le liquide de Millier.
Pour activer le durcissement qui est plus long dans le liquide de
llüller, on peut, après une autopsie, fixer pondant un ou deux jours dans
une solution de formol à l0 pour 10U les fragments que l'on mettra
ensuite dans le liquide de Miillcr. '
Les fragments qui sont traités par la méthode de Marchi doivent avoir
une très faible épaisseur. 4 à 5 5 millimètres au maximum, car l'acide
osmique ne pénètre pas très profondément. Au sortir du liquide de
.\Wller ces fragments sont mis dans le liquide suivant ..1
. MÉTHODES DE COLORATION. - 1505
Traitées par la méthode de Marchi, les gaines de myéline normales
sont colorées en jaune brun ; des corps granuleux de coloration noire
marquent la place des libres dégénérées. La méthode de Marchi est la
méthode de choix pour l'étude des dégénérations secondaires récentes
dans le système nerveux central.
Méthode d'Exner. Des fragments de cerveau ou de moelle, recueillis
immédiatement après la mort, ayant une épaisseur de 5/4 de centimètre
environ, sont rnis dans une solution d'acide osmique il 1 pour 100. Le
volume de cette solution doit être de 15 à 20 fois supérieur à celui des
pièces à fixer; on change le liquide dès qu'il prend une coloration noire.
Après cinq -il six jours les fragments sont lavés à l'eau distillée. Les
coupes sont faites sans inclusion ou après imprégnation extemporanée
par la celloïdine ; elles sont lavées, déshydratées, et montées
dans la glycérine. Les préparations se conservent très mal. Cette méthode
a élé surtout employée pour l'étude des fibres tangentielles de l'écorce
cérébrale.
r Méthode d'Azoulay. Fixation et durcissement par les bichromates.
Les coupes sont mises pendant quelques minutes dans une solution
d'acide osmique il pour 500 où elles prennent une coloration noire :
puis on les chaufle pendant cinq minutes dans une solution de tanin à
5 pour 100. Lavage soigneux des coupes pendant 24 heures pour les
débarrasser du tanin et de l'acide osmique. Les libres mvéliniqucs sont
colorées en noir, mais les fibres fines sont souvent mal colorées et la
coupe a fréquemment, une couleur brunâtre uniforme qui est une grande
gène pour l'interprétation des lésions. D'après Gombault et Philippe, ce
dernier inconvénient peut être évité en décolorant les préparations avec
le liquide de Pal ou l'eau de Javel diluée.
Méthode de Nageotte pour la coloration des fibres à myéline des
nerfs, de la moelle et du cerveau. L'avantage de celte méthode est
de pouvoir donner des coupes de nerfs, de moelle ou de l'encéphale le
lendemain de l'autopsie. -
Pour les nerfs, la moelle et les faisceaux blancs du cerveau, la fixation
peut être effectuée dans la solution de formol à 10 pour 100, mais
Nageotte a remarqué que les fibres les plus fines de l'écorce cérébrale
.sont altérées par cette solution et il préconise le fixateur suivant :
1504 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.
conseille de colorer sur lame. A cet effet, après avoir étalé la coupe sur
un porte-objet, on régoutte et on verse dessus quelques gouttes d'héllla-
téine ; puis on dispose la préparation dans une chambre humide il 1'('tttve.
pendant une demi-heure. Pour les coupes de moelle, on peut opérer plus
vile en chauffant la préparation sur un hec deBunsen jusqu'à production
de vapeurs; en une minute la coupe est saturée. La solution d'héma-
téine, que l'on reverse après coloration, peut resservir jusqu'à épuisement*
Après lavage à l'eau, la coupe est différenciée dans la solution décolo-
rante de Weigert (borax, 2 grammes; ferricyanure de potassium,
gr. 50; eau, 100 grammes), plus ou moins diluée, puis lavée et mon-
tée suivant les procédés habituels. Il est important de bien laver si l'on
ne veut pas voir la coloration s'affaiblir pendant le montage, il peut être
avantageux d'ajouter une trace d'ammoniaque à l'eau de lavage.
Méthode de Renaud pour obtenir des colorations rapides. Les
pièces sont fixées dans le mélange a parties égales des trois solutions
suivantes, ce mélange est fait au moment de les utiliser : Éj|
MÉTHODES DE COLORATION. 1505
de sublimé dont elles sont recouvertes, elles sont ensuite lavées à l'alcool
il 90° et passées dans l'eau distillée.
De minces tranches de tissu nerveux et les nerfs peuvent être, avant
l'inclusion, colorées par l'acide osmique (solution à 1/200).
Les différentes colorations sont possibles (hémaléine, picro-carmin,
couleurs d'aniline).
Pour différencier la myéline, Renaud recommande le procédé qui suit.
On met les coupes dans une solution d'alun de fer à 1/200 où elles séjour-
nent quelques heures : elles sont ensuite colorées dans une solution
aqueuse d'hématoxylinc à 1 pour 100 chauffée jusqu'à émission de
vapeurs. Après lavage elles sont passées dans le permanganate, puis
décolorées par l'acide oxalique, lavées et immergées dans une solution
très faible d'ammoniaque qui fait virer au bleu l'hématoxyline. Le mor-
dançage par l'alun de fer est utile, mais non indispensable. Les résultats
obtenus avec cette méthode sont semblables à ceux de la méthode de
Weigert-Pal.
Renaud préconise aussi la coloration au bleu polychrome. On mor-
dance les coupes pendant quelques heures dans la solution d'alun de
ter, on les colore pendant 15 ou 50 minutes dans le bleu polychrome de
Unna. Elles sont ensuite différenciées par un mélange à parties égales
d'alcool absolu et de xylol, lavées abondamment au xylol et montées au
baume.
La méthode de Renaud est à recommander quand on veut des résul-
tats rapides. D'après cet auteur, on peut obtenir des coupes en trois
jours.
Méthode de Weigert pour la coloration élective de la névroglie.
rl Fixation. Prendre de petits fragments de un demi-centimètre d'épais-
seur recueillis le plus lot possible, les fixer dans une solution de formol
il 10 pour 100.
` ? ° Mordancage. Mordancer les fragments pendant 5 à 8 jours à l'étuve
à 37" dans la solution suivante :
1566 MÉTHODES' D'ÉTUDE DES. CENTRES NERVEUX.
90 centimètres cubes de la solution I, à 10 centimètres cubes de la
solution II.
' MÉTHODES DE COLORATION.. 1567
Liquide d'Angladc : ` ,
1568 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.
A) Solution saturée il froid de sublimé; les coupes y séjournent deux
heures.
B) Fixateur OSI110-Chl'01110-aCCi.lfllC :
. MÉTHODES DE COLORATION. 15t;9
flacon bouché il l'nmri et contenant une certaine quantité de la solution
suivante :
1570 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.
chlorure d'or il 1 pour 100 dans 10 centimètres cubes de la solution
suivante :
MÉTHODES DE .COLORATION. 1571
6° Lavage dans l'eau distillée et immersion des coupes dans une solu-
tion de formol il 20 pour 100 pendant 24 heures. La solution de formol
doit être faite avec de l'eau courante (de source) et non avec de l'eau dis-
tillée, la première étant alcaline.
7° Lavage rapide à l'eau distillée.
8° Virage des coupes à l'aide de la solution suivante :
ici72 2 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.
3° On peut, après avoir employé la méthode de Bielschowsky, colorer
les noyaux et les fibres névrogliques en passant les coupes dans la solu-
tion de carmin aluné selon la formule de Ramier. -
lue" Il importe, pendant toutes les manipulations, de se scrvir exclusi-
vement d'instruments de verre pour manier les coupes.
Méthodes d'étude des nerfs périphériques. J'ai indiqué, au cours
de ce chapitre, la technique de différentes méthodes qui conviennent
fort bien à la coloration des nerfs périphériques inclus (méthodes de
Weigert, de Pal, de Marchi, picro-carmin, etc.); je désire seulement
préciser certains points de technique spéciaux à l'étude des nerfs péri-
phériques.
Les nerfs périphériques doivent être manipulés avec une extrême
précaution et, pendant la dissection, il faut éviter tout tiraillement qui
peut produire des lésions artificielles. Le nerf sera fixé par deux liga-
tures en extension.modérée, sur une allumette excavée; on peut aussi le
fixer sur un morceau de liège par deux petites pointes en bois traver-
sant la gainç conjonctive. Il ne faut pas se servir d'épingles, car les corps
métalliques précipitent certains fixateurs comme le sublimé ou l'acide
osmique. '
Différents fixateurs sont à recommander :
1° L'acide osmique à 1 pour 100. Des fragments de 1 centimètre de
longueur, environ, sont suspendus dans cette solution pendant vingt-
quatre ou quarante-huit heures à l'abri de la lumière. Lavage pendant
plusieurs heures. Inclusion 11 la paraffine ou au collodion. Montage des
coupes dans le baume après passage au xylol. Les libres à myéline appa-
raissent sous la forme de petits cercles noirs, le fond de la préparation
est gris.
2° Mélange, à parties égales, de liquide de lliiller et de formol.
5" Liquide de Bouin. - -
MÉTHODES DE COLORATION. 1575
1 pour 100 où le nerf séjourne pendant quelques heures. On peut faire
une coloration ultérieure au picro-carmin. On monte dans la glycérine.
M. et Mme Dejerine conseillent la méthode suivante pour l'examen des
nerfs, dans les cas de névrite périphérique :
« On prend, aussitôt que possible après la mort, les nerfs cutanés et
« musculaires dans les régions où on veut les étudier. II est préférable,
« au point de vue de la facilité de la dissociation, de ne pas prendre de
« nerfs d'un diamètre supérieur il celui d'une aiguille à tricoter d'une
« moyenne grosseur. La dissociation, pratiquée dans l'eau distillée et
« non dans la solution d'acide osmique dont les vapeurs sont trop
« irritantes est faite grossièrement, mais suffisamment pour que
« l'acide osmique puisse pénétrer dans toute l'épaisseur du nerf. Le
« tronc nerveux est placé ensuite, pendant vingt-quatre heures, dans
« une solution d'acide osmique à 1/200, contenu dans un flacon bien
« bouché. Au bout de ce temps, le nerf, qui a pris une coloration noire
« d'autant plus prononcée qu'il est moins altéré, est lavé à plusieurs
« reprises dans l'eau distillée, jusqu'à ce qu'il soit complètement
« débarrassé de l'acide osmique, ce qui se reconnaît au fait qu'il a
« perdu toute trace d'odeur de cet acide. Il est alors soumis à une nou-
« velle dissociation un peu plus complète, puis placé pendant vingt-
« quatre heures dans du picro-carmin à 1 pour 100. Au bout de ce
« temps, il est plongé dans de la glycérine picro-carminée et dissocié
« complètement, faisceau par faisceau, sur la lame porte-objet, dans
« quelques gouttes de ce liquide. On recouvre avec une lamelle que l'on
« borde avec du baume si l'on désire garder la préparation. Les nerfs
" traités par cette méthode peuvent être conservés pendant une quin-
« zaine de jours dans de la glycérine picro-carminée et fournir encore,
« au bout de ce temps, de très bonnes préparations, avantage qui n'est.
« pas à négliger, lorsqu'on doit examiner un grand nombre de nerfs. La
« même méthode est applicable à l'étude des racines spinales et de la
« plupart des nerfs crâniens. Les préparations ainsi obtenues se conser-
« vent très bien pendant plusieurs années (dix ans et même davantage),
« si on les tient dans l'obscurité. »
Durante pour la coloration des nerfs recommande les procédés sui-
vants :
A) Coloration par /' hématoxyline et le Van Gieson.
1" Coloration des coupes à l'hématoxyline alunée de Boehmer;
2" Lavage et coloration sur lames pendant quelques secondes avec :
1574 ' MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX
B) Méthode lente la safranine (Durante).
1° Mordancage des coupes pendant un quart ou une demi-heure dans
une solution de Il10lyùdate d'ammoniaque à pour 100. Lavage soigneux.
2° Coloration 24 heures dans la solution suivante :
MÉTHODE DE COLORATION. z1575
surfaces n'ont pas de valeur en eux-mêmes; ils dépendent de la région
examinée, du grossissement employé pour faire. la photographie; mais,
quels que soient les chiffres en eux-mêmes, deux régions, symétriques
peuvent toujours être comparées. Par cette méthode on peut dire très
facilement que telle région du névraxe examinée avec un grossissement
N offre une surface X, X étant une valeur indiquée par un chiffre concret
et partant comparable au chiffre Y indiquant la surface symétrique du
côté sain. , "
" On peut par cette méthode déterminer indirectement les connexions
de certaines régions du système nerveux entre elles.
[G. GVILLAWl
INDEX ALPHABÉTIQUE
A
Abcès cérébraux d'origine otique, 141.
. .. déterminés par des afléctions nasales,
151. -
Abducteur du gros orteil. du petit
orteil. Innervation, physiologie, 555.
Accessoire du long fléchisseur des or-
tells. Innervation, physiologie, 554.
Accommodation. Exploration, ? 25. -
TIIOUBLES, 96. Paralysie, ses causes.
Affections du globe, 96. Action de
substances médicamenteuses, infections,
intoxications, affections du système ner-
veux, 97. - CoKTnACTUr.H, 98.
Accouchement chez les paraplégiques,
512.
Achondroplasie. La main, 1017. Le
pied, 10 ia. Nanisme, itou2. Ra-
diodiagnostie, J 179.
Achromatopsie, 118.
Acorie. 1005.
Acoustique, Voy. Nerf auditif.
Acromégalie. La main, 1017. - Le pied,
1045. Radiographie. Selle turcique.
Parois du crâne. Sinus. Extrémités, 1'171.
Acroparesthésie, dysesthésie, 575.
Acrosphacèle par congélation, 1051,
1047.
Actes des aliénés, 252.
Acuité réliuicntce périphérique, 15.
visuelle centrale, exploration, 2.
Echelle typographique, 5. Difficultés
de la recherche, 4.
Adducteur du gros orteil. Innervation,
physiologie, 552. - du petit doigt. In-
nervation, physiologie, 555.
Adducteurs de la cuisse. Innervation,
physiologie, 544.
Adiadococinésie, 775.
Adipose douloureuse, douleurs généra-
lisées, a î 0. - Jlal : ulic de Dercum, 9` I ,
92 ? cotcs-cufrtnée des myollathiques,
678.
Aérophagie, 1004.
Agnosie, 501. tactile, visuelle,
226. lésions, diagnostic, 227.
Agoraphobie d'origine auriculaire, 146.
Aïnhum, l0lc7.
Pratique \EUROt..
Akinésie algère, douleurs, 570. 584.
Albumine dans le liquide céphalorachi-
dien, 1150.
Alcoolisme. Névrites et atrophie muscu-
laire, 725. Tremblement, 847.
Alexie. 221.
Algies centrales, 575, 585. et névral-
gies, 580.
Aliénés. Examen, 228. Troubles du
, langage, 250. Troubles de la mi-
mique, 252. Actes, 252. Dé-
mences, 254. - Amnésie, 255. Hal-
lucinations, 257. Idées délirantes,
240. Internement. Établissements
d'aliénés, 252. Placements volon-
taires, 255. Placements ordonnés
par l'autorité publique, 255. Dispo-
sitions communes à toutes les personnes
placées dans les établissements d'alié-
nés, 21G,- Certificat médical, z
Thérapeutique, 247. Alitement, no
restraint, hydrothérapie. 21ls. Médi-
caments hypnotiques, 249.- Isolement,
251.
Alitement des aliénés, 248.
Amauroses. Voy. Amblyopies.
Amblyopies et amauroses, 15. hysté-
riques, Amaurose bilatérale, unilatérale,
3 L - Amblyopie, hyperesthésie réti-
nienne, stigmates oculaires, 55. ré-
flexes ; dans les affections du système
utérin, dans les affections de la face,
par vers intestinaux, 56. par double
hémianopsie, 6.-nicolino-alcoolZque,
36. par le plomb, l'opium, la bella-
done, la quinine, le salicylate de soude,
57.- cliabétiquc,57.-wrétnicpte, 57.
ex anopsia, 57. héméralopique,
57.
Amnésie, 255. organique, rétro-
grade, antérograde, 23û. ? géné-
)'( ! <e, continue, 257.
Amyotrophie. C/)N)'L'o<- : Van'c. 504, Gala,
G ! ! 8. Début dans la seconde enfance.
Début par les muscles des pieds, 695.
Evolution lente, G4. Pied, 1054.
