(1911) La pratique neurologique
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(1911) La pratique neurologique

LA

PRATIQUE NEUROLOGIQUE 1

COLLABORATEURS

D' O, CROUPON, ancien chef de clinique de la Faculté.

D' G. DELAMARE, ancien préparateur il la Faculté de Médecine de Paris.

iy E. DESNOS, Secrétaire général de l'Association internationale d'Urologie.

D' GEORGES GUILLAIN, Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris,

médecin des hôpitaux.. - ..

D' Et HUET, chef du laboratoire d'électrothérapie de la clinique des maladies

nerveuses à la Salpêtrière.

D'' LA1V1VOIS; Professeur -adjoint. à la Faculté de Médecine, médecin des hôpi-

taux de Lyon. - ,

D' A. LÉRI, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris.

'dur François MOUTIER, ancien interne des hôpitaux de Paris.

D' POULARD, ophtalmologiste des hôpitaux de Paris.

.D' G. ROUSSY, Professeur agrège a-ta Faculté de Médecine de Paris, chef des

. travaux d'anatomie pathologique. ,

LA PRATIQUE

NEUROLOGIQUE

Publiée sous la direction de

PIERRE MARIE

Professeur à la Faculté de Médecine de Paris

Médecin de la Salpêtrière d

... 1

- - Par MM. 1\

O. CROUZON, G. DELAMARE, E. DESNOS, GEORGES GUILLAIN,

E. HUET, LANNOIS,

. A. LÉRI, FRANÇOIS MOUTIER, POULARD, ROUSSY \

Secrétaire de la Rédaction : O. CROUZON

Avec 302 figures dans le texte

. MASSON ET CIE, ÉDITEURS

LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE

120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS-VI'

1911 ï =====

Tous droits de traduction et de reproduction

réservés pour tous pars.

Copyright by \Iasson et C-1. igio

PREFACE

La Genèse de ce Volume a été ;1 la fois très simple et très

compliquée : 11 y a près de cinq ans, plusieurs de mes anciens

internes eurent l'excellente idée de se grouper pour écrire, en

collaboration, un livre de Séméiotique des maladies du système

nerveux suivant des données et un programme spéciaux dont

seront indiquées tout à l'heure les principales caractéristiques.

L'oeuvre marchait au mieux,-et elle semblait devoir aboutir dès la

fin de la première année; mais il fallut compter avec la série

ininterrompue de Concours par lesquels se trouvent, en France,

stérilisées comme il plaisir les forces vives des jeunes générations

médicales, si bien que, ballottés de Bureau Central en Agrégation

et d'Agrégation en Bureau Central, les malheureux auteurs durent

déployer une énergie peu commune pour mener il bien la tâche

qu'ils s'étaient fixée. Entre temps, j'avais demandé pour eux à

M. le Professeur Lannois, de Lyon, à M. Desnos, à M. Poulard de

vouloir bien apporter à l'appui de l'oeuvre commune leur maîtrise

sur un certain nombre de points de Neurologie Spéciale. Je suis

heureux d'exprimer à tous les trois ma très vive gratitude pour

leur aide amicale. ,

Il existe d'excellents Manuels de Neurologie, tant français

qu'étrangers, et les articles consacrés aux maladies nerveuses dans

nos plus récents Traités médicaux sont-parfaitement au courant

de la Science : sans peine on y trouve l'ensemble des principales

notions concernant chaque affection du système nerveux. Et

cependant, quelque .excellentes que soient les descriptions des

traités didactiques de Neurologie, elles ne reproduisent réellement

pas la clinique elle-même, avec toutes ses surprises, avec l'infinie

variété des aspects et des symptômes et la diversité d'interpréta-

tion dont chacun de ceux-ci est susceptible. Donnez a un étudiant

vi' PRÉFACE.

ou ;1 un médecin non rompu aux mille détails d'un examen neu-

rologique, le meilleur traité didactique qui se puisse rêver, et

vous verrez combien grand sera son embarras en lace du premier

cas un peu complexe qui se présentera à lui.

Seuls les Traités de Séméiotique sont en étal de parer à celte

difficulté; ils étudient chaque symptôme en lui-même et pour lui-

même, ainsi que pour la place qu'il tient dans le tableau clinique

de telle ou telle affection; et par cela même ils nous niellent à

même de reconnaître quelle est la maladie en présence de laquelle

nous nous trouvons. Certes il ne faut rien exagérer, et ce serait

une lourde erreur de croire qu'un Traité de Séméiotique peut être

comparé à ces « Flores » de poche qui, de questions en réponses,

d'accolades en tirets, conduisent immanquablement le lecteur ;1 la

détermination rigoureuse de telle ou telle espèce botanique. Les

choses vont quelque peu différemment en clinique; il n'existe pas

encore de machine dont on puisse retirer, imprimé sur un ticket,

le diagnostic d'un malade.

C'est donc, dans une certaine mesure, d'un Traité de Sémeio-

tique qu'il s'agit ici, mais la manière dont les auteurs de la Pra-

tique Neurologique ont compris et exécuté leur oeuvre, mérite

d'être signalée avec quelque détail. L'idée très louable et très

féconde qui les a dirigés est la suivante : Faire en sorte qu'un

médecin, nullement spécialisé en quelque sens que ce soit, puisse

se trouver en état de pratiquer un examen complet de tous les

appareils au point de vue de la pathologie nerveuse et de tirer de

cet examen toutes les conséquences qui en découlent.

Pour ce qui est de la Séméiologie nerveuse proprement dite, de

celle qui a trait aux symptômes dépendant directement des trou-

bles du système nerveux central ou périphérique, il va sans dire

que sous la plume de neurologistes éprouvés tels que (;uill;lill,

Léri, Crouzon, Roussy, Moutier, cette séméiologie a été traitée de

main d'ouvrier. Mais cela ne suffisait pas, il fallait que pour

l'oreille et le larynx, pour l'appareil visuel, pour l'appareil Il ri-

naire, les méthodes d'examen les plus convenables fussent non

seulement indiquées, mais démontrées dans tout leur détail ; il

fallait, en un mot, qu'avec la seule aide de la « Pratique Neurolo-

gique », l'étudiant, le médecin non spécialisé se trouvassent en

état d'employer de façon utile ces différentes méthodes d'examen

PREFACE. vu

et d'en tirer tout le parti nécessaire. Grâce il la collaboration pour

l'oto-laryngologie de M. le Professeur Lannois, dont on connaît

toute la compétence aussi bien comme oto-laryngologiste que

comme neurologiste ; pour l'ophtalmologie de M. Poulard, ophtal-

mologistc des hôpitaux ; et de M. Desnos, secrétaire général de

l'Association internationale d'urologie, pour l'appareil urinaire,

toute cette partie très difficile, très délicate, mais aussi très impor-

tante du programme, a été remarquablement remplie. l'appui

de cette assertion, on pourrait citer en exemple le chapitre qui,

dans la série de ces méthodes d'examen, est généralement consi-

déré comme de beaucoup le plus ardu et le moins il la portée du

public médical, celui qui a trait h l'examen des yeux et de la

vision. Qu'on lise ce chapitre de la « Pratique Neurologique ».

Nul plus que lui ne montrera l'esprit dans lequel ce livre a été

conçu, et la manière dont celte conception a été exécutée.

Voilà pour les méthodes d'examen clinique, tant au point de

vue de la Neurologie générale qu'au point de vue de la Neurologie

spéciale.

Mais il ne faudrait pas croire que la seule ambition des auteurs

de ce livre ait été de faire un livre de Séméiologie pure et simple.

Pour légitimer le litre qu'ils avaient choisi : la Pratique Neuro-

logique, ils ont voulu qu'en ce volume on trouvât, dans les direc-

tions les plus diverses, tous les renseignements qui peuvent être

utiles, non seulement pour poser le diagnostic clinique d'une

maladie nerveuse, mais encore pour en poser le diagnostic anato-

mique et anatomo-pathologiquc : la topographie médullaire, la

topographie radiculaire, les principaux points de l'Anatomie et de

la Physiologie nerveuse et musculaire, etc., etc., ont été exposés

par M. Guillain d'une façon parfaitement claire, quoique en un

petit nombre de pages, avec addition des schémas nécessaires.

Dans le même ordre d'idées, M. Moutier a donné un aperçu de

quelques points intéressants de Y Anthropologie appliquée à la

Neurologie.

Quand il est question ici de Neurologie, bien entendu ce terme

est [iris dans son sens le plus extensif et les auteurs de la « Pra-

tique Neurologique » n'auraient pas un instant admis que la

Psychiatrie fut bannie de leur OEuvre, le lecteur trouvera donc,

dans le présent volume, un exposé des notions psychiatriques

a*

YIII PRÉFACE.

indispensables pour la clinique journalière, et aussi tous les

renseignements nécessaires pour l'internement des aliénés.

La Pratique Neurologique n'aurait pas entièrement justifié

son titre si elle s'était désintéressée du but ultime de la pratique

médicale qui est la guérison, ou du moins le soulagement du

malade, par un traitement approprié. Il était donc indispensable

qu'une Partie Thérapeutique vint compléter les conseils autorisés

donnés par les auteurs sur l'ensemble de la séméiologie nerveuse.

On comprendra aisément que le cadre du volume ne permet-

tait pas de donner ici un manuel complet de thérapeutique ; il

fallait faire un choix, et ce choix M. Guillain, spécialement

chargé de cet article difficile, s'en est tiré d'élégante façon en

écrivant une série de chapitres isolés sur les points les plus impor-

tants de la thérapeutique en Neurologie : le traitement de la

Syphilis et de ses manifestations nerveuses; le traitement des

Algies ; le choix et l'emploi des Médicaments Hypnotiques, et enfin

l ? oerte.

D'autre part, M. Huet, chef du service éfectrothérapique de la

Clinique de la Salpêtrière, dans une importante contribution, a

traité, avec toute l'autorité attachée à son nom, les questions si

complexes de l'ÉLect1'o-rliflynostic et de l'Électnothé°o.loe ; les déve-

loppements donnés à cet article en font une sorte de compendium

d'électricité médicale appliquée aux maladies nerveuses.

Enfin, dans un ordre de faits tout différent, je signalerai la

bonne pensée qu'ont eue les auteurs de vouloir que non seulement

les praticiens, mais encore les étudiants et tous ceux que le désir

de s'instruire oriente vers les études neurologiques, pussent a

l'occasion trouver dans ce volume les données indispensables pour

tirer le meilleur parti possible de Y Autopsie des malades, tant

au point de vue macroscopique qu'au point de vue microscopique :

méthodes et formules usuelles de durcissement des centres 'lie ?

veux, méthodes et formules usuelles de coloration élective des

éléments nerveux, etc.

Mais il faut mettre un terme à celte énumération déjà trop

longue peut-être. Le lecteur se rendra aisément compte par

lui-même de la somme énorme de connaissances acquises, de

travail, et aussi de bonne volonté envers autrui que représente

cette OEuvre. Quand je considère les services considérables que

- mn;rac.

rendra ce livre aux éludes neurologiques, j'éprouve un réel senti-

ment de gratitude pour les élèves et pour les amis qui, en me

demandant avec une insistance trop flatteuse de présenter leur

OEuvre au public médical, m'ont, pour ainsi dire, donné place

parmi eux et fait prendre part à leur succès.

Les auteurs et les éditeurs de la Pratique Neurologique consi-

déreraient comme un acte de noire ingratitude le fait de ne pas

adresser publiquement a M. Crouzon leurs sincères remerciements

pour toute l'activité et le dévouement qu'il a déployés en qualité

de Secrétaire Général de cette publication collective. Si la

« Pratique Neurologique » a vu le jour, c'est a M. Crouzon

qu'elle le doit.

TABLE DES MATIÈRES

xn TAREE DES MATIÈRES.

TABLE DES MATIERES. , 1 1 xur

XIV ? %'' TABLE DES MATIÈRES. -. , -

TABLE DES jIATIÈRES. , XI'

xvi TAREE DES MATIÈRES.

TAULE DES MATIÈRES. XI'lI

xnu TABLE DES MATIÈRES. ' ? ?

LA

PRATIQUE NEUROLOGIQUE

. TROUBLES NERVEUX

DE L'APPAREIL OCULAIRE

par le Dr POULARD

Avant de rechercher la signification d'un trouble fonctionnel dans

l'appareil nerveux oculaire, il faut en constater l'existence et en mesurer

exactement l'étendue. Or, il existe, pour la recherche des troubles fonc-

tionnels du système nerveux oculaire, tant moteur que sensitif, des

moyens d'une précision très grande et quelquefois mathématique. Grâce

il eux, de tous les appareils nerveux de l'organisme, le plus facilement

exploitable, est, sans contredit, celui de l'oeil.

Des méthodes bien établies et une instrumentation perfectionnée per-

mettent de constater avec précision un trouble nerveux oculaire moteur

ou sensitif; l'hypothèse ne doit venir que plus tard, au moment de dé-

terminer le siège ou la nature des lésions plus profondes qui sont la cause

du trouble constaté.

La moindre parésie d'un muscle moteur de l'oeil est toujours consta-

table et même 111('nsurablt, mathématiquement. De petites lésions du nerf

optique, invisibles il l'oplitalmoscope. peuvent être décelées par un exa-

men subjectif bien fait de la vision. Mais, pour cela, il faut connaître et

surtout savoir utiliser l'instrumentation si précise et si simple, mise il

notre disposition.

Pour ces raisons, je crois utile de diviser l'élude de la séméiologie

oculaire en deux parties :

Dans la première, j'étudierai les divers moyens dont nous disposons

pour explorer les troubles fonctionnels du système nerveux oculaire (nerf

optique, nerfs moteurs du globe, nerfs des muscles intrinsèques, nerfs

des paupières, de la cornée, de la conjonctive).

Dans la seconde, passant en revue les diverses manifestations ocu-

laires qui peuvent se rencontrer au cours des maladies nerveuses,

nous déterminerons la valeur semeiologique de chacune d'elles.

PI\,ITIQOE : -¡¡ : UI\OL. 1

TPOVLARD.]

PREMIÈRE PARTIE

TECHNIQUE - -

DE L'EXAMEN^DU SYSTÈME NERVEUX DE L'OEIL

i

EXPLORATION DU NERF OPTIQUE ET DE LA RÉTINE ,

Au point de vue fonctionnel, il faut distinguer dans la rétine deux

parties, l'une centrale, 'très étroite et très sensible, correspondant à la

région maculaire, l'autre périphérique, bien plus étendue mais bien

moins sensible, comprenant tout le reste, c'est-à-dire presque toute

l'étendue de la rétine. En raison de leurs différences fonctionnelles

considérables il est indispensable, en pratique, d'explorer séparément

l'une et l'autre de ces deux régions.

La vue donnant à la fois des sensations de lumière, de couleur et de

forme, il faut éprouver séparément chacune de ces diverses fonctions

visuelles. Il arrive souvent, en pathologie, que l'une des fonctions (vision

des couleurs) se perd, tandis que l'autre (vision des formes) est con-

servée. '

EXPLORATION DE LA VISION CENTRALE

Vision centrale pour les formes. - '

(Acuité visuelle centrale.) .

L'acuité visuelle centrale peut être mesurée soit en plaçant devant l'aeil-

n une distance déterminée, invariable, des objets de différentes gran-

Jours, soit en plaçant à des distances, différentes, un objet de grandeur

déterminée, invariable (fig. z1 ). En règle générale, on emploie le premier

lig. ·1. - Les lettres P F D, bien que de grandeur différente, vont faire sur la rétine, en AB,

des images de même dimension. Cela prouve que pour prendre l'acuité visuelle, il faut

tenir compte de la distance entre l'oeil et l'objet qu'il regarde. ,

EXPLORATION DU NERF OPTIQUE ET DE LA RÉTINE. 3

de ces deux procédés. L'acuité visuelle se mesure à l'aide d'objets de -1

grandeurs différentes placés à 5 mètres de l'oeil observé.

L'objet employé, appelé « échelle typographique », est un carton blanc

sur lequel sont imprimées en noir des lettres de différentes grandeurs

(fig. 2). Partant de ce principe convention-

nel, que l'unité d'acuité visuelle correspond

à un angle de 55°, au-dessus de chaque ligne

on a placé un chiffre qui indique la distance

à laquelle les lettres de cette ligne devraient

être lues par un oeil possédant une .acuité

normale. '

Manière de procéder pour prendre

l'acuité visuelle avec une échelle typo-

graphique placée à 5 mètres. L'échelle

typographique est placée à 5 mètres, sur un

mur, à la hauteur des yeux, en honne lumière.

Le malade lit l'échelle en commençant par

les plus grosses lettres. Quand il s'arrête, la

mesure de son acuité visuelle centrale est

donnée par une fraction ayant comme numé-

rateur la distance d à laquelle est placé le

maladc et comme dénominateur la distance (D)

ü laquelle il devrait être si son acuité était

normale. Ce dénominateur est indiqué entre

les lignes.

Supposons par exemple que le malade,

placé à 5 mètres, ne lise que la seconde ligne,

son acuité visuelle sera

ne UJalalle peut, être incapable, il 7 mètres,

de lire les plus grosses lettres de l'échelle. C'est que son acuité est

. 51 '

moindre que 50 ou 10'. .

Dans ce cas, on le fait approcher il mi-chemin du tableau Il lit

)a première ligne. S611 acuité visuelle est de 50 = 20' deux fois

moindre que s'il lisait cette même ligne à 5 mètres.

Le malade, si près qu'on l'approche du tableau, ne peut lire aucun

caractère. Il faut alors employer le procédé suivant. On promène devant

ses yeux la main dont les doigts sont écartes, on cherche la distance il

laquelle il peut les compter et on note ensuite simplement : « Compte

(doigts il 1 mètre, ! 1 om,50" etc. »..

[POULARD.]

Fig. 2. - Echelle typographi-

que, pour la vision au loin,

on réduction. Entre les lignes,

la distance D il laquelle les

. lettres devraient être lues par

un oeil d'acuilé visuelle nor-

male.

! 4 4 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

Quand l'acuité visuelle est plus faible encore, on se contente de

rechercher si le malade voit passer l'ombre delà main devant son oeil, s'il

distingue les lumières, s'il localise les fenêtres de la pièce dans laquelle

il se trouve, s'il reconnaît le jour de la nuit. Quand cette recherche est

négative, la cécité est absolue. "

Difficultés à connaître et à surmonter dans la recherche de

l'acuité visuelle centrale. -Le but de l'épreuve précédente est de mesu-

rér la sensibilité de la^rétine pour les formes, l'acuité rétinienne. Or,

cette sensibilité rétinienne ne peut être prise exactement si, entre l'objet

et la rétine, vient s'interposer un élément de trouble visuel.

C'est précisément ce qui a lieu dans les états anormaux de la réfrac-

tion, quand par rapport à sa longueur l'oeil est trop réfringent (myopie)

(fig. 5), ou pas assez' réfringent (hypermétropie), ou bien quand la

cornée, au lieu d'avoir sa forme sphérique, prend la conformation d'un

ellipsoïde (astigmatisme). Dans ces conditions, une rétine parfaitement,

sensible perçoit des images troubles. C'est encore ce qui se produit quand

les milieux transparents de l'oeil sont voilés, la cornée par une taie, le

cristallin par une cataracte, le vitré par des nuages plus ou moins épais.'

On ne peut, dans ces conditions, avoir une idée précise de la sensibi-

lité rétinienne centrale qu'après avoir éliminé les voiles interposés qui.

troublent la vision (vices de réfraction, opacités de la cornée, du cris-

tallin, du vitré).

zig. z. Vices de réfraction de l'oeil; E, oeil de dimensions normales (emmétrope); M, oeil

trop long (myope); 11, oeil trop court (hypermétrope). Un faisceau lumineux parallèle F

venu d'un point lumineux lointain arrive à l'oeil, s'y réfracte et va former sur la rétine une

image : en e un point très net, en h et en m des cercles de diffusion, des images floues.

En h', e', m', représentation des images rétiniennes h, e : m.

EXPLORATION DU NERF OPTIQUE ET DE LA RÉTINE, - 5

L'élimination des opacités des milieux transparents est impossible.

Néanmoins, on peut encore, en tenant compte des troubles qu'ils causent

d'habitude dans un oeil sain, porter un jugement approximatif sur le

degré de sensibilité rétinienne. On recherche si la diminution de l'acuité

visuelle est proportionnelle aux opacités constatées, ou bien s'il y a dis-

proportion entre elles.

La chose est très différente si la diminution de l'acuité visuelle est

causée par des vices de réfraction. Dans ce cas, on peut, toujours, en

corrigeant le vice de réfraction, éliminer la cause du trouble èt obtenir

avec exactitude l'acuité visuelle. '

Correction des vices de réfraction. La correction exacte des vices

de réfraction est,- dans certaines circonstances, une chose compliquée et

difficile. Ne pouvant entreprendre ici l'étude des différents procédés pour

la détermination exacte de l'état de réfraction de l'oeil (ophtalmomètre,

kératoscopie, etc.), je tiens néanmoins à exposer une méthode très sim-

ple, qui pourra, dans presque tous les cas, permettre de mesurer l'acuité

visuelle centrale. -

Il faut, pour cela, une boite de verres contenant au minimum :

n - TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL .OCULAIRE. - w

3° Essayez les verres convexes sphériques en commençant par les plus

faibles. ' ,

ft) Ils permettent au malade de lire l'échelle.. C'est qu'il était hyper-

métrope avec une accommodation insuffisante. ' ,

b) Il n'est pas amélioré. Dans ce cas il y a probabilité de lésions

oculaires. Cependant, le trouble visuel peut encore être dù à de l'astig-

matisme. Donc continuez et. : '

5° Essayez les verres cylindriques. -

Prenez les concaves et placez-les devant l'oeil horizontalement, puis

verticalement, puis obliquement, décrivez une circonférence entière si

vous voulez.' , - , '

a) Le cylindre permet de lire l'échelle optométrique; concluez à une

diminution de la vision par astigmatisme. : "

b) Il n'améliore pas. Concluez : . Il a lésion de l'oeil. ,

Remarque : Pour l'essai des verres cylindriques, on laisse devant

l'oeil le sphérique concave ou convexe qui a donné le maximum d'amé-

lioration.

Enfin, comme contrôle, essayez quelquefois le trou sténopéique. ,

Le trou sténopéique est un petit. orifice au milieu. d'une plaque de

cuivre. Il existe dans la boîte de verres réduite, mais il est facile de se le

procurer autrement. Il suffit de percer un morceau de' carton avec une

épingle. Le malade regarde l'échelle à travers ce petit orifice.

Si la diminution de la vue dont se plaint le malade est due à une amé-

trôpié (myopie, hypermétropie ou astigmatisme), le trou sténopéique

améliore beaucoup la vision ; s'il s'agit d'une véritable amblyopie par

lésion nerveuse, l'utilisation du trou sténopéique diminue la vision.

L'expérience peut se faire aussi bien'pour la vision de près, -

L'utilisation des verres correcteurs est du plus grand secours dans la

détermination de l'acuité visuelle. Sans les verres, il est plus difficile

de répondre à la question : « Y a-t-il lésion du fond de l'oeil ? » Cepen-

dant, même dans ces conditions, vous pouvez acquérir des probabilités

très grandes. " - - ,

S'agit-il d'un myope ? La vision très mauvaise de loin, est très bonne

de près. Le trou sténopéique augmente la vision de loin. Dans l'am-

blyopie, la vision mauvaise de loin, reste mauvaise de près. ,

S'agit-il d'un hypermétrope dépourvu d'une accommodation suffisante

pour couvrir son hypermétropie ? La vision est proportionnellement plus

mauvaise de près que de loin. Le trou sténopéique améliore comme chez

le myope. '

S'agit-il d'un astigmate ? Le trou sténopéique améliore.

S'agit-il d'une amblyopie pa1'lésion de 1'oeil ? Vision de près et de loin

est proportionnellement la même. Trou sténopéique n'améliore pas la

vision, il la diminue au contraire. ' ,

Grâce- à l'utilisation d'ailleurs facile des verres et du trou sténopéique,

on peut toujours parvenir h mesurer la sensibilité rétinienne centrale, et

EXPLORATION DU NERF OPTIQUE ET DE LA RÉTIr. 7' . -

on ne s'expose pas à mettre sur le compte d'une lésion nerveuse ce qui .

est dû à un vice de réfraction. ,

Il faut se garder de croire que l'intégrité de la vision centrale signifie

intégrité de la rétine. La fovea centrals ne représente qu'un petit

nombre de fibres rétiniennes et, avant d'affirmer l'intégrité de la rétine,

on doit toujours explorer ses parties périphériques suivant une méthode

que je vais exposer tout à l'heure. "

D'autre part, la vision centrale maculaire peut, nous allons le voir,

être détruite et la perception périphérique rester intacte (scotome central).

Ce scotome central (amblyopie ou cécité centrale) avec intégrité de la

vision périphérique, peut être mis en évidence par un procédé que nous

allons indiquer maintenant pour l'exploration de la vision rontrnlepour

les couleurs.

Vision centrale pour les couleurs.

(Scolontes centraux pour les couleurs.)

Dans certaines affections nerveuses, l'oeil ne voit pas la couleur de

l'objet qu'il fixe, niais cette couleur est vue dès que l'objet se déplace

dans le champ visuel en dehors du point de fixation.

Les éléments nerveux de la région maculaire, si sensibles à l'état nor-

mal, sont atteints de cécité pour une, pour plusieurs ou pour toutes les

couleurs. On dit qu'il y a scotome central pour le vert, le rouge, etc., ou

pour toutes les couleurs. ' , * .

Il peut exister un scotome central non seulement pour les couleurs

(lumière monochromatique), mais même pour le blanc. Dans ce cas, le ..

scotome central est absolu. Il y a cécité de la région maculaire pour

toute lumière (blanche ou monochromatique). ,

La recherche de l'achromatopsie et de l'anopsie centrale peut se faire

de différentes manières : ' '

1° On peut se servir d'un carton ou d'une plaque métallique de cou-

leur noire présentant à son centre un petit orifice circulaire ou carré. ,

Derrière cet orifice, fixé par le malade, on fait passer des papiers ou

autres objets de diverses couleurs (blanc, bleu, vert, etc.). Si le vert seul

n'est pas reconnu, il y a scotome pour le vert; si aucune des couleurs

n'est perçue, il y a scotome absolu. ' --

Mais il vaut mieux se servir de l'arc périmétrique. L'observé étant,

placé suivant les indications de la page 10, on met au sommet de

l'arc un curseur mobile dont le malade fixe le centre. En ce point, on

fait d'ahord apparaître un petit index blanc qu'on remplace ensuite par -

des index colorés. " , .

11 est bon, pour affermir d'une manière indiscutable le diagnostic de

scotome central pour une couleur, de compléter l'examen par l'épreuve

suivante. Tandis que le malade fixe le centre de l'arc périmétrique, le

curseur est placé 15°, 20° ou 50" en dehors du centre. Puis, on fait appa-

a [POCLJ ! D,] .

il TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

raître au centre du curseur le même index coloré qui n'était pas vu au

centre [de l'arc périmétrique, quand l'oeil le fixait. Il est alors perçu

immédiatement et sa couleur reconnue. " '

Une .des dificultés de la recherche du scotome central, c'est d'obtenir

que l'oeil se dirige exactement sur l'objet qu'on lui demande de fixer.

L'oeil- voyant mal l'objet qu'il fixe .se porte instinctivement de côté.

.. Par le procédé de llaitz, au moyen du stéréoscope, on obtient l'immo-

bilisation de l'oeil, une immobilisation complète (fig. 4). Le malade,

. regardant 11 l'aide du stéréoscope, ne voit qu'un seul schéma par suite de

la fusion stéréoscopique des deux schémas

du carton. Avec des index blancs ou colorés

on explore chacun des schémas du carton en ;

allant de la périphérie au centre comme pour

la délimitation du champ visuel. On peut de

la sorte, non seulement constater l'existence

d'un scotome central, mais en déterminer la

forme et l'étendue (fig. 5). '

Il ne suffit pas de rechercher si la vision

pour les couleurs existe ou n'existe pas; il

faut quelquefois, s'il n'y a pas al)SC11CC totale

de vision pour une couleur, reconnaître une

diminution de la sensibilité rétinienne pour

- les couleurs du spectre. Ces recherches sont assez complexes. En

pratique on se contente de présenter il l'oeil observé des index colorés à

divers degrés de saturation. Cette exploration peut encore se faire en fai-

- sant varier l'éclairage des index.

Fig'. 4. Recherche et mensuration du scotome central il l'aide du stéréoscope (Morax).

rig. 5. - Scolome central des-

siné d'après l'examen au sté-

rcoscope (ltorax).

EXPLORATION DU NERF OPTIQUE ET DE LA RÉTINE. 9

Vision centrale pour la lumière.

La sensibilité .rétinienne à la lumière se détermine d'une façon

analogue à la sensibilité pour les couleurs. ,

On emploie comme index des tons gris allant du noir au blanc. Là encore

on peut prendre comme index un ton gris dont on fait varier l'éclairage.

EXPLORATION DE LA VISION PÉRIPHÉRIQUE

Champ visuel. Lorsque nous fixons un point de l'espace avec notre

rétine centrale, avec la macula, les objets environnant le point fixé vicn-

l'ig. 6. Schéma pour montrer la forme du champ visuel. L'oeil fixant le point 0, les objets

environnants, compris en deçà des lignes l' l", vont fairc imago sur la rétine périphérique.

Ils sont dans le champ visuel. \, X2, sections faites dans le champ visuel à diverses dis-

tances de l'oeil.

Fig. 7. - Schéma représentant la projection des champs visuels de l'OD et de l'OG.

La zone blanche marque le champ visuel pour le blanc.

Le trait plein marrlne la limite de perception du bleu.

Le trait - - - - du rouge.

Le trait ......................... du vert. (Morax.)

[POULARD ]

'10 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE. z

nent faire une impression vague sur les parties périphériques de notre

rétine. L'étendue de l'espace qu'un oeil, immobile, en fixation, peut ainsi

embrasser autour du point de fixation, autour de la ligne visuelle, c'est

le champ visuel. '

Le champ visuel comprend une portion de l'espace en forme de cône

ayant son sommet à l'oeil (fig. 6). Les sections de ce cône perpendicu-

laires à la ligne visuelle sont d'autant plus grandes qu'elles sont faites

en un point plus éloigné deJ'oeil. La forme d'une de ces sections est re-

présentée sur le schéma (fig. 7). '

Limites périphériques du champ visuel.

(Étendue du champ visuel.)

Pour cette exploration on se sert d'un instrument spécial fort simple,

1 e pél'i11lèt1'e (fig. 8).

11 est essentiellement constitué'par un demi-anneau de 50 cm de rayon

de courbure, uniformément noir sur sa face concave, gradué en degrés

sur sa lace convexe, le zéro occupant le

sommet de l'arc. Par son sommet, l'arc est

fixé à une. colonne, mais il peut encore

tourner autour de son axe, de manière à

engendrer un hémisphère. La position de

l'arc est marquée par une aiguille, qui se

meut avec lui sur un cadran placé à la face

postérieure de la colonne qui soutient l'arc

En AB, se trouve un cadre noir mobile

sur l'arc périmétrique (curseur), destiné à

recevoir les objets servant à l'exploration

de la sensibilité rétinienne.

, En E se trouve une seconde colonne

destinée à recevoir sur le support mobile qui

la surmonte, le menton de l'observé. Ce

support est disposé de telle façon que l'oeil

du malade se trouve occuper le centre de

lare périmétrique. On peut douleurs, en faisant varier légèrement la

hauteur du support mobile, élever ou abaisser le niveau de l'oeil et com-

penser ainsi les différences dans la hauteur de la face des observés.

L'observateur doit avoir près de lui un schéma semblable à celui de

la figure 7, et qui est la projection sur papier, la représentation gra-

phique d'une section du champ visuel perpendiculaire à la ligne visuelle.

Il se place en avant du malade et peut ainsi surveiller la position de l'oeil

en examen.

Le malade est placé comme je l'ai déjà indiqué, l'oeil en examen fixant

le centre de l'arc, l'autre oblitéré (fib. 9). L'arc périmétrique est

d'abord horizontal..Le curseur muni à son centre d'un petit index blanc

Fig. 8. Le périmètre.

EXPLORATION DU NERF OPTIQUE ET DE LA RÉTINE. 1)

est placé à l'une des extrémités de l'arc périmétrique, du côté temporal

de l'oeil en examen. On

le met peu à peu en

mouvement de la péri-

phérie vers le centre.

Invisible au départ, le

point blanc du curseur

est bientôt perçu par

le sujet. On note alors

le degré de l'arc auquel

correspond le curseur

et on reporte cette me-

sure sur le schéma

(fin. 10). Supposons

que le curseur soit

perçu à 60° sur l'arc

périmétrique, on fait

sur le schéma une mar-

que en a.

L'arc périmétrique

est ensuite placé dans

un autre méridien, à

155", par exemple. Sui-

vant le. même procédé

on promène le curseur

de la périphérie vers le

centre de l'arc. Au mo-

ment où il pénètre dans

le champ visuel, il est perçu. Un

note le degré sur l'arc et on re-

porte sur le schéma comme précé-

demment. Soit 60° le point où

l'objet est perçu. On fait sur le

schéma une marque en b. De la

même façon on détermine les points

c; d, e, ? g, h. On explore de la

sorte un plus ou moins grand nom-

lire de méridiens de la calotte sphé-

rique engendrée par la révolution

de l'arc périmétrique. En joignant

ensuite par une ligne circulaire

' toutes les marques du schéma, on

obtient, mesurée en degrés, la li-

mite périphérique du champ vi-

suel. Dans le cas pris pour exemple, on obtient un champ visuel rétréci.

[POULARD]

Fig. 9. - Manière de prendre le champ visuel il 1 mue

du périmètre (Morax).

1'in. 10. Reh'ccisspmcnL du CV obtenu par

la réunion des points a, b, c, (1, e : ? g, h.

Encoche du CY en E. Scotome en S.

12 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

Au début de certaines atrophies du nerf optique, le champ visuel ne

présente à sa périphérie que de légères irrégularités qu'il importe cepen-

dant, au plus haut point, de mettre en évidence. On n'y arrivera pas si on

se contente, comme cela est trop fréquent, d'explorer le champ visuel

dans un petit nombre de méridiens, par exemple, dans les méridiens à

45° d'intervalle. Il faut un examen plus serré, il faut que l'intervalle

entre les méridiens explorés ne dépasse pas 20°. Autrement on ne peut

affirmer catégoriquement l'intégrité du champ visuel. "

On voit, en effet (fig. 10), que l'encoche a1,'1,/Ib passe inaperçue si on

explore seulement les méridiens distants de 45°.

Il faut aussi recommander l'emploi de schémas semblables à celui

de la figure 7 sur lequel est représentée l'étendue moyenne dn champ

visuel physiologique. Cela facilite la comparaison entre champs visuels

normaux et pathologiques.

Champ visuel en deçà de ses limites périphériques.

, (Recherche des lacunes.)

Il ne suffit pas de déterminer l'étendue du champ visuel. En effet,

dans bien des circonstances pathologiques, un objet, .visible à la péri-

phérie du champ visuel, cesse d'être perçu dans un point moins excen-

trique, pour reparaître en d'autres points du champ visuel. Il existe, dans

l'intérieur du champ visuel, une zone au niveau de laquelle un objet

n'est point perçu. C'est ce qu'on appelle un scotome, ou mieux, une

lacune du champ visuel. -

Pour déterminer l'existence et le siège de ces scotomes, on procède

d'une manière tout à fait analogue à celle employée pour déterminer

l'étendue du champ visuel. Seulement, n'arrêtez pas l'index blanc sur

l'arc périmétrique au moment où il commence à être perçu, c'est-à-dire

à la limite du champ visuel; laissez-le continuer son chemin vers le

centre de l'arc, pénétrez dans le champ visuel, et, marchant lentement

vers le centre de l'arc, demandez an malade si cet index est perçu d'une

façon continuelle, pendant tout son trajet, s'il ne disparaît pas en un

point de son parcours. Vient-il il disparaître ? lisez l'indication périmé-

trique au point de disparition et reportez-la sur le schéma (fig. 10, q, sur

le méridien 15°). Laissez l'index poursuivre son chemin, et bientôt il sera

perçu à nouveau. Lisez l'indication périmétrique au point de réapparition

et marquez-la sur le schéma (o sur le mérid. '15°). ' ,

Explorez ainsi plusieurs méridiens en suivant la même méthode et

marquez les points m, 11,0, ]J" q, r, s. En joignant ces points par une

ligne circulaire vous déterminerez avec exactitude l'étendue du scotome

comme elle est déterminée sur le schéma de la figure 10 (S).

En procédant de la sorte, on explore toute l'étendue du nerf optique et de

son expansion à la surface interne du globe, la rétine; une lésion, même

minime, quelquefois invisible à l'ophtalmoscopc, ne passe pas inaperçue.

EXPLORATION DU NERF OPTIQUE ET DE LA RÉTINE. 13

Sensibilité de la rétine périphérique pour les formes.

(Acuité rétinienne périphérique.)

La rétine périphérique, comme la macula, peut subir des altérations .

portant sur sa sensibilité aux formes, aux couleurs, à la lumière.

La meilleure méthode pour explorer la sensibilité aux formes de la

rétine périphérique, serait d'employer, comme pour la recherche de

l'acuité visuelle centrale, des index parcourant l'arc périmétrique de la

périphérie au centre et sur lesquels seraient des lettres de différentes

grandeurs. Mais la faculté dissociatrice, l'acuité visuelle pour les formes

de* la rétine périphérique est si faible proportionnellement à la sensi-

bilité centrale, qu'en aucun point de son étendue, elle ne permet de dis-

tinguer la forme des lettres.

Pour remédier à cet inconvénient, on s'est servi, comme index, de

points noirs sur fond blanc, plus ou moins gros et plus ou moins distants

l'un de l'autre. Ce procédé, qui a permis de faire des expériences phy-

siologiques assez précises, n'est pas utilisable en pratique pour les

mêmes raisons qui empêchent l'utilisation de caractères d'imprimerie.

Voici un procédé, moins scientifique peut-être, mais beaucoup plus

pratique, et qui permet de mesurer avec assez de précision les diminu-

tions de sensibilité rétinienne périphérique. On procède exactement de la

même façon que pour la détermination de l'étendue du champ visuel;

mais, au lieu d'employer des index blancs volumineux, on se sert d'index

de plus en plus petits, de 5, de 2 ou de 1 millimètre de côté.

Grâce à ce procédé on constate facilement une diminution de la sensi-

bilité rétinienne. Par exemple, une rétine dont les fonctions sont affai-

blies perçoit très facilement un index de 5 millimètres et est incapable

de voir un index de 2 millimètres. ,

On peut ainsi, avec de petits index blancs, constater l'existence de

lacunes ou scotomes du champ visuel, dits scotomes relatifs. Dans les

scolomes absolus les grands index eux-mêmes ne sont pas perçus.

Sensibilité de la rétine périphérique pour les couleurs.

La rétine périphérique, peu sensible aux formes, l'est beaucoup plus

aux couleurs. -

Fréquemment un champ visuel normal pour le blanc est rétréci pour

les couleurs, car le rétrécissement du champ visuel pour les couleurs

ne suit pas forcément le rétrécissement du champ visuel pour le~

blanc. ,

A l'état physiologique, les champs visuels des couleurs sont concen-

triques les uns aux autres dans un ordre toujours le même (fig. 7). Dans

certains états pathologiques, cet ordre physiologique peut être modifié

(inversion des champs visuels pour les couleurs). '

' [POULARD] ]

1 ik TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

11 importe donc de pouvoir explorer la sensibilité de la rétine péri-

phérique aux couleurs, de « prendre le champ visuel des couleurs ». La

chose est fort simple et diffère à peine de la méthode employée pour l'explo-

ration du champ visuel avec l'index hlanc. On procède de la même .façon.

Il suffit de remplacer sur le curseur l'index blanc par un index coloré. On

peut, ici, comme pour le blanc, modifier la grandeur des index.

Sensibilité rétinienne périphérique à la lumière.

Cette exploration, qu'on a rarement l'occasion de faire, se pratique

comme pour le champ visuel; mais, au lieu d'un index blanc, on emploie

un index gris sur lequel on projette un éclairage plus ou moins vif.

EXPLORATION OBJECTIVE DU FOND DE L'OEIL

(Ophtalmoscopie.)

L'ophtalmoscopic permet d'examiner, à fort grossissement, l'intérieur

de l'oeil. C'est mieux qu'une « autopsie sur le vivant », c'est un examen

microscopique des lésions avec un grossissement considérable (fig. 11).

Des lésions intra-oculaires même minimes sont faciles 11 percevoir (hémor-

ragies, exsudats inflammatoires, troubles des milieux).

Mais, si parfait que soit ce mode d'examen, il faut bien savoir qu'une

lésion intra-oculaire réelle, amenant des troubles visuels subjectifs, peut

assez souvent ne produire aucune altération appréciable à l'ophtalmoscope.

Si l'examen objectif 11 l'ophtalmoscope peut se trouver en faillite, il en est

autrement de l'examen subjectif. Il est rare qu'une lésion intra-oculaire

appréciable ou non à l'ophtalmoscope ne donne pas lieu à des troubles

subjectifs. "

L'absence de lésions ophtalmoscopiques ne prouve donc pas l'intégrité

de la rétine; l'ophtalmoscope ne voit pas tout. Au contraire, un examen

Fig. 1 l. - Aspect du fond de l'oeil, A à l'image droite. B a l'image renversée (Morax).

EXPLORATION. DU NERF OPTIQUE ET DR LA RÉTINE. 15 5

subjectif bien fait laisse rarement échapper une lésion oculaire de quel-

que. importance. ' ' - , ,

En outre, l'exploration subjective est plus facile que l'exploration à

l'ophtalmoscope; elle peut être utilisée d'emblée .sans qu'il soit néces-

saire, comme pour l'ophtalmoscopie, d'une longue et difficultueuse

pratique. ,

Cette prépondérance de. l'examen subjectif sur l'examen objectif à

l'ophtalmoscope explique l'importance que nous avons, volontairement,

donnée au premier sur le second. Le neurologiste peut arriver facilement

à faire un examen ophtalmoscopique sommaire; exceptionnellement il

est capable de procéder à un examen ophtalmoscopique méticuleux, ou

d'interpréter correctement les lésions qu'il' voit. Presque toujours il-lui

faut recourir à l'expérience de l'ophtalmologiste. ,

Il est donc'inutile de décrire les multiples lésions du -nerf optique et

de la rétine. Je me contente d'indiquer les principales lésions qu'un

médecin, d'expérience modérée, peut apprécier à l'ophtalmoscope.

Troubles des milieux transparents. -. Le fond de l'oeil est visible il

condition que les milieux (cornée, cristallin, vitré, rétine) au travers

desquels on le regarde soient parfaitement transparents. Quelquefois ils

se troublent d'une manière diffuse qui empêche, de distinguer le fond de

l'oeil (trouble diffus du cristallin, du vitré, de la rétine) ; dans d'autres

circonstances, les milieux restent transparents, le fond de l'oeil est

visible, mais, de temps en temps, pendant l'examen, particulièrement

quand l'oeil se mobilise, des flocons nuageux ou noirs passent derrière la

pupille et obscurcissent un moment l'image rouge du fond -de l'oeil (flo-

du vitré). Dans certains cas aussi; les taches noires sont fixes et

siègent dans le cristallin (opacités cristallinienncs). '

Rétinite. Choroïdite. - Choriorétinite. Ces affections de la

rétine et de la choroïde sous-jacente donnent lieu à un trouble diffus du

fond de l'oeil à des flocons du vitré ou à des taches disséminées de cou-

leur rouge, blanche ou noire. Souvent le fond de l'oeil prend un aspect

tigré blanc et noir très, caractéristique. '

Ces rétinites, ces choroïdites, les troubles des milieux transparents

que nous venons d'indiquer, ne sont pas au nombre des lésions ner-

veuses dont traite-cet ouvrage, mais ce sont des affections qu'il faut

éliminer avant d'affirmer que le trouble visuel est le résultat d'une

lésion des voies optiques. De là l'utilité de pouvoir les constater par

un examen ophtalmoscopique sommaire

'.1. Le maniement de l'ophtalmoscope s'apprend par la pratique et sous la direction d'un

homme expérimenté. Les descriptions de cet appareil et de la manière de s'en servir

sont longues, difficiles à suivre, cl ne mènent à aucun résultat pratique. C'est donc avec

inLenlion qu'clIcs n'onI1]38 été données.

[FOULARD.]

1G ' TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE. ? - " II "

EXPLORATION DE LA IHOTILITÉ EXTRINSËQUE DES GLOBES OCULAIRES

INSUFFISANCE DE LA MUSCULATURE EXTRINSÈQ.UE

L'insuffisance fonctionnelle de la musculature extrinsèque du globe

donne lieu à des manifestations variables suivant le nombre des muscles

intéressés et le degré de leur insuffisance. Etudions les principales

d'entre elles : 1° les déviations des globes (strabisme) ;. 2° la limitation

du champ d'excursion des globes; 5° la diplopie. -

1° Déviation du globe (strabisme).

Reconnaissance d'une déviation oculaire.' - Les déviations du globe

oculaire en dedans (strabisme convergent), en dehors (strabisme diver-

gent), en haut ou en bas (stra-

bisme vertical), se reconnais-,

sent à la simple inspection

pour peu qu'elles soient accu-

sées (fig. 12, 15, 14, 15).

Dans quelques cas, un stra-

bisme léger peut être mis en

évidence nar le urocédé sui-

vaut. Le malade fixe un point

les deux yeux ouverts. S'il y a

déviation, l'un des yeux n'est

certainement pas dirigé vers

le point de fixation. On couvre

alternativement les deux yeux

du malade toujours en fixation.

Si on couvre l'oeil . strabique,

l'oeil resté découvert ne bouge

pas, il était en fixation. Si on

couvre l'oeil en fixation, l'oeil

strabique se déplace et se di-

rige vers le point de fixation.

La constatation de ce redresse-

......"1 1

ment démontre 1 existence au

strabisme.

Mensuration du strabisme.

Après avoir constaté l'exis-

tence d'un strabisme, il faut le

mesurer. Il est très important,

en effet, d'établir le degré d'in-

suffisance d'une fonction mo-

trice du globe, de suivre les améliorations ou les aggravations progres-

sives clans l'état d'un muscle paralysé.

Fig. '12. - Strabisme convergent (Morax). -

. Pig. 15. - Strabisme divergent (Morax).

Fig. 14. Strabisme surstim-vergent (Morax).

Fig. '15. - Strabisme deorsl1mve¡'genl (Morax).

EXPLORATION DE LA MOTILITÉ EXTRINSÈQUE DES GLOBES OCULAIRES. 17

Mensuration du strabisme à l'aide du périmètre. -- L'oeil dévié est

placé au centre de l'arc périmétrique. Le malade (fig. 1G) fixe avec ses

deux yeux un objet 0, situé au loin dans le prolongement du rayon pas-

sant par le sommet de l'arc périmétrique. finis ces conditions, la pupille

et la ligne visuelle de l'oeil sain se dirigent vers l'objet 0; tandis que la

pupille et la ligne visuelle de l'oeil strabique se portent dans une autre

direction suivant a L, s'il s'agit d'un strabisme convergent, suivant a'L'

si le strabisme est divergent.

Supposons que le strabisme soit convergent. La ligne a L, marquant

la direction pathologique de l'oeil, forme avec la ligne z0 0 un angle d

proportionnel ! lIa déviation de l'oeil. Pour mesurer cet angle, il suffit

d'établir en quel point la ligne visuelle a li rencontre l'arc périmétrique.

Pour cela l'observateur prend un objet brillant, une bougie, et il la

place d'abord au sommet de l'arc périmétrique. L'un de ses yeux, placé

derrière la bougie qui sert de guidon, vise la pupille du malade.

Si l'oeil était normal, l'observateur, dans cette position, verrait juste

au centre de la cornée l'image brillante de la bougie. Mais, dans le cas

actuel, l'image de la bougie se forme en un point excentrique de la

cornée, en dehors de la pupille'. On déplace alors la bougie (toujours

suivie par l'oeil de l'observateur) le long de l'arc périmétrique, dans le

sens de la déviation. L'image cornéenne se rapproche peu il peu de la

pupille et finit par se placer à son centre. On note alors le point de l'arc

périmé trique auquel se trouve la bougie. Et l'on obtient ainsi une men-

PllATIQUE ',EUROI.. 2

[POULARD.]

Fig. Ifi. Mensuration du strabisme il l'aide du périmètre; ABC, arc pèriméll'i'1uc; d et d',

angles de déviation; a, oeil en strabisme convergent; a', oeil eu strabisme divergent; b et

b', yeux normaux en fixation normale sur le point 0.

18 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE..

suration angulaire, en degrés, de la déviation. Le relevé sur le péri-

mètre donne, en degrés, la mesure de l'angle d que fait la ligne visuelle

déviée avec la ligne visuelle en direction normale c'est ce qu'on appelle

Y angle de déviation.

2° Limitation du champ d'excursion des globes.

Insuffisance des mouvements du globe. ,

Reconnaissance de l'insuffisance de certaines fonctions muscu-

laires. - Dans bien des circonstances, on ne constate aucune déviation

évidente du globe oculaire, il n'y a pas de strabisme apparent, et cepen-

dant, par suite d'une paralysie ou parésie d'un ou plusieurs muscles du

globe, l'oeil n'est plus dans un état d'équilibre parfait.

Dans certaines positions, quand l'oeil n'est pas obligé de se porter dans,

le sens d'action des muscles parésiés, les troubles sont nuls; il n'y a pas

de déviation, pas de diplopie. Mais, dès que fil se met en mouvement

dans le sens d'action des muscles paralysés, les troubles apparaissent.

A un moment donné, l'oeil parésié ne suit pas les mouvements de son

congénère, il reste en retard, et la diplopie survient; cependant, le

muscle parésié fait des efforts pour suivre, comme en témoignent les

secousses nystagmiq1les qui se produisent dans le globe; mais malgré

tout il s'épuise et, tandis que l'oeil sain continue son excursion, l'oeil

malade s'attarde, reste en chemin, cesse de suivre son congénère. 11 se

produit là un véritable strabisme.

Mensuration de cette insuffisance (Dynamomél1>ie des muscles de

l'ccil). - Si l'apparition de diplopie, de secousses nystagmiformes, de

strabisme dans certaines positions de l'oeil permettent de reconnaître une

insuffisance fonctionnelle dans la musculature extrinsèque des globes, on

peut, par d'autres moyens, mesurer exactement le degré d'insuffisance

de cette fonction, le degré de parésie du ou des muscles atteints. Cette

détermination se fait encore à l'aide du périmètre, transformé, pour la

circonstance, en dynamomètre des muscles de l'oeil. 1

Champ du regard monoculaire. Un oeil, pris indépendamment de

son congénère, la tête étant fixe,

peut occuper de multiples posi-

tions qui permettent à la pupille

de fixer successivement différents

points de l'espace. La portion de

l'espace dans laquelle sont compris

tous ces points que l'oeil mobile

peut fixer successivement avec sa

macula, constitue le champ du

regard monoculaire.

On a détermine, à 1 aide du périmètre, quelle était 1 étendue -du champ

du regard monoculaire à l'état physiologique; et on a pu établir un

]''ig. 17. Champ du regard normal

. mesuré au périmètre (Morax).

EXPLORATION DE t. : W noro,nrn, EXTRINSÈQUE DES CLOUES OCULAIRES. 1 \.1

schéma représenté ligure 17. On voit, d'après ce schéma, que les excur-

sions du globe atteignent en dehors 50°, en dedans 45°; en haut 45°, en

bas 50°. Mêmes considérations par les méridiens intermédiaires. Si une

des fonctions motrices du globe (adduction, abduction, élévation, etc.) se

trouve affaiblie, l'excursion sera moindre, le champ du regard monocu-

laire diminuera d'étendue dans le sens des muscles insuffisants, il mo-

difiera sa forme (fig. 18 et 1J ?

Prise du champ du regard. L'observateur, muni d'une bougie

comme pour la mensuration du strabisme, se place au sommet de l'arc

maintenu horizontal. L'oeil observé, placé au centre de l'arc, fixe la bougie.

A ce moment, l'observateur voit. l'image brillante de la bougie au centre

de la pupille.

Le malade est alors invité il suivre la bougie dans tous ses dépla-

cements.

L'observateur et, la bougie se déplacent alors horizontalement le long

de l'arc périmétrique par exemple vers le côté nasal de l'oeil en obser-

vation. L'oeil suit la bougie, l'image lumineuse est toujours au centre de

ia pupille. A un moment donné, l'oeil ayant atteint les limites de son

excursion, s'arrête, ne suit plus la bougie. A ce moment-la, l'image

lumineuse COl'l1l'Cnne abandonne la pupille. On note en quel point de

l'arc périmélrillue se produit cette séparation, et on reporte sur le schéma

tpii sert à prendre le champ visuel. ,

Même épreuve pour l'excursion temporale de l'uil observé. Mêmes

épreuves dans les autres méridiens verticaux ou obliques. On obtient

ainsi, en joignant eirculairement les points du schéma, le champ du

regard monoculaire (fig. 1 ï).

Il est une autre méthode plus précise que la précédente, et qui doit, 1,

mon avis, lui être préférée. On ne se sert pas de bougie. La position de

l'observé est la même. L'observateur promène le long de l'arc périmé-

trique un index blanc sur lequel sont gravées quelques lettres d'impri-

merie, en ligne horizontale pour explorer les méridiens horizontaux ou

voisins de l'horizontale; en ligne verticale pour explorer les méridiens

verticaux ou voisins de la verticale. L'oeil observé suit ces lettres et les

lit. A un moment, il cesse de les lire en partie ou en totalité. Les pre-

mières à disparaître sont les plus excentriques.

La disparition des lettres signifie que l'oeil ne les fixe plus avec sa

macula, qu'il cesse de les suivre, que l'objet vient de dépasser le point

d'excursion maximum du globe dans celle direction. On note ce point

maximum d'excursion sur le périmètre et on le reporte sur le schéma.

Quand on est fixé sur le siège précis d'une paralysie (par exemple,

une paralysie du droit externe), on peut se servir des méthodes précé-

dentes, non plus pour explorer tout le champ du regard, mais pour

mesurer l'insuffisance des excursions du globe dans le sens d'action du

muscle droit externe. On peut, par ce moyen, mesurer le degré de para-

lysie du muscle, en suivre les aggravations ou les améliorations. Le

. [POULARD]

20 - TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.' ? -...

périmètre devient alors un dynamomètre d'une extrême précision. On

peut donc, avec ce simple appareil, mesurer mathématiquement l'action

,d'un muscle, doser son msmn-

sance. " '

De plus, la paralysie isolée d'un -

muscle, du globe imprime au

champ du regard certaines défor-

mations ~ particulières, toujours

les mêmes (fig. 18 et 19). Ces de-

formations sont si constantes que

la seule exploration du champ du

regard peut permettre le diagnos-

tic du muscle paralysé. En tout

cas, cette exploration constitue

un élément de diagnostic fort im-

portant qu'il ne faut pas négliger.

Bien plus, dans le cas où plu-

sieurs muscles de l'un ou dés

deux yeux sont touchés ensemble,

il est souvent difficile, avec la

seule diplopie, de préciser un

diagnostic. Dans ces conditions,

l'exploration directe des muscles atteints au moyen du périmètre-dyna-

momètre sera de la plus grande utilité. '

3° Diplopie.

Quand, par suite d'une insuffisance musculaire, il existe une déviation

même très légère d'un des globes, les yeux ne se dirigent plus exacte-

ment vers l'objet fixé, l'image de cet objet vient se faire sur les rétines

en deux points qui ne se correspondent plus. 11 en résulte la perception .

de deux objets, une vision double, de la diplopie. ' ,

. Dans les cas très légers d'insuffisance musculaire, alors que tous les

autres symptômes de parésie musculaire sont absents, la diplopie

. existe; elle est la première et souvent la seule manifestation des paraly-

sies oculaires. Il importe donc de bien connaître ce symptôme et d'ap-

prendre à l'utiliser pour le diagnostic. ' '

Recherche de la diplopie. Il est, en général, facile de reconnaître

la diplopie, le malade se plaignant spontanément de voir double. Quel-

quefois cependant, il accuse seulement un trouble de la vision dans

toutes ou dans certaines directions du regard. Dans ce cas, il faut

éveiller son attention, lui faire analyser ses sensations, et, au besoin,

l'aider, par les moyens suivants, à constater lui-même sa diplopie.

Une bougie étant placée à distance devant le malade, on met sur l'oeil sain

un verre rouge. Le malade voit deux images, l'une rouge, l'autre blanche.

Souvent la diplopie ne se manifeste qu'à la périphérie du champ du

Fig. 18. Champ du regard .dans la paralysie

du droit interne de l'OD (Morax). -

1.'ig. 19. Champ du regard dans la paralysie

du nerf moteur oculaire commun de l'OG.

- L'excursion normale ne se fait qu'en dehors

- dans le sens d'action du muscle droit externe

qui est intact (Morax). "

EXPLORATION DE LA MOTJLITÉ EXTRINSÈQUE DES GLOBES OCULAIRES. oh ,

regard binoculaire.. Il faut donc avoir soin de porter l'objet dans les direc-

tions extrêmes. On arrive au même résultat

en laissant l'ohjet fixe, et en imprimant à la .

tête du malade des mouvements en différents

sens, en haut, en bas, à droite, à gauche, et,

au besoin dans des directions obliques.

L'existence de la diplopie peut encore être

décelée par le déplacement des objets quand

on couvre alternativement deux yeux. Le

malade dit s'il constate ou ne les constate pas

un déplacement de l'objet quand l'écran passe

d'un oeil à l'autre., .

Baguette de Maddox. On place devant 1 un '

des yeux, l'oeil droit par exemple, un appareil très simple formé de un

ou plusieurs cylindres dans la position indiquée sur la figure 20. L'objet

lumineux (une bougie) vu par l'oeil droit se trouve remplacé par une ligne

lumineuse verticale. Si les yeux sont .en bonne fixation sur l'objet lumi-

neux; la flamme de la bougie vue dans sa-forme nor-

male par l'oeil- gauche est traversée verticalement

par une ligne lumineuse (fig. 21). Si la fixation est

incorrecte, la ligne lumineuse est à droite ou à gaur

che de la flamme suivant le siège de la parésie ocu-

laire. 11 y a diplopie transversale homonyme ou croi-

sée. On fait ensuite tourner la baguette de 90° devant

le même -oeil droit. Si la fixation binoculaire est

bonne, on voit une ligne lumineuse qui coupe trans-

versalement la flamme- de la bougie (fig. 22). Si la

fixation est défectueuse, le malade voit une ligne lumineuse horizontale au-

dessus ou au-dessous de la flamme de la bougie. IL y a diplopie verticale.

- [POULARDE

Kig. 20. Dagnctle de Maddux.

Fi ? 21. - Recher- -

clic de la diplopie

avec la baguette

de ltaddux. En 1,

ia Uamme de la

bougie est traver-

sée par une ligne

lumineuse vcrti-

cale la fixation est

enrreele. En 2, la

ligne verticale lu-

mineuse est à côté

de la llamme de la

bougie : la fixation

est incorrecte, il y

a diplopie trans-

versale.

Fig. 22. Recherche de la diplopie avec la baguette de Maltdox.

En 4. la flamme de la bougie est traversée par une ligne lumineuse

transversale : la >fixation est correcte. En 5, la ligne transversale

lumineuse est au-dessus de la flamme de la bougie : la fixation est

incorrecte, il y a diplopie verticale. '

. 22 " -- TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE. ..

Mensuration de la diplopie (et, par suite, de l'insuffisance muscu-

.laire). - -Cette méthode est basée sur l'égalité de l'angle d'écartement

,des doubles images avec celui de- la déviation oculaire. La distance qui

sépare les deux imagés sur une surface de projection plane représente la

tangente de ces angles. Cette distance étant connue ainsi que celle qui

sépare l'oeil de la surface de. projection, on peut déduire le degré du stra-

bisme. ,

Un tableau représentant la projection centrale d'une sphère de 2 ? 25 due

rayon avec méridiens et cercles parallèles (tout à fait analogue comme forme

aux schémas du champ visuel), est placé à ? 2 du sujet à examiner.

. La tête de celui-ci, bien fixée, est à la hauteur du centre de la sphère;

un verre rouge couvre un oeil. L'observé voit deux images, l'une blanche

l'autre rouge, plus ou moins écartées l'une de l'autre. Grâce à un calcul

préalablement fait, on petit lire sur le tableau, dans le point occupé par

la fausse image, quel est le degré de déviation oculaire. ' ,

On peut suivre sur ce tableau, par la constatation d'un rapprochement

ou d'un éloignement des images, les améliorations ou les aggravations

qui se produisent dans la diplopie, ou, ce qui est la même chose, clans la

déviation oculaire. " ' : '...- .

Avec le même tableau, on peut, par un autre moyen, mesurer le degré

d'insuffisance des muscles parésiés. Le malade étant placé dans les con-

ditions de l'épreuve précédente, l'observateur promène unebougie dans

toute l'étendue du tableau en suivant les divers méridiens. Il note sur

chacun d'eux le point auquel apparaît la diplopie, c'est-à-dire le point

où commence l'insuffisance du muscle parésié. Ensuite, il joint par

une ligne la série des points et obtient ainsi une ligne appelée ligne de

démarcation. Sa direction et sa position varient, on le conçoit, avec- les

muscles paralysés et le degré de paralysie. ' "

. On peut également utiliser le mur quadrillé pour la mensuration de la

diplopie, il suffit d'inscrire sur ce mur la projection d'une sphère avec

cercles parallèles. "

III

EXPLORATION DE LA MOTILITÉ INTRINSÈQUE DU GLOBE

EXPLORATION DE. L'ACCOMMODATION

, L'accommodation est le pouvoir que possède l'oeil de s'accommoder

aux distances, d'augmenter ou de diminuer sa réfringence, 'suivant que

l'objet fixé. est plus près ou plus loin de l'oeil. Grâce à cette augmentation

de réfraction des milieux transparents, à mesure que l'objet se rapproche,

l'image de celui-ci se forme toujours nette sur la rétine, quelle que soit

sa distance par rapport à l'oeil (ng. 25). -

L'augmentation de réfraction est due à des modifications de forme du

: c EXPLORATION DE LA 110TfLITL INTRINSÈQUE DU GL'ODE. 23

cristallin, sorte de. lentille élastique, sous l'influence d'un muscle circu-

laire qui entoure sa circonférence, le muscle ciliaire. , "

Dans certaines circonstances, une altération du muscle ciliaire, un

changement dans la structure du cristallin peuvent supprimer- ou dimi-

nuer le pouvoir accommodateür de fil. ' ,

Comment constater une abolition ou une atténuation du pouvoir

'1("COMI-nod,itetir ? . '

Moyens pour explorer l'accommodation. - Ils sont très nombreux,

mais beaucoup d'entre eux supposent que l'observateur, ophtalmolo-

giste de profession, sait reconnaître l'état de réfraction du malade qu'il

observe (hypermétropie, myopie). ' " ,

Voici un procédé qui dispense de déterminer l'état de réfraction. 11 est

analogue à celui que j'ai indiqué au momént de la recherche de l'acuité

' ruLAan.7

Ivia. 23. Schémas destinés à montrer le rôle de l'accommodation pour adapter l'u'ii aux

distances. En A, l'objet lumineux est éloigné à l'infini, pratiquement au delà de 5 métrés.

Les rayons qu'il envoie, en arrivant il l'oeil, sont parallèles. Pour que l'image du -point

lumineux se fasse sur la macula (il['), le cristallin Ci ne se modifie pas. En B, le point

lumineux est plus près en os. Les rayons qu'il envoie sont divergents en arrivant à l'aeil.

le crishHin au- repos n'a pas une action réfringente suffisante pour collecter ces- rayons

divergents -et les faire converger en un point sur la macula )le. Il est oblige de se bomber

1;=, d'accommoder d'une certaine quantité proportionnelle il la divergence du faisceau itici-

dent. En C, le point lumineux 0' est encore plus proche, le faisceau qui en part plus

divergent. Pour que l'image de ce point aille se faire sur la macula, il faut que le cris-

lallin exerce une action réfringente plus grande encore et se bombe davantage C3. En a, b, c,

schémas montrant l'action réfringente différente exercée sur un faisceau parallèle par les

cristallins C, Cs C5 il divers, états d'accommodation. F £ F2 F3 les foyers de ces trois cristal-

lins. Les modifications de forme du cristallin, suivant ses différents états de réfringence, sont

marqués en quadrillé.

21 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

visuelle. Il se fait d'ailleurs dans les mêmes conditions, avec l'échelle

optoinctriquc placée il 5 mètres et la petite boite de verres.

Faites l'épreuve des verres concaves et convexes, comme elle est indi-

quée à propos de la recherche de l'acuité visuelle. Essayez d'abord la

série des concaves, ensuite la série des convexes.

Laissez devant-l'oeil, pour poursuivre l'examen : 1° le verre concave le

plus faible qui donne la meilleure acuité visuelle, ou bien : 2" le verre

convexe le plus ¡l : J1't.<¡ui : donne le maximum d'acuité visuelle.

L'oeil, ainsi muni de son verre, est rendu emmétrope; il voit l'échelle

sans accommodation, au repos; il est lotit prêt pour un examen très

précis de l'accommodation. "

Placcz devant lui un verre concave de 1 dioptrie. La vue se trouble :

c'est que l'accommodation est nulle. La vue reste claire : c'est que le

malade a au moins une dioptrie d'accommodation. Continuez, dans ce

dernier cas, à monter dans la série des verres concaves, prenez les

nos 2, 5, 4, 5, allez même plus haut jusqu'à cc que l'un des verres

trouble franchement la vue. Supposons que ce verre concave troublant la

vision soit le n° 5. Vous en concluez : l'accommodation est moindre que

5 dioptries, soit environ 4 dioptries. Le verre concave le plus fort qui, dans

ces conditions, peut être placé devntlll'oeil sans troubler nettement la vue,

mesure,' en dioptries, la puissance d'accommodation de l'oeil examiné.

Dans celte méthode, l'application devant l'oeil d'un verre concave,

diminue la réfringence et exige, pour que la vision reste nette, une aug-

mentation compensatrice de la réfraction du globe oculairc, c'est-à-dire

un certain degré d'accommodation. Le verre concave oblige t'accommo-

dation il se montrer, il se mesurera lui. Il mesure le pouvoir d'accom-

modation (fig. 24).

Telle est une façon précise de mesurer l'accommodation. On peut,

il est vrai, par d'autres moyens, se rendre compte d'une perle de l'ac-

commodation. La diminution ou la perte de la vision de près, tandis que

a vision au loin reste bonne, doit faire penser il une diminution ou perte

Fig. 24. Mesure de- l'accommodation il l'aide de verres concaves. Schémas pour expliquer

l'action des verres concaves sur l'accommodation : A, oeil normal ; C, cristallin au repos.

B, oeil en accommodation modérée : le cristallin cr se bombe et augmente sa réfringence,

son pouvoir convergent, pour compenser exactement l'aclion divergente de la lentille bicon-

cave L'. C, oeil en accommodation forte : le cristallin C" se bombe fortement, augmente

beaucoup sa réfringence, son pouvoir convergent, pour compenser exactement l'action diver-

gente de la lentille 1 ? Les lentilles 1/ et L" mesurent exactement la quantité d'accommoda-

tion mise en jeu par les crislallins C' et C".

EXPLORATION DE LA 310TILTTÉ INTRINSÈQUE DU GLOBE. 5

de l'accommodation, mais c'est la un signe incertain qu'il faut toujours

contrôler par le procédé que je viens d'indiquer.

Au lieu de mesurer la puissance d'accommodation il l'aide de verres

concaves, on pourrait le faire en plaçant un objet (lettres très fines),

il des distances de plus en plus rapprochées du sujet en observation,

muni des verres correcteurs de son amétropie s'il n'est pas emmétrope.

Ou note la distance il laquelle les lettres fines commencent à se troubler.

A ce moment l'oeil a donné son maximum d'accommodation.

Par un calcul facile on détermine la puissance d'accommodation de

l'oeil. Si le trouble apparaît à 50 centimètres, le sujet n'a pas 2 dioptries

d'accommodation, s'il apparaît seulement à 25 centimètres le sujet n'a pas

4 dioptries d'accommodation. C'est un procédé moins précis que le premier.

EXPLORATION DE LA MOTILITÉ PUPILLAIRE

La pupille il l'état normal, ne se tient guère en position fixe; elle mo-

difie continuellement ses dimensions, se dilate et se rétrécit alternative-

ment. Ces mouvements pupillaires sont provoqués par des causes mul-

tiples, la lumière, la convergence, l'accommodation, une sensation

cutanée, une pensée, une émotion. Ils se font tous par le mécanisme du

réflexe. La volonté nua sur eux aucune action directe.

Dans beaucoup de. circonstances pathologiques, ces mouvements

réflexes de la pupille sont abolis ou atténués.

Réflexe à la lumière.

1° Recherche à la lumière du jour. Le malade est placé au

grand jour, près d'une fenêtre. Il a le regard tourné un peu en haut

vcrs le ciel lumineux. L'observateur, placé devant lui, couvre avec ses

. [POULARD ]

Fig-. 21. - npt'herdw <lu l'l'lIexc pupillail'c à la IUll11 ? c du jour. - -1" temps : les yeux du

sujet, grands ouverts et dirigés vers la fenêtre d'où vient le jour, sont couverts par les mains

de l'observateur.

2G TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL. OCULAIRE.

deux mains les yeux grands - ouverts du malade (fig. 25). Vivement on

découvre un oeil, et la pupille frappée par la lumière se contracte devant

l'observateur (fig. 26). On répète M même expérience pour l'oeil du côté

opposé.

Il importe, dans cette épreuve, que les yeux du malade restent bien

ouverts sons la main de l'observateur, que les paupières ne clignent pas

au moment où l'oeil est découvert, que le regard soit bien dirigé au loin

vers le ciel, conditions qu'il est toujours facile de réaliser, sinon â `la

première épreuve, du moins aux suivantes. ' ,

2° Recherche à la lumière artificielle. Cette épreuve se fait dans

Une chambre noire ou obscure avec une lampe et une loupe. Le malade

Fig. 26. Recherche du réflexe pupillaire à la lumière du jour. il temps : 'l'observateur'

enlève brusquement sa main et voit la pupille se contracter sous l'action de la lumière.

Fig. 27. - Recherche du réflexe pupillaire à- l'aidé de la lentille convergente. Le faisceau

lumineux divergent f1 qui vient de la lampe A est recueilli par la lentille B et transformé

en un faisceau convergent f2 très lumineux qu'on envoie dans l'oeil. L'un des yeux est couvert

par la main. ' ,

EXPLORATION DE LA MOTILITÉ INTRINSEQUE DU GLOBE. 27 7

1 , , . - 1

est placé dans la position qui convient à l'examen ophtaliiioscopique. A

l'aide de la loupe, interposée entre la Lampe et,l'oeil de l'observé, on fait

arriver sur l'un des yeux un faisceau lumineux. Aussitôt la pupille se

contracte. Même expérience pour l'oeil de l'autre côté (fig. 27).

On peut se dispenser de loupe. La lumière d'une bougie ou d'une

queue de rat, d'une lampe électrique est suffisante. Tandis que le ma-

lade couvre l'un de ses yeux avec la paume de sa main, on fait arriver

brusquement la lumière sur l'autre oeil. Même expérience pour le second

oeil (fig. 28 et 29)." '. , " , " .

\ , . [POULARD.]

Fig. 28. Recherche du réllexe lumineux i'8J'aide de la bougie. 1 ? temps : la malade

couvre avec la main son oeil droit. Le medcjp examine l'oeil gauche. Il forme avec sa maiu

gauche un écran derrière lequel se trouve la bougie allumée. - .

Fis. 29. Recherche du réflexe lumineux à l'aide de la bougie. 2*' temps : le médecin

enlève brusquement sa main qui fait écran, la bougie éclaire lad et la pupille se contracte.

28 ' ; TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

. Dans ces épreuves il importe que le malade regarde au-loin; l'action de re-

garder un point rapproché provoquant toujours une contraction pupillaire.

D'ailleurs, pour plus de certitude, on peut et on doit répéter l'expé-

rience plusieurs fois de suite. ,

La constatation du -réflexe à la lu-

mière est plus facile encore à l'aide

des appareils ici représentés (fig. 50

et 51). Ils permettent d'opérer dans

l'obscurité et d'illuminer l'oeil brus-

quement. L'observateur donne ou in-

terrompt l'éclairage par simple pression

sur un bouton interrupteur. Il n'a

d'autre souci que de regarder à travers

l'appareil une. pupille très amplifiée',

dont il voit Ttvec facilité la contraction

depuis son début jusqu'à la fin. Ce

moyen permet de constater les réac-

tions pupillaires invisibles à l'oeil nu

et par les procédés habituels, d'éclai-

rage.

5° Réflexe consensuel. A l'état

physiologique normal; l'excitation lu-

mineuse d'une rétine amène la con-

traction synergique, simultanée, des

deux pupilles, celle de l'oeil éclairé (réflexe homolatéral) et celle dé

l'autre oeil (réflexe hétérolatéral). Pour rechercher l'existence ou l'absence

Fig. 30. - Examen du réllexe lumineux

à la loupe. A, lampe électrique avec

réflecteur; B, loupe; C, boulon inter-

rupteur permettant à l'observateur

d'interrompre à son gré la lumière.

Fig. ? Recherche du réflexe lumineux a la loupe. A. lampe électrique

et système de lentilles faisant converger la lumière sur l'oeil; B, loupe; C, interrupteur.

EXPLORATION DE LA ÎIOTILITÉ INTRINSÈQUE DU GLOBE. 2''

de ce réflexe, on procède comme dans le cas précédent, mais on observe

les mouvements de la pupille de l'oeil du côté opposé, restée dans une

obscurité modérée.

Quand on a préalablement constaté que le réflexe homolatéral n'existait

pas dans l'un des yeux, et qu'on veut rechercher dans ce même aeil l'eis-

tence du réllexe hétérolatéral, il n'est pas besoin de prendre la précau-

tion de le laisser dans une demi-obscurité. On peut projeter franchement

une lumière vive sur les deux yeux simultanément, ce qui rend l'inspec-

tion pupillaire plus facile et la réaction plus intense.

Un appareil électrique ingénieux a été fait récemment, qui facilite la

recherche du réflexe consensuel. Une coquille pouvant s'appliquer sur le

pourtour de l'orbite, porte il son centre une petite lampe électrique ali-

mentée par une pile sèche contenue dans le manche du petit appareil. On

peut à l'aide d'un bouton interrupteur, allumer ou éteindre à volonté la

lampe. La coquille étant placée sur l'oeil ouvert, on allume brusquement

la lampe et on constate le réflexe consensuel du côté opposé resté décou-

vert.

Il serait possible, avec un appareil électrique analogue à celui-ci, de

doser la quantité de lumière projetée sur la pupille. On pourrait, dans

ces conditions, non seulement constater l'existence, mais encore mes/{-

l'er le degré de la inutilité réflexe de l'iris il la lumière.

Une autre manière de constater l'existence du réflexe consensuel, con-

siste, en se tenant au jour, il faire l'occlusion d'un oeil, tandis qu'on

observe l'oeil découvert pour voir s'il ne se produit pas une légère dilata-

tion pupillaire.

4° Réflexe hémianopique. Dans certains cas d'hémianopsie, le

réflexe lumineux ne se produit pas quand les rayons lumineux frappent

exclusivement la moitié aveugle de la rétine; il se produit, au contraire,

si la lumière frappe la moitié voyante de la rétine. Quelquefois, la réac-

tion pupillaire se produit par éclairage des deux moitiés de la rétine,

mais avec une inégale intensité (réaction hémianopique relative).

La recherche de ce signe est difficile; il est indispensable, en effet, de

projeter dans l'oeil un faisceau lumineux étroit qui ne puisse diffuser sur

la portion voyante de la rétine. '

Pour cela, on se sert d'une lampe munie d'un écran opaque percé

d'un orifice étroit au travers duquel passe un petit faisceau lumineux

peu intense. Les rayons de ce faisceau lumineux sont recueillis et con-

centrés par une lentille placée entre la lampe et l'oeil du malade. Ils

arrivent ainsi au niveau de la pupille sous forme d'un petit filet de lu-

mière que l'on projette obliquement sur la portion hémianopique de la

rétine.

Il existe un petit appareil électrique formé d'un tube contenant une

lampe électrique et des lentilles disposées de telle façon que le petit

faisceau lumineux sortant vient converger il 4 centimètres de l'extrémité

du tube. On peut interrompre brusquement et à volonté la lumière.

[POULARD.]

aU TROUBLES NERVEUX. DE L'APPAREIL OCULAIRE

Réflexe dans le passage de la vision lointaine

à la vision rapprochée.

Quand les yeux passent de la vision lointaine à la vision rapprochée,

la pupille se contracte fortement. C'est ce réflexe qu'on appelle quelque-

fois réflexe il la convergence ou réflexe il l'accommodation.

En réalité, ce réflexe n'est lié ni il l'accommodation ni il la convergence.

Accommodation, convergence et rétrécissement pupillaire sont trois phéno-

mènes utiles ¡lia vision de près et qui se produisent tous les trois en

même temps sous l'action d'une cause commune et non sous une

influence réciproque. Ces réflexes peuvent, en elle ! , être atteints isolé-

ment, sans que l'altération de l'un d'eux empêche les autres de se pro-

duire. L'accommodation peut être nulle avec un réflexe pupillaire parfait,

la convergence peut être abolie et la pupille continuer à réagir normale-

ment dans la vision rapprochée. Les dénominations de réflexe a t'accom-

modation. réflexe il la convergence, ont donc l'inconvénient d'établir

entre ces diverses fonctions un lien causal qui n'existe pas.

Pour rechercher ce réflexe, l'observateur invite le malade il porter son

regard au loin. Puis, il lui demande de fixer brusquement son doigt

placé il 30 centimètres des yeux. Pendant ce passage de la vision loin-

taine à la vision rapprochée la pupille se contracte.

Réflexes aux excitations cutanées.

Le malade regardant au loin, on inspecte la pupille tandis que sont

pratiquées sur la peau des excitations diverses (piqûres, pincement, cha-

louillcmuut, courant électrique...). On voit la pupille se dilater lente-

ment et quelquefois d'une manière considérable. C'est un réllexe irido-

dilatateur.

Celte exploration doit être faite dans un endroit sombre, permettant

cependant l'observation de la pupille, mais empêchant l'action irido-con-

strictive de la lumière vive.

Réflexe à l'occlusion des paupières.

1" On demande à l'observé de fermer fortement les yeux. Au moment

où il les ouvre ensuite, on note si la pupille est plus étroite ou plus

grande qu'avant l'occlusion, si elle grandit au moment de l'ouverture.

'2" On demande encore de fermer les yeux, mais on s'oppose celte fois il

l'occlusion, en maintenant les paupières avec les doigts. Et on regarde

si, pendant cet effort d'occlusion, la pupille se contracte.

Il est certain (pie l'éclairage de la pièce dans laquelle on observe, doit

avoir une grande influence sur ces réflexes. Il faut toujours opérer dans

les mêmes conditions et dans un endroit sombre.

EXPLORATION DE LA 110TTT.TTI' INTRINSÈQUE DU GLOBE. 51

Réflexe d'origine psychique.

Il suffit d'attirer l'attention du malade sur un objet lumineux, de le

l'aire penser à un objet lumineux et on voit la pupille se contracter. Piltz

réussit également à provoquer un mouvement de dilatation en deman-

dant à l'observé de penser à un ohjet sombre.

IV

,

EXPLORATION DE LA CONJONCTIVE ET DE LA CORNÉE

Pour explorer la sensibilité de la conjonctive et de la cornée, on se

sert d'un fil de platine mousse et flambé avec l'extrémité . duquel on fait

de légers attouchements à-la surface de la conjonctive et de la cornée.

Le même procédé permet de rechercher l'existence ou l'absence des

réflexes cornécn et conjonctival. L'attouchement de la cornée et de la

conjonctive provoque l'occlusion des' paupières et souvent l'hypersécré-

tion lacrymale.

Quand on veut mesurer méticuleusement la sensibilité cornéenne, on

peut utiliser une série de cheveux de grosseur variable, avec l'extrémité

desquels on presse la . cornée jusqu'à ce que le cheveu s'incurve. Pour

chacun des cheveux de la série, on a' déterminé à l'avance le degré de

pression qu'il exerce au moment de son incurvation. On recherche le

cheveu le plus faible qui, au moment de son incurvation, parvient à

donner une sensation cornéenne.

On peut encore utiliser un instrument ingénieux, construit par le

11'' Cerise (fig. 52), et fondé sur la méthode précédente. Une aiguille note ,

sur un cadran la pression exercée par le cheveu au moment où la sensa-

tion est perçue. ?

[POULARD.]

l' i. 02. - Eslhésiomètrc du D' Cerise. - (A) 1, boite renfermant un ressort spécial ;

2, petit pignon; 3, grande roue dentée; 4, ressort de pression. - (C) 1, aiguille;

2, ressort : 5, petit pignon; 4 grande roue dentée; 5r platine.

52 . TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

. V ' ..

EXPLORATION DES PAUPIÈRES

La sensibilité des paupières au contact, à la douleur, à la température,

se fait de la même façon que pour le tégument.

Je n'ai pas besoin d'insister sur lamanière dont il faut explorer les divers

mouvements palpébraux (élévation,, abaissement, occlusion, écartement).

Il est également facile de rechercher les divers, réflexes palpébraux :

réflexes d'occlusion à l'excitation cornéenne ; à la projection de lumière

vive; à l'attouchement du bord palpébral; réflexe de défense à la projec-

tion vers l'oeil d'un objet pointu ou susceptible de blesser (réflexe de

crainte). Seule, la mensuration du ptosis mérite une description.

Mensuration du ptosis. On se sert du périmètre. L'oeil est placé

comme pour l'examen du champ -visuel, l'arc périmétrique est dans le

plan vertical. Partant du centre de l'arc on promène de bas en haut un

index sur lequel sont imprimées des lettres. L'oeil suit les lettres et les

lit jusqu'au moment où la pupille en ascension vient se cacher sous la

paupière en ptosis. On note le degré de l'arc périmétrique au niveau

duquel l'index cesse d'être perçu. C'est le degré du ptosis. Normalement,

l'oeil peut suivre l'objet et lit les lettres jusqu'à 45° (fig. ? ). '

On peut aussi, comme pour la mensuration d'un strabisme, utiliser la

la bougie en réflexion sur la cornée. Quand la cornée disparait sous la

paupière on note le point de l'arc où se trouve la bougie.

Fig. 53. Mensuration du ptosis à l'aide du périmètre. En A, la paupière a son excursion

normale. La pupille suit l'objet jusqu'en d sans disparaître sous la paupière qui s'élève en

même temps. En B, la.paupière n'a pas son excursion normale. La pupille suit l'objet jus-

qu'en d', mais, au delà de ce point, la pupille se cache sous la paupière arrêtée; d' marque

la limite extrême d'excursion de la paupière. PP', arc périmétrique vertical; en C, le zéro de

l'arc périmétrique. -

DEUXIEME PARTIE

VALEUR SÉMÉIOLOGIQUE

DES TROUBLES NERVEUX DE L'OEIL

i

DIMINUTION DE LA VISION - AMBLYOPIES ET AMAUROSES

Diminution de la vision. Innombrables sont les affections qui peu-

vent produire une diminution de la vue. Vices de réfraction, trouble des

milieux transparents intraoculaires (cornée, cristallin, vitré); affections

des membranes qui tapissent l'inférieur de la coque oculaire (scléro-

tique, choroïde, rétine), et enfin lésions des voies optiques dans toute

leur longueur, de la rétine il l'écorcc cérébrale. Il importe de connaîlre

toutes ces différentes causes de diminution de la vue, pour les éliminer

quand on soupçonne une lésion des voies optiques. J'ai d'ailleurs indiqué,

il la partie technique de ce chapitre, la manière de procéder à cette éli-

mination (Voir Acuité visuelle).

Actuellement je ne m'occupe que des diminutions de la vue imputables

aux lésions des voies optiques.

ACLYortESErAMAunosES. Le mot amblyopie, dans le sens large,

signifie toute diminution de l'acuité visuelle quelle qu'en soit la cause

(lésions du globe oculaire, des milieux transparents ou des enveloppes;

lésions des voies nerveuses reliant le globe au cerveau).

Plus souvent, on emploie le mot amblyopie dans un sens restreint. On

ne regarde pas comme des amblyopies : les affections du globe visibles à

l'oeil nu, comme les kératites, les cataractes, ou visibles à l'ophtalmo-

scope. comme les rétiniles, les ehoroïditos, les vices de réfraction; seules

les diminutions de vision sans lésions oculaires appréciables à l'oeil ou à

l'ophtalmoscope portent le nom d'amblyopies. L'amblyopie considérée

dans ce sens restreint, « l'amblyopie sans signes ophtalmoscopiques)). est,

dans l'immense majorité des cas, produite par une lésion de l'appareil

nerveux optique (lésion rétinienne invisible il nos yeux, lésion des nerfs

optiques, du chiasma, des bandelettes, des fibres optiques dans leur tra-

jet hémisphérique jusqn l' écOl'Cl' el'rébrale). Mais, la situation exacte des

lésions sur la voie optique, leur nature, connues dans quelques cas

(ht;llIianopsil'...), sont totalement ignorées dans d'autres (intoxication

alcoolique, urémique, etc.). '

L'amaurose ne diffère de l'amblyopie que par le degré de diminution

de la vue. La perle de la vision est totale dans t'amaurose. L'amblyopie

en s'aggravant progressivement aboutit il l'amaurose. Les causes de

l'amaurose sont celles de l'amblyopie.

PllATIQUB NEUI10L. 5

[POULARD.]

54 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

Amblyopie hystérique. La vision dans l'hystérie peut se

trouver modifiée sous diverses influences (') : '

1 ° Troubles visuels par action dynamique sur l'accommodation

(spasme..., asthénopie, etc.). Dans ce cas les troubles visuels ne sont

nullement le résultat d'une lésion des voies optiques. Ils proviennent

d'un trouble nerveux moteur du muscle ciliaire. Ils peuvent exister avec

une intégrité parfaite de la sensibilité rétinienne.. '

2° Troubles ,isuelsJ6sultant d'une lésion organique, circulatoire ou

inflammatoire. Tels sont l'hyperémic du nerf optique, la névrite optique,

la névro-rétinite, les exaspérations d'irido-choroïdite, les kératites, les

iritis, l'épisclérite, l'herpès cornéen,' etc.... Ces affections accompagnées

de lésions anatomiques. évidentes ne sont pas des amblyopies. Elles ne

sauraient non plus être mises sur le compte de la névrose. Elles sont peut-

être en relation avec les troubles des organes sexuels si fréquents chez

la femme, mais elles n'ont point de rapport avec l'hystérie.

71° Troubles visuels par action dynamique sur le système nerveux

optique (rétine, nerf optique, chiasma, capsule interne, écorce). ,

Ce dernier groupe est celui des amblyopies et amauroses hystériques.

Pour rester d'accord avec notre définition, nous ne devons considérer

comme amblyopie ou amaurose hystérique que la diminution ou la perte

de la vision d'origine nerveuse, la diminution de la 'sensibilité rétinienne

sans lésions objectivement appréciables. '

Amaurose bilatérale : Cécité absolue. Réflexes pupillaires conservés.

Elle a tous les caractères d'une cécité d'origine corticale. Elle est passa-

gère et guérit complètement au bout de quelques jours ou de quelques

semaines. Le retour de la vision, comme sa disparition, se fait d'une

manière brusque on progressive. Elle est curable complètement par la

persuasion aidée d'une médication^ locale quelconque (frictions à la

tempe, verres fumés, colorés, concaves, convexes).

On en fait le diagnostic par les caractères précédents et la coexistence

d'autres signes d'hystérie. Il faut la distinguer de l'amaurose par double

hémianopsie cérébrale (cécité corticale), de l'alnaurose par troubles cir-

culatoires cérébraux. L'embolie de l'artère centrale de la rétine, certaines

formes de névrite optique rétrobulbaire à début brusque, présentent des

lésions ophtalmoscopiques et s'accompagnent de modifications dans la

.réaction pupillaire. Je ne puis croire à la nature hystérique des amauroses

avec abolition du réflexe pupillaire.

Amaurose unilatérale.- Cécité d'un oeil. Réllcxe pupillaire conservé.

Presque toujours hémianesthésic du côté correspondant. Rétrécissement

du champ visuel du côté opposé. L'oeil, amblyope à l'état isolé, fonctionne

1. Beaucoup des troubles visuels que je signale ici n'ont rien il faire avec l'hystérie.

Mais il est difficile, dans un traité de pratique médicale, de rompre brusquement et sans

explication avec d'anciens usages, même s'ils sont ostensiblement mauvais. La même

réflexion s'applique à plusieurs des signes oculaires qu'on a coutume d'appeler stigmates

de l'hystérie. '

- DIMINUTION DE LA VISION. 55

souvent dans la vision binoculaire. Diagnostic et traitement comme pour

l'amaurose double.

Amblyopie hystérique. Souvent il n'y a pas perte, mais seulement

diminution de la vision. L'atteinte porte, en général, sur la vision péri-

phérique (Voir RÉTRÉCISSEMENT du champ visuel) , quelquefois sur la vision

centrale et périphérique en même temps. '

Dans certains cas, on aurait observé de l'achromatopsie hystérique.

Les objets sont vus dans leur forme mais sans leurs couleurs. Ils ont

une teinte grise d'intensité variable. .

Hyperesthésie rétinienne. Avec une amblyopie hystérique peut

coexister une hyperesthésie rétinienne à la lumière. Ce fait semble contra-

dictoire. Ce n'est qu'une apparence. La sensibilité rétinienne est, en effet,

dissociable. Une altération. de la vision pour les formes peut exister en

même temps qu'une exagération de la sensibilité à la lumière.

Stigmates oculaires de l'hystérie. Voici rémunération des signes

oculaires les plus importants attribués à l'hystérie :

Champ visuel du rouge et des autres couleurs plus étendu que celui du

blanc ; , -

Dyschromatopsie caractérisée par l'inversion spéciale du champ des

couleurs ; ,

Contracture de l'accommodation et contracture de la convergence, sur-

tout chez les enfants;

Polyopie monoculaire, symptôme qui accompagne la contracture de

l'accommodation ;

ou difficulté d'appréciation de la dimension véritable

des objets qu'on regarde; c'est encore un trouble accompagnant la con-

tracture de l'accommodation ;

Contracture primitive des mouvements associés de direction;

Illéhliarospasmc tonique ; -

Ptosis pseudo-paralytique ; -

Dissociation entre les mouvements volontaires et les mouvements

réflexes dans l'ophtalmoplégic ;

Défaut des mouvements associés de direction ;

Dissociation entre les mouvements associés de convergence et de direc-

tion ; ,

Dissociation des mouvements déterminés par les différents facteurs de

convergence;

Rétrécissement concentrique du champ visuel.

Cette énumération, longue mais encore incomplète, nous montre la mul-

t'phcité des troubles oculaires attribués à l'hystérie. Toutes ces manifes-

tations groupées provisoirement sous le nom d'hystérie se dissocieront

bientôt, parce qu'elles ne sont certainement pas le fait d'une même

affection nerveuse. Aussi, est-ce sans conviction et seulement pour sacri-

fier encore à un usage sur le point de tomber en désuétude que j'ai pro-

duit l'énumération précédente. " .

IPOVLARD.l

5fi ')'n()U) ! L);SE)iYEU\DHL'AÏ't'.\t : H ! LOOELA ! ! u ?

Amblyopies réflexes. - Certaines affections de l'organisme,

paraissant agir par action réflexe, amènent des troubles visuels avec dimi-

nution de la vue.

A) Troubles oculaires dans les affections du système utérin. Au

cours d'une affection de l'utérus (augmentation de volume, déplace-

ment, etc.) surviennent des obscurcissements de la vue, un rétrécis-

sement du champ visuel, souvent de la photophobie, des douleurs, du

larmoiement. Dans beaucoup de cas il y a parésie accommodative,

c'est-à-dire fatigue rapide dans le travail appliqué des yeux.

Tous ces troubles sont passagers. Ils disparaissent par le repos, revien-

nent pendant le travail. Il y a comme un manque de résistance de l'appa-

reil nerveux, quand on lui demande de fonctionner. Ces troubles oculaires

(comme d'ailleurs toutes les amblyopies réflexes) ne s'accompagnent pas

d'altérations graves; ils disparaissent en un temps plus ou moins long,

souvent plusieurs années. L'amélioration des organes génitaux exerce sur

eux une bonne influence.

B) Troubles visuels dans les affections de la face (nerf trijumeau).

Les névralgies dentaires, consécutives il des caries ou à des abcès,

amènent quelquefois des troubles semblables aux précédents. La névralgie

des dénis supérieures semble les provoquer plus facilement. La lésion

des branches cutanées du trijumeau (inflammation, cicatrices) peut avoir

un effet analogue.

C) Troubles visuels par vers intestinaux. Il manque des observa-

tions récentes et précises sur cette variété (\ ' : 1111 hlyopie fréquemment

signalée par les anciens auteurs.

Les troubles visuels que nous avons, suivant l'usage, groupés sous le

nom d'amblyopies réflexes, ne sont pas seulement constitués par une

altération des fonctions visuelles de la rétine. En même temps qu'une

diminution de la vue, et un rétrécissement du champ visuel, il peut y avoir

photophobie, douleurs, larmoiement, infection ciliaire, parésie ou contrac-

tion de l'accommodation. Le nom d'amblyopies ne leur convient donc

qu'en partie, il ne désigne qu'une partie seulement des troubles. Quant

au mécanisme de leur production, il est, pour le moment, fort mal

connu; l'explication par réflexe semble bien n'être que provisoire.

Amblyopie par double hémianopsie. Voir Ill : ml.worslc.

Amblyopie nicotino-alcoolique. Produite par l'action

isolée ou combinée du tabac et de l'alcool, elle est caractérisée par une

diminution ou abolition de la vision centrale avec conservation de la

vision périphérique.

L'existence d'un scotome central double, d'abord limité aux couleurs

verte et rouge (scotome relatif) et s'étendant ensuite au blanc (scotome

absolu) est caractéristique de l'amblyopie nicotino-alcoolique (flg. 54).

L'acuité visuelle s'atténue jusqu'à 1,10 cl au delà. Les signes opht : ))-

tlloscopiclucs, llcul accusés, consistent en une décoloration de la partie tem-

porale de la papille. L'évolution est lente. Le retour à l'intégrité parfaite

DIMINUTION DE LA VISION. 57

est de règle si les lésions ne sont pas trop accusées, si la diminution de

V n'est pas trop considérable et si le scotome central n'est pas absolu :

L'amblyopie nicotino-alcoolique est une altération dégénérative loca-

lisée aux éléments nerveux de la macula.

Amblyopies par le plomb, l'opium, la belladone, la

quinine, le salicylate de soude. Les troubles visuels dus à

l'intoxication saturnine sont souvent le fait d'une lésion du nerf optique

(névrite, atrophie) visible à l'ophtalmoscope. D'autres fois, l'examen le

plus minutieux ne révèle aucune lésion ophtalmoscopique, et les troubles

visuels rentrent dans le groupe des amauroses. ,

Le pronostic est grave quand if y a des signes ophtalmoscopiques de

névrite ou d'atrophie. Les cas les plus favorables sont ceux dans lesquels

l'amblyopie ou l'amaurose se développent brusquement.

Les troubles visuels causés par la quinine, l'opium, la belladone, le

salicylate de soude, le sulfure de. carbone, demandent à être connus,

mais ils sont rares et n'ont pas d'ailleurs, pour le neurologiste, une im-

portance primordiale. '

Amblyopie diabétique. Parmi les nombreux troubles ocu-

laires du diabète (cataracte, paralysie des muscles, rétinite, hémorra-

gies), on peut observer une diminution de la vision sans signes oplital-

moscopiques, une véritable amblyopie. Elle présente les mêmes caractères

que l'amblyopie nicotino-alcoolique : diminution de la vision centrale et

conservation de la vision périphérique, scotome central absolu ou relatif

(voir p. zig). Il faut toujours, en présence d'une semblable amblyopie

chez un diabétique, rechercher s'il n'y a pas, chez le même individu,

intoxication par le tabac et par l'alcool.

Amaurose urémique. A la suite d'une attaque urémique

grave (convulsions, perte de connaissance) ou légère (céphalalgie, lour-

deur intellectuelle, simples nausées) survient brusquement une cécité

absolue, sans signes ophtalmoscopiques. Les réflexes pupillaires sont

conservés. En un, deux, trois jours la vue revient complètement.

Autres amblyopies. Il peut encore survenir des amblyopies à

la suite d'hémorragies. abondantes, dans les anémies graves, avant et

après la syncope, dans la fièvre intermittente, etc.

Exceptionnellement, on voit des amauroses brusques et complètes, comme

celle de l'urémie, survenir chez des gens en apparence bien portants,

et qui n'ont aucun signe d'urémie, ou d'hystérie. Cette amaurose s'amé-

liore peu à peu et guérit en quelques jours. Les causcs en sont inconnues.

Amblyopie ex anopsia. Fréquemment les personnes qui sont t

on qui ont été atteintes de strabisme non paralytique présentent, dans un

oeil, une diminution de la vision, une amblyopie plus ou moins accentuée.

Cette amblyopie, dont la cause est attribuée à un défaut d'usage de l'oeil

strabique, ne s'accompagne d'aucune lésion rétinienne. Elle est d'ailleurs

curable en grande partie ou en totalité, surtout chez les enfants, par la

rééducation, le retour au travail de l'oeil amblyope. z

. [FOULARD.]

58 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

Amblyopie héméralopique. - Le malade, qui voit très bien ou

assez bien pour se conduire en plein jour, perd presque complètement sa

vision au crépuscule. Il voit très bien dans une pièce claire, et n'y voit

plus du tout dans un couloir un peu sombre. Il a besoin pour voir d'un

grand éclairage. Cette affection qui s'accompagne de lésions rétiniennes

périphériques (rétinité pigmentaire) et d'un rétrécissement souvent consi-

dérable du champ visuel est d'ordinaire congénitale et augmente d'inten-

sité avec l'âge. Cependant, l'héméralopie peut être acquise et passagère,

sans lésions rétiniennes persistantes, dans certains cas de débilitation

considérable de l'organisme. , ' ,

Comme on le voit, un certain nombre de ces amblyopies accompagnent

des maladies nerveuses connues (hystérie, lésions du trijumeau, altéra-

tion des voies optiques intra-cérébrales, hémianopsie) ; d'autres, tout en

conservant comme intermédiaire le système nerveux,^ ont pour cause

primitive une intoxication (alcool, tabac, etc.); d'autres paraissent liées

à des altérations du sang (diabète, urémie, etc.); d'autres, enfin, ne

trouvent place dans aucun de ces groupes et, par ce fait, démontrent

l'insuffisance des classifications étiologiques actuelles.

n

LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL

côté des affections qui atteignent la totalité des fibres de la voie

optique et par suite toute l'étendue du champ visuel, il en. est d'autres,

plus nombreuses, qui touchent une partie seulement des fibres optiques

. et n'altèrent que certaines portions du champ visuel. '

La destruction d'une partie des fibres optiques entraîne toujours la

perte ue la vision aans une partie

du champ visuel, elle produit une

lacune dans le champ visuel. Les

objets placés au niveau de cette

lacune,, encore appelée scotome, ne

sont point perçus. '

Les lacunes peuvent varier dans

leur siège, leur forme et leur éten-

due. Toutes ces variations sont .uti-

lisables pour le diagnostic de la

nature et du siège des lésions pro-

ductrices des lacunes. En effet, les

affections qui entamant. le .champ

visuel ne le font pas au hasard,

mais d'une manière spéciale, va-

riant avec le siège et même la nature des lésions nerveuses.

. La lacune peut être centrale (fig; 34). Elle peut siéger à la périphérie

(lacune périphérique) et présenter des formes variées : lacune périphé-

Fig. 34.

Lacune centrale ou scotome central.

LACUNES DANS LE CHAMP- VISUEL..59

rique concentrique ou rétrécissement concentrique du champ visuel

(fig. 55) ; : lacunes périphériques irrégulières ou en encoches (fig. 56) ;

lacunes binoculaires homolatérales hémiopiqucs ou hémianopsie. (Voir -

I-lÉ\ ! L1\oPSIE, p. 45.) Enfin, elles peuvent occuper une place intei'I1Ír ! -

dia ire entre la périphérie et le centre; ce sont des lacunes intermé-

diaires (fig : 57) parmi lesquelles une variété intéressante, les lacunes

binoculaires homolatérales. (Voir Hémianopsie.) ,

- - Cpoazaxn.7

Fig. 35. Lacune périphérique concentrique ou rétrécissement concentrique du champ visuel

t) , (Morax). -

Fig. 58. Lacunes périphériques en encoches.; rétrécissement irrégulier du champ visuel

(Morax). '

Fig : 57. - Lacunes- intermédiaires [moraux].

40 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

Nous avons vu (page 11) comment on mettait en évidence l'existence

de ces. lacunes. Il nous reste maintenant à établir, leur valeur séméiolo-

gique"leur signification.

Lacune centrale. Scotome central.

Les troubles subjectifs sa réduisent, en général, à une diminution de

l'acuité visuelle; dans d'autres circonstances, le malade constate, de lui-

même, qu'il voit l'objètdu'il fixe plus mal que ceux du voisinage; enfin,

il arrive aussi, dans certaines variétés de lacunes, que le malade voit sur

l'objet qu'il fixe une tache noire, ou un voile. '

Ce dernier fait ne se produit que dans certaines variétés de scotome.

Il ne s'agit pas alors d'une interruption des fibres de la voie optique,

mais d'une interruption des rayons lumineux entre l'objet et les éléments

visuels (cône et bâtonnets). Une lésion, une hémorragie par exemple,

siégeant à la surface de la rétine ou même dans l'épaisseur de ses couches

superficielles sans destruction des éléments visuels, peut réaliser ces

conditions. Le malade voit sa lésion, son hémorragie. , '

Ainsi, dans la figure 58, une lésion hémorragique, située en L, em-

pêche les rayons lumineux venus du dehors d'arriver cuAB sur les

cônes et bâtonnets encore sains. Ceux-ci perçoivent une tache plus ou

moins foncée, ils voient l'hémorragie qui fait écran entre eux et le jour

extérieur. Au contraire, une lésion, destructive située en L2 pu en AB

au niveau des éléments rétiniens, amènera la perte de la vision dans la

J<'ig. 58. K, fibres dn nerf optique; L lésion située à la surl'arc de la rétine; .

Lo, lésion des libres optiques avant leur entrée ou à leur entrée dans l'oeil. -

LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL. 4't

portion AB de la rétine, sans donner lieu à aucune sensation objective.

De là le nom de scotomes subjectifs donné à ceux-ci, tandis que les

autres sont appelés scotomes objectifs. '

Cette distinction est importante, puisque, dans le premier cas, le système

nerveux est lésé, tandis que dans le second les éléments rétiniens sous-

jacents à la lésion sont intacts. Cette différence fondamentale autoriserait

même à distraire les scotomes objectifs du groupe de scotomes ou. lacunes

du champ visuel. , '

La diminution de l'acuité visuelle centrale peut être plus ou moins

grande. Le scotome central peut exister pour certaines couleurs et faire

défaut pour d'autres. Quand le scotome existe pour toutes les couleurs

y compris le blanc, il est dit absolu; quand il existe seulement pour cer-

taines couleurs, il est dit relatif.

Le scotome central se montre dans certaines formes de névrites toxi-

ques, et dans les lésions maculaires de la rétine.

Amblyopie toxique nicotino-alcoolique. - Le scotome

central est le principal signe de l'amblyopie toxique. Quelquefois absolu,

il est souvent relatif, portant d'abord sur le vert, puis sur le rouge.. (Voir

Amblyopie toxique.) On ne voit à l'ophtalmoscope aucune lésion marquée

suffisant à établir le diagnostic. '

Amblyopie diabétique. Voir p. 57.

Lésions maculaires. Les lésions maculaires productrices des

scotomes sont le plus souvent des hémorragies ou une plaque de cho-

l'Qïdite, quelquefois un décollement de la rétine. Ces lésions sont toutes

visibles à l'ophtalmoscope. C'est à cette variété de lésions, particulière-

ment aux hémorragies, qu'appartiennent les scotomes objectifs. Us sont

en général absolus et présentent une étendue variable avec celle des

lésions.

Lacunes périphériques.

Lacune périphérique concentrique ou rétrécissement

concentrique du champ visuel. Le rétrécissement concen-

trique du champ visuel pour le blanc est fréquent dans l'hystérie, dont

il constitue un des signes importants (fig. 55). Il peut, en étendue, pré-

senter tous les degrés. Modéré dans. la plupart des cas, il peut se dévelop-

per jusqu'à ne laisser subsister qu'une zone étroite de vision centrale. On

voit même le rétrécissement couvrir ce restant de vision centrale et

amener de cette façon l'amblyopie hystérique dont nous avons parlé.

Il est, de plus, très changeant, très mobile; l'étendue du champ visuel

peut varier dans des proportions considérables d'un jour à l'autre ou

dans le même jour. Souvent deux examens successifs ne donnent pas les

mêmes résultats.

Le champ visuel varie encore .avec la manière dont on fait l'examen :

il est plus étendu quand l'index va du centre à la périphérie, moins

[POULARD.]

AI TROUBLES NERVEUX DE l ? 1t'l'11t11L OCULAIRE.

étendu quand l'index va de la périphérie au centre. La fixation prolongée,

la fatigue, les attaques convulsives le rétrécissent. Les variations de l'ac-

commodation, l'atropinisation, l'interposition de verres sphériques, même

de verres plans, de verres fumés, de verres colorés, sont autant de causes

modificatrices. Une augmentation d'éclairage diminue quelquefois

l'étendue du champ visuel, une. diminution d'éclairage l'augmente. Il est

encore modifiable par les excitations cutanées, à moins, dit-on, que la

portion du tégument excitée ne soit en anesthésie. --

Ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est la grande variabilité du champ

visuel hystérique sous des influences multiples, parfois insignifiantes,

souvent étranges et inexplicables.

La suggestion exerce, en tout cas, une influence indéniable sur les

(roubles oculaires hystériques connue sur les troubles hystériques en

général. On peut dire que la caractéristique principale des troubles ner-

veux hystériques, c'est leur modification facile sous l'influence de la

suggestion, qu'elle vienne de l'observateur ou de l'observé (auto-sugges-

tion).

Ainsi s'expliquent beaucoup de faits en apparence contradictoires. Ne

voit-on pas des hystériques, au champ visuel extrêmement rétréci, n'être

nullement gênées dans la vie ordinaire, tandis qu'un rétrécissement

semblable par suite de lésions rétiniennes (rétinite pigmentaire, glau-

come) produit une gène considérable. ,

Le rétrécissement du champ visuel de nature hystérique porte égale-

ment sur les couleurs. D'ordinaire, l'ordre physiologique des champs de

couleurs est respecté. Souvent il ne l'est pas. Dans ce cas, la vision du

rouge est la dernière intéressée. Le champ du rouge devient, dès le

début, plus étendu que celui du bleu. Celte inversion du champ des

couleurs est un signe d'hystérie meilleur que le rétrécissement simple.

Dans quelques cas, on peut trouver le champ du rouge bien plus étendu

que celui du blanc.

Le rétrécissement concentrique est le plus habituel des (roubles hysté-

riques de la sensibilité rétinienne, mais on peut, exceptionnellement,

constater un scotome central. Parfois môme, le scotome central coïncide

avec le rétrécissement concentrique. Dans ce cas, il existe 1111(' zonp annll-

laire dans l'étendue de laquelle la vision est conservée.

Plusieurs affections, autres que l'hystérie, peuvent donner un rétrécisse-

ment concentrique plus ou moins régulier du champ visuel (altérations

du nerf optique, rétinite pigmentaire, glaucome). Bien -qu'un examen

méticuleux décèle presque toujours des irrégularités dans les limites

périphériques du champ visuel, il vaut mieux, pour établir le diagnostic,

s'en rapporter aux autres symptômes concomitants (altérations ophtat-

moscopiques, héméralopie, etc.).

Lacunes périphériques irrégulières, en encoches.

Ces déformations irrégulières de la périphérie du champ visuet provien-

nentdes lésions du système nerveux optique situé en avant du olrirrwan,

LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL. AT,

lésions du nerf optique (névrite, atrophie), lésions de la rétine {plaque

de cho1'Ofdite, hémorragie, décollement, etc.).

Le diagnostic entre ces diverses affections se fait par l'ophtalmoscope.

Les lésions rétiniennes sont visibles. (Voir Ophtalmoscopie.) On peut éga-

lement constater une névrite légère (congestion, oedème léger, délimita-

tion imparfaite de la papille), plus facilement encore une névrite avec,

stase (tuméfaction considérable, papille sans limites, hémorragies, etc.).

L'atrophie ne se voit qu'à une période avancée.

En présence d'encoches du champ visuel sans lésions rétiniennes, sans

lésions papillaires, il faut penser à une atrophie optique qui commence.

Ces déformations irrégulières par lésion des voies optiques antérieures

contrastent avec les déformations si régulières que nous allons retrouver

dans les lésions des voies optiques au niveau et en arrière du chiasma.

- Lacunes périphériques binoculaires H011OLATÉRALES.

11B111A\OPSIE.

L'hémianopsic est un trouble visuel résultant de la lésion des voies

optiques au niveau ou au delà de leur entre-croisement, c'est-à-dire

entre le chiasma et l'écorcc cérébrale.- ,

La marche des fibres nerveuses qui constituent le nerf optique explique

bien ce symptôme (fig. 59). -

Les fibres du nerf optique droit se divisent au niveau du chiasma en

deux portions. L'une provenant de la rétine temporale reste du côté

droit, passe dans la bandelette droite, dans la partie droite du mésocé-

plale, dans l'hémisphère droit et se termine dans le lobe occipital droit.

C'est le faisceau direct.

L'autre portion vient de la rétine nasale, croise la ligne médiane au

niveau du chiasma, passe dans la bandelette gauche, dans la partie

gauche du mésocéphalc, dans l'hémisphère gauche et aboutit à l'écorce

occipitale gauche. C'est le faisceau croisé. ~

Même trajet pour les fibres du nerf optique gauche.

Par suite de cet entre-croisement, les tractus optiques au delà du

chiasma (entre le chiasma et l'écorce) sont formés, à droite, par les

fibres temporales de l'optique droit et nasales de l'optique gauche; à

gauche, par les fibres temporales de l'optique gauche et nasales de

l'optique droit.

Dans ces conditions, une interruption des voies optiques droites, en

arrière du chiasma, fera cesser les fonctions de la rétine temporale de

l'OD et de la rétine nasale de 1'0 G, des hémi-rétines droites. D'où cécité

de la partie gauche des deux-champs visuels.' C'est l'hémianopsie Ir.onzo-

latérale gauche.

La lésion des voies optiques de gauche, en arrière du chiasma, amène

de la même façon une hémianopsie droite.

Que la lésion siège au niveau du chiasma, au point d'entre-croisement

- [FOULARD] ]

? r TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE. -

des deux faisceaux venant des rétines nasales (fig. 40, 1), il. y aura inter-

ruptiondes fonctions de

la rétine nasale des deux

côtés. D'où cécité dans

lapbrtion temporale des

deux champs visuels.

C'est l'laémianopsie hé-

té°olaté°ale bitempo-

mle. - '

. Dans certaines condi-

tions exceptionnelles,

les lésions peuvent

atteindre les deux fais-

ceaux directs du chias-

ma ; il eh résulte une

cécité des deux moitiés

temporales de la rétine,

c'est-à-dire une hémia-

nopsie binasàle.

Il est bien évident

qu'une lésion unique

ne peut amener de

troubles bilatéraux du

champ visuel, que si

elle siège au niveau ou

au delà du chiasma. II

n'y a donc pas, à propre-

ment parler, d'hémia-

nopsic monoculaire.

Nous décrirons

d'abord le symptôme

hémianopsie. Nous ver-

rons ensuite quels sont

les aspects cliniques

variables de ce sym-

ptôme suivant le siège

et la nature des lésions

qui le produisent.

Hémianopsie ..l10molatérale. - L'hémianopsie homonyme peut

s'installer sans bruit, sans troubles du système nerveux. D'autres fois,

c'est à la suite d'un ictus qu'elle apparaît.

Dans quelques cas, le malade a conscience de son hémianopsie;

atteint d'hémianopsie droite, par exemple, il se plaint de voir mal les

objets situés à sa droite. Souvent, il croit n'y pas voir « de l'oeil droit ».

Les personnes qui passent devant lui de la gauche vers la droite dispa-

1 ig. 59. Schéma- des voies opliques. N, nerf optique ;

R, noyaux réflexes du mésocéphale ; GO, ganglion ophtal-

mique. 'En Irait plein : voies optiques de gauche.

LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL. 45

missent tout d'un coup, comme par enchantement, après avoir passé la

ligne médiane; leur sortie est plus lente, normale quand ils passent de

la droite vers la gauche. La lecture dans ces conditions est fort difficile,

le malade voyant nettement le mot qu'il fixe, mais ne distinguant pas à

l'avance le mot qui suit. Dans l'hémianopsie gauche, la lecture d'une

même ligne est facile, mais difficile le passage d'une ligne à la suivante.

Très nombreux sont les autres troubles visuels éprouvés par l'hémiano-

pique conscient de son affection, mais nous devons nous borner ici aux

symptômes les plus importants. Dans d'autres circonstances l'hémiopique

a'a pas conscience de son hémianopsie; il faut la mettre en évidence.

Signes pour déceler l'hémianopsie. - La tête prend quelquefois une

attitude spéciale; elle se place de façon que le côté de bonne vision soit

en avant. Dans 1liéiiiiaiiopsie droite, la tète se tourne vers la droite de

façon que le côté de bonne vision, le gauche, regarde en avant. Cette

attitude se voit non seulement chez les héinianopsiques valides, mais

encore chez les impotents dans leur lit, chez les inconscients. Elle n'est

pas constante.

Un malade de Gowers, atteint d'hemianopsie gauche, avait, au repas,

de la viande dans une assiette placée devant lui et des légumes dans une

autre assiette placée à sa gauche. Tous les jours il laissait ses légumes,

[POULARD.]

Fil(. W. - Lésions du chiasma. OD, oeil droit; OG, oeil gauche. 1. Lésion abolissaut les

fonctions des deux rélines nasales et donnant de l'hémianopsie bitemporale. 2. Lésion abo-

lissant les fonctions des deux rétines nasales et de la rétine temporale de l'oeil gaucho, d'où

cécité de l'oeil gaucho avec hémianopsie temporale de l'OD. 3. Lésion abolissant les fonctions

de la rétine nasale de l'OG et donnant hémianopsie temporale de l'OG.

- 4(i TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

et, au grand étoimeinent du personnel, il se plaignit il l'administration

de ce (pion lui donnait toujours de la viande sans légumes. Ce fait mon-

tre à quel point certains malades sont inconscients de leur hémianopsie.

Quand on projette brusquement vers un oeil sain un objet quelconque,

l'extrémité du doigt, la pointe d'un porte-plume, inconsciemment il se

tait un clignement brusque de défense. Chez t lieinianopsique, le même

clignement réflexe défensif se produit si la projection est faite dans la

partie conservée du champ visuel; pas de clignement si la projection

s'exécute dans la partie manquante du champ visuel.

On présente à t'hemianopsique une ligne droite tracée sur du papier

ou une règle, et on lui demande de diviser la ligne ou la règle en deux

parties égales. Il n'y parvient pas, la portion correspondant au côté hénl i-

anopsique est plus grande.

Le malade étant placé en face du médecin, celui-ci lui demande de

fixer son nez ou le milieu de son front. Puis, il promène ses deux mains

en agitant ses doigts dans le champ visuel à droite et il gauche du ma-

lade, en allant progressivement de la périphérie vers la ligne médiane.

Le malade ne voit ni les doigts ni la main du côté hemianopsique, il ne

voit qu'au moment où la main atteint la ligne médiane. Même expérience

peut être faite avec un papier blanc que l'on agite dans le champ visuel.

Mais ce sont la des moyens grossiers et il vaut mieux se servir du péri-

mètre, qui donne des renseignements très précis sur le siège, l'étendue

et la forme de l'hémianopsie. (Voir p. 10.) ,

Caractères du champ visuel dans l'hémianopsie. L'examen

périmétrique et la projection des résultats obtenus permettent de déli-

miter très exactement les portions restantes (portions hemiopiques) et

les portions manquantes (portions hemianopsiques) du champ visuel. Il

est facile de constater que les schémas ne sont pas identiques dans tous

les cas.

1° Souvent la ligne de démarcation entre portion restante et portion

manquante du champ visuel est absolument verticale et passe exacte-

ment par le point de fixation en suivant le méridien vertical du schéma

(fig.41,A).

2° La ligne de démarcation empiète quelquefois sur la moitié man-

quante :

a) Soit en formant un petit demi-cercle autour du point de fixation

(fig. 41, B) ; ,

ú) Soit sous forme d'une bande plus ou moins épaisse longeant le me-

ridienvertica) au-dessus et au-dessous du point de fixation (fig. 41, C).

5" Plus rarement, les lacunes du champ visuel sont beaucoup plus

étroites et prennent les formes d' hémianopsie en secteur (lig. 41, D),

t\' hémianopsie insulaire (Iig-. 41. E), d' hémianopsie péninsulaire

(Iig. 41, F). ,

La caractéristique de ces lacunes, c'est leur existence binoculaire, leur

tiomotateratite dans les deux yeux; elles soûl lotîtes les deux dans les

.- . z - LACUNES DANS LE CUAMP VISUEL. ' .47

moitiés droites, ou toutes clans les moitiés gauches des deux champs

visuels. On les dénomme d'ordinaire scotomes symétriques. On pourrait

aussi bien les appeler lacunes binoculaires homolatérales .

Exceptionnellement, il peut y avoir rétrécissement du champ visuel

restant, ce qui modifie l'aspect de l'hémianopsie. 1 - 1

L'amblyopie croisée de Charcot, qu'on ne constate plus maintenant,

était peut-être une hémianopsie véritable avec rétrécissement d'un des

champs visuels restants.

Persistance de la vision centrale. Dans l'hémianopsie, quelle que

soit sa forme, la vision centrale persiste.

Pour expliquer cette persistance de la vision centrale, on a émis des

opinions. La substance cérébrale préposée à la vision centrale est dans

de meilleures conditions circulatoires (Sachs) ; elle est pourvue d'une

double vascularisation (1<'orstér). '

Le faisceau maculaire compact, hien systématisé de l'oeil au corps

gcnouillé, se disloque, se diffuse au delà. Il y a dissémination corticale

de ce faisceau- de la vision centrale (Monakow, Bernheimer). '

Chaque macula a une représentation dans les deux hémisphères, l'en-

tre-croisement se fait au niveau du chiasma (opinion classique) ou au

niveau du corps calleux (J. Roux, P. Marie).

Hémianopsie double. Dans ce cas, il y a cécité complète ou

persistance de la vision centrale. En règle générale, il y a cécité com-

plète, sans persistance de la vision centrale. C'est là un fait qui appuie

sérieusement la théorie de la double représentation maculaire.

Si la vision centrale persiste, le champ visuel n'existe pour ainsi dire

plus, il est réduit à une zone très étroite entourant le point de fixation.

Si la vision centrale a disparu, la cécité est complète, mais c'est une

cécité particulière qu'on a coutume de désigner sous le nom de cécité

corticale. ' .

Une de ses plus étonnantes particularités, c'est la persistance des ré-

flexes pupillaires à la lumière. Ce fait a une grosse importance pour le

diagnostic du siège de la lésion qui provoque la cécité. Sur le schéma

(lig. 59), les'fibres de la voie optique vont de l'oeil il l'écol'ce cérébrale

des cunéus en deux étapes. Elles font un arrêt dans les ganglions du

111(,Isocéphile (corps gcnouillé externe, couche optique, tubercule quadri-

jjlueau antérieur). C'est dans ces ganglions, et particulièrement dans

le tubercule quadrijumeau antérieur, que se trouvent les centres ré-

tlexcs visuels et spécialement le centre réflexe pupillaire. La sensation

lumineuse transportée par le nerf optique file bien en partie au delà du

mésencéphale vers l'écorce, mais s'arrête en partie dans les noyaux du

mésucéphale; elle trouve là une voie de retour par les nerfs moteurs du

globe. 11 existe là un arc réflexe complet avec une voie centripète (le

nerf optique), un centre (noyaux du mésocéphale), une voie centrifuge

(les nerfs moteurs de l'oeil). '

Coupez les voies optiques en avant des noyaux du mésocéphale et vous

[FOULARD.]

as. TROUBLES. NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE

Fig. 41-(-.%). Hémianopsie homolatérale gauche. La ligne de démarcation verticale

- passe exactement par le point de fixation.

Fig, 41 (B). llcmianopsie homolatérales gauche. La ligne de démarcation empiète un peu

sur la moitié manquante en formant un petit demi-cercle autour du point de fixation.

Fig. 41 (C). Hémianopsie homolatérale gauche. La ligne de démarcation empiète un peu

sur la moitié manquante sous forme d'une bande longeant le méridien vertical.

" LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL. MI . -

Fig. 41 (D). Hémianopsie en secteurs homolatél'al1X

Fig. 41 (E). Hémianopsie insulaire. Deux îlots anopsiques, homolatéraux;

scotomes homolatéraux ou scotomes symétriques.

Fig. 41 (F). - Hémianopsie péninsulaire.

Deux péninsules anopsiques, homolatérales, symétriques.

Pratique "EUROI" - 4

- . [FOULARD.]

50 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

aurez une cécité complète avec perte des réflexes pupillaires. Coupez les

voies optiques en arrière des noyaux du mésocéphale et vous aurez une

cécité complète avec conservation des réflexes pupillaires. Cécité avec

conservation des réflexes pupillaires signifie : lésion cérébrale, sur les

voies optiques, en arrière des noyaux du mésocéphale, entre ceux-ci et

l'écorce occipitale ou sur l'écorce occipitale elle-même.

Hémiachromatopsie. Il y a doute sur l'existence d'une hémia-

chromatopsic véritable. Un fait certain, c'est qu'on rencontre de l'hémia-

chromatopsie dans des hémianopsies incomplètes en degré, dans des

hémianopsies en voie de régression; une zone achromatopsique a souvent t

été précédée par une zoneanopsique.

L'hémiachromatopsie pourrait bien n'être qu'une hémianopsie incom-

plète en degré.

Hémianopsie hétérolatérale bitemporale. Dans l'hémia-,

nopsic bitemporale, les portions temporales des champs visuels font

défaut; sur le schéma, ce trouble visuel prend l'aspect de la figure 42, A.

Les troubles visuels qui résultent de l'hémianopsie bitemporale sont

très accentués. Il est en effet plus difficile de se passer de la portion

temporale des champs visuels que de leur portion nasale, celle-ci étant

beaucoup moins étendue que l'autre.

Très souvent, dans cette forme d'hémianopsic, la portion restante du

champ visuel est altérée, plus ou moins rétrécic. Il peut y avoir aussi

amblyopie complète d'un oeil avec hémianopsie du côté opposé. Assez

souvent l'acuité visuelle centrale est diminuée, elle peut même baisser

considérablement. Enfin, c'est dans cette variété d'hémianopsie, et

dans les suivantes, qu'on voit souvent se développer des lésions ophtal-

moscopiques, témoignant d'une dégénérescence atrophique des fibres

optiques. C'est encore dans cette variété d'hémianopsie, qu'on pourrait

mettre en évidence le signe pupillaire de Wernicke.

Tous ces faits s'expliquent d'ailleurs bien par le siège particulier des

lésions productrices de l'hémianopsie bitemporale. Si l'on se reporte au

schéma des voies optiques, il est aisé de constater que l'hémianopsie bi-

temporale ne peut être réalisée que par une lésion siégeant au niveau

du chiasma, seul point où elle puisse couper du même coup la totalité

des fibres rétiniennes nasales qui viennent s'y entre-croiser (fig. 40, 1).

On conçoit facilement aussi qu'une lésion du chiasma ou de son voisi-

nage puisse amener une hémianopsie d'un oeil et une cécité de l'autre

(fig. 40, 2 et fig. 42, B). ' '

Enfin, la localisation périphérique des lésions productrices de l'hémia-

nopsie bitemporale explique les atrophies, les dégénérescences qui peu-

vent se produire dans le nerf optique.

Hémianopsie hétérolatérale binasale. - Dans l'hémianopsie

binasale, c'est la portion nasale des deux champs visuels qui fait défaut

(fig. 42, C). La gêne visuelle est dans ce cas moins accentuée que

dans l'hémianopsie bitemporale. '

LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL. ' ' -51

La perte des moitiés nasales des deux champs visuels, comme d'ail-

leurs la perte des deux moitiés temporales n'est pas une véritable hémia-

4*

'' [FOULARD]

Fig. 42 (A). - Hémianopsie hétérolatérale temporale.

Fig. 42 (il). Cécité de l'oeil droit avec hémianopsie temporale de l'OG.

Fig. 42 (C). Ilémianopsie hétérolatérale binasale.

52 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

nopsie. La véritable hémianopsie est celle qui amène la perte de deux

moitiés homolatérales droite ou gauche des champs visuels.

D'ailleurs, l'hémianopsie binasale comme l'hémianopsie bitemporale,

est toujours produite par une lésion, siégeant au niveau ou en avant du

chiasma; les hémianopsies véritables ont au contraire pour cause une

lésion des voies optiques en arrière du chiasma.

Variations sémiologiques de l'hémianopsie

suivant le siège des lésions.

Une lésion intéressant les voies optiques dans leur long trajet du

chiasma à l'écorce occipitale, peut amener des symptômes variés suivant

son siège. Les tractus ou les centres nerveux qui avoisinent les voies

optiques, peuvent, en effet, être atteints par la même lésion qui coupoles

voies optiques, et donner lieu à des symptômes associés. D'ailleurs, l'hé-

mianopsie peut elle-même présenter quelques différences suivant le point

où se produit l'interruption des fibres optiques intracràniennes. Ces :

symptômes associés et ces variations de l'hémianopsie aident grandement i

à localiser la lésion. '

Hémianopsie par lésion cérébrale corticale. Elle est

souvent précédée d'un ictus.

La moitié restante du champ visuel empiète assez souvent sur la moitié

aveugle (fig. 41, C).

Les hémianopsies doubles avec conservation de la vision centrale ou

avec cécité complète (cécité corticale), sont surtout le fait de lésions cor-

ticales. Cela s'explique d'ailleurs par la disposition anatomique des

cunéus qui se regardent par leurs faces internes, très voisines l'une de

l'autre. Une même lésion les atteint facilement. Cependant l'hémianopsie

double peut être également le fait d'une lésion bilatérale atteignant le

côté droit et le côté gauche simultanément ou à des époques différentes.

L'hémiplégie accompagne fréquemment l'hémianopsie d'origine corti-

cale ; mais plus souvent les lésions sous-corticales. Les hémianopsies

transitoires sont fréquentes chez les hémiplégiques. L'bémianesthésie

dénote l'extension de la lésion à la partie postérieure de la capsule

interne. Mais c'est là encore un symptôme aussi propre aune lésion sous-

corticale qu'à une corticale.

Aphasie. Toutes les variétés d'aphasie peuvent coexister avec

l'hémianopsie.

L'aphasie de Weniike, dans laquelle le malade ne comprend pas le

langage parlé ou écrit, mais peut parler. C'est une aphasie par défaut

d'impression. Elle dénote une lésion de la zone de Wernickc.

L'anarthrie, dans laquelle le malade comprend le langage parlé ou

écrit, mais ne peut parler. Elle résulte d'une lésion du noyau lenticulaire.

C'est une aphasie par défaut d'expression.

L'aphasie de Broca, dans laquelle le malade, ne peut ni parler, ni

: " - LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL.. 55

écrire, et comprend plus ou moins incomplètement le langage écrit ou

parlé. C'est un mélange de l'aphasie de Broca et de Fanarthric.

La forme d'aphasie la plus fréquente dans l'hémianopsie est la cécité

verbale qui peut se rencontrer à l'état de pureté. Et la fréquence de

l'aphasie s'explique fort bien à l'aide des faits et des conceptions modernes

sur les troubles du langage. La cécité verbale pure n'est pas, en effet, .

une lésion des fibres venant du pli courbé, ce. n'est pas une lésion du

territoire de l'artère sylvienne. La lésion productrice siège dans le terri-

toire de la cérébrale postérieure le plus souvent au niveau du lobule

lingual. Elle coupe les fibres visuelles et en même temps vient toucher

légèrement, prendre un simple contact avec la zone de Wernicke,,

l'unique partie du cerveau présidant aux fonctions variées du langage

(Voir page Aphasies). ,

Cécité psychique. C'est la perte de la mémoire visuelle des choses.

Le malade voit, mais ne reconnaît pas un objet qu'on lui montre, il ne

se rappelle plus sa signification, son usage, etc. '

Perte du sens de l'orientation. Ce trouble, qui n'est pas rare, se

caractérise par la diminution ou la perte de la faculté d'orientation. Une

personne connaissant parfaitement une ville se trouve un jour incapable

de rentrer chez elle parce qu'elle ne sait plus quel chemin, quelle direc-

tion prendre pour gagner son domicile. Un cocher de fiacre devient subi-

tement incapable de conduire sa voiture dans un endroit très connu, où

il avait l'habitude de passer journellement. Ce trouble ne paraît être

qu'une forme de la perte de la mémoire visuelle et doit rentrer dans le

groupe des aphasies. , .

Hémianopsie par lésion cérébrale sous-corticale.

Beaucoup des symptômes associés qui viennent d'être signalés dans

l'hémianopsie d'origine corticale, sont plus fréquents encore dans l'hé-

mianopsie sous-corticale. L'hémiplégie, l'hémiancsthésie se voient plus

souvent dans les lésions soUs-corticales que dans les lésions corticales.

La cécité verbale pure se rencontrerait exclusivement dans les lésions

sous-corticales.

Il existe encore quelques caractères propres aux hémianopsies sous-

corticales : La ligne de démarcation coïncide avec le méridien vertical si

la lésion s'avance assez loin, dans le voisinage du corps calleux (Pierre

Marie). Le malade verrait noir dans le champ aveugle. On a observé des

photopsies, des hallucinations visuelles.

, Hémianopsie par lésion des ganglions centraux.

Les symptômes associés auxquels donnent lieu les hémianopsies par

lésion des ganglions centraux sont, à vrai dire, mal connus. Les para-

lysies associées, les modifications pupillaires (mydriase, inégalité) sont

fréquentes. '

Le corps genouillé externe paraît être le seul ganglion dont la lésion

donne l'hémianopsie (Henchcn). Des'lésions partielles du corps, genouillé

externe seraient susceptibles de produire des hémianopsies en quadrant,

4 ?

[FOULARD.]

hA TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

des scotomes symétriques. llenclieu qui a signalé ces faits, admet môme

que les scotomes hémianopsiques occupent, dans le sens vertical, une

position variable suivant le siège de la lésion dans le corps genouillé, une

lésion supérieure dans le corps genouillé amenant des scotomes infé-

rieurs dans les champs visuels.

Hl'I1chen admet d'ailleurs une projection rétinienne analogue dans

toute la longueur des voies optiques, de la rétine il l'écorcc cérébrale.

C'est une opinion contredite (Bernheimer). Pour beaucoup d'auteurs, la

projection rétinienne ne dépasse pas le corps gcnouillé externe. Il n'y

aurait de véritable systématisation, de véritable représentation ou pro-

jection rétinienne que dans les voies optiques extra-cérébrales. Au niveau

du corps gcnouillé externe, il y aurait diffusion des sensations transmises

par les faisceaux systématisés des voies optiques extra-cérébrales. Néan-

moins, les opinions et les observations de Henchen doivent être connues

pour être étudiées et contrôlées.

On peut quelquefois rencontrer de l'hémiplégie et de 1 hémianestbésic.

En tout cas, l'existence de ces complications ne permet pas de nier l'ori-

gine mésencépbatique d'une hémianopsie.

Hémianopsie par lésion de la bandelette optique.

L'hémianopsie est ordinairement absolue. La ligne de démarcation passe

par le point de fixation. Très souvent dans les hémianopsies de ce siège,

certains nerfs crâniens sont intéressés, le M. 0. C., le M. 0. E., le pathé-

tique, quelquefois même le trijumeau ou le facial. Les paralysies ou

ranesthésie sont du côté opposé à l'hémianopsie. Rien rarement, il y a

hémiplégie ou hémianeslhésie. Assez souvent se produit une dégénéres-

cence atrophique du nerf optique.

Réaction hémiopique de Wernicke. - 11 est un symptôme sur lequel

Wel'l11cke a attiré l'attention. Le centre réllexe lumineux de la pupille

dont la voie centripète est le nerf optique, la voie centrifuge le M. 0. C.

siège dans les noyaux du mésocéphale (tub. quad. antér.) (fig. 59).

Si la lésion siège au delà des noyaux du mésocépliaie, entre ceux-ci et

l'écorce, l'excitation lumineuse de la moitié aveugle de la rétine doit logi-

quement provoquer le réflexe comme l'excitation lumineuse de la moitié

voyante. Si, au contraire, la lésion siège en deçà des ganglions du méso-

céphale, entre ceux-ci et la rétine, comme c'est le cas pour une lésion de

la bandelette, l'excitation lumineuse de la moitié aveugle de la rétine ne

devra pas. logiquement, donner lieu au réflexe pupillaire.

C'est ce qui aurait lieu d'après "'pn11cke. Malheureusement, la re-

cherche de ce signe est très difficile et dans bien des cas, il est impos-

sible d'arriver sur ce point a une solution précise (Voir Technique, p. 29).

Hémianopsie par lésion du chiasma. C'est dans cette

variété topographique qu'on rencontre l'hémianopsie bitemporale, l'hé-

mianopsic temporale unilatérale, l'hémianopsie temporale avec cécité de

l'autre oeil, l'hémianopsie hinasale.

On observe encore assez souvent une modification dans la forme et

LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL. i : ,

l'étendue des champs visuels restants, la dégénérescence atrophique des

nerfs optiques, la diminution de l'acuité visuelle centrale, la paralysie

concomitante de certains nerfs de la base du crâne.

On conçoit qu'une lésion siégeant au niveau du chiasma, dans le point

où se donnent rendez-vous toutes les libres visuelles, puisse facilement,

par extension, loucher la totalité des fibres nerveuses et amener une

cécité complète bilatérale. Dans une semblable cécité, il y aurait, aboli-

lion de réflexes pupillaires à la lumière, ce qui suffirait il la distinguer

de la cécité corticale.

Hémianopsie par lésion du nerf optique. - D'ordinaire.

une atrophie du nerf optique atteint le champ visuel sur tout son pourtour.

Cependant il peut arriver, que le rétrécissement soit plus accentué dans

une moitié ou dans deux moitiés homolatérales du champ visuel. Mais ces

rétrécissements n'ont pas la netteté des rétrécissements par lésion eu

arrière du chiasma, leurs limites sont moins géométriques, leurs contours

moins réguliers; ils sont souvent unilatéraux et rarement symétriques,

quand il y a bllatéralité; le champ visuel restant est presque toujours for-

tement altéré; la vision centrale très diminuée; il y- a des signes

ophtalmoscopiques précoces ou tardifs dans tous les cas.

Peut-être certaines actions morbides attaquent-elles avec prédilection

les faisceaux temporal ou nasal du nerf optique. Cela n'aurait rien d'im-

possible puisqu'on voit fréquemment des intoxications (alcool, tabac)

agir exclusivement sur le faisceau maculaire.

C'est, dans cette variété topographique qu'on a, dans des circonstances

d'ailleurs très rares, signalé des hémianopsies à ligne de démarcation

transversale.

Variations de l'hémianopsie suivant les causes

( ? o/tc<7e ? <N;)( ? e.)

Comme nous venons de le voir, l'hémianopsie, par des modifications

dans ses symptômes propres ou par l'adjonction de symptômes associés,

peut, suivant le siège des lésions, présenter des aspects cliniques multiples.

La nature, variable également, des lésions qui peuvent la produire est.

elle aussi, susceptible d'apporter des modifications cliniques.

II importe au plus haut point de les bien connaître. Car, s'il est inté-

ressant de déterminer le siège d'une lésion cérébrale, il est bien plus

important, au point de vue thérapeutique, d établir la nature véritable des

lésions productrices.

Parmi les hémianopsies, les unes ont une cause organique. (Hémia-

nopsies par lésion organique appréciable.) Les autres se produisent sans

qu mi puisse déceler l'existence d'une lésion organique en un point quel-

conque de l'encéphale. (Hémianopsie sans lésion organique appréciable.)

.1. Hémianopsie par lésion organique appréciable.

Presque lotîtes les alleclions cérébrales organiques, quelle que soit leur

[POULARD.]

oli 1; TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

forme nodulaire ou diffuse, leur siège central ou périphérique, leur na-

ture (syphilis, tuberculose, tumeur, traumatisme) sont susceptibles, de

produire à un moment donné l'hémianopsie.

Ne pouvant étudier toutes les affections cérébrales dans leurs relations

avec l'hémianopsie, il faut se contenter d'énumérer les principales

d'entre elles et indiquer la manière de les dépister.

Ramollissement. Artériosclérose concomitante; état défectueux

du coeur, àge avancé du malade. Autres troubles cérébraux de ramollisse-

ment : mémoire diminuée, affaiblissement intellectuel, etc.

Hémorragie. Début souvent brusque; appareil circulatoire ma-

lade (vaisseaux, coeur) ; examen des urines.

Tumeur. Céphalée, hébétude; néoplasie ailleurs; ponction lom-

baire (Voir Tumeurs cérébrales, p. 120).

Abcès. Examen de l'oreille, foyer de suppuration lointain, élévation

de température.

Traumatisme, - Choc, plaie à l'occiput ou à l'étage antérieur du crâne.

Maladie neigeuse caractérisée dont l'hémianopsie n'est qu'une ma-

nifestation. Tabes : Symptômes du tabes (signe d'Argyl Robertson,

signe de Westphal). Méningite : Symptômes de méningite : modifications

du pouls, constipation. Paralysie des nerfs de la face ou des yeux. Céphalées.-

Acromégalie. Il faut faire une place à cette affection particulière

qui, lésant le chiasma, donne lieu, nous l'avons vu, à des hémianopsies

de type tout à fait particulier.

Déterminer que l'hémianopsie a pour cause une hémorragie, un ramol-

lissement, une tumeur cérébrale, c'est une première étape dans le dia-

gnostic étiologique, mais non le but. Il faut encore rechercher la cause

première de l'hémorragie, du ramollissement, la nature de la tumeur.

Certaines hémorragies peuvent être produites par une affection car-

diaque ancienne d'origine rhumatismale ou indéterminée, par une arté-

riosclérose sénile. Certains ramollissements ont les mêmes causes car-

daiques ou vasculaires. Certaines tumeurs sont des néoplasmes.

Mais aussi, beaucoup de ces affections sont le fait de la tuberculose et

de la syphilis.

La tuberculose peut donner naissance à des lésions nodulaires volumi-

neuses, à de gros tubercules, qui provoquent les symptômes cliniques de

la tumeur cérébrale; elle peut aussi produire des lésions diffuses, dissé-

minées, une méningite. C'est par l'observation méticuleuse de l'orga-

nisme, par la découverte d'une tuberculose préexistante, par la marche

de la température qu'on peut arriver au diagnostic véritable.

La syphilis produit des gommes syphilitiques, lésions nodulaires qui

se comportent comme de véritables tumeurs; elle détermine des hémor-

ragies, du ramollissement en agissant sur la substance cérébrale par

l'intermédiaire du système vasculaire (artérite syphilitique); elle peut,

aussi, en diffusant dans les enveloppes cérébrales, donner une méningite.

C'est elle, enfin, qu'on trouve à l'origine d'un grand nombre de maladies

LACUNES DANS LE CHAMP VISUEL. 37 7

nerveuses et particulièrement du tabes, causes fréquentes d'hémia-

nopsie. La syphilis est si souvent en cause dans les affections nerveuses

qu'il faut, en présence d'un cas douteux, penser toujours à elle et en

rechercher l'existence, non seulement par un examen clinique méticuleux

du malade, mais encore par tous les moyens que des découvertes récentes

ont mis il notre disposition (examen du sang et du liquide céphalo-rachi-

dien, recherche du spirille, réactions du sérum).

B. Hémianopsie sans lésion organique. L'hémianopsie

peut n'être le résultat d'aucune cause organique et se développer au

cours d'affections dans lesquelles on n'a trouvé jusqu'ici aucun substra-

tum anatomo-pathologique appréciable.

Migraine ophtalmique. C'est un scotome objectif binoculaire homo-

latéral Moebius). Le malade voit noir et n'a pas perdu toute sensation dans

la portion atteinte des champs visuels. La migraine ophtalmique est d'ail-

leurs productrice de scotomes de formes et de dimensions très diverses.

Hystérie. Certains la disent fréquente dans l'hystérie. Elle aurait

été constatée dans la névrose traumatique (Badal, Dejerine ;et Vialet).

On en a cité à la suite de métrorragies (Janet, Chevallereau). Plusieurs

nient son existence (Féré, Frend). Ces faits isolés sont, en tout cas,

discutables et demandent confirmation. Sans nier l'existence d'une hé-

mianopsie hystérique, il faut, toujours et avant tout, rechercher une

lésion organique, cause habituelle de l'hémianopsie, penser ensuite à la

migraine ophtalmique et à l'urémie sans oublierycomplétement que l'hys-

térie a pu, dans certains cas discutables, la réaliser.

Urémie. Le trouble habituel de l'urémie, c'est l'amaurose, la perte

complète et passagère de la vue sans aucune lésion du fond de l'oeil

(p. 57). Cette amaurose est une cécité corticale, tout à fait identique à la

cécité par double hémianopsie.

Il est rare de rencontrer dans l'urémie une véritable hémianopsie. Elle

est, dans certains cas, le reliquat d'une amaurose totale en régression ;

et ce fait montre bien l'analogiede l'hémianopsie avec l'amaurose uré-

nuque.

Pronostic. Les formes non organiques de l'hémianopsie (urémie,

migraine ophtalmique) n'ont, au point de vue visuel, aucune gravité,

elles guérissent toujours; toute leur gravité vient de l'affection qui les

produit (affection rénale, éclampsie, etc.).

Il en est autrement des formes organiques; elles sont toujours sé-

rieuses. Cependant, on en voit, surtout en cas de syphilis, guérir défini-

tivement. D'autre part, l'hémianopsie peut durer de longues années sans

être accompagnée de complications mortelles. Néanmoins, l'apparition

de l'hémianopsie dénote, dans l'immense majorité des cas, une altération

irrémédiable de la santé et constitue une menace de mort plus ou moins

prompte.

11 va sans dire que ce pronostic général de l'hémianopsie varie dans

les cas particuliers où il a été possible de déterminer la véritable cause

[POULARD.]

5S TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

de l'hémianopsie, suivant qu'il s'agit de syphilis contre laquelle on peut

beaucoup, de tuberculose contre laquelle on peut encore quelque chose,

du cancer contre lequel on est impuissant, de méningite, de tabès,

d'acromégalie, de traumatisme.

Traitement. Localement, il n'en existe pas. Seul, le traitement de

la cause (syphilis, tuberculose, tabes), est à instituer.

Lacunes intermédiaires, Scotomes insulaires.

Les lacunes intermédiaires ou scotomes insulaires ne se rencontrent

que dans les lésions du système nerveux périphérique (fig. 57 et fib. .I 0 S).

Et encore n'existent-ils guère dans les lésions du nerf optique (atrophie,

névrite). Ils sont, en général, le fait d'une lésion rétinienne (chorioré-

tinite, hémorragie, décollement). On peut toujours, avec l'ophtalmoscope,

constater la lésion qui produit le scotome.

L'existence d'une lacune dans l'étendue du champ visuel prouve que

la région de la rétine chargée de percevoir les objets placés dans cette

portion du champ visuel ne fonctionne plus, qu'elle est aveugle. Cette

portion altérée de la rétine est toujours située dans le point où la ligne

visuelle partant de l'objet fixé et passant par le centre optique de l'oeil

atteint la rétine. Cette règle permet, par le seul examen subjectif, d'après

le siège et l'étendue du scotome dans le champ visuel, de déterminer le

siège et l'étendue de la lésion rétinienne. Cette méthode est aussi pré-

cise que l'inspection directe du fond de l'oeil à l'ophtalmoscope.

ni

PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES

Symptômes.

Strabisme. - Le strabisme ou déviation de l'oeil se fait toujours dans

le sens opposé au muscle paralysé. L'oeil peut être dévié en dedans (S. in-

terne ou convergent), en dehors (S. externe ou divergent), rarement en

haut ou en bas (S. vertical), exceptionnellement dans des directions inter-

médiaires (S. oblique) (fig. 12, 15, 14 et 15).

Nous savons comment constater son existence et même mesurer son

étendue. Reste à établir sa signification.

Strabisme apparent. Nous jugeons de l'existence du strabisme par

les déplacements de la pupille en dehors de sa situation habituelle. A

l'étal normal, la ligne visuelle, allant de l'objet à la macula passe près du

centre de la pupille, un peu en dedans et en bas du centre pupillaire.

Dans certaines conformations de l'oeil (allongement, myopie; raccourcis-

sement, hypermétropie) la ligne visuelle peut passer légèrement en

dedans ou en dehors du point de passage habituel.

PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 511

Le regard prend alors un aspect auquel l'observateur n'est pas habitué.

On peut croire à l'existence d'un strabisme convergent ou divergent qui

n'existe pas en réalité. Dans ces conditions, en effet, la déviation appa-

rente, toujours légère, est physiologique et ne dénoie aucun trouble de

l'équilibre des globes.

Strabisme non paralytique. - TOlites les déviations oculaires ne sont

pas d'origine paralytique. Beaucoup déniants ou de jeunes personnes

louchent sans présenter la moindre paralysie. Ce strabisme est dû, dans

l'immense majorité des cas, Ù un vice ou il une inégalité de réfraction des

deux yeux.

Plusieurs caractères le distinguent du strabisme paralytique. Il survient

chez les personnes jeunes, chez les enfants. Il ne s'accompagne pas de

diplopie. Les muscles du globe ne sont pas paralysés, ce dont on peut se

rendre compte en prenant le champ du regard avec ou sans le périmètre.

La déviation secondaire est égale il la déviation primaire. Voici com-

ment on recherche ce dernier symptôme :

Quand le malade se présente au médecin, l'un des yeux fixe les objets

qu'on lui demande de regarder, tandis que l'autre est en déviation. C'est

la déviation primaire. On place alors devant l'oeil en fixation un écran,

ou mieux, un verre dépoli; aussitôt t'oeH dévié se met en fixation sur

l'objet tandis que t'ocit primitivement en fixation se dévie derrière le

verre dépoli : c'est la déviation secondaire. Cette déviation secondaire

est égale il la déviation primaire. Si on l'ait la même expérience en cas de

strabisme paralytique, la déviation secondaire est plus grande que la

déviation primaire. '

Un autre caractère de ce strabisme, mais qui n'existe pas dans toutes

les circonstances, c'est qu'il peut être alternant, porter tantôt sur un

d'il, tantôt sur l'autre. Cette alternance n'existe d'ailleurs que pendant

les premières périodes du strabisme non paralytique.

Il, est une autre circonstance dans laquelle on peut quelquefois rencon-

trer chez l'adulte un strabisme non paralytique; cest quand la cécité

survient dans un oeil ou dans les deux yeux. Dans ces conditions, le dia-

gnostic se l'ait en mesurant l'excursion des globes, le champ du regard.

Strabisme paralytique. Le strabisme paralytique se distingue du

strabisme non paralytique par tous les signes propres au strabisme non

paralytique que nous venons d'énumérer et par les symptômes suivants

qui appartiennent seulement, aux paralysies.

Diplopie (Voir Partie technique, p. 20). La diplopie ne porte pas

seulement sur l'objet en fixation, elle s'étend à tous les objets environ-

liants, Mais connue la perception de ces objets est très indistincte, le

malade ne remarque que la diplopie de l'objet en fixation.

Mouvement apparent des objets. Le malade s'efforce continuellement

pour ramener sur la fosse centrale de son oeil paralysé l'image de l'objet

fixé. Ces tractions du muscle paralysé impriment des mouvements conti-

nuels aux globes et par suite aux objets fixés.

[FOULARD] ]

00 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE., '' - ?

Vertige oculaire. La diplopie et le mouvement des objets provo-

quent, au début de l'affection, un vertige oculaire très marqué qui peut

s'accompagner de céphalalgie et de vomissement. "

Orientation FAUSSE... ? ...- Le malade a de la difficulté pour saisir rapide-

ment avec la main un objet fixé pai l'aeil paralysé. Si nous demandons au

malade strabique, et fixant avec l'oeil malade de toucher du doigt un

objet (en ayant soin que l'image du bras n'arrive point' assez tôt dans le

champ visuel pour êti-e elle-même faussement projetée) le doigt passe à

côté du but sans l'atteindre. - ' - ,

Cette épreuve réussit constamment dans les paralysies récentes,' tant

qu'une nouvelle adaptation n'est pas venue rectifier les erreurs de loca-

lisation produites par l'apparition brusque de la paralysie oculaire.

Déviation secondaire plus grande que la déviation primaire. Nous

nous sommes expliqués sur ce symptôme important (Voir Strabisme non

paralytique, p. 59). '

Rétrécissement du champ de fixation monoculaire. - On conçoit qu'un

muscle paralysé ou parésié n'ait pas la force de tirer l'oeil jusqu'à la limite

de ces excursions normales (Voir Technique, p. 18).

Position inusitée de la TÊTE. - La tète se tourne de façon que le muscle

paralysé ait le moins possible de contraction à donner. Elle se dirige,

de façon à porter l'oeil dans le sens d'action du muscle paralysé. Si, par

exemple, le droit externe de l'oeil droit est paralysé, la tète se tourne

à droite : , ' -

Occlusion d'un OEiL. Cette occlusion spontanée de l'oeil se fait dans le

but d'éviter la diplopie et les autres troubles qui en résultent.

Moindre netteté de la fausse IMAGE, - L'image fausse qui correspond il

l'oeil paralysé, est vue par une portion moins centrale et par conséquent

moins sensible de la rétine. La perception qu'elle donne est beaucoup

moins nette que si l'image venait se faire sur la macula. .

, Inclinaison fréquente de la fausse image. Les muscles de l'oeil.sont

susceptibles, suivant leur position anatomique ou suivant la situation du

globe oculaire au moment où ils se contractent, d'exercer sur ce globe

des actions multiples. Ils peuvent produire un déplacement vertical ou

un mouvement de rotation en même temps que l'adduction ou l'abduc-

tion. Lorsqu'un muscle rotateur est paralysé l'image perçue par l'oeil

correspondant est inclinée. Cette inclinaison constitue encore un bon

signe pour reconnaître l'oeil paralysé. '

Nystagmus. - Quand l'oeil se porte dans le sens d'action du muscle

paralysé, on voit apparaître des secousses nystagmiques du globe oculaire.

Ces mouvements, peu fréquents, -sont plutôt des saccades que de véri-

tables mouvements nystagmiques. Ils se montrent au moment où le

muscle devient insuffisant, et dénotent ses efforts inutiles pour entraîner

plus loin le globe oculaire. Ce nystagmus a donc pour particularité de ne

se montrer que dans' certaines directions du ;globe oculaire. C'est par cela

qu'il se distingue des autres variétés de nystagamus (Voir Nystagmus).

PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 61

Diagnostic A l'aide DE la DIPLOPIE.

Tous les signes précédents qui accompagnent les parésies ou paralysies

des muscles moteurs des globes servent à établir le diagnostic. Ils se

contrôlent les uns les autres. En général, il n'est pas nécessaire de les

rechercher et analyser tous pour arriver à déterminer le siège exact de

la paralysie. Dans certaines paralysies très accentuées, la déviation

oculaire en un sens et la limitation des mouvements du globe dans

l'autre permettent, à elles seules, de reconnaitre les muscles paralysés

(Voir Paralysie complète du M. O. G., du 5f. o. E.). Mais, le plus souvent, la

paralysie est incomplète, il y a seulement parésie, la déviation oculaire

n'est pas appréciable, la limitation des mouvements du globe n'est pas

évidente; le malade se plaint seulement de trouble dans la vue, de

vertiges, d'étourdissements, de vision double.

Ces paralysies incomplètes sont d'un diagnostic difficile, mais ce sont

les plus fréquentes et il importe de les reconnaître. Elles présentent un

symptôme principal et constant, la diplopie. C'est à l'aide de cette diplo-

pie, employée seule, que nous allons faire le diagnostic très exact de

la paralysie.

En présence d'une paralysie oculaire il faut déterminer successive-

ment : 1° le muscle paralysé; 2° le siège dans les voies optiques de la

lésion interruplrice; 5° la nature de cette lésion. '

Diagnostic des muscles paralysés. Il peut y en avoir un

seul ou plusieurs. Supposons qu'il n'y en ait qu'un seul. Lequel des

douze muscles moteurs des globes est atteint de paralysie ?

La paralysie de chaque muscle, nous le verrons, donne lieu il des

symptômes particuliers, qui la distinguent de celle des onze autres

muscles. Il suffirait, semble-t-il, pour arriver au diagnostic, de constater

les troubles produits par le muscle paralysé, et de rechercher ensuite

quel est celui des douze muscles moteurs des globes dont la paralysie

amène les mêmes troubles. C'est un procédé long. Et, d'ailleurs, la

mémoire se refuse à enregistrer les douze schémas symptomatiques des

paralysies de chacun des douze muscles moteurs des globes.

Il existe des méthodes plus simples, un chemin plus direct, plus pra-

tique et plus sur, pour arriver à la détermination du muscle paralysé.

Ces méthodes sont variables.

En voici une très simple, facile à employer, à condition de connaître

les trois principes suivants :

1° L'oeil est toujours dévié en sens contraire du muscle paralysé

ou mieux en sens contraire de l'action du muscle paralysé.

2° L'image est en sens contraire de la déviation oculaire.

5" L'écarlemenl des images augmente quand l'objet se meut dans le

sens d'action du muscle paralysé.

A l'aide de ces trois principes très simples, on peut, connaissant la

[POÜGARD.]

li3 12 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

fonction physiologique d'un muscle paralysé, déduire immédiatement le

sens de la déviation et de la diplopie.

PARALYSEES DES MUSCLES .MOTEURS DES GLOBES. ) ! 5

Diagnostic de la paralysie d'un seul muscle. - Le malade ayant un

verre rouge devant un oeil regarde une bougie placée devant lui à 2 ou

[POULARD.] ]

Fig. 44. (A) Diplopie croisée. (]-'il en dehors, fausse image en dedans (diplopie croisée),

paralysie de l'adduction. (B) Diplopie homonyme. OEil en dedans, fausse image en dehors

(diplopie homonyme), paralysie de l'abduction.

l'ig. 4J. (A) Diplopie verlicale, fausse image supérieure. OEil en bas, fausse image en haut,

paralysie de l'élévation. (11) Diplopie verticale, fausse image inférieure. OEil en haut,

fausse image en bas, paralysie de l'abaissement.

gaz TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

trois mètres. Il en voit deux, l'une rouge, l'autre de couleur normale.

Étudiez d'abord la diplopie transversale sans vous préoccuper des

déplacements verticaux. Quel que soit le muscle paralysé, vous aurez une

déviation transversale, car tous les muscles ont, à des degrés divers, une

action transversale.

Deux cas peuvent se présenter :

(I). Ou l'image fausse est projetée en dedans (diplopie croisée),

(II). Ou l'image fausse est projetée en dehors (diplopie homonyme).

. PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 65

Voilà le diagnostic fait par la' diplopie seule, sans qu'il soit besoin

d'utiliser les autres symptômes des paralysies oculaires : déviation du

globe, fausse projec-

tion, inclinaison des

images, etc.

Si dans un service

d'opthalmologie ou de

neurologie on dispose

d'une place assez

grande, on peut em-

ployer le procédé sui-

vant. ,

Sur l'un des murs

de la salle d'examen,

on trace des lignes ver-

ticales et horizontales

circonscrivant des car-

rés de 1 mètre de côté

(fig. 46). On subdivise

ensuite chacun de ces

carrés.de façon à obte-

nir des carrés de 20 cen-

timètres.

L'observé, un verre

rouge sur l'oeil droit,

est placé à distance du mur

quadrillé et regarde l'objet, une

bougie. Celle-ci- est d'abord pla-

cée au milieu du carré central.

Puis on déplace la bougie trans-

versalement à droite et à gauche

dans les grands carrés voisins.

On promène ensuite la bougie en

haut et en bas. On peut au besoin,

mais c'est le plus souvent inu-

tile, porter.la bougie dans les

grands carrés des angles.

Dans chacun de ces carrés on

constate la position des images,

on note ces constatations sur un

schéma (fig. 47) en désignant

l'image rouge par un trait rouge,

L image de couleur normale par un trait non ? on obtient ainsi une trans-

cription graphique de la diplopie.et.de ses caractères. Il. est facile, avec les

données de ce schéma, de faire ensuite posément le diagnostic delapàralysie.

PIIATIQUE JOEUIlOL. ' 5 -

- [FOULARD : ]

. Fig. 46.

Recherche de la diplopie sur le mur quadrillé (Morax).

Fig. 47. Schéma sur lequel on reporte les con-

statations faites sur le mur quadrillé. Ce schéma ,

nous montre la disposition des images dans la para-

lysie du muscle droit externe de l'OD. '

Hi TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.. - -

Cette exploration au mur quadrillé permet au besoin de mesurer le

degré de la paralysie oculaire et d'en suivre la marche progressive ou

régressive en projetant une sphère sur le mur quadrillé. 1 1

Fig. 48. - Schémas de diplopie.

PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 67

Diagnostic quand plusieurs muscles sont paralysés. - Il se fait

de la même façon que dans les cas où un seul mucle est paralysé.

Mais des difficultés peuvent se présenter. On conçoit, par exemple,

5*

[POULARD.] ]

Fig. 49. -7- Schémas de diplopie.

68 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

que, si deux muscles antagonistes sont touchés en même temps, les trou-

bles fonctionnels puissent être modifiés, les troubles diplopiqucs plus

complexes. Dans ces conditions, il est utile, pour compléter un diagnostic

incertain, de recourir à l'usage du périmètre, de faire la dynamométrie

des muscles, d'explorer la force contractile de chacun.

Si les muscles paralysés dépendent d'un même tronc nerveux, du

M. 0. C., par exemple, le diagnostic est facile (Voir p. (i9).

Vérification du diagnostic de paralysie d'un muscle. Quand,

au moyen de la méthode rapide que nous avons indiquée, on a déterminé

le muscle paralysé, il est bon de vérifier le diagnostic. Il suffit pour

cela de se rappeler les fonctions physiologiques de ce muscle et de recher-

cher si chacune d'elles fait défaut dans le muscle paralysé (Voir à la

suite Aspect clinique des paralysies) .

Aspects cliniques suivant le siège DE la lésion.

Diagnostic du siège. Quand, il l'aide de la diplopie ou des

autres signes de paralysie, on a déterminé le muscle ou les muscles

atteints, il faut encore, pour arriver à un diagnostic complet, localiser le

siège de la lésion dans les voies oculomotrices (diagnostic du siège).

Cela fait, il ne reste plus qu'à déterminer la nature de cette lésion

(diagnostic étiologique). Suivons les voies optiques de la périphérie vers

les centres.

1° Paralysie d'un muscle. Voici, pour chacun des muscles,

un schéma des déviations et des troubles diplopiqucs auxquels il donnc

lieu. Ces symptômes découlent mécaniquement des fonctions physiolo-

giques abolies. Le tableau indique successivement : 1" L'action physio-

logique du muscle; 2° Les déviations de l'oeil résultant. de la paralysie du

muscle ; 5° Les caractères de la diplopie (tig. 48 et ! >-9).

PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GDOBES. 69

70 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

par le muscle droit externe resté sain, et légèrement en bas par le grand

oblique également intact. L'oeil est incapable de se mouvoir en dedans,

en haut, en bas. Seuls sont possibles les mouvements en dehors dans

le sens d'action du droit externe et de légers mouvements en bas et en

dehors dans le sens d'action du muscle grand oblique.

La pupille est dilatée à des degrés divers, en général d'une manière

modérée. L'accommodation est paralysée. Ces troubles pupillaires et

accommodateurs sont normaux dans la paralysie totale du M. 0. C.,

puisque ce nerf tient sous sa dépen-

dance la contractilité de tous les mus-

cles intrinsèques du globe oculaire.

Dans les paralysies incomplètes on

retrouve les mêmes symptômes moins

accentués.

4° Paralysie d'origine pé-

donculo-protubérantielle.

Les paralysies d'origine pédonculo-

protubérantielle s'accompagnent de

troubles nerveux qui permettent de

les reconnaître avec facilité. Ils sont

variables suivant le siège de la lésion

dans la région pédonculo-protubéran-

tielle. Ces variations résultent de

l'entrecroisement à différentes hau-

teurs des voies nerveuses motrices

des yeux, de la face et des membres

(fig. 51).

Les libres du M. 0. C. s'entrecroi-

sent dans la région pédonculaire, les

fibres du facial et du M. 0. E, dans la

partie supérieure de la protubérance,

les fibres motrices des membres au-

dessous dans le bulbe. C'est d'ailleurs

l'ordre d'émergence de ces nerfs. Une

lésion pédonculaire touche le M. 0. C.

croisé, le facial et les nerfs des mem-

bres non croisés.

Une lésion protubérantielle touche

le M. 0. E. et le facial croisés, les

faisceaux nerveux des membres non

croisés.

La connaissance de ces notions ana-

tomiques permet de comprendre les

divers syndromes de Weber et de Millard-Gubler.

Syndrome de Weber (lésion pédonculaire) : paralysie du M. 0. C. d'un

1 i ? 51. - Schéma des régions pédon-

culaire A, protubérantielle B et bul-

baire C, destiné et montrer l'entre-croi-

sement successif des voies motrices des

yeux, de la face et des membres. Le

trajet des libres motrices est indiqué

par les cordons blancs m,1 ? )Il, ils

III. Nerf M. 0. C. déjà entre-croisé dans

, la région pédonculaire en I ? 'I et

VU, nerfs M. 0. E. et facial dont les

libres viennent de s'entre-croiser dans

la région protubérantielle, en Eg. La,

lésion L, (pédonculaire) coupe le M. 0. C.

entrecroisé et le faisceau moteur de la

face et des membres non entre-croisé

(syndrome de Weber). La lésion Lo

(protubérantielle) coupe le Il. 0. E. et

le facial entre-croisés, et le faisceau

moteur des membres non entre-croisé

(syndrome de 311llal'fl-Guhler).

PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DÈS GLOBES. 71

côté (côté de la lésion) ; paralysie de la face et des membres du côté opposé

(fig. 52 A).

Syndrome Millard-Guble1' (lésion protubérantielle) : paralysie du

M. 0. E. et du facial d'un côté (côté de la lésion) ; paralysie des membres

du côté opposé (fig. 52 B).

Des lésions pédonculo-protubérantielles peuvent encore amener des

syndromes type Foville, avec déviation conjuguée des yeux, dont je don-

nerai plus tard une description détaillée.

Syndrome type Foville dans les lésions pédonculaires : paralysie du

facial, des membres et de l'oculogyre du même côté. (Voir Déviations

conjuguées (fig. 55 A.)

Syndrome type Foville dans la lésion protubérantielle supérieure :

5 ?

[POULARDE

Fig. 52. La croix indique le côté de la lésion, les hachures le côté paralysé. A, syndrome

de Weber (paupière gauche tombante); B, syndrome de Millard-Gubler (oeil gauche en

strabisme convergent).

72 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

paralysie de l'oculogyre d'un côté ; paralysie du facial et des membres du

côté opposé (fig. 55 B).. '.>

Syndrome type Foville par lésion protubérantielle inférieure : para-

lysie du facial et de l'oculogyre d'un côté (côté de la lésion); paralysie

des membres du côté opposé (fig. 55 C).

Dans la paralysie de l'oculogyre droit ou gauche, les mouvements com-

binés des deux yeux vers la droite ou vers la gauche ne se font plus. En

outre, les yeux se dévient du côté opposé il l'oculogyre paralysé (déviation

conjuguée).

Quelques autres syndromes bulbo-prolubérantiels avec troubles de la

motilité oculaire, bien plus rares que les précédents, doivent cependant

être connus.

Fig. 55. (A; Syndrome type Foville dans les lésions pédonculaires (les deux yeux regardent

à gauche). (B) Syndrome type Foville dans les lésions protuleraticlles supérieures (les

deux yeux regardent à droite).

PARALYSIES 'DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 75

Syndrome de Benediht (de Vienne). Paralysie de la IIIe paire

accompagnée d'hémiplégie croisée avec tremblement. Benedikt considère

ce syndrome comme résultant d'une lésion du pédoncule cérébral au

niveau du noyau du M. 0. C, à

l'émergence des fibres nerveuses.

D'après les autopsies peu nombreuses

qui ont été faites, le syndrome de

Benedikt se montrerait dans les

lésions de la calotte du pédoncule.

Syndrome protubérantiel supé-

rieur de Reymond-Cestan. En

même temps qu'une paralysie des

mouvements de latéralité des yeux,

il existe une hémiplégie alterne attei-

gnant légèrement la force motrice,

mais produisant des troubles accen-

tués de la motilité volontaire (trem-

blement, incoordination, mouve-

ments athétosiques, asynergie céré-

belleuse) et des troubles très marqués

de la sensibilité (fourmillements,

anesthésie cutanée, anesthésie articu-

laire, perte du sens stéréognostique),

Ce syndrome se rencontre dans « les

lésions de la calotte de la partie

supérieure de la protubérance ».

Syndrome de Babinski-Nageotle.

ttémiasyncrgie, latéropulsion et

myosis, avec hémianesthésie et hémi-

plégie croisée. En même temps que le

rétrécissement pupillaire, il existe

une diminution de la fente palpébrale

et un certain degré d'énophtalnlie.

Dans les trois cas observés par les

auteurs qui ont donné leur nom à ce syndrome, il y avait aussi du nys-

tagmus. Tous ces troubles oculaires ont une origine bulbaire.

5° Paralysie par lésion isolée des noyaux pédonculo-

protubérantiels.

Paralysies dissociées. Les noyaux d'origine des nerfs oculo-

moteurs, bien qu'assez unis les uns aux autres, offrent néanmoins une

certaine indépendance. Les .différents noyaux du M. 0. C. sont eux-

mêmes anatomiquement, physiologiquement et cliniquement séparables

les uns des autres. Ils peuvent être lésés séparément. De là des paralysies

dissociées de l'iris, de l'accommodation, d'un ou 'de quelques-uns des

muscles extrinsèques. Les paralysies dissociées sont d'ordinaire le fait,

[POULARD.]

Fig. 55 (C). Syndrome type Foville dans

les lésions protubérantielles inférieures (les

deux yeux regardent à droite).

74 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

ou de lésions périphériques ou de lésions nucléaires. En ces deux points,

en effet, les fibres qui constituent le tronc du M. 0. C. s'éparpillent,

se séparent; se dissocient, en avant du côté de l'oeil, pour aller à

chacun des muscles, en arrière du côté du cerveau, pour gagner les

noyaux d'origine.

Les paralysies totales du M. 0. C. sont plutôt le fait d'une lésion inter-

médiaire portant sur le tronc nerveux. Cependant une paralysie d'origine

tronculaire peut aussi présenter des dissociations.

Signe d'Argyl Robertson. Il est caractérisé par la perte du réflexe

pupillaire à la lumière, coïncidant avec la conservation du réflexe pupil-

laire à la convergence. Pour l'expliquer, on admet l'existence dans le

M. 0. C. de fibres spéciales préposées à la transmission du réflexe lumi-

neux, sur lesquelles certaines infections, comme l'infection syphilitique,

se fixeraient avec prédilection. Ne voit-on pas certaines intoxications ou

infections (alcoolisme, etc.), agir d'une manière élective sur certains

faisceaux (f. maculaire) du nerf optique; la diphtérie n'atteint-elle

pas avec prédilection certaines fibres du M. 0. C., les fibres de l'accom-

modation. On peut aussi, mais plus difficilement, expliquer ce symptôme

par une localisation particulière de la lésion dans les points 1, 2, 5, 4 4

des voies optiques réflexes, sur les fibres reliant les noyaux réflexes aux

noyaux d'origine des nerfs oculomoteurs (lib. 59). ,

Ophtalmoplégie intérieure, intrinsèque. - Elle peut porter sur toute ;

la musculature intrinsèque, ou atteindre séparément l'iris et l'accom-

modation (Voir Paralysie de l'iris, p. 86, et P. de l'accommodation,

p. 9G).

Cette ophtalmoplégie intrinsèque, type de paralysie dissociée duM. O. C.,

est en général considérée comme étant, dans la plupart des cas, d'ori-

gine nucléaire.

Ophtalmoplégie extérieure, extrinsèque. Dans certaines condi-

tions, tous les muscles moteurs du globe (0. unilatérale) ou des globes

(0. bilatérale) sont paralysés, aussi bien les muscles dépendant du

M. 0. C. que ceux innervés par le pathétique et le moteur oculaire

externe. Cependant, la musculature intrinsèque reste intacte; il n'y a

point de troubles de l'accommodation, la pupille est mobile. Cette inté-

grité de la musculature intrinsèque contraste avec la paralysie des muscles

extrinsèques. '

Cette paralysie, ordinairement bilatérale, donne au malade un aspect

tout particulier. Les paupières, tombantes, couvrent en partie la pupille.

Le malade, pour voir, essaye de les relever par de fortes contractions du

frontal, plisse le front, et en même temps porte fortement la tète en

arrière. De là un aspect et une attitude spéciale désignés sous le nom de

« facies d'lIutchinson ». En écartant les paupières, on trouve les deux yeux

complètement immobiles, figés dans l'orbite comme des yeux en cire.

Pour regarder à droite, à gauche, en haut, en bas, le malade est obligé

de mouvoir la tète ou le corps.

PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 75

Cette ophtalmoplégie souvent héréditaire, familiale, peut être congé-

nitalc. -

Ophtalmoplégie totale. Elle se présente comme la précédente, avec.

cette seule différence que la musculature intrinsèque est prise en même

temps que la musculature extrinsèque.

Ophtalmoplégie nucléaire progressive. Dans certaines conditions,

particulièrement dans la syphilis et dans quelques maladies nerveuses,

on voit se prendre successivement les divers muscles extrinsèques etintrin-

sèques des globes oculaires. Il se développe une ophtalmoplégie progres-

sive. D'abord partielle, elle aboutit souvent à l'ophialmoplégie totale. Elle

[POULARD.]

Fig. 51. - Paralysie bulbaire asthénique.

76 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

parait résulter de lésions nucléaires. C'est une polioencéphalite analogue-

à la poliomyélite, une altération des cellules motrices des noyaux d'ori-

gine des nerfs moteurs des yeux. L'allure de cette ophtalmoplégie peut

être aiguë, subaiguë ou chronique. ,

Un type de forme aiguë est la poliencéphalite aiguë hémorrhagique-

de Wernicke, affection grave, accompagnée de. symptômes généraux

(céphalée, vomissements, vertiges, tendance au sommeil). '

Dans la forme chronique, plus fréquente, l'affection peut rester sta-

tionnaire ou devenir progressive. Dans ce dernier cas, elle se complique

de phénomènes bulbaires (polyurie, glycosurie, albuminurie, paralysie

glosso-labio-laryngée) ou médullaires (atrophie musculaire progressive).

C'est encore à ce groupe qu'il faut rattacher les ophtalmoplégies de la-

paralysie bulbaire asthénique (fig. 54). '

Paralysie du droit externe d'origine nucléaire. Le droit externe

peut être paralysé par suite d'une lésion du noyau du M. 0. E'. à l'emi--

nentia teres, ou par-

suite d'une lésion des

fibres de ce nerf dans

la-protubérance (Voir

Syndrome protubéran-

l'lEI., p. 70, fig. 55).

On peut recon-

naître le siège diffé-

rent de ces deux,

lésions. Dans le pre-

mier cas, la déviation

persiste malgré les

sollicitations de mou-

vement adressées au

malade. Dans le se-

cond cas, au moment,

où le regard veut se

porter du côté de la

paralysie, l'aeil sain

se met tout à fait en

dedans dans la com-

missure interne de-

l'aeil (fig. 56).

Dans le premier cas

paralysie nucieairej, u y a paralysie associée des mouvements ae laté-

ralité des deux yeux vers le côté paralysé. Dans le second (paralysie

radiculaire), il y a seulement paralysie d'un des moteurs oculaires-

externes,, et si l'on demande au malade de regarder du côté paralysé,

l'oeil atteint ne marche pas, tandis que l'oeil sain se porte en adduction,,

d'où strabisme convergent. «

Fig. 55. Coupe schématique de la protubérance il sa partie

inférieure. A, lésion touchant le noyau du M. 0. E. et le facial

(paralysie nucléaire) ; B, lésion touchant les racines protubé-

rantielles du facial et du M. 0. E. (paralysie radiculaire) (llorax).

PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 77

6° Paralysie par lésion des centres et voies supranu-

cléaires (mésocéphale, capsule interne, centre ovale, écorce céré-

brale). Les mouvements oculaires, si rapides, si variés, si complexes,

ne se font pas par l'action isolée d'un ou de quelques muscles, mais par

la contraction combinée, inégale et synergique de plusieurs d'entre

eux. Tous les muscles entrent en action dans les mouvements oculaires;

les uns, producteurs du mouvement, par leur contraction, les autres,

antagonistes de ces mouvements harmonieux, par leur tonicité ou même

leur contraction.' C'est par ce mécanisme que se font les mouvements

associés de latéralité, d'élévation, d'abaissement, de convergence, de

[POULARD]

Fig. 50. Schéma (d'après Iilocd et Onanolf) pour montrer la différence entre la paralysie

protubérantielle et la paralysie radiculaire. Paralysie protubérantielle : quand on demande

au malade de regarder du côté paralysé, les yeux se mettent en strabisme convergent (5).

Paralysie nucléaire : la déviation persiste, quel que soit le sens dans lequel on demande

au malade de regarder. - -

Fis. 5 î.- Schéma pour expliquer le mécanisme des mouvements combinés des yeux. C, muscle

ciliaire accÓmmodateur; I, constricteur de l'iris; M, 31, M, muscles extrinsèques moteurs du

globe oculaire; MOC, nerf moteur oculaire commun; P, nerf pathétique; MOE, Nerf moteur

oculaire externe; non, noyaux d'origine du mot; ? noyau d'origine du nerf pathétique;

1\", noyau d'origine du nerf MOE; A, centre mesencephalique d'association réflexe;

CA, centre cérébral d'association antérieur, sensitivo-moteur; CP, centre cérébral d'associa-

tion postérieur, sensorio-moteur. Les fibres qui partent des centres CA et CP constituent

les oculogyres. L

78 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE. 1

divergence. Ces mouvements combinés sont inexplicables sans l'existence

de centres encéphaliques combinant les actions musculaires, réglant

les mouvements associés (fig. 81).

Des centres nerveux d'association existent certainement au delà de

l'origine des troncs nerveux, les uns dans le mésocéphale, les autres

dans l'écorce cérébrale. Ils sont réunis entre eux et aux noyaux d'origine

des nerfs moteurs de l'oeil par des tractus nerveux, dont l'ensemble

forme la voie des mouvements associés. Le siège des centres d'associa-

tion, le trajet des fibres nerveuses d'association ne sont pas encore

exactement déterminés; cependant, les constatations cliniques jointes à

des recherches physiologiques ont permis d'établir, d'une manière assez

précise la voie des mouvements associés et plus particulièrement la voie

des mouvements associés de latéralité, de ce que Grasset appelle les*

nerfs oculogyres.

L'origine corticale des oculogyres est double, un centre antérieur ou

frontal sensitivo-moteur siégeant surtout dans le pied de la 2" frontale,

un centre postérieur ou occipital sensorio-moteur occupant la zone.*

visuelle occipitale.

Les impressions sensitives générales du globe peuvent avoir une action

incitative sur le centre sensitivo-moteur, les impressions sensorielles^

(lumineuses) ont également une action sur le centre sensorio-moteur. '

Sous l'inlluence de ces incitations, et si la volonté n'intervient pas,

les centres peuvent produire des mouvements oculaires par le méca-

nisme du réflexe automatique. Mais, ce sont avant tout des centres volozc-

taires, sur lesquels la volonté peut exercer une autorité complète.

Bien que des déviations conjuguées avec et même sans hémianopsie

puissent se produire dans les lésions du pli courbe, cette région ne con-

stitue pas un troisième centre des mouvements associés de latéralité. La

déviation des yeux se fait, dans ce cas, par retentissement sur les fibres

de projection centripètes ou centrifuges sous-jacentes au pli courbe.

Les fibres centrifuges seraient plus fragiles que les centripètes; de là,

l'existence de déviations conjuguées sans hémianopsie, c'est-à-dire sans

participation des fibres centripètes (J. Roux).

Dans le centre ovale, le faisceau antérieur chemine au voisinage des

fibres du facial; le faisceau postérieur est intimement mêlé aux radia-

tions optiques. ,

Dans la capsule interne, le faisceau antérieur chemine à la partie pos-

térieure du bras antérieur; les fibres postérieures accompagnent les

radiations optiques. '

Au niveau du pédoncule, on ne peut actuellement distinguer les fibres

antérieures des postérieures. Ces fibres ne semblent pas comprises dans

le faisceau de l'étage inférieur du pédoncule; elles occupent probable-

ment l'étage supérieur (la partie voisine de la couche optique).

Dans la protubérance a lieu l'entrecroisement des oculogyres, avant

de se rendre au noyau mésocéphaliquc du côté opposé. Il se fait dans la

PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 1 7 ! 1

région protubérantielle supérieure, avant celui des fibres du facial (Voir

syndromes Foville) . '

Il existe certainement dans le mésocéphale un noyau, un centre d'asso-

ciation réflexe des mouvements de latéralité des yeux, auquel viennent

aboutir les fibres des oculogyres, mais sa situation exacte est encore il

déterminer. Certains auteurs le placent au niveau de l'eminentia teres,

dans le noyau d'origine du M. 0. E.; mais cette localisation est discutable.

Telle est la voie, assez bien déterminée, des mouvements associés de laté-

ralité. '

Les mouvements d'élévation, d'abaissement, de convergence et de di-

vergence se produisent certainement par un mécanisme analogue, et le

système nerveux qui les règle doit être organisé sur un type tout à fait

semblable à celui qui régit les mouvements de latéralité. Mais le trajet des

libres ou le siège des centres sont inconnus au delà du mésoecphile.

Par contre, on sait qu'il existe dans le mésocéphale des centres chargés

de diriger les mouvements associés d'élévation, d'abaissement, de con-

vergence et de divergence. Ces centres paraissent occuper le voisinage

des tubercules quadrijumeaux.

Ces notions, bien qu'imprécises, vont nous aider à comprendre les

paralysies associées.

Troubles moteurs oculaires associés. Au-dessus des noyaux

bulbo-protubérantiels, origine réelle des nerfs oculo-moteurs, les lésions

ne produisent plus la paralysie isolée des muscles ou des troncs nerveux.

La paralysie qu'on observe est associée ou combinée; elle est constituée

par la perte d'un mouvement qui demande, pour être exécuté, l'action

combinée des deux yeux. Elle peut atteindre tous les mouvements asso-

ciés des globes oculaires dans tous les sens : mouvements associés de

latéralité vers la droite ou vers la gauche, d'élévation, d'abaissement,

auxquels il faut ajouter les mouvements associés de convergence et de

divergence.

Ces différentes paralysies peuvent se présenter isolées on réunies à

plusieurs chez le même individu. Les paralysies associées des mouve-

ments de latéralité sont de beaucoup les plus fréquentes.

Dans certains cas, les troubles moteurs oculaires associés amènent une

déviation latérale des yeux dans le même sens et au même degré, pour

les deux yeux, sans strabisme et par suite sans diplopie. C'est la dévia-

lion conjuguée des yeux, une variété de troubles oculaires associés.

Déviations conjuguées. a) Déviations conjuguées d'origine

motrice. Les déviations conjuguées peuvent résulter d'une paralysie

associée du mouvement en sens opposé de la déviation, ou d'une con-

tracture dans le sens de la déviation. Ce sont là des déviations conjuguées

par trouble moteur, des déviations d'origine motrice. Elles s'observent

dans des lésions siégeant sur le trajet que nous venons de donner aux

nerfs oculogyres : a) lésions de l'écorcc cérébrale frontale ou occipitalo-

pariétale ; b) lésion du centre ovale; c) lésions de la capsule interne,

[POULARD.]

80 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

partie antérieure au voisinage des fibres du facial ou partie postérieure

au voisinage des radiations optiques; d) lésions du pédoncule cérébral

dans l'étage supérieur (faisceau de la calotte), au voisinage de la couche

optique (fibres oculo-motrices du centre postérieur auxquelles semblent t

s'être réunies les fibres du centre antérieur) ; e) lésions protubérantiellcs

supérieure, moyenne et inférieure.

La déviation conjuguée paralytique présente, suivant le siège de la

lésion productrice, des variations symptomatiques contribuant beaucoup

il rétablissement d'un diagnostic précis.

Syndrome type Foville dans les lésions pédonculaires ou cérébrales :

paralysie du facial, des membres et de l'oculogyre du même côté

(fig. 53 A).

Syndrome type Foville par lésion protubérantielle supérieure : para-

lysie de l'oculogyre d'un côté; paralysie du facial et des membres

du côté opposé. C'est un syndrome de Weber modifié (fig. 55 B).

Syndrome type Foville par lésion protubérantielle inférieure : paraly-

sie du facial et de l'oculogyre d'un côté (côté de la lésion) ; paralysie

des membres du côté opposé. C'est un syndrome de Millard-Gubler mo-

difié (fig. 55 C).

Tel est le sens de la déviation dans les paralysies; il est tout opposé

dans les contractures.

C'est l'occasion de rappeler les lois formulées par Lando11ZY et Grasset,

sur les variations de la déviation suivant le siège de la lésion : dans les

lésions hémisphériques avec déviation conjuguée, le malade regarde

l'hémisphère lésé quand il y a paralysie, il regarde ses membres con-

vulsés quand il y a convulsion. Dans les lésions protubérantiellcs, le

malade regarde ses membres s'il y a paralysie, et sa lésion s'il y a

convulsion.

b) Déviations conjuguées d'origine sensorielle. A côté des

déviations conjuguées d'origine motrice, paralytique ou convulsive, par

lésion des oculogyres, il peut exister des déviations conjuguées sans

lésion motrice, d'origine sensorielle. La déviation conjuguéee, si fré-

quente chez les hémianopsiques, aurait cette origine sensorielle (Pierre

Marie, Dard). Le malade regarde où il voit; les yeux se dirigent d'une

manière réflexe vers le côté des sensations perçues, ils abandonnent le

côté d'où ne vient aucune incitation lumineuse. Cette déviation finit par

devenir une attitude permanente.

Si cette interprétation est vraie, on ne doit, dans les déviations oculai-

res de ce groupe, constater aucun trouble moteur paralytique ou convulsif.

Mais le domaine de ces déviations d'origine sensorielle ne sera bien défini

qu'après de nouvelles recherches sur l'intégrité motrice. On est encore

en droit de douter de l'existence de déviations conjuguées exclusivement

sensorielles.

Paralysies associées Beaucoup de déviations conjuguées,

sont des paralysies associées, la déviation conjuguée d'un côté étant le

PARALYSIES DES MUSCLES MOTEURS DES GLOBES. 81 f

résultat d'une, paralysie, du côté opposé. Ces paralysies associées de laté-

ralité ont les mêmes causes que les déviations conjuguées paralytiques,

elles sont provoquées par une altération sur la voie des oculogyres.

Quant aux paralysies associées d'élévation, d'abaissement, de conver-

gence et de divergence, elles ont ordinairement pour cause une lésion

au voisinage des tubercules quadrijumeaux. Sans doute, elles peuvent

également résulter de lésions plus élevées dans l'encéphale, mais nous

en ignorons le siège.

51'I : C'l's VARIABLES SUIVANT LA CAUSE.

(Diagnostic étiologique.)

Les paralysies oculaires varient dans leurs caractères, non seulement

suivant le siège,' mais encore suivant la nature des lésions productrices.

Je me contente d'énumérer les différentes causes de paralysie en ren-

voyant le lecteur aux chapitres consacrés il chacune des affections.

Traumatisme. Fractures de la base : signes de fracture du crâne.

- TranIl1atis\11e orbitaire : il la suite d'un choc sur la tète, même

légcr, on peut observer des paralysies oculaires. Le plus souvent, c'est

une paralysie du M. 0. E. d'un côté ou des deux côtés. Cette paralysie

est le résultat d'une fêlure du rocher sur la crête duquel passe le M. 0. E.

Cette fêlure ne. s'accompagne d'aucun des symptômes graves habituels

dans les fractures du crâne. La paralysie des deux M. O. E. et le stra-

bisme convergent qui en résulte sont souvent les seuls troubles appre-

cial))es.t'iaie de. l'orbite par projectile, instrument piquant, etc.

Compression. Par une tumeur, un anevrysmc dans l'orbite. Dou-

leurs quelquefois, exophlahnie unilatérale, paralysies dissociées.

Tumeurs cérébrales (base). La tuberculose et la syphilis (li 10),

sont les causes les plus fréquentes. Réaction méningée, vomissements,

céphalée continue, paralysies multiples et diffuses, troubles de la vue, de

l'odorat, de l'ouïe. Ici, connue dans tous les cas de lésion cérébrale, la

ponction lombaire, sera souvent utile pour le diagnostic et quelquefois

pour le traitement.

Méningite. C'est encore la tuberculose et. la syphilis qui sont le

plus souvent en cause.

La méningite tuberculeuse s'accompagne de céphalée, de vomisse-

ments, de constipation, quelquefois de lésions du nerf optique, de trou-

bles de l'odorat et de l'ouïe.

La méningite syphilitique ourc des manifestations analogues, d'ordi-

naire elle s'installe lentement, progressivement, quelquefois rapidement;

elle guérit bien par le traitement.

La ponction lombaire permet souvent le diagnostic entre ces deux

variétés écologiques.

Maladies du système nerveux. Hémorragies des centres ou des

l'nAru,us veotcuL. 0

[PODLARD-]

82 TROUBLES XHRVEUX DE L'APPAREIL- OCULAIRE.

voies intra-céréhrales. Tumeurs du 4° ventricule. Polioencéphalile

supérieure. Paralysie bulbaire asthénique. Sclérose en plaques. Para-

lysie générale. Tabès : rarement complètes, légères, fugaces, récidivant

facilement, quelquefois persistantes; signe d'Argyl IVoberlson. Névroses,

hystérie (rare), le plus souvent ce sont des spasmes (ptosis spasuiodiques).

La paralysie de l'O. M. C. et l'ulllt,111uopléic ly·stérid«c ont été signalées.

Migraine : paralysie du JI. 0. C. seul, totale, récidivante, précédée d'une

migraine. Goitre exophtalmique (polioencéphalite d'après Brissaud). Zona

ophtalmique (rarement) . -

Maladies générales infectieuses. - Diphtérie : le plus souvent l'ac-

commodation est prise seule. Syphilis : peut présenter toutes les variétés.

Scarlatine. Diabète;

Certaines intoxications ou auto-intoxications. Diabète. Satur-

nisme, nicotine, oxyde de carbone, alcool, belladone. Botulisme. Vertige

paralysant de Gerlier ou Kuteisagari des Japonais.

Il est certain que les paralysies oculaires présentent quelquefois des

variations d'aspect, d'évolution, etc.... suivant la cause qui les a pro-

duites, mais, en général, le diagnostic étiologïque doit se baser sur la

constatation des symptômes concomitants, propres aux affections causales.

Il importe de remarquer le rôle important rempli, dans l'étiologie des

paralysies oculaires, par les infections ou intoxications au premier rang

desquelles il faut placer la syphilis.

IV

TROUBLES PUPILLAIRES

Modifications des dlmexsioxs pupillaires.

Pour bien comprendre et apprécier la multiplicité des causes suscep-

tibles de faire varier les dimensions pupillaires, il faut se rappeler avec

précision la physiologie des mouvements de l'iris et, plus particulière-

ment ici, l'inlluence exercée sur eux par le système nerveux.

L'iris reçoit deux ordres de filets nerveux (fig. 58) :

1° Des filets irido-constrictcurs venant des origines du M. 0. C., et

allant il l'iris par la voie du JI. 0. C. lui-même, en passant par le gan-

glion ophtalmique;

2" Des filets irido-dilatateurs, qui proviennent de deux régions diffe-

rentes : '

a) Des origines bulbaires du trijumeau (centre bulbaire');

b) De la moelle cervicale (centre spinal).

Les premiers (d'origine bulbaire), suivent la voie du trijumeau, les

seconds (d'origine spinale), liassent par le sympathique cervical, mais

bien vite viennent rejoindre le ganglion de Casser. Les uns et les autres

se rencontrent donc au ganglion de Casser, cl vont ensuite ensemble à

l'iris, par la voie de l'ophtalmique, branche du trijumeau.

' TROUBLES PUPILLAIRES. 85

La paralysie de l'appareil nerveux irido-constricteur amène l'irido-

dilatation (mydriase paralytique) ; son excitation amène l'irido-consiric-

tion (myosis spasmodique).

La paralysie de l'appareil nerveux irido-dilatatcur, qu'il vienne de la

moelle ou du bulbe, amène l'irido-constriction (myosis paralytique) ;

son excitation donne l'irido-dilatation (mydriase spastique).

Le mécanisme des contractions et dilatations pupillaires n'est certai-

nement pas aussi simple que pourrait nous le faire croire la description

schématique qui précède. Les filets irido-moteurs, avant d'arriver à l'iris,

traversent un ganglion, le ganglion ophtalmique. De plus, autour de

l'iris existe un plexus, le plexus ciliaire, formé par les filets nerveux des-

tinés à l'iris et dans les mailles duquel se voient un grand nombre de

cellules ganglionnaires.

Ces ganglions exercent certainement une action importante sur les

mouvements pupillaires. Il y a d'ailleurs longtemps que Fr. Franck a

démontré l'action tonique irido-constrictive et irido-dilatatrice du

ganglion ophtalmique, ainsi que son action réflexe irido-dilatatrice. Un

exemple : si on sectionne le moteur oculaire commun en arrière du gan-

glion, il y a mydriase, mais une mydriase incomplète. Si on sectionne les

nerfs ciliaires en avant du ganglion, la mydriase est complète. Pourquoi

cette différence ? Parce que le ganglion ophtalmique, après section du

I. 0. C., continue pendant quelque temps à exercer une action tonique

irido-conslrictive sur l'iris.

Autre exemple : l'excitation du tronc du M. 0. C. produit un resserre-

ment pupillaire très léger; l'excitation des nerfs ciliaires en avant du

ganglion donne une irido-constriction très marquée. Les fonctions du

M. 0. C. se trouvent donc modifiées, amplifiées au delà du ganglion.

Ces exemples, pris entre beaucoup d'autres, ont pour but d'attirer l'at-

tention du lecteur sur le rôle des altérations ganglionnaires en patho-

logie pupillaire. Il faut, en effet, à l'encontre des habitudes actuelles,

G*

' [POULARD.]

Tig. 58. Schéma pour expliquer le mécanisme des mouvements pupillaires. A, pédoncules

cérébraux; C, protubérance; B, bulbe; M, moelle; GS, ganglion sympathique cervical;

1. GG, ganglion gtuucute et origine des trois branches du trijumeau; S, branche ophtalmique

, du trijumeau; M, moteur oculaire commun; V, carotide; G0, ganglion ophtalmique; I, iris

' avec, c, le constricteur et, d, le dilatateur. En bleu, les voies irido-constrictives. En rouge,

les voies irido-clilatatrices. En vert, les voies vaso-motrices.

8 4 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

tenir compte de l'existence de ces ganglions, quand il s'agit d'expliquer

un trouble pupillaire.

La dilatation pupillaire peut donc être une mydriase paralytique

(SI. 0. C.), ou une mydriase spastique (sympathique); le rétrécissement,

un myosis paralytique (sympathique), ou un myosis spastique (M. 0. C.).

Ces variétés mécaniques de rétrécissement, et de dilatation pupillaires

ont des caractères spéciaux qui permettent de les distinguer entre elles.

Les uns, que nous étudierons plus loin, sont fournis par les troubles ner-

veux qui accompagnent ces variations pupillaires, les autres, que je vais

indiquer maintenant, se trouvent dans un examen soigneux de la pupille

elle-même. ; .

Mydriase paralytique (paralysie du M. 0. C.). La lumière, l'accom-

modation, la convergence sont sans action. Cependant, si la lésion siège

au noyau du sphincter, la pupille, dit-on, peut réagir avec la convergence.

Les excitations sensitives, sensorielles et psychiques donnent de la

dilatation.

Agents chimiques : l'atropine, qui paralyse le sphincter, augmente la

dilatation; l'ésérine, qui contracture le sphincter, la diminue, si, comme

cela est de règle, la paralysie du M. 0. C. s'arrête au relais du ganglion

ophtalmique. La cocaïne, excitatrice des terminaisons nerveuses du

muscle dilatateur de l'iris, augmente la mydriase en ajoutant à la para-

lysie du sphincter le spasme du dilatateur.

La chloroformisation produit une, mydriase paralytique, à la période

finale, au moment de l'agonie..

Mydriase spastique (excitation du grand sympathique). - La lumière,

la convergence, font rétrécir la pupille, parfois cependant d'une manière

moins prononcée. Les excitations sensitives, sensorielles ou psychiques :

ne donnent plus de dilatation. ,

Agents chimiques : l'atropine produit une mydriase maxima, ajoutant

la paralysie du sphincter au spasme du dilatateur. La cocaïne est sans

action, l'effet qu'elle produit (spasme du dilatateur) étant déjà obtenu.

L'ésérine rétrécit la pupille, mais moins qu'en cas de mydriase paralyti-

que.

Myosis spasmodique (spasme du M. 0. ( ? ). La lumière, la conver-

gence ont une action à peine appréciable, il n'y a même aucune action si

le. myosis est au maximum.

Agents chimiques : L'atropine, faisant disparaître le spasme, dilate la

pupille dans les conditions normales. La cocaïne n'agit pas, le spasme du

dilatateur n'étant pas assez fort pour vaincre le spasme du sphincter.

L'ésérine est sans action, l'effet qu'elle produit étant déjà obtenu avant

son instillation.

Myosis paralytique (paralysie du grand sympathique). - Le rétrécis-

sement n'est pas considérable. La lumière, la convergence peuvent encore

l'augmenter. Les excitations douloureuses n'ont plus d'action.

Agents chimiques : l'atropine produit une dilatation modérée, les deux £

TROUBLES PUPILLAIRES. 85

paralysies (sphincter, dilatateur) agissant en sens contraire. La cocaïne

dilatera la pupille si les terminaisons nerveuses dans le dilatateur sont

intactes, c'est-à-dire si la lésion siège avant le relais du ganglion cervical

supérieur. L'ésérine produit un myosis maximum ajoutant le spasme du

sphincter à la paralysie du dilatateur.

Les notions que nous venons de donner sur l'innervation pupillaire,

jointes, au besoin, à celles que nous donnerons plus loin à propos des

réflexes pupillaires, permettent de s'expliquer facilement l'action difté-

rente de la lumière, de la convergence, des excitations sensitives,

sensorielles ou psychiques, suivant les variétés de dilatation ou de rétré-

cissement pupillaires.

L'action des agents chimiques s'explique, elle aussi, facilement, il con-

dition de bien connaître le mécanisme d'action, sur la pupille, des trois

substances : atropine, ésérine, cocaïne.

L'atropine paralyse les extrémités nerveuses dans le sphincter (my-

driase paralytique) ; l'ésérine excite les terminaisons nerveuses dans le

sphincter (myosis spasmodique). Quant Ù la cocaïne, elle excite les ter-

miuaisons nerveuses dans le muscle dilatateur (mydriase spasmodique).

L'usage de ces collyres peut aider beaucoup au diagnostic des affec-

tions pupillaires. D'après Coppez ('), l'épreuve des collyres peut être faite

avec les mydriatiques seuls : l'atropine pour les pupilles étroites; la

cocaïne pour les pupilles larges.

a) Instillation de cocaïne dans un oeil à pupille large. Mydriase spas-

modique : dilatation supplémentaire nulle. Mydriase paralytique : dilata-

tion maxinia. Pupille normale : dilatation supplémentaire modérée.

b) Instillation d'atropine dans un oeil il pupille étroite. Myosis paraly-

tique : dilatation faible. Myosis spasmodique : dilatation normale.

L'examen des réflexes est de la plus grande importance. On peut,

dans la plupart des cas, Ù l'aide du réflexe constricteur seul, distin-

guer les diverses variétés de mydriase et de myosis. Mydriase para-

lytique : réflexe pupitto-constricteur absent. Mydriase spasmodique :

réflexe pupillo-eonstrictour présent. Myosis paralytique : réflexe con-

stricteur existe. On le constate facilement parce que le myosis para-

lytique est, en général, modéré. S'il est accentué, l'instillation de cocaïne

donne un peu de dilatation spasmodique et facilite la recherche du

réflexe. Myosis spasmodique : réflexe constricteur absent. Sa reelierhcc

est difficile parce que le myosis est souvent très accentué, et d'ailleurs

la cocaïne est sans influence.

I. L'élude de l'action des collyres, sur 'la pupille a clé faite par Frenkel, Schwartz,

Baas et Coppez. C'est ce dernier que j'ai fait les plus larges emprunts. Il y a encore

entre ces auteurs quelques divergences, mais elles sont légères et le neurologiste. doit

connaître et utiliser l'éprouve des collyres. rr;i. : wrr.. De l'inégalité pupill. Presse

médicale, sept. 1897. Schwaiitz. Die Bedcutnng der Auc/enstrtcracleta fiir Diag.

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COl'I'EZ. Arch. cl'oPlital., février 1905.

(i**

{.FOULARD.} ]

811'fIlOL'nLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

Ces caractères distinctifs entre les variétés de rétrécissement et de dila-

tation pupillaires, chaque jour plus précis, ne le sont pas encore assez

pour permettre d'établir sur eux une classification. Les éludes récentes

n'ont pas encore atteint le but, mais elles montrent le chemin qui doit

conduire à la connaissance parfaite des troubles pupillaires. De plus,

elles sont déjà, nous allons le voir maintenant, d'une grande utilité pour

le clinicien, qui, dans sa pratique journalière, cherche à étahlir avec pré-

cision le diagnostic d'une affection nerveuse.

Dilatation PUPILLAIIOE, Myimuase.

A l'encontre de l'accommodation, la contraelilité pupillaire ne subit

avec l'âge aucune modification; en dehors de légères variations indivi-

duelles, seuls les étals pathologiques peuvent amener la perle ou la

diminution de la contractililé pupillaire.

Certaines affections du globe. Dans le glaucome, la pupille se di-

I;lté incomplètement il des degrés variables; dans certains traumatismes

graves du globe, la pupille peut s'élargir; dans bien des cas de cécité

binoculaire, les pupilles sont dilatées. En présence d'une dilatation pupil-

laire dont on recherche la cause, il est toujours facile d'éliminer les-

affections du globe.

Action de certaines substances médicamenteuses. L'atropine,

l'llomatrohilc, la duboisine, la daturine, t'hyoscyaunue, etc., donnent

une mydriase paralytique. La cocaïne provoque une mydriase spasmodi-

que.

Le chloroforme, au début de son action, produit une dilatation pupil-

)aire spasmodique, avec conservation des réflexes; plus tard la pupille se

resserre par paralysie du sympathique, et enfin, aux approches de la

mort, la pupille se dilate à nouveau par paralysie et, perd toute réaction.

Infections générales, syphilis, diphtérie. La diphtérie agit de

préférence sur l'accommodation (Voir Accommodation), mais peut en même

temps provoquer une mydriase paralytique. La syphilis amène la mydriase

paralytique, avec ou sans participation de l'accommodalion et des autres

muscles moteurs des globes (Voir Accommodation). Cette mydriase sur-

vient souvent, d'une manière précoce, peu de temps après l'accident

primitif, sans autre lésion appréciable du système nerveux. Elle a pour

le diagnostic de syphilis une valeur séméiologiquc considérable. A côté

de la mydriase tardive qui accompagne les maladies nerveuses géné-

ralisées (tabès, paralysie générale, etc.), il y a donc une mydriase

précoce et isolée.

Intoxications alimentaires (botulisme). Les mêmes intoxications que

pour la paralysie de l'accommodation (Voir Accommodation).

Affections du système nerveux. Excitation du sympathique

cervical. Dans certaines affections du sympathique cervical (com-

pression, etc.), avant la destruction des fibres nerveuses, il existe sou-

TROUBLES PUPILLAIRES.

vent une période d'irritation, pendant laquelle on constate lexislence d'une

légère dilatation pupillaire spasmodique. Ce signe pupillaire s'accom-

pagne d'autres symptômes d'irritation du sympathique cervical, entre,

autres, d'élargissement de la fente palpébrale et d'exophtalmie, de pâleur

et de refroidissement de la face. La dilatation qu'on observe dans le

goilrc exphotallllique rentre-dans ce groupe. ,

Paralysie du M. 0. C. La dilatation pupillaire qui existe dans la

paralysie du M. 0. C. est une dilatation moyenne, bien moindre que

celle qui suit l'instillation d'atropine.

11 faut se rappeler il ce propos les expériences de F. Franck, sur le

ganglion ophtalmique. La section des nerfs ciliaires il leur sortie du gan-

glion amène une dilatation pupillaire complète. La section du M. 0. C.

n'amène qu'une dilatation moyenne. La dilatation pupillaire maxima

semblerait donc ne se produire que dans les lésions du système ner-

veux, en avant du ganglion ophtalmique ou il son niveau.

méningites. Abcès du cerveau. Amènent quelquefois des dilata-

tions pupillaires.

Névroses, hystérie, épilepsie, certaines maladies mentales aux

périodes d'excitation. Des alternatives de dilatation et de rétrécisse-

ment pupillaire sont toujours un signe fâcheux au cours des maladies

mentales.

Dans l'accès d'épilepsie, il faut conclure il la simulation, s'il n'y a pas

mydriase avec abolition des réflexes. Il s'agit presque toujours en ce

cas de mydriase spastique.

C'est encore par action sur le système nerveux que se produisent les

mydriases spastiques qui accompagnent la forme spastique de l'hLlI11cranic

les accès de dyspnée, les vomissements, les affections de l'intestin et

des organes génilo-urinaires, les douleurs de l'accouchement, les vers

intestinaux, la colique saturnine, les douleurs viscérales du tabès, les

névralgies de la tête, l'urémie convulsive. C'est encore une mydriase

spasmodique que provoque l'excitation des nerfs sensitifs périphériques.

Importance proportionnelle des diverses causes de mydriase.

L'énumération simple des différentes causes de mydriase, telle que je

viens de la faire, ne donne pas une idée exacte de son étiologie. 11 importe

de mettre en évidence celles de ces affections qui la provoquent le plus

souvent. En pratique, si vous constatez une mydriase paralytique, recher-

chez l'existence d'une affection nerveuse organique. Dans la plupart des

cas, vous trouverez le labes ou la paralysie générale, moins souvent une-

lésion de l'encéphale (1 u meur' ou méningite). Si vous ne trouvez aucune

affection nerveuse systématisée, rappelez-vous que la syphilis produit

la mydriase souvent très près de son début, sans qu'il existe aucun

autre trouble nerveux appréciable. Neuf fois sur dix une mydriase para-

lytique est le fait de la syphilis ou d'une affection nerveuse comme le

tabès ou la paralysie générale, qui elles-mêmes sont le résultat de la

même infection spécifique. Ensuite seulement pensez aux autres causes.

G ?

[POULARD.]

88 ' TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE. -

Si vous ne trouvez aucune cause à une mydriase paralytique, vous

pouvez toujours (à moins qu'il ne s'agisse de l'introduction d'un mydria-

tique) tirer de ce symptôme une conclusion très importante, c'est que,

certainement, il existe une lésion grave du système nerveux, et que, à

côté de cette lésion appréciable, il y en a probablement d'autres, ou que

d'autres suivront si la cause n'est pas dépistée-, traitée et supprimée.

. Mydriase physiologique. Certains sujets ont, il l'état en apparence

normal, les pupilles assez dilatées. Un médecin hongrois pouvait à

volonté dilater ses pupilles.

Certaines fatigues nerveuses, entre autres celle qui résulte de l'abus »

des exercices génitaux, amènent une dilatation pupillaire, souvent accen-

tuée et qui persiste longtemps. Enfin, la mydriase se produit, sous des

influences psychiques, sous l'action de certaines pensées. Dans la peur,

dans les accès de terreur épileptique, il survient une mydriase considé-

rable et momentanée.

Rétrécissement pupillaire (myosis).

Affections du globe oculaire : Lésions irritatives de l'iris et de la cor-

née (iritis, synéchies, lésions cornéennes), '"

Substances chimiques : Agissant localement (ésérinc, pilocarpine)

ou par imprégnation générale de l'organisme (opium, nicotine, sommeil

chloroformiquc et même sommeil normal). Toutes ces substances, à

l'exception du chloroforme, amènent un myosis spastique.

Infections ou intoxications générales : Urémie, intoxication par

l'opium, la nicotine. La syphilis, dans certains cas, agit peut-être de la

même manière. '

Affections du système nerveux. On rencontre le myosis dans les

méningites, les méninge-encéphalites.

Il forme un des caractères de Y hémiplégie du type Avellis. Cette

hémiplégie est en effet accompagnée du syndrome oculaire sympathique

et par conséquent de myosis. Elle serait due, d'après Cestan, a une

lésion bulbaire dans la région du noyau du pneumogastrique et de la

colonne solitaire, laquelle représente le prolongement du tractus inter-

medio-lateralis de la moelle, origine du sympathique.

Une amblyopie hystérique avec myosis pourrait se rencontrer excep-

tionnellement.

En dehors de ces affections rares du système, nerveux, il en est

d'autres bien plus fréquentes dans lesquelles le myosis se voit très sou-

vent, c'est la syphilis cérébrale et spinale, le tubes et la paralysie

générale. L'existence d'un myosis doit attirer l'attention d'abord sur

ces trois affections.

La paralysie du sympathique cervical provoque un myosis paraly-

tique accompagné de rétrécissement de la fente palpébrale et d'un peu

d'énophtabnie, d'hypotonie et de congestion de la moitié de la face. Ces

TROUBLES PUPILLAIRES. 89

altérations du sympathique avec myosis se rencontrent dans les sections

chirurgicales ou traumatiques, la pachymeningitc cervicale, les paraly-

sies radiculaires du plexus brachial, certaines syringomyélies, certaines

angines phlegmoneuses, dans les adénopathics cervicales, les tumeurs

du médiastin, le goitre, les affections bronchiques et hlcuro-hulrrm-

naires.

L'irritation du M, 0. C. (branches ou noyaux) provoque le myosis, un

myosis spasmodique.

Le myosis, comme la mydriase, peut être réalisé par des lésions ner-

veuses variées, mais il faut savoir que c'est surtout la syphilis qui en est

la cause la plus habituelle.

Myosis physiologique ? Il existe un myosis comme une mydriase

physiologique. C'est ainsi que dans le sommeil la pupille est en myosis.

Certaines personnes ont les pupilles étroites, mais il faut toujours, en ce

cas, se méfier et rechercher soigneusement une cause pathologique. ? Déformations pupillaires.

La déformation pupillaire, rare dans les affections nerveuses, se ren-

contre au contraire très souvent dans les affections du globe oculaire.

La cause la plus fréquente de beaucoup est l'irilis, qui amène l'adhé-

rence de certaines parties du bord pupillaire, il la face antérieure, du

i; cristallin.

. Après disparition des phénomènes inflammatoires, la pupille reprend

son jeu normal dans ses portions non adhérentes, tandis que les points

adhérents du rebord pupillaire restent en place fixés au cristallin. De là

une déformation du champ pupillaire dans l'étendue duquel l'iris envoie

des prolongements angulaires en forme de piques ou de lances. L'atro-

pine qui dilate les parties de la pupille non adhérentes au cristallin,

laisse au contraire les autres en place. De ]a une accentuation très mar-

quée de la déformation pupillaire après instillation de ce mydriatique.

De plus, dans la plupart des déformations pupillaires consécutives à

une iritis ancienne, on constate avec facilité des dépôts de pigment

dans le champ pupillaire. Il y a, d'autre part, des commémoratifs rap-

pelant l'existence d'une, inflammation antérieure de l'oeil.

Le glaucome, il la période aiguë, donne il la pupille une déformation

légère, de forme ovalaire, sans angles. Le glaucome ancien, à la période

d'atrophie de l'iris, donne aussi des déformations pupillaires dues à la

rétraction de certaines parties de l'iris plus atrophiées que d'autres.

Mais dans le glaucome aigu ou ancien, le diagnostic est toujours facile

par la constatation de lésions oculaires concomitantes.

A l'état normal, l'iris est soutenu par le cristallin sur la face anté-

rieure duquel il s'applique. Si le cristallin vient à se luxer, à basculer,

une partie de l'iris ne sera plus soutenue et il pourra en résulter une

légère déformation pupillaire sans angles rentrants. Dans ce cas, la

no TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

portion non soutenue de l'iris se met souvent 11 tl't'mbloUPI' dans les

mouvements du globe. '

Enfin, la pupille peut être le siège d'une déformation congénitale qui

allonge en bas le champ pupillaire (colobonic de l'iris congénital).

Une intervention sur l'iris, une iridectolllie, peut donner l'aspect du

colobome (colobome chirurgical).

Les déformations pupillaires d'origine nerveuse diffèrent des précé-

dentes. La pupille est polycyclique à grand rayon, sans angles rentrants.

Elle diffère en cela de la pupille iritique aux contours angulaires. Elle en

diffère encore par l'action de l'atropine qui, dans les déformations

d'origine nerveuse, agit sur tout le pourtour pupillaire, sans laisser en

place aucune adhérence. Permanentes dans la plupart des cas, ces irré-

gularités peuvent être passagères ou changer de position sur le rebord

pupillaire.

Ces déformations pupillaires ont été constatées dans la paralysie géné-

rale, le tabès, on a même pensé en faire un signe de videur pour ces

affections. En réalité, on les rencontre souvent chez des personnes âgées

indemnes de paralysie générale, de tabès et de toute autre maladie

nerveuse. Elles semblent dues il des atrophies partielles des tissus de

l'iris. Peut-être sont-elles ducs, dans certains cas, à une altération de v

quelques filets nerveux indo-moteurs.

Inégalité pupillaire.

Toutes les causes de dilatation ou de rétrécissement pupillaire agis-

sant sur un seul oeil peuvent, on le conçoit, amener une inégalité pu-

pillaire : paralysie du constricteur ou contracture du dilatateur donnant

la dilatation pupillaire; paralysie du dilatateur ou spasme du constric-

teur donnant le rétrécissement pupillaire. L'inégale répartition, sur

les deux pupilles, de ces paralysies et contractures, amène l'inégalité

pupillaire.

. Cette multiplicité des causes productrices de l'inégalité pupillaire

explique les aspects variables sous lesquels elle se présente en pratique.

Le mécanisme de production et la signification précise des inégalités

pupillaires sont encore mal connus. Néanmoins, une inégalité pupillaire

constitue toujours un symptôme important. Elle doit déterminer le

médecin il rechercher meticulensement l'existence d'une (f /l'ecl'ion lIe1'-

veatse, plus particulièrement le tabès, la paralysie générale, la syphilis

cérébro-spinale sous toutes ses formes.

Inégalité pupillaire congénitale. Certains individus présentent,

dès leur naissance et toute leur vie. une inégalité pupillaire en général

peu accentuée et qui [tarait n'avoir rien de pathologique. Cette anisocorie

congénitale non pathologique existe sans doute. En tout cas, il ne faut

l'admettre qu'après avoir soigneusement recherché chez l'enfant ou dans

sa famille l'infection syphilitique ou toute autre tare morbide.

TROUBLES PUPILLAIRES. 91

Anisocorie variable. Anisocorie à bascule. L'inégalité pupillaire

peut varier - par suite du rétrécissement de la pupille dilatée. Il peut

même arriver, dans- ces conditions, que la pupille primitivement plus

étroite devienne la plus grande. C'est la mydriase à bascule. Frenkel

pense qu'il s'agit d'une mydriase spasmodique par excitation directe

ou réflexe du sympathique oculaire. On l'observe dans les mêmes affec-

tions que l'inégalité pupillaire habituelle. Elle peut exister dans le goitre

exophtalmique, la neurasthénie et l'hystérie.

A côté de cette mydriase à bascule spontanée, il existe une mydriase

à bascule provoquée. Ce phénomène, pupillaire résulte, d'après Piltz,

d'une inégalité dans l'excitabilité -réflexe des deux pupilles à la lumière,

à l'accommodation, à la contraction orbiculaire. Le malade présente un

réflexe à la lumière, très bon à gauche, très faible à droite. A un éclai-

rage modéré la pupille droite est plus étroite que la gauche. Donnez un

grand éclairage et la pupille gauche devient plus étroite que la droite.

Anisocorie transitoire. On la rencontre dans les méningites aiguës,

parfois dans l'attaque d'épilepsie. Elle se serait aussi montrée dans la

neurasthénie.' -

Mobilité pupillaire.

A l'état normal, en dehors de tout mouvement de convergence, de

toute variation brusque de lumière, la pupille n'est point fixe, elle modifie

continuellement ses dimensions, se dilate et se rétrécit alternativement.

Ces oscillations continuelles sont en rapport avec la vision, car elles dis-

paraissent en cas de cécité binoculaire. Si un seul oeil est aveugle, l'oc-

clusion de l'oeil sain arrête les mouvements pupillaires.

Dans certaines conditions pathologiques, ces oscillations s'exagèrent.

Ce phénomène, qu'on nomme hippus, se rencontre, rarement, dans

quelques maladies nerveuses (méningite tuberculeuse...). On le voit

aussi pendant la période de régression des paralysies de l'iris.

Troubles réflexes DE la pupille.

Perte du. réflexe : lumineux. Le réflexe. de l'iris à la lumière peut

faire défaut dans de multiples conditions.

L'iris peut être lésé dans son tissu, devenu rigide (iritis, glaucome).

Ces lésions se constatent en général très facilement à l'oeil nu.

D'autres fois la pupille ne réagit plus parce qu'elle est immobilisée

en mydriase ou en myosis par .une des substances chimiques que nous

avons signalées en étudiant la dilatation et le rétrécissement pupillaire.

H s'agit là d'une lésion isolée, périphérique, du système nerveux oculaire.

Dans la mydriase paralytique par l'atropine, le réflexe lumineux est com-

plètement aboli. Il persiste, au contraire, mais atténué dans la mydriase

spasmodique par la cocaïne. Dans le myosis spasmodique (ésérine, pilo-

. [PODLARD,]

92 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

carpine) ou paralytique, on constate encore mais difficilement le réflexe

lumineux à moins que le myosis ne soit maximal.

En général, la perte du réflexe lumineux vient d'une lésion du

système nerveux. Les mouvements réflexes lumineux de l'iris ont pour

voie centripète, la rétine, le nerf optique, pour centre réflexe les noyaux

dumésocéphale, pourvoie centrifuge le M. 0. C. (fig. 50). Toute lésion

interrompant cet arc réflexe amène la perle du réflexe lumineux.

L'interruption de la portion centripète de l'arc réflexe sera réalisée

dans toute affection de la rétine ou du nerf optique détruisant la totalité

des fibres nerveuses qui le constituent : section du nerf optique, atro-

phie complète avec amaurose, etc. L'amaurose complète est nécessaire

pour que l'excitation lumineuse provocatrice du réflexe pupillaire ne soit

pas transmise aux noyaux mésencéphatiques. Il suffit, en effet, de la con-

servation d'une très petite quantité de fibres sensorielles pour que la

transmission et par suite le réflexe aient lieu.

Toutefois, dans de rares circonstances, on aurait pu, malgré une

cécité en apparence complète, avec signes d'atrophie du nerf optique,

produire le réflexe pupillaire. De ces faits, qui demandent 'confirmation,

on a conclu : la voie réflexe centripète est constituée non par les fibres

sensorielles du nerf optique mais par des fibres spéciales, ne percevant

pas la lumière, réservées à la conduction réflexe. Ces fibres peuvent,

dans certaines atrophies optiques, persister et fonctionner encore quand

tout le reste du nerf optique est détruit.

Jusqu'à ce que cette opinion soit établie sur des faits précis, il faudra,

en présence d'une amaurose complète, de l'un ou des deux yeux, sans

lésions ophtalmoscopiqucs et avec persistance des réflexes, tirer la

conclusion suivante : Il s'agit très probablement d'une lésion des voies

optiques située au delà de l'arc réflexe, au delà des noyaux du mesoce-J !

pliafe, entre ceux-ci et l'éeorce cérébrale. La persistance des réflexes

pupillaires à la lumière, en cas d amaurosc complète, témoigne de ]'intl\.,

grité de l'arc réflexe sensoriel (nerf optique, noyaux mésencépfialiques.

M. 0. C).

L'examen des réflexes pupillaires a donc une grande importance pour

diagnostiquer le siège de la lésion. Il est encore très utile en cas de

simulation ou de troubles nerveux non organiques (amaurose hystérique).

Dans bien des circonstances, la voie centripète étant intacte, toutes

les fibres du M. O. C. paraissant l'être également, on constate néanmoins

l'absence du réflexe pupillaire il l'excitation lumineuse, tandis que le

réflexe persiste pour toute autre excitation (convergence, irritation

cutanée, etc ). Dans ces conditions, on est porté à admettre l'existence,

dans le tronc du M. 00 Co, de fibres spéciales à la transmission réflexe

lumineuse, et pouvant s'altérer isolément. On peut encore supposer que

la lésion qui produit la perte isolée du réflexe lumineux siège dans

les points où les fibres du M. 0. C. se dissocient, c'est-à-dire, à la péri-

)J1)('l'ie et au voisinage des centres Il)(''Sl'IH'(;phaliqlles (lîg. 3 ! 1, J, 2, ,4.

. " TROUBLES PUPILLAIRES. 95

Pour expliquer cette dissociation, certains auteurs (Coppez, l3aas) ad-

mettent une altération du noyau photomoteur et du neurone central pré-

ganglionnaire : , mais l'intégrité du neurone périphérique.

Le noyau d'accommodation-convergence, nullement altéré, transmet

toujours ses incitations au ganglion ophtalmique tout entier, et par

suite excite le neurone périphérique de la voie photomotricc réflexe

(I¡g. 30).

Signe d'Argyl Robertson : Tel que l'a décrit Argyl Robertson, c'est la

perte du réflexe pupillaire à la lumière avec conservation du réflexe

il la convergence et. accompagnement de myosis. Mais il garde toute sa

valeur séméiologique quand le myosis n'existe pas en même temps.

Ordinairement bilatéral, il peut ètre unilatéral.. Dans ce cas, la pupille

malade ne réagit pas, quel que soit l'oeil excité ; tandis que la pupille

saine réagit toujours, quel que soit l'oeil frappé par la lumière (Voir

lit, 50). Ce signe a une grande valeur séméiologique. C'est une des

principales et souvent, de longtemps, la première manifestation du

tabès, de la paralysie générale, de la syphilis cérébro-spinale.

Certains, Babinski entre autres, le considèrent comme un signe de

syphilis nerveuse. Et, de fait, presque toutes les affections nerveuses

dans lesquelles on le rencontre ont été précédées de la syphilis. C'est

au point que le signe d'Argyl Robertson, isolé ou associé, doit toujours

faire penser à la syphilis. On ne peut cependant affirmer qu'il n'existe

pas dans les affections nerveuses non syphilitiques. On l'a rencontré

dans la sclérose en plaques (une fois), dans quelques cas de syringo-

Inyélic, dans l'atrophie musculaire par névrite interstitielle hypertrophique.

Réflexe consensuel. A l'état normal, les contractions et dilatations

de la pupille ont lieu simultanément dans les deux yeux; le réflexe est

bilatéral, simultané. Ces mouvements iriens bilatéraux, simultanés, ne

se produisent pas seulement quand l'agent provocateur du réflexe exerce

son action sur les deux yeux, mais encore quand l'excitant réflexe

(lumière) agit sur un seul oeil (fîg. 59). L'excitation recueillie par l'un

des deux yeux est transmise aux deux centres excito-réffexes du mésen-

cépbale, et la réaction pupillaire est bilatérale. Si la voie centripète est

double, la voie centrifuge l'est également, chaque centre réflexe envoyant

des filets centrifuges aux deux noyaux photo-moteurs droit et gauche. La

distribution bilatérale du réflexe pupillaire se, trouve donc doublement

assurée par suite de la distribution bilatérale des voies centripètes et

centrifuges. Ce mouvement réflexe bilatéral de l'iris sous l'influence

d une excitation lumineuse unilatérale, c'est le réflexe consensuel.

Dans certaines conditions pathologiques, ce réflexe consensuel peut

présenter des modifications ou altérations, susceptibles de donner, sur

la nature et le siège des lésions en cause, d'intéressantes indications.

a) Eclairage successif de l'OD et de l'U 1.

Les réflexes homolatéral et hétérolatéral existent dans les deux cas.

[POULARD.] ]

94 TROUBLES .NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

Conclusion : Ni la portion centripète, ni la portion centrifuge de

l'arc réflexe ne sont interrompues.

Si la vision est bonne, on peut admettre l'intégrité des voies opti-

ques sensorielles de luit à l'écorce et l'intégrité des voies réflexes

centrifuges.

S'il y a amaurose d'un ou des deux côtés, concluez à une lésion

corticale organique ou fonctionnelle (hystérie) ou même à la simula-

tion, s'il y a des présomptions sérieuses.

TROUBLES PUPILLAIRES. : la

Ralentissement des mouvements pupillaires. Dans quelques cas

la pupille se contracte plus lentement que d'ordinaire, sous l'action de

la convergence; et elle ne reprend ensuite que lentement son étendue

primitive. Sa contraction et son relâchement sont ralentis. Ce phénomène

se voit particulièrement dans le tabès, dans la paralysie générale.

Réflexe pupillaire aux excitations cutanées. Son existence

démontre l'intégrité de l'arc réflexe irido-dilatateur, dont la voie centri-

pète est formée par le nerf sensitif excite et dont la voie centrifuge à

double origine (bulbaire et spinale) a été décrite ailleurs (p. 85 et fig. 58).

Il peut être utilisé en diverses circonstances, par exemple pour distin-

guer une anesthésie organique d'une anesthésie hystérique.

Réflexe pupillaire psychique (réflexe cortical, réflexe d'attention).

Un individu est placé dans une chambre noire, regardant au loin,

devant lui, sur un mur noir. Une lumière (bougie) est placée à côté de

lui, à 1 mètre environ, sur une ligne formant un angle de 45° avec la

ligne visuelle. L'observé, regardant toujours devant lui, est engagé il porter

son attention sur la lumière; aussitôt, la pupille se contracte et reste

contractée tant que l'observé maintient son attention sur la lumière.

Réaction pupillaire myotonique. Elle se voit dans le myosis

spastique. Sous l'influence de multiples excitants (lumière, convergence,

occlusion palpébrale). ce myosis peut se produire ou s'augmenter. Mais

après disparition de l'excitation, le myosis ne disparaît que lentement,

la dilatation pupillaire ne reparaît qu'au bout de 1 à 10 minutes.

Ce trouble réflexe pupillaire ne s'est vu, rarement d'ailleurs, que chez

des personnes atteintes d'affections nerveuses (tabès, paralysie générale).

On n'en connaît pas bien exactement la cause ni la signification.

Réflexe à l'occlusion des paupières.

1" La fermeture énergique des yeux provoque un rétrécissement de la

pupille qui se redilate quand le sujet ouvre les yeux.

2° Si on commande au malade de fermer les paupières et qu'on

s'oppose il ce mouvement, on voit la pupille se rétrécir en même temps

qu'elle s'élève et se. porte en dehors pour se cacher sous la paupière

supérieure.

Ces phénomènes existeraient le premier chez 41 pour 100. le second

chez 45 pour 100 des tabétiques.

Ce signe n'a pas été assez bien étudié pour qu'il soit possible d'en

tirer une conclusion valable. Il est, par exemple, certain que les réflexes

pupillaires à l'occlusion doivent varier avec les conditions d'éclairage au

moment de l'examen, et ces conditions n'ont jamais été nettement exposées.

Réflexe paradoxal. Il consiste en une dilatation pupillaire sous

l'action de la lumière et une constriction par diminution d'éclairage. La

signification de ce trouble pupillaire très rare est d'ailleurs mal connue. On

ne l'a rencontré que dans des maladies nerveuses variées très avancées.

Pillz signale encore comme réflexe paradoxal la dilatai ion pupillaire dans

la convergence et le rétrécissement, pupillaire dans le regard au loin.

[POULARD.]

96 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL. OCULAIRE

V

TROUBLES DE L'ACCOMMODATION

Le mécanisme nerveux de l'accommodation, sans doute aussi complexe

que celui des mouvements pupillaires, n'est pas encore aussi bien connu.

Il est cependant démontré que l'appareil musculaire chargé de l'accom-

modation reçoit son innervation du M. 0. C. La section ou paralysie du

M. U. C. supprime l'accommodation; son excitation l'exagère. Le sym-

pathique aurait aussi une action, son excitation produirait une diminu-

tion, sa section une augmentation de l'accommodation. C'est du moins ce

que tendent il démontrer les expériences encore discutables de Moral et

Doyen. Si ces expériences sont vraies, à côté de filets nerveux accommo-

dateurs fournis par le M. 0. C. il aurait des filets desaccommodatenrs

provenant du sympathique.

Paralysie de l'accommodation

Age. L'accommodation, très puissante chez l'enfant, s'attaibiit peu

à peu a mesure qu'on avance en âge. Chez l'emmétrope, l'insuffisance, de

l'accommodation pour la lecture se fait sentir vers 40 ans. Chez l'hyper-

métrope, l'insuffisance se montre plus lot, d'autant plus tôt que l'1lIur

nietropie est plus élevée. Le myope de trois dioptries n'ayant pas besoin

d'accommodation pour la lecture, ne se, trouve pas gêné par sa disparition.

Ces variations de l'accommodation avec l'âge doivent être connues. Ou

s'exposerait autrement à mettre sur le compte d'une paralysie ce qui est

l'effet habituel des années. (l est, par suite de ces faits, difficile de con-

stater une paralysie de l'accommodation chez une personne âgée. Cette

perte de l'accommodation avec t'age n'est nullement le résultat d'un

trouble nerveux ou musculaire, niais provient du durcissement pro-

gressif du cristallin qui perd peu à peu son élasticité.

Certaines affections du globe. Petites poussées de glaucome.

Luxation ou subluxation du cristallin. Aphakie congénitale. Début de

cataracte.

Ce sont la les seules affections du globe oculaire qui puissent détruire

l'accommodation. Les trois dernières sont dues à l'absence, au durcisse-

ment ou au déplacement du cristallin, elles ne résultent pas d'une paralysie

du muscle accommodateur. La première, au contraire, paraît résulter d'une

parésie de l'accommodation par compression des filets nerveux allant au

muscle ciliaire. Il est rare que le neurologiste qui constate une. absence

d'accommodation, se trouve en présence d'une de ces affections du globe.

Dans toutes les autres circonstances, de beaucoup les plus nombreuses, la

paralysie de l'accommodation est le résultat d'un trouble nerveux.

TROUBLES DE L'ACCOMMODATION. 97

Action de certaines substances médicamenteuses. Atropine en

instillations ou introduite dans l'organisme à dose toxique. L'homatro-

piné, la duboisine ont une action analogue.

Certaines infections générales. La diphtérie, parmi les troubles

d'intoxication nombreux auxquels elle donne lieu, amène souvent une

paralysie bilatérale de l'accommodation. Et cette paralysie présente ceci

de particulier qu'elle porte exclusivement sur l'accommodation et n'at-

teint nullement la contractilité de l'iris (type isolé). L'existence d'une

paralysie isolée de l'accommodation doit faire penser à l'intoxication

diphtérique. Souvent des angines légères attirant à peine l'attention du

médecin, prouvent leur nature diphtérique en amenant à leur suiteune

paralysie de l'accommodation. Elle a donc, dans ces conditions, une valeur

séméiologique importante.

En d'autres circonstances la paralysie de l'accommodation s'accompagne

d'autres lésions nerveuses intrinsèques ou extrinsèques du globe oculaire

(type associé).

La syphilis donne plus fréquemment que la diphtérie, des paralysies

de l'accommodation. Mais on ne rencontre pas le type isolé. L'iris est

en même temps paralysé. Toute la musculature intrinsèque est prise

(paralysie intrinsèque). Nous verrons que l'iris peut être touché, l'accom-

modation restant intacte. La syphilis peut atteindre isolément la mus-

culature intrinsèque du globe ou bien toucher en même temps d'autres

nerfs moteurs du glohe (type associé). -

On ne sait pas exactement sur quels points du système nerveux agit la

syphilis dans ces paralysies. Probablement sur les noyaux d'origine. Cette

hypothèse permet d'expliquer la paralysie dissociée du M. 0. C. Mais la

syphilis pourrait aussi bien agir sur les branches périphériques; voire

même exercer une action élective sur certaines fibres du M. 0. G. N a-t-on

pas vu la compression du M. 0. C. donner des paralysies dissociées.

Certaines intoxications alimentaires (Botulisme). Là encore la

paralysie de l'accommodation peut être isolée ou associée à d'autres

troubles de, inutilité des globes.

Affections du système nerveux. Excitation du sympathique cer-

vical. Si l'on en croit les expériences de Moral et Doyen, l'excitation

du sympathique produirait une diminution de courbure du cristallin et

par suite une diminution de l'accommodation, la section du sympathique

produirait une augmentai ion de courbure du cristallin, par conséquent

une augmentation de l'accommodation. Ces modifications expérimentales

de la courbure du cristallin sont bien difficiles à apprécier.

Paralysie du moteur oculaire commun. La paralysie du moteur

oculaire commun quelle qu'en soit la cause, traumatisme, compression,

tabès, paralysie générale, s'accompagne de paralysie de l'accommodation.

Tantôt, c'est nue paralysie complète, le muscle ciliaire ne se contractant

nullement; tantôt, c'est une paralysie incomplète simple, parésie, laissant

encore possible une accommodation de une ou quelques dioptries.

PnAT ! QUt : 'EUnOL 7

[FOULARD

i)8 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

L'iris est en mydriase plus ou moins accusée, jamais complète. Nous

avons vu que la musculature intrinsèque du globe (iris, accommodation),

innervée par le M. 0. C. pouvait être atteinte sans lésion des branches

extrinsèques du M. 0. C. L'iris est dilaté, l'accommodation est paralysée

(ophtalmoplégie intrinsèque).

Neurasthénie. Les neurasthéniques éprouvent souvent de très

grandes difficultés pour regarder de près. Ces troubles qui peuvent être

dus à une insuffisance, à une fatigue dans la fonction de convergence,

résultent quelquefois d'une insuffisance, d'une fatigue rapide de l'accom-

modation.

CO\'fR : lC1'lJltl : de L'ACCOMMODATION.

Bien plus rare que la paralysie, la contracture de l'accommodation,

appelée encore spasme de l'accommodation, présente cependant une assez

grande fréquence.

Certaines substances médicamenteuses : l'ésérine, la pilocarpine, les

mêmes substances que nous avons vues déjà provoquer le myosis donnent

aussi une contracture de l'accommodation. On la rencontre encore chez

beaucoup d'enfants, dont plusieurs, mais pas tous, sont d'un tempéra-

ment nerveux. Elle' est plus rare chez les jeunes gens et les adultes. Le

spasme de l'accommodation a été donné comme un symptôme de l'lrs-

térie. On le rencontre très fréquemment, il est vrai, chez des personnes

présentant les signes attribués cette névrose, mais on la trouve aussi,

et très souvent, en dehors d'elle. Il sera plus facile de classer ce symp-

tôme dans l'hystérie ou en dehors d'elle quand cette névrose sera

mieux connue et bien définie.

VI

TROUBLES DE LA MOTILITÉ DES PAUPIÈRES

PTOSIS paralytique.

Paralysie DU 11ELE\'EIiII de LA paupière supérieure.

Symptômes. Le ptosis ou chute de la paupière supérieure se pré-

sente sous des aspects cliniques variés, il peut être unilatéral ou bilaté-

ral, exister seul, à l'état isolé, ou s'accompagner d'autres troubles nerveux.

Ptosis isolé. Les inconvénients du ptosis diffèrent dans le ptosis

unilatéral et, dans le ptosis bilatéral.

Dans le ptosis bilatéral complot (fig. ? )), les paupières retombent sur

le globe oculaire et recouvrent la pupille, empêchant ainsi les rayons

lumineux de. pénétrer dans l'oeil. Pour éviter cet inconvénient, le malade

contracte vigoureusement son frontal, lire, en haut son sourcil, et, par

suite, élève un peu ses paupières. La contraction du frontal ne dégage

TROUBLES DE LA MOTIL1TÉ DES PAUPIERES. 99

pas suffisamment la pupille; pour y parvenir, il porte la tète fortement

en arrière. La chute des paupières, les plis frontaux, l'attitude de la

tête donnent au malade un aspect et une allure très particuliers qui

permettent, même au loin, de reconnaître un double ptosis (faciès

d'lIutchinson). Dans le

ptosis incomplet (pro-

ptosis), ces symptômes,

chute de la paupière,

contractions frontales,

extension de la tête, sont

moins accusés, quelque-

fois très légers. Ce double

ptosis est le plus souvent

une affection congénitale.

Le ptosis unilatéral

(iig. 50) est beaucoup

moins gênant. Le malade

laisse tomber sa paupière,

ne fait aucun effort pour

la relever, et se contente

de voir avec l'oeil resté

découvert. La difformité

qui en résulte parait être

le seul inconvénient. Ce-

pendant, quand le ptosis

unilatéral est complet ou

très accentué, la vision ne

se fait plus que par un oeil, et c'est un inconvénient sérieux de ne plus

avoir la vision binoculaire.

Ptosis accompagné ou associé. Le ptosis est souvent associé à

d'autres troubles nerveux du globe oculaire ou du reste de l'organisme.

Larecherche de ces symptômes associés est de la plus grande importance,

pour la localisation des lésions productrices du ptosis.

Souvent la chute de la paupière est accompagnée de la paralysie de

quelques branches motrices du globe oculaire ou d'une paralysie des

muscles intrinsèques. Le ptosis n'est, en ce cas, que la manifestation

d'une de ces paralysies dissociées que j'ai déjà eu l'occasion de dé-

crire (p. 75).

Souvent aussi, tout le M. 0. C. est pris, le ptosis n'est qu'un symptôme

obligatoire de la paralysie du M. 0. C..(p. 69).

Le ptosis peut aussi accompagner une hémiplégie, mie paralysie

faciale. C'est ce qu'on voit dans le syndrome de Weber, où il y a, d'un

côté du corps, hémiplégie, de l'autre, paralysie du M. 0. C. avec ptosis.

.Mais il existe aussi une association rarement constatée d'un ptosis isolé

avec hémiplégie du côté opposé. Ce syndrome, dit syndrome de

[POULARD.1

lig. 59. - Ptosis hilatéral (3lnras.

lui) TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

llloc'Ezuen, se serait rencontré dans une lésion à l'intérieur du lobe tem-

poro-sphénoïdal.

Diagnostic différentiel. Le ptosis vrai ou chute paralytique de la

paupière peut être confondu avec un certain nombre d'affections.

Certains neurasthéniques se plaignent souvent d'une sensation de

pesanteur et même de chute de la paupière, sans qu'il existe en réalité

aucun déplacement de la paupière. On rencontre aussi très fréquemment

des personnes qui, le matin au réveil « ne peuvent ouvrir leurs yeux »,

« sont incapables de lever les paupières ». Elles éprouvent des sensa-

tions semblables, après un travail assidu, une lecture un peu longue, etc.

Cependant la inutilité des paupières est intacte.

Dans ces conditions, le diagnostic est facile; il suffit d'être prévenu,

et d'examiner superficiellement la paupière. Dans beaucoup d'autres

affections, avec abaissement réel de la paupière supérieure, la distinction

du vrai ptosis est beaucoup plus difficile.

Certaines affections palpébrales, amenant un épaississement de la

paupière (larsile syphilitique, conjonctivite granuleuse, etc.), alourdis-

sent la paupière et déterminent un certain degré de chute palpébrale. La

fente palpébrale est nettement plus petite du côté malade. Néanmoins,

tous les mouvements de la paupière sont conservés.

Dans certains cas, d'ailleurs rares, la peau de la paupière perd son

élasticité, devient flasque, se distend, s'allonge et retombe en tablier sur

le bord ciliaire, simulant une chute de la paupière (blc·pl.nro-clnalnsis).

Une chute analogue se produit dans l'adipose palpébrale (ptosis adi-

peux).

La paralysie du grand sympathique amène un ptosis léger, auquel se

joignent du myosis, une légère enophlalinie, et, quelquefois, une dilatation

vasculaire du côté correspondant de la face.

Il existe un ptosis pseudo-paralytique hystérique, la paupière est

modérément abaissée, et, fait important, le sourcil du même côté s'abaisse

également. Une autre particularité : quand on demande au malade de

regarder en haut, ou qu'on essaye de relever la paupière, le ptosis s'ac-

centue. Il existe d'ailleurs, d'autres stigmates d'hystérie. En réalité, il

s'agit là d'une affection spasmodique, ou dans laquelle l'élément spasmo-

dique entre pour une large part.

Le blépharospasme peut aussi faire croire, au premier abord, à

l'existence d'un ptosis.

On peut rencontrer également, chez des personnes d'tige moyen, parti-

culièrement chez des femmes, un ptosis, toujours double, il évolution très

lente, mais qui peut, après quelques années, gêner la vision. C'est un pto-

sis myopathique, résultant d'une atrophie du muscle releveur. Il se ren-

contre également au début de certaines myopathies progressives (fig. 60).

Diagnostic du siège. Aspects cliniques variables suivant le

siège. Du mésocéphale à la paupière, les filets nerveux du releveur

suivent le trajet du M. 0. C. Du mésocéphale à l'écorce cérébrale, leur

TROUBLES DE LA MOTILITÉ DES PAUPIÈRES. 101

trajet, encore mal connu doit être analogue à celui des autrcs-mouve-

ments oculaires (Voir p. 77). Suivons ces voies nerveuses dans-leur

trajet précis ou problématique, et voyons ce que produit leur interruption

dans les différentes régions qu'elles traversent.

Une lésion périphérique touchant le muscle ou le filet nerveux du'

releveur dans l'orbite, peut donner une paralysie isolée de l'élévation

palpébrale. Elle peut aussi s'accompagner de symptômes de compression

des autres organes de la cavité orbitaire (paralysie des autres nerfs mo-

teurs, troubles sensitifs par compression du trijumeau, troubles visuels

par altération du nerf optique, exophtalmie, etc.).

Une lésion du tronc M. 0. C. donne en général une paralysie de

[POULARDE 1

Fig. 60. - Ptosis myopathique.

102 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE. -

toutes les branches du M. 0. C. (p. 69). Cependant on peut, même en

ce cas, rencontrer la paralysie dissociée d'une ou quelques branches du

M. 0. C., en particulier le ptosis.

Une lésion pédoncllloprotubémntièlle, . dOn).1e le syndrome de Webcr

p. 70), jamais de ptosis isolé.

La lésion des noyaux protubérantiels , origine du M. 0. G" peut,

comme une lésion périphérique, donner un ptosis isolé. C'est là le lieu

d'origine des paralysies dissociées, des ophtahnoplégies intérieure, exté-

rieure ou totale, des ophtalmoplégies nucléaires progressives que : nous

avons décrites ailleurs (p. 75). ?

L'existence de centres d'association des mouvements combinés d'élé-

vation des paupières n'est pas démontrée. C'est à une lésion de ces cen-

tres d'association qu'on est tenté d'attribuer les cas, d'ailleurs rares, de

ptosis bilatéral simultané.

Les lésions de la capsule interne ou du centre ovale ne donnent pas

de ptosis. L'étude anatomo-clinique ne nous a rien appris sur le trajet, en

ces régions, des fibres élévatrices de la paupière. Cependant, dans un cas

de tumeur, située à l'intérieur du lobe temporo-sphénoïdal, Mac' Ewen a

constaté une hémiplégie d'un côté, avec ptosis du côté opposé (syn-

drome de Mac' rlen).

On n'est guère mieux renseigné sur le centre cortical de l'élévation

palpébrale. Dans plusieurs observations cependant (Grasset, Landouzy,

. Chauffard) : , on a noté la coexistence d'un ptosis avec une lésion du pli

courbe du côté opposé. Ce sont là des faits indéniables, mais on ne peut

s'empêcher de remarquer combien ils cadrent mal avec les théories

logiques de Fleschsig, sur les fonctions de l'écorce cérébrale.

Diagnostic de la cause. Aspects cliniques variables suivant la

cause. - Étiologie. - Les causes du ptosis sont les mêmes que celles

des paralysies oculaires en général (Voir p. 81). Signalons cependant

quelques particularités du ptosis.

Ptosis traumatique curable. Souvent à la suite d'un traumatisme,

Æême léger, du front ou de l'arcade orbitaire, survient un ptosis qui

guérit spontanément en quelques jours. -

Ptosis congénital. Il est souvent accompagné d'autres anomalies

congénitales (insuffisance de l'élévation des globes, épicanthus, nystag-

mus, troubles intellectuels, etc.). On le rencontre quelquefois chez plu-

sieurs personnes delà même famille (ptosis congénital héréditaire). Il

présente parfois un phénomène très intéressant : la paupière immobile se

met en mouvement et se relève pendant la mastication. Cette influence

du centre masticateur sur les mouvements palpébraux, peut s'observer

aussi chez des individus sains en dehors de tout ptosis.

La cause véritable du ptosis congénital ne se retrouve pas toujours.

Souvent c'est la syphilis.

Vertige paralysant de Gerlier. - Cette affection débute par des dou-

leurs cervicales et s'accompagne de troubles de la vue, de résolution

TROUBLES DE LA MOTILITÉ DES PAUPIÈRES. 105

musculaire et d'un ptosis plus ou moins complet. Elle marche par accès

qui durent 10 minutes environ. Gerlier en observa une épidémie. Le

ptosis est le dernier symptôme à disparaître. '

Le ¡¡{osis myopatlrique, toujours double, évolue très lentement. Il est

le résultat d'une atrophie du relcveur. 11 marque souvent le début de

certaines myopathies progressives.

Traitement. Il faut traiter l'affection qui a causé le ptosis (syphilis,

intoxications, etc.). Dans certains cas, l'électricité a peut-être eu quelque

action bienfaisante.

Après plusieurs mois d'attente sans résultat, il faut recourir aux pro-

cédés chirurgicaux qui consistent il rattacher le rcleveur de la paupière,

soit au muscle frontal, soit au muscle droit supérieur, élévateur du

globe oculaire.

1..\GOI'IITAL)IIE PAIULYTllJCE.

.. Paralysie de l'oumculaire des paupières.

La lagoplualmie. c'est la perte du mouvement d'occlusion palpébrale.

La tagopinalune paralytique est toujours accompagnée d'une paralysie

faciale du même côté. Elle est due il la paralysie d'un des muscles inner-

vés par le nerf facial, l'orbiculaire des paupières.

Je ne m'occupe ici que des troubles oculaires consécutifs à la paralysie

de ce muscle, et laisse de côté tout ce qui a trait aux symptômes ou à

l'étiologie de la paralysie faciale (Voir Paralysie faciale).

Dans une paralysie faciale périphérique, totale, intéressant à la fois le

facial supérieur et le facial inférieur, on est frappé par ce fait que, l'un

des yeux, celui du côté malade, est largement ouvert, plus grand que

celui du côté opposé. Autour de l'oeil, la peau du front est plus lisse, le

sourcil plus élevé que du côté sain ('¡g. Ii 1).

Pendant l'examen de l'oeil. les paupières restent immobiles, la fente

palpébrale toujours large : aucun clignement ne se produit. Cette immo-

bilité contraste avec la mobilité des paupières du côté sain, lesquelles,

par des clignements réguliers recouvrent périodiquement, la surface du

globe oculaire. Si même on demande au malade de fermer un oeil, il est

incapable d'amener l'occlusion complète de la fente palpébrale (fig. 62).

Souvent aussi une autre particularité frappe l'observateur : l'oeil est

humide ; le bord palpébral. légèrement écarté du globe, forme avec celui-ci

un fossé rempli de larmes; quelquefois il existe un véritable larmoiement.

Tous ces symptômes résultent de la paralysie du muscle orbiculaire.

Ayant perdu sa ('olill'adilité il ne rapproche plus les paupières et déter-

mine la lagophtalll11l' : manquant de tonicité, il applique mal les pau-

pières sur le globe, d'où le sillon rempli de larmes le long du bord palpé-

bral inférieur. Le larmoiement est dû il la paralysie du musclc Ilo IIorner,

portion de l'orbiculaire en rapport avec les canalicules lacrymaux.

La cornée, en l'absence de clignement, n'est plus mouillée par les

[POULARD.]

104 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

larmes, elle se dessèche au contact de l'air et finit par s'ulcérer. L'oeil

devient rouge, s'enflamme et peut même s'infecter, si des germes, profi-

tant de l'ulcération, viennent s'y installer. De là, des complications, sou-

vent graves, pouvant entraîner des troubles . visuels considérables et

même la perte de l'oeil.

La lagophtalmie paralytique, n'est pas toujours aussi accentuée; elle

peut se rencontrer à des degrés divers. Les mouvements palpébraux peu-

vent être conservés. Dans l'effort d'occlusion, l'oeil se ferme presque

complètement; cependant, les bords ciliaires n'arrivent pas en-contact,

une ouverture persiste au niveau de laquelle la cornée reste découverte..

Dans quelques cas de paralysie orbiculaire on a constaté l'absence de-

larmoiement. Cela semble résulter d'une diminution, de la sécrétion

lacrymale. Le facial contiendrait des filets sécréteurs des larmes (comme

Fig. 61. Paralysie faciale gauche.-

TROUBLES DE LA MOTILITÉ DES PAUPrERES. -1 U

il contient des filets sécréteurs de la salive). Ces fibres sécrétoires se

détachent du facial, dans le rocher, au niveau du ganglion géniculé. De

là elles passent dans le grand nerf pétreux superficiel, le nerf vidien qui

lui fait suite, arrivent au ganglion splié.no-palatin, le traversent, pénètrent

dans le nerf maxilllaire supérieur, puis dans son rameau orbitaire lequel-

s'anastomose avec le nerf lacrymal lui-même (fig. 63).

Dans ces conditions, une lésion périphérique siégeant au niveau du

trou stylo-mastoïdien n'intéressera pas les filets sécrétoires et donnera du

larmoiement par paralysie du muscle de Corner; au contraire, une lésion

intra-pétreusc intéressant les origines, du grand pétreux superficiel sup-

prime les filets sécrétoires et par suite la sécrétion lacrymale (paralysie de

l'orbiculaire .sans larmoiement). Un signe qui dénote la prise du grand nerf

pétreux superficiel, c'est une paralysie de la luette et du voile du palais.

[POULARD.]

Fig. 62. Paralysie faciale gauche. Le malade essaye vainement de fermer les yeux.

106- TROUBLES : Vl;R1 ! iUX 1)l : L'APPAREIL OCULAIRE..

Troubles palpébraux dans les pamlysies du facial inférieur . La

lagophtalmie n'existe que dans les paralysies périphériques du facial

dues à une lésion siégeant entre le noyau hulbaire et la périphérie. '

Cependant, dans les paralysies

centrales, l'orbiculaire n'est pas

intact et on peut souvent déceler

,sa participation. -

Signe de Revillod : Si l'on demande il un hémiplégique atteint de pa-

ralysie faciale inférieure de fermer les deux yeux, il les ferme ; il peut

également fermer l'oeil du côté sain en laissant l'oeil du côté paralysé

ouvert; mais l'inverse est impossible, il ne peut fermer l'oeil du côté

paralysé en laissant l'autre ouvert.

Diagnostic différentiel. La lagophtalmie accompagne, en général,

la paralysie faciale, mais on peut encore la rencontrer dans bon nombre

d'autres circonstances.

L'exophtalmie, par propulsion mécanique du globe en avant écarte les

paupières et peut gêner leur occlusion. Le goitre exophtalmique peut

agir par le même mécanisme, mais plus souvent il produit une rétraction

des paupières due à la contraction spasmodique des fibres lisses de Mul-

ler. L'absence d'occlusion palpébrale, dans ce cas, constitue le signe de

Stehvag (Voir Goitre exophtalmique).

Elle peut aussi résulter d'une altération portant sur le muscle lui-

même, comme cela se voit dans certaines, atrophies musculaires pro-

agressives. Elle se rencontre encore dans, les rétractions cicatricielles

des paupières. Quelquefois, dans les maladies graves, aux approches de e

l'agonie, le clignement se fait mal, les yeux restent entr'ouverts, d'où la

production fréquente d'ulcérations à la partie inférieure de la cornée.

(Voir Paralysie faciale.)

Traitement. C'est celui de la paralysie faciale. Si au bout de plu-

sieurs mois le traitement médical ne s'est point montré efficace, il faut

rétrécir çhirurgicalement la fente palpébrale à l'aide d'une blépharor-

raphie partielle de la partie interne et externe de la fente palpébrale. On.

évite ainsi les complications que provoque l'ouverture permanente des

Fig. 65. Trajet supposé des fibres sécré-

toires des larmes venant du facial. A, nerf

facial; IL ganglion géniculé ; C, corde du

tympan; D, grand nerf pétreux superficiel;

E, ganglion sphéno-palatin ; F, ganglion de

uasser el les trois branches du trijumeau; G, nerf maxillaire supérieur; II, rameau orbilaire

du maxillaire qui anastomose ce uerf avec le rameau lacrymal de l'ophtalmique; I, nerf lacry-

mal ; li, glande lacrymale.

TROUBLES DE LA 310TLLlTÉ DES PAUPIÈRES. 107 :

paupières : larmoiement, érosions et ulcérations cornéennes, ectropion de

la paupière inférieure. La menace de complications cornéennes obligé,

quelquefois à faire une blépharorraphie précoce.

VII '

. EXOPHTALMIE

L'exophtalmie, symptôme commun à de nombreuses affections, con-

stitue la manifestation principale d'une maladie qui, sans être de nature

exclusivement nerveuse, donne cependant naissance à une multitude de

troubles nerveux, le goitre exophtalmique. C'est à ce titre qu'elle trouve

place ici.

EXOPHTALMIE DE LA MALADIE DE BASEDO ?

Les deux yeux font saillie entre les paupières fortement écartées ou

rétractées. Quelquefois, en effet, l'exophtalmie étant considérable, le globe-

saillant écarte les paupières;

d'autres fois l'oeil est modéré-

ment saillant, mais les pau-

pières rétractées, élargissent la

fente palpébrale et laissent voir

nne grande étendue de la sclé-

rotique (fig. 64).

Signe de Stelwag. Cette

rétraction des paupières con-

stitue le signe de Stehvag;

dans les cas très accusés, l'oc-

clnsion des paupières devient

difficile ou même impossible ;

une partie du globe oculaire

reste toujours à découvert

(lagophtalmie).

Signe de de Graefe.

Consiste en une sorte de désé-

quilibre, une absence de sy-

nergie, entre les mouvements

de la paupière supérieure et

ceux du globe. Quand le ma-

lade regarde en bas la paupière supérieure s'ahaisse moins vite que

le globe, elle s'attarde, elle s'arrête tandis que le globe continue à des-

cendre ; et on voit la sclérotique sus-cornéenne se decouvri' dans une

plus ou moins grande étendue.

[POULARD.]

Fig. 64. Goitre exophtalmique (E. Boix).

108 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

Signe de Roserzhach. Ce signe est constitué par la rareté ou même

l'absence de clignement. Comme les signes de Stclwag et de de Gracie,

il est dû à la rétraction spasmodique des paupières.

A côté de ces signes, plus fréquents et plus importants, qui caractérisent

l'exophtalmie si particulière de la maladie de Basedow, on peut rencontrer

d'antres troubles oculaires.

Modification de la sécrétion lacrymale. L'augmentation de la

sécrétion lacrymale peut résulter de l'exophtalmie elle-même, de l'écarte-

ment palpébral, de l'insuffisance du clignement. De là une irritation

cornéennequi provoque de la sécrétion..11 n'est pas nécessaire d'invoquer

un trouble nerveux.

Paralysies musculaires. Se voient quelquefois. Paralysie de la con-

vergence (Moebius), des abducteurs (Stelwag), des obliques (Jendrassil : );

oplhalrnoplégic extérieure (Ballet) ; parésic du facial ; parésie du tri-

jumeau. On peut aussi constater un léger tremblement des paupières,

du nystagmus, en relation sans doute avec le tremblement généralisé.

Trouble de la vue. Il existe quelquefois, une certaine fatigue

dans l'exercice de la vision, la fixation devient pénible. La rétine est

très sensible à la lumière, il y a de la pholophobie. Mais il faut bien

avouer qu'en général l'intégrité de la vue est complète et contraste

avec l'exophtalmie.

Cette exophtalmie du goitre apparaît lentement ou brusquement; se

montre avant ou après les autres manifestations de la maladif ! de Base-

dow. Elle peut exceptionnellement être unilatérale. Elle est toujours axile

et réductible.

Valeur séméiologiqne. L'exophtalmie avec les caractères que nous

venons de lui décrire, a une valeur séméiologique considérable pour le

diagnostic de la maladie de Basedow. II faut .toujours rechercher les signes

de de Graefe, de Stelwag, de llosenbach. Mais, en même temps, il faut

rechercher les autres symptômes de la maladie de Basedow, la ta-

chycardie, le goitre, le tremblement.

L'exophtalmie bilatérale peut être réalisée ou simulée par certaines

affections dyspnéiques comme l'asthme, les troubles circulatoires pul-

monaires, d'une manière passagère et peu accentuée ; t'anévrysme de

l'artère basilairc, maladie exceptionnelle accompagnée de symptômes

hullm-protnhérantiels; la thrombose des sinus, évoluant avec des svmp-

tÙmes infectieux locaux et généraux très accusés.

L'exophtalmie unilatérale peut être produite par des affections

nombreuses que je me contente de signaler : teshémorrhagies orbitaires,

l'emphysème de l'orbite, le phlegmon de l'orbite, la tenonite, l'ophtal-

moptégie totale, les productions de l'orbite néoplasiques, inflammatoires

ou vasculaires.

NYSTAGMUS OU Tltl : )1131.1 : )ll : \·l' U(;Ul,.tlltl ? Ion

VIII

NYSTAGMUS OU TREMBLEMENT OCULAIRE

Le nystagmus ou 1l'l'mblellH'nl oculaire est un mouvementdu globe invo-

lontaire, rythmique, d'une rapidité anormale et d'une faible amplitude.

Continu dans certains cas, il est intermittent dans d'autres.

L'aspect clinique du nystagmus nie semble trop variable pour que la

définition précédente puisse convenir à tous les cas. On pourrait attaquer

presque tous les caractères qui viennent d'être donnés pour définir le

nystagmus en général. En conséquence, il ne faut accepter cette défini-

tion que sous réserves.

On distingue plusieurs variétés de tremblement oculaire suivant le

sens des mouvements. Il y a un nystagmus horizontal . le plus fréquent,

un nystagmus vertical beaucoup plus rare, un nystagmus oblique, un

nystagmus rolaloire dans lequel le globe oculaire exécute des mouve-

ments autour de son axe antéro-postérieur. Le plus souvent ces diverses

variétés de tremblement s'associent les unes aux autres (nystagmus

mixte). C'est ainsi que le nystagmus rotatoire n'existe jamais seul.

Certains tremblements oculaires sont des oscillations douces, d'attirés

sont brusques, saccadés (nystagmus saccadé).

Le nystagmus peut subir certaines influences modératrices ou accélé-

ratrices : le sommeil l'arrête; il augmente pendant l'examen du médecin,

pendant la fixation; la direction du regard le fait varier, l'augmente ou

le diminue; le rapprochement inusité de l'objet en fixation tantôt le fait

apparaître, tantôt le l'ait disparaître; l'occlusion d'un oeil peut l'augmenter.

En même temps que le nystagmus, on peut observer des oscillations

de la tête qui se font autour du même axe que le nystagmus, mais en

sens contraire, comme s'il s'agissait de mouvements compensateurs. Les

excursions du globe sont souvent diminuées dans une ou plusieurs

directions, les champs du regard sont modifiés. Les troubles visuels qui

résultent du nystagmus sont souvent inappréciables (nystagmus congénital).

D'autres fois le tremblement oculaire s'accompagne d'un mouvement, d'un

tremblement analogue des objets, d'où une gène très grande de la vision,

des vertiges, des malaises, etc.

. \AItOETËS 1· : 'l'IOLOl : IlliL.

Les causes du nystagmus sont trop mal connues encore pour per-

mettre d'établir une bonne classification étiologique..) essayerai néan-

moins de mettre en lumière les points qui rapprochent ou éloignent

les unes des autres les différentes variétés de nystagmus.

Nous pouvons dès le début, établir deux grandes classes de nystagmus.

le nystagmus congénital et le nystagmus acquis.

[POULARD] ]

1111 Tllma3LES \EIWEU\ DE L'APPAtOEIL OCULATlm.

I. Nystagmus congénital. a. Presque toujours le nystagmus

congénital s'accompagne d'un affaiblissement de l'acuité visuelle. Les

troubles visuels sont très variés : troubles des milieux oculaires (opacités

cornéennes, l'l'ISti111rIlIC'nllls) ; inflammations intraoculaires (choroïdites,

rétinites); défauts de développement (llllct'ophta11111e, colobomes); albi-

nisme ; anomalies de réfraction à hauts degrés; cécité pour les couleurs;

hémorrhagies rétiniennes des nouveau-nés, etc.

Cette multiplicité des lésions oculaires montre que la cause du

nystagmus n'est pas telle lésion oculaire plutôt que telle autre, mais

l'altération de l'organe visuel quelle qu'en soit la cause (hémorrhagie,

choroïdite, cataracte, etc.) et la diminution de la vision qui en résulte.

La fréquence des altérations oculaires dans le nystagmus congénital donne

à ce groupe une assez grande cohésion, et le distingue de ta plupart des

autres nystagmus dont la cause est une altération du système nerveux.

b. Quelquefois cependant, on rencontre un nystagmus congénital

avec bonne acuité visuelle. 11 apparaît dans le regard inattentif, et dis- ,

parait dans la fixation. Souvent plusieurs membres d'une même famille

en sont atteints, témoignage de l'influence héréditaire. Audéoud l'a vu

chez sept membres d'une même famille. J'ai souvent constaté chez des

personnes adultes ayant un appareil visuel parfaitement intact, du

nystagmus très léger dans le regard vague. Le substratum anatomique de

ce nystagmus est complètement inconnu. Il s'agit peut-être d'une lésion ou

d'un vice de développement de certaines parties du système nerveux, dont

l'altération, nous le verrons, est susceptible de produire le nystagmus.

Dans le nystagmus congénital on ne perçoit jamais de mouvement,

apparent des objets.

II. Nystagmus acquis. A part le nystagmus des mineurs et

celui des affections de l'oreille dont les causes, encore mal connues, sont,

peut-être d'origine nerveuse; à part le nystagmus (pas un vrai nystagmus)

qui accompagne les rétrécissements très accentués du champ visuel, tous

les autres nystagmus accompagnent des affections nerveuses. Le nys-

tagmus est donc avant tout une manifestation nerveuse.

Nystagmus des mineurs. 11 survient chez les mineurs à la suite

d'un travail prolongé dans la mine, surtout à la suite d'un travail couché.

Souvent il disparait spontanément quand le mineur travaille au jour. Ce

nystagmus donne la sensation du mouvement des objets extérieurs, et

provoque ainsi des vertiges. Les mouvements volontaircs des globes

oculaires sont très diminués pendant, les périodes de nystagmus.

La cause en est mal connue. On l'attribue à la position couchée des

mineurs, à l'éclairage insuffisant. Mais on l'a vu se produire chez des

mineurs travaillant debout et suffisamment éclairés. Certains pensent

qu'il s'agit d'une intoxication. En réalité, on ne sait pas exactement par

quel mécanisme la mine agit pour déterminer le nystagmus. Il résulte, sans

doute, d'une fatigue ou d'une intoxication du système nerveux oculaire.

Nystagmus dans les affections de l'oreille. Une injection trop

.NYSTAGMUS OU TREMBLEMENT OCULAIRE. '" III t

vivement poussée dans le conduit auditif externe, ou une insufflation

d'air dans la trompe d'Eustactie provoquent momentanément un nystagmus

avec vertige et titubation.

Certaines maladies de l'oreille, surtout celles qui sont vertigineuses et

déséquilibrantes, s'accompagnent de nystagmus.

Les lésions opératoires ou spontanées du labyrinthe, les suppurations

de l'oreille peuvent amener des troubles analogues. L'introduction d'un

instrument dans une oreille, suppurante, le catbétérisme d'une fistule,

suffisent, chez certains malades, à provoquer un nystagmus passager.

Pour expliquer ce nystagmus auriculaire, on invoque des causes variées :

modifications de la pression labyrinthique, irritation ou interruption du

nerf vestibulaire qui transmet niai ou ne transmet plus aux centres mo-

teurs bulbo-protubérantiels, au cervelet et au cerveau, les impressions

fournies par les canaux semi-circoluires, considérés comme jouant un

rôle important dans l'équilibration.

Nystagmus dans les maladies nerveuses. Le nystagmus peut se

rencontrer dans un grand nombre de maladies nerveuses, mais avec une

fréquence inégale. Dans certaines affections, il est une manifestation rare,

dans d'autres, il constitue un symptôme habitue) de la maladie. C'est

le cas pour la sclérose en plaques, la maladie de Friedreich.

Vices de conformation de la tète et du cerveau : Il se produit indiffé-

remment dans toutes les déformations du crâne ou du cerveau. Cette

variété doit être attribuée il une altération du système nerveux.

Sclérose en plaques. On le rencontre dans la moitié des scléroses en

plaques. Il présente des modalités diverses. Il peut être léger ou très accusé,

continu ou intermittent; quelquefois, absent dans le regard vague, il "

apparaît dans la fixation; dans 1`2 pour 100 des cas, il ne se montre que

dans les mouvements latéraux des yeux; dans 16 pour 100 des scléroses,

les oscillations nystagmiques augmentent dans les mouvements laté-

raux. Ces dernières particularités sont intéressantes à constater dans

une affection dont l'un des principaux symptômes, le tremblement des

membres, augmente dans les mouvements intentionnels.

Le nystagmus de la sclérose en plaques n'est pas toujours persistant,

il peut, exceptionnellement, disparaître.

L'observation anatomo-cliniqne a permis de constater que le nys-

tagmus est plus fréquent quand la sclérose intéresse les centres encé-

plialiques, quand il existe des lésions de la protubérance, du cervelet,

du bulbe, des tubercules quadrijumeaux, du oc ventricule, des corps

restiformes, des couches optiques.

Affections des couches optiques, du 4e ventricule, corps restifornies,

du cervelet. Dans plusieurs autopsies de malades atteints de nystagmus,

on a rencontré des lésions de diflérento nature, intéressant les organes

nerveux précédents.

Tuberculose méningée : Il existe surtout dans les localisations basilaires

ou pédonculaires : c'est la cause la plus habituelle du nystagmus chez

IPOVLARD]

Il'2 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

l'enfant. Le nystagmus s'accompagne souvent d'autres manifestations :

névrite optique, paralysies oculaires, symptômes de méningite.

Syphilis cérébrale héréditaire, maladie de Friedreich, Ilérédo-

ataxie cérébelleuse. Parfois, chez l'enfant, dans les dix premières années,

on voit apparaître un nystagmus persistant; les membres supérieurs se

niellent à trembler dans les mouvements volontaires; les membres infé-

rieurs sont pris d'incoordination motrice; les réflexes rotuliens disparais-

sent. C'est le tableau clinique de la maladie de Friedreich. Le nystagmus

de 1'I1l"rédo-ataxie cérébelleuse est tout à fait analogue.

Tumeurs du cervelet (gliomes, sarcomes) : Il s'accompagne fréquem-j

meut de céphalées, vomissements, névrite optique, titubation. ,

Tubes, myélites diffuses, syringomyélie, etc. : Il n'existe guère dans le

tabès, si ce n'est dans cette affection décrite par Friedreich, sous le nom

de tabès héréditaire et dont il constitue un des syndromes habituels.

C'est un symptôme exceptionnel dans les myélites diffuses, la syringo-

uy-élic, etc. Il en est de même du nystagmus par traumatisme du crâne.

Hystérie : Il y l'ut quelquefois constaté. Plusieurs fois il était accom-

pagne de blépharospasine. Tantôt continu, tantôt intermittent, il survient

par crises de quelques minutes, provoquées ou exagérées par l'exci-

tation lumineuse.

Paralysies ou parésies oculaires. Ce n'esl point un véritable nystagmus

(Voir p. 00). Ce sont des saccades intermittentes qui se produisent quand

on demande au malade de tourner ses yeux dans le sens d'action du muscle

parésié. Il faut savoir le distinguer du véritable nystagmus.

Autres variétés rares de nystagmus. Le nystagmus se rencontre

encore dans l'agonie, dans certaines affections dyspnéiques. On voit

aussi une variété spéciale de nystagmus dans le rétrécissement considé-

rable du champ visuel, chez des personnes aveugles ou presque aveugles.

11 existe un nystagmus unilatéral, exceptionnel. On l'a observé sur

un oeil dévié ou amblyope. Les oscillations sont surtout verticales et beau-

coup moins rapides.

L'étude que nous venons de faire, démontre que, à part le nystagmus

des mineurs et le nystagmus auriculaire dont les causes sont encore

mal connues, à part le nystagmus lié à une affection oculaire diminuant

la vision (presque toujours congénitale), tous les nystagmus accom-

pagnent ou sont la conséquence d'affections nerveuses que nous avons ?

énumérées. En outre, des faits expérimentaux et anatomo-cliniques dans

le détail desquels nous ne pouvons entrer, nous permettent même de

localiser plus exactement le siège des lésions productrices du nystagmus.

Par conséquent, en présence d'un nystagmus sans altérations oculaires,

sans maladies de l'oreille, sans causes professionnelles, il faut penser à

une affection nerveuse, à l'une de celles que nous avons énumérées, et

soupçonner l'existence d'une lésion plus particulièrement localisée au

cervelet, à la couche optique, au 4e ventricule, au corps restifonne, à la

protubérance, aux tubercules quadrijumeaux, ou au bulbe.

TROUBLES DE LA SÉCRÉTION LACRYMALE. 115

IX

I TROUBLES DE LA SÉCRÉTION LACRYMALE

Hypersécrétion. L'hypersécrétion lacrymale se manifeste par

la production d'une quantité exagérée de larmes et, en conséquence,

l'apparition du larmoiement.

L'existence du larmoiement ne suffit pas pour conclure à une hyper-

sécrétion lacrymale. Dans la plupart des cas, en effet, le larmoiement est

dû, non à une hypersécrétion véritable, mais à l'hypoexcrétion des

larmes, it l'oblitération des voies d'écoulement des larmes (points lacry-

maux oblitérés oit évcrsés, oblitération du canal nasal, paralysie de l'orhi-

culaire, etc.). Cependant, il faut reconnaître que les voies lacrymales

oblitérées et enflammées peuvent produire de l'hypersécrétion par action

réflexe.

Valeur séméiologique. Le larmoiement peut être psychique, émo-

tionnel. Il s'exagère beaucoup dans certaines maladies nerveuses.

Habituellement, l'hypersécrétion lacrymale est provoquée par Y irrita-

tion de la cornée, des paupières, de la conjonctive, des voies lacry-

males, des fosses nasales. C'est un larmoiement réflexe. L'arc nerveux

(fi ? ()5) possède une voie centripète, les filets du nerf trijumeau, et

une voie centrifuge, très sinueuse, passant par le facial, le grand pétreux

superficiel, le nerf vidien, le ganglion le nerf maxillaire

supérieur et son rameau orbitaire anastomosé avec le nerf lacrymal.

Voilà pourquoi certaines paralysies faciales intrapétreuses diminuent la

section lacrymale (Goldzielici- '). L'expérimentation a d'ailleurs confirmé

ces faits (Ti-il)oti(leati). L'irritation pathologique du facial inlra-pétreux

ou des filets sécrétoires dans leur long trajet, pourra donc amener une

hypersécrétion lacrymale, leur section une diminution ou arrêt de la sé-

crétion.

L'action du trijumeau sur la sécrétion lacrymale est indiscutable :

il constitue la voie centripète de l'arc réflexe lacrynialo-séeréteur.

L'excitation du trijumeau (cornée, conjonctive, etc.) amène du lar-

moiement ; sa paralysie, une diminution de la sécrétion lacrymale de

cause réflexe.

Certains pensent qu'en dehors des filets centripètes excito-réflexes, le

trijumeau contient des filets, centrifuges excito-sécrétoires des larmes.

Quelques faits viennent à l'appui de cette opinion : l'hypersécrétion

lacrymale résultant de l'excitation du bout périphérique du nerf lacrymal,

aussi bien que de l'excitation du rameau orbitaire du nerf maxillaire

supérieur, la diminution de la sécrétion lacrymale dans la paralysie du

PHATIQUE XEUROL. 8

· (foulard.

1 l I¡ TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

trijumeau. Dans ce dernier cas, il est vrai, l'hypersécrétion peut être

attribuée à l'absence de la portion centripète de l'arc réflexe (trijumeau).

Mais, comment expliquer l'abolition, dans certaines paralysies du triju-

meau, non seulement de la sécrétion réflexe, mais encore de la sécrétion

psychique émotionnelle ? Enfin, le trijumeau contient des nerfs vaso-di-

latateurs par lesquels il doit avoir une action sur la sécrétion lacrymale.

Dans ces conditions, il côté de la voie secrétaire centrifuge passant par le

facial, il y aurait une voie secrétaire centrifuge, probablement vaso-

dilatatrice suivant le trijumeau. L'irritation pathologique du trijumeau,

pourrait, en ce cas, amener une hypersécrétion lacrymale, par action sur

des filets sécréteurs centrifuges.

Mais c'est la une simple opinion que la clinique n'a point encore bien

contrôlée. Elle est d'ailleurs beaucoup discutée. Pour Krauss, la diminu-

tion de la sécrétion lacrymale après résection du ganglion de Casser,

serait due à la lésion concomitante du grand nerf pétreux. D'autre part,

Gérard Marchand et Ilerbet n'auraient constaté aucune modification de

la sécrétion lacrymale après deux ablations du ganglion de Casser. Enfin

je pourrais ajouter encore l'argument suivant : La conservation de la

sécrétion psychique émotionnelle dans certains cas de kératite neuro-

paralytique tient peut-être au siège différent, des lésions. La sécrétion

psychique persisterait dans les lésions postérieures du trijumeau

(tronc, ganglion de Casser, tronc ophtalmique); elle manquerait au con-

traire dans les lésions périphériques (orbite), touchant le trijumeau après

qu'il a été rejoint par les filets sécréteurs du facial (nerf lacrymal).

Le rôle du symphatiquc dans la sécrétion lacrymale, n'est peut-être

pas à négliger complètement. Après la section du sympathique, il y a

une augmentation très passagère de la sécrétion lacrymale, due sans

doute à une action vaso-motrice.

Hyposécrétion. La sécrétion lacrymale est parfois très dimi-

nuée chez des individus paraissant il Y état normal. Les causes locales

d'hyposécrétion sont d'ailleurs très rares, elles n'existent guère en

dehors des lésions cicatricielles de la conjonctive (xerophtalll11e). L'by-

posécrétion lacrymale peut être le résultat d'une paralysie faciale quand

la lésion atteint les filets sécréteurs dont nous avons ailleurs étudié le

trajet (Voir p. 104). Elle existe enfin dans la paralysie du nel'f (¡'iju-

meau.

Sécrétions anormales. Dans de rares, mais indéniables cir-

constances on a, chez des hystériques, constaté la production sur la

conjonctive d'un suintement rouge qualifié « larmes de sang ».

TROUBLES SENSITIFS DE L'APPAREIL OCULAIRE. 115

X

TROUBLES SENSITIFS DE L'APPAREIL OCULAIRE

PffËXOMÈXES DOULOUREUX DANS L APPAREIL VISUEL.

Affections inflammatoires des annexes de ruz<7 : Une inflammation

du sac lacrymal, un abcès des paupières, une périostite orbitaire, une

suppuration du tissu cellulaire de l'orbite développée dans la paroi osseuse

ou venant des sinus, une tumeur de l'orbite, une adénite de la glande

lacrymale, peuvent provoquer des douleurs modérées ou intenses. Le

zona ophtalmique s'accompagne habituellement de névralgie.

Affections du globe : Une kératite (inflammation de la cornée), une

iritis (inflammation de l'iris), donnent des douleurs plus ou moins vives

dans le globe ou dans le pourtour de l'orbite. II en est de même du glau-

come (névralgie optico-ciliaire) dont les manifestations douloureuses

semblent être le résultat de la compression des filets ciliaircs du

trijumeau par le contenu hypertendu du globe oculaire.

Névralgie de la branche ophtalmique du trijumeau (Voir Névralgie

FACIALE, ZO\.1 OPHTALMIQUE) .

Migraine ophtalmique (Voir Migraine ophtalmique).

t\EST11ÉSIE DE L'OEIL.

Le globe oculaire possède une sensibilité particulière li pression qu'il

peut perdre dans certaines conditions. Cette anesthésie du globe à la

compression est très comparable a l'anesthésie testiculaire fréquemment

constatée au cours du tabès et d'autres affections nerveuses.

Cependant, par anesthésie de l'oeil, on entend, en général, la perte de

la sensibilité au contact dans les portions explorables du globe oculaire

et particulièrement dans sa portion la plus sensible, la cornée.

L'anesthésie cornéenne peut avoir une origine oculaire comme celle

qui survient dans le glaucome ou après des instillations de substances

anesthésiques (cocaïne, stovaïne, etc.). Dans ce cas l'anesthésie est limitée

au globe oculaire.

L'anesthésie cornéenne peut être d'origine cérébrale et accompagner

les hémianesthésies organiques ou hystériques. Dans ce cas l'anesthésie

s'étend très loin, aux paupières, à la face, à toute la moitié du corps.

Rappelons que l'absence du réflexe palpébral il l'attouchement de la cornée

est considérée comme un signe d'hystérie.

Enfin une troisième variété d'anesthésie cornéenne est celle qui accom-

pagne les lésions du nerf trijumeau entier ou de sa branche ophtalmique.

[POULARD ]

UC TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

Par opposition aux précédentes, on pourrait l'appeler anesthésie d'origine

névritique. Toutes les lésions du trijumeau, depuis son origine hulbo-

protubérantielle jusqu'à sa périphérie, sont capables de la produire. Elle

peut être la conséquence d'une lésion périphérique néoplasique ou

inflammatoire, sur le trajet intracranien ou intraorbitairc du nerf triju-

meau ou de sa branche ophtalmique. D'autres nerfs de la base du crâne

ou de l'orbite sont souvent atteints en même temps. Elle peut résulter

d'une lésion bntbo-protnberantiette (tumeur, ramollissement), atteignant

les origines du nerf trijumeau. Dans ce cas, l'anesthésie peut être ou

isolée ou associée a la lésion d'autres organes butbo-protuberantieis. On

observe aussi des paralysies alternes sensitives (anesthésie faciale d'un

côté et anesthésie des membres du côté opposé). Il peut t y avoir anes-

thésie et paralysie faciale d'un cote avec paralysie des membres du

côté opposé, l'anesthésie faciale constituant une adjonction au syndrome

de Millard-Gubler. On voit même la superposition d'une paralysie alterne

motrice et d'une paralysie alterne sensitive.

C'est dans cette variété d'anesthésie, par altération du nerf trijumeau,

qu'on observe les altérations cornéennes dont l'ensemble a été désigné

sous le nom de kératite neuro-paratytique.

Kératite neuro-paralytique. L'anestbesie par lésion du nerf

trijumeau se complique souvent d'une véritable kératite attribuée il des

troubles nerveux et dénommée pour cette raison kératite neuro-para-

y tique.

La cornée perd sa transparence habituelle, devient mate, se trouble

légèrement, répithélium est exfolié. Ces lésions commencent au centre

de la cornée et s'étendent ensuite vers la périphérie. Légères au début,

elles s'accentuent peu il peu, lentement; l'opacité augmente surtout au

centre qui prend une teinte uniformément grise. L'examen il la loupe

montre que ce trouble cornéen est formé par de petites taches grises

nombreuses très rapprochées les unes des autres. ,

La cornée peut rester longtemps en cet état ou s'éclaircir en laissant

toutefois une opacité plus ou moins accentuée; mais d'autres fois l'opa-

cité augmente, jaunit, se ramollit, s'ulcère, et produit de larges pertes

de substance à la surface cornéenne. C'est un véritable ulcère iufectieux

de la cornée auquel vient souvent se joindre l'hypopioll ou accumulation

de pus dans la chambre antérieure. Ces lésions cornéennes n'ont à vrai

dire rien de caractéristique, rien qui permette de dire : voilà une kéra-

tite neuroparalytique.

Ce qui, mieux que les lésions précédentes, caractérise celle kératite,

c'est l'absence des phénomènes irritatifs d'ordinaire si violents dans les

kératites ordinaires : ni douleur, ni photophobie, ni larmoiement.

La cornée est complètement insensible ! au contact, d'où la modération

des symptômes n;aeliom1l'k C'est sur l'examen de la sensibilité cor-

neenne qu'il faudra, dans tous les cas, établir le diagnostic de kératite

ncurn-haralytinlllu.

TROUBLES SENSITIFS DE L'APPAREIL OCULAIRE. 117 î

Les véritables causes de la kératite 11<'Ul'0-paralyticlue sont encore en

discussion.

Deux causes extérieures, la pénétration des poussières dans l'oeil et la

dessiccation de la surface cornéenne ont une action traumatique indé-

niable (théorie traumalique). L'oeil, insensible, ne se défend plus contre

les objets extérieurs, les poussières viennent s'appliquer il la surface de

la cornée, librement, sans déterminer aucun mouvement de défense, sans

provoquer le clignement réflexe des paupières. Ces poussières plus ou

moins volumineuses traumatisent la cornée, produisent des érosions

épithéliales autour desquelles la cornée, suivant son mode de réaction

habituel, s'infiltre et blanchit.

La dessiccation cornéenne résulte, d'une diminution de la sécrétion

lacrymale (Voir p. 1 : 1). La cornée, peu ou point humectée, se dessèche

vite au contact de l'air; l'éhitl]élimn s'c(li'itc et se desquame, la cornée

s'ulcère puis s'infiltre comme dans le cas précédent.

Les agents microbiens du cul-de-sac conjonctival et des bords palpé-

braux, les poussières apportées par l'air, pénètrent par ces portes

d'entrée dans la cornée qu'ils infectent (théorie infectieuse). Les

ulcères, primitivement mécaniques, deviennent infectieux. Ils peuvent

présenter tous les degrés de gravité et amener de nombreuses complica-

tions : iritis, hypopion, perforation cornéenne, fonte purulente de l'oeil.

L'action mécanique des poussières et de la dessiccation complétée par

la pénétration d'agents infectieux est certaine, indiscutable dans la

kératite nl'l11'o-paralytirlul'. La discussion ne porte que sur un point : la

destruction du trijumeau peut-elle, seule, sans l'aide des actions méca-

niques et infectieuses précédentes amener des altérations trophiques de

la cornée, une kératite trophique exclusivement nerveuse ? (théorie tro-

pliique). C'est très contestable.

Par contre, la destruction des filets trophiques du trijumeau, en dimi-

nuant la vitalité cornéenne, peut faciliter l'action des agents mécaniques

et infectieux venus de l'extérieur, ct joindrc son influence mauvaise à

celle qu'exercent déjà les troubles sensitifs en facilitant l'introduction

des poussières, et les troubles lacrymo-sécréteurs en provoquant la des-

siccation cornéenne.

En somme, la kératite n('lII'o-paralytiql1e ne semble pas pouvoir être

réalisée exclusivement par des troubles nerveux trophiques. Elle est le

résultat, de causes extérieures mécaniques (poussières, dessiccation) et

infectieuses, dont l'action est facilitée par les troubles nerveux sensitifs,

trophiques et lacrYIlIO-sl"crt'olel1l's qui accompagnent la destruction du

nerf trijumeau.

Traitement : La fréquence des complications oculaires dans la kératite

neuro-paralytique est telle qu'il faut presque toujours, pour préserver

la cornée, recourir il l,t 1]I('liluu'oraltltic. ou suture des paupières. C'est

le seul moyen de sauver l'oeil pendant l'évolution de la maladie. Cela ne

dispense pas de faire metiodenscment le Iraill'IIH'll1l'tiologifJl\('.

[POULAIW.] ]

118 8 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

. - ' XI .

TROUBLES DE LA PERCEPTION DES COULEURS

La vision des couleurs peut faire complètement défaut : c'est l'ach1'o"

matopsie, ou cécité complète pour les couleurs. Elle peut n'être que

partiellement perdue, c'est la dyscll1'oIÍwtopsir.

Tantôt-la dyschromatopsie atteint toutes les couleurs, c'est une sorte

d'amblyopie chromatique portant sur toutes les couleurs, à des degrés

variables, il est vrai, mais n'en laissant aucune intacte.

Tantôt la dyschromatopsie est constituée par la. perte complète de la

vision pour une ou plusieurs couleurs du spectre (vert, rouge), avec

intégrité de la vision pour les autres couleurs. Ce sont donc là deux cas

très différents l'un de l'autre.

Troubles congénitaux de la vision des couleurs.

Cécité pour toutes les couleurs. Elle est toujours liée à des alté-

rations importantes de l'appareil nerveux visuel, microphtalmie, colo-

bomes, nystagmus, altérations du nerf optique, affections qui dénotent

l'existence de troubles graves pendant la vie intra-utérine.

C'est d'ailleurs une affection très rare, s'accompagnant toujours d'une

grande diminution de l'acuité visuelle.

Les différentes couleurs du spectre sont vues incolores, grises avec

des clartés différentes.

' Gécité congénitale pour certaines couleurs (dyschromatopsie con-

génitale, daltonisme). La cécité congénitale partielle aux couleurs,

porte en général sur le rouge-vert. La cécité pour le jaune-bleu est

exceptionnelle.

Dans la cécité congénitale pour le rouge-vert : '10 le rouge est confondu

avec le gris ou le blanc; 2° le vert avec le gris ou le blanc; 5° le rouge

avec le vert. Les aveugles pour le rouge-vert ne voient dans le spectre

que du jaune et du bleu. -

. Le daltonisme se rencontre chez des personnes dont l'appareil visuel

est d'ailleurs parfaitement normal.