Traitement électrique, 1510. z
lVe/'(lnig-Hoffma/l11. Début dans la pre-
mière enfance. Affaiblissement des mem-
87
1578
INDEX ALPHABÉTIQUE.
' bres inférieurs et du dos. Évolution
rapide, 696. ,
Anarthrie, au. Type d'aphasie, des-
cription, 219.
Anatomie pathologique. Technique des
examens des centres nerveux, 1545.
Anconé. Innervation, physiologie, 552.
Anémie pernicieuse, ataxie,-761.
Anesthésie de l'oeil, origine oculaire, cé-
rébrale, névritique, 115. réflexe dans
les lésions de l'oreille, 145. du la-
rynx, 040.
Anesthésies fonctionnelles, diagnostic, : i56. hystériques, 552. Caractères,
intensité, allure, durée, z In-
fluence de la suggestion, 555. - To-
pographie. Type hémianesthésique ou
monoesthésique, 554. Type scgmen-
taire. Type insulaire, 555. - Traite-
ment électrique, 1327.
Anglade. Yoy, I\'éarocllic.. -
Angulaire de l'omoplate. Innervation,
physiologie, 572.
Anisocorie, 91.
Anorexie tabétique. - hystérique, 1001. 1 .
neurasthénique, 1002. des dé-
générés et aliénés, 1005.
Anosmie, 148.
Anthropométrie clinique, 1060. In-
struments, 1061. Termes employés,
1062. Examen du sujet, 1065.
Céphalométrie, 10G ? tlIensuration du
tronc et des membres, 1072. Mens-
ration de la taille, ] 075.
Anurie, 965.
Aortite, vertiges, 170.
Aphasie. Examen d'un aphasique. Com-
ment se fait la compréhension de la pa-
role, 210. Examen de la parole. 211. 1 .
de la lecture, 212. de l'écriture,
215. de la mimique, 214. de la
mémoire, 214. - de l'intelligence, 215.
de la motilité, 215. de la sensi-
bilité, 216. (Types d' -), 216. -
de iYcrniclre, ` 17. Anarthrie, 219.
de Broca, 219. Alexie, aphasies
chez les gauchers, 221.
Aphonie hystérique, traitement électrique
1551.
Apoplexie. Description clinique, 177.
et coma, I 77. - Diagnostic différentiel,
181. étiologique, 184. Traite-
ment, 187.
Appareil digestif. Troubles nerveux, 977.
Séméiologie des voies digestives sn-
périeures, 977. Séméiologie de l'es-
tomac, JS9.- Séméiologie de l'intestin
et du péritoine, 997. Syndromes as-
sociés, 1000. Troubles psychiques,
1001. Thérapeutique, 1008.
Appareil génital, troubles. Priapisme,
968. Spermatorrée, 969. Dysper-
matisme, 972. Onanisme, 975. Im-
puissance, 974.
oculaire, troubles nerveux, '1.. -
Troubles sensilifs, I'15.
urinaire, troubles de la sensibilité,
945. Troubles de la contractilité,
950. Infeclions urinaires, 960.
Polyurie, 965. Anurie, 9Ga. - Né-
vropathie urinaire, 906.
Apraxie idéo-motrice de Liepmann, 22'2.
idéatoire de Pick, 22a.- motrice de
Kleist, 225.
Aran-Duchenne (Svndrome -), 688,
698. (Maladie de -); existe-t-eUe ?
706. Main, 1059. - \'oy. : itroplrie
musculaire 111yélopathiqltp., Griffé.
Arborisations péricellulaires, coloration
de Ramon y Cajal, 1570.
Argyll-Robertson (Signe d' -), 74, 95.
Arriération intellectuelle, 269.
Arriérés. Nanisme, 109-5.
Arsenic. Intoxication, névrites et atrophie'
musculaire, 723.
Artériosclérose. Atrophie musculaire,
707. - cérébrale, vertiges, 170.
Arthropathies nerveuses, 931, 952.
du poignet, 1026. du cou-de-pied,
1045. tabéliques. Radiodiagnostic,
, 117 ! 4.
Articulation des mots, troubles, 198.
Articulations, lésions, atrophie muscu-
laire réllexe, 708, 711. ,
Asphyxie locale des extrémités. Traite-
ment électrique, 1541.
' Astasie-abasie, 781. 1.
Asymbolie, 501.
Asynergie cérébelleuse. Décomposition
des mouvements. Grande asynergie. Dé-
marche type, 769. Petite asynergie,
770. Signe de la flexion combinée
des cuisses et du bassin, 771. Syn-
drome cérébelleux de Habinski : mouve-
ments démesurés, adiadococinésie, 775.
- Catalepsie cérébelleuse. Exercice a la
liabinski, 775. ,
Ataxie, 754. du tabès, 759. dans
les pseudo-tabes par lésions médul-
laires, 760. - par lésions des nerfs
INDEX ALPHABÉTIQUE.
1579
périphériques, 762. dans les lésions
bulbo-protubérantielles. dans les lé-
sions du. cerveau, 763. par intoxica-
lion aiguë du système nerveux, 764.
1(ibyi-itithiqile, 765. héréditaire, in-
coordination, 777. spinale aiguë,
762.
Ataxiques (Rééducation des ), condi-
tions nécessaires,. 787. Technique,
exercices au lit, 789. Exercices de
marche, 791. Exercices du tronc,
. 795. Exercices des membrcs supé-
rieurs, 796.
Athérome cérébral, crises gastriques,
991.
.Athétose, 871. Description et variétés,
872. Diagnostic des mouvements
athétosiques avec les tics, 895. double,
872. Mouvements involontaires, rigi-
dité musculaire, troubles intellectuels,
875. Mouvements de la main, 1041.
des pieds, 1059.
Atrophie congénitale des membres, 1016,
1042. du névraxe, technique de
mensuration, 1.-174. - - hystérique,
726. musculaire dans les paraplé-
gies, 480,494. - musculaire Charcol-
Marie, Voy. Afnyotrophie. optique
dans les tumeurs cérébrales, 122.
Atrophies musculaires. Définition, 657.
Signes, 658. Diagnostic différentiel,
661. Formes cliniques, classification,
662. Tableau de classification, 66-lui.
Tableau des caractères et variétés
cliniques des atrophies musculaires, 752.
Traitement des atrophies de l'en-
fance, 727. - des- amyotrophies de
l'adulte, 728. des amyotrophies se-
condaires, 729. des amyotrophies
post-paralytiques, 750. Traitement
électrique, 1510.
ntéloathiques acquises à type
Duchenne-Aran, 685. Caractères.
Localisations aux petits muscles des
mains, 698. Griffe, 699, 1059.
Contractions fibrillaires. Réactions élec-
triques, 700. Réflexes, 701. Atro-
phie de la musculature viscérale, 702.
Variétés, 702. Traitement élec-
trique, 1509, 1310.
- - par inaction fonctionnelle, traite-
ment électrique, 1515.
- - primitives, progressÍ1les de l'en-
rance et de l'adolescence, 665. Caractère
héréditaire. Développement dans l'en-
fance, 665. Myopathies, 668. myope-
thies, G91. Atrophie musculaire myé-
lo-névritique, névrite interstitielle hyper-
trophique, 696.
Atrophies musculaires progressives de
l'adulte, atrophies myélopathiques de
type Duchenne-Aran, 698.
- - )'réflexes- d'origine articulaire, 708.
abarticulaire, 7H. - traitement élec-
trique, 1312.
secondaires. Consécutives à une
lésion locale. A des lésions vasculaires,
707. Consécutives à une paralysie. La
paralysie est d'origine médullaire, 711.
d'origine cérébrale, 715. d'ori-
gine périphérique, 71G : d'origine
fonctionnelle, 726.
Audi-mutité, 195, 196.
Auditif (Appareil). Résultats de l'examen
des réactions électriques, lu)77. Voy.
Nerf.
Audition colorée, z, '
Auscultation des centres nerveux, 1118.
Auto-accusation (Idées d' -), 241.
Automatisme ambulatoire, 192.
Autopsie des centres nerveux, 1545.
Avellis (Syndrome d' -), 472, 649.
Azoulay. Voy. Fibres à myéline.
B
Babinski (Syndrome cérébelleux de ), ),
775. Exercice à la -, 775.
Babinski-Nageotte (Syndrome de ), ),
phénomènes oculaires, 73, 472.
Bactériologie du liquide céphalorachi-
dien dans les maladies nerveuses, 1152.
Barbouillage et gâtisme, 1011.
Baresthésie, 291. Recherche, 292.
Séméiologie, 295.
Basedow. Voy. Goitre exophtalmique.
Bassin. Aplatissement chez les myopa-
thiques, 677.
Bégaiement, 202, 656.
Benedikt (Syndrome de -), 472. phé-
nomènes oculaires, 75.
Bergeron. Voy. Chorée électrique.
Béribéri. Atrophie musculaire, 722.
Besoins, sensations internes, cénesthésie,
378.,
Biceps. Innervation, physiologie, 524.
crural. Innervation, physiologie, 545.
Bielchowsky. Voy. Neurofibrilles.
Blésité, 202.
Bonnier (Syndrome de. z Hi7, 17 1, 504.
1580
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Bouche. Examen, 976. Troubles de la
sensibilité, 977.
Bourdonnements d'oreille, 151.
Brachial antérieur. Innervation, physio-
logie, 525.
Brissaud, Voy. Infantilisme.
Brissaud-Sicard (Ilémispasme facial al-
terne de -), 472,
Broca (Aphasie de -), ` ? 19.
Brown-Séquard (Syndrome de -), 517,
490, 495.
.Buccinateur. Innervation, physiologie,
587.
Bulbe, lésions, hémianesthésie, 515.
Séméiologie. Symptômes bulbaires, 799.
Syndromes et maladies bulbaires.
Syndromes nucléaires purs, sans hémi-
plégie croisée, 802. Syndromes
mixtes, nucléaires et fasciculaires, avec
hémiplégie croisée, 804. Diagnostic
des affections bulbaires, 806. Réac-
tion de dégénérescence, 1250. '
Bulbo-protubérntielles. Lésions,ataxie,
763.
C
Cajal (Ramon y). Voy. Cylindraxes, Neu-
ro fibrilles.
Camptodactylie, 1024.
Canin. Innervation, physiologie, 586.
Capacité crânienne. I U î 1.
Carmin. Picro-carmin de Ranvier, colo-
ration en masse de Forel, 1555.
Carré crural. Innervation, physiologie,
54t. des lombes. Innervation, phy-
siologie, 568.- du menton, muscles de
la houppe du menton. Innervation, phy-
siologie, 587. prottalear. Innerva-
tion, physiologie, 529.
Catalepsie, 907.
Catatonie, 908.
Cécité congénitale pour les couleurs, re-
cherche et examen, '118. -corticale; 47,
Celloïdine, inclusions, 1551.
Cellules nerveuses, coloration au carmin,
1555. coloration élective, méthode
de Nissl, 1557.
Cénesthésie, 378.
Centres de réception corticaux de la sen-
sibilité générale, 277. moteurs cor-
licaux, 595, 594. du larynx,
1157. Centres moteurs bulbaires du
larynx, 658. nerveux. Percussion et
auscultation, IH8. Technique des
examens attulomo-lialhologiques. For-
molage avant l'aulopsie. Autopsie, 1;;\ ?
Coupes macroscopiques, 1548. Fixa-
tion, 1550. Inclusions, z
Coupes sériées, 1552. - Colorations,
1554. Mensuration des atrophies du
névraxe, 1574.
Céphalée. Caractères, 565. Séméio-
logie, 560, 597. organique, 3GO,-
(oncl ionuelle, 5G8. Ponction lombaire,
thérapeutique, 1 142.
Céphalométrie, 10G5. Diamètres cé-
phxliyues, 1065. Indices crâniens,
IOGG. - Circonférences. 1069. In-
dices de la face, 1070. - Capacité crâ-
nienne, 1071.
Céphalorachidien. Voy. Liquide cépha-
lorachidien.
Certificat médical pour le placement des
aliénés, 2C4.
Cerveau (Lésions du -) vertiges. 1 Li ! ).
(Affections du -). Troubles de la
sensibilité, 505. Ataxie cérébrale,
165. (Traumatismes du -). Pe-
cherche des corps étrangers par les
rayons X, '1 IGG. Coupes macrosco-
piques, l3 48.
Cervelet. Syndrome oculaire dans les tu-
meurs du -, 125. (Lésions du -), ),
Vertiges, 109. Syndrome cérébelleux,
776. Tremblement, 859. (Tumeurs
(lu -), Radiothérapie, 1189.
Cervical supérieur (Syndrome des lu-
sions médullaires), 514.
Cervico-dorsal (Syndrome des lésions
médullaires), 515.
Champ du regard, 19.
visuel, exploration, 9. Limites péri-
phériques, 10. Recherche des lacunes,
12. Lacunes, 58. Lacune centrale,
40. Lacunes périphériques, rétrécis-
sement concentrique, 41. Lacunes
périphériques irrégulières, 42. -Lacunes
périphériques binoculaires, homolaté-
rales, hémianopsie, 45. Lacunes inter-
médiaires, 58. Caractères dans
l'hémianolsie, 46.
Charcot-Marie. 1'oy. Amyolrophie Char-
col-Marie.
Chimie du liquide céphalorachidien. Ite-
cherche des albumines. de la cho-
line, 1150. des pigments biliaires,
des chlorures, 1151.
Chiromégalie syringomyélique, 1019.
Chlorures dans le liquide céphaluraclli-
dien, 1151.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
1581
Choline dans le liquide céphalorachidien,
. Il ;'0,
Chorée chronique, SG2. - Evolution, 865,
de llzwlirp/lnn,diaânostic avec les tics.
894. - électrique de Bergeron, 867. -
Diagnostic avec les tics, 8Jla.-rle Dubtrri,
8GS. - Diagnostic avec les tics, 894. -
fibrillaire de Morvan, 8G8. ^ de Sy-
rlenlram, 854. Symptômes, 855.
Formes. Complications, 858. Évolu-
tion, 859. Diagnostic avec les tics,
894. Traitement électrique, 1559.
des adultes, 860. hystérique,
sn 1. variable, 861.
Chorées. Troubles de la sensibilité objec-
tive, 556. Description, 849. - Com-
plications, 85'1. - Formes. Evolution,
t ! 5. Diagnostic différentiel, 855. -
Diagnostic de la variété, 854. symplo-
maliques, 864.
Choriorétinite, 15.
Choroïdite, 15.
Chromo-diagnostic du liquide céphalo-
rachidien, 1125.
Circonférences crâniennes. Courbe an-
téro-postérieure,- transverse. hori-
xonhde maxima, 1069.
Claudication intermittente de la moelle,
577, 505. du cerveau, 578.
Clonus du pied, 452, 840. de la ro-
Iule, 454. de la main, 454.
Coagulation du liquidecéphalorachidien,
1127.
Collodion, inclusions, 1552.
Coloration (.Méthodes de), 1554. Pro-
cédés au carmin, 1555. llématusy-
line, 1550. Fuchsine, Nissl, 1557. -
Weigert, 1559. Pal, 1560. Wa-
gerl pour la névroglie, 1565. - Ramon
y Cajal pour les neurofibrilles, 15G8. -
Imprégnation de Bielschowsky, z1570
Étude des nerfs périphériques,
Il-) 72.
1572. .
Coma. Description clinique, 182. Dia-
gnostic différentiel, 185. Ponction
lombaire thérapeutique, 1142.
Compas de Weber, 285.
Compressions de la moelle, atrophies
musculaires, 713. Radiothérapie,
1187. des nerfs, atrophies muscu-
laires consécutives, 717. du plexus
brachial, atrophies secondaires, î17.-
des racines rachidiennes, 718.
Cône médullaire (Syndrome du ),516.
Conjonctive, exploration, 51.
Constipation des hystériques, traitement
électrique, 1550.
Contractions rttyosismiques dans l'hémi-
plégie, 465.
Contracture de l'accommodation. Voy.
Accommodation.
Contractures hystériques, traitement
t leclrirlue, 1328.
Convulsions déterminées par les lésions
de l'oreille,' 144. et crises convul-
sives. Définition, S 18. - Physiologie pa-
thologique, 819. Description : con-
vulsions toniques, 820. Convulsion
tonique, 821. Valeur séméiologique :
convulsions chez l'enfant, 825. chez
l'adulte, 826. Crise convulsive de
l'épilepsie, z Crise convulsive de
l'hystérie, 851.
Coordination. Physiologie normale et pa-
thologique, 750.
Coraco-brachial. Innervation, physiologie,
525.
Cornée, exploration, 51.
Couleurs. Voy. Vision des couleurs.
Coupes macroscopiques de l'encéphale et
de la moelle, 9 4S. sériées, procédé
pour obtenir des coupes non fragiles,
1555.
Courants faradiques, 1228. Courant
de tension, courant de quantité, 1229.
Qualités physiques et propriétés phy-
siologiques de l'onde faradique, 1250.
- Période d'excitation latente, période
d'énergie croissante, 1251. - Période
d'énergie décroissante, 1252. Appli-
cations à l'électrodiagnostic et au traite-
ment, 1235. - Graduation des courants,
1254. Excitations rythmées, ondula-
teurs des courants, 1255. - Méthode
bipolaire, 1256.
- galvaniques, 1191. Appareils,
119 ? - Unités de mesure, 4193. -
Disposition à donner au voltmètre et au
milliampèremètre, 1195. Mesure des
résistances, 1195. Applications à
l'électrodiagnostic de l'état variable,
1219. Applications à la thérapeutique
des actions de l'état variable, 1227.
galvaniques continus, collecteur d'élé-
ments, rhéostat en tension, 1197.
' Réducteur de potentiel, 1199. Électro-
des, 1201. Densité des courants,
1204. Localisation des courants,
1205. - - Effels de l'état permanent
du courant; effets thermiques, méca-
- J582 1)
INDEX ALPHABÉTIQUE.
niques, chimiques, 1207. Pénétration
des ions, 1208. Effets physiologiques
sur les nerfs moteurs et sur les muscles,
1210. Électrotonus, 1211. Effets
sur les nerfs sensitifs et vaso-moteurs,
1212. - Effets sur les organes glandu-
laires, effets catalytiques, 1215.
" Courant galvanique dans les états va-
riables. Excitations de fermeture et
d'ouverture, il 5. - lfets des états va-
riables de fermeture et d'ouverture sur
les nerfs moteurs et sur. les muscles,.
méthode d'excitation polaire, 1214.
Courants faibles, 1215. Courants
moyens, 1216. Courants forts, '12'[8.
- galvaniques labiles, '1227. - galvano-
faradiques, 1238.
Court fléchisseur du gros orteil. Innerva-
tion, physiologie, 555. dit petit
doigt. Innervation, physiologie, 536.-
du petit orteil plantaire. Inner-
vation, physiologie, 554. péronier
latéral. Innervation, physiologie, 549.
supinatc1lI" Innervation, physiologie,
531.
Couturier. Innervation, physiologie, 542.
Crampes des écrivains, 205. - Furme
spasmodique, 900. Forme paraly-
tique, 901. Crampes professionnelles
diverses, 905. - fonctionnelles el pro-
/e.M : OK71e/M. Définition, 899. Étude
clinique, 900. Diagnoslic avec les
tics, 894. Traitement, 906. Trai-
tement électrique, 1540.
Crâne (Fractures et traumatismes du z. ).
Cytodiagnostic, 1140. Ponction lom-
baire thérapeutique, '1 '145. - Recherche
des corps étrangers par les rayons X,
1166. Lésions localisées, applications
du radiodiagnostic, 1170. Déforma-
tions d'ensemble, 1171.
Craniométrie, 1065. ,
Crises convulsiues de l'épilepsie, 829.
de l'hystérie, 85'1. - liées à l'alhérome
cérébral, 991. - tabétiques, 992.
dans la sclérose en plaques. dans
l'oedème angioneurotique, 995. gas-
triques, 989. - gastriques tabéli-
ques. Ponction lombaire, thérapeutique,
1145.
Cryoscopie du liquide céphalo-rachidien,
9127. ,
Cubital antérieur. Innervation, physio-
logie, 527. postérieur. Innervation,
physiologie, 552.
Cyanose congénitale. Difformités des
mains, 1020. "
Cylindraxes myélinisés. Coloration de
Ramon y Cajal, 1570.
Cystite et pyélite, 960. Symptômes.
Traitement, 961.
Cytodiagnostic du liquide céphalorachi-
dien, '1'128, -Résultats généraux, 1129.
Tabès. Paralysie générale, 1152. Ma-
ladies mentales. Zona, '1.155 ? Hémor-
ragies du névraxe, l -154. - Méningites,
U155. - Paralysie infantile. Tumeurs
cérébrales, 1156. Autres maladies,
117.· - Syphilis, .1138.
D
Dactylite blecnorr·agique, 1020. sy-
philitique, 1026.
Daltonisme, 118.
Débilité mentale, 269. '
Défécation. Troubles révélant un état
mental, 998.
Défense (Idées de -) chez les aliénés,
242.
Déformations articulaires chez les 1ll'O-
patbiqucs, 677.
Dégénérés. Viciations de l'équilibre indi-
viduel. Viciations de l'aptitude sociale.
Inaptitude ).la vie, 1105. Voy. Stig-
mates. -
Dégénérescence (Altérations complexes
des réactions électriques constituant les
syndromes de -) 1 ? r·G. Voy. Réac-
tion de dégénérescence, Réactions élec-
triques.
Déglutition, troubles, 983.
Délires, Voy. Idées délirantes. lllrila-
bnliq7les ou palinflllostiq7le, 247.
Deltoïde, Innervation, physiologie, 522.
Démarches ataxo-cérébelleuses, 492. -
sautillaules, à petils pas, 405. Trou-
bles de la par contracture ou rigidité.
494. cérébelleuses, 767. aSY7lC¡'-
giques, 769.
Démences, 254.
Demi-tendineux, demi-membraneux. In-
nervation, physiologie, 545.
Dents, examen, 976. des nryopalhiqu. s.
678. d'Hldchinson, z1·1.
Dermatoses neu1'otl'ophiques, 915.
Déviations conjuguées, d'origine motrice,
79. d'origine sensorielle, 80. - Para-
lysies associées, 80. -- - de la tete CI
des yeux dans l'hémiplégie, 464.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
lu83
-Diabète. Névrites et atrophie musculaire,
723. Ataxie, 761.
Diamètres céphaliques. Antéro-posté-
rieur maximum. - transverse maxi-
mum, 1064. - antéro-postërieur méto-
pique deBroca. sus-auriculaire. Hau-
teur. verticale auriculaire, 1065. bizy-
gamatique, bimastoïdien, 1066. de la
face. Hauteur ophryo-alvéolaire, 1071.
Maxillaire, Nez. Orbite, 1071.
Diapason de Rydel et S'afer, 295.
Diaphragme, névralgie, 391. - paraly-
sie, 629. Innervation, physiologie, 565.
Diarrhées paroxystiques, 997.
Difformités léralologiques des mains.
Ectrodactylie, Polydactylie, etc., 1015.
Hypertrophie et atrophie, 1016.
. tératologiques des pieds, 1042.
Digastrique. Innervation, physiologie,559.
Dilatateur des narines. Innervation phy-
o ! ogie, 585.
Diphtérie. Atrophie musculaire, 722.
Diplégies cérébrales infantiles, 509.
atrophies musculaires, 714. pied bol,
U 052.
Diplopie, recherche, 20 ? mensuration,
22. Dans le diagnostic des muscles
oculaires paralysies, 6U . Diplopie
croisée, homonyme, verticale, 62.
Doigts kippocratiques, z1020.
Dolichosténomélie, loti7, 1045.
Dorsal (Syndrome des lésions médul-
laires) 515..
Douleurs. Caractères généraux, siège,
irradiations, durée, intensité, modalité,
365. - Effets, causes, moyens de les
révéler. Valeur séméiologique, 564.
généralisées, 570. localisées.
Céphalalgie, 565. Migraine, 568.
Douleurs de la nuque, -du tronc, 569.
des membres ? des viscères, 570.
chez les hémiplégiques, 571.
Droit interne. Innervation, physiologie,
544. latéral de la tète. Innervation,
physiologie, 559.
Dubini Yoy. Chorée électrique.
Duchenne (Atrophie musculaire pseudo-
hypertrophique de -) 682 Syndrome
cérébelleux de -) 768.
Duchenne-Aran (Atrophies à type ), ),
688, 698. (Maladie de existence),
706. Voy. Atrophie musculaire, Griffe.
Dysarthries, 196, 198, 211.-d'origine
. parétique, 199. - d'origine spasmo-
dique, 201.
Dyschromatopsie, 118. -
Dysesthésies. Modalité. Siège. Séméiologie,
574. Dans les affections des extré-
mités,. 575. Dans les affections des
nerfs, 370. de la moelle.-du cerveau,
577. Dans les névroses et les psy-
choses,- 578.
Dyslalies fonctionnelles, 202.
Dyspermatisme, 972. Traitement,
973. '
Dysphonie spaslique, 655. nerveuse
chronique, 656.
Dyspnée, 940.
Dyspneumie, 198. '
Dystrophies musculaires progressives,
traitement. électrique, 1510.
E
Écoulement prolongé de liquide céphalo-
rachidien, 1144.
Écriture, troubles. L' - est impossible,
205.-L'-est POSSIBLE, maisincorrecte.
Troubles calligraphiques élémentaires,.
205. Troublespsychographiques,207.
troubles chez les aliénés, '25l.
Examen dans l'aphasie. spontanée,
215. avec les cubes, à la dictée,
copiée, chiffres, musique, dessin, 214.
Ectromélie et ectrodactylie, 1015, 1042.
Électricité. Application au diagnostic des
maladies du système nerveux, 1191.
Courants galvaniques, 1191. Courants
faradiques, 1228. Courants galvano-
faradiques, 1238. Application au trai-
tement des maladies du système nerveux.
Maladies de l'encéphale et de la moelle,
1288, - Maladies des neurones moteurs
périphériques, 1295.
Électrodes, 1201. Dimensions et dis-
positions à leur donner, 1205.
Électrodiagnostic, application des -effets
de l'état variable du courant galvanique,
1219. Points moteurs, 1220. Re-
cherche du seuil de l'excitation, inter-
rupteurs, 1225. Rcnverseurs, 1226.
Application des en'pts du courant
faradique, 1255. Excitabilité fara-
dique et galvanique dans les états patho-
logiques. Conservation des réactions nor-
males, 1` ? l0. - Altérations simplement
quantitatives. Augmentation simple de
l'excitabilité électrique, 1241. Dimi-
nution simple de l'excitabilité électrique,
1243. - Altérations complexes des
158Í
INDEX ALPHABETIQUE.
réactions électriques, réactions de dégé-
nérescence, 1246, 1247. Réaction
myotonique, z Réaction myas-
Ihénique, 1267. Exploration des nerfs
sensilifs et sensoriels, 1269. Vertige
voltaïquc, 1272. - Résistance électrique
du corps, 1276. ,
Électrothérapie. Lésions des neurones
violeurs centraux. Hémiplégie cérébrale,
1288. ? Maladies des neurones moteurs
périphériques, 1295. Poliomyélite,
1296. Polynévrites, '1501. Névrites,
z1505. Atrophies musculaires, z1310.
Affections des neurones sensilifs, Névral-
gies, 1514. -'1'abes,1522, Névroses,
1525.
Éléphantiasis des membres inférieurs,
1046.
Élévateur commun de l'aile du nez et de
la lèvre supérieure, élévateur propre de
la lèvre supérieure, innervation, physio-
logie, 586. ,
Encéphale (Affections del'-). Troubles
de la sensibilité, 505. radiothérapie,
1188. (Lésions de 1' -). Absence de
la réaction de dégénérescence, '12fi6.
Enfant. Valeur séméiologique des cowor.-
sions, ^853. Phénomène des orteils,
450. t- Paraplégies, 508.
Énormité (Idées d' -) chez les aliénés,
245.
Entéro-névrose, 1001.
Épendymites. Description, 1152.- Pny-
SIOLOGIE pathologique, 1159.- Traite-
ment, 1162.
cérébrales. Kpendymile hydrocc'hlta-
loïde des nourrissons et des jeunes en-
fants : Hydrocéphalie, hémocéphalie,
pyocéphalie, 1152, 9153. pseudo-
suppurative à type d'abcès cérébral.
pseudoméningilique, 1151·. - à forme
clinique de tumeur cérébrale, 1155.
I : pendymo-choroïdite comateuse, 1157.
- de l'aqueduc de Sylvius et du 1V° ven-
tricule, 1159. médullaires, l 159.
Épilepsie, troubles de la sensibilité objec-
tive, 550. Crises convulsives, z
Vomissements, 990. Paroxysmes in-
testinaux, 997. jacksonienne d'ori-
gine traumatique, application du radio-
diagnostic, '1'169.- partielle continue,
869.
Épileptiques (Myoclonies -), 869.
Épineux, intcrépineux. Innervation, phy-
siologie, 578, 579.
Erb (Myopathie juvénile d' -) GSS.
Ergotisme, alaxie, 760.
Erotiques (Idées -) chez les aliénés,
246. "
Érythromélalgie, 1028, 10 ! tG.
Escarres de décubitus, 924.
Estomac. Séméiologie. Crises paroxystiques
avec vomissement, 989. Troubles de
la motricité et de la sensibilité, 996.
Exner. Voy. Fibres à myéline.
Exophtalmie dans la maladie de Basedow,
107. Valeur séméiologique, '108.
bilatérale, unilatérale, 108. Signes
de Stclwag, de Graefc, de Rosenbach,
107. Modification de la sécrétion lacry-
male, paralysies oculaires, troubles de
la vue, 108.
Exostoses M/<'ofyc<H'</;feM ! M/</M, 1185.
Extenseur commun des doigts, - po-
pre du petit doigt. Innervation, physio-
logie, 55 ). commun des orteils, z
propre du gros orteil. Inncrv : tion,hhv-
siologie, 547. propre de l'index.
Innervation, physiologie, 555.
F
Facial, Yoy. Nerf facial.
Facies mynpalhique, 689.
Faim. \'iciations. Anorexie, -100 1 Exa-
gérations de la faim. Faim douloureuse.
phobique, 003. - nauséeuse.
défaillante. valle, 1004.
Familial (Caractère -) des myopathies,
665, 680.
Familiales (Maladies ), ), incoordination,
777. et dégénérescence, 1102.
Faux urinaÏ1'es, 967.
Féminisme, 1090.
Fibres h myéline. Coloration élective de
Weigert, 1559. .de Pal, 1560. de
Kulschitzky, 156L - de Marchi, 1562.
d'Exner, d'Azoulay, de Nageotte,
1565. de Renaud, 15G4 ? amyéli-
niques. Coloration de Ramon y Cajal.
I Ui9.
Fièvre et symptômes satellites, 954.
Causes, 93 : i. - Fièvre dans les mala-
dies nerveuses, 955, ! IaG.-Irslé7'Iq7cc,
inexistence, 958. typhoïde, atrophie
musculaire, 725.
Fixation des centres nerveux. Liquide de
Millier, liquide de Fol, 1350. -Formol,
liquide de Orth, liquide de Nageotte,
- 1551.
I\UI : \ 11.1'lltI.TIQUI : .
1585
Fléchisseur commun superficiel' des
doigts, profond des doigts, innerva-
tion, physiologie, 528.
Flexion combinée de la cuisse et du tronc
dans l'hémiplégie, 478. des cuisses
et du bassin et asynergie cérébelleuse,
771. b
Fol (Liquide de) Voy. Fixation.
Fond de l'oeil, exploration objective, ].le.
Forel. Voy. Carmin.
Formol comme fixateur, 1351.
Formolage des centres nerveux avant
l'autopsie, 1545.
Foville (Syndrome type -), phénomènes
oculaires, 71, 72, 472.
Friedreich (Maladie de), incoordination,
777. tremblement, 859. Pied,
1 054. Cytodiagnostic, 'Il 57.
Fuchsine. Coloration de de Van
Gieson, 1557.
G
Gangrène trouble trophique, J l 0.
sénile. Topographie segmentaire des
troubles de la sensibilité, 551. - sénile
des orteils, 1047. - symétrique des
extrémités, 1050, 1047. - - traite-
ment électrique, 1541.
Gastroxynsis de Rosbach, ! )fI3.
Gâtisme, et maladies non démentielles,
1900. - et psychopathies, 1010.
Génio-hyoïdien. Innervation, physiologie,
5ao.
Gerlier, Yoy. Vertige paralysant.
Gérodermie gènilo-di]strophiqucdc'Ram-
ino, 101)0.
Gieson (Van) 1'ov. Fuchsine.