L'examen de la cécité pour une ou plusieurs couleurs du spectre peut

se faire de différentes manières : , -

Méthode des laines de IIolmg1'een. On se sert d'un grand nombre

de laines de couleur, choisies surtout dans les tons que l'aveugle pour

les couleurs confond le plus facilement. On donne à un malade un éche-

veau d'une certaine couleur et on lui demande de choisir tous les éche-

veaux de couleur analogue, sans s'occuper de leur plus ou moins grande

clarté. S'il réunit des échantillons disparates (vert, rouge, gris), on en

conclut qu'il y a dyschromatopsie. Par une détermination plus exacte des

TROUBLES DE LA PERCEPTION DES COULEURS. 110

couleurs de confusion, on précise le genre de dyschromatopsie (cécité

pour le rouge, pour le vert, etc.). -

Exemple : On donne un échantillon rouge, de saturation moyenne :

a) Le malade place a côté du pourpre des écheveaux de couleur bleue

ou brune : il est aveugle pour le rouge.

b) Il place il côté du rouge des écheveaux de couleur grise ou verte :

il est aveugle pour le vert.

Quelques précautions sont à prendre dans cet examen du sens des

couleurs : 1° la chambre d'examen doit être bien éclairée à la lumière du

jour, et non à la lumière artificielle toujours colorée; 2° il ne faut jamais

demander à l'observé le nom de la couleur.

En effet, certaines personnes ayant une perception normale des cou-

leurs, peuvent les dénommer inexactement. Par contre, des individus

atteints de dyschromatopsie, peuvent, sans les percevoir normalement,

dénommer exactement les couleurs. Une personne atteinte de cécité pour

le rouge voit cette couleur brune mais, connue les personnes qui l'en-

tourent, elle l'appelle rouge. Cette précaution, indispensable dans la dys-

chromatopsie congénitale l'est moins dans la dyschromatopsie acquise.

Les objets colorés servant aux épreuves ne doivent pas être trop petits,

un oeil atteint de scotome central pourrait, dans ce cas, passer pour

aveugle aux couleurs, bien que la plus grande partie de la rétine ait con-

servé toutes ses facultés cbromopsiques.

Autres méthodes. On peut se servir de laines disposées d'une

autre manière. Thomson suspend il une règle 40 écheveaux de laine

arrangés d'après leurs tons les plus propres à la confusion. Adler se

sert de crayons colorés et demande a l'observé de tracer des lignes avec

tous les crayons qui lui paraissent avoir le même ton. On peut aussi

utiliser des poudres colorées contenues dans de petits flacons de verre.

Troubles acquis DE la vision des couleurs.

Tout trouble acquis de la vision des couleurs dénote une lésion de

l'appareil nerveux sensoriel. Les altérations de la vision résultant d'une

lésion du système dioptrique (taies cornéennes, opacités cristalliniennes,

troubles du vitré), bien que produisant une diminution considérable de

l'acuité visuelle, n'altèrent point la vision des couleurs, s'il n'y a pas de

lésion concomitante de l'appareil nerveux sensoriel.

Les affections rétiniennes amènent à des degrés variables la dyschroma-

tohsic : rétrécissement irrégulier du champ visuel pour les couleurs, lacunes

d'achromatopsie, etc. En général, leur influence sur la vision des couleurs

est minime tant que les lésions rétiniennes ne sont pas très étendues.

Cependant une exception doit être faite pour la rétinite pigmentaire,

affection caractérisée, en dehors des signes ophtatmoscopiques, par de

t'hemeratopie, un rétrécissement du champ visuel considérable pour

toutes les couleurs et même le blanc.

[YOULARD.]

120 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

Le glaucome altère aussi la rétine et donne un rétrécissement accentué,

surtout nasal, du champ des couleurs, qui précède en général le rétrécis-

sement pour le blanc.

Les affections du nerf optique (atrophie, névrite), altèrent très rapide-

ment et d'une manière considérable la vision des couleurs. La dyschroma-

topsie constitue un bon signe de lésion du nerf optique. Elle s'accompagne

d'une diminution souvent considérable de la vision, ce qui la distinguerait

au besoin delà dyschromatopsie du daltonisme. Au cours d'un tabès d'une

paralysie générale, une diminution de la vision accompagnée de dyschro-

matopsie, doit faire penser à un début d'atrophie du nerf optique. '1

Il faut peut-être rattacher aux dyschromatopsies par lésion du nerf

optique, celle qui résulte de l'intoxication nicotillo-alcooliqlle et qui se

caractérise par l'apparition d'un scotome central pour le vert, puis pour

le rouge, enfin pour le blanc lui-même (p. 50).

Dans certaines lésions des lobes occipitaux on aurait constaté une

achromatopsie complète. Jl existe, en tout cas, des observations d'hemia-

chromatopsie par lésion d'un lobe occipital.

Pierre Marie a vu dans l'hémianopsie, certaines portions du champ visuel

manquant , revenir pour le blanc et continuer à faire défaut pour les couleurs.

11 en conclut que l'hemiachromatopsie marque une période de transition,

une étape, non obligatoire, dans la régression de certaines hérnianopsies.

J'ai moi-même constaté un cas d'hemiachromatopsie avec intégrité

apparente de la vision pour le blanc. Mais en employant de plus petits

index blancs, ceux-ci n'étaient plus perçus. Celte hemiachromatopsie était

donc une hémianopsic ou plutôt une hemidysopsie, atteignant com-

plètement la vision des couleurs et incomplètement celle du blanc.

Dans ces conditions, l'hémiadrrolllatopsie ne serait qu'un degré dans

l'hémianopsie.

Enfin, Y hystérie peut donner des troubles de la vision des couleurs

caractérisés par le rétrécissement, même par l'inversion des champs

visuels des couleurs (p. 54).

L'exploration de la vision pour les couleurs, dans les dyschroinatopsies

acquises, peut se faire avec les procédés que nous avons indiqués à pro-

pos des dvschromatopsies congénitales. Ces procédés conviennent quand

la cécité, pour une ou plusieurs couleurs, porte sur toute l'étendue du

champ visuel, quand toutes les portions de l'appareil chromo-percepteur

sont également défectueuses.

Mais, dans beaucoup de. dyschroinatopsies acquises il en est autrement,

la perception des couleurs ne fait défaut qu'en certains points du champ

visuel correspondant il certaines portions seulement de l'appareil 111'1'-

veux sensoriel.

Dans ces conditions on procède d'une tout autre façon. On explore le

champ visuel il la périphérie, au centre et dans les régions intermédiaires

il l'aide d'index colorés, comme je l'ai indiqué à la technique de, explo-

ration du champ visuel (p. 7 et suivantes).

TUMEURS CÉRÉBRALES. 12t

XII

TUMEURS CÉRÉBRALES

Troubles oculaires daxs les tumeurs cérébrales.

Il est très fréquent de constater des troubles oculaires par suite du

développement dans la cavité crânienne de neoformations variées qu'on

désigne sous le nom commun de « tumeurs cérébrales ». .

Ces troubles oculaires ont, dans la sl'lI1éiologie des tumeurs céré-

brales, une importance considérable. Le plus souvent, c'est avec eux

qu'on fait le diagnostic de l'existence et du siège de la « tumeur céré-

Orale » .

De ces troubles oculaires, les uns paraissent communs à toutes les

tumeurs cérébrales, quel que soit leur siège dans i'cncepate. D'autres

sont variables suivant le siège de la lésion.

Troubles communs à toutes les tumeurs cérébrales.

Obnubilations passagères. Très souvent, dès le début, le malade

éprouve des troubles visuels passagers, des obscurcissements brusques

de la vue, des nuages, des brouillards qui passent rapidement devant les

yeux. Dans l'intervalle, la vue reste bonne, souvent normale.

Les obnubilations passagères peuvent devenir très fréquentes, se

reproduire plusieurs fois par jour ou par heure. Dans ces conditions, le

malade, bien que valide par ailleurs, ne peut sortir seul. Les troubles

visuels l'arrêtent brusquement dans sa marche. En quelques instants, le

brouillard passe, la vision revient et la marche reprend. Les obnubi-

lations intermittentes peuvent exister bien longtemps avant l'apparition

du moindre signe ophtalmoscopiqne au fond de l'oeil.

Lésions du nerf optique. Les lésions du nerf optique au cours

d'une tumeur cérébrale sont si fréquentes qu'elles constituent un de ses

plus importants symptômes. Chaque fois qu'on soupçonne l'existence

d'une tumeur intracranienne, il faut explorer le nerf optique. Les atte-

rations sont d'ailleurs variables et se présentent sous des aspects diffé-

rents. Dans certains cas, c'est, une simple dégénérescence des fibres

optiques, une atropine simple. Le plus souvent il s'agit d'une névrite

optique, c'est-à-dire d'une altération inflammatoire du nerf optique, pou-

vant d ailleurs présenter divers degrés d'intensité.

Névrite oprinE. Le volume, le siège et la nature de la tumeur ne

sont certainement, pas sans exercer une influence particulière sur le

développement de la névrite. Mais les relations entre les diverses tumeurs

et les névrites auxquelles elles donnent, lieu ne sont pas encore élucidées.

Symptômes subjectifs : Obnubilations passagères : nuages brusques

et fugaces; diminution progressive de la vue; l'acuité visuelle centrale

[POUIARn.]

122 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL OCULAIRE.

baisse, le champ visuel se modifie dans sa forme et dans son étendue e

(rétrécissement irrégulier, encoches) (fig.56),Ia vision des couleurs

est très altérée. La vue peut, à la longue, se perdre en totalité. Il existe

souvent une grande disproportion entre les troubles visuels et l'intensité

des lésions ophtatmoscopiqucs ; ceux-là pouvant être légers, celles-ci

très accentuées.

Symptômes objectifs : Une papillite à divers degrés d'intensité. Cepcn

dant, dans les tumeurs cérébrales, la papillite intense est de règle;

la papille, très tuméfiée, prend l'aspect de ce qu'on appelle « la papillite

par stase ou la névrite par stase ». Si une papillite légère, si même une

atrophie papillaire, possèdent une réelle importance pour le diagnostic

de tumeur cérébrale, la valeur séméiologique de la papillite intense, de

la névrite par stase est beaucoup plus considérable. Cette importance

symptomatique tient à sa très grande fréquence dans les tumeurs intra-

cranieuncs et à sa rareté en dehors d'elles.

Il importe de réagir contre la coutume qui consiste à regarder cette

papillite intense comme un phénomène mécanique produit par une

hypertension intracrànienne. Elle peut exister sans hypertension et même

sans affection intracrànienne. De Gracie, l'auteur de la théorie par hyper-

tension, en a lui-même publié des exemples. D'autre part, il peut y avoir

hypertension considérable sans papillitc. Les exemples en sont extrême-

ment fréquents, ne serait-ce que dans l'hydrocéphalie.

Le véritable agent de la névrite et de la papillite paraît être le liquide

céphalo-rachidien sécrété, lypcrsécrété, pendant le développement de la

tumeur intracrànienne (néoplasme, gomme syphilitique, tubercu-

leuse, etc.). Il exerce une action toxique sur le nerf optique.

L'hypertension ne crée pas la névrite; elle facilite l'action du liquide

céphalo-rachidien; elle le fait pénétrer dans les gaines du nerf optique

jusqu'à son extrémité antérieure, jusqu'à la papille. Celle-ci, touchée

directement, réagit violemment sous l'action du toxique, et donne la

papillite intense des tumeurs cérébrales.

Atrophie optique. Elle peut résulter d'une compression au niveau

du chiasma ou il l'origine des nerfs optiques (tumeur de l'hypophyse, etc.).

Il se produit, au niveau de la papille, une dégénérescence simple sans

phénomènes inflammatoires.

Symptômes subjectifs : Diminution progressive de la vision. L'acuité

visuelle centrale tombe, le champ visuel se modifie dans sa l'orme et son

étendue (rétrécissement, encoches) (fig. 30); la vision des couleurs est

très altérée. La cécité survient souvent il une période avancée.

Symptômes objectifs : Une atrophie papillaire modérément accusée au

début, très accentuée plus tard.

Il faut retenir qu'une névrite optique évoluée, laisse une papille

atrophique analogue a celle de l'atrophie papillaire simple. L'oculiste

accoutumé il l'ophtalmoscopie peut cependant, il certaines particularités,

reconnaître si une papillile accentuée a précédé l'atrophie.

TUMEURS CÉRÉBRALES.- 123

Saillie des yeux. Cette saillie des yeux se produit à une période

avancée dans l'évolution de la tumeur.

Troubles variables suivant le siège (syndromes). A

côté de ces troubles oculaires communs à toutes les tumeurs céré-

brales, il en est de variables avec le siège de la tumeur dans l'encé-

phale.

Ces variations ont été étudiées antérieurement il propos de l'hémia-

nopsie (p. 52) ou dans d'autres parties de cet ouvrage. Je me contente

donc de les présenter résumées sous forme de tableau.

Tumeurs corticales. Iléniianopsic à caractères spéciaux (p. 52);

Aphasie, avec cécité verbale et surdité verbale (p. 52); Cécité verbale

pure dans les tumeurs sous-corticales (p. 55); Cécité psychique (perte

de la mémoire visuelle des choses) (p. 55).

Tumeurs cérébrales centrales sous-corticales. IIemianopsie à

caractères spéciaux (p. 55); Mêmes symptômes que pour les tumeurs

corticales.

Tumeurs cérébrales centrales avec lésion des ganglions centraux.

- Ilémianopsie à caractères spéciaux (p. 55); Paralysies associées sou-

vent (p. 70); Troubles pupillaires (mydriase, inégalité) (p. 87) :

l'onctions respectives des trois ganglions de la base (corps genouillé

externe, tubercule l)uadrijull1eau antérieur, couche optique) peuvent

être altérées.

Tumeurs de' la base. llemianopsies variables suivant que la com-

pression s'exerce sur la bandelette ou sur le chiasma (p. 54); Compres-

sion d'un nerf crânien M. 0, C., M. 0. E. ; Pathétique (paralysies)

(p. 00); Trijumeau (névralgie, anesthésie) (p. 115); Compressions

vasculaires; Thrombose des veines ophtalmiques.

Tumeurs du cervelet. Nystagmus (p. 109). Le nystagmus s'est

aussi rencontré à la suite de lésions situées ailleurs : corps restifol'Il1l's,

lésions bulbaires et protubérantielles, lésions des pédoncules cérébel-

leux, du 4e ventricule, etc.

Tumeurs de la protubérance. Syndrome de Millard Gubler. Syn-

drome modifié type Foville (p. 70).

Tumeurs des pédoncules. Syndrome de Weber. Syndrome modifié

type Foville (p. 70).

[POULARD.]

MALADIES DE L'OREILLE

. par le D' LANNOIS

Le nerf de la 8e paire ne doit pas être considéré comme un nerf

uniquc : il n'a cette apparence que dans son trajet intra-crànien. En

réalité, il constitue deux systèmes anatomiquement et pbysiologiqucment

distincts.

L'un est le système vestibulaire : des cellules sensorielles des taches

et des crêtes dites acoustiques qui se trouvent dans les ampoules et, dans

le vestibule part un réseau de fibrilles nerveuses se réunissant rapidement

pour former trois rameaux principaux. Le nerf vestibulaire qu'ils consti-

tuent bientôt pénètre dans le conduit auditif interne, traverse le ganglion

de Scarpa et s'unit au rameau auditif de la cochlée; mais au niveau du

bulbe il redevient distinct et gagne le noyau vestibulaire (noyau de

Deiters, noyau dorsal interne et noyau de Bcchterew).

De ta ses fibres ascendantes, entrecroisées ou non, se rendent au cer-

velet par le côté interne du pédoncule cérébelleux inférieur et finalement,

après un nouveau relai dans le noyau rouge de Stilling, arrivent à l'écorce

pariétale, centre de l'équilibration volontaire. Ce sont les lésions de

cet appareil qui déterminent les troubles de l'équilibration et le vertige :

ceux-ci ayant été étudiés dans une autre partie de cet ouvrage, nous

laisserons de côté leur étude détaillée. Nous devrons cependant y faire

fréquemment allusion en raison de la complexité des deux nerfs.

Le système auditif a son origine dans les cellules sensorielles de

l'organe de Corti : les petits plexus nerveux qui se forment il leur niveau

rencontrent le ganglion de Corti dans le canal de liusunilull et forment le

nerf auditif proprement dit qui pénètre dans le canal auditif interne, se

confond avec la branche vestibulaire et s'accole au facial et il l'inter-

médiaire de Wrisberg.

Arrivé près du bulbe, le rameau cocideaire s'isole a nouveau et pénètre

au niveau de la fossette latérale pour gagner le noyau ventral et le tuber-

cule latéral. De ces noyaux les libres suivent un trajet assez compliqué :

celles qui partent du noyau ventral contournent l'olive supérieure en

lui abandonnant quelques fibres, mais vont surtout à l'olive du côté

opposé en constituant le corps trapézoïde; celles qui partent du tubercule

latéral, après avoir constitué les stries acoustiques du plancher du 1" ven-

LES MALADIES DE L'OREILLE ET LE SYSTEME NERVEUX. 125

tricule, gagnent les unes l'olive supérieure et, les autres, plus- nom-

breuses, l'olive supérieure du côté opposé en s'entrecroisant avec celles

qui proviennent du nerf de l'autre côté.

Il résulte de tout ceci un point intéressant, c'est qu'il y a dans le bulbe

une semi-décussation du nerf côchléaire analogue à la semi-décussation

du nerf optique..

Les fibres auditives condensées au niveau de l'olive supérieure forment

le faisceau acoustique qui occupe la partie latérale du ruban de Reil

(lemniscus latéral) et gagne les tubercules quadrijumeaux, soit en tota-

lité (Van GeIW clit.en), . soit plutôt en partie, ; une notable quantité des

ILANNOIS.1

Schéma de la voie auditive (Testut et

Jacob).

A. vestibule et canaux demi-circulaires.

B, limaçon. C, bulbe rachidien.

D, cervelet avec D', ses noyaux cen-

traux. E, noyaux des nerfs moteurs

bulboprotubérantiels. F, F', tuber-

cules quadrijumeaux antérieurs et pos-

térieurs. G, noyau rouge. - H,

cerveau.

4. nerf vestibulaire avec 1', ganglion de

Scarpa. 2, 2', 2", noyaux bulbaires

des fibres vestibulaires. 5, fibres

courtes allant aux noyaux des nerfs

bulbo-protubérantiels. 4, fibres lon-

gues se rendant après entrecroisement

à la zone sensitivo-motrice de l'écorce.

5, fibres cérébelleuses se rendant suc-

cessivement aux noyaux centraux du

cervelet, à l'écorce cérébelleuse, aux

noyaux rouges,, puis par la capsule in-

terne à la zone sensitivo-motrice du

cerveau.

a, nerf cochléaire avec a', ganglion de

Corti. b, b', noyau antérieur et

tubercule acoustique. c, noyau tra-

pézoïde et corps trapézoïde. d, fais-

ceau acoustique central avec e, fibres

courtes allant aux tubercules quadri-

jumeaux et, par l'intermédiaire de

ceux-ci, aux noyaux des nerfs bulbo-

protubérantiels. - f, fibres longues se

rendant par la capsule interne aux

circonvolutions temporales.

12G MALADIES DE L'OREILLE.

fibres se rendant directement il la capsule interne et a l'écorce. 11 se

peut que le relai soit, non dans le tubercule quadrijumeau inférieur, niais

dans le corps genouillé interne (Cajal). Quoi qu'il en soit, toutes les fibres

auditives aboutissent au lobe temporal, soit il la partie moyenne de la

première temporale, soit Ù la première et a la seconde, soit enfin, connue

l'a dit Flechsig et comme j'ai de la tendance à le croire, à la temporale

profonde, la première et la deuxième temporale servant alors a l'cmma-

gasinet11ent des images auditives. On sait d'ailleurs qu'aujourd'hui il ne

faut pas donner aux localisations un sens trop étroit.

Les questions qui rattachent l'oreille aux maladies du système nerveux

sont très complexes et témoignent d'une influence réciproque. Nous

aurons donc des points très divers à traiter : pour plus de commodité,

nous les diviserons de la façon suivante : lu Rapports des maladies de

l'oreille avec les maladies du système nerveux; 2° Etude générale des

troubles de l'ouïe; 30 Maladies de l'oreille interne et dit 1/(')'/ acous-

tique; 4° Troubles nerveux déterminés par les lésions de l'oreille.

I. RAPPORT DES MALADIES DE L'OREILLE

AVEC LES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX

Il s'agit là d'un chapitre de l'étiologie générale des maladies de

l'oreille : c'est seulement à ce point de vue (pie nous envisagerons d'abord

ces rapports, devant étudier plus loin le retentissement des maladies de

l'oreille sur le système nerveux.

10 Lésions congénitales ou acquises au début de la

vie. On observe des troubles de l'ouïe, passagers ou permanents,

dans les diverses variétés d'hydrocéphalie, dans les hémiplégies ou les

diplégies qui reconnaissent pour point de départ l'étiologie de Little ou

les inflammations cérébrales de la première enfance et aboutissent à la

sclérose atrophique ou tubéreuse, ta lurcncél>lialic, ctc.0o pmt assurer

que si beaucoup de semi-idiots ne parlent pas, ce n'est pas toujours, selon ! aiormu)edËs<pnro) et d'itard, parce qu'ils n'ont rien à dire, mais

souvent aussi parce qu'ils sont des demi-sourds ou des sourds qui n'ont

rien Ù répéter.

2° Méningites. Les méningites ont une action plus évidente et

mieux connue. 1.a ptclt.trtértitz/ite hémorrhagique coexiste souvent avec

des bemorritagies dans l'oreille interne et surtout dans la cochléo (Moos

et Steinhl'iigge). La méningite tuberculeuse, les diverses méningites

P11ClllnOCoccÙjlle, ébalhienne, etc., peuvent se propager au labyrinthe

par les vaisseaux, en suivant la gaine du nerf acoustique ou du facial, ou

par les aqueducs du vestibule et du limaçon.

C'est la méningite cérébro-spinale épidémique dont l'action nocive

sur l'oreille est le mieux connue : la surdité est une des séquelles le

LES MALADIES DE L'OREILLE ET LE SYSTÈME NERVEUX. 127

plus souvent observées de cette grave maladie. Si la propagation du pus

se fait aux deux oreilles, la surdi-mutité en est la conséquence : les

auristes allemands font remarquer qu'il y a une augmentation évidente

de la fréquence de la surdi-mutité toutes les fois que la méningite

cérébro-spinale, maladie endémique dans le nord de l'Allemagne, subit

une recrudescence épidémique.

Dans le cas de surdité irrémédiable de l'enfance, on voit assez souvent'

l'évolution suivante : après un refroidissement, des maux de tète violents

s'installent, tous les signes d'une méningite aiguë se déclarent, (on a

maintenant des cas où ces signes sont corroborés par l'examen positif du

liquide céphalo-rachidien), puis au moment où l'on attendait la termi-

naison fatale, les symptômes graves s'atténuent et disparaissent peu à

peu, mais le malade reste irrémédiablement sourd. Le même syndrome

peut se produire chez l'adulte et aboutir il la surdité (voir les thèses

récentes de Mener, Coul'tl'llemont, P. Gauthier, M",c Evreinoff, etc.). On a

longtemps pensé qu'il s'agissait dans ces cas d'une labyrinthite aiguë

primitive, dite maladie de Voltolini, mais on admet actuellement que

l'inflammation purulente et destructive, de la cochlée est le plus souvent

consécutive il la méningite.

;¡C Hémorrhagie et Ramollissement cérébral. -11 existe

quelques rares observations anciennes de surdité croisée par hémorrhagie

cérébrale; mais elles semblent dues à des erreurs d'observation ou d'in-

terprétation, car nous avons dit que le nerf auditif subissait une semi-

déeussation au niveau du bulbe. Les lésions unilatérales du cerveau ne

pourraient donc donner qu'une hémi-surdité analogue a l'hémiopic des

lésions du centre visuel.

Lorsqu'il existe de la surdité croisée, c'est qu'il s'est produit dans

l'oreille interne une hémorrhagie (Moos) de même ordre que celles qu'on

trouve souvent dans les viscères par suite d'apoplexie cérébrale.

4° Tumeurs cérébrales. Les troubles auditifs sont fréquents

dans les tumeurs cérébrales. Ils peuvent prendre la valeur d'un signe

de localisation, par exemple dans les tumeurs de l'angle ponto-cérébel-

feux, qui sont d'ailleurs assez souvent des tUJl1enrs du nerf auditif lui-

même. Le plus souvent il s'agit de phénomènes il distance.

On en a donné diverses explications : une des plus répandues est celle

de l'hypertension labyrinthique, qui porterait soit sur les espaces péri-

lymphatiques (Steinbrùgge), soit à la fois sur les espaces endo- et péri-

lymphatiques (Ostmann), et qui se ferait par la gaine de. l'acoustique ou

le plus souvent par les aqueducs du limaçon et du vestibule.

D'autres auteurs et notamment lluguenin ont invoqué une véritable

névrite acoustique, explication déjà donnée pour le nerf optique et dans

laquelle il faut admettre l'irritation déterminée par des produits toxi-

ques sécrétés par les tumeurs. Enfin on a aussi invoqué une véritable

papillite par étranglement, du nerf acoustique au niveau de la tache criblée

du fond du conduit auditif interne.

[LANNOIS.]

128 MALADIES DE L'OREILLE.

5° Sclérose en plaques. Tabes. - Des troubles auditifs à

évolution rapide et à caractère de surdité nerveuse ont été signalés dans

la sclérose en plaques : on a même décrit des plaques Imlbo-protuhéran-

tielles intéressant les noyaux acoustiques et le nerf auditif lui-même

(Hess). Ce sont des faits très rares.

Le tabes s'accompagne très fréquemment de troubles de l'ouïe : on

observe chez les tabétiques de la surdité, des bourdonnements, de l'exa-

gération de la réaction galvanique, des hallucinations. Mais les conditions

pathogéniques de ces troubles ne paraissent pas univoques. Pierrot,

Marie et Walton ont décrit des lésions de l'acoustique, soit du nerf lui-

même, soit de ses noyaux d'origine : les recherches inspirées par les

travaux de Barany sur le nystagmus provoqué indiqueraient une certaine

fréquence de troubles labyrinthifJues, si toutefois les opinions de cet

auteur sont confirmées. Mais dans quelques cas (Pierrot, Collet), il faudrait

invoquer des troubles trophiques provoqués par les lésions du trijumeau.

En réalité, ces faits sont l'exception : le plus souvent, les troubles auditifs

du tabès sont liés aux lésions de l'oreille moyenne qu'il n'est pas rare de

trouver chez des malades pour la plupart déjà âgés, ayant eu la syphilis

et des affections diverses du naso-pharynx.

(i° Lésions des nerfs. Nous venons de voir qu'on a invoqué

le rôle trophique du trijumeau dans les lésions de l'oreille chez les tabé-

tiques : nous le trouverons plus nettement accusé dans les névralgies du

trijumeau et notamment dans celles qui ont pour origine des lésions den-

taires. D'ailleurs on sait actuellement que les interventions chirurgicales

sur le ganglion de Casser peuvent déterminer une otite neuro-paralytique

qui, mieux que la kératite neuro-paralytique, met en évidence le rôle tro-

phique de la 5° paire.

La paralysie du facial, en dehors des cas où le nerf est directement

lésé par le développement de l'affection auriculaire, détermine divers

troubles auriculaires (hyporexcitabilite de l'ouïe, ouïe douloureuse, ver-

tiges) qui sont en rapport, non avec la paralysie du muscle interne du

marteau, comme l'écrivent encore certains classiques, mais avec la para-

lysie du muscle de l'étrier.

Les lésions du sympathique provoquent des troubles auriculaires.

Berthold a constaté directement de la vasoconstriction dans la caisse par

excitation du sympathique et j'ai trouvé de la vaso-d datation après la

syinpathectoinie. C'est par l'intermédiaire du sympathique que s'expli-

quent les troubles de l'ouïe qui- se rencontrent parfois dans la grossesse,

certaines lésions de l'estomac, etc. l'ai récemment vu de la surdité et des

bourdonnements dans nn cas typique d'hemiatrophie de la face.

i" Névroses. La chorée donne parfois des bruits subjectifs ou.

même des bruits perceptibles pour l'observateur : ils sont déterminés

soit par la contraction du tenseur du tympan, soit plus souvent par des

contractions spasmodiques des muscles tubaires.

L'hystérie est assez fréquemment cause de troubles du côté de

ÉTUDE GÉNÉRALE DES TROUBLES DE L'OUÏE. 129

l'oreille : mais il y a longtemps que j'ai constaté et répété que l'anes-

thésie sensitivo-sensorielle au sens de stigmate, comme l'entendaient les

ncurologistes, n'existait pas. S'il y a de l'hémi-anesthésie cutanée, pro-

voquée ou non, on peut constater de l'anesthésie du conduit et de la

membrane tympanique, mais sans trouble sensoriel concomitant.

Par contre, l'hystérie détermine facilement de la surdité et de la surdi-

mutité associées ou non à la cécité, de l'hyperacousie douloureuse ou

hystérogéne, du vertige, d'ailleurs rare, des otalgies et surtout des algies

mastoïdiennes qui, si les malades ont eu auparavant des suppurations

de la caisse, peuvent faire croire à de vraies mastoïdites ou même aux

complications cérébrales des otites et qui guérissent par suggestion (Lan-

nois et Chavannc, Moure et Bouycr fils, etc.).

Dans l'épilepsie, les troubles auditifs ne sont pas rares : il est fréquent

de constater des auras auditives, bruits subjectifs, hallucinations audi-

tives, surdité. Ces symptômes font aussi partie de la crise elle-même,

connue on peut le constater dans certains cas où il n'y a pas perte de

connaissance. Enfin, ils peuvent exister, surtout la surdité, comme phé-

nomène post-paroxystique traduisant l'épuisement nerveux, au même

litre que certaines paralysies passagères. -

II. ÉTUDE GÉNÉRALE DES TROUBLES DE L'OUÏ

Colle-ci ne nous retiendra pas longtemps, car nous devons renvoyer

aux traités spéciaux pour l'étude, étiologique complète, les épreuves de

l'ouïe, l'acoumétrie, etc.

Rappelons seulement que la sensibilité acoustique peut être augmentée

(hyperacousic), diminuée (hypoacousie) ou modifiée (paracousie).

Hyperacousie. Elle est relativement rare. Elle existe chez beau-

coup de gens nerveux, neurasthéniques ou hystériques, chez ceux qui

ont de l'insomnie. On sait que c'est un des phénomènes les plus pénibles

de l'accès de migraine.

On l'a signalée également dans quelques affections du système ner-

veux, au début de la paralysie générale notamment. L'hyperacousie a été

donnée comme un symptôme de la paralysie faciale.

Elle se rencontre aussi dans quelques intoxications, par exemple à la

suite du sommeil chloroformique. ,

Elle est. souvent l'indice d'une sclérose au début qui ankylosc plus ou

moins complètement et rapidement la fenêtre de l'étrier.

L'hyperacousie n'a pas besoin d'être longtemps décrite : les bruits

ordinaires paraissent exagérés, les plus légers même résonnent étrange-

ment, deviennent douloureux et produisent de l'agitation.

Elle se manifesterait dans certaines maladies nerveuses sous l'influence

du courant galvanique. Le nerf auditif réagit en somme comme les

autres nerfs : la fermeture du couraut négatif au niveau du tragus ou du

PILITIQUE e : nor.. U

[LANNOIS.]

150 MALADIES DE L'OREILLE. " ?

conduit détermine une sensation sonore qui s'atténue pendant le passage

du courant et l'ouverture du négatif ne produit rien. La fermeture du

pôle positif ne donne rien, non plus que le passage du courant, et l'ou-

verture détermine une faible sensation sonore. Les recherches de Brenner,

de Erb, de Gradenigo, etc., ont montré que si, chez un sujet sain, il

fallait 6 milliampères pour déterminer une sensation sonore, n'en fal-

lait que 2 ou 5 clans les cas d'irritabilité de l'oreille interne ou du nerf,

dans le tahes, par exemple (Erb), ou dans les. affections llltl'a-Cl't111e1111eS,

les méningites et lés tumeurs (Gradenigo). L'hyperexcitabilité galvanique

serait donc du plus haut intérêt diagnostique, mais la valeur de cette

recherche paraît avoir été exagérée (Chavanne).

Sauf dans les cas où elle est très passagère, l'hyperacousie est d'un

mauvais pronostic, car il n'est pas rare de la voir précéder une surdité

de rapide évolution.

Hypoacousie et surdité. -(lu'elle soit liée à une lésion de l'ap-

pareil de conduction ou- de l'appareil de réception des sons, et c'est cette

dernière qui nous intéresse particulièrement ici, l'hypoacousie présente

des. degrés très divers, et il n'y a qu'une lointaine ressemblance clinique

entre le malade qui ne se doute pas de sa surdité et fait seulement répéter

ses interlocuteurs et celui qui, à la suite d'une syphilis du labyrinthe ou

d'une méningite, présente une cophose absolue. Ajoutons toutefois que

les surdités dites nerveuses présentent souvent un caractère d'intensité

et de gravité qui se rencontre rarement au même degré dans les surdités

de transmission.

Il y a donc grand intérêt à différencier ces deux variétés de surdité..

Malheureusement -les moyens d'investigation dont nous disposons pour

cela sont assez restreints : les examens avec les diapasons, malgré leur

relativité, comptent parmi les meilleurs.

L'épreuve de Weber est une des plus intéressantes : un diapason vi-

hrant, placé sur la ligne médiane (dents, vertex), est perçu dans l'oreille

sourde si la lésion porte sur l'appareil de conduction des sons, dans

l'oreille saine ou moins malade, si la lésion est labyrinthique. Par contre,

l'épreuve de Rinne, partout citée (transmission aérienne, chez l'homme

sain, plus longue que la transmission crànio-tympanique), n'a qu'une

valeur très discutable et doit être abandonnée.

L'épreuve de Schwabach est aussi instructive : soit un diapason, que

l'on sait perçu par une oreille saine pendant 50 secondes lorsqu'il est

appliqué sur le front. S'il est perçu pendant plus longtemps., pendant

40 ou 45 secondes, par exemple, c'est que la lésion est de transmission

(Schwabach prolongé); s'il n'est perçu que 10 secondes (Schwahach

diminué), c'est que la lésion porte sur le nerf ou sur le labyrinthe.

L'examen avec les diapasons de hauteur différente peut aussi rendre

des services, la perception des sons bas étant diminuée ou absente dans

les lésions de la caisse, celle des sons élevés dans les lésions du laby-

rinthe. On a même essayé de donner, par les recherches açoumétriqucs, un

ÉTUDE GÉNÉRALE DES TROUBLES DE l/OUIE. 13 L

moyen de diagnostic entre les lésions du labyrinthe et celles du tronc

nerveux lui-même : pour Gradenigo, dans les lésions du nerf, la percep-

tion des sons élevés serait relativement bien conservée (à condition, bien

entendu, que la surdité ne soit pas absolue) comme dans les lésions de la

caisse : celles-ci s'éliminent par l'examen otoscopique négatif. De plus,

il y aurait un épuisement beaucoup plus rapide de l'audition dans les

lésions du nerf.

L'examen avec les diapasons, non plus isolés mais en série, mis sur-

tout en oeuvre pal' Bezold, a également fourni de très intéressants résultats.

Il a montré qu'il existait chez les sourds labyrinthiques des lacunes et des

îlots auditifs. Les lacunes peuvent se rencontrer dans la continuité des

sons ou n'exister que pour la limite supérieure des sons, ce qui, pour les

partisans de la théorie dlfclr«lioltz, correspondrait il l'atrophie du nerf

auditif il la base du limaçon, la disparition de la limite inférieure des

sons indiquant au contraire une lésion de la pointe du limaçon. L'impor-

tance de la conservation de certains ilols auditifs se comprendra d'elle-

même lorsque nous aurons dit 1 1 Ill' ceux-lit seuls parmi les sourds-muets

sont susceptibles de faire des progrès par les exercices acoustiques et de

profiler spécialement de la méthode orale qui ont conservé un îlot acous-

tique allant de si3 à soT. On conçoit l'intérêt de cette recherche au point

de vue pédagogique.

Paracousies. - La surdité est fréquemment associée a des troubles

de paracousie. Il y a une paracousie de lieu qui se voit chez les sujets

ayant perdu une oreille : ils rapportent tous les sons perçus à la direction

de l'oreille restée saine. Cette paracousie s'atténue peu il peu et ne parait

pas exister chez ceux qui sont sourds depuis l'enfance.

La pctctcousie de TVillis ou surdité paradoxale est plus intéressante :

elle consiste dans ce fait que certains sourds entendent bien, beaucoup

mieux que les sujets sains, lorsqu'ils sont dans le bruit (chemin de fer.

bruit d'atelier, etc.). La paracuusie de "'illis est liée Ù des lésions ner-

veuses et est d'un fâcheux pronostic en ce qui concerne la fonction. Elle

est vraisemblablement due à ce que le nerf qui fonctionne mat est mis

en excès d'activité ou de réceptivité sous l'influence d'une plus forte

excitation.

La cZ1J}lacOllSie est une forme de paracousie qui fait percevoir deux

sons pour un seul : elle se rencontre plus fréquemment dans les lésions

unilatérales de l'appareil de conduction, mais a été aussi attribuée au

labyrinthe, ici encore avec l'aide de la théorie de llelinhollz : supposons

qu une libre répondant il 300 vibrations ne réponde plus d'un côté qu'à

.j50 vibrations alors que la similaire continue toujours dans l'oreille

saine à répondre à 300 vibrations, on aura deux perceptions pour une t'

seule. La dipiacousie est harmonique ou dysharmonique suivant 1 ri n \('1'-

vaiiequi sépare les deux sons perçus; elle est le plus souvent biauri-

culaire, mais peut exceptionnellement être mono-auriculaire.

Bourdonnements. Les irritations ou les dégénérescences du

ILANNOIS ]

me MALADIES DE L'OREILLE.

nerf auditif se traduisent par des bruits subjectifs, en vertu de cette loi

générale qu'un nerf, excité par une cause quelconque, répond clinique-

mont comme s'il l'était par son excitant spécifique (sensation tactile ou

douloureuse par la compression du cubital dans la gouttière de l'otecrane,

phosphènes par pression sur les globes oculaires, sensation gustative par

irritation mécanique de la corde du tympan). Ces bruits sont presque

aussi communs que l'hypoacousie et, bien que le parallélisme ne soit pas

constant, marchent généralement de pair avec elle : c'est dire qu'ils

reconnaissent connue origine toute l'étiologie générait ! des affections de

l'oreille. Comme conditions plus prochaines on peut admettre que le plus

souvent il s'agit d'une action irritative sur le nerf, de l'origine périphé-

rique de ses neurones jusqu'au centre cortical. Mais ce mécanisme n'est

pas le seul et il est vraisemblable que dans les bruits persistants il s'agit

plutôt de dégénérescence que d'irritation nerveuse.

Nous n'entrerons pas ici dans la description des variétés de bruits sub-

jectifs : les comparaisons les plus diverses sont employées par les ma-

lades. Le point intéressant serait de savoir si l'on peut tirer de l'élude

du bourdonnement des indications diagnostiques sur le siège de l'a1T'cc-

tion : il n'en est rien. Tout ce qu'on peut dire, c'est que les bruits à

tonalité grave sont en rapport avec les obstructions tubaires et les pro-

cessus aigus ou subaigus de la caisse, les bruits il timbre élevé, bruits

métalliques et bruits musicaux, avec les lésions primitives ou secondaires

du labyrinthe.

Vertiges. Nous avons déjà dit que nous ne les étudierions pas ici :

disons seulement qu'ils font partie de la triade caractéristique des affec-

tions du labyrinthe et du nerf auditif. Toutefois, connue ils dépendent

de la lésion d'une partie bien déterminée du labyrinthe, le vestibule et

les canaux semi-circulaires, on s'explique qu'ils puissent exister seuls,

en dehors de la surdité et des bourdonnements tributaires de la cochlée,

et inversement.

III. MALADIES DE L'OREILLE INTERNE

ET DU NERF AUDITIF

Nous ne pouvons que les passer rapidement en revue : il va lieu

(Tailleurs de les diviser en deux catégories distinctes, celles qui atteignent

les expansions nerveuses dans le labyrinthe, l'appareil de réception des

sons, et celles qui portent sur le nerf lui-même.

I. MALADIES DE L'OREILLE INTERNE

Les lésions du labyrinthe sont relativement plus rares que celles de

t appareit de transmission des sons : elles sont secondaires aux inllalllllla-

tions de la cavité crânienne, comme nous l'avons vu pour la méningite

MALADIES DE L'OREILLE INTERNE,

cérébro-spinale épidémique par exemple, ou hcauconp'Trlti ? m-cnt aux

lésions de la caisse (otites, ankyloses, etc.).

1° Troubles circulatoires. Ceux-ci pourront être Yanémie,

1lrr/p ? naie, Y hémorrhagie.

L'anémie du labyrinthe se rencontre dans toutes les conditions d'appau-

vrissement du sang (heillorrhagies, grossesse, chlorose, convalescence

des maladies graves) et se traduit par la triade; de la surdité, des bour-

donnements et des vertiges, avec prédominance de ces deux derniers.

Toutes les conditions qui amèneront l'afflux de sang à la tête, émotions,

digestion, ingestion d'alcool et inhalation de nitrite (("amyle, position

couchée, feront disparaître au moins passagèrement ces symptômes.

La congestion du labyrinthe, soit active (maladies infectieuses, inllam-

mations de la caisse, digestions difficiles, ménopause, goutte, hémor-

rhoïdes, intoxications diverses), soit passive (affections du coeur et du

poumon, compression du lIIédiastin et delà base du con, etc.), a la même

synrptomalologie : vertiges, bourdonnements et surdité avec accompagne-

ment de phénomènes congestifs du côté de la face, de l'oreille et du ccr-

veau. L'application de sangsues à l'apophyse mastoïde, la dérivation intes-

tinale, la révulsion Ù distance, les médicaments vaso-constricteurs, etc.,

seront alors indiqués.

L'hémorrhagie reconnaît les causes les plus diverses. Elle peut être

produite par toutes les conditions de l'hyperéniie que nous venons d'énu-

merer. Souvent la rupture est favorisée par des lésions vasculaircs anté-

rieures dues à la syphilis, au diabète, il la teucocytemie, a l'hémophilie.

La brusque cessation des règles, les intoxications médicamenteuses, l'apo-

plexie cérébrale ont pu être invoquées. Mais la cause la plus habituelle est

le traumatisme (secousses de toux de la coqueluche, explosions, travail

dans les caissons, etc.) et surtout les coups et les chutes sur la tète qui

déterminent la fracture du rocher. L honorrhagic n'est pas toujours géné-

ravisée il tout le labyrinthe et peut n'occuper que la cocltléc ou même une

partie plus limitée.

Ce sont toujours les mêmes symptômes que l'on retrouve. Mais ici la

surdité est souvent totale cl irrémédiable, et le vertige prend une intensité

considérable : c'est le type du vertige de Ménière. Ces cas traumatiques

ont une importance très grande dans le cas d'accident du travail et doi-

vent être bien connus des neurologistes qui ont souvent à se prononcer

sur leur gravité et leurs conséquences : il importe, qu'ils n'attribuent

pas au cerveau on au cervelet ce qui revient au labyrinthe.

La surdité, si elle est unilatérale, n'a souvent qu'une importance relative

au point de vue de la capacité de travail et ne peut donner lieu qu'a

une faible indemnité. Il n'en est plus de même du vertige, qui peut

rendre le blessé incapable de tout travail ou du moins du travail anté-

rieur (ouvriers d'usines, maçons, plombiers travaillant sur les toits, etc.).

Il faut savoir cependant que le vertige produit dans ces conditions va

assez souvent en s'atténuant, avec une très grande lenteur, il est vrai. Le

[LANNOIS.] ]

154. . MALADIES DE L'OREILLE'. -

caillot s'organise, devient fibreux, englobe et détruit les, extrémités du

nerf vestibulaire et amène ainsi la disparition plus ou moins complète du

vertige : il est donc très important de rapporter celui-ci à sa véritable cause. ".

2° Inflammations. - Les inflammations du labyrinthe sont simples

ou purulentes, aiguës ou chroniques, et n'intéressent le neurologiste

qu'en raison des problèmes diagnostiques et surtout des complications

auxquelles elles peuvent donner lieu. Comme conditions étiologiques, nous

retrouvons encore ici la méningite cérébro-spinale épidémique d'une part

et de l'autre les suppurations delà caisse. Si ces dernières restent limitées

dans l'immense majorité des cas, elle peuvent cependant envahir le laby-

rinthe en passant par les fenêtres ou en érodant la paroi osseuse de la

caisse ou de l'aditus : il en est ainsi dans la scarlatine, la diphtérie et, a

un moindre degré, dans la broncho-pneumonie, la rougeole, etc. La tuber-

culose fournit surtout les formes purulentes chroniques.

Chez les enfants, plus rarement chez les adultes/ il. survient parfois

de la fièvre intense à début brusque avec signes d'irritation méningée,

vomissements, délire, convulsions, coma : si l'enfant se rétablit, il reste

longtemps avec du vertige et de l'incapacité de se tenir debout qui finis-

sent par s'atténuer et de la surdité qui reste incurable : c'est ce qui cor-

respond à la description de Voltolini. Mais il est parfois difficile de dire

s'il s'est agi de lahyrinthite aiguë ou de méningite.

Ces symptômes sont aussi ceux que l'on pourrait rencontrer dans un

abcès cérébelleux et le diagnostic est fort délicat, d'autant plus que la pyo-

lahyrinthite, comme nous allons le voir, est la cause la plus habituelle de

l'abcès cérébelleux : l'intérêt se double ici de la possibilité d'une inter-

vention d'importance capitale. D'une manière générale, on peut dire que

la titubation cérébelleuse est d'allure chrieusé, tandis que dans la lahyrin-

thite on a plutôt la démarche de canard. Chez le cérébelleux le vertige

n'est pas modifié par l'occlusion des yeux, tandis que celle-ci exagère le

déséquilibre labyrinthique : les ycux, a-t-on dit, sont les béquilles du laby-

rinthe, mais ceci est loin d'être constant. 11. a en outre, en faveur de la

lésion cérébelleuse, la prostration, le ralentissement du pouls-, les altéra-

tions rétiniennes, etc. Nous retrouverons plus loin le nystagmus dont

l'importance est réelle.

.5° Syphilis. C'est une cause fréquente de surdité par lésions de

l'oreille interne : elle se montre parfois très précocement, le plus sou-

vent entre six mois et deux ans, mais peut être beaucoup plus, tardive.

Le début peut être lent, ce qui est rare. Le plus souvent la marche

est rapide, amenant la surdité en quelques jours; parfois enfin elle est

foudroyante. Dans ce dernier cas, le plus intéressant, le malade est pris

brusquement de.surdité, de bourdonnements intenses et un vertige subit

peut le précipiter à terre, avec ou sans perte de connaissance, comme

dans la forme classique du vertige de Ménière. -

Les lésions sont uni- ou bilatérales : malgré des travaux déjà nombreux,,

elles mériteraient d'être précisées par de nouvelles recherches. Dans les

.MALADIES DE L'OREILLE INTERNE. 15.'»

cas récents il s'agit surtout de lésions d'ordre inflammatoire et exsudât if

(infiltrations de cellules rondes, exsudais séreux ou ilemorriiagiques,

néol'ur«lat.ions conjonctives). Plus tard, la destruction de I'o1'allc l1C Corii

s'accompagne d'atrophie des cellules du ganglion de Rosentilai. La lésion

est probablement d'origine vasculaire.

Le diagnostic est facile si l'on se rappelle « qu'en dehors de l'hystérie,

facile à éliminer, et dn bouchon de cérumen, facile à constater, il n'y a

pas d'affection apyrétique susceptible de produire une surdité aussi

brusque que la syphilis «.Bien que quelques cas puissent s'amender sous

l'influence du traitement spécifique (on a aussi conseillé les injections de

pilocarpine), le pronostic est défavorable.

Nous n'avons parlé ici que de la syphilis acquise de l'oreille interne. La

syphilis héréditaire peut également atteindre le labyrinthe. S'il s'agit de

très jeunes sujets on aura de la surdi-mutité; chez les enfants plus âgés,

de 8 a 15 ans, c'est-à-dire dans la syphilis héréditaire tardive, la surdité

s'installe plus lentement, niais avec la même symptomatologie que dans

les formes rapides ou lentes delà syphilis acquise. On sait d'ailleurs que

c'était l'otite interne quitutcbinsou faisait entrer dans la triade caracté-

ristique de l'hérédosyphilis : elle y est en effet très fréquente, puisque si

lïutcbinson l'évaluait à 10 pour 100 des cas.Baratoux a porté ce chiffre il

55 pour 100. Elle est encore plus grave que la forme acquise et, sauf de

rares exceptions, peut être considérée comme incurable.

4° Labyrinthites infectieuses. Les maladies infectieuses tou-

chent plus souvent l'oreille moyenne, mais peuvent atteindre également

le labyrinthe, il en est ainsi de la grippe, de la rougeole, de la scarlatine,

de la diphtérie, de la fièvre typhoïde, du zona.

Le type le plus évident des surdités nerveuses infectieuses est fourni i

par la iabyrintbitc ourlienne. Les oreillons n'atteignent heureusement

l'oreille (pie dans un nombre de cas fort restreint, car lorsque cette atteinte

se produit, elle donne une surdité irrémédiable. Au cours des oreillons,

parfois dès le début ou même avant le gonflement, parotidien, le malade

devient brusquement sourd, de l'une ou des deux oreilles a la fois, avec

bourdonnements, vertiges, recrudescence des symptômes généraux et

de la fièvre. Chez les jeunes sujets, la lésion des deux oreilles produit la

surdi-mutité. La lésion n'est pas connue; il s'agit vraisemblablement

d'une poussée inflammatoire analogue à celle de l'orchite et détruisant

l'organe de Corti d'une manière irrémédiable.

5° Labyrinthites toxiques. Ce sont les troubles qui succè-

dent a l'administration de certains médicaments bien connus, la quinine,

l'acide salicylique et ses dérivés, à l'ingestion des champignons, aux

al1l'sthésies par l'éllicr ou le chloroforme, aux intoxications par le plomb,

le mercure, le tabac, etc.

Le type le plus connu est la surdité et l'ivresse (puniques : les bruits

de cloches, les sifflements, la surdité et le vertige s'observent après

l'administration de doses élevées ou répétées du médicament et dispa-

iiannois.-[

n< ! MALADIES DE L'OREILLE.

raissent généralement après cessation. Mais parfois tous les accidents

IH'rsis ! <'nl. Ll'III' IlIl"l'anisllH' ('st ('IH'Orl' obsl'III' : on a inyol{lH" 1111(' action

SUI' fp l'('I'\L'all 011 SUI' la 1l1O¡;f1(" SUI' Il' ganglion cl'I'YÍcal infl'rieur, SIII' l"

centre de l'audition. Pour les uns il s'agit d'une anémie du labyrinthe;

pour le plus grand nombre de phénomènes de congestion allant jusqu'à a

riiéinorrhagie : on a, en effet, constaté des exsudais et des pétéehies que

d'aucuns ont alfl'll)ll('S 111)Ir M l',tc(ion lircctc de la quinine, mais à la

congestion asphyxique à laquelle succombent les animaux intoxiqués.

Enfin, plus récemment, Willmack et IJJ'('Y ! 'IIS 0111 décrit des lésions de.

chronialolyse dans les ganglions de Corti et de Scarpa pouvant aller

jusqu'à la disparition des corpuscules de Nissl.

II. - MALADIES DU NERF AUDITIF

Le nerf auditif peut être atteint dans son trajet inlra-crùnien. dans

ses centres bulbaires, dans ses centres cérébraux.

1° Dans son trajet iul2'cr-c2'iuicn. Il y a des inl1allllnalions du nerf

auditif sous forme de névrite descendante (méningites et 5111't011t 111('lllll-

gite cérébro-spinale 1"pidl"llIiql](') et de névrite ascendante consécutive

aux labyrinthites.

Dans ces deux cas les lésions du nerf sont secondaires. Mais lïlll1alll-

tnation et l'atrophie du nerf peuvent être primitives, par exemple dans le

tabès, ainsi que nous l'avons indiqué précédemment. La syphilis dont

nous venons d'étudier l'action sur le labyrinthe, atteint fréquemment

aussi le nerf auditif dans son trajet (exostose du conduit auditif interne,

gommes circonscrites, méningite gommeuse) : j'ai trouvé dans un cas de

ce genre de la névrite, interstitielle avec dégénérescence des libres ner-

veuses qui présentaient un aspect moniliforme, et de nombreuses gaines

vides. Il est fréquent dans celle forme de trouver la paralysie faciale

associée à la surdité et au vertige.

Nous avons vu déjà Faction des tumeurs cérébrales sur 1<' ]](,l'l'at'OIIS-

tique el sur le labyrinthe. Sans revenir sur ce point, il va lieu d'indiquer

ici les tumeurs du nerf auditif lui-même : Lebert, 1'irc'IIw les ont consi-

dérées comme les plus fréquentes des tumeurs atteignant les nerfs crâ-

niens. Il y a peu de temps, K. Harimaun en a réuni 25 cas et depuis,

d'autres faits ont été publiés par .1. Lépinc, Porol, etc. Cn de III('S 1"It'.Yl's.

le D' Martial, a pu baser sa tbese sur 45 cas. J'ai eu moi-même l'occasion

d'en faire opérer deux par M. JIIII'<II)(1 et une communication que nous

avons faite ensemble est basée sur environ 70 cas auatomo-patboiogiques

ou cliniques et sur 44 cas où il y eut intervention.

Ce qui fait l'intérêt de. ces tumeurs, en effet, ces) qu'on peut les dia-

gnostiqll('l' d qlH' ]('111' ablation rhil'lll'gieall' ('sI J'(,latiYl'II)('nl fat'ill'. Ll'III'

sy)upto)nato ! ogieest celle des tumeurs de l'angle pfJl1to-red']H'lIl'IIX :

aux symptômes généraux des tumeurs et aux signes de compression

MALADIES DU NERF AUDITIF. - 157

cérébelleuse s'ajoutent une surdité complète, une participation précoce

du facial et des troubles dans l'innervation du trijumeau et des muscles

oculaires. L'unilatéralité des symptômes est un argument en faveur de la

tumeur du nerf, bien que les tumeurs du. cervelet s'extériorisant en

avant et en bas puissent donner à peu près les mêmes symptômes. Au

reste, l'indication opératoire est la même dans les deux cas, mais on

n'oubliera pas que l'intervention est ici particulièrement grave.

Les tumeurs osseuses de la base du crâne, les traumatismes peuvent

encore intéresser- le nerf auditif dans son trajet.

2° Dans ses centres bulbaires. Différents syndromes bulbaires liés

à l'athérome, à l'artério-sclérose et aux anévrysmes des artères vertébrales

ou du tronc basilaire, aux hémorragies limitées, peuvent s'accompagner

de surdité isolée : la lésion a porté dans ces cas sur le noyau antérieur et

le tubercule acoustique, origines du nerf cochléaire.

Le plus souvent les symptômes dominants sont des troubles de l'équi-

libre et du vertige et traduisent l'atteinte du noyau vestibulaire (noyau de

Deiters et de Bechterew) : on les désigne sous le nom de syndrome de

Bonnier ou syndrome du noyau de Deiters.

Ce syndrome est constitué essentiellement par : 1° du vertige plus ou

moins intense et brutal; 2° de l'effondrement par dérobement des jambes,

comme chez le tabétique ou le vertigineux labyrintlïique;.50 des troubles

oculo-mcteurs réflexes (parésie ou paralysie de la 6° paire, déviation con-

1 - [LANNOIS.]

Coupe à la limite du bulbe et de la protubérance, montrant les noyaux de terminaison du

nerf vestibulaire, et leurs rapports avec les déterminaisons auditives. (D'après Testai.)

138. . MALADIES DE L'OREILLE.

juguée; nystagmus); 4° un état nauséeux et anxieux; 5° des phénomènes.

Coupe transversale de la partie inférieure de la protubérance, montant les rapports du noyait

de Deiters avec le facial, le moteur oculaire externe, .la racine descendante du trijumeau.

(D'après Testut.)

Schéma emprunté à P. Bobinier, montrant les connexions du noyau de Deiters avec les noyaux

moteurs et sensitifs des nerfs mesocephaliques, avec le cervelet, avec la moelle.

TROUBLES NERVEUX LIÉS 11 : DES LÉSIONS ORGANIQUES. 159

auditifs passagers par lésion concomitante de quelques fibres de la racine

auditive; 6° des manifestations douloureuses dans le domaine du triju-

meau, surtout à la région temporale (D,iéulafoy), qui s'expliquent par les

connexions du noyau de Deiters avec les collatérales de. la racine sensitive

du trijumeau.

Il va de soi que ce syndrome n'est pas d'une rigoureuse fixité; c'est le

vertige qui constitue le phénomène essentiel autour duquel se groupent

les autres symptômes accessoires. C'est ainsi qu'on pourra voir s'y ajouter

des signes indiquant la participation du noyau du pneumogastrique (an-

goisse, ralentissement du pouls, etc.), celle des faisceaux blancs pri-

mordiaux (hémiparésie, 1)émianesthésie),. de la polyurie ou de la glyco-

surie. Je viens de publier une observation où au vertige et à la diplopie

s'ajoutait un peu d'irritation dans le domaine du facial : il s'agissait

d'une très minime hémorrhagie constatée à l'autopsie; elle a servi de

point de départ la thèse de Chèze.

5". Dans ses centres cérébraux. Nous avons vu que le noyau vesti-

lmlaire entrait en relation avec le vermis, centre d'équilibration réflexe,

et avec la corticalité du côté opposé au niveau de la pariétale ascendante,

centre d'équilibration volontaire : toutes les lésions portant sur ce long

trajet pourront s'accompagner de vertige et de troubles de l'équilibre.

Le nerf cochléaire a ses connexions, après son relais dans le noyau an-

térieur et le tubercule acoustique, avec l'écorce temporale, probablement

dans la temporale profonde. Mais les lésions de ce centre et de ce trajet

bulbo-cortical ne donnent pas lieu à des- symptômes facilement appré-

ciables, en raison de la semi-décussation du nerf au niveau du bulbe. Il

faudrait, pour faire apparaître la surdité, des lésions bilatérales : ces cas

sont exceptionnels, mais il est probable que parfois la surdi-mutité pré-

coce.reconnaît cette pathogénie.

Ce serait sortir de mon sujet que d'étudier ici les diverses variétés de

surdité verbale qui ont d'ailleurs été étudiées avec l'aphasie.

- IV. - TROUBLES NERVEUX

DÉTERMINÉS PAR LES LÉSIONS DE L'OREILLE

Pour la commodité de la description on peut les diviser en deux grandes

classes, suivant qu'ils s'accompagnent ou non de lésions organiques. Mais

cette division reste artificielle au moins pour' certains symptômes dont la

pathogénie n'est pas complètement élucidée, la paralysie de l'abduccns,

par exemple. ,

I. TROUBLES NERVEUX LIÉS A DES LÉSIONS ORGANIQUES

D'ORIGINE OTIQUE

Nous décrirons sous cette rubrique la paralysie, faciale et les C01J1pl1 : -

cations infra-crâniennes des otites. -

[LANNOIS.]

HO ? MALADIES DE L'OREILLE. -

1° Paralysie faciale. La paralysie du facial peut coexister

avec celle de l'acoustique, sans qu'il y ait d'autre relation entre elles

que la condition étiologique : c'est le cas pour la méningite cérébro-

spinale, pour une gomme siégeant dans le conduit auditif interne, pour

un traumatisme fissurant la pyramide rocheuse.

Mais dans un très grand nombre de cas la paralysie faciale est consé-

cutive à une lésion de l'oreille. Le fait est trop connu pour qu'il soit be-

soin d'y insister : les suppurations de la caisse, et surtout celles qui sont

tuberculeuses, le cholcstéatome, les caries de la paroi labyrinthique, sont

responsables du plus grand nombre des paralysies faciales d'origine

otique. Les extractions maladroites de corps étrangers avec des crochets

qui vont léser la caisse et le nerf dans le canal de Fallope, les interven-

tions sur la mastoïde et surtout l'évidement pétro-mastoïdien total,

comptent aussi la paralysie faciale parmi leurs complications les plus

fréquentes.

Le long trajet du facial dans le canal de Fallope et le massif du facial,

ses connexions avec la caisse, l'aditus ad mtrum et l'antre mastoïdien

expliquent facilement ses lésions dans tous ces cas. Mais des otites

moyennes, légères, catarrhales ou franchement inflammatoires, peuvent

aussi déterminer la paralysie faciale : on sait que Deleau et surtout Roche

soutinrent que toutes les paralysies faciales étaient d'origine otique. Il y

avait là une exagération manifeste qui devait faire tomber cette opinion

dans l'oubli. Elle contenait cependant une part de vérité et il n'est plus

douteux aujourd'hui que des inflammations. légères de la caisse ne puis-

sent se compliquer de paralysie faciale : un certain nombre des cas de

paralysie faciale rhumatismale ou a frigorie sont d'origine otique. Cela se

comprend d'ailleurs facilement si l'on veut bien se rappeler que le nerf

facial sur un trajet de 10 à 12 millimètres, dans la partie horizontale du

canal de Fallope, est en rapport direct avec la caisse dont il n'est séparé

que par une très mince lamelle osseuse souvent percée de trous ou

même largement déhiscente.

D'ailleurs cette origine otique de la paralysie faciale explique mieux

que toute autre théorie les douleurs périauriculairc, qu'on trouve souvent

au début, les formes récidivantes et les formes à bascule. Elle commande

l'examen de l'oreille dans tous les cas dits a frigore, car une thérapeu-

tique spéciale et souvent efficace découle naturellement de la constatation

des lésions auriculaires. '

A cette question se rattache celle de l'asymétrie de la mimique faciale,

hemimimie dé Pierret, que je considère comme étant fréquemment

d'origine otique (Lannois et Pautet). Chez les malades ayant eu des lésions

unilatérales de l'oreille,il est fréquent de constater cette hémimimie et de

pouvoir dire au patient quelle oreille a été malade. Dans ce cas, l'hémi-

mimie n'a qu'une médiocre importance et, avant d'en faire un stigmate

de dégénérescence, il est bon de s'assurer avec le miroir qu'il n'y a pas

de cicatrice ou de plaque calcaire sur la membrane tympanique.

TROUBLES NERVEUX LIÉS A DES LÉSIONS ORGANIQUES. 141

2° Complications intra-crâniennes des otites. Nous ne

pouvons naturellement que les indiquer très brièvement ici.

Les suppurations de la caisse et de l'antre et, en seconde ligne, les

labyrinthites suppurées en sont le point de départ. La propagation du

pus se fait parfois à travers l'os intact par les capillaires, osseux et les

veinules qui se déversent dans le sinus latéral. Le plus souvent cependant,

il y a de l'ostéite destructive et des lésions de la table interne. Enfin,

lorsqu'il y a de la labyrinthite suppurée, le pus passe par le conduit

auditif interne ou par les aqueducs du vestibule et du limaçon. Les autres

voies de pénétration et notamment le canal pétro-mastoïdien sont plus

exceptionnelles.

Lorsque le pus est arrivé dans la cavité encéphalique, il rencontre dans

la dure-mère im obstacle qui s'oppose à son extension; il s'accumule plus

ou moins au-dessous d'elle formant l'accès extTa-du1'CÛ ou sous-dural .

Si cette barrière se laisse facilement franchir, c'est la méningite otogène

qui se déclare ; si au contraire elle résiste un certain temps, l'irritation

locale détermine des adhérences entre les deux feuillets de l'arachnoïde

et le pus pourra pénétrer plus directement dans la substance cérébrale,

c'est l'abcès cérébral ou cérébelleux. Très souvent ces doux dernières

complications se font par l'intermédiaire de l'inflammation du sinus laté-

ral, la thrombo-phlébite du sinus latéral.

On peut dire, d'une manière très générale, que les affections aiguës de

l'oreille donnent plus facilement la méningite; les affections chroniques,

l'abcès cérébral. Les abcès extra-duraux se rencontrent à peu près avec la

même fréquence dans les formes chroniques et dans les formes aiguës.

Le siège de la lésion auriculaire a une très grande influence sur la

lésion cérébrale secondaire. Les lésions du-toit de la caisse et de l'antre

donnent les complications de la fosse cérébrale moyenne et l'abcès tem-

poro-sphénoïdal qui est le plus commun ; les caries de la paroi postérieure

de l'antre déterminent la thrombo-phlébite latérale, les abcès extra-

duraux de la fosse cérébrale postérieure et les abcès cérébelleux. Les laby-

rinthites suppurées donnent également un chiffre plus élevé de. ces der-

nières complications en raison de la facilité du passage du pus par le

conduit auditif interne.

La fréquence relative de ces diverses complications est variable suivant

les statistiques : une des plus souvent citées, celle de Kôrner, donne

il cas de sinusite pour 45 abcès cérébraux et seulement 51 méningites :

celle de Pitt, indique 25 méningites, 22 phlébites et 18 abcès céré-

braux, etc. -

En ce qui concerne les abcès cérébraux, je crois qu'on peut affirmer

que les sept dixièmes sont d'origine otique; les autres seraient le plus

souvent liés aux suppurations des cavités péricéphaliques et notamment

du sinus frontal. Quant au chiffre relatif des abcès cérébraux et cérébel-

leux, il a été très diversement interprété. Les abcès cérébelleux ont

d'abord été considérés comme rares jusqu'aux travaux de Mac Ewen,

- LdNN01S.]

142 MALADIES DE L'OREILLE.

qui démontre leur fréquence : leur proportion, d'abord évaluée à

5 pour 10, est indiqué comme étant de 1 pour 2 par I(Ül'l1l'r.

On trouvera ailleurs l'analomic pathologique et l'histoire clinique de

ces complications; rappelons seulement ici qu'aucune d'elles n'est plus

actuellement au-dessus des ressources chirurgicales. La Illrolnhu-phléhilc

latérale était considérée, il y a vingt ans, connue toujours mortelle : on

compterait difficilement aujourd'hui les cas guéris. Malgré quelques dé-

boires, l'ouverture des abcès cérébraux donne de nombreux cas de gué-

rison et la méningite otogène ette-memc, la thèse récente de L. Cautllier

en fait foi, peut parfois guérir spontanément ou céder à l'intervention

(trépanation, ponctions lombaires, etc.).

II. - TROUBLES NERVEUX D'ORIGINE OTIQUE SANS LÉSIONS ORGANIQUES

Nous examinerons ici les divers troubles réflexes d'origine otique et

les troubles psychiques.

1° Troubles réflexes. Ceux-ci sont très variés. Nous verrons

d'ailleurs que leur mécanisme n'est pas toujours aussi simple que l'il-

dique le nom sous lequel on les classe.

A) Réflexes otopathiques. L'excitation des branches du trijumeau,

surtout au pourtour de l'oreille ou dans le conduit, détermine souvent

des troubles de l'ouïe et des bourdonnements, ces derniers notamment

par la contraction rl'l1exc du muscle du marteau. Inversement, les exci-

tations sonores du nerf acoustique amènent un réllt'xe sur le tenseur du

tympan (innervé par le trijumeau), ])our-)ui faire tendre plus ou moins

la membrane tympanique et l'adapter à l'intensité de la source sonore. On

sait que. s'il y a des lésions de la caisse et de la fenêtre ronde ou de l'ex-

citabilité morbide du nerf acoustique, les bruits intenses peuvent déter-

miner le vertige auriculaire brusque par ce mécanisme de la tension

exagérée du muscle interne du marteau. z

Les réflexes peuvent se faire d'une oreille sur l'attire. L'expérience de

Celle est classique : la compression de l'air dans un conduit auditif,

diminue le son d'un diapason placé devant le conduit opposé; la voie du

rél1exe passe par la moelle, par un centre réflexe otu-sltinal. En clinique,

il n'est pas rare de voir une otite unilatérale amener une diminution de

l'acuité auditive du côté opposé, qui ira d'elle-mêmc en s'atténuant à

mesure que se fera la guérison de l'oreille malade.

B) Réflexes sensoriels. Ils se produisent surtout sur la vue, et

certains auteurs, comme Urbantschilsch, admettent que les affections de

l'oreille diminuent fréquemment l'acuité visuelle.

Le phénomène le plus intéressant est celui de l'audition colorée, phé-

nomène d'ailleurs assez rare, qui consiste dans ce fait qu'une impression

visuelle succède à la perception d'un son, note musicale, voyelle ou son

syllabique. Le plus souvent un sujet déterminé a toujours la même per-

ception lumineuse pour un son donné, mais ce n'est pas constant : d'ail-

TROUBLES NERVEUX D'ORIGINE OTIQUE SANS LESIONS ORGANIQUES. 143

leurs le même son déterminera des phénomènes de cl]romcsthésie variés

sur les divers sujets. Dans la grande majorité des cas, l'audition colorée

est la manifestation de l'existence de fibres commissurales reliant entre

eux les centres visuel et auditif; pour quelques-uns cependant, elle

serait un trouble purement psychique, voisin de l'illusion.

Inversement, les sensations lumineuses agissent sur l'organe de l'ouïe :

on a noté des bruits subjectifs par les excitations lumineuses, et d'Arsonval

a observé la surdité passagère par la fixation de l'arc électrique.

Enfin, d'après Urbantschitsch, on pourrait observer des sensations

gustatives et olfactives, sous l'influence des perceptions auditives.

C) Réflexes sensitifs. Ce sont des troubles d' hyperesthésie (irra-

diations douloureuses diverses, céphalée) et d'anesthésie (diminution de

la sensibilité du conduit et du pourtour de l'oreille) dans les lésions chro-

niques profondes de l'oreille.

D) Réflexes vaso-moteurs et trophiques. Ils sont fréquents, mais

d'importance très relative : rougeur de l'oreille moyenne dans les grat-

tages de l'entrée du conduit, hyperémie du pavillon dans les inflamma-

tions de la caisse, diminution de la sécrétion du cérumen dans les sclé-

roses diverses, etc.

E) Réflexes moteurs spasmodiques. Ils sont nombreux : un des

plus communs est la toux spasmodique. Chez un sujet sur cinq, la

.simple introduction d'un spéculum dans le conduit peut la déterminer. Elle

est due à l'irritation du filet du pneumogastrique qui s'épanouit a la partie

postoro-inférieure du conduit et à l'excitation réflexe du larynx. Certains

cas qui avaient pu faire penser à la tuberculose ont été guéris par l'enlè-

vement d'un banal bouchon de cérumen ou d'un corps étranger du conduit.

Dans le même ordre d'idées et reconnaissant le même mécanisme, on

peut citer de la dysphagie spasmodique, des contractions du voile du

palais, des troubles respiratoires .

Du côté des yeux on a signalé le blépharospasme et des contractions

spasmodiques des muscles du globe oculaire.

Le phénomène le plus intéressant est le nystagmus.

Le nystagmus peut exister il l'état de repos des globes oculaires ou

(lans les divers mouvements de ceux-ci : c'est le nystagmus spontané.

S'il se montre à la suite de certaines manoeuvres (rotation, excitation

galvanique, injection d'eau chaude ou d'eau froide), c'est le nystagmus

expérimentai provoqué.

. Le nystagmus spontané est un symptôme fréquent, mais inconstant,

des lésions du labyrinthe. On a dit tout d'abord qu'il se produisait dans

le regard du côté sain, si le canal semi-circulaire externe du côté malade

était seul touché ; qu'il se produisait dans tous les sens, si le labyrinthe

était envahi dans sa totalité.

Certains ajoutaient qu'il sc faisait dans le regard du côté malade,

s'il s'agissait de lésions cérébelleuses. Du moins sa disparition ultérieure

indiquait-elle la destruction totale du labyrinthe : les cellules du vesti-

ILANNOIS.]

144 MALADIES DE L'OREILLE; . '

buleetdes canaux semi-circulaires ayant disparu, il ne pouvait plus y

avoir de transmission d'excitations au noyau de Deiters et par lui aux.

noyaux moteurs oculaires et aux tubercules quadrijumeaux antérieurs.

On admet plus volontiers aujourd'hui que si le nystagmus spontané est

dirigé vers l'oreille malade, c'est qu'il y a excitation du canal semi-.

circulaire horizontal; que s'il se produit du côté sain, il indique l'aboli-

tion fonctionnelle du labyrinthe lésé et la prédominance non'compensée

du côté sain. Il est beaucoup plus difficile d'expliquer les cas où il se produit

du côté sain. Enfinyrce serait surtout. la discordance entre les constata-

tions du nystagmus spontané et les résultats de la recherche expérimen-

tale, qui devrait faire songer aux complications intracrâniennes.

Le nystagmus expérimental provoqué avait déjà été étudié par nombre

d'auteurs (Breuer, Mach, Crum-Brown, etc.) qui avaient surtout utilisé

la rotation : ils étaient arrivés à quelques résultats intéressants, mais qui

n'avaient pu pénétrer dans la clinique journalière. Il a donné lieu récem-

ment à une active poussée de nouvelles recherches à la suite des nom-

breux travaux de Barany. A l'état normal, l'épreuve galvanique, la pression

directe, le refroidissement ou le réchauffement des canaux semi-circu-

laires, la rotation, déterminent des mouvements oculaires en rapport avec

le canal semi-circulaire touché. Ce nystagmus, constitué par une contrac-

tion lente suivie d'une secousse rapide, a « sa direction constituée par

celle du courant endolymphatique qui lui a donné naissance ». Par

exemple, si le courant provoqué expérimentalement dans le canal semi-

circulaire droit se dirige chi sommet de l'arc vers l'ampoule et le vesti-

bule, la secousse lente des globes oculaires se fera dans le même sens,

c'est-à-dire vers la gauche et inversement. C'est là ce qui se produit à

l'état normal, et comme on s'est mis d'accord pour désigner le nystagmus

par le sens de la secousse rapide, on dira ici que le nystagmus est droit

ou homonyme. S'il ne se produit pas, c'est que le labyrinthe est détruit. Le

plus pratique est d'employer le courant d'eau froide. L'étude des réac-

tions normales et de leurs modifications à l'état pathologique peut

donc fournir d'utiles indications sur l'état du labyrinthe et de toute la voie

vestibulaire, mais la question est encore à l'étude et les résultats acquis

ont besoin d'être confirmés. Nous ne pouvons. donc insister davantage

ici et renvoyons aux articles spéciaux, et notamment à un rapport très,

complet de MM. Moure et Cauzard à la dernière réunion de la Société

française d'Otologie et Laryngologie.

Enfin les maladies de l'oreille peuvent donner lieu à des réflexes

spasmodiques graves par eux-mêmes, à des convulsions et à des crises

épileptiformes : on les a vues à la suite de lésions très diverses, corps

étrangers (surtout animés) du'conduit auditif, polypes de l'oreille, lésions

diverses de la caisse ou de la mastoïde. C'est un type d'épilepsie réflexe.

Mais les observations en sont au total assez rares, car beaucoup de celles

qu'on a publiées ne résistent pas à un examen critique qui les classera

de préférence dans l' hysté1'ie; celle-ci est facilement déterminée par la

TROUBLES NERVEUX D'ORIGINE OTIQUE SANS LÉSIONS ORGANIQUES. )45

présence de corps étrangers irritants dans le conduit. Je renvoie sur ce

point à la thèse de F. Chavanne.

. F) Réflexes moteurs paralytiques. - Ils sont plus rares que les

précédents, car il est plutôt de la nature des réflexes de produire des

troubles d'excitation que des phénomènes de déficit.

On a signalé des cas d'hémiplégie (peut-être étaient-ils hystériques),

de paralysie faciale réflexe disparaissant par l'enlèvement d'un bouchon

de cérumen : c'est au moins d'une exceptionnelle rareté et d'une inter-

prétation douteuse.

Plus intéressants sont les phénomènes qui se passent du côté de la

musculature oculaire. La mydriase unilatérale, la chute de la paupière,

la diplopie par paralysie dissociée du moteur oculaire commun. La plus

fréquente et la plus intéressante de ces paralysies est la paralysie du mo-

teur oculaire externe dont j'ai vu et publié plusieurs cas : un de mes

élèves, I-Ieyraud, en a réuni de nombreux cas dans sa thèse.

On la voit survenir dans l'otite aiguë simple ou avec réaction mas-

Ioïdienne, dans les mastoïdites compliquées --ou non de périsinusite ou

d'abcès extradural : elle se produit du côté lésé. Elle ne s'accompagne,

d'aucun autre phénomène général ou local qu'une douleur assez vive

dans la région temporale; elle guérit peu à peu sans laisser de trace dans

un temps qui varie de trois semaines à deux mois et demi, parallèlement

à l'atténuation de l'affection otique. Il va de soi que cette forme bénigne

n'a rien à faire avec les paralysies qui se montrent au milieu de l'appareil 1

grave des méningites otogènes ou des sinusites propagées au sinus caver-

Elle comporte un pronostic bénin, et il faut autre chose qu'elle

pour autoriser les graves interventions intracéphaliques.

La première interprétation qui vient à l'esprit est qu'il s'agit d'un

phénomène réflexe par l'intermédiaire du noyau de Deiters et par le

mécanisme que nous avons indiqué. Quelques auteurs, et Gradenigo sur-

tout, ont pensé qu'il s'agissait d'une forme de méningite séreuse loca-

lisée, mais le pronostic est bénin et d'ailleurs la ponction lombaire a

plusieurs fois démontré l'intégrité du liquide céphalo-rachidien. Il est

probable que, dans une partie au moins, il. s'agit d'une névrite par propa-

gation ou d'une névrite infectieuse. Mais il ne s'agit certainement pas

dans tous les cas d'un réflexe auriculaire. On consultera utilement sur ce

point un récent rapport de Lombard au Congrès de Budapesth.

2° Troubles psychiques. L'ouïe, a-t-on dit avec raison, est le

plus intellectuel de tous les sens, car c'est lui qui' nous donne, le mieux

les idées abstraites, et ce serait ici le lieu de rappeler que saint Augustin

refusait au sourd-muet la possibilité d'acquérir les lumières de la foi.

Mais l'exemple de nombreux sourds-muets est venu prouver que l'intel-

ligence pouvait se développer en dehors de la fonction auditive, car

nombre d'entre eux se sont révélés excellents littérateurs, artistes, etc.

Il n'en reste pas moins que le sourd ou le demi-sourd est' dans dès

conditions inférieures de développement intellectuel, qu'il a souvent

PRATIQUE i ! OEUROI.. , if0

{LANNOIS.]

)46 MALADIES DE L'OREILLE.

une mémoire infidèle, de l'incapacité de l'aire un effort d'attention sou-

tenue, un jugement moins vif.

En dehors des troubles intellectuels, les affections de l'oreille déter-

minent facilement des troubles des sentiments affectifs et delà volonté.

Le caractère triste, l'irascibilité, la tendance à la mélancolie se voient

souvent chez les sourds; ils sont déterminés il la fois par le sentiment

d'une infériorité qui peut les empêcher de gagner leur vie et qui du

moins va à l'encontre d'un instinct primordial de l'homme, la sociabilité,

et par les sensations désagréables qui accompagnent la surdité, bruits

subjectifs tournant il l'obsession, vertiges qui donnent en spectacle dans

la rue, etc. On conçoit facilement que dans ces conditions la neurasthénie

secondaire soit fréquente, que l'hypocondrie et la mélancolie apparaissent

et conduisent même le malade au suicide.

Dans un certain nombre de cas, les sourds, surtout s'ils sont vertigi-

neux, présentent volontiers des peurs morbides ou même de véritables

phobies; elles se rapportent le plus souvent à des imperceptionsd'espace

soit dans le sens vertical, soit dans le sens horizontal, bien que celles-ci |

puissent en rester distinctes. La plus fréquente de ces phobies est l' ag ? ¡

raphobie dont ai étudié avec Tournier les rapports avec le vertige auri-

culairc et que je ne puis qu'indiquer ici. On a noté aussi la dextrophobil',

la phobie de l'eau se manifestant au passage des ponts et distincte de la

peur de l'espace, etc. '

Enfin les maladies de l'oreille peuvent être une cause d' hallucinations

el de psychoses. Les bruits subjectifs prennent facilement, un caractères

rythmé et un timbre musical : chez un individu sain, l'intellect réforme

rapidement l'erreur sensorielle qui fait croire à un chant d'oiseau, il une

interjection, etc. Mais s'il s'agit d'un prédisposé, ce bruit rythmé ou non

va devenir un cri, une injure mille fois répétée, la cortieatite excitée

amènera le malade à répondre, le délire sera constitué. Celle, interven-

tion sensorielle dans la production de l'hallucination et de la folie, que

Calmeil indiqua le premier, n'a pas été admise pendant longtemps par

des psychiatres trop métaphysiciens. Elle ne prétend évidemment pas

expliquer tous les cas, mais elle prend actuellement, droit de cité en se

basant sur l'étude de quelques cas nets d'hallucinations unilatérales en

rapport avec des lésions localisées il une oreille et sur la fréquence des

troubles de l'ouïe chez les aliénés hallucinés.

Ajoutons enfin que, sous l'influence dune otite ou d'une mastoïdite

fébriles, on peut voir se développer un délire passager ou de la confusion

mentale : le mode pathogenitptc est ici le même que dans les autres

maladies infectieuses (pneumonie, lièvre typhoïde, etc.).

MALADIES DU NEZ

par le Dr LANNOIS

Les fosses nasales ont comme fonction essentielle un rôle respira-

toire; la fonction olfactive n'est qu'accessoire. Aussi présentent- elles une

double innervation, le trijumeau pour la sensibilité générale, l'olfactif

pour la sensibilité générale. ..

Nous ne croyons pas devoir entrer dans la description de ces nerfs.

Les troubles de la fonction, respiratoire au niveau des fosses nasales sont

ordinairement d'ordre inflammatoire ou mécanique (obstruction nasale)

et le système nerveux n'intervient qu'indirectement et accessoirement,

par exemple dans les réflexes vaso-moteurs, la migraine, l'affaissement

de l'aile du nez, la paralysie et la diplégie faciales.

Quant au nerf olfactif, il nous suffira de rappeler que son territoire de

distribution est localisé à la partie supérieure des fosses nasales au-dessus

du bord libre du cornet supérieur et surtout sur la face supérieure de

celui-ci; qu'à ce niveau on trouve des cellules sensorielles d'aspect

spécial munies d'un prolongement périphérique aboutissant aux cils

olfactifs et un prolongement central; que ces prolongements centraux se

réunissent en faisceaux qui traversent la lame criblée de l'ethmoïde.

Cette disposition explique pourquoi le nerf olfactif est si souvent lésé

dans les fractures de la base du crâne, la lame criblée étant manifeste-

ment un point faible qui cède souvent dans les traumatismes. Les filets

nerveux aboutissent aux glomérules du bulbe olfactif dont les cinq

couches et notamment les cellules mitrales constituent le premier relais

du neurone olfactif périphérique. De là les cylindres-axes vont constituer

le pédoncule olfactif qui aboutit à une pyramide triangulaire située sur

le bord antérieur de l'espace perforé, la tubérosité olfactive : cette partie

du nerf est très exposée dans les lésions méningitiques aiguës ou chro-

niques de l'étage antérieur du cerveau. Enfin de la tubérosité olfactive

partent les racines olfactives au nombre de quatre, une fondamentale et

trois accessoires, qui aboutissent en des points différents de l'écorce céré-

brale : il y a donc plusieurs centres corticaux pour l'olfactif.

Le premier est un centre temporal, celui auquel aboutit la racine

fondamentale, le lobule de l'hippocampe et la corne d'Ammon (Zucker-

kandl) ; il a seul actuellement le contrôle de l'expérimentation et de

- [LANNOIS ]

148 MALADIES DU NEZ.

l'anatomie pathologique. Un deuxième centre, frontal ou orbitaire, anté-

rieur de Broca, serait l'aboutissant de la racine accessoire supérieure et

occuperait surtout la partie orbitaire de la 5° frontale.' Enfin un troisième

centre, centre supérieur de Broca, se trouverait à la partie antérieure du

lobe du corps calleux entre son origine et le sillon fronto-limbique : c'est

là que Broca faisait aboutir la racine accessoire interne, mais il est

plus probable que celle-ci aboutit aux tractus de Lancisi et-au faisceau

olfactif de la voûte à trois piliers .(Zucl : erkand-1).

Nous décrirons d'abord : 1° les troubles de l'odorat et 2° les troubles

nerveux consécutifs aux maladies du nez.

1. - TROUBLES DE L'ODORAT

On peut observer des troubles par excès de la sensation olfactive, hYPe1'-

osmie, des troubles par défaut, hyposmie et anosmie, des troubles par

perversion, parosmie.

1° Hyperosmie. - C'est Une exagération de la sensibilité qui

permet la perception d'odeurs qui, d'habitude, restent ignorées ou qui

rend pénibles des odeurs habituellement bien tolérées. Elle est habituelle-

ment passagère et détermine rarement de manifestations secondaires :

on a signalé cependant de la céphalée, des vomissements, de l'excitation

et des palpitations et même de l'asthme. Elle n'agit ainsi que chez des

personnes particulièrement nerveuses. - .

Elle est parfois provoquée par l'application de cocaïne dans le nez et

élargissement de la fente olfactive, mais le plus souvent elle est d'origine

névrosique : on l'a signalée dans la grossesse, la neurasthénie, l'hystérie.

Elle est banale dans la migraine. Dans l'épilepsie, on a noté parfois une

superception d'odeurs comme aura.

2° Anosmie. - L'anosmie est la perte de l'odorat : elle est totale ou

partielle (hyposmie). On apprécie généralement le déficit en faisant sentir

au malade des odeurs usuelles, eau de Colognc,parfums de toilette divers

(eau de lavande, de rose, de violette, etc), en se gardant des substances

irritantes comme les sels, l'ammoniaque, etc. Lorsqu'on veut une appré-

ciation d'apparence plus exacte, on peut se servir de l'olfactomètre de

Zwaardemaker et Reuter; sans entrer ici dans le détail, rappelons qu'il

se compose essentiellement d'un tube de verre dont une des extrémités

recourbée se place dans la narine et dont le corps pénètre dans un

cylindre poreux (porcelaine, caoutchouc) qu'on imprègne de diverses

odeurs. Quand le tube de verre est complètement enfermé dans le tube

poreux, il n'y a pas d'olfaction : si on le retire, la sensation odorante sera

d'autant plus forte que le courant d'air passera sur une plus longue

étendue du cylindre. L'expérience a montré à Zwaardemaker qu'avec un

cylindre de caoutchouc, il fallait tirer le tube de 7 millimètres pour avoir

une sensation olfactive. L'unité de mesure s'appelle olfaclie. Mais ce

TROUBLES DE L'ODORAT. 149

chiffre varie avec la substance employée, la température, etc. ; il est donc

assez approximatif. , .

L'anosmic peut aussi ne porter que sur certaines odeurs, être uni- ou

bilatérale, être passagère, intermittente ou définitive. Elle s'accompagne

presque toujours de troubles de goût, - .

Ses causes très ^nombreuses ont été bien étudiées par Collet. On peut

les ranger en trois classes : Anosmie- respiratoire, anosmie essentielle,

anosmie centrale. .

L'aito&i7tie respiratoire -est très fréquente, mais ne doit pas nous

retenir ici. Elle est encore appelée mécanique ou périphérique; elle

résulte d'un obstacle quelconque au passage du courant d'air vers la zone

olfactive. Cet obstacle. pourra être une atrésie des narines, une paralysie

faciale avec flaccidité de l'aile du nez, un éperon de la cloison, une hyper-

trophie de la muqueuse, un polype ou une tumeur, un corps étranger, etc.,

ou plus simplement une hypertrophie de la muqueuse du cornet moyen

qui suffira à obstruer la fente olfactive. Le spéculum du nez suffira à déter-

miner sa nature.

1'anosmie essentielle, assez improprement désignée par ce- terme, est

en rapport avec l'état de la muqueuse et des terminaisons nerveuses. Elle

se produit par épuisement dans-l'usage immodéré des parfums, chez les

femmes, par exemple; l'action habituelle de substances à odeur péné-

trante, comme cela se voit dans les professions où on manipule des subs-

tances odorantes, amène la fatigue du nerf et aboutit à son épuisement

plus ou moins durable. Certaines substances ont une action toxique mani-

feste sur le nerf olfactif, atropine, tabac, cocaïne* par, exemple. 11 faut L

ranger à côté de ces causes toutes celles qui produiront des altérations

locales de la muqueuse et notamment les irrigations nasales avec des

substances irritantes (acide phonique, alun, sels de zinc), les reniflements

d'eau froide, etc. Il faut y ajouter les diminutions ou disparitions de

l'olfaction dans les lésions du trijumeau, après l'extirpation du ganglion

de Gasser, par exemple. On sait que Magendie avait pensé que le nerf de

la 5e paire renfermait les fibres olfactives : en réalité la lésion du triju-

meau détermine des troubles sécrétoires et trophiques qui peuvent gêner

le fonctionnement de la tache olfactive. - ' .

L'anosmie centrale est celle qui nous intéresse le plus ici : elle relève

de modifications, organiques ou dynamiques, du nerf olfactif, depuis ses

filets terminaux jusqu'à ses centres.

Les altérations organiques peuvent d'abord être liées à des anomalies

congénitales, comme l'absence ou le développement rudimentaire de

l'olfactif dont quelques cas' ont été publiés. Certaines maladies infec-

tieuses, la grippe notamment, peuvent donner de la névrite. On verra

l'anosmie dans les fractures du crâne intéressant la lame criblée et

détruisant' les filets nerveux, dans les exostoses, les méningites, les

tumeurs cérébrales, les abcès, l'hydropisie ventriculairc, les hémorragies

et les ramollissements. On l'a signalée dans le tabès et au début delà

- . LANNOIS.]

150 . MALADIES DU NEZ.

paralysie générale. Les vieillards ont souvent de l'anosmié qui paraît liée

à l'atrophie ou à la sclérose des bulbes olfactifs.

' Les anosmies d'ordre dynamique peuvent s'observer dans les névroses,

la neurasthénie et surtout l'hystérie. Rappelons cependant ici ce que nous

avons déjà dit du caractère artificiel de l'hémianesthésie sensitivo-senso-

rielle de l'hystérie. Chez les hystériques, on voit parfois les anesthésies

olfactives généralisées ou limitées à certaines odeurs. Elfes, sont guéris-

sables par suggestion, alors que les formes organiques sont assez souvent

incurables. c - ..

5° parosmie. - C'est la perversion de l'odorat.

La parosmie proprement dite consiste dans une fausse perception

d'odeurs qui existent réellement : le plus souvent elle donne une sensa-

tion désagréable, fétide, etc., à la place d'une odeur normalement suave

ou agréable. La parosmie se présente fréquemment sous forme d'isosmie

(Collet), la sensation étant toujours la même pour des odeurs très variées.

Elle dépend souvent d'un état nerveux, neurasthénie, hystérie, mélan-

colie ; elle peut être congénitale.

, La cacosmie se montre en dehors d'une sensation odorante réelle. Le

plus souvent elle est très pénible pour le malheureux qui en est affecté et

qui sent partout l'odeur du brûlé, du fromage putréfié, des matières

fécales, etc., qui trouve la même odeur intolérable à ses aliments et à sa

boisson.

- La cacosmie peut être réelle, liée par exemple à la syphilis ou àl'ozène;

mais le plus souvent elle est purement nerveuse et traduit une lésion des

voies olfactives. On l'a vue au début du tabès, dans des névrites toxiques

(antipyrine, cocaïne) ou infectieuses. On la rencontrera dans l'hystérie,

la neurasthénie, la mélancolie, la grossesse; elle constitue parfois l'aura

épileptique. Il s'agit dans tous ces derniers cas d'une véritable hallucina-

tion olfactive.

Le traitement de ces troubles de l'odorat doit être causal et utiliser

la strychnine, l'électricité, etc.

II. TROUBLES NERVEUX CONSÉCUTIFS AUX MALADIES DU NEZ

Les maladies du nez occasionnent des troubles nerveux extraordinaire-

ment variés. Les uns s'accompagnent de lésions organiques des nerfs

ou des centres, les autres sont d'ordre réflexe; enfin on peut observer

des troubles psychiques.

1° Troubles nerveux avec lésions organiques. -- L'in-

nervation très étendue du nez par diverses branches du trijumeau

explique suffisamment les névralgies faciales qui sont extrêmement fré-

quentes. Certaines formes de névralgie localisée doivent toujours faire

songer aux affections du nez et des sinus : on fait trop facilement le

diagnostic de névralgie sus-orbitaire essentielle sans examen des fosses

TROUBLES NERVEUX CONSÉCUTIFS AUX MALADIES DU NEZ. 151

nasales et surtout du sinus frontal. L'insensibilité de la partie interne

de la joue s'observe dans les tumeurs du sinus maxillaire, etc.

Les complications orbitaires ne sont pas rares dans les affections

du nez; elles sont de première importance dans les affections des sinus.

En dehors de la propagation, des inflammations et des tumeurs à l'orbite,

aux membranes et aux milieux de l'oeil (iritis,- irido-choroïdites, troubles

cristalliniens, etc.), on trouvera la congestion et l'oedème papillaire, la

névrite optique, la névrite rétro-bulbaire et l'atrophie papillaire, les

paralysies limitées à l'abduceiis, les ol3litllrrioplébies dissociées ou totales.

Ces complications sont particulièrement fréquentes dans les sinusites

sphénoïdales.

Les complications cérébrales se rencontrent surtout dans les sinusites,

et principalement dans la sinusite frontale. Elles sont plus rares dans les

sinusites sphénoïdales et les ethmoïdites, exceptionnelles dans les sinu-

sites maxillaires.

Ces complications sont de même ordre que celles que nous avons vues

succéder aux lésions de l'oreille; on trouvera des abcès extra- et intra-

duraux, de la pachy- et de la lepto-méningite, des abcès cérébraux, des

thrombo-phlébites. Les propagations peuvent se faire à travers des déhis-

cences qui existent dans quelques cas au niveau des sinus ou des cellules

ethmoïdales, plus souvent par l'intermédiaire d'une ostéite plus ou moins

apparente, parfois enfin par propagation par les voies veineuse et lympha-

tique. On sait en effet que les veines du nez ont des anastomoses avec la

circulation intra-céphalique, notamment par l'ophtalmique et le sinus

caverneux, par le sinus longitudinal ; d'autre part, les espaces arach-

noïdiens paraissent pouvoir communiquer avec les lymphatiques de la

pituitairc soit directement, soit par les gaines péri-neurales. Il n'est pas

besoin d'insister sur l'importance de ces voies de communication.

Nous renvoyons aux chapitres spéciaux pour l'étude de ces complica-

tions cérébrales des affections du nez. Rappelons seulement qu'une sta-

tistique de Hajek portant sur 54 cas donne 15 abcès intra- et extra-

duraux, 24 méningites, 2 encéphalites, 20 abcès, cérébraux et 11 throm-

])oses des sinus. -

'2" Troubles nerveux réflexes. Ceux-ci sont - extrêmement

nombreux et si on les a souvent exagérés, ils n'en constituent pas moins

des faits très intéressants. On peut avec Jurasz les diviser en trois

groupes : 1° réflexes à point de départ nasal et à manifestations

nasales; 2° réflexes à point de départ nasal et à manifestations

extra-nasales ; 5° réflexes à point de départ extra-nasal et à mani-

festations nasales.

Les conditions de production de ces névroses nasales sont assez

diverses' : les lésions du nez portent surtout sur la sphère sensitive, et les

excitations sensorielles sont exceptionnelles. Toutes les-lésions du nez,

depuis la simple congestion jusqu'aux polypes et aux ulcérations, les

Irallmatismes accidentels ou thérapeutiques, peuvent se rencontrer à leur

[LANNOIS.

- 152 - MALADIES DU NEZ.

point dé départ. Mais c'est surtout le terrain qui présente ici une impor-

tance exceptionnelle : on ne les trouvera que chez les prédisposés, neuro-

arthritiques, neurasthéniques ou hystériques. .

Expérimentalement ces faits sont d'ailleurs bien connus : Brown-

Séquard arrêtait la respiration par l'application d'eau froide sur la

muqueuse nasale; l'excitation de la pituitaire détermine des trouilles du

rythme respiratoire. Paul Bert et surtout François Frank ont -fait voir que

cette excitation, indépendamment de l'hydrorrhée et de l'éternuement,

pouvait donner de- la toux, 'du spasme de la glotte et de toutes les

bronches, du ralentissement du coeur, de la vasodilatation de la tête avec

vaso-constriction générale, tous phénomènes dont l'apparition peut être

empêchée par la cocaïnisation préalable de la muqueuse.

A) Réflexes à point de départ nasal et à manifestations nasales.

Ce sont les manifestations primaires : les voies respiratoires supé-

rieures doivent protéger le poumon, et les réactions nasales aux irritations

sont d'ordre défensif. C'est ainsi qu'il faut considérer l'exagération de la

sécrétion nasale et la rhinorrhée, l'éternuement et le coryza spasmodique.

B) Réflexes à point de départ nasal et à manifestations extra-

nasales. Quelques-uns ont la même signification que les précédents,

tels la toux, le spasme glottique, la contraction des petits muscles bron-

chiques, le catarrhe des voies aériennes : ce groupe ahoutit à l'asthme

d'origine nasale. La toux nasale, l'asthme nasal, grâce aux travaux de

Voltolini, Trousseau, Frankel, Ilack, Garel, Lermoyez, etc., etc., sont les

troubles réflexes du nez les plus certains et les mieux établis.

Le réflexe se fera encore par le pneumogastrique dans les troubles ner-

veux de l'appareil circulatoire avec irrégularités cardiaques, tachycardie

et même angine de poitrine. P. Bonnier a récemment attribué des consti-

pations et des entérites muco-memhrancuses à des lésions de la muqueuse

fortuitaire ! ...

-.C'est toute la pathologie qu'il nous faudrait passer en revue,. car on

a signalé encore « des troubles oculaires (épiphora, hyperémie et

oedème de la conjonctive, hlépharospasme, strabisme, etc.), des anomalies

de l'audition, des bourdonnements et des vertiges, des troubles de la

sphère génitale, des troubles nerveux divers (spasme du facial, névralgies

.du trijumeau ou éloignées, migraines, cauchemars, maladie de Basedow,

chorée, hystérie, épilepsie), des troubles vaso-moteurs (congestion cépha-

lique, érythème, oedème et autres modifications de la peau) ». Il nous

parait inutile de nous appesantir sur l'exagération manifeste à laquelle

ont pu donner lieu des faits aussi réels que la toux ou l'asthme d'origine

nasale. - "

C) Réflexes à point de départ extra-nasal et à manifestations

nasales. Us sont moins nombreux que les précédents. On peut citer

les éternuements et notamment cette forme curieuse de 1'(,,teintictiteizl

posl-}J1'andial que l'on voit revenir chez certains sujets après les repas,

au début ou pendant le travail de la digestion. '

TROUBLES NERVEUX CONSÉCUTIFS AUX MALADIES DU NEZ. 155

Mais les réflexes les plus singuliers de cette catégorie sont ceux qui se

rapportent à la sphère génitale. Le coït produit souvent chez l'homme de

\'étel'l1uelllent ou du coryza spasmodique, et la menstruation exagère les

manifestations nasales existantes. Quelques auteurs, et notallllllent Fliess,

ont constaté au moment des règles l'hyperélllie et la turgescence de la

muqueuse des cornets inférieurs et du tubercule de la cloison, « les

régions génitales du ncx H. tu versement la cocaïnisation ou la cautérisa-

tion de ces mômes régions feraient parfois disparaître les douleurs de la

dysménorrhée, et même, si l'on en croit Jérusalem et Fallmcr, celles de la

période de dilatation dans l'accouchement ! .

3" Troubles psychiques. L'obstruction nasale, quelle qu'en

soit la cause, qu'il s'agisse de lésions du nez lui-même ou du naso-

pharynx (végétations adénoïdes), a un retentissement assez inattendu sur

le développement intellectuel, surtout chez reniant. C'est là un phéno-

mène qui mérite d'attirer spécialement l'attention des praticiens : la

diminution de la mémoire, le défaut d'attention et l'impossibilité de

s'appliquer, l'apathie et la paresse intellectuelle constituent un ensemble

de troubles psychiques auquel Gllye a donné le nom d'apl'osexie et qui se

rencontre assez fréquemment. Il importe de le connaître, car l'ablation

de polypes du nez ou d'une cloison déviée, la simple cautérisation de

cornets hypertrophiés ou le curellage d'lm naso-pharynx encombré de vé-

gétations adénoïdes, suffiront souvent a te faire disparaître.

Le mécanisme de la production de cette dépression psychique en rap-

port avec l'obstruction respiratoire est encore mal connu. Pour Guye, il

s'agirait surtout d'un engorgement du système lymphatique d'Axel Key

et de Hetzius et de (roubles vaso-moteurs de la muqueuse entraînant une

gêne dans le fonctionnement cérébral. Mais il est d'autres cas, dans

l'ozène par exemple, où le système lymphatique est bien plus touché et

où le syndrome ne s'observe pas : aussi Zarniko altrilme-i-il les symp-

tômes dont il s'agit à la neurasthénie. Il faut évidemment aussi faire

jouer un rôle il la dépression générale de l'organisme par une hématose

insuffisante. ,

Nous venons de citer ta neurasthésie : celle-ci est fréquente dans les

lésions nasales. Mais elle ne reste pas toujours à l'état de névrose. Les

malades deviennent de véritables obsédés psychiques : nous l'avons déjà

vu pour les parosmies et nous retrouverons la même disposition dans

l'ozène et dans les cacosillies syphilitiques. Mais c'est surtout t'obstruc-

lion nasale qui préoccupe le malade, en fait un obsédé dont toutes les

facultés sont tendues vers l'acte respiratoire, un psychastenique ou un

désespéré qui songe au suicide. Nous suivons en ce moment deux

malades de ce genre et on en rencontre parfois dans les asiles d'aliénés.

La thèse récente de Couvert en cite de curieux exemples. Il nous semble

mutile d'insister sur l'importance d'un traitement approprié dans les cas

de ce genre.

[LANNOIS.] ]

VERTIGES (1)

par le Dr André LÉRI

DÉFINITION

Le vertige est une sensation illusoire de déplacement de notre corps

par rapport aux objets environnants ou de déplacement de ces objets

par rapport à notre corps, « la conscience d'un trouble dans la coordination

locomotrice » (llughlings Jackson).

Quel que soit le sens du déplacement, il s'agit toujours d'une sensation

purement subjective. Aussi est-ce à tort que l'on a qualifié de vertiges

certains déplacements anormaux, mais réels, objectifs, accompagnés de

la sensation de ces déplacements : ainsi, certains mouvements de rota-

lion, que l'on observe assez souvent chez quelques animaux, le lapin par

exemple, et que l'on pourrait observer chez l'homme, dans quelques cir-

constances exceptionnelles, ne sont pas des vertiges (2).

De même, c'est à tort que l'on a appelé « vertige epiteptiquc » le petit

mal comitial dont le syndrome essentiel est l'affaissement brusque avec

perle de connaissance, mais sans crise convulsive; la perte de connais-

sance, en supprimant les sensations même réelles, empêche que ce pseudo-

vertige soit jamais accompagné de la sensation erronée qui seule con-

stitue le vertige vrai. Comme nous le dirons, le vertige véritable existe

fréquemment au cours de l'épilepsie, mais dans de tout autres cir-

constances. ,

Pour la même raison, la brusque perte de connaissance de l'apoplexie

n'est dite parfois « vertige apoplectique » que par un abus de langage.

C'est aussi par erreur que l'on qualifie vulgairement de vertige toute

1. Cet article était écrit quand a paru le remarquable rapport de Lannois et Chavanne

(de Lyon) sur les « formes cliniques du syndrome de Ménière » ; cet important travail

nous a permis d'ajouter à notre étude quelques détails intéressants.

2. Pour Bonnier, au contraire, le vertige, qui est un trouble des centres bulbo-pro-

tubérantiets du nerf vestibulaire, « peut être ou n'être pas représenté dans le champ

des images conscientes » ; la sensation vertigineuse, trouble psycho-sensoriel subjectif,

n'en est qu'un des éléments. Le vertige proprement dit serait « un trouble objectif

d'incoordination motrice résultant d'un désordre de l'appareil d'orientation subjective

et se traduisant par l'impotence fonctionnelle de la sensation et de la locomotion (incli-

naison, latéro-pulsion, rotation, chute, effondrement, derobement) » (Escat).

DESCRIPTION ET VARIÉTÉS. 155

obnubilation plus ou moins complète de la conscience et des sens,

toute défaillance, d'origine cardiaque ou autre, toute sensation brusque

et momentanée d'anéantissement physique et mental, sans sensation

illusoire de déplacement.

DESCRIPTION ET VARIÉTÉS

Le déplacement illusoire, dont la sensation constitue le vertige, peut

paraître se produire dans les sens les plus divers. Le plus souvent le sujet

a l'impression qu'il tourne sur lui-même ou que le. monde extérieur

tourne autour de lui, quelquefois il se sent projeté en avant, en arrière,

droite ou il gauche, soit autour d'un axe passant par ses pieds, soit

parallèlement il l'axe de son corps; plus rarement il se sent soulevé en

l'air ou précipité dans un gouffre. Dans ce dernier cas, le sol tout entier

semble se dérober sous lui, la sensation est très différente de celle du

« dérobement des jambes » sous le tronc, avec fléchissement réel et par-

fois chute, que l'on observe souvent dans certaines maladies nerveuses, le

tabès, la maladie de Basedow, etc. Quant aux objets environnants, ils se

déplacent en cercle ou en ligne droite, ils se rapprochent ou s'éloignent,

ils s'inclinent à droite ou à gauche. A certaines de ces variétés on a donné

un nom : vertige rotatif ou vertigo girans, vertigo tituhans ou antéro-

postérieur, vertigo vacillans latéral ou vertical, etc.

Le vertige débute le plus souvent dans la position debout, surtout

pendant la marche ou la course, et diminue ou cesse quand le sujet

s'asseoit ou se couche. Il est fréquemment provoqué par un mouvement

brusque de la tête ou du corps ou par un déplacement rapide des objets

avoisinants. D'autres fois il débute brusquement, sans cause connue ; il

peut commencer et se prolonger pendant le décubitus horizontal, et l'in-

dividu a la sensation que le plancher s'effondre sous son lit, ou que le lit

bascule et oscille. L'occlusion des yeux fait souvent diminuer la sensation ;

dans d'autres cas elle l'exagère (').

Le sujet a toujours, au moins au début du vertige, la notion que sa

sensation de déplacement est purement illusoire; néanmoins cette sen-

sation provoque instinctivement des mouvements de protection et des

mouvements compensateurs de la tête,. des bras et surtout des jambes;

1. La sensation vertigineuse comprendrait pour Bonnier quatre variétés : 1° l'im-

perception d'espace ou suppression momentanée de l'orientation et de la localisation con-

scientes, état analogue au demi-sommeil; 2° la surperception d'espace ou hyperacuité

des perceptions d'espace allant parfois jusqu'à l'angoisse, par exemple dans le vertige

vertical des hauteurs ou dans le vertige horizontal de l'agoraphobie; 5° les illusions d'es-

pace ou inexactitudes des indications relatives à la position des objets et de notre corps,

illusions statiques ou cinétiques, illusions d'attitudes ou illusions de mouvements;

'(" les hallucinations d'espace, également d'altitudes ou de mouvements, également

appliquées aux objets environnants ou à notre propre corps, créations toutes psychiques

d'espaces vides ou pleins inexistants, d'un trou béant, d'un allongement des pieds ou de

tout l'individu, d'une personnalité dédoublée, etc.. (Bonnier, Lannois et Chavanne).

[A.LÉRL]

'.150 ? ' VERTIGES. -

il écarte les pieds et les déplacé en piétinant sur place, il étend, latérale-

ment les bras et les fait osciller ou les projette en avant et, se cramponne

aux objets environnants. Ces efforts ne sont pas toujours suffisants pour

éviter une chute, et dans plus d'un cas ils la provoquent plutôt qu'ils- ne

la préviennent (vertigo caduca). Cette chute est souvent favorable en ce

qu'elle fait cesser le vertige. L'ensemble de ces' mouvements variés ferait

partie intégrante du vertige tel que le comprend Bonnier, au même titre

que la sensation vertigineuse. - ..

Toute sensation vertigineuse est pénible et accompagnée de peur ou

d'angoisse plus ou moins violente. L'angoisse peut être assez prédomi-

nante pour obnuhiler la conscience, sans qu'il y.ait perte de connaissance;

toutes les idées se trouvent concentrées sur les sensations de translation

anormale et sur la crainte de la chute; la notion de l'irréalité du dépla-

cement s'efface et disparaît.

L'angoisse est parfois assez vive pour déterminer une syncope véri-

table; la perte de connaissance fait alors disparaître le vertige. Dans

quelques cas rares, au vertige intense fait suite une attaque épileli-

forme. Syncope ou convulsion peuvent être soit une conséquence de

l'angoisse due au vertige, soit un symptôme d'une affection qui, comme

l'artério-sclérose par exemple, peut déterminer à la fois des sensations

vertigineuses, des attaques syncopales et des crises convulsives.

Des troubles sensoriels ou viscéraux divers peuvent s'associer aux £

vertiges et aux phénomènes moteurs qui en sont la suite. Les plus

fréquents de ces troubles sont des troubles visuels; ils consistent . en

impressions lumineuses 'plus ou moins vives, colorées ou non, en

éblouissements, ou au contraire en sensations débrouillard et d'obscurité.

Les phénomènes auditifs, presque aussi fréquents, sont des bourdonne-

ments, des sifflements, des tintements d'oreille, etc. Des troubles gas-

triques sous forme de pesanteur, de nausées, de vomissements, des

troubles laryngés sous forme de chatouillement, de constriction de la

gorge, sont loin d'être rares. Tous ces troubles peuvent s'observer quelle

que soit la cause provocatrice du vertige, et il faut se garder de prendre

ces conséquences du vertige pour une indication de sa cause. Mais s'ils

n'ont pas de valeur par eux-mêmes quand ils surviennent au cours d'un

vertige déclaré, ils prennent par contre souvent une réelle importance

pour le diagnostic étiologique quand ils le précèdent, quand ils se

montrent comme phénomènes précurseurs ou comme aura de l'attaque

vertigineuse

PATHOGÉNIE .

Pour mettre un peu d'ordre dans l'exposé des innombrables variétés

écologiques des vertiges, il est indispensable de donner un aperçu

succinct de leur mode possible de production. .

La notion de la situation de notre corps et de ses .différentes parties

- PATHOGÉNIE. ' -157.

dans l'espace nous est fournie par la réunion d'un très grand nombre de

sensations. Les sensations musculaires,. les sensations ostéo-articulaires

et cutanées y prennent part; cette part est très considérable pour nous

fournir des indications sur la situation des différentes parties de notre

corps les unes par rapport aux autres, mais très atténuée pour nous

donner la notion de la situation de l'ensemble de notre corps par rapport

au monde extérieur. Les sensations visuelles ont dans cette dernière

notion une part beaucoup plus grande, ainsi que les sensations auditives ;

on le conçoit facilement.

Mais il est un organe spécial qui, rattaché à l'appareil auditif par

l'anatomie grossière, n'en fait pourtant partie intégrante ni par la phy-

siologie, ni même par l'anatomie un peu plus fine, et qui est spécia-

lement destiné à nous donner le sens de l'orientation de notre tête et de

noire corps dans l'espace : c'est le labyrinthe : Le labyrinthe est composé

de trois canaux demi-circulaires, placés dans des plans respectivement

perpendiculaires les uns aux autres, et du vestibule qui fait communiquer

ces canaux entre eux. En vertu de cette disposition et de cette communica-

tion, la pression du liquide qui remplit ces canaux varie dans chacun d'eux

avec chaque changement d'attitude de la tête. Ces variations de pression

excitent les extrémités nerveuses- d'un nerf spécial, le nerf vestibulaire,

qui transmet les excitations au. cervelet, organe central de la coordination

des mouvements, et au cerveau. Le liquide qui baigne le labyrinthe

baigne aussi le limaçon dans lequel se terminent les extrémités du nerf

de l'audition, le nerf cochléaire ; ce nerf cochléaire est simplement accolé

au nerf vestibulaire pour former la 8e paire crânienne, dite, nerf auditif,

mais ils ne sont nullement confondus ; leur trajet est indépendant, leurs

connexions centrales sont différentes, et, si leurs origines périphériques

peuvent être soumises à des influences semblables, les perceptions qu'ils

provoquent sont de nature essentiellement dissemblable : l'un est le nerf de

l'audition, l'autre le nerf du sens de l'espace.- On comprend cependant que

les altérations portant sur les extrémités ou sur le trajet de l'un d'eux

soient très fréquemment le point de départ de troubles portant sur l'autre.

De l'accord parfait de toutes les sensations qui nous indiquent la situa-

tion de notre corps et de toutes ses parties dans l'espace naît la notion

de l'équilibre parfait; de leur désaccord naît le vertige. Mais les troubles

de chacune de ces variétés de sensation ne détermineront pas le vertige

avec une égale fréquence et une égale intensité; les troubles du sens

musculaire, des sensations ostéo-articulaires et cutanées, influant peu sur

la notion de position .du corps entier dans l'espace, ne détermineront

guère à eux seuls un vertige notable; les troubles visuels ou auditifs purs

le provoqueront bien plus aisément ; les véritables altérations qui pro-

duiront le plus fréquemment les vertiges intenses sont celles qui

portent sur l'organe périphérique du sens de l'espace, le labyrinthe, sur

le nerf qui transmet ses sensations, le nerf vestibulaire, sur le centre

qui surtout les reçoit, le cervelet : .. ..

. , . [A. LÉRI.l

1 )R VERTIGES.

C'est donc dans l'oreille interne, le nerf auditif et le cervelet que

l'on trouvera l'origine de la plupart des grandes sensations vertigineuses,

accessoirement dans les organes de la vision, exceptionnellement peut-

être dans les voies de conduction et de réception des impressions sen-

sitives, ncri's périphériques, moelle et cerveau. Dans ces derniers cas,

cas d'altérations des centres nerveux autres que le cervelet, il est pos-

sible que le vertige survienne seulement par l'intermédiaire d'une lésion

portant spécialement sur les voies du sens de l'espace.

Dans les vertiges dits « réflexes », qui paraissent avoir pour point de

départ les extrémités sensitives d'un organe viscéral, l'estomac ou le

larynx surtout, il est possible qu'un spasme vasculaire réflexe ou une

altération sanguine toxique (fermentation gastrique, etc.) ne détermine

encore le vertige que par action spéciale sur les voies nerveuses du sens de

l'espace ou en modifiant la pression cndotymphatiquc du labyrinthe. Nous

en dirons autant des vertiges des maladies infectieuses aiguës etdes intoxi-

cations, des anémies et de la ménopause, de l'arterio-selerose, etc.

11 est logique de supposer qu'un symptôme aussi forcément subjectif

que le vertige peut être provoqué avec facilité par les diverses névroses;

on l'observe en fait assez fréquemment dans l'épilepsie, dans l'hystérie,

dans la neurasthénie surtout.

En somme, en dehors des lésions de l'oreille et du cervelet et peut-

être de quelques lésions des voies visuelles, on voit combien la patho-

génie de la plupart des vertiges est encore obscure et quelles nombreuses

interprétations on en peut donner. La cause d'un même vertige parait

d'ailleurs être souvent multiple. Pour Bonnier, le vertige est toujours

« un trouble nucléaire des centres bulbo-protubérantiefs, particulière-

ment des vastes noyaux étalés sous le plancher dru}" ventricule », qui se

traduit par la désorientation subjective et par des troubles objectifs d'in-

coordination motrice. Il peut être direct ou indirect : il est, direct quand

l'altération porte primitivement sur l'appareil d'orientation et ses centres;

il est indirect quand l'altération porte sur tout autre domaine ci rctcnlit,

« irradie » sur les centres de l'espace.

SÉMÉIOLOGIE

En présence d'un vertige, la cause peut en être évidente, le diagnostic

étiologique s'impose; dans le plus grand nombre de cas, la cause est à

rechercher.

A. LA CAUSE DU VERTIGE EST ÉVIDENTE

Il s'agit presque toujours de vertiges accidentels, de vertiges dits

« aigus ».

1° Il en est ainsi dans un certain nombre de conditions })/¡ysiolo-

gi'lues : vertiges physiologiques.

I;IIIOLOG11 ? . 15'J

Une rotation rapide autour de notre propre axe vertical ou autour d'un

axe vertical quelconque détermine pendant la rotation et après l'arrêt une

sensation illusoire de rotation des objets ou de notre corps en sens con-

traire : il y a un vertige rotatif. C'est le vertige des chevaux de bois par

exemple, le, vertige de la danse. La sensation vertigineuse est d'autant

plus nette et plus prolongée que le mouvement est plus rapide et que la

circonférence décrite est moins étendue. Elle est aussi d'autant plus

prononcée que nous avons moins, par le contrôle de la vue ou du sens

musculaire, la notion de la rapidité avec laquelle nous tournons; ainsi

le vertige rotatif s'exagère par l'occlusion des yeux; ainsi aussi, avec une

vitesse égale, le vertige est plus prononcé sur les manèges de chevaux de,

bois que sur les manèges de vélocipèdes où le tourneur a au moins l'illu-

sion, en pédalant, de contribuer, par une assez grosse dépense de force

musculaire, à la vitesse de sa rotation. Ce vertige rotatif est très facile-

ment provoqué par la descente rapide d'un escalier étroit en colimaçon.

Ce genre de vertige physiologique n'est pas toujours rotatif : ainsi

quand nous nous trouvons dans un train à l'arrêt et que nous regardons

un autre train se mettre en marche, nous avons la sensation illusoire de

notre déplacement en sens contraire et parallèle; c'est le vertige, de

translation.

Le vertige du mal de mer, le vertige du mal des montagnes sont,

comme les précédents, dus il de rapides modifications de la pression

endotymphatiquc de l'oreille interne.

Tous ces vertiges paraissent d'ailleurs se produire surtout chez des

prédisposés, chez des névropathes, et, pour un même sujet, dans des

conditions accidentelles défavorables, nerveuses, gastro-intestinales ou

menstruelles.

2° Par différentes manoeuvres on peut obtenir des vertiges provo-

qués.

Le vertige voltaïque ou galvanique a été décrit et étudié parPurkinn,

puis par l3renner, Hitxig, l : rl>; mais c'est aux récentes recherches de

Babinski que l'on doit tout ce que nous savons sur le mode et le méca-

nisme de production de ce phénomène et surtout sur ses modifications

pathologiques et leur importance séméiologique.

Voici en quoi consiste le vertige voltaïque : si l'on applique symétri-

quement sur les deux tempes ou les deux apophyses mastoïdes d'un sujet

normal les deux électrodes d'un courant continu dont on augmente pro-

gressivement l'intensité, il se produit d'abord une sensation de vertige,

puis une inclination latérale de la tète avec ou sans phosphènes, bour-

donnements d'oreille, goût métallique, nystagmus : celte inclination se

produit toujours chez le sujet normal du côté du pôle positif ().

I. La sensation subjective es ! toujours plus forte que l'inclination replie (Erb). Quand

le sujet est debout, les talons joints, la r6aclion est. plus nelle, parce que le corps enl ici'

parait s'incliner (Escal).

[.LEM]

160 - Vertiges.

Le phénomène se produit en général quand l'intensité du courant.1

atteints à 5 milliampères; il serait particulièrement net. chez les sujets

jeunes et pourrait être obtenu avec 1 où- 2 milliampères-; enfin, d'après

Babinski, on l'ohtiendrait plus facilement en appliquant les électrodes

au-devant du tragus et à sa-partie supérieure; il y aurait là un véritable

« point d'élection », et le vertige se produirait parfois rien qu'avec une

fraction de milliampère. - ....

Un mouvement de rotation plus où moins .prononcé accompagne quel-

quefois l'inclination; d'après Blhinski, , ce mouvement se manifesterait

parfois quand les deux électrodes ne sont pas placées symétriquement,

mais tout particulièrement quand, l'électrode positive étant au point

d'élection, l'électrode négative est abaissée au-devant du lobule de l'oreille ;

le pôle négatif semble jouer un rôle prépondérant, car, si la situation

des pôles est inversée, il ne se produit pas de rotation malgré l'asymétrie.

Comme l'inclination, la rotation se produit lentement et progressivement;

elle se fait aussi vers le pôle positif ('). '

Le vertige voltaïque avait été attribué par certains auteurs à des

troubles de la circulation encéphalique et à une irritation directe des

centres nerveux; pour d'autres, il dépendait de l'excitation du labyrinthe

et des extrémités du nerf vestibulaire. Babinski a démontré, par ses très

intéressantes constatations expérimentales et cliniques, que cette der-

1. Bii31îsKi. Sur les mouvements d'inclination et de rotation de la tête dans le

vertige voltaïque. Soc. de biologie, 25 avril 1905. .

Fig. 48. Vertige voltaïque (d'après Zimmern, Eléments d'.Éleél1'olhémpie clinique),

a) Les deux pôles d'un appareil galvanique sont appliqués aux tempes ; b) on augmente pro-

gressivement l'intensité du courant : la tête s'incline d'un côté. Si le pôle positif est placé

de ce coté, la réaction est normale; si c'est le pôle négatif, la réaction est pathologique : il

y à une lésion organique de l'oreille interne du même côté.

SJ1111OLO(;1 E. ' Ilii

ni ère hypothèse était la vraie; ses recherches sur les animaux ont,

même- permis de pousser plus loin l'analyse du mécanisme du vertige

voltaïque et du mode d'action de chacun des pôles. Eu constatant

d'abord que les lésions auriculaires déterminent, soit, chez l'homme, soit

chez les animaux ('), des modifications du vertige voltaïque dont nous

allons avoir à parler plus loin, Babinski a montré que ce vertige

était bien d'origine labyrinthique. En remarquant ensuite que le phéno-

mène était notablement plus prononcé quand l'excitation était bilatérale,

que quand elle était unilatérale (les deux électrodes étant appliquées d'un

seul côté près d'une oreille), il a montré qu'il ne résultait ni de ce que

le pôle positif attire plus la tête que le négatif, ni de ce que le négatif

repousse plus la tête que le positif : il ne pouvait s'agir de la prédomi-

nance d'action d'un pôle sur l'autre, mais bien de l'action combinée,

des deux pôles. Enfin, en dénudant le labyrinthe d'un pigeon et en

appliquant alternativement chacun des pôles, l'un sur le labyrinthe

même, l'autre a un demi-centimètre en dehors, il a démontré que l'exci-

tation du labyrinthe par le pôle positif détermine une inclination de la

tête, du côté excité, que l'excitation par le pôle négatif détermine une

inclination du côté opposé; il y aurait donc une véritable action attrac-

tive exercée par le pôle positif, une action répulsive exercée par le pôle,

négatif, ces deux actions s'additionnant dans la recherche clinique habi-

tuelle, l'action répulsive du pôle négatif étant d'ailleurs plus brusque et

bien plus intense. En détruisant alternativement, au cours de ces expé-

riences sur le pigeon, chacune des parties du labyrinthe, Babinski a

constaté que l'excitation du vestibule et des ampoules semble jouer un

rôle capital, alors que celle des canaux semi-circulaires serait peu im-

portante (2).

Babinski a été amené à ces belles et curieuses expériences par les

importantes remarques déjà faites par lui en clinique humaine, remar-

ques qui ont donné aux modifications pathologiques du vertige voltaïque

une importante valeur séinéiologique, et que nous résumerons ainsi :

1" Dans les lésions organiques d'une oreille interne, on constate

en général que l'inclination de la tête déterminée par l'application des

électrodes galvaniques aux tempes se produit non plus du côté où se.

trouve le pôle positif, mais du côté de l'oreille malade, quelle que soit

la situation de chaque électrode n. Dans d'autres cas, l'inclination est

seulement beaucoup plus prononcée d'un côté que de l'autre, et c'est

alors généralement du côté de l'oreille malade qu'elle est plus prononcée.

Quand les lésions organiques de l'oreille interne sont bilatérales,

I. Chez un pigeon dont on a tamponné le conduit auditif externe, le vertige voltaïque

subit une perturbation analogue à celle qui a été constatée en clinique humaine.

(Babinski. Soc. de hiot., H mars l ! )0r>.)

2. Babinski. Sur le mécanisme du vertige voltaïque. Soc. de biologie, 14 mars 1 005.

5. Babinski. De l'influence des lésions de l'appareil auditif sur le vertige voltaïque.

Soc. de biologie, '20 janvier 1901.

PHATIQUE XEUKOL. Il

IA. LÉRI]

'1 Iii VERTIGES.

ou bien l'inclinalion est encore plus marquée d'un côté, et c'est généra-

icment du côté de l'oreille la plus malade, ou bien elle manque complè-

tement, ou bien elle se fait directement en arrière.

Dans ces différents cas, on constate souvent une résistance exagérée

au vertige voltaïque; il ne se produit parfois qu'avec un courant de

10 à 15 milliampères au lieu de 2 Ù 3.

Dans les surdités de cause psychique, on ne constate pas ces modi-

fications anormales du vertige voltaïque. La recherche de ce phénomène

est donc de grande importance pour révéler la cause de certaines sur-

dités; elle a pu servir aussi il déceler des lésions méconnues de

l'oreille n'ayant donné lieu qu'à un minimum de signes fonctionnels.

.L'importance diagnostique du « phénomène auriculaire de Babinski » a

été confirmée par Cros, Napieratski, Mann('), etc.

2° La résistance au vertige voltaïque, que l'on constate notamment,

comme nous l'avons dit, dans nombre de cas de lésions de l'oreille

interne, diminue généralement par la ponction lombaire; souvent en

même temps, si la réaction était anormale, le vertige redevient normal ;

ces modifications semblent donc dues, en bonne partie au mains, à

l'augmentation de pression du liquide céphalo-rachidien dont on connaît

les relations directes avec le. liquide labyrinlhique. La résistance auor-

male au vertige voltaïque peut ainsi être parfois un signe objectif per-

mettant de déceler une augmentation de pression du liquide céphalo-

rachidien sY11lptomatiqlle d'une tumeur cérébrale (2).

On voit quelles intéressantes indications pratiques ou peut tirer de la

recherche du vertige voltaïque et quelle valeur séméiologillue inattendue

ce phénomène a aujourd'hui acquise.

Le vertige rotatoire peut être provoqué soit en faisant tourner rapi-

dement le sujet autour de son axe vertical, soit au moyen de dispositifs

spéciaux, comme l'appareil de Mach. Cet appareil se compose d'un plan-

cher horizontal mobile autour d'un axe vertical : on fait tourner le plan-

cher, le sujet étant assis, les yeux bandés, le dos contre l'axe et les pieds

sur le bord du plancher. A l'état normal, le sujet a la notion de la rota-

tion ; quand on arrête brusquement l'appareil, il a la sensation de con-

tinuer à tourner pendant quelques instants, mais en sens inverse; ces

sensations sont dues aux modifications de pression dans le liquide des

canaux semi-circulaires.

Dans les cas de « syndrome de Ménière », caractérisés cliniquement.

par le vertige, des bruits subjectifs et de l'hypoacousie, et qui tradui-

1. Cnos. Des modifications du régime voltaïque. Thèse Toulouse, HIO 1. - Napie-

d. Le vertige voltaïque dans les lésions de l'appareil auditif. Thèse Paris, 1909. -

]i,u.sKt. Le MWe ! )0«N/</MC fots Sfo ? )4' e /'appa)'e ! / n : <<ff ? Thcse l'aris, t ! ))r).

Mann. Uuer Schwiudel und ¡;JpichgewichssWrungeu nach Commotici cerelmi und ihren

Xachweis durch eine galvanische ! ! ca)<Lion. Medizin. Klinili., 11107, n°' 20 et 21.

2. De ces recherches, Babinski a déduit un mode de traitement des vertiges auricu-

laires en général par la ponction lombaire : comme nous le dirons, c'est aujourd'hui ce

traitement qui parait donner dans nombre de cas les meilleurs résultats. u

, SÉMIOLOGIE. 105

sent l'irritation de l'appareil vestibulaire, le vertige rotatoire provoqué,

persiste. Dans les cas de syndrome vestibulaire de Raymond, qui se

distinguent cliniquement du syndrome de Ménière par 1 absence d'orien-

tation dans la sensation vertigineuse, par les gros troubles de l'équilibre

et l'absence relative des bruits subjectifs, et qui traduisent la paralysie

de l'appareil vestibulaire, le vertige rotatoire ne peut être provoqué :

ce vertige rotatoire ne peut se produire, en effet, que si l'appareil vesti-

bulaire peut être excité par les modifications de pression du liquide

qu'il contient.

5" Toutes les maladies infectieuses aiguës peuvent donner

lieu au vertige, et cela surtout soit il leur début, soit il une période

tardive et dans les formes adynamiques.

On l'observe avec une graudc fréquence dans la fièvre, typhoïde et la

grippe, moins souvent dans le, typhus, la fièvre paludéenne, la fièvre

jaune, la peste, parfois dans la scarlatine, la pneumonie, les oreillons,

la variole. Il est plus marqué quand ces affections s'accompagnent de

bourdonnements et, de tintements d'oreille, intenses et surtout, se compli-

quent d'otites, mais il peut, exister en l'absence de tout signe d'altéra-

tion des voies auditives. Il serait dû soit aux modifications générales de

la pression sanguine, soit aux irritations anormales de l'appareil labyrin-

unquc on des centres de l'espace par les toxines microbiennes. Dans tous

ces cas, le vertige n'est qu'un élément accessoire dans l'ensemble 'du

tableau clinique, de la maladie infectieuse.

4° Le vertige n'est aussi qu'un des éléments d'une maladie spéciale,

localisée il certaines régions des environs du lac Léman (Gerlicr, Ladame)

et du nord du Japon (Nakano, MIura) : la maladie de Gerlier ou

vertige paralysant (en japonais kubisagari, c'est-à-dire « celui

dont la tête tombe »).

Celle maladie est caractérisée, par des troubles visuels avec vertige

plus ou moins net, par des parésies passagères et par des douleurs verté-

brales. Les troubles visuels consistent en diplopie, photopsie, photo-

phobie ; ils s'accompagnent d'obnubilation de la vue avec troubles de

l'équilibre plus ou moins prononcés, mais sans angoisse, sans nausées ni

vomissements : il s'agit d'un vertige ténébreux, plutôt atténué, et presque

jamais rotatif. Parmi les parésies, lc-ptosis est la plus constante; il est

généralement bilatéral et inégal; il peut ou non s'accompagner de parésie

des extenseurs de la tête et de parésie des membres inférieures, d'où les

types principaux distingués par Gerlier : type, de l'endormi (ptosis),

type du recueillement (paralysie des extenseurs de la tête), type de

l'aveugle ivre (paralysie des membres inférieurs). Les parésies des mem-

bres supérieurs sont d'ordinaire en rapport avec les mouvements profes-

sionnels habituels : la paralysie des extenseurs, « paralysie du trayeur »,

est la plus fréquente. La parésie des abaisseurs de la mâchoire s'observe

souvent; celle de la langue, des lèvres et des joues, celle du pharynx et

du larynx, celle de la vessie sont rares. Des douleurs spinales du cou ou

[A. LEM

104 ' VERTIGES.

des lombes, des névralgies de la face, du tronc ou des membres, accom-

pagnent ordinairement les parésies et les troubles visuels.

Tous ces symptômes surviennent par accès qui durent de une à dix

minutes ; les accès se reproduisent en série pendant deux ou trois heures.

Les séries se répètent, avec des intervalles plus ou moins prolongés, soit

de santé parfaite, soit d'affaiblissement musculaire plus ou moins pro-

nonce. pendant tout le cours de la maladie qui dure de un Ù. cinq mois.

La maladie elle-même, débutant brusquement et presque toujours pen-

dant l'été, peut se reproduire plusieurs années de suite. Les causes occa-

sionnelles semblent, être des excitations visuelles vives, des contractions

musculaires violentes ou répétées, la fatigue, les excès de toute, sorte et

spécialement les excès alcooliques. Mais la cause déterminante vraie,

parait devoir être cherchée dans les ébahies, car la maladie frappe à peu

près exclusivement les cultivateurs et les bergers, ceux qui sont en rap-

port fréquent, avec les étables; en hiver on ne l'observe que chez les ber-

gers qui couchent à l'étable; chez les femmes, les vieillards et les

enfants, on ne l'observe guère qu'au Japon où ces sujets sont aussi fré-

quemment dans les étables que les hommes adultes. T

En raison de sa limitation à certains pays, des épidémies locales et des

cas de contagion, Gerlier regarde le vertige paralysant comme une ma-

ladie infectieuse analogue au tétanos, dont le germe, sans doute naît

cryptogame, se développerait dans le fumier fermenté; Ladame cousi-

dère celle affection comme une névrose. A

B. LA CAUSE DU VERTIGE N'EST PAS ÉVIDENTE

Dans un très grand nombre de cas, la cause provocatrice du vertige

ne s'impose pas. Il peut être un élément très prédominant, voir même

isolé en apparence, d'un ensemble morbide dont les antres symptômes

sont à rechercher. 11 apparaît alors soit accidentellement, brusquement,

comme par hasard, révélateur momentané d'une altération le plus souvent

passagère, soit d'une façon habituelle, durable ou répétée, comme symp-

tôme. révélateur ou non, d'un trouble organique ou fonctionnel plus

persistant : dans ce dernier cas, le vertige, dit « chronique », peut être

constant, prolongé ou fréquent (Grasset).

Dans l'un et l'autre cas, des symptômes variables, auditifs, visuels,

gastriques, laryngés, etc., précurseurs de l'attaque vertigineuse, peuvent

être d'un grand intérêt pour mettre sur la voie du diagnostic causât.'

1° Vertige auriculaire. En présence d'un vertige de cause

inconnue, le premier appareil sur lequel il convient de porter son atten-

tion est l'appareil de l'ouïe.

Toutes les variétés de lésions des différentes parties de l'oreille peuvent

déterminer du vertige auriculaire par l'exagération de la pression infra-

labyrinthique : bouchon de cérumen dans le, conduit auditif externe; sclé-

rose, suppuration, fongosités, hémorragie de l'oreille moyenne ou

SÉMIOLOGIE. 11 î ?

obstruction de la (rompe d'Eustachc; congestion ou hémorragie de

l'oreille interne. ·

La plupart des vertiges physiologiques dont nous avons parlé sont des

vertiges auriculaires, ayant pour point de départ une brusque modifica-

tion de pression du liquide labyrinthique. De même, c'est peut-être son-

vent par une congestion, ou parfois par une hémorragie labyrinthique.

que les maladies infectieuses, la fièvre typhoïde, la grippe, la variole, les

oreillons déterminent des vertiges. La propagation au labyrinthe, à tra-

vers le conduit auditif interne, de la congestion, de l'inflammation ou de

l'oedème cérébral ou méningé, explique aussi certains vertiges des ménin-

gites et des tumeurs cérébrales.

Les modifications de la pression sanguine dans les artères labyrinlhi-

ques, et peut-être aussi les altérations de la crase sanguine, jouent sans

doute un rôle important dans un' certain nombre des vertiges ci-dessus,

dans les vertiges dits « réflexes », ainsi que dans les vertiges des artério-

scléreux et des hrighliques (P. Bonnier), voir des diabétiques et. des dys-

peptiques, des intoxiqués, des anémiques, des convalescents.

Toutes les modifications vasculaires et sanguines peuvent d'ailleurs

déterminer le vertige auriculaire, en agissant soit sur l'appareil récep-

teur des sensations du sens de l'espace, le labyrinthe, soit sur le nerf

transmetteur, le nerf acoustique, soit sur les centres percepteurs ou

coordinateurs, centres bulbaires, cervelet, et peut-être certaines portions

du cerveau.

De même aussi, le vertige des Icrbéliclcccs, qui est assez fréquent, prend

le plus souvent la forme du vertige auriculaire, soit par suite de lésions

variées de l'oreille (Pierre Marie et Wallon, Collet et Lannois), soit par

sclérose du nerf auditif (Pierrot), soit peut-être par lésion cérébelleuse.

Ce vertige peut être parfois d'origine visuelle par paralysie oculaire; il

semble pouvoir être aussi uniquement, psychique, dû Ù la surexcitahilité

mentale et à la véritable astasie-abasie plus ou moins atténuée que l'on

observe chez la plupart des tabétiques, même indemnes de toute incoor-

dination : quant aux troubles de la sensibilité profonde, ils jouent sans

doute dans la production du vertige vrai (indépendant de tout fléchisse-

menton derobement des jambes) un rôle beaucoup plus enace et accessoire.

Le vertige de la sclérose en plaques, très fréquent, presque toujours

rotatif, parfois très violent et très répété, est sans doute dû le plus sou-

vent aune plaque cérébelleuse ou bulbaire, atteignant ou non le centre

un les racines de l'auditif. Il peut être dû aussi à des troubles visuels

(diplopie, nystagmus, etc.).

Un voit que la presque totalité des vertiges peuvent être, directement

ou indirectement, d'origine auriculaire, mais pour beaucoup d'entre

eux cette origine n'est pas démontrée, et ils méritent de rester encore

dans l'un des cadres d'attente dont nous parlerons plus loin.

Le vertige auriculaire peut prendre toutes les formes : y'raloirc lc

plus souvent, il peut être oscillant, vacillant, titubant; il peut ou non

[A LÉRl.

nua .'VERTIGES.

entraîner la chute, être accompagné d'angoisse, de nausées et de vomis-

semons; il s'accompagne souvent de troubles oculaires sous forme de

diplopie, d'eblouissements, de Paonnes ou de brouillards, et de troubles

auditifs. Ce qui est bien plus caractéristique et, plus important pour le

diagnostic, c'est que presque tous les vertiges auriculaires sont précédés,

de plus ou moins longtemps, par des troubles subjectifs de l'ouïe, sous

forme de bourdonnements, de sifflements, de tintements, intermittents,

permanents ou paroxystiques. Les douleurs de l'oreille ne sont pas rares,

non plus que des manifestations objectives de la lésion auriculaire, rou-

geur et gonflement de la mastoïde, soulèvement du pavillon, otorrhée. etc.,

surtout de l'hypoacousie ou de la surdité : dans ces cas le diagnostic de

la cause est. évident, dans d'autres il se révèle par une exploration du

tympan et de la trompe d'l,ust;lclu. \ous n'avons à insister ici, ni sur les

signes des différentes lésions de l'oreille, ni sur les signes des affections

provocatrices des troubles auriculaires (maladies infectieuses, utenin-

gites, tabès, sclérose en plaques, tumeurs cérébrales, syphilis, etc.), qui

éclairciront le diagnostic étiologique et la pathogénie dans la grande ma-

orité des cas.

En dehors des vertiges auriculaires que nous avons signalés et que l'on

peut dire symptomatiques, parce que le syndrome vertigineux n'est

qu'un des éléments accessoires du tableau morbide dans une maladie

générale ou dans une maladie des centres nerveux, il est toute une caté-

gorie de vertiges auriculaires auxquels conviendrait plus ou moins, par '

opposition avec les précédents, la dénomination d'essentiels ou d'idio-

pathiques : dans ces cas, la lésion de l'oreille et ses manifestations clini-

ques prennent une importance prépondérante, la maladie causale est

effacée. On leur a donné à tous indistinctement le nom de vertige de

Ménière, de maladie de Ménière : on doit, avec Lannois et Chavanne, les

désigner sous le terme de syndrome de Ménière,

Le syndrome de Ménière est constitué par une triade sympto-

matique capitale : vertige, bruits subjectifs, hypoacousie ou surdité, et

par des symptômes' accessoires d'origine bulbaire, nausées, vomis-

sements, diarrhée, troubles respiratoires, modifications du pouls, nystag-

mus, strabisme, mydriase ou myosis, etc. Ce syndrome traduit l'exci-

tation de l'appareil vestibulaire.

Lannois et Chavanne distinguent des formes complètes, des formes

atténuées, des formes frustes et des formes psychiques de ce syndrome.

Parmi les formes complètes, ils reconnaissent des variétés apopiecti-

forme, aiguë, paroxystique, chronique avec paroxysmes, continue.

Il faut réserver le nom de maladie de Ménière il la variété apo-

plecliforme, modalité la plus rare, il est vrai, mais qui a été très exac-

tement décrite par cet auteur en '1801, et qui correspondrait exclusi-

vement Ù une hémorragie labyrinthique. Cette hémorragie ne se produit

que dans certaines conditions

SÉMÉIOLOGIE. 1117

1° Soit a la suite d'un traumatisme : traumatisme direct ayant déter-

miné une fracture du crâne, ou traumatisme indirect dont Passow

distingue il groupes : a) violences portant sur le crâne (coups, etc.);

b) ébranlement du corps par chute sur les genoux, les pieds, etc.;

c) variations exagérées de la pression de l'air dans le conduit auditif

externe (travail dans les caissons, etc.); d) bruits intenses (explosions,

armes à l'eu, etc.) ; e) bruits continus et répétés (forgerons, artilleurs, etc.) ;

2° Soit sans traumatisme : dans les caries du rocher, an cours de cer-

taines méningites, de maladies infectieuses aiguës ou de leucocythemie,

de syphilis, de néphrite, d'art ério-sclérose, etc.