Gigantisme. La main, 1018. - Le pied,
1045.-caractères, 1079.-avecinfan-
tilisme, IOSO. - eunuchoïde, 1081.-
avec acromégalie, 1081. - Diagnostic
du - acromégalique, 108). - Traite-
ment, 10811. - transitoire de la pu-
, berté, 1080. - dû 1'1 l'hérédo-syphilis,
108(i. - Radiographie, 1179. y
Globes oculaires, exploration de la moti-
lité extrinsèque, 1(i. - exploration de
la motilité intrinsèque, 22. - paralysies
des muscles moteurs, 58.
Glossy-skin, 111a.
Goitre exophtalmique. Exophtalmie, 107.
" - Signes oculaires, 107, 108. -
A Troubles de la sensibilité objective, 550.
m - Tremblement, 845. radiothérapie,
1189. - traitement électrique, il 5.
Gombault - Dejerine - Sottas. ( Névrite
interstitielle hypertrophique -), 69ü.
Goût (Déviations du ). Geophagie, copro-
phagie, 1005.
Goutte articulaire aiguë, localisation de
la crise douloureuse sur le gros orteil,
1054. - chronique. Déformation des
mains, 10` ? ! E. - Déformation des pieds,
zut.
Graefe (Signe de de), 107.
Grand cOI1 ! ]Jle : cus, petit complexus. In-
nervation, physiologie, 575, 574. -
dentelé. Innervation, physiologie, 504.
- dorsal. Innervation, physiologie, 571.
- droit antérieur de la télé, petit droit
antérieur de la tète. Innervation, physio-
logie, 560. - droit de l'abdomen. In-
nervation, physiologie, 566. - droit
postérieur de la tête, petit droit posté-
rieur de la tète. Innervation, physiolo-
gie, 574. - fessier. Innervation, physio-
logie, 558. - oblique de l'abdomen,
Petit oblique. Innervation, physiologie,
567. - oblique ou oblique inférieur de
la tète, petit oblique ou oblique supé-
rieur de la tète. Innervation, physiolo-
gie, 575. - pectoral, petit pectoral.
Innervation, physiologie, SOI. - rond,
innervation, physiologie, o25. - zygo-
malique, petit zygomatiljue, innerva-
tion, physiologie, 585, 586.
Grandeur (Idées de -) chez les aliénés,
245.
Graves. Voy. Goitre exophtalmique.
Griffe de Duchenne-Aran, rosi, 1058.
radiale, 1050. cubitale, 1057.
médiane, '108. - pied-creux, 1056.
- avec extension des premières pha-
langes et flexion des deux autres, -
avec flexion des premières phalanges,
1058.
H
Hallucinations et troubles auditifs, 146.
- périphériques ou centrales, z
de la vue, de l'ouïe, du goût, cénes-
thésiques, 258. motrices, 259.
Valeur séméiologique, 240.
Hématémèses nerveuses, 99). z
Hématomyélie, troubles de la sensibilité
à topographie radiculaire, 552. atro-
phie musculaire, 715.
Hématoxyline à l'alun, '135l\.
1 586
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Hémiachromatopsie, 50.
Hémianesthésie bulbaire, 515. - cap-
. sulaire, 511. - cérébrale, 505.
Distribution, 506. - Caractères, 507.
- Valeur séméiologique. Variétés sui-
vant le siège des lésions, 509. - Diag-
nostic, 514. corticale ou sons-cor-
ticale, 509. hystérique, 554.
organique et fonctionnelle, diagnostic
différentiel, 557. pédonculaire, 514.
- p)'o<t<ë)'<7K<<c//<', 5)4. quadri-
géminale, 514. spinale, 516.
fltalctttticlztc, z11.
Hémianopsié, 45. homolalérale, 44.
- Signes pour la déceler, 45. - Carac-
tères du champ visuel, 46. - Persi-
- stance de la vision centrale, 47. -
double, 47. - hétérolatérale biles-
portale, binasale. 50. - par lésion cor-
ticale, 52. par lésion sous-corticale,
par lésion des ganglions centraux, 55.
par lésion de la bandelette, par lé-
sion du chiasma, 54. - par lésion du
nerf optique, 55. - par lésion orga-
nique, 55. - sans lésion organique, 57.
Hémiathétose, 875 - post-hémiplé-
unique. Mouvements de la main, 1040.
- Mouvements des pieds, 1059.
Hémiatrophie faciale, 929, 950.
Hémiplégie. Douleurs d'origine périphé-
risque. Douleurs d'origine centrale, 571.
- Caractères. Causes, 572. Exagé-
ration des réflexes d'un seul côté du
corps, 445. - phénomène des orteils,
45).
par lésion des centres nerveux chez
l'adulte ou le vieillard, 462. Diac.-
khstic de l'- avec les maladies qui
peuvent la simuler, 468. - Diagnostic
de la lésion, 469. de la localisation,
470. - Etiologie et valeur séméiolo-
gique, 475. MouvKMEXTsnMoctf'.s, 477.
- Flexion combinée de la cuisse et du
tronc, 478. - Signe du peaucier. 479.
- Signe de l'éventail. 480. Phéno-
mène de Stiunipell, 480.
Hémiplégies alternes, 471. ctjné-
braies, pied bot, 1055, 1056. -
atrophies consécutives, 71 IL - trai-
tement par l'électricité, 1288.
infantile, 475. - pil'(1 bot, 1052.
- atrophies musculaires, 714.
- corticale du larynx, 645. bulbaire
du larynx, 645. laryngée d'origine
périphérique, 646.
Hémiplégie double des vieillards lacu-
naires, 509.
;to;tO)'</MKe, d'origine névropalhi-
que, 474.
. organique. Radiographie des troubles
trophiques osseux, 1175.
Hémispasme facial alterne, 472.
facial hystérique, 895.
Hémorragie bulbaire, 805. -cérébrale.
lésions de l'oreille, '127. du laly-
rinthe, )5). du névraxe. examen
' du liquide céphalorachidien, 1135.
méningées, signe de Kernig, 484.
intestinales, 998.
Hémosialémèse, 988.
Héréditaires (Maladies ). incoordi-
nation, 777.
Hérédo-ataxie cérébelleuse, incoordina-
tion, 779.
Hérédo-syphilis gigantisme, 1 O,(fi.
Nanisme. 1095.
Hermaphrodisme, 1090.
Hippus. 01.
Hydrocéphalie, 1152. Ponction lom-
baire thérapeutique, 1145.
Hydrothérapie dans les états d'agitation,
les insomnies. 1;;1.2. -l'hystèrie. l'épi-
lepsie, les polynévrites, les névralgies,
)(;ta))es,t4.
Hyperacousie, 129.
Hypéresthésies cutanées dans les affec-
tions viscérales, ulill. hystériques,
556. réflexes dans les lésions dé
l'oreille, 145.
Hyperidrose, 958.
Hyperkératose, trouble trophique. si 1 ).
Hypérosmie, 'j.8. '
Hypersécrétion lacrymale, 1 15.
Hypertension artérielle. Hypotension.
959.
Hyperthermie, 954. ses causes. 955.
Hypertrichose, 927.
Hypertrophie congénitale des membres,
1010, '10l ? musculaire. Carac-
tères, 755. Diagnostic différentiel.
Variétés, 756. Hypertrophies muscu-
laires viscérales, 757. - - périphé-
riques, 758. physiologique fonction-
nclle, 758. ]11'Ùn'trophiquc, 741.
myotonique, 742. de causes
diverses, 745. d'origine vasculaire,
745. Tableau des caractères et va-
riétés cliniques des hypertrophies mus-
culaires, 749.
Hypoacoûsie, 1 ? 0.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
1381
Hypocondrie. Idées hypocondriaques, 243.
Hypoesthésie du larynx, 640.
Hypophyse, affections, radiothérapie,
1188.
Hyposécrétion lacrymale, 1 114.
Hypothermie, 957.
Hypotonie, 909. -Valeur séméiologique,
- 11'1'1.
Hypnose, 191.
Hystérie, troubles de la sensibilité.
Anesthésies, JJ2. - Hypereslhésies,
556. - Atrophie musculaire, 726. -
Incoordination, 781. - Crises convul-
sives, 85'). - Tremblement, 843. -
Chorée, 861. Vomissements, 990. -
Paroxysmes intestinaux, 997. - Trou-
. bles intestinaux simulant une maladie
organique, 999. - OEdèmes, 1028,
1046. - Pied bot paralytique et spas-
modique, 1056. - Traitement élec-
trique, 1525. Voy. aussi Amblyopies.
1
Ichtyose, trouble trophique, 915.
Ictères chroniques. Liquide céphalora-
chidien, -1 [ : il .
Idées délirantes, 240, - d'anlo-acensa-
lion, - de persécution. 241. de
défense, 242. - de grandeur, - hypo-
chondriaques, 245. - de négation,
244. - d'énormité, - religieuses,
245. - érotiques, 246. - Délires
métaboliques, 247.
Idiotie. Parole. - mémoire, volonté, sensi-
bilité des idiots, z Imitation, tics,
mouvements, 267. - TitouDLE.3 PIIT-
SIQUES, 268. - Variétés,' 268. -
Diagnostic, 270. - Complications, 275.
complète, profonde, légère.
morale, 269. hémiplégique,
dilplégique, - épileptique, - ama1l-
l'otique. - mongolienne, - polysar-
cique, 270. - méningitique, - mé-
aci.ac/o-encéPhaligace, - porencépha-
tique, 271. - rnyxoedémateuse, -
microcéphalique, - lrd.rocéplzalirlue,
etc.. 272. - par simple arrêt de
développement, 272.
Imitation chez les idiots, 267.
Impuissance, 974. - Traitement, 975.
Inclusions à la celloïdine, 1551. - au
collodion, -1552. - la paraffine, 1355.
Incontinence d'urine. Étiologie, 955.
symptômes. Diagnostic. Traitement; 1
957. essentielle de l'enfance, 957.
- par atonie, 960. ano-1Jésicale,
gâtisme, ! 009... " .
Incoordination, 750. PATnoGEKiE, 751.
Séméiologir, 753.
- ataxique, 752, 754.' - Défaut de
mesure dans les mouvements. Exagéra-
tion des mouvements hors du contrôle
de la vue, 754. - Troubles de la mar-
che, 755. - Membres supérieurs, 757.
- Tronc, tète et face, 758.
- cérébelleuse, 753, 766. - Pas de
Romberg, trouble de la composition des
mouvements complexes, trouble de
l'équilibre, 766. - Titubation cérébel-
leuse, 767. - Asynergie cérébelleuse,
769.
- dans les maladies héréditaires ou /icmi-
liales, 777. - dans les névroses, 781.
Tableau des caractères et variétés
cliniques des incoordinations, 782. -
Traitement par la rééducation des mou-
vements, 785.
Indices crâniens, - céphalique, 1066.
- frontal minimum bimastoïdien,
1067. - (ronto-zygomatique, 10G8.
bimastoïdien, bizygomatiqlle, - sus-
- de la face, 1070. - thoracique,
pelvien, scapulaire, 1077.
Inégalité pupillaire 90. - - congé-
nitale, 91. - - variable, à bascule,
transitoire, 91.
infantilisme, 1086. gigantesque,
1087. - ennuchoïdc, - type Lorain,
1088. - type Brissaud, 1089. -
Traitement, 1091.
Infectieuses (Maladies). - Lymphocy-
tose rachidienne, 1157.
Infections urinaires, 960.
Injections d'alcool dans les troncs ner-
veux pour le traitement de la névralgie
faciale. Technique, 422. sous-arach-
ac.oïdienncs, ·1 145. - de cocaïne, de
collargol, de sérum audméningitique,
1145. - de sulfate de magnésie, 1146.
. épiduraies, 1 146.
Innervation cutanée, topographie radi-
culaire, 520. motrice des nerfs
. rachidiens, 605.
Insomnie, z. -. Causes, traitement,
195. - essentielle des veillards, 195.
Instabilité mentale, 269.
Intelligence. Examen dans l'aphasie,
215.
1588
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Internement des aliénés. Loi du 50 juin
1858, 252. - Ordonnance du 18 dé-
cembre 1859 portant règlement sur les
établissements consacrés aux aliénés,
259. - Placements volontaires, place-
ments d'office, 265. - Certificat mé-
dical, 264.
Interrosseux. Innervation, physiologie,
557. - du pied. Innervation, physio-
logie, 555.
Intestin. Séméiologie. Paroxysmes dou-
lourez, 997. - Troubles de l'éva-
cuation intestinale, 997. - Syndromes
asssociés, 1000. - Troubles psychiques,
1001. - Thérapeutique. l00(i. *
Intoxications, vertiges, 174. - aiguës,
ataxie, 764. - Tremblement, 847.
Intransversaires du cou, du dos, des
lombes. Innervation, physiologie, 578.
Ischio-coccygien. sacro-coccygiens anté-
rieur et postérieur. Innervation, phy-
siologie, 579.
Isolement des aliénés, 251.
J
Jackson (Syndrome de -), (i0.
Jambier antérieur. Innervation, physio-
logie, 546. postérieur. Innervation,
physiologie, 551.
Jargonaphasie, 211.
Jumeaux pelviens. Innervation, physio-
logie, 540.
K
Kératite 7/i'llro-pamlytique, 116, 955.
Kernig (Signe de -). ). Recherche, 481.
- Valeur séméiologique, 482, 485.
Kleist (Apraxie motrice de -), 225.
Klippel (Atrophie numérique de -),
1l ili.
Kojewnikoff (Syndrome de -), 86 ! ).
Kulschitzky. Voy. Fibres il myéline.
L
Labyrinthe. Anémie, congestion, hémor-
ragie, 155. Inflammations, syphilis,
154. et 157. - (Lésions
du ), ), syndrome de Ménière, 1 GG.
Ataxie, 765. - (Affections du -). ).
Ponction lombaire, thérapeutique, 1145.
Labyrinthique (Syndrome 8'ifi.
Labyrinthites infectieuses, toxiques,
155.
Lacrymale. Yoy. Sécrétion lacrymale.
Lagophtalmie paralytique, 105.
Landouzy-Dejerine (Myopathie type ), ),
687.
Landry (Syndrome de ). 505.
Langage oral. Yoy, Parole.
Langue. Examen, on. - Troubles de la
sensibilité, 978. Troubles de la mo-
tilité, 979. Traitement électrique
des paralysies, 1509.
Larynx. Centres moteurs corticaux, 657.
centres moteurs hulhaires, G58 ?
Maladies, 036. TIIOVBLES seksitifs.
Ancsthesie, 040. llypoesthésie. l'a-
reslhésies, 1141. Névralgies. Troubles
réflexes, 642. Paralysies. Hémiplé-
gie corticale, 645. Hémiplégie bul-
haire, 645. Hémiplégie périphérique,
646. Hémiplégies bilatérales. asso-
ciées, 648. Syndrome d'Avellis.
de Schmidt. de Jackson. de Tapia,
649. SpASMEs, 649. Spasme glot-
tillue respiratoire par irritation directe,
li30. d'origine centrale. d'origine
périphérique, 11 : : Í'1. réflexe, 652.
Névroses. Spasme de la glotte des nour-
rissons. Toux nerveuse. Vertige laryngé.
655. Troubles laryngés dans les
névroses, 11J r4. - Slt : mne glottique pho-
nique, 655. Traitement électrique
des paralysies, 1508.
Lecture, examen dans l'aphasie. Lecture
des lettres, 212. des chiffres, de
l'heure, de la musique, des mots ; recon-
naissance des dessins, 215.
Lèpre. Topographie paraplégique des
troubles de la sensibilité, 549. Topo-
graphie segmentaire, 550. Topogra-
phie insulaire, 551. Atrophie, type
Duchenne-Aran, 704. Atrophie mus-
culaire, 722. troubles trophiques,
925, ! 12ü. - )Iutila tion des pieds, 1047.
Leucodermie, trouble trophique, 9)5.
Leyden (Vomissement périodique de ), ),
093.
Leyden-Moebius (Myopathie type ), ),
685.
Lhermitte. Voy. Neurofibrilles. Névroglie.
Liepmann (Apraxie ideo-motriee de),
.
Liquide céphalorachidieu. Séméiologie,
11 ` ? 0..lspcct,112 : ï. -1)cttsito, l ' : 1G.-
Coagulation, H 27. - Crvoscopie, 1127.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
1589
- Cytodiagnostic, 1128. - Recherches
chimiques, 1150. - Examen bactério-
logique, 1152 - Écoulement prolongé,
1144. ZD
Little (Syndrome de -), 508. - pied
bot, 1052.
Localisations corticales motrices, 592,
597. - radiculaires motrices. 599.
Lombaire (Syndrome - des lésions mé-
dullaires), 515.
Lombricaux. Innervation, physiologie,
550. - du pied, Innervation, physio-
logie, 555. ,
Long du cou. Innervation, physiologie,
560. - extenseur du pouce. Innerva-
tion, physiologie, 555. flléchisseur
commun des orteils, propre du
gros orteil. Innervation, physiologie,
551. - - propre du pouce. Innerva-
tion, physiologie, 529. - péronier
latéral. Innervation, physiologie, 548.
supinaleur. Innervation, physio-
logie, 550.
M
Mac Ewen (Syndrome de -), ptosis, : )9.
Macropodie congénitale, 1045.
Main. Séméiologie, 1015. - TiOUI1,E.; nu
développement. Difformités tératologi-
ques, 1015. - Dystrophies congénitales,
1016. - Difformités acquises. - ostéo-
articulaires, 1017. - des parliez molles,
1027. - mutilantes, 1(I` ? 9. - Am-
TUvicieuses, 10a`3. - )IOUVE31ENTS
anormaux, 1040.
- (le J/or<'fUi, 1029. - de singe, Du-
chctzttc-Aruu, 699, 1055. - succulente
de la syringomélie, 1027.
Mains botes congénitales. - avec mal-
formation osseuse. - paralytiques. 1052.
- Spasmodiques, 1055. acquises,
paralytiques ou spasmodiques, 1055.
Mal de. zncr, vertige, 159. - vertige,
vomissements, 995. - des montagnes,
vertige, 15 ! ). - her/oranl buccal, 92L
977. - perforant plantaire, 925,
1047.
Marche. Troubles ataxo-spasmodiques,
W2. - Démarches sautillantes, a
petits pas, 495. Troubles par con-
tracture on rigidité, 494. - dans le
lll ! )('.1, 755.
Marchi. Voy. Fibj--és-a- myéline.
Marie (Névrite interstitielle hypertro-
phique, forme Pierre -), li9li.
Masculisme, 1090.
Masse commune des muscles spinaux.
lliocosizil, long dorsal, transversale épi-
neux. Innervation, physiologie, 575.
Masséter. Innervation, physiologie, 590.
Massues terminales, coloration de Ra-
mon y Cajal, 1570.
Mastication, troubles, 985.
Mégalodactylie, 1015, 1045.
Membres. Mensuration, 1072, 1075,
1077.
Mémoire. Examen dans l'aphasie. - en
général, 214. - optique, auditive,
gustative, 215. - chez les idiots, 266.
Ménière (Svndrome de ), )52, 166,
995.
Méningite cérébro-shirtale, signe de Ker-
nig, 485. - Traitement électrique de
ses complications. ]501. - ologène,
111. tuberculeuse, signe de Kernig,
z tuberculeuse du nourrisson,
somnolence, 190.
Méningites, lésions de l'oreille consé-
cutives, 120. - Examen du liquide
céphalorachiclien, 1155. - Ponction
lombaire thérapeutique, 1141.
Méningo-myélite syphilitique. Atrophie
musculaire, type Aran-Duchennc, 704.
Mensuration du tronc et des membres.
10 i v. - de la taille, 1075.
Mentales (Thérapeutique des affections
- ). 1'o ? Aliénés.
Méralgie pareslhésique, 594.
Mercuriel (Tremblement -), 848.
Mérycisme, lll00.
Métamérie spinale, 554. - Topographie
segmentaire des troubles de la sensi-
bilité, 550.
Métatarsalgie, 597.
Migraine, 568, 598. - ophtalmique, -
ophlalmoplégique, 598.
Millard-Gubler (Syndrome de -), phé-
nomènes oculaires, 71, 471.
Mimique. Examen dans l'aphasie. -
conventionnelle, 214. - descriptive,
214. - Troubles chez les aliénés, 252.
Moelle (Affections de la ). Troubles de
la sensibilité, 31 ;1. - (Tumeurs de la
- ), .i ! J7. - (Lésions de la ). nLlG-
nostic en hauteur, 515. Syndrome
cert·ical srrpér-iew·, 51-k. - cervico-
dorsal ou brachial-dorsal. lombaire.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
- sucré, 515. du cône médullaire,
z'16. - de la queue de cheval, 517. '
THauu.ysxs; recherche des corps
étrangers par les rayons X, 1166.
(Lésions de la réaction de dégéné-
rescence, lu)56. - Maladies, Traite-
ment par l'électricité, 12 : alc,, 1296, 1510.
=-7 COUPES macroscopiques, 1548. -
technique de- mensuration des atro-
phies du névraxe, 1374.
Mongolisme. Idiotie mongolienne, 270.
Monoplégie brachiale, 621. - d'origine
hystérique. - par lésion cérébrale,
médullaire, radiculaire, 622. - ou
névritique, 625.
Morvan (Chorée fibrillaire de -), 868.
(Main de -), 1029.
Motilité. Examen de l'aphasie, 215. -
(Troubles de la -). ). Hémiplégie, 462.
- Paraplégie, 486.
Mouvements anormaux de la main,
1040. des pieds, 1058. - associés,
477. - dans l'hémiplégie, 476. - z
dans la paralysie faciale, 480 : - com-
pensateurs des vertiges, 155. - des
idiots, 267. - involontaires dans
l'hémiplégie, 464.
Moyen fessier. Innervation, physiologie,
559.
Müller (Liquide de -). Vo. Fixation.
Muscles (Lésions des -), réaction de
dégénérescence, 1259. - physiologie.
Séméiologie des paralysies musculaires
isolées, 521, de l'avant-bras, para-
lysies, 526. - de l'éminence ihénar. In-
nervation, physiologie, 534. - de l'é¡ni-
nence hypothénar. Innervation, physiolo-
gie, 555.-de l'épaule, 521. - de 1'oeil,
dynamométrie, 18. - paralysies, 61,
68. - de l'oreille externe. Innervation,
physiologie, 58'1. - de la cuisse, para-
lysies, 542. de la jambe, paralysies,
546. - de la main, paralysies, 534. -
des gouttières vertébrales, 575. - du
bassin, paralysies, 559. - du bras,
paralysies, 521, 524. du cou, 556.
- du pied, 552. du thorax, 561.
- de l'abdomen, 505. -dit clos, 571.
- de la nuque, 573. intercostaux.
Innervation, physiologie, 565. - in-
iransversaires, 578. épineux, 578.
- du coccyx, 579 : peauciers du
cou et de la tête, 579, des pau-
piètres, 582. dit nez, 584. - des
- lèvres, 585. masticateurs, 590.
pelvi-trochanlériens : Innervation, phy-
siologie, 540, 541.. w
Mutisme voulu dans les affections men-
tales, 197. - vésanique, 230;
Myasthénie bulbo-spinale, 814. .SïHp-
TOMES bulbaires, symptômes spinaux, 815.
- Réaction myasthénique. Diagnostic,
816. ' .
Myasthénies épisodiques, 813. Mala-
dies familiales.- Paralysie périodique,
814. Vertige paralysant, 814.
Myasthénique. S'ciy. Réaction myasthé-
nique...
Mydriase, ses causes. Affections du globe,
action de substances médicamenteuses,
infections, intoxications, maladies du
système nerveux. Importance relative
des diverses causes, 86, 87. - para-
lytique. - spastique, 84. pltysio,
logique, 88.
Myélites, atrophie musculaire, 715.
transverses chroniques, 501.
Myélopathies rtlrophiques progressives
de l'enfance- et de l'adolescence. Carac-
tères et Symptômes, 691. - Variétés,
695. - des vieillards, 510.
Mylo-hyoïdien. Innervation, physiologie,
z,
Myoclonies. Description, 865. - Ding-
Nos,rie, variétés, '866. Paramyoclonus.
Chorées électriques, 867. - Chorée
fibrillaire, 868. - Myoclonies épilep-
tiques. familiales, 869. - Myoclo-
nies dans les affections diverses, 869.
- llol : ymies, 870. - Traitement
électrique, 1359.
Myokymies, 870, 1267.
Myopathie hpent·opltiaztte, 738, 745.
- pseu(lo-hypei-12-ophique ou myosclé-
rotique de Duchenne, 682. - primi-
live. Traitement électrique, 1510. -
sénile, 510. - type Leyden-Moebius,
685. - type scapulo-huméral, variété
juvénile d'Erb, 685. - variété facio-
scapulo-ltztmérale de Landouzy et De-
jerine, 687. '
Myopathies, 505, 668. - Symptômes.
Absence de. contractions fibrillaires, hy-
pertrophie, 669. - Pseudo-hypertro-
phie, rétractions, 670. - Pas de réac-
tion de dégénérescence, 672. - État
des réflexes, 672. - Muscles de la
racine des membres, 675. Évolution
lente, 674. - Symptômes non muscu-
laires, 675.-Concomitance d'affections
INDEX ALPHABÉTIQUE.
familiales ou héréditaires, 680. Con-
, comilance de plusieurs types de myopa-
thie chez le même sujet, z
Variétés topographiques, 682. - Pied
hot, 1056. - RADIOGRAPHIE de l'atro-
phie osseuse, 11 76.
Myopsychies, 680.
Myosis, ses causes, 88. - spasmodique.
- spaslique, 84. - physiologique,
89. .
Myotonie congénitale, hypertrophie
musculaire, 758. - particularités cli-
niques, 742.
Myotonique. Voy. Réaction myotonique.
Myrtiforme. Innervation, physiologie, 585.
Myxoedème. Idiotie myxoedémateuse, 273.
- La main, 1028. Le pied, 1046.
- Nanisme, 1091. Radiodiagnostic,
1179.
. N
Naevi, (roubles trophiques, 917.
Nageotte. Vov. Fibres à myéline, Fixa-
lion..
Nanisme, m.mdéntateu2, 1091. -
- achondroplasique, 1092. rachi-
tique, 1094. - par dysplasie périostale.
- chez les arriérés. - dans l'hérédo-
syphilis. - dstroplriqzt.e. - essentiel,
1095. - par anomalies des membres
inférieurs, 1096. - R : 1DIOGR<IPIfIE, 1179.
Narcolepsie, 189.
Négation (Idées de -) chez les aliénés,
244.
Néphrite interstitielle, vertiges, 171.
Nerf acoustique, exploration électrique,
réactions auditives, 1272. - auditif,
origine, trajet et décussation de ses
libres, 124. - -, maladies. Effets des
lésions situées dans son trajet intracra-
nien, 156. - dans ses centres bul-
baires, 157. - dans ses centres céré-
braux, 159. - circonflexe, paralysie,
630. - crural, névralgie, 594. -
paralysie, 655. - cubital, paralysie,
652. - facial, paralysie, 625. -
glosso-pharyngien, paralysie, 627. - z
honteux interne, névralgie, 594. -
hypoglosse, paralysie, G29. - laby-
rinthique, lésion. Ataxie, 765. - maxil-
laire inférieur, névralgie, 587. -
Injection d'alcool, 422. - maxillaire
supérieur, névralgie, 587. - Injection
d'alcool, 425. - médian, paralysie,
652. - moteur oculaire commun, pa-
ralysie, 69. et parahsie de l'ac-
commodation, 97. - - - externe,
paralysie, 69. - olfactif, exploration
électriyue,1271.-oblnratezcr, névral-
gie, 594. ophtalmique, névralgie,
587. - Injections d'alcool, 423. z
optique, exploration, 2. - explo-
ration électrique, 4371. , lésions
dans les tumeurs cérébrales, 121.
pathétique, paralysie, 69. phrénique,
névralgie, 591. - -, paralysie, 629.
pneumogastrique, paralysie, 627.
radial, paralysie, 650. - sciatique,
névralgie, 595. -, paralysie, 654.
- spinal, paralysie, 628. h'ty'tfment,
lésions, phénomènes auriculaires, 128.
- -, névralgie, 586. - ? paralysie
de la branche motrice, 627 f
Nerfs, lésions, atrophies musculaires con-
sécutives, 716, 719. - brachiaux, né-
vralgies, 590. - cervicaux, névralgies, ? 88, 389. - coccygiens, névralgies,
595. - crâniens, paralysies, 625.
-, lésions, réaction de dégénérescence,
z)56. - de la sensibilité générale,
exploration électrique, z1269. - du
goût, exploration électrique, 1271.
intercostaux, névralgie, 595. - oculo-
gyres, 78. - périphériques (Lésions
des -). Troubles de la sensibilité, 547.
- Causes. Caractères, 548. ? réac-
tion de dégénérescence, 1257. - -
(Maladies des - -). Traitement par
l'électricité, z19.95, 1501, 1503. ,'
Fixation, coloration, étude, 1572.
rachidiens, territoires de distribution
cutanée, 3 ? 525.- Rapports de leurs
émergences avec les apophyses épi-
neuses, 527. , innervation motrice,
605. - Rapports entre leurs émergen-
ces médullaires et les apophyses épi-
neuses, 608. - sensitifs de la peau,
réactions électriques, 1269. - senso-
riels, exploration électrique, '1269.
spinaux, paralysies, 025.
Neurasthénie et fatigue de l'accommo-
dation, 98. - Vertiges, 172. Trou-
bles de la sensibilité objective, 556. -
Incoordination, z digestive, 1001.
- Traitement électrique, 1532.
Neurofibrilles. Coloration de liamon y
Cajal, 1368. - Imprégnation de Biel-
chowsky, 1570. - de Lhormitte, 1571.
Neurofibromatose généralisée et trou-
bles trophiques, 917.
1592
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Névralgie cervico-occipitule, 388. - cer-
vico-brachiale, 589. - diaphragma-
tique, 39'1. - intercostale, 5,¡¡2. - du
plexus lombaire, 393. - de Horion,
597. - du larynx, 642. - faciale
déterminée par les lésions du nez, 151.
caractères, 386 ? lymphocytose
rachidienne, 1157. traitement élec-
trique, 1519. - Yoy. aussi Injections
d'alcool. rénale. Idiopathique, symp-
tomatique, 9 ! 5.- Symptômes, 9 ! 4.-
Traitement, 945. - scialique, 395. -
Traitement électrique, 1514. - uré-
trale, 950. - vésicale. Idiopathique,
945. - Symptomatique, 946. - Sym-
.ptômes, 947. - Diagnostic, 948.
Traitement, 949.
Névralgies et algies, 380. - Description
générale. Causes, 38'1. - Accès dou-
loureux, 3882. - Modalités, 585.
Localisations, 584. - Traitement. Médi-
caments antialgiques, antispasmodiques,
400. - Médicaments hypnotiques, anal-
gésiques, 411. - Médicaments hypno-
tiques directs, 415. - Liniments, gly-
cérolés, 418. - Révulsion, électricité,
420. - Air chaud, radiothérapie, hydro-
thérapie, injections d'eau ou d'air, 421.
- Injections intra-arachnoïdiennes ou
épidurales, injections d'alcool dans les
troncs nerveux, 422. Radiothérapie,
. 1189.
Névrite ascendante, atrophies consécu-
tives, 7'19. interstitielle hyperlro-
phique, 780. Forme Gombault-
Dejerine-Sottas et forme Pierre Marie,
696. - Hypertrophie des troncs ner-
veux, cypho-scoliose, signe d'Argyll,
697. - optique dans les tumeurs céré-
brales, 121.
Névrites. Atrophies secondaires, 719.
de type Aran-Duchenne, 706. - Radio-
diagnostic des troubles trophiques os-
seux, 1175. - Réaction de dégéné-
rescence, 1258. - Radiothérapie, 1189.
- Traitement électrique, 13ou. - in-
fectieuses ou toxiques, atrophie mus-
, culaire consécutive, 720.
Névroglie. Coloration au carmin, 1555.
Coloration élective, méthode de Weigel'l,
1565. - d'Anglade, 1566. de
Lh.ermitte, 1567.
Névrome plexi/brnce de la main, 1028.
Névropathie urinaire, 966. '
Névroses, phénomènes auriculaires, 128.
- vertiges,. 171. troubles de la sen-
sibilité, 3552. - troubles laryngés, 654.
incoordination, 781. traitement
électrique, .1325. -
Névroses du larynx, 652. 11'a1l111ati-
ques, tremblement, 847.
Nez, maladies, 147. - Troubles de l'odo-
rat, 148. - Troubles nerveux consé-
cutifs aux maladies du nez, 150.