Dans les formes non traumatiques, le début est brusque, apoplecti-

forme, et survient chez un sujet dont l'audition est normale. Ce vertige

est précédé par une courte aura sous la forme d'un sifflement, aigu et stri-

dent, parfois de tintement ou de bruissement; il y a quelquefois des

prodromes plus ou moins prolongés, semblables à ceux de l'hémorragie

cérébrale, précédant l'accès de quelques minutes à plusieurs jours, con-

sistant en céphalées, vertiges simples, bourdonnements, angoisse, vomis-

sements, sueurs, phosphènes, obnubilations de la vue, etc. Le vertige se

montre sous toutes les variétés et souvent sous plusieurs variétés succes-

sivement; il est violent d'ordinaire et entraîne le plus souvent la chute;

il est accompagné de bourdonnements, d'angoisse, de pâleur de la face,

de sueurs froides, de tendance syncopale; il est suivi presque toujours

de nausées et de vomissements. La conservation de la conscience pendant

l'accès était considérée par Charcot et Gilles de la Tomette comme un

des caractères essentiels du syndrome, de Meniere;on admet aujourd'hui,

avec Franki-lfochwart, que le vertige peut parfois déterminer la perte de

connaissance en dehors de toute influence traumatique ou epileptique.

L'accès dure de quelques minutes à un quart d'heure, rarement quelques

heures ou même quelques jours. Après l'accès persiste toujours une sur-

dite prononcée et permanente, souvent aussi des vertiges légers et des

bourdonnements.

Après un traumatisme, on peut observer une variété 'apoplecliforine

du syndrome de Ménière, plus souvent on observe la variété paroxystique

ou chronique.

A la suite ou non d'un ictus apoplectiforme violent, comme celui que

nous venons de décrire, un nouvel accès, généralement moins violent, se

déclare souvent quelques jours, quelques semaines ou quelques mois

après le premier : c'est la variété paroxystique du syndrome de Ménière,

ce n'est plus la « maladie de Ménière » proprement dite. A chaque nou-

vel accès la surdité augmente, les vertiges et les bourdonnements tendent

il devenir permanents : le « type paroxystique » passe au « type continu ».

Plus rarement le type continu survient d'emblée, marqué par un état,

vertigineux, des bourdonnements et une 'diminution progressive de l'ouïe,

chez des sujets qui présentaient, déjà antérieurement des troubles audi-

tifs subjectifs et objectifs; celte évolution continue est presque toujours

. [A. LÉRl.]

108 . VERTIGES.

entrecoupée de paroxysmes plus ou moins apoplectiques (variété chro-

nique avec paroxysmes). .

L'état du vertigineux chronique peut être extrêmement pénible; l'un-

goisse continuelle, les bruits subjectifs permanents, les hallucinations

visuelles, les culbutes subjectives répétées, le déséquilibre de la démar-

che, rendent l'existence insupportable, provoquent quelquefois des ten-

tatives de suicide et fréquemment des troubles psychiques et neurasthé-

niques très accentués. C'est dans ces cas surtout, qu'on observe la

« névrose de Ménière » décrite par Franid-Hochwart, les formes psychi-

ques de Lannois et Chavanne : troubles intenses de l'intelligence et de

la volonté, phobies et notamment agoraphobie, psychoses véritables chez

des prédisposés.

Le plus souvent heureusement, les vertiges deviennent plus rares quand

la surdité est devenue à peu près complète; mais celle-ci est irrémé-

diable.

En dehors de ces formes complètes ou compliquées du syndrome de

réméré, on observe très fréquemment des formes atténuées se tradui-

sant par une sensation d'étourdissement, d'ebtonissemcnt, de tournoie-

ment passager, à la suite de certains mouvements ou après la perception

de certains bruits violents par exemple. Frankl-Hochwart a décrit des

formes frustes où manquerait l'un des trois symptômes capitaux, hypo-

acousie, bruits subjectifs ou vertige typique; celui-ci pourrait être rem-

placé par un état vertigineux léger, du treinbleinent des jambes, une

sensation de dérobeinent du sol; la migraine otique est une variété de

ces formes frustes (Lannois).

Dans la plupart de ces cas, et toujours dans la variété apoplecliforme,

l'examen attentif de la caisse du tympan et de la trompe d'Eustache ne.

révèle aucune lésion de l'oreille moyenne ou externe; les réactions de

Pinne et de AVeber indiquent une lésion de l'oreille interne; le diapason

n'est entendu par l'intermédiaire des os du crâne que du côté normal.

L'épreuve du vertige voltaïque montre une inclinaison constante ou

plus prononcée soit du côté de la seule oreille malade, soit du côté de

l'oreille la plus malade, que celle oreille soit du côté du pôle positif ou

du côté du pôle négatif.

L'épreuve du vertige rotatoire montre que le malade a la notion de la

rotation de l'appareil, il a la sensation vertigineuse d'une rotation en

sens inverse au moment où l'appareil s'arrête et il présente du nys-

tagmus.

Au syndrome de Ménière. par excitation du labyrinthe, il faut opposer

le syndrome vestibulaire de iiaymoud, par paralysie ou déficit

de l'appareil veslibulaire. Ce défaut d'appareil d'orientation déter-

mine : 1° l'absence de toute orientation dans les sensations vertigi-

neuses de déplacement; 20 des troubles de l'équilibre pouvant aller

jusqu'à la chute; ? l'absence du vertige rotatoire provoqué par l'ap-

pareil de Mach; le malade n'a ni la notion de la rotation, ni la sensation

SEMIOLOGIE. -109

vertigineuse de rotation en sens inverse au moment de l'arrêt, ni les

mouvements compensateurs nystagmiformes qui se produisent il ce

moment.

2" Vertige visuel. Le passage rapide devant les yeux d'objets

qui paraissent en mouvement, la vue de la campagne ou surtout de gril-

iages dans un train en marche, par exemple, provoquent facilement des

sensations vertigineuses. L'amblyopie, qui empêche la distinction nette

des objets en mouvement, favorise ce vertige.

Le nystagmus. en provoquant un mouvement illusoire du monde exté-

rieur, est une cause plus importante de vertige.

Mais la cause la plus ordinaire et la plus gênante du vertige oculaire

est la diplopie, par paralysie ou contracture des muscles de l'mil d'ori-

gine périphérique ou centrale. Le vertige est d'autant plus prononcé que

la diplopie est survenue plus brusquement; il s'atténue avec le temps

par des manoeuvres compensatrices, soit que le sujet s'habitue à n'em-

ployer que I"oeil sain, soit qu'il terme la paupière de l'oeil malade, soit

qu'il corrige le strabisme par des verres appropriés.

Les troubles de la vision qui précèdent et commandent le vertige per-

mettront un facile diagnostic, de sa cause; l'examen de l'oeil complétera

ce diagnostic. On ne prendra pas pour un signe de l'origine oculaire du

vertige les sensations lumineuses variées qui accompagnent souvent le

vertige auriculaire.

Un vertige olfactif analogue pourra être déterminé par des altéra-

tions nasales.

.1° Vertiges dans les lésions du cervelet et du cerveau.-

La presque totalité des tumeurs du cervelet s'accompagnent de ver-

liges chroniques et de trouilles de l'équilibre qui se manifestent de façon

continue par la titubation ebrieuse et de farnn intermittente par des sen-

sations de tournoiement, du chancettement et des chutes. Les rapports du

cervelet avec l'organe du sens de l'espace expliquent celle fréquence du

vertige dans les tumeurs cérébelleuses, plus sans doute que l'éiroitesse

relative de la loge il parois inextensibles, osseuses et fibreuses, dans

laquelle ces tumeurs peuvent évoluer (ttitxig) ; certaines tumeurs ciré-

helleuses, celles du vermis notamment, pourraient cependant donner

lieu au vertige par elles-mêmes, sans irritation du nerf ou du noyau

vestibulaire (Lannois). On comprend aussi que le vertige ne fasse pas

habituellement partie du tableau des atrophies congénitales du cervelet.

La céphalalgie occipitale permanente et les vomissements répétés à

caractère cérébral, sans nausées, le peu d'intensité ordinaire des troubles

subjectifs et objectifs de l'ouïe, feront rapporter à une hnncur cérébel-

leuse les vertiges chroniques et les troubles de l'équilibre.

Les tumeurs du cerveau provoquent moins fréquemment, le ver-

lige que celles du cervelet : elles le déterminent, surtout quand elles

. [A. LÉRL]

1 iO VERTIGES.

siègent dans le lobe frontal ou la région rolamlique. Elles s'accompa-

gnent de troubles psychiques et moteurs variables, de céphalalgie, de

vomissements, parfois de syncope, très souvent de signes, oculaires ou

autres, de compression ou d'oedeme cérébral et méninge. On admet géné-

ralement que ces tumeurs déterminent le vertigo soit par stase, soit par

ischémie du cerveau; mais le, rôle que peuvent jouer dans la production

du vertige les troubles, passagers ou permanents (congestion, oedème,

compression), soit du cervelet, soit de l'oreille interne, n'est pas élucidé.

La cause cérébrale la plus fréquente du vertige est l'artério-sclé-

rose cérébrale; ce rôle de i'arterio-scterosc a été mis en lumière

d'abord par Grasset, puis par Mendel, Gançon. Grasset considère le ver-

tige artério-sclércux comme une véritable claudication intermittente

du cerveau, déterminée par le spasme des vaisseaux qui, dans 1'II't<"-

rio-sclérose de tout organe, précéderait le développement, des lésions

vasculaires définitives; l'anémie passagère déterminerait Je vertige sur-

tout par son action sur la région lmllto-lrratuluranlicllc. Peut-être

cependant faut-il faire intervenir aussi dans sa production et les Illodili-

. cations de pression et de perméabilité des artères labyrilllhiques (P. Bon-

nier) et les scléroses de l'oreille si fréquentes chez les arterio-sciercnx.

Le vertige des arlério-seléreux est un vertige chronique dont les crises

sont plus ou moins fréquentes (jusqu'à 40 dans la journée) et se repro-

duisent sans cause apparente ou le plus souvent à l'occasion d'un mouve-

ment brusque, surtout d'un brusque changement de position : le type en est

le vertige du saut du/il décrit par Régis. Il est le plus souvent simple,

il peut être, d'après Grasset, accompagné de crises épilepliforines, il

peut n'être qu'un des éléments du syndrome « pouls lent permanent avec,

crises vertigineuses, syncopales, épileptiformes ou apoplcctiforines ».

Dans ce dernier cas, il serait spécialement syrllplonlaliclue de l'artério-

sclérose bulbaire.

Ce vertige des arterio-scfereux ne se distingue en rien des autres ver-

tiges, si ce n'est par les phénomènes concomitants; le plus souvent il est

accompagné soit de quelques .symptômes ll'artl'rio-sd("rose viscérale ou

périphérique, soit surtout de quelques autres signes d'arterio-scierosé

cérébrale : céphalalgies surtout nocturnes, bourdonnements d'oreille,

somnolence ou au contraire insomnie, troubles du caractère, l'aligne

physique et mentale, enfin autres symptômes passagers de « claudication

intermittente du cerveau », amnésie, embarras de la parole, aphasie

transitoire (Régis), hémiparésie, très courtes attaques apoplectiques non

suivies d'hémiplégie.

C'est sans doute a )'arterio-sc)erose cérébrale qu'il faut rapporter la plu-

part des vertiges prodromiques de l'hémiplégie, sans doute aussi bon

nombre de vertiges de l'hémiplégie confirmée due il l'hémorragie ou au

ramollissement cérébral; dans ces derniers cas pourtant on peut aussi

incriminer, comme pour les tumeurs, la stase on l'anémie cérébrale.

Les vertiges de l'aortite et de l'insuffisance aortique sont dus aussi

SÉMÉIOLOGIE. ni

al'arterio-sclerosedontia lésion aortique n'est qu'une manifestation ;

sans doute aussi faut-il faire intervenir pour une part les fortes alter-

natives d'hypertension et d'hypotension sanguine, de congestion et

surtout d'anémie cérébrale. C'est également aux modifications de la cir-

culation cérébrale, à la congestion ou à l'hypertension, que l'on a attribué

les vertiges, moins fréquents, de l'insuffisance mitrale ou de l'insuf-

fisance Iricuspidienne.

Des vertiges, qui reconnaissent sans doute semblable origine, ont été

observés dans les maladies rénales et surtout dans la néphrite inter-

stitielle. Bonifier surtout a été frappé de la fréquence des vertiges, ainsi

que des bourdonnements, de la surdité, dans la néphrite interstitielle. Cet

auteur a attribué le « vertige nephrostenique », l' « olo-brightisme », non

seulement aux troubles de la circulation labyrinthique, mais aux altéra-

tions des terminaisons artérielles des « capsules », des « glomerulcs »

véritables, analogues il ceux du rein, que Schwalbc a décrits dans le

labyrinthe et les espaces sous-aracimddicns : il y aurait un trouble de la

sécrétion du liquide labyrinthique et du liquide dphalocr : 1chirlien ana-

logue au trouble de la sécrétion de l'urine, caractérisé aussi par un excès

de sécrétion albl1lllineuse. Dans certains cas, en dehors de l'artério-sclé-

rose labyrinthique, I"oto-selérose labyrinthique jouerait aussi un rôle

dans la production du vertige des arterio-sciereux et des nephritiques :

cliniquement une phase préalable d'éréthisme auditif, d'hypcracousie,

précédant l'hypoacousie, caractériserait cette dernière variété.

Au cours de la méningite cérébro-spinale ou tuberculeuse, de la

pachyméningite hémorragique, de la syphilis cérébrale ou méningée,

au cours et surtout au début de la paralysie générale, les vertiges ne

sont pas très rares; ils sont rarement très violents et consistent surtout

en sensations d'instabilité, en obnubilations avec trouhles visuels et audi-

tifs subjectifs. Il est difficile de spécifier quelle, part il faut faire dans ces

cas aux troubles circulatoires du cerveau, il ceux du cervelet ou du laby-

rinthe, ou à la propagation des lésions méningées à l'oreille interne.

Il faut rattacher aux troubles circulatoires de l'arlério-sclérose la plu-

part des cas du syndrome décrit par Bonifier sous le nom de syndrome

du noyau de Deiters. Il est constitué par : 1° du vertige plus ou

moins intense et brutal avec ou sans sensation vertigineuse; 2° l'effon-

drement par dérobement des jambes, trouble cérébelleux; 3° des trou-

bles oculo-motcurs (paralysie de la 0U paire, déviation conjuguée, nys-

tagmus, etc.) ; 4° l'état nauséeux et anxieux des lésions bulbaires; 5° des

phénomènes auditifs passagers; lio des douleurs dans le domaine du tri-

jumeau.

Dans tous ces cas, seuls les symptômes concomitants permettent de

reconnaître la cause du vertige; nous n'avons pu donner de ces causes

qu'une rapide ('numération.

4° Vertiges dans les névroses. Nous avons dit que le petit

[A. LÉRI

VERTIGES.

mal comitial qu'on appelle « vertige épileplique » n'est pas en réalité un

vertige. Le vertige vrai n'est pourtant pas rare dans l'épilepsie : il se

présente, soit comme une aura précédant une petite ou une grande attaque,

soit comme un symptôme de l'intervalle des crises convulsives, soit

comme manifestation isolée survivant aux attaques pendant la bromura-

tion (Charcot). H est précédé de sensations visuelles et auditives diverses

et peut affecter toutes les variétés du vertige cérébral : sensations de

tournoiement, de soulèvement, de dérohetrleni, etc.... L'existence de

phénomènes convulsifs ou paralytiques, d'obnubilation ou de perte de la

conscience, l'intégrité des organes de l'ouïe et de la vue, permettent de

rapporter ces vertiges à leur véritable cause.

La pathogénie peut en être aussi variable et. est aussi méconnue que

celle des différents vertiges cérébraux; pourtant la sensation illusoire de

déplacement naîtrait particulièrement sous l'influence : de contractures

unilatérales des muscles du con, d'après Fl'r¡'" ou de convulsions partielles

des muscles des yeux, d'après Huglings Jackson. Le vertige des éhilell-

leptiques n'est pas toujours la conséquence de l'épilepsie; vertige et epi-

lepsie peuvent être produits par une cause commune (épilepsie ah alire

loesa, épilepsie sénile et vertige des arterio-sclereux, etc.).

Au cours de l'hystérie, le vertige peut être le prélude d'une crise

convulsive ou une manifestation cérébrale isolée. On l'observe aussi dans s

le sommeil hypnotique et surtout au début de l'hypnose provoquée par

la fixation du regard. II se présente rarement sous l'aspect typique du

syndrome de Ménière. II guérit spontanément ou sous l'influence de la

suggestion. -

Le vertige n'est pas rare dans la migraine, surtout dans la migraine

ophtalmique, dans la maladie de Basedow, au début de la paralysie

agilanle (Charcot et Yulpian). z

Dans la neurasthénie, il est, avec la céphalée en casque, l'un des

symptômes les plus fréquents; les sensations illusoires de déplacement

apparaissent à toute occasion, regard au loin ou eu haut, mouvements de

la tête, efforts ou travail prolongé, etc.; elles se produisent dans tous les

sens, sous forme de tournoiement, d'inclinaison en avant, en arrière ou

sur les côtés, de titulaliun; mais elles ne sont pas assez intenses pour

entraîner une chute. Les vertiges des neurasthéniques peuvent revêtir la

forme du syndrome de Ménière continu ou intermittent, plus ou moins

complet et plus ou moins intense. La fréquence el l'importance des ver-

tiges clans la neurasthénie est un des principaux arguments qui ont fait

regarder celte affection par J. Teissier (de Lyon) et son élève Delmas

comme un syndrome cérébelleux. -

Kraf1't-ElJin considère ces sensations connue dues à des troubles vaso-

moteurs portant sur le labyrinthe; lIitzig veut y voir une origine pure-

ment mentale, un simple trouble de la conscience du moi, une exagération

de certaines sensations de mouvement. Régis a noté avec raison que

l'ensemble du syndrome de la neurasthénie peut être simulé par l'arlério-

SÉMÉI0L0G1E. 175

sclérose au début, à la période d'hypertension qui précède et présage

celle des localisations organiques; or, c'est précisément à celte période

de l'artério-sclérosc cérébrale qu'on observe surtout le vertige : bien des

vertiges dits neurasthéniques semblent être en réalité des vertiges arté-

rio-scléreux.

Le vertige mental de Lasèriuc est une sensation d'angoisse, violente,

subite et invincible, provoquée et répétée par la vue d'un objet donné,

toujours le même, accompagnée de hrouillard, d'obnubiiation de la vue,

de pâleur de la face, de défaillance des jambes.

Le vertige des hauteurs, très différent du vertige du ma) des mon-

tagnes, est un vertige purement mental provoqué par la notion du danger

il la vue d'un précipice; l'agoraphobie est un vertige du même genre. Ces

£ vertiges s'observent uniquement chez les sujets névropathes.

Certains vertiges du tabès seraient du même ordre et dus surtout à la

crainte de tomber; Grasset, Bonifier font rentrer le signe de Roinberg

parmi ces vertiges.

, 5° Vertiges réflexes. Les vertiges dits réflexes peuvent trouver

leur point de départ, au moins apparent, dans l'un quelconque des

viscères : les deux plus fréquemment en cause sont l'estomac et le

larynx .

f Le vertige stomacal peut prendre toutes les formes; généralement

modéré, il peut être assez intense pour provoquer une chute. 11 survient

surtout dans deux conditions différentes : soit Ù jeun, sous l'impression

de la faim, accompagné de symptômes gastratgiqucs et calme par l'in-

gestion d'une quantité même très petite d'aliments; soit trois ou quatre

heures après le repas, accompagné de pesanteur et de lenteur de la

digestion ou de douleurs gastriques plus ou moins vives, d'éructations,

de nausées, de vomissements glaireux et alimentaires, et calmi; par ces

vomissements. La première forme serait essentiellement névropathique :

à la seconde, beaucoup d'auteurs ont accordé un point de départ

gastrique, soit l'intoxication par la résorption de ptomaïnes accumulées

dans un estomac dilaté (Houchard) et particulièrement l'intoxication des

centres de l'espace, soit les troubles circulatoires agissant notamment sur

le labyrinthe, soit une distension des extrémités du pneumogastrique et

du sympathique transmettant une excitation jusqu'aux centres (llilzi).

Pourtant ce vertige, avec ses nausées et ses vomissements particulière-

ment importants, peut être provoqué par des excitations exclusivement

sensorielles ou morales, la vue d'un grillage, le claquement brusque

d'une porte, l'odeur de la l'innée, une émotion, par l'ingestion d'une très

petite quantité de liquide ou spécialement par l'ingestion, même- en

abondance très minime, d'un aliment déterminé; il ne se rencontre d'ail-

leurs presque jamais dans les affections organiques de l'estomac, cancer

ou ulcère (Charcot 1'1 Houyeret) et, d'après Lasègue, l'apparition de ces

lésions ferait disparaître un vertige gastrique habituel auparavant. Il

[A. LÈRI1

174 VERTIGES.

parait donc certain, de par ces caractères, que la névropathie joue dans

sa détermination un rôle, sinon exclusif, du moins très prépondérant.

Le vertige intestinal peut être provoqué par la constipation ou par la

diarrhée, mais surtout par la présence de vers intestinaux, oxyures,

ténias, ascarides.

Le vertige d'origine hépatique ou rénale s'observe au cours des lithiases

biliaires ou rénales.

Le vertige d'origine utérine s'observe dans les dysménorrhées, dans

les crises douloureuses de la ménopause, dans les métrites et. les salpin-

gites. On a signalé encore un vertige hémorroïdal , vésical, cutané,

dentaire, etc.

Dans tous ces cas, l'action d'un renexe est fort probable, mais l'état.

névropathique du sujet entre aussi en cause.

Le vertige larvngé s'observe soit au cours d'une lésion du larynx,

soit comme cons;' nonce d'une lésion bulbaire pouvant déterminer à la

fois le vertige et le trouble laryngé. Dans le premier cas, vertige laryngé

essentiel, il s'agirait d'une sorte de névrose analogue Ù l'asthme, ayant

pour point de départ une inflammation légère du larynx (laryngite chro-

nique, coqueluche des vieillards), parfois du pharynx ou des bronches.

Dans le. second cas, il s'agit presque toujours de vertige laryngé tabé-

tique : ce vertige peut survenir à toute période, mais surtout à la période

preataxique. - .

L'accès est précédé d'une sorte (l'aura constituée par une sensation de

brûlure, de chatouillement ou de constriction laryngée. Une suffocation

angoissante, avec augmentation du nombre ou de l'amplitude des respi-

rations, avec cornage, survient ensuite; puis enfin le vertige, assez

violent pour déterminer une chute et parfois une perle complète de con-

naissance et même quelques convulsions épileptiformes. L'accès ne dure

que quelques minutes, mais il peut se répéter plusieurs fois dans une

même journée. Il ne détermine qu'exceptionnellement des troubles

asphyxiques et même la mort.

La crise n'est sans doute pas due seulement, connue le pensait Charcot,

Ù l'irritation du nerf laryngé, mais plutôt à une altération bulbaire.

0" Vertiges des intoxications. -Ln certain nombre de médi-

caments, pris à assez forte dose, provoquent de façon constante le ver-

lige : tels la pelletiorine et l'écorce de grenadier, la quinine et les sali-

cylates qui déterminent auparavant des bourdonnements d'oreille et de

la surdité, la belladone et les diverses sotanees, l'opium et ses composés,

morphine, etc., qui produisent auparavant des troubles de l'accommoda-

tion et la dilatation de la pupille. En présence des vertiges accidentels,

intenses ou prolongés, on devra toujours penser il l'absorption d'un de

ces médicaments.

D'autres médicaments ne déterminent le vertige qu'à la suite d'un état,

nauséeux et souvent de vomissements, tels la digitale, l'ergot de seigle,

TRAITEMENT. 175

le tartre slibié, l'arsenic; les champignons vénéneux agissent de même.

L'inhalation d'oxyde de carbone ou de gaz d'éclairage produit aussi

un vertige intense connue l'un des premiers symptômes quand l'absorp-

tion a été massive, un état vertigineux prononcé avec faiblesse, anémie,

troubles digestifs, quand l'absorption a été lente et prolongée.

Le vertige de l'ivresse alcoolique est une sensation de tournoiement

du sujet on des objets environnants avec obscurcissement de la vue,

brouillards ou lueurs, faiblesse des jambes et troubles de l'équilibre,

olJl7lllJillti(Ill mentale.

Le tabagisme aigu provoque aussi des vertiges avec angoisses, sueurs

froides, nausées et parfois vomissements.

L'état vertigineux paroxystique ou intermittent de l'alcoolisme el du

tabagisme chronique, quelquefois assez prononcé pour amener des

chutes, serait surtout dû, d'après Grasset, à l'arlurio-sclérosc d'origine

alcoolique ou tabagique.

Il faut rapprocher des vertiges par intoxications exogènes les vertiges

des intoxications endogènes ou des dyscrasies, tels ceux qui se produisent

fréquemment dans la goutte soit accidentellement, soit de façon chro-

nique et paroxystique, ceux qui chez les urémiques préludent souvent

aux crises convulsives et chez les diabétiques au coma (vertige acétoné-

mique ? ) : l'examen des urines donnera de précieuses indications dia-

gnostiques et pronostiques dans bon nombre de vertiges de cause

inconnue ou douteuse.

Toutes ces intoxications d'origine externe ou interne provoquent cer-

tainement les sensations vertigineuses par des mécanismes très variables

et souvent combinés : ou bien les produits toxiques agiraient directement

sur le cerveau, sur le cervelet ou sur le labyrinthe; ou bien ils n'agi-

raient sur l'une ou l'autre de ces parties que par l'intermédiaire de

modifications de la pression sanguine ou de la structure des vaisseaux

(arterio-scterose) ; ou bien enfin certains de ces produits toxiques ne

détermineraient les sensations vertigineuses que par l'intermédiaire d'un

réllexe. dont le point de départ serait dans un viscère, et spécialement

dans l'estomac. On voit que, suivant les cas, ces vertiges toxiques

devraient entrer dans l'une ou l'autre des catégories ci-dessus décrites,

TRAITEMENT

11 n'y a pas de traitement applicable au vertige en général : le traite-

ment de chaque vertige varie avec sa cause.

Pourtant, d'une façon générale, on peut dire que le vertige est presque

toujours catme par le d('cubitus horizontal; aussi la première précaution

à prendre est d'étendre un sujet pris de vertige; on évitera ainsi une

chute possible et le plus souvent on catmera l'accès.

La plupart des vertiges diminuent aussi part l'occlusion des yeux et

4.LEHf]

1 iti VERTIGES.

par l'immobilisation. Ces règles sont notamment applicables au vertige

du mal de nier et, du mal des montagnes.

Les médicaments calmants et anesthésiques les plus divers ont été

employés dans ces cas avec des succès variables : le ehloral. l'eau chloro-

formée, l'opium, la cocaïne, l'antipyrine, etc.

Le vertige gastrique, a jeun est canne par l'ingestion d'une petite 1111all-

tité d'aliments ; celui qui succède de façon habituelle aux repas, et qui;

soulage le vomissement, est prévenu et guéri par le traitement silllld-

tané des troubles gastriques (généralement de ! "hypopepsie) et de l'étal

névropathique. Certains seront évités par la simple suppression de tel

ou tel aliment déterminé..

Les vertiges auriculaires seront traités souvent avec succès par dilfé-1

rentes interventions ontologiques : ablation d'un bouchon de cérumen,

désobstrue-Lion de la trompe, désinfection de l'oreille moyenne, ruolili-

sation des osselets, massage du tympan, évidement de la mastoïde, etc....

Mais ces traitements locaux seront insuffisants pour un certain nombre

de vertiges auriculaires, et notamment pour ceux qui résultent de lésions

de l'oreille interne, (syndrome de Ménière). Dans ces cas, on emploie

avec succès le traitement prolongé par la quinine préconisé par Char-

cot (0 gr. 50 à 1 gramme pendant des périodes répétées de 10 à

la jours) : on obtient par la surdité que provoque la quinine l'atténua-

tion de l'excitabilité de l'oreille interne; on accélère ainsi artificiellement !

l'évolution normale de la maladie de Ménière qui tend à la suppression

des vertiges par l'accroissement de la surdité. Le salicylale de soude

parait avoir donné de moins bons résultats. L ÏOrllU'1' de potassium mérite

d'être employé alternativement avec la quinine. L'électrisation, tardive,

prudente et progressive, a quelquefois produit une amélioration.

De tous les traitements des vertiges auriculaires, celui qui a assuré-,

ment donné les résultats les plus fréquents est la ponction lombaire

qui acte préconisée récemment, par Babinski (') et dont plusieurs auteurs

ont confirmé le pouvoir curatif ; elle agit sans doute en diminuant la

pression du liquide )abyrinthiqne('). Elle atténue ou fait disparaître le

vertige dans le plus grand nombre des cas; elle agit souvent favorablement,

aussi sur les autres troubles auriculaires du syndrome de Ménière, bour-

donnements et surdité, mais d'une façon moins fréquente et moins im-

portante. Elle est plus efficace dans les lésions labyrinthiques pures que

dans les lésions mixtes de l'oreille, plus efficace aussi dans les otites

cicatricielles que dans les otites sèches (Babinski). Elle doit être ten-

tée, sauf contre-indications spéciales, chez Ions les sujets qui ont. des

troubles auriculaires réfractaires aux divers modes de traitement local.

1. BA ! ! )XSK ! Soc. 11lédic, des Itôpil., 1902 et If)0 ? Annales des maladies de

l'oreille, février 1904.

2. Il cst intéressant de rapprocher celte influence atténuante de la ponction ]0111-

baire sur les vertiges pathologiques spontanés et son influence favorisante, signalée plus

haut, sur la production du vertige voltaïque provoqué.

APOPLEXIE ET COMA

par le D MOUTIER

Le coma (ro : u7.<o, je dors) est un sommeil morbide caractérisé par sa

profondeur et sa persistance. La connaissance, la sensibilité, le mouve-

ment sont abolis ou tout au moins profondément altérés. L apoplexie

r ? lOî ? 7GW,.['al)atS) n'est qu'une façon d'entrer dans le coma; elle est

caractérisée par un début brutal, par la suppression subite et instantanée

des opérations cérébrales, des sensations et de la inutilité. En cas de

survie au choc initial, à l'ictus en un mot, l'apoplectique est simplement

un comateux, c'est-à-dire un individu inconscient, dont les fonctions

respiratoires et circulatoires ne sont pas essentiellement troublées.

On sait que le mot « apoplexie » doit, être de moins en moins employé

aujourd'hui par suite de l'homologation regrettable établie entre le terme

« hémorragie » et lui. Il est donc avantageux de lui substituer le terme

« ictus », au sujet duquel aucune amphibologie n'est encore intervenue.

D'autre part, au point de vue clinique, il n'est, aucun avantage à vouloir

séparer les descriptions de l'apoplexie et du coma. Réduite au choc initial

l'apoplexie serait peu de chose, et d'autre part, on ne peut distinguer

facilement l'apoplexie du coma post-apoplectique. Nous réunirons donc

la description de l'ictus et de l'état d'assoupissement spécial qui lui est

consécutif.

Description clinique de l'apoplexie. -L'apoplexie est un accident

soudain, brutal, frappant tout l'organisme. Mais cette violence peut pré-

senter bien des degrés : il y a loin en somme de l'ictus du cardiaque

atteint de rétrécissement mitral que l'embolie foudroie au milieu d'une

phrase, à l'ictus plus tempéré du vieillard, qui. surpris à table, cesse de

manger, bredouille quelques mots inintelligibles, et s'affaisse, plus ou

moins nettement hémiplégique. Il peut y avoir de plus grandes variétés

encore en ces cas où se manifestent des prodromes. Les malaises prémo-

nitoires peuvent être à courte échéance : il s'agit par exemple d'un obèse

pléthorique, âgé déjà, que frappe une indigestion après un dîner copieux.

Quelques heures après les vomissements, surviendra l'ictus. Souvent le

malade s'aperçoit et s'étonne de ce qui se manifeste. Il signale à son

entourage la maladresse d'une main, l'engourdissement d'un membre,

les fourmillements d'une extrémité, ou bien accuse une anxiété que rien

1'n,\ TIQUE XEUROL, 1

[MOUTIER.-]

178 APOPLEXIE ET COMA.

ne justifie, se plaint de céphalée, de vertiges, de bourdonnements. Ce

vertige est parfois suivi aussitôt des phénomènes apoplectiques; le ma-

lade cherche en d'autres cas un appui pour échapper à la chute immi-

nente. Très souvent enfin, l'ictus survient pendant le sommeil. Quelques

gémissements, du stertor le révèlent parfois, mais c'est au matin d'ordi-

naire que l'entourage du malade constate le coma ou découvre l'hémi-

plégie avec obnuhilation intellectuelle. Dans d'autres circonstances, les

prodromes sont à longue échéance. L'entourage note une somnolence

établie petit à petit, une maladresse croissante de la main, de la

peine à marcher, de l'empalement de la parole. 11 peut y avoir apoplexie

progressive : avant le choc terminal se manifestent alors de petits

ictus, frustes, avortés, qui vont se répétant en nombre variable. Enfin,

au moment même de l'ictus, la perte de connaissance peut être relati-

vement faible; c'est là circonstance assez fréquente lorsque s'établit une

hémiplégie évidemment caractérisée. Il existe encore une forme d'apo-

plexie qui mérite d'être connue; c'est l'apoplexie troU/na/t'lue tardive

de Marie et Crouzon ou Spàlapoplexie des Allemands. L'ictus survient

dans ces cas plusieurs jours après le traumatisme, l'intégrité des fonc-

tions cérébrales ayant pu être à peu près complète dans l'intervalle. De

tels faits ont un haut intérêt pratique au point de vue médico-lob

surtout en ce qui concerne les accidents du travail. ^fp

Quels qu'aient pu être les phénomènes prémonitoires s'il en exista,

le malade est, dans la grande majorité des cas, en état de résolution

complète, insensible, immobile, sans connaissance. Supposons que nous

le voyions quelques heures après l'ictus, voici ce que nous pourrons con-

stater. Le malade est inerte : des appels réitérés ne peuvent le faire sortir

de sa torpeur. Il est allongé dans son lit et verse au gré des dépressions

du matelas. Congestionnée ou pâle, la face présente parfois une déviation

des traits, symptôme d'hémiplégie. Il est relativement rare de constater

de la déviation de la tète et du regard ('). Cette déviation est un indice

utile; on sait que le malade « regarde sa lésion » dans le plus grand

nombre des cas; la loi serait invertie quand la lésion est non plus cen-

trale, mais mésocéphaliquc. Déjà par conséquent, un seul coup d'oeil

permet de constater l'existence d'une hémiplégie. D'autres indications

compléteront le syndrome : c'est ainsi que la joue est flasque et se gonfle

à chaque expiration : le malade fume la pipe. De plus les membres du

côté atteint présentent parfois des convulsions, de la contracture pré-

coce, du tremblement, des secousses. Enfin, la résolution existe des

deux côtés, c'est vrai ; mais du côté sain se note encore un certain degré

de résistance, de tonicité, d'élasticité; du côté paralysé, au contraire,

les membres soulevés retombent, plus vite et plus lourdement sur le

plan du lit.

Devenons au visage; nous nous en étions écarté pour vérifier ou com-

I. La déviation de la tète el des geux peut se constater chez les aveugles.

APOPLEXIE ET COMA. 179

pléter le diagnostic éventuel d'hémiplégie, inspiré par les déviations de

la commissurc labiale, de la tête et du regard.

Dans les yeux saillants, humides, il moitié clos, les pupilles sont sou-

vent dilatées, parfois rétrécies, quelquefois inégales. Leurs réactions

sont atténuées ou nulles. Nous sommes frappés du bruit déterminé par

la respiration du malade. Celle-ci est bruyante en général, stertoreuse,

ronflante, renforcée par la vibration du voile parésie, ainsi que par

l'obstacle des viscosités pharyngiennes dont nul effort d'expectoration ne

libère l'arrière-bouche. Tantôt simplement bruyante, tantôt basse et sus-

pirieusc, la respiration prend parfois le rythme de Cheyne-Stokes. Le

pouls est plutôt ralenti, déprcssible, quelquefois irrégulier et dans ce cas

petit et fréquent. L'étude des réflexes ne permet pas toujours des conclu-

sions précises, leurs modifications étant plus ou. moins précoces ou tar-

dives selon les cas. D'une façon générale, les réflexes cutanés ou tendineux

sont diminués, parfois abolis, rarement normaux, exceptionnellement

exagérés. On noiera tout spécialement du côté malade l'affaiblissement

ou la disparition du réflexe cremasterien, des cutanés abdominaux, du

cornéen, du pharyngien surtout dans l'hémiplégie gauche (Pierre Marie)],

et parmi les réflexes tendineux, du patellaire. Les réflexes plantaires

peuvent présenter également d'importantes modifications; l'extension

des orteils peut être décelée quelques heures après l'ictus. Le signe de

Rabinsky est beaucoup plus précoce que les signes de Mendel ou

d'0111unlleim.

Les différents modes de sensibilité sont il peu près complètement

abolis : fréquemment cependant, le malade retire le membre pincé, se

plaint même parfois, mais il y a dans ces cas agnoscie, et non plus anes-

thésie vraie. Les fonctions végétatives sont plus ou moins altérées. Il y a

incontinence sphinctérienne et gâtisme; on note parfois, surtout pendant

les deux ou trois premiers jours, une constipation opiniâtre. t'alimen-

tation est en général relativement facile : on peut verser dans l'arrièrc-

gorge le lait et le bouillon, la déglutition s'opère de façon suffisante.

Mais il peut survenir des vomissements pouvant déterminer la suffocation

par chute des matières dans les voies respiratoires. Ajoutons qu'il est

important de s'assurer de l'état de la vessie et de l'évacuer au besoin.

L'examen des urines permettra la reconnaissance éventuelle d'albumine

ou de sucre.

Si, en présence d'un comateux, il est important et facile en somme

de reconnaître l'existence d'une paralysie, il est une question plus

difficile il résoudre. Le médecin l'a présente à l'esprit, et l'entourage

du malade est le premier à la poser : « Y a-t-il danger immédiat ? » En

d'autres termes, quel est le pronostic à porter. Pour satisfaire à cette

question, il importe de connaître l'évolution de la température chez les

apoplectiques. Immédiatement après l'ictus se produit une chute impor-

tante ; le thermomètre accuse 56 degrés, parfois 55 degrés seulement.

Trois il quatre heures au plus après l'accident morbide, il y a réascen-

[MOUTIER.]

1 gO APOPLEXIE ET COMA.

sion à 58 degrés ou 58", 5, et cette reascension est normale. Mais, si l'on

vient à constater 30 degrés ou davantage, le pronostic devient grave. Il

est peu près fatal si la colonne mercurielfe atteint 42 et mùllw 45 degrés.

D'autres symptômes, pris isolément mais surtout groupés, permettent

d'appuyer la gravité du pronostic. Tels sont un myosis prononcé, la

déviation conjuguée de la tète et des yeux, l'existence de contractures

généralisées ou localisées il un seul côté. Ce dernier symptôme révèle en

effet, ou bien une hémorragie méningée, ou une grande inondation ven-

triculaire, et l'on sait la gravité particulière de ces désordres. L'élévation

rapide et considérable du thermomètre se voit surtout dans les lésions

des noyaux de la base et de la protubérance. Supposons maintenant

que nous voyions le comateux plusieurs jours après son ictus, entre

le deuxième et le quatrième jour par exemple. tiàtons-nous de dire que

la mort rapide est en elle ! une exception en dehors des lésions bulbo-

protubérantielles et que, le plus souvent, le coma est plus effrayant que

vraiment redoutable. Quoi qu'il en soit, dès le second jour, l'assoupisse- , . :

ment souvent est moins profond. Des appels réitérés, des excitations'

cutanées ou visuelles amènent quelque réf1l'xc ou même quelque mouvez

ment conscient. En un mot, Ions les phénomènes morbides s'atténuent à

la fois.

En même temps que se récupèrent les fonctions cérébrales, les signes

d'une hémiplégie s'accusent d'ordinaire, et, même si le coma persiste.

la paralysie devient plus nette, mise en évidence par des contractures,

par une raideur spéciale du côté frappé. 1

Parfois persiste une flaccidité particulière. Dans ces conditions, la'

courbe thermométrique est encore une fois de la plus haute valeur. Nous

avons vu que normalement, après une chute très passagère, la tempéra*

ture remontait. Pendant plusieurs jours, il est habituel de constater

58 degrés environ; mais si l'on voit le mercure dépasser 5 ! ) degrés, il

atteindre 40 degrés et plus, le pronostic est fatal. Ici encore se peuvent^

rencontrer les signes de gravité déjà énumérésplus haut, myosis extrême,

déviation conjuguée persistante, contractures intenses, rythme de Cheyne-

Stokes. La disparition brusque de la déviation conjuguée, une résolution

complète succédant à de la raideur, sont encore de funestes indices.

La persistance du coma est à elle seule un présage dangereux. La survie

est exceptionnelle après quatre jours d'étal comateux. Enfin, un accident

nouveau peut être constaté, trouble trophiquedout l'évolution est à peu

près sûrement fatale, c'est le clecztbilus aculus, decubitus nntinosus de

Charcot.

On désigne sous ce nom une escarre dépendant de l'affaiblissement

général des tissus, mais l'onction avant tout de l'infection et de l'irrita-

tion de la peau par les déjections de l'apoplectique. Le début peut en être

extrêmement précoce : quelques heures après l'ictus, mais ordinairement

de deux à trois jours après, au centre de la fesse, du côté de l'hémiplégie,

s'aperçoit une plaque érythémateuse, uvlématiée, d'un rouge sombre.

. ' - APOPLEXIE ET COMA. 181

Puis surviennent rapidement des bulles pleines de liquidé citrin ou

louche.. Ces bulles ne tardent pas à se- rompre. La guérison. peut survenir

alors, mais le plus souvent le derme se sphacèle.. La, gangrène creuse un

puits rapidement élargi, sans que les escarres d'origine cérébrale pré-

sentent jamais la profondeur ou l'étendue des troubles analogues consé-

cutifs aux myélites. : .

On, voit donc toute la gravité de l'ictus et du coma post-apoplectique.

La persistance du sopor, l'escarre fessière, l'hyperthermie sont au cin-

quième ou sixième jour les trois grands' indices de gravité.. Les cas aussi

désespérés sont à vrai dire loin d'être constants. La.température retombe

à 57 degrés,, l'intelligence renaît peu à peu, quelques mouvements sont

exécutés. Une nouvelle question va dès lors être posée au praticien. Le

malade guérira, mais cette guérison sera-t-elle complète ? Il est Impos-'

sible de formuler une réponse bien favorable. Les guérisons. complètes

sont possibles, elles demeurent l'exception. Déjà l'on peut le plus souvent

diagnostiquer une hémiplégie, dont la persistance et l'intensité dépendent

de l'étiologie et de l'âge du malade. Mais en dehors même des paralysies,

la convalescence ménage de nombreux accidents, les uns prévus et

annoncés par le médecin, d'autres inattendus. Le malade peut. tout

d'abord, et c'est là fréquente éventualité pour les gens âgés,, ne jamais

sortir de son lit, et, gâteux, y demeurer jusqu'à la mort. On ne peut

d'ailleurs assigner aucune date à celle-ci; ce peut être demain, ce peut

être dans un nombre rigoureusement.indéterminé d'années,

La mort pourra être hâtée cependant par quelque escarre tardive ; il

est à remarquer que les troubles trophiques survenant longtemps après

l'ictus siègent non plus sur la fesse, mais tout au moins de préférence à

la région sacrée. Le rétablissement se fait en d'autres cas, mais demeure

incomplet : troubles aphasiques, affaiblissement de la mémoire ou de la

volonté, émotivité anormale, démence progressive, tout peut se rencon-

trer. Les rechutes enfin sont fréquentes et s'accompagnent d'un amoin-

drissement nouveau de l'ensemble des fonctions, tant intellectuelles que

physiques.

Diagnostic différentiel de l'apoplexie. Nous voulons parler ici du

seul diagnostic de l'ictus, et renvoyons à plus tard le diagnostic et la

valeur séméiologique du coma : peu d'accidents à vrai dire simulent

l'apoplexie. L'étiologie, l'âge, du malade, l'évolution des accidents contri-

buent à circonscrire bientôt le diagnostic. La syncope est en général

brève; le malade est pâle et non vultueux, caractères relatifs, il est vrais;

mais un examen soigneux met en évidence le trouble prédominant de

l'appareil circulatoire. L'hystérie et l'épilepsie, maladies à crises, simu-

lent parfois l'apoplexie. Le diagnostic peut être délicat. On s'appuiera pour

déceler l'hystérie sur les antécédents et l'alge des malades, sur la mise

en scène, sur l'absence de trouilles thermiques, respiratoires et circula-

toires. Il existe fréquemment du thrismus et un frémissement vibratoire

des paupières (Gilles de la Tourette). Le malade n'a éprouvé aucun vertige

. . [MOUTIER.]

182 APOPLEXIE ET COMA.

et la perte de connaissance est souvent fugitive : au réveil, il y a émission

abondante d'urines nerveuses et le tremblement est fréquent. On n'ac-

corde plus grande valeur à la recherche des stigmates, mais on pourra

déceler des zones hysterogenes.

Le diagnostic de l'ictus épileptique est parfois très difficile. Cependant

la répétition des accidents, leur brièveté, l'intensité du vertige, la cons-

tatation des morsures linguales, de mictions involontaires, la recherche

de l'aura, des équivalents, permettront de reconnaître le mal sacré.

Dans l'ictus laryngé, le malade ressent au larynx un vif chatouillement,

tousse, perd connaissance et tombe. Le retour à la normale est subit et

presque immédiat. L'ictus auriculaire s'accompagne de bruits subjectifs*'

extrêmement violents dans une oreille, avec vertige, intense et chute du

côté malade. La chute est d'une violence dangereuse; la durée de l'at-

taque est. connue dans l'ictus laryngé, extrêmement brève.

Description clinique du coma. Les pages précédentes où, dans une

même description, ont été compris l'apoplexie et l'état consécutif, nous

dispensent de revenir sur le coma isolé. Celui-ci, en effet, peut débuter

ou non par un ictus. Nous verrons il propos de sa valeur séméiologique

les caractères différents que lui imposent les etiotogies diverses.

Mentionnons seulement ici que l'intensité du coma peut être très va-

riable : dans les cas les plus légers (assoupissement, somnolence, sopor.

cataphore des anciens), on arrache le malade it sa torpeur par des appels.

des excitations répétées. Dans les états profonds ou carus, il y a suppres-

sion totale des réflexes et de la sensibilité. Parfois enfin, des alternatives

de torpeur et de lucidité, de dépression et d'excitation, de repos et de

délire ou de convulsions se répètent et se mêlent ; c'est lit le coma vigile

des anciennes terminologies.

11 est important de savoir chercher les causes éventuelles d'un état

comateux. Pour ce faire, chaque appareil doit être interrogé avec soin.

La présence de sang sur la tête fait envisager la possibilité d'un trauma-

tisme : le diagnostic se précise si l'on constate un écoulement de liquide

céphalo-rachidien par le ne ? l'oreille, ou si l'on reconnaît le trait d'en-

foncement de la voûte. On aura soin d'examiner la lace : pâleur ou con-

gestion, déviation, étal des yeux (ecchymose sous-conjonctivale) et des

pupilles; de noter le degré de résolution ou de paralysie, les contractures,

les convulsions. En étudiant les réflexes, il serait du plus haut intérêt de

constater l'extension des orteils (Babinski). ce qui impliquerait la certi-

tude d'une altération organique du faisceau pyramidal. Signalons encore

que des renseignements importants peuvent être fournis par l'haleine

(odeur d'acétone), les vomissements (présence de laudanum par exemple),

par la constatation d'oedènws, par l'examen des urines, du pouls, de la

respiration. Il est important de connaître et de suivre la température,

d'interroger l'état des viscères : il peut y avoir une pneumonie; le pa-

ludisme se décèlera par sa sptenomegatie. La peau peut présenter toute

une série d'indices, de premier ordre parfois : diabetidcs, éruptions

APOPLEXIE ET COMA. 1 R : i

furonculeuses traduisant également le diabète, plaques rosées de l'in-

toxication oxycarbonée, traces de violence (pendaison, strangulation).

Nous insisterons enfin sur la valeur de la ponction lombaire. On peut

trouver du sang (hémorragies des méninges ou des centres nerveux), de

la lymphocytose (méningite tuberculeuse, syphilis), de la pôlynucléose

avec microbes variables (méningites aiguës), plus simplement parfois de

l'hypertension, isolée ou associée à une faible lymphocylose (saturnisme).

Diagnostic différentiel du coma. Le coma étant un sommeil mor-

bide, ressemblera plus ou moins à tous les états qui comportent la

suppression ou l'affaiblissement de la conscience et du mouvement. Le

diagnostic peut donc être très difficile, surtout dans les cas atténués.

Le coma proprement dit montre une atteinte plus profonde de l'orga-

nisme que la somnolence des infectés ou l'assoupissement des conva-

lescents. Ces derniers donnent fréquemment d'un sommeil profond et

prolongé; mais cet état réparateur ne s'accompagne ni d'altération des

traits, ni de troubles des sensations. Le réveil est facile en général; et

les idées reprennent alors leur cours normal.

La stupeur est une prostration spéciale : le malade est hébété; on a de

la peine à fixer son attention, il ne se plaint pas, ne répond pas aux

questions posées, garde un instant les attitudes imposées, et cependant

cet état n'est ni le sommeil ni le coma. Il s'agit dune véritable inhi-

bition, d'un épuisement intense de l'organisme, en tous points compa-

rable à la stupeur locale des tissus contusionnés. Il y a lit une suspension

relative des échanges vitaux; et de même que localement it la stupeur

finissent par succéder la mortification et la gangrène, de même la stu-

peur générale est d'un pronostic sévère, et si elle n'est pas encore, le

coma, elle le précède souvent cependant. On la rencontre surtout chez

les épuisés et les grands traumatisés, niais également dans certaines

intoxications (urémie) ou bien au cours de la méningite tuberculeuse.

La léthargie, la catalepsie et 1" /¡ ! J/J110se sont encore des sommeils

morbides, spontanés on provoqués. On constate dans le premier de ces

états l'absence des réflexes, l'affaiblissement du pouls et de la respiration

et surtout t'tlyperexcitabititeumscntaire si spéciale. Nous insisterons sur

les attitudes figées de la catalepsie; ce trouble ne se rencontre pas seu-

lement dans l'hystérie, mais encore au cours des intoxications chroniques

comme l'urémie, des infections profondes comme la lièvre typhoïde, les

pneumonies graves, les méningites bacillaire ou à trypanosomes (maladie

du sommeil), etc. Dans ta genèse du sommeil hypnotique intervient la

suggestion. A côté de tous ces syndromes dans lesquels sans exception

l'état général reste excellent pendant un laps de temps extraordinaire, le

sommeil hystérique trouve sa place naturelle. On est souvent renseigné

déjà par les données acquises sur la névropathe que l'on examine. Fré-

quemment le début a été soudain, dramatique, marqué par un ictus

L'organisme ne souffre pas. Un battement, rapide fait vibrer les paupières

sur les globes oculaires convulsés, la température est normale, tarespi-

[MOUTIER]

18-4 . - , ' APOPLEXIE ET COMA. / >V .

ration câline, le pouls régulier : les mâchoires se serrent étroitement.

On peut déceler de l'hémianesthésie, constater la persistance du réflexe

abdominal et la flexion des orteils, parfois enfin, par excitation d'une

zone hystérogène, couper d'une crise convulsive le sommeil névropa-

thique. .

Il nous reste à écarter d'un mot l'asphyxie : la prédominance des

accidents circulatoires et respiratoires lui tracent, en dehors même des

conditions déterminantes, un tableau bien distinct du coma. '

Diagnostic étiologique de l'apoplexie et du coma. Ce diagnostic

est souvent difficile, et l'on ne saurait trop insister sur l'importance des

anamnestiques. Il peut être impossible de porter un diagnostic précis

sans l'interrogatoire des parents, des témoins à un titre quelconque. Le

diagnostic est évidemment facile, quand le coma dépend objectivement

d'un traumatisme, d'un empoisonnement, ou survient au cours d'une

paralysie générale, d'une méningite, d'une maladie cardiaque pour les-

quelles on soignait le malade auparavant. Et cependant, même en des cas

semblables, on ne saurait être assez prudent dans ses conclusions; il est

possible en- effet de voir coexister une encéphalopathie diffuse et un

rétrécissement mitral; un syphilitique peut être urémique, et de ce que

l'on a vu se succéder un certain nombre d'ictus anodins chez une hysté-

rique, il ne s'ensuit pas que le nouvel ictus participe a priori à la béni-

gnité antérieure des accidents. '

Le diagnostic de traumatisme est en général évident. Nous avons

insisté plus haut sur la valeur de la ponction lombaire et sur l'existence

des apoplexies tardives. Le traumatisme peut déterminer une contusion

cérébrale ou une compression par hémorragie; dans le premier cas il y

aura plutôt de l'agitation, plutôt de la dépression dans le second.

On constate parfois les contractures localisées de l'épilepsie bravais-

jacksonnienne; il s'agit généralement alors de fractures avec enfon-

cement. Une esquille peut même se détacher de la table interne et

déterminer un trouble morbide intense que l'examen extérieur n'explique

point. Certaines affections cérébrales déterminent également avec le coma

le syndrome jacksonnien; nous énumérerons brièvement la méningite en

plaques et le tuberculome des méninges, les tumeurs et les abcès du

cerveau. Le diagnostic est difficile si le malade est examiné dans le

coma, sans que l'on possède aucun éclaircissement sur la maladie anté-

rieure. Le tracé thermométrique donne peu d'indications dans ces cas.

La constatation de l'oedème papillaire serait évidemment d'un grand

intérêt. - ,

Les hémorragies méningées sont du nombre des affections qui peuvent

amener des convulsions localisées. Restreintes à un segment du corps

ou généralisées, convulsions et contractures sont précoces et d'un grave

pronostic. La ponction lombaire permet d'en distinguer certaines variétés,

mais non toutes; un examen négatif est donc sans valeur. Les grandes

inondations ventriculaires donnent un syndrome analogue.

APOPLEXIE ET. COMA. -Is5

Il.faut savoir que les .méningites dépendant de la bacillose ou de quel-

que infection traumatique ou septicémique (pneumocoque ou ménin-

gocoque), peuvent débuter ou plutôt se -révéler parmi ictus. Plus souvent

à vrai dire il y a somnolence^ ou stupeur et coma progressif. La.ponction

lombaire est ici d'un secours incomparable.

Le plus souvent, les troubles étudiés, ictus et coma, dépendent

el' hél1w1Tagies ou de ramollissements cérébraux. Ces accidents déter-

minent les syndromes typiques que nous avons précédemment décrits.

Il est malheureusement pratiquement impossible de discerner l'hémor-

ragie du ramollissement, et les hypothèses les plus étudiées ne se

vérifient pas toujours à l'autopsie. Cependant, avant 40 ans il s'agit le

plus souvent d'embolie cardiaque ou de thrombose syphilitique; après

cet âge, il n'est plus de données étiologiques précises. La courbe thermo-

métrique ne fournit aucun élément utile. Disons seulement avec Trous-

seau qu'en faveur du ramollissement se trouveront être une évolution

graduelle des accidents, l'absence de perte de connaissance, de choc, en

un mot l'intensité moindre du coma. Une marche violente, une atteinte

profonde des différentes facultés témoigneront plutôt d'une hémorragie.

Encore une fois .ce ne sont que des présomptions souvent contestables.

La ponction lombaire elle-même ne donne pas absolument toujours la-

solution requise.

Il est fréquent d'observer le coma progressif dans la paralysie géné-

Tale, des ictus dans le tabès et la sclérose en plaques. Ces troubles font

aussi partie du syndrome clinique du pouls lent permanent. Enfin, la

grande crise épileptique se termine par une phase de coma légitime avec

hyperthermie fréquente; les antécédents, les signes habituels (miction,

morsures, pétéchies cervicales) révéleront d'ordinaire la cause du mal. -

Il convient d'ajouter que le diagnostic peut rester en suspens, l'urémie,

les tumeurs cérébrales, les méningites, un hématome pouvant déter-

miner des accès épileptiformes.

Certains comas sont encore mal étudiés, tels sont les accidents du

coup de froid et de l'insolation. Leur diagnostic est facile; on sait que.

le coup de chaud s'accompagne d'une hyperthermie (42° à 45°) et d'une

agitation extrêmes (convulsions). Certaines maladies infectieuses,

variole, typhoïde, pneumonie, etc., s'accompagnent également de sopor;

le paludisme présente même des crises comateuses périodiques, que l'on

peut faire disparaître par injection sous-cutanée de quinine.

Innombrables sont les comas toxiques. Leur cause peut être intrin-

sèque ou extrinsèque. La goutte, l'éclampsie, le cancer, les affections

gastro-hépatiques s'accompagnent fréquemment d'assoupissement mor-

bide. Mais l' 1t1'émie et le diabète déterminent des accidents plus

fréquents et plus graves. 11 est rare que le coma s'installe d'emblée; il

est généralement précédé de crises épileptiformes, d'accès de dyspnée

pour l'urémie, de diminution de sucre avec embarras gastrique et odeur

d'acétone en l'haleine, puis de somnolence pour le diabète. Le visage est

[MOUTIER.]

186 APOPLEXIE ET COMA.

pâle dans les deux cas, la respiration coupée de pauses et inégale dans le

premier (Cheyne-Stokes),. suspirieuse et profonde dans le second

(Kussmaul-King). L'urine retirée de la vessie montre du sucre chez

celui-ci, de l'albumine chez cet autre. Nous n'insistons pas sur les signes

capables d'affermir le diagnostic, bruit de galop ou furonculose, etc.

Il convient de remarquer que l'enfant réagit avec intensité et présente

plus souvent des convulsions que de la dépression. Chez lui s'observent,

en dehors des néphrites, des méningites, causes banales, quelques fac-

teurs 'spéciaux de coma. tels l'helminthiase et la dentition.

Il nous reste à examiner les comas par intoxication extrinsèque. Le

diagnostic en est difficile, parfois impossible. si l'on ignore l'agent causal.

De plus, beaucoup de médicaments déterminent les mêmes réactions

morbides, et cela ne laisse point que de restreindre les éléments de

diagnostic en diminuant la valeur de la plupart d'entre eux. Les acci-

dents causés par les aliments, par les champignons sont de deux ordres :

excitation ou dépression. Il existe nettement deux catégories de poisons,

les uns convulsivants, les autres paralysants; les pupilles sont tantôt

punctiformes, tantôt dilatées. Ces accidents s'accompagnent généralement

de troubles gastro-intestinaux à grand fracas. Du reste, il n'est pas de

'toxique qui ne puisse amener le coma; beaucoup, à vrai dire, déter-

minent plutôt de la stupeur et du collapsus avec hypothermie que du

coma proprement dit, les centres circulatoires et le coeur lui-même étant

particulièrement touchés.

L'action de l'alcool est généralement renforcée par le froid : l'al-

coolique comateux est, pour cette raison, secoué d'ordinaire d'un

grand frisson de défense. Si les antécédents étaient inconnus, on pour-

rait se guider sur les vomissements et le caractère spécial de : toutes les

déjections de l'ivrogne. Il faut bien savoir que toute haleine empestant

l'alcool ne traduit pas une intoxication par ce produit; la charité popu-

laire se fait un devoir, en effet, de verser un cordial alcoolique entre les

dents de tout homme ramassé sans connaissance; ce petit détail est utile

à retenir.

Dans l'intoxication par Yoxyde de carbone existent de la congestion

du visage, des plaques rosées sur le corps. Le sang veineux coule ruti-

lant et présente un spectre caractéristique. Le coma est généralement

précédé de convulsions violentes. La convalescence, si le malade survit,

est longue, et marquée d'accidents nombreux, polynévrites, troubles

trophiques. Des convulsions encore précèdent d'ordinaire l'installation

du coma chez les saturnins. Celui-ci est donc rare d'emblée : délire ou

accès épileptiformes annoncent l'imminence des accidents nerveux plus

graves. L'urémie ressemble à s'y méprendre au saturnisme; les deux

intoxications impriment à la respiration le rythme de Cheyne-Stokes,

mais il y a plutôt mydriase lorsque le plomb est en cause, myosis s'il

s'agit de brightisme.

Le coma est parfois précoce, plus souvent tardif dans l'empoisonne-

APOPLEXIE ET COMA. 1X7

nient par le phosphore. Il se peut que on aie connaissance de la gastro-

entérite et de l'ictère antérieurs. Le foie est gros; la vessie ne renferme !

que quelques grammes d'une urine extrêmement albuinineuse; les

excréta présentent une odeur alliacée et une luminosité caractéristiques.

L'arsenic provoque unc yastro-cntéritc ciïrayante, cholériforme; le

malade est extrêmement cyanose, et le coma est coupé de convulsions

intenses. ,

Le myosis caractérise les accidents dus aux opiacés, la mydriase les

accidents déterminés par les solanées (belladone, atropine, jusquiame).

De la congestion et du délire accompagnent ceux-ci, de l'hypothermie et

de la pâleur ceux-ta. Les hallucinations sont très violentes; et l'on peut

parfois reconnaître grâce aux vomissements, à leur odeur, aux taches

empreintes sur le linge, l'agent efficient, laudanum d'ordinaire.

L'aconit, la strychnine, la digitale déterminent de la mydriase; le

pouls est misérallle et cléyressihle clans le .premier cas, extrêmement

ralenti dans le dernier. L'intoxiqué par l'aconit présente une somnolence,

un coma progressifs; s'il peut s'exprimer encore, il accusera un froid

intense et des fourmillements pathognomoniques aux extrémités, notam-

ment au bout du nez. Quant il la strychnine, ce toxique détermine un

véritable tétanos expérimental.

Traitement. Au moment de l'ictus, il convient de débarrasser le

malade des obstacles au fonctionnement de la circulation et de la respi-

ration. S'il existe un état syncopal marqué, on aura recours aux stimu-

lants dil1usibles tels que l'acétate d'ammoniaque, la cannelle, et surtout

aux injections sous-cutanées de caféine et d'éther. Si le visage est

vuttueux, s'il y hypertension manifeste du pouls, on pourrait, à la

rigueur, pratiquer une saignée on mettre quelques sangsues aux mas-

toïdes. En réalité, en dehors des accidents toxiques, urémie, empoi-

SOIlI1l'tlI('lll oxycarboné où la saignée a une indication précise, immédiate,

il vaut mieux ne pas saigner. La glace sur la tête, les injections de

sérum sont pour le moins inutiles ; on pourra mettre des sinapismes aux

jambes. Dans les intoxications, les tractions rythmées de la langue peu-

vent être d'un grand secours. Mais encore une fois, les causes d'un ictus.

d'un coma sont si multiples, que l'on ne saurait poser que des prin-

cipes très généraux.

On veillera au bon fonctionnement des réservoirs; un lavement sera

administré, la vessie sera évacuée. Enfin, sous prétexte de ne pas exposer

les comateux aux pneumonies de déglutition ou il la mort par suffoca-

tion, on ne laissera pas les malades se caehectiser faute de soins; et si la

déglutition est impossible ou dangereuse, on pratiquera le gavage à la

sonde. On vérifiera soigneusement la mise en place de l'instrument dans

l'oesophage (il y a cyanose si la sonde se trouve glissée dans les voies

aériennes). Ainsi, l'on pourra maintenir, prolonger les malades, et celle

prolongation est de première importance dans une affection où le

médecin est réduit il suivre au jour le jour l'évolution des phénomènes.

[MOUTIER] ]

188 APOPLEXIE ET COMA. -

Beaucoup de comateux par hémiplégie ou ramollissement meurent en

effet tout simplement de faim.

Après l'ictus, pendant le coma proprement dit, on veillera surtout aux

soins hygiéniques ; un matelas d'eau, des linges propres et même stéri-

lisés permettront, dans la mesure du possible, d'éviter les escarres. Au

cas où celles-ci, malgré tout, surviendraient, des pansements il l'eau

oxygénée, au permanganate de potasse, à la vaseline stérilisée additionnée

ou non de substances épidennisantes, la pondre de Lucas-Champion-

nière, permettraient d'enrayer les accidents. Le massage méthodique

des bords de la perte de substance serait, d'après Teller, un très utile

adjuvant. On asseoira le malade et on le fera se lever le plus tôt possible

afin de prévenir les troubles tropho-infectieux de la peau, afin de lutter

également contre l'hypostase et la pneumonie. L'cau-de-vie allemande

et surtout les lavements viendront à bout des constipations opiniâtres;

on surveillera toujours avec soin l'évacuation de la vessie.

L'alimentation sera modérée, laitages et bouillon. Si le malade se réta-

blit, il s'astreindra au régime le plus sévère : il ne devra, ni fumer,

ni boire ; il mangera peu de viande et s'alimentera légèrement le soir.

On s'efforcera enfin de rééduquer, s'il y a lieu, l'aphasique ou le para-

lytique. '

SOMMEIL MORBIDE, INSOMNIE

par le Dr MOUTIER

SOMMEIL MORBIDE

Le sommeil normal est la suspension de l'activité cérébrale volontaire.

Il n'existe pas d'anesthésie pendant sa durée. Le réveil est facile et ne

s'accompagne jamais d'amnésie pour les événements antécédents. Les

sommeils morbides présenteront donc à des degrés variables des carac-

tères opposés.

Le degré le plus atténué des sommeils morbides est la somnolence, le

plus accusé le coma, étudié précédemment. Dans la somnolence, le

malade a tendance il s'endormir il toute heure, en toute situation (H<7 ? 'co-

lepsie). Il est presque constamment assoupi, obnubilé; et s'il est aisé de

faire cesser, au moins relativement, cet état de torpeur, l'éveil est de

peu de durée, et le sommeil reparaît. Cette somnolence s'observe au

cours des grandes pyrexies. chez les convalescents, chez les accou-

chées, d'une façon générale chez tous les blessés, chez tous ceux qui ont

eu à subir un choc physique ou moral les ayant profondément déprimés.

Les intoxications provoquent encore l'assoupissement, trahissant en

maintes circonstances l'imminence du coma. Dans le vertige paralysant

de Gercer, au cours de l'évolution de la polioencéphalile supérieure,

aiguë, s'observent également des périodes de somnolence. Ces affections

sont, à vrai dire, de la plus grande rareté.

Une somnolence irrésistible, répétant incessamment ses attaques,

terrassant le malade; pour ainsi dire sans répit, le surprenant au milieu

d'une phrase, coupant un geste ébauché, s'observe au cours de la mala-

die du sommeil (méninge-encéphalite diffuse à trypanosomes). Le

sommeil est léger, facilement interrompu. Le malade demeure entre ses

crises hébété, le regard atone, présentant tous les signes d'une obnu-

hilalion intellectuelle profonde. Le diagnostic est en général aisé. La

maladie du sommeil présente une aire géographique particulière : les

malades observés en Europe ont séjourné au Sl'l11'gal ou dans la région

des grands Lacs. On peut déceler des trypanosomes dans le liquide

céphalo-rachidien. Il existe une asthénie extrême, de la céphalée, du

tremblement lingual, un certain degré de myotonie, mais les troubles

[MOUTIER.]

1 \10 SOMMEIL MORBIDE. ,

pupillaires font défaut. Insistons enfin sur l'hypertrophie ganglionnaire

et sur l'existence dune fièvre rémittente il grandes oscillations. On a

pu décrire également dans une autre méningite, dans la méningite tuber-

culeuse du nourrisson, une forme somnolente (Lesage et Alrami). Au

début existent seulement les accès de sommeil, mais « peu il peu, la

somnolence s'accentue, l'enfant dort constamment, ne se réveille que;

pour boire et se rendort dès qu'on cesse de l'exciter. La somnolence;

aboutit enfin aun coma profond ». '

Le sommeil, dans les tumeurs cérébrales, peut se présenter sous deux

formes. On observe soit des accès de somnolence passagère, soit de

véritables crises d'un sommeil souvent intense, persistant plusieurs

semaines ou même plusieurs mois. Le début de telles crises peut être

progressif chez un malade présentant par ailleurs divers symptômes de

tumeur encéphalique. Il peut au contraire être brusque, survenir en

pleine santé, présenter tous les caractères d'un signal-symptôme. Con-

fondu jadis avec le sommeil hystérique, le sommeil symptomatique d'une !

néoplasie cérébrale est souvent d'un diagnostic délicat. La coexistence

d'hémiplégies transitoires ou non, la constatation d'une stase papillaire,

contribueront il discerner l'étiologie précise. Ajoutons que ce sommeil

symptomatique est un phénomène inconstant : on l'observe dans certains

cas, il manque en un grand nombre d'observations sans qu'on en puisse

pressentir la raison. Il en existe plusieurs types. Nous distinguerons,

avec Raymond, des accès d'un sommeil normal ou presque : les malades

se réveillent facilement, causent et mangent élans l'intervalle des accès.

Dans un second ordre de faits, il existe une somnolence, une torpeur

continues avec obnubilation au réveil. Enfin, le sommeil de plus en plus

profond fait place au coma : le réveil est il peu près impossible.

On peut observer des phénomènes analogues (torpeur, sommeil) au

cours de la syphilis nerveuse; mais celte éventualité demeure exception-

nelle, l'insomnie, plutôt que le sopor, étant (le règle au cours de la

syphilis cérébrale. Dans la paralysie générale au contraire, la narco-

iepsic est fréquente. Elle l'est encore, mais avec des caractères plus

tranchés, dans l'épilepsie. Les malades éprouvent un besoin de dormir

subit, irrésistible, de courte durée en général, se reproduisant il des

intervalles plus ou moins rapprochés. Ce sommeil impérieux est accom-

pagne de ronflements; il précède parfois la crise épileptiquc légitime;

il en est le plus souvent un équivalent. Le sommeil est ici des plus

profonds. '

Au cours des sommeils morbides que nous venons de passer rapide*

ment en revue, le malade endormi demeurait inerte, passif en un mol.

Dans une série de faits tout différents, la période; de sommeil n'est nulle-

ment une période de repos absolu. Le cerveau du malade et le malade

lui-même, en partie du moins, présentent une certaine activité. Il en est

ainsi dans les sommeils artificiels observés chez les hystériques. Ces

états morbides sont en effet moins des sommeils que des manières

SOMMEIL MORBIDE. 1 fH

d'exister ou de vivre différentes de l'état normal, distinctes de lui

par l'amnésie qui suit le retour a la normale. Aussi un certain nombre

d'entre eux ont-ils été ajuste titre qualifiés d' « états seconds ».

Ces sommeils artificiels peuvent se, grouper en deux séries, selon

qu'ils s'accompagnent ou ne s'accompagnent pas d'ambulation.

Le sommeil sans aazbulotioa2 s'observe chez les hystériques ainsi que

dans les états cataleptiques associés. Le sommeil hystérique survient

chez les prédisposés par l'effet d'une émotion ou d'un traumatisme

insignifiants ou violents. 11 s'observe généralement chez les individus

présentant de grandes crises. Le malade tombe foudroyé (forme apoplec-

tique), ou s'assoupit doucement (forme narcoleptique). Le sujet endormi

ne ronfle pas. 11 demeure pâle, froid, les extrémités cyanosées. Le

système, musculaire n'est jamais en état de résolution complète; il existe

même fréquemment un degré notable de contracture. On observe tou-

jours un frémissement caractéristique des paupières et de l'orbiculaire.

Le pouls, la température de la respiration sont calmes le plus souvent.

11 existe; parfois de la suggestibilité pendant le sommeil. La durée de

ce dernier peut être de quelques minutes à plusieurs mois, à plusieurs

années. Il se manifeste toujours en ces cas une dénutrition intense.

La fin de la crise peut être calme, le réveil se faisant doucement,

mais une crisc convulsive la marque le plus souvent.

Les sommeils avec aanbaclatioz sont de deux ordres : spontanés (som-

nambulisme) ou provoqués (hypnose). Le somnambulisme est un état

morbide de l'enfance et de l'adolescence. C'est un sommeil, c'est-à-dire

un état d'obnubilation intellectuelle, au cours duquel un certain nombre

d'actes sont exécutés comme à l'état de veille, en apparence du moins.

Le somnambule se couche et s'endort comme d'habitude; mais il est rare

qu'une crise survienne sans que quelque fatigue ou quelque contrariété

n'aient troublé l'équilibre nerveux du sujet. Au milieu de son sommeil,

le dormeur marmotte, mâchonne, puis se lève, va, vient, travaille,

exécute souvent des actes dangereux (marche dans des conditions d'équi-

libre fort difficiles il maintenir, notamment). 11 se déplace les yeux mi-clos

ou grand ouverts, le regard fixe, les pupilles immobiles. L'anesthésié du

léguaient est complète; il existe même un certain degré d'anesthésie ou

mieux d'inhibition sensorielle : le somnambule, par exemple* ne voyant

que les seules lumières allumées par lui. Au bout d'un temps variable,

le dormeur se recouche. L'oubli est complet au réveil : tout s'est passé

dans la sphère du rêve.

L'hypnose n'est autre qu'un somnambulisme provoqué. C'est un

sommeil artificiel obtenu par suggestion. On l'obtient soit par l'influence

d'impressions sensorielles monotones (fixation .d'objets lumineux, audi-

tion de sons et de timbres constants, ou même isolement sensoriel

absolu), soit par l'influence d'une volonté étrangère (suggestion propre-

ment dite). Les effets du sommeil hypnotique ont été classés un peu

artificiellement par l'ancienne école de la Salpêtrière en léthargie, cata-

[MOUTIER.]

192 . INSOMNIE.

lepsie et somnambulisme. Il existe élans la léthargie une hyperexcitabitite

neuro-musculaire très intense; dans la catalepsie, au contraire, de la

contracture et la possibilité de garder presque indéfiniment les attitudes

les plus fatigantes. Dans le somnambulisme, le sujet hypnotisé subit les

différentes suggestions de son magnétiseur, sans que d'ailleurs la volonté

de celui-ci aille jusqu'à pouvoir lui faire exécuter autre chose que des

crimes de laboratoire avec des armes inoffensives. Il existe dans cet état

une hyperexcitabilite non plus neuro-musculaire comme dans la lé-

thargie, mais cutanéo-iuusculaire. L'oubli au réveil est en général

absolu. Fort en honneur il y a un certain nombre d'années, les études et

les méthodes hypnotiques ont perdu de leur ancien intérêt et de leur

prestige depuis que l'on a reconnu leurs inconvénients et même leurs

dangers.

Le somnambulisme spontané peut envahir la vie normale, se substi-

tuer finalement à elle. Il se constitue ainsi un véritable dédoublement

de la personnalité; un état second existe il côté de l'étal, primitif

de l'individu. Il se produit souvent des crises convulsives au départ

des deux états, Il semble finalement que l'état do veille soit l'état normal,

d'où le nom de vigilamblllisme donné il cet automatisme envahissant.

L'oubli est le plus souvent complet d'un état, pour l'autre; il se peut

cependant que. les malades en état de viguambutismc, souvent plus

alertes, plus intelligents que dans la vie ordinaire, primitive, aient

conscience et souvenir de cet état primitif.

Enfin, l'on peut, dans un certain nombre d'étals morbides, chez les

hystériques, les épileptiques, les alcooliques, observer des accès d'auto-

matisme ambulatoire spécial, avec amnésie au réveil. Ce sont là de véri-

tables fugues, il bien distinguer toutefois des déplacements impulsifs,

mais conscients, des aliénés voyageurs. Dans l'automatisme ambulatoire

que nous éludions ici, l'acte est soudain, irrésistible, ou précédé d'une

aura. Il est accompli intelligemment, sans violence, mais il est le plus

souvent sans but précis. Le malade part, voyage, sans que ce voyage ait

d'utilité, ou soit même en rapport avec les occupations normales ou les

préoccupations habituelles du sujet. L'absence peut durer plusieurs

jours, plusieurs mois, et le malade se réveille; parfois dans une ville

étrangère, sur un rivage ou sur une route totalement inconnus de lui, il

des centaines, il des milliers de kilomètres de son point de départ.

INSOMNIE

L'insomnie présente plusieurs modalités cliniques : ou bien le som-

meil larde à venir, ou bien les nuits sont (col11'técs, ou bien encore le

malade s'endort, mais se révcille bientôt, pour se rendormir avec une

difficulté plus ou moins grande. Ce sommeil coupé se trouve d'ailleurs

INSOMNIE. : 195

rendu plus pénible, encore par l'existence fréquente de cauchemars terri-

fiants..

L'insomnie résulte toujours d'une excitation anormale du système ner-

veux; mais elle peut être de cause générale, dépendre dune affection

systématisée, ou provenir d'une maladie strictement nerveuse ou mentale.

Les fautes d'hygiène et d'alimentation, l'abus des médicaments sont

une cause fréquente d'insomnie. II en est de inouïe de toutes les intoxi-

cations; et l'insomnie au cours du diabète, de la goutte, de l'urémie,

chez les alcooliques enfin acquiert une véritable valeur pronostique. Les

maladies chroniques la déterminent aussi. Les tuberculeux, les syphi-

litiques à la période secondaire dorment peu et dorment mal; il en est

de même encore au cours des affections cardiaques, dans les grandes

maladies de l'appareil digestif (notamment dans le cancer gastrique).

Un grand nombre d'affections aiguës chassent également le sommeil.

Dans un certain nombre de cas, l'éréthisme nerveux est particulière-

ment intense, et l'insomnie presque absolue peut s'observer. Il en est

ainsi chez les prurigineux, chez les sujets présentant une excitation

génitale anormale, ehez tous ceux qui souffrent enfin. L'insomnie est

notamment de règle au cours des névralgies.

L'insomnie symptomatique d'une affection nerveuse particulière est

rare; il n'est guère à citer dans cet ordre d'idées qur l'insomnie pl'od1'o-

mique des crises d'épilepsie.

Les préoccupations sont des causes fréquentes, banales d'insomnie.

Ces préoccupations sont tout spécialement intenses chez les aliénés, l'idée

fixe écartant toute possibilité de repos. Ajoutons que certains individus

ne peuvent parvenir il trouver le sommeil parce qu'ils ont peur de ne

pouvoir s'endormir, éprouvant de ce chef une véritable anxiété dès qu'ils

s'étendent. C'est là une véritable phobie de l'insomnie.

Signalons enfin l'insomnie évolutive ou insomnie dite essentielle des

vieillards. Il est fréquent, de rencontrer quelque intoxication rénale ou

hépatique à l'origine de celle variété.

11 est autant de traitements que de formes d'insomnie. On traitera ce

trouble morbide par la thérapeutique spécifique de la maladie causale;

on supprimera l'intoxication médicamenteuse, on instituera le régime

lacté ou la cure de déchlomration s'il y a lieu. Dans certains cas les ana-

phrodisiaques. dans d'autres les calmants directs de la douleur, opiacés,

cocaïne, seront les agents de choix. Enfin, les : lI1tine\'Yins proprement

dits, comme la valériane et les bromures auront leur part d'indications

précises. L'hydrothérapie (enveloppements froids, bains tièdes prolon-

gés), est un très utile adjuvant en la plupart des cas. Les hypnotiques

vrais doivent être au contraire maniés avec prudence : leur action

s'épuise vile, l'innocuité n'en est point toujours parfaite. Leur emploi est

il recommander seulement dans l'insomnie des neurasthéniques, des snr-

menés, des mentaux en général.

I'n.vruye XI : UR01.. 13

[MOUTIER.]

LES TROUBLES DE LA PAROLE

par le D MOUTIER

En dehors de l'aphasie, qui fera l'objet d'un chapitre spécial, le lan-

gage oral peut présenter des troubles variés dans un grand nombre

d'états pathologiques.

TROUBLES DU LANGAGE ORAL

Une démarcation fondamentale s'établit entre les malades présentant

de la mutité et les malades capables encore de suivre une conversation.

d'une façon si décousue soi t -elle.

1. Toute conversation est impossible avec le malade.

L'on se trouve en face d'un véritable muet. Il faut rechercher si celle im-

possibilité de converser tient à ce que le malade ne perçoit pas les ques-

tions posées, ou bien il ce que, tout en les comprenant, éventuellement,

il ne peut formuler sa réponse.

A) La parole n'est pas comprise. On sait que tout phénomène de

perception se décompose en deux actes élémentaires, un acte sensoriel

d'enregistrement simple, un acte intellectuel d'interprétation. Le trouble

de la compréhension du langage oral peut donc tenir soit à un (rouble

sensoriel périphérique, soit à un trouble de l'intelligence centrale.

a) Le malade entend-il les paroles qui lui sont adressées ?

L'examen de l'audition est extrêmement important et prime toute autre

recherche chez tout homme dont la compréhension du langage est défi-

ciente. Il ne suffit pas de s'assurer si le malade entend des bruits gros-

siers et intenses tels que ceux produits par le choc d'un couvercle de

métal, d'un objet en verre ou d'une claque dans les mains. tant recher-

cher l'état de l'audition pour les bruits plus délicats, tels que le tic-tac

de la montre, la vibration du diapason, etc. Il peut s'agir de surdité l'ul-

gaire, acquise ou congénitale (surdi-mutité) ou de; surdité labyrinthique.

Dans ce dernier cas, l'affection débute souvent par nn ictus; les phéno-

mènes fluctuent d'un jour à l'autre; les paroles prononcées sur union

normal mais articulées nettement, en détachant soigneusement les syl-

labes, sont souvent mieux saisies que les sons émis avec force et sur un

Ion élevé.

LES TROUBLES DE LA PAROLE. 1115

b) Le malade ne présente pas de trouble sensoriel. Il entend les

paroles, mais ne les comprend pas. On explore avec soin, en telle

occurrence, l'état général de l'intelligence. Le malade se rend-il seule-

ment compte que l'on cherche à nouer conversation avec lui ? Semblable

trouble s'observe chez les idiots, les aliénés, les déments organiques.

Il est assez fréquent d'observer en pareil cas, non pas une mutité

absolue, mais une nullité relative. Le malade peut parler, se tient il lui-

même des discours plus ou moins intelligibles, mais demeure silencieux

dès qu'on lui adresse la parole, et parait absolument ignorant des questions

posées .

Un malade qui ne comprendrait pas le langage oral malgré l'intégrité

de l'appareil auditif périphérique, malgré l'intégrité de l'intelligence

générale, devrait être tenu pour atteint de surdité verbale (Voir au cha-

pitre de l'ApHASIE). Nous faisons de grandes réserves sur la validité cli-

nique de cette l'orme, et croyons avec Pierre Marie que les cas de surdité

verbale pure publiés il ce jour relèvent simplement du cadre des sur-

dités d'origine périphérique.

t 13) Le malade comprend ce qu'on lui dit mais il n'exprime pas sa

pensée. Il est il cela trois ordres de raisons, soit que le malade ne

sache pas parler, soit qu'il ne le puisse pas, soit qu'il ne le veuille pas.

a) Depuis l'enfance, le malade ne sait plus 01/ n'a jamais su parler.

Dans cette catégorie rentrent les cas de surdi-mutité et ceux connus

sous le nom d'audi-ozutité. On sait que le plus grand nombre des sourds-

muets conserve en général quelques vestiges d'audition, ceux-ci étant

plus accusés dans la surdi-mutité congénitale que dans la surdi-mutité

acquise. `

On sait encore que le plus grand nombre des sourds-muets doivent

leur incapacité de parler il la surdité existant, soit dès la naissance, soit

dans l'enfance, puisque; les enfants ayant parlé mais devenant sourds il (i,

7 ans et même plus tard, sont frappés consécutivement de mutité. 11 est

rare épie cette mutilé soit absolue : les sourds-muets peuvent souvent

dire pa-pa, ma-ma. Les quelques mots conservés sont prononcés avec

une raucité très caractéristique qui persiste et caractérise encore leur

parole lorsqu'on arrive il les « éduquer ».\1L illl]JOrI(" au point de vue

dune hérédité possible; pour les descendants, de distinguer la surdi-

nuttité acquise de la siireli-mulité congénitale, infiniment plus grave.

La surdi-mutité vraie doit être' distinguée de la surdi-mutité hysté-

rique étudiée par Launois et son élève F. Chavanne. Celle-ci a plus sou-

vent un début brusque, fréquemment, traumatique. La durée en est géné-

ralement plus courte; la guérison peut être aussi brusque que le début.

On peut observer aussi la simulation de la surdi-mutité. On se souvien-

dra épie le sourd-mue) véritable ne fait jamais de fautes d'orthographe

puisqu il ne connaît les mots que par leur physionomie graphique, tandis

qu'un simulateur peu instruit sera bien plus porté à commettre des fautes

de ce genre. , : : .

[MOUTIER.]

100 LES TROUBLES DE LA PAROLE.

Quant Il l'attcli-nttclité (aphasie congénitale de ! ul>sm;ml), c;lle consiste

en ce que l'enfant, tout en entendant, est cependant muet. Il va de soi

que, par définition, il ne s'agit ici nullement d'idiots, mais d'enfants

âgés d'au moins on 4 ans (car, plus jeunes, on pourrait incriminer un

simple retard de la parole), chez lesquels l'intelligence semble normale

Mais l'est-elle réellement ? Il semble bien difficile de l'affirmer, quoique

plusieurs auteurs dignes de foi assurent qu'il en était ainsi dans quelques-

uns des cas observés par eux.

1) Le uzalccde zzr peztt as pazler (ou du moins, il ne peut émettre'

qu'un nombre de mots tout il fait insuffisant il assurer l'échange des

idées). La suppression du langage oral dépend ici de causes multiples. Le

trouble peut être d'origine périphérique ou d'origine centrale, et dans ce

dernier cas, le langage intérieur peut être intact ou non.

1° La mutité d' origine périphérique peut dépendre de malformation*

congénitales ou acquises des lèvres, de la langue, du voile du palais,

du larynx. Des paralysies laryngées peuvent également la déterminer,

soit par lésion du récurrent, soit par altération du tronc même du pneu-

mogastrique. La non-utilisation de la colonne d'air expiré peut égale-

ment déterminer le silence verbal.

20 La mutité relève de lésions centrales : le langage intérieur est

intact. Le malade sait très bien ce qu'il veut dire et quels mots il doit

employer, mais il est incapable de les prononcer. C'est là toute la série des

anarthries auxquelles viennent s'ajouter les dysarthries suffisamment

prononcées pour qu'une conversation soit matériellement impossible il

suivre.

Dans la sclérose latérale amyolrophique, l'anarlhie dépend des para-

lysies nucléaires ou sous-nucléaires de la phonation et de l'articulation. 11

s'agit ici de paralysies bulbaires vraies accompagnées d'amyotrophie et

de contractions librillaires des muscles atteints.

L'athrophie musculaire et les contractions fibrillaires font défaut dans

la paralysie d'origine cérébrale ou paralysie pseudo-bulbaire. Les ma-

lades présentent du rire et du pleurer spasmodiques, des signes évidents

d'hémiplégie cérébrale double, généralement plus accusée d'un certain

côté : Il existe de la dysphagie. Le voile est plus ou moins paralysé, le

souffle court. La colonne; d'air expiré semble mal utilisée (dyspneumie de

Pierre Marie). La bouche est entr'ouverte, laissant couler une salive abon-

dante. La paralysie labio-glosso-laryngée est d'abord incomplète : seules

les gutturales sont émises de façon défectueuse. Puis les labiales, les den-

tales sont étouffées. Le langage devient explosif, mais nasonné, assourdi,

étouffé, indistinct. Les malades parlent avec effort : ils ébauchent tous

les mots, mais aucun d'eux n'est complètement formé. Finalement, la

parole se réduit il un grognement incompréhensible. Les pseudo-bulbaires

d'abord et surtout, les dysarthriques, linissent par présenter une mutité

complète. Cette éventualité est rare et tardive. Mais même il cette époque

où leur langage est encore un peu' distinct, l'effort verbal est tellement

LES TROUBLES DE LA PAROLE. 197

pénible il ces malades, que la conversation leur répugne et qu'ils préfè-

J'('I1 ! . toujours écrire. Ils écrivent d'ailleurs de façon intelligible, limités

seulement sur ce point par le degré de leur paralysie motrice.

Il existe; un autre type d'anarthrie tout à fait différent du précédent.

Les malades atteints ne peuvent, contrairement aux pseudo-bulbaires.

ébaucher tous les mois, mais les mois qu'ils articulent, ou du moins

un grand nombre d'entre eux, sont complètement et correctement

formés. L'on ne constate bien entendu aucun signe manifeste de para-

lysie des organes de la phonation ou de l'articulation. L'intelligence est

rigoureusement intacte; le malade s'exprime facilement par gestes ou

parle moyen de l'écriture. Cette anarthrie coïncide toujours, semble-t-il,

avec une hémiplégie droite plus ou moins intense, mais généralement

assez prononcée. Elle dépend dune lésion en foyer située au niveau de

la zone lenticulaire (Pierre Marie) de l'hémisphère gauche, celte zone,

étant constituée par un quadrilatère cérébral compris entre deux plans

frontaux passant par les sillons marginaux antérieur et postérieur de

l'insula, entre deux plans sagittaux tangents en dehors au cortex insu-

laire, en dedans à l'épendyme ventriculaire. Cette variété d'anarthrie

est celle qui, se combinant avec un degré plus ou moins accusé d'aphasie

de Wernicke, réalise l'aspect clinique complexe du syndrome connu sous

le nom d'aphasie de Broca.

5" Le langage intérieur n'est pas intact. Il s'agit ici de l'aphasie

proprement dite ou aphasie de Wernicke (qui sera étudiée dans un cha-

pitre spécial). Il existe tout il la fois un trouble de la forme extérieure du

langage et un trouble intime de l'idéation.

C) Le malade ne veut pas parler. Dans quelques affections men-

tales s'observe un mutisme voulu. Ces faits doivent être, présents à

l'esprit du clinicien, qui sans cela risquerait de prendre pour une

aphasie maxima, ce qui n'est qu'un mutisme d'origine vésanique.

Ce mutisme peut dépendre; d'une idée délirante ou d'une préoccupa-

tion hypocondriaque, ou traduire simplement, ainsi que le fait observer

Séglas, la stupeur d'une dépression intellectuelle extrême. Enfin, les

affaiblis de l'intelligence, les déments, les idiots se taisent parce qu'ils

n'ont rien à dire. Ils demeurent sans paroles, parce qu'ils sont sans

idées. Ce sont les alogiques des anciennes classifications.

A côté du mutisme vésanique se place le mutisme hystérique, magis-

tralement décrit par Charcot. Dans ce mutisme, fréquemment intermit-

tent, le malade est simplement aphone, c'est-à-dire qu'il ne peut parler,

mais qu'il comprend les mots lus ou entendus, et qu'il peut s'exprimer

librement par l'écriture. Il ne peut ni chuchoter, ni même imiter les

mouvements d'articulation verbale de son interlocuteur. Le muet hysté-

rique cherche en effet il se faire comprendre tandis que le muet vésa-

nique est le plus souvent apathique. L'hystérique est expansif, l'aliéné

s isole. Séglas fait observer que certains aliénés, « tout en ne parlant

pas, écrivent ou se servent d'une mimique expressive. Mais alors, le fait

, [MOUTIER.] ]

J ! 1R LES TROUBLES DE LA PAROLE.

capital sur lequel on pourra se fonder, c'est que ces aliénés ne sont pas

aphones, et souvent, s'ils s'excitent, ils font entendre des sons plus on

moins articulés; parfois même on les surprendra à parler seuls, fut-ce

à voix basse. »

Il. Le malade peut exprimer ses pensées et une con-

versation avec lui est possible, mais son langage est

troublé de diverses manières. Ces troubles peuvent porter sur

la phonation et l'articulation des mots (dysarthries), sur le débit de la

parole, sur la constitution même et la formation des mois on des phrases.

A) Troubles de la phonation et de l'articulation. La dysarthrie

est un trouble moteur des organes de la phonation ; elle peut être d'ori-

gine paralytique ou d'origine spasmodique. Ces deux éléments, la para-

lysie et la spasticité, concourent parfois à la réalisation des syndromes

morbides.

Les troubles observés chez les dysarthiques portent soit sur la phona-

tion (larynx), soit, sur l'articulation (voile du palais, joues, lèvres,

langue). Il peut donc exister de la dyspnemnie, de la dysphonie,

de la dysarthrie proprement dite.

La dyspneumie (Pierre Marie) est l'émission et l'utilisation défec-

tueuses de la colonne d'air expiré. La voix des malades est soufflée,

éteinte; l'émission en est faible. La paralysie des cordes vocales se

traduit non seulement par de la faiblesse du son, mais par des anomalies

de la tonalité. Le son est retentissant, ou étouffé, grave ou aigu, parfois

l'un et l'autre alternativement chez le même individu. Cette dysphonie

s'observe en cas de paralysie unilatérale des cordes vocales. Enfin,

la parésie des muscles bucco-pharyngés, détermine toute une série de

troubles à proprement parler dysarthriques. Il y a tremble profond de

la formation littérale des lettres et des sons. Les voyelles sont peu

distinctes; certaines consonnes, les labiales, les dentales, les gutturales

surtout, ne peuvent être prononcées. Les différentes lettres sont émises

avec un timbre nasonné. Le malade balbutie : les mots sont hachés, avec

ou sans interversion de syllabes. Il bredouille : sa pensée va plus vite

que son expression verbale; les mots, incomplets, chevauchent les uns

sur les autres; la phrase est heurtée, il peine compréhensible. Les mots

sont fréquemment encore alnonnés, chevrotants. Le malade hésite enfin,

un certain degré de bégaiement apparaît. Ce n'est pas il proprement

parler le bégaiement vrai, que nous étudierons plus loin. La parole est

néanmoins, dans un grand nombre d'affections nerveuses organiques,

scandée, répétée, spasmodique; l'articulation coupée, suspendue par des

périodes d'arrêt plus ou moins longues, plus ou moins intermittentes.

En dehors de ces viciations du langage, rappelons que les dysar-

thriques présentent habituellement des troubles de divers ordres : benn-

plégie faciale ou totale, uni ou hilatérale, paralysies isolées du type

glosso-labio-Iaryngé, dysphagie, écoulement de la salive, crises de rire

ou de pleurer spasmodiques, affaiblissement intellectuel, gâtisme.

LES TROUBLES DE LA PAROLE.. ' 199

1° Dysarthries d'origine pa-1'étique. Ces dysarthries peuvent être

d'origine périphérique, bulbaire ou centrale. Dans les paralysies

laryngées,, le malade est aphone, la voix soufflée, souvent bitonale ; mais

tous les mots et toutes les lettres sont reconnaissables, 'distincts, cor-

rectement formés. Le son en est seulement étouffé. Dans les paralysies

linguales existent surtout des troubles de la prononciation de certaines

consonnes, des sifflantes et des dentales notamment; ce sont au contraire

les gutturales qui sont particulièrement déformées au début des para-

lysies du voile du palais, les labiales dans les paralysies des lèvres.

Nous n'insisterons ni sur les signes physiques concomitants, images

1,'Ilyilo,oscopicluies, déviation du voile, de la langue, des commissures

labiales, ni sur les symptômes fonctionnels, troubles de la déglutition,

de la respiration, etc. Ces paralysies sont consécutives ou bien à des

névrites infectieuses ou toxiques (diphtérie, polynévrite aiguë) ou sou-

vent à des lésions traumatiques (section de l' hypoglossengtamment).

Il existe enfin quelquefois.de légers troubles de la formation des labiales

dans la paralysie faciale. Les muscles atteints présentent de

l'atrophie, des secousses librillaires, la réaction de dégénérescence.

Ces caractères se retrouvent dans les dysarthries bulbaires. L'atro-

phie est même ici tout particulièrement intense et la trémùlation des

plus vives. Au niveau de la langue notamment, l'atrophie devient

caractéristique : la muqueuse se plisse et semble flotter à la façon d'un

sac trop grand pour ce qu'il renferme. Dans les troubles bulbaires, le

territoire musculaire atteint est généralement fort étendu, et l'on observe

fréquemment un syndrome labio-glosso-laryngé ou pharyngé. Des

paralysies isolées de l'hypoglosse peuvent s'observer cependant dans la

sgringomyélie, des paralysies dissociées des cordes vocales dans le

tabes. Mais, nous le répétons, les paralysies complexes sont les plus

habituelles ; on les observe tout particulièrement dans la sclérose latérale

ann/o/rop/ïK/Me. La langue est atteinte la première, puis se prennent les

lèvres, le voile du palais, le larynx enfin. Lorsque les troubles atteignent

leur maximum, le mutisme devient absolu. Un syndrome analogue

s'observe dans les paralysies bulbaires des poliencéphaliles à locali-

sation bulbaire. Il coexiste généralement des troubles respiratoires et

circulatoires redoutables par lésion du pneumogastrique, des symptômes

oculaires, une forte hyperthermie. Des syndromes glosso-labiés homo-

nymes ou alternes par rapport à lme hémiplégie concomitante peuvent se

rencontrer encore dans des affections méningées du bulbe ou dans des

compressions 1par tumeurs. Mais, nous y insistons

il dessein, le syndrome glosso-labio-laryngé typique, complet, intense,

révèle ;1 peu près à coup sur la sclérose latérale amyotrophiquc, facile à

reconnaître par l'atrophie des membres et l'exagération des réflexes

persistant malgré une fonte musculaire déjà intense. Le facial supérieur

est toujours intact dans les paralysies bulbaires étudiées; il est atteint

dans la paralysie bulbaire familiale.

- IMOVTIER.]

200 LES TROUBLES DE LA PAROLE.

Dans les dysarthries d'origine cérébrale, l'atrophie musculaire fait

à peu près complètement défaut le plus souvent, et la réaction de dégé-

nérescence manque toujours. Les troubles du langage, ânonnement, hési-

tation, lenteur du débit, balbutiement, s'observent le plus souvent dans

le syndrome pseudo-bulbaire. Les malades connus sous le nom de

pseudo-bulbaires sent des hémiplégiques doubles. Les lésions consistent

en lacunes disséminées dans les deux hémisphères, dans les corps striés

et la capsule interne. Ces lésions sont généralement peu étendues, et les

malades marchent encore, mais à petits pas. Le facies est, au repos,

immobile, hébété, la bouche cntr'ouvcrtc. Du reste, l'intelligence est

souvent affaiblie. C'est dans ces cas que s'observent les crises de rire et

de pleurer- spasmodiques. La voix de ces malades est éteinte, nasonnée,

explosive parfois; ils forment les mots, nous l'avons déjà dit, mais cette

formation est incomplète. On voit que le malade parle, ou plutôt essaie

de parler, mais on ne l'entend pas. Le pseudo-bulbaire diffère de l'anar-

thrique qui prononce correctement et il haute voix un certain nombre

de mots; il se distingue du bulbaire vrai par l'absence de secousses

fibrillaires et de réaction de dégénérescence. '

L'hémorragie et le ramollissement cérébraux déterminent parfois des

troubles très accusés du langage (aphasie, anarthrie de Pierre Marie),

lorsque les lésions intéressent la zone lenticnlaire ou la zone de Wernicke.

Mais, en dehors de ces cas particuliers, le langage de tout malade

récemment frappé d'un ictus présente quelques altérations. La parole

est épaisse, le verbe hésitant, les idées peu lucides. A ce syndrome

coopèrent en général, à des degrés variables, la dysarthrie linguale et

l'affaiblissement intellectuel.

Dans la paralysie générale enfin, les troubles du langage sont carac-

téristiques et suffisent pour permettre souvent de porter le diagnostic

précis avant tout autre examen. Les uns tiennent à la déchéance intellec-

tuelle, ce sont les défaillances de la mémoire, l'emploi de termes vagues

à la place des vocables précis; les autres sont véritablement dysar-

thriques. Ils sont précoces et peuvent être des signal-symptômes. Au

début, le malade hésite devant certains sons, comme si leur émission

rencontrait quelque obstacle presque insurmontable. Puis, avec un vio-

lent effort, le son est formé, mais sans netteté. Le malade ne prononce

pas exactement ce qu'il fallait prononcer, il accroche. Ces troubles

portent tout d'abord sur les labiales, puis s'étendent à peu près à toutes

les formes verbales 'selon que progressent les troubles parétiques des

lèvres, de la langue et leur trémulation caractéristique. Le langage se

réduit à une sorte de modulation chevrotante, et finalement quelques

sons gutturaux bientôt inintelligibles se font encore seuls entendre. Ces

troubles peuvent être passagers tout d'abord et susceptibles de rétro-

cession toujours incomplète d'ailleurs. Ils s'aggravent par la suite et

deviennent irrémédiables.

On observe encore des troubles dysarthriques dans la myasthénie et

LES TROUBLES DE LA PAROLE. 201

dans les myopathies. Dans la première de ces affections, le malade

s'exprime d'abord avec facilité et netteté : au bout d'un temps variable,

sa langue s'embarrasse, ses lèvres tremblent; la phrase, au début com-

préhensible, s'achève en un balbutiement indistinct. Au bout de quel-

ques instants de repos, l'élocution redevient normale. Dans les myo-

pathies, on n'observe guère qu'un vice de prononciation des labiales, lié

à l'atrophie de l'orbiculaire des lèvres. L'émission des sons est extrê-

mement lente; le; malade parle avec précaution, s'applique à bien pro-

noncer. Il y arrive d'ailleurs en général il peu près, il moins qu'à

l'atrophie des lèvres ne s'ajoute l'atrophie de la langue, exceptionnelle

à vrai dire.

2° Dysarthries d'origine spasmodique. -Ces dysarthries présentent

les caractères communs suivants : débit, saccadé, monotone, émission

forcée, explosive, parole extrêmement lente, souvent peu distincte.

La façon dont s'expriment les malades atteints de sclérose en plaques

est bien caractérisée. Le débit est ainsi monotone, la parole saccadée,

lente; le malade fait de violents efforts, pousse les mots, et les finales

sont souvent explosives. Le timbre est parfois nasonné. Ces caractères se

retrouvent dans la maladie de Friedreich, dans l'lééclo-ataxie cérébel-

leuse ; Pierre Marie les a également observés dans la névrite interstitielle

hypertrophique de Déjerine et Sottas. Dans tous ces cas, la parole est

scandée comme dans la sclérose en plaques, mais elle est plus explosive,

et surtout plus nasonnéc. Elle est en outre beaucoup plus indistincte et

l'on a souvent peine il suivre une conversation avec le malade, les

phrases finissant par se confondre en un inintelligible bredouillement.

La voix est, quelquefois mal posée, bitonale, quelquefois aussi extrê-

mement tremblée. '

On observe encore de la scansion dans la maladie de Little et surtout

(lans l'alhélose double. La parole est extrêmement lente; les mots sont

hachés, comme déformés par les mouvements involontaires des muscles

de la phonation et de l'articulation. Dans peu de maladies il est donné

d'observer d'aussi violents efforts pour émettre les sons du langage.

Dans lu paralysie agitante, le malade; parle encore avec effort, mais il

s'exprime d'une voix plutôt faible, par phrases courtes, articulant à peine

les mots, comme pressé d'en finir. La voix est plus ou moins trémulante,

et tout est dit sur le même ton.

A ces voix, uniformément ralenties, s'opposent des modes d expres-

sion tout différents, caractérisés par des accélérations passagères ou

durables, des interruptions violentes, des interjections involontaires.

Celle variété de dysarthrie spasmodique; s'observe dans les chorées, dans

les myoclonies. dans la maladie des lies. Le discours est coupé par les

contractions musculaires qui secouent le malade. La parole se précipite

eu général, le malade; se hâtant de placer le plus de mots possible dans

1 mt.cnalle de deux spasmes consécutifs. La convulsion de la chorée

hache la phrase, la coupant subitement même au milieu d'un mot, avec

. [MOUTIER.]

202 LES TROUBLES DE LA PAROLE.

ou sans claquement de langue et retournement de la tête. La convulsion

de la maladie des tics, plus violente encore, provoque un cri ou l'émis-

sion involontaire d'un mot, d'une formule, le plus souvent d'une; expres-

.sion injurieuse ou grossière (coprolalie). -

Ces troubles spastiques, si accusés, s'individualisent sous une autre

forme dans le bégaiement. On entend de façon banale, sous le terme

de bégaiement, la répétition des lettres, des syllabes ou des mots, répé-

tition précédée ou accompagnée d'un violent effort. Ce bégaiement simple

s'observe fréquemment chez tous les dysarthriques, chez les anar-

thriques en voie de rééducation, chez les aphasiques de Broca améliorés

(dyslalie corticale de Lamy). On le rencontre également dans l'¡;pilepsie

et dans la paralysie générale. Mais il est un bégaiement essentiel dont

l'aspect névropathique justifie la place que nous lui attribuons après les

dysarthries spastiques organiques. Les signes de ce bégaiement vrai sont

au nombre de quatre (Chervin) : 1° Début dans l'enfance; 2" Troubles

respiratoires plus ou moins marqués au moment de l'émission de la

parole (le sujet veut parler pendant l'inspiration, ou bien il ue sait pas

ménager la sortie de l'air contenu dans le thorax); )" Intermittence des

phénomènes : pendant un certain laps de temps (minutes, heures ou

même jours), le sujet parlera sans bégayer, puis, sous l'influence d'une

émotion, dune simple appréhension, ou même sans raison appréciable,

il se remettra à bégayer, pour retrouver ensuite son langage; normal;

4° Disparition totale des troubles de la parole dans le chant. Le bégaie-

ment n'a, par lui-même, aucune valeur séméiologique bien définie; on

l'observe cependant chez les nerveux à hérédité chargée. 11 existe fré-

quemment chez les ascendants ou collatéraux. On a décrit un bégaie-

ment hystérique, à début et terminaison brusques, Il consisterait en

hésitations, en répétitions lentes et traînantes, plutôt qu'en troubles

vraiment spasmodiques. Les anciens auteurs sont loin de s'accorder sur

ses symptômes et sur sa valeur. Mentionnons enfin une forme spéciale;

de crampe phonatoire, l'aphlongie. Le spasme débuterait, immédiatement t

après l'émission dans le bégaiement, il surviendrait avant que le son

fut seulement ébauché dans l'aphtongie (Steinert).

5" Dyslalies fonctionnelles ; Glésilé. Nous signalons la blésité seul

lemcnt pour mémoire. Ce mot est un terme générique qui désigne une

foule de défauts de prononciation caractérisés par la substitution, la

déformation ou la suppression d'une ou plusieurs consonnes (zézaiement,

sigmatisme, lambdacisme, grasseyement, etc.). Ces défauts peuvent être

d'origine mécanique (malformations palatines, dentaires), ils résultent le

[tins souvent d'une fausse manoeuvre ou de l'inexpérience de la langue

dans la prononciation de la consonne. Il arrive parfois que les gens

affectés de ces vices de prononciation ne saisissent pas par l'oreille la

différence entre la prononciation normale et la prononciation défectueuse.

B) Troubles du débit. Ces troubles sont fort nombreux et divers.

Le langage est précipité dans la chorée, dans sa maladie des tics.

LES TROUBLES DE LA PAROLE.

souvent encore dans la maladie de Parkinson, ainsi que nous avons eu

l'occasion de le mentionner déjà. Il est au contraire monotone et ralenti

dans la plupart des dysarthries spastiques, dans la sclérose en plaques

notamment.

La surdité provoque également de la monotonie du discours, résultant

du manque d'alternance entre les sons élevés et bas, forts et faibles. La

correction du langage est assurée en effet par la comparaison entre les

mots prononcés par le sujet et ceux qu'il entend autour de lui ((;lItZ-

mann) ; cette comparaison est impossible chez le sourd.

On observe dans un grand nombre d'affections mentales la bradylalie,

la logorrhée, la verbigéraiion, l'emphase et le; pathos, mais il s'agit la

plutôt de troubles de t'idéatiou même que de troubles de la parole, et il

n'y a pas lieu d'y insister ici. Nous noterons seulement encore la festina-

tion sirin;rlce par Pierre Marie dans plusieurs cas d'hémiplégie gauche.

Les malades présentaient une voix brève, menue, uniforme, extrême-

ment précipitée, à peine distincte, presque breelouillée, d'un timbre

assez élevé. Les mots s'enchaînaient étroitement les uns aux autres. Ce

langage rappelle celui d'un individu très essoufflé se dépêchant de dire

ce qu'il doit dire. La lésion dont relève cette manifestation dysartbrique

siège sur l'hémisphère droit, au niveau de la zone correspondante du

langage sur l'hémisphère gauche.

C) Variations du timbre. Rappelons la voix aiguë, enfantine, des

eunuques, des infantiles (Voir Infantilisme, gigantisme, nanisme) la voix

bitonale de l'adolescent, la voix grave de l'aC1'o1ltéyale.

On observe quelquefois des voix à timbre très élevé (voix eunuchoïdes)

qui ne dépendent ni d'un arrêt de développement, ni d'un défaut orga-

nique des organes laryngiens ou génitaux. Il s'agit d'un trouble, fonc-

tionnel dans l'émission et la pose de la voix, qui se rattache d'une

manière étroite au phénomène; de la mue. Cette manière, de parler dis-

paraît facilement en quelques jours d'exercices appropriés, et, chose

curieuse, ce n'est pas une voix de ténor que les sujets retrouvent, mais

le plus souvent une voix de baryton et quelquefois même de basse.

Des variations de timbre s'observent également élans les paralysies

laryngées dissociées, qu'elles soient d'origine périphérique ou bulbaire,

nous n'y reviendrons pas.

D) Troubles constitutifs de la formation des mots ou des phrases.

Les malades commettent des fautes de grammaire et de syntaxe, ou

bien emploient des tournures et (tes modes de langage rarement usités

ou même inutilisés par les individus normaux. Nous signalerons dans ce

dernier ordre d'idées l'abus de la périphrase, le parler à la troisième per-

sonne, l'embololalie ou interpolai ion de formules ou de mots étrangers

au discours, la déformation symbolique de certains mots ou de certaines

sentences, t'onomatomauie. l'écholalie, la coprolalie, la création et l'emploi

de néologismes le plus souvent sonores et préteutieux, l'absence de

logique ou même de compréhensibilité. Ces troubles relèvent de l'aliéna-

[MOUTIER] ]

2111 LES TROUBLES DE LA PAROLE.

lion mentale; beaucoup sont commandés par les hallucinations du malade.

Notons encore que l'emploi de la périphrase est fréquent chez l'tcplccr-

sique, épie la coprntatie est caractéristique de la maladie des tics déjà

étudiée, que l'écholalie (répétition des paroles de l'interlocuteur) cl

l'autoécholalie [répétition de ses propres paroles (Brissaud), palilalie de

Souques] se rencontrent chez les aphasiques, les épileptiques dans l'étal

crépusculaire qui suit la crise (A. Pick), dans les tumeurs cérébrales

(l3rissaucl).. -

Les fautes de grammaire (agrammatismc) et de syntaxe (akataphasie)

s'observent non seulement chez les aliénés, mais chez certains malades

atteints d'imbécillité ou d'idiotie modérée (on peut être minus habens à

des degrés très divers). Dans la sclérose cérébrale infantile, la parole est

souvent incomplète, c'est une sorte de parler nègre avec verbes à l'infi-

nitif. Des troubles analogues avec emploi de mots dénués de sens (jargon)

s'observent dans l'aphasie de Wernicke. Signalons enfin que les sourds-

muets, comme les aphasiques, parlent comme ils pensent et commettent

ainsi fréquemment de lourdes fautes de syntaxe.

TROUBLES DE L'ECRITURE

par le D MOUTIER

Les troubles de 1 écriture se répartissent en deux groupes. Les uns

intéressent le tracé, la forme de l'écriture; ce sont les troubles calh-

graphiques. Nous désignerons avec Jofïroy les seconds, anomalies des

idées exprimées, sous le terme de troubles psychographiques. Les

premiers répondent aux viciations des moyens d'expression; ils ne

portent que sur le contenant, sur l'enveloppe de l'idée. Les seconds tra-

duis('1111es déformations de la pensée elle-même.

I. L'écriture est impossible. Cette éventualité n'a rien

(l'exceptionnel; elle peut dépendre de simples causes mécaniques, elle

peut être liée à des désordres mentaux.

Liée à des obstacles mécaniques, l'agraphie totale s'observe dans tes

paralysies du bras droit chez les droitiers (pu n'ont pas eu le temps

¡]'("dlUll1('1' leur main gauche ou qui ne l'out pu, faute d'une culture

générale suffisante. Elle se rencontre également dans ces cas où le trem-

blement, la chorée, l'ctlccxie que nous étudierons plus loin en détail, sont

assez intenses pour prévenir le moindre; (racé. La crampe des écrivains

la détermine souvent encore.

Les désordres mentaux s'opposant il l'acte d'écrire sont de deux

ordres. Tantôt il s'agit de déficit intellectuel, d'absence de développe-

ment cérébral, comme chez l'idiot, le dégénéré, tantôt l'agraphie est le

résultat d'une idée fixe ou d'une phobie comme chez l'aliéné caractérise ?

Il. L'écriture est possible, mais incorrecte. -\ou, retrou-

vons ici la division signalée; en troubles ealligraphiepies et troubles psy-

chographiques.

A) Troubles calligraphiques élémentaires. Le (racé des lettres

la forme et, la direction des figues sont seuls modifiés ici. Les accidents

morbides qui les peuvent déterminer sont, le, tremblement, ]'afa,1. : Íe, la

clrorée, les spasmes ou crampes, lu paralysie.

Dans le tremblement, quelle que soit sa nature, l'écriture est petite,

menue, hésitante. Ces caractères, communs il toutes les formes, s'expli-

quent par ce que le malade, pour écrire, est obligé de s'appliquer et,

d'aller très lentement. D'un autre côté, plus les lettres seront petites,

plus il aura de chances, tout en allant avec lenteur, de bien former les

boucles ou les jambages. Le tremblement se révèle par de fines ondula-

[MOUTIER.] ]

206 TROUBLES DE L'ÉCRITURE. -

tions ou des zig-ziigs anguleux de faible amplitude en général. Les formes

se modifient naturellement selon que le tremblement est plus ou moins

étendu, rapide ou régulier, selon qu'il est perpendiculaire ou horizontal.

Il est toujours exagéré par la fatigue et par les émotions. =1\Tous le

trouverons très fin et très régulier dans le goitre exophtalmique et dans

la névrose trémulante héréditaire. Il est beaucoup plus irrégulier dans

la paralysie générale. Les malades atteints de sclérose en plaques ont

une écriture extrêmement appuyée (Rogues de Fursac) ; le trem-

blement y est presque exclusivement horizontal. Dans la paralysie

agitante enfin, l'écriture est tout spécialement réduite, en ses propor-

tions ; la raideur caractérisée des Parkinsoniens contribue pour une

grande part à cette micrographie. Ajoutons que le tremblement parkinso-

nien diminuant ou même cessant dans les mouvements volontaires,

le tremblement est peu marqué souvent dans le graphisme étudié,

tout au moins sur les premiers caractères tracés.

L'écriture de Yataxique est en général assez grande, presque toujours

lisible dans son ensemble, maïs. déformée par de brusques crochets. Ces

crochets sont très irréguliers ; les lettres prennent un contour anguleux.

On voit également paraître çà et là des traits, accessoires, indépendants,

jetés sur le papier, barrant souvent les caractères déjà tracés. Ces diffé-

rents troubles augmentent considérablement lorsque le malade ferme

les yeux. , ' , '

, La chorée exagère beaucoup les modifications précédentes. Dans les

formes les plus légères, le graphisme est compliqué de nombreux cro-

chets, et l'écriture peut être encore déchiffrée. Mais dans les formes

intenses, le tracé se réduit à des barres, à de vives ratures. La

plume égratigne un papier zébré de traits illisibles. Lorsque le malade

parvient malgré tout à former quelques jambages, les lettres empâtées et

sales, chevauchent les unes sur les autres ou s'écartent sans raison gram-

maticale. ,

Un des troubles les plus redoutables pour la netteté et même pour la

possibilité matérielle de l'écriture est la crampe des écrivains. Cette

crampe consiste en une difficulté d'écrire, les mouvements du bras et de

l'avant-bras, les gestes les plus déliés des doigts demeurant réalisables

et même faciles pourvu qu'ils ne concernent point l'acte d'écrire. Dans

la forme ordinaire ou spasmodique, à peine le malade a-t-il tracé

quelques lettres, parfois même à peine a-t-il saisi le. porte-plume',

qu'il voit se raidir, se contracter en flexion son index, en extension

son pouce. Les lettres ébauchées, chevauchent les unes sur les, autres;

toute écriture est bientôt impossible. Parfois des mouvements choréi-

formes ou athétosiques, un tremblement plus ou moins violent inter-

viennent et compliquent la difficulté du tracé. Dans certains cas, la

crampe affecte une forme paralytique. La main s'engourdit et reste

inerte sur le papier. On observe quelquefois des douleurs spontanées

ou provoquées le long des troncs nerveux principaux. ' ' '.

, TROUBLES DE L'ÉCRITURE.- 207

L'impotence; fonctionnelle du membre supérieur droit chez les droi-

tiers, gauche chez les gauchers, la paralysie en un mot détermine enfin

des troubles considérables de l'écriture. Ces troubles peuvent être pré-

monitoires. Dans l'ictus progressif, les troubles légers de la inutilité du

côté qui sera frappé, la parésie se décèlent par de la difficulté de l'écri-

ture. La main tremble, hésite, les caractères sont incomplets, leur tracé

défectueux et maladroit. Plus tard, lorsque le paralytique se rééduque,

l'écriture demeure longtemps défectueuse. L'hémiplégique saisit son

porte-plume avec difficulté, trace des bâtons plutôt que de véritables

lettres, ne peut, arrondir les boucles. Le graphisme est anguleux, les

lettres sont souvent de grosse dimension : l'ensemble est fort peu

lisible. Ces troubles sont naturellement beaucoup plus complexes lorsque,

a l'obstacle mécanique, s'adjoignent des troubles intellectuels et des per-

turbations fonctionnelles du langage. Nous aurons l'occasion d'insister

sur ces faits au chapitre de l'aphasie.

Un certain nombre d'hémiplégiques droits, emploient, en écrivant de

la main gauche, l'écriture en miroir, c'est-à-dire une écriture renversée

que l'on doit lire de droite il gauche ou redresser soit en la regardant

dans un miroir (d'où son nom), soit en examinant par transparence la

feuille couverte de caractères. L'écriture en miroir est donc disposée

comme les caractères sur les formes d'imprimerie. Cette écriture est

l'écriture naturelle de la main gauche, c'est-à-dire que les mouvements

qu'elle nécessite sont les symétriques des mouvements du bras droit

dans l'acte d'écrire. Cependant, ainsi épie le fait observer Rognes de

Fursac, elle n'est pas l'écriture normale de la main gauche, parce que

bien peu d'hommes sains ou de malades organiques s'en avisent et

songent spontanément à l'employer. La main gauche, copiant servilement

la main droite, écrit, le plus souvent comme elle de gauche à droite.

B) Troubles psychographiques. Ces troubles dépendent, non plus

d'un obstacle ou gêne mécanique de l'écriture, mais de désordres men-

taux qui viennent troubler non seulement la forme générale du tracé,

mais encore, modifier les idées transcrites. On observe ces troubles psy-

rhographiques dans l'aphasie, dans les étals d'obnubilation intellectuelle

permanente ou transitoire tels que l'idiotie, l'imbécillité, la période post-

paroxystique de l'épilepsie. On les rencontre avec leur plein développe-

ment dans les diverses formes d'aliénation mentale.

Nous reviendrons sur l'aphasie dans nn chapitre spécial. Qu'il nous

suffise de dire ici que l'intelligence même du langage est spécialement

troublée dans cette maladie.

Dans les états d'obnubilation intellectuelle (idiotie, imbécillité,

démences confusionnelles), les troubles notés dépendent avant tout de

la diminution de l'attention et de la mémoire et du développement de

l'automatisme, de l'pchographie. Lorsque le malade peut écrire, le tracé,

irrégulier et sale, montre des lettres indistinctes, embrouillées le plus

souvent. Certaines lettres, des mots ou des fragments de phrase sont

[MOUTIER.] ]

208 TROUBLES DE L'ÉCRITURE.

indéfiniment répétés, remplissant parfois des pages de leur graphisme

stéréotypé. Après la crise d'épilepsie, s'observent des troubles analogues.

L'écriture est tremblée, parfois diminuée de hauteur. Les lignes cessent

d'être parallèles et deviennent en général descendantes. Le tracé parait

lourcl, écrasé. De nombreuses fautes par inattention se décèlent : ortho-

graphe défectueuse, mots ou phrases sautés. L'automatisme est constant :

au sortir même de la crise, l'épilcptiquc est parfois capable de tracer une'

lettre seulement, lettre qu'il répétera machinalement des centaines de

fois. Ces troubles, cela se conçoit, sont beaucoup plus accusés dans l'écri-

ture spontanée et dans la copie, que lorsque le malade écrit sous dictée.

Les modifications de l'écriture portent dans l'aliénation mentale à la

fois sur le contenant, c'est-à-dire sur la forme du tracé, sur le contenu,

c'est-à-dire sur les pensées exprimées.

La forme générale du tracé présente des caractères distinctifs des plus

nets, tout au moins dans l'écriture spontanée. Deux groupes d'écritures

se séparent avec netteté. Dans l'un se rangeront les écritures des ma-

niaques, de tous ceux chez lesquels l'aliénation détermine une exubé-

rance, un débordement de l'individualité, comme dans le délire des

grandeurs, par exemple. Dans l'autre se placeront les mélancoliques, les

déprimés, tous les découragés, les timides, tous ceux qui concentrent

leur personnalité. Chez les premiers, les lignes sont parfois enchevêtrées,

désordonnées, parfois au contraire d'une rectitude presque exagérée. En

tout cas, abondent ici les encadrements dessinés dans la marge, les traits

hardis, assurés, épais, les lettres ornées, enjolivées de boucles ou de;

fioritures. Nous relevons encore dans l'écriture des exaltés l'abus des

majuscules, l'exagération invraisemblable des paraphes. Chez les

mélancoliques au contraire, l'écriture est menue, hésitante, le tracé

ordonné; les exagérations précédemment signalées font défaut.

On observe fréquemment sur les écrits des aliénés l'absence ou l'exa-

gération de la ponctuation, des libertés étranges prises avec l'orthographe

et la syntaxe. Ces malades aiment les changements d'écriture (penchée,

renversée, courante, calligraphiée, etc.); ils abusent des mots soulignés,

des incidentes de toute espèce, des post-scriptum. L'écriture en miroir

s'observe parfois chez eux. Ils écrivent le plus souvent couramment, sou-

vent même très vile, comme sous l'influence d'impulsions violentes.

Certains remuent les lèvres ou tendent l'oreille en écrivant, semblant

tracer leur graphisme sous la dictée de quelque hallucination. Certains

enfin ne peuvent écrire, soit qu'ils n'aient rien à dire (alogie confusion-

nelle), soit que quelque phobie les en empêche (folie du doute).

Nous serons très brefs sur les troubles idéographiques proprement

dits des aliénés. On peut, croyons-nous, les caractériser en insistant sur

l'affaiblissement de la mémoire, de l'attention et du jugement qu'ils

révèlent. L'aliéné montre en écrivant un véritable étal d'âme d'enfant.

Beaucoup de malades écrivent, écrivent sans cesse : cette, graphorrhée

emprunte le plus souvent le style épistolaire. Le contenu est incohérent,

TROUBLES DE L'ÉCRITURE.. 20V

incompréhensible souvent. De graves oublis interviennent : le malade

écrit une lettre, mais oublie l'adresse, la date, la signature. 11 aime les

ueologismes, les langages conventionnels, la versification. Sa puérilité

abuse des homonymies, des jeux de mots, des neologismcs pompeux sur-

tout. Les écrits des aliénés sont encore émaillés de formules répétées,

d'interjections symboliques, véritables fétiches imposés par une halluci-

nation ou commandés par une phobie. Les répétitions, les stéréotypies

témoignent des impulsions automatiques; les substitutions de mots, les

omissions de phrases, de la faiblesse du contrôle mental. Ces différents

signes de déficit (oubli, automatisme), déjà évidents dans l'écriture

spontanée apparaissent avec une netteté parfois plus grande encore dans

l'écriture sous dictée et dans les exercices de copie.

Aux troubles intellectuels de l'écriture s'ajoutent parfois chez les

aliénés des troubles mécaniques. 11 en est ainsi dans la paralysie géné-

rale. En effet, les paralytiques généraux présentent de la graphorrhée,

leurs tracés sont désordonnés, malpropres, enfantins. Les omissions,

l'echographic sont constantes; de plus, il est il peu près impossible au

malade de copier ou d'écrire sous dictée. L'écriture est déformée par des

ondulations et des crochets; la main du paralytique général tremble

eu effet et présente parfois un certain degré d'ataxie. Ce tremblement

et cette ataxie deviennent en certains cas très intenses et l'écriture du

malade se limite à des barres, il de grands crochets, absolument comme

chez les choreiqucs (choréisnie des paralytiques généraux. Joffroy).

Nous mentionnerons enfin l'importance des troubles du dessin chez

les aphasiques (Voir plus loin) et chez les aliénés. Ceux-ci dessinent-

comme ils écrivent, sans cesse et maladroitement. Leurs dessins, puérils

et naïfs, sont souvent minutieux et patients, mais insuffisants comme

technique. La perspective y l'ail défaut d'ordinaire (').

1. Pour en Unir avec les troubles du langage, il nous faudrait étudier encore les

troubles du calcul, de la lecture et de la mimique. Ce qui intéresse le neurologiste

il leur sujet se trouvera au chapitre de l'aphasie pour le calcul et la lecture, aux

chapitres de l'aphasie, de l'attitude et du faciès pour la mimique. '

/'1

( ItATlyl'F : \E : UIIUI.. 1't

[MOUTIER J

L'APHASIE

par le D' MOUTIER

Parmi les désordres du langage d'origine organique, les troubles apha-

siques occupent une place prééminente. 11 n'existe chez l'aphasique ni

délire ni confusion mentale au sens des aliénistes; l'intelligence peut être

diminuée, son affaiblissement n'atteint jamais celui de l'idiot; les altéra-

tions fonctionnelles observées ne dépendent enfin d'aucun trouble péri-

phérique. On peut définir par suite l'aphasie un trouble de la compré-

hension et de l'expression des signes normaux du langage indépendant

de la démence, de l'idiotie et de la paralysie.

EXAMEN D'UN APHASIQUE *i

I. Comment se fait la compréhension de la parole ? Re-

cherche de la surdité verbale des auteurs classiques.

Faire reconnaître et toucher par le malade différents objets placés devant

lui et qu'on lui nomme : Crayon. Plume. Encrier. Papicr.

Couteau. Fourchette. Assiette. Verre. Cuiller. Chapeau.-

Mouchoir, etc.... "

Faire exécuter des ordres simples :

Fermez les yeux. Ouvrez la bouche. Tirez la langue. Donnez

la main gauche. Levez la main droite. Ferme ? les mains. Tou-

chez votre nez. Montrez vos cheveux, etc.... ;

En faisant exécuter ces différents actes, on se rendra compte s'il existe

ou non de l'Apraxie (impossibilité d'exécuter correctement des ordres

cependant compris). Dans le cas où l'on soupçonnerait l'existence de ce

symptôme, pour le mieux étudier, on enjoindra au malade, comme le

recommande Licpmann, les actes d'une exécution matérielle un peu plus

difficile : Se brosser. Frapper il la porte-. Agiter une sonnette.

Attraper des mouches. Allumer une cigarette. Frotter une attu-

mette. Battre la mesure. Donner une chiquenaude. Coller un

timbre sur une enveloppe. Faire le geste de jouer du violon. Cache-

ter une lettre avec de la cire et un cachet, etc....

Si le malade comprend et exécute les ordres simples (au point de vue

oral) qui précèdent, on lui en donnera d'autres d'une complication orale

D'UN APHASIQUE. , 211

plus grande. Il sera donc nécessaire de donner ces ordres en grand

détail puisqu'ils doivent justement montrer si le malade n'est pas mis en

défaut par l'abondance des paroles :

A) « Vous voyez les trois morceaux de papier qui se trouvent sur

celle table; il y en a un grand, un moyen et un petit, vous chiffonnerez

le graud cl le jetterez il terre; vous nie donnerez le second; quant au

plus petit, vous le mettrez dans votre poche. »

B) « Au signal que je vous donnerai, vous vous lèverez, vous irez

frapper trois fois il la fenêtre avec le doigt, puis vous irez loucher le

boulon (le la porte et vous reviendrez devant la table, vous ferez alors

une fois le tour de votre chaise et enfin vous vous asscoirez. »

On peut encore combiner des actes plus ou moins compliqués au moyen

des objets qui se trouvent sur la table : « Engagez le porte-plume enlrc

les dents de la fourchette et, après avoir frappé deux fois sur la table avec

le manche de celle-ci, mettez-la dans le verre », etc., etc ....

Lorsqu'un des actes ainsi ordonnés n'aura pu être exécuté, nous lais-

serons écouler quelques minutes puis nous exécuterons nous-même cet

acte en faisant comprendre au malade qu'il doit reproduire nos mouve-

ments. On noiera s'il le fait ou non dans tous les détails.

Quand on se sera ainsi rendu compte du degré de compréhension du

malade on pratiquera un examen minutieux de 1' Audition, non pas en

frappant sur un verre ou sur un couvercle de métal, mais avec la montre

et le diapason, et à voix chuchotée.

En effet, un grand nombre de cas publiés sous la rubrique « Surdité

Verbale » ne sont que des cas de surdité purement auriculaire.

Freund a montré épie certains cas de surdité labyrinthique simulaient il

s'y méprendre la « Surdité Verbale Pure » ; on peut, notamment chez ces

malades, observer au début un état de prostration et des troubles de

l'équilibre qui en imposent pour un ictus cérébral.

Il. Examen de la parole. a) Parole spontanée. Faire

nommer par le malade les objets qu'on lui présente. Lui faire dire

son propre nom, son prénom, le nom de sa femme, de ses enfants.

Faire dire des mois en série : Jours Mois Saisons Alphabet.

Faire compter jusqu'à 20. Faire compter en arrière de 20 jusqu'à 1.

Faire compter de deux en deux, de trois en trois. Faire réciter une

prière oui une pièce de vcrs si la culture du malade le permet. Faire

nommer par le malade les différentes parties de son corps en les lui

désignant, en les lui faisant loucher. Lui faire raconter les conditions

dans lesquelles sont survenues l'aphasic et l'hémiplégie.

Pendant tout cet examen, on notera si le malade écorche certains mots,

Parapliasie, s'il lui arrive de prononcer des paroles n'appartenant

a aucune langue, Jargonaphasie, si sa prononciation des mots (exacts

en eux-mêmes) est plus ou moins altérée, Dysarthrie, - s'il a du

bégaiement, s'il a une tendance il employer les verbes à l'infinitif.

Parler nègre, ou il supprimer les mots secondaires, Parler tléya-

[MOUTIER.]

212 ` ? L' : 11'I I : ISI l : .

pltique, si ses phrases sont incorrectes et incomplètes au point de vue

grammatical, lc/7ctnmcctisnce. s'il a une tendance au bavardage, il

enfiler des mots les uns derrière les autres sans nécessité, Logorrhée.

si son débit n'est pas précipité, 1'esfinZCttioz.

Le malade est-il poursuivi par certains mots qui reviennent constam-

ment dans ses essais de conversation (Intoxication par un mot) ?

Émet-il des jurons ? Savait-il des langues étrangères ? Comment les

parle-t-il actuellement ? z

Dans le cas ou la parole spontanée serait réduite il un très petit nombre

de mots ou à quelques monosyllabes, faire l'expérience de Pl'oust-Lichl-

ltciur qui consiste à présenter différents objets au malade et à lui dire de

serrer la main du médecin autant de fois qu'il y a de syllabes dans le

nom de l'objet présenté (choisir autant que possible des objets dont le

nom ne se termine pas par une syllabe muette ; s'assurer de ce que l1'

malade se rend compte de ce qu'est une syllabe, ce qui est fort, rare).

On peut aussi. lorsque le malade savait lire. lui demander combien il

y a de lettres dans tel ou tel mot, mais c'est là une expérience moins

« orale » que celle des syllabes. ?

b) Parole répétée. Faire répéter des mois de deux à trois syllabes.'

Faire répéter des mots débutant par une même syllabe, mais présentant

une complication croissante : : 1

Exemple : tar, tarte, tartufe, tartare, tartelette, tardigrade, tarabuster.

Faire répéter une phrase du langage vulgaire :

Exemple : « S il fait beau demain nous irons nous promener à la cam-

pagne. »

Faire répéter des vers et plus particulièrement des alexandrins conte-

nant des inversions :

« Oui, je viens dans son temple, adorer l'Eternel. »

Faire répéter des mots dune langue étrangère, des assemblages de

syllabes vides de sens.

c) Chant. Laisser le malade chanter de lui-même une chanson' qu'il

connaisse. L'air en est-il exact ? Les paroles sont-elles toutes pro-

noncées ?

Faire répéter au malade ce que, l'on chante devant lui. Exemple : « La

Marseillaise ».

Faire siffler le malade (siffler simple ou siffler un air).

Faire crier le malade dans deux ou trois tons différons.

111. Examen de la lecture. a) Lecture des lettres. Pré-

senter à l'envers au malade le papier sur lequel se trouve la phrase à lire,

noter s'il retourne immédiatement le papier dans la bonne position (cas

habitue)). ,

Faire lire à haute voix quelques lignes d'un livre ou d'un journal.

Faire lire son propre nom au malade.

Si le malade ne peut lire à haute voix, s'assurer s'il comprend ce qu'on

lui présente à lire en lui donnant par écrit des ordres simples :

EXAMEN D'UN APHASIQUE. 2)

« Toussez », « ouvrez la bouche », « fermez les yeux », « mouchez-

vous ».

Faire lire des ordres plus compliqués :

« Levez votre petit doigt gauche ».

« Mettez la main gauche sur voire tête et louchez ensuite votre oreille

avec le pouce gauche » . '

Si le malade ne peut lire un ordre, peut-il, du moins, lire un mot

isolé ? Connaît-il encore les lettres ? caractères imprimés ordinaires

capitales écriture cursive ?

Faire lire des mots constitués par l'assemblage vertical des lettres qui

les composent (Thomas et Doux), ou des mots constitués par des lettres

capitales qu'on a coupées horizontalement par moitié et dont on a enlevé

la partie supérieure (F. Moutier), il s'agit donc de deviner le mot alors

qu'on n'a plus sous les yeux, pour ainsi dire, que les vestiges des lettres

qui le constituent. Ces tests ne peuvent être employés que chez des

sujets ayant n'eu une certaine instruction.

Faire lire en ne montrant les lettres qu'une il une.

Faire lire en permettant au malade de suivre avec ses doigts les con-

tours des lettres. '

b) Lecture des chiffres. Lecture de chiffres isolés. Si le malade

est hors d'état de parler, il montrera avec ses doigts, ou en frappant un

nombre égal de coups sur la table, qu'il se rend compte du nombre

d'unités contenues dans le chiffre.

Lecture de nombres de plus en plus compliqués (jusqu'à 5 et 6 chif-

fres). Si le malade parle trop mal pour prononcer ces nombres, lui

demander de les partager en tranches de 3 chiffres comme lorsqu'on veut

faire la numéral ion d'un nombre compliqué (F. Moutier).

Opérations d'arithmétique (addition, soustraction, etc.).

A ce propos interroger le malade sur la table de multiplication. '

c) Lecture de l'heure. Sur une montre le malade devra dire

l'heure.

Il devra mettre les aiguilles de la montre à l'heure qu'on lui indi-

quera.

cl) Lecture de la musique.

e) Reconnaissance des dessins, des emblèmes, des cartes à jouer. -

Jouer avec le malade une partie de bataille, d'écarté. Faire compter

de l'argent.

/') Lecture des mots écrits dans la main (I\allwinl\el). On prend

soin que le malade ne regarde pas, et avec une pointe mousse (allumette.

crayon) on écrit sur la paume de la main, lettre par lettre, le mot que le

malade doit reconnaître. -De même pour les chiffres et les nombres.

fi) Examen de la vision. L'acuité visuelle est-elle suffisante ?

Existe-t-il de l'héiuianopsie ? de 1 hemiachromatopsie ? du rétrécissement

du champ visuel ?

IV. Examen de l'écriture. a) Écriture spontanée avec la

[MOUTIER,]

14 L'APHASIE.

plume ou le crayon, de la main droite si celle main n'est pas immo-

bilisée par l'hémiplégie, sinon de la main gauche.

Le malade écrit-il en miroir ?

Lui faire écrire son nom, sa profession, et s'il ne sait quoi écrire lui

dire de mettre sur le papier le nom du jour qui vient après mardi, du

mois qui vient après juin, etc., pour éviter, en lui disant « mercredi »

ou « juillet », de le faire ainsi écrire il la dictée.

b) Écriture avec les cubes alphabétiques. Donner un nombre de

cubes quelconques ou seulement les cubes nécessaires pour former le

mot demandé. -

c) Écriture à la dictée. ' ,

d) Écriture en copiant. a) En transcrivant les capitales en cursives

(traduction). ) En copiant les capitales en capitales (reproduction,

dessin).

e) Écriture des chiffres. Chiffres isolés. Nombres plus ou moins

compliqués, opérations (l'arithmétique.

/) Écriture de la musique spontanément, à la dictée, en copiant.

g) Faire dessiner le malade s'il sait dessiner, sinon lui dire de des-

siner un carré, un losange, un triangle, un ovale, etc..

Lui faire copier un dessin simple, des figures géométriques plus ou

moins compliquées.

V. Examen de la mimique. - a) Mimique émotionnelle.

Examiner quelle est la mimique spontanée en présence des sentiments

et des émotions qu'on peut suggérer au malade dans la conversation.

b) Mimique conventionnelle. Les signes les plus simples sont

ceux de « oui » et « non », mais ils sont devenus tellement instinctifs

qu'ils sont presque toujours conservés. Il faudra doue; recourir en outre

à des signes conventionnels d'un usage moins habituel; faire le salut

militaire le geste du serment celui de la bénédiction un pied de

nez, etc.. ,

c) Mimique descriptive. Enjoindre au malade d'indiquer par gestes

quel est son métier (on aura, bien entendu, vérifié auparavant que ce

métier est susceptible d'être indiqué par gestes). Montrer le geste d'une

femme qui coud, le geste de conduire un cheval, le geste du rémou-

leur, etc...

S'assurer que le- malade comprend la mimique des personnes en pré-

sence desquelles il se trouve.

VI. Examen de la mémoire. a) Mémoire en général.

Interroger le malade sur l'histoire de sa vie, sur les circonstances qui ont

amené son infirmité. Le mettre à même, si possible, d'exercer son mé-

tier pour voir s'il ne l'a pas oublié. L'interroger sur certaines dates histo-

riques connues de tout le monde, sur la table clc mnltiplic',llion. lui

faire faire des opérations cl';u'itlmyliync 111ns ou moins complexes; faire

compter de l'argent. Lui donner un ordre qu'il devra exécuter le lende-

main et s'assurer alors s'il a exécuté ou non cet ordre. Faire au boni d'un

EXAMEN D'UN APHASIQUE. 215

certain intervalle (10 secondes par exemple) répéter des nombres ou des

mots, reproduire des dessins, l'attitude d'une maquette de sculp-

teur, etc.

b) Mémoire optique. Pour les personnes, pour les portraits, pour

les lieux connus de lui (par exemple, qu'est-ce que l'on voit sur la place

de la Concorde).

Mémoire optique pour les choses : faire reconnaître au malade diffé-

rents objets présentés ; s'il y en a qu'il ne reconnaît pas, lui permettre

de les toucher, de les sentir, de les goûter et noter s'il les reconnait

mieux alors.

Faire reconnaître des couleurs; faire grouper ensemble des laines

de couleur donnée. Demander quelle est la couleur de l'herbe, du sang.

de la neige, etc. .

Mémoire d'orientation : demander au malade par que) chemin il irait,

de telle place dans Paris il telle autre (par exemple, aller du Palais-Royal il

l'église Saint-Augustin). Lui faire, désigner le trajet sur un plan. Deman-

der aux parents du malade s'il pouvait sortir seul, s'il s'est déjà perdu.

c) Mémoire auditive. Produire derrière le malade, et sans qu'il

puisse voir ce que l'on fait, des bruits divers dont il devra indiquer la

nature : verser de l'eau dans une cuvette d'une certaine hauteur; froisser

du papier; frotter une allumette; faire claquer ses ongles; couper dans

le vide avec des ciseaux (connue font les coiffeurs), etc.

Demander au malade quel bruit font : le coq, le chat, le chien, l'hor-

loge, la locomotive quand elle s'ébranle, etc.

huiler soi-même les cris de différents animaux et constater si le ma-

lade les reconnaît et les attribue exactement à ces animaux, dont on peut

au besoin placer le dessin sous ses yeux.

el) Mémoire gustative. Faire déguster différents aliments ou con-

diments et constater si le malade les reconnaît. Lui demander quelles

sont les caractéristiques du sucre, du vinaigre, du sel, etc.

VII. Examen de l'intelligence en général. Facultés des-

criptives, facultés d'association (idées ou mots évoqués par d'autres

mots), de critique, de jugement. Moralité. Instruction générale. Facultés

professionnelles.

S mtormer des changements de caractère (fréquents) survenus depuis

le début de la maladie.

VIII. Examen de la motilité. Le malade était-il droitier ?

gaucher ? ambidextre ? ' ?

Est-il hémiplégique ? des membres seulement ou aussi de la l'ace ?

Ilnel. est l'état de la langue ? des lèvres ? du voile du palais ? du larynx ?

Ces organes présentent-ils de la paralysie ou un trouble quelconque dans

teur fonctionnement ? . ,

i a-t-il du rirc et du pleurer spasmodiques ?

1 ? istc-(-il des troubles de la déglutition ? quel est l'état du réflexe

pharyngé ? ' ? L

[MOUTIER ]

' : 2W . L'APHASIE.

Constate-t-on, lorsque le malade parle, les mouvements associés des

membres du côté droit observés par Pierre Marie et Sainton(') ? ` ? ,

Nous avons parlé plus haut de la recherche de l'Apraxie, il est donc

inutile d'y revenir ici. '

IX. Examen de la sensibilité. Sensihilité à la douleur; sen-

sibilité tactile; sens musculaire; sens stéréognostique.

La recherche des troubles sensoriels a été pratiquée au cours de l'exa-

men détaillé.

TYPES D'APHASIE

Nous ne signalerons ici que les types communément observés et dont

l'existence semble dûment établie. u

Négligeant également les hypothèses et les controverses, nous n'entre-

rons pas dans le détail d'un certain nombre de types décrits parles diffé-

rents ailleurs. Dans la plupart de ces cas, il s'agit en effet de faits isolés

ou de variétés rares, souvent aussi de formes théoriquement dérivées

d'un schéma et n'ayant par conséquent qu'un médiocre intérêt pratique.

On divise avec les classiques, les aphasies en deux groupes principaux,

les aphasies motrices, les aphasies sensorielles. Dans chacun de ces

groupes se rangent des aphasies corticales, c'est-à-dire par destruction

de la substance grise, des aphasies sous-corticales, c'est-à-dire par des-

truction de la substance blanche, la substance grise demeurant intacte.

Nous ne suivrons pas celte classification qui, selon les vues de Pierre

Marie, n'exprime plus la réalité des fails.

Nous admettrons qu'il existe une" seule forme d'aphasie, dite aphasie

intrinsèque (Pierre Marie) ou aphasie de Wernicke. Cette forme, carac-

térisée par les troubles du langage intérieur et le déficit intellectuel, cor-

respond, est identique à l'aphasie sensorielle des anciennes classifica-

tions. Elle présente les mêmes symptômes; sa localisation anatomique

est semblable. Les lésions qui provoquent son apparition intéressent la

zone temporo-pariétale.

En avant de celle zone, dans un quadrilatère (Pierre Marie) limité

par deux plans frontaux tangents aux potes antérieur et postérieur de

l'insula, et par deux plans sagillaux tangents l'externe au cortex de

l'insula, l'interne à l'épcndyme du ventricule latéral, se trouvent l'in-

sula, les capsules externe et interne, le noyau lenticulaire, les grands

faisceaux d'association inll'1-11('111161)li('l'Ifllll ? le pied de la couronne

rayonnante. Un foyer situé dans cette zone provoque l'nraarllcrie. Celle

I. Ces mouvements consistent en petites secousses dans la main ou le pied droit

qui se produisent seulement lorsque le malade parle; dès qu'il se tait ces secousses

cessent; ce sont de véritables mouvements associés causés très vraisemblablement par

l'effort que fait le malade pour parler. Ces mouvements associés a la parole ont été

constatés chez des aphasiques non hémiplégiques.

TYPES D'APHASIE. ' 217

anarthrie répond cliniquement il l'ancienne aphasie motrice sous-corti-

cale ; elle en diffère par sa localisation, l'aphasie motrice pure des classi-

ques étant liée il la destruction de la substance blanche du pied de la

.5e frontale gauche.

L'association de I'anarthrie et de l'aphasie de Wernicke (vaste lésion

du territoire de la cérébrale moyenne ou sylvienne) réalise l'aphasie de

Broca. Les symptômes de l'aphasie de Broca demeurent identiques dans

l'ancienne théorie et la description nouvelle; la localisation de cette

entité, la façon d'en comprendre et d'en grouper les facteurs, diffèrent

complètement en revanche. Dans la théorie classique, la destruction cor-

ticale de la ;'je frontale suffit il provoquer l'aphasie motrice vraie ou apha-

sie de Broca; dans la théorie de Pierre Marie, deux foyers distincts sont

nécessaires, l'un intéressant la zone lenticulaire, l'autre la zone temporo-

pariélale de Wernicke. Dans le. premier cas, l'aphasie de Broca est une

maladie; elle n'est qu'lI n syndrome (anarthrie de Brocaap)iasiede

Wernicke) dans le second.

En dedans de la zone de Wernicke. tout foyer intéressant les faisceaux

d'association du cerveau déterminera l'alexie.

Cette aphasie, extrinsèque connue l'anarlhic, peut être pure ou assu-

ciée à l'aphasie de Wernicke. ]1 existe donc, en résumé, cinq formes

morbides de (roubles dits aphasiques du langage : trois types fondamen-

taux, l'aphasie de Wernicke (aphasie intrinsèque), t'anarthrie et l'alexie

pure (aphasies extrinsèques); deux syndromes : l'aphasie de Broca et

une forme complexe alexie-aphasie de Wernicke.

L'aphasie de Wernicke. - L'aphasie proprement dite ou apha-

sie de Wernicke (aphasie sensorielle des classiques), est, avons-nous dit,

un tronhle de la compréhension et ¡'l'l' l'expression des signes normaux du

langage, indépendant de la démence et de la paralysie. Ces altérations

dépendent d'une destruction, par hemorrhagie ou par ramollissement, de

la zone de Wernicke de l'hémisphère gauche chez les droitiers, de Ihemi-

sphère droit chez les gauchers. Celle zone comprend le gyrus suprainar-

ginalis (pariétale inférieure), le pli courbe, les deux premières tempo-

rales, plus particulièrement le pied de ces dernières circonvolutions. La

lésion de celle zone ne détermine pas d'hémiplégie. Celle-ci dépend

évenlucllement d nue extension des lésions en avant vers les territoires

moteurs. De même I'héinianopsie, que l'on observe assez fréquemment,

dépend de l'extension des lésions vers le territoire visuel du cuneus.

L aphasique de Wernicke. ne présente pas de dysarthrie. 11 articule

iacuemeut et. rapidement; il est prolixe et bavard. Ses idées s'enchaînent

avec promptitude et souvent avec bizarrerie. Les mois qu'il émet, sans

difficulté d'articulation, sont incomplets, déformés; ce sont des il peu

près, non les termes exacts qui sont employés le plus souvent (drirliton

pour mirliton, par exemple, ti¡Thw pour terrine). De plus, le malade

emploie souvent un mot pour un autre (une pipe est appelée fourchette,

un éventail un moulin à venl). Des mots nouveaux, vocables dénués de

, [AfOUTIER.]

218 ' L'APHASIE.

sens, sont forgés. Cette jargonaphasie est d'ailleurs assez rare, du moins

avec quelque intensité.

Le langage de l'aphasique de Wernicke est le plus souvent prolixe,

incohérent, peu compréhensible. Ses phrases, émaillées de périphrases,

coupées d'interjections, compliquées de répétitions fréquentes de mots

ou de groupes de mots, sont mal construites, le verbe y est à l'infinitif,

l'article supprimé.

La parole de l'interlocuteur est en général mal comprise ; ou si quelques

mots sont entendus, une phrase un peu longue, un ordre un peu com-

plexe seront saisis il la seule, condition de les répéter en les décomposant

en tranches de deux il trois mots ou en ordres simples. Cette « surdité

verbale » d'intensité variable peut aller jusqu'à l'incapacité absolue de

comprendre un seul mot.

La parole répétée est très défectueuse; la para- et la jargonaphasie

peuvent s'y révéler alors qu'elles faisaient défaut, dans la parole spontanée.

La lecture il haute voix et la lecture mentale sont abolies ou en tout

cas fort limitées. Quelques mots sont compris ou lus correctement, mais

les troubles para et jargonaphasiques apparaissent bientôt, enfin la lec-

ture devient impossible.

L'agraphie est le plus souvent totale, si l'on en excepte la persistance

de la signature, geste machinal plutôt que graphisme réfléchi. Si l'écri-

ture persiste à quelque degré, on y remarque les mêmes troubles que

dans le langage oral (para et jargouagraphie). Le plus souvent, spontané- 1

ment ou sous dictée, l'aphasique de Wernicke trace seulement des traits*

informes, des lettres isolées ou plus rarement quelques mots. 11 copie

l'imprimé en imprimé, c'est-à-dire dessine le modèle au lieu de le tra-

duire en cursive ordinaire. 11 peut parfois cependant le transcrire correc-

tement en manuscrit ou traduire certaines lettres et en dessiner certaines

autres.

Il existe enfin chez l'aphasique de Wernicke un affaiblissement variable

du tout au tout, mais souvent prononcé de l'intelligence générale (cal-

cul, attention, mémoire, imagination, jugement, mimique) mis en relief

au cours de l'interrogatoire conforme au plan exposé ci-dessus.

En résumé, chez l'aphasique de Wernicke, difficulté de la com-

préhension du langage oral (surdilé verbale) d'intensité 1res variable,

pouvant aller l'impossibilité absolue de comprendre un seul mol,

conservation de la parole spontanée, troublée il vrai dire par la

paraphasie et la jargonaphasie. parole répétée, lecture il haute

voix, lecture mentale abolies ou très réduites, écriture spontanée,

écriture à la dictée, écriture en copiant abolies ou 1res réduites.

Un syndrome aussi grave est rare; il s'atténue souvent en tous cas. La

surdité verbale disparaît on du moins s'améliore; rapidement; le vocabu-

laire s'étend, les phrases se suivent plus complètes et plus claires. La

lecture demeure toujours très défectueuse, -et l'écriture ne fait presque

aucun progrès. Le langage spontané, sauf en certains cas de lésions

' TYPES D'APHASIE. 219

peu étendues, est donc seul il bénéficier franchement de l'évolution de la

maladie. Et parfois, il peut être difficile de dépister dans un langage par

ailleurs normal les quelques expressions paraphasiqucs qui demeurent

la signature de l'aphasie améliorée. Une grande difficulté dans la re-

cherche des substantifs et dans l'emploi du terme propre est particuliè-

rement fréquente et significative dans ces formes de' reliquat.

Anarthrie. Dans 1 anarthrie (correspondant cliniquement il

; l'aphasie motrice pure ou sous-corticale), le langage intérieur est res-

pecte. l'intelligence est intacte. Il existe un trouble unique de l'articula-

tion verbale. Le mutisme peut être absolu; le plus souvent, avec de

grands efforts, le malade, peut émettre quelques syllabes, quelques mots

sensés et employés il propos, ou quelques vocables dénués de sens. Les

mots les plus compréhensibles sont d'ailleurs souvent déformés. L'anar-

thrique ne peut ni lire il haute voix, ni répéter les mots entendus; en

revanche, il lit et écrit parfaitement et ne présente aucune trace de sur-

dite verbale. L'anarthrie coexiste toujours, semble-t-il, avec une hémi-

plégie; et le malade se sert de la main gauche pour écrire. Il arrive ainsi,

d'ailleurs, il se faire promptement et facilement comprendre, à condition,

toutefois que sa culture et son intelligence générales aient été suffi-

samment élevées pour que la perte de la main droite n'ait pas été un

malheur irréparable cl qu'il ait pu avoir l'habileté d'éduquer son côté

. gauche.

En résumé, dans 6t) ? < ? ? l'abolition ou le trouble de la pronon-

cialion, de l'émission des mois représente toute la maladie. La lecture

mentale, l'écriture, l'intelligence sont intactes.

De ternies les variétés, intrinsèques ou extrinsèques, d'aphasies, l'anar-

thrie pure est celle qui s'améliore le plus. Elle est même probablement

la seule dont on [misse guérir radicalement. Le plus souvent cependant,

l'amélioration, tout en étant sensible, est loin d'être absolue. Il persiste

un certain degré de dysarthrie; les mots sont émis avec etfort, fréquem-

ment déformés. L'accent est défectueux. la prononciation incomplète.

Le malade butte souvent sur certaines syllabes : ailleurs, il bégaie. Le

discours dans son ensemble est haché, scandé. L'on a l'impression très

nette épie I anarlluique eu voie d'amélioration fait des efforts dispro-

portionnés pour parler. Enlin, la syntaxe est toujours simplifiée (parler

nègre, style télégraphique) et l'intonation monotone (Brissaud).

L'aphasie de Broca. Les symptômes de l'aphasie de Broca

n'on ! point change ? seules, la conception et la localisation de l'aphasie

motrice élite corticale ou vraie, ont subi des modifications sur lesquelles

nous avons été plus haut suffisamment explicites.

L aphasie de Broca étant un syndrome, nous retrouverons ici, se modi-

fiant réciproquement, les caractères additionnés dl' ! "anart/n'ie el de

l'aphasie de TVl')'lIicloe. Le dosage de ces deux formes dans la cousti-

tution du syndrome de Broca est d'ailleurs éminemment variable d'un

malade à un autre. Par/'ois ? I11 : 11' ! hl'il' dOllline : Ic malade est presque

[MOUTIER,

220 . 1 ? 11'II : lsl I : .

muet, son intelligence demeure faiblement atteinte; parfois l'aphasie

de Wernicke l'emporte : la paraphasie et la jargonaphasie se laissent

reconnaître alors dans les quelques mots prononcés par le malade;

l'alexie, l'agraphie, la surdité verbale sont intenses; le déficit intellectuel,

considérable; parfois enlin, les lésions sont énormes, l'anarthrie et

l'aphasie de Wernicke sont l'une et l'autre très prononcées, il s'agit,

d'une aphasie de Broca maxima, forme que les anciens auteurs dési-

gnaient sous le nom d' « aphasie totale (') ».

Les aphasiques de Broca sont des hémiplégiques, comme les anar-

thriques; les aphasiques de Wernicke purs sont au contraire indemnes

de toute paralysie, avons-nous dit. Les aphasiques de Broca sont silen-

cieux (de par l'anarthrie constituante du syndrome), la parole est rare,

le vocabulaire limité. Les aphasiques de Wernicke sont prolixes et

s'expriment avec facilité. Les aphasiques de Broca présentent du déficit

intellectuel (de par l'aphasie de Wernicke constituante du syndrome);

l'intelligence des anarthriques est au contraire intacte.

Ces considérations générales permettent d'interpréter et de retenir

facilement les symptômes de l'aphasie de Broca. La suppression du lan-

gage oral spontané peut être complète, allant jusqu'au mutisme. Le plus

souvent, le malade peut encore émettre des vocables dénués de sens,

réponse stéréotypée il toute question. Ces expressions sont comparables

aux suivantes « ti ti ti clin din din - l'ou tou ta li sa ». Parfois/

les mots émis ont un sens, ce sont même en certains cas des phrases, que

le malade avec monotonie se tient prêt il employer en guise de réponse a

toute question. Ces formules de langage,- il à boire, sa va bien un petit

mieux, je sais je sais, parce que parce que ces jurons, ces vocables1

émotionnels sont inaltérables; c'est-à-dire que l'aphasique ne les perd

jamais, et ne peut le plus souvent en dissocier les éléments, c'cst-a-dire

en prononcer isolément les termes constituants.

Lorsque le malade fait quelques progrès, son vocabulaire s'accroît.

L'on peut constater alors et tout à la fois un certain degré de celte dysar-

thrie spéciale que nous avons étudiée, à côté d'un certain degré de para-

et de jargonaphasie. La prononciation est quelquefois plus nette et plus

complète, les mots émis plus nombreux dans le chant.

Les troubles de la lecture (aggravés par la dysarthrie), de l'écriture, de

la compréhension auditive verbale et de l'intelligence générale sont chez

les aphasiques de Broca ce qu'ils sont chez les aphasiques de Wernicke.

L intensité en est naturellement variable il l'infini. L'altération de la

lecture est quelquefois susceptible de la plus grande amélioration; mais

la plupart des aphasiques de Broca voient persister leur agraphie et

demeurent incapables de transcrire l'imprimé en manuscrit. La guérison

complète semble exceptionnelle.

En résumé, dans l'aphasie de Broca, la parole spontanée, la parole

I. L'hémianopsie est assez fréquente en ce cas.

TYPES D'APHASIE. 221

répétée, la. lecture à haute voix sont abolies, ou très altérées par les

troubles de l'émission verbale ou dysarthrie, par la paraphasie et la

jargonaphasie ; l'écriture spontanée, l'écriture à la dictée, l'éai-

ture en copiant sont nulles ou des plus réduites; - la lecture men-

tale est toujours altérée ; - il existe toujours, au début du moins,

un degré variable de surdilé verbale.

L'alexie. Si l'existence de la surdité verbale pure des classiques,

localisée au pied de la première temporale gauche, est des plus problé-

matiques aujourd'hui, la validité de l'alexie pure est au contraire des

plus réelles.

Cette variété d'aphasie relève d'une lésion du territoire de la cérébrale

postérieure (cuneus et voies d'association). Il existe un symptôme

unique, l'impossibilité ou la difficulté de la lecture mentale (le trouble;

de la lecture à haute voix étant simplement sous la dépendance du

trouble du langage intérieur). On observe toujours en même temps de

l'héinianopsic, et très probablement aussi, du moins au début, des trou-

bles relevant de la lésion de la zone de Wernicke adjacente.

Aphasie chez les gauchers, aphasies croisées. L'aphasie

est due le plus souvent il une lésion de l'hémisphère gauche chez les

droitiers, de l'hémisphère droit chez les gauchers. Cependant, on peut

observer des aphasies par lésion de l'hémisphère droit chez les droitiers,

gauche chez les gauchers : ce sont les aphasies croisées de Byrom

Bramwell.

[MOUTIER.] 1

L'APRAXIE

par le D' MOUTIER

L'apraxie est non pas une maladie à proprement, parler, mais un syn-

drome. Elle doit être définie l'impossibilité d'exécuter les mouvements

adaptés à un but, malgré la conservation de l'intelligence et l'intégrité

de la motilité. Elle consiste donc en un (rouble intellectuel des réactions

motrices soumises à la volonté.

Nous n'avons pas à discuter ici la valeur même de l'apraxie. Nous ne

rechercherons donc point si les phénomènes étudiés sont, vraiment nou-

veaux et si leur individualisation, leur isolement sont parfaitement légi-

times. Nous nous abstiendrons également de toute discussion sur la

valeur étiologique et diagnostique des manifestations étudiées. Faisons

simplement remarquer que les indications suivantes, établies d'après les

travaux de Liepmann, de Pick et de l'Ecole française de la Salpètrièrc

demeurent extrêmement schématiques.

Il existe diverses variétés d'apraxie('). La plus fréquente, la plus légi-

time aussi et la première en date est l'apraxie idéo-motrice.

A) Apraxie idéo-motrice de Liepmann ( 1000). C'est à celle

variété que convient essentiellement la définition préalablement donnée.

Elle consiste, répétons-le, en un trouble des actes volontaires, en une

non-adaptation intellectuelle des gestes nécessaires aune finalité donnée.

Mais pour qu'il y ait apraxie, il ne doit y avoir ni anestllésie, ni ataxie.

ni paralysie, ni surdité verbale, ni agnosie, ni trouble du jugement. Un

exemple fera mieux comprendre notre pensée. Supposons qu'un malade,

assis en face d'une table sur laquelle est déposée une brosse à dénis,

invité d'autre part à se brosser ies dents, n'exécute pas l'acte imposé ou

bien aille promener celte brosse au long de son nez ou de son oreille, il

y aura apraxie aux seules conditions suivantes. Le malade a entendu

(absence de surdité), il connaît la brosse à dents et en saisit l'usage

(absence d'agnosie), son étal, mental lui permet d'élaborer les raisonne-

ments nécessaires il la préparation puis à la réalisation de l'acte (absence

de troubles mentaux), il peut saisir la brosse et la manier correctement

1. Le mot apraxie a élé créé par Gogoi, en 1875. (.Ici auteur l'avait appliqué à la

« disparition de l'intelligence des choses ».

L'APRAXIE. 223

(absence de paralysie, d'ataxie. de tremblement, de choree, d'aihétosc).

Ceci expose, voyons comment se présentent les malades en général. Et

d'abord, il n'y a pas d'apraxie réellement pure. Les définitions données

supposent une dissociation des actes cérébraux indiscernable et de fait

indiscernee dans la pratique. De plus, l'apraxie se rencontre chez des

hémiplégiques, des aphasiques, des individus porteurs des lésions les

plus diverses; elle n'est donc jamais isolée, et il peut, être malaisé de

reconnaître parfois, parmi les manifestations plus complexes, cela seul

qui doive être tenu pour phénomène apraxique.

L'apraxie idéo-motrice de Liepmann est un trouble très nettement

psyctio-moteur. Le malade comprend l'ordre à exécuter; il sait l'exécuter

en théorie, mais il ne le peut pas en pratique. Cette impossibilité ou

cette maladresse peut être unilatérale ou bilatérale, s'observer du côté

opposé il la lésion ou du côte homonyme. C'est ainsi que l'apraxie du cote

gauche n'est pas exceptionnelle dans l'hémiplégie du côte droit du corps.

Le trouble apraxique peut être complet ou incomplet : complet, le

malade n'ébauche même pas l'acte voulu; incomplet (parapraxie), le

malade s'eftorcant de réaliser cet acte, fait un certain nombre de mouve-

ments. Ici, plusieurs éventualités sont il envisager : le malade peut

exécuter en partie l'acte à l'étude. mais il se trompe : il brosse, par

exemple, sa main au lieu de brosser son babil; ou bien il exécute

des actes sans signification aucune : il fait, par exemple, un moulinet

dans l'espace alors qu'on l'a prié de serrer le poing; ou bien il

remplace l'acte exact par un autre correctement exécuté, mais sans rap-

port avec ce qui était attendu : le malade fera le simulacre d'envoyer un

baiser quand on lui demande un pied de 11<'Z.

L'apraxie peut exister aussi bien pour les actes spontanés que pour les

actes commandés ou répétés. Elle peut porter sur les associations muscu-

laires les plus diverses, mais atteint particulièrement les gestes com-

mandés et la mimique. Les muscles intéressant surtout les actes purement

r(l1exrs ou semi-conscients (muscles du tronc, de la face, masticateurs)

sont le plus souvent indemnes. Les phénomènes apraxiques du type

Liepmann n'augmentent pas en général avec la complication des actes

à exécuter.

L'examen des apraxiques demande à être conduit avec méthode. On

écartera tout d'abord les causes d'erreur éventuelles. On recherchera

ensuite pour quelle catégorie d'actes (spontanés, commandés, répétés,

imités) existe l'apraxie. On fera exécuter au malade des mouvements

divers ; simples : lever la main, fermer les yeux, étendre le bras,

donner la main; ? s complexes : ouvrir têt oeil, donner tel doigt,

se frotter les mains, faire un signe de croix, un pied de nez; très

complexes : bourrer une pipe et l'allumer, fumer un cigare, cacheter

une lettre, mettre ses bas, verser de l'eau, se brosser les dents, tirer un

coup de pistolet (un malade de Pick épaulait, son revolver comme s'il se

tut agi d'un .fusil, un de nos malades de Bicetre tirait gravement sur une

[MOUTIER.]

224 Il 1 ? 1'1t : 1 \ ll ? .

pipe soigneusement bourrée mais non allumée, tel malade encore oublie

de couper le bout de son cigare et l'allume avec l'extrémité de l'allumette

non garnie de phosphore). On peut enfin prier le malade de choisir sur

la table un objet désigné : il le saisit sans hésiter du côté non atteint,

hésite et ne peut le choisir du côté apraxique (épreuve du choix d'un

objet. Liepmann.) , '

Le diagnostic de l'apraxie est souvent délicat. Il faut commencer par

s'assurer que les malades ne sont maladroits ou impotents ni par para-

lysie, ni par surdité périphérique : cela est quelquefois difficile. S'il s'agit

d'aphasiques, il pourra être plus malaisé de reconnaître si le malade

comprend, entend intellectuelle ment ce que l'on attend de lui. Le diffe-

rend nous semble être même parfois bien difficile à trancher, diverses

variétés d'aphasie n'étant, somme toute, que des syndromes apraxiques.

Certains apraxiques (les anarthriques notamment), ne savent pas cor-

rectement ouvrir la bouche, siffler, tirer la langue. On pourrait les

prendre pour des psellrlo-bulbaires; mais ils n'ont pas de paralysie à

proprement parler, ils présentent seulement de la maladresse, et d'autre

part les troubles de la mastication et de la déglutition font défaut chez

eux, le faciès demeurant également tout différent.

Dans l'ataxie, lc malade sait parfaitement ce qu'il doit accomplir,

niais ses mouvements sont mal coordonnés, saccadés. Toutefois.

l'ataxique vise un but précis, il se sert correctement de l'objet saisi,

en ce qui concerne du moins sa nature et sa destination exactes. Les

mouvements fixes et précis (se boulonner, mettre le doigt sur le nez)

sont plus atteints que les mouvements simples, grossiers pour ainsi dire.

Il en est tout autrement chez l'apraxique. Ce dernier, en effet, présente

un trouble aussi considérable, aussi irrégulier des actes délicats que des

actes simples, et ses mouvements ne s'accordent pas avec la valeur de

l'objet saisi ou du geste commandé.

Alors que dans l'apraxie les objets sont reconnus et que seule fait

défaut la façon motrice de s'en servir (Lewandowsl : p), dans l'agnosie les

actes sont absurdes, parce que le malade ne reconnaît pas l'objet. L'agno-

si'llie présente donc un défaut d'identification, l'apraxique un défaut

d'utilisation. Les actes de ce dernier conservent une certaine logique :

il prendra une brosse et brossera, mais frottera une écorthure de la

main au lieu de son habit; il prendra un porte-plume et le trempera

dans un verre au lieu de l'encrier, mais logique puisqu'il connaît le

porte-plume il fera ensuite avec lui le simulacre d'écrire. L'agnosique,

au contraire, tournera en tous sens le porte-plume, mais ne s'en servira

pas pour écrire.

Enfin, l'apraxique avec ses hésitations, son air perplexe, ahuri, sa

maladresse, son impotence même, donnera parfois l'impression d'un

aliéné. Il faudra s'efforcer de pénétrer son mécanisme intellectuel,

rechercher s'il connaît l'objet et sait exprimer verbalement la faconde

s'en servir. Le diagnostic sera parfois complexe et délicat.

- , . L'APRAXIE.. 225

Le syndrome apraxique étant dûment reconnu, que conclure de sa

présence ? Les conclusions actuellement autorisées sont des plus vagues.'

L'apraxie en effet, a été observée dans les lésions cérébrales en foyer,

tumeurs, hémorrhagies, ramollissements, hémiplégies avec ou sans

aphasie, et dans les processus diffus, encéphalites, paralysie générale,

méningites aiguës, au cours delà démence précoce, de la démence

sénile, etc. Sa constatation n'autorise pas davantage un essai de locali-

sation anatomique. Elle peut dépendre, à coup sur de lésions de la ré-

gion pariéto-temporale; mais Liepmann en fait un signe de lésion du

corps calleux, pont interhémisphérique, quand elle est homolatérale par

rapport au foyer (apraxie gauche avec hémiplégie droite par exemple).

B) Apraxie idéatoire de Pick (1905). Tout en étant voisin du

précédent, le syndrome est ici beaucoup moins franc. L'apraxie idéatoire

est, en effet, un véritable trouble de l'attention; elle s'observe, dans les

états crépusculaires de l'intelligence, chez. les déments, les paralytiques

généraux. Le trouble s'atténue lorsque le sujet fixe son attention; .il

augmente avec la complexité des actes : Il n'est jamais unilatéral et n'in-

téresse jamais les actes simples quasi-automatiques.

C) Apraxie motrice de Kleist (1907). = Cette apraxie intéresse les

actes compliqués au point de vue musculaire (et non plus intellectuel).

Le malade qui pourra tendre la main, croiser les jambes, ne pourra plus

monter un escalier, danser, sauter à pieds joints, se tenir en équilibre

sur la pointe des pieds. -

Phatique xeuiiol. - 15 .

P - : XJ : UllfJL. tMOCTIBjR

AGNOSIE

par le D' MOUTIER

L'agnosie est la perte de la faculté de transformer les sensations sim-

ples ou élémentaires en sensations supérieures ou perceptions propre-

ment dites. Elle' représente un trouble de l'idenlificalion secondaire des

objets. L'agnosique reconnaît donc la forme, les qualités sonores ou

colorées d'un objet; il peut en désigner les éléments constituants, mais il

ne peut en définir l'usage, il ne peut le nommer. Il a donc encore des

sensations, mais ne sait plus les interpréter. 11 s'exprime d'ailleurs cor-

rectement, et par la forme, et par le fond. Il n'est ni dément, ni apha-

sique.

L'agnosie est rarement totale. Le plus souvent elle porte, sur divers

ordres de sensations, sans les embrasser tous. Ainsi, un malade peut

présenter une agnosie tactile, visuelle, olfactive, gustative, l'agnosie audi-

tive faisant défaut. Plus souvent l'agnosie porte isolément sur un ordre

donné de sensations.

Dans l'agnosie tactile (trouble de l'identification secondaire ou asyni-

hulie), le malade peut déterminer plus ou moins exactement les qualités

d'un objet; il ne peut le nommer. Un crayon sera déclaré, rond, lisse,

pointu, dur. etc.; il ne pourra être déterminé « crayon ». Mais dès que

le malade ouvrira les yeux. l'objet sera immédiatement et exactement

nommé. Dans l'agnosie visuelle, le crayon sera déclaré rouge ou noir,

allongé, mat ou brillant, mince ou épais, etc., mais le malade pourra au

palper seul le reconnaître; en tant que crayon. De môme, l'agnosique

visuel décrira les caractères objectils visuels d'une sonnette, sans pou-

voir la nommer avec le seul concours de la vue. En revanche, dès qu'il il

l'entendra sonner, dès qu'il pourra la manier; il la nommera facilement.

On a peu étudié les agnosies auditives, olfactives ou gustatives isolées.

Elles sont fréquemment associées il d'autres agnosies et forment des syn-

dromes complexes. Certains malades ne peuvent de la sorte identifier

les objets, reconnaître leur nature, les nommer correctement en un mot

que par l'usage d'un sens unique, tous les antres fournissant les seuls

caractères élémentaires des corps.

Théoriquement, l'agnosie est donc un (rouble purement intellectuel.

En fait, il est extrêmement difficile parfois de faire le départ du trouble

jt AGNOSIE. 227

sensoriel périphérique (affaiblissement du tact, de la vue, de l'ouïe) et

du trouble cérébral. Cela est flagrant surtout pour rasynrbolie tactile

où. malgré la rigueur des définitions, l'ignorance du sujet dépend souvent

et simultanément d'une diminution de l'intelligence, d'une altération

motrice et d'un certain degré d'anesthésie. Il en est ainsi notamment

chez les hémiplégiques et les névritiques d'ordres divers. Les autres

agnosies, l'agnosie visuelle pure, l'agnosie visuelle associée à l'agnosie

tactile, gustative, etc. semblent former un groupe de symptômes à subs-

li-atiiiii anatomo-palhologique défini, représenté à peu près constamment

par les altérations généralement bilatérales et symétriques du terri-

toire de la cérébrale postérieure, notamment des lobules lingual et

fusiforme. '

Le diagnostic des agnosies est délicat. II repose sur l'existence de

troubles intellectuels purs ou du moins sur l'insuffisance des troubles

périphériques éventuellement existants à expliquer les accidents reconnus.

Il convient de distinguer avec soin l'agnosie tactile des paralysies motrices

ou sensitives, l'agnosie visuelle des cécités périphériques ou corticales

(hémianopsies) et 'de la cécité verbale. Dans celle-ci (ancienne aphasie

sensorielle) le malade voit et reconnaît toujours au moins la forme géné-

rale de l'écriture et de l'imprimé : il redresse en effet constamment la

feuille qu'on lui présente renversée : il ne peut lire, mais il sait qu'il y a

là quelque chose à lire : l'agnosique au contraire ne retourne pas la

feuille : il n'a aucune perception, aucune idée de ce qu'on lui met sons les

yeux, bien que son langage intérieur ne soit aucunement troublé. On

évitera enfin de prendre l'agnosique, multiple, complexe, pour un dé-

ment : l'agnosique se présente en effet comme un ignorant, non comme

un ètre déraisonnable. Ses seules apparences d'incohérence sont liées

à son défaut de reconnaissance des objets extérieurs, défaut qui l'amène

à d'inévitables fautes d'interprétation.

[MOUTIER.]

SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE

- - par Georges GUILLAIN

Avant de commencer l'examen d'un individu aliéné ou supposé tel, il

est indispensable d'avoir des renseignements anamnestiques précis. Il

faut connaître les antécédents héréditaires du malade et ses antécédents

personnels, savoir quelle a été l'histoire de sa vie, quelles maladies il a

laites, quelles intoxications il a subies, quels troubles psychiques il a

déjà manifestés au cours de son existence. Puis on se'fera exposer, sans

craindre d'entrer dans les plus minutieux détails ni d'insister sur les

faits en apparence les plus insignifiants, les prodromes, le mode de début,

la marche et l'évolution de l'affection mentale actuelle. Nous ajouterons.

d'ailleurs, qu'il ne faut accueillir qu'avec une grande réserve le témoi-

gnage de toutes les personnes qui sont en rapport avec le malade, sur-

tout dans les cas d'expertise médico-tégale.

L'étude du malade lui-même est parfois difficile. Beaucoup d'aliénés,

en effet, se refusent à tout examen médical dont ils ne comprennent ni le

but ni l'utilité. Aussi est-il parfois nécessaire d'user de quelque procédé

détourné pour entrer en contact avec les malades, et même de leur dissi-

muler que l'on est un médecin. Avec du tact et du jugement, on peut

presque toujours les examiner d'une façon suffisante pour prendre les

déterminations thérapeutiques nécessaires, pour conseiller un interne-

ment par exemple.

Il faut éviter d'examiner les malades aliénés devant toute une famille

assemblée, une ou deux personnes de l'entourage suffisent et elles

doivent être muettes. Il est préférable d'examiner les malades debout et

non au lit, à l'exception toutefois des cas où une affection générale

nécessite le repos absolu au lit. ,

On ne doit pas se contenter d'une étude des fonctions psychiques, il

faut pratiquer toujours, quand cela sera possible, un examen viscéral

complet.

De nombreuses questions se posent en présence d'un malade aliéné. Il

faut déterminer quel est le fonds intellectuel, quelles sont les idées déli-

rantes, savoir s'il existe des hallucinations, rechercher les tendances

réactionnelles du sujet. Des phrases très simples, telles que : « quel jour

sommes-nous ? » « où êtes-vous ? » « que ! âge avez-vous ? » permettront

SlsllfOf.OGII; l'SlClll.l'l'IiIQUI ? 22J

rapidement de voir si le malade est orienté élans l'espace et dans le

temps, s'il s'agit d'un dément ou d'un aliéné lucide. Ces phrases ne

doivent pas d'ailleurs être toujours prononcées d'une façon systématique,

car il ne faut pas examiner les aliénés par le procédé des (p)estionnaires.

On a. en effet, proposé des schémas de questions. Ce mode d'investiga-

tion des fonctions psychiques n'est nullement clinique. Ainsi que le dit-

fort justement Séglas, comment un schéma identique peut-il servir indif-

féremment il l'interrogatoire d'un confus ou d'un paranoïaque, d'indi-

vidus d âge, de sexe, d'éducation, de niveau intellectuel différents ? Sans

doute, pour certains détails précis d'un examen psychiatrique, on peut

s'aider d'un plan de questions préparées il l'avance, mais quand on voit

un malade pour la première Ibis, il est préférable d'avoir avec lui une

conversation en apparence normale. Dans cette conversation, le médecin

aura non seulement un rôle passif d'observateur, mais encore un rôle

actif en dirigeant les idées exprimées, en provoquant les sujets de l'en-

tretien, en faisant causer le malade, voire même en le faisant délirer.

Il est des malades avec lesquels il est facile d'entrer en conversation,

Iris les mélancoliques simples, les délirants systématiques, les persé-

cutés, les persécuteurs, les mystiques, les fous moraux, les obsédés, les

impulsifs conscients. Avec d'autres, on ne peut avoir un entretien suivi

(manie aiguë, délires hallucinatoires aigus). Certains ne répondent pas

parce qu'ils ont un affaiblissement intellectuel soit transitoire (confusion

mentale), soit permanent (démences) ; enfin, il est des malades qui,

volontairement, se renferment dans un mutisme absolu.

Les aliénés partent souvent spontanément (manie aiguë, délires hallu-

cinatoires, confusion mentale délirante, paralysie générale, etc.). 11 faut

écouter, sans les interrompre, les discours des aliénés : ils sont très

utiles pour orienter le diagnostic.

On notera avec soin la physionomie des malades, leur mimique, leur

attitude, leur tenue, les emblèmes dont parfois ils se revêtent. On étu-

diera leurs écrits.

Dans les laboratoires et élans les cliniques spéciales, on peut compléter

1 examen des aliénés par des recherches de physiologie, de psychologie

expérimentale, de psycho-physique; ces procédés, très intéressants et

très utiles au point de vue scientifique, ne sont pas souvent applicables

dans la clientèle privée; on peut d'ailleurs faire sans leur aide des dia-

;;uoslics cliniclnes.

On ne saurait trop insister sur le soin qu'il faut apporter à l'examen

des malades supposés aliénés, car, bien souvent, c'est du résultat de cet

examen que dépendra l'internement ou le non internement du malade.

On comprend quelle peut èlre la gravité d'une erreur de diagnostic, soit

que 1 on ait considéré comme aliéné un individu qui ne l'était pas, soit,

an contraire, qu'on ait méconnu un cas légitime d'aliénation mentale et

déclaré sain d'esprit un sujet qui pourra être dangereux et pour lui-

même et pour les autres.

[G. GUILLAIN.]

230 SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.

De nombreux auteurs classent les symptômes psychiques en trois

groupes en rapport avec l'intelligence, la volonté, la sensibilité morale.

Cette division est tout, à fait théorique; nous préférons, avec Morse)) ! .

Agostini, Séglas, étudier successivement les manifestations extérieures

de l'aliénation mentale qui se traduisent dans le langage, la conduite et

les actes, puis les principaux phénomènes psychiques (').

LES TROUBLES DU LANGAGE CHEZ LES ALIÉNÉS

Nous envisagerons d'abord le mutisme vésanique, ensuite les troubles

du langage articulé, du langage écrit et du langage mimique.

Le mutisme vésanique. - Certains malades aliénés sont abso-

lument muets. Il ne faut pas confondre le mutisme avec l'aphasie, erreur

qui, parfois, a été commise. Le mutisme est un symptôme dont la valeur

sémiologique est très importante en psychiatrie; il reconnaît des causes

très différentes.

Le mutisme par aboulie résulte de ce que l'acte de parler nécessite un

effort au-dessus des forces du malade. Le mutisme par obnubilation

s'observe dans la confusion mentale où le groupement des mots pour

former des phrases est impossible. Le mutisme par annihilation des fonc-

tions psychiques se constate dans la démence, la stupidité; les malades

ne parlent pas car ils ne pensent pas. Le mutisme par distraction existe

dans des cas de mélancolie avec stupeur où le malade est absorbé par

ses idées pénibles. Dans certains états maniaques, on peut voir un état

de mutisme passager résultant du tumulte des idées; la pensée est

devenue si désordonnée qu'elle passe la mesure de la mobilité possible

des agents de l'articulation (Séglas).

, ségalas a attiré l'attention sur les cas de mutisme résultant de la pré-

. sence d'hallucinations verbales psycho-motrices très développées, les-

quelles, d'ailleurs, peuvent agir de différentes manières. Voici comment

cet auteur expose la question : « Si l'on se rappelle cette remarque de

Stricker que l'on ne peut penser à la fois il deux mots différents à l'aide

de deux images verbales motrices et que l'hallucination verbale motrice

implique la participation du centre moteur d'articulation, on comprendra

aisément que si les hallucinés de cette catégorie tombent parfois dans

le mutisme, c'est parce qu'ils n'ont pas à leur disposition à la fois deux

images motrices différentes, l'une servant à l'hallucination, l'autre il

l'expression de la réponse sollicitée par leur interlocuteur. Quelque-

fois le mécanisme du mutisme peut être un peu différent; alors que les

malades pensent ce qu'ils voudraient dire, il se produit une hallucina-

tion motrice verbale, par suite de laquelle les mots s'échappent sans

I. Je me suis souvent inspiré pour la rédaction de ces pages d'un excellent article de

M. Séglas publié dans le Traité de pathologie mentale de M. Gn.m. : rr BALLET.

LES TROUBLES DU LANGAGE CHEZ LES ALlÉ\IS. 231

bruit de leur bouche, avant, qu'ils n'aient eu le temps de les prononcer

(fuite de la pensée, Piel'l'aecini). J) (S("glas.)

Le mutisme peut être sous la dépendance d'hallucinations qui défen-

dent au malade de parler. Dans d'autres cas, le malade ne parle pas parce

qu'il se croit indigne de parler, parce qu'il ne veut pas que ses ennemis

connaissent ses pensées, parce qu'il craint en ouvrant la bouche de respirer

un air empoisonné, parce qu'il est convaincu de ne plus avoir de

larynx, etc.

Le mutisme, dans la démence catatonique, est une manifestation du

négativisme. Quaut au mutisme hystérique, il est le plus souvent créé

par une idée fixe, il guérit fort bien par l'isolement et la suggestion. Il

faut enlin toujours penser il la simulation du mutisme.

Les troubles du langage articulé. L'intensité de la voix

est diminuée chez les mélancoliques, elle est souvent augmentée chez les

maniaques. Certains persécutés parlent à voix basse pour ne pas être

entendus de leurs ennemis imaginaires, les gens qu'ils supposent les

espionner. Il est des malades qui ont des timbres de voix différents en

rapport avec leurs diverses personnalités.

La diction des aliénés est souvent modifiée. Dans la paralysie générale,

l'excitation maniaque, les délires mégalonianiaques on observe la forme

déclamatoire. Katubamn a attiré l'attention sur la verbigération des cata-

toniques qui disent pathétiquement des mois vides de sens.

Les aliénés parlent parfois seuls il haute voix. Ces monologues dépen-

dent, soit de l'automatisme ! psychologique inconscient, soit des hallucina-

tiens. Si ce symptôme persiste longtemps, il indique une affection chro-

nique tendant à la déchéance intellectuelle.

Certains malades comme les maniaques, les alcooliques, parlent très

vite; les idées se présentent en niasse à leur cerveau, elles sont parfois

tellement, nombreuses qu'elles ne peuvent être exprimées correctement.,

aussi les malades bredouillent (choreoptirasie). Cette pseudo-incohérence,

du langage doit être distinguée de l'incohérence vraie des déments. A

l'opposé des excités maniaques, les mélancoliques parlent avec lenteur et

monotonie.

Les modifications de la syntaxe sont fréquentes (langage enfantin des

idiots, amnésies verbales des déments, etc.). Les aliénés font souvent des

oeotogismes. Certains nl'ologisIIll's par assonance tels qu'on les observe

dans l'('\l'll;1t1011 maniaque, la paralysie générale n'ont pas de significa-

tion : au contraire, les délirants systématiques créent des nl'ologislIll's

qui, pour eux, correspondent à des idées. La tendance de ces derniers

malades à créer des 111 ! ologisllws dénote un affaiblissement, intellectuel

grave.

Il Il 11\ a pas lieu d'étudier ici les dyslalies dépendant de matforma-

11l1l1S congénilales, de tremblements, d'affections organiques du système

nerveux, etc.

Troubles du langage écrit. Les écrits chez les aliénés ont

, [G. GUILLAIN.]

2;;2 I : JIIOLC1GI1; l'l-GI11.1'.I'litfll : l ? .

une valeur sémiologique très importante, ils aident bien souvent au

diagnostic des affections mentales. Certains psychopathes, comme les

inventeurs, les persécutés ont une véritable grapliomanle, les déments

eux-mêmes écrivent souvent de longues pages de griffonnages. On tiendra

compte dans l'examen des écrits de l'aspect du papier, de la forme et de

la dimension des lettres, de la signature (troubles calligraphiques de

loffroy). Le contenu de ces écrits renseignera sur la valeur intellectuelle

et sur les idées délirantes (troubles psycliograptuqucs de Jo111'oy).

En examinant la manière dont les malades exécutent l'acte (récrire, on

remarque que le maniaque, sans s'installer, prend une plume ou un

crayon et forme les lettres avec rapidité, que le mélancolique fait des

efforts multiples pour tracer quelques petits caractères et s'arrête, bientôt;

les hallucinés auditifs semblent écouter, etc. Tous ces détails doivent;

être notés, ils peuvent avoir leur utilité dans des cas de diagnostic dé-

licat.

Troubles de la mimique. H faut distinguer la mimique émo-

tive qui sert à l'expression des émotions et la mimique proprement dite

qui sert il l'expression de la pensée. '

La mimique émotive peut être exagérée (hypermimie) dans l'excitation

maniaque, les délires hallucinatoires ; elle peut être diminuée (hypolllimie) 1

dans l'hypochondrie, la démence; elle peut être abolie (amimie). D'après

Morselli il faut distinguer deux variétés d'amimic : Y amimie asthénique

ct l'a-mintie hpel°stltc·oiqtce. Dansl'aniituieastliéniquc que l'on observe

dans la stupeur, la démence, certains cas de paralysie générale, aucune

émotion ne se traduit sur le visage dont les traits sont dans la résolution.

Dans l'amimie byperstbénique, certains muscles du visage sont dans un

état de contraction permanente et déterminent une expression fixe, on

observe cette variété d'amimie dans la catatonie, le délire religieux, les

délires hallucinatoires.

Le langage mimique proprement dit peut être exagéré, c'est l'hyper-

sémie des états d'expansion, de l'excitation maniaque; il peut être di-

minué ou aboli, c'est l'lrr/posC : nzie ou l'asémie des états de dépression,

de la mélancolie, de la confusion mentale. Certains malades ont de

l'asémie volontaire. Le langage mimique est parfois perverti, c'est la

parésémie, ainsi certains paranoïaques font des gestes dont la significa-

tion n'est comprise que par eux. On peut comparer ces parasémies aux

néologismes du langage parlé.

Signalons enfin Yéchomimie, c'est la reproduction par lès malades des

gestes que l'on fait devant eux.

LES ACTES DES ALIÉNÉS

La connaissance des acjes des aliénés est indispensable pour préciser

le diagnostic des types cliniques en psychiatrie. Il est impossible, dans

, LES ACTES' DÈS ALIENES. 353

un article de sémiologie, de passer en revue tous les actes que peuvent

commettre les aliénés. Nous reproduisons, ci-dessous le tableau synop-

tique donné par Séglas (Traité de pathologie mentale de Gilbert Ballet,

p. 168). Cette classification, adoptée par Séglas, appartient à Spencer,

elle permet d'avoir une idée d'ensemble sur les modalités de la conduite

des aliénés, sur les différentes formes cliniques de la pathologie men-

tale. -

1° Actes concernant la conservation individuelle :

S34 SH,liIOLOGI1. PSYCHIATRIQUE... 1 z1-

L'AMNÉSIE. ' 25Ô

orient, déchirent, leurs vêtements. Les déments délirants se présentent

sous divers aspects. Le délire peut être la continuation pendant l'état de

veille d'un rêve commencé pendant le sommeil ; cette variété de délire

s'observerait assez souvent, d'après Régis, dans la démence sénile. La

démence, chez les paralytiques généraux, imprime au délire un type

contradictoire, incohérent. Dans les démences secondaires, dans les

démences vésaniques, les idées délirantes ne sont que la continuation de

celles qui préexistaient.

Il y a lieu de remarquer que, dans la démence, les fonctions organiques

sont fréquemment très bonnes; l'appétit est conservé, les malades

prennent de l'embonpoint, les règles chez les femmes sont normales. Les

maladies infectieuses intercurrentes donnent souvent peu de symptômes

cliniques appréciables, elles restent latentes et les déments meurent par-

fois sans que l'attention ait été appelée sur leur état de santé demeuré en

apparence normal.

11 ne faut pas confondre la démence vraie chronique et incurable avec

certains états transitoires d'affaiblissement intellectuel, tels qu'on en voi

dans la stupidité, la stupeur cérébrale, la confusion mentale. Dans ces

différents états pseudo-démentiels, qui sont curables, existe le syndrome;

de la confusion- des idées, de la désorientation dans l'espace et dans le;

temps. Ce syndrome peut s'observer à titre épisodique secondairement à

d'autres troubles psychiques (délires hallucinatoires, états émotionnels

profonds), on le rencontre dans les intoxications (alcoolisme, saturnisme),

dans les maladies infectieuses, élans les auto-intoxications (urémie, dia-

bète), dans certains cas de tumeur cérébrale. '

11 faut distinguer aussi la démence de la débilité mentale, de l'ioabécil-

lité, de l'idiotie qui sont des états psychopathiques congénitaux. Tandis

que la démence vraie représente une déchéance de l'individu par rapport

à lui-même, ils ne sont plus, eux, que l'expression d'une déchéance de

l'espèce (Séglas).

L'AMNÉSIE

Il existe un affaiblissement congénital de la mémoire, mais le terme

amnésie ne doit s'appliquer qu'à la diminution ou à la perte acquises de.

la mémoire.

Certains malades ont conscience qu'ils perdent la mémoire (neurasthé-

niques, intoxiqués par le tabac, paralytiques généraux au début), d'autres

ne s'en rendent pas compte (épileptiques, traumatisés, paralytiques géné-

raux à la période d'état).

La mémoire est une fonction psychique complexe. Elle comprend la

conservation (les souvenirs, leur reproduction, leur reconnaissance et

leur localisation dans le temps.

L'examen de la mémoire doit être fait avec méthode, il faudra étudier

chez les malades les diverses catégories de souvenirs : souvenirs du nom,

. - [G. GUILLAIN.]

256 . SÉAtlOLOGOE IJSYCiu,ATlUQm : . ? ''

de l'âge, des faits récents et anciens, des notions générales et spéciales

acquises durant la vie, des mots, etc., il faudra examiner comment se

fait la localisation de ces souvenirs dans le temps, examiner aussi com-

ment se fait la conservation des images nouvelles. - ..

Sollier a désigné, sous le nom de paramnésie de certitude et de

paramnésie de localisation certains troubles spéciaux de la mémoire.

Le sujet atteint de paramnésie de certitude est convaincu d'un fait qui

n'a pas eu lieu réellement ou n'est pas sur d'un fait qui réellement s'est

produit. Le sujet ^atteint de paramnésie de localisation a des souvenirs

qui sont exacts en eux-mêmes, mais qui sont localisés dans le temps

d'une façon erronée.

On distingue deux variétés d'amnésie : les amnésies organiques ou

dysmnésies et les amnésies fonctionnelles. Dans les amnésies organiques,

les images sont détruites ; dans les amnésies fonctionnelles, les images

sont oubliées.

Les amnésies organiques sont en général permanentes et progressives,

la perte de la mémoire se fait suivant une marche régulière, suivant la

loi de la régression de la mémoire. Cette régression porte sur les faits

récents, puis sur les acquisitions intellectuelles anciennes (connaissances

scientifiques, artistiques, professionnelles), sur les souvenirs personnels

qui s'effacent en remontant vers le passé, sur les sentiments. Les habitudes

contractées anciennement persistent en dernier lieu. Cette loi de régres-

sion est applicable aussi aux mémoires particulières. Ainsi, au point de

vue du langage, on voit disparaître successivement les noms propres, les

noms communs, les adjectifs, les verbes, les interjections. Tout s'efface,

comme l'a remarqué Ribot, du plus nouveau au plus ancien, du complexe

au simple. '

Les amnésies fonctionnelles, contrairement aux amnésies organiques

qui sont progressives, ont le plus souvent un début. brusque et sont cura-

bles. Elles se présentent en clinique sous différentes modalités. Dans

l'amnésie systématisée les malades perdent une certaine catégorie de

souvenirs à l'exclusion des autres, ainsi ils oublient par exemple tout ce

qui concerne telle ou telle personne. Dans l'amnésie localisée les événe-

ments dont le souvenir est' perdu appartiennent à telle période de la vie

du malade; l'épileptique qui a perdu le souvenir de sa crise a une

amnésie localisée. - "

Dans .1'ccmzesie rétrograde le malade a perdu le souvenir d'un événe-

ment et celui de tous les faits se rapportant à une période plus ou moins

longue de son existence précédant immédiatement cet événement. Cette

variété d'amnésie s'observe souvent après les traumatismes. Si le malade

a perdu le souvenir d'une période de son existence suivant immédiate-

ment un événement, l'amnésie est dite antérograde ou mieux antéro-

gmde de reproduction (Sollier). L'amnésie rétrograde peut exister seule,

mais l'amnésie antérograde est rarement isolée, l'amnésie est alors le plus

souvent 7,éti,o-aiitéi-oli@ade. -

- LES. HALLUCINATIONS.. ' 237 7

L'amnésie générale est rare. On aurait vu à la suite d'attaques hysté-

riques des. malades ayant perdu tous les souvenirs acquis durant leur vie.

Dans le somnambulisme hystérique avec dédoublement de la personnalité,

l'amnésie est périodique, les souvenirs des deux personnalités paraissent

indépendants les uns des autres.' , -

Il existe certains malades qui, conservant les souvenirs anciens, sont

incapables d'acquérir les- souvenirs nouveaux. Telle est l'amnésie anté-

1 : grade de. conservation de Sollier, l'amnésie continue ou amnésie

d'assimilation de Janet. Il ne s'agit pas ici, à proprement parler, d'une

amnésie, mais d'un troublé dans l'assimilation psychologique des images;

les souvenirs existent dans le subconscient, ils peuvent réapparaître dans

le délire, l'état somnambulique. '

LES HALLUCINATIONS

Esquirol donne de l'hallucination la définition suivante : « Un homme

qui a la conviction entière d'une sensation actuellement perçue alors-que

nul objet extérieur propre à exciter cette sensation n'est à la portée de ses

sens, est dans un état d'hallucination. »

Bail a proposé cette définition plus simple : « L'hallucination est une

perception sans objet. » ,

Il faut distinguer J'hallucination de l'interprétation délirante; dans ce

cas, les sensations sont perçues normalement, mais le malade interprète

la perception d'une façon erronée. 1

La plupart des psychiatres considèrent comme deux phénomènes dis-

tincts l'hallucination et l'illusion; mais cette opinion a été discutée et,

pour certains auteurs, l'illusion et l'hallucination ne seraient que deux

variétés d'un même . trouble psychologique, ne différant que par le point

de départ. L'illusion ne serait qu'une hallucination dont le point de

départ est-manifeste et l'hallucination une illusion dont le point de départ

est latent. Séglas pense que l'illusion et l'hallucination n'offrent pas des

différences de nature, elles ne seraient que .des. variétés d'un même

trouble pathologique ; il est d'avis qu'en théorie on peut faire rentrer les

illusions dans le cadre général des hallucinations, à condition qu'elles,

figurent dans un cadre spécial, les hallucinations périphériques, mais il

ajoute que, comme les hallucinations périphériques et centrales ont une

valeur sémiologique différente, il y. a intérêt en pratique à les distinguer

et à conserver l'ancienne division des hallucinations et des illusions. "

Les hallucinations peuvent être périphériques ou centrales. Les hallu-

ci.nations périphériques ont pour origine une excitation- de l'appareil sen-

soriel qui leur correspond. Suivant que cette excitation se produit dans

l'appareil sensoriel lui-même ou en dehors du, sujet dans le monde exté-

rieur, les hallucinations périphériques sont dites subjectives ou objec-

lives. Dans les hallucinations périphériques subjectives ou objectives,

. . [G. GUILLAIN.]

l'excitation première peut porter sur l'appareil sensoriel correspondant il

l'hallucination ou sur un appareil sensoriel différent, aussi ces hallucina-

tions sont distinguées en directes et indirectes ou réflexes (Ilahlhaurn).

Certains malades ont conscience que leurs hallucinations sont des phé-

nomènes pathologiques, d'autres au contraire n'en ont pas conscience.

11 existe différentes variétés d'hallucinations : les hallucinations senso-

rielles, les hallucinations coenesthésiques. les hallucinations motrices.

Les hallucinations sensorielles comprennent les hallucinations de l'ouïe,

de la vue, du goût, de l'odorat, du tact.

Les hallucinations de l'ouïe sont très fréquentes, la surdité ne les

empêche pas. Certains malades entendent des tintements, des sons mal

déterminés, c'est l'hallucination auditive élémentaire; certains autres

spécifient qu'ils entendent un bruit déterminé (roulement de tambour,

bruit de cloche, etc.), c'est l'hallucination auditive différenciée com-

mune. Enfin certains malades entendent des mots, des phrases ayant une

signification, c'est l'hallucination auditive différenciée verbale. Il est

des aliénés qui entendent leurs pensées se répercuter au dehors, avant

qu'ils ne les aient exprimées, ce phénomène constitue l'écho de la

pensée.

Les mêmes distinctions sont applicables aux hallucinations de la vue.

Les malades qui voient des flammes, des lueurs, ont des hallucinations

visuelles élémentaires; les malades qui voient des assassins, des cer-

cueils, des apparitions mystiques, etc., ont des hallucinations visuelles

différenciées communes. Les hallucinations verbales visuelles existent,

mais sont très rares. Les hallucinations se produisent souvent les yeux

ouverts, mais parfois seulement les yeux fermés, parfois seulement la

nuit dans l'obscurité. II est nécessaire, dans certains cas, de fermer les

yeux du malade pour les provoquer. Elles existent même chez les aveugles.

Les hallucinations peuvent n'intéresser qu'une seule moitié du champ

visuel (hallucinations lrénrioliclues). Certains auteurs ont vu que l'hallu-

cination se dédoublait par la pression du doigt sur le globe de l'oeil qui

modifie le parallélisme des axes optiques; Binet et Féré ont remarqué

expérimentalement que l'hallucination pouvait se réfléchir dans un miroir,

se dévier par le prisme.

Les hallucinations du goût qui s'observent spécialement chez les

malades ayant des idées d'empoisonnement, consistent en la perception

de saveurs amère, acide, terreuse, phosphorée, etc. ,

Les malades qui ont des hallucinations de l'odorat se plaignent de

sentir de mauvaises odeurs. Ils croient parfois que ces mauvaises odeurs

proviennent d'eux-mêmes et ils traduisent cette conviction en disant que

leur corps est décomposé, pourri.

Les hallucinations tactiles consistent en sensations de fourmillements,

de brûlures, d'attouchements, etc.

Les hallucinations coell( ! sihésir¡ues donnent aux malades la croyance

qu'ils ont des animaux dans leur estomac, des charbons brûlants dans

LES HALLUCINATIONS. 2;)\1

leur intestin. Certains sujets se croient en verre, en cire, en bois. Les

hallucinations génitales sont très importantes il connaître, elles ont joué

un rôle jadis dans les procès de, sorcellerie (les incubes et les succubes),

elles peuvent être la cause que des malades accusent des personnes de se

livrer sur eux il des actes obscènes et font ainsi des dénonciations calom-

nieuses qui parfois mettent en action la police. Les hallucinations kinl's-

lllésiques consistent en sensations de lourdeur ou de légèreté, en

sensations de chute, etc., elles appartiennent d'ailleurs il la classe des

hallucinations motrices.

Les hallucinations motrices on) été étudiées par Sellas; les sujets per-

çoivent des mouvements imaginaires partiels ou généraux du corps, ils

voient, tombent dans les précipices, sont soulevés de leur lit, ce sont les

hallucinations des anciennes sorcières qui allaient au sabbat en traver-

sant l'espace sur un manche; il balai, ce sont les hallucinations des am-

putes qui disent accomplir des mouvements avec leurs membres fantômes.

Sellas a montre que l'hallucination peut, encore être plus spécialisée,

intéressant une fonction spéciale, celle du langage dans ses éléments

moteurs : « C'est l'hallucination verbale motrice, orale ou graphique, con-

sistant dans la perception pathologique de paroles, non plus sous la forme

d'images sensorielles auditives ou visuelles, de mots entendus ou lus,

mais sous la forme d'images motrices à l'aille des mouvements adaptés de

l'articulation ou de l'écriture)) » (Séglas). Ces malades n'entendent pas

parler. ils sentent, parler. Le centre moteur d'articulation est en jeu dans

ces hallucinations. Séglas attire l'attention sur les faits suivants qui sem-

Idl'nlle démontrer : « C'est d'abord l'altitude des malades. Ils n eut plus ! air de personnes qui écoutent, mais remuent les 1¡"\Tes, semblent IIlar-

motter leurs paroles comme les individus qui parlent tout seuls leur r

pensée. Si on leur fait écrire leurs hallucinations, ils n'écoulent pas non

plus, mais font en écrivant des mouvements d'articulation.... Certains de;

ces hallucinés remarquent spontanément que leurs hallucinations ne peu-

vent se produire quanel ils parlent eux-mêmes ou lisent il haute voix en

articulant, ou inversement qu'ils ne peuvent parler eux-mêmes pendant t

la durée de l'hallucination Rappelons enlin certaines habitudes em-

ployées par les malades dans le but de faire cesser leurs hallucinations et

qui toutes tendent à s'opposer aux mouvements d'articulation, comme de

tenir la langue serrée entre les dents, de suspendre leur respiration, de

s'emplir la bouche' de cailloux » (Séglas). Certains malades se plaignent

que leur pensée leur échappe de la bouche avant qu'ils n'aient eu le

temps delà prononcer volontairement, c est la fuite delà pensée (Pie-

rocuini), ils disent alors qu'ils ne sont plus maîtres de leur langue, que

leurs idées leur échappent, qu'on parle par leur bouche, qu'on les force

;t lrwlcr, c,tu....

Les hallucinations sont parfois unilatérales. Ces hallucinations unila-

Iéralcs mt souvent comme point de départ un trouble fonctionnel ou des

lésions matérielles des organes sensoriels. Les hallucinations ((I/la(jo-

[G. GUILLAIN.]

240 vl;)It1)L(lGfl; l'Sl( : Ilf : \'l'ItIllUl ?

ni¡.;les sont les hallucinations de ces malades qui, par une oreille, enten-

dent, par exemple, des injures et par l'autre oreille, au contraire, des

compliments, des éloges.

Les hallucinations s'accompagnent de certains symptômes qui peuvent

servir il les l'aire soupçonner alors qu'un aliéné est dans le mutisme.

C'est ainsi qu'on observe, au cours des hallucinations, des modifications

du pouls et de la circulation, des réactions mimiques. Le malade, qui

présente des hallucinations de l'ouïe, a l'attitude d'un individu qui écoute ;

le malade, qui présente des hallucinations visuelles, a souvent la tête en

rotation, le regard fixe. Les hallucinations du goût s'accompagnent de

crachement, de mouvements de déglutition. Ceux qui ont des hallucina-

tions de l'odorat se bouchent le nez, etc

La valeur sémiologique des hallucinations est importante. Les hallu-

cinations se constatent dans de multiples circonstances, dans la période

intermédiaire à la veille et au sommeil (hallucinations hypnagogiques), il la

suite de la fatigue cérébrale, de l'inanition, dans le cours des maladies

infectieuses, des infections et des intoxications. Les hallucinations sont

très fréquentes dans les délires toxiques et infectieux, le délire halluci-

natoire, la confusion mentale hallucinatoire, dans les délires mystiques,

dans le délire de persécution.

LES IDÉES DÉLIRANTES

Le terme délire possède en psychiatrie une signification plus restreinte

que dans le langage ordinaire, il s'emploie couramment, pour désigner

un ensemble plus ou moins complexe d'idées morbides concernant le

« moi ou ses rapports avec le monde extérieur (Séglas). Ces idées déli-

J'anles des auteurs français correspondent aux Wahnideen des auteurs

allemands, aux de/usions des auteurs anglais.

Nous ne considérerons comme idées délirantes ni les idées fixes in-

conscientes ou subconscienles que Pierre Janet a étudiées chez les hys-

tériques et qui jouent un si grand rôle; dans la pathogénie des accidents

de cette névrose, ni les idées obsédantes ou obsessions. Les obsessions

se présentent en clinique avec des caractères très nets qui permettent

toujours de les reconnaître. L'obsession survient par crise dans le champ

de la conscience; le malade, qui a conservé la plénitude de ses facultés

mentales, lutte contre elle, inutilement d'ailleurs le plus souvent; cette

lutte est accompagnée de troubles vaso-moteurs, de congestion de la

face, d'angoisse. Quand l'obsession est satisfaite ou réprimée le malade

ressent un grand soulagement.

Les idées délirantes vraies, contrairement il ce épie l'on pourrait croire,

ne sont pas variables à l'infini; elles se réduisent à un certain nombre de

types; le cerveau délire toujours sur les mêmes thèmes. Sans doute il y a

des variations sur ces thèmes, des nuances dissemblables, elles tiennent

LES IDÉES DÉLIRANTES. 241

à des fadeurs secondaires comme l'éducation des malades, leur fonds

intellectuel, leur état social, leur profession, leurs tendances antérieures,

le caractère, le milieu où ils vivent.

Toutes les idées délirantes observées en psychiatrie peuvent se résumer

dans l'excellente classification suivante que nous empruntons à Séglas :

idées délirantes d'auto-accusation; idées de persécution; idées de dé-

l'ense; idées de grandeur; idées hypochondriaques; idées de négation ;

idées d'énormité; idées mystiques; idées erotiques; délires palingnosti-

flue, métabolique, de transformation corporelle.

Les idées d'auto-accusation. Les malades qui ont des idées

(['auto-accusation se croient indignes, coupables de fautes graves; ils ont

des accès de désespoir, de remords; ils craignent les châtiments, l'em-

prisonnement, l'échafaud, la damnation, l'enfer, etc.

Ces idées délirantes sont, très fréquentes dans la mélancolie délirante,

dans les périodes mélancoliques de la folie intermittente. Dans la para-

lysie générale les idées d'auto-accusation ont des caractères un peu spé-

ciaux il cause du fonds démentiel sur lequel elles évoluent, elles sont

mobiles, incohérentes, contradictoires. Certains persécutés sont aussi

auto-accusateurs.

Les idées d auto-accusation dans la confusion mentale il forme déli-

mnte sont la résultante de l'automatisme psychologique, le délire est

mobile il forme de rêve. Dans le délire alcoolique aigu, délire hallucina-

toire avec confusion mentale, les idées d'auto-accusation sont inconstantes,

variables, reliées aux hallucinations d'origine toxique : l'anxiété et la

teneur de l'alcoolique diffèrent de la douleur morale profonde dumélan-

colique vrai : ces idées se voient aussi dans le délire alcoolique chro-

nique.

Chez certains vieillards non déments on observe des accès de mélan-

colie anxieuse avec les mêmes caractères que chez l'adulte. Ailleurs, dans

la def ? ir.s<t/7f'. les idées d'auto-accusation ont, à cause de cet état

démentiel et de l'amnésie, un aspect clinique spécial ; les déments séniles

ont plus de sensiblerie que de douleur morale; leurs idées délirantes

sont fugaces et vile oubliées.

,Les idées de persécution. Chez les malades qui présentent

des idées de persécution il faut rechercher quelles sont les persécutions

qu'on leur fait subir, quels sont les persécuteurs, il quelle date ont com-

mencé les persécutions, pourquoi sont-elles continuées, enfin quelles

sont devant ces faits leurs réactions' ? ' ?

Les idées de persécution sont très importantes dans la paranoïa, le

délire de persécution de la folie systématique primitive. Les malades

ont en elles une conviction profonde, ils out tendance à réagir, à se

défendre, ;'t lutter contre leurs ennemis quand ils ont systématisé leur

délire; ils deviennent persécuteurs et sont ainsi des aliénés extrêmement

dangereux.

Dans les délires toxiques, comme le délire alcoolique aigu, les idées

Plt.iTIQ114 : Sl.UIIUL. 10

. [G. GUILLAIN.]

212 SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.

de persécution sont en rapport avec les hallucinations, elles sont mobiles

(délire il forme de rêve de Lasègue). Elles se rapportent souvent à des

faits qui se passent au moment même où le malade exprime ses idées;

au cours de son délire il a de l'anxiété, réagit, lutte, est capable de fuir,

de tuer ou de se suicider. Dans le délire alcoolique chronique les idées

de persécution ont fréquemment l'aspect de la jalousie.

Dans la confusion mentale les idées de persécution sont peu impor-

tantes ; elles ont dans ce délire onirique un caractère de mobilité. Elles

sont sans doute la conséquence de troubles de la perception.

Dans la mélancolie les idées de persécution sont vagues. Le mélanco-

tique ne désigne pas ses persécuteurs, il n'entre pas en lutte avec eux

comme le paranoïaque, il considère les persécutions comme un châtiment

juste et mérité de ses fautes. Parfois ces malades croient que leurs

familles, leurs enfants, leur entourage sont persécutés à cause d'eux. 11

faut rappeler toutefois que dans certains cas les idées de persécution des

mélancoliques se rapprochent beaucoup des idées de persécution des

paranoïaques.

Les vieillards ont parfois des idées de persécution il évolution chroni-

que comme les adultes, mais le plus souvent les idées de persécution des

vieillards sont secondaires il l'affaiblissement (les facultés et présentent

un caractère démentiel. Tel est le cas de ces vieillards amnésiques qui,

cachant leurs affaires et ne les retrouvant pas, s'imaginent qu'on les

vole.

Dans la paralysie générale les idées de persécution, quand elles exis-

tent, ont aussi un cachet démentiel. ,

Dans la forme paranoïde de la démence précoce et. chez certains

débiles les idées de persécution ont une systématisation incomplète, un

caractère de niaiserie. Elles s'accompagnent souvent d'autres idées déli-

rantes ; le délire est ainsi polymorphe.

Les hystériques ont parfois des idées de persécution.

Les persécutés peuvent devenir persécuteurs. Ainsi les paranoïaques

qui ont systématisé leur délire poursuivent leurs ennemis imaginaires

de leur haine, cherchant il se venger, peuvent, même commettre des

homicides. Chez une autre catégorie de malades les idées de persécution

active constituent presque toute la maladie, l'idée de persécution passive;

est très réduite. Tel est le délire des persécutés-persécuteurs ou raison-

nants de J. halret, le délire processif, le Querulanlenwahnsinn des

Allemands.

Les idées de défense. - Les idées de défense s'ohservent chez

les persécutés alors qu'ils systématisent leur délire. Certains de ces

malades ont la conviction profonde qu'il coté de leurs ennemis existent

des individus qui les protègent, qui les défendent; il sera toujours utile

pour le médecin d'apprendre quels sont ces défenseurs et quels sont les

procédés employés par eux. Ces idées de défense ont une certaine impor-

tance au point de vue médico-légal, car le persécuté ayant confiance en

LES IDÉES D ;Lttt.LVrrs. 245

elles ne réagit plus lui-même contre ses ennemis, devient ainsi moins

dangereux. Les idées de défense sont habituellement en rapport avec des

hallucinations.

Il est d'autres malades qui prononcent des paroles, font des gestes,

tracent des signes graphiques qui, dans leur esprit, doivent les protéger

contre leurs ennemis. C'est là une variété spéciale des idées de défense.

On peut comparer ces idées de défense des persécutés avec certains

phénomènes psychiques bien connus, telle l'habitude de se laver inces-

samment les mains qu'ont les obsédés atteints de délire du toucher,

telle l'habitude qu'ont les onomatomanesde prononcer certains mots pour

..neutraliser l'influence supposée mauvaise de certains autres mots.

C Les idées de grandeur. Certains malades croient avoir une

grande force, une santé merveilleuse, s'imaginent être très riches, ils

envisagent la vie avec optimisme, avec satisfaction. De telles idées s'obser-

vent avec une grande; fréquence dans la paralysie générale; les sujets

possèdent des pierres précieuses, des millions, des milliards, sont

heureux de vivre; ils sont généreux, libéraux, distribuent leurs énormes

richesses; mais ce délire des paralytiques a des caractères spéciaux dus il

l'état démentiel, c'est un délire mobile, absurde, incohérent, contradic-

toire. Les idées de satisfaction avec des caractères semblables se consta-

tent chez les débiles atteints d'excitation maniaque et dans la lsezt.clo-

paralysie générale alcoolique. Les idées de satisfaction, de capacité

existent dans une phase de la folie circulaire.

D'autres malades ont des idées de grandeur qui se présentent sous un

aspect différent, ce sont des idées orgueilleuses, ambitieuses, qui déter-

minent une' véritable transformation de la personnalité. Ces idées orgueil-

leuses et ambitieuses appartiennent surtout à la folie systématique qui

évolue depuis les idées de persécution jusqu'aux idées de grandeur où

les malades se croient pape, roi, empereur; le délire est très systématisé.

Les idées orgueilleuses dans la variété paranoïde de la démence précoce

sont mélangées à des idées de persécution, à des idées hypochondria-

(PICS, le délire est ici polymorphe. Elles existent aussi, mais mal coor-

données dans le délire alcoolique chronique, elles sont vagues et impré-

cises dans la confusion mentale délirante.

Les idées hypochondriaques. Les idées hypochondriaques

ont trait aux préoccupations des malades sur leur santé générale, sur

1 état de leurs organes. Certains sujets, comme les neurasthéniques,

s occupent d'une façon excessive de leur constitution physique, s'obser-

vent, s'analysent, interprètent toutes leurs sensations. Certains autres

ont ces mêmes craintes des maladies poussées Ù un degré excessif,

angoissant, on ne peut les raisonner; il s'agit alors de véritables idées

déliranles parfois très systématisées, c'est la folie hypocliondriaque.

Les idées hypochondriaques s'observent dans un état morbide que l'on

appelle l'hypochondrie essentielle, elles forment alors le fonds même de

la psychose.

[G. GUILLAIN.]

>>y. SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.

Très souvent, les idées hypochondriaques coexistent avec d'autres

troubles psychiques. Elles se voient dans la mélancolie, sont alors sou-

vent prédominantes dans le tableau clinique et réalisent une forme spé-

ciale de cette affection, la mélancolie hypochondriaque; elles s'accom-

pagnent assez souvent d'idées de négation.

Elles s'observent aussi dans les états mélancoliques de la folie inter-

inillen le et chez certains débiles.

Elle s sont fréquentes dans la forme dépressive de la paralysie gélll'-

rale, coexistent alors souvent avec des idées de négation. Certains para-

lytique s généraux se plaignent d'avoir des viscères petits, rétrécis, c'est

le délire niicromaniaquc que l'on peut voir également chez les débiles et

dans que loues intoxications telle que celle par le haschisch.

Dans la démence sénile, les idées hypochondriaques s'accompagnent

de gémissements, de plaintes monotones; elles évoluent sur un état

mental démentiel.

Chez les alcooliques chroniques les idées hypochondriaques sont en

rapport avec des troubles de la sensibilité. f

Les persécuteurs raisonnants ont parfois des idées hypochondriaques ,

ils accusent leurs parents, leurs médecins d'être la cause de leurs mau x

imaginaires. Ces aliénés sont dangereux, car souvent ils cherchent à s c

venger. Dans le délire chronique à évolution progressive de Magna n,

les idées hypochondriaques ne sont pas fréquentes; lorsqu'elles

existent, ces persécutés supposent des manoeuvres de leurs ennemis.

Les idées de négation. - Les aliénés négateurs disent qu'ils n'ont

plus d'estomac, d'intestin, de sang, de coeur, de cerveau; ils n'ont plus

d'intelligence, plus de pensées : ils n'ont pas d'âge, pas de famille. Ils

nient tout, tant élans leur propre existence que dans le inonde exté-

rieur.

Les idées de négation sont fréquentes dans certaines formes de mélan-

colie et très systématisées. Elles apparaissent, en général, assez tardive-

ment ; leur pronostic est grave, car elles prouvent la tendance de l'affec-

tion il la chronicité. Les idées de négation appartiennent au syndrome de

Cotard qui est caractérisé par les idées de négation, les idées d'immor-

talité, le délire d'énormité, le délire mélancolique, les idées de damnation

et de possession, les troubles de la sensibilité, l'anxiété mélancolique, la

folie d'opposition, la tendance au suicide et aux mutilations volontaircs.

Les idées de négation s'observent dans la paralysie générale, elles

peuvent même apparaître au début de cette affection. Elles ont le carac-

tère d'absurdité, d'incohérence qui est inhérent à tous les délires des

paralytiques généraux. Chez les débiles elles ont un aspect assez sem-

blable.

On constate des idées de négation dans la démence sénile. Parfois,

elles apparaissent chez les vieillards Il suite, d'un ictus apoplectique et

sont alors déterminées par des troubles de la cOEnestMsie.

Dans la confusion mentale, les idées de négation assez fréquentes.

LES IDÉES DÉLIRANTES. 245

dépendent des troubles de la perception. Chez les alcooliques, elles ont

aussi pour cause les (roubles de la sensibilité générale.

Les idées d'énormité. - Ces idées ont été décrites par Cotard.

On les observe dans la paralysie générale et la mélancolie.

Chez les paralytiques généraux les idées d'énormité ne présentent

aucune systématisation. Tel le délire de ces malades qui se plaignent

d'avoir des centaines d'estomacs, une érection perpétuelle, etc.

Chez les mélancoliques, les idées d'énormité font partie du syndrome

de Cotard. Ces malades ont des idées d'immortalité; ils ont un corps qui

ne peut pas mourir; leur taille est immense, ils touchent les étoiles.

Ces idées d'énormité et d'immortalité sont très pénibles pour les malades

qui préféreraient, disent-ils, la mort à d'éternelles souffrances.

Les idées religieuses. « En pathologie mentale, le terme

d'idées religieuses ou mystiques ne désigne nullement, connue on pour-

rait le croire au premier abord, un délire concernant la religion, les

croyances, les dogmes religieux différents. Il sert simplement, la plupart

du temps, il qualifier des idées délirantes diverses dont l'expression, la

formule rappelle des notions religieuses, une série, de croyances dans

lesquelles le sujet a été élevé ou dont il a simplement entendu parler. »

(Séglas.) .

Les idées religieuses s'observent dans des affections mentales très

différentes.

Certains malades atteints de folie systématique ont un délire mystique,

tels les persécutés par le démon. Ces sujets ont de multiples hallucina-

tions, ils voient le démon, entendent sa voix et ses cris, sentent son

odeur; le démon se livre sur eux il des attouchements (incubes et

succubes); d'autres croient être possédés par le démon qui habite en eux

et dont ils sont devenus les esclaves obligatoires, ou même sont con-

vaincus qu'ils sont le démon lui-même (démonomanie). On retrouve dans

l'histoire du moyen âge des cas nombreux de démonopathie; aujourd'hui

ces formes cliniques de la paranoïa sont beaucoup plus rares.

Les theomanes, qui peuvent être opposés aux précédents malades, ont

des relations avec Dieu; Dieu leur parle, leur apparaît, leur donne des

conseils. Ils croient être des êtres supérieurs, surhumains. L'idée déli-

rante, chez eux, revêt le caractère de la mégalomanie.

Quelques aliénés raisonnants sont des mystiques, des exaltés; ils se

font les apôtres fanatiques de religions nouvelles, créent des sectes philo-

sophiques, se livrent parfois à des auto-mutilations pour gagner le ciel.

Les hystériques ont parfois du délire religieux coexistant ou non avec

des crises convulsives; des épidémies de démonopathie se virent chez des

hystériques.

Le délire mystique a été constaté chez les épileptiques. Il présente

alors un début et une disparition brusques, un caractère onirique;

l'amnésie consécutive est totale.

Les mélancoliques croient avoir commis des fautes lourdes; ils méri-

te. CUILLAIN.

24ô . SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE. '

tent l'enfer, sont damnés. Ces idées de damnation sont particulièrement

fréquentes; elles appartiennent au syndrome de Cotard. Les idées de

damnation s'observent aussi dans les périodes mélancoliques de la folie

intermittente. '

Les débiles ont des idées religieuses exagérées, puériles, niaises; ils

ne voient dans les religions que les côtés petits et mesquins. Les obsédés

atteints de folie du doute ont des scrupules excessifs, des inquiétudes

incessantes pour des péchés imaginaires,.

Les paralytiques généraux, dans leurs conceptions inégal omaniaques,

se croient parfois Dieu, le fils de Dieu, etc. Leur délire religieux a,

comme tous leurs délires, des caractères de mobilité et d'incohérence

tout à fait particuliers. Dans les démences, et spécialement dans la

démence sénile, on' observe des idées religieuses pathologiques en rap-

port avec l'affaiblissement des facultés intellectuelles.

Les délires religieux que l'on constate dans certaines intoxications

(solanées vireuses, haschich, opium, alcool) ont les caractères hallucina-

toires oniriques des délires toxiques. '

Les idées érotiques. - Un groupe spécial d'idées érotiques com-

prend toutes les perversions sexuelles (exhibitionnisme, fétichisme,

sadisme, masochisme, uranisme).Les idées érotiques sont observées

dans un grand nombre d'affections mentales. Elles sont fréquentes dans

la phase initiale de la paralysie générale et même peuvent être le sym-

ptôme révélateur de la maladie; les paralytiques généraux font des excès

vénériens, commettent des attentats à la pudeur, présentent de l'exhi-

bitionnisme, etc.; on voit des individus, d'une honorabilité parfaite jus-

qu'alors, être conduits pour de tels faits devant la justice.

Les idées érotiques avec attitudes lascives, paroles obscènes, se voient

dans l'excitation maniaque, la manie puerpérale, etc. Les alcooliques

commettent des attentats il la pudeur, font des actes d'exhibitionnisme.

L'érotisme appartient aussi à Y intoxication par l'opium, le haschisch..

L'onanisme, l'exhibitionnisme, l'impulsion sexuelle sont fréquents

chez les épileptiques.

Les hystériques, dans leurs délires, ont souvent des idées érotiques.

Certains hystériques mythomanes inventent des scènes d'attentat à la

pudeur et portent des accusations mensongères contre des personnes

honorables; ces malades sont très dangereux.

Dans la démence sénile l'érotisme n'est pas rare.

Durant l'évolution du' délire de persécution, certains malades ont des

hallucinations du sens génital qui ne leur sont nullement agréables; ils

se plaignent de subir des attouchements, d'être violés. Ils accusent leurs

persécuteurs et portent plainte à la police.

Les mystiques disent avoir des rapports sexuels avec Dieu, avec le

démon (incubes et succuhes). On a vu des délirants mystiques se.livrer à

des individus qu'ils croyaient être des anges ou des envoyés de Dieu.

Les idées érotiques ont un rôle dans la psychologie des persécuteurs

THÉRAPEUTIQUE DES AFFECTIONS MENTALES. 247

amoureux qui poursuivent des personnes qui ne répondent nullement il

leurs sollicitations. Certains malades ontnn délire erotique chaste,

vouant un culte idéal il un être imaginaire.

Les idées erotiques sont fréquentes chez les psychasthéniques obsédés.

Ces malades sont obsédés par des mots obscènes, des images lascives.

Les délires métaboliques et palingnostiques. Ces idées

délirantes s'observent chez les débiles congénitaux et chez les déments.

Les malades qui ont un délire métabolique interprètent la nature des

personnes ou des choses qui sont autour d'eux autrement que les autres

hommes. Ainsi l'asile, pour eux, est un royaume. les médecins sont des

ministres, les surveillants des sénateurs. Le délire peut s'adapter aux

choses du passé, il est alors rétrospectif et métabolique : le nom des

malades n'est pas leur vrai nom, leur famille n'est pas leur vraie famille.

Ailleurs, le detirc métabolique concerne la personnalité même du malade

qui se croit en verre, en bois, ou changé en un animal (zoanthropie), en

, loup (lycanthropie).

" Le délire palingnoslique, ou délire de reconnaissance, est le délire de

ces sujets qui croient avoir vu jadis et reconnaître des personnes ou des

; choses qu'en réalité ils voient pour la première fois. '

THÉRAPEUTIQUE DES AFFECTIONS MENTALES

Nous n'avons pas l'intention d'envisager dans tous leurs détails les

multiples modalités du traitement des affections mentales; notre but est

d'indiquer les principales méthodes thérapeutiques utilisées en psychia-

trie et les conditions qu'exige la loi française pour faire interner les

aliénés.

La thérapeutique prophylactique est fort utile. L'alcoolisme et la

syphilis sont les facteurs les plus importants dans l'étiologie des aftec-

tions mentales : toutes les mesures qui tendront il diminuer la fréquence

de; cette infection et de cette intoxication auront pour corollaire la dimi-

nution de la fréquence des cas d'aliénation.

Le médecin devra, par son autorité, par ses conseils, empêcher les

mariages susceptibles de donner naissance à des individus tarés et dégé-

nères. Chez les prédisposés aux troubles psychiques il faudra éviter

toutes les causes de surmenage intellectuel, d'émotions morales. Ces

individus devront choisir de préférence les professions qui ne néces-

sitent pas la préparation de concours; ils devront vivre, s'ils le peuvent,

plutôt il la campagne que dans les agglomérations urbaines. Les excès

génitaux, chez eux, sont souvent néfastes. Nous ne pouvons insister sur

ces considérations d'hygiène physique et morale qui ont une grande

influence dans la prophylaxie des névroses et des psychoses.

La thérapeutique proprement dite des affections mentales comporte

des moyens différents.

[G. GUILLAIN]

248 SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.

L'alitement est indiqué dans les psychopathics aiguës, la manie, les

délires infectieux et toxiques, la confusion mentale; il ne convient pas

aux cas de délires systématisés chroniques. Les maniaques et les mélan-

coliques acceptent le plus souvent fort bien le repos absolu au lit. Sans

doute le maniaque, dans son agitation, se lèvera, mais il est facile, au

bout d'un temps plus ou moins long, quand cette agitation sera calmée,

de le ramener vers son lit. Il est indispensable que les malades soient

surveillés, que des infirmiers, des gardes soient autour d'eux, prêts il

empêcher les actes nuisibles; mais il ne faut pas user des moyens artifi-

ciels tels que la camisole de force pour maintenir les aliénés..Ce procédé

est un procédé barbare, il ne pourrait être justifié que dans le cas

d'absence de tout infirmier pour surveiller les malades; celte éventualité

ne doit jamais se présenter. On sait aussi quel est le danger de la cami-

sole de force en cas de fièvre. Magnan a dit avec beaucoup de raison :

« Tout malade fébricitant que l'on camisole est un homme mort. »

Somme toute, il faut éviter les moyens de contrainte quels qu'ils soient,

et adopter le procédé de traitement que les Anglais ont désigné par le

vocable significatif : no restreint.

Dans les cas de psychoses aiguës, l'alitement devra parfois être continué

pendant plusieurs semaines, voire même deux il trois mois; on pourra

toutefois, après la première phase, faire lever quelques heures chaque

jour les malades. Cette mesure a son utilité pour éviter la perte de

l'appétit et la constipation.

Durant tout le temps que le malade sera alité, on surveillera avec

beaucoup d'attention le développement possible des eschares. Les soins

de propreté doivent toujours être exigés et spécialement pour les gâteux.

Le régime alimentaire variera suivant les différents malades, suivant

qu'il existe ou non de la lièvre, des troubles gastro-intestinaux, des

(roubles rénaux ou hépatiques. Il faut éviter la dénutrition qui a une

influence mauvaise sur les fonctions mentales. Les toxiques comme

l'alcool seront proscrits. Certains malades refusent absolument de s'ali-

menter soit par suite d'idées d'empoisonnement ou de négation, soit par

idée de suicide, soit par dépression psychique profonde; il est absolu-

ment nécessaire de faire chez eux l'alimentation forcée.

L'hydrothérapie est employée sous diverses formes. Dans les états de

dépression mélancolique on conseillera l'application du drap mouillé

froid en même temps que seront faites à travers le linge humide des fric-

tions sur la peau pendant quelques minutes, puis le malade sera entouré

par un drap sec. Les états d'excitation maniaque seront calmés parfois

par l'application prolongée d'un drap mouillé froid entouré de couver-

tures de laine.

La douche froide en jet mobile, en éventail, en cercle, en pomme

d'arrosoir excite les mélancoliques; elle ne convient nullement aux états

de dépression des paralytiques généraux, car elle est susceptible de

déterminer des phénomènes de congestion encéphalique;.

THÉRAPEUTIQUE DES AFFECTIONS MENTALES. 249

La douche tiède il ;)2°, ;)1 ? 50° est sédative. D'après Beni-Barde

une douche prolongée durant cinq à huit minutes sur les côtés de la

colonne vertébrale diminue l'excitabilité réflexe du système cerchro-

spinal et par là est utile dans l'excitation maniaque prolongée.

Les hains froids doivent être employés dans les états maniaques

accompagnés d'hvperthernnic. Les bains tièdes il 54°, 5(i" sont des

sédatifs puissants, ils peuvent être très prolongés, même plusieurs jours

et plusieurs semaines, comme l'a conseillé ]\roepelin.

Le massage favorisant la circulation sanguine et lymphatique con-

tribue il relever la nutrition défaillante dans certains états dépressifs.

Parmi les agents de la thérapeutique médicamenteuse, nous ne citerons

que les plus importants, ceux qui, de l'avis presque unanime, donnent

des résultats utiles.

L'opium est fréquemment conseillé aux mélancoliques. Il diminue

l'anxiété, permet le sommeil, atténue les hallucinations.

On administre le chlorhydrate de morphine en injections sous-cuta-

nées, l'extrait d'opium, le laudanum. Les doses doivent être progressi-

vement croissantes; on peut donner, par exemple, jusqu'à 100 gouttes

de laudanum dans les 24 heures. Il faut toujours commencer par des

doses très minimes et n'arriver à ces doses extrêmes que dans des cas

de mélancolie avec angoisse très accentuée et somme toute exception-

nellement.

Le chlorhydrate (l"hyoscille serait, d'après Magnan, le médicament

spécifique du syndrome agitation. Une injection de 1. milligramme de

chlorhydrate d'hyoscine amène plusieurs heures de sommeil.

Chlorhydrate d'hyoscine........... centigramme.

Eau distillée de laurier-cerise ......... 10 c. c.

Une seringue de Pravaz contient 1 milligramme de chlorhydrate

d'hyoscine.

Le sulfate de dllboisine est un hypnotique très actif, mais non sans

danger. Marandon de Montyet l'a administré en injections hypodermiques

à la dose de 2 à 4 milligrammes. Nous croyons préférable de ne pas

dépasser un demi-milligramme à un milligramme par injection.

Sulfate de duboisinc.............. 0 gr. 0l t

Eau distillée stérilisée 20 grammes.

Une seringue de Pravaz contient un demi-milligramme de sulfate de

duboisine.

L'eryotille et l'ergot ini ne sont des agents vaso-constricteurs ayant une

action favorable dans les étals d'excitation dus à la congestion encépha-

11(lue. Anglade fait remarquer que ce sont les meilleurs sédatifs de

l'agitation maniaque survenant au cours de la paralysie générale.

Ergotine Yvon. En injecter un demi-centimètre cube ou un centimètre

cube.

[G. GUILLAIN J

250 : SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE. ; . ..

Ergotinine : , , , .

THÉRAPEUTIQUE DES AFFECTIONS MENTALES. 251

252 SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.

tique. L'isolement et le traitement psychique donne des résultais souvent

excellents chez beaucoup de psychaslhéniques, de mélancoliques. La

psychothérapie a beaucoup moins d'influence chez les malades atteints

d'idée fixe et d obsession. Chez les persécutés la persuasion est très

difficile et l'on ne peut arriver que rarement aies convaincre de l'absur-

dité de leurs idées. Aux malades atteints de délires infectieux et toxiques

on expliquera qu'ils sont le jouet d'hallucinations; aux malades qui ter-

minent un accès de confusion mentale on fera comprendre qu ils ont eu

une maladie sérieuse, on les adaptera au milieu nouveau où ils se trou-

vent. Combien utile encore est la psychothérapie, l'orthopédie morale,

chez les dégénérés pervertis, chez les arriérés, les idiots; il tous, le

médecin donnera la notion du bien et du mal, fera comprendre l'utilité

des principes de la morale privée et sociale. Chez les malades atteints

d intoxications chroniques par l'opium, la morphine, l'alcool et désirant

abandonner leurs funestes passions, la psychothérapie sera un adjuvant,

ires utile à leur volonté si souvent défaillante.

INTERNEMENT DES ALIÉNÉS "

La loi qui fixe le régime des aliénés eu France est la loi du 50 juin

1858, elle a été complétée par une ordonnance royale du J8 décembre

1859. Les médecins ayant souvent besoin de consulter ces lois, nous en

avons reproduit ci-dessous le texte.

LOI DU 30 JUIN 1838 SUR LES ALIÉNÉS 1

TITRE PREMIER

Des établissements d'aliénés.

Aiit. 1er. Chaque département est tenu d'avoir un établissement public, spécia-

lement destiné à recevoir et soigner les aliénés, ou de traiter, it cet effet, avec un

établissement public ou privé soit de ce département, soit d'un autre département.

Les traités passés avec les établissements publics ou privés devront être approuvés par

le Ministre de l'Intérieur.

Ain. 2. Les établissements publics consacrés aux aliénés sont placés sous la

direction de l'autorité publique. ,

AIIT. 5. Les établissements privés consacrés aux aliénés, sont placés sous la sur-

veillance de l'autorité publique.

Afiï. 4. Le préfet et les personnes spécialement déléguées il cet en'et par lui ou

par le Ministre de l'Intérieur, le président du tribunal, le procureur du roi, le juge de

paix, le maire de la commune sont chargés de visiter les établissements publics nu

privés consacrés aux aliénés.

Ils recevront les réclamations des personnes qui y seront placées et prendront ;'1 leur

égard tous renseignements propres à l'aire connaître leur position.

Les établissements privés seront visités, il des jours indéterminés, une fois au moins

ITf.III'.DIET Df.S : 1LIl : f ? 255

chaque trimestre, par le procureur du roi de l'arrondissement. Les établissements

publics le seront de la même manière, une fois au moins par semestre.

Aiit. 5. Nul ne pourra diriger ni former un établissement privé consacré aux

aliénés sans l'autorisation du gouvernement.

Les établissements privés consacrés au traitement d'autres maladies ne pourront

recevoir les personnes atteintes d'aliénation mentale, à moins qu'elles ne soient placées

dans un local entièrement séparé.

Ces établissements devront être, à cet effet, spécialement autorisés par le gouver-

nement, et seront soumis, en ce qui concerne les aliénés, à toutes les obligations pres-

crites par la présente loi.

ArT. 6. Des règlements d'administration publique détermineront les conditions

auxquelles seront accordées les autorisations énoncées en l'article précédent, les cas

où elles pourront être retirées, et les obligations auxquelles seront soumis les établis-

sements autorisés.

Ain. 7. Les règlements intérieurs des établissements publics consacrés en tout

ou en partie au service des aliénés, seront, dans les dispositions relatives à ce service,

soumis à l'approbation du Ministre de l'Intérieur.

, TITRE II I

Des placements faits dans les établissements d'aliénés.

SECTION I. DES PLACEMENTS VOLONTAIRES

A«t. 8. Les chefs ou préposés responsables des établissements publics et les

directeurs des établissements privés et consacrés aux aliénés, ne pourront recevoir une

personne atteinte d'aliénation mentale, s'il ne leur est remis :

1° Une demande d'admission contenant les noms, profession, âge et domicile, tant

de la personne qui la formera que de celle dont le placement sera réclamé, et l'indi-

cation du degré de parenté ou, a défaut, de la nature des relations qui existent entre

elles.

La demande sera écrite et signée par celui qui la formera, et, s'il ne sait pas écrire,

elle sera reçue par le maire ou le commissaire de police qui en donnera acte.

Les chefs, préposés ou directeurs, devront s'assurer, sous leur responsabilité, de

l'individualité de la personne qui aura formé la demande, lorsque cette demande n'aura

pas été reçue par le maire ou le commissaire de police.

Si la demande d'admission est formée par le tuteur d'un interdit, il devra fournir,

à l'appui, un extrait du jugement d'interdiction.

2° Un certificat du médecin constatait l'état mental de la personne à placer, et

indiquant les particularités de sa maladie^et la nécessité de faire traiter la personne

désignée dans un établissement d'aliénés etde l'y tenir renfermée.

Le certificat ne pourra èlre admis, s'il a été délivré plus de quinze jours avant la

remise au chef ou directeur; s'il est signé d'un médecin attaché a l'établissement, ou si

le médecin signataire est parent ou allié, au second degré inclusivement, des chefs ou

propriétaires de l'établissement, ou de la personne qui fera effectuer le placement.

En cas d'urgence les chefs des établissements publics pourront se dispenser d'exiger

le certificat du médecin.

Le passeport ou toute autre pièce propre à constater l'individualité de la personne : 1 placer.

Il sera fait mention de toutes les pièces produites dans un bulletin d'entrée, qui sera

renvoyé dans les vingt-quatre heures avec un certificat du médecin de l'établissement,

et la copie de celui ci-dessus mentionné, au préfet de police il Paris, au préfet ou au

sous-préfet dans les communes chefs-lieux de département ou d'arrondissement et aux

maires dans les autres communes.

Le sous-préfet ou le maire en fera immédiatement l'envoi au préfet.

[G. GUILLAIN.]

2;),1, v1.111111.11(II : l'S1'Clll : 1'flfl(ICE.

Si le le placement est fait dans un établissement privé, le préfet, dans le

trois jours de la réception du bulletin, chargera un oui plusieurs hommes de de.

trois jours de la réception du bulletin, chargera un ou plusieurs hommes de l'art du

visiter la personne désignée dans ce bulletin, -il l'elfel de constater son étal mental et

d'en faire rapport sur-le-champ, Il pourra adjoindre telle autre personne qu'il désignera

AI : 1'. 10. Dans le même délai, le préfet notifiera adminisfralivement les noms,

profession et domicile, tant de la personne placée que de celle qui aura demandé le

placement, et les causes du placement : 1" au procureur du roi de l'arrondissement du

domicile de la personne placée; 2° au procureur du roi de l'arrondissement de la

situation de l'établissement : ces dispositions seront communes aux établissements public' !

et privés. -

Aiit. 11. Quinze jours après le placement d'une personne dans un établissement

public ou privé, il sera adressé au préfet, conformément au dernier paragraphe de l'ar-

ticle 8, un nouveau certificat du médecin de l'établissement; ce certificat confirmera ou

rectifiera, s'il y a lieu, les observations contenues dans le premier certificat, en indi-1

quant le retour plus ou moins fréquent des accès ou des actes de démence.

Ai ! T. 12. Il v aura, dans chaque établissement, un registre cote et paraphé par le

maire sur lequel seront immédiatement inscrits les noms, profession, âge et domicile

des personnes placées dans les établissements, mention du jugement d'interdiction,

si elle a été prononcée, et le nom de leur tuteur; la date de leur placement, les noms,

profession et demeure de la personne parente ou non parente qui l'aura demandé.

Seront également transcrits sur ce registre : Il le certificat du médecin joint à la

demande d'admission; 2° ceux que le médecin de l'établissement devra adresser -il l'auto-

rité, conformément aux articles 8 et Il.

Le médecin sera tenu de consigner sur ce registre, au moins tous les mois, les chan-

gements survenus dans l'état mental de chaque malade. Ce registre constatera éga-

lement les sorties et les décès. '

Ce registre sera soumis aux personnes qui, d'après l'article et, auront le droit de

visiter l'établissement, lorsqu'elles se présenteront pour en faire la visite; après l'avoir

terminée, elles apposeront sur le registre leur visa, leur signature et leurs observations

s'il y -il lieu.

Aiit. 15. Toute personne placée dans un établissement d'aliénés cessera d'y être

retenue, aussitôt que les médecins de l'établissement auront, déclaré, sur le registre

énoncé en l'article précédent, que la guérison est obtenue. " . j

S'il s'agit d'un mineur ou d'un interdit, il sera donné immédiatement avis de la'

déclaration des médecins aux personnes auxquelles il devra ètre remis et au procureur

du roi.

AitT. 14. Avant même que les médecins aient déclaré la guérison, toute personne

placée dans un établissement d'aliénés cessera également d'y être retenue dès que la

.sortie sera requise par l'une des personnes ci-après désignées, savoir :

Il Le curateur nommé en exécution de l'article 5<8 de la présente loi ;

2° L'époux ou l'épouse ;

5° S'il n'y a pas d'époux ou d'épouse, les ascendants';

-4° S'il n'y a pas d'ascendants, les descendants;

5° La personne qui aura signé la demande d'admission, a moins qu'un parent n'ail

déclaré s'opposer à ce qu'elle use de cette faculté sans l'assentiment du conseil de-

famille ;

) ? Toute personne à ce autorisée par le conseil de famille.

S'il résulte d'une opposition notifiée; au chef de rétablissement par un ayant droit

qu'il y a dissentiment soit entre les ascendants, soit entre les descendants, le conseil de

famille prononcera.

Néanmoins, si le médecin de rétablissement, est d'avis que l'étal mental du malade

pourrait compromettre l'ordre; public et la sûreté des personnes, il en sera donné

préalablement connaissance au maire qui pourra ordonner immédiatement un sursis

provisoire à la sortie, -Il la charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au préfet.

INTERNEMENT DES ALIÉNÉS.. 2

Ce sursis provisoire cessera de plein droit à l'expiration de la quinzaine, si le préfet n'a

pas dans ce délai donné l'ordre contraire, conformément à l'article 21 ci-après. L'ordre

du maire sera transcrit sur le registre tenu en exécution de l'article 12.

En cas de minorité ou d'interdiction, le tuteur pourra seul requérir la sortie.

9wr. 15. Dans les vingt-quatre heures de la sortie, les chefs, préposés ou direc-

teurs en donneront avis aux fonctionnaires désignés dans le dernier paragraphe de

l'article 8 et leur feront connaître le nom et la résidence des personnes qui auront retiré

le malade, son état mental au moment de sa sortie, et, autant que possible, l'indication

du lieu où il aura été conduit.

Aiit. 1G. Le préfet pourra toujours ordonner la sortie immédiate des personnes

placées volontairement dans les établissements d'aliénés.

An1'. 17. En aucun cas l'interdit ne pourra être remis qu'il son tuteur, et le

mineur qu'à ceux sous l'autorité desquels il est placé par la loi.

SECTION II. - DES PLACEMENTS ORDONNES PAR L'AUTORITE PUBLIQUE

.IIT. 18. A Paris le préfet de police, et dans les départements les préfets, ordon-

neront d'office le placement, dans un établissement d'aliénés, de toute personne inter-

dite ou non interdite, dont l'état d'aliénation compromettrait l'ordre public ou la sûreté

des personnes.

Les ordres des préfets seront motivés et devront énoncer les circonstances qui les

auront rendus nécessaires. Ces ordres, ainsi que ceux qui seront donnés conformément

aux articles 19, 20, 21 et 25, seront inscrits sur un registre semblable à celui qui est

prescrit par l'article 12 ci-dessus, dont toutes les dispositions seront applicables aux

individus placés d'office. '

AUT. 19. En cas de danger imminent, attesté par le certificat d'un médecin ou

par la- notoriété publique, les commissaires de police à Paris, et les maires dans les

autres communes, ordonneront il l'égard des personnes atteintes d'aliénation mentale,

toutes les mesures provisoires nécessaires, 1\ la charge d'en référer dans les vingt-quatre

heures au préfet qui statuera sans délai.

AIIT. 20. Les chefs, directeurs ou préposés responsables des établissements seront

tenus d'adresser aux préfets dans le premier mois de chaque semestre un rapport rédigé

par le médecin de l'établissement sur l'état de chaque personne qui y sera retenue, sur

la nature de sa maladie et les résultats du traitement.

Le préfet prononcera sur chacune individuellement, ordonnera sa maintenue dans

rétablissement ou sa sortie.

ans. 21. A l'égard des personnes dont le placement aura été volontaire'et dans

le cas où leur état mental pourrait compromettre l'ordre public ou la sûreté des per-

sonnes, le préfet pourra, dans les formes tracées par le deuxième paragraphe de l'ar-

ticle 18, décerner un ordre spécial, à l'effet d'empêcher qu'elles ne sortent de

l'établissement sans son autorisation, si ce n'est pour être placées dans un autre

établissement.

Les chefs, directeurs ou préposés responsables seront tenus de se conformer à cet

ordre.

1r'r. ` ? ? . Les procureurs du roi seront informés de tous les ordres donnés en

vertu des articles 18, 19, 20 et 21.

Ces ordres seront notifiés au maire du domicile des personnes soumises au placement

qui en donnera immédiatement avis aux familles.

Il en sera rendu compte au Ministre de l'Intérieur.

Les diverses notifications prescrites par le présent article seront faites dans les

Cormes et délais énoncés en l'article 10.

Aiit. 25. Si, dans l'intervalle qui s'écoulera entre les rapports ordonnés par l'ar-

ficle ` ! 0, les médecins déclarent sur le registre tenu en exécution de l'article 12, que la

, [G. GUILLAIN.]

250 SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.

sortie peut être ordonnée, les chefs, directeurs ou préposés responsables des établisse-

ments seront tenus, sous peine d'être poursuivis conformément il l'article 50 ci-après,

d'en référer aussitôt au préfet qui statuera sans délai.

AII1'. 2t. Les hospices et hôpitaux civils sont tenus de recevoir provisoirement les

personnes qui leur seront adressées en vertu des articles 18 et 1 ! ), jusqu'à ce qu'elles

soient dirigées sur l'établissement spécial destiné à les recevoir aux termes de l'article '1"

ou pendant le trajet qu'elles feront pour s'y rendre.

Dans toutes les communes où il existe des hospices ou hôpitaux, les aliénés ne pour-

ront être déposés ailleurs que dans ces hospices ou hôpitaux. Dans les lieux où il n'en

existe pas, les maires devront pourvoir à leur logement, soit dans une hôtellerie, soit

dans un local loué à cet effet.

Dans aucun cas, les aliénés ne pourront être conduits avec les condamnés ou les pré-

venus, ni déposés dans une prison.

Ces dispositions sont applicables il tous les aliénés dirigés par l'administration sur un

établissement public ou privé.

SECTION III. - DÉPENSE DU SERVICE DE,, .1LI$\I : S

Aiit. 25. Les aliénés dont le placement aura été ordonné par le préfet et dont

les familles n'auront pas demandé l'admission dans un établissement privé, seront con-

duits dans l'établissement appartenant au département ou avec lequel il aura traité.

Les aliénés dont l'état mental ne compromettrait point l'ordre public ou la sûreté des

personnes v seront également admis dans les formes, dans les circonstances et aux con-

ditions qui seront réglées par le Conseil général, sur la proposition du préfet, et approu-

vées par le Ministre.

Aiit. 20. La dépense du transport des personnes dirigées par l'administration sur

les établissements d'aliénés sera arrêtée par le préfet, sur le mémoire des agents pré-

posés il ce transport.

La dépense de l'entretien du séjour el du traitement des personnes placées par les de-'

parlements dans les établissements privés sera fixée par les traités passés parle dépar-

tement conformément à l'article I".

Aiit. 27. Les dépenses énoncées en l'article précédent seront il la charge des

personnes placées ; à défaut à la charge de ceux auxquels il peut être demandé des

aliments aux termes de l'article 205 et suivants du code civil.

S'il v a contestation sur l'obligation de fournir des aliments ou sur leur quotité, il sera

statué par le tribunal compétent, à la diligence de l'administrateur désigné en exécution

des articles 51 et 52. '

Le recouvrement des sommes dues sera poursuivi et opéré à la diligence de l'admi-

nistration de l'enregistrement et des domaines.

Awr. 28. A défaut ou en cas d'insuffisance des ressources énoncées en l'article

précédent, il y sera pourvu sur les centimes alfeclés par la loi de finances aux dépenses

ordinaires du département auquel l'aliéné appartient, sans préjudice du concours de la

commune du domicile de l'aliéné, d'après les bases proposées par le Conseil général sur

l'avis du préfet et approuvées par le gouvernement.

Les hospices seront tenus à une indemnité proportionnée au nombre des aliénés dont

le traitement ou l'entretien était il leur charge et qui seraient placés dans un établisse-

ment spécial d'aliénés.

En cas de contestation il sera statué par le Conseil de préfecture.

SECTION IV. - DISPOSITIONS f,()3JlIt;\I : S A TOUTES LES PËUSOKNES

PLACÉES DANS LES ÉTABLISSEMENTS ()' ALIÉNÉS : 1r 29. Toute personne placée ou retenue dans un établissement d'aliénés, son

tuteur, si elle est mineure, son curateur, tout parent ou ami, pourront il quelque

INTERNEMENT DES ALIÉNÉS. 2J7

époque que ce soit., se pourvoir devant le tribunal du lieu de la situation de l'établisse-

ment qui, après les vérifications nécessaires, ordonnera, s'itya a lieu, la sortie immédiate.

Les personnes qui auront demandé le placement, et le procureur du roi, d'office, pour-

ront se pourvoir aux mêmes fins.

Dans le cas d'interdiction, celte demande ne pourra être formée que par le tuteur de

l'interdit. La décision sera rendue sur simple requête en Chambre du Conseil et sans

délai; elle ne sera point motivée.

La requête, le jugement et les autres actes auxquels la réclamation pourrait donner

lieu seront visés pour timbre et enregistrés en débet. ,

Aucunes requêtes, aucunes réclamations adressées soit à l'autorité judiciaire, soit it

l'autorité administrative ne pourront être supprimées ou retenues par les chefs d'éta-

blissements sous les peines portées au titre III ci-après.

A ! : r. 50. Les chefs, directeurs ou préposés responsables, ne pourront, sous les

peines portées par l'article 120 du Code pénal, retenir une personne placée dans un éta-

blissement d'aliénés, dès que sa sortie aura été ordonnée par le préfet , aux termes des

articles 16, 20 et '25, ou par le tribunal aux termes de l'article '2'.), ni lorsque cette

personne se trouvera dans les cas énoncés aux articles 15 et l 4.

Awr. 51. Les commissions administratives ou de surveillance des hospices ou éta-

blissements publics d'aliénés exerceront il l'égard des personnes non interdites qui y

seront placées, les fonctions d'administrateurs provisoires. Elles désigneront un de leurs

membres pour les remplir : l'administrateur ainsi désigné procédera au recouvrement

des sommes dues il la personne placée dans l'établissement et à l'acquittement de ses

dettes; passera des baux qui ne pourront excéder trois ans et pourra même, en vertu

d'une autorisation spéciale accordée par le président du tribunal civil, faire vendre le

mobilier.

Les sommes provenant soit de la vente, soit des autres recouvrements, seront ver-

sées directement dans la caisse de rétablissement, et seront employées, s'il y a lieu, au

profil, de la personne placée dans l'établissement. '

Le cautionnement du receveur sera affecté a la garantie desdits deniers, par privi-

lège aux créances de toute autre nature.

Néanmoins les parents, l'époux ou l'épouse des personnes placées dans des établisse-

ments d'aliénés dirigés ou surveillés par des commissions administratives, ces commis-

sions elles-mêmes ainsi que le procureur du roi, pourront toujours recourir aux disposi-

tions des articles suivants.

An1'. 32. Sur la demande des parents, de l'époux ou de l'épouse, sur celle de la

commission administrative, ou sur la provocation d'office du procureur du roi, le tribunal

civil du lieu du domicile, pourra, conformément 11 l'article 4,9 7 du Code civil, nommer

en Chambre du Conseil un administrateur provisoire aux biens de toute personne non

interdite placée dans un établissement d'aliénés. Cette nomination n'aura lieu qu'après

délibération du Conseil de famille et sur les conclusions du procureur du roi. Elle ne

sera pas sujette à l'appel.

Arr. 55. Le tribunal, sur la demande de l'administrateur provisoire ou à la dili-

fl'n'1' du procureur du roi, désignera un mandataire, spécial il l'effet de représenter en

justice tout individu non interdit et placé ou retenu dans un établissement d'aliénés, qui

serait engagé dans une contestation judiciaire au moment du placement, ou contre

lequel une : action serait intentée postérieurement.

la; tribunal pourra aussi, dans le cas d'urgence, désigner un mandataire spécial : 1

l'nll'el 11'intentor : m nom lle, ulùntes individus une action mobilière ou immobilière. L'ad-

mnustrateur provisoire pourra, dans les deux cas, être désigné pour mandataire spécial.

Ain. : iL Les dispositions du Code civil sur les causes qui dispensent de la tutelle,

sur les incapacités, les exclusions ou les destitutions des tuteurs, sont applicables aux

administrateurs provisoires nommés par le tribunal.

Sur la demande des parties intéressées, ou sur celle du procureur du roi, le juge-

ment (pn nommera l'administrateur provisoire pourra en même temps constituer sur

l'ilATIQUE NKUI101.. 1 i

2o8 8 SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.

ses biens une hypothèque générale ou spéciale jusqu'à concurrence d'une somme déter-

minée par ledit jugement.

Le procureur du roi devra, dans le délai de quinzaine, faire inscrire cette hvpothèfme

dans le bureau de la conservation : elle ne datera que du jour de l'inscription.

Aiit. 55. Dans le cas où un administrateur provisoire aura été nommé par juge-

ment, les significations ? faire à la personne placée dans un établissement d'aliénés

seront faites 1 cet administrateur.

, Les significations faites au domicile pourront, suivant les circonstances, être annulées

par les tribunaux.

Il n'est point dérogé aux dispositions de l'article 1 i;¡ du Code de commerce.

Ann. <î6. A défaut d'administrateur provisoire, le président, 11 la requête de la

partie la plus diligente, commettra un notaire pour représenter les personnes non

interdites placées dans les établissements d'aliénés, dans les inventaires, comptes, par-

tages et liquidations dans lesquels elles seraient intéressées.

Aaï. 57. Les pouvoirs conférés en vertu des articles précédents cesseront de

plein droit dès que la personne placée dans un établissement d'aliénés n'y sera plus

retenue. ,

Les pouvoirs conférés par le tribunal en vertu de l'article 52 cesseront de plein droit

;1 l'expiration d'un délai de trois ans; ils pourront être renouvelés.

Cette disposition n'est pas applicable aux administrateurs provisoires qui seront

donnés aux personnes entretenues par l'administrateur dans les établissements privés.

Aiit. 58. Sur la demande de l'intéressé, de l'un de ses parents, de l'époux ou de

l'épouse, d'un ami, ou sur la provocation d'office du procureur du roi, le tribunal pourra

nommer en chambre du conseil, par jugement non susceptible d'appel, en outre de

l'administrateur provisoire, un curateur à la personne de tout individu non interdit

placé dans un établissement d'aliénés, lequel devra veiller : 1° 11 ce que ses revenus

soient employés à adoucir son sort et à accélérer sa guérison ; 2' 11 ce que ledit indi-

vidu soit rendu au libre exercice de ses droits aussitôt que sa situation le permettra.

Ce curateur ne pourra pas être choisi parmi les héritiers présomptifs de la personne

placée dans un établissement d'aliénés.

Aitr. 59. Les actes faits par les personnes placées dans un établissement d'aliénés,

pendant le temps qu'elles y auront été retenues sans que leur interdiction ait été pro-

noncée ni provoquée, pourront être attaqués pour cause de démence, conformément il

l'article 1584 du Code civil.

Les dix ans de l'action en nullité courront, à l'égard de la personne retenue qui aura

souscrit les actes, à dater de la signification qui lui en aura été faite, ou de la connais-

sance qu'elle en aura eue après sa sortie définitive de la maison d'aliénés. ,

Et, ;1 l'égard des héritiers, à dater de la signification qui leur en aura été l'aile, ou de

la connaissance qu'ils en auront eue depuis la mort de leur auteur.

Lorsque les dix ans auront commencé de courir contre celui-ci, ils continueront de

courir contre les héritiers.

Aiit. 40. Le ministère public sera entendu élans toutes les affaires qui intéresse-

ront les personnes placées dans un établissement d'aliénés, lors même qu'elles ne

seront pas interdites. '

TITRE III

Dispositions générales.

Aiit. 41. Les contraventions aux dispositions des articles : 1, 8, 11, 12, du second

paragraphe de l'article 15, des articles 15, 17, 20, 21 et du dernier paragraphe de

l'article 29 de la présente loi, et aux règlements rendus en vertu de l'article fi, qui

eront commises par les chefs, directeurs, ou préposés responsables des établissements

publics ou privés d'aliénés, et par les médecins employés dans ces établissements,

INTERNEMENT DES ALIÉNÉS. 259

seront punis d'un emprisonnement de cinq jours à un an et d'une amende de cinquante

francs il trois mille francs, ou de l'une, ou de. l'autre de ces peines.

Il pourra être fait application de l'article -465 du Code pénal.

ORDONNANCE DU 18 DÉCEMBRE 1839

PORTANT RÈGLEMENT SUR LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ET PRIVÉS

CONSACRÉS AUX ALIÉNÉS

TITRE PREMIER

z Des établissements publics consacrés aux aliénés.

AH1'. I". Les établissements publics consacrés au service des aliénés seront

administrés, sous l'autorité de notre Ministre secrétaire d'Etat au département de l'inté-

rieur et des préfets des départements, et sous la surveillance de commissions gratuites,

par un directeur responsable, dont les attributions seront ci-après déterminées.

Art. 2. Les commissions de surveillance seront composées de cinq membres,

nommés par les préfets, et renouvelés chaque année par cinquième.

Les membres des commissions de surveillance ne pourront être révoqués que par

notre Ministre de l'intérieur, sur le rapport du préfet.

Chaque année, après le renouvellement, les commissions nommeront leur président

et leur secrétaire. '

Airr. 7.. Les directeurs et les médecins en chef et adjoints seront nommés par

notre Ministre secrétaire d'Etat au département de l'intérieur, directement pour la pre-

mière fois et, pour les vacances suivantes, sur une liste de trois candidats présentée

par les préfets.

Pourront aussi être appelés aux places vacantes, concurremment avec, les candidats

présentés par les préfets, les directeurs et les médecins en chef ou adjoints qui auront

exercé leurs fonctions pendant trois ans dans d'autres établissements d'aliénés.

Les élèves attachés aux établissements d'aliénés seront nommés pour un temps

limité, selon le mode déterminé par le règlement sur le service intérieur de chaque

établissement.

Les directeurs, les médecins en chef et les médecins adjoints ne pourront être

révoqués que par notre Ministre de l'intérieur sur le rapport des préfets.

AnI..1. - Les commissions instituées par l'article premier, chargées de la surveil-

lance générale de toutes les parties du service des établissements, sont appelées donner

leur avis sur le régime intérieur, sur les budgets et les comptes, sur les actes relatifs à

l'administration, tels que le mode de gestion des biens, les projets de travaux, les

procès à intenter ou à soutenir, les transactions, les emplois de capitaux, les acqui-

sitions, les emprunts, les ventes ou échanges d'immeubles, les acceptations de legs ou

donations, les pensions : 1 accorder s'il v tien, les traités : 1 conclure pour le service

des malades.

.Inr. : i. Les commissions de surveillance se réuniront tous les mois. Elles seront

en outre convoquées par les préfets toutes les fois que les besoins du service l'exigeront.

Le directeur de rétablissement, et le médecin en chef chargé du service médical

assisteront aux séances de la commission; leur voix sera seulement consultative.

Néanmoins le directeur et le médecin en chef devront se. retirer de la séance au

moment où la commission délibérera sur les comptes d'administration et sur les rapports

quelle pourrait avoir a adresser directement au préfet.

ART. li. - Le directeur est chargé de l'administration intérieure de l'établissement et

de la gestion de ses biens et revenus. -

[G. CUILLAIN ]

2liO SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.

Il pourvoit, sous les conditions prescrites par la loi, à l'admission et. à, la sortie des

personnes placées dans l'établissement.

Il nomme les préposés de tous les services de rétablissement; il les révoque s'il v a

lieu. Toutefois les surveillants, les infirmiers el, les gardiens devront être agréés par le

médecin en chef; celui-ci pourra demander leur révocation au directeur. En cas de

dissentiment, le préfet prononcera. ' -

Art. 7. Le directeur est exclusivement chargé de pourvoir à tout ce qui concerne

le bon ordre' : et la police de l'établissement dans les'limites dû règlement de service

intérieur, qui sera arrêté en exécution de l'article.] de la loi du 50 juin '1858 par notre

Ministre de l'Intérieur.

H résidera dans l'établissement.

ART. 8. Le service médical, en tout ce qui concerne le régime physique et moral,

ainsi que la- -police, médicale et personnelle des aliénés, est placé sous l'autorité du

médecin, dans les limites du règlement de service intérieur mentionné il l'article

précédent.

Les médecins adjoints, dans les maisons où le règlement intérieur en établira, les

élèves, les surveillants, les infirmiers et les gardiens sont, pour le service médical, sous

l'autorité du médecin en chef. -

Art. 9. Le médecin en chef remplira les obligations imposées aux médecins 1);il-

la loi du 50 juin 1858 et délivrera tous certificats relatifs il ses fonctions.

Ces certificats ne pourront être délivrés par le médecin-adjoint qu'en cas d'empê-

chement constaté du médecin en chef.

En cas d'empêchement constaté du médecin en chef et du médecin-adjoint, le préfet

est autorisé à pourvoir provisoirement il leur remplacement. ,

ART..10. Le médecin en chef sera tenu de résider dans l'établissement,

Il pourra toutefois être dispensé de cette obligation par une décision spéciale de notre

Ministre de l'Intérieur, pourvu qu'il fasse chaque jour, au moins, une visite générale

des aliénés confiés i. ses soins et qu'en cas d'empêchement il puisse être suppléé par un

médecin résidant. t.

Art. '11. Les commissions administratives des hospices civils qui ont. formé ou qui

formeront à l'avenir dans ces établissements des quartiers affectés aux aliénés, seront

tenues de faire agréer par le préfet un préposé responsable qui sera soumis à toutes les

obligations imposées par. la loi du 50 juin 1858.

Dans ce cas il ne sera pas créé de commissions de surveillance.

Le règlement intérieur des quartiers consacrés au service des aliénés sera soumis il

l'approbation de notre Ministre de l'Intérieur, conformément a l'article 7 de celte loi.

Art. 12. - 11 ne pourra être créé, dans les hospices civils, des quartiers affectés aux

aliénés, qu'autant qu'il sera justifié que l'organisation de ces quartiers permet de rece-

voir et de traiter cinquante aliénés au moins.

Quant aux quartiers actuellement existants où il ne pourrait être traité qu'un nombre

moindre d'aliénés, il sera statué sur leur maintien par notre Ministre de l'Intérieur.

Art. 15. Notre Ministre de l'Intérieur pourra toujours autoriser, ou même ordonner

d'office, la réunion des fonctions de directeur et de médecin. ,

ART. 14. Le traitement du directeur et du médecin sera déterminé par un arrêté

de notre Ministre de l'Intérieur.

ART. 15. Dans tous les établissements publics où le travail des aliénés sera intro-

duit comme moyen curatif, l'cmploi du produit de ce travail sera déterminé par le règle-

ment intérieur de ces établissements. : lnT. ,1 fi. Les lois et règlements relatifs : 1 l'administration générale des hospices et

établissements de bienfaisance, notamment en ce qui concerne l'ordre de leurs services

financiers, la surveillance de la gestion du receveur, les formes de la comptabilité,

sont applicables aux établissements publics d'aliénés en tout ce qui n'est pas contraire

aux dispositions qui précèdent. t.

INTERNEMENT DES ALIÉNÉS.

TITRE II

Des établissements privés consacrés aux aliénés.

\UT | 7. Quiconque voudra former ou diriger un établissement privé destiné au

traitement des aliénés devra en adresser la demande au préfet du département où l'éta-

hlissemenl devra être situé. .

ART. 18. Il justifiera : '

1° Ilu'il est majeur el exerçant, ses droits civils; .

2° Qu'il est de bonne vie el. moeurs; il produira : 't cet effet un certificat délivré par

le maire de la commune ou de chacune des communes où il aura résidé depuis trois

ails; .

5° Qu'il est docteur en médecine. ,

Art. 19. Si le requérant n'est pas docteur en médecine, il produira rengagement

d'un médecin qui se chargera du service médical de la maison, el déclarera se sou-

mettre aux obligations spécialement imposées, sous ce rapport, par les lois et règlements.

Ce médecin devra être agréé par le préfet qui pourra toujours le révoquer. Toutefois

celte révocation ne sera définitive qu'autant qu'elle aura été approuvée par notre

Ministre de l'Inférieur.

Aiit. 20. Le requérant indiquera dans sa demande le nombre et le sexe des pen-

sionnaires que l'établissement pourra contenir; il en sera fait mention dans l'autori-

sation. -

Tant. 21. Il déclarera si l'établissement doit èlre uniquement affecté aux aliénés

ou s'il recevra d'autres malades. Dans ce dernier cas il justifiera par la production du

plan de l'établissement que le local consacré aux aliénés est entièrement séparé de celui

qui est affecté au traitement des autres malades.

.\11'1'. 22. 11 justifiera :

l' Que l'établissement n'offre aucune cause d'insalubrité, tant au dedans qu'au

dehors, et qu'il est situé de manière à ce épie les aliénés ne soient pas incommodés par

un voisinage bruyant ou capable de les agiter;

2' Qu'il peut être alimenté en tout temps d'eau de bonne qualité et en quantité

suffisante;

5U Que par la disposition des localités, il permet de séparer complètement les sexes,

l'cnfance et l'âge mur; d'établir un classement régulier entre les convalescents, les

malades paisibles et ceux qui sont agités; de séparer également les aliénés épilchlirlucs;

1° Que l'établissement contient des locaux particuliers pour les aliénés atteints de

maladies accidentelles, el pour ceux qui ont des habitudes de malpropreté;

5° Que toutes les précautions ont été prises soit dans les constructions, soit dans la

fixation du nombre des gardiens, pour assurer le service et la surveillance de rétablis-

sement.

Aiit. 25. II justifiera également par la production du règlement intérieur de la

maison, que le régime de rétablissement offrira toutes les garanties convenables sous

le rapport des bonnes moeurs et de la sûreté des personnes.

Aiit. 24. Tout directeur d'un établissement privé consacré au traitement des

aliénés devra, avant d'entrer en fonctions, fournir un cautionnement dont le montant

sera déterminé par l'ordonnance royale d'autorisation.

Aiit. 25. Le cautionnement sera versé en espèces, ;1 la caisse des dépôts el consi-

rinations, et sera exclusivement destiné ;1 pourvoir, dans les formes el pour les cas

déterminés dans l'article suivant, aux besoins des aliénés pensionnaires.

Ain. 2G. Dans lous les cas où, par une cause quelconque, le service d'un établis-

sement privé consacré aux aliénés se trouverait suspendu, le préfet pourra constituer, à

1 l'fiel de remplir les fonctions de directeur responsable, un régisseur provisoire, entre

, [G. CUILLAIN.]

262 SÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE.

les mains duquel la caisse des dépôts et consignations, sur les mandats du préfet, ver-

sera ce cautionnement, en tout ou en partie, pour l'appliquer au service des aliénés.

AI\T. 27. Tout directeur d'un établissement privé consacré aux aliénés pourra, à

l'avance, faire agréer par l'administration une personne qui se chargera de le rem-

placer dans le cas où il viendrait il cesser ses fonctions par suite de suspension, d'inter-

diction judiciaire, d'absence, de faillite, de décès, ou par toute autre cause.

La personne ainsi agréée sera de droit, dans ces divers cas, investie de la gestion

provisoire de l'établissement et soumise, il ce titre, à toutes les obligations du directeur

lui-même.

Celle gestion provisoire ne pourra jamais se prolonger au delà d'un mois sans une

autorisation spéciale du préfet.

AUT. 28. Dans le cas où le directeur cesserait ses fonctions par une cause quel-

conque, sans avoir usé de la faculté ci-dessus, ses héritiers ou ayants cause seront

tenus de désigner dans les vingt-quatre heures la personne qui sera chargée de la régie

provisoire de l'établissement et soumise il ce litre il toutes les obligations du directeur.

A défaut, le préfet fera lui-même celle désignation.

Les héritiers ou ayants cause du directeur devront en outre, dans le délai d'un mois,

présenter un nouveau directeur pour en remplir définitivement les fonctions.

Si la présentation n'est pas faite dans ce délai, l'ordonnance d'autorisation sera

réputée rapportée de plein droit et l'établissement sera fermé.

Am. 2U. Lorsque le directeur d'un établissement privé destiné aux aliénés voudrai

augmenter le nombre des pensionnaires qu'il aura été autorisé il recevoir dans son éta-

bhsscment, il devra former une demande en autorisation à cet effet et justifier que les

bâtiments primitifs ou ceux additionnels qu'il aura fait construire sont, ainsi que leurs

dépendances, convenables et suffisants pour recevoir le nombre déterminé de nouveaux

pensionnaires.

L'ordonnance royale qui statuera sur cette demande déterminera l'augmentation pro-

portionnelle que le cautionnement pourra recevoir.

ART. 50. Le directeur de tout établissement privé consacré aux aliénés devra

résider dans l'établissement.

Le médecin attaché a l'établissement, dans le cas prévu par l'article 1 ! I de la présente

ordonnance, sera soumis il la même obligation.

AnT. 51. Le retrait de l'autorisation pourra être prononcé suivant la gravité des

circonstances, dans tous les cas d'infraction aux lois et règlements sur la matière, et

notamment dans les cas ci-après :

1° Si le directeur est privé de l'exercice des droits civils;

2° S'il reçoit un nombre de pensionnaires supérieur il celui fixé par l'ordonnance

d'autorisation;

.5° S'il reçoit des aliénés d'un autre sexe que celui indiqué par cette ordonnance;

4° S'il reçoit des personnes atteintes de maladies autres que celles qu'il a déclaré

vouloir traiter dans rétablissement;

5° Si les dispositions des lieux sont changées ou modifiées de manière qu'ils ces-

sent d'être propres il leur destination ou si les précautions prescrites pour la sûreté

des personnes ne sont pas constamment observées;

GO S'il est commis quelque infraction aux dispositions du règlement du service inté-

rieur en ce qui concerne les moeurs;

7° S'il a été employé il l'égard des aliénés des traitements contraires il l'humanité;

S° Si le médecin agréé par l'administration est remplacé par un autre médecin sans

qu'elle en ait approuvé le choix;

9° Si le directeur contrevient aux dispositions de l'article 8 de la loi du 51) juin 1858 :

'10° S'il est frappé d'une condamnation prononcée en exécution de l'article III de hl

même loi.

Art. 52. Pendant l'instruction relative au retrait de l'ordonnance royale d'auto-

. INTERNEMENT DES ALIÉNÉS. 2G;¡

risation, le préfet pourra prononcer la suspension provisoire du directeur et instituer

un régisseur provisoire conformément à l'article 2G.

Art. 55. Il sera statué, pour le retrait des autorisations, par une ordonnance

royale. '

Dispositions générales.

All1'. 51. Les établissements, publics ou privés, consacrés aux aliénés du sexe mas-

culin, ne pourront employer que des hommes pour le service personnel des aliénés.

Des femmes seules sont chargées du service personnel des aliénées, dans les établis-

sements destinés aux individus du sexe féminin.

L'application et l'exécution de la loi qui régit les aliénés appartiennent

à l'autorité administrative. La direction des asiles publics, la surveillance

(tes asiles privés dépendent du préfet du département. Les aliénés in-

ternes sont placés sous la protection de t autorite judiciaire.

La loi de 18.18 distingue des placements volontaires et des placements

d'office.

Placements volontaires. L'admission du malade (tout individu

atteint d'aliénation mentale quelle qu'en soit la l'orme) est demandée par

un parent, un ami ou une personne quelconque ayant des relations avec

lui. Les pièces suivantes sont nécessaires :

l" une demande d'admission écrite et signée par la personne qui la

requiert. Quand la personne ne sait pas écrire, la demande est reçue par

le inaire ou le commissaire de police qui en donnent acte. Cette demande

d'admission doit contenir les nom, prénoms, âge et domicile de la per-

sonne qui la forme et de celle dont le placement est réclamé, ainsi que

t indication du degré de parenté ou de la nature des relations qui exis-

tent entre elles. En pratique la demande d'admission est rédigée dans le

bureau de la direction de l'établissement d'aliénés; ,

2" un certificat d'un docteur en médecine;

5° des pièces établissant l'identité de l'aliéné et de la personne qui

réclame 1 internement. Quand un tuteur demande à placer un individu

interdit, il doit fournir il l'appui de sa demande un extrait (tu jugement

d'interdiction.

. Les familles paient seules tous les Trais du séjour dans l'asile d'aliénés.

Quand la famille est indigente et ne peut payer les frais de séjour, la

demande doit être adressée au préfet qui statue en se conformant au

deuxième paragraphe de l'article 25 section III de la loi de -18;;8. Le pla-

cement volontaire gratuit renlre dans la catégorie des placements d'office.

Quand un aliéné demande lui-même son admission dans un asile, son

mterncment est soumis aux conditions de l'article 8 (loi de 1858) quand

il peut payer les frais de séjour, sinon aux conditions du paragraphe 2 de

larticle 2J de celle mèlllC loi.

Placements d'office. Le placement d'office a lieu pour les aliénés

qui compromettent l'ordre publie et la sûreté des personnes. C'est il

t'arts le préfet de police et dans les départements les préfets qui ordon-

[G. GUILLAIN .

2U4' , ' / SEMIOLOGIE PSiCIIIfLT.I31UG. .' -

' nent le placement de l'aliéné par un arrêté. L'arrêté 'du préfet n'est pris

en général qu'après un examen médical. Le .certificat du médecin est

d'ailleurs accompagné d'un' rapport du commissaire, de police ou du

maire qui conclut à la réalité du danger que fait courir le malade main-

tenu eh liberté. " . ' ,

Les enfants peuvent être placés dans les asiles d'aliénés (placement

volontaire et placement d'office) dans les mêmes conditions- que les

adultes. '

Les étrangers-né sont pas soumis en principe aux lois françaises, mais

les étrangers aliénés dangereux peuvent. être internés. ,

Les aliénés militaires sont envoyés dans des asiles ordinaires désignés

par le Ministre et : avec lesquels l'administration de la Guerre a fait des

conventions. Dans certains pays comme l'Angleterre, la Russie, il existe

pour les militaires des asiles spéciaux.

Certificat médical. Il ne faut jamais rédiger un certificat d inter-

nement sans avoir vu soi-même le malade ; cette règle est absolue.

Le certificat doit être rédigé sur papier timbré à 0 fr. 60, sauf dans le

cas où il est délivré à un indigent pour un placement d'office, alors il

peut être rédigé sur papier libre avec la mention « certificat délivré gra-

tuitement ». 11 est utile, mais non obligatoire, que la signature du mé-

decin soit légalisée par le commissaire de police ou le maire du lieu. Si

le certificat est délivré après une consultation de plusieurs médecins, le

fait sera mentionné et tous les médecins signeront. ,

, Le. certificat doit être daté. Il lie doit pas avoir plus de quinze jours de

date au moment de l'admission du malade.

Le médecin qui signe ne doit être ni médecin attaché à l'établissement,

ni parent, ni allié, au second degré inclusivement, des chefs ou proprié-

taires de l'établissement ou de la personne qui fait effectuer le placement.

La loi n'indique aucune prohibition résultant d'un lien de parenté entre

le médecin qui certifie et l'aliéné à placer.

En cas d'urgence absolue, les directeurs des établissements publics

peuvent se dispenser d'exiger le certificat médical.

Le certificat médical doit spécifier l'état mental, les troubles psychiques

de l'aliéné ainsi que les principales particularités de l'aiiection. Il n'est

pas nécessaire de faire un diagnostic très précis. Le certificat doit con-

clure à la nécessité de transférer le malade dans un établissement d'alié-

nés et de l'y maintenir. ,

S'il s'agit d'un placement d'office, le certificat doit mentionner que

l'aliéné compromet l'ordre public et la sécurité des personnes. Pour ne

pas froisser les familles, on peut remplacer dans le certificat les mots

« asiles d'aliénés», par les mots « établissement spécial», mais les

directeurs d'asile ont le droit, s'ils le veulent, d'exiger l'expression

« asiles d'.aliénés ». '

Voici un spécimen de certificat proposé par. Régis (Précis de Psychia-

trie, 5e édition, p. 905).

? ' 1lTLIiII,)I11T DES ALIÉNÉS. 205

« Je, soussigné, docteur en médecine a......... certifie que \1 : ...... ? ;

(noms, prénoms, état civil, profession, domicile) est atteint d'aliénation

mentale. Cette aITection, qui remonte environ à se caractérise

par les symptômes suivants (dégénérescence ou démence, nature et

caractère des idées délirantes, des hallucinations, des impulsions ou ten-

dances morbides, etc.). ",

(Pour un placement d'office, ajouter : l'état d'aliénation de Z1......... ?

compromet l'ordre public et la sûreté des personnes.) -

Dans ces conditions je déclaré nécessaire, tant au point de vue du

iraitement de la maladie que de ses conséquences possibles, que.,)] ........

soit placé et retenu dans un établissement spécial d'aliénés.

En foi de quoi, etc.

1-........., le.... : .....

- SIGNATURE

- [G. GUILLAIN.

IDIOTIES

par le D' CROUZON

On désigne sous le nom d idiotie un tableau clinique caractérisé par

un déficit ou une absence des fondions de relation. le plus souvent d'ori-

gine congénitale, et associé par conséquent le plus souvent à un arrêt de

développement physique, qui se traduit par des malformations exté-

rieures ou viscérales.

Nous étudierons chez un idiot de la première ou de la seconde enfance,

les (roubles intellectuels, les troubles des fonctions, les troubles physi-

ques. Nous passerons ensuite en revue les variétés d'idioties basées sur

la clinique, sur l'étiologie et i anatomie pathologique.

Parole. Si l'on adresse la parole à un enfant idiot, il ne répond

pas, il peut pousser des cris inarticulés ou peut prononcer quelques

mots, mais d'une façon défectueuse. Moins l'idiotie est marquée, plus la

parole s'améliore, quelquefois les troubles consistent simplement dans

des défectuosités d'articulation ou de prononciation : bégaiement, zézaie-

ment, etc. Quelquefois, au milieu de phrases incomplètes, au milieu

d'une conversation limitée, l'enfant prononce avec netteté les jurons, les

mots orduriers (coprolalie).

Mémoire. Ces enfants qui ne prononcent que quelques mots ont

une mémoire très limitée : la mémoire se manifeste simplement par

quelques habitudes instinctives, le gesle d'ouvrir la bouche, par exemple'.

D'autres ont gardé la reconnaissance des lieux, des personnes, des objets.

A un degré moins avancé, elle peut se manifester surtout pour les

images auditives, puis pour la mémoire olfactive; la mémoire visuelle est

en général peu développée'. La mémoire motrice', au contraire, paraît rela-

tjyemenl indiscutable et elle a pu être d'un grand secours dans le traite-

ment médico-pédagogique inslilué par Buul"l1eville. Les mémoires gusta-

tiye et tactile sont en général très faibles.

Volonté. La caractéristique de l'idiotie esl l'absence totale de

volonté. Celle absence de volonté se manifeste chez l'idiot complet, mais

elle se manifeste également par la perversion de ta volonté chez les idiots

moraux : il y a volonté bizarre, comparable il celle de l'individu normal

qui, sous le coup de la colère, de la fureur, d'une passion quelconque,

commet un acte qu'il sait dangereux pour lui-même ou pour ses intérêts.

Sensibilité. L'examen de la sensibilité chez les idiots doit porter

IDIOTIES. M7 7

sur la sensibilité générale et sur la sensibilité spéciale. Les idiots sont

indifférents à tous les modes de la sensibilité quand l'idiotie est coll-

ptete;silona afïaireadesidiotsde moindre degré, cette sensibilité

peut arrivera être plus éveillée et même elle peut être tout à fait normale

chez les enfants arriérés.

Les sensibilités spéciales sont également altérées. La vue est conservée,

quant à la perception de la lumière, mais la vision est souvent incomplète

par suite de l'impossibilité de fixer l'attention.

De même pour l'ouïe, il y inattention auditive qui peut faire croire à

la surdilé, il y a indifférence à la. parole et aux bruits environnants. Quel-

quefois cependant ils paraissent n'entendre que. les bruits qui se rappor-

tent à leurs besoins, par exemple le bruit des assiettes qui annonce le

repas. Bourneville cite l'exemple du sauvage de l'Aveyron qui ne bron-

chait pas quand on tirait auprès de lui un coup de pistolet, mais qui

tournait la tête lorsqu'on laissait tomber derrière lui des noix qu'il affec-

tiouuait.

L'odorat peut présenter les mêmes troubles dus à l'inattention, mais il

est cependant des malades dont l'odorat a une finesse remarquable.

Le goût est tout à fait nul chez les idiots complets, ils ingurgitent sans

la moindre répugnance tout ce qu'on leur présente ou tout ce (pi Us trou-

vent : débris de légumes, ordures, excréments, etc.

Imitation, tics, mouvements. - Il y a chez les idiots une

tendance instinctive il imiter certains mouvements (mimétisme) : les

balancements de leurs voisins, la masturbation. C'est du reste une ten-

dance instinctive qui par l'éducation peut, suivant Bourneville, arriver à

donner au malade un certain nombre d'habitudes qui les rendront per-

fectibles.

Les tics sont très fréquents chez les idiots; ils ont été décrits dans la

thèse de Noir (1895), inspirée par Bourneville. Ces tics sont quelquefois

convulsifs; ce sont alors des mouvements des sourcils, des paupières, des

claquements de dénis, des grincements de dents ou des reniflements;

quelquefois c'est un mouvement convulsif des épaules qui peut pré-

senter le caractère de secousses électriques et qui se rapproche alors de

la lI1yoe ! onie.

Dans d'autres cas, les lies sont spasmodiques et ils se composent de

mouvements lents, analogues à ceux de Lathetosc.

, Les lies coordonnés sont plus fréquents encore, ce sont des mouve-

ments de balancement du tronc on de la tête, des chocs de la tète contre

les murs et quelquefois des grands tics qui peuvent consister dans une

série de mouvements diuerents constituant tout un acte (sauts, rotation).

EIIHn, ou peut dans certains cas, au cours de cet ensemble de tics, con-

stater 1 écholalie ou la coprolalie, comme dans la maladie des tics ordi-

naires. On peut aussi constater les manifestations psychiques des lies.

A cote des tics, on peut mentionner les manies que présentent certains

](ll11ls : les plus communes des manies sont la clasloinanie ou manie de

[CROU20N.]

208 .. : IDIOTIES. " - - ? .. : .

détruire, la pyromanie ou manie de mettre le feu ou manie devoir le

..feu, la krouomanie ou manie de se cogner, l'onychophagie ou manie de

manger les ongles, etc. z

L'ensemble des troubles que nous venons de décrire constitue les

troubles psychiques : il est un ensemble de troubles qui sont plus parti-

culièrement les troubles des fonctions.