Nissl. Voy. Cellule nerveuse.
Nodosités d' Hebenlen. - de Boucharrl"
1025.
Notion de position. - de mouvement ac-
tif. - de mouvement passif. - de ré-
sistance, de force et de poids, 298.
Nourrissons. Voy. Spasme de la glotte.
Noyau de (Jèiter. (Syndrome du -), ),
vertiges, 171, 804. - Yoy. Bonnier.
Noyaux bulbo-prolubéranliels, lésions.
Paralysies de la motilité oculaire, 73.
Nystagmus, 60. - horizontal, vertical,
oblique, rotatoire, '109. - Variétés
étiologiques. - congénital, acquis. -
des mineurs, dans les affections de
l'oreille, ho. - dans les maladies ner-
veuses, 11'1. - autres variétés, 112.
- spontané dans les lésions de l'oreille,
145. - expérimental provoqué, 144.
O
Obsessions digestives, 1006.
Obturateurs. Innervation, physiologie,
541. -
Occipito-frontal.- Innervation, physiolo-
gie, 582.
Odorat, troubles. Ilyperosmie, anosmie,
148. - Parosmie, 150. -
OEdème angioneurotique de Qnincke,
919. - crises gastriques, 995. - hys-
térique de la main, 1028. - du pied,
1046. - nerveux, 919. segiiieit-
taine des membres inférieurs, 1046.
OEil (Technique de l'examen du système
nerveux de 1' -), 2. - Troubles des
milieux transparents, '15. Insuffisance
de la musculature extrinsèque, 16. -
Déviation du globe, 16. - Limitation
du champ d'excursion, 18. - Explora-
tion de la motilité intrinsèque, 22.
(Valeur séméiologique des troubles ner-
veux de V 3a. Phénomènes
douloureux, anesthésie, 115, - Trou-
bles oculaires dans les tumeurs céré-
brales, 121. = Complications oculaires
INDEX ALPHABÉTIQUE.
- t595
et orbitaires des affections nasales, 151.
- Cytodiagnostic dans les affections
oculaires, 1l ! 0.
OEsophage, 985. - Spasmes, z
Troubles de la sensibilité, 987.
sophagisme, traitement électrique,
1320.
Oligurie, 9fiv.
Omo-hyoïdien. Innervation, physiologie,
558. '
Onanisme, 975.
Ongles. Troubles trophiques, 927.
Ophtalmie sympathique, 955.
Ophtalmoplégie intérieure, intrinsèque,
extérieure, extrinsèque, 74. - totale,
nucléaire progressive, 75. - Paralysie
du droit externe d'origine nucléaire,
76.
Ophtalmoscopie, 14.
Opposant du petit doigt. Innervation,
physiologie, 556. - du petit orteil. In-
nervation, physiologie, 554.
Orbiculaire des lèvres. Innervation, phy-
siologie, 588. - des paupières. Inner-
vation, physiologie, 585.
Oreille, maladies. Lésions congénitales ou
acquises au début de la vie, 126. - Lé-
sions déterminées par les méningites,
l ' : 1ü. - par l'hémorragie et le ramollis-
sement cérébral, par les tumeurs céré-
brales, 127. - par la sclérose en pla-
ques, le tabes, les lésions des nerfs, les
névroses, 128. - Étude générale des
niOUIlLES de l'ouïe, 12¡¡. - Maladies de
l'oreille interne et du nerf acoustique,
132. - Troubles nerveux déterminés
par les lésions de l'oreille, 19.- Pa-
ralysie faciale, 140. Complications
intracraniennes des otites, 14 1. - Trou-
bles nerveux d'origine otique sans lé-
sions organiques. Troubles réflexes, 142.
Troubles psychiques, 145.
interne, maladies, 152. Troubles
circulatoires, 155. - Inflammations,
syphilis, 13,i. - Labyrinthites, 155.
Orth (Liquide de). Voy. Fixation.
Os. Atrophie chez les myopalhiques, 075.
Ostéo - arthropathie hypertrophianlc·
lmell1niquc. La main, 1018. - Le pied,
1045.
Ostéomalacie. La main, 1026. - Radio-
diagnostic, 1180, 1182.
Ostéomes du crâne, radiodiagnostic, 1 170.
Ostéopathies labéliques. Radiodiagnostic,
11 7-lui.
l'tUTIQUE l'OEUIIOI..
Otites. Complicationsintracraniennes, 1 ! il .
Ouïe. (Troubles de l' -). ). Hyperacousie,
129. - Hypoacousie et surdité, 150. -
Paracousies, bourdonnements, loi.
Vertiges, 132.
Oxycéphalie, radiodiagnostic, 1171.
P
Pachyméningite cervicale hypertrophi-
que, atrophie musculaire type Duchenne-
Aran, 702. Cytodiagnostic, 1157.
Paget (Maladie de -). ). Radiodiagnostic,
1178, 1181, 1182.
Pal. Voy. Fibres à myéline.
Palmaire cutané. Innervation, physiolo-
gie, 555.
Panaris analgésique, 925.
Paracousies, 151.
Paraffine, inclusions, 1555.
Paralysie agitante, tremblement, 840.
- La main, 1040. Le pied, 909.-
Traitement électrique, 1559.
- cérébrale infantile, atrophies muscu-
laires, 715.
- de l'accommodation. Voy. Acconrtrto-
dation.
de l'orbiculaire des paupières. Voy.
Gndoplilalnaie. paralytique.
- de la branche motrice du trijumeau,
Ü 2'i.
- du moteur oculaire externe d'origine
auriculaire, 145.
- du nerf circonflexe, 030.
- du nerf radial, lia0.
- traitement électrique, 1050.
- du nerf cubital. - du nerf médian ,
652. - du nerf crural, (i ? - du
nerf sciatique, 654.
- du nerf glosso-pharyngien, 027.
- du nerf hypoglosse, 629.
- du nerf phrénique, 629.
dit nerf pneumogastrique, 027.
- du nerf spinal, 0`â.
faciale et lagophtatmie paralytique, 105.
- phénomènes auriculaires, 128.
d'origine otique, 140. - Signe de
Charles Bell, 480. - Autre mouvement
associé, 480. - Caractères, 023.
Pronostic de la réaction de dégénéres-
cence, 1262. - Traitement électrique,
1550. '
générale. Amyotrophie de type Aran-
Duchenne, 706. Tremblement, 859.
- Lymphocytose rachidienne, Il 32.
8 ?
- 1594.
INDEX ALPHABÉTIQUE-,
Paralysie labio-{Jlosso-li : l1'yngée, 800.
à inarche lente. Poliencéphalite infé-
rieure chronique, 805. à marche
rapide. Poliencéphaliteinférietire aiguë,
805. '
- périodique familiale, description cli-
nique, 519, 814. "
- pseudo-bulbaire. Voy. Pseudo-bul-
baire.
- spinale aiguë de l'adulte, atrophie
musculaire, 715. - spinale infantile,
atrophies musculaires, 712. - Défor-
mation des pieds, 1055. - Cytodiagnos-
tic, 1156. -
Paralysies d'origine médullaire, atro-
phies musculaires secondaires, 711.
d'origine cérébrale, atrophies muscu-
laires secondaires, 715. d'origine pé-
. rijihérique, atrophies consécutives, 71o.
- des muscles moteurs des globes ocu-
laires. Symptômes. Strabisme, 58. -
Diplopie. Mouvement apparent des ob-
jets, 59. - Vertige oculaire, orienta-
tion fausse, nystagmus, 60.- Diagnos-
Tlc des muscles paralysés, 61. - Dia-
gnostic de la paralysie d'un seul muscle,
gaz. - Diagnostic quand plusieurs mus-
cles sont paralysés, 67. - Vérification
du diagnostic, 68. - Diagnostic du
siège, 68. - Aspects cliniques suivant
le siège de la lésion. Paralysie d'un mus-
cle, 68. - Paralysie d'un filet nerveux,
paralysie d'un tronc nerveux, 69.
Paralysie d'origine pédonculo-protubé-
rantielle, 70. Paralysie par lésion
isolée des noyaux pédonculo-protuhéran-
tiels, 75. - Paralysie par lésion des
centres et voies supra-nucléaires, 77. -
Troubles moteurs oculaires associés. Dé-
viations conjuguées, 79. - Paralysies
associées, 80. - Aspects variables sui-
vant la cause. Traumatisme, compres-
sion, tumeurs cérébrales, méningites,
maladies du système nerveux, 81. -
Infections, intoxications, 82. - Traite-
ment électrique, 1508.
- des nerfs crâniens et des nerfs spi-
naux, 625.
- du larynx, 645.
hystériques. Traitement électrique,
1537.
intestinales, 998.
- isolées des muscles, séméiologie, 521.
radiculaires. Paralysies du plexus bra-
chial, 611. Type radiculaire supé-
rieur, 612. Type radiculaire inférieur
avec syndrome sympathique (Kluinpke),
614. Paralysie radiculaire totale,
615. Tvpes complexes ; 616. - Pa-
ralysies radiculaires traumatiques, 616.
- - obstétricales, 619. - - dans
les pachyméningites, dans les compres-
sions inirarachidiennes, 620 ? dans
la syphilis, 621. -- - du plexus -loin-
baire et du plexus sacré, 621. - ra-
diculaires sensitives du plexus bra-
chial, 557. - - des plexus lombaire
et sacré, 558.
Paramyoclonus multiplex, 867. - Dia-
gnostic avec les tics, 895.
Paraphasie, 211.
Paraplégie, phénomène des orteils, 452.
- Examen du malade. Description et
formes cliniques, 486. - Classification,
491. - Diagnostic différentiel du syn-
drome, 492. - Valeur séméiologique,
494. - Considérations générales, D'il.
- Pronostic et traitement, 512.
Diagnostic topographique, 515.
aiguë, 491, 502. ataxique, 762.
subaiguë, 762. chronique, 491 ?
croisée, 490. - de Erb, 499, 500. -
flasque, 489, 502. - fonctionnelle,
501, 506. - passagère, 505. - pério-
dique familiale, 505. - récidivante,
505. - sensitive, 518, 490. - spas-
modique, 489, 494. - Pied bot, 1056.
- radiothérapie, 1186. - spasmodique
familiale, 501, 508. - tardive d'ori-
gine traumatique. Application du ra-
diodiagnostic, 1169.
Paraplégies de l'adulte, 494. - spasmo-
diques, avec exagération des réflexes
sans contracture, atrophie musculaire
constante, 494. - avec contracture^
495. - d'origine traumatique. - avec
déformation rachidienne, 495. - avec
démarche ataxo-spasmodique, 498. -
avec troubles sphinctériens et trophi-
ques, 499. - Maladies familiales, 501'.
- spasmodiques fonctionnelles, 501.
- flasques d'origine traumatique. - à
évolution aiguë, 502. - à évolution
lente, 504. - récidivantes, 505. - as-
sociées à des crises douloureuses, 506.
- flasques fonctionnelles, 506.
- ,de l'enfant. Little. Spina bifida, 508.
Diplégies cérébrales. Paraplégie spa-
smodique familiale, 509.
- du vieillard. Double hémiplégie, 509.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
1395
- Paraplégie myélopathique ? Myo-
pathie sénile; 51 L '
Paraplégies radiothérapiques, 1185.
Paresthésies du larynx, 641.
Parkinson (Maladie de). Voy. Paralysie
agitante. ?
Parole, troubles. Toute conversation est
impossible avec le malade ; la parole n'est
pas comprise, .194. - Le malade com-
prend, mais n'exprime pas sa pensée,
1l15. - Le malade ne veut pas parler,
197. La conversation est possirle,
mais le langage du malade est troublé;
troubles delà phonation et de l'articula-
tion, l 98. - Troubles du débit, 202.
Variations du timbre, 205. - Troubles
constitutifs de la formation des, mots ou
des phrases, 205. Compréhension
dans l'aphasie, 210. Examen dans
l'aphasie. Parole spontanée, 211. - ré-
pétée, chant, 212. - Troubles chez les
aliénés, 251. - Chez les idiots, 266.
Parosmie, 150. - '
Paupières, exploration, 32. - Troubles
de la motilité, 98. - Paralysie du rele-
veut de la paupière supérieure, 98. -
Paralysie de l'orbiculaire, 105. - Trou-
bles palpébraux dans la paralysie faciale
périphérique, 103. - dans la paralysie
du facial inférieur, 106.
Peau des zzopatltiques, 677.
Peaucier du cou. Innervation; physiologie,
580.
Pectiné. Innervation, physiologie, 544.
Pédieux. Innervation, physiologie, 552.
Pédoncules. Syndromes oculaires dans
les tumeurs des -, 125. Lésions,
hémianesthésie, 514. '
Pédonculo-protubérantielle. (Paralysies
oculaires d'origine -), 70, 75.
Percussion des centres nerveux, 1118.
Péritoine. Séméiologie, 997.
Péritonisme hystérique, 9951.
Perméabilité méningée, 1 '127.
Péronier antérieur. Innervation, physio-
logie, 548. -
Persécution (Idées de -), 21.
Petit dentelé postérieur et supérieur. -
- et inférieur. Innervation, physio-
logie,. 572, 575. fessier. Innervation,
physiologie, 540. - palmaire. Inner-
vation, physiologie, 527. - rond. In-
nervation, physiologie, 525.
Pharynx, 984.
Phénomène de Slrünzpell, 480,. - des
orteils, 4'47. Chez les enfants, 450.
- Dans l'hémiplégie, 451. - Dans les
paraplégies, etc., 452.
Phobies d'origine auriculaire, 146. -
de l'insomnie, '195 ? digestives, 1006.
Phonation, troubles, 198.
Pick (Apraxie idéatoire de -), 225.
Picro-carmin. Voy. Carmin.
Pied. Séméiologie. TROUBLES du D1`ELOP-
PEMENT. Difformités tératologiques, 1042.
Dystrophies congénitales, 1045. - Dif-
formités acquises. - ostéo-articulaires,
1043. - des parties molles, 1046. -
mutilantes, 1047. -ATTITUDES vicieuses,
z Mouvements anormaux, 1058.-
d'éléphant, 1045. de Friedreich, 1054.
Pieds bots congénitaux, avec malforma-
tion osseuse; ,'1 040. - paralytiques, 1049,
1051. spasmodiques, z. -
- acquis paralytiques dans les affec-
tions cérébrales, médullaires, 1055. -
dans les altérations des nerfs et de leurs
racines, 1055. - dans les myopathies,
les névroses, 1056. - acquis spasmo-
diques, 1056.
- creux congénitaux, 1056. - acquis,
1057. Pieds plats congénitaux. -
acquis. Pied plat valgus douloureux, 1057.
- tabétiques, 724, 1045, 1055.
Pigmentation, troubles, 915.
Plantaire grêle. Innervation, physiologie,
550.
Plexus brachial, topographie radiculaire
de l'innervation cutanée, 521. - Para-
lysies radiculaires sensitives : type su-
périeur, type inférieur, 357. Type
total, type complexe. Paralysies radicu-
laires sensitives pures, 358. Névral-
gies, 590. Paralysies radiculaires, 611.
- Lésions et compressions, atrophies
secondaires, 717. 7 . '
- lombaire, névralgie, 595. Paralysies
radiculaires, 621. - Lésions et com-
pressions, atrophies secondaires, 718.
- lombo-sacré. Paralysies radiculaires,
558. - Type total (lombo-sacré). -
Syndrome de la queue de cheval, 559.
- Diagnostic des paralysies radiculaires
et des lésions médullaires, 342. Com-
pression. Pied bot, 1055.
- sacré. Paralysies radiculaires, 621.
Lésions et compressions, atrophies se-
condaires, 718.
Pneumogastrique. Voy. Nerf pnewno-
gastrique. '
1596
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Poils. Troubles trophiques, 927.
Poliencéphalite inférieure chroniqlle.-
aiguë, 805.
Poliomyélite, 505. - antérieure aiguë,
réaction de dégénérescence, 1257. -
Pronostic, 1261. - Traitement par
. l'électricité, 129G. - antérieure cIl1'o-
nique , réaction de dégénérescence, 1257 '.
- Polydactylie, 1015, 1042.
Polynévrites, 505. - Atrophies secon-
daires, 721. - Pseudo-tabes, 7G2. -
Réaction de dégénérescence, 1258. z
Pronostic, 1261. - Traitement par
l'électricité, 1501.