, Troubles du mouvement. - La préhension des objets est dif-

ficile, la marche, le saut sont ignorés du malade dans l'idiotie complète.

Dans les idioties moins marquées, les mouvements et la marche existent,

mais sont hésitants et difficiles. Chez les arriérés, ils se rapprochent de

la normale. '

Troubles de la digestion. La mastication est incomplète, la

déglutition est difficile; certains idiots ruminent (mérycisme), il y. a gu-

tisme complet et continu chez les idiots complets et profonds.

Respiration et circulation. - La respiration peut être gênée

par suite de l'insuffisance fonctionnelle des lèvres.

La circulation est souvent imparfaite et les idiots ont quelquefois les

extrémités cyanosées par suite de leur impotence. '

Sécrétions. 11 v a souvent une salivation exagérée et écoulement

de cette salive; la muqueuse nasale s'écoule -aussi d'une façon souvent

exagérée. 11 n'existe pas en général de troubles de la sécrétion urinaire.

Fonctions génitales. L'onanisme est extrêmement fréquent

chez tous les idiots ; il s'observe chez tous les idiots de toutes les catégo-

ries, et ces malades s'y livrent soit par la main, soit par un. frottement

des cuisses; quelquefois ils présentent d'autres manifestations de la per-

version sexuelle : pédérastie, etc. '

A tous ces troubles psychiques et fonctionnels répondent des anoma-

lies de développement physique chez les idiots.

Troubles physiques. La taille est souvent inférieure à Celle

des enfants normaux; quelquefois, ils sont atteints de nanisme, la tête

présente toutes les malformations possibles : microcéphalle, acroco-

pli2lie, ctc.

Le prognathisme est fréquent, la face est asymétrique. On observe

également chez les idiots des malformations dentaires en dehors de

l'hérédo-syphilis (Robin, Thèse de Paris, 1901), la colonne vertébrale est

souvent déviée, il y a quelquefois coexistence de rachitisme. Enfin on

observe des malformations des membres, de la syndactylic. La main des

idiots, qui a été décrite par Bourneville, est courte, trapue, épaisse, les

doigts sont boudinés, le pouce ne sait'pas s'opposer. 11 y a souvent déchi-

rure des extrémités des doigts par onychophagie. Les organes génitaux

sont souvent arrêtés dans leur développement (cryptolchidic, phimosis,

épi, et hypospadias). Garrod a signalé une maladie cardiaque congénitale;

avec cyanose chez un idiot mongol (Société clinique de Londre's, avril

- 1&98). ,

Variétés, d'idioties. L'idiotie peut présenter des variétés mul-

- ' IDIOTIES'. 2(j ! l 2M

tiples dues, à son début, à son intensité ou aux sypmtômes qui l'accom-

pagnent. '1" l, " .. '¡' "

Le début de l'idiotie permettra de différencier l'idiotie congénitale,

c'cst-à-dire l'idiotie due à des troubles survenus pendant la vie foetale ou

au moment de la naissance, et d'autre part l'irliolie acquise due à une

affection de la première enfance, c'est-à-dire de la naissance il 7.ans, plus

rarement de la seconde enfance, c'est-à-dire de- 7 ans au début de la

puberté. '

Nous avons choisi comme type de notre description un idiot âgé de

linéiques années. S'il s'agit au contraire d'un bébé soupçonné d'idiotie,

il quoi reconnaîtrons-nous cette affeetion ? L'enfant est indifférent au sein,

il est inerte, il crie par accès, quelquefois d'une façon continue et non

par besoin; il ne s'éveille pas, ne montre aucun signe d'intelligence;

il ne cherche pas à prendre les objets qui l'entourent; il ne. mani-

feste aucune curiosité; il ne paraît rien voir ni rien entendre. Au lieu

d'apprendre à téter de mieux en mieux, il reste toujours aussi inha-

bile. Enfin, si l'idiotie n'a pas été évidente jusque-là, elle se manifeste

plus tard quand on constate le retard dans l'évolution, le retard dans la

marche, le retard élans la dentition, la difficulté de mastiquer, d'avaler et

la persistance de l'habitude d'uriner au lit... ' .

L'intensité de l'idiotie permettra de décrire plusieurs variétés ; Bour-

IH'yiJ1e distingue :

1° L'idiotie complète ou absolue. La marche, la préhension, la

parole, l'attention sont nulles; toutes les sensibilités spéciales sont t

absentes; il y a indifférence absolue et incomplète du besoin de s'ali-

111enlf'r, Les idiots de cette catégorie vivent une vie purement végétative.

T L'idiotie profonde. La motilité est moins atteinte, la marche

est possible; l'appétit existe, quelquefois exagéré : la parole est limitée

ou nulle, mais il y a reconnaissance vague pour les personnes. Leur vie

de relation est donc très bornée, et ce qui distingue ce second groupe du

précédent, suivant Bourneville, c'est l'existence du mouvement, de la

préhension qui les rend dangereux pour eux et pour les autres.

5° Idiotie proprement dite. Les facultés intellectuelles existent

élans cette variété, mais à un degré très minime : il y a perversion des

instincts. Ces malades sont dangereux par les impulsions qui peuvent les

portera incendier, détruire; les sentiments affectifs sont très superficiels.

4" Idiotie légère ou arriération intellectuelle. - Toutes les fonctions

existent, mais diminuées; il y a une tendance à certaines aptitudes,

tantôt à la gaîté, tantôt au contraire à un caractère irritable, rageur,

entêté. - . : i° Instabilité mentale ou débilité mentale. Elle est' caractérisée

par la mobilité physique et intellectuelle et les impulsions. - .

li° Idiotie morale. Les facultés intellectuelles sont, intactes, mais

ces enfants ont l'instabilité ou la perversion des instincts. Les sentiments

effectifs sont émoussés et nuls. , .

- [CROUZON] -

270 : IDIOTIES.

Les associations de symptômes peuvent créer des variétés spéciales

d'idioties.

a) Idiotie hémiplégique. L'hémiplégie est légère ou complète; elle

peut se compliquer d'une contracture intense, quelquefois de niouvty

ments dhenllchoree ou d'hémiathétose. '

b) Idiotie diplégique. Dans ce cas, il y a paralysie des quatre

membres. Bourneville et Crouzon ont étudié une idiotie diplégique. par

atrophie cérébelleuse familiale (Congrès de Paris, 1900).

c) Idiotie épileptique. Souvent l'épilepsie, comme l'hémiplégie ou

la diplégie, s'ajoute au tableau de l'idiotie; quelquefois, au contraire, "

chez les épilepliques la déchéance de l'état intellectuel amène l'idiotie (').

cl) Idiotie amaurotique. Cette maladie, appelée encore idiotie amau-

rotique familiale de Sachs, est caractérisée, comme le nom l'Indique,

par une idiotie à laquelle se superpose la cécité survenant d'une façon

très nette chez des enfants d'une même famille.

Elle a été l'objet de revues et de recherches anatomiques nombreuses

(Apert, Semaine Médicale, 1908) Poynton, Parsons, Gordon Holmes

(Brain 1906). C'est une, maladie primitive des éléments nerveux altérés,

surtout dans leur substance interfibrillaire.

e) Idiotie mongolienne. Cette variété d'idiotie est caractérisée

par l'aspect tout à fait spécial épie présente la tète du malade : tète

arrondie et physionomie rappelant celle des Mongols : le front est bas, les

sourcils et les paupières sont dans une, certaine mesure elliptiques et

fendues en amande ; le nez est court et polit et rien ne distingue au

point de vue intellectuel les mongoliens des autres idiots.

/') Idiotie polysarcique. Elle est caractérisée par le, développement,

exagéré du tissu adipeux qu'on observe chez certains idiots.

Diagnostic. Le diagnostic de l'idiotie ne se pose guère que chez

les bébés, c'est-à-dire tout à fait au début de cette maladie. Nous avons

déjà dit sur quels signes on pouvait baser ce diagnostic : indifférence de

l'enfant, inertie de ses mouvements, accès de cris, retard de révolution.

A partir d'un an, le diagnostic est absolument évident dès que 1 on a

constaté les troubles des facultés intellectuelles, les (roubles de foutes les

fonctions. Cependant, il est des cas où la paralysie générale' infantile' a pu

prendre les allures cliniques de l'idiotie. Tel est le cas de Toulouse et

Marchand (Soc. Médicale des hôpitaux, 1899).

Le diagnostic de l'idiotie étant posé, on cherchera il le rapporter à une

des causes et en particulier à une des lésions anatomiques qui provo-

quent l'idiotie. Nous ne ferons pas iei l'analoluip pathologique de l'idiotie,

nous nous contenterons d'énumérer et de clulinir ses principales variétés

anatomiques et etiologiqucs.

'10 Idiotie méningitique. Elle; se définit d'elle-même : c est une

idiotie symptomatique d'une méningite chronique; l'inflammation de

1. Marchand (de Llois), Renie de Psychiatrie, juin 1 ! 11J7"

IDIOTIES. 271

la pie-mère et de la dure-mère est consécutive à une méningite aiguë de

la première enfance. Dans certains cas cette méningite choI11que peut

subir des poussées ultérieures qui aggravent l'état mental et peuvent

conduire l'enfant à la mort.

La ponction lombaire chez les idiots peut permettre de faire une dis-

tinction, entre les idioties devant les . processus méningés (Merklen et

Devaux, Gazette des hôpitaux, 1905).

2° Idiotie méningo-eilcéphalitique. C'est l'idiotie symptomatique e

de la méningo-encéphalite; dans ces cas il y a non-seulement lésion de la

pie-mère et de la dure-mère mais il y a encore lésion des circonvolutions

sous-jacentes, rappelant d'une façon .tout' à fait nette le cerveau des

adultes qui succombent à la paralysie générale. , .

5° Idiotie symptomatique de sclérose atrophique. - La sclérose

atrophique peut porter alors sur tout un hémisphère ou sur un lobe

cérébral ou quelquefois sur quelques circonvolutions.

4° Idiotie symptomatique de sclérose hypertrophique. - La sclé-

rose hypertrophique ou sclérose tubéreuse hypertrophique a été décrite

par Bourneville et Brissaud : il s'agit le plus souvent de lésions -portant

sur des portions plus ou moins suivies de circonvolutions formant de

véritables îlots augmentés de volume (voir figure ci-dessus).

5° Idiotie symptomatique de porencéphalie. Il s'agit dans ces

cas d'un arrêt de développement consistant dans l'absence d'une portion

plus ou moins grande d'une région de circonvolutions; il en résulte une

cavité ou porus en forme d'entonnoir. Cette perte de substance est, sui-

vant Bourneville, d'origine vasculaire.

IGROVZQN.]

Fig. '1. Sclérose tubéreuse. Ilots scléretix en et en PC (pli courhe). Déformation

des frontale et pariétale ascendantes (BOUR11EVILI.Eet BtussAno). - ·

' '272 - ' .. IDIOTIE-. '' ¡ . - .r ? \ J

glu Idiotie symptomatique de pseudo-porencéphalie. - L'es pseudo-

porencéphalies sont des pertes de substances- dues à des foyers d'hémor-

ragie ou de ramollissement, à des pseudo-kystes, à une infiltration

celluleuse, etc. ' -

7° Idiotie myxoedémateuse. - L'idiotie rnyodémateuse est due à

l'absence congénitale de la glande thyroïde. Nous ne décrirons pas ici

complètement la myxoedème, cependant nous rappellerons qu'on recon-

naît 1 idiotie myxoedémateuse

à l'aspect hébété de la physio-

nomie, à la bouffissure des pau-

pières, au gonflement des joues, ',

à l'absence de glande thyroïde

au niveau du cou, à l'infiltra-

tion myxoedémateuse du tho-

rax, du ventre et des membres,

à l'absence de poils au thorax

et au pubis.

8° Idiotie microcéphalique.

Elle est caractérisée par la

petitesse de la tête et par ce

fait que le poids du cerveau est lez

bien au-dessous de la moyenne ;

il y a souvent arrêt de dévelop-

pement du crâne et de l'encé-

phale. -

9° Idiotie hydrocéphalique.

Elle est due à l'hydrocé-

phalie chronique qui est carac-

térisée par l'augmentation du

volume de la tête avec largeur

et hauteur du front et quelque-

fois malformation crânienne de

scaphocéphalic ou de brachy-

etc.

10° A coté de toutes ces

idioties symptomatiques des lésions anatomiques il existe des idioties

par simple arrêt de développement; dans ces cas, il y simplicité de

circonvolutions avec peu de plis de passage. Dans ces cas l'étiologic de

l'idiotie doit être alors recherchée avec plus de soin. On trouvera souvent

dans les antécédents héréditaires une affection .du système nerveux,

l'aliénation mentale, l'épilepsie, etc. L'alcoolisme, après l'hérédité, est'

la cause la plus importante, suivant Bourneville. Enfin les accidents, delà

grossesse, de l'accouchement, la naissance avant terme, la durée exa-

gérée du travail, l'asphyxie il la naissance, l'extraction au forceps, tout

pourra entrer en ligne de compte pour la production de l'idiotie.

Fig. 2. Idiotie myxoedémaleusc pachydei-miquc

- (BOUlE'iEVILI.E) .

IDIOTIES. 275 5

Le rôle de. la syphilis est tout à fait minime; le rôle des intoxications

1 elles que le saturnisme est également peu important. Après la naissance,

toutes les maladies infectieuses entraînant les encéphalites qui se tradui-

sent par les convulsions ou par le délire peuvent être le point de départ

des idioties, mais c'est particulièrement à l'idiotie méningitiquc ou mé-

1)iii ? o-cncél)litlitiqtie qu'elles conduisent. Pour Anglade et Jacques (l'En-

céphale, 25 février 1907), 1'laéa°éclo-tu.Gea°culose est la seule cause de

l'idiotie congénitale dans 28 pour 100 des cas, et, dans 57 pour 100 des

cas elle serait une cause associée à l'alcoolisme. '

Complications. Les complications de l'idiotie . sont non seule-

ment les symptômes associés à la paralysie que nous avons déjà men-

tionnés, mais c'est surtout l'épilepsie qui se surajoute souvent l'idiotie

après plusieurs années. Les. crises peuvent se multiplier, et l'a déchéance,

mentale du sujet s'accentue. - ..

Hoffmann (Deutsche Zeilschrifl fil)' Nervenkranken, 1894) a. signalé

l'association de l'imbécillité congénitale avec l'atrophie- -.musculaire, pro-

gressive. , . "

Une autre complication consiste dans la progression de l'aliénation

mentale qui entraîne les impulsions, les perversions, etc. " ..

Les maladies terminales des idiots sont la. tuberculose, pulmonaire,

tuberculose intestinale ou tuberculose aiguë généralisée; 1'-atlu;epsicou

enfin toutes les maladies intercurrentes que l'on : peut observer chez

l'adulte. , '

Le pronostic de l'idiotie dépendra d'abord de l'état d'idiotie auquel on :

a affaire, de la progression des symptômes; enfin, des conditions de .vie

qui pourront exposer plus ou moins le malade . la tuberculose pulmo-

¡¡au'c. -

Pn,\l' : Q1P. veunoi.. 18

. [CROÛZ03P.]

SENSIBILITÉ

par le D' Gustave ROUSSY

Chef des Travaux pratiques tl'\uatumic hallmloitluc il la l'acuité de Ulrdeciiie.

\ous entrons en relation avec le monde extérieur au moyen de sen-

sations diverses plus ou moins différenciées, qui nous sont transmises par

l'intermédiaire du système nerveux. La sensibilité est donc une des fonc-

tions primordiales de ce système, fonction dans laquelle 1 appareil ner-

veux tout entier est mis à contribution. L'existence de troubles sensitifs

peut renseigner sur l'état du système; nerveux, orienter le clinicien dans

une certaine direction, le mettre en un mot sur la voie du diagnostic, et

partant du pronostic de l'affection en cause. L'importance séméiologique

de l'étude de la sensibilité, comme méthode d'investigation clinique, se

conçoit donc d'elle-même. L'apparition de nouveaux troubles sensitifs ou

la disparition de ceux préalablement constatés chez un malade sont encore

des moyens précieux pour suivre méthodiquement l'évolution progres-

sive ou régressive de telle ou telle affection, et pour tirer de cet examen

des renseignements pronostiques et thérapeutiques.

L'importance de l'étude de la sensibilité pour le neurologisteest, par

conséquent, d'ordre il la fois diagnostique, pronostique et séméio-

logique.

L'étude de la sensibilité comprend celle de la sensibilité géné-

rale et celle de la sensibilité spéciale; cette dernière est fonction d'appa-

reils spéciaux, sièges des sens de la vue, de l'ouïe, de l'odorat et du

goût. Chacune d'elles doit faire l'objet d'une élude spéciale. Dans le

cours de cet article, nous ne nous occuperons que des troubles de la

sensibilité, générale, et nous renvoyons pour ce qui concerne les sens

spéciaux (vue, ouïe, odorat, goût), aux différents articles de ce Traité,

comportant l'élude des troubles sensoriels. Toutefois, conformément à la

division adoptée conventionnellement jusqu'ici par tous les cliniciens,

nous étudierons la sensibilité tactile comme une modalité de la sensibi-

lité générale, bien qu'elle soit considérée par les physiologistes connue

une sensibilité spéciale (sens du tact) et assimilée de ce l'ait aux

sens spéciaux.

SENSIBILITÉ GÉNÉRALE

La sensibilité générale comprend la sensibilité objective et la sensi-

úilité subjective.

ANATOMIE ET l'lllll)LOfIE DES VOIES SI;\SITI'Is, 275

La première est révélée par l'action extérieure de tout agent mettant

en activité le système nerveux : la douleur il la piqûre, à la brûlure, par

exemple, sont des sensations perçues objectivement par le sujet, et

l'étude de ces troubles sensitifs objectifs, que nous apprendrons il

rechercher tout il l'heure, donne habituellement des renseignements

précis et sûrs.

Les sensations subjectives, au contraire, sont réveillées par des excita-

lions intérieures venant spontanément actionner les centres ou les termi-

naisons nerveuses; les douleurs névralgiques, les engourdissements sont

des sensations que le sujet perçoit spontanément, qu'il peut décrire et

analyser tui-mcme, mais qui échappent il toute méthode d'examen soma-

tique ou de contrôle de la part du clinicien. Ce sont la évidemment

des renseignements précieux, et dont le praticien aura il tenir grand

compte; mais ils sont moins sûrs que ceux fournis par l'étude de la

sensibilité objective. Bien plus encore, que dans le premier cas, l'obser-

vateur aura à l'aire la part des différences d'interprétation et de réaction

personnelles qui varient il l'infini avec les sujets, et cela d'autant plus

'1 est privé de tout moyen de contrôle. '

, NOTIONS ELEMENTAIRES SUR L'ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE

DES VOIES SENSITIVES -

Données anatomiques. L'appareil sensitif, dans sa plus

simple; expression, est composé d'organes terminaux, dits de réception,

qui, au moyen des conducteurs nerveux, transmettent les excitations

périphériques aux centres de réception, médullaires ou corticaux. Nous-

avons donc il étudier le plus brièvement possible :

1° Les organes périphériques de réception; 2" les voies de cond 111'-

tion sensitive périphériques et centrales; 7>° les centres de réception

corticaux.

,10 Organes de réception. - En n'envisageant que la sensibilité gène-

raie, on peut dire que c'est au niveau du tégument cutané que les ori-

gines nerveuses sensitives sont le plus différenciées. On trouve dans

1"¡"pidel'lllP des terminaisons nerveuses libres ou en boutons, ou des

organes plus différenciés; les uns sont dermiques (corpuscules de Pacini

ou ele \atcr), les autres dermiques (corpuscules de Meissner. siégeant il la

main, au pied. el surfont abondants au niveau de la pulpe des doigts et

des orteils), fous les organes profonds contiennent des terminaisons

sensilives qui viennent s'arboriser entre leurs éléments constitutifs : les

muqueuses, les séreuses en sont richement pourvues.

2° Voies de conduction. En parlant de l'origine périphérique

des nerfs sensitifs. les impressions sont conduites aux centres par un

nombre infini de fibres nerveuses, qui tantôt se mélangent aux fibres

motrices pour constituer un nerf mixte, tantôt forment à elles seules

font le nerf : nerf sensitif.

IROVSSY.l

37C . SENSIBILITÉ.

De là, les fibres nerveuses sensitives, pénétrant dans la moelle (pour les

nerfs du tronc et des menibres), forment les racines postérieures rachi-

diennes et viennent s'arboriser, les plus courtes (fibres courtes et

moyennes) autour des cellules des cornes postérieures, les plus lon-

gues autour des cellules des noyaux des cordons postérieurs (noyaux de;

Goll et de Burdach), constituant- ainsi le premier neurone sensitif, neu-

rone périphérique (protoneurone). Pour les nerfs crâniens sensitifs, le

premier neurone vient se terminer directement dans les noyaux du plan-

cher du quatrième ventricule. '

Le trajet des voies sensitives centrales, à partir des noyaux de Goll et

de Burdach jusqu'à leur terminaison, est encore loin d'être établi d'une

façon définitive; la plus grande partie est représentée par le ruban de

Reil médian qui, après entre-croisement dans le bulbe (entre-croisement

piniforme), va se terminer dans les noyaux externe et médian de In

couche optique (Dejerine, y. Monakow). D'après Long (') le ruban de Reil ne

doit pas être considéré comme la voie unique, mais bien comme la voie

principale de la conduction des impressions sensitives. Dans l'isthme de

l'encéphale (bulbe, protubérance, pédoncule), la transmission de la sen-

sibilité générale se fait par la région de la calotte, en partie par le ruban

de Reil, en partie par la substance grise, les voies courtes et la formation -

réticulée; mais jusqu'ici il est encore impossible de faire la part physio-

logique respective de ces différentes formations. Toutes ces voies ascen-

dantes de la calotte viennent en fin de compte aboutir à la couche

optique qui en constitue le relais.. C'est là le deuxième neurone sensitif

(bulbo-tlcalazique). °

De la couche optique part le troisième et dernier neurone sensitif;

thalamo-c01'tical, dont les fibres, passant par la capsule interne et la

couronne rayonnante, vont se terminer dans la substance grise de l'écorce

cérébrale. On n'admet plus aujourd'hui l'existence d'un faisceau sen-

sitif distinct dans la partie postérieure du segment postérieur de la

capsule interne (carrefour sensitif' de Charcot), mais au contraire que les

fibres sensitives se trouvent indifféremment mélangées aux fibres descen-

dantes motrices dans tout le segment postérieur de la capsule interne.

Telle est la voie sensitive centrale, dite encore principale : « vola

médullo-tlzalamo-corticale ».

il existerait en outre une voie sensitive secondaire, qui n'est pas

admise par tous les auteurs, et qui serait la suivante (van Gehuchtcn) :

ln Neurone périphérique. Les fibres sensitives périphériques,

arrivées dans la moelle par les racines postérieures, vont s'arboriser

après un très court trajet (fibres courtes), pour la plus grande partie

dans la substance grise de la corne postérieure et dans celle de la

colonne de Clarke du même côté, pouf une petite partie dans la corne

postérieure du côté opposé.

1. Th. de Paris, 1899.

ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DES VOIES SI';NSIT11LS. 277 7

2" Neurone 77%édu'Ilo-cé ? ,ébelleztx.' - =De la corne postérieure ou de

la colonne de Clarke, les fibres sensitives gagnent l'écorce du cervelet

par deux, voies : a) voie directe, par le faisceau cérébelleux direct ou

ascendant, dont les fibres partent des cellules de la colonne de Clarke

du même côté et se rendent au cervelet par le pédoncule cérébelleux

inférieur ; b) voie croisée, par le faisceau de Gowers, qui serait essen-

tellement formé par des fibres sensitives provenant de la substance

grise de la moelle du côté opposé (origine encore mal connue) et se

rendant au cervelet par les pédoncules cérébelleux moyen et supérieur.

5" Neurone cérébello-olivai°e. De l'écorce cérébelleuse, les fibres

vont gagner l'écorce cérébrale par plusieurs relais, dont le premier se

lait au niveau de l'olive cérébelleuse. '

4" Neurone olivo-thalamigue. De là, elles se rendent à la couche

optique de l'autre côté et peut-être aussi du même côté, en passant par

le pédoncule cérébelleux supérieur, pour s'entre-croiser dans la protu-

bérance (commissure de Wernekink) et gagner, par le noyau rouge, la

couche optique.

Neurone thalamo-corlical. Le dernier chaînon de cette

longue voie secondaire vient se confondre avec celui de la voie prin-

cilalu, pour atteindre la zone sensitive corticale.

je Centres de réception corticaux. La topographie de la zone

sensitive, au niveau du cortex, comme du reste celle de la zone motrice,

est une question actuellement à l'ordre du jour. Des travaux récents

inaugurant une ère nouvelle dans l'histoire, des localisations cérébrales et

ne figurant pas encore dans la plupart des traités classiques, nous

obligent il entrer ici dans quelques détails.

Jusqu'à ces dernières années, deux théories se trouvaient en présence :

l'une unicisle (Knapp, Dejerine, Long), admettant, pour la sensibilité

et la motricité, la même localisation corticale, à savoir la région rolan-

rliqlle (circonvolutions frontale et pariétale ascendantes, pieds des fron-

tale et pariétale et lobule paracentral) ; l'autre dualiste (Charcot,

Ballet, Redlich, von Monakow) soutenant que .la zone sensitive dépassait,

les limites de la zone motrice, en arrière dans la région du lobe parié-

tal. JIais, pour les uns comme pour les autres, les deux circonvolutions

rolandiques (Fa et Pa) représentaient à la fois des centres moteurs et

sensitifs.

Cette doctrine, qui récemment encore paraissait définitivement établie, .

fut ébranlée, pour la première fois en 1901, par les recherches expéri-

mentales de Grùnbaum et Sherrington sur les singes anthropoïdes

démontrant, au moyen de la méthode d'électrisation unipolaire, que la

circonvolution pariétale ascendante ne faisait pas partie de la zone

motrice; cette dernière s'étendant uniquement en avant du sillon de

Rolando. Ces idées nouvelles ont. trouvé confirmation dans les résultats

fournis par la méthode expérimentale chez le singe (C. et 0. Vogt,

Brodniann), par l'excitation du cortex chez l'homme (Krause, Mills,

, . \

' [ROUSSY.]

' : 178 SENSIBILITÉ.

Frazicr. Llowl et Cusbing), part l'élude cylologique et archileclonique

des circonvolutions (Rrodjnann, Campbell), et enfin par ceux qll : a

donnés la méthode anatoinique appliquée il l'élude des cas de sclérose

latérale amyotroptiiquc (Rossi et, Roussy).

Elle tend de plus en plus il rallier aujourd'hui tous les suffrages.

On peut donc admettre actuellement qu'il faut définitivement aban-

donner l'ancienne conception classique sur les localisations corticales :

1° La zone motrice est cantonnée en avant du sillon de Ilolamlu (fron-

tale ascendante, pointe antérieure du lobule paraccnlral et. de l'opercule

rulandicluc, pied des deux premières frontales) ; la frontale ascentfaufc.

représente la circonvolution motrice par excellence. La participation de

la pariétale ascendante il cette zone est, niée par les uns, considérée comme

très minime par d'autres (Rossi et Roussy).

2° La zone sensitive est limitée au niveau du-cortcx, en arrière dit

sillon de Rolando, comprenant les circonvolutions pariétales, y compris

la pariétale ascendante. Celle dernière proposition, qui ressort nalurnl-

lenient de la première, n'a pas encore comme celle-ci, trouvé sa confir-

mation dans l'expérimentation ou l'observation des faits Mllaf01170-l'IIIII(Itl(·.

Données physiologiques. Les impressions venues de la péri-

phérie, de la surface cutanée comme de la surface muqueuse. éveillent en

nous des sensations diverses qui sont au nombre de trois : la sensation

de contact, la sensation de température qui se divise en sensation de

chaud et de froid, et enfin la sensation de douleur.

Existe-t-il des excitants différents a chacune de ces trois sensations;

ces trois modalités de la sensibilité répondent-elles il l'existence d'appa-

rcits de réception ou de conduction spéciaux, ou bien il des modalités

différentes du fonctionnement d'appareils ou de conducteurs 'communs ?

La préoccupation de diviser la sensibilité générale en un certain

nombre de sensations spécifiques passant par des 'systèmes de libres

définies, a dominé de tout temps les travaux des physiologistes et des

cliniciens. Nous allons rapidement exposer l'état de nos connaissances

actuelles sur la nature des excitants et leur mode de transmission; nous

donnerons, pour terminer, les deux théories émises aujourd'hui en vue

d'expliquer la conduction de la sensibilité.

1° Nature des excitants. - Les excitants sont pour les uns an nombre

de deux (tact et température), pour d'autres au nombre de trois (tact,

douleur, température). Le contact est un excitant de nature mécanique,

le chaud et le froid sont de nature physique, moléculaire.

Le contact exagéré donne la sensation de pression; pour d'autres, le

tact et la pression sont fonction, soit d'appareils de réception différents

(corpuscules de Pacini pour la pression, corpuscules de lleissner pour le

tact), soit de conducteurs spéciaux (dissociation des deux sensations dans

certaines affections médullaires, Strumpeit, Marinesco, etc.) (').

1. Nous reviendrons sur cette question dans le cours de cet arlicle en étudiant la

((barestt)esio))(Voirp ? 91).

. " : 11t1T01111 : ET PHYSIOLOGIE DES VOIES SE-XSITIVES. 279

La douleur est-elle une sensation propre, autonome, ou n'est-elle

qu'une modalité particulière de la sensibilité ? Les deux opinions ont

trouvé des défenseurs. Pour les uns, la douleur est due à l'exagération,

dans un temps donné, de l'intensité de tout excitant 'qui modifie le fonc-

tionnement physiologique normal de l'appareil nerveux. Toute excitation

violente d'un nerf sensitif provoque une sensation douloureuse. La dou-

leur, ditRichet, est produite par toute cause qui modifie profondément

l'état du nerf. Il n'y a pas, par conséquent, d'excitant propre de la dou-

leur ; pas de conducteurs spéciaux pour les impressions douloureuses;

pas de centre, siège du sens de la douleur. Pour d'autres, la douleur est

bien, d'une façon globale, due à une excitation forte dont le mécanisme

intime nous échappe encore, mais cette excitation est recueillie par des

nerfs spécialement affectés aux sensations doloriques. Les faits cliniques

de dissociation de la sensibilité observés chez les malades (perte de la

sensibilité douloureuse et thermique avec conservation du tact) et la pré-

sence de points des téguments ne réagissant à toute excitation que par

la douleur (points de douleur, Goldschcider) plaident en faveur de cette

opinion. *

2" Organes périphériques. En acceptant la spécificité des excitants

pour la douleur, pour le tact, pour la température, etc., on doit admettre

également l'existence d'appareils et de lilets nerveux différents, spéciale-

ment et uniquement adaptés à recevoir et à conduire telle ou telle exci-

tation. Ceci en vertu de la loi de l'énergie spécifique des nerfs sensoriels

(Johann Iii1ler, Helmholtz), d'après laquelle chaque catégorie de fibres

ne peut nous renseigner que sur une seule qualité de sensations.

Dans des travaux récents (magnums. Blix, Goldscheider, von Frey), on

est arrivé à diviser la peau en un grand nombre, de points disposés plus

ou moins régulièrement en chaîne, en cercles ou lignes courbes, points

dont chacun ne peut fournir que la sensation spécifique qui lui est

propre. Il existe ainsi des points pour le chaud, pour le froid, pour la

douleur, pour la pression. A ces quatre sens cutanés, répondent quatre

catégories de terminaisons sensitives (von Frey) : : corpuscules de

lleissner pour la pression ; terminaisons libres pour la douleur ;

corpuscules de Krause pour le froid corpuscules de Ruffini pour le

chaud. -

5° Voies de conduction des excitations périphériques. On admet,

depuis les expériences de Schiff, que dans la moelle épinière les impres-

sions tactiles suivent le trajet des cordons blancs postérieurs, alors que

les impressions douloureuses et thermiques sont transmises au cerveau

par l'axe gris médullaire. L'exemple anatomo-clinique de la syringomyélie

(gliose de la substance grise) qui détermine une perte complète des sen-

sations douloureuses et thermiques, avec conservation de la sensibilité

tactile, est venu confirmer cette opinion. Ces différenciations des voies

conductrices dans la moelle est loin cependant d'être absolue, et de nom-

breux faits cliniques ou expérimentaux viennent l'infirmer. Aussi voyons-

[ROUSSY.]

280 SENSIBILITÉ.

nous les auteurs émettre les hypothèses les plus diverses. Van (;(-llIle]¡len

et Brissand font passer les impressions douloureuses et thermiques par

le faisceau de Gowers : niais les expériences (sur le singe) de Ferrier et

Turner. de Mott, et l'absence de troubles de la sensibilité dans les af1('('-

tions cérébelleuses (le faisceau de Gowers s'étendant de la moelle au ver-

mis cérébelleux), ne permettent pas d'accepter cette hypothèse.

Edinger fait passer la sensibilité cutanée par la substance grise et par

un faisceau accessoire qu'il appelle le faisceau sensitif croisé. Celui-ci

occupe le cordon antéro-tatérat : partant des cornes grises du cote

opposé, il va rejoindre le ruban de Reil dans la couche inter-olivaire

bulbaire.

Pour hülliker les cordons postérieurs conduisent le sens musculaire

seulement; la sensibilité cutanée suit la substance grise et les cordons

antéro-latéraux.

De cette diversité d'opinions, il résulte qu'aujourd'hui l'état de. nos

connaissances ne nous permet pas d'indiquer d'une façon précise les

chemins suivis, dans la moelle et dans le cerveau, par les différentes

impressions sensitives.

11 n'y a pas lieu d'admettre également que la conduction de la sensi-

bilité soit croisée dans la moelle (Long). Cette idée, émise tout d'abord

pour expliquer le phénomène du syndrome de Brown-Séquard (paralysie

avec anesthésie croisée dans les lésions unilatérales de la moelle), tend à

être abandonnée en présence; d'expériences physiologiques et de faits

anatomiques tout il fait opposés à cette hypothèse. Quant au phénomène

de Brown-Séquard, pour lequel on invoque l'effet de 1 inhibition ou de

la dynamogénie, il est encore inexplicable.

En résumé, nous voyons que. jusqua présent, ni la méthode expéri-

mentale, ni la méthode analoino-cliniepie ne nous permettent de-suivre

exactement dans la moelle le trajet parcouru par les diverses impressions

sensitives; c'est pourquoi nombre d'auteurs se refusent encore il admettre

la spécificité des sensations tactiles, douloureuses, thermiques et muscu-

laires.

Il en résulte que, dans celle question de la physiologie de la sensi-

bilité, nous nous trouvons en présence de deux théories principales :

L'une admet la spécificité des sensations tactiles, douloureuses, ther-

miques et du sens musculaire, et par conséquent la multiplicité des

organes de perception et de transmission, ainsi que nous venons de, le

rappeler brièvement.

L'autre, au contraire, s'opposant à la spécificité des sensations, attribue

à la moelle la fonction non seulement de transmettre, mais encore d'éla-

borer les impressions plus ou moins intenses venues de la périphérie

(Long). Il existe dans la moelle, pour les impressions sensitives reçues

par les racines postérieures, des moyens de transmission complexes; la

substance grise centrale en est l'élément fonctionnel principal. Il n'y a

, . TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ 'OBJECTIVE..281,

pas lieu d'admettre que les, sensations dites tactiles, douloureuses, ther-

miques et musculaires, constituent autant de fonctions distinctes et que

leur conduction médullaire se fait par des systèmes de neurones spécia-

lement affectés à chacune de ces fonctions. Les divisions.et subdivisions

de la sensibilité générale n'ont de raison d'être que dans l'observation

clinique.

CHAPITRE I. z

TROUBLES DE LA SENSIBILITE OBJECTIVE

L'élude de la sensibilité objective doit être divisée en deux parties :

sensibilités superficielles et sensibilités profondes. Les sensibilités

superficielles comprennent : le tact, la douleur, la température et la

sensibilité électrique cutanée. Les sensibilités profondes comprennent :

la sensibilité articulaire, la 'sensibilité musculaire, celle des troncs ner-

veux, des os, des ligaments, le sens de la pression. Enfin, il faut, comme

résultante de ces différentes sensations, étudier le sens musculaire

et le sens stéréognostique. ' 1 ' .

TECHNIQUE A SUIVRE POUR LA RECHERCHE DES TROUBLES

. DE LA SENSIBILITÉ . -

La recherche clinique des troubles de la sensibilité, si facile qu'elle

puisse paraître de prime abord, présente cependant certaines difficultés.

Cette étude doit être faite méthodiquement; elle nécessite certaines pré-

cautions indispensables, si l'on veut éviter des causes d'erreur dont les

unes proviennent du malade et les autres sont ducs à l'observateur. -

Pour ce faire, on examine le malade déshabillé, nu si possible (en

ayant soin de le garantir du froid), les yeux bandés et dans un endroit

tranquille, le soustrayant ainsi à toutes distractions étrangères; si l'on a

affaire à une personne impressionnable, il faut avoir soin de la rassurer

1 l'avance sur la nature de l'examen dont elle va être l'objet, chercher

en un mot à gagner sa confiance. Il est extrêmement important de ne pas

prolonger outre mesure le temps de l'examen (1/2 heure à 5/4 d'heure

au maximum), car les malades se fatiguent et l'on obtient des réponses

absolument contradictoires. On fera donc des séances courtes et répétées;

plusieurs jours sont souvent nécessaires pour établir d'une façon com-

plète l'état de la sensibilité d'un malade. Il faut également tenir compte

de l'état intellectuel du sujet, souvent défectueux (chez un hémiplégique,

par exemple), du mode de réaction, variable suivant les individus, l'âge

et le sexe, et du désir enfin qu'ont certains patients à diminuer ou à

exagérer leurs troubles. L'observateur doit s'abstenir le plus possible de

poser des questions pour éviter l'influence de la suggestion verbale sur

[ROUSSY.] ]

- . ' ' . SENSIBILITE.. ? ;' ' '' -

les réponses du malade; aussi lorsqu'on a affairé a un sujet -intelligent,

suffit-il de lui expliquer au préalable clairement ce du'on-veut obtenir de

lui, de noter ensuite avec soin les renseignements qu'il donne sur la

nature, le siège et l'intensité des sensations perçues.

On interroge alors les différents modes de sensibilité superficielle et

profonde par des excitations appropriées à chacune d'elles et on note

soigneusement sur des schémas de corps humain les résultats obtenus.

Le même schéma peut servir pour le tact, la douleur et la température,

en indiquant par. exemple les troubles tactiles par des hachures, les

troubles douloureux par des points et les troubles thermiques par des

croix, ou bien encore par des traits de crayons de couleurs différentes.

Si les troubles sensitifs sont complexes, il est préférable de se servir de

schémas différents pour chaque modalité de sensibilité. 11 est boni, enfin,

avant de noter les troubles observés, de vérifier une seconde fois les

- résultats obtenus par un premier examen. ' .

I. SENSIBILITÉS SUPERFICIELLES

A) Sensibilité tactile. On la recherche ordinairement en cli-

nique en effleurant simplement, avec la pulpe du doigt, les téguments

cutanés; le doigt de l'explorateur doit être à peu près de la même tem-

pérature que la peau du sujet examiné. 11 est préférable de. se servir

d'objets de petit volume (pinceau de hlaireau, morceau de papier roulé)

qu'on promène légèrement sur les téguments, en provoquant non pas plu-

sieurs excitations rapides et rapprochées, mais une seule, qu'on renouvelle

après quelques secondes si la première n'a pas donné de résultat. L'ex-

ploration doit être assez légère de façon à ne pas déterminer une sensa-

tion de pression ou de douleur.

La sensibilité tactile peut être diminuée : hypoeslhésie, abolie : anes-

thésie, ou exaltée : hypereslhésie. - .

Lorsqu'on observe un de ces troubles en un point quelconque du corps,

on aura soin de comparer avec le côté opposé sain, ou avec une région

supposée saine, puis de marquer sur la peau, avec un crayon dermogra-

phique, les limites de la zone anesthésique ou hypcrcsthésique. On se

rappellera, au cours de cet examen, qu'une zone anesthésique s'étend

légèrement quand on l'explore en allant des régions malades vers les

régions saines, et qu'elle se rétrécit dans le cas contraire ; on devra

donc, avant de délimiter la zone anesthésique, faire l'épreuve dans les

deux sens, et prendre une moyenne. '

, Les régions pileuses sont douées d'une sensibilité tactile plus délicate

que les régions glabres. La présence du système pileux donne aux régions

de la peau qu'elle occupe une sensibilité particulière, en dehors de la

sensation que donne le poil qnand on le touche. Cette sensibilité particu-

lière des régions pileuses, qui diffère de la sensibilité tactile ordinaire

par son extrême finesse, a été décrite et désignée par Vaschide et Rous-

' TROUBLES DE W SENSIBILITÉ OB.IECTTVE : 285

seau sous le nom de tricheslhésie (6 ? poil; v ? 91,e5, sensation).

La sensibilité capillaire est celle que provoque l'attouchement des

poils, en dehors de tout contact de la peau; c'est une sensation,» sui

eneris », la plus exquise de la peau.

Les régions calleuses (plante des pieds, paume des mains) et les

régions cicatricielles sont ordinairement anesthesi-

ques ou très hypoesthésiques.

On admet généralement que la sensibilité tactile

augmente de la racine des membres à leurs extré-

mités.

On peut avoir recours, pour apprécier l'intensité

de l'impression tactile, à des appareils spéciaux; le

plus communément employé en France, est l'esthé-

siomèlre de Verdun, dont nous donnons ci-contre

le dessin. 11 est composé d'un manche métallique

renfermant un ressort qui vient comprimer une tige

à bout arrondi; un. curseur indique en se déplaçant

sur une échelle graduée, en grammes, l'équivalent

de la pression exercée.

L'emploi de ces appareils est souvent inutile, dans

nn examen clinique ; il est préférable de se contenter

des résultats obtenus par les moyens les plus simples

que nous avons indiqués, et ne pas vouloir donner

une exactitude mathématique à des notions dont la

valeur n'est avant tout que relative.

Dans une exploration de sensibilité tactile, on doit

rechercher, non seulement l'existence d'une altération

delà perception tactile (anesthésie ou hyperesthésie),

mais encore : '

1° le degré de la perception tactile ;

2" la localisation des impressions tactiles;

' 5° l'interprétation des impressions périphériques ;

4° la distance maxima à laquelle deux points

simultanément touchés donnent deux impressions

distinctes ;

5° la durée du temps épie met une impression

tactile à ètre perçue par le malade.

l;'est a toutes ces modifications de la sensibilité objective, et cela aussi

bien pour la douleur- et la température que pour le tact, qu'on donne

en France le nom de paresthésie. Nous les étudierons une fois pour toutes

il propos de la sensibilité tactile.

l Degré de la perception tactile. On l'apprécie au moyen d'ob-

jets tels qu'un pinceau, un morceau de papier, par exemple; on recon-

naît par ce moyen s'il y a anesthésie, hypo- ou hyperesthésie. On appelle

seuil intensif de la sensibilité la limite au-dessous de laquelle les im-

[.ROUSSY.] ]

F i. L - Fsthésio-

mètrc. -La pointe

a sert dans la me-

sure rie la douleur ;

le plateau sert il

mesurer la pression

(hareslhcsiomèlrel.

ys-i i. vl\Ififf.l'l ?

pressions sensitives ne sont plus perçues, tituitc très variable suivant les

régions; quelques-unes, comme la pulpe des doigts, ont un seuil intensif

très inférieur.

Lclelb et Oppenheim ont indiqué un procédé très simple pour révéler les

troubles légers de la sensibilité chez les hémiplégiques, dans le cas où

le côté paralysé pourrait paraître normal il l'explorai ion ordinaire. Il suffit

en effet, de loucher ou de piquer, simultanément, deux points sYl\ll'll'i-

ques du corps, les deux avant-bras gauche et droit, par exemple, et t'ou

détermine une réaction du côté sain seulement. 11 faut, au contraire,

augmenter notablement la pression et agir plus fortement sur la région

qui présente des troubles, pour obtenir de son côté une réaction équiva-

lente.

"2" Localisation de la perception tactile. - On demande au malade'

d indiquer tout d'abord la région excitée, le plus exactement possible

(pied, jambe, bras, etc.), puis de montrer avec son index le point exact

où il croit que l'excitation a porté ; c'est la topoest/¡c'sie ou sens du lieu.

On peut ainsi constater des erreurs de localisation de 1-2 et plusieurs

centimètres (/o0f< ? </c) ; certains hémiplégiques par exemple loca-

lisent à la paume de la main les excitations portant sur les doigts, ou a

lavant-bras celles du bras, etc En marquant au crayon dermogra-

phique ces différents points on peut mesurer exactement au centimètre

les écarts de localisation et les noter sur un schéma En écart de

*2-"> centimètres sur les jambes ou les bras. de4-*> centimètres sur le dos

se constatent chez des individus normaux; il la face, à la paume de.

mains, le sens du lieu est beaucoup plus délicat. ^8

Dans certains cas, les malades reportent une impression tactile parfai-

tement ressentie par eux, non pas au membre louché, mais en un point

exactement symétrique du membre opposé; c'est le phénomène de l'allo-

rit il'il' (Obersteinerj ou al/est I/(>sie (Longuet). Ce phénomène est rare-

ment noté dans les observations ; il est probable qu'on le trouverait plus

fréquemment si l'on ne se contentait pas trop souvent de demander sim-

plement au malade ayant les yeux fermés d'indiquer l'endroit où on le

louche sans lui l'aire préciser le coté.

On doit rapprocher de 1 allochirie le phénomène des st/ucslltsics n« a

,tyzolrc·sics (Guhier, de Frummltcl) (') constitué par des sensations tactiles

ou douloureuses qui sont perçues sur certains points du corps à propos

d'excitations arrivant de points plus ou moins éloignés, et qui ne leur

sont unies par aucune connexion nerveuse commune. Une irritation d un

bouton d'acné, il la cuisse par exemple, provoque une sensation associée

dans l'épaule droite.

On appelle enfin /< ? t0 ? si ! '< ? (Grainger-Slewarl) C) une. perversion

du sens du lieu qui consiste en ce qu'une excitation tactile, une piqûre

1. Les stnrt ! ésie.s et les sijnextlwxies, ,) 888. : 1. TIt ! ' Uril. 111e £ l. journ., 1894. y. 1. 1.

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 38 ?

portant sur la partie externe d'un membre sont localisées par le malade'

sur la partie interne.

5° Interprétation de l'impression périphérique. Le médecin

doit aussi s'assurer qu'une excitation tactile est bien perçue comme telle

par le malade; que le frottement est perçu comme frottement et le tou-

cher simple comme toucher; lorsque les -malades interprètent mal les

impressions venues de la périphérie et qu'ils perçoivent une sensation

tactile comme sensation douloureuse par exemple, on dit qu'il y a

métamorphose des sensations.

Lorsque le malade interprète comme-multiple une excitation unique,

on dit qu'il y a polyesthésie; il multiplie ainsi le nombre des objets

qu'on lui place dans la main : au lieu d'une allumette, il en sent plu-

sieurs. La macroesthésie est le fait de percevoir les objets beaucoup plus

gros qu'ils ne le sont en réalité; si, en fermant les yeux d'un malade, on

lui place une allumette dans la main, il croit alors toucher un bâton. Ces

phénomènes sont rares; on ne les observe que dans les névroses.

L'aphalgésie (âoer- contact; alyo^ douleur), décrite par Pitres, est

caractérisée par la production d'une sensation douloureuse intense, à la

suite d'une simple application sur la peau d'une substance qui, à l'état

normal, ne provoque qu'une sensation de contact; observée par Pitres

dans l'hystérie, elle a été notée dans le tabès par Lannois.

4° Cercles de sensations de Weber. On appelle seuil extensif de

la sensibilité ou cercles de sensations de Weber la

distance minima au-dessous'de laquelle le contact simul-

tané de deux points n'est plus perceptible. Cette recher-

t'he se fait au moyen d'appareils spéciaux dits compas

de Weber ou esthésiomètres. Ces appareils sont com-

posés de deux pointes susceptibles . d'être écartées ou

plus ou moins rapprochées sur une tige graduée permet-

tant de mesurer exactement l'écart observé.

La recherche des cercles de. Weber a une grande

importance en clinique; elle permet, dans les cas ou

les sensibilités superficielles paraissent normales de prime

abord, au simple -attouchement, de révéler des altéra-

tions plus discrètes de la sensibilité cutanée, caracté-

risées par un élargissement des cercles de sensations*

et d'expliquer ainsi certains troubles observés, comme

la perte de la perception stéréognostique. Les cercles de

sensations à l'état normal varient, suivant les régions,

de 1 à 65 millimètres; c'est au niveau des régions les

plus mobiles, où l'innervation est la plus riche, qu'ils

sont le plus étroits.

Voici, d'après Weber, un tableau de l'état normal du seuil extensif

des principales régions que l'on peut être appelée étudier.

, xovssr.7

],jg..2.

Compas du t

\'uher.

280 SENSIBILITE.

'J'BOUilLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 287

marqué. On a construit des appareils pour mesurer avec précision le

temps de réaction, mais leur dispositif compliqué et leur prix élevé l'ont

qu'ils ne sont guère employés dans les recherches cliniques courantes.

Dans certaines affections du système nerveux, on peut observer une

prolongation de perception d'une sensation'; celle-ci persiste pendant,

quelques secondes après l'excitation qui l'a provoquée. C'est la l'exagéra-

tion d'un phénomène normal, physiologique, à savoir que la durée de

la sensation dépasse celle de l'excitation, surtout lorsque celle-ci a été

prolongée. Deux sensations tactiles doivent être séparées pendant un temps

déterminé, pour être perçues séparément. Aussi est-il naturel que lors-

qu'on observe en clinique la prolongation des sensations, on doive éga-

lement noter la fusion des sensations, le malade ne ressentant qu'une

seule excitation tactile, bien qu'on l'ait louché plusieurs fois, mais d'une

façon trop rapprochée. Le phénomène de la sommation des excitations

dérive de ce dernier. Il arrive, en effet, que chez un malade sur lequel

on répète plusieurs fois, au même endroit, la même excitation, les

premières excitations ne soient pas perçues, puis que la quatrième ou

la cinquième deviennent nettement perceptibles. Ce fait se vérifie no-

tamment à la piqûre; il peut même être employé comme moyen thérapeu-

tique pour traiter des anesthésies organiques ou fonctionnelles. Le

phénomène inverse s'appelle l'épuisement des sensations.

Toutes ces données sur le degré, ia localisation, l'interprétation, etc.,

des impressions 1>érilrh(riolucs (parestlrésies), que nous venons d'étudier

il propos de la sensibilité au tact, s'appliquent également il la sensibilité

douloureuse et thermique; nous nv reviendrons plus.

1) Sensibilité douloureuse. On étudie la sensibilité dou-

loureuse au moyen d'une simple piqûre faite avec une aiguille ou une

épingle d'acier bien effilée, ou encore en pinçant la peau entre le pouce

et l'index. L'excitation faradique de la peau est un bon moyen pour

étudier la douleur, parce qu'elle permet de graduer et de mesurer

1 mtenstte de l'excitation périphérique nécessaire il la production de la

sensation. Nous en parlerons à propos de la sensibilité électrique. 11

existe enlin des appareils dits algésiomèlres (Joanny Roux, Ifoessiin,

Moiclioukovsky. leclttercw, etc.), dont l'usage est peu fréquent en

clinique.

Lorsqu on constate en une région du corps une diminution de la sensi-

bilité douloureuse, on dit qu'il y a hypoalyésie. On doit toujours avoir

contrôlé préalablement avec une région voisine supposée saine, comme

on le rail pour le tact. Si la douleur n'est pas du tout perçue, c est de

1 aiudgésie; si au contraire, elle est exaltée, c'est de 1"/¡ ! lpenl/yësi(',]Je

même que pour le tact, on reporte avec soin sur un schéma les troubles

observés : ceux-ci peuvent coïncider parfaitement dans leur distribution

ettem intensité avec les troubles tactiles. Il arrive parfois en clinique,

dans la syringomyélie par exemple, (pie la sensibilité tactile reste intacte,

tandis que les sensibilités douloureuses et thermiques sont fortement di-

[ROUSSY.]

288 SENSIBILITE,'

minuées ou même abolies (dissociation de la sensibilité dite syringo-

myélique). D'autres fois, au cours des affections centrales -de la moelle

ou de l'encéphale, c'est L'inverse que l'on observe : la sensibilité tactile

seule est atteinte (hypoesthésie dans le tabes, dans certaines hémiplé-

gies), alors que les sensibilités douloureuses ou thermiques ne sont

que très légèrement altérées ou même restent intactes. 11 arrive enfin

quelquefois qu'une région anesthésique pour le tact présente une exagé-

ration très marquée de la sensibilité à la-douleur, c'est l'anesthésie Ir y-

pe1'esthésique; - ..

A l'état normal, les différentes régions de la surface cutanée sont plus

ou moins sensibles à la douleur; nous verrons, à propos de la sensibilité

électrique, les chiffres comparatifs qu'on a donnés à cet égard. 1.

C) Sensibilité thermique. Elle se recherche au moyen d'une

éprouvette ou de tubes remplis l'un d'eau chaude, l'autre d'eau froide,

ou de préférence avec de la glace pilée; dans l'éprouvette on peut placer

un thermomètre. Il faut avoir soin, lorsqu'on recherche pour la première

fois chez un malade l'existence d'un trouble de la sensibilité thermique,

de prendre des corps à des températures très différentes, et non pas,

comme on le fait très souvent pour le froid, de l'eau à la température

ordinaire, et pour le chaud, de l'eau tiède. On ne doit pas dépasser, pour

le chaud, 50 degrés; à une température plus élevée, l'excitant perd sa

valeur spécifique et détermine de la douleur; de même pour le froid, ou

choisira un corps dont la température est voisine de 0 degré. On ap-

plique alors les tubes pendant quelques secondes sur la région il explo-

rer, en évitant de passer trop rapidement du tube chaud au tube froid;

le malade doit alors indiquer exactement la nature de la sensation perçue.

Les appareils construits pour la mensuration de la sensibilité ther-

mique s'appellent tlze1'11w-estlu ! siomèl)'es (Nothnagel, Goldscleider-

Eulenh urg). ..

Comme pour les autres sensibilités superficielles, on peut observer,

en clinique, soit de la diminution (tlterlno-hypoesthésie), soit de l'abo-

lition (Lhenno-a1wsthésie), soit enfin de l'exagération de la sensibi-

lité thermique (theermo-hyperesllaésie). La sensibilité au chaud et au

froid peut être atteinte simultanément ou séparément pour chacune

d'elles. En effet, on peut observer chez les hémiplégiques une- diminu-

tion, une abolition ou un retard, de la sensation thermique à la chaleur,

alors que le froid est perçu normalement; d'autres fois, ce sont des per-

versions de cette sensation que l'on observe, le chaud étant senti comme

froid et le froid comme chaud : c'est alors de la paresthésie. Ce qu'on

observe le plus souvent, lorsque l'anesthésie au chaud ou au froid n'est

pas complète, c'est l'impossibilité pour le malade de discerner la sensa-

tion de. la chaleur de celle du froid; il les confond constamment l'une,

avec l'autre. La perte de la sensibilité thermique peut coïncider dans

les cas d'anesthésie étendue, d'origine corticale par exemple, avec la

disparition des autres modalités de la sensibilité superficielle, mais

TltOt.'l3Lla DE LA SENSIBILITE OBJECTIVE. 289

comme pour la douleur, son abolition est ordinairement moins absolue

que pour le tact, el lorsqu'il y a évolution vers la guérison, les sensibi-

lités thermique et douloureuse réapparaissent les premières. Dans les cas

de dissociation de la sensibilité, dite dissociation syringomyélique,

coiiiine on la vu ci-dessus, l'anesthésie il la température accompagne

t'anesthésie douloureuse.

Comme pour le tact et la douleur, il est nécessaire de savoir que toute

la surface cutanée ou muqueuse ne réagit pas uniformément à la tempé-

rature : il l'état normal, certaines régions sont capables de discerner des

différences minimes de température.

Notlmagel, au moyen d'un appareil spécial, a montré que la sensibilité

thermique était surtout exquise pour des températures s'approchant de

celle de la peau, entre 25 degrés et 27 degrés C. Tandis que la peau des

joues et des tempes distinguent des différences de 4/10-7/10 C., celle du

dos n'apprécie que des dillérences de 1 degré C.

Tableau des différences de degré de température perçues

par la peau (d'après Nothnagel).

? .90 SENSIBILITÉ.

moyen d'étude^de la sensibilité douloureuse, et il serait à souhaiter qu'il

fùt plus souvent employé dans' les recherches cliniques/ Dans les cas

d'analgésie, la sensibilité électrique indifférente persiste seule et l'aug-

mentation du courant ne fait naître aucune douleur; inversement, lors-

qu'il y a hyperesthésie, l'excitation électrique la plus faible devient dou-

loureuse.. ..

Voici quelques chiffres comparatifs de la sensibilité électrique cutanée

des différentes régions du corps à l'état normal. Dans la première colonne,

les chiffres indiquent en centimètres à quelle distance on peut rapprocher

les deux bobines du chariot pour éveiller la sensation dite indifférente;

dans la seconde, la distance nécessaire pour provoquer une sensation -i

douloureuse.

Tableau de la sensibilité électrique cutanée

(d'après Bernhardt).

't'IiOUlt.l ? I)I, Ll si : \SIPI(.t't'I I.IBJI : C'l'll ? . 291

une sensation spéciale qui n'est pas identique, à celle qui est engendrée

car le mouvement passif; on la recherche au moyen du courant élec-

trique en s'efforçant de bien faire comprendre au malade ce qu'on veut

obtenir de lui, chose dit'ucHe parfois; il s'agit là, comme pour les teg-n-

ments cutanés, d'une sensibilité « sui generis », dite électro-musculaire.

En augmentant le courant, on détermine une sensation douloureuse;

celle-ci est d'ordre complexe, car il faut tenir compte de la participation

des nerfs cutanés à l'excitation électrique.

La sensibilité électro-musculaire peut être diminuée dans certaines

affections médullaires, comme le tabès; d'autres fois elle peut être exaltée.

Nous ne parlons pas ici de la sensibilité des muscles à la pression,

constatée au moyen d'appareils spéciaux (myoesthesiometre de Bechte-

rew). L'élude de cette question se rattache à celle du sens de la pression

que nous étudierons plus loin.

B) Sensibilité articulaire. Tous les organes, entrant dans la

constitution des articulations (ligaments, capsule, cartilage), sont doués

de sensibilité; nous sommes ainsi renseignés sur l'étendue et le parcours

d'un mouvement actif, les autres perceptions de ce mouvement se

déterminant par la sensibilité musculaire. Pour certains auteurs, la per-

ception consciente d'un mouvement actif serait même entièrement due il

la sensibilité articulaire.

Il n'existe pas de moyen clinique pour étudier isolément la sensibilité

articulaire, indépendamment de la notion des altitudes que nous retrou-

verons avec le sens musculaire.

C) Sensibilité des troubles nerveux. La pression des troncs

nerveux éveille une sensation de fourmillement particulière qui irradie

dans la sphère de distribution du nerf comprimé; si on augmente la

pression, la sensation devient nettement douloureuse. On recherche en

pratique la sensibilité des troncs nerveux, de préférence dans les régions

où ils sont superficiels, et où ils reposent sur un plan osseux : nerf cubi-

tal dans la gouttière 1"pitl'ochlé<'l1lw. nerf scialique poplité externe au

.niveau de la tête du péroné, par exemple.

'. Lorsque la sensibilité des nerfs est exagérée, on peut l'apprécier même

lorsque ceux-ci sont profondément situés dans les tissus mous.

La douleur vive : 't la pression des nerfs est un signe important en semeio-

logie; elle s'observe dans les névrites. D'autres fois, au contraire, en

clinique on peut rencontrer de t'anesthesic des troncs nerveux à la pres-

sion. Ce signe est tout particulièrement fréquent dans le tabès où l'anes-

Ihésie du cubital (signe de lIi<'l'I1¡]ekÎ) peut être un des j'rcmiers syni-

1) ! ÙllIes de la maladie.

D) Sensibilité à la pression. Baresthésie. - La pression des

tissus profonds, exercée avec le doigt, éveille en nous une sensation spé-

ciale « sui generis », qui nous renseigne sur le degré de la pression

exercée en un point du corps et nous permet ainsi d'apprécier le poids

des objets. Dans la notion du sens de la pression iigurent des éléments

[ROUSSY.]

2')2 SENSIBILITÉ. 1

complexes, dans lesquels, à côté de la sensibilité musculaire et des

tissus profonds, les auteurs classiques font jouer un rôle a la sensibilité

cutanée. 11 est difficile, en effet, de limiter la part qui revient aux sensi-

bilités superficielles et aux sensibilités profondes; c'est pourquoi, jus-

qu'ici, les neurologistcs confondent, en général, la sensibilité à la pression

avec la sensation de contact et n'attachent aucune importance aux troubles

de la première en séméiologie nerveuse.

Des travaux récents, non mentionnés encore dans les traités classiques,

sont venus jeter quelque clarté dans cette question et montrer qu'à la

notion du sens de la pression s'attache un intérêt à la fois doctrinal et

séméiologique. Ceci nous oblige à entrer ici dans quelques détails.

Von Strumpell (') a montré que la sensibilité à la pression est indépen-

dante de la sensibilité tactile et qu'elle constitue un mode spécial de la

sensibilité générale tout à fait indépendant. 11 est arrivé à ce résultat par

l'observation clinique en constatant chez un certain nombre de malades

(paraplégiques, hémiplégiques, tabétiques, etc.) une disparition com-

plète de la sensibilité il la pression, avec conservation parfaite de la sen-

sibilité au contact. 11 s'agit donc là de deux formes distinctes de sensibilité

qui peuvent être nettement dissociées en clinique. Pour Strümpell, la sensi-

bilité à la pression n'est pas ou fort peu transmise par la peau; la pression

de la peau chez les individus présentant une certaine laxité des tégu-

ments permet de voir que la pression de la peau soulevée ne révèle pas

la sensation de pression; mais ce sont les terminaisons nerveuses des

tissus mous sous-cutanés (muscles, tendons, aponévroses) et du périoste

qui se chargent de ce rôle. La sensibilité à la pression, connue le sens

musculaire et la sensibilité vibratoire, est donc une modalité de la sensi-

bilité profonde (Marinesco) ; sa transmission dans la moelle se ferait par

les cordons postérieurs. En opposition avec la dissociation syringomyélie-

que, il faut placer, d'après Strumpell, une nouvelle forme de dissociation

de la sensibilité, dite du « type des cordons postérieurs » : perte de la

sensibilité au tact, à la pression et au mouvement, avec conservation des

sensations douloureuses et thermiques.

La sensibilité à la pression est dite baresthésie (Marinesco) ; comme

les autres modalités de sensibilité, elle peut être diminuée, barhypoes-

litésie; abolie, baranesthésie ; ou exaltée, &et ? 7cr ? cc.

Recherche. Pour explorer la sensibilité à la pression, on peut sim-

plement comprimer avec l'index, avec un dé à coudre ou tout autre

instrument mousse, la région à explorer; cette méthode élémentaire suffit

ordinairement en clinique. Pour obtenir plus de précision, on se sert

d'appareils spéciaux, dits baresthésiomèlres (I : ulenLur). Les troubles

observés sont reportés sur un schéma ordinaire, ou encore, sur un

schéma d'écorché, où sont ligures les muscles et les tendons. D'après

1. A. von SrrUnrer;r.r.. Uehcr die Bedeulung der Sensiloilil3tshrüfungen mit foesondcrer

Berucksichtigung des Drucksinnes (Deiilsche mes, Woclreusclr., 22 et 24 sept. 1JOz).

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 293

Lulenburg, le front, les lèvres, les joues, les tempes et le dos de la langue

distinguent des différences de 11/40-1/50. La face dorsale et antérieure

des phalanges, de l'avant-bras, de la main, apprécient des différences

de 1/20-1/10, alors que pour les autres régions, comme le dos du pied

ou la face postérieure de la cuisse, il faut des différences de poids beau-

coup plus considérables.

Séméiologie. = Les troubles de la baresthésie se rencontrent dans un

certain nombre d'affections cérébrales, médullaires ou périphériques

(Striimpell, Marincsco, Bechterew) (2) et doivent donc aujourd'hui être

recherchés par les cliniciens. Marinesco, qui a [étudié une soixantaine de

malades cet égard, arrive aux conclusions suivantes : '

Dans le tabes les troubles de la haresthésie sont fréquents (24 fois

l. Les schémas des figures 5, 4 et 5 sont empruntés à llarinesco.

2. Neu ? CentrvlL., 1° novembre 1905. -

[RODSSY.]

Fig. 5. - Tabès. - Topographie radiculahe

des troubles de la sensibilité à la pression (1).

Fig. 4. - Tabes. Troubles de la sensibilité

. à la pression plus étendus.

-294 SENSIBILITE'.

sur 25) et coïncident en général avec ceux de la sensibilité vibratoire.

Ils sont plus marqués à l'extrémité des membres inférieurs, peuvent

revêtir la topographie radiculaire (voir fig. 5) aux membres supérieurs,

8`' cervicale et 1 dorsale). Habituellement bilatéraux et symétriques, ils

peuvent également occuper la région

nammaire et dorsale sous la forme

E.1.lui plastron anesthésique. Ces

roubles de la sensibilité à la pres-

,ion, associés à l'anesthésie vibra-

oirc, peuvent, dans le tabès, exister

seuls ou associés à des altérations

les autres formes de la sensibilité.

Dans les paraplégies, la sensibi-

ité à la pression peut être altérée

m même temps que les autres

ibrmes de sensibilité ou, au con-

traire, l'anesthésie à la pression et

m diapason peut exister seule,

dors que les sensibilités superfi-

cielles sont intactes.

Dans hémiplégie cérébrale, ces

[roubles peuvent exister et s'asso-

cient en général à l'altération du

sens musculaire et du sens stéréo-

gnostique. On les observe enfin

[laits les cas d'anesthésie hysté-

rique très prononcée.

E) Sensibilité osseuse ou

sensibilité vibratoire. Le

périoste est doué d'une sensibilité ? xquise, facile à démontrer expéri-

mentalement ou au cours d'opéra-

tions chirurgicales. L'application de

la sensibilité osseuse à la clinique

est de notion récente (Egger, '189') : -.

Dejerine). Elle est basée sur ce fait que la trépidation d'un diapason

appliqué sur un os provoque une sensation spéciale que le sujet peut

facilement analyser, et qu'il compare à un fourmillement ou à un courant

électrique. Cette sensation n'est nullement fonction des nerfs de la peau,

car elle peut persister dans les cas d'anesthésie cutanée; elle est une

modalité de la sensibilité profonde. D'après Dejerine et Egger, la vibra-

tion est un excitant spécifique de la membrane périostée : la sensation

est transmise uniquement par les filets nerveux du périoste. Pour Rydel (')

1. Arch. f. Psychiatrie 1l. Nervenheilk, Bd., 57, 2.

Fig. 5. Paraplégie. Troubles scnsitifs

à la pression.

THOUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 295

ci. Seilïer. elle est fonction non seulement du périoste, mais encore de

tous les nerfs des tissus sous-cutanés, et elle existe en un point quelconque

du corps. Ce n'est donc pas, d'après eux, de sensibilité osseuse qu'il faut

parler, . mais bien de sensibilité [vibratoire ou palleslhésie (u.),),w,

je vibre).

La sensibilité vibratoire peut-être diminuée, hypopalleslliésie; abolie,

]Jallaneslhésie; ou exaltée, lyheyallestlzésie.

Recherche. On se sert pour cela'd'un diapason doué d'une cer-

taine puissance de vibration; on en trouve aujourd'hui différents mo-

dèles dans le commerce/Le pied duTdiapason mis en vibration est

appliqué sur les différents points du squelette. Ou commence- par l'ap-

pliquer sur les apophyses épiphysaires des os longs, sur les malléoles

internes et externes du cou-de-pied, du genou, sur les extrémités des

phalanges, les apophyses internes et externes du poignet et du coude, etc

On passe ensuite aux diaphyscs des os longs, aux os de la face et du

crâne, etc.. jusqu'à ce qu'on ait examiné tout le squelette. Les résultats

obtenus sont reportés sur des schémas où sont figurés les différents os

du squelette (Dejerine et Rober).

En se servant d'un diapason d'un dispositif spécial, on peut apprécier

la durée de la perception vibratoire des différentes parties du corps

'(Rydel et Seiffer). Voir le schéma de l'état normal de la pallestliésie.

établi par ces auteurs (fig. 8).

IROnssr.l

1-'ig. Ij. - Diapason

de Hydcl et Seiffei.

Fit. 7.

296 SENSIBILITÉ.

Séméiologie. - Les altérations de la sensibilité osseuse ou vibratoire

s'observent fréquemment en clinique ; tantôt elles marchent de pair avec

les troubles des sensibilités superficielles, tantôt elles se présentent chez

des individus dont la sensibilité cutanée est normale. Habituellement

l'anesthésie vibratoire accompagne la perte du sens musculaire et la

perte de la sensation de pression.

L'anesthésie vibratoire peut quelquefois revêtir la topographie radicu-

laire. Elle est toujours plus marquée il la périphérie qu'à la racine des

membres.

Fig. 8. Schéma de pallesthésie chez un individu sain (d'aprés Hyde) et Sci1'fcr).

Les chiffres indiquent la durée de la perception.

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 297

Les altérations de cette modalité de la sensibilité se rencontrent dans

les différentes affections du système nerveux, de la moelle, du cerveau

et des nerfs périphériques; on les observe également dans l'hystérie.

Dans le tabès elles sont particulièrement fréquentes; elles peuvent

exister également dans la syringomyélie et l' Itématomyélie, dans les

compressions médullaires, dans les lésions médullaires en foyer, dans

l'hémiplégie cérébrale ou médullaire, enfin dans les névrites pé1'iphé-

1'igues. Dans le syndrome de Brown-Sequard, elle occupe le côté corres-

pondant à la paralysie motrice (Dejerine).

F) Sens musculaire. - tc tenne de-sens musculaire est employé

depuis Ch. Bell pour désigner la somme des perceptions que nos membres

nous fournissent sur leur position, leurs mouvements actifs et passifs,

la pesanteur et la résistance des objets et l'effort corrélatif qui en

résulte (Courbcon).ll sert à désigner des choses très différentes les unes

des autres et dans lesquelles les muscles ne jouent qu'un rôle tout à fait t

[ROUSSY.]

Fig. 9. Ilmianestl : ésic profonde dans l'hémiplégie. A gauche, troubles de la sensibilité

il la pression; il droite, troubles de la sensibilité vibratoire (Observ. persan., Bicètre, 1906).

9g : 1 - SENSIBILITÉ

secondaire. Il ne s'agit donc nullement d'un sens spécial. Aussi a-t-on pro-

posé d'autres, termes pour le désigner : sensation d'activité musculaire,

sensations kinesthésiques , sens des ccttztzcdes senieiztccines; le terme de

sens, musculaire reste le plus communément employé en -clinique, et

sous ce nom on doit comprendre les quatre notions, suivantes (Claparède) :

1° Notion de position;

2° Notion de mouvement passif;

5° Notion de mouvement actif;

4° Notion de résistance, de force et de poids.

Fig. 10. Tabes. Abolition de la sensibilité osseuse sur tout corps, sauf le crâne

et la face, les clavicules et le sternum chez une ataxique âgée de quarante-six ans (d'après

Dejerine).

Fig. 11. - - Tabes. Abolition de la sensibilité osseuse dans les os du .membre, inférieur,

. le bassin elles cinq dernières côtes, chez la malade précédente (d'après Dejerine). ' .

Fig. 12. - Défaut de parallélisme entre la topographie de l'anesthésie cutanée et de l'anesthésie

osseuse dans un cas de compression, médullaire (d'après Rydel et Seiffer).

'TROUBLES DE LA, SENSIBILITÉ 'OBJECTIVE. 299.

1 La notion de position ou sens des attitudes segmentaires, nous

permet à chaque instant de dire, les yeux fermés, dans quelle position

se trouve tel ou tel segment de nos membres; il ne s'agirait pas ici

(d'après Claparède) d'une sensation primitive sui generis, mais d'une

notion acquise, d'un jugement fondé d'une part. sur une série de sensa-

tions organiques locales, et, d'autre part,. sur une association d'idées

(souvenirs visuels) acquises par l'expérience. Une excitation périphérique

(mouvement, pression, choc, etc.) est nécessaire pour faire naître ces

sensations locales.

On recherche la notion de position en clinique, en faisant fermer les

yeux aux malades et en imprimant aux segments d'un membre qu'on

suppose atteint de troubles de ce sens différentes positions, en. com-

mençant par des positions simples, faciles à expliquer ou à reproduire

avec le membre opposé, s'il n'est pas paralysé. On peut ainsi fléchir'

tous les doigts sur la pamne de la main, puis compliquer les positions des

doigts. On passe ensuite au poignet, au coude, et à l'épaule. On fera de

même pour le membre inférieur. Ces troubles de la notion de position,

comme ceux des mouvements actifs et passifs dont nous allons parler,

sont toujours plus marqués à la périphérie qu'à la racine des membres;

ils obéissent ainsi à une loi de topographie générale des troubles sensitifs

que nous énoncerons plus tard.

2° La notion du mouvement passif ou « sens kinesthésique » est pro-

voquée par le frottement des surfaces articulaires, la tension ou le relâ-

chement de la capsule, des ligaments, des tendons et la contraction des

muscles périarticulaires, ainsi que par le plissement de la peau et des

tissus mous qui environnent les articulations.

Pour apprécier la notion des mouvements passifs chez un malade, on

lui bande les yeux et on imprime des mouvements lents de flexion et

d'extension aux différents segments de tel ou tel membre, en invitant le

malade à indiquer la direction et le sens de ce mouvement. Dans cette

recherche assez minutieuse, certaines précautions sont indispensables :

'1 il faut obtenir de la part du sujet un relâchement musculaire complet,

car la moindre contraction musculaire fait entrer en ligne de compte les

éléments de perception du mouvement actif et de la résistance muscu-

laire; 2° on commencera par imprimer à l'articulation quelques rapides

mouvements de flexion et d'extension pour faire disparaître le souvenir

de l'attitude passive, que le sujet peut conserver après la fermeture des

yeux; 5" on aura soin, dans la flexion des phalanges, de ne pas prendre

les doigts du sujet en plaçant plusieurs doigts sur la face dorsale de ces

phalanges et le pouce sur la face palmaire, car ainsi les perceptions tac-

tiles différentes peuvent donner des renseignements et troubler les

résultats de l'expérience. L'observateur saisira le doigt du malade

à pleine main fermée, ou encore entre le pouce et l'index placés

latéralement, en s'efforçant d'exercer de chaque côté la même pres-

sion. . -.

[ROUSSI'.]

500 ' SENSIBILITÉ.

On a construit des appareils pour mesurer l'amplitude des mouve-

ments passifs, dits kineslltésiomètres (Goldscheider).

5° La notion du mouvement actif, elle aussi, est basée, sur les im-

pressions périphériques parties des surfaces articulaires et des tissus

mous environnants, mais l'exécution de ce mouvement serait précédée

de sa représentation mentale. La sensation périphérique subjective de la

contraction musculaire et de la tension ligamenteuse nous renseignent sur

la force et l'énergie déployées dans l'acte du moment (Claparède).

4° La notion de la résistance est le résultat de sensations musculaires'

et articulaires inusitées, non en rapport avec le mouvement exécuté. Dans

l'effort apparaissent en outre des impressions venant du thorax et de la

glotte. La notion de force est « une idée purement abstraite, naissant

« par abstraction de nos expériences de résistance et de nos expériences

« d'effort ». Enfin la notion de la direction du mouvement dérive des

notions du mouvement et de l'altitude qui sont étroitement associées

dans la vie pratique. La sensation de poids naît quand l'individu résiste

à la force de la pesanteur. La vitesse du membre qui porte l'objet inter-

vient dans l'appréciation du poids.

Les notions de résistance, de force el de direction des mouvements

ne sont guère susceptibles d'être appréciées par les moyens employés en

clinique. Par contre la notion du poids est, facile à étudier : pour ce faire,

on suspend au doigt, il la main, au bras du malade, un petit panier de"

papier ou d'osier, dans lequel on peut placer des poids ou des tares

(grains de plomb) de poids connus, et l'on compare avec le côté opposé.

A l'état normal, le membre supérieur peut reconnaître des poids de '1/iU

de différence; au membre inférieur il faut des différences de ;;0 il 5S gr.

On fait tout d'abord l'expérience en tenant immobile le membre du sujet,

ensuite on invite le malade à faire des mouvements pour soupeser le

poids qu'il doit apprécier. On peut également se servir de deux petites

boîtes en carton fermées (boites de couvre-objet, par exemple), dont l'une

est vide, l'autre pleine de sable ou de grains de plomb. On les place

simultanément sur la paume ou le dos de la main, en demandant au ma-

lade d'indiquer laquelle est la plus lourde; on lui ordonne ensuite de

prendre et de soupeser simultanément les deux boîtes placées devant

lui et de distinguer la plus lourde de la plus légère. Ce dernier procédé

des boîtes de carton, quoique grossier, est facile à employer lorsqu'on

est en présence de malades présentant de gros troubles de la sensibilité

profonde.

La perte de la notion de poids se rencontre presque toujours dans les

cas d'atteinte marquée du sens musculaire.

IAabolition du sens musculaire, dans ses différents éléments compo-

sants, que nous venons d'énumérer,va souvent de pair avec lïm'om01na-

lion motrice ou ulctxic. Ce phénomène étant étudié dans une autre

partie de ce traité, à propos des troubles moteurs, nous n'avons pas à

nous en occuper ici. Signalons simplement les rapports intimes de

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. Ô01

l'ataxie avec les troubles de la sensibilité profonde et en particulier du

sens musculaire; ce qui justilie l'opinion qui fait dépendre l'ataxie, des

altérations des sensibilités profondes, dans les affections nerveuses péri-

phériques et dans un grand nombre d'affections centrales, comme le tabes

ou les lésions cérébrales en foyer.

Séméiologie. La perte du sens musculaire accompagne en clinique

la perte des sensibilités profondes (articulaires, musculaires, dépression,

vibratoires). On peut donc l'observer dans l'hémiplégie cérébrale, dans

le tabès où elle est fréquente; dans les différentes paraplégies médul-

laires (par compression ou syphilis) ; dans les polynévrites et enfin dans

l'hystérie.

G) Sens stéréognostique. On désigne sous ce nom la faculté

que nous possédons de reconnaître par la palpation et le toucher, la na-

ture, la forme géométrique et les propriétés physiques, moléculaires des

objets, telles que propriétés de lisse, de rugueux, de dur, de mou, etc.

Le terme de sens stéréognostique a été établi pour la première fois

par Hoffmann. Comme pour le sens musculaire, il ne s'agit pas d'un sens

spécial, inné, mais bien d'une notion acquise par l'éducation et l'expé-

rience ; c'est le résultat d'un travail de synthèse psychique effectuée par

le cerveau aux dépens des impressions sensitives superficielles et pro-

l'undes venues de la périphérie. Aussi a-t-on proposé d'autres noms pour

le désigner : perception stéréognostique (Claparède), perception tactile

de l'espace (Dejerine). toucher actif (Dana). Ainsi considéré, le sens

stéréognostique n'est donc pas une fonction indépendante mais bien un

phénomène complexe de 1 activité cérébrale; c'est dans ce sens que le

terme de sens stéréognostique doit être employé en clinique. Certains

auteurs cependant, considérant avec lledlich et Wernicke qu'il s'agit

d'une fonction autonome, se sont préoccupés de rechercher les voies de

conduction médullaire de ce sens spécial et d'en établir la localisation

corticale (lobe pariétal).

La perte du sens stéréognostique est dite asléréognosie ou sté1'éoag-

11OSW.

On est encore aujourd'hui indécis sur les causes mêmes qui peuvent

déterminer la stéréoagnosie et sur les rapports qu'affecte ce trouble avec

les altérations de la sensibilité périphérique superficielle ou profonde.

On constate même une certaine confusion entre les termes employés par

les auteurs pour désigner des phénomènes analogues ou des faits diffé-

rents. Aussi croyons-nous utile, avant d'aller plus loin, de rappeler en

quelques mois ce qu'on doit entendre par asléréognosie, agnosie tactile,

asymbolie tactile (').

Agnosie et asymbolie. L' agnosie (-) consiste, d'une façon générale,

dans l'impossibilité de reconnaître les objets au moyen des différents

1. Cupahèiik. Revue neurohujui., 1906, nez 17, p. 805.

2. Voir plus haut l'article spécial de M. Moutier, page 226.

IROUSSV] ]

;¡02 SENSIBILITÉ. \ -

appareils sensoriels que nous possédons; il existe donc des agnosies

visuelles, des agnosies auditives, olfactives, tactiles et gustatives.

Dans le travail psychique complexe que nous effectuons pour rccon-

naître et comprendre un objet, il entre deux éléments différents : 1° La

notion de la forme de l'objet; 2° la notion de la compréhension de cet

objet. La forme, en effet, ne constitue pas nécessairement pour nous la

compréhension de l'objet, et nous pouvons décrire exactement un objet

que nous voyons, que nous palpons, sans pouvoir en dire le. nom ni en

indiquer l'usage, s'il s'agit de quelque chose (l'inconnu et que nous

voyons ou palpons pour la première fois.

La perception de la forme des objets a été appelée identification pl'i-

I/wil'e (W ernicke) au perception simple (Ilaharèdc); son défaut constitue

Y agnosie primaire. La notion de compréhension de l'objet, qui nous est

fournie par un travail d'associations d'un rang plus élevé, porte le 110111.

d'identification secondaire ou de reconnaissance intellectuelle : le

trouble de ce processus constitue l'asymbolie.

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 505

de localisation des lésions cérébrales en foyer. Un hémiplégique, en

effet, peut présenter des troubles partiels du sens stéréognostique ; il

pourra parfaitement reconnaître la forme, la dimension, l'état de lisse ou

de rugueux d'un objet, mais il sera dans l'impossibilité d'en dire le nom.

D'après la terminologie que nous avons adoptée, ce malade est atteint

d'asymbolie tactile; et ce l'ait suffirait, d'après certains auteurs, pour

permettre d'affirmer l'existence d'une lésion corticale, intéressant les

voies de connexions centrales nécessaires Ù l'identification secondaire.

Au contraire, un malade ayant perdu la faculté non seulement de dire

le nom de l'objet, mais encore d'en reconnaître la forme (stéréoagnosie),

présenterait des troubles plus nets des sensibilités périphériques et serait

atteint d'une lésion sous-corticale ou centrale (Wernicke, l3onhoeller,

l\anl1ond et Egger). Malheureusement une division aussi schématique

est difficilement applicable en clinique, d'autant plus que l'on peut ad-

mettre que Y asymbolie tactile, elle aussi, dépend de l'état de la sensi-

bilité périphérique, qu'elle n'est que le minimum de déficit de la percep-

tion stéréognostique et qu'elle répond au minimum de déficit dans

l'apport des impressions périphériques au sensoriiun.

Recherche du sens stéréognostique. On le recherche de la façon

suivante : le malade, ayant les yeux fermés, reçoit dans la main différents

objets usuels tels que : couteau , crayon, clef ', pièce de monnaie, montre^

mouchoir, etc.. qu'il doit reconnaître par la palpation. Une condition

s'impose : le sujet doit posséder la faculté de palper, non seulement pour

pouvoir saisir et tenir l'objet, mais aussi parce que les éléments de la notion

du mouvement actif jouent leur rôle spécial dans le travail de synthèse

psychique que doit effectuer le cerveau. C'est pourquoi, dans un grand

nombre d'hémiplégies où soit la contraction, soit la paralysie rendent la

palpation impossible, le sens stéréognostique ne peut pas être étudié.

11 en est de même dans les paralysies datant de l'enfance (hémiplégie

cérébrale infantile, paralysie obstétricale). Ici. les sujets, de par leur

impotence motrice, n'ont jamais pu apprendre il reconnaître par la palpa-

lion les différents objets. La notion du sens stéréognostique manque com-

plètement chez eux, du côté paralysé, par défaut d'éducation.

Valeur séméiologique. La perte du sens stéréognostique, quoique

ne nous permettant pas, dans l'étal actuel de nos connaissances, de porter

un diagnostic de localisation, dans les lésions des centres nerveux, con-

stitue néanmoins un symptôme important que tout clinicien doit prendre

en considération dans l'étude séméiologique des troubles de la sensibi-

lité. La stéréoagnosie peut être partielle ou totale; elle se rencontre

dans les Itélllianeslltésies ccm/< ? s,dans \clabes(oî\ elle est fréquente),

dans la névrite hypertropliique, dans les polynévrites infectieuses ou

toxiques, enfin dans Y hystérie. -

(ROUSSY.]

504 SENSIBILITÉ.

TOPOGRAPHIE DES TROUBLES OBJECTIFS DE LA SENSIBILITÉ

Les troubles objectifs de la sensibilité générale, superficielle ou pro-

fonde, obéissent à certaines lois qui en régissent la distribution topogra-

phique et qui sont subordonnées aux causes mêmes qui ont provoqué

ces troubles. La connaissance de cette distribution topographique est donc

très importante pour le clinicien; elle constitue un facteur de grande

valeur dans la discussion du diagnostic d'une affection nerveuse. On

peut avoir affaire à une localisation périphérique (suivant la distribution

périphérique des nerfs), radiculaire (suivant la distribution des racines),

segmentaire (métamél'1 : que), médullaire ou cérébrale.

Nous étudierons ces différentes variétés topogmphillucs et nous ver-

rons leur valeur en séméiologie nerveuse tout en faisant la description

des altérations sensitives que l'on peut rencontrer en clinique au cours

des différentes affections du svstème nerveux.

.

ÉTUDE SÉMÉIOLOGIQUE T

DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ DANS LES AFFECTIONS

. DU SYSTÈME NERVEUX

En se reportant aux données d'anatomie exposées au début de cel

article, on comprendra aisément qu'une lésion quelconque, portant sur

l'un des trois neurones sensitifs : neurone périphérique, neurone bulbo-

thalamique et neurone tlialamo-cortical, soit susceptible de déterminer

des troubles sensitifs, dont la disposition et les caractères varieront sui-

vant le siège des lésions en cause.

Il y a donc lieu d'étudier les altérations sensitives susceptibles d'être

rencontrées en clinique : '1" dans les affections de ['encéphale (hémi-

sphères cérébraux, pédoncule, protubérance, bulbe); 2° dans le*

affections de la moelle; 5° dans les lésions des racines rac Indiennes ;

4° dans les affections des nerfs périphériques.

A côté de ces troubles sensitifs d'origine organique, il en existe

d'autres dont la cause ne relève pas d'un processus pathologique du

système nerveux, mais qui paraissent dus il des altérations dynamiques

fonctionnelles de ce système. Nous aurons donc il décrire : 5° les troubles

de la sensibilité dans les névroses. Nous terminerons enfin par quel-

ques mots sur les troubles de la sensibilité dans les psychoses.

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. ;;0 : .

t 1. TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ

DANS LES AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE

HÉMIANESTHÉSIE CÉRÉBRALE

La perte de la sensibilité occupant la moitié du corps dans sa totalité,

est dite « hémianesthésie ». Ce syndrome peut se rencontrer soit dans

les lésions destructives des centres nerveux (hémisphères, pédoncule,

protubérance, bulbe et moelle), soit dans les névroses comme l'hystérie,

où il se présente dans sa plus grande netteté. Nous allons décrire ici

l'hémianesthésie organique de cause encéphalique ou hémianesthésie

dite cérébrale. L'hémianesthésie spinale et l'hémianesthésie hystérique

feront l'objet de paragraphes distincts.

Causes. L'hémianesthésie d'origine encéphalique est produite par

une lésion unilatérale en foyer (hémorragie, ramollissement, tumeur,

plaque méningée, compression) ou par un traumatisme (fracture de la

voùte crânienne, etc.), lésion qui vient frapper la zone corticale sensitive

elle-même ou les voies de couduclion ascendantes sensitives dans la pro-

tubérance, le pédoncule ou l'hémisphère cérébral.

Début. Le début des troubles sensitifs, dans les affections céré-

brales peut se faire brusquement comme celui des troubles moteurs, à la

suite d'un ictus; il peut aussi être lent et progressif. Les troubles

sensitifs, marchant alors de pair avec les troubles moteurs, s'installent

petit à petit et sont précédés de lourdeurs, de fourmillements, quelque-

fois même de douleurs (douleurs hrélténcilégiqz.ces de Weir-Mitchell)

dans les membres d'un côté du corps.

Fréquence. Durée. L'hémianesthésie accompagne ordinairement

une hémiplégie motrice homologue, mais elle est loin d'en être une com-

plication nécessaire.

En effet, s'il est relativement fréquent d'observer des troubles sensitifs

chez un hémiplégique pendant les premiers jours qui suivent l'attaque

apoplectique, il est plus rare de voir persister l'hémianesthésie accentuée

pendant des mois ou même des années ( ! -2 pour 100, Pierre Marie;

23 pour 100. Recllich; 8 pour 100, Aba). Mais avec Verger, on peut dire

que les troubles sensitifs sont la règle dans l'hémiplégie, si l'on l'ait

entrer en ligne de compte les cas d hémianesthésie fruste ou passa-

gère.

L'hémianesthésie évolue parallèlement à l'hémiplégie au début, mais

ensuite elle all'ecte habituellement une marche différente. Le plus sou-

vent elle ne dure que quelques jours ou quelques semaines, alors que

les troubles moteurs persisteront des années ou indéfiniment; d'autres

lois, mais plus rarement, elle peut durer pendant des années et

suivre une marche légèrement régressive et parallèle aux troubles

moteurs (hémianesthésie persistante); d'autres fois, enfin, ce sont les

troubles sensitifs qui persistent indéfiniment et les troubles moteurs qui

Pratique veuuoi,. 20

, [ROUSSY] 1

506 ' . SENSIBILITÉ.

rétrocèdent rapidement : hémianesthésie thalamique (dans le cas de

lésion de la couche optique).

Distribution. L'hémianesthésie organique occupe le côté du corps

opposé à la lésion cérébrale. Elle s'arrête sur la ligne médiane du corps,

en la dépassant ordinairement de 1-2 centimètres; elle peut intéresser la

moitié des muqueuses correspondantes : bouche, narines, conjonctive.

Elle est toujours plus marquée au niveau des extrémités des membres

qu'à leur racine, plus intense également au membre supérieur qu'au

membre inférieur ou encore qu'à la face et au tronc, obéissant ainsi aux

mêmes lois que celles qui régissent la distribution des troubles moteurs

dans l'hémiplégie. Lorsque les troubles sensitifs sont en voie d'améiiu-

lei ? 13. - Hémianesthésie cérébrale. Anesthésie au.tacl, it la pirplre, avec erreur de loca-

lisation, paresthésie à la température. Troubles de la notion des attitudes au pied et il la

main gauches; perte complète du sens stéréognostique il gauche. fIémianopsie. Lésion

corticale : ramollissement du gyrus supramarginalis, du pli courbe, du pied de F3 de l'oper-

cule rolandique et de Tl. (Cas Charv ? Bicêtre, 1905)..

TROUBLES DE LA SENSIBILITE OBJECTIVE. 507

ration, ce sont les régions les moins atteintes qui recupèrent les pre-

mières leur sensibilité ; la marche vers la guérison se fait ici de la racine

vers l'extrémité du membre (Dejerine).

Dans l'hémianesthésie organique cérébrale, les troubles sensitifs re-

vêtent une distribution si régulière que l'on peut parler d'une topngra-

phie cérébrale des troubles sen-

sitifs.

Dans de très rares cas, l'anes-

thésie empiète sur le côté corres-

pondant, sous la forme d'une zone

d'hypoesthésie occupant le membre

inférieur. On a émis, pour expli-

quer ce fait, l'hypothèse de l'exis-

tence de fibres sensitives homolaté-

rales analogues aux fibres motrices,

ou encore l'existence d'une lésion

centrale, bilatérale. Cette question

n'est pas encore résolue.

Exceptionnellement enfin, à la

suite d'une lésion cérébrale bilaté-

rale, l'anesthésie peut envahir toute

la surface du corps.

Caractères. L'hémianesthésie

cérébrale est d'intensité variable;

exceptionnellement absolue comme

dans l'hystérie, elle est ordinaire-

ment incomplète ou fruste. Incom-

plète, elle n'intéresse que certaines

régions des téguments, la main ou

le pied; fruste, elle ne comprend

que des altérations de certaines

modalités des sensibilités superfi-

cielles ou profondes. Elle peut être

.lolale (intéressant la face, le tronc

elles membres) ou partielle, et revêtir, comme l'hémiplégie, la forme

monoplébique.

La sensibilité peut être touchée dans ses différentes modalités : tact,

douleur, température, sensibilité profonde (sens musculaire, sens sté-

réognostique) et cela de façon très inégale. On peut trouver ici toutes les

altérations que nous avons décrites à propos des généralités sur les

troublés sensitifs. Il faut savoir cependant que le plus souvent, c'est

à des modifications autant qualitatives que quantitatives que l'on a affaire

dans l'1]émianestliésie organique; aussi est-il nécessaire de rechercher

ces troubles avec le plus grand soin. Ce sont des perversions dans l'in-

lerprétation du lieu et du mode de la sensation, des paresthésics, de la

[ROUSSI'.] ]

Fig. 14. - Troubles de la sensibilité osseuse

dans le cas précédent.

308 .' i. SENSIBILITE.

lopoesthésie avec retard dans la perception des sensations et élargisse-

ment des cercles de Weber.

Ces faits sont d'autant ',plus marqués que l'hémianesthésie est pins

récente. « Il arrive assez souvent, dit Pierre Marie, clans les cas où

l'hémianesthésie est récente et encore assez prononcée, que l'hémipté-

gique soit hors d'état de démêler et d'indiquer la nature de l'excitation

douloureuse portée sur ses membres paralysés et de dire, par exemple,

s'il s'agit d'une piqûre, d'un pincement, d'une traction sur les poils, etc.

Quelquefois aussi les hémiplégiques ont une tendance à imaginer une

histoire pour expliquer la piqûre, dont ils ressentent en bloc la douleur,

sans pouvoir en analyser les modalités. C'est ainsi qu'un de mes

malades, quant on le piquait, déclarait qu'il y avait « des punaises dans

son lit » ; un autre accusait les élèves du service de s'être appuyés sur sa

jambe et de lui avoir fait mal. alors qu'en réalité, on l'avait tout simple-

ment piqué; ce défaut d'analyse peut être tel, que l'on voit des hémiplé-

giques retirer (par un lent et difficile mouvement de reptation, le seul

qui leur reste) le membre piqué, bien qu'ils déclarent ne rien sentir au

moment même où s'exécute cette retraite du membre; en réalité, ils ont

bien senti une douleur, mais leur faculté d'analyse est tellement affaiblie,

qu'ils ne s'en sont pas rendu compte, et que leur mouvement de

retraite, sans être purement réflexe. a été tout au plus subconscient. 11

arrive bien souvent aussi qu'un hémiplégique n'a même pas l'idée de

porter sa main saine sur le point où se fait la piqûre du côté paralysé :

ce mouvement de défense se trouve ainsi supprimé. »

Lorsque l'hémianesthésie intéresse, en même temps que la sensibilité

générale, les sens spéciaux, on dit qu'il y a hémianesthésie sezzsilivo-

sensorielle. Dans ce cas, il existe des troubles particuliers du goût, de

l'odorat et de la vue du même côté que l'hémiplégie. On rencontre assez

fréquemment des troubles de l'un ou de plusieurs des sens spéciaux chez

les hémiplégiques hémiancsthésiques au début; mais ces troubles senso-

riels ne sont que de courte durée (quelques jours ou quelques semaines

au maximum); ils sont souvent irréguliers, atteignant le goût ou l'ouïe

seulement par exemple; enfin, jamais ils ne prennent le caractère d'un

symptôme persistant. On peut expliquer la non-persistance de ces trou-

bles sensoriels (ouïe, odorat, goût) par ce fait, que leurs organes ont une

représentation corticale bilatérale, ce qui permet une suppléance assez

rapide, l'hémisphère resté intact parvenant .spontanément et graduelle-

ment à rétablir l'élaboration (\va impressions sensorielles. Pour la vue, il

n'en est pas de même, car les impressions visuelles n'ont qu'une repré-

sentation corticale unilatérale; aussi, lorsqu'une lésion aura détruit les

libres visuelles cérébrales d'un côté, il en résultera pour la vision un

trouble définitif et irrémédiable. C'est il ce trouble visuel, observé chez

les hémiplégiques, qu'on donne le nom d' hém ianopsie ou d' hémiopie

latérale homonyme; elle consiste, comme son nom l'indique, en une

suppression de la moitié du champ visuel binoculaire. du même côté que

1w TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 3t)i'

celui de l'hémiplégie et de l'hémianesthésie. (Pour tout ce qui a trait à

l'hérnianopsie, le lecteur se reportera au chapitre traitant de cette

question.

L'hémianopsie est donc le seul trouble sensoriel, persistant et défi-

nitif, qu'on puisse noter dans l'hémiplégie d'origine organique. Quant à

l'hémianesthésie sensitivo-sensorielle totale et complète, telle que la

concevait Charcot, nous verrons dans un instant, à propos de l'hémi-

anesthésie thalamique, qu'elle doit être considérée aujourd'hui comme

étant de nature purement hystérique.

Valeur séméiologique. La présence de l'hémianesthésie en cli-

nique présente un intérêt capital pour le neurologiste; par ses caractères,

et bien plus encore par son association à d'autres phénomènes morbides,

elle peut guider dans la recherche de la localisation d'une lésion cérébrale.

Il est indispensable pour cela que le malade soit sorti de la période de

coma ou de demi-coma dans lequel l'a plongé l'attaque apoplectique,

période pendant laquelle son état d'obnubilation cérébrale rend l'examen

de la sensibilité très difficile. S'il est, en effet, possible d'apprécier chez

un comateux une hémianesthésie très marquée, il est beaucoup plus dif-

ficile sinon impossible de noter chez lui la présence de troubles légers

de la sensibilité superficielle; il est enfin impossible d'examiner sa sen-

sibilité profonde.

Il faut savoir que certaines hémianesthésies du début disparaissent

rapidement, qu'elles peuvent être causées aussi bien par des phénomènes

d'ischémie ou d'excitation à distance que par les lésions même des fibres

sensitives. Pour ces différentes raisons, on n'attachera d'importance

qu'aux hémianesthésies durables, susceptibles d'être étudiées dans leur

caractère et leur évolution, et qui présentent réellement une importance

en séméiologie nerveuse.

,

VARIÉTÉS DE L'HÉMIANESTHÉSIE SUIVANT LE SIÈGE

DES LÉSIONS

En se reportant aux notions actuellement admises sur le trajet des

voies centrales de la sensibilité, il est logique de se demander si le siège

de la lésion dans l'encéphale, cortical ou central, pédonculaire ou

protubérantiel, peut donner à l'hémianesthésie des caractères dis-

tinctifs.

1° Hémianesthésie corticale ou sous-corticale.

Elle accompagne habituellement une hémiplégie motrice très pro-

noncée avec contracture; elle peut comme cette dernière revêtir la forme

monoplégique, ou encore se compliquer de phénomènes d'épilepsie

,jachsonienne, d'aphasie (lorsque la lésion siège dans l'hémisphère

gauche), ou enfin d'hémianopsie homonyme latérale (perte de la moitié

[ROUSSY.] ]

: 'il () SENSIBILITÉ.

du champ visuel, des deux yeux du côté opposé il la lésion, du même

côté, que l'hémianesthésie). Dans ce dernier cas, il faut que le foyer de

destruction corticale s'étende en arrière jusqu'au niveau du pli courbe,

et sectionne les voies visuelles. L'hémianopsie n'est pas un signe de

localisation corticale; on peut également la rencontrer dans les hémi-

anesthésies par lésion sous-corticale et centrale thalamique.

On s'est demandé si les caractères mêmes des troubles sensitifs, leur

intensité, leur topographie pouvaient suffire à attribuer une cause corti-

cale à telle ou telle hémianesthésie observée, abstraction faite de tout

autre symptôme (moteur ou aphasique) pouvant l'accompagner. Certains

auteurs admettent que l'on peut observer des hémiplégies par lésion

corticale purement sensitive (v. Monakow, Millier, Oppenheim), ou encore

des hémianesthésies avec hémiplégies légères, dans lesquelles on note, i.

côté d'une conservation relativement complète des perceptions élémen-

taires (tact, douleur, etc.), un trouble dans la localisation des sensations

et une perte complète de la faculté de reconnaître les objets (faculté

corticale, Wernicke et Bonhüffer). D'autres auteurs ne pensent pas que

les faits anatomo-cliniques permettent actuellement de faire un diagnostic

de localisation, uniquement basé sur les caractères différentiels des

anesthésies corticales.

Les caractères mêmes de l'hémianesthésie corticale ne paraissent donc

pas, jusqu'ici, suffire pour établir d'une façon certaine sa localisation

corticale; force est donc pour cela de s'appuyer sur les autres symptômes

corticaux que peut présenter le malade.

2° Hémianesthésie dite capsulaire.

Caractérisée par : une hémianesthésie totale, persistante et s'accompa-

gnant d'amblyopie avec rétrécissement du champ visuel, d'agueusie.

d'anosmie et de surdité, l'hémianesthésie capsulaire était considérée

comme relevant d'une lésion de la partie postérieure du segment posté-

rieur de la capsule interne, en un point où les fibres de conduction des

sensibilités générale et spéciale sont mélangées entre elles, mais indé-

pendantes des fibres de la voie pyramidale (carrefour sensit if' de Charcot).

Cette conception de l'hémianesthésie capsulaire n'est plus admise au-

jourd'hui, et cela pour les raisons anatomiques et cliniques suivantes :

1° La participation des sens spéciaux dans )'hémianes)hésie organique

est mise en doute par tous les auteurs ; l'immense majorité des cas

d'hémianesthésie sensitivo-sensorielle publiés doit être considérée comme

appartenant à l'hystérie; 2° les faits anatomo-cliniques ont montré que la

conception du soi-disant carrefour sensitif devait être abandonnée; il

existe en effet, en clinique, des cas de lésions du segment postérieur de

la capsule interne, se traduisant par de l'hémiplégie sans hémianeslllésin

(Dejerine et Long, Marie et (;aillain); 3° les cas d'hémianesthésie capsu-

laire persistante sont dus à la participation de la couche optique. l.e

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 5 H

thalamus représente, en effet, le relais des voies sensitives, qui toutes

s'arrêtent dans le ganglion avant de gagner le cortex et on sait aujourd'hui

que c'est à la lésion de la couche optique, et non pas à celle du segment

postérieur de la capsule interne, que sont dus les troubles sensitifs. A

l'hémianesthésie capsulaire doit être opposée aujourd'hui l'hémianesthé-

sie thalamique (Dejerine, Long, Roussy).

5° Hémianesthésie thalamique.

L'hénbianesthésie thalamique revêt les caractères attribués autrefois

aux hémianesthésies dites capsulaires, c'est-à-dire qu'elle est particuliè-

rement persistante et que dans les premiers temps qui suivent l'ictus elle

est assez fréquemment associée à. des troubles sensoriels. Ces derniers

cependant, à part les troubles de la vue, rétrocèdent rapidement, et ne

font plus partie du tableau symptomatique quelques mois après le début

de l'affection : ce sont des troubles fugaces, dont la cause anatomique

[ROUSSI'.] .

Fig 15. Hémianesthésie gauche superficielle et profonde. Perte du sens musculaire

et du sens stéréognostique à gauche. Ataxie légère. Durée 13 mois. Lésion de la

couche optique droite. (Cas Hudry. Thèse Roussy, 1907.)

512 2 SENSIBILITÉ.

nous échappe encore, car les connexions des voies sensorielles de l'ouïe,

du goût et de l'odorat avec la couche optique, sont encore fort mal

connues.

L'hémianesthésie thalamique présente, en clinique, très sensiblement

les mêmes caractères que les hémianesthésies. corticales : habituellement

les troubles de la sensibilité superficielle sont peu prononcés; on note de

l'hypocsthésie (au tact, au chaud et

au-froid) avec erreurs de localisa-

tion et élargissement des cercles

de Weber. Parfois, mais plus rare-

ment, il existe de l'anesthésie com-

plète. Les sensibilités profondes,

par contre, sont plus atteintes que

les sensibilités superficielles; le

sens musculaire et le sens stéréo-

gnostique sont totalement et défi-

nitivement abolis.

La lésion qui provoque cette

anesthésie siège presque toujours

au même endroit, c'est-à-dire au

niveau de la partie postérieure et

inférieure de la couche optique

(région où aboutissent les voies

sensitives), aux confins de la cap-

sule interne. C'est là ce qui explique

que, jusqu'ici, au cours d'un exa-

men anatomiquc macroscopique

insuffisant, on soit passé à côté de

la lésion de la couche optique, pour

accorder plus d'importance à la

lésion capsulaire dans la produc-

tion des hémianesthésies centrales.

L'hémianesthésie thalamique ne

s'observe pas,' comme l'liéluianes-

thésie cérébrale du reste, sans qu'il

n'y ait en même temps de l'hémi-

plégie plus ou moins marquée. Les

troubles moteurs peuvent être par-

fois très atténués; dans ce cas, on

se trouve en présence d'une ré-

mon de symptômes, à J'ensemble desquels on donne le nom de syndrome

thalamique (Dejerine et Roussy).

Ce syndrome, causé par une lésion occupant la partie postérieure de la

couche optique qu'elle détruit, et intéressant le noyau externe du thala-

mus dans son tiers postérieur, une partie du noyau interne, du centre

l'ig. 16. - Ilémianestlisie superficielle et

profonde, plus marquée au niveau de l'extré-

mité que de la racine des membres. Perte

complète de la notion de position des mem-

bres et du sens stéréo gnostique. - Douleurs

très vives à la face du même côté. Lésion

de la couche optique. (Cas Roy ? Roussy,

Revue neurologique, n° 6, IG09).

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVÉ. 515

médian et du pulvinar, ainsi que les fibres correspondantes du segment

postérieur de la capsule interne, est caractérisé par :

'10 Une hémianesthésie superficielle persistante, à caractère orga-

nique, plus ou moins marquée pour les sensibilités superficielles (tact.

douleur, température) , mais toujours très prononcée pour les sensibi-.

lités profondes ; .

2° Une hémiplégie légère, habituellement sans contracture et rapi-

dement régressive;

3° De l'hémiataxie légère et de l'asté1'éognosie plus ou moins com-

plète ; .....

4° Des douleurs vives du côté hémiplégie, persistantes, ]Jm'oxys-

. tiques, souvent intolérables et ne cédant à aucun traitement analgé-

sique ;

5° Des mouvements choa°éo-atlaétosiques dans les membres du côté

paralysé.

On peut se demander si l'hémianesthésie de cause thalamique ou

centrale diffère par elle-même de l'hémianesthésie de cause corticale ou

sous-corticale. .

On vient de voir que si, pour certains auteurs (Wernicke, Bonhâffer),

l'anesthésie corticale pouvait se présenter parfois avec des caractères

particuliers, cette opinion était encore loin d'être admise d'une façon

générale. D'autre part, la persistance des troubles sensitifs, caractère

important des anesthésies thalamiques ou thalamo-capsulaires, n'est pas

l'apanage unique de ces dernières et peut se rencontrer dans les lésions

étendues du centre ovale ou du cortex. Les caractères seuls des troubles

sensitifs sont donc insuffisants pour permettre d'affirmer qu'une hémia-

nesthésie est d'origine centrale (thalamique) ou corticale. Les éléments

du diagnostic différentiel reposeront donc sur les symptômes conco-

[ROUSSY.]

Fig. 17. Coupe horizontale macroscopique de l'hémisphère (cas précédent). - Cette coupe

est faile suivant un plan horizontal parlant de la face interne de l'hémisphère et passant

immédiatement au-dessous du genou et du bourrelet du corps calleux. Elle intéresse la

région thalamique inférieure et montre en ? ? / le foyer hémorragique.

514 SENSIBILITÉ.

mitants les différents signes du syndrome thalamique et notamment

les douleurs plaideront en faveur d'une lésion de la couche optique;

la présence de l'aphasie ou les phénomènes d'excitation corticale lais-

seront supposer une lésion du cortex.

Diagnostic des hémianesthésies cérébrales. Le diag-

nostic de l'hémianesthésie organique à type cérébral (corticale ou

centrale) offre souvent en clinique de grosses difficultés; celles-ci

s'expliquent par ce fait que dans l'hystérie on peut parfois observer des

hémianesthésies, qui simulent., à s'y méprendre, celles qui relèvent,

d'une lésion cérébrale. Nous verrons bientôt, par l'étude des troubles

sensitifs dans les névroses, sur quels caractères repose le diagnostic

différentiel entre l'hémianesthésic organique et l'hémianesthésie hysté-

rique.

4° Hémianesthésie pédonculaire, protubérantielle, bulbaire. J

Dans les hémianesthésies par lésions du pédoncule (calotte et région

sous-optique), de la protubérance et du bulbe, les troubles sensitifs

revêtent les mêmes caractères généraux que ceux de l'hémianesthésie

corticale ou thalamique. Mais certains signes nouveaux, résultant des

rapports qu'affectent les fibres de projection des voies sensitives et

motrices (soit entre elles, soit avec les origines radiculaires des nerfs

crâniens), viennent donner à ces complexus symptomatiques leur note

distinctive, et permettent de les diagnostiquer dans un certain nombre

de cas.

Hémianesthésie pédonculaire. Elle se rencontre dans les

lésions de la calotte pédonculaire qui intéressent le ruban de lleil médian ;

elle peut s'accompagner de paralysie totale ou partielle de la z` paire,

d'ataxie, dé mouvements choréiformeset de tremblements dans les extré-

mités paralysées. Dans le syndrome de Weber (hémiplégie avec strabisme

externe du côté opposé), on peut également avoir de l'hémianesthésie.

La paralysie de la 3e paire, accompagnée de l'hémiplégie croisée avec ou

sans hémianesthésie et avec tremblement constitue le « syndrome de

l3eneclili » .

Hémianesthésie quadrigemminale. - Dans les lésions des

tubercules quadrijumeaux, on peut observer de l'hémianesthésie plus ou

moins marquée et des douleurs. Les paralysies oculaires, surtout dans

les mouvements associés (Raymond), les troubles pupillaires, visuels,

auditifs, les désordres ataxiques sont les différents symptômes considérés

comme relevant de la pathologie des tubercules quadrijumeaux.

Hémianesthésie protubérantielle. - Dans les hémianesthésies

d'origine protubérantielle, on peut observer des anesthésies alternes,

clans lesquelles les troubles sensitifs siègent la face, du même côté que

la lésion (par participation des fibres radiculaires de la racine descen-

dante du trijumeau) ainsi que sur le tronc el les membres du côte

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. ;; 1 : . 1

opposé. Habituellement les troubles sensitifs se superposent aux troubles

moteurs et l'on a des « paralysies alternes sezsitivo-uot,7°ices ». C'est

le syndrome de Millarrl-Gubler (paralysie des membres d'un côté, avec

paralysie faciale et strabisme interne du -côté opposé), auquel se sur-

ajoute r/ietK ! 6tMCS</S ?

L'hémianesthésie d'origine protubérantielle l'ait enfin partie du

tableau clinique du « syndrome prolubéranliel supérieur » de Raymond

et Cestan('). Ce syndrome se caractérise par une hémiplégie légère avec-

intégrité des réflexes, une hémianesthésie superficielle et profonde très

marquée avec fourmillements et douleurs dans les membres atteints,

des mouvements choréo-athétosiformes, de l'asynergie, du tremblement

statique, de la dysarthrie et enfin, fait capital, une paralysie oculaire

des mouvements associés de bilatéralité avec secousses nystagmiformes

dans l'élévation ou l'abaissement des yeux.

Hémianesthésie bulbaire. Les rapports intimes de la racine

descendante spinale du trijumeau avec la voie sensitive, expliquent la

possibilité de l'hémianesthésie alterne d'origine bulbaire.

A l'appui de faits anatomo-cliniques dans lesquels on observe, par

suite d'une lésion bulbaire, de l'hémiataxie d'un côté du corps avec

analgésie et thermo-anestbésie du côté opposé (Oppenheim). alors que

la sensibilité tactile et le sens musculaire sont intacts de ce côté, on a

voulu localiser dans des faisceaux distincts du bulbe la transmission des

sensibilités douloureuses et thermiques d'une part, de la sensibilité

tactile et du sens musculaire d'autre part.

r Ces faits attendent encore de nouvelles confirmations.

L'hémianesthésie d'origine bulbaire entre dans la constitution du

« syndrome bulbaire» de Ilahinski et Na(reotte (2) (hémiasynergie, latéro-

pulsion et myosis du côté de la lésion, avec hémianesthésie et hémiplégie

sensitivo-ll1l1lriee croisée (voir article SY : 'i(})\(HOE bulbaire).

Il. - TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ DANS LES AFFECTIONS MÉDULLAIRES

f'

Dans les myélopathies, les troubles objectifs de la sensibilité peuvent 1

revêtir différentes distributions topographiques. On peut observer soit

le type hémiplégique, soit le type paraplégique, soit le type radiculairc.

suivant que la substance grise et les cordons blancs sont pris séparément

ou simultanément, ou bien suivant que les racines postérieures sont

atteintes ou non par la lésion. Il n'y a donc pas, il proprement parler,

de topographie médullaire. Ces troubles intéressent il la fois ou séparé-

ment les divers modes de sensibilité superficielle ou profonde, et peu-

vent présenter les différentes variétés d'altérations que nous avons

étudiées dans un chapitre précédent (page 280).

1. Gazette des Hôpitaux, 1005, n" 812.

2. Nouvelle iconographie de la Salpélrièrc, Il'' n. I ! 10` ? .

[R 0 US SY. j

HO SENSIBILITÉ.

I" Hémianesthésie spinale.

Causes. Elle est due il une lésion médullaire unilatérale : trauma-

1 ir/Ill' (hémisection par instrument tranchant, hémicompression par

hématorachis à la suite de plaies pénétrantes du canal vertébral, par

luxation ou fracture du rachis), ou spontanée (tumeurs, syphilis ou

tuberculose des os, des méninges, de la moelle; hématomyélie, foyer de

ramollissement).

Caractères. Suivant le siège, de la lésion en hauteur, l'anesthésie

peul intéresser soit les deux membres et le tronc d'un côté du corps (si

la lésion se trouve au-dessus du renflement cervical), soit seulement la

partie inférieure du tronc et le membre inférieur de ce côté (si la lésion

existe au-dessous du renflement cervical). Lorsque la compression cervi-

cale se trouve haut placée, elle peut intéresser les premiers nerfs cervi-

caux et déterminer de l'anesthésie du cou; la face, par contre, reste

toujours indemne, ce qui s'explique puisqu'elle reçoit son innervation

sensitive du trijumeau.

L'hémianesthésie spinale est donc toujours partielle, contrairement à

l'hémianesthésie cérébrale, qui est ordinairement totale. Elle revêt soit

le type hémiplégique, atteignant un seul côté du corps, moins la face,

soit plus souvent le type hémi-paraplégique. Comme dans les anesthésies

de cause cérébrale, les troubles sensitifs ne sont habituellement pas

complets et absolus, mais ils varient, suivant les cas, dans leur modalité

cl leur intensité. Le plus souvent, l'hémipléuie spinale sensitive revêt,

tant par ses modalités propres que par son association aux phénomènes

moteurs, des caractères particuliers dont l'ensemble constitue le « syn-

drome de Bî,oivii-S(;qîi(ii(1 » : « hémiplégie ou hémiparaplégie avec

anesthésie croisée. »

On note dans ce syndrome, aux régions sous-jacentes à la lésion :

10 ° Du côté de la lésion : .'

a) de l'hyperesthésie pour tous les modes de sensibilité superficielle;

b) une zone d'anesthésie étroite, transversale, faisant suite aux ré-

gions hyperesthésiques, et située juste au-dessus d'elle;

c) enfin, une nouvelle zone hyperesthésique surmontant la précédente;

d) la perte du sens musculaire, la diminution ou l'abolition de la sen-

sibilité osseuse ;

e) une hémiparapiégie ou une hémiplégie (suivant le siège en hau-

teur de la lésion); de l'élévation de la température et des phénomènes

paralytiques sympathiques (myosis, cnophtalmie, rétrécissement de la

fente palpébrale), enfin des troubles respiratoires, lorsque la lésion

siège dans la région cervicale.

2° Du côté opposé à la lésion :

y une anesthésie superficielle totale (tact, douleur, température)

dans les régions correspondant aux parties paralysées de l'autre côté;

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE.. 517

b) de l'intégrité des sensibilités profondes (sens musculaire, sensi-

bilité ossense) ; ..

c) une bande étroite d'hyperesthésie légère, au-dessus de la zone anes-

thésique; ..

d) l'intégrité parfaite de la motilité.

L'hémiplégie sensitive spinale ne revêt pas fréquemment en clinique

une disposition topographique aussi schématique; habituellement, on

observe, dans le syndrome de Brown-Séquard, de l'anesthésie d'un côté

avec paralysie du côté opposé, avec ou sans hyperesthésie.

Diagnostic. Lorsque l'hémianesthésie spinale fait partie du syn-

drome de Brpwn-Séquard, elle est facile à diagnostiquer; si le syndrome

est peu net ou absent, la non-participation de la face aux troubles sensi-

tifs et moteurs plaide en faveur d'une* lésion médullaire. Dans l'hys-

térie, l'hémianesthésie intéresse presque toujours la face.

[ROUSSY.1

fit. 18. Syndrome de Brown-Séquard. llémisection de la moitié droite de la moelle par

coups de tranchet; laminectomie. A droite, paralysie motrice du membre inférieur, avec

hyperesthésie pendant les premiers jours. A gauche, -anesthésie très nette jusqu'au niveau

de l'aine, zone d'hypoesthésie au-dessus, surmontée elle-même d'une petite zone d'hyper-

esthésie (en pointillé). (Cas nlén..., Bicètre, z1905).

3 ! S . SENSIBILITE.

2° Paraplégie sensitive.

Causes. Elle se rencontre, dans les lésions intéressant la moelle

sur une grande partie de sa largeur, ou dans sa totalité (compression

médullaire par fracture ou luxation du rachis, par lésions inflammatoires

ou néoplasiques des vertèbres, du tissu conjonctif, des méninges, de la

moelle; par myélite transverse, syphilis médullaire, mal de Pott, etc.).

Caractères. Dans la paraplégie sensitive, l'anesthésie occupe les

membres inférieurs et remonte plus ou moins haut sur le tronc, sans

dépasser jamais les membres supérieurs. Les deux membres inférieurs

peuvent être atteints au même degré, mais le plus souvent ils le sont à

des degrés différents. Parfois les troubles scnsitifs, comme les phéno-

mènes moteurs du reste, apparaissent brusquement et s'installent simul-

Fil ! . 10. Paraplégie sensitive dans un cas de mal de Pott. Ancsthésie au tact, à la douleur,

moins marquée à la température (Cas Jouss..., Bicêtre, 1898).

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 519

lancinent dans les deux membres (dans les cas de fracture ou de luxation

du rachis, par exemple). Plus souvent, ils apparaissent petit à petit, en

commençant par un des membres. Une fois la paraplégie sensitive

installée, l'anesthésie se montrera le plus marquée dans le membre sur

lequel a débuté l'affection.

La paraplégie sensitive peut accompagner la paraplégie motrice, mais

elle n'en est pas une complication nécessaire; nombreux sont en effet

les cas de paraplégie motrice sans troubles sensitifs. Par contre, les

troubles sensitifs à type paraplégique n'existent guère sans troubles mo-

dans les affections organiques de la moelle (exception faite pour

la syringomyélie et l'hématomyélie). Dans l'hystérie, au contraire, on

observe des troubles sensitifs sans troubles moteurs.

Les rapports d'intensité qu'affectent entre eux les troubles moteurs et

sensitifs sont également variables. A une paralysie motrice spasmodique

intense peuvent correspondre des troubles sensitifs très légers; mais

inversement, à une paraplégie sensitive marquée correspond ordinaire-

ment une paralysie motrice grave. Lorsque la paralysie est flasque, totale

et persistante, l'anesthésie dans les régions homologues est ordinai-

rement absolue.

L'anesthésie peut être complète ou incomplète, et présenter toutes les

modalités d'altération que nous connaissons (retard, dissociation syrin-

gomyélique, etc.). Suivant quelques auteurs, l'intensité des troubles

sensitifs pourrait servir à apprécier le degré de compression médullaire

(VanGehuchten)('). .

L'étendue de l'anesthésie dépend du siège de la lésion médullaire; sa

limite supérieure correspond à la distribution cutanée des racines posté-

rieures intéressées et revêt une topographie radiculaire. Nous revien-

drons tout à l'heure sur ce point, en faisant l'étude séméiologique des

troubles sensitifs à topographie radiculaire.

Diagnostic. Le seul diagnostic qui soit à discuter ici est celui de

la paraplégie sensitive par lésion médullaire avec la paraplégie sensi-

tive hystérique. Dans ce dernier cas, les troubles sensitifs peuvent exister

sans troubles moteurs, ce qui ne se voit pas dans les anesthésies para-

plégiques organiques, si ce n'est dans la syringomyélie ou l'hémato-

myélie ; mais, dans ce cas, la dissociation des troubles sensitifs à type

syringomyélique permettra de faire le diagnostic.

Lorsque les troubles moteurs et sensitifs sont associés, on procédera

comme pour le diagnostic différentiel des hémianesthésies organiques

et fonctionnelles (voir plus loin, page 556).

5° Troubles sensitifs à topographie radiculaire.

Cette disposition des troubles de la sensibilité est réalisée dans les

affections médullaires limitées à la substance grise (hématomyélie, syrin-

I. Presse médicale, 1 X ! HI.

[ROUSSY.] ]

520 - " ' ' SENSIBILITE.... '

gomyélie), aux cordons postérieurs (tabès), et dans les compressions de

la moelle intéressant en même temps les racines. - . .

La topographie, radiculaire appartient autant aux lésions des racines

rachidiennes qu'à celles de la moelle épinière, mais comme le plus sou-

vent, en clinique, lésions médullaires et radiculaires marchent de pair

(compression, méningite, tabès), nous allons étudier ici, à propos de la

moelle, la topographie radiculaire de l'innervation cutanée.

TOPOGRAPHIE RADICULAIRE DE L'INNERVATION CUTANÉE

» La projection des fibres d'une racine postérieure sensitive sur la peau

ne revêt pas le même mode de distribution que celle des filets nerveux

Fig. 20. Territoires cutanés du membre supérieur. Schéma, d'après Soulié.

. (Territoire des nerfs).

- TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 531

sensitifs, établie par les anatomistes : Ce sont les travaux des physiolo-

o-istes comme Sherrington, et des cliniciens comme Kocher, Thornburn,

Allen Starr, Head, qui nous ont fait connaître la distribution sensitive

radiculaire des téguments. Celle-ci se présente sous la forme de bandes

parallèles entre elles et nettement distinctes les unes des autres, bandes

parallèles au grand axe sur les membres, et perpendiculaires à l'axe

du corps sur le tronc. Un coup d'oeil jeté sur les schémas ci-dessous

permettra, de voir la différence considérable qui existe entre ces deux

variétés de topographie sensitive. Le territoire de représentation cutanée,

d'une seule racine postérieure peut correspondre au territoire de plu-

sieurs nerfs sensitifs.

PftATIQBE NEUML. ' 21

[ROUSSY.]

Fig. 21. Distribution radiculaire des nerfs du plexus brachial au membre supérieur.

Schéma d'après les données de )lad, de Thornburn, de Starr, etc., emprunté à Soulié

(Territoire des racines).

522 SENSIBILITÉ.

Il faut savoir également que chaque territoire cutané emprunte son

innervation sensitive au moins à trois racines (voir fig. 22), l'innervation

principale d'une racine étant ainsi complétée par une innervation acces-

soire des racines immédiatement sus et sous-jacentes. Celle loi, évidente

pour le tronc, s'applique également aux membres. Sur le tronc enfin,

les bandes de distribution radiculaire dépassent légèrement la ligne

médiane (Sherrington).

Les schémas donnés par les auteurs, sensiblement les mêmes pour

le membre supérieur, différent notablement entre eux pour le membre

inférieur, en particulier pour la distribution de la 4e lombaire et de la

l'e sacrée, dont les localisations cutanées respectives ne sont pas encore

définitivement établies. De nouvelles recherches sont encore nécessaires

pour éclairer ces différents points.

Les schémas de Kôcher et de Sciffcrt que nous reproduisons sont

les plus fréquemment employés actuellement.

Cette distribution radiculaire, bien connue aujourd'hui pour les sensi-

bilités superficielles peut également se rapporter aux troubles des sensi-

bilités profondes, et en particulier à la sensibilité osseuse, au sens sté-

réognostiquc et au sens musculaire.

Valeur séméiologique des troubles sensitifs à topographie radi-

culaire. L'importance de cette topographie connue valeur séméiolo-

gique est considérable, et nombreux sont les renseignements que la con-

naissance de ces faits relativement nouveaux a donnés et donne journel-

lement au clinicien, dans la recherche des causes et du siège d'une

affection médullaire. ,

A part les cas de lésions intéressant uniquement les racines (paralysies

radiculaires, radiculites), dont nous étudierons la symptomatologie au cha-

pitre suivant, la topographie radiculaire des troubles de la sensibilité se

Fig. 22. Distribution des libres sensitives des nerfs thoraciques. (D'après Sltcrrington.)

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 525

rencontre dans les affections de la moelle qui suivent : compressions

médullaires, tabès, syringomyélie, hématomyélie. Tout dcrnièrcment

[ROUSSY.]

Fig. 25. Territoires de distribution radiculaire des nerfs rachidiens, d'après Kochcr.

Face antérieure.

524 SENSIBILITÉ.

enfin, on a signalé la présence de la topographie radiculaire dans les

lésions de l'encéphale.

Dans les compressions médullaires, nous l'avons vu, la limite supc-

Fig. 23 bis. - Territoires de distribution radiculaire des nerfs rachidiens, d'après Kodwr.

Face postérieure.

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 525

riciirc de l'anesthésie prend une disposition topographique qui repré-

sente l'innervation cutanée de la première ou des premières racines inté-

ressées en hauteur par l'agent comprimant. La disposition de l'anes-

thésie, à sa partie supérieure, est donc un élément précieux de diagnostic

[ROUSSY.]

Fig. 24. - Schéma dc topographie radiculaire, face antérieure, d'après Scitlcrl.

52G SENSIBILITÉ.

du siège de la lésion médullaire; clic sera fréquemment mise à contri-

bution en pratique neurologique. Le clinicien, en effet, pourra, clans

nombre de cas, indiquer au chirurgien il quelle hauteur de la moelle

siège la compression, et parlant, à quel niveau de la colonne vertébrale

Fig. 2 Lis. Schéma de topographie radiculaire, face postérieure, d'après Scilfert.

1 1 , TROUBLÉS DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 527

il devra-.^opérer dans les interventions pour

tumeurs ou compressions traumatiques. Mais il

est important de sa-

voir que si, dans des

compressions cervi-

cales et dorsales su-

périeures, la limite

supérieure de l'anes-

thésie correspond à

peu près au niveau

de la région compri-

mée, dans les régions

dorsales inférieures

et lombaires l'anes-

thésie s'arrête au-

dessous du siège de

compression, et s'en

écarte de plus en

plus, à mesure que

l'on- descend. Ce fait

résulté de l'obliquité

des racines rachi-

diennes dorsales et

lombaires qui s'ac-

croît de haut en bas.

Il nous paraît donc

Fig. 25. Schéma du rap-

port entre les apophyses

et les racines chez un

adulte homme de 1m,76.

A droite sont numérotées

les apophyses épineuses, à

gauche les racines (d'après

Chipault).

Fig. 26. - Rapports des

émergences des nerfs ra-

. chidiens avec les apophyses

épineuses'. Figure sché-

matique construite d'après

les données des auteurs

et en particulier de Reid.

Les chiffres arabes indi-

quent les numéros des

apophyses épineuses, les

chiffres romains les nu-

méros des nerfs rachi-

diens ; c, le nerf coccy-

gien (d'après Soulié).

M8 SENSIBILITÉ.

indispensable de rappeler les rapports des racines rachidiennes avec les

corps vertébraux; ceci étant connu, avec un schéma de topographie

sensitive radiculaire sous les yeux, le praticien sera capable de localiser

dans bien des cas le siège d'une compression médullaire grâce à la

connaissance de la distribution des troubles sensitifs.

D'après Chipault, pour avoir le numéro des racines qui naissent au

niveau d'une apophyse épineuse, il faut ajouter au numéro de la vertèbre

correspondante : chez l'adulte 1 dans

la région cervicale, 2 dans la région

dorsale, ;) dans la région dorsale

inférieure (de la 6e à la- 11e ver-

tèbre dorsale).

La partie inférieure de la il° dor-

sale et l'espace interépineux sous-

jacent répondent aux trois der-

nières paires lombaires.

. L'apophyse épineuse de la

12e dorsale et l'espace sous-jacent

répondent aux paires sacrées.

Chez l'enfant il faut ajouter :

5 de la 1 ? il la 4e vertèbre dorsale

et 4 de la (i° à la 9e vertèbre dor-

sale.

Dans le tabès (Dejerine, llitzig.

Marincsco) les troubles sensitifs

objectifs sont souvent des signes

précoces, apparaissant au début de

la] maladie, et par suite doivent être

recherchés avec le plus grand soin.

Par leur topographie, ils pourront.

seuls ou mieux associés au signe

de Westphall et d'Argyll Robertson,

permettre de porter un diagnostic

précis. Lorsque l'affection est cons-

tituée, ils manquent rarement. Au

début, ils se présentent sous forme

de bandes transversales d'anesthé-

sie sur le thorax (au niveau des

seins), et sur le dos (au milieu des épaules), dans le domaine des 2 ?

5e, 4°, 5e, 6" racines dorsales. Souvent aussi, l'anesthésie envahit égale-

ment les faces antérieures et postérieures du bord cubital du bras, de ! 'avant-bras et même de la main (8'' racine cervicale et 1 ? dorsale);

elle peut occuper quelquefois le bord radial du membre supérieur (5",

6e racines cervicales). Rarement au début, mais fréquemment au cours

de l'évolution du tabès, les troubles sensitifs apparaissent aux membres

Fig. 27. - Anesthésie du bord cubital des

deux bras (Cvl11 et Dol) chez un fabrique.

(Cas Geo.... l31cctre, 1905).

TROUBLES DE LA SENSIBILITE OBJECTIVE. 5'2 ! )

inférieurs, sur la face externe de la jambe.(5° racine lombaire) et sur

la plante des pieds (1rye sacrée); plus tard encore ils peuvent envahir

toute la surface cutanée des membres inférieurs et du tronc jusqu'à la

région mammaire..

Dans les cas exceptionnels de tabcs à début par le cône terminal, les

troubles sensitifs se cantonnent au périnée, à l'anus, aux régions fes-

sières, aux organes génitaux (5e et 4e sacrées). Dans le tabès à début

cervical l'anesthésie siège au cou et à la nuque,- dans le domaine des 2e

et 5" cervicales. '

Quels sont les caractères de ces troubles sensitifs objectifs dans le

tabès ? Ce sont des modifications autant qualitatives que quantitatives des

sensations, qui peuvent intéresser séparément ou simultanément les

sensibilités superficielles et profondes. On retrouve donc ici les diffé-

rentes altérations sensitives que nous avons appris à connaître. Nous

nous contenterons d'en rappeler brièvement les plus fréquentes.

L'aneslhésie à la douleur est le signe le plus fréquent et le premier en

date; la thernio-aneslhésie, le plus rare. A noter ici qu'il s'agit non pas

d'une abolition complète, mais d'une diminution plus ou moins grande

des sensibilités douloureuses, tactiles, etc. Fréquemment aussi, on

. [ROUSSY.]

Fig. 28 et 29. Tabès. Topographie radiculaire îles troubles de la sensibilité tactile,

douloureuse, thermique et osseuse chez un alaxique de quarante-sept ans, ancien syphili-

tique. Aux membres inférieurs, surtout à gauche, le domaine de la 2' sacrée est épargné.

(D'après Dejerine).

550 SENSIBILITE.

observe des plaques d'hyperesthésie, d'hyperalgésie si intenses, que les

malades poussent des cris à la moindre piqûre et ne peuvent même sup-

porter le contact d'une chemise de toile sur la : peau.

. L'hype1'esthésie relative (Leyden) est caractérisée par- le fait qu'une

simple piqûre étant à peine perçue, une piqûre un peu plus forte

détermine une douleur intense, qui n'est pas en rapport avec l'inten-

sité de la piqûre..

Les sensibilités profondes sont fréquemment touchées, et leurs trou-

bles ne coïncident pas toujours avec ceux de la sensibilité superficielle.

La perte du sens musculaire, du sens stéréognostique., des sensibilités

osseuses et articulaires peuvent se rencontrer isolément ou associées à

de l'anesthésie ou de l'analgésie tactiles. Cette association des troubles

sensitifs superficiels (anesthésie et analgésie plus ou moins marquées

sans thermo-anesthésie), et. des troubles sensitifs profonds très prononcés

Fig. 50. Anesthésie tactile, douloureuse et dissociation de la sensibilité thermique à

topographie radiculaire (Cv CVI1) chez un syringomyélique âgé de 51 ans. (Cas 'liait...,

Bicêtre, 1900).

Troubles delà sensibilité objective..551

(perte du,sens musculaire et du sens stéréognostique), qu'on rencontre

habituellement dans le tabes, représente un type de troubles sensitifs

particulier, le type tabétique qui. est à opposer au type syringomyélique

(conservation du tact, abolition de la douleur et de la température, avec

intégrité habituelle des sensibilités profondes). Il est en effet tout à fait

exceptionnel de noter dans le tabes de la dissociation syringomyélique

de la sensibilité. Un signe fréquent, qui peut également servir pour le

diagnostic du tabes, c'est l'anesthésie du nerf cubital à la pression (signe

de Biernacki). ,

C'est dans le tabes enfin, que l'on observe le.plus souvent les diverses

variétés de paresthésies que nous avons décrites : aphalgésie, retard des-

sensations, fusion des sensations (tétanos sensitif, P. Marie), allo-

chirie, etc.

. [RODSSY ]

Fig. 51. Syringomyélie. -Ancsthésic (en grisé foncé) ct hypoesthésie (en grisé clair) tactile

et douloureuse, il topographie radiculaire (membre supérieur : 6 ? Cv, et accessoirement

Cyl Il; membre inférieur : Li, 1.1, LIII, LIV. Le domaine de Lv est épargné). (Cas Pré ....

Bicètre, 1901). -

552 SENSIBILITE.

Dans la syringomyélie et l'hématomyélie, on admettait autrefois que

les troublés sensitifs revêtaient une distribution dite segmentaire (limitée

à des segments de membre) ; aussi parlait-on d'anesthésie en gant, en

veste, en caleçon, etc.. (voir plus loin page 555)., On considère aujour-

d'hui (Laehr, Dejerine, van Gehuchten), que dans les affections limitées

de l'axe gris, aussi bien que dans les lésions des cordons postérieurs,

la distribution périphérique des troubles sensitifs est topographiée sui-

vant le type radiculaire. Au début de ces affections, le fait est facile à

constater; dans la suite, les troubles sensitifs envahissant tout un mem-

bre, par exemple, prennent à première vue une disposition soi-disant

segmentaire, mais en y regardant de près, et en s'appuyant sur les diffé-

rences d'intensité des troubles observés, on voit qu'il s'agit d'une distri-

bution radiculaire généralisée à tout ce membre. Par un examen attentif,

on arrive ainsi à reconstituer parfaitement le territoire distinctif de l'in-

Fig. 52. Topographie des troubles de la sensibilité thermique (dissociation)

chez le malade précédent.

" TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 335

nervation cutanée de chaque racine, grâce au processus d'envahissement

progressif des différents segments médullaires.

Les troubles sensitifs, dans la syringomyélie, occupent le plus souvent

les membres supérieurs et le tronc, plus rarement les jambes. Ordinaire-

ment symétriques, ils sont plus rarement unilatéraux; quelquefois ils

revêtent une forme hémiplégique. Rarement. ils sont croisés par rapport

aux troubles moteurs.

Les modalités d'altération de la sensibilité présentent des caractères

particuliers. On note, en effet, dans l'immense majorité des cas, de l'anal-

gésie et de la thermo-anesthésie avec intégrité complète ou relative de la

perception tactile : c'est la dissociation de la sensibilité dite dissociation

syringomyélique, presque pathognomoniquc de cette affection. Rappelons s

cependant qu'une telle dissociation peut faire défaut au cours de la

syringomyélie et qu'elle peut toutefois se rencontrer, quoique beaucoup

[ROUSSY.] ]

Fig. 33. - Distribulion dos troubles sensitifs (lad, douleur, température) chez un syrih-

gomyéliqne à l'orme spasmodique. (Anesthésie, en grisé foncé; hypoesthésie, en grisé

clair).

554. SENSIBILITÉ.. - ....

plus rarement, dans d'autres affections nerveuses, comme le tabès, les

paraplégies par compression, les polynévrites.

Dans les lésions cérébrales, on l'a vu, les troubles sensitifs, à l'instar

des troubles moteurs, présentent habituellement une topographie seg-

mentaire ; plus accentués à l'extrémité distale des membres, ils vont en

s'atténuant progressivement à mesure qu'on se rapproche de la racine

du membre. Il semble cependant, pour tenir compte de quelques travaux

tout récents (Madden, Klein, Bonhoffer, Mills et Weisenburg, .Fischer,

Goldstein) ('), que l'on doive admettre la présence de troubles de la sensi-

bilité à distribution radiculaire dans le cours de certaines affections

cérébrales. Leurs manifestations sont particulièrement fugaces, car ils

disparaissent très peu de jours après le début de la paralysie; c'est là ce

qui expliquerait la rareté avec laquelle ils sont notés. Cette topogra-

phie très spéciale de l'anesthésie cérébrale ne s'observe, semble-t-il, que

dans les lésions de la partie toute terminale de la voie sensitive (jamais

elle n'a été signalée dans les lésions centrales, thalamiques) ; elle incite

tout naturellement à admettre que les territoires cutanés radiculaires se

projettent au niveau de l'écorce, comme ils se projettent dans la substance

grise de la moelle. L'existence de ces troubles de sensibilité du v< type

spinal », au cours des affections strictement limitées à l'encéphale, doit.

conduire naturellement, en présence de troubles sensitifs à disposition

radiculaire, à rechercher désormais le siège cortical de toute lésion dont

les caractères ne révéleraient pas une origine spinale.

Avant de terminer ce qui a trait à la topographie de la distribution des

zones anesthésiques dans les affections de la moelle, rappelons en

quelques mots ce qu'on doit entendre par topographie métamériqÙe de

la sensibilité, tout en faisant remarquer qu'il s'agit là d'une théorie

actuellement abandonnée, qui a cédé le pas à la théorie radiculaire et

n'offre plus guère qu'un intérêt historique.

THÉORIE DE LA MÉT.AMÉRIE SPINALE

En se basant sur la disposition segmentaire des troubles sensitifs au

cours de certaines affections de la moelle, et en particulier de la syringo-

myélie, Brissaud a émis l'hypothèse que la projection cutanée dans la

moelle, se faisait suivant une disposition segmentaire. Il s'appuie sur le

développement ontogénique et phylogénique du système nerveux, pour

admettre hypothétiquement la persistance de la métamérie primitive des

centres nerveux. Le métamère ou ne1t1'OmèTe sert à désigner chacun des

segments superposés dont le névraxe se compose. La disposition méta-

mérique, évidente chez les annelés, existe encore, quoique moins appa-

rente, chez les reptiles, dont l'appareil nerveux périphérique presque

1. Voir J. LnEMUTTE, Semaine niécl., 1G juin 1909, p. 277.

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 555

en entier est représenté par les nerfs intercostaux. A une paire rachi-

dienne répond un métamère.

Chez l'homme, chaque paire segmentaire de la moelle, ou métamère,

correspond à un segment de l'individu : main, avant-bras, bras, etc.

Telle est la théorie de la métamérie spinale sensitive.

Pour le tronc, les métamères sont étages suivant un plan perpendicu-

laire à l'axe de la moelle ; dans le renflement cervical et lombaire, ils

sont disposés parallèlement à cet axe.

La théorie matémérique spinale n'a guère rallié de partisans. Aussi

Brissaud ('), modifiant en'partie sa première hypothèse, admet-il aujour-

d'hui que dans la syringomyélie, la topographie sensitive est à la fois

radiculaire (rhizomérique) et segmentaire (myélomérique) ; l'anesthésie

en tranche sur les membres, se prolonge à sa limite supérieure, suivant

une hande parallèle au grand axe de ce membre.

1. Presse médicale, 11 décembre 1901.

[ROUSSY.]-

Fig. 54. Disposition métamérique du renflement brachial

(schéma d'après Brissaud).

S. moelle épinière; M S, membre supérieur; BR, renflement brachial de la moelle; A, B, C,

métamères du tronc; il, 2, 5, centres métamériques du membre supérieur; z, ? s", zones

de sensibilité circulaire du membre supérieur correspondant aux centres métamériques 1, 2, 5 ;

i, i', i", nerfs intercostaux, (chacun d'eux correspond à un métamère primitif).

550 SENSIBILITE.

III. TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ

DANS LES AFFECTIONS DES RACINES RACHIDIENNES

Les lésions des racines rachidiennes intéressant la racine postérieure

dans le canal vertébral, avant sa réunion à la racine antérieure, le nerf

rachidien (formé par la réunion de la racine antérieure et de la racine

postérieure), dans le trou de conjugaison ou en dehors du rachis, déter-

minent des modifications de la sensibilité périphérique dont la distribu-

tion revêt le type radiculaire.

Causes. Ces lésions peuvent intéresser les racines :

1° dans le canal vertébral (méningite tuberculeuse ou syphilitique,

compression osseuse ou par lumeur, cancer vertébral, mal de Pott). En

général, elles portent en même temps sur la moelle et sur les racines

postérieures, et leur symptomatologie se confond;

2° dans le trou de conjugaison (par fracture ou luxation des corps

vertébraux);

5" en dehors du rachis (avant la réunion, des racines pour former

le nerf périphérique).

Ces lésions sont ou traumatiques ou spontanées. Tl'alllnaliques : ce

sont les plaies accidentelles, les sections chirurgicales, les paralysies

obstétricales, les traumatismes de la région ; non traumaliques : ce sont

les tumeurs de la région, les exostoses, les anévrismes, les névrites infec-

tieuses ou toxiques; la névrite apoplectiforinc (de Dubois).

Caractères. Lorsque les racines sont intéressées dans le trou de

conjugaison ou en dehors du rachis, les troubles sensitifs s'accompagnent

toujours de paralysie motrice homologue il topographie parallèle et

répondant à la distribution périphérique des racines motrices intéressées,

ce qui se comprend, étant donné qu'il partir du ganglion rachidien les

fibres sensitives sont intimement mélangées aux fibres motrices dans

le nerf.

Dans les cas de lésion intm-rachidienne, le parallélisme entre l'anes-

thésie et la paralysie n'est pas constant; les racines antérieures et posté-

rieures peuvent être lésées séparément ou simultanément, mais à des

degrés différents. Enfin, lorsque la moelle participe à la lésion (compres-

sion de la moelle et des racines), apparaissent des troubles sphinclériens,

des modifications des réflexes, des phénomènes paralytiques variables

suivant le siège en hauteur de la compression.

Les troubles sensitifs dans les lésions radiculaires sont variables; ils

peuvent intéresser les sensibilités superficielles et les sensibilités pro-

fondes; on observe tantôt de l'anesthésie complète ou incomplète, tantôt

de l'hypercsthesie ou des paresthesies. La durée et l'intensité de ces

troubles sont fonction de la nature de la lésion ; définitifs dans les sections

ou déchirures des racines, ils sont passagers dans les compressions et

peuvent disparaître avec elles.

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 557

Les lésions radiculaires peuvent exister seules ou associées à des

lésions de la moelle; en effet, certaines causes de lésions médullaires,

comme les compressions, intéressent habituellement en môme temps les

racines et la moelle. Nous avons donc à étudier les paralysies radicu-

laires par lésion des racines seules; nous verrons ensuite comment on

peut les différencier des lésions médullaires.

Lorsque les racines rachidiennes seules sont lésées, les troubles sensi-

tifs s'associent aux troubles moteurs (paralysie radiculaire sensilivo-

111Ol¡'ice des plexus), ou plus rarement ils existent seuls (paralysie radi-

culaire sensitive pure). La clinique montre que, s'il est possible de

conslater des lésions isolées d'une racine (paralysie uii°adiczclai°e), il

arrive beaucoup plus fréquemment que plusieurs racines soient prises

en même temps et constituent ainsi des types cliniques reconnus aujour-

d'hui comme classiques.

I. PARALYSIES RADICULAIRES SENSITIVES

DU PLEXUS BRACHIAL

Ces paralvsies radiculaires sont ordinairement à la fois sensitives et

motrices; elles se présentent suivant des types différents :

A) Type supérieur (Duchenne, Erb). L'anesthésie occupe les

régions d'innervation cutanée des 5e et 6e racines cervicales (sphère de

distribution des nerfs circonflexe, radial et musculaire cutané), sous la

l'orme d'une bande partant de la face externe de l'épaule et suivant le

bord radial du bras et de lavant-bras, en empiétant sur ses faces anté-

rieure et postérieure. lluelduefois l'anesthésie s'avance jusqu'à la ligne

médiane (6''et 7" cervicales).

Aux troubles sensitil's qui, à eux seuls, suffisent pour établir le dia-

gnostic de paralysie radiculaire, s'ajoutent ordinairement des troubles

moteurs répondant à l'innervation motrice des mêmes racines (5" et

(;' cerv.), soit une paralysie du biceps, du deltoïde, du brachial antérieur

et du long supinaleur,

Il) Type inférieur pllile lhjerine-Klumpke), Les troubles sensitifs

sont distribués dans le domaine de la 8e racine cervicale et de la 1 rc dor-

sale, et empiètent quelquefois sur celui de la lre cervicale. La bande anes-

thésique occupe le bord cubital de la main, de l'avant-bras et du bras

en s'avançant un peu sur les faces antérieure et postérieure du membre.

La paralysie motrice occupe tous les petits muscles de la main et les

fléchisseurs de la main. Le fait pathognomonique de ce type de paralysie,

qui en rend le diagnostic, facile, est l'existence, du même côté que la

paralysie, du syndrome sympathique (De je ri ne-KIlim pk l'). Il est constitué

par des troubles oculo-pupillaires (myosis, énophtalmic, rétrécissement

de la feule 1r.11pClmale) el. plus rarement, par un aplatissement de la joue,

une diminution des sécrétions lacrymale et sudorale, un rétrécissement

de l'ouverture d'une narine.

PIt : lTiyll : NI : UIt171.. 22

[ROUSSY.]

558 ' SENSIBILITE.

C) Type total. Dans ce type, l'anesthésie s'étend à tout le membre

supérieur; elle occupe la main et l'avant-bras et s'arrête à un ou deux

travers de doigt au-dessus du coude (Mme Dejerine-Klumpke); elle-peut

remonter plus haut, sur la face externe et postérieure du bras, jusqu'à

l'épaulé (5e, 6e, 7e, 8e cerv. ; 1''e dors.). La face interne du bras conservé

sa sensibilité normale ,(2`' et 5e dors.).

Les troubles moteurs consistent en une monoplégie brachiale totale et

absolue; le syndrome sympathique existe comme dans le type inférieur.

D) Type complexe. Type uniradiculaire. Les paralysies com-

plexes sont très fréquentes en clinique ; l'anesthésie, de même que la

paralysie motrice, occupe des régions appartenant à la fois au segment

supérieur et au segment inférieur du plexus (5e, 7e et 8e racines cer-

vicales, par exemple).

La paralysie uniràdiculai1'e est tout à fait exceptionnelle.

E) Paralysies radiculaires sensitives pures. La paralysie radi-

culaire sensitive pure du plexus brachial, considérée autrefois comme

très rare, paraît l'être de moins en moins, depuis qu'on recherche avec

méthode les troubles sensitifs dans tous les cas de phénomènes doulou-

reux du membre supérieur; ce qui a permis à Dejerine et à ses élèves

d'introduire en neuro-pathologie la notion nouvelle des « radiculites »

(Voir plus loin).

II. PARALYSIES RADICULAIRES DES PLEXUS LOMBAIRE

ET SACRÉ

Comme pour le plexus cervical, la lésion peut ici intéresser une seule

racine isolément ou plusieurs racines simultanément; et comme pour le

plexus cervical, la connaissance de la distribution sensitive cutanée des

différentes racines du plexus lombo-sacré nous permet de reconnaître

quelle est ou quelles sont ces racines lésées. II faut savoir cependant,

et ceci s'applique aussi bien au plexus cervical qu'au plexus lombaire

qu'une lésion d'une seule racine ne détermine pas, en général, de trou-

bles sensitifs objectifs (tactiles tout au moins) d'après la loi établie par

Sherrington, de l'empiétement de la zone de distribution cutanée d'une

racine sur les zones de distribution des deux racines adjacentes (voit-

page 522).

La délimitation précise des racines atteintes, est plus difficile à faire

ici que pour le plexus cervical; la distribution cutanée exacte de cer-

taines racines lombaires ou racines étant encore soumise à la discussion

(comparer à ce propos les schémas de distribution radiculaire donnés

pages 323-326.) En effet, si on connaît assez bien aujourd'hui la- distri-

bution radiculaire de la 4e racine lombaire et celle des trois dernières

racines sacrées (S,, S4, S5) prises en bloc (leur distribution individuelle

étant encore mal connue), on est moins avancé pour les autres racines du

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 559

plexus (L,, et L : ¡, S,, S2) dont la topographie cutanée varie beaucoup

suivant les divers schémas donnés par les auteurs. .

On comprendra donc qu'actuellement, le médecin cherchant à faire la

topographie d'une lésion radiculaire lombo-sacrée, à l'appui des schémas

existants, quels 'qu'ils soient, devra s'efforcer de les interpréter non pas à la

lettre, mais avec une certaine largeur d'esprit. Les paralysies radiculaires

du plexus lombaire, ou sacré s'observent en clinique, soit à la suite de

violents traumatismes portant sur la colonne. vertébrale lombaire et sacrée,

soit encore plus fréquemment à la suite de tumeurs du canal lombo-sacré.

Habituellement dans les cas de lésion de la région lombaire supérieure,

la moelle épinière (qui descend jusqu'à la 2° vertèbre lombaire) participe

à la lésion.

Ces paralysies ordinairement complexes et frappant plusieurs racines

en même temps, peuvent être ramenées d'une façon un peu schématique,

à deux types.

1° Type total (lombo-sacré). Dans ce cas, la lésion intéresse

toutes les racines lombaires et sacrées, et remonte jusqu'à la 1"e et

2e lombaires inclusivement. Cette lésion siège au niveau de la 2e vertèbre

lombaire. L'anesthésie occupe les membres inférieurs en entier, les

régions périnéales et génitales, et s'arrête en avant au niveau du pli

génito-cural, et en arrière, suivant une ligne passant par le bord supé-

rieur du sacrum. , .

Ce type total est presque toujours l'expression d'une lésion de la moelle

(cône. terminal qui se trouve à ce niveau); aussi les troubles moteurs

sont habituels et consistent en une paralysie flasque des membres infé-

rieurs ; il existe, en outre, des troubles sphinctériens (vésicaux et rec-

taux) et génitaux. .

L'anesthésie n'est donc ici qu'une composante du tableau symptoma-

tique présenté par le malade. , '

La même topographie des troubles sensitifs (type total) peut s'observer

dans les lésions de la moelle elle-même; il faut alors que la compression

siège au niveau du segment médullaire duquel sort la ï1'1' racine lombaire

(1er segment lombaire) ; ce segment correspond à la 11e vertèbre dorsale.

2° Syndrome de la queue de cheval. On donne le nom de queue

de cheval à l'ensemble des faisceaux radiculaires qui se trouvent au-des-

sous de la terminaison de la moelle (milieu du corps de la 2" vertèbre

lombaire) et qui sont représentés par les trois dernières racines lom-

baires, les racines sacrées et coccygiennes. Une compression de la queue

de cheval donne lieu au syndrome de la queue de cheval, constitué par

des troubles sphinctériens, génitaux, moteurs et sensitifs, 'à topographie

radiculaire dans le domaine de distribution des racines sacrées et lom-

baires inférieures. Dans ce syndrome les troubles de la sensibilité, et en

particulier ceux de la sensibilité objective, prennent une part importante

et sont d'un secours précieux pour préciser le. siège et l'étendue de la.

lésion. Le syndrome de la queue. de cheval peut être également donné

' [ROUSSY.]

: 540 - ' ' - . ? . SÉNStBmiTE. .; ? : ' "'

en clinique par une lésion intéressant. les segments, de la moelle lombo-

sacrée d'où partent les racines qui vont former la queue de cheval.

Examinons quelle est la topographie des zones d'anesthésie pour cha-

- C.111-le des racines de la queue de cheval ou ce qui revient au même, pour

chacun des segments de la moelle sacrée et. des trois derniers segments

lombaires. « - ' .

.a) Dans -les lésions siégeant au niveau des 5c; 4c et 5e racines

sacrées ou des segments sacrés correspondants (cône médullaire) :

syndrome radiculo-ségmentaire du -cône terminal. On noté une anes-

thésie de la région sacrée, de la plus grande partie des fesses en forme

de fer à cheval avec branches descendantes le long de la face. postérieure

des cuisses jusqu'à leur tiers supérieur ou moyen; de la marge de l'anus,

du coccyx, du périnée, de l'anus, de la partie inférieure et postérieure du

Fig. 55. Paraplégie syphilitique. Hypoesthésie légère pour le tact et la douleur sur le

dos et la plante du pied (partie du domaine de 1'5 elS¡). (Cas Desho..., Bicêtre, 1905).

' 'TROUBLES DE LA. SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 541

scrotum ou des grandes lèvres, et enfin du pénis. C'est l'anesthésie en

selle ou en fer à cheval, typique du syndrome du cône médullaire (1).

b) Si la lésion s'étend plus loin en hauteur, et s'arrête à la 5" racine

lombaire successivement, ou. si encore' elle intéresse pour les segments

médullaires correspondants, non plus seulement le cône terminal (trois

derniers segments), mais -la moelle sacrée donnant naissance aux pre-

mières paires sacrées et à la 'De lombaire on a le syndrome radiculo-

ségmentaire de la moelle sacrée : dans ce cas l'anesthésie comprend,

en plus des régions ci-dessus mentionnées, la face postérieure du tiers

inférieur de la cuisse, la face postérieure et moyenne de la jambe, la ré-

. 1. Pour certains auteurs, la face postérieure de la cuisse est innervée' par la 2° sa-

crée; mais la 5° envoie aussi des rameaux importants à cette région, ce qui explique

- l'anesthésie de la cuisse par lésion de cette dernière racine...

[ROUSSY.]

Fig. 56. Lésion de la queue de cheval par chute sur le sacrum. Anesthésie (en grisé foncé)

cl hypoesthésie (en grisé clair) dans le domaine de L5' Si' S2, S5, S4, SS' (Cas Ros....

Bicêtre, 1906). ·

512 SENSIBILITÉ.

gion du tendon d Achille. la plante du pied (S2 + SI); la région antéro-

externe de la jambe et le dos du pied (L5+S,). (Voir schéma de

Seittert.)

Enfin, s'il y a des douleurs, elles existent dans le domaine du sciatique.

c) Si la lésion de la queue de cheval est complète, c'est-à-dire si elle

intéresse toutes les racines qui la constituent, jusqu'à la 5'' lombaire

inclusivement (ou si la compression de la moelle siège au niveau du

;le segment lombaire), l'anesthésie occupe, en plus des zones aneslhési-

ques précédentes, celle de distribution des 4P et 3e racines lombaires, c'est-

à-dire la face interne et antérieure de la jambe et de la cuisse. Les limites

supérieures précises de L,; sont encore incertaines ainsi que celles des

zones respectives de L. et L4. (Voir à ce propos les divers schémas.)

Nous n'avons étudie jusqu'ici, à propos des troubles observés dans les

paralysies radiculaires des plexus lombaire et sacré, que ceux relevant

des lésions des racines postérieures de ces racines, troubles sensitifs, qui

seuls (levaient nous occuper dans ce chapitre où nous envisageons la sé-

méiotogie de la sensibilité. Mais il faut remarquer qu'en clinique les para-

lysies radiculaires sensitives 100ubo-sacrées sont rares, qu'habituellement

la lésion intéresse en même temps les racines inférieures et postérieures.

On observe alors des troubles moteurs à distribution radiculaire corres-

pondant aux racines lésées, lois qu'ils sont décrits au chapitre traitant des

« Troubles de la inutilité ».

Diagnostic des paralysies radiculaires et des lésions médullaires.

On sait que chaque segment médullaire correspond a une zone de

projection cutanée ayant la même topographie que la racine correspon-

dante, etqueta distribution radicutaireappartientautautaux lésions médul-

hures qu'aux lésions des racines proprement dites. Lorsqu'on se trouve

one en présence d'une paralysie dont les troubles sensitifs, aussi

bien que les troubles moteurs, revêtent une distribution du type net-

tement radiculaire, les questions à résoudre sont les suivantes :

'10 Les racines sont-elles seules intéressées ?

20 La moelle est-elle seule intéressée ?

3° Racines et moelle sont -elles prises ensemble ?

En clinique, la solution de ces différents problèmes est loin d'être

facile; elle est souvent même très difficile. Voyons quels sont les signes

qui peuvent aider dans ce diagnostic. "

Les caractères des troubles sensitifs sont, dans certains cas, de

quelque secours : Funilatéralité et l'asymétrie de ces troubles (exception

l'aile pour le syndrome de lirmvn-véyl;lrcl), l'absence habituelle de la dis-

sociation de la sensibilité plaident en faveur d'une lésion radiculaire; la

dissociation syringomyélique de la sensibilité, en faveur d'une lésion mé-

clull,iire; les douleurs, extrêmement vives dès le début, indiquent que

les racines sont prises.

Ces douleurs sont ordinairement distribuées dans la sphère des nerfs

périphériques (pseudo-névralbies), et leur présence au cours d'une para-

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 545

lysie seusitivo-motrice à type radiculaire permet d'affirmer presque sùre-

ment que les racines sont touchées. C'est dans ce cas qu'on observe

« l'anesthésie douloureuse ».

Mais ces caractères différentiels tirés des seuls troubles sensitifs sont

loin d'être suffisants pour le diagnostic, puisqu'on peut rencontrer

des paralysies purement radiculaires bilatérales, et que la dissociation

syringomyélique de la sensibilité peut s'observer quelquefois dans les

lésions des racines. Force est donc de recourir, pour le diagnostic, aux

autres symptômes concomitants (signes moteurs, sphinctériens, trophi-

ques, examen de la colonne vertébrale, etc.). Les troubles moteurs

prédominent habituellement comme extension sur les troubles sensitifs,

dans les lésions médullaires, et les contractions librillaires appartiennent

presque exclusivement à ces dernières. Il en est de même des amyotro-

phies iL évolution rapide et grave.

fc Parmi les troubles sphinctériens, la dissociation de la fonction génitale

(érection conservée, éjaculation abolie) est un signe qui a son importance

dans les lésions sacrées et qui plaide pour une participation de la

moelle.

L'examen de la colonne vertébrale révélant une déformation ou de la

douleur à la pression donne de précieux renseignements sur le siège de

la compression, même dans les cas à évolution lente, comme les tumeurs;

aussi ne doit-il jamais êtrc négligé. Cet examen pourra quelquefois servir

utilement au diagnostic différentiel des lésions radiculaires et médul-

laires ; 11 cet effet, on se rappellera que, pour donner une même topogra-

phie périphérique, la lésion doit siéger au niveau de la moelle plus haut

que lorsqu'elle porte sur le trajet extra-médullaire de la racine, surtout

dans les régions lombaires et sacrées, par suite de l'obliquité des

racines (voir schéma fig. 2G). Ainsi, à une lésion siégeant au niveau de

la 2e racine lombaire (2e vertèbre lombaire), correspond en tant que

topographie radiculaire scnsitivo-mutrice une lésion de la moelle au

niveau de la .1 le vertèbre dorsale.

En résumé, nous voyons que si, dans quelques cas rares, le clinicien

peut, au moyen des troubles sensitifs seuls, porter un diagnostic précis

de lésions radiculaires ou médullaires, il doit, dans l'immense majorité

des cas, s'appuyer sur les autres symptômes concomitants. Ceux-ci

même seront parfois insuffisants, et il arrive assez souvent que le diag-

nostic porté se trouve infirmé à l'autopsie : et cela tout particulièrement

pour la différenciation des lésions de la queue de cheval, de la moelle

sacrée et du cône terminal.

Dans ce dernier cas cependant, en envisageant les choses dans leurs

grandes lignes, on peut dire que le diagnostic différentiel est pratique-

ment moins difficile qu'il ne paraît l'être au premier abord; aussi un

médecin avisé tenant compte des données qui suivent, aura de très

grandes chances de faire un diagnostic exact :

1° Les lésions traumatiques de la queue de cheval sont très rares en

[ROUSSY.]

544 SENSIBILITE.

comparaison de celles de la moelle; lorsqu'elles existent, il y a en général

des signes vertébraux, permettant de poser un diagnostic de localisation.

Si les signes vertébraux manquent, il s'agit presque toujours de lésions

spinales. On peut donc admettre qu'un « syndrome typique du cône »

survenant brusquement est l'expression d'une lésion de la moelle;

2° Les lésions à évolution lente de la queue de cheval (tumeurs) sont

beaucoup plus fréquentes que celles de la moelle et, dans les premières, les

douleurs typiques, à irradiation sciatique, ne font presque jamais défaut.

LES RADICULITES Ht.

A côté des paralysies radiculaires obstétricales ou chirurgicales, des

sections ou ruptures des racines ou des plexus, il y a lieu de décrire

aujourd'hui, à la suite des travaux de Dejerine et de ses élèves ('), les ra-

cudililes, « dont les symptômes el les lésions relèvent d'altérations

inflammatoires, superhcielles ou dégénératives, des racines des nerfs,

sous l'influence d'un processus infectieux ou toxique. Ces radiculites sont

des affections dans lesquelles l'atteinte des racines et de leurs enveloppes

est ou paraît être essentiellement primitive et suffit à expliquer les troubles

observés. Ne font, par conséquent, pas partie de ce groupe les cas dans

lesquels la dégénération des racines est secondaire et liée intimement aux

lésions des nerfs périphériques ou il celles des centres médullaires (polio-

myélite aiguë ou chronique, syringomyélie, etc.). De même que les

plaies des nerfs n'appartiennent pas au groupe des névrites, de même les

sections traumatiques, les contusions et les déchirures obstétricales ou

chirurgicales des racines ou des plexus doivent être séparées de celui

des radiculites. »

Causes. Les radiculites reconnaissent le plus souvent, une origine

syphilitique (dans les deux tiers des cas observés). L'infection remonte

presque toujours à plusieurs années; il s'agit, en général, d'une locali-

sation de la période tertiaire. On retrouve, dans la plupart des cas,

d'autres manifestations cutanées ou viscérales. D'ailleurs, l'influence

rapide et certaine du traitement spécifique, l'évolution et les récidives

ultérieures, la constatation d'autres accidents de même nature ne lais-

seront aucun doute il cet égard. C'est par l'intermédiaire des lésions

méningées ou d'une méningite de voisinage que s'exerce ordinai-

renient l'action pathogène sur les racines nerveuses; on a pu l'observer

clans le mal de Pott et au cours de la méningite tuberculeuse avec ou

sans lésion vertébrale. Chez les enfants hérédo-syphihtiques ou les

nouveau-nés, il pourrait être question de transmission héréditaire. On a

encore mentionné d'autres causes infectieuses, telles que le rhumatisme,

la blennorragie, l'infection puerpérale, l'inJtuenxa, la dysenterie, les

1. Camus, Étude de neuropathologie sur les radiculites. Thèse de Paris, ]t)08.

- TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 345

oreillons, l'érysipèle. On a décrit dès formes « radiculo-méningées »

dans le cancer vertébral ; enfin, on a signalé des lésions radiculaires,

en rapport avec le syndrome de compression 1'adiculo-ganglionnaire

(Raymond et Lejonne), reconnaissant un facteur purement mécanique,

l'hypertension du liquide céphalo-rachidien. - -.

Lésions. On distingue les altérations observées au cours des radi-

culites en lésions primitives et lésions secondaires, suivant qu'elles

traduisent l'atteinte primordiale des éléments essentiels de la racine ou

les réactions et les dégénérescences qui en résultent. Dans les cas

typiques de radiculites infectieuses, la lésion fondamentale est constituée

par un foyer inflammatoire, une endonévrite radiculaire. (Nageotte).

La périnévrite est très marquée ; parfois on trouve des gommes ou des

névromes syphilitiques sur les racines (queue de cheval, nerfs crâniens).

A côté du foyer inflammatoire de la racine, il existe des lésions ménizz-

gées, nettement appréciables ; on a pu relever la pachyméningite spéci-

fique comme cause des altérations inflammatoires des racines;

Les lésions secondaires, résultant des précédentes, sont caractérisées

par la dégénérescence des éléments nerveux. -

Formes cliniques. De même que pour les névrites, on peut classer

les formes cliniques des radiculites, suivant leur topographie régionale

et la prédominance spéciale de leurs symptômes. On distingue ainsi des

formes presque exclusivement sensitives et des formes sensitivo-

motrices (ce sont les formes qui nous intéressent ici), et enfin des formes

motrices.

Les formes sensitives peuvent, à leur tour, se diviser en radiculites

et en radiculalgies. Ces dernières constituent généralement le premier

stade des radiculites. Leurs symptômes traduisent notamment l'irritation

et non la destruction des éléments nerveux; les douleurs sont très vives ;

elles sont exaspérées par l'effort, surtout dans l'éternuement (signe de

l'élernuemenl), qui provoque, par suite du choc transmis au liquide

céphalo-rachidien, une douleur très vive dans la sphère de distribution

de la racine malade.

Dans les radiculites proprement dites, il existe, en plus de ces phé-

nomènes subjectifs (douleurs), des troubles objectifs de-la sensibilité à

topographie radiculaire. Leur étude est importante pour déterminer-

la cause de l'algie. Dans les formes dites acroparesthésiques, les dou-

leurs se localisent surtout- aux extrémités des membres. Les radiculites

peuvent frapper toutes les racines, même celles des nerfs crâniens;

mais, le plus souvent, on observe des troubles sensitifs soit au membre

supérieur (type cervical ou cervico-dorsal), soit au membre inférieur

(scialique radiculaire) (Dejerine, Gauckler et Roussy). A côté des

formes limitées, on admet encore des formes disséminées et généralisées,

dont le diagnostic avec le tabes est souvent difficile, mais dont l'impor-

tance pour le pronostic et le traitement est incontestable.

Valeur séméiologique. L'étude clinique des radiculites est impor-

[ROUSSY.]

54G " ..SENSIBILITE. "

tante, non seulement pour permettre de les diagnostiquer sans hési-

tation, mais encore,' et surtout, pour pouvoir les traiter en connaissance

de cause. L'un des éléments essentiels du diagnostic consiste notamment

dans la détermination de la topographie radiculaire des symptômes et de

l'élément douleur. .

La connaissance de ces faits est importante pour le praticien. Tandis

que dans les affections spinales proprement dites et les névrites péri-

phériques, l'intervention médicale est très limitée et surtout sympto-

matique, dans les radiculites où l'exsudat méningé, agissant par com-

pression sur les racines nerveuses, peut être reconnu le plus souvent

comme étant de nature syphilitique, le traitement mercuriel donnera de

bons résultats.

Fig. a7 et 57 bis. Sciatique. Troubles de la sensibilité, à topographie radiculaire, dans

le domaine de L3, L4, L5. (Cas de Gauckler et Roussy, Rev. de Neur., 190).

TROUBLES DE LA .SENSIBILITÉ OBJECTIVE : ' 547

IV. - TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ

DANS LES LÉSIONS DES NERFS PÉRIPHÉRIQUES

Causes. Les lésions traumatiques (section, piqûre, compression).ou

pathologiques (tumeurs, névrites infectieuses ou toxiques), portant sur

les nerfs mixtes ou sur les nerfs sensitifs; déterminent des troubles de la

sensibilité dans le territoire d'in-

nervation de ces nerfs.

Caractères. Ces troubles

consistent en des altérations de

la sensibilité des plus diverses.

On peut noter de l'anesthésie

complète ou incomplète, de l'hy-

peresthésie, de la dissociation de

la sensibilité (anesthésie au tact

ou à la douleur, conservation de

la température, ou plus rarement

une dissociation à type syringo-

myélique, enfin les diverses mo-

dalités de paresthésie. Les sensibi-

lités profondes : sens musculaire,

sensibilité osseuse, sens stéréo-

gnostique enfin peuvent être

atteints. Tantôt les troubles sen-

sitifs sont associés aux troubles

moteurs (paralysie des nerfs

mixtes, névrites sensitivo-mot1'i-

ces), tantôt les paralysies sensi-

tives existent seules (paralysie

des nerfs sensitifs* ou névrites

sensitives pures, du trijumeau,

par exemple).

La topographie des troubles

sensitifs, dans les affections des

troncs nerveux, répond, d'une

façon générale, à la distribution .

anatomique des nerfs intéressés. ? est la ce qu on appelle la topo- ,

graphie périphérique. HIe varie suivant le siège et le nombre des nerfs

atteints. Lorsque plusieurs nerfs sont pris (névrites), les zones d'anes-

thésie, correspondant au territoire d'innervation de ces nerfs, se confon-

dent les unes avec les autres et peuvent envahir tout un membre ou un

segment de membre. On observe alors des troubles de sensibilité à topo-

graphie monoplégique, paraplégique, ou segmentaire.

[ROUSSY.]

Fig. 58. Névrite du nerf médian. Topo-

graphie des troubles sensitifs ; anesthésie com-

plète au tact; hypoesthésie à la piqûre. (Cas

Hub..., Bicêtre, 1906).

M8 ' , : 0 SENSIBILITÉ.. " ? ' - '

1 Topographie périphérique. En se reportant au tableau d'innciv

vation cutanée ci-joint, on peut se rendre compte des diverses variétés

topographiques %de troubles sensitifs susceptibles d'être rencontrées en

clinique, suivant que tel ou telnerf crânien ou rachidien sera pris isolé-

ment. La distribution cutanée des nerfs périphériques étant connue, il

sera facile de diagnostiquer la variété de paralysie à laquelle on a affaire.

On se rappellera qu'en vertu des anastomoses nombreuses que les nerfs

sensitifs contractent entre eux, soit par leurs branches collatérales, soit

par leurs branches terminales (sensibilité récurrente) , les territoires

d'innervation cutanée ne sont pas aussi franchement indépendants qu'ils

semblent l'être au premier abord, de par les données de l'anatomie. Cette

remarque s'applique surtout aux territoires sensitifs des extrémités des

membres. '

Fig. '39. Paralysie du cubital par luxation du coude. Anesthésie du petit doigt; hypo-

esthésie de l'éminence hypothénar, hypoesthésie moins marquée du bord cubital de l'avant-

bras (Cas Jabr..., Bicctre, 1905).

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 549

La topographie sensitive nettement périphérique ne s'observe guère

que dans les névrites traumatiques (section ou compression d'un seul

tronc nerveux).

2" Topographie monoplégique, paraplégique. Dans les névrites

infectieuses ou toxiques, les troubles sensitifs peuvent se localiser à la

totalité d'un membre ou à une grande partie de ce membre : type mono-

plégique, ou bien encore dans les névrites des membres inférieurs,

revêtir le type paraplégique. Les troubles sensitifs revêtent certains ca-

ractères particuliers au cours des névrites : ils sont fréquents au niveau

dcs membres, très rares sur le tronc ; plus marqués aux membres infé-

rieurs qu'aux membres supérieurs (dans les cas de névrite des quatre

membres) ; ils sont plus prononcés à la périphérie qu'à la racine des

membres, obéissant ainsi il la même loi qui régit la topographie des

[ROUSSY.]

Vigo 40. Lèpre mutilante. Distribution des troubles sensitifs. L'anesthésie complète pour

le tact, la douleur, la température, va en diminuant de la périphérie à la racine des mem-

hres.[Cas(;an...,Bice(re,1886).

550 ' " SENSIBILITÉ.. ..

troubles sensitifs dans les affections centrales. Enfin, les modifications

de la sensibilité peuvent exister seules (névrites sensitives pures) ou

associées aux troubles moteurs (névrite sensitivo-motrice). Dans ce der-

nier cas, le parallélisme entre les phénomènes moteurs et sensitifs est

loin d'être constant.

5° Topographie segmentaire. Cette variété de distribution est

tout à fait exceptionnelle dans les affections des nerfs périphériques. On

ne la rencontre, et encore rarement, que. dans la névrite lépreuse.. Ici

l'anesthésie peut envahir le pied, la jambe, etc., et s'arrêter brusque-

ment au niveau du tronc ou des membres suivant une ligne franche.

'Mais il est à remarquer que cette limite supérieure ne forme pas une

ligne perpendiculaire, mais oblique par rapport au grand axe du membre z

(Dejerine). .. , .

Fig. 41. Lèpre. Distribution insulaire et segmentaire des troubles sensitifs.

(Cas Bicêtre, '1897).

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 551

Dans la lèpre, on peut encore rencontrer des plaques isolées d'hyper-

esthésie ou d'anesthésie, c'est la topographie insulaire.

[ROUSSY.]

Fig. 42 et 4. Gangrène sénile. Topographie des troubles de la sensibilité,

au sixième jour (fig. 42), au onzième jour (fig. 45)-. (Cas And..., Bicêtrc, ·1901)..

Fig. 44. Même cas, au seizicme jour.

,) : )t) SENSIBILITE.

V. TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ DANS LES NÉVROSES

Les troubles de la sensibilité objective sont fréquents dans les névro-

ses, particulièrement dans Y hystérie; ils se rencontrent également clans la

neurasthénie, dans t'<'p<7 ? dans la chorée, la tétanie, dans le goitre

exophtalmique, et sont dus, soit il ces affections elles-mêmes, soit plus

vraisemblablement à leur association à l'hystérie. On peut enfin observer

des troubles de la sensibilité, présentant les mêmes caractères que dans

les névroses, au cours des affections organiques du système nerveux,

par association hystéro-organique.

Ces troubles sensitifs doivent être bien connus du praticien d'abord en

raison de leur fréquence, ensuite surtout parce qu'ils peuvent simuler

ceux qui relèvent dune lésion organique du système nerveux. Ils revê-

tent en clinique des caractères particuliers qui permettent de faire leur

diagnostic étiologique. Ces caractères sont particulièrement nets dans

l'hystérie.

I. HYSTÉRIE

Anesthésies. Les troubles sensitifs ont toujours paru si fré-

quents dans cette névrose qu'on leur attribuait, il y a peu de temps

encore, la première place dans le tableau symptomatique de 1 affection

et qu'ils semblaient être, comme on l'a dit, la signature de la maladie.

On admet presque unanimement aujourd hui avec Babinski que leur

importance séméiologique a été fortement exagérée et que, loin de cons-

tituer un symptôme primordial de l'affection, ils ne sont que le résultat

du degré de SlIggeslibi/it(> ou d'fn<<o-.s'Uf/</c.s/<7/ dans lequel se trouve

le malade : c'est parce qu'il a vu, chez d'autres malades, de semblables

troubles, ou qu'il a entendu parler d'eux, ou plus souvent encore parce

qu'il a été soumis à un examen médical, que ces troubles apparaissent.

Aussi est-il indispensable de prendre certaines précautions pour ne point

contribuer à leur développement ou leur exagération, lorsqu'on examine

de tels malades. Yoici comment procède M. Babinski :

« Je fais fermer les yeux du malade que j'examine, puis je commence

par le prier de poser l'extrémité de son index gauche ou droit sur l'en-

droit où je l'aurai louché, et souvent, pour exciter son attention ainsi que

son amour-propre, je dis aux élèves qui sont auprès de moi, de manière

à être entendu par lui, qu'à en juger par sa mine il doit être intelligent, et

qu'il me renseignera vraisemblablement d'une manière précise ; je touche

alors très superficiellement diverses parties du corps, puis je pince la peau,

je la pique, j'exerce des pressions avec le doigt, je croise les doigts les uns

sur les autres, je les écarte, je fléchis et j'étends les divers segments de

membre, je fais palper des objets divers, ronds, carrés, allongés, etc.,

j'applique sur les téguments des corps chauds et des corps froids, tout

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 555

cela tantôt à gauche, tantôt à droite, et si le sujet ne me dit pas sponta-

nément ce qu'il sent, je me contente de lui demander ceci : « Que sentez-

vous maintenant ? » ou bien « Qu'est-ce que je vous fais ? ». Jamais je ne

lui pose ces questions : « Sentez-vous ce que je fais ? » ou encore : « Sen-

tez-vous aussi bien d'un côté que de l'autre ? » car ce dernier mode

d'interrogatoire peut déjà être le point d'une suggestion. »

Les troubles sensitifs hystériques rentrent dans le groupe des troubles

primitifs (Babinski) de cette névrose, caractérisés par ce fait qu'il est

possible de les reproduire par suggestion et de les faire disparaître par

persuasion. Ils présentent quelques caractères particuliers que nous

allons étudier. ·

Leurs caractères généraux. -La sensibilité objective peut être dimi-

nuée ou abolie (anesthésie), exaltée (hyperesthésie) ou pervertie (paresthé-

sie). Ces troubles intéressent aussi hien les sensibilités superficielles et

profondes, qui sont prises séparément ou simultanément, que les sens

spéciaux.

Leur intensité. Elle est variable. On a prétendu que l'anesthésie

hystérique pouvait être complète. Elle ne l'est, en réalité, jamais autant

que certaines anesthésies organiques (syringomyélie, etc.). On arrive

presque toujours à la réveiller en appliquant un courant faradique intense

sur une région très sensible (Babinski).

Leur allure et leurs effets. Leur allure est paradoxale, c'est-à-dire

qu'ils ne gênent en rien les malades qui, dans nombre de cas, ne se ren-

dent compte de leur existence qu'au cours de l'examen du médecin.

Les anesthésies névropatbiqncs ne gênent nullement les mouvements et

ne déterminent pas, comme les anesthésies organiques, des phénomènes

d'incoordination motrice. Les hystériques s'habillent, écrivent, prennent

les objets avec leurs mains aneslhésiques, comme si cette anesthésie

n'existait pas; jamais on ne les voit, contrairement aux syringomyéliques,

par exemple, se brûler sans souffrir. En un mot, ces troubles sont « sub-

conscients », les sensations non perçues sont de même enregistrées

par les malades et peuvent être le point de départ d'une action sug-

gérée.

En outre, ils sont mobiles, fugaces, transitoires, apparaissant ou dis-

paraissant brusquement à la suite d'un choc, d'une émotion. Ils passent

parfois d'un côté à l'autre, et on utilisait jadis ce phénomène de transfert

pour guérir l'anesthésie hystérique. On conçoit du reste combien ce pro-

cédé thérapeutique est mauvais, puisqu'il ne fait qu'exagérer l'état de

suggestibilité du sujet.

Leur durée. Leur durée est des plus variables. Comme nous l'avons

dit, l'anesthésie hystérique est, en général, fugace. Quelquefois cepen-

elle est tenace et peut persister des mois et des années. Enfin, ces

troubles ne modifient en rien l'état des réflexes organiques; les réflexes

cutanés, le réflexe pupillaire à la douleur sont normaux.

Influence de la suggestion. Un dernier caractère important : ils sont

PitATIQUE 1ÕEUIlOI.. 25

(ROUSSY.]

554 SENSIBILITÉ. -

nettement influencés par la suggestion ou l'auto-suggestion qui est sus-

ceptible de les faire apparaître ou disparaître.

Leur topographie. La topographie des troubles sensitifs dans les

névroses est des plus variables. Ils peuvent intéresser les téguments et

les muqueuses; ils sont généralisés ou partiels. Les anesthésies généra-

lisées sont rares. Plus souvent partielles, elles revêtent différents types :

hémiplégique, monoplégique, segmentaire, en îlots disséminés.

1° Type hémianesthésique ou monoesthésique. - C'est le type le

plus fréquent. L'anesthésie prend la peau et les muqueuses de toute une

moitié du corps et s'accompagne de. troubles des sens spéciaux, c'est

l'hémialiesthésie dite- sensilivo-sens01'ielle, Parfois associée à une hémi-

plégie motrice homologue, elle peut exister seule.

La monoplégie sensitive hystérique peut être brachiale ou cervicale,

elle revêt les mêmes caractères que l'hémianesthésie.

]''ig. 45. Hemianesthésie avec hémiplégie hystérique. Abolition complète de la sensibi-

lité tactile douloureuse, thermique. Perte complète des sensibilités profondes, chez un

homme de 50 ans. (Cas Lamb..., Bicctrc, 1905.) .

TROUBLES DE LA SENSIBILITE OBJECTIVE. 555

2° Type segmentaire. La disposition segmentaire des troubles

sensitifs est presque pathognotnonique de l'hystérie. A part quelques

cas exceptionnels de névrite lépreuse, à part la gangrène sénile et les cas

de syringomyélie et d'hématomyélie (où la distribution est pseudo-

segmentaire), c'est à l'hystérie qu'on doit immédiatement songer, en

présence d'une telle topographie. Nettement limitée à un segment de

membre, elle s'arrête brusquement par une ligne perpendiculaire à son

grand axe; au-dessus la sensibilité redevient normale sans transition.

Suivant sa disposition elle est dite : en doigt de gant, en gant, en

manchette, en gant de soirée, pour le membre supérieur. Au membre

intérieur, c'est l'anesthésie en chaussette, en bas, en caleçon, etc.

5° Type insulaire. Ici l'anesthésie est disposée en îlots uniques

ou multiples, distribués au liasard sur la surface cutanée; leur forme et

leur dimension sont variables.

[ ROUSSY.]

Fig. ili. lléiniaiiestliésie hystérique, plus marquée il la partie supérieure du corps.

(Cas l'uuru..., l31ci'lrc, 1903).

556 . SENSIBILITÉ. ? ' , ; -

Ces divisions sont en réalité schématiques. On conçoit, d'après ce que

nous avons dit, combien la topographie de l'anesthésie peut. varier. Ce

qu'il y a d'important à retenir, c'est qu'elle ne répond jamais à un terri-

toire anatomique déterminé.

II. HYPERESTHÉSIES

Nous avons eu principalement en vue, dans ce qui précède, l'anes-

thésie. Tout ce que nous avons dit peut s'appliquer aux hyperesthésies

cutanées, sous-cutanées et viscérales qu'on observe chez les hystériques.

Elles sont habituellement localisées et on a longtemps décrit les « zones

hysté1'ogènes » ou « zones spasmogènes », dont la pression provoquait,

pensait-on, l'attaque hystérique. Ces zones ne sont en réalité que le ré-

sultat de l'auto- ou de l'hétéro-suggestion.

III. NEURASTHÉNIE, ÉPILEPSIE, CHORÉE, TÉTANIE,

- - . GOITRE EXOPHTALMIQUE'

\

Dans la neurasthénie, l'hyperesthésie et les paresthésies sont assez

fréquentes.

Dans l'épilepsie, la sensibilité est fréquemment émoussée; on observe

de l'anesthésie ou de l'analgésie. On a signalé l'anesthésie du nerf

cubital à la pression (signe de Biernacki), qui pourrait servir pour dia-

gnostiquer l'épilepsie de l'hystérie.

Les troubles de la sensibilité sont également fréquents dans la forme

de chorée dite : chorée hystérique.

Dans le goitre exophtalmique et la tétanie, comme, du reste, dans

les affections précitées, les troubles sensitifs sont le plus souvent des

manifestations hystériques surajoutées.

DIAGNOSTIC DES ANESTHÉSIES FONCTIONNELLES

HÉMIANESTHÉSIE ORGANIQUE ET HÉMIANESTHÉSIE CORTICALE

Lorsque le médecin constate chez un malade des troubles sensitifs et

qu'il cherche à en établir la nature fonctionnelle, il se rappellera tout

d'abord avec quelle prudence et suivant quelles règles il doit examiner

la sensibilité chez les névropathes, s'il ne veut point exagérer (ou même

créer) ces troubles. Il se rappellera ensuite que ce n'est pas la recherche

et la constatation des stigmates qui permettent de diagnostiquer l'hys-

térie, et que c'est par l'absence de signes d'affection organique, par

exclusion pour ainsi dire, que ce diagnostic doit être porté. Il se sou-

viendra combien sont fréquentes les associations hystéro-organiques, ce

qui l'empêchera de rattacher tous les signes observés soit à l'hystérie,

soit au contraire à la lésion organique. Il devra connaître enfin les

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 557

signes cliniques particuliers aux troubles sensitifs hystériques, signes

(lue nous avons décrits plus haut et que nous résumons brièvement ici :

intensité (qui n'est qu'apparente puisqu'on peut arriver à réveiller la

sensibilité par un courant faradique fort, par exemple); allure para-

doxale (ils ne déterminent pas de gène dans les mouvements ni d'incoor-

dination motrice); mobilité, fugacité; modifications par la suggestion;

topographie ne répondant pas exactement il un territoire anatomique.

Ces signes aideront il distinguer les troubles fonctionnels des anes-

thesies organiques, quelle que soit du reste leur topographie (paraplégie,

monoplégie, hémianesthésie).

Le diagnostic le plus important est celui de ]'Aem/'a ? ïcs</tës ! e. C'est

elle qu'on observe le plus fréquemment en clinique. Les troubles

moteurs affectent le plus habituellement, chez les hystériques, la forme

hémiplégique. Or, ceux de ces hémiplégiques qui ont déjà subi des

examens médicaux antérieurs, ceux qui se sont « contaminés au

contact de malades présentant des (roubles sensitifs, sont presque

toujours hémiauesthésiques. Chez les autres, si le médecin n'est point

prévenu, s'il recherche, sans suivre les préceptes que nous avons

indiqués, les troubles sensitifs, il constatera fréquemment l'existence

d'une hémianesthésie qu'il aura contribué à créer.

Si l'hémianesthésie s'accompagne d'hémiplégie, on devra, avant de

s'occuper des troubles sensitifs, rechercher la nature des troubles

moteurs. L'examen du malade dénionlre-t-il que cette hémiplégie est

hystérique, on devra penser tout d'abord que les troubles sensitifs

reconnaissent la même origine, et ce n'est qu'avec la plus grande

réserve qu'on approfondira l'étude de ces troubles sensitifs. Si, au

contraire, l'hémiplégie est organique, on ne s'empressera pas de con-

clure que l'hémianesthésie est de même nature, en se rappelant combien

sont fréquentes les associations hystero-organiques ; c'est alors qu'il

faudra rechercher, très prudemment encore, les signes qui différencient

les hemiauesthesies organique et hystérique.

Si rhemiauesthesie existe seule, sans troubles moteurs, sans modifi-

cation des reilexes, on pensera, en premier lieu, à l'hémianesthésie

hystérique, de beaucoup la plus fréquente, et ici encore on recherchera

avec prudence les caractères différentiels.

Nous ne reviendrons pas sur les signes de l'hémianesthésie hysté-

riquc, mais il est bon de rappeler ici les caractères de l'hèmianesthcsie

organique. Elle n'est jamais aussi absolue que dans l'hystérie; elle ne

s'accompagne pas de troubles des sens spéciaux; elle est habituellement

incomplète, quelquefois partielle; plus prononcée il l'extrémité des

membres, elle va en diminuant dans le sens proximal; elle est plus

marquée au niveau des membres (membre supérieur surtout) que sur la

face et le tronc et entraîne des mouvements (ataxie) que ne détermine

pas l'hémianesthésie hystérique.

1) après ce que nous avons dit dans ce chapitre, on conçoit toute

[ROUSSY.]

358 SENSIBILITE.

l'importance qu'il a a il savoir rechercher les (roubles sensitifs chez les

hystériques. S'il se conforme aux règles ci-dessus indiquées pour faire

cette recherche, le médecin constatera que l'hémianesthésie, considérée

jadis connue extrêmement fréquente, ne se retrouve, en réalité, que chez,

les malades qui ont été soumis a des examens médicaux mal conduits.

D'après Babinski, on ne la trouve jamais (pas plus, du reste, que les

autres stigmates) chez les sujets qui n'ont encore subi aucun examen

médical.

On conçoit aussi combien il importe de faire le diagnostic étiologique

de ces anesthésies fonctionnelles. Les troubles sensitifs hystériques

peuvent et doivent être guéris rapidement. Les laisser persister, c'est

augmenter l'état de suggestibitité du sujet, c'est aggraver son état

111;\Topathique. i donc le médecin doit se garder d'attirer t'attention sur

les troubles de la sensibilité, chez un hystérique qui n'en accuse pas, il

doit, au contraire, persuader au malade qui s'en plaint combien ces

troubles sont peu de chose et combien ils sont facilement curables.

VI. TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ DANS LES PSYCHOSES

P-

Les modifications de la sensibilité objective sont très fréquentes chez

les aliénés ; elles sont un des signes les plus importants que puisse révéler

chez eux l'examen sotnatique. Malheureusement, la recherche des

troubles sensitifs, dans les psychoses, présente de grandes difficultés et

les résultais obtenus sont souvent entachés d'erreur, étant donné le

déficit inlellectuel du sujet. La valeur séméiologique des troubles sensi-

tifs en psychiatrie est donc de peu de secours pour le diagnostic.

Les troubles sensitifs objectifs chez les aliénés sont : 10 organiques;

2° fonctionnels.

1° Organiques. Ils relèvent d'une lésion évidente, pathologique

du système nerveux, par exemple dans les psychoses toxiques, les dé-

mences, la paralysie générale. Dans la paralysie générale progressive, ils

peuvent prendre la forme hémiplégique ou monoptégique, et, dans le cas

d'association du tabès el de la paralysie générale, se distribuer suivant

une topographie radiculaire.

2° Fonctionnels. Ils relèvent d'un processus dynamique, comme

dans les névroses, et se rencontrent dans les psychonevroses : confusion

mentale, hypocondrie, etc.

VII. - TROUBLES DES SENSIBILITÉS VISCÉRALES

La sensibilité des viscères peut être altérée au cours des maladies du

système nerveux; quelquefois exaltée (hyperesthésie viscérale), elle est

le plus souvent diminuée ou abolie (anesthésie viscérale). Ces troubles

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 559

se rencontrent fréquemment dans le tabès, où ils font partie du tableau

svmptomatique de l'affection. On ne les a pas notés jusqu'ici dans les

autres affections nerveuses organiques. Dans l'hystérie on peut observer

quelquefois de l'anesthésie ou de l'hyperesthésie viscérale.

Au début du tabès apparaissent les hyperesthésies viscérales, aux-

quelles succèdent, tôt ou lard, les anesthésies plus ou moins complètes.

Pour rechercher les altérations sensitives des viscères, il suffit

d'exercer une pression sur l'organe à explorer, lorsqu'il est superficiel

(testicules, mamelles). Si la chose n'est pas possible, on peut, comme

pour la vessie, explorer la sensibilité viscérale il la distension; souvent

enfin on est forcé déjuger l'état de l'altération sensitive par les troubles

de fonctionnement que présente organe.

Sensibilité testiculaire (Pitres). L'analgésie testiculaire est

très fréquente dans le tabcs; elle existe dans la moitié des cas. Dans

l'autre moitié la sensibilité normale est le plus souvent diminuée

(60 pour 100). On la recherche soit en exerçant une simple pression

digitale sur le testicule, soit au moyen d'un appareil mcnsurateur (esthé-

siomdre) .

Cette analgésie est habituellement définitive; quelquefois passagère,

elle ne dure que quelques semaines ou quelques mois. Fréquemment elle

coïncide avec de l'anesthésie des bourses et de la verge, et de l'anaphro-

disie...

Sensibilité vésicale. Les altérations de la sensibilité vésicule,

fréquentes dans le tabès, se manifestent par des troubles de la miclion,

par un retard ou une disparition complète du besoin d'uriner (voir

chapitre uncwr5 un;rru-omx.w;s). Dans ces cas, on note une diminution

notable de la sensibilité vésicale à la distension; il faut injecter deux fois

plus de liquide qu'à l'étal normal pour provoquer le besoin d'uriner.

Sensibilité mammaire. La sensation douloureuse particu-

lière, 1 ? oV(Hlu¡"e par la pression des seins chez la femme, disparait chez

plus de la moitié des tabéliques. ,

Sensibilité trachéale (Sicard). Le choc et la compression

de la trachée provoquent à l'élat normal une sensation angoissante, avec

irradiation douloureuse vers les parties latérales du cou, le mediastin et

la base de la langue. Cette sensation pénible disparaît chez un tiers des

tabéliques.

Sensibilité gastrique. Les modifications de la sensibilité gas-

trique se manifestent par une anesthésie à la pression du creux epigas-

iriquc (moitié des cas) et par les différents troubles du fonctionnement

de l'organe. Nous ne faisons ici que signaler ce fait. et renvoyons, pour

plus de détails, à l'article consacré aux troubles digestifs dans les mala-

dies du système nerveux.

[ROUSSY.]

51)0 SENSIBILITÉ.

LES HYPERESTHÉSIES CUTANÉES

DANS LES AFFECTIONS VISCÉRALES

Un célèbre neurologiste anglais, Henri Ilead('), a attiré l'attention sur la

présence des zones ly-perestllésidues cutanées dans les affections viscé-

rales, et sur l'importance pratique qui découle de celte notion pour la

détermination du siège d'une affection profonde. Quoique les idées du

médecin anglais n'aient pas encore reçu pleine confirmation de la part

des neurologistes et soient même révoquées en doute par plusieurs d'entre

eux, les travaux de llead ont eu un tel retentissement, que nous ne

pouvons les passer sous silence.

On trouve toujours, suivant cet auteur, clans les affections viscérales,

des zones d bypcrestbesie cutanée sur le tronc, les membres et la tête,

zones dont la topographie est directement en l'apport avec l'organe lésé.

L'hyperesthésie est nette pour la douleur et la température, elle

manque pour le tact; aussi, pour la rechercher, faut-il soit pincer la peau

entre le pouce et l'index, soit piquer avec une épingle, soit enfin appli-

quer sur les téguments un tube d'eau tiède. Les réflexes cutanés à ce

niveau sont exagérés.

Ces zones d'hyperesthésie clans les affections viscérales présentent la

même topographie et les mêmes maxima douloureux que les zones érup-

tives du zona; l'élude de la sensibilité dans cette dernière affection a

donc pu servir à établir les limites exactes des zones hyperesthésiques.

Sur le tronc et les membres, Ilead décrit les zones suivantes :

Zone dorso-cuhitale (D,), zone dorso-hrachiale (\)2)' srapulo-h\1lnérale :

(IL), dorso-axillaire (DJ, scapulo-axillaire (IL), sous-scapulo-sous-mam-

maire (D1, sous-scapulo-xi phoïdienne (D7), épigastrique moyenne (Da),

supra-ombilicale (\)9)' sus-ombilicale (Di0), sacro-iliaque (Du), sacro-

fémorale (D,2), génito-crurale (L,).

Il n'y a pas de zone hyperesthésique correspondant aux 2e, 5e, 4e seg-

ments lombaires; au-dessous on trouve les zones de Lez, de S,, de S2' de

S., de S, (sacro-anale).

Au niveau de chacune de ces zones, il existe deux ou trois points de

douleur maxima.

Ces différentes zones sont hyperesthésiées en totalité ou partiellement.

Dans ce dernier cas, on ne retrouve que les deux ou trois points maxima

par zone. La limite supérieure et inférieure de ces zones est absolument

nette, et il n'y a pas, comme dans les territoires radiculaires, de chevau-

chement des bandes les unes sur les autres; aussi, d'après Ilead, la

topographie des zones hyperesthésiques est-elle segmentaire et non

radiculaire. Chacune d'elles correspond à un segment médullaire auquel

aboutissent à la fois les filets sympathiques viscéraux et les filets nerveux

1. 1'oy. Guillain, Revue de méd., mai 1901, p. 429.

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ OBJECTIVE. 561

cutanés sensitifs d'une région déterminée. Dans les cas de douleurs

viscérales, le sujet, chez lequel les viscères sont il l'état normal insen-

sibles. reporte, par erreur de localisation, la douleur dans le territoire

cutané dont les fibres sensitives aboutissent au même segment médul-

laire que les filets sympathiques de l'organe lésé. Dans les cas de trauma-

tisme de la moelle, on retrouve des zones hyperesthésiques ayant la

même topographie que celle des douleurs réfléchies dont nous venons de

parler.

Au niveau du cou, de la face et du crâne, il existe également de nom-

breuses zones hyperesthésiques : zones fronto-nasale, orbitaire moyenne,

temporo-frontale, temporale, du vertex, pariétale, occipitale, rostrale,

maxillaire, mandibulaire, hyoïdienne, laryngée supérieure et inférieure,

naso-labiale, mentonnière, steI'11O-lllastoïdienne, sterno-nucbalc.

Ces zones cepilaiiqucs répondent à des affections de voisinage : du nez,

de (le l'oreille, etc. De plus, dans plusieurs affections des viscères

thoraciques ou abdominaux, on observe des zones céphaliques hyperes-

thésiques.

Ilead insiste également sur le siège occupé dans les affections viscé-

rales par la douleur réfléchie (douleur sympathique), qu'il rapproche

des zones hyperalgésiques.

Nous ne pouvons faire ici la description détaillée des zones hyperes-

thétiques décrites par Ilead dans les différentes affections viscérales;

affections cardiaques, gastriques, rénales, pulmonaires, utérines, etc..

Qu'il nous suffise de rappeler que, pour chacune d'elles, l'auteur en

indique le siège exact, par rapport aux segments médullaires (').

La constatation de ces laits pourrait avoir des applications pratiques

en clinique et constituerait une méthode qui servirait à déterminer le

siège d'une affection viscérale. Malheureusement, jusqu'ici, les zones

hyperesthésiques de Ilead n'ont pas été retrouvées d'une façon aussi

nette par tous les auteurs qui se sont occupés de la question (Thornburn,

larinesco, Guillain). La méthode de l'hyperesthésie cutanée, dans l'étude

des localisations sensitives de la moelle, n'a pas la même valeur objec-

tive que celle de la recherche des zones anesthésiques, connue le l'ait

remarquer Thornburn; mais les intéressants travaux du neurologiste

anglais nécessitent encore de nouvelles recherches.

1. Yny. IIR.1D (II.) On dislurbances of sensation wilh especial références to the pain

of viscéral diseuses, Brain, 1895, 1894, 189G. GUII.L\I1'i, Rev. de lléd., mai 1901,

p. 451. 4.

[ROUSSY]

5 : 02 - SENSIBILITE.

CHAPITRE II - .

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE

Généralités.' Contrairement aux troubles de la sensibilité objec-

tive qui sont éveillés par une excitation extérieure, les troubles de la

sensibilité subjective relèvent d'une excitation intérieure, spontanée. Le

malade perçoit ces sensations subjectives en dehors de toute excitation

périphérique; mais certaines manoeuvres, au cours de l'examen médical,

sont susceptibles de les réveiller ou de les exaspérer.

Par leur fréquence et par leurs caractères, les troubles subjectifs de

la sensibilité tiennent une grande place en séméiologie nerveuse; souvent

ce sont eux qui, les premiers, mettent sur la voie du diagnostic ou

amènent le malade à consulter; il en est ainsi des douleurs fulgurantes

du tabès ou des pseudo-névralgies par compressions médullaires,

Examen et recherche des. troubles subjectifs. Il est donc très

important pour le praticien, de savoir rechercher ces manifestations sub-

jectives. Dans ce but, on procède à un interrogatoire méthodique du

malade, en ayant soin de le guider et de l'aider dans les renseignements

qu'on veut obtenir de lui au sujet des sensations qu'il éprouve spontané-

ment, et en évitant de le laisser s'égarer dans des détails inutiles. On

essaie ensuite de révéler par la pression, par le contact, par des mouve-

ments appropriés, les sensations subjectives dont il se plaint, d'en loca-

liser si possible le siège, et de compléter ainsi les renseignements obtenus

par l'interrogatoire seul.

Cet examen n'est pas dépourvu de difficultés qui proviennent de dif-

férentes causes d'erreurs ; celles-ci peuvent cependant être évitées, lors-

qu'on a 'quelque peu l'habitude d'interroger un malade atteint d'une

affection du système nerveux.

On saura ainsi tenir compte des différences de réaction individuelle,

facteur très important dans l'appréciation des sensations subjectives ; on

évitera aussi d'influencer en quoi que ce soit le malade par la façon dont

on lui pose les questions, en se souvenant que tout malade, surtout s'il

est atteint d'une affection nerveuse (aussi bien organique que fonction-

nelle), est essentiellement impressionnable et suggestible. On ne deman-

dera pas, par exemple : « Cela vous fait-il mal ? » en comprimant un nerf

en un point donné, mais bien : « Qu'est-ce que cela vous produit, que

sentez-vous. ? » On aura enfin toujours en vue la possibilité d'une simu-

lation d'autant plus facile, qu'il s'agit de sensations subjectives, échap-

pant à un examen somatique; simulation qu'un praticien quelque peu

expert saura déjouer par différents artifices.

Les troubles de la sensibilité subjective comprennent : 1° les douleurs;

2° les dysesthésies; 5° les troubles de la sensibilité organique et les

modifications des besoins organiques.

TROUBLES DE LA SENSIBILITE SUBJECTIVE. 565

I. - LES DOULEURS

On peut observer des douleurs dans les affections les plus diverses ; ¡

nous n'avons à étudier ici que les douleurs notées au cours des affections

du système nerveux.

En présence d'un malade se plaignant de douleurs, il faut procéder

par ordre et examiner successivement : 1° leurs différents caractères

généraux; 2° leur valeur séméiologique.

Caractères généraux. Leur siège. Elles sont superficielles ou pro-

fondes, généralisées ou localisées au niveau d'un membre, du tronc, de

la tête, d'un viscère, et peuvent correspondre au trajet d'un seul nerf, de

plusieurs nerfs périphériques, de racines (topographie radiculaire de la

douleur), ou encore à une zonp cutanée (en dermatologie), à des muscles,

à des articulations, à des os, etc.. v ..

Elles sont tantôt fixes ; tantôt mobiles.

Leur irradiation. Quoique localisées en un endroit, elles irradient

en général le long des nerfs partant du point où siège la douleur maxima :

irradiation en ceinture le long des nerfs intercostaux dans le mal de

Polt; irradiation dans les membres inférieurs au cours des compressions

médullaires, etc.

Leur durée. Ces douleurs sont tantôt continues, avec des phases

de rémission ou d'exacerbation diurnes ou nocturnes, tantôt paroxys-

tiques. Dans ce cas les crises douloureuses surviennent par crises parfois

très vives (crises gastriques du tabes), qui apparaissent périodiquement ou

non. Entre les crises paroxystiques, l'accalmie est complète ou incomplète.

Leur intensité. Les douleurs peuvent être légères, moyennes ou

très intenses, arrachant des cris au malade. Certaines douleurs comme

celles des méningites, des compressions médullaires, du tabes sont par-

ticulièrement pénibles. Mais il n'existe ici aucune règle absolue; tout est

affaire d'équation personnelle.

Leur modalité. Leur façon d'être est des plus variables. En se

basant sur des comparaisons ou sur les descriptions que font les malades

eux-mêmes, on peut décrire : des douleurs fulgU1ymtes qui, comme leur

nom l'indique, passent comme un éclair et sont extrêmement rapides,

les douleurs lancinantes, en lancée, en coup d'épingle ou de poignard,

qui sont moins nomades; elles naissent et meurent sur place; les dou-

leurs téiî(,,bi,a71tes, également localisées; les malades les comparent à

« des vis qu'on ferait pénétrer 'dans les chairs » ; les douleurs ardentes

que les malades comparent à des brûlures ; les douleurs à type névral-

gique enfin, qui sont extrêmement fréquentes et peuvent être périodi-

ques, elles revêtent les caractères des névralgies, dont elles sont le prin-

cipal symptôme (voir article Névralgies). Toutes ces différentes

modalités appartiennent aux douleurs à caractère intermittent, et se

rencontrent fréquemment au cours du tabès.

[ROIISSY.]

564 . SENSIBILITE. -

Les douleurs à caractère permanent sont dites, suivant leurs diffé-

rentes modalités : en casque, en bracelet, en ceinture, en brodequin, en

étau, etc., elles peuvent être pongitives, constrictives, gmvatives, pul-

satiles, etc.

Leur effet. Suivant leur intensité et la résistance du malade, elles

déterminent des désordres d'ordre général ou local. D'ordre général :

ce sont des phénomènes psychiques, comme le délire et l'agitation; des

vomissements -des syncopes, de l'insomnie, de la dyspnée ou de l'apnée;

enfin des palpitations. D'ordre local. : ce sont des phénomènes vaso-

moteurs, de la rougeur ou pâleur de la peau, des modifications de la

température locale, etc. Lorsque les douleurs siègent au niveau des

membres, elles peuvent déterminer une véritable impotence doulou-

l'euse; telle par exemple la paraplégie douloureuse des compressions

médullaires par cancer du rachis. Ces. faits sont importants à retenir pour

a discussion du diagnostic ; ici les malades sont impotents, non pas en

raison d'un trouble de l'appareil, locomoteur, mais bien au prorata de

l'intensité des douleurs qu'ils éprouvent en marchant.

Leurs causes provocatrices, enfin, doivent être soigneusement recher-

chées. L'influence des saisons, de la température, de l'humidité est évi-

dente ; variable pour chaque sujet, cette action reste sensiblement la

même pour le même malade. Certaines douleurs sont calmées par le

repos, d'autres par le mouvement, la marche, certaines positions. Ces

différentes notions, si variables avec les sujets, ne peuvent être que d'un

faible secours pour le diagnostic étiologique de la douleur, mais elles

serviront au médecin dans les indications thérapeutiques et pour le

modus vivendi qu'il prescrira au malade.

Les moyens de les révéler au cours de l'examen sont multiples et

appropriés à chacune d'elles. On cherche à réveiller la douleur par l'ef-

fleurement de la peau, par la pression profonde des masses musculaires,

des'troncs nerveux (dans les névrites), ou des os. Le signe de Lasègue

(flexion de la cuisse sur le bassin, la jambe étant en extension sur la

cuisse) est un moyen précieux de provoquer la douleur dans la névralgie

sciatique. Cette recherche devra toujours se faire avec modération, en

évitant le plus possible de faire souffrir les patients.

Valeur séméiologique. La douleur, considérée comme symptôme

isolé, a-t-elle par elle-même une valeur intrinsèque en séméiologie ner-

veuse, aussi bien par ses caractères que par son siège ? Tel est le problème

que l'on doit chercher à résoudre lorsqu'on se trouve en présence de

phénomènes douloureux.

On se rappellera que l'élément douleur ne possède pas, par ses carac-

tères généraux, une particularité propre à chaque affection, et que si

les douleurs fulgurantes, par exemple, se présentent surtout dans le

tabes, ce même type peut se rencontrer dans d'autres affections de la

moelle ou des racines. Un type de douleur ne répond donc pas d'une

façon exclusive à un type de maladie.

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE. M5

Par leur siège, les douleurs donnent de meilleurs renseignements;

nettement localisées en un point, soit spontanément, soit à la pression,

elles limitent immédiatement les investigations dans une direction

donnée : telles, par exemple, la douleur à la pression des troncs nerveux

dans les névrites, la douleur à la pression des apophyses épineuses dans

le mal de Pott, les points de Valleix dans la sciaticpie, les points sterno-

mastoïdiens et xyphoïdiens dans la névralgie phrénique, etc.

Par leur présence ou leur absence enfin, elles aident au diagnostic;

l'absence de douleur permettant par exemple d'éliminer la possibilité

d'une polynévrite.

Les douleurs sont donc un élément précieux et qu'il faudra toujours

rechercher au cours d'une affection nerveuse. Si elles ne permettent

qu'exceptionnellement comme symptôme isolé de porter un diagnostic

précis, elles ont tout au moins une valeur d'indication; par leur pré-

cocité fréquente, au début de la maladie, elles aident souvent à dépister

l'affection en cause ; associées il d'autres symptômes sensitifs ou

moteurs, elles concourent à compléter le tableau clinique d'un grand

nombre d'affections du système nerveux.

Il n'entre pas dans le cadre de ce traité, de faire ici une étude séméio-

logique complète de la douleur. Nous ne devons que passer rapidement

en revue les principales affections du système nerveux dans lesquelles la

douleur prend la valeur d'un symptôme essentiel.

Dans les névralgies et les /).s ? f7o-u;'H/< ? 6'.s. la douleur constitue le

symptôme prédominant du syndrome névralgique ; on eu trouvera

l'étude dans une autre partie de ce. traité (article Névralgies).

Les douleurs sont tantôt localisées (il la tète, au tronc, aux mem-

bres, aux viscères), tantôt généralisées à toute la surface du corps.

Il y a lieu d'étudier séparément chacune d'elles.

I. DOULEURS LOCALISÉES

Douleurs de tête. Céphalalgie ou céphalée. La céphalée

ou céphalalgie est un symptôme qui se rencontre dans un grand nombre

d'affections; aussi sa valeur séméiologique en clinique est-elle grande.

Nous n'avons il envisager ici la céphalalgie que dans ses rapports avec

les affections du système nerveux, en laissant de côté les céphalées

observées au cours des maladies générales fébriles, des infections, des

intoxications et auto-intoxications (urémie). Nous ne dirons qu'un mot,

pour les éliminer, des céphalées de cause locale.

Caractères. La céphalée peut être d'intensité variable et consister

tantôt en une simple pesanteur ou lourdeur de tète, tantôt en de veri-

tables douleurs extrêmement vives, gravât ives el pulsatiles. Elle est tantôt

continue, tantôt intermittente, paroxystique avec exacerbation diurne ou

nocturne. Suivant sa localisation, elle esl diffuse, généralisée il tout le

[RnUSSY.]

560 SENSIBILITE.

crâne, ou circonscrite en un point, et exaspérée par la pression à cet

endroit. Sa durée, extrêmement variable, dépend de la cause qui la pro-

voque ; mais il faut savoir que les céphalées d'origine nerveuse, orga-

niques ou fonctionnelles, sont habituellement tenaces.

Séméiologie. La présence de la céphalée en pathologie nerveuse

est donc de la plus grande importance. En effet, elle peut quelquefois

constituer à elle seule toute la maladie (migraine, céphalée d'origine

névralgique). Le plus souvent, elle n'est qu'un des symptômes cardinaux

ou accessoires de l'affection, et par ses caractères, son évolution, son

mode et son moment de début, elle occupe une des premières places

dans le tableau symptomatique de la maladie, et peut, par sa pré-

sence, soit guider, soit fixer le diagnostic.

Le neurologiste doit avant tout, dans la recherche diagnostique d'une

céphalée, s'assurer qu'il n'a pas affaire à une céphalalgie d'ordre géné-

ral : infections, diathèse, urémie. Il doit également se rendre compte

qu'il n'existe aucune lésion locale susceptible de la provoquer : lésions

de la peau, érysipèle, lésions des os, des yeux, des oreilles, de la cavité

buccale. L'examen minutieux de la bouche s'impose dans toute céphalée,

car nombreux sont les cas dont on retrouve la cause dans une lésion

dentaire non soupçonnée. Il en est de même des sinusites chroniques

qui provoquent très souvent des maux de tête dont on recherche en vain

la cause; aussi, doit-on toujours songer, en présence d'un malade

atteint de céphalée rebelle, à la possibilité d'une lésion des sinus

crâniens.

La céphalée en neuropathologie se rencontre : 1° dans les affections de

l'encéphale et de ses enveloppes (céphalée organique); 2° dans les

névroses (céphalée fonctionnelle).

Céphalée organique. Elle présente les caractères des afl'ec-

tions organiques, leur fixité, leur ténacité, leur régularité d'évolution,

variables suivant la cause. Elle est circonscrite ou diffuse et s'observe

dans les maladies de l'encéphale et de ses enveloppes.

Dans les méningites aiguës, elle est très intense; dans la méningite

tuberculeuse en particulier, la céphalée fait partie des symptômes car-

dinaux de la maladie, constituant avec la constipation et les vomis-

sements le trépied méninyitique, On l'observe également dans lesménin-

yites chroniques, particulièrement dans les processus inflammatoires

de méningo-cncéphalite diffuse au cours de la paralysie générale ; enfin

dans les hémorragies méningées, soit à la période d'état, soit à la

période prodromique.

Dans les affections du cerveau, la céphalée accompagne les congestions

cérébrales, les hémorragies, les ramollissements cérébraux.

Mais il est deux ordres de lésions du cerveau dans lesquelles la

céphalée prend une importance capitale par sa fréquence et par son

intensité : ce sont la syphilis cérébrale et les tumeurs du cerveau.

Dans la syphilis, la céphalée peut s'observer soit il la période secon-

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE. 5C7

claire, soit à la période tertiaire. Qu'elle soit précoce ou tardive dans son

apparition au cours de la syphilis, elle se présente toujours avec certains

caractères particuliers qui individualisent la céphalée syphilitique et

permettent de la diagnostiquer.

C'est une douleur profonde qui semble résider dans l'intérieur de la

boîte crânienne (encéphalalgie de Fournier), le plus souvent diffuse,

généralisée à toute la tête avec maximum d'intensité au niveau du front,

des tempes ou de l'occiput; exceptionnellement localisée. Très

variable dans son intensité et ses modalités, suivant les cas, la céphalée

syphilitique présente deux caractères essentiels : a) les exacerba lions

nocturnes qui sont presque pathognomoniques; en effet, les maux de

tête des syphilitiques apparaissent le soir, acquièrent leur maximum

d'intensité dans les premières heures de la nuit et s'amendent progressi-

vement au lever du jour, pour disparaître le plus souvent complètement

dans la journée; b) une extrême sensibilité au traitement spécifique,

surtout aux médications indurées, alors qu'elle résiste habituellement aux

analgésiques ordinaires.

On attachera nne grande importance à la présence ou à l'absence de

ces deux caractères particuliers, dans la discussion de la valeur séméio-

logique de la céphalée.

A la période secondaire, la céphalalgie accompagne fréquemment ou

même précède l'éruption roséolique; elle est la plus fréquente des algies

secondaires. Parfois elle est produite par des lésions de la boîte crâ-

nienne (périoslilc); elle peut être dans ce cas nettement localisée et

exaspérée par la pression en un point déterminé. Le plus souvent, elle

est diffuse et semble devoir être attribuée à des réactions inflammatoires

passagères des méninges, ainsi qu'en témoigne la présence de lympho-

cytes trouvés par ponction lombaire dans le liquide céphalo-rachidien.

A la période tertiaire, la céphalée est un des symptômes prédominants

de la syphilis cérébrale (forme artérielle ou méningée). On l'observe dans

les deux tiers environ des cas, au cours de la période prodromique de

l'affection; elle est persistante et peut durer des semaines ou des mois,

mais habituellement elle s'amende dans la suite et disparaît même sou-

vent dans le cours de la maladie. Contrairement à la céphalée secondaire,

la céphalée tertiaire syphilitique a une signification pronostique grave.

Dans les tumeurs cérébrales, la céphalée, à peu près constante, est

souvent le premier en date de tous les signes de l'affection. Elle fait

partie des signes communs, des tumeurs cérébrales, quel qu'en soit le

siège, et, dans certains cas, nettement localisés en un point de la voûte

crânienne ; exaspérée par la percussion et la pression en cet endroit, elle

acquiert la valeur d'un symptôme de localisation, précieux pour le dia-

gnostic. Au début, la céphalée des tumeurs cérébrales est sourde, pro-

gressive, elle devient dans la suite pongitive, gravative avec paroxysme

Ù la suite des repas ou des mouvements; elle est alors extrêmement vive,

tenace, arrache des cris au malade et lui interdit tout sommeil. La

[ROUSSY.] ]

5C8 SENSIBILITÉ.

céphalée, très prononcée dans la première période de l'affection, peut

s'atténuer ou même disparaître dans la suite. C'est donc surtout au

début des tumeurs cérébrales que la céphalée, isolée ou associée aux

convulsions, aux vomissements, à l'affaiblissement intellectuel, aux

signes oculaires, prend une importance capitale dans la recherche

diagnostique.

Céphalée fonctionnelle. La céphalée s'observe très souvent

dans les névroses, en particulier dans l'hystérie et la neurasthénie.

Dans l'hystérie, elle est presque constante, et s'accompagne de zones

hyperesthésiques douloureuses, désignées sous le nom de clou hystérique

(Sydenham), qui siègent au vertex, à l'occiput, aux tempes. La céphalée

hystérique peut être très intense; elle emprunte à la névrose, dont elle

n'est qu'une manifestation, ses caractères particuliers; rebelle à l'action

des analgésiques, elle est susceptible d'apparaître ou de disparaître par

la suggestion et l'auto-suggestion. Dans quelques cas enfin, elle revêt les

caractères paroxystiques des céphalées méningitiques avec leurs vomis-

sements, leurs troubles digestifs ; c'est ce qu'on appelle le lIléJlinyisme'

(Dupré) ou pselUlo-IJ/(jnil1r¡ite hystérique , qui se rencontre chez l'enfant

et chez l'adulte.

Non moins fréquente dans la neurasthénie, la céphalée consiste ici en

une sensation de vide, de pesanteur, de constriction qui suggère aux

malades la comparaison d'un casque très lourd, « céphalée en casque ».

Elle peut être localisée, sous la forme de point ou de plaque, il l'occiput

ou dans la région fronto-parietate. Souvent elle s'accompagne d'hypcr-

esthésie du cuir chevelu.

Dans l'épilepsie essentielle, la céphalée se rencontre dans la période

prodromique de l'accès; elle peut être il elle seule une des modalités de

Y aura sensitive; quelquefois elle persiste quelques heures après l'accès.

Dans certains cas, la céphalée prend la valeur d'un équivalent epifcp-

tique, sous la forme de migraine, de tics douloureux, de chocs cépha-

taigiques passagers (Féré). Dans l'épilepsie symplomalique (par tumeur

cérébrale par exemple), la céphalée est constante; elle existe dans la

période qui sépare les accès (ce qui ne se voit pas dans l'épilepsie esscn-

ticttc).

Migraine. Il n'entre pas dans le cadre de cet article de faire

l'étude complète de la migraine; nous ne pouvons donc que signaler en

passant les principales formes de migraines, dans la symptomatologie

desquelles la céphalalgie occupe la première place.

Dans la migraine vulgaire, la céphalalgie est très intense; le plus

souvent unilatérale, elle occupe la' région orbilo-leinporale et peut

s'étendre à la région occipitale. La céphalalgie, connue les autres sym-

ptômes de la migraine (vomissements, troubles digestifs, vaso-moteurs,

oculaires, abattement de l'état général, etc.), survient par accès cal'at'-

téristiques, constituant l'attaque de migraine. Habituellement périodi-

ques, ils apparaissent toutes les semaines ou tous les mois, par inter-

, TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE. 569

valles à peu près réguliers; l'accès débute le matin et dure de 12 à

2 ! heures. Entre les accès, le migraineux ne souffre nullement de la

tête. Les accès de migraine constituent la maladie migraine.

Dans la migraine oplzlctlzrtojléiyzte, l'accès d'hémicrànie se com-

plique d'une paralysie de la troisième paire, qui peut même remplacer la

céphalalgie. Le syndrome est constitué par du ptosis, du strabisme

externe, de la diplopie, de la paralysie de l'accommodation, de la dilata-

tiun pupillaire avec perte du réflexe constricteur. Cette attaque de para-

lysie du nerf moteur oculaire commun, ordinairement passagère, peut

exceptionnellement devenir définitive.

La migraine ophtalmique doit son nom à ce fait que les troubles ocu-

laires y occupent le premier rang. Le scotome scintillant, l'hémiopie

périodique, l'amblyopie, la photophobie migraineuse en sont les formes

principales; elles peuvent exister indépendamment les unes des autres

ou s'associer entre elles.

Dans la migraine spastÙj1le ou srjntpalltico-toztique (duBois-Reymond),

ce sont les troubles sympathiques qui dominent : vaso-constriction des

vaisseaux de la face, pâleur, dilatation pupillaire et salivation abon-

dante. Il en est de même dans la migraine sympathico-paralytique

(de Mollendorf), dans laquelle on note une vaso-dilatation, de la rougeur

de la face, avec rétrécissement de la pupille.

Douleurs de la nuque, Elles sont dues, le plus souvent, au

mal de Pott sous-occipital ou cervical ; aux exsudats méningés com-

primant les racines : pachymëninyite tuberculeuse, syphilitique,

]J({chYllléningite cervicale hypertrophique. Les douleurs de la nuque se

rencontrent également dans l' hystérie et la neurasthénie.

Douleurs du tronc. Les plus fréquentes sont les névralgies

intercostales ou lombaires (Voir art. Névralgies). Les douleurs apo-

physaires spontanées ou à la pression se rencontrent dans les affections

dcs vertèbres et en particulier dans le mal de Poil. Ces douleurs, ordi-

nairemcut. localisées, sont un excellent signe de diagnostic et doivent

être recherchées avec soin dans tous les cas de paraplégie.

On donne le nom de rachialgie il la douleur diffuse de la région

rachidienne. En dehors des affections générales, que nous n'avons

pas il étudier ici, et clans lesquelles elle constitue un symptôme précieux

(rachialgie de la variole) indiquant une participation des méninges au

processus morbide, la rachialgie s'observe dans les affections aiguës et

chroniques de la moelle et de ses enveloppes. Elle est presque constante

dans les myélites aiguës, dans les méningites spinales aiguës (en par-

ticulier dans la méningite cérébro-spinale épidémique), dans les

'Hc/tf/(w/i7f.s' chroniques ; elle se rencontre souvent au cours de

la syphilis spinale; la rachialgie syphilitique présente les mêmes carac-

tères que la céphalalgie syphilitique, avec ses exacerbations nocturnes et

sa sensibilité à Faction du traitement spécifique. La rachialgie enfin est

1'réclttente dans l'hystérie et la neurasthénie (plaque lombaire).

I'naryu wnoi.. 24

i-fc [ROUSSY.]

570 SENSIBILITÉ.

Douleurs des membres. Au niveau des membres, les dou-

leurs sont reportées ordinairement par les malades dans la profondeur

des tissus. A part les douleurs névralgiques pures qui sont faciles à dia-

gnostiquer, les douleurs dans les membres doivent faire songer, en neuro-

pathologie, et après élimination de toutes causes locales, aux névrites,

aux affections des plexus et des racines, aux affections médullaires et

tout particulièrement au ta/;es (douleurs fulgurantes) et aux compres-

sions médullaires.

Douleurs des viscères (viscéralgies). Elles sont fré-

quentes dans les affections du système nerveux et s'observent : 1° dans

les maladies organiques (de la moelle en particulier) ; '2" dans les

névroses.

1° Dans les affections médullaires, on rencontre surtout les vis-

ceratgies dans le tabès. Le type le plus fréquent est la crise gastrique

(Voir art. Troubles nerveux de l'appareil digestif); mais on peut ob-

server également des crises de douleurs paroxystiques intestinales ou à

forme d'angine de poitrine. Les organes génito-urinaires peuvent être le

siège soit de douleurs permanentes, soit de crises douloureuses occu-

pant la vessie, le col, l'urètre, le testicule, l'ovaire, le clitoris. La crise

laryngée du tabès est peu douloureuse.

2° Dans les névroses, les douleurs viscérales permanentes ou sous

forme de crises sont communes dans le goitre exophtalmique (angine de

poitrine, crises gastriques), dans Y hystérie (vaginisme, )1("l'itonisme, etc.),

dans la neurasthénie et enfin dans l'épilepsie, on les viscéralgies consti-

tuent les auras sensitives.

II. DOULEURS GÉNÉRALISÉES

On observe des douleurs généralisées il tout le corps dans quelques

affections un peu particulières, telles que (akinésie algère et la maladie

de Dercum.

1,' akil1(;sie algère ou syndrome de Jlcrc·lrius est caractérisée, comme

son nom l'indique, par l'impossibilité (te faire aucun mouvement sans

douleur. Elle survient chez des individus de souche nevropathifmectdott

être considérée, non comme une maladie spéciale, mais comme une

manifestation des névroses fonctionnelles ou des psychonevroses; elle

peut être rangée dans le groupe des algies centrales (Dejerine).

Dans l'adipose douloureuse ou maladie de Dercum, la douleur est un

des symptômes primordiaux de l'affection. Tout d'abord localisée aux

membres, (die peut envahir tout le corps. Elle s'associe aux autres sym-

ptômes de l'aller lion : adipose, asthénie, troubles psychiques, qu'elle

précède souvent.

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE. 571 1

III. LES DOULEURS CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES

DOULEURS D'ORIGINE PÉRIPHÉRIQUE ET DOULEURS

D'ORIGINE CENTRALE

Il est assez fréquent chez les hémiplégiques d'observer des ptieno-

mènes douloureux du côté paralysé. Ces douleurs revêtent des modalités

variables suivant leur cause, leur moment d'apparition, leur caractère.

, Selon qu'elles précèdent ou qu'elles suivent l'hémiplégie, on les divise

en douleurs préhémiplégiques ou douleurs post-hémiplégiques.

Les doulellrs pl'élu ! l/lipléyiq/les (1\eir-\litcllell), comme leur nom l'in-

dique, surviennent avant l'attaque aplopeelique; elles sont rares (14 sur

120 cas, d'après 1"("1'( : ). Files précèdent donc les phénomènes paralytiques

et siègent au niveau des articulations, des muscles, des tendons et plus

rarement au niveau des nerfs.

Les douleurs post-hémiplégiques sont beaucoup plus fréquentes et

plus importantes à connaître pour le praticien, puisque, dans certains

cas, elles peuvent servir il orienter le diagnostic de localisation. En se

basant sur leur nature pathogénique et sur leurs caractères cliniques, on

peut les diviser en deux groupes distincts : 1° douleurs d'origine péri-

phé1'ique; 2" douleurs d'origine centrale.

1° Douleurs d'origine périphérique. Ce sont les plus an-

ciennement connues; elles siègent (huis les membres, avec une prédilec-

tion marquée pour les grosses articulai ions (épaule, coude, hanche,

genou) et leurs groupes musculaires respectifs. Elles ne sont pas conti-

nues habituellement, mais surviennent par crises provoquées par la

fatigue, par un traumatisme et surtout par les variations atmosphériques;

elles ont, en un mot, tous les caractères des douleurs rhumatismales.

Comme elles, elles sont susceptibles d'amélioration sous l'action des

antiphlogistiques internes ou externes; elles sont aussi exaspérées par

les mouvements, par la pression au niveau des articulations, et calmées

par le repos. On peut donc les comparer aux douleurs rhumatoïdes, sur-

venant dans les membres à la suite de fractures ou de luxation, et. les

ranger dans le même groupe nosoiogique. De tuone que pour les dou-

leurs rhumatismales post-traumatiques, il faut tenir compte, dans leur

genèse, de plusieurs facteurs, de l'intensité et de l'ancienneté de i'he-

mipiegie aussi bien que de l'âge el du tempérament arthritique du sujet.

2° Douleurs d'origine centrale. .Moins fréquentes que les

précédentes el. de notion moins courante, elles doivent pour celte rai-

son nous arrêter un instant. Il y a, en effet, grand intérêt pour le

médecin il savoir reconnaître ces douleurs dites « d'origine centrale »,

qui, jointes à d'autres symptômes, lui permettront de l'aire un diagnostic

de iocaiisation dans les lésions cérébrales en foyer. Files foui, en effet,

partie du syndrome thalamique de Dejerine et Roussy, du syndrome pro-

tuh0ralll.iel supérieur de Raymond et Cestan.

[ROUSSY.]

5 72 ` ? ' ' SENSIBILITÉ.

Caractères. Ces douleurs sont précoces dans leur apparition qui

remonte, soit à l'installation de l'hémiplégie, soit à quelques mois après ;

elles siègent non seulement clans les membres paralysés, mais aussi à la

face et sur le tronc. A la face, elles peuvent occuper le front, la joue, l'or-

bite avec sensation d'arrachement de l'oeil, le menton et l'oreille du côté

paralysé. Aux membres, elles ne se cantonnent pas particulièrement clans

les articulations, mais irradient dans toute la longueur des segments

des membres, aussi bien au niveau des doigts et des orteils qu'à leur

racine. On a de la peine à obtenir des malades une indication exacte sur

la localisation superficielle ou profonde de ces douleurs. La plupart

cependant insistent sur le fait qu'elles sont plutôt superficielles et affir-

ment que c'est la peau et les plans cellulo-graisseux sous-jacents qui

sont douloureux.

Quoi qu'il en soit, ces douleurs sont continues avec exacerbations pa-

roxystiques ; elles arrachent parfois des cris aux malades, les empê-

chent de dormir ou les réveillent brusquement; elles ont pu pousser

parfois le malade au suicide (Edinger). Elles s'accompagnent tantôt

d'anesthésie ou mieux d'hypoesthésie, tantôt d'hyperesthésie quelquefois

très intense. Le contact de la peau, la pression même légère provoquent

de vives douleurs. ^

Les malades comparent leurs douleurs à des brûlures superficielles ou

profondes, à des élancements, à des pressions violentes et douloureuses

qu on exercerait sous la peau, à des coups de poignard. Ces phénomènes

douloureux revêtent le caractère paroxystique et surviennent par crises;

dans l'intervalle il ne persiste que des troubles dysesthésiques : engour-

dissements et fourmillements dans les membres et même à la face.

Un dernier caractère important : ces algies ne cèdent à aucun traite-

ment analgésique externe ou interne; la morphine même ne parvient pas

à soulager les malades.

Les douleurs d'origine centrale, chez les hémiplégiques, diffèrent donc

des douleurs dites périphériques, par leur début précoce, leur siège,

leur intensité, leur évolution et leur résistance à tout traitement.

Causes. A l'aide de faits expérimentaux ou anatomo-cliniques, les

auteurs ont remarqué que les lésions de certains points de l'encéphale

déterminaient des phénomènes douloureux. C'est ainsi que Vulpian pla-

çait le siège central du sens de la douleur dans la protubérance annu-

laire. Nothnagel observe des douleurs dans les lésions du pont, Bechterew

au niveau du pli courbe. Goldscheider remarque que les lésions des gan-

glions centraux sont particulièrement douloureuses; lieiisclieil

Edinger, Dejerine et Roussy insistent sur les douleurs unilatérales dans

les lésions de la couche optique. De là le nom de douleurs d'origine cen-

trale proposé par Goldscheider.

Nous ne pouvons entrer ici dans la discussion de ces faits, ce qui nous

entraînerait trop loin. Qu'il nous suffise de rappeler que deux hypothèses

sont en présence, relativement à la cause intime des douleurs centrales :

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE. 575

4° les phénomènes douloureux sont l'effet de la destruction ou de l'irri-

tation des éléments cellulaires mêmes qui constituent l'organe lésé (noyaux

gris centraux, Goldschcider) ; 2" ils ne sont que le résultat de l'irri-

tation des fibres sensitives centrales sur un point quelconque de leur tra-

jet. De même qu'il existe des douleurs par excitation du neurone sensitif

périphérique, de même il en existe par excitation du neurone central.

Cette seconde hypothèse parait plus vraisemblable; ainsi que le prouvent

les douleurs signalées par Raymond et Cestan clans les lésions prolubc-

rantiellcs intéressant la voie sensitive, et celles notées par Mann dans les

foyers 1m11mir'es unilatéraux, douleurs qui se présentent avec des carac-

tères identiques Ù ceux observés par Dejerine et Roussy dans les lésions

thalallli(lues (1).

i IV. - ALGIES CENTRALES OU TOPOALGIES

IV. ALGIES CENTRALES OU TOPOALGIES

Caractères. Ce sont des douleurs qui sont localisées par les mala-

des, soit dans un viscère, soit en un point quelconque du corps; dou-

leurs tenaces, persistantes, qui ont pour caractère principal, primordial,

d'être indépendantes de toute altération périphérique appréciable, soit

des tissus, soit des nerfs (Dejerine).

Ces douleurs centrales sont l'apanage des névroses et des psychoné-

vroses ; on les rencontre surtout chez les neurasthéniques et les mélan-

coliques. On les appelle également topoalgies (I31occ1). Les causes patho-

géniques des algies centrales sont encore mal connues, elles relèvent du

domaine de la psychologie. On peut dire que « c'est une sensation fixe,

extériorisée, qui, dans un autre domaine, peut être opposée et comparée à

l'idée fixe. On pourrait même dire qu'il s'agit ici d'une maladie de

l'attention. » (Dejerine.) Les algies centrales revêtent certains caractères

qui permettent de les reconnaître, et dont le principal est de survenir

chez des névropathes, des neurasthéniques en particulier. Ces douleurs

sont plus apparentes que réelles, 'n'influencent pas les facultés cérébrales

et paraissent s'atténuer ou même disparaître, lorsqu'on parvient à

détourner l'attention des malades. Elles sont tantôt externes, tantôt

internes.

Externes. Elles siègent en un point quelconque du corps, à la face,

à la nuque, aux membres, au coccyx, sous la forme de zone douloureuse

limitée, ne répondant pas à un territoire nerveux ou radiculaire. Ces

douleurs sont continues ou intermittentes avec paroxysmes; exaspérées

par les mouvements, elles ne le sont pas par la pression des tissus su-

perficiels, des muscles ou des os. Les nerfs mêmes de la région ne sont

pas douloureux.

. Internes. Localisées au niveau des viscères, elles sont plus difficiles

il diagnostiquer. Elles peuvent siéger au niveau des organes génitaux de

1. liea. nrurol., n° J ? 190 ! 1.

[ROUSSY.]

574 SENSIBILITÉ.

la femme (ovaire, utérus) ou de l'homme (testicule, urètre membraneux),

de la vessie, de l'estomac, de l'intestin, du coeur, etc.

Séméiologie. L'importance de ces algies centrales en séméiologie

nerveuse est considérable et tout praticien doit aujourd'hui savoir les

reconnaître. Ainsi, il pourra les combattre en connaissance de cause par

le traitement moral, psychothérapique, et surtout il évitera de laisser

pratiquer des opérations chirurgicales, telles que l'ablation d'organes sup-

posés malades. Ces opérations n'ont pour effet que de créer des désordres

irréparables, sans même faire disparaître la douleur qui persiste au même

endroit ou se reporte sur un autre. organe.

C'est donc en procédant par élimination, en se basant sur les carac-

tères des algies centrales ci-dessus décrits, et surtout sur le fait qu'elles

surviennent chez un névropathe, qu'on arrivera à en faire le diagnostic.

Mais ici une cause d'erreur est possible : une lésion d'un organe quel-

conque peut créer un état neurasthénique. C'est alors à Panamnese et

aux cOITnnémol'3til's que l'on s'adressera pour savoir si c'est la lésion

organique ou la neurasthénie qui a débuté.

§ Il. DYSESTHÉSIES

On désigne habituellement., en France, sous le nom de dyseslhésics.

toutes les sensations subjectives anormales autres que la douleur;

certains auteurs, à l'exemple des Allemands, les appellent aussi « pares-

thésies ». Il s'établit de ce fait des confusions de mot avec les pares-

thésies, troubles de la sensibilité objective, dont il a été question plus

haut, page 287. Pour deux ordres de faits différents, il vaut mieux employer

des termes différents pour les désigner; aussi est-il préférable de réser-

ver la dénomination de paresthésies aux troubles de sensibilité d'ordre

objectif, et celle de dysesthesies à ceux de nature subjective.

Leur modalité. Ce sont des picotements, des fourmillements, des

engourdissements, des angoisses des membres, des sensations de chaud

ou de froid, de doigt mort, de bain ou de courant d'eau chaude ou d'eau

froide, de courant électrique. Ces dysesthésies peuvent exister seules ou

s'accompagner de douleurs et de troubles objectifs de la sensibilité.

Leur siège. Files sont tantôt localisées en un point, en placards,

tantôt diffuses, et siègent au niveau du tronc, de la tête et des membres,

surtout à leurs extrémités. .

Séméiologie. Si les dyscsthesies s'associent habituellement aux

autres troubles sensitifs (douleurs, anesthesies, paresthésies), elles peu-

vent quelquefois exister seules, connue premier symptôme d'une affec-

tion. Elles acquièrent alors ;une certaine importance séméiologique et

concourent à orienter dans une direction déterminée les investigations

cliniques.

Nous ne faisons ([ne signaler ici, pour les éliminer, les dysesthésies

par troubles circulatoires d'ordre local ou général : dyseslhésics des

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE..575

membres dans la gangrène vasculaire, la. gangrène sénile, les infections,

les intoxications générales (alcoolisme, saturnisme), les auto-intoxications

(.doigt'mort dans l'urémie)'. Ces dysesthésies sont du domaine de la patho-

logie générale; nous n'y insistons pas.

Celles que nous allons décrire relèvent de la neuropathologie et doivent

nous arrêter plus longuement..

1° Dans les affections des extrémités, comme l'acroparesthésie,

l'érytliromélalgie, la maladie de Raynaud, les dysesthésies prennent une

place importante dans le tableau clinique; elles sont ordinairement le

[ROUSSY.]

fit.47.

. Fig. '48. ,

Fifr. 47 et 48. Acroparestliésie. Hypoesthésie tactile, douloureuse et thermique des deux

mains, avec phénomènes dysesthésiques très marqués. Tas de troubles de la sensibilité pro-

fonde. (Cas lioac..., Bicêtre, 1901.) '

570 SENSIBILITÉ. , .

premier symptôme en date.. Dans la suite, elles s'associent aux douleurs

et aux autres symptômes objectifs ou subjectifs de la maladie.

Dans l'ac1'oparesthésie, les dysesthésies constituent le principal sym-

ptôme de l'affection. Les fourmillements; les engourdissements et les pico-

tements surviennent par crises périodiques, habituellement nocturnes;

ils occupent les doigts ou les deux mains le plus souvent, plus rarement

les pieds ou la pointe de la langue. Cette affection se rencontre surtout

chez les femmes. Aux dysesthésies, se joignent des phénomènes doulou-

reux et des troubles de la sensibilité objective (hypoesthésie), qui revêtent

une topographie nettement radiculaire (Dejerine et Egger, Thrombert).

Les troubles subjectifs que nous avons signalés peuvent également

prendre la même distribution en bandes longitudinales le long du bras;

on les observe souvent le long du bord cubital.

Dans l'értlaronzélalgie ( u6od5, rouge ; p.na ? membre ; è1.À')'o ?

douleur), les dysesthésies consistent en une sensation de brûlure, le

malade ayant ainsi la sensation d'avoir le pied dans de l'eau bouillante.

Souvent la douleur est extrêmement violente, elle est exaspérée par la

marche et la station debout. En effet, les phénomènes dysesthésiques,

comme les autres symptômes de l'érythromélalgie : rougeur, gonflement,

chaleur et hyperidrose, siègent le plus souvent aux membres inférieurs,

aux orteils, aux pieds. Ils peuvent, mais plus rarement, se présenter aux-

mains, à la face; habituellement symétriques et bilatéraux, ils sont quel-

quefois unilatéraux. Tous ces troubles surviennent par crises qui appa-

raissent ordinairement le soir après la fatigue.

Dans l'asphyxie locale des extrémités (maladie de Raynaud), les

dysesthésies représentent à elles seules les signes subjectifs de la période

d'invasion ou de syncope locale. Ce sont des sensations d'engourdisse-

ment, d'onglée, de doigt mort survenant par crises, sous l'influence du

froid et siégeant soit aux pieds, soit aux mains, plus rarement au nez ou

au lobule de l'oreille. Aux dysesthésies se joignent la pâleur, l'anesthésie

et l'analgésie des téguments. Dans les stades suivants de la maladie,

stades d'asphyxie locale, stades de gangrène, les sensations subjectives

s'exaspèrent; de véritables douleurs intolérables apparaissent, en môme

temps que la teinte cyanotique de la peau, les phlyctènes, le parchemine-

ment et les escarres. ,

2° Dans les affections des nerfs) les phénomènes dysesthésiques sont

' réalisés expérimentalement par la compression violente d'un tronc nerveux

(cubital dans la gouttière épitrochléènne), compression qui détermine de

l'engourdissement et des fourmillements dans la sphère de distribution

de ce nerf. En pathologie, les dysesthésies sont fréquentes dans les affec-

tions des nerfs périphériques : dans les névrites traumatiques , infec-

tieuses ou toxiques; dans les névralgies. Elles font partie du tableau

clinique de l'affection dite méralgie paresthésique (Roth) ou paresthésie

du nerf fémoral cutané externe (Bçrnbardt), dans laquelle les engour-

dissements, les picotements, les douleurs et les troubles sensitifs objec-

. TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE. 577

tifs répondent, au niveau de la cuisse, à la zone d'innervation cutanée

du nerf fémoro-cutané. ....

5" Dans les affections de la moelle, surtout à la période prodromique,

les sensations dysesthésiques sont fréquentes. Tout d'abord intermit-

tentes', survenant par crises, il la suite d'une fatigue, elles deviennent

ensuite continues et finissent par se perdre dans le complexus sympto-

matique de la maladie. C'est donc surtout à cette période d'invasion

qu'elles peuvent servir dans la recherche diagnostique. On les observe

clans toutes les affections de la moelle et des méninges : méningite,

compression médullaire, tabès, etc.... -

Mais c'est principalement au début des affections spinales par trouble

circulatoire, par artérite subaiguë ou chronique (ordinairement syphili-

tique) que les dysesthésies revêtent certains caractères qui méritent de '

nous arrêter un instant. Nous voulons parler des dysesthésies de la pé-

riode tout à fait initiale de la syphilis médullaire, et faisant partie du

syndrome de claudication intermittente' de la moelle épinière (de Deje-

rine) ('). Ce syndrome est essentiellement caractérisé par ce fait/que les

troubles de la marche, la lourdeur, la faiblesse des. membres et les sen-

sations anormales subjectives, ne surviennent qu'après la fatigue de la

marche. Ils apparaissent après un temps de marche variable suivant

l'ancienneté de l'affection, temps de plus en plns court à mesure que la

maladie fait des progrès ; ils disparaissent complètement après un repos

de quelques minutes. Ce sont les signes avant-coureurs d'une paralysie

définitivement constituée et survenant dans la suite, si l'on n'est pas

intervenu à temps. L'apparition de la faiblesse, dit Dejerine, est annoncée

au malade par des sensations anormales, des dysesthésies, dans le ou

les membres qui vont bientôt se paralyser. Il ne s'agit guère ici de

douleur intense, de douleur véritable au sens propre du mot, mais plutôt,

d'une sensation de chaud ou de froid. L'intensité de ces sensations aug-

mente à mesure que la paralysie se développe, et, comme cette dernière,

elle disparaît complètement après quelques instants de repos. Ces phéno-

mènes sont évidemment dus à l'insuffisance de l'irrigation d'une région

de la moelle, insuffisance qui devient apparente dès que la moelle est

appelée à fournir un travail quelque peu prolongé.

4° Dans les affections du cerveau, comme du côté de la moelle, les

dysesthésies peuvent faire partie de la symptomatologie des affections

constituées du cerveau (lésions cérébrales en foyer, hémorragies, ramol-

lissement, tumeurs, méningites) ; elles acquièrent plus d'importance

séméiologique dans la période initiale des affections dues - aux troubles

de la circulation artérielle par athérome ou syphilis. On peut observer ici,

dans un membre, ou sur tout le côté du corps, des fourmillements, des

engourdissements précédant de plusieurs jours l'hémiplégie. Dans cer-

tains cas, les dysesthésies s'associent à des troubles intellectuels passa-

z1. Revue neurologique, n° 8, 1906.

[ROUSSY.]

''578 " "\.. , ; - SENSIBILITÉ.. ' -. ; -\ -" ? ? z

gers, intermittents (amnésie, fatigue intellectuelle, aphasie), qui. survien-

nent à la suite de fatigue et disparaissent par le repos : véritable claudi-

cation intermittente du cerveau (Grasset) ().

5° Dans lès névroses et les psychoses. Les dysesthésies sont égale-

ment des sensations subjectives qu'on observe dans les névroses. Dans

l'hystérie, elles apparaissent soit comme phénomène durable, soit comme

signe passager dans la période prodromique des crises convulsives. Dans

Vépilepsie essentielle ou symplomatique, les fourmillements et les

engourdissements font partie du cortège des symptômes de l'aura

sensitive. Enfin, on les observe fréquemment en médecine mentale,

dans les hallucinations et les illusions, principalement dans la, folie de

persécution.

III. - BESOINS, SENSATIONS INTERNES, CÉNESTHÉSIE

Il existe tout un groupe de sensations subjectives qui sont à la base de

notre vie mentale : .ce sont les sensations dites internes, partant des

organes internes, et dont relèvent les besoins organiques et le sens inté-

rieur, sens de l'existence ou cénesthésie.. -

Les modifications de ces sensations internes peuvent se rencontrer au

cours de certaines affections du système nerveux, liées ou non à des

altérations de la sensibilité objective profonde (sens musculaire, sensibi-

lité viscérale), comme dans le tabes ou dans les névroses ou psychoné-

vroses. Mais c'est surtout'dans les maladies mentales qu'elles acquièrent,

une réelle importance.

Les besoins organiques, d'après Beaunis,. peuvent être divisés en :

besoins d'activité (activité musculaire, psychique et sensorielle); besoins

de nutrition (faim, soif, miction, défécation) ; besoin de respiration ;

besoin sexuel ; besoins instructif et acquis, et enfin besoins d'inaction

(sommeil et repos).

Chacun d'eux peut être diminué ou exalté au cours des maladies ner-

veuses. C'est ainsi que, dans le tabes, le besoin de la miction, le besoin

sexuel sont très fréquemment touchés (voir Troubles génito-urinaires).

Mais c'est surtout dans les névroses (hystérie et neurasthénie) et dans

les psychoses (manie, mélancolie, etc.) que l'on observe des modifications

fréquentes de la sensation de besoin organique.. En. plus des altérations

du besoin de la, miction, du besoin sexuel, qui peuvent s'observer égaler

ment ici, on note des modifications de la sensation de la faim qui est tan-

tôt diminuée, tantôt abolie (anorexie mentale) ou exaltée (boulimie);

de la sensation de soif qui est abolie (adipsie) ou augmentée (poly-.

dipsie).

. Les sensations internes ou la sensibilité organique comprennent

1. Revue neurologique, n° 10, 1906.

THOUIILES DE LA SENSIBILITÉ SUBJECTIVE. 57 £ 1

toutes les sensations internes qui -parlent des organes et transmettent au

cerveau l'impression produite par leur activité fonctionnelle, leurs besoins,

leur condition de santé ou de maladie. C'est de ce complexus d'impres-

sions transmises de tous les points du corps au « sensorium » que

résulte le sentiment que nous avons de l'existence de notre corps et des

différentes parties qui le composent (cénesthésie).

La sensibilité organique qui, a l'état normal, ne donne que des sensa-

tions rudimentaires, subconscientes, peut à l'état pathologique s'exalter,

disparaître ou se pervertir. Les malades ne sentent plus fonctionner leurs

organes ou au contraire en perçoivent trop vivement le fonctionnement;

ou bien encore ils éprouvent des sensations étranges, celles d'animaux

qui remuent dans leurs viscères. Toutes ces modifications de la sensi-

bilité organique sont, du ressort de la psychiatrie.

Les altérations profondes du sens céneslhésique ne se voient guère

(lue dans les maladies mentales; mais ce sens peut être partiellement

troublé dans l'hystérie et dans les affections organiques du système ner-

veux s'accompagnant de troubles marqués des sensibilités subjectives

superficielles et profondes. Dans le tabès, par exemple, le malade perd

parfois la notion de l'existence de ses jambes.

Chez l'aliéné, la recherche des perturbations du sens cénesthésique

est de la plus haute importance, mais elle est souvent fort difficile 1)1.a-

tiquer.

La valeur séméiologique des troubles des besoins naturels et des sen-

sations internes organiques n'est pas marquée dans les affections orga-

niques du système nerveux ; elle devient plus considérable dans les

névroses (hystérie, neurasthénie), et acquiert toute son importance dans

les psychoses.

[ROUSSY.]

NÉVRALGIES ET ALGIES

par Georges GUILLAIN

Les névralgies ne constituent pas des maladies; ce sont des syndromes

cliniques caractérisés par des douleurs continues et paroxystiques sié-

geant sur le trajet des nerfs sensitifs. A ces douleurs se surajoulcnt,des

troubles vaso-moteurs, sécrétoires, trophiques. ,

J'élimine des névralgies proprement dites les affections douloureuses

des nerfs de la vie organique (l'hl'patalgie, la nephralgie, la gastralgie,

l'entéralgie, l'ovaralgie, etc.). L'étude de ces affections appartient en

réalité il la pathologie viscérale. ,

Les névralgies sont très fréquentes; leurs causes sont multiples.

L'adultération nerveuse peut siéger soit sur les rameaux périphériques,

soit sur le tronc du nerf, soit sur les racines, soit peut-être aussi sur les

noyaux d'origine au niveau des centres.

Les plaies des nerfs sensitifs ou des nerfs mixtes sont des causes de

névralgie, la simple piqûre d'un nerf amène parfois des névralgies du-

rant très longtemps. Les douleurs, en cas de plaie des nerfs, sont accom-

pagnées de troubles objectifs de la sensibilité et de troubles trophiques

(causalgie de 1'cir-Iitchcll).

La compression des nerfs par des tumeurs, des anévrismes, des cals

vicieux, des exsudais, les tumeurs des nerfs, les névromes sont des

causes de névralgie. D'après Ilcnle, des veines variqueuses dilatées pour-

raient comprimer des rameaux nerveux et des racines rachidiennes au

niveau des trous de la base du crâne ou des trous de conjugaison du

rachis et amener ainsi des névralgies du trijumeau ou des névralgies

intercostales.

La congestion simple des nerfs peut déterminer une névralgie; Cubler

a insisté sur les névralgies congestives des cuisinières et des chauffeurs.

Ailleurs, c'est l'anémie qui parait agir : névralgies des chlorotiques, né-

vralgies des individus ayant eu une hémorragie, névralgies des couvaics-

cents, névralgies des leucémiques, etc. Il est impossible, d'ailleurs,

d'affirmer si dans ces cas l'anémie seule est en cause.

Beaucoup de névralgies paraissent dépendre d'un refroidissement. Le

mécanisme de l'action du froid dans la genèse des névralgies est ddh-

cile Ù préciser, mais son rôle parait évident. Peut-être le froid crec-t-d

NÉVRALGIES ET ALGIES. 31

une névrite, favorise-t-il la localisation sur un nerf d'une infection ou

d'une intoxication.

Le syndrome névralgie est très souvent déterminé par une névrite.

C'est à tort, me semble-t-il, qu'on a voulu opposer d'une façon radicale

la névralgie et la névrite. Il n'y a entre ces deux troubles morbides

qu'une différence de degré.

Des névralgies se constatent au début des fièvres éruptives, au début

et dans le cours de la fièvre typhoïde, dans la grippe, la blennorragie,

la tuberculose, etc.

Chez les syphilitiques on observe des névralgies précoces et des névral-

gies tardives. Les névralgies précoces, contemporaines des accidents

secondaires, atteignent avec élection le trijumeau, le sciatique, les nerfs

intercostaux, elles sont sans doute sous l'action directe du tréponème

pâle ou de ses toxines. Les névralgies tardives de la période tertiaire

sont des névralgies créées par des périostoses du voisinage, par des com-

pressions scléreuses ou gommeuses.

Les névralgies sont fréquentes dans le paludisme, spécialement dans

le paludisme chronique. Parfois elles peuvent être l'unique manifesta-

tion du paludisme, réalisant ainsi une forme larvée névralgique. Les

névralgies paludéennes ont souvent le caractère de l'intermittence, mais

ce caractère n'a pas une valeur pathognomonique, car beaucoup de né-

vralgies ducs à d'autres causes sont intermittentes.

Les névralgies sont fréquentes chez les goutteux, les diabétiques, les

rhumatisants chroniques. Dans certains cas, elles dépendent d'intoxica-

tions comme luuoxicatioumercuricllc ou l'intoxication par le tabac.

On a désigné sous le nom de névralgies réflexes des névralgies dont le

point de départ serait dans un territoire éloigné du nerf malade.

Je n'ai pas épuisé, dans les quelques lignes précédentes, l'énuméra-

tion de toutes les causes susceptibles de créer des névralgies. Il n'est

pas de maladies infectieuses, d'intoxications, d'auto-intoxications qui

ne puissent avoir sur les nerfs une action susceptible de se traduire en

clinique par le syndrome névralgie.

- le donnerai plus loin quelques tableaux cliniques schématiques des

névralgies les plus fréquemment observées, mais auparavant je crois

utile de rappeler la séméiotique générale du syndrome névralgie.

La névralgie est parfois précédée de prodromes tels que fourmillements,

picotements, élancements dans la région qui sera le siège des douleurs.

Celles-ci, très vives et très intenses, sont souvent la première manifes-

tation de l'affection. Ces accès douloureux se traduisent par des sensa-

tions de brûlures, d'arrachement. Parfois les douleurs sont continues,

parfois le malade ressent une série d'élancements survenant à des inter-

valles très courts, mais toutefois appréciables. La violence des douleurs

varie chez les différents malades, parfois elles sont telles qu'elles arra-

chent des cris. Les douleurs suivent le trajet d'un nerf et de ses bran-

ches, elles dessinent son territoire anatomique, elles sont augmentées

[GUILLAIN.]

582 NÉVRALGIES ET ALGIES.

par le moindre mouvement et souvent diminuées par une compression

énergique des régions atteintes. Les douleurs névralgiques irradient

parfois à des nerfs voisins et même à des nerfs plus ou moins éloignés ;

ces douleurs irradiées sont moins intenses que les douleurs primitives.

Les crises douloureuses sont souvent accompagnées de troubles vaso-

moteurs et sécrétoircs. Au début des accès on observe parfois de la pâleur

des téguments à laquelle succède de la cyanose. La température locale est,

dans certains cas, augmentée. a a attiré l'attention sur ce fait que le

pouls, dans les névralgies, est souvent ralenti. Les sécrétions glandulaires

sont fréquemment augmentées au cours des paroxysmes douloureux, ainsi *

l'on observe le larmoiement et la salivation dans la névralgie faciale, l'exa-

gération de la sécrétion lactée dans la mastodynie. A la fin des accès

névralgiques existent souvent des sueurs et de la polyurie.

Au cours des crises névralgiques, on constate parfois des tremblements

tibrillaires, des secousses musculaires. .

La durée des accès douloureux varie d'un quart d'heure à une demi-

heure, une heure. La douleur disparaît alors et le malade a une exquise

sensation de bien-être. Le retour des accès se produit soit spontanément,

soit consécutivement à un mouvement, à une irritation cutanée. Il est ex-

ceptionnel que dans l'intervalle des accès ne persiste pas une vague sen-

sation d'endolorissement. .

Durant les accès douloureux de la névralgie, on constate que la pres-

sion, sur certains points du trajet du nerf, détermine une très vive dou-

leur. Ces points névralgiques, points douloureux de Valleix, forment de

petites surfaces de deux centimètres carrés; ils ont certains sièges de

prédilection tels que le lieu où un tronc nerveux émerge d'un canal os-

seux, le lieu où un filet nerveux traverse un muscle ou une aponévrose

pour se rapprocher de la peau, le lieu où un nerf devient très superficiel

et repose sur un plan résistant contre lequel il peut être facilement com-

primé, le point où un nerf se divise et abandonne un ou plusieurs ra-

meaux, le point où les rameaux terminaux d'un nerf viennent s'épuiser

dans la peau. Trousseau a ajouté aux points douloureux de Valleix un

point douloureux apophysaire qui siège au niveau de l'apophyse épineuse

de la vertèbre au-dessous de laquelle sort le nerf atteint de névralgie.

Les nombreux points douloureux signalés par Yallcix sont intéressants

à connaître, mais on ne les rencontre pas constamment, et il me semble

que leur description répond plus souvent à un schéma anatomique qu'à 1

une réalité clinique.

Les troubles de la sensibilité objective, observés dans les névralgies,

sont très variables : paresthésies, anesthésies, hypoesthésies, hyperes-

thésies. D'après Notlmagel, on observerait, dans les névralgies récentes ne

remontant pas il plus de douze mois, de ],hYP('J'('slh('sie et, dans les névral-

gies anciennes, de l'anesthésie. En réalité, je crois que les troubles de la

sensibilité dépendent surtout de la cause des névralgies; il est évident

que si, par un processus morbide, un nerf est presque totalement détruit,

NÉVRALGIES ET ALGIES. ' 385

l'anesthésie en sera la conséquence, tandis que tel autre nerf, irrité

durant très longtemps par un agent de compression, pourra traduire

cette irritation par de l'hyperesthésie persistante. Dans certaines névral-

cries on observe une anesthésie absolue au tact, à la douleur, à la tem-

pérature, bien que les douleurs spontanées soient très vives, c'est

l'anesthésie dite douloureuse.

Les troubles trophiques accompagnant les douleurs névralgiques sont

très fréquents et très variés : changement de coloration et chute des

poils, atrophie ou hypertrophie de la couche graisseuse sous-cutanée,

oedèmes, érythèmes, urticaire, zona, etc....

Dans les cas de névralgies persistantes et très douloureuses surviennent

des troubles psychiques, de l'irritabilité, de l'insomnie, de l'asthénie;

on a vu des malades se suicider pour mettre un terme à leurs atroces

souffrances. Dans d'autres cas, les sujets maigrissent, s'anémient, et

l'on pourrait même décrire une véritable cachexie névralgique.

La marche et l'évolution des névralgies ne peuvent être schématisées, elles

dépendent de chaque cas individuellement considéré. Il est des névralgies

que l'on pourrait appeler envahissantes, dans lesquelles tous les rameaux

d'un nerf sont successivement pris, et, quand un nerf dépend d'un plexus,

toutes les branches de ce plexus sont successivement atteintes.

Tantôt les névralgies guérissent en quelques jours ou en quelques se-

maines, tantôt elles passent à l'état chronique, durent des mois et des

rnées. Les récidives sont fréquentes.

Le diagnostic des névralgies est en général facile. Je ne puis ici

passer en revue toutes les affections douloureuses qu'il ne faudra pas con-

fondre avec elles : les myalgies, le rhumatisme musculaire, les arthropa-

thics, les ostéites, les douleurs osléocopes de la syphilis, etc....

Les neurasthéniques, les psychasthéniques accusent parfois des dou-

leurs localisées à la tète, au cou, à la colonne vertébrale, aux membres,

au coccyx; ces douleurs sont persistantes, très tenaces, elles ne semblent

pas augmentées par la pression, ne correspondent à aucun territoire

nerveux précis, ni à aucune lésion locale. Telles sont les algies centrales,

les topoalgies. Ces douleurs, que le malade dépeint avec un grand luxe

d'images et une phraséologie abondante, n'amènent pas les mêmes réac-

tions et les mêmes troubles que les douleurs réelles; elles ont une allure

toute spéciale qui les fait souvent reconnaître et nécessitent un trai-

tement psychique. Quand ces algies centrales se localisent à un viscère

(estomac, coeur, reins, vessie, ovaires, etc.), elles sont parfois la cause

d'erreurs graves de diagnostic et peuvent conduire à des interventions

chirurgicales qui ne sont nullement, utiles.

On peut rapprocher des malades atteints de topoal¡.6e ces sujets, dont

parle Brissaud, qui souffrent d'une douleur dont la nature, l'intensité, le

siège même n'ont, qu'une importance secondaire, alors que son caractère

essentiel est de revenir, soit il date fixe, à jour fixe, à heure fixe, soit à

un moment quelconque, mais alors, sous l'influence apparente d'une

[GUILLAIN]

584 NÉVRALGIES ET ALGIES.

circonstance invariable et cependant manifestement insignifiante. Dans

ce cas la douleur semble n'obéir qu'à une loi, celle de l'habitude. Il y a

possibilité d'une véritable obsession hallucinatoire douloureuse chez des

sujets à cela près complètement indemnes. Du fait qu'il s'agit d'un phé-

nomène objectif échappant à tout contrôle, les médecins, fait remarquer

Brissaud, sont enclins à incriminer l'habitude de se plaindre plutôt que

celle de souffrir. Presque tous les malades atteints de douleur d'habitude

attribuent à leurs crises telle ou telle origine organique (hépatique, gastro-

intestinale, utérine) et épuisent en vain les ressources de la thérapeuti-

que médicamenteuse; seule la psychothérapie peut agir, car les douleurs

d'habitude relèvent de la pathologie mentale.

Vakinesia n/</c ? Y/, affection décrite par Mobius, se caractérise par des

douleurs se produisant à l'occasion des mouvements volontaires en l'ab-

sence de toute lésion locale, elle semble dépendre de troubles psychiques.

C'est une variété d'algie centrale observée chez des sujets hystériques ou

neurasthéniques. Dans certains cas accentués les malades atteints d'aki-

nesia algera sont incapables de faire aucun mouvement. Les douleurs parfois

même se montrent à l'occasion de la mastication, d'où l'inanition possible.

Le diagnostic du siège des excitations algésiogènes est important,

surtout quand il s'agit de déterminer si une intervention chirurgicale

sera ou non utile. °

Les névralgies reconnaissent parfois pour cause une lésion des racines

rachidiennes. et ses élèves ont fort bien étudié les diverses

modalités des radiculalgics et des radiculiles. Paul Camus (Thèse de

Paris 1908) a consacré à ce sujet un travail très intéressant. Les radi-

culalbies se traduisent par des douleurs, ayant fréquemment le caractère

fulgurant et térébrant, survenant par crises variables d'intensité. Les

douleurs se font sentir dans la profondeur du membre plutôt que sur le

trajet des nerfs périphériques; les troncs nerveux d'ailleurs sont moins

douloureux à la pression que dans les névralgies. Les douleurs sont

réveillées souvent par la toux, 1 etcrnuemcnt (Dejerine, Leenhardt et

Norero). Les troubles de la sensibilité (hyperesthesics, anesthésies) pré-

sentent la topographie en bande de la distribution des racines posté-

rieures. Parfois aux troubles sensitifs s'ajoutent des (roubles moteurs il

topographie radiculaire. La leucocytose du liquide céphalo-rachidien est

un symptôme souvent constaté dans les radiculites. Les radiculalgies et

les radiculites peuvent se rencontrer aux différents étages de la moelle

cervicale, dorsale, lombaire et sacrée.

Pitres, pour déterminer le siège des excitations algésiogènes, conseille

de comparer les effets des injections de cocaïne pratiquées pendant les

paroxysmes douloureux, soit sous la peau de la région endolorie, soit le

long du trajet des troncs nerveux qui s'y rendent, soit dans la cavité

arachnoïdienne. Les injections de cocaïne équivalent physiologiquement

à la section temporaire des conducteurs centripètes au point où elles sont

appliquées; si, dans le cours d'un paroxysme névralgique, on pratique

NÉVRALGIES ET ALGIES. 585

une injection de cocaïne au-dessus du point d'où partent les excitations

algésiogènes, on arrêtera brusquement la production des douleurs.

Quand on est en présence d'une névralgie d'origine extra-fasciculaire,

c'cst-a-clirc provenant d'une irritation des extrémités terminales des nerfs

de la région endolorie, la douleur se calme aussitôt après l'injection de

cocaïne loco dolenli. Ainsi les névralgies des membres provoquées par des

ncvromes douloureux, les tics douloureux de la face dépendant de lésions

alvéolaires sont rapidement apaisés par les injections ancstbesiantes faites

au voisinage immédiat du névrome ou sous la gencive qui recouvre le

rebord alvéolaire altéré; cet apaisement de la douleur justifie les opéra-

tions tendant à guérir le mal en attaquant directement la cause.

Les douleurs névralgiques d'origine fasciculaire, c'est-à-dire celles qui

résultent de l'irritation des troncs nerveux périphériques soit par des

varices des vasa nervorum, soit par des altérations névritiques, ne sont

pas influencées par les injections sous-cutanées; elles se calment si l'in-

jection est poussée au voisinage du tronc nerveux au-dessus du point où

siègent les excitations algésiogènes. Si, dans ces névralgies, la névro-

tomie est conseillée, à cause de la violence ou de la ténacité des douleurs,

la section nerveuse devra être faite à la hauteur où l'injection de cocaïne

a amené la sédation des douleurs.

Les névralgies d'origine radicule-médullaire, telles que celles des tabé-

tiques, ne sont pas calmées par les injections de cocaïne pratiquées sous

la peau ou le long du trajet des troncs nerveux; mais, quand elles siègent

dans la moitié inférieure du corps, elles sont suspendues par les injec-

tions intra-arachnoïdiennes de cocaïne.

Dans les cas de névralgies réflexes (telle la névralgie faciale provoquée

par une lésion irritative du naso-pharynx, telles les névralgies lombaires

ou sacrées causées par une uretrite, une cystite, etc.), les injections de

cocaïne pratiquées loco dolent ou sur le trajet des nerfs qui s'y distri-

huent n'apaisent pas la douleur, mais elles la calment très rapidement si

elles sont faites dans la région où se trouve le foyer d'irritation qui, par

voie réflexe, entretient la névralgie, bien que cette région ne soit pas ou

soit à peine douloureuse. Ainsi, pour prendre les exemples de Pitres, les

névralgies faciales causées par les végétations adénoïdes du naso-pharynx

sont calmées par les badigeonnages de ces végétations avec une solution

de cocaïne à 10 pour 100; les crises douloureuses iléo-alolominules ou

sacrées peuvent être calmées par la cocaïnisation des muqueuses de

1 urètre, de la vessie, de l'anus, du rectum.

Les topoalgies hystériques et neurasthéniques sont différemment in-

llacncucs par les injections de cocaïne. Tantôt la douleur n'est nullement

modifiée, tantôt elle est diminuée momentanément, tantôt elle disparait

radicalement, sans doute par suggestion. Pitres a observé des cas de sacro-

dynie, de talalgie, de visceralgies diverses qui ont disparu à la suite d'une

ou de deux injections de cocaïne dans le canal rachidien ou le long des

nerfs de la région endolorie.

Pratique seuhol. 25

[GUILLAIN.]

5(j .NÉVRALGIES ET ALGIES.

NOSOQRAPHIE SCHÉMATIQUE

DES PRINCIPALES NÉVRALGIES OBSERVÉES EN CLINIQUE

NÉVRALGIE DU TRIJUMEAU

La névralgie du trijumeau, prosopalgie, est une des plus fréquentes

parmi les névralgies. Elle reconnaît des causes multiples : affections

dentaires, affections du nez et des sinus de la face, affections de l'oeil

(herpès de la conjonctive, ulcère de la cornée, glaucome), tumeurs du

maxillaire, tumeurs de la hase du crâne, méningites chroniques de la

base, anévrismes, ostéites crâniennes, névrites infectieuses ou toxiques,

talws.

La névralgie du trijumeau se caractérise par des douleurs continues

accompagnées d'accès paroxystiques. Les accès sont très pénibles, don-

nent la sensation de coups de couteau, de décharges électriques dans la

face; les malades à ce moment compriment et frottent avec énergie le

côté affecté ; ces accès durent de quelques minutes il un quart d'heure et

parfois davantage; certains malades en ont compté plus de 100 dans les

vingt-quatre heures. Les mouvements de la phonation et de la déglutition

suffisent souvent pour ramener les accès, aussi les malades évitent de

parler et de manger. La douleur irradie fréquemment vers la région cer-

vicale postérieure, le domaine du plexus brachial. Durant l'accès on trouve

des points douloureux au niveau du trou moutonnier, du trou sous-

orbitaire et du trou sus-orhitiurc. Le point apophysaire de Trousseau a

pour siège la tuherosite occipitale externe et les '2'' et 5'' apophyses épi-

neuses. Entre les accès les téguments de la face sont hypercsthesies.

Des troubles moteurs sont observés (htepharospasme, mouvements

des commissures des lèvres, secousses des muscles de la face). Il esta il

remarquer que les muscles masticateurs ne sont pas le siège de contractions.

Au cours des accès on constate des troubles vaso-moteurs : pâleur ou

congestion de la face, aspect luisant de la peau, hyperemie des muqueuses

conjonclivale, pituitaire et buccale. Des troubles secretoires existent :

hypersécrétion de larmes irritantes, ptyalisme, augmentation de la sécré-

tion nasale, epbidrose unilatérale. Parfois, dans les névralgies faciales

chroniques, on observe de la surdité; pour certains auteurs elle serait

occasionnée par une hypersécrétion du liquide labyrilllhillue (glaucome

auriculaire ou surdité névralgique de Celle).

Les troubles Irophiques appartiennent aux névralgies faciales graves :

chute des cheveux, des sourcils, de la barbe, canitie, hypertrophie ou

atrophie de la peau de la face, augmentation du tissu graisseux sous-

cutané, hypertrophie osseuse, etc. Rappelons aussi parmi les (roubles

trophiques les éruptions de zona qui, dans la forme ophtalmique en par-

ticulier, peuvent avoir des conséquences graves. ,

.NÉVRALGIE DU TRIJUMEAU. 587

La névralgie faciale est extrêmement douloureuse, empêche.le som-

meil, l'alimentation. Beaucoup de malades se cachectisent, certains

d'entre eux deviennent hypocondriaques et sont amenés au suicide.

La névralgie faciale est presque toujours unilatérale. Elle peut être

totale ou partielle; dans ce dernier cas une seule des trois branches ou

même quelques filets isolés du nerf sont atteints.

La névralgie de la branche ophtallllique se traduit par des douleurs

des téguments de la partie antérieure du cuir chevelu, du front, de la

paupière supérieure;, de la racine et du lobule du nez, par des douleurs

dans le sinus frontal, la partie antérieure des fosses nasales. 11 existe des

points douloureux : le point sus-orbitaire là où le nerf frontal externe

sort de l'orbite, le point palpébral au niveau de l'émergence du nerf

lacrymal à la partie externe de la paupière, le point nasal au-dessous de

l'angle interne de l'oeil au niveau où la branche externe du nerf nasal sort

de l'orbite, le puint naso-lobai1'e qui correspond a l'épanouissement d'un

filet du rameau éthmoïdal dans le lobule du nez.

La névralgie localisée au nerf sus-orbitaire est relativement fréquente

chez les paludéens, elle se traduit par des douleurs au niveau du front,

de la paupière supérieure, de la racine du nez. La névralgie des nerfs

ciliaires se caractérise par de la photophobie, du larmoiement, du

blépharospastuc.

La névralgie du nerf maxillaire supérieur a, pour expression sytnp-

tomaticlnc, des douleurs au niveau de la paupière inférieure, des parties

latérales du nez, de la région malaire, de la région temporale antérieure,

de la face cutanée et muqueuse de la joue, des dénis supérieures. Les

points douloureux principaux de cette névralgie sont : le point sous-

ol'bitaire au niveau de l'émergence du nerf sous-orbitaire, le point

malaire sur la pommette, au niveau où le filet tcmporo-malaire du nerf

orbitaire traverse l'os malaire, les points dentaires.

La névralgie du, nerf maxillaire inférieur se caractérise par des dou-

leurs au niveau de la lèvre inférieures du menton, de la région posté-

rieure de la joue, de la région temporale, de la partie antérieure du

pavillon de l'oreille, du conduit auditif externe, de la langue, des dents

inférieures, de la muqueuse de la joue et du plancher de la bouche. Les

points douloureux principaux sont le point 1/U'lIto/llzier au niwan LIe

1 émergence du nerf dentaire inférieur, le point auricido-temporal au

devant et au-dessous du tragus, à cet endroit'où le nerf auriculo-temporal

contourne le col du condyle. les points dentaires, le point lingual dans

le sillon gingivo-linguallil où le nerf lingual devient sous-muqueux.

La névralgie est souvent localisée il certaines branches du nerf utaxil-

laire inférieur : névralgie d n nel'r denta ire inférieur (douleurs au niveau

des dénis du maxillaire inférieur, de la lèvre, du 111('111011, poillt doulou-

reux il l'épine de Spyx) ; névralgie du /la/' altl'iclllo-telllpo/'{{1 (douleurs

a la tempe, il la partie antérieure du pavillon, au conduit auditif externe) ;

névralgie du nerf lingual (douleur pendant la mastication et la phona-

IGUILLAIN.}

588 .NEVRALGIES ET ALGIES. -

tion suivant une ligne qui se dirige de la dernière molaire à la pointe de

la langue, hypersécrétion salivaire) ; névralgie du nerf buccal (douleur

suivant une ligne allant de l'oreille à la partie- moyenne delà joue, points

douloureux en avant. du lobule de l'oreille, au bord antérieur du masséter

et à la partie moyenne de la joue). '

Parmi les variétés symptomatiques des névralgies faciales, Trousseau

a attiré l'attention sur les névralgies épileptiforines dont il a décrit deux

variétés, 1-une convulsive, l'autre non convulsive. Dans la névralgie épi-

lepti{o1'1Ùe simple non convulsive, le malade ressent tout à coup une très

vive douleur, il porte la main à son visage, la douleur dure quelques

secondes ou une minute, puis cesse brusquement. Dans la névralgie épi-

lepti{o1'me convulsive, le tic douloureux de la face, les symptômes dou-

loureux sont les mêmes, mais les muscles du visage sont agités de con-

tractions rapides, involontaires. Les paroxysmes douloureux peuvent être

répétés, certains malades en ont 50 ou 100 en vingt-quatre heures. Ces

paroxysmes sont déterminés souvent par la déglutition, la mastication, la

moindre excitation. Le tic douloureux de la face persiste un temps très

long; la compression que les malades exercent dans le but de diminuer

leurs douleurs, peut à la longue amener un véritable aplatissement d'une

moitié de la face. Les troubles trophiques sont fréquents dans cette

forme de névralgie.

NÉVRALGIE CERVICO-OCCIPITALE

La névralgie cervico-occipitalc occupe le territoire des branches ante-.

rieures et postérieures des quatre premiers nerfs cervicaux. La branche

postérieure; du deuxième nerf occipital, le grand nerf occipital, est sou-

vent atteinte de névralgie à l'exclusion des autres : névralgie occipitale.

Les causes les plus fréquentes des névralgies cervico-occipitales sont :

les affections de la colonne cervicale (tuberculose, syphilis, tumeurs), les

arthrites vertébrales rhumatismales, la pachyméningite cervicale hyper-

trophique, les anévrismes de l'artère vertébrale, les adénopathies cervi-

cales, les névrites infectieuses, etc.

Vincent (Soc. met. des hôpitaux de Pains, 1904) a insisté sur la froc-

quence de la névralgie occipitale dans les angines vulgaires (angines

simple, érythémateuse, pultacée, herpétique, phlegmoneuse). La douleur

de la névralgie du grand nerf occipital est réveillée par les mouvements

de la tête, par la toux, l'éternuement, la déglutition; elle est provoquée

aussi par la pression dans la fossette de la nuque et au niveau du point

d'émergence des nerfs occipitaux. Cette occipitalgic paraît devoir s'expli-

quer par les relations anatomiques existant entre les nerfs sensitifs du

pharynx et le deuxième nerf cervical postérieur d'où émane le grand

nerf occipital d'Arnold. En effet la deuxième racine cervicale postérieure

envoie quelquefois un ou plusieurs rameaux sensitifs au spinal. Ces

NÉVRALGIE CTRWCO-BBICTiIALE. - 3M

rameaux accompagnent la branche interne du .spinal jusqu'au ganglion

plexiforme du pneumogastrique et se détachent vraisemblablement de

ce ganglion en suivant le nerf pharyngé qui n'est que la continuation de

la branche interne du spinal. Ces fibres aboutissent au plexus pharyngien.

Ainsi s'explique la solidarité qui existe parfois entre le nerf occipital et

les branches sensitives du pharynx. L'anastomose précitée n'est, pas

constante, aussi l'occipitalgie ne l'est pas non plus.-Claude a signalé la

névralgie occipitale dans la rhino-pharyngite purulente, Jacquet dans

l'angine et la pelade.

La névralgie cervico-occipitale amène des douleurs à la nuque, sur le

sommet de la tête et jusqu'au front (grand nerf occipital), dans la région

parotidienne et le pavillon de l'oreille (branche auriculaire), sur.l'apo-

physe mastoïdc (branche mastoïdienne), sur la région inférieure de la

face et la région antéro-latérale du cou (branche cervicale transverse),

vers la clavicule et le moignon de l'épaule (branche sus-claviculaire et

sus-acromiale). La tête est immobile pendant les accès et tous ses mou-

vements ramènent les douleurs. Les douleurs irradient parfois dans le

domaine du plexus brachial ou du trijumeau. ..

Les points douloureux habituels des névralgies cervico-occipitales

sont : le point occipital à l'émergence du grand nerf occipital à travers

le muscle complexus, ce point est situé à une distance égale de l'apo-

physe mastoïde et des premières vertèbres cervicales; le point mastoï-

dien sur l'apophyse mastoïde; le point pariétal sur la bosse pariétale; le

point cervical superficiel à la partie moyenne du cou entre le trapèze et

le sterno-mastoïdien; le point apophysaire au niveau des deux premières

vertèbres cervicales. ' .

NÉVRALGIE CERVICO-BRACHIALE .

La névralgie cervico-brachiale occupe le territoire des quatre derniers

nerfs cervicaux et du premier nerf dorsal. La névralgie atteint les

rameaux postérieurs de ces nerfs qui se distribuent à la peau du dos et

les rameaux antérieurs qui, par leurs anastomoses, constituent le plexus

hrachial.

Les causes principales de ces névralgies sont : les affections du rachis,

les tumeurs cervicales, les compressions par anévrisme de l'aorte ou de

l'artère sous-clavière, par cals vicieux de l'humérus, les luxations de

l'épaule et du coude, les traumatismes, les névrites infectieuses et

toxiques. Dans la saignée au pli du coude, le musculo-cutané ou le bra-

chial cutané interne sont'parfois piqués, d'où des douleurs névralgiques

qui pourront être très tenaces. Certaines névralgies du bras sont profes-

sioiiiielles.

Lorsque la cause de la névralgie siège dans la. région cervicale ou

axillaire, les douleurs existent dans tout le domaine du plexus brachial;

[GUILLAIN.]

390 .NÉVRALGIES ET ALGIES.'

la pression des différents nerfs du bras réveille ces douleurs ; les apo-

physes épineuses des dernières vertèbres cervicales sont sensibles.

La névralgie peut exister dans les branches isolées du plexus brachial.

Dans la névralgie du nerf circonflexe on constate un point douloureux

au niveau du passage de ce nerf entre les muscles grand rond et petit

rond.

Dans la névralgie du nerf radial .il faut .rechercher les points dou-

loureux : 1° au niveau de la gouttière de torsion de l'humérus; 2° à la

face postérieure de t'avant-brasa 5 ou G centimètres au-dessous de l'arti-

culation du coude, là où la branche postérieure du radial se divise en

différents rameaux destinés aux extenseurs; 5° dans la tabatière anato-

miepie. Babinski a attiré l'attention sur une névralgie radiale qui se

caractériserait par eles douleurs violentes, lancinantes, prédominant dans

la région postérieure du bras, par un affaiblissement du triceps brachial

avec légère amyotrophie et diminution de la contractilité électrique du

muscle, par l'abolition du réflexe tendineux du triceps.- Celte névralgie

semble dépendre d'une névrite peut-être rhumatismale du nerf radial.

Dans la névralgie du cubital existe un point douloureux epitroctitecn

au niveau du passage du nerf dans la gouttière épitrochléenne, et un

point douloureux cubito-carpien en dehors du pisiforme, là où le cubital

vient au-devant du carpe pour atteindre la paume de la main.

Dans la névralgie du médian existent des points douloureux sur le

bord interne du triceps, sur la face antérieure de l'articulation du coude,

sur la face antérieure du poignet.

Souvent les névralgies du membre supérieur sont limitées aux nerfs

cutanés, les gros troncs nerveux paraissant indemnes. C'est ainsi que

l'on peut observer lIes 'hyperesthésies douloureuses dans la zone d'inner-

vation du brachial cutané interne, de l'accessoire du brachial cutané

interne, du rameau cutané interne du nerf radial, dans la zone d'inner-

vation cutanée du radial, du cubital, du médian, du llulsculo-cutai7é. Il

est à remarquer que les douleurs ne correspondent pas toujours avec

précision aux territoires anatomiques schématiques. Dans les névralgies

limitées aux nerfs cutanés on constate souvent des points douloureux, là

où les filets nerveux traversent les aponévroses pour se distribuer à la

peau.

Les névralgies brachiales irradient souvent vers les nerfs intercostaux,

ce qui s'explique par les anastomoses existant entre l'accessoire du bra-

chial cutané interne et les rameaux perforants des 2° et 5C nerfs inter-

costaux.

D'après Potain, l'hypertrophie cardiaque pourrait être consécutive aux

névralgies du bras. ,

Oppenheirll a attiré l'attention sur les malades atteints de brachialgk-

11 s'agit de personnes qui souffrent de douleurs violentes dans un bras;

c'est le symptôme unique ou le principal symptôme pour lequel elles

consultent. La localisation de la douleur est indécise, vague; exception-

\l ? RAT,GT DTAPnnACMATfQUE. 3f)t

nellrrnenl cette douleur suit le trajet d'un nerf; il arrive même qu'au

bras la douleur suit le trajet d'un nerf et à l'avant-bras d'un autre. La

même variation existe pour la douleur à la pression; quelquefois on ren-

contre des points douloureux, mais ces points ne coïncident pas avec les

points de 'allci. La brachialg-ie est en réalité une psychalgie qui s'ob-

serve dans l'hystérie, la neurasthénie, la psychasthénie. La brachialgie

apparaît souvent il la suite d'un traumatisme, d'une émotion; elle guérit

par la thérapeutique psychique.

Dernhardt a décrit sous le nom de névralgie professionnelle de l'épi-

condyle une affection douloureuse déjà signalée par Remak. Vépicondgl-

(dgie se caractérise par une douleur de l'(''picondyle (lui peut s'irradier

aux muscles ('pieondyliens et à la tète du radius, par une diminution dans

la force musculaire de l'avant-bras. L'épicondylalgiepcut être déterminée

par tous les travaux qui nécessitent la mise en jeu de la masse mus-

culaire epicondytienne (maîtres d'armes, violonistes, cochers, cor-

royeurs, etc.). Cette affection n'est pas une névralgie, elle ne peut être

rattachée à la lésion d'un nerf déterminé, c'est une algie qui siège au

niveau de l'épicondyle, mais dont la cause précise est inconnue.

Molle (l'Oran) (Lyon médical, 190U), a retrouvé l'epicondylatgie chez

les cordeurs ou fileurs de crin végétal en Algérie. Ces sujets travaillent

avec la main droite en supination, le bord cubital légèrement, incliné en

dedans, les doigts fortement 11l'('\lis, l'avant-bras en extension. L'ouvrier

doit déployer une certaine vigueur dans l'attitude spéciale imposée à sa

main droite. Sur 25 ouvriers, Molle a trouvé la douleur epicondy)iennc

dans '24 cas.