Polyurie, 965. - Diagnostic. Traitement,
964. 4
Ponction lombaire. Technique. Aiguille.
Attitude du malade, l 120. - Points de
repère. Asepsie et anesthésie de la peau,
1121. - Ecoulement du liquide. Inci-
dents, 1122. Accidents, 1125.
Résultats, 1124. - Thérapeutique dans
la méningite cérébro-spinale, tubercu-
leuse, contre l'urémie, 1141. Dans
les comas, céphalées, tumeurs cérébrales,
z. - Dans les troubles auriculaires,
dans les traumatismes crâniens et rachi-
diens, 1145.
Poplité. Innervation, physiologie, 550.
Pott. Radiothérapie des compressions mé-
dullaires, 1187.
Pression artérielle, troubles, 95J.
Priapisme, 968. - Traitement, 969.
Prognathisme, 1099.
Prosopalgie, 586.
Protubérance. Syndromes oculaires dans
les tumeurs de la z, 125. - Lésions,
hémianeslhésie, 514. - Réaction de
dégénérescence, 1256.
Pseudo-appendicite hystérique, 1000.
Pseudo-bulbaire (Paralysie -). Symp-
tômes, 807. - Evolution. Formes cli-
niques. Diagnostic, 811.
Pséudo-péritonite hystérique, 999.
Pseudo-tabes par lésions médullaires,
ataxie, 760. - par lésion des nerfs pé-
riphériques. - polynévritique, 762.
Traitement électrique, 1522.
Psoas iliaque, petit psoas. Innervation,
physiologie, 569.
Psychiatrie. Séméiologie psychiatrique,
228.
Psychiques. Voy. Troubles psychiques.
Psychoses et maladies de l'oreille, 146.
Troubles de la sensibilité objective, 558.
Ptérygoïdien interne, erlei-tie.'liiiier-
vation, physiologie, 590, 591.
Ptose gastrique. Vomissements paroxys-
tiques, 994.
Ptosis, mensuration, 52. - paralytique,
- isolé, 98. accompagné ou associé,
99. - diagnostic différentiel des ptosis.
Diagnostic du siège, 100. - Diagnostic
de la cause, 102. - traumatique cu-
raide, congénital, 102. m;/on;f/uc,
105.
Ptyalisme, 988. 1
Puberté. Gigantisme transitoire, 1087.
Pupille, Exploration de sa motilité, 25.
- Modifications des dimensions pupil-
laires, 82. - Dilatation pupillaire, my-
driase, z Rétrécissement pupillaire,
. myosis, 88. - Déformations pupillaires,
89. - Inégalité pupillaire, 90. - Mo-
bilité pupillaire, 91. - Troubles ré-
flexes, 91.
Pyélite, 900. - Pyélonéphrite, 901..
Pyramidal. Innervation, physiologie, 567.
- du bassin. Innervation, physiologie.
540. - du nez. Innervation, physio-
logie, 585.
Q
Quadriceps fémoral. Innervation, physio-
logie, 545.
Queue de cheval (Syndrome de la -),
559, 517. - Diagnostic des paralysies
radiculaires et des lésions médullaires,
542. - Compression. Pied bot, 1055.
R
Rachialgie, 599. '
Rachis. Traumatismes. Ponction lombaire
thérapeutique, 1145. - Recherche des
corps étrangers par les rayons X, 1167.
Déviations et ankyloses, radiodiagnos-
tic, ! 172.
Rachitisme. Déformation des mains, 1025.
- Déformation des pieds, 1045. - Na-
nisme, 1004. - Radiodiagnostic. l 178,
1180.
Rachistovaïnisation,' 1145.
Racines spinales, territoires de distribu-
tion cutanée, 525, 524, 524. - (Affec-
lions des -), troubles de la sensibilité,
556. - Lésions et compressions, atro-
phics secondaires, 718. - Traitement, t
électrique, 1505.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
13 ! 17 Î
Radiaux externes. Innervation, physio-
logie. 550.
Radiculaire. 1'ov. Topographie radicu-
laire.
Radiculites. Causes, 544. Lésions.
Formes cliniques. Valeur séméiologique,
545. - Réaction de dégénérescence au
point de vue du pronostic, 12151.
Radiodiagnostic. Emploi des rayons \
en clinique neurologique. Généralités.
Classification des cas, 1165. - Radio-
scopie et radiographie. Instrumentation
et technique. ,11 ü5. - Aspect radioora-
i'iiique dans les différentes affections
nerveuses. - Traumatismes de la moelle
et du cerveau, 1111G. - Déformations
t pathologiques du crâne et du rachis,
i 171.- Déformations osseuses dans les
affections nerveuses, ] )7t.Afïcctions
osseuses dystrophiantes, 1 l7fi.
Radiothérapie. Emploi des rayons X en
thérapeutique neurologique. Généralités,
118-4. -- Traitement de diverses af1'ec-
tions nerveuses. Syringomyélie, paraplé-
gies spasmodiques, -118G.- Sclérose en
plaques, compressions médullaires, un.
- Spondylose rhizomélique, affections
de l'encéphale, affections de l'hypophyse,
1 188. - Tumeur du cervelet, goitre
exophtalmique, névralgies et névrites,
1189.
Ramollissement cérébral, lésions de
l'oreille, 127.
Ranvier. Voy. Carmin.
Raymond-Cestan (Syndrome de -), plié-
nomènes oculaires, 75, 472.
Raynaud. Voy. Gangrène symétrique.
Réaction de dégénérescence, J ' : 14G. -
Dans les processus aigus, 1240. Allé-
rations quantitatives et qualitatives, 1247.
- Déplacement des points moteurs,
1248. - Formes de la réaction par-
tielle, 1249. - Période initiale de la
IL D., 1250. l'ériode d'état, période
terminale, 1251. Syndromes de dé-
générescence dans les processus chro-
niques, 1255. Signification au
point de vue du diagnostic, 1255.
Lésions de l'encéphale, 1256. - Lésions
de la moelle, 1257. Lésions des
nerfs, 1258. - Lésions des muscles,
1250. Signification au point de
vue du pronostic, 1259.
(le Wassermann, l 113, 1152.
myasthénique, caractères, 1207.
Réaction ntlloloniqrtc, caractères, 1262.
- Excitabilité des nerfs, des muscles,
1265. - Réaction incomplète, 1266.
- neurotonique, 1267. ,
Réactions électriques. Conservation des
réactions normales, 1240. - Augmen-
tation simple de l'excitabilité, 1241. -
Diminution simple de l'excitabilité, 1245.
- Altérations complexes de l'excitabi-
lité, 1240. - de l'appareil auditif, ré-
sultats de l'examen, 1277.
Rééducation des mouvements. - Prin-
cipes généraux, 785. - Conditions né-
cessaires pour la rééducation des alaxi-
ques, 787. - Notions générales, 788.
- Technique, exercices au lit, 789.
Exercices de marche, 7 ! H. - Exercices
du tronc, 795. - Exercices des mem-
bres supérieurs, 796. - motrice des li-
qUC1l1'S, 895.
Réflexe abdominal, 454. - aclrilléeu,
452. - Abolition, 437. - anal, 455.
- antagoniste, de Sche/jer, 455. -
buccal, 455. - bulbo-cavernenx, 454.
- conlralaléral des adducteurs, 450.
- créniastérien, 455. - des orteils,
447. Recherche, 4H). Signe de
l'évenlail, 450. - du fascia Iota, 455.
- du poignet, 454. - épigaslrupic.
454. fessier, 455. nzarnellaire,
If;)3. - rnassélérin, ! t4. - palptébrctl,
45a.- pharyngé, 455. pilo-moleur,
455. - plantaire, 452.
pupillaire il la lumière. Recherche il
la lumière du jour, 25. - Recherche à
la lumière artificielle, 2H, 01. - con-
sensuel, 28, 95. - hénziannpique, 29,
04. - dans le passage de la vision loin-
taine -Il la vision rapprochée, 50, 95.
aux excitations cutanées, 50, 95.
- - l'occlusion des paupières, 50,
95. d'origine psychique, 51, 95.
- Troubles. Perte du réflexe lumineux,
91. - Réflexe consensuel, 95. - Perte
du réflexe hémiopique, du réflexe de
convergence, 94. - Ralentissement des
mouvements pupillaires, réaction mus-
culaire myotonique, réflexe paradoxal, 05.
- roll/lien, Position du malade pour assu-
rer le relâchement du triceps, 427.
Instrument percuteur. Point il percuter,
428. - Manoeuvre de Jendrassik. Con-
statation du réflexe. Causes d'erreur,
z Appréciation du réflexe, 450.
Abolition, ! a3(i. - Exagération, 444.
1598
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Réflexe vaso-moteur d'origine cutanée,
, 455. ?
Réflexes. Nature et localisation, 457.
(Troubles des.-), 427.- Réflexes ten- : . dineux, . 427. Jftésultats fournis par
l'examen. Variations en dehors des con-
ditions morbides, 435. - Variations des
- - dans les maladies. Abolition partielle,
456. - Abolition généralisée, 441.
Exagération aux membres inférieurs,
444. - aux membres supérieurs. -
d'un seul -côté du corps. - générale,
445. - portant sur un seul membre,
447. - cutanés, 447. - Valeur sé-
méiologique, 455. - Exagération. Ab-
sence ou diminution, 456. Abolition
. localisée, 457. '
- à point de départ nasal, 153.
- dans l'hémiplégie, 464. - dans la pa-
raplégie spasmodique, 489. - dans les
paraplégies, 494, ! 95 : - dans la cho-
rée, 856.
Reichmann (Syndrome de -), 994.
Rein, névralgies, z3.
Religieuses (Idées -) chez les aliénés, 245.
Renaud. Voy. Fibres à myéline.
Résistance électrique du corps, 1276,
envers le courant galvanique continu,
1276.- Causes de ses variations, ". il-)80.
- Méthodes d'évaluation avec les cou-
rats galvaniques, 1281. avec les
courants faradiques, 1285. - modifia-
tions de la résistance dans les états pa-
thologiques, 1285. -
Respiration, troubles, 940.
Rétentions d'urine, étiologie, 950. -
Rétention aiguë. - chronique. - com-
plèle, z incomplète, 955.
Rétine, exploration, 2. - Exploration
électrique, 1271. - périphérique. Sen-
sibilité pour les formes, pour les cou-
leurs, 13. - pour la lumière, 14.
Rétinite, 15. ,
Rétraction de l'aponévrose palmaire,
1025, 1024.
Rhomboïde. Innervation, physiologie, 572.
Rhumatisme chronique blennorragique,
déformations des pieds, 1044. - chro-
nique déformant. Déformations des
mains, 1020 ? Déformations des pieds,
1044. goutteux, Déformations des
mains, 1022. - sénile. Déformations
des mains, 1022. vertébral chro-
- nique, radiodiagnostic, 1173.
Rire et pleurer sp,asncodiques, 808.
Risorius de Santoi-iiii. Innervation, phy-
siologie, 585. - '
Romberg (Signe de -), 756.
Rond pronateur. Innervation, physiologie,
527.
Rosbach (Gastroxynsis de -), 995.
Rosenbach (Signe de), 108.
Rumination, 1005.
S
Sacré (Syndrome des lésions médul-
laires), 515. - .
Saturnisme. Névrites et atrophie muscu-
laire, 725. Tremblement, 848.
Scalènes. Innervation, physiologie, 557.
Schmidt (Syndrome de -), 6mi.
Sciatique (Névralgie), 595. Traitement
électrique, 1514. -
Sclérodactylie, troublés trophiques, 914.
Sclérodermie, troubles trophiques, 914.
et sclérodactylie, 1050, 1047.
Sclérose combinée sénile, ataxie, 7G3.
en plaques, lésions de l'oreille, z
Atrophie musculaire typeAran-Duchenne,
705. - Tremblement, 858. - Crises
gastriques, 993. - Cytodiagnostic, 1137.
- Radiothérapie, 1187. - latérale
amyotrophique, atrophie musculaire
type Duchenne-Aran, 702. - Traite--
ment électrique, 1510.
Scoliose des myopalhiques, 676.
Scotomes centraux, 40. - pour les cou-
leurs, 7. - insulaires, 58.
Sécrétion lacrymale, troubles. Hypersé-
crétion, 113. - Hyposécrétion, sécré-
tions anormales, 114. sud orale,
troubles, 98.
Sénilisme, ·190. '
Sensations internes, cénesthésie, 578.
Sens des attitudes segmentaires, 299. -
musculaire, 297. - séméiologie, 301.- . Jo.
sléréognostique. Agnosie et asymbolie,
501. - Rapport de l'astéréoagnosie avec
les troubles de la sensibilité périphé-
rique, 302. - Recherche. Valeur sé-
méiologique, 303.
Sensibilité. Examen dans l'aphasie, 216.
- li la pression, 291. Voy. Pares-
thésie. - articulaire, 291. Cft<CHe
dans l'hémiplégie, 465. - des troncs
iierveux, 9·1. - douloureuse, 287.
électrique, 289.- gastrique, - mam-
maire, - testiculaire, - trachéale,
vésicale, 559.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
1590 q
Sensibilité générale, 274. Anatomie et
physiologie des voies sensitives. Yoy.
Voies seusilioes. - musculaire, 290.
objective, troubles. Technique de leur
recherche, 281. - Sensibilités superfi-
cielles, 282. - Sensibilités profondes,
290. - Topographie des troubles objec-
tifs de la sensibilité, 504. - Troubles
dans les affections du système nerveux,
0 . - Affections de l'encéphale, 305.
- de la moelle, 515. - des racines
rachidiennes, 556. - des nerfs péri-
phériques, i'7. - dans les névroses,
552. - dans les psychoses, 558. -
dans les affections viscérales, 560.
- osseuse ou vibratoire, 294. - ]te-
cherche, 295. - Séméiologie, 29û.
- subjective, troubles. Recherche, 562.
- Douleurs, 36 ? Dysesthésies, 574.
- Besoins, sensations internes, cénes-
thésie, 578. - tactile, 285. - Degré
de la perception tactile, 285. Loca-
lisation de la perception tactile, 284. -
Interprétation de l'impression périphé-
rique. Cercles de sensations de Weber,
285. - Durée du temps nécessaire à la
perception d'une impression sensitive,
286.
thermique, 288.
Signe de l'éventail, 450, 480. - de
Charles Bell, 480. - de liernig. Voy.
Aet ? du peaucier, 419.
Solaires (Syndromes -), -1001.
Sommeil (Maladie du -), 189.
- morbide, 189. - dans les infections
et intoxications, 189. - dans les mé-
ningites, les tumeurs cérébrales, 190.
- dans l'hystérie, 191.
Somnambulisme, 10'1)
Somnolence, 189.
Sourcilier. Innervation, physiologie,
584.
Sous-clavier. Innervation, physiologie,
564. CI
Sous-épineux. Innervation, physiologie,
525. 5.
Sous-scapulaire. Innervation, physiolo-
gie, 525.
Spasmes. Diagnostic différentiel avec les
tics, 891. (le la face, 891, 892.
Traitement éleciriquc, 19. - cln la-
ryn.r, 649. - de la glotte des nour-
rissol/s, m15' - phoniques, 655. - puy-
loriques, 905.
Spermatorrhée, 969. - physiologique,
1)60. - pathologique, 970. - Itiagnos-
tic. Traitement, 971.
Sphincters, troubles, 999.
Spina leprosa, 1020. - ventosa. Défor-
mations des doigts, 10211.
Splénius. Innervation, physiologie, 575.
Spondylose r/i (;o)»f'71</i/e,radiodiagnostic,
1175. - radiothérapie, 1188.
Squelette. Troubles trophiques. Hyper-
trophie, 928. - Atrophies et déforma-
tions, 929.
Stelwag (Signe de), 107.
Stéréoagnosie, 502. dans l'hémiplégie, ! ruts.
Sterno-cléido-hyoïdien, - thyroïdien.
Innervation, physiologie, ¡j58.
mastoïdien. Innervation, physiologie,
556.
Stigmates de dégénérescence. - analo-
miques, 1097. Tète, oeit, oreille,
1098. - Prognathisme, dents, nez, face,
rachis, thorax, 1009. - Membres, or-
ganes génitaux, etc., 1100. -obstélri-
caux, I 101. - physiologiques. Trou-
bles de la motilité, du langage, de la
sensibilité, 110` ? .- mentaux, 1105.