NÉVRALGIE DIAPHRAGMATIQUE

La névralgie du nerf phrénique, qui emprunte des libres sensitives

au plexus cervical, s'observe dans les affections du coeur et de l'aorte,

du foie, de la rate, dans les pleurésies diaphragmatiques, les péricar-

dites, les abcès sous-phréniques. Parfois, la névralgie est symptomatique

d'une névrite infectieuse ou toxique (paludisme, diabète, etc.).

Les douleurs de la névralgie du phrénique se montrent à la partie

inférieure du cou, derrière le sternum, à la base du thorax au niveau des

insertions diaphragmatiques. Les accès paroxystiques sont très pénibles :

le malade penché en avant fait Ions ses efforts pour immobiliser son

thorax, évitant même de respirer; durant les paroxysmes, les douleurs

irradient fréquemment aux parties latérales du cou, à la région mastoï-

dienne, à la fosse sus-épineuse, dans tout le territoire des branches

cutanées du plexus cervical superficiel et aussi du plexus brachial. Les

douleurs de la névralgie phreuique sont exagérées par les mouvements

du diaphragme, la toux, le hoquet, l'éternuement. Parfois on observe de

la dysphagie, une sensation de strangulation.

Les points douloureux de la névralgie diaphragmatique sont : le point

[GUILLAIN.]

592 NÉVRALGIES ET ALGIES.

cervical en avant du scalène antérieur en arrière du bord postérieur du

sterno-rnastoïdien, le point sle1'1wl C) au niveau des 2" et 5e articulations

chondro-sternales, les points costaux ou diaphragmatiques au niveau

des insertions du diaphragme sur les 7e, 8e, ne et 10e côtes, le point apo-

physail'e au niveau des 3" et 4e vertèbres cervicales.

NÉVRALGIE INTERCOSTALE

La névralgie intercostale occupe le territoire des branches antérieures

des nerfs dorsaux. Quand les branches postérieures de ces nerfs sont

aussi atteintes, la névralgie est dorso-loiubaire.

Les causes les plus fréquentes des névralgies intercostales sont : les

affections du poumon et de la plèvre, spécialement la tuberculose pulrno-

naire, l'auevrisnic de l'aorte (2), les tumeurs du mediastin, les frauma-

tismes, les affections des côtes (ostéites, fractures), les tumeurs du sein,

les affections du rachis (mal de Pott, scolioses), les tumeurs intra-rachi-

diennes, les affections de la moelle dorsale, certaines cardiopathies.

Chantemesse et Le Noir ont insisté sur les névralgies intercostales hllate-

rales siégeant surtout au niveau des 8*'et 9e espaces que l'on observe dans

la dilatation de l'estomac. Les névralgies intercostales peuvent exister

d'ailleurs au cours de diverses gastropathies (cancer, ulcère, etc.). A la

suite de l'inflammation du côlon, particulièrement de l'inflammation de

l'angle colique gauche qui existe chez beaucoup de constipés spaslllo-

diques, on observe des névralgies unilatérales siégeant il gauche. Les

névralgies intercostales se voient dans les anémies, dans les infections

ou intoxications (syphilis, paludisme, intoxication saturnine, intoxication

oxycarbonée.) Les névralgies intercostales des béniorroïdaires recon-

naissent peut-être pour cause la congestion des plexus veineux intra-

rachidiens.

Tuffier (Soc. de Chirurgie de Paris, 1001), a eu l'occasion d'opérer

un malade atteint d'une névralgie intercostale consécutive à une plaie

par balle ; il a constaté que tout le long du trajet suivi par la balle s'était

développée une traînée fibreuse au milieu de laquelle le nerf intercostal

et les vaisseaux étaient comprimés. Tuffier réséqua la masse fibreuse et

le malade guérit.

La névralgie intercostale est caractérisée par des douleurs continues,

sourdes (sensations de tension, de constriction) et par des accès paroxys-

tiques. Ces accès sont provoqués souvent par un mouvement du bras, une

respiration profonde, la toux, l'effort au moment des accès ; le malade

9. M. Jousset a décrit un point médio-slernal situé n l'interseclion de la ligne médiane

avec une horizontale passant par les quatrièmes articulations chondro-stcrnajes.

2. La névralgie intercostale peut être le seul signe d'un anévrisme de l'aorte, aussi

les examens radiographiques sont-ils bien souvent utiles dans le diagnostic étiologique

des névralgies intercostales rebelles.

NÉVRALGIE DU PLEXUS LOMBAIRE. 593

évite de respirer et de parler, s'incline vers son côté malade. Dans cer-

taines névralgies intercostales siégeant à gauche, la douleur est exacerbée

par les battements du coeur, ce qui cause aux malades une grande

anxiété. Les douleurs des névralgies intercostales peuvent irradier dans

le dos, la mamelle, la face interne; du bras (anastomose des 2° et 5*' nerfs

intercostaux avec l'accessoire du brachial cutané interne), vers le pneumo-

"astriqne aussi (tachypnée, palpitations, angor pecloris).On observe, dans

la névralgie intercostale, trois points douloureux principaux : un point

postérieur vertébral situé à côté des apophyses épineuses, un point

latéral correspondant il l'origine du rameau perforant moyen, un point

antérieur on sternal situé entre le sternum et l'union des côtes avec

leurs cartilages (ce point correspond il l'origine du rameau perforant

antérieur). On trouve souvent aussi Appoints apophysaircs.

Rappelons la l'rl'qupnoe du zona dans la névralgie intercostale.

Parmi les variétés cliniques des névralgies intercostales, on peut citer

Yépigastralgic, la nna..slocll/uie (`), mamelle irritable, tumeur irritable du

sein. ,

J NÉVRALGIE DU PLEXUS LOMBAIRE

La névralgie peut atteindre les branches collatérales âlh(lOllllll0-7l'lll-

talcs et ingnino-cutauees du plexus (névralgie ! ond)0-abdominatc), ou les

branches terminales (névralgie crurale, névralgie obturatrice).

La névralgie lombo-abdominale reconnaît comme causes principales :

les lésions des vertèbres lombaires et de l'os iliaque, les lésions du

psoas, les lésions du rein, l'anévrisroc de l'aorte abdominale, les

tumeurs du mésentère, du caecum, de l'S iliaque, les hernies inguinales.

Les douleurs de cette névralgie se montrent dans la région lombaire,

la paroi antérieure de l'abdomen, la région fessière, les organes génitaux

externes, la partie supérieure de la cuisse. La névralgie s'accompagne

de difficulté de la marche, de contractions involontaires du cremaster,

parfois de mictions difficiles, de priapisme. d'éjaculations. Exception-

netfonent on a observé, dans la névralgie tombo-abdominate, des phéno-

mènes psendo-peritonititptes (vomissements, liriéorismc). Chez l'homme,

l'herpès des organes génitaux accompagne parfois la névralgie tombo-

abdominale. Mauriac a particulièrement insisté sur ces herpès névral-

giques des organes génitaux.

Les différentes branches collatérales du plexus lombaire sont rarement

atteintes simultanément.

Dans la névralgie iteo-scrotatc on constate des points douloureux au

niveau des trous de conjugaison [points lombaires), sur le milieu de la

crête iliaque (point iliaque), au niveau de l'orifice du canal inguinal

1. La glande mammaire et la peau qui la recouvre reçoivent la plus grande partie de

leurs nerfs des 2% 5 ? 4', 5' et ( ! " nerfs intercostaux. .

[GUILLAIN.] ]

5M NÉVRALGIES ET ALGIES.

(point inguinal), au-dessus du pubis (pom.sMs-pM ? ), : 1 la terminaison

du nerf dans le scrotum ou la grande lèvre. On a dit que le testicule irri-

table d'Astley Cooper était dû à des troubles vaso-moteurs provoqués

par une névralgie ilr'o-scrotale; il faut dans cette affection distinguer

deux formes cliniques : tantôt il s'agit d'une névralgie des branches

inguinales du plexus lombaire, des douleurs existent au niveau de l'an-

neau inguinal et du cordon, mais le testicule lui-lèmu n'est pas doulou-

reux il la pression; tantôt il s'agit d'une névralgie des nerfs spermaliques

et le testicule est extrêmement douloureux.

Dans la névralgie du 'nnzoro-clolcané externe existent deux points

douloureux : l'un entre les deux épines iliaques antérieures, l'autre

à la face externe de la cuisse; la douleur est localisée a la partie supé-

rieure de la région externe et de la région postérieure de la cuisse et se

prolonge jusqu'au genou.

La 'IIlë1'algie parcsthésique de Roth, parestliésie du nerf fémoral

cutané externe de Bl'I'I1hardt, est une affection assez rare, qui se carac-

térise par des sensations de fourmillement, d'engourdissement, ou des

douleurs souvent violentes dans la zone d'innervation de la branche

crurale du fémoro-cutané et par une anesthésie en forme de raquette à la

face antr"ro-cxteI'l1e de la cuisse : parfois l'hyperesthésie s'observe au

lieu d'anesthésie. L'étiologic de la méralgic parestbésiquc n'est pas

précisée.

La névralgie crurale est déterminée par les lésions de l'utérus et de

ses annexes, les fumeurs de la région crurale, les affections osseuses du

bassin, les anévrismes des artères iliaques, les hernies crurales, etc.

La névralgie crurale se traduit par des douleurs il la partie antéro-

interne de la cuisse, il la face antérieure; du genou, il la face interne de

la jambe, au bord interne du pied jusqu'au gros orteil. La marche est

difficile et rappelle les paroxysmes douloureux. Les points douloureux de

la névralgie siègent : 1° au-dessous de l'arcade crurale; 2° à la face

interne du genou ta où le nerf saphène interne devient sous-cutané;

5° vers la malléole interne; 4" sur le bord interne du pied et la racine du

gros orteil.

La névralgie obturatrice est presque; toujours causée par la hernie

obturatrice. Les douleurs sont localisées à la face interne de la cuisse

jusqu'au genou. Le toucher vaginal et la pression du nerf au niveau du

canal obturateur, les mouvements de rotation de la cuisse exagèrent les

douleurs.

Névralgie du nerf honteux interne. La névralgie; du nerf honteux

interne semble dépendre souvent de causes locales (affections du

rectum, de l'urètre;, du périnée, etc.), elle se rencontre dans le; tabès.

Le nerf honteux interne se distribue au clitoris, à la verge, à l'urètre,

aux corps caverneux, à la partie; postérieure du scrotum et des grandes

lèvres, au périnée, à l'anus. Les douleurs névralgiques sont souvent

localisées; ainsi l'on observe des névralgies 21.1'l'lTClleS des névralgies

NÉVRALGIE SCIATIQUE. 395

du pénis et du gland, des névralgies scrotales ou labiales, des

névralgies fmo-perïa/cs. Dans une forme clinique spéciale ces névral-

gies génitales sont accompagnées d'herpès. Allm (l3ez°l. min. Woch..

1907), a attiré l'attention sur la névralgie du rectum.

Névralgie des nerfs coccygiens. II ne semble pas prouvé que la

cooeygodynie soit une névralgie des rameaux coccygiens de la 6'' paire

sacrée; peut-être ces douleurs coccygiennes, qui s'observent il la suite de

l'accouchement, de traumatismes, de chutes sur le siège, dépendent-elles

de lésions locales osseuses, ligamenteuses ou musculaires. Les douleurs

de la coccygodvnie sont augmentées par la marche, la station assise, la

défécation. Le toucher rectal avec pression sur le coccyx est très doulou-

reux. La coccygodynie dure souvent très longtemps.

NÉVRALGIE SCIATIQUE

La névralgie sciatique occupe le territoire du plexus sacré.

Les causes de la névralgie sciatique sont très nombreuses : lésions des

vertèbres, mal de Pott, lésions méningées et compressions radiculaires,

traumatismes de la colonne vertébrale et du bassin, plaies par armes à

feu, compressions par les tumeurs du bassin, par J'S iliaque, par l'utérus

dévié ou gravide. La sciatique peut être occasionnée par la stase vei-

neuse, par les varices (phlébite des varices des nerfs) ; elle s'observe dans

l'anémie, la chlorose1, les cachexies, dans beaucoup de maladies infec-

tieuses. d'intoxications ou d'auto-intoxications (rhumatisme, goutte,

diabète, tuberculose, syphilis, paludisme, blennorragie.) .

t La sciatique est souvent précédée de prodromes (fourmillements,

engourdissement du membre, etc.), puis apparaissent les paroxysmes

douloureux qui sont souvent extrêmement violents ; ces paroxysmes sont

rappelés par des mouvements de la jambe, la toux, la défécation, l'eter-

nuement. Les douleurs de la sciatique occupent la région lombaire, la

fesse, la partie postérieure de la cuisse. Les principaux points doulou-

reux de Yatteix sont : le point lombaire au-dessus du sacrum, le point

sacro-iliaque qui correspond il l'articulation sacro-iliaque, le point

iliaque au milieu de la crête de l'os iliaque, le point fessier ou isehia-

tique au sommet (te l'échancrure sciatique. le point rélro-trochantérien

au bord postérieur du grand trochauter dans la gouttière formée par le

grand trochanter et la tubérosité de l'ischion, les points fémoraux

supérieur, moyen et inférieur il la partie postérieure de la cuisse, le

point poplité il la partie externe du creux poplité, le point rotulien sur

le bord externe de la rotule, le jioinl péronier au-dessous de la tète du

péroné, le point malléolaire à la partie postérieure, et inférieure de la

malléole externe. A la jambe la pression sur les masses musculaires du

mollet réveilln les douteurs. Parfois la sciatique affecte seulement le scia-

tique poplité interne ou le sciatique poplité externe. Dans l'intervalle

[GUILLAIN.]

Stl6 NÉVRALGIES ET ALGIES.

des paroxysmes douloureux, il persiste une sensation d'endolorissement

vague.

Les douleurs de la sciatique peuvent être provoquées par la

manoeuvre dite de Lasèguc. Lorsepie la jambe est fléchie sur la cuisse

on peut amener une flexion étendue de la cuisse sur le bassin, car dans

cette condition le nerf sciatique est élans le relâchement; mais, quand

la jambe est étendue sur la cuisse, on ne peut amener la flexion de la

cuisse sur le bassin sans causer de vives douleurs, ce qui s'explique par

l'extension du nerf sciatique.

Des troubles moteurs sont fréquemment observés. La marche est par-

fois presque impossible à cause des douleurs et tics crampes; épiant ! les

malades marchent, ils boitent. Dans les cas de névrites, on constate des

troubles paralytiques dans le domaine des muscles innervés parle scia-

tique. Les troubles de la sensibilité sont très variables : hyperesthesics.

anesthésies. La topographie des troubles de la sensibilité est importante

à déterminer, on peut ainsi reconnaître les sciatiquos radiculaires.

Les troubles vaso-moteurs et trophiques sont fréquents dans les scia-

tiques causées par des névrites : érytbènies, hyperthermie ou hypothermie

locales, altérations du système pileux, atrophies musculaires.

On a signalé dans la sciatique la polyurie, l'azoturie, la glycosurie.

Au cours de la sciatique on observe des déviai ions de la colonne

vertébrale : scoliose croisée et scoliose homologue. La scoliose homo-

logue s'observerait principalement dans la forme de sciatique spasmodique

de Hrissaud. Les déviations vertébrales paraissent dues il des mouve-

ments instinctifs du malade pour déplacer le centre de gravité du corps

et atténuer ainsi la douleur; elles disparaissent quand la sciatique est

terminée.

L'évolution de la sciatique est liés variable et dépend de la cause (pu

conditionne l'affection. La durée varie de quelques semaines à plusieurs

mois. Souvent il persiste durant très longtemps de l'engourdissement du

membre et le malade se fatigue très facilement.

On a opposé l'une à l'autre deux formes cliniques : la sciatique-

névralgie et la sciatique-névrite. Dans la soiatique-névralgie, les dou-

leurs seraient le symptôme principal ou même unique, les troubles

trophiques feraient défaut. Dans la sciatique-névrite, ou observerait, outre

les douleurs, de l'atrophie musculaire, des troubles de la sensibilité de la

peau, le nerf serait parfois augmenté de volume. Celle opposition me

parait trop radicale, car toutes les sciatiques sont, je le; crois, la résul-

tante d'un processus névritique;. Dans certains cas l'affection est fugace

et bénigne, dans d'autres elle est plus grave el l'on a le lahleau de la

sciatique dite névrite. Il faut prendre en considération, élans le pronostic.,

l'état du réflexe achillécn : son abolition dénote souvent une lésion

sérieuse et qui pourra être longue il guérir. Quant il l'abolition du rulletc

rotulien que l'on constate parfois dans la scialique, elle témoigne de la

participation du plexus lombaire ou du crural il la névralgie. La névralgie

llTtlTAflSILGI. 397

associée du nerf sciatique et du nerf crural m'a paru relativement fré-

queute. - ..

La sciatique' radiculaire, souvent d'origine syphilitique, se traduit

par le signe de Lasègue comme la sciatique non radiculaire, par des dou-

leurs qui prennent fréquemment le caractère fulgurant, par des troubles

de la sensibilité à topographie radiculaire. Les points douloureux de

Valleix ne sont pas habituels ; la névralgie du nerf crural coexisté dans

beaucoup de cas.

Brissaud et Lamy ont attiré l'attention sur une forme spéciale de

sciatique, la sciatique spasmodique; on observe de la raideur de tout le

membre, de l'exagération des réflexes, de la trépidation épileptoïde, une

scoliose homologue. Je crois que la sciatique spasmodique est souvent

symptomatique d'un mal de Pott.

La sciatique double dépend fréquemment d'une lésion de la colonne

vertébrale, du petit bassin, de la moelle ou de ses enveloppes. La scia-

tique double se voit aussi dans le diabète.

' MÉTATARSALGIE

La métatarsalgie' ou névralgie de Morton se caractérise par des -dou-

leurs très vives au niveau des articulations métatarso-phalangiennes,

principalement de la 1 ? la première articulation métatarso-phalan-

gienne n'est presque jamais intéressée. Les douleurs sont continues, dé

plus existent des paroxysmes violents. L'examen local ne montre rien de

spécial, souvent la pression au niveau de la face plantaire réveille des

douleurs ; la compression bilatérale de l'avant-pied rapprochant les unes

des autres les têtes métatarsiennes réveille aussi des douleurs. La

marche est difficile pendant les crises douloureuses. On ne constate pas

de troubles de la sensibilité tactile et thermique. La pathogénie de la

métatarsalgie est inconnue ; on a imaginé de nombreuses théories méca-

niques dont aucune n'est complètement satisfaisante. Pour certains

auteurs il s'agit d'une névralgie mCdio-tai'sienne; la cause de cette

névralgie échappe.

Des névralgies on peut rapprocher l'étude de la céphalalgie et de' la

rachialgie.

- LES CÉPHALALGIES

Le mal de tête est un symptôme fréquent et commun à de nombreuses

affections. Certaines céphalées sont diffuses, donnent au malade une

sensation de constriction générale quoique prédominant le plus souvent

. (GÜ1LLA1N.J

598 NEVRALGIES ET ALGIES.

dans la région frontale; certaines céphalées, au contraire, sont circon-

scrites ; ces céphalées circonscrites semblent dépendre le plus souvent de

lésions crâniennes cérébrales ou méningées localisées. La valeur séinio-

logique de la céphalalgie est souvent difficile a déterminer, et c'est par

l'étude des caractères de ce symptôme et aussi par l'ensemble des sym-

ptômes concomitants que l'on peut faire un diagnostic étiologique.

Certaines céphalalgies se manifestent sous forme d'accès, ce sont les

migraines.

La migraine simple se caractérise par des accès survenant il des

intervalles plus ou moins réguliers, débutant souvent le 'matin par des

douleurs sourdes qui deviennent de plus en plus aiguës, occupant une

moitié du crâne (hëmicrànic) ou la tète entière et se localisant princi-

palement dans les régions sus-orbitaires ou la région crânienne latérale.

La lumière, le bruit semblent augmenter les douleurs, aussi les malades

s'enferment-ils dans les endroits obscurs, évitant tout mouvement. La

migraine est accompagnée de sensations nauséeuses et de vomissements,

elle dure plus ou moins longtemps suivant les sujets, de quelques

heures à un ou deux jours et se termine quand le malade a dormi.

La migraine ophtalmique se caractérise par l'apparition, pendant les

accès, d'un scotome scintillant, d'une tache noire entourée de lignes

brillantes en zig-zag; elle s'accompagne parfois d'héinianopsie latérale

homonyme transitoire, parfois aussi de troubles sensitifs sous forme de

paresthésies, d'hyperesthésies localisées dans un membre ou une moitié

du corps.

La migraine oplttalmoplegiquc se caractérise par l'apparition, lors

des accès douloureux, d'une parésie du nerf de la troisième paire du

côté de l'hëmicrànie, c'est la forme clinique encore appelée; paralysie

oculo-motrice périodique ou récidivante. Cette paralysie peut dans cer-

tains cas persister.

Certaines migraines s'accompagnent d'aphasies transitoires, d'hénii-

parésie ou d'hémiplégie disparaissant rapidement.

Dans les formes vaso-motrices de la migraine on constate des troubles du

sympathique, soit de la pâleur faciale avec dilatation pupillaire et saliva-

tion, soit de la congestion faciale avec rétrécissement pupillaire.

La céphalalgie se constate comme signe prodromique de beaucoup de

maladies infectieuses, telles que la fièvre typhoïde et les affections para-

typhiques, la grippe, etc. Ces céphalées sont souvent mal localisées,

n'ont pas une violence extrême, s'atténuent le malin et augmentent le

soir. Dans le paludisme la céphalée est souvent observée;. En cas d'inso-

lation, la céphalée est un symptôme très fréquent.

La céphalalgie; d'origine toxique; se constate dans le cas de troubles diges-

tifs, de constipation, de troubles hépatiques avec vomissements bilieux,

dans le cours des néphropathies chroniques et de l'insuffisance rénale.

Il est facile de reconnaître les céphalées ducs il l'action de l'alcool, du

tabac, de l'intoxication par l'oxyde de carbone. A ce sujet, il faut tou-

131GIlt : 1LG11 : . 5'J9

jours penser il examiner les conduites de gaz et les cheminées dans

l'appartement de malades se plaignant de céphalées rebelles.

La céphalalgie se constate fréquemment au cours des anémies et des

chloroses.

La céphalalgie est un symptôme très important des méningites aiguës,

des hémorragies méningées et de beaucoup de méningites chroniques

(pachyméningites alcooliques, syphilitiques, etc.).

On observe des céphalées tenaces et terribles parfois par leur intensité

dans les cas de tumeurs et d'abcès de l'encéphale, dans les cas d'hy-

pertension du liquide; céphalo-rachidien. Rappelons la valeur de la

céphalée dans la syphilis secondaire et dans la syphilis tertiaire du

névraxe. La céphalée est un symptôme fréquent dans l'arlério-sclérose

cérébrale et souvent existe longtemps avant les troubles paralytiques du

ramollissement cérébral sénile.

La céphalée des neurasthéniques se caractérise par des sensations

d'engourdissement ou de compression des régions latérales et frontale de

la tête (sensation de casque). Les algies cérébrales des hystériques (clou

hystérique) sont, comme toutes les manifestations de cette névrose, très

variables .chez les différents sujets.

Certaines céphalées dépendent de lésions osseuses du crâne (ostéites,

périostites, exostoses, etc.).

D'autres céphalalgies ont une origine nasale : rhinites aiguës et suhai-

guës, ulcérations de la pituitaire, sinusites.

Les otites, l'inflammation des cellules mastoïdiennes s'accompagnent

de céphalées.

Nombreuses sont les céphalalgies dépendant de troubles de l'appareil

de la vision. Dans le glaucome, la céphalée est très violente. Certains

troubles légers de la réfraction amènent parfois des céphalées même

violentes qui se localisent généralement aux régions temporale, sourcil-

liere et frontale; les douleurs, en général nulles le matin, augmentent

dans la journée a mesure que les yeux travaillent plus longtemps. En cas

de travail oculaire délicat, la céphalée peut devenir très intense.

RACHIALGIE

Les douleurs de la région rachidienne, les rachialgics, s'observent

dans les méningites aiguës (méningite cérébro-spinale épidémiepie,

méningites microbiennes diverses), dans les myélites aiguës, dans les

inemngo-myentes syphilitiques aiguës, subaiguës et chroniques. La

rachialgie semble Indiquer une altération méningée.

C'est sans doute aussi à une lésion congestive inflammatoire des

méninges qu'il faut attribuer la rachialgie parfois très intense que l'on

observe dans la variole»

\(IUILLAIN 1

400 NÉVIÎALGIES ET ALGIES.

TRAITEMENT DES NÉVRALGIES

Les méthodes thérapeutiepies employées dans les cas de névralgie

sont nombreuses. Tantôt on agit sur le symptôme douleur par des médi-

caments antiaigiqucs, antispasmodiques, hypnotiques, pris il l'intérieur z

ou appliqul's il l'extérieur; tantôt on met en oeuvre la médication révul-

sive; tantôt on fait des injections sous-cutanées, para-nerveuses ou intra-

nerveuses d'aneslhésiques; tantôt on a recours .il l'électricité et aux

agents physiques; tantôt la thérapeutique est pathogeuique dans les cas

où la syphilis, le paludisme et que)ques rares autres affections permet-

tent d'employer des médications spécifiques ; tantôt enfin la persistance

des douleurs oblige il des interventions chirurgicales.

Je ne puis ici passer en revue le traitement de chaque névralgie en

particulier et renvoie pour cette étude aux articles didactiques sur la

névralgie faciale, la névralgie intercostale, la névralgie; sciatiepie, etc.

Mon intention est d'indiquer les grandes méthodes de traitement, appli-

cables à toutes les névralgies, aux syndromes douloureux envisagés dans

leur généralité. -

Médicaments antialgiques, antispasmodiques. L'opium a une

action souvent très efficace sur la douleur, niais c'est un médicament

dont il faut user avec une grande prudence il cause de l'accoutumance

facile qu'il crée. Il est nécessaire en particulier de ne pas conseiller les

injections de morphine aux malades qui souureut de névralgies, du

moins au début de leur affection, car de telles injections ont souvent été

le point de départ de morphinomanic. J'ai indiipié, plus loin, les prin-*

cipales préparations opiacées dont on doit faire usage comme hypnoti-

ques. Dans les névralgies on conseillera des pilules d'extrait thébaïque

de 0 gr. 02 à 0 gr. 05 (en prendre deux, trois ou quatre en 24 heures);

le laudanum de Sydenham il la dose de XV il XXV gouttes en 24 heures :

le sirop d'opium, dont 20 grammes contiennent 0 gr. 04 d'extrait

d'opium, à la dose de ai il 50 grammes par jour; le sirop de morphine

qui contient 1 centigramme de chlorhydrate de morphine par 20 grammes

à la dose de 5 il 20 grammes.

Belladone et atropine.

Pilules : ..

TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. 401

Solution d'atropine pour l'usage externe dans les névralgies :

.i02 NÉVRALGIES ET ALGIES.

Pilules :

TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. ' 405

Quinine. Les préparations de quinine sont indiquées dans les cas

de névralgies paludéennes, mais elles donnent aussi souvent des résultats

favorables dans les névralgies dépendant d'autres causes.

404 NÉVRALGIES ET ALGIES. -

usité spécialement dans le traitement de la névralgie faciale, ,se prescrit

à la dose de 10 à 20 centigrammes en potion, pilules, cachets.

? 'V 1 1.. TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. ' ." 405

406 . " ' -NÉVRALGIES ET ALGIES. ? : - '

Injection 7ypodérmique : . ...

. n

TRAITEMENT DES NEVRALGIE^ r

Salophène. Le salophène (acétylparamido-salol) se prescrit à la

dose de 1 à 4 ou 0 grammes en cachets, potion. Il se décompose dans

l'intestin et les humeurs alcalines de l'organisme, il l'aut éviter de l'admi-

nistrer avec des alcalins.

408 . NÉVRALGIES ET ALGIES.

Exalgine. L'exalginè (méthylacétalinide), a été conseillée dans les

névralgies dites afrigore. Il faut user de ce médicament avec beaucoup de

prudence, car il est très toxique. II se prescrit en cachets ou en potion

alcoolisée à la dose de 0 gr. 20 à 0 gr. 40 jusqu'à 0 gr. 80 par jour.

TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. 409

Les bromures de sodium, d'ammonium, de calcium, de strontium se

prescrivent à 1a dose de 0 gr. 50 à 5 grammes.

Solution-holybromurée : ¡

HO . NÉVRALGIES ET ALGIES.

0 gr. 005 à 0 gr. 05 en granules, pilules, potion, sirop et en injections

hypodermiques à la dose de 0 gr. 005 a 0 gr. 02.

TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. 411

412 . NÉVRALGIES ET T ALGIES; - . ' -

Le sirop d'opium du Codex contient 0 gr. 04 d'extrait thébaïque par

cuillerée à soupe. Prendre, comme hypnotique, une cuillerée ou une

cuillerée et demie de ce sirop dans un peu d'eau.

TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. .4-15 S

Pouchef a conseillé la formule suivante : -

4 NÉVRALGIES ET ALGIES. , ? '

; Le sirop de chloral du Codex contient 1 gramme de chloral par cuil-

lerée à -soupe. .

Potions : : .

' TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. 4.-ia

Croton-chloral. - Le croton-chloral ou butyl-chloral a été conseillé

dans les insomnies dues'aux névralgies faciales, on le-prescrit à la dose

de 0 gr. 50 à 2 gr. sous forme de pilules ou dissous dans une potion au

moyen de l'alcool ou de la glycérine.

416 NEVRALGIES ET ALGIES.. 1 -

TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. 4)7

trional et GO centigrammes de paraldéhyde. Prendre deux ou trois cuille-

rées avant de se coucher.

Lavement de trional et de paraldéhyde :

418 NÉVRALGIES ET ALGIES.

Isopral. L'isopral se prescrit à la dose de 0 gr. 75 à 1 gr. 25. Ce

corps étant très volatil il ne faut pas le prescrire en cachet.

TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. - 419

420 0 NÉVRALGIES ET ALGIES.

TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. A2 !

les étincelles, le courant faradique de tension, le courant ondulatoire,

l'effluve de haute fréquence, l'étincelle condensatrice, le courant continu,

l'introduction éleclrolytique de médicaments. Toutes ces modalités élec-

triques peuvent se ramener à deux groupes primordiaux : les procédés

de révulsion et les procédés électrolytiques.

Nous renvovons aux traités spéciaux d'électrothérapie pour les détails

du traitement de chacune des névralgies observées en clinique. Les résul-

tais du traitement des névralgies par l'électricité est extrêmement

variable.

L'air chaud est un très bon moyen thérapeutique de beaucoup de

névralgies.

La radiothérapie a été employée avec succès dans certaines névral-

gies.

L'hydrothérapie est utile spécialement dans les formes chroniques

des névralgies. On conseillera, suivant les cas, les douches chaudes, les

bains alcalins, sulfureux, les bains de vapeur (voir le chapitre IImfioTlIÉ-

IL\PIE). Certaines stations thermales sont recommandables : Aix-les-Bains,

Dax, La Matou, Néris, Hourhonne, etc.

On a préconisé dans le traitement des névralgies les injections

sous-cutanées d'eau pure, d'eau salée, d'air.

Lannois, dans les cas de névralgie sciatique, conseille de faire au

niveau de chacun des points douloureux une injection de 5 centimètres

cubes de la solution suivante :

422 NÉVRALGIES ET ALGIES. ,

ce que la crépitation gazeuse ait disparu. Les injections gazeuses agissent

sans doute en tiraillant les filets nerveux et en amenant des modifications

de la circulation.

Les névralgies de la partie inférieure du corps peuvent être traitées

par les injections intra-arachnoïdiennes de doses minimes

de cocaïne ou par les injections épidurales.

Récemment Schlôsser a conseillé dans les cas de névralgies rebelles les

injections dans les troncs nerveux d'alcool. Des résultats

favorables avec cette méthode ont été obtenus par Schlosser, Ostwald,

Lévy et Baudouin, Brissaud, Sicard et Tanon.

Brissaud, Sicard et Tanon donnent pour les injections d'alcool dans le

sciatique la technique suivante. Le malade est couché dans le décubitus

latéral, la cuisse à demi repliée sur le bassin présentant à l'opérateur la

région fessière ischio-trochalltérienne. Il existe trois points de repère :

le trochanter, l'ischion, l'articulation sacro-coccygienne. Une ligne droite

réunit le trochanter et l'articulation sacro-coccygienne, c'est à un ou

deux travers de doigt au-dessus de l'ischion dans la gouttière 1SCI110-

trochantérienne inférieure que l'aiguille doit être enfoncée suivant la

normale. La profondeur à atteindre est de il 4 centimètres chez les

sujets maigres, de 7, 8 à 9 centimètres chez les sujets obèses. On par-

vient rarement d'emblée sur le nerf, quelques tâtonnements sont la règle.

Une douleur plus ou moins vive au niveau du pied, des orteils, de la

jambe, douleur ressentie par le malade quand la pointe de l'aiguille

prendra contact avec le tronc nerveux, reste le seul critérium de la loca-

lisation opératoire. Brissaud, Sicard et Tanon ont injecté primitivement

4ns le sciatique deux centimètres cubes d'alcool stovaïné à 80" et dosé à

un centigramme de stovaïne par centimètre cube. Depuis leurs premiers

essais ces auteurs ont abaissé à 45°, 40° le titre de la solution alcoolique

employée. Les injections d'alcool dans le nerf sciatique peuvent être sui-

vies de névrites graves et d'accidents paralytiques, aussi je crois que

cette méthode ne convient pas au traitement des névralgies sciatiques,

et, d'ailleurs, en général, au traitement, des névralgies des nerfs mixtes.

Les injections profondes d'alcool sont au contraire un traitement utile

et recommandable des névralgies faciales rebelles.

Schlôsser et Ostwald ont préconisé l'injection par la voie buccale des

branches du trijumeau au niveau des trous de la base du crâne. F. Lévy

et A. Baudouin, Sicard ont proposé de pratiquer ces injections par la

voie externe; cette méthode me paraît préférable en raison de la préci-

sion des points de repère. Voici, d'après Lévy et Baudouin, la technique

à suivre pour injecter le nerf maxillaire inférieur, le nerf maxillaire su-

périeur et le nerf ophtalmique.

Nerf maxillaire inférieur. Avec un compas au pointes mousses on

détermine le point situé au ras du bord inférieur de l'arcade zygoma-

tique à 2 centimètres et demi en avant du heurtoir de larahcul' (cet

auteur appelle ainsi la branche de bifurcation descendante de la racine

TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. ' 425

longitudinale du zygoma), cette arrête osseuse est toujours assez facile

à sentir, elle se continue du reste en bas avec le rebord antérieur du

conduit auditif osseux que l'on peut toujours reconnaître. Au niveau de

ce point une aiguille enfoncée normalement ou très légèrement en arrière

arrive à la profondeur de centimètres sur le tronc du maxillaire infé-

rieur sortant du trou ovale. Pour éviter la blessure des organes dan-

gereux (artère transverse de la face, artère maxillaire interne, artère

méningée moyenne) les auteurs ont conseillé dans leurs premières publi-

cations de se servir d'une aiguille spéciale à mandrin ; maintenant ils

font usage d'aiguilles sans mandrin, vissées sur seringue. Ces aiguilles,

en acier fort, ont une extrémité court-taillée et un calibre presque fili-

forme ; celles qui sont destinées au trou grand rond ont exactement

5 centimètres, celles du trou ovale ont 4 centimètres.

Nerf maxillaire szcpéie2l ? - On prolonge verticalement le bord

postérieur toujours nettement perceptible de l'apophyse orbitaire de

1 os malaire jusqu au bord du zygoma.

A un demi-centimètre en arrière de ce

point, au ras de l'arcade, on enfonce l'aiguille. On la dirige légèrement

en haut de façon à atteindre le plan horizontal affleurant l'extrémité

inférieure des os propres du nez. Arrivée il 5 centimètres la pointe

louche le tronc du nerf maxillaire supérieur sortant du trou grand rond

au plafond de la fosse ptérygo-lI1axiIlaire (figures 1 et 2).

Nerf ophtalmique. « La première branche de la cinquième paire

se divisant à 1 intérieur du crâne, on ne saurait avoir la prétention d'agir

sur son tronc. Des trois rameaux le nasal n'est guère accessible au

[GUILLAIN.]

Fil'. 1. - D'après Lévy et Baudouin.

Ti. 2. - II'apri's Lévy et Baudouin.

M4 NÉVRALGIES ET ALGIES.

milieu des nerfs moteurs importants qui l'entourent. Pour atteindre le

frontal et le lacrymal, la voie orbitaire est indiquée. Nous avons choisi la

paroi externe de l'orbite au niveau de l'extrémité inférieure de l'apo-

physe orbitaire externe du frontal. Enfoncée en ce point notre aiguille

passe au-dessous de la glande lacrymale et suit le périoste sans intéresser

ni le globe de l'oeil ni aucun organe important. A la profondeur de

55 ou 40 millimètres on pousse l'injection après avoir retiré le mandrin.

Il faut, recommander aux malades de fermer les yeux. On éprouve quel-

ques difficultés en traversant l'aileron externe de la capsule de Tenon

qui est très épais. » (Lévy et Baudouin.)

Sicard a insisté avec raison sur ce fait que l'injection des trous ou

canaux périphériques de la face pouvait souvent se montrer d'une grande

utilité dans les névralgies faciales. Dans un travail récent (Traitement de

la névralgie faciale par l'alcoolisation locale, Presse médicale, 0 mai I J08,

p. 2S0), il a bien indiqué les différents points de repère des orifices,

trous ou canaux d'émergence du trijumeau, qu'il divise en trois groupes :

1 le groupe périphérique, qui comprend les orifices sus-orbitaire, sous-

orbitaire, mentonnier; 2" le groupe moyen, qui comprend les canaux du

diploé des os maxillaires inférieur et supérieur, le canal dentaire infé-

rieur il son orifice spixienne et le canal palatin postérieur; 5" le groupe

profond, qui comprend le trou ovale et grand rond. Il néglige pour le

nerf ophtalmique la fente sphénoïdo-orbitairr, d'accès dangereux.

On pénètre à l'aide d'aiguilles fines en platine de 4 à 0 centimètres de

longueur et de 7 à 8 dixièmes de millimètre de diamètre au niveau des

trous du premier et du troisième groupe. Les canaux du diploé sont

atteints avec des forets spéciaux et injectés avec une seringue appro-

priée, l'orifice du canal dentaire est pénétré à son épine supérieure par

une aiguille recourbée, de même l'orifice du canal palatin postérieur.

On anesthésie superficiellement la peau et le trajet sous-cutané ou

muqueux au sur et il mesure du cheminement profond de l'aiguille à ! l'aide d'une solution de stovaïne il 1 pour 100.

L'alcool employé est au titre de 80 degrés (préparé avec de l'eau distil-

iee en partant de l'alcool rectifié absolu) avec ou sans addition de stovamR.

On trouvera dans le travail de Sicard les points de repère pour l'abord

des orifices, trous ou canaux des branches d'émergence du trijumeau

(figure 3). N'étudiant pas ici spécialement le traitement de la névralgie

facial ? je me contenterai de rappeler les points de repère pour aborder

le trou ovale et le trou grand rond (figures 5, 4, ai, 0).

« Le trou grand rond est atteint facilement par l'aiguille enfoncée au-

dessous de l'os mataire. dans une direction oblique de dehors en

dedans, d'avant en arrière, et légèrement de bas en haut. L'aiguille

cheminera à travers le tégument traversant la boule graisseuse de tiicbat.

en arrière ! de la face postérieure de l'os maxillaire supérieur, pour

arriver dans la fente plérygo-maxillaire. La profondeur d'introduction

de 5 centimètres ne doit pas être dépassée, comme t'out fait réunir-

- - TRAITEMENT DES NÉVRALGIES. - 425

quer Lévy et Baudouin. Les nerfs moteurs oculaires sont situés, en

effet, au sommet de cette

fente et doivent, de toute

nécessité, être soustraits

à l'action de l'alcool.

« Le trou ovale, situé immédiatement en arrière de la base de l'apo-

physe ptérygoïde, est distant de 4 centimètres environ de la surface

[GUILLAIIV.] ]

Fig. s.

Fig. 4.

Ilig. 5. Groupe des ' orifices périphériques. Nert sus-orbitaire A; sous-orbitaire il;

mentonnier C. La direction de la flèche indique la direction de l'aiguilla. D, point d'entrée

de l'orifice profond du trou ovale ; E, point d'entrée de l'orifice profond du trou grand

rond. (D'après Sicard.)

Fig. 4. Trou grand rond. Le nerf maxillaire supérieur B, au sortir du trou grand rond,

parcourt d'arrière en avant la fenle sphéno-axillaire A, au-dessus du ganglion sphéno-

palatin C et de l'artère maxillaire interne D. (D'après Sicard.) -

Fig. 5. Trou ovale. Coupe faite

immédiatement en arrière des apo-

physes ptérygoïdes au niveau du trou

ovale A. L'aiguille T a pénétré en

avant du condyle de l'os maxillaire

inférieur, a traversé le muscle mas-

seler, les muscles ptérygoïdiens- ex-

terne et interne. Son extrémité prend :

contact à 2 ou 3 millimètres au des-

sous du trou ovale (qui se trouve il

la partie postérieure de la base de

l'apophyse ptérygoïde). L'aiguille vient

ainsi directement piquer le nerf ma-

xillaire inférieur il sa sortie du trou

ovale A, avant sa division en ses deux

gros nerfs, nerf lingual C et nerf

dentaire inférieur B. On voit, à droite

de la figure, le lingual et le dentaire

inférieur passer entre les deux mus-

cles pterygoïdiens. Le nerf dentaire

va rejoindre le canal dentaire à

l'épine de Spix D. Si l'aiguille T

prolongeait sa course, traversant. le nerf, elle viendrait, laissant au-dessus d'elle le trou

déchiré antérieur, faire issue dans le pharynx nasal, à 1 centimètre an-dessous de l'orifice

interne de la trompe d'Eustache et à 4 cent. 1/2 au-dessus du voile du palais. En règle

très générale l'aiguille est du reste arrêtée 1 ce niveau par la partie fibro-cartilagineusc

inférieure de la trompe d'Eustache (D'après Sicard.)

Fig. 5.

436 , - ; NÉVRALGIES ET ALGIES.' . ; ...

cutanée, au niveau de ce petit triangle compris entre le bord inférieur

de l'apophyse zygomatique, l'apophyse coronoïde et le condyle du maxil-

laire intérieur (Levy et Bau-

douin). C'est dans cette

région cutanée que l'aiguille

doit être introduite dans

une direction- perpendicu-

laire. On abandonne 1 ce. 1/2

d'alcool environ. Le point

de repère profond qui nous

a paru le plus fidèle est le

bord postérieur de l'apo-

physe ptérygoïde. L'aiguille

doit buter sur ce bord, en

reèonnaître la partie supé-

rieure, puis se diriger im-

médiatement en arrière;

elle atteindra alors à peu près

sûrement le nerf maxillaire

inférieur à son émergence

ovalienne. » (Sicard).

On injectera dans les

branches du trijumeau 1 ou

2 centimètres cubes d'alcool

à 80°, additionnés de 0 gr. 01

de stovaïne ou de cocaïne par centimètre cube. 11 faut souvent plusieurs

injections avant d'observer la cessation des douleurs.

Sicard a préconisé récemment pour ces injections cette formule nouvelle :

TROUBLES DES RÉFLEXES

par le DU 0. CROUZON

Un réflexe est une excitation périphérique transmise par les voies cen-

tripètes à un centre nerveux qui la renvoie par les voies centrifuges à la

périphérie sous forme d'excitation motrice.

Si le point de départ de l'excitation périphérique est. un tendon, on

dit que le réflexe est tendineux. Si le point de départ du réflexe se

trouve au niveau de la peau, on dit que le réflexe est cutané.

Nous étudierons successivement les réflexes tendineux et les réflexes

cutanés.

Réflexes tendineux. On peut provoquer un réflexe tendineux

dans fous les points du corps où il existe un tendon accessible a la per-

cussion, au niveau des membres inférieurs comme au niveau des

membres supérieurs. Nous examinerons les réflexes les plus usuels en

clinique, et nous prendrons connue type de notre description la

recherche du plus important ou du moins du plus facile à constater,

nous voulons parler du réflexe rotulicn.

Réflexe rotulien. La recherche du réflexe rotulien qui est

entrée dans la pratique courante est cependant des plus délicates et une

mauvaise technique conduit souvent les observateurs à des erreurs de

diagnostic. Nous insisterons donc sur chacun des points de la technique.

JO Position du malade pour assurer le relâchement du triceps.

a) Le malade est assis. C'est la position la plus favorable pour

l'examen et on devra y recourir toutes les fois que cela sera possible. Le

malade se placera sur une chaise : il allongera ses jambes à demi, de

façon qu'elles forment avec les cuisses un angle de 155" ouvert en bas,

les pieds reposant sur le sol par les talons. On conseillera au malade de

ne pas se raidir : on palpera son quadriceps crural pour s'assurer de son

relâchement.

Le malade étant assis, on pourra encore examiner avec fruit le réflexe

rotulien en commandant au malade de croiser les jambes et de placer

sans la raidir l'une des cuisses sur l'autre.

Le malade étant assis, l'observateur pourra s'asseoir à côté de lui et

passer une de ses cuisses sous la cuisse du malade de façon à la soulever

et à laisser la jambe pendante. "

[CRO UZON. )

428 . RÉFLEXES. .

On pourra également obtenir le relâchement des membres en faisant

asseoir le malade sur le bord d'un lit ou sur le bord d'une table ou d'un

plan dur, les jambes restant pendantes.

b) Le malade est couché. Si l'on

ne peut déplacer le malade, on pourra,

même dans la position couchée, explo-

rer son réflexe rotulien par les procédés

suivants : on passera la main sous la

cuisse du malade et, en l'appuyant sur

la cuisse du côté opposé, on soulèvera

ainsi le membre à examiner en plaçant

la jambe en demi-flexion sur la cuisse.

On pourra encore placer le membre

inférieur en abduction et la jambe en

demi-flexion sur la cuisse de telle façon

que la face externe du genou repose sur

le plan du lit : le membre est, en géné-

ral, ainsi dans le relâchements

2° Instrument percuteur. On

peut se servir pour percuter le tendon

rotulien du bord cubital de la main ou

des doigts réunis en crochet. Mais il est presque indispensable pour

être sur de l'abolition d'un réflexe, de l'avoir percuté avec un marteau

à percussion. Il en existe de nombreux modèles : marteaux de Dejerine,

de Trousseau, de Legroux, etc., il faut et il suffit que le marteau soit

d'un poids notable

pour provoquer un

réflexe net. Il peut

arriver que le ré-

flexe rotulien n'ap-

paraisse pas après

une percussion

avec le bord cubi-

tal de la main et

qu'on le voie apparaître à la percussion au marteau. Il est donc très utile

de se servir du marteau, mais dans la pratique, on pourra quelquefois

utiliser avec profit, le manche d'un coupe-papier, d'un couteau, d'une

cuiller, le disque d'un stéthoscope. -

5° Point à percutér. La percussion devra porter sur le ligament

rotulien qui relie le sommet de la rotule au tubercule antérieur du

tibia. On s'assurera donc du point percuter en palpant le sommet de la

rotule, puis le tubercule antérieur du tibia : on sentira entre ces deux

points osseux une surface moins résistante, dépressible sous le doigt : .

c'est le ligament rotulien qui doit être percuté.

Cependant, il n'est point nécessaire de percuter ce point pour obtenir

Fig. 1. Exploration du réflexe ten-

dineux rotulien, le sujet étant assis.

(Blocq et Onanoff.)

Fig. 2. Marteau à percussion de Dejerine.

RÉFLEXES. 429

ce réflexe; on le percevra encore par le procédé de Walbaum (une jambe

est croisée sur l'autre, on place une main à demi-fermée, en exerçant

une pression modérée sur le point à examiner. La main est placée de

manière que le pulpe des doigts repose sur le ligament rotulien inférieur

et les éminences theuar et hypotbénar sur le hord supérieur de la rotule.

On donne alors un choc bref et léger avec l'autre main fermée sur

le dos de la main fixée sur le genou. De cette manière, la rotule est

refoulée en bas et le ligament rotulien se trouve tiraillé. On perçoit avec

la main fixe la plus faible réaction du triceps).

4° Constatation du réflexe. Le réflexe est le plus souvent apprécié

par le mouvement de propulsion du pied en avant, que le pied repose sur

le sol, que la jambe soit pendante ou qu'elle repose sur le plan du lit.

Quelquefois cependant le réflexe ne sera pas suffisant pour provoquer ce

mouvement de propulsion; la contraction sera très faible : on pourra

néanmoins l'apprécier simplement il la vue ou encore par la palpai ion du

triceps crural.

5" Causes d'erreur. L'erreur peut consister à méconnaître un

réflexe qui existe réellement, ou bien à croire à l'existence d'un réflexe

qui n'existe pas.

On méconnaît surtout l'existence d'un réflexe quand le malade se

raidit et quand la contraction permanente de son triceps empêche le

réflexe de se produire. Pour éviter que le malade ne se raidisse, on

peut, quand les recommandations simples ne suffisent pas, user des arti-

fices suivants.

Le plus commun est la manoeuvre de .luiclrassik : on dit au malade

d'opposer ses mains en crochet et d'opérer une traction de l'une sur

l'autre. L'attention du malade est portée sur l'effort qu'il a à fournir et il

cesse de raidir ses membres inférieurs. La manoeuvre de Muskens

consiste également dans une traction d'une des mains l'une sur l'autre.

mais la traction se fait au commandement de « lirez B. elle n'est que

passagère et immédiatement après qu'elle a cessé, on doit pratiquer la

percussion du tendon rotulien. -fiosenhach recommande d'occuper

l'attention du malade en lui faisant lire à haute voix et rapidement un

[CROUZO.\'.]

Fit. 3. Manoeuvre de Jcndrassik. (Blocq et Onanoff.)

4;)0 RÉFLEXES.

passage, difficile. L.-ll. Petit, pendant qu'il recherche le réflexe, fait

examiner l'oeil du malade et fait relever la paupière supérieure par

un assistant. Kronig percute le tendon après avoir commandé au malade

de faire une inspiration forcée et brusque en regardant le plafond

Guttmann soulève la cuisse et la jambe avec deux serviettes Feix place

le malade sur le flanc dans l'attitude du sommeil.

Tous ces moyens peuvent vaincre une contraction volontaire perma-

nente du muscle.

. Mais il est des cas où le réflexe n'apparaîtra pas en raison d'une

contracture du triceps crural ou de rétractions fibre-tendineuses qu'il

faudra mettre en évidence.

Quelquefois, le réflexe quoique non aboli, semble difficile à provoquer

à cause de la difficulté de la percussion; la présence de graisse ou

d'oedème des jambes nécessitent en effet une percussion beaucoup plus

forte que chez un sujet normal.

Telles sont les causes d'erreur qui peuvent faire méconnaître un

réflexe qui existe. Inversement, on peut croire à l'existence d'un réflexe

aboli, quand la percussion du tendon rotulien ébranle le triceps et fait

croire à sa contraction.

(je Appréciation du réflexe. On constate la présence du réflexe

rotulien, nous l'avons vu, par la contraction du triceps ou par la pro-

pulsion du pied, par la violence de la contraction du triceps et par la

vivacité de la réaction; les réflexes sont dits forts ou faibles, vifs ou

lents.

Dans la pratique, cette appréciation grossière suffit et il n'est pas

besoin de recourir à des mesures plus précises.

Nous mentionnerons donc seulement le réflexometre rotulien de

Castex ('). L'appareil permet de mesurer l'intensité de la percussion qui

produit la plus faible contraction; on emploie un percuteur qui, contenu

dans un tube cylindrique, est mis en mouvement par mie gâchette;

l'effort du percuteur est mesuré sur une graduation portée par l'appareil.

On appelle valeur du réflexe l'énergie du choc, qui produit la plus faible

contraction. La valeur normale du réflexe est en moyenne de 150 grammes

centimètres.

Il existe également un appareil enregistreur du réflexe de Sommer.

Giovanni Bopri a fait ses études sur les réflexes tendineux en employant

l'ergograpbe de Mosso. François Franc a pu cinématographier et en

même temps inscrire sur un graphique les réflexes tendineux. Enfin Tou-

louse et Piérun ont imaginé un appareil permettant de rechercher le seuil

du réflexe et de mesurer la réaction (Bévue de Psychiatrie, juin 1908).

Mais ce sont là des procédés qui sortent de la pratique courante.

Réflexe contralatéral des adducteurs. Ce réflexe a été

décrit par Pierre Marie, le 15 avril 1894. La recherche du réflexe contra-

1. CASTEX. Soc. de Biologie, 12 octobre 1901 et Congrès de Rennes, 1905.

RÉFLEXES. 431 1

latéral des adducteurs se rapproche de celle du réflexe rotulien. En

elle ! , le réflexe consiste dans une contraction des adducteurs provoquée

par la percussion du tendon rotulien du côté opposé.

Cependant pour bien mettre en évidence la contraction des adduc-

teurs, il est préférable de suivre la technique suivante' :

Le malade étant assis, on met ses jambes dans le relâchement en

leur donnant l'altitude de flexion sur les cuisses a 1W u°, m;cis en pla-

çant en même temps les cuisses en abduction. Si l'on présente alors

le tendon rotulien, on voit, en outre de l'extension de la jambe sur la

cuisse qui se produit du côté percuté, un mouvement produit par la

contraction des adducteurs qui rapprochent la cuisse de la ligne

médiane : c'est le réflexe contralatéral des adducteurs.

Le malade étant couché, on placera la jambe; à percuter comme il a

été indique'' précédemment pour la recherche du réflexe rotulien sur un

malade couché : on soulève la cuisse en passant la main sous elle, ou

bien on place la jambe en demi-flexion sur la cuisse et la cuisse en

abduction sur le plan du lit. Le membre opposé sur lequel on recherche

la contraction contrataterate des adducteurs sera placé de folle façon

que les adducteurs aient un maximum d'allongement. On place donc ce

membre dans l'altitude suivante : flexion à angle droit ou à angle aigu

de la jambe sur la cuisse et abduction de la cuisse. Dans celle situation,

la moindre contraction îles adducteurs se traduira par un déplacement-

du genou vers la ligne médiane, et le réflexe produit par la percussion

du tendon rotulien opposé pourra apparaître, si léger qu'il soit.

Ce réflexe n'est pas, comme le réflexe rotulien, un réflexe qui existe

chez tous les sujets normaux : on ne l'y rencontre que dans une propor-

tion assez faible : 9,G7 [tour 100, suivant Ganaull. Il n'est bien apparent

que lorsqu'il est exagéré : on le trouve dans les hémiplégies et paraplé-

gies il la période de contracture naissante.

On peut, grâce il sa constatation d'un côté, apprécier la prédominance

de la spasmodicite de ce même côté, alors que l'examen des autres

réflexes ne décèle pas d'inégalité. Ainsi dans une hémiplégie droite, la

percussion rotulienne du côté gauche sain détermine dans 47 pour 100

de ces cas, suivant Ganautt, une forte contraction des adducteurs de la

cuisse ri droite et la percussion rotulienne du côté droit paralysé ne

détermine aucune contraction des adducteurs à gauche. On dit alors que

le réflexe contralatéral est tins marqué ci droite qu'à gauche. On

conçoit que, si l'exagération du réflexe rotulien du côté droit paralysé

notait pas évidente, on aurait dans le réflexe contralatéral un moyen de

révéler la spasmodicite naissante du côté paralysé. Dans 10 pour 100

des hémiplégies, cependant, le réflexe contralatéral est exagéré des deux

cotes. La description du réflexe contralatéral des adducteurs de Pierre

Marie, en dehors îles recherches déjà citées de son élève Ganault, a été

confirmée par d'autres observateurs : Slrunipell, Guy Hinsdale et J. Ma-

dison Taylor, etc.

[GROoeON.]

J52 RÉFLEXES.

Il est possible qu'au phénomène contralatéral des adducteurs s'associe

quelquefois une contraction du triceps ou du fascia lata du même côté.

Ce fait observé par Ganault a été décrit également par Féré et l'a amené

il donner au phénomène tout entier le nom de réflexe fémoro-croisé qu'il

subdivise suivaut le cas en réflexe fémoro-croisé extenseur ou réflexe

fémoro-croisé adducteur.

Réflexe achilléen. Le réflexe achilléen est le réflexe provoqué

par la percussion du tendon d'Achille ou tendon du triceps surral : il

consiste dans la contraction de cette masse musculaire et a pour résultat

un mouvement d'extension du pied sur la jambe. '

Pour l'apprécier, il faut que le malade se mette ! à genoux et garde les

muscles du mollet dans le plus complet relâchement.

Dans ce but, on commande au malade de se mettre il genoux sur le

bord de son lit, les pieds dépassant le bord du lit.

On peut, si le malade n'est pas couché, le placer sur une chaise en lui

commandant : « Mettez-vous à genoux sur la chaise; en me tournant le

dos ». On placera sous ses genoux un coussiu pour éviter que cette

position ne lui soit pénible et qu'il ne soit obligé de se raidir. On veillera

également à ce que le malade repose solidement à la fois sur ses genoux

et sur la face antérieure des jambes et non sur les genoux seuls; on lui

recommandera d'avancer ses genoux aussi près que possible du dossier

de la chaise.

Tous ces détails montrent qu'il faut chercher à obtenir une résolution

musculaire complète. Avant de percuter le tendon d'Achille, on s'assu-

rera du relâchement des muscles en palpant le mollet, en constatant sa

flaccidité, en vérifiant la mobilité parfaite du pied sur la jambe et en

provoquant, par la palpation des muscles du mollet, l'extension du pied

sur la jambe.

On percute alors le tendon d'Achille qui est tendu entre le mollet et le

calcanéum; on voit se produire le léger mouvement d'extension du pied

sur la jambe, la face plantaire tend à regarder en haut, puis reprend sa

position première. Il est ici, plus encore que pour la recherche du

réflexe patellaire, nécessaire de se servir d'un marteau il percussion, car

le mouvement réflexe est bien moins intense qu'au niveau du tendon

rotulien et la percussion doit être pratiquée avec plus de force. La per-

cussion avec le bord cubital de la main est presque toujours insuffisante,

tout au plus peut-on obtenir quelques résultats avec le bord d'un coupe-

papier ou avec le disque du stéthoscope.

Il ne faut pas prendre pour le réflexe achilléen le léger mouvement

transmis au pied par le tendon achilléen déprimé sous la percussion du

marteau.

Clonus du pied. Quelquefois la percussion du tendon achilléen

n'amène pas seulement un mouvement d'extension du pied sur la jambe,

mais est le point de départ d'une série de mouvements rythmés et

saccadés d'extension du pied sur la jambe. Si l'on cherche à s'opposer

RÉFLEXES. 453

à ces mouvements par la .flexion forcée du pied sur la jambe, ils se pro-

duisent d'une façon continue et régulière : c'est le clonus du pied qui

est le signe de l'exagération du réflexe achilléen. - , '

Ce clonus du pied (ou phénomène du pied ou épilepsie spinale ou

trépidation épileptoïde) n'est pas cependant recherché dans la pratique

courante de la iaçon

que nous venons d'in-

diquer.

En général, on le

recherche, le malade

étant couché ou assis,

en plaçant sa jambe

en demi-flexion sur la

cuisse et en détermi-

nant brusquement une

flexion du pied sur la

jambe; le pied est

animé de secousses

d'extension rythmiques, régulières, pendulaires, qui durent tant que la

flexion forcée du pied persiste et peuvent apparaître sans que lé sujet

fasse la moindre résistance. z

Ces caractères sont nécessaires pour affirmer qu'il s'agit bien de clonus

du pied véritable. Il faut éviter de prendre pour un clonus du pied la

fausse épilepsie spinale qu'on rencontre chez les sujets nerveux à

réflexes un peu forts qui se raidissent en étendant le pied sur la jambe

quand l'observateur cherche à. faire la flexion forcée ; dans ce cas il se

produit seulement quelques mouvements successifs de flexion et d'exten- '-

sion qui s'épuisent rapidement et on peut constater en général ce phéno-

mène au niveau des deux tendons achilléens (Babinski) ('). Nous verrons

que celte fausse épilepsie spinale. n'a aucune valeur pathologique ou du

moins aucune valeur pour le diagnostic d'une maladie organique. C'est

là, semble-t-il, ce due Goers (2) a décrit chez les hystériques sous le nom

de « spurious ankle clonus ».

Clonus de la rotule. On constate chez les individus dont les

réflexes rotuliens sont très marqués un phénomène analogue au clonus

du pied. Pour le provoquer, on peut, comme l'a montré Erb, disposer

circulairement les deux mains autour de la partie inférieure de la cuisse,

les deux pouces appuyant sur le bord supérieur de la rotule et pressant

cet os fortement en bas, les contractions rythmiques du triceps se pro-

duisent alors et on assiste à la danse de la rotule. Ce phénomène e&t

associé le plus souvent au clonus du pied et à l'exagération des réflexes

tendineux.

'1. Babinski. Soc. Neurologie, janvier 1903.

2. GowEns. Médical Soc. of Lnndon, 2 nov. 1885.

Pratique 11EUROL.. 28

. caouzoiv.

Fig. 4. Exploration du clonus du pied. (Blocq et Onanoff.)

454 . , .. RÉFLEXES, . - , - ,.

Réflexes du poignet. On peut provoquer des réflexes en

percutant les divers tendons du poignet : les tendons extenseurs à la face

aorsme, les ten-

dons des fléchis-

, séurs et des mus-

cles palmaires à la

face palmaire, les

tendons des mus-

cles radiaux et long

supinateur des

abducteurs et ex-

tenseurs du pouce

sur le bord ex-

- terne, le tendon

des muscles cubi-

taux sur le bord

interne du poignet. La percussion de tous ces tendons détermine de la

contraction des muscles correspondants.

Il est nécessaire, comme pour la recherche des autres réflexes,

d'assurer la résolution musculaire complète de l'avant-bras. Dans ce but

on peut, si le malade est couché, laisser reposer le bras et l'avant-bras

sur le plan du lit; si le malade est assis, on lui recommandera de laisser

ses bras pendants, les avant-bras reposant sur les cuisses. L'observateur

pourra encore, que le malade soit couché, assis ou, debout, prendre la

main' du malade dans la sienne pour soutenir l'avant-bras et en assurer le

relâchement.

. Le marteau percutera successivement chacun des groupes musculaires.

Clonus de la main. Bouchard (1866) a montré qu'en relié-

vant la main de certains

hémiplégiques., on pou-

vait obtenir un clonus

de la main analogue à

celui du pied. Il est

nécessaire de pratiquer

une extension brusque

1 et forcée de la main sur

le poignet et de mainte-

nir ensuite cette exten-

sion. Ce phénomène est

lié à l'exagération des

réflexes du poignet,

mais il s'observe assez

rarement.

Réflexe massétérin. Enfin nous rapprochons des réflexes

tendineux le réflexe du masseter, bien qu'il ne soit pas produit par per-

, Fig. 5. Exploration du réflexe tendineux du poignet.

(Blocq et Onanoft'.)

Fig. 6. Exploration du réflexe de la mâchoire inférieure

(massétérin). (Blocq et Onanoff.)

RÉSULTATS FOURNIS PAR L'EXAMEN DES RÉFLEXES. 43.') ai

cussiondu tendon, mais par percussion ou traction du muscle lui-

même. Pour obtenir le réflexe, on peut en effet procéder de deux façons :

on peut percuter avec le marteau le muscle masséter à travers la peau de

la joue et on voit alors se produire la contraction qui relève l'arcade

dentaire inférieure. On peut encore commander au malacle (I'elltl''U111'l'll'

la bouche sans faire d'efforts. On appuie la lame d'un couteau ou d'un

coupe-papier sur les arcades dentaires inférieures et on percute avec le

marteau la surface de la lame. L'arcade dentaire s'abaisse d'abord sous

le choc, puis elle est soulevée par la contraction du masséter : c'est lit

le réflexe.

RÉSULTATS FOURNIS PAR L'EXAMEN DES RÉFLEXES

Nous venons de voir, à propos de la technique de chacun des réflexes

précédents, comment se manifestait le réflexe à l'état normal. Nous

allons étudier maintenant les troubles des réflexes et leur signification

pathologique.

Il convient cependant, avant d'étudier la pathologie des réflexes, de

connaître les variations qu'ils subissent, en dehors des conditions mor-

bides, du fait de l'âge, de la fatigue, etc.

VARIATIONS DES RÉFLEXES EN DEHORS DES CONDITIONS MORBIDES

Les réflexes tendineux gardent-ils leurs caractères à toutes les périodes

de la vie ou subissent-ils des variations dans l'enfance et dans la vieillesse ?

Mobius (') a examiné les réflexes rotuliens de 56 malades âgés de plus de

80 ans; il a constaté que chez 8 d'entre eux ces réflexes étaient très

faibles et que chez 9 ils faisaient absolument défaut, sans que d'ailleurs

il existât chez aucun des ces malades de signe d'une affection nerveuse.

Chez les nouveau-nés, les réflexes tendineux sont exagérés, comme

d'ailleurs l'activité réflexe de la moelle en général : ils diminuent quel-

ques semaines après la naissance. Pclizmns (2), sur 40;¡ enfants, n'en a

trouvé qu'un chez lequel le réflexe rotulien n'existât pas et cependant

chez lui ce réflexe put être provoqué par l'emploi du procédé de

Jendrassik.

Lombard n a fait mesurer son réflexe rotulien dans 259 circonstances

différentes : c'est le matin après le petit déjeuner que le réflexe est le

plus fort, c'est la nuit qu'il est le plus faible. La diminution de ce réflexe

pendant le cours de la journée s'accomplit d'une façon très irrégulière :

en général, après chaque repas, le réflexe est plus fort. Les réflexes rolu-

liens sont diminués par une fatigue modérée, la faim un temps lourd,

i. 1(ümu,. Cbl. f. Ncrtc'tlteillcrculc, '18W>, n° ill.

2. Pe',tzus. Nearolog. Cbl., 1886, p. 50.

ô. Louu : ntn. Neurolog. Cbl., 1S : )0, p. 85.

ICROUZON]

156 RÉFLEXES.

le sommeil, en un mot par toutes les conditions qui diminuent l'activité

du système nerveux. Les réflexes rotuliens sont, augmentés, par les vives

excitations sensorielles, les rêves violents. La musique les augmente

d'autant plus qu'elle est plus bruyante. La respiration normale est sans

influence, mais en retenant longtemps l'haleine, on augmente les réflexes.

Lombard remarque également que les réflexes rolulipns sont augmentés

par la coïncidence de mouvements volontaires et celle variation nous

explique que la manoeuvre de Jendrassik ait pour effet de mettre en

évidence des réflexes difficiles à trouver.

Orschanski ('), en faisait travailler un membre, a vu tout d'abord les

réflexes tendineux augmenter d'intensité, puis diminuer a mesure que la

fatigue arrivait, et enfin, si celle-ci était poussée il un degré très marqué,

par exemple, s'il existait du tremblement., les réflexes tendineux pouvaient

disparaître entièrement. xm

VARIATIONS DES RÉFLEXES DANS LES MALADIES

A) Abolition des réflexes. - Dans la pratique clinique, l'abo-

lition des réflexes a une valeur bien différente suivant qu'elle est loca-

lisée à quelques tendons (et en particulier à ceux du membre inférieur)

ou suivant qu'elle est généralisée. '

1° Abolition partielle des réflexes tendineux. a) Abolition des

réflexes rotulien et achilléen. C'est par ces symptômes que débutent

quelques affections médullaires dont l'évolution entraîne plus tard t'abo-

lition de tous les réflexes. L'abolition des réflexes rolldiens et achilléens

est donc un symptôme précoce de ces affections.

La plus fréquente d'entre elles est le tubes. C'est il Westphal que

revient le mérite r) d'avoir montré que la disparition du réflexe rotulien

est un des symptômes les plus constants du tabès. Ce signe est devenu

un des signes cardinaux de cette maladie : il est connu sous le nom de

signe de 11'ealrltal et constitue avec le signe de Romberg. le signe de

Hobertson et t ataxie le syndrome caractéristique du tabès dorsalis.

Cependant il ne faut pas oublier, dans cet historique du réflexe rotulien,

Krb epii, dans le numéro même où paraissait l'article de Weslphal, pu-

bliait de son côté la description des réflexes tendineux et en particulier

du réflexe tendineux rotulien. Il est vrai que Westpbat eut le mérite de

montrer la valeur de l'abolition du réflexe dans le tabès : c'est donc à

juste litre qu'on a donné son nom il ce signe, mais il convient d'associer

le nom d t'jrb il celui de Weslphal dans la découverte du réflexe rotulien.

Par la suite, les travaux de Charcot, Jolfroy, Urissaud vulgarisèrent cette !

découverte en France et assurèrent son succès.

Le réflexe rotulien fait donc défaut dans le tabès, d'une façon générale.

1. Oi;sr : nwssi. ir»Y/.s7(.71, 1 XX4; Anal. Neurolog. CcnlrrrlGlul,l, 1884, p. 409.

2. Arcliiv. sur ? <y<.7tM<)'t<'p, 1875.

RÉSULTATS FOURNIS PAR L'EXAMEN DES RÉFLEXES. 457 r

Cette abolition des réflexes se manifeste le plus souvent dès les premières

périodes de cette affection. ,

Cependant il y a des exceptions à cette règle :

Ce sont tout d'abord les cas de tabes avec conservation des réflexes

rotuliens qu'ont signalés plusieurs auteurs, Lehmann, Westphal, Kraus,

Minor, Pick, Achard et Lévi, Dupré et Camus. Il est probable que, dans

ces cas, il s'agit de lésions limitées à la partie supérieure de la moelle, de

lésions discrètes méningo-vasculaires ou de l'intégrité de la zone d'en-

trée des racines postérieures, des bandelettes externes de Charcot et

Pierret. (il convient toutefois de ne pas s'exagérer l'importance de cette

localisation anatomique). ,

Il peut exister également des cas de tabes avec diminution des

réflexes tendineux, ou même diminution unilatérale, c'est-à-dire d'inéga-

lité des réflexes tendineux. n

Enfin une dernière modalité s'observe chez les tabétiques hémiplé-

giques. On a vu, en effet, des malades atteints d'abolition des réflexes

tendineux et frappés d'hémiplégie chez lesquels le réflexe rotulien réap-

paraissait du côté de l'hémiplégie. Cayla ('), dans sa thèse sur l'hémiplégie

dans le tabes, cite plusieurs exemples de réapparition des réflexes.tendi-

neux dans l'hémiplégie des tabétiques : ce sont les cas de Goldflam, de

llughlings-Jaclaon, Raichline, mais le cas de Raichline est le plus inté-

ressant : en effet, quatre mois après son début, l'hémiplégie provoqua le

retour des réflexes tendineux du côté paralysé, mais, deux mois plus

tard, la réapparition des réflexes fut également constatée du côté sain.

Noïca (Journal de Neurologie de Bruxelles, 1907) pense que les réflexes

ne peuvent s'exagérer du côté hémiplégique chez un tabétique que s'ils

persistaient même à un faible degré.

Tout ce que nous venons de dire du réflexe rotulien dans le tabès

s'applique au réflexe achilléen. Cependant il est un point de sa séméio-

logie dont la connaissance est récente. M. Babinski (1898) a eu, en effet,

le mérite d'attirer l'attention sur la fréquence de la disparition de ce

réflexe dans le tabes et plus particulièrement sur la précocité de cette

disparition qui est antérieure à celle des réflexes rotuliens : la constata-

tion de ce symptôme permettra donc de faire un diagnostic précoce de

l'ataxie locomotrice.

Comparant les relations du réflexe rotulien et du réflexe achilléen dans

le tabes, M. Babinski a montré qu'on pouvait observer les combinaisons

suivantes :

a) Les deux réflexes sont abolis : c'est la forme la plus fréquente;

b) Les deux réflexes sont troublés, mais non abolis complètement. On

pourra voir l'abolition des deux réflexes d'un côté et la conservation du

côté opposé ou bien l'abolition croisée des réflexes rotulien et achil-

léen ; - ...

1. Thèse de Paris, 1902. ,. 1

¡GHOUZON,]

458 RÉFLEXES.

c) Quelquefois on pourra trouver les réflexes rotuliens abolis ou trou-

bles et les réflexes achilléens normaux ;

d) Enfin les cas les plus intéressants auxquels nous faisions allusion

sont ceux où le réflexe rotulien est normal et où l'on constate l'abolition

ou le trouble du réflexe du tendon d'Achille.

Van Gehuchten et de Buck ont observé des cas où l'abolition des

réflexes achilléens des deux côtés coïncidait avec l'exagération des

réflexes rotuliens.

Segcr dans sa thèse (1902), Sarbo, Max Biro, Van Gclmclllcu, Golcl-

flam ont confirmé la valeur sl'méiologique de la disparition précoce du

réflexe achilléen dans le tabes. Il est donc nécessaire d'examiner systé-

matiquement ce réflexe toutes les fois qu'on suspecte cette affection : on

pourra, grâce il lui. dépister des cas frustes ou des tabès à la première

période de la maladie.

L'abolition des réflexes tendineux achilléen et rotulien s'observe éga-

Iement dans la maladie de Friedreich. « Les réflexes tendineux sont

presque toujours absents et c'est celle absence qui contribue il donner

a la maladie de hricclreicll cet aspect clinique singulier consistant dans

une sorte de mélange des symptômes du tabès avec ceux de la sclérose

en plaques. Quelquefois les réflexes tendineux sont simplement diminués.

Dans certaines observations, on les signale même comme augmentés.

Faut-il admettre' qu'il y a eu erreur et que ces cas n'appartiennent pas

il la maladie de Friedreich, ou bien attribuer celle exagération à une

participation plus marquée qu'il l'ordinaire des cordons latéraux au

processus morbide ? Pour moi, c'est la première opinion qui nie parait de

beaucoup la plus vraisemblable, et je vous engage à vous méfier un peu

des prétendus cas de maladie de Friedreich dans lesquels les réflexes

tendineux seraient exagérés. » (Pierre Marie.)

Il s'agit sans doute dans ces derniers cas de Yhérédoataxie cérébel-

leuse de Pierre Marie. En effet; dans cette affection, l'exagération des

réflexes est la règle et ce n'est qu'à la période terminale que s'observe

l'abolition des réflexes.

L'abolition des réflexes tendineux et achilléen et rotulien est un des

éléments du syndrome des scléroses combinées de la moelle dans la

forme tabétique, dans les scléroses combinées de la paralysie générale el

dans les formes subaiguës. Dans la forme (abélique, elle est semblable

il celle du tabès, mais elle accompagne le triade symptomatfqne qui le

différencie du tabès vulgaire : démarche avec trainement des jambes.

paraplégie, signe de Babinski (Pierre Marie et Crouzon).

Dans les formes subaiguës : (scléroses combinées de l'anémie penn-

cieuse, subacufe combined degeneration décision Russetf. Italien el

Collier), elle s'observe soit dès le début, comme élans l'anémie perni-

cieuse, soit à une période avancée, comme dans la forme décrite parles

auteurs anglais; dans ce dernier cas, elle est alors précédée d'une phase

d'exagération des réflexes tendineux.

HESLLTATS FOURNIS PAR L'EXAMEN DES REFLEXES..45')

Dans la forme cérébelleuse de la sclérose en plaques, on peut observer

la diminution ou l'abolition des réflexes.

Dans t'amyotrophic Clccr·cot-31a°ic, les réflexes rotuliens sont sou-

vent diminués ou abolis, mais ils sont quelquefois tout à fait normaux.

De tontes les affections médullaires que nous venons de mentionner,

celle qui se rencontre le plus fréquemment est le tabès; aussi est-ce au

tabès que l'on pensera immédiatement en présence de l'abolition des

réflexes rotuliens.

On pensera immédiatement après aux névrites des membres inférieurs.

Dans ces affections, en effet, l'affaiblissement ou l'abolition des réflexes

tendineux est la règle, leur exagération est une rareté (Babinski).

L'abolition des réflexes s'observe dans toutes les variétés de névrites,

que la lésion porte plus particulièrement sur les plus sensitives ou qu'elle

atteigne les libres motrices.

Si la névrite porte sur la jambe et respecte la cuisse, les réflexes

achilléens seuls seront touchés. Et c'est la constatation de ce signe qui

permet de faire le diagnostic de l'atteinte du nerf sciatique, soit dans les

formes de sciatique névrite avec amyotrophie, soit dans la névralgie

sciatique où l'altération nerveuse reste très légère (Babinski).

Ce que nous venons de dire des névrites en général s'applique à

chaque névrite en particulier.

Dans la névrite alcoolique, les réflexes rotuliens sont presque toujours

abolis. Et nous pourrions retrouver le même symptôme dans la névrite

saturnine, dans la névrite diphtérique aussi bien que dans les névrites

lépreuse, puerpérale, sulfo-carbonée.

L'abolition des réflexes se constate plus rarement dans l'intoxication

par l'oxyde de carbone.

Une mention spéciale doit être faite de la névrite diabétique, dans

laquelle l'abolition des réflexes donne l'aspect clinique connu sous le

nom de pseudo-tabes diabétique. C'est à M. Bouchard que revient le

mérite d'avoir montré l'existence de ce symptôme et sa valeur pronos-

tique chez les diabétiques. Il l'avait constaté 12 fois sur 41 diabétiques

observés, soit 29 pour 100, et en rapprochant. l'évolution ultérieure de la

maladie de la constatation de ce symptôme, il nota que, tandis que chez

les diabétiques ayant gardé leurs réflexes, la mortalité était de 7 pour

100, elle était de 17 pour J 00 pour les diabétiques qui n'ont plus leurs

réflexes. L'abolition des réflexes chez un diabétique a donc une signi-

fication pronostique fâcheuse, surtout chez les diabétiques jeunes, au-

dessous de 50 ans (Lpnn(',); elle est une contre-indication il une inter-

vention chirurgicale (P. Reynier, Berger). Cependant cette signification

pronostique fâcheuse est contestée par certains auteurs, en particulier

1;w Crule (Dentsclle Merl. 11'ocle., H05L Quand il se joint à cette aboli-

lion des réflexes rotuliens un certain degré d'ataxie des mouvements,

des troubles sensitifs, l'ensemble des symptômes constitue le pSP/ldù-

tabes diabétique. Dans le pseuclo-tahcs diabétique, connue dans le tabès

caouaoN.

4 RÉFLEXES.

vrai, un a pu voir, à l'occasion d'une hémiplégie, réapparaître le réflexe

rotulien du côté paralysé; tel est le cas de Marinesco (Société de Bio-

logie, 26 ocl. 1895) où l'apparition d'un syndrome de Weber chez un

diabétique amena la réapparition du réflexe rotulien du côté atteint par la

paralysie.

Enfin on peut observer les troubles des réflexes non seulement dans les

toxémies nerveuses du diabète, mais aussi dans les accidents nerveux

des affections hépatiques. M. Léopold Lévi [Société de Biologie, 14 jan-

vier 1896) a constaté dans 8 cas sur 14 l'abolition des réflexes patel-

laires : il s'agissait de tuberculose hépatique, de lithiase biliaire avec

ictère grave, de cirrhose alcoolique, de néoplasme hépatique. Cette abo-

lition des réflexes n'est peut-être pas dans tous les cas en rapport direct

avec la maladie du foie, elle relève peut-être de l'intoxication alcoolique.

Au contraire. la suppression transitoire des réflexes peut être rapportée à

une cause hépatique, il y aurait alors, comme dans d'autres intoxications,

une abolition de l'excitabilité médullaire.

Nous venons de voir les principales affections médullaires et les prill-

pales affections des nerfs dans lesquelles on constate l'abolition du

réflexe rotulien ou du réflexe achilléen. Il est cependant un certain

nombre d'affections de la moelle que nous avons laissées de côté et dans

lesquelles on observe également, quoique moins souvent, l'abolition des

réflexes. Telles sont d'abord les compressions de la ineielle. "

En général, dans les compressions de la moelle, la paralysie reste

flasque au début de la maladie, il y a alors abolition des réflexes. Puis,

dans une seconde période cette abolition des réflexes disparaît pour être

remplacée par la paraplégie spasmodique.

Au contraire, dans un'certain nombre de cas de compression de la

moelle, les réflexes sont et demeurent abolis. Dans ces cas, suivant Bas-

tian, il y a destruction de la moelle, par conséquent l'abolition perma-

nente des réflexes a une grande valeur pour le diagnostic de la section de

la moelle, suivant Baslian.

Telle n'était pas cependant l'opinion de Charcot qui pense epic. dans la

section même complète, il y a toujours exagération des réflexes au-dessous

de la lésion : telles ne sont pas non plus les conclusions des. recherches

de Babinski (pu a observé que la paralysie flasque, intense, -complète,

pouvait ne s'accompagner d'aucune lésion appréciable de la moelle.

Dans la compression brusque de la moelle, l'abolition des réflexes

s'observe également. Elle apparaît subitement en même temps que la

paraplégie, mais cette abolition des réflexes est passagère. Il semble

qu'elle soit due au choc de la moelle, elle peut disparaître et guérir très

vite, elle peut au contraire être suivie des phénomènes de la compression

lente, exagération des réflexes et paraplégie spasmodique.

L'abolition des réflexes est encore la caractéristique d'un grand

nombre de paraplégies flasques.

Puisque nous venons de mentionner les plus importantes, il ne nous

RÉSULTATS FOURNIS PAR L'EXAMEN DES RÉFLEXES. 441

restera plus qu'il énuinérer les autres causes de paraplégies : les trauma-

tisnnes vertébraux, fractures de la colonne vertébrale, coups de

couteau de la moelle el hémalomyélie, myélite tranSVe1'SI ?

L'abolition des réflexes s'observe dans la poliomyélite antérieure

chronique de l'enfant, ("est-il-dire la paralysie infantile. Cette aboli-

tion des réflexes qui quelquefois est incomplète ne s'observe qu'au niveau

des muscles paralysés.

Enfin, dans la syringomyélic, quoique le plus souvent il y ait exagéra-

tion îles réflexes, il existe des cas où l'abolition des réflexes fait partie de

l'ensemble des symptômes tabétiques : ces phénomènes sont l'expres-

sion de lésions des cordons postérieurs.

Bruhl a pu chez un malade observer d'un côté l'abolition des réflexes

et de l'autre l'exagération.

Enfin, l'abolition des réflexes peut s'observer non seulement dans les

affections médullaires et névritiques. mais on l'a encore constatée dans

les affections des muscles : les myopathies. Dans les myopathies progres-

sives. en dehors de l'abolition des réflexes qui est liée à l'atrophie des

muscles paralysés, on a pu constater l'abolition des réflexes malgré l'inté-

grité des muscles correspondants (Léri).

11) Abolition des réflexes tendineux d'un calé du corps. On peut

observer l'abolition des réflexes au cours de l'ltent.iplégie. Suivant Ba-

binski, celte persistance de l'abolition des réflexes au cours d'une hémi-

plégie et l'absence de contracture seraient l'indice d'une compression

cérébrale au niveau de la région rolandique, compression produite par

une tumeur cérébrale.

L'abolition ou la diminution des réflexes s'observent également il la

suite de Yépilepsie jacksonienne, dans les territoires où se produisent

les accès convulsifs, persistant pendant quelques heures, quelques jours

après ces accès; quelquefois elles persistent d'une façon continue.

c) Abolition limitée des réflexes tendineux à un membre ou à un

segment de membre. L'abolition des réflexes peut être tout il fait li-

mitée dans le cas des névrites ou de plaies des nerfs. Elle est limitée il

la région énervée par le nerf lésé.

2° Abolition généralisée des réflexes tendineux. L'abolition

généralisée des réflexes tendineux peut s'observer au cours d'affections

cérébrales. Elle apparaît dès le début de Y apoplexie ; dans ce syndrome,

qu'il soit produit par l'hémorragie ou par le ramollissement cérébral,

l'abolition des réflexes peut exister dès le début, il disparait si l'apo-

plexie cesse; et laisse derrière elle un étal des réflexes qui est variable

suivant qu'il y a ou non persistance d'une hémiplégie.

Dans la méningite tuberculeuse, on observe également l'affaiblis-

sement ou la disparition des réflexes lorsque la période terminale appa-

raît et lorsqu'elle entraîne le coma, la résolution musculaire et la

paralysie.

Il en est de même de la méningite cérébro-spinale.

[CROUZON] ]

- M3 ' " . RÉFLEXES.

M. Triboulet (Société médicale des hôpitaux, 7 novembre 1902) et

M. Cachet, dans sa thèse de Paris 1902-1905, ont étudié les réflexes

tendineux dans la méningite cérébro-spinale. Alors que les classiques

déclarent que les réflexes sont tantôt normaux, tantôt abolis, tantôt

exagérés, M. Triboulet a observé un cas où l'abolition des réflexes a cédé

à deux reprises en 15 jours à une ponction lombaire. Il semble que

l'exsudat rachidien influence les réflexes et que la présence de liquide

céphalo-rachidien en excès les abolisse, soit par compression directe,

soit en provoquant une ischémie radiculaire ou médullaire.

Enfin, l'état des réflexes peut être le même dans les hémorragies

méningées lorsqu'elles sont caractérisées par les mêmes syndromes :

apoplexie, coma, résolution musculaire.

On observe également l'abolition ou l'affaiblissement des réflexes dans

la chorée et en particulier dans la chorée de Sydenham. 11..TofFro a

constaté cette abolition des réflexes et en particulier l'abolition des ré-

flexes patellaires dans la grande majorité des cas de chorée. Benboffer

et Oddo ont fait des constatations analogues..

Dans la maladie de Parkinson, on a signalé le plus souvent l'abo-

lition des réflexes rotuliens; toutefois nous pensons qu'il faut se mettre

en garde contre les difficultés de la recherche des réflexes dans cette

affection où la rigidité est si marquée. D'autre part, Alquier a signalé

l'exagération des réflexes dans la grande majorité des cas de cette c

affection. -

L'abolition des réflexes peut s'observer à un stade avancé du syndrome

d'Erb après une phase de diminution progressive des réflexes.

Elle s'observe également dans l'acromégalie d'une façon disséminée,

mais plus spécialement au niveau des réflexes patellaires.

Enfin on observe l'abolition des réflexes dans les tumeurs cérébrales

et cérébelleuses. '

En ce qui concerne les tumeurs du cervelet, l'affaiblissement s'observe

dans J 5 pour 100 et l'abolition dans 15 pour 100 des cas, peut-être y

a-t-il alors, comme dans les tumeurs de l'encéphale, dégénérescence des

racines postérieures de la moelle, peut-être l'abolition des réflexes est-

elle due à la cachexie, peut-être est-elle due à l'accroissement de pression

du liquide cérébro-spinal.

Les réflexes peuvent être abolis ou diminués dans les maladies mentales.

Cramer (MÜnchene1' med. 117och., novembre. 1895) a publié une étude

sur la valeur du réflexe patellaire pour le diagnostic et le pronostic de

ces affections.

Dans les maladies mentales, la paralysie générale est la seule qui

offre d'une façon fréquente des troubles du réflexe patellaire. En effet, en

dehors de l'alcoolisme, en dehors de la convalescence de la manie aiguë,

à part la manie chronique et une certaine forme aiguë de la -paranoïa,

l'abolition du réflexe patellaire doit faire penser à la paralysie géné-

rale. M. Marandon de Montyel a étudié le réflexe patellaire aux trois

lil ? SUL'fa1'v TOUIi\IS l'alt I,'l,\ : 1H1.\ DI : S RI,ILI : \I;S. 4 ! 4.ï

périodes de la paralysie générale; il semble, d'après lui, que le réflexe

rotulien soit d'autant moins atteint que la paralysie générale est

plus avancée. Le maximum des altérations se trouve en effet il la pre-

mière période et le minimum à la troisième. C'est surtout à la première

période qu on trouve le maximum des abolitions des réflexes, il la

seconde période on constate le maximum de fréquence d'exagération

des réflexes et il la troisième période le maximum des affaiblissements

des réflexes.

On lient observer également des troubles des réflexes dans des lésions

labyrinthiques; P. Bonnier a montré que, dans les variations labyrin-

thiques brusques (bourdonnements, vertiges), le réflexe est diminué et

parfois supprimé.

On a observé dans les infections l'abolition fréquente du réflexe rotu-

lien. Sur 200 enfants atteints de pneumonie franche, M. Pfaundler

(Münchener med. Woch., 22 juillet -J (02) a noté 55 fois, soit dans

28 pour 100 des cas, l'abolition des réflexes. Ce symptôme a été noté à

toutes les périodes de l'affection, quelquefois il persistait pendant un

certain temps après la défervescence. Il semble que ce symptôme soit en

rapport avec la gravité de l'état général et avec l'intensité des troubles

cérébraux du début. Sur les 55 enfants qui l'ont présenté, ont suc-

combé, ce qui constitue une mortalité de 5,4 pour 100, c'est-à-dire une

mortalité relativement élevée pour la pneumonie infantile.

Dans le choléra, M. Galliard a examiné l'état des réflexes rotuliens.

Dans les formes algides, l'abolition du réflexe rotulien existe dans la

moitié des cas et le pronostic de ce symptôme est souvent défavorable;

cette perte du réflexe rotulien aurait une signification encore plus défa-

vorable, suivant M. Galliard, quand il est associé à la perte du réflexe

pupillaire.

Les réflexes rotuliens ont, été étudiés dans' la syphilis, et non seule-

ment chez les syphilitiques d'ancienne date, mais encore dans la première

période de la maladie, c'est-à-dire de un mois à deux ans.

L'abolition du réflexe patellaire a été observée par M. Binet-Sanglé

5 fois sur \7). Elle peut s'observer, suivant lui. avant l'apparition du tabès

et permet de faire prévoir ce diagnostic. U est très probable, toutefois,

qu'il s'agit dans ces cas de tabès fruste.

En dehors des cas de syphilis nerveuse, Lang et Casey, A. Wood ont

trouvé que 40 pour 1 no des gens atteints de la syphilis congénitale

avec kératite interstitielle ont les réflexes réfutions absents ou très

diminués.

On a constaté également l'abolition du réflexe patellaire au cours de

l'anesthésie chloroformique. Horsley a vu, dans le sommeil profond

produit par le protoxyde d'azote, les réflexes superficiels (plantaires et

conjonctifs) disparaître, tandis que les réflexes profonds tels que le

réflexe rotulien persistait. Dans le sommeil chloroformique, au contraire,

tous les réflexes superficiels ou profonds, disparaissent, cependant

[CROUZON.]

.41.4 RÉFLEXES.

\1. Laurl'is a YU coustatumentdanstecasd'anestliesieehtoroforuuque

que la disparition des réflexes plantaire, errl1lastrrien et abdominal

précédait la disparition des réflexes rotuliens et achilléens.

Enfin, l'abolition généralisée des réflexes est également, un signe qui

s'observe dans la cachexie et élans les intoxications de toute nature.

Rappelons à ce propos l'expérience de Prévost où l'anémie de la moelle

par la ligature de l'aorte diminue l'excitabilité réflexe et abolit les

réflexes tendineux. Cependant il ne faut pas perdre de vue que bon

nombre de ces cas d'abolition des réflexes sont dus soit à des lésions

médullaires comme dans l'anémie pernicieuse, soit à des névrites péri-

phériques comme dans la tuberculose.

B) Exagération des réflexes. L'exagération des réflexes peut

porter sur tous les réflexes tendineux, sur les réflexes tendineux d'un

seul côté du corps, sur les réflexes tendineux des deux membres supé-

rieurs, enfin sur les réflexes tendineux des deux membres inférieurs.

Nous allons envisager successivement la valeur semiologique de chacune

de ces modalités cliniques.

1" Exagération des réflexes des membres inférieurs. Nous

commençons par l'étude de l'exagération des réflexes des membres infé-

rieurs parce que ce sont les réflexes le plus fréquemment touchés; ils

subissent en effet le retentissement non seulement des lésions médul-

laires dorso-lombaires, mais encore des lésions médullaires et cérébraks

sus-jacentes.

L'exagération des réflexes, comme nous l'avons vu, est caractérisée

aux membres inférieurs par la brusquerie et la rapidité de la propulsion

du pied et par le clonus du pied.

Cette exagération des réflexes des membres inférieurs est le plus sou-

vent liée aux symptômes suivants : paralysie, signe de Babinski, troubles

des fonctions des sphincters et quelquefois eschares et anesthésie : nous

avons alors le tableau de la paraplégie spasmodique.

L'exagération des réflexes se rencontre dans les affections suivantes :

La sclérose en plaques, qu'elle se manifeste sous la forme spasmo-

dique franche ou sous la forme eérébello-spaslllodiq1le, est caractérisée

par l'exagération des réflexes. La forme cérébelleuse pure ne parait pas

présenter cette exagération des réflexes tendineux : elle présente plutôt,

comme nous l'avons vu plus haut, la diminution ou l'abolition des

réflexes.

Dans la myélite syphilitique, l'exagération des réflexes est la caracté-

ristique de la forme d'Erb : c'est la paraplégie; spasmodique des mem-

bres inférieurs, la paralysie localisée aux muscles fléchisseurs et au

muscle pectine.

Ce tableau clinique s'oppose à celui de la myélite transverse syphili-

tique qui s'accompagne de paraplégie flasque avec abolition des réflexes.

La syringomyélie s'accompagne, comme nous l'avons déjà dit. dans le

plus grand nombre des cas, d'exagération des réflexes.

RÉSULTATS FOURNIS PAR L'EXAMEN DES RÉFLEXES. 41.">

Enfin, nous avons dit que la compression de la moelle par un mal de

Poil, par une tumeur vertébrale, par une tumeur osseuse s'accompagne

de paraplégie spasmodique dans une période; qui suil la paraplégie flasque.

'20 Exagération des réflexes des membres supérieurs. L'exagé-

ration des réflexes des membres supérieurs est souvent caractéristique

de la sclérose latérale amyolropliique, mais dans ce cas il y a déjà eu

début d'atrophie par les petits muscles des mains, gêne dans les mouve-

ments des doigts et tremblements fibrillaires dans les muscles de l'avant-

bras. A un stade plus avancé de la maladie, il y a abolition des réflexes

au niveau des muscles atrophiés et l'exagération des réflexes n'existe

plus qu'au niveau des membres inférieurs. L'atrophie des membres

supérieurs associée à l'exagération des réflexes des membres infé-

rieurs forme un ensemble caractéristique de la sclérose latérale amyo-

trophique.

L'exagération des réflexes tendineux des membres supérieurs est

également souvent symptolnatiqlle de; la sgringomyélie, car cette all'l'I'-

tion a le plus souvent une localisation cervicale.

Enfin, l'exagération des réflexes des membres supérieurs peut s'ob-

server au cours des affections articulaires des deux épaules.

5" Exagération des réflexes d'un seul côté du corps. L'exagéra-

tion des réflexes d'un seul côté du corps est caractéristique le plus sou-

vent de l'hémiplégie. L'exagération peut s'observer dans l'hémiplégie

des le début de la paralysie. Ganault, dans le service de Pierre Marie à

Bicctre. a trouvé, sur 10 cas, les réflexes du côté paralysé trois fois nor-

maux, deux fois affaiblis, cinq fois exagérés.

Dans l'hémiplégie ancienne, l'exagération des réflexes du côté paralysé

s'observe dans la proportion de H'2 pour 100 des cas. L'exagération des

réflexes se manifeste par l'exagération des réflexes du membre supérieur,

par l'exagération du réflexe patellaire, par l'existence du clonus du pied.

Elle est associée à la contracture ou elle en annonce l'apparition; elle

s'accompagne enfin du signe de Babinski.

L'exagération des réflexes s'observe également du côté sain dans rhé-

miplégie dans la proportion de ai pour 100 des cas (Ganaull) et cela tient

non seulement à l'existence d'un faisceau pyramidal honiolaléral, mais

encore à l'existence de lésions bi-latérales en particulier chez les vieil-

lards où il existe des lacunes multiples des deux hémisphères cérébraux

comme l'ont montré Pierre Marie et Guillain.

Nous n'avons pas à faire ici le diagnostic de la cause de l'hémiplégie :

l'hémorragie. le ramollissement, les diverses affections nerveuses (scfe-

rose en plaques. tabès, epifepsicjacksoneune. méningite tuberculeuse)

provoquant ces symptômes hémiplégiques.

4° Exagération généralisée des réflexes. L'exagération généralisée

des réflexes tendineux peut s'observer au cours des affections (fejàuten-

tiolnées ci-dessus : sclérose latérale amyolropliique, sclérose en pla-

ques, tumeur cérébrale.

[CROUZON]'

.44< : ' RÉFLEXES.

Elle est également un symptôme de la paralysie générale. Dans

cette affection les réflexes tendineux sont exagérés dans plus de 4/5 des

cas. Celle exagération s'observe surtout dès le début de la paralysie

générale : ; suivant quelques ailleurs, elle est plus marquée au niveau des

membres supérieurs, souvent le réflexe massétérin est exagéré. Quelque-

fois, l'exagération des réflexes élans la paralysie générale est telle qu'elle

peut permettre d'affirmer l'existence dune forme de sclérose latérale ou

spasmodique : il y a alors raideur spasmodique, contracture musculaire,

exagération des réflexes, trépidation épileptoïdc; en même temps il y a

signe de Babinski, le malade peut arriver alors il un véritable état de

rétraction des membres inférieurs et il reste confiné au lit dans cet état,

mais cependant, dans la grande majorité des cas, l'exagération des

réflexes ne se maintient pas dans toute l'évolution de la paralysie géné-

'rale, elle tend à diminuer après les progrès de la maladie et dès que le

malade devient grabataire. ,

Dans les affections labyrinlliiques, le réflexe patellaire peut être exa-

géré quand il y a insuffisance labyrinthique brusque.

Dans la syphilis, dès le début de l'éruption primitive, M. Valcntin

Zarouhine a pu constater l'élévation parfois très considérable de l'excita-

bilité réflexe des tendons.

Les réflexes rotuliens ont été examinés dans la fièvre typhoïde par

M. Hemlinger (Bévue de Médecine, 1901). Tous les réflexes tendineux

sont exagérés dans 52 pour 100 des cas : ils sont normaux dans

25 pour 100 : ils sont abolis dans 29 pour 100 des cas. Il n'existe pas de

concordance entre la forme de la lièvre typhoïde et l'état des réflexes.

L'exagération se rencontre cependant surtout dans la forme alaxique et

ataxo-adynamique, mais les réflexes ont presque toujours au moment de

la convalescence une tendance marquée il l'exagération des réflexes. Il y

a exagération du réflexe rotulien et, de plus, trépidation épifeptdde du

pied dans 20 pour 100 des cas. Elle est plus souvent bi-latérale.

Dans le choléra, l'exagération des réflexes est plus rare que l'abolition,

comme nous l'avons vu et quand elle existe, elle est un phénomène

plutôt grave.

Dans la grossesse, dans la seconde période, el beaucoup Irlns encore

pendant l'accouchement, il y aurait exagération des réflexes suivant Neu-

mann et Cette exagération persisterait quelque temps après l'accouchement.

Dans le cancer, MM. de Buck et Van der Linden (Presse médicale.

1905 et Belgique médicale 1905), ont constaté dans presque tous les cas

l'exagération des réflexes tendineux; ils l'ont constaté également dans le

sarcome. Ils pensent que ce phénomène doit être un symptôme précieux

pour le diagnostic et qu'il doit être expliqué par l'action des poisons

néoplasiques sur l'appareil réflexe.

Dans les affections hépatiques, M. Léopold Lévi a trouvé l'exagération

des réflexes 4 fois sur 14; celle exagération des réflexes est liée, semble-

t-il, d'une façon directe a l'intoxication hépatique.

RÉFLEXES -CUTANES. 447

Dans l'anesthésie par l'éther, M. Lenoble (Société de Biologie,

décembre 1894) a pu constater la trépidation épileptoïde.

Enfin, M. de Grandmaison a pu constater l'exagération des réflexes

patellaires et le clonus du pied chez les athé1'omateux. Ses recherches

ont porté sur 26 malades : sur 14 hommes, 11 présentaient l'exagération

des réflexes; sur z12 femmes, 9 étaient atteintes de ce même symptôme.

L'exagération généralisée des réflexes peut s'observer encore au cours

des intoxications, le type en est l'empoisonnement par la strychnine,

elle peut s'observer au cours des toxi-infections, tel est l'état des réflexes

dans la rage et dans le tétanos; enfin elle peut s'observer au cours

d'autres infections : la fièvre typhoïde et la pneumonie.

5° Exagération des réflexes portant sur un seul membre. L'exa-

gération des réflexes peut porter sur un seul membre, elle est alors

causée par une affection articulaire (hémarthrose du genou, entorse du'

genou.)

L'exagération des réflexes peut encore s'observer d'un seul côté au

cours des hémisections de la moelle, les réflexes sont exagérés du côté de

la lésion,- cette exagération s'accompagne des symptômes qui constituent

le syndrome de Brown-Séquard. Du côté de la lésion, en plus de

l'exagération des réflexes, il existe une paralysie motrice, de l'hyperes-

- lhésie avec une zonesus-jacente d'anesthésie et une zone d'hyperesthésie

supérieure à la précédente; enfin, -du côté opposé à la lésion, une anes-

t.hésie généralement complète.

RÉFLEXES CUTANÉS

Les réflexes cutanés que l'on explore d'ordinaire sont :

. 1 Les réflexes abdominaux (inférieur, moyen et supérieur) que l'on

désigne encore sous le nom de réflexe abdominal et réflexe épigastrique.

2° Le réflexe crémastérien.

5° Le réflexe plantaire.

En dehors de ces réflexes que Van Gehuchten considère comme des

réflexes cutanés corticaux, il existe un autre réflexe, c'est le réflexe plan-

taire avec extension des orteils, c'est le signe de Babinski que Van

Gehuchten considère comme un réflexe pathologique, que Babinski

regarde comme le résultat d'une transformation du réflexe plantaire.

Pour tous les réflexes corticaux (abdominal et crémastérien), l'abolition

des réflexes est seule importante, mais sa valeur sémiologique n'approche

pas, pour la plupart des auteurs, de celle du signe de Babinski. C'est le

signe de Babinski qui a .donc la plus grosse importance sémiologique

parmi les réflexes cutanés, c'est par lui que nous commencerons :

Phénomène des orteils (signe de Babinski). Le 22 février

18'.)6, dans une communication à la Société de Biologie, Babinski

s'exprimait ainsi : .

[CROUZON.]

448 RÉFLEXES.

« .rai observé dans un certain nombre de cas d'hémiplégie ou de

monoplégie crurale liée à une afleclion organique du système nerveux

central une perturbation du réflexe plantaire dont voici en quelques mots

la description :

« Du côté sain, la piqûre de la plante des pieds provoque, comme cela

a lieu d'habitude il l'état normal, une flexion de la cuisse sur le bassin.

de la jambe sur la cuisse, du pied sur la jambe, et des orteils sur le

métatarse.

« Du côté paralysé, une excitation semblable donne lieu aussi à une

flexion de la cuisse sur le bassin, de la jambe sur la cuisse, du pied sur

la jambe, mais les orteils, au lieu de se fléchir, accusent un mouvement

d'extension sur le métatarse; ce n'est donc pas la modification dans

l'intensité du réflexe plantaire, c'est une transformation de ce réflexe. »

Voici du reste comment il convient de rechercher le phénomène des

orteils :

Le malade doit être placé de telle façon que les muscles du pied, de la

jambe soient dans un relâchement complet. Dans ce but, si le malade est

couché, on lui laisse la jambe étendue, on évite de lui demander aucun

mouvement et on le laisse dans l'ignorance de la manoeuvre qui va être

pratiquée. Si le malade est assis, l'observateur place le pied du malade

sur son genou et cherche à obtenir un relâchement des muscles de la

jambe et de la cuisse. On procède alors il l'excitation de la plante du

pied; on se servira dans ce but de la pointe d'une épingle ou, si la sensi-

bilité de la plante du pied est trop grande, de la tète d'une épingle d'une

plume, d'une pointe de crayon, ou plus simplement de l'ongle, de la

pulpe du doigt.

L'excitation doit porter de préférence sur le bord externe du pied : on

pratiquera tout d'abord une excitation très légère, et, si les orteils restent

immobiles, on pratiquera des excitations de plus en plus fortes.

Si le réflexe est normal, les orteils se fléchissent, c'est-à-dire se ramas-

sent vers la plante du pied, mais, chez beaucoup de sujets, le réflexe rait

totalement défaut à l'état normal et il y a immobilité des réflexes.

A l'étal pathologique, le réflexe est perverti, les orteils s'étendent,

c'est-à-dire se renversent vers le dos du pied, la face palmaire des

orteils tendant à regarder en haut, c'est lit le phénomène des orteils ou

signe de Babinski.

C'est au gros orteil que se voient le mieux les mouvements de flexion.

c'est donc sur lui que doit se concentrer l'examen de l'observateur.

Il convient de ne pas confondre l'extension réflexe des orteils avec

certains mouvements volontaires de défense. Eu effet, une excitation trop

vive chez certains sujets chatouilleux amène un retrait brusque du pied

accompagné de quelques mouvements vifs des orteils. Dansée mouvement

de défense les orteils sont entraînés par le mouvement, de flexion et de

retrait du pied et semblent se mettre en extension. On ne considérera

donc comme une extension des orteils ayant une valeur véritablement

' " ' - RÉFLEXES. CUTANÉS. - 449

pathognomonique que l'extension des orteils se produisant lentement par;,

un mouvement réflexe et surtout l'extension lente du gros orteil.-

On a pu observer en dehors de toute excitation la persistance de

l'extension des orteils ; cette persistance .paraît n'être qu'une amplifica-

tion ou une exagération en durée de ce même signe.

Ainsi donc, l'extension des orteils, le phénomène des orteils est un

phénomène pathologique, et, d'après, les recherches de Babinski, pour-

PnATIQU8 ! OEUROL. - 29

.. [CROUZON.]

I igv : 7. - f ! ied. du côté normal, photographié au moment où on excite la plante;

avec une aiguille et montrant la flexion plantaire normale des orteils.. ' z

(Babinski, Gazelle des It6pîtaux.)..., .

Fig. 8. - Pied photographié au moment où l'on excite la plante du pied du côté paralysé avec

une aiguille, et montrant l'extension des orteils. (Phénomène des orteils, ou signe de

Babinski.) (Babinski, Gazette des hôpitaux.) ..

45.0 - - REFLEXES.

suivies pendant plusieurs années, ce trouble doit être considéré comme

étant sous la dépendance d'une perturbation dans le système pyramidal,

qu'il s'agisse d'une affection cérébrale ou d'une affection spinale et il

paraît pathognomonique d'une affection organique du système nerveux.

Cette; conception de Babinski a été admise par un très grand nombre

d'auteurs : Van Geliuchten,. Glorieux, Ganault, Létienne, Mircouche, ,

Buzzard, Kalischer, Kollaris, Walton Paul, Marinesco, Cestan et Le^Sourd,

et, si quelques restrictions et quelques critiques, ont été faites par Giudu-

céandrea, Schùller, Martin, Côhn, Verger et Abadie, il n'en est pas moins.

vrai qu'actuellement la presque unanimité des auteurs considère; que ce

signe de Babinski est un des plus précieux que possède -la neurologie et

une des plus importantes acquisitions récentes delà clinique.

Signe de l'éventail. Plusieurs années après la découverte du

phénomène des orteils, 1T. J. Babinski montrait dans une communication

à la Société de Neurologie. (juillet 1905) que l'excitation de la plante du

pied pouvait non seulement amener l'extension des orteils, mais aussi

une abduction réflexe : les orteils s'écartent les uns des autres. M. Babinski

considère cette abduction réflexe comme un phénomène pathologique

ayant une même signification que l'extension des orteils, et, suivant

l'expression de Dupré, on a coutume d'appeler maintenant ce phénomène

du nom de signe de l'éventail. -

. : . Nous avons donc vu quelle -était la valeur séméiologique du phénomène

des orteils : en général elle équivaut .à une lésion organique avec pertur-

bation d'ans le système pyramidal, il nous reste à passer en revue dans

quelles affections se rencontre ce phénomène.

1 Chez les enfants, le phénomène des orteils existe à l'état normal ;

'. Paraplégie spasmodique.

Fig. 9. Pied au repos. -

; [Revue Neurol. 1903.)

Fig. 10. Pied au moment de l'excitation.

Abduction des orteils, d'une intensité moyenne.

RÉFLEXES CLTAXÉS. -451

ces constatations sont basées sur les recherches de Finisio, de Bruslcin, de

Léri. L'extension des orteils chez les nouveau-nés est la règle, la flexion

apparaît à l'âge de six mois ou d'un an et à l'âge de trois ans la flexion

des orteils est devenue la règle. Après cet âge, on peut considérer que, si

l'extension persiste, c'est qu'il y a une affection du système nerveux.

2° Hémiplégie. Les premières reclierclics de Babinski ont porté sur

l'hémiplégie organique et, dans ses importants travaux sur le diagnostic

différentiel de l'hémiplégie hystérique et de l'hémiplégie organique, il a

pu formuler la loi suivante :

« Dans l'hémiplégie organique le phénomène des orteils existe presque

« toujours, dans l'hémiplégie hystérique le réflexe cutané plantaire est

« au contraire normal. »

A quel moment de l'hémiplégie apparaît le signe de Babinski ?

Le phénomène de Babinski peut apparaître immédiatement après

l'ictus. Babinski et Cestan ont pu faire plusieurs fois ces constatations.

Cestan a communiqué à la Société Anatomique, en 1898, un cas d'hémi-

plégie cérébrale dans lequel il avait observé le phénomène des orteils

une heure après l'ictus.

Nous avons pu nous-même, pendant notre internat dans le service de

Babinski, observer un malade qui, frappé d'ictus pendant son séjour a

l'hôpital, fut examiné par nous moins de dix minutes après l'apparition

de l'hémiplégie. Le phénomène de Babinski existait du côté de la para-

lysie.

Dans une autre circonstance, nous avons été témoin, avec M. le pro-

fesseur Dipulafoy, de la production d'une hémiplégie par hémorragie

cérébrale : il s'était écoulé entre le moment de l'ictus et le moment

où nous avons examiné la malade le temps strictement nécessaire pour

l'étendre et la déchausser : l'extension des orteils existait déjà et put

nous permettre de porter le diagnostic d'hémiplégie organique. D'antres

faits ont été observés définis et mentionnés par d'autres auteurs à la

Société de Neurologie.

Dans les hémiplégies anciennes, le phénomène des orteils est encore

plus fréquent : il s'observe, suivant Boeri, sur 711 pour 100 des cas, sui-

vant Ganault dans 83 pour 100 des cas, suivant Cestan et Le Sourd dans

92 pour 100 des cas.

Dans bon nombre de cas où le signe de Babinski n'apparaît pas dans

l'hémiplégie, il faut tenir compte des troubles de la sensibilité de la

plante du pied qui empêche l'excitation, point de départ du réflexe.

Dans 1 hémiplégie hystérique, le signe de Babinski n'a jamais été

constaté.

Pierre Marie, puis Ganault, ont observé un hémiplégique chez lequel le

réflexe des orteils se faisait en extension du côté paralysé, mais l'exten-

sion de la plante du pied du coté opposé provoquait la flexion du côté

paralyse. Parhon et (;4 ! .ldstein ont fait des constatations analogues sur

le réflexe contralatéral.

[CROUZON.]

452 RÉFLEXES.

5° Dans la paraplégie spasmodique, quelle qu'en soit la cause

(myélite syphilitique ou 11(üdue, syringomyélie, sclérose en plaques),

le signe de Babinski est presque constant ; il est, suivant Cestan et Le

Sourd, encore plus fidèle et plus délicat que la trépidation spinale pour

révéler dans la paraplégie l'altération du faisceau pyramidal.

4" Dans la paraplégie cérébrale infantile (diplégie ou hémiplégie)

Cestan a pu montrer la constance du phénomène des orteils. t)

5° Dans l'épilepsie, l'extension des orteils existe pendant les accès :

ces constatations ont été faites par Babinski, par Cestan et Le Sourd, par

Charnel, Crouzon et Esménard. Ce signe permet de différencier les accès

épileptiques des crises d'hystérie.

6° Le signe de Babinski se rencontre encore dans les méningites

tuberculeuse et cérébro-spinale.

On a pu le constater également dans la maladie de Friedreich, dans

l'hérédo-ataxie cérébelleuse : on sait que ces affections sont caractéri-

sées par une sclérose des cordons postérieurs et par une sclérose des cor-

dons latéraux. (C'est cette dernière lésion qui crée le signe de Babinski).

Le signe de Babinski se rencontre également dans le tabes quand il

existe ' des lésions de sclérose combinée des cordons postérieurs et des

cordons latéraux : c'est là un des éléments de la triade symptomatique

par laquelle Pierre Marie et Crouzon ont caractérisé la sclérose combinée

tabétique.

De même, dans l'hémiplégie tabétique, on voit apparaître également

l'extension des orteils du côté paralysé. Ce phénomène a pu se rencontrer

quelquefois, quoique assez rarement, dans la paralysie générale.

Le phénomène de Babinski ne se rencontre pas dans les polynévrites ni

dans l'atrophie Charcot-Marie, ni dans la maladie de Parkinson, ni dans la

paralysie infantile, ni dans la chorée, ni dans la sciatique, etc.. en un

mot, dans aucune des affections où le faisceau pyramidal est intact.

Le signe de Babinski a été observé également dans la fièvre typhoïde.

Léopold Lévi considère qu'il existe dix fois sur vingt dans cette affection :

on sait du reste avec quelle fréquence on y rencontre l'exagération des

réflexes et la trépidation épilcploïde.

Réflexe plantaire. - Le réflexe : plantaire était connu bien avant le

phénomène des orteils, mais les seules variations connues alors étaient

son exagération ou son abolition.

Dans l'hémiplégie, ce réflexe plantaire est généralement affaibli du côté

paralysé ; d'après Ganault, quelquefois aussi il est un peu affaibli du côté

sain, il n'est pas aboli dans le cas d'hémianesthésie.

La recherche de ce réflexe plantaire comme celle des autres réflexes

cutanés que nous allons avoir à étudier semble peu importante à côté de

celle du phénomène des orteils depuis la découverte de Babinski. Van

Gehuchten pense cependant qu'il convient d'attribuer il l'abolition du

réflexe plantaire connue à l'abolition des autres réflexes cutanés une

valeur pathognomonique aussi grande que l'existence de l'extension des

REFLEXES CUTANES. 453

orteils : suivant lui, cette disparition des réflexes cutanés est l'indice d'une

lésion de la voie cortico-spinale. Cette manière de voir a été vivement

contestée par Crocq, de Bruxeifes, dans ses publications du Journal de

Neurologie et dans son rapport au Congrès de Limoges.

Enfin, nous devons mentionner, à propos du réflexe plantaire, le réflexe

abducteur du pied, décrit par Hirschberg, réflexe qui se produit après

excitation de la plante dn pied et qui se traduit par l'adduction du pied :

ce réflexe aurait une grande valeur pour le diagnostic d'une affection

organique du système nerveux.

Réflexe du fascia lata. Le réflexe du fascia lata a été décrit

par Brissaud. Il se rapproche beaucoup du réflexe plantaire, il est provo-

que comme lui par l'excitation de la plante du pied.

Si l'on examine, en effet, les mouvements produits par une excitation

vive de la plante du pied, on voit qu'ils consistent dans la flexion du pied

sur la jambe, de la jambe sur la cuisse, de la cuisse sur le bassin et par

une contraction du muscle tenseur du fascia lata et des abducteurs de la

cuisse. Si l'on réduit l'excitation de la plante du pied à un minimum on

ne verra apparaître qu'une contraction isolée du tenseur du fascia lata.

Cette contraction se manifeste par la production d'une fossette fémorale

dont le sommet est l'épine iliaque antéro-supéricurc et les bords, le bord

inférieur du tenseur du fascia lata et le bord externe du couturier. '

Quand le tenseur du fascia lata se contracte seul, il fait saillir le

bourrelet qui comble la fossette fémorale et dont l'apparition soudaine

constitue le réflexe. L'aponévrose fémorale se tend et le vaste externe

repoussé en avant donne à la cuisse une forme cylindrique. Ce réflexe du

fascia lata peut coïncider avec l'extension des orteils. Il a été observé dans

diverses affections du système nerveux lrw Renaalt ( Thèse de Paris, 1 cJU).

Réflexe antagoniste de Scheffer. Le réflexe antagoniste de

Scheffer (Neurologisches Centzal l3lalt, 1899) est le mouvement d'exten-

sion du pied et de flexion des orteils provoqués chez l'individu sain par

la pression du tendon Dans les cas pathologiques, la mêmes

manoeuvre donne lieu il la flexion du pied et à l'extension des orteils du

côté paralysé.

Suivant Babinski, de Buck, de Moor, ce prétendu réflexe antagoniste

n'est pas un réflexe tendineux mais un réflexe cutané analogue au phéno-

mène des orteils, mais à un point de départ extra-plantaire. Il démontre

seulement que la zone d'excitation du réflexe de Babinski n'est pas limitée

la plante du pied, mais s'étend jusqu'au niveau du tendon d'Achille.

Réflexe crémastérien. Le réflexe crémastérien se produit si

Ion frotte avec la pointe d'une épingle la face interne des cuisses : on

voit se produire une élévation brusque du testicule du côté correspondant

a cette élévation. Cette élévation est due à la contraction du erèmaster.

On peut provoquer celle même contraction en serrant violemment avec la

main les masses musculaires de la face interne de la cuisse au-dessus du

genou.

[CROUZON.]

4M RÉFLEXES.

Suivant Van Gehuchten, ce réflexe aurait son analogie chez la femme, et

cet auteur le désigne sous le nom de réflexe inguinal.

Ce réflexe crémastérien est très variable suivant les sujets : chez les névro-

pathes il peut aller jusqu'à l'exagération sans qu'une maladie proprement

dite du système nerveux puisse donner la raison de ces différences (Tozi);

il peut même être provoqué par la volonté (1\l'lIsini. Féré) ; il est assez

souvent affaibli du côté paralysé dans) llumiltlégic ((nnuntlll, il a semblé

à cet auteur que l'abolition est d'autant plus fréquente que l'hémiplé-

gique est plus âge. '

Marandon de Montyel a étudié le réflexe crémastérien aux trois périodes

de la paralysie générale : il est altéré dans 80 pour 100 des cas et c'est le

plus souvent l'affaiblissement ou l'abolition des réflexes. Celle altération

est bi-latérale et souvent dans le début de la maladie.

Le réflexe crémastérien a été considéré comme un indicateur précieux

de l'anesthésie chloroj'ol'lllique ; la disparition indique l'anesthésie com-

plète au même titre épie l'abolition du réflexe cornéen.

Réflexe bulbo-caverneux. - Cc réflexe est provoqué de la façon

suivante : on saisit entre l'index et le pouce d'une main le gland, soit

immédiatement, soit à travers le prépuce, et on le laisse échapper

brusquement. Si l'on place l'index de l'autre main sur la portion bulbaire

de l'urètre en arrière du scrotum, on sentira au même moment le choc

rapide de la contraction du muscle bulho-can'l'I1eux.

Réflexe abdominal et épigastrique. On recherche le

réflexe abdominal ou le réflexe épigastrique en frôlant rapidement la

peau avec la pointe d'une épingle au niveau de l'abdomen successive-

ment à droite et à gauche de la ligne médiane : il se produit, une con-

traction des muscles abdominaux, grand droit, obliques et transverse

qui a comme conséquence de produire le mouvement « de rentrer

le ventre ». -

Le réflexe abdominal se recherche au-dessous de l'ombilic successive-

ment il droite et à gauche de la ligne médiane. Il se recherche de même

au niveau de l'épigastre pour le réflexe épigastrique.

A l'état normal, suivant que le sujet est plus ou moins obèse, suivant

que la paroi abdominale est plus ou moins relâchée, ce réflexe est

plus ou moins apparent. Suivant Parisol, le réflexe abdominal chez les

vieillards est généralement moins intense qu'à l'étal adulte et s'épuise

rapidement. Cependant la disparition unilatérale d'un réflexe peut avoir

une valeur séméiologique importante.

C'est Hosellbach qui a signalé, l'abolition assez fréquente du réflexe

abdominal dans l'hémiplégie. Ganault a constaté ce symptôme dans les

proportions suivantes : abolition dans 45 pour 9 Ull des cas, affaiblisse-

ment dans 55,3 pour 100 des cas.

La disparition du réflexe : abdominal a été aussi constatée élans certaines

affections abdominales, dans l'appendicite (Sicard) et dans les affections

utérines ou purintérines.

RÉFLEXES CUTANÉS. MI5

Réflexe mamellaire. Ce réflexe se produit par le frôlement

du mamelon et il est caractérisé par l'érection de cet organe.

Réflexe fessier. II consiste dans la contraction des muscles

"-rands fessiers par excitation de la peau qui les recouvre.

Réflexe anal. Il consiste dans la contraction ou l'élévation du

sphincter de l'anus sous l'influence du chatouillement de la peau de la

région anale avec une épingle.

Il importe de donner au malade une des positions qui permette l'exci-

tation facile de la région anale, par exemple la position couchée sur le

dos. les jambes relevées.

Réflexe buccal. Toulouse et Vurpas ont provoqué ce réflexe en

percutant avec la pointe d'un marteau la partie médiane de la lèvre inté-

rieure au niveau des incisives, la bouche devant être légèrement entrmn-

verte sans effort. A l'état normal il ne se produit aucune réaction, mais à

l'état pathologique les deux lèvres se rapprochent et se portent en avant.

Réflexe pilo-moteur. - Ce réflexe consiste dans la contraction

des ar redores pi lorum produits sous l'influence d'une excitation cu-

tanée : on voit alors se produire le phénomène de la « chair de poule ».

Réflexe vaso-moteur d'origine cutanée. Haillon et

Comte ont pu, à la suite d'excitations cutanées portant sur une région

quelconque, provoquer une vaso-constriction se traduisant par la diminu-

tion du volume des doigts explorés. Cette excitation n'est pas suivie du

réflexe quand elle porte sur une région atteinte d'anesthésie par cause

organique. Au contraire, ce réflexe se produit normalement quand il

s'agit d'une anesthésie hystérique. Il peut se manifester d'une façon

variable dans diverses affections du système nerveux.

Réflexe pharyngé et réflexe palpébral. On peut rappro-

cher ces deux réflexes des réflexes cutanés.

Le réflexe pharyngé est exploré de la façon suivante : on chatouille

le pharynx avec un tortillon de papier, avec un manche de cuiller ou de

fourchette, avec un abaisse-langue : on provoque alors une sensation

désagréable, des picotements, des nausées et quelquefois des vomisse-

ments. Ce réflexe pharyngé fait défaut dans l'hystérie et il est classique

de le rechercher comme un des stigmates caractéristiques (le cette

affection.

Le réflexe pharyngé l'ait également, défaut dans la paralysie pharyngée

]mlbaire et pS('IHlo-bu]baire.

Le réflexe palpébral est la réaction qui se produit quand on touche du

doigt la cornée ou quand on l'effleure avec le coin d'un morceau de

papier, la paupière se ferme brusquement. Ce réflexe palpébral disparaît

dans le sommeil chioroformique, il disparaît également dans le coma.

Valeur séméiologique des réflexes cutanés. Nous

avons déjà vu pour chacun de ces réflexes quelle était sa valeur spéciale.

[CROUZON.]

456 ' RÉFLEXES. , - .

nous n'envisagerons ici que leur valeur séméiologique et nous laisserons

de côté la valeur de la transformation des réflexes cutanés, cette trans-

formation constante particulièrement dans l'apparition du signe de

Babinski dont nous avons indiqué suffisamment la signification. La

valeur séméiologique des réflexes cutanés si l'on en excepte le signe de

Babinski est beaucoup moins importante que celle des réflexes tendi-

neux. Les réflexes peuvent être modifiés dans deux sens : dans le sens

de l'exagération et dans le sens de.la diminution ou de l'abolition des

réflexes. "

A) Exagération des réflexes cutanés. L'exagération des réflexes

cutanés s'observe surtout dans les lésions centrales et, parmi elles, dans

les régions médullaires et cérébrales, dans les régions méningées.

L'hyperréflectibilité cutanée généralisée a son type dans l'empoisonne-

ment par la strychnine et la tétanie. On la rencontre également dans

l'intoxication alcoolique. - -

B) L'absence ou diminution des réflexes cutanés a plus de valeur

diagnostique et pronostique que leur exagération. En raison de la locali-

sation qu'il leur suppose, Van Gehuchten pense que toute abolition des

réflexes cutanés a pour signification un trouble dans la voie pyramidale,

trajet de ces réflexes cutanés cortico-spinaux. Toutefois le trouble du

réflexe peut s'observer également dans les lésions des voies centripètes

ou centrifuges. Nous envisagerons tout d'abord l'abolition généralisée des

réflexes cutanés.

1 1° Elle peut s'observer dans les lésions centrales graves : tels sont les

traumatismes graves cérébraux ou médullaires, les comas, les affections

aiguës diffuses du cerveau où la disparition des réflexes cutanés est

beaucoup plus grave que celle des réflexes tendineux. Le réflexe cutané

disparaît également dans certaines maladies mentales : mélancolie,

catatonie.

L'absence des réflexes peut se voir également :

2° Dans les lésions des organes récepteurs et des voies centripètes,

dans ce cas il y a en même temps des troubles de la sensibilité : telles

sont les névrites périphériques, les compressions radiculaires, le tabès.

L'état des réflexes cutanés a été recherché chez les diabétiques par

M. Pitres (Société de Biologie, novembre 1902). Ces recherches ont été

le point de départ de la thèse de Moyses : le résultat de ses travaux a

montré que fréquemment on pouvait constater l'abolition des réflexes

abdominaux, pharyngés, crémastériens et plantaires. Il y a donc chez les

diabétiques des troubles des réflexes cutanés qui concordent avec les

troubles des réflexes tendineux.

Dans l'hystérie, au contraire, alors même que la sensibilité a disparu,

les réflexes cutanés persistent, montrant ainsi .l'intégrité des organes

récepteurs. ci et

5° Dans les lésions des voies centrifuges, les réflexes cutanés peuvent

être alors abolis, diminués, et la sensibilité cutanée reste intacte.

NATURE ET LOCALISATION DES RÉFLEXES. 457

Abolition localisée des réflexes cutanés. L'abolition localisée des

réflexes cutanés a une signification plus restreinte que l'abolition généra-

lisée : la perte du réflexe IItnll1dlairc est généralement liée il une anes-

thésie el cette anesthésie est due à une lésion des nerfs périphériques.

Suivant Blocq et Onanol1', le réflexe buibo-caverneux est étroitement

lié a la fonction génitale et il parait servir au diagnostic différentiel de

l'impuissance génitale organique (celle du tabès, par exemple) et de

celle occasionnée par une psychose.

NATURE ET LOCALISATION DES REFLEXES

Un réflexe tendineux ou cutané est un réflexe dont le point de départ

est une excitation spéciale portant sur les organes sensitifs contenus dans

l'appareil tendineux ou dans la peau. Dans le cas particulier du réflexe

rotulien, la percussion du tendon constitue l'excitation normale. Cette

excitation porte sur des organes de réception périphériques dont la vibra-

tion se répercute sur la moelle par l'intermédiaire des nerfs. Ces organes

de réception périphérique ont été décrits dans ces vingt dernières années :

la présence des nerfs dans les tendons a été constatée par Sachs en 1875.

et, en 1 ti71;, Golgi a pu constater l'existence d'organes musculaires ten-

dineux connus sous le nom de corpuscules de Golgi : ce sont des corps

fusifortues qui siègent sur toute la surface du tendon à laquelle viennent

s'insérer les libres musculaires. Ces corpuscules de Golgi sont constitués

par du tissu conjonctif fibrillaire et ils logent un faisceau nerveux qui

vient se perdre il l'intérieur en se ramifiant. Si l'on remonte ces libres

nerveuses, on peut suivre le trajet du réflexe tendineux jusque dans le

nerf crural par exemple et on peut, depuis \1'esillral, indiquer nettement

la portion de la substance hlanche de la moelle par où pénètrent ces

libres; c'est la zone d'entrée des racines ou bandelettes externes de Char-

col et Pierre ! . Celte zone est limitée par les cornes postérieures en dehors

et en dedans par une ligne parallèle au sillon médian postérieur et amenée

du coude de la corne postérieure vers le bord postérieur de la moelle.

Si nous conservons comme exemple le réflexe rotutien. la voie centripète

du réflexe se continue dans la moelle, mais non pas dans toute la hau-

teur de cet organe et, suivant Westphal, ces libres centripètes entrent

dans la moelle au niveau de l'union de la moelle lombaire et de la moelle

abdominale.

Nous avons suivi jusqu'ici la marche de l'excitation qui a porté sur les

tendons patellaires et nous avons accompagnée jusqu'il la substance

grise de la moelle. Là, elle est transmise à une ou plusieurs des cellules

des cornes postérieures par les fibres unissant ces cellules avec les cet-

)u)cs des cornes antérieures, elle passe dans ces dernières qui réa-

g ! ssentatenr tour; l'excitation se transmet alors suivant la voie centri-

[CROUZON.]

1-58 RÉFLEXES.

luge et emprunte les racines antérieures des fibres motrices du nerf

crural.

En résumé, les organes constituants de cet appareil réflexe sont :

1° Le tendon rotulien;

2° Le nerf périphérique centrifuge :

5° Le cordon postérieur de la moelle;

4" La substance muse médullaire :

5" Le nerf centrifuge moteur; 't

()° Les muscles.

Chacun de ces organes est nécessaire pour la production du mouve-

ment réflexe, les lésions quelconques de l'un d'eux entraînent la perte de

ce réflexe, aussi on peut

comprendre facilement que

le réflexe fasse défaut par

lusion c1u l'apparcil linmn-

Ipux rotulien, par névrite

périphérique, par lésion des

cordons postérieurs de la

moelle comme dans le tabès,

par des lésions de la subs-

tance grise médullaire,

comme dans la paralysie infantile ou par lésion musculaire comme dans

les myopathies.

Cependant cette conception de l'arc réflexe n'est pas adoptée par les

auteurs; un grand nombre d'observateurs sont d'avis qu'il s'agit d'un

phénomène idio-museulaire, et, pour employer la distinction admise par

Sherrington, il existe deux sortes de réflexes :

1° Les vrais réflexes spinaux très peu importants;

2" Des pseudo-réflexes, communément nommés phénomènes tendineux

avec secousses, par les auteurs anglais et américains. Ces pscudo-réflexcs

ne sont autre chose que les réflexes que nous venons d'étudier, mais les

auteurs anglais (Gowers, Waller) pensent que ce sont des phénomènes

qui se passent en dehors de l'action de la moelle; ils objectent, en effet, il

la théorie de l'arc nerveux réflexe, ce fait que l'excitation du tendon se

propage aux muscles mécaniquement, et d'autre part, ils pensent que le

temps qui s'écoule entre la percussion du tendon et la contraction du

triceps est trop court pour que le réflexe puisse se produire dans un si

petit intervalle, ce temps perdu n'est en effet que de 50 à 5 millièmes

de seconde et la vitesse de propagation de l'influx ne serait que de :

30 mètres par seconde.

A cette objection on peut répondre que la vitesse de propagation de

l'influx nerveux n'est pas exactement connue; que, d'autre part, le temps

perdu de 50 il 5u millièmes de seconde a été constaté chez (les sujets

atteints de paralysie spasmodique dont les réflexes sont particulièrement

vifs, tandis épie les temps mesurés par Brissaud chez des sujets normaux

Fig. 1°1. CA, corne antérieure; Cl', corne posté-

rieure ; )[, muscle; 1'\)[( : , nerf centrifuge; nerf

centripète. (Blocq et Onanoff.)

NATURE ET LOCALISATION DES RÉFLEXES. 4;n

sont de 48 à 52 millièmes de seconde. Enfin, il l'appui de la nature

médullaire du phénomène du genou, on peut invoquer avec Pierre .Marie

les arguments suivants :

A) La disparition du phénomène du genou quand on anémie la moelle,

par exemple par la compression de l'aorte.

B) La disparition de ce phénomène dans les maladies au cours des-

quelles l'excitabilité directe des muscles n'est guère modifiée (tabès,

paralysie générale progressive des aliénés).

C) Sa production par la sommation des excitations (Jarisch et Schiff) à

condition que ces percussions soient répétées dans la fréquence d'au

moins une par seconde.

D) Sa production par la percussion du périoste (réflexe périostique)

dans certaines régions, notamment au niveau du poignet.

Dans ces points, en effet, il ne peut être question que le tiraillement

du muscle par les tendons maintienne une excitation et une compression

idio-inusculaire, puisque la percussion ne porte plus sur un tendon, mais

seulement sur une partie stable non susceptible de tiraillements, l'os lui-

même.

Nous ajouterons à ces arguments celui qui est fourni par la présence

du réflexe contra-latéral des adducteurs décrit par Pierre Marie; ce

réflexe, provoqué dans le membre opposé par la percussion d'un tendon

rotulien, indique nécessairement non pas une excitation mécanique

directe, mais l'intervention du système nerveux central qui réfléchit

l'excitation nerveuse vers les nerfs et les muscles du côté opposé il la

percussion.

Nous venons de voir que les réflexes avaient leur origine dans le sys-

tème nerveux central, il nous reste à préciser la localisation de ces

réflexes dans le système nerveux. Cette localisation des réflexes a l'ait

l'objet de nombreux travaux et a été la base de nombreuses discussions

dans ces dernières années.

Dans cet exposé, qui est surtout un exposé pratique, nous n entrepren-

drons pas rémunération ni la discussion des théories soutenues par les

différents auteurs, nous ne ferons que tracer les grandes lignes de celte

question et les acquisitions récentes concernant la localisation des

réflexes. Nous ne ferons donc pas l'historique des travaux qui touchent à

ce sujet, nous nous contenterons de renvoyer aux travaux de Van Gehu-

cllien, ,lendrassik (Congrès de Neurologie de Paris, de l9llll), de Crocs

(Congrès de Limoges, 1001); il tous les travaux parus dans le Journal

de Neurologie pendant les années 1;)00, '1 ! 10 I.J n02 dus il de Buck.

Laureys, llrll'nlur; et enfin nous renverrons il la Monographie de

Babinski parue dans la Bévue neurologique (50 janvier 1004). mono-

graphie qui a été suivie d'un échange de lettres avec Van Gehuchten

(Société de Neurologie, mai 1 ! )0). Nous mentionnerons également les

thèses de Lenormanl et de Chadzvnski (Paris 1902) et les travaux de

Noïca.

[CROUZON.]

i<i0 RÉFLEXES.

De cet ensemble de travaux il résulte la conception suivante : un

réflexe nécessite :

1° L'intégrité anatomique et fonctionnelle de l'arc nerveux réflexe;

2° Un certain degré de tonus nerveux est indispensable dans les cel-

lules motrices, et, pour que ce but soit rempli, il est nécessaire qu'il y

ait persistance de ces connexions, de ces cellules motrices avec les

centres nerveux supérieurs.

Comment les cellules motrices reçoivent-elles l'influx nerveux des

centres supérieurs ? ' ?

Suivant Van Gehuchten, il y aurait deux voies différentes pour les

réflexes cutanés et pour les réflexes tendineux.

Les réflexes cutanés empruntent la voie pyramidale, c'est-à-dire la voie

des fibres cortico-spinales; au contraire, les réflexes tendineux em-

pruntent une autre voie : c'est la voie des libres venues du noyau rouge,

c'est-à-dire des fibres d'origine inésencéphalique; .on les désigne sous le

nom de fibres rubro-spinales.

Cette conception de Van Gehuchten est prouvée par un certain nombre

de faits : tout d'abord, la dissociation des voies des réflexes tendineux et

des voies des réflexes cutanés est prouvée par l'antagonisme qui existe

entre les réflexes cutanés et les réflexes tendineux dans un certain

nombre d'affections : c'est ainsi que dans l'hémiplégie, où les libres

pyramidales sont lésées, les réflexes cutanés sont abolis alors que les

réflexes tendineux sont conservés et même exagérés; il en est de même

dans la paraplégie spasmodique. Yan Gellllchlen admet l'absence des

réflexes cutanés et l'existence de l'exagérai ion des réflexes tendineux.

D'autre part, les observations pratiquées par plusieurs observateurs,

Laureys, deBuck, ont montré que, pendant lanestbésiecbloroformiquc,

les réflexes cutanés disparaissaient les premiers; or, on sait que l'anes-

thésie chloroformiquc agit tout d'abord sur le cerveau, puis plus tardi-

vement sur la moelle épinière et sur la moelle allongée.

Ces faits semblent donc confirmer la conception de Van Gehuchten sur

la dissociation des réflexes et leurs localisations différentes; cependant,

si cette conception de Van Gehuchten est admise par nombre d'auteurs,

et si elle cadre bien avec les idées de Bastian, de Bruns, de Hughlings,

Jackson, qui admettent le rôle du cervelet dans la production des réflexes,

cette conception n'est pas d'accord cependant avec celle des anciens

auteurs qui admettent que les réflexes étaient purement médullaires.

Elle ne cadre pas davantage avec la conception de Pandi qui assigne aux

réflexes tendineux une origine corticale; elle n'est pas absolument en

harmonie avec la conception de Jendrassik qui, tout en assignant aux

réflexes cutanés une origine corticale, considère que les réflexes tendi-

neux sont d'origine médullaire.

Enfin, il est un dernier point sur lequel tous les auteurs ne sont pas

d'accord avec Van Gehuchten : c'est la valeur que celui-ci attribue à

l'abolition des réflexes cutanés. Cet auteur pense en effet que l'abolition

NATURE ET LOCALISATION DES RÉFLEXES. -401 1

du réflexe abdominal et du réflexe crémastérien signifie lésion du faisceau

pyramidal, et par conséquent a la même valeur que le signe de Bakinski.

Crocq [Journal de Neurologie, 1901) constate cette assertion, et, tout

en admettant la dissociation des réflexes cutanés et tendineux, n'admet

pas les dernières conclusions de Van Gehuchten. Ce dernier auteur, du

reste, considère le réflexe de Babinski, l'extension des orteils, comme un

réflexe pathologique tout à lait différent du réflexe plantaire normal et

semble à ce point de vue faire une distinction entre les réflexes cutanés

corticaux et les réflexes cutanés médullaires.

Babinski ne pense pas qu'il faille attribuer, comme le voudrait

Van Gehuchten, une importance très grande à cet affaiblissement ou à

cette abolition des réflexes abdominal et crémastérien ; il pense que, si l'on

veut exprimer le caractère essentiel de la perturbation de ces réflexes, il

faut s'attacher à leur transformation et ce n'est que cette transformation,

c'est-à-dire la substitution de l'extension des orteils à la flexion des

orteils, qui a une valeur pathologique.

Quelle que soit la valeur des troubles des réflexes au point de vue de

la topographie des lésions, nous pouvons cependant préciser la hauteur

à laquelle chaque voie réflexe se rattache au système nerveux spinal.

Les réflexes tendineux se mettent en rapport avec le système nerveux

central aux différentes bailleurs mentionnées ci-dessous :

Réflexe achilléen, 5° segment lombaire, 'le, segment sacré. 1

rotulien, 5° segment lombaire.

du poignet, 6°, 7° et 8' segments cervicaux.

du coude, 0° et 7° segments cervicaux.

Les réflexes cutanés ont les localisations suivantes :

Réflexe é[iâaslriyue, 9° segment dorsal..

abdominal, -Il' segment dorsal.

crémastérien, 1er segment lombaire.

plantaire et Babinski, la localisation n'a pas été précisée.

[CROUZON.] J

TROUBLES DE LA MOTILITÉ

HÉMIPLÉGIE

- - Par le D' O. CROUZON

L'hémiplégie est, par définition, la paralysie motrice d'un côté du

corps, mais il se produit dans les hémiplégies organiques, assez souvent,

un certain nombre de phénomènes surajoutés n'appartenant pas directe-

ment à la fonction motrice et épie l'on a cependant coutume d'étudier à

propos de l'hémiplégie.

L'hémiplégie reconnaît des causes très diverses; on peut, pour l'étude,

la classer en trois grandes variétés :

I. L'hémiplégie organique par lésion cérébrale, ou pédonculaire, ou

protubérantielle, ou spinale; .

IL L'hémiplégie non organique, d'origine purement névropatltique.

Enfin, chez l'enfant, l'hémiplégie organique cérébrale se présente avec

des caractères tellement particuliers qu'il y a lieu de lui consacrer une

place à part :

111. Hémiplégie cérébrale infantile.

Au point de vue purement clinique, il y aurait lieu de distinguer

Y hémiplégie récente de l'hémiplégie ancienne, et aussi les hémiplégies

incomplètes et les grosses hémiplégies.

I. Hémiplégies par lésion des centres nerveux chez

l'adulte ou le vieillard. C'est de beaucoup la plus fréquente,

c'est celle qui doit faire la hase d'une description de l'hémiplégie.

Tout d'abord il convient de parler des variétés d'intensité de l'hémi-

plégie due à une lésion cérébrale; ces variétés sont d'ailleurs beaucoup

plus appréciables quand l'affection remonte au moins à quelques mois.

Parfois l'hémiplégie est si légère que sans les analnnesticlues, sans les

renseignements fournis par le malade au sujet d'une attaque de paralysie

à telle ou telle époque, on ne soupçonnerait même pas qu'il put être

hémiplégi(luc. C'est alors qu'il faut savoir reclwrcher les tmees de l'l1éllli-

plégie disparue.

Pour explorer l'étal des mouvements dans le membre supérieur, le

mieux est de dire au malade de déboutonner et surtout de reboutonner

son gilet