- de la syphilis acquise, 1105. - cu-
tanés, - muqueux, 1105. - viscé-
raux, 1 100. - nerveux, 1 i 0 i . - de la
syphilis héréditaire, 1107. - cutanés,
muqueux, tesliculaires, tut08. - os-
seux, articulaires, nerveux. dvstrophi-
ques, 1109.
- oculaires de l'hystérie, 55.
Strabisme. Reconnaissance d'une dévia-
tion oculaire, 1 Ii. - Mensuration, 10.
- Strabisme apparent, 58. - non ha-
ralytique, 59. - paralytique, 59.
Stylo-hyoïdien. Innervation, physiologie,
559. 9. Il
Surcostaux, sous-costaux. Innerva lion,
physiologie, 564.
Surdi-mutité, 1 ! la.
Surdité, 150. verbale, 190. (He-
cherche), 211.
Sus-épineux,innervalion,plwsiologie,5 ? `-r.
Symélie, 1042.
Sympathique, lésions, phénomènes auri-
culaires, 128. - cervical et paralysie de
l'accommodation, 97.
Syndactylie, 101 Ii, 1042.
Syphilis, ataxie, 711 1. - Cytodiagnostic
dans la - nerveuse, I 158. Cyto-
diagnostic dans la-sans accidents ner-
veux, 'Il ? - Vol. Stigmates.
1400
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Syphilis acquise. Interrogatoire du ma-
lade, 1104. - Examen direct, 1105.
- du labyrinthe, 154.
- du névraxe. 499. -1'n : ITCUev2, 1114.
- Sels mercuriels solubles, 111.
Sels mercuriels insolubles, I U 1 (i.
- héréditaire, 1107. Recherche, 1108.
Syringomyélie. Troubles de la sensibilité
à topographie radiculaire, 550, 32. -
Atrophie musculaire type Aran-Du-
chenne, 705. - Chiromégalie, 1019.
Main succulente, 1027. - Main de
Morvan, 1029. - Radiodiagnostic des
arthropathies, 1170. - radiothérapie,
1186. - Traitement électrique, lu-)10,
1525.
T
Tabes, lésions de l'oreille, 127. - Trou-
bles de la sensibilité à topographie ra
diculaire, 528, 529. - Amyotrophie de
type Aran-Duchenne, 705. - Névrites
et atrophie musculaire, 724. - Ataxie
tabétique, 7a ! ). - Hypotonie, 909. -
Mal perforant, 025. Arthropathies,
U1)1. - Crises gastriques, 992. - Crises
intestinales, 997. - Pied bot, 1055.
Lymphocytose rachidienne, H;)2. - Ar-
thropathies et ostéopathies, radiodiagnos-
lic, 1175. - Traitement électrique,
1522.
Tachycardie, 9441. - par intoxication.
- réflexe. - d'origine centrale. -
dans la maladie de Basedow. - essen-
tielle paroxystique, 942.
Taille. Mensuration, 1075. - de guêpe
chez les myopalhiques, 675, 6.76.
Talalgie Glcntorraiyuc, 1044. - des
adolescents, 1057.
Tapia (Syndrome de -), 649.
Temporal. Innervation, physiologie, 590.
Ténesme rectal, 998.
Tenseur du fascia lala. Innervation, phy-
siologie, 542.
Tétanie. Troubles de la sensibilité objec-
tive, 556. - signes, 995. La main,
101. - Le pied, 1059.
Tétraplégies, 490.
Thalamus, lésions, hémiinesthésie, 511.
Thomsen (Maladie de), hypertrophie
musculaire, 758. - particularités cli-
niques, 742. - Réaction lI1)'otoniqlH',
1265.
Thorax. Aplatissement chez les myopa-
thiques, U 75.
Thrombo-phlébite des sinus d'origine
otique, 141.
Thyro-hyoïdien. Innervation,physiologie,
559.
Tic douloureux de la face, 895.
Tics. Définition. Caractères généraux,
876. - Mouvement convulsif, habituel,
systématisé, 877. - intempestif, sans
- cause et sans but, involontaire, 878.
disparaissant pendant le sommeil. -
Début, évolution, 879. - Variétés.
Tics de la face, z du cou, 889.-
des membres, - du tronc, - de la
déglutition, - de la respiration, 891.
de la phonation, 891. - coordonnés
de Letulle, 895.- de Salaam, z
des idiots, 267. - digestifs. - de dé-
ylzcfiliora, de spulation, de mâchonne-
ment, z. - Diagnostic, 891. -
Traitement. Rééducation motrice des
tiqueurs, 895. - Gymnastique respira-
toire, 897. - Psychothérapie. Traite-
ment chirurgical, 898. - Traitement
électrique, 1559.
Tiqueur (Etat mental du -). ). Déséquilibre
mental, 881. - Insuffisance de la vo-
lonté, 882. - Emotivité, 885. - Con-
séquences, 88't. - Influence pathogé-
nique, 885.
Titubation cérébelleuse. Station, marche,
767. - Syndrome cérébelleux de Du-
chenne, 768.
Topoalgies. Caractères, 575. - séméio-
logie, 574, 583.
Topographie cérébrale, 592. cranio-
cérébrale, 597.
- insulaire des troubles de la sensibilité
dans les affections des nerfs, 351. -
dans l'hystérie, 355.
- médullaire motrice, 598.
- nwnopleyique des troubles de la sen-
sibililé, 549. - paraplégique des
troubles de la sensibilité par lésions des
nerfs, 549. - périphérique des trou-
bles de la motilité, 625. - des troubles
de la sensibilité, 548.
- radiculaire des troubles sensitifs dans
les affections médullaires, 319. - ra-
diculaire de l'innervation cutanée,
520. Plexus brachial, 521. Valeur
séméiologique des troubles sensitifs à
z, 522. - Racines spinales, innerva-
tion cutanée, 523, 525, 599.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
1401 l
Topographie segmentaire des troubles de
la sensibilité dans les affections des
nerfs, 550. -- dans l'hystérie, 555.
Torticolis mental,- 888. - Traitement
électrique, 15 ! 40.
Toux gastrique, 996. - nerveuse, 655.
Transversaire du cou. Innervation. phy-
siolo-ie, 574.
Transverse de l'abdomen. - Innerva-
tion, physiologie, 568. - du nez. In-
nervation, physiologie, 584.
Trapèze. Innervation, physiologie, 570.
Tremblement oculaire. Voy. Nystagmus.
Tremblements. Siège. Intensité, z
Rythme. Influence des mouvements vo-
lontaires. Evolution. Graphique, 855.
Diagnostic différentiel, 856. - Diagnos-
tic de la cause, 857. - transitoires,
838.- permanents. dans la sclérose
en plaques, 858. - dans la maladie de
Friedreich, - la paralysie générale,
859. - la maladie de Parkinson, 840.
- sénile, 842. - dans la maladie de
Basedow. hystérique, 845. - dans
les névroses traumatiques. - essentiel,
846. - toxique, 847. - saturnin, mer-
curiel, 848.
Triangulaire des lèvres. Innervation,
physiologie, 587. - du sternum. In-
nervation, physiologie, 564.
Triceps brachial. Innervation, physio-
logie, 526. - sural. Innervation, phy-
siologie, 549.
Trijumeau. Voy. Nerf trijumeau, Né-
vralgie faciale.
Tronc. Mensuration, 1072, 1075. - In-
dice thoracique. Ceinture pelvienne.
Ceinture scapulaire, 1077.
Trophicité. Troubles trophiques, 'J12.
- Altérations du tégument, 915. -
Lésions ulcéreuses, 922. - Altérations
des phanères, 026. - Hypertrophie et
atrophie du squelette, 928. - Troubles
trophiques des articulations, 930.- des
muscles et tendons, 952. - des organes
des sens, 955.
Trophoedème de Meige, z
membres inférieurs, zig.
Troubles de la motilité d'origine radicu-
)aire, 6)1. topographie périphé-
rique, 625.
- psychiques d'origine auriculaire, 145.
- d'origine nasale, )55.
Trous de la base du crâne, injections
d'alcool, 4' : 12.
Tubercules quadrijumeaux, lésions, hé-
mianesthésie, 514.
Tuberculose. Névrites et atrophie mus-
culaire, 725.
Tumeurs bullaires, 805. - cérébrales,
troubles oculaires, 121, 12a. - lésions
de l'oreille, '127. - vertiges, 169. -
somnolence, 190. - Cytodiagnostic,
1 156. - Ponction lombaire thérapeu-
tique, 1145. radiodiagnostic, 1170.
Tympanite hystérique, 999.
U
Unverricht ()Ivoclonies familiales du
type -), S60.
Urémie. Ponction lombaire thérapeutique,
1141.
V
Vaisseaux. Lésions, atrophie musculaire
consécutive, 707.
Ventricules cérébraux. Syndromes ven-
l'ItICUL.IIRFS. Syndrome' inflammatoire,
signes nerveux, 1147. - Symptômes
toxi-infectieux, 1149. - Modifications
du liquide ventriculaire. Evolution, zou.
- Comparaison avec la maladie du
sommeil, les syndromes néoplasiques et
hémorragiques, 1151. - Ependymites,
115 : J.
Vertiges. Définition, 154. - Description
et variétés, 155. - Séméiologie. Ver-
tiges de cause évidente, 158. - La
cause du vertige n'est pas évidente, 164.
Traitement, 175.
- dans les lésions du cervelet et du cer-
veau, 16 ! ). - dans les névroses, 171.
- réflexes, 175. - des intoxications,
174. - avec vomissements paroxysti-
ques, 994.
- auriculaires, 152, 155. 1G4. - Ponc-
tion lombaire thérapeutique, 1145.
essentiels, 1G6. - de Ménière, 166,
9'1. - d'origine vestibulairc, 168.
visuel, - olfactif, 169. - stomacal,
175, 994. - laryngé, 174, 655.
- paralysant de Certier, 102, 165.
somnolence, 189, 814.
- vollaïque, 1269, 159, 1272. Re-
cherche, 1274. - physiologiques, 158.
Vertige rotatif. - de translation, -
du mal de mer, - du mal des mon-
tagnes, 159.
1 402
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Vertiges provoqués. - galvanique, 159.
Applications au diagnostic, 161.
Vertige rotatoire, 162. - Vertige des
maladies infectieuses, 165.
Vessie, névralgies, 945.
Vestibule, lésions, vertiges, 168.
Vices de réfraction, correction, 5.
Vieillards. Hémiplégie, 462. - Paraplé-
- gies, 309, - Tremblement, 842.
gies, 509. Tremblement, 842.
Viscéralgies, 5 in. -
Viscères. Troubles des sensibilités viscé-
rales, 558. - (Affections des -), liy-
peresthésies cutanées, 560.
Vision. Diminution, Amblyopies et aman-
roses, 35. - Ohuttbilalions passagères
dans les tumeurs cérébrales, 121. -
- centrale, exploration. Vision centrale
pour les formes, 2. - - pour les cou-
leurs, 7. - pour la lumière, 9. Per-
sistance dans l'hémianopsie, 47. (les
couleurs, 7. - troubles. Cécité congéni-
tale pour les couleurs, 118. Troubles
acquis de la vision des couleurs, 119.
- périphérique, exploration. Champ
visuel, 9. '
Vitiligo et syphilis, hou
Voies cérébelleuses. Lésions, syndrome
cérébelleux, 776.
- digeslives supérieures. Examen de la
bouche, des dents, 97î(i. - de la langue,
977. - du voile du palais, 985. du
pharynx, 984. - de l'oesophage, 985.
- sensitives, anatomie et physiologie. -
Organes de réception. - Voies de con-
duction, 275. Centres de. réception
corticaux, 277. Nature des excitants.
278. - Organes périphériques. - Voies
de conduction des excitations périphéri-
ques, 279.
Voile du palais, 985. - Traitement
électrique des paralysies, 1508. z
Voix eunuchoïde, G5G.'
Volonté chez les idiots, 266.
Vomissement épileptique. /n ? Mn'f/ ! fe,
99U.- traitement électrique, 7a50. -
périodique. 993. - paroxystique des
ptosées, 994. - paroxystique avec ver-
tige, 994.
W
Wassermann (Réaction de ), llla,
1152.
Weber (Syndrome de), ptosis, 99, 471.
Weigert. Voy. Fibres il myéline. - Né-
vroglie.
Werding-Hoffmann (Amyotrophie ), ),
696.
Wernicke (Aphasie de -), 217.
Z
Zona trophonévrose, 91G. - Examen du
liquide céphalorachidien, M 55. - ol)h-
talmique, 955.
Zone corticale motrice, 595.
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DIX-NEUVIEME ANNEE
REVUE
NEUROLOGIQUE
RECUEIL DE TRAVAUX ORIGINAUX,
D'ANALYSES ET DE BIBLIOGRAPHIE
concernant la NEUROLOGIE et la PSYCHIATRIE
Fondée en 1893
par E. BRISSAUD et Pierre MARIE
Professeurs à la Faculté de Médecine de Paris, Médecins des hôpitaux.
COMITÉ DE DIRECTION" :
J. BABINSKI Pierre MARIE - A. SOUQUES
RÉDACTEUR EN CHEF : '.
Henry MEIGE, Secrétaire général de la Société de Neurologie de Paris.
Secrétaires de la Rédaction : A. BAUER et E. FEINDEL.
La Revue Neurologique analyse tous les travaux français et étrangers touchant,
de près ou de loin, au système nerveux et à ses maladies (Anatomie, Histologie.
Physiologie technique, Anatomie et Physiologie pathologiques, Séméiologie, Patho-
logie, Clinique, Psychiatrie, Médecine légale, Thérapeutique) parus dans les publi-
cations récentes, revues et journaux périodiques, dans les livres, les monographies et
communications faites aux Sociétés Savantes et aux Congrès.
Outre ces analyses, elle publie dans chaque numéro un ou deux mémoires origi-
naux. Lorsque les travaux analysés sont illustrés par des figures (dessins ou pho-
tographies), la Revue Neurologique en fait exécuter des reproductions ou des
croquis schématiques.
La Revue Neurologique publie également les indications bibliographiques des
principaux travaux récemment parus sur une ou plusieurs questions concernant le
système nerveux et ses maladies. Ces indications sont méthodiquement réparties de
façon il former une série de fiches bibliographiques que les travailleurs peuvent
retirer du fascicule pour les ajouter à leurs notes personnelles ou intercaler dans un
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grand ion-8" et forme, chaque année, deux volumes d'environ 800 pages chacun conte-
nant environ 70 Mémoires originaux, 2.1°0 analyses et 6000 indications bibliographiques
cataloguées sur 600 liches. Elle publie en outre les comptes rendus officiels de la So-
ciété de Neurologie de Paris, et les comptes rendus analytiques de la Société
de Psychiatrie de Paris et du Congrès des Aliénistes et Neurologistes
de France et des Pays de langue française.
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VINGT-QUATRIÈME ANNÉE 1
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
de la
SALP-ÊTRIÈRE
J.-M. CHARCOT
GILLES de la TOURETTE, Paul RICHER, Albert LONDE
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ICONOGRAPHIE MÉDICALE
ET ARTISTIQUE
Direction : Paul RICHER Rédaction : Henry MEIGE
Fondée en 1888 par le professeur Charcot et publiée sous le patronage scientifique
de J. Babinski, G. Ballet, J. Dejerine, E. Dupré. A. Fournier, Grasset, Klippel,
Pierre Marie, Pitres, Raymond, Régis, Séglas, J.-A. Sicard, et de la Société
de Neurologie de Paris, la NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL-
PËTRIËRE est une publication dont l'utilité scientifique se double d'un intérêt
artistique. Elle réunit les mémoires originaux relatifs aux maladies nerveuses ou
mentales, ainsi que les travaux ayant trait aux affections cutanées ou syphilitiques
dans leurs rapports avec la neuropathologie.
La Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière est spécialement destinée
à faire connaitre des documents figurés dont l'utilité s'affirme chaque jour davantage :
dessins d'anatomie normale et pathologique, de micrographie, photographies clini-
ques, études morphologiques, ainsi que les oeuvres d'art ayant un intérêt médical. Dans
ce but, une place importante est réservée à l'illustration des articles publiés, dont les
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trière s'occupent exclusivement des maladies du système nerveux. Elles se complè-
tent l'une par l'autre, la première, sous la direction des créateurs de cette science,
en France, donnant l'ensemble de tout ce qui parait en Neurologie ; la seconde, choisis-
sant dans les affections neuropathologiques les cas les plus intéressants et les plus
typiques pour les décrire et les fixer par l'image, doublant ainsi l'utilité scientifique d'un
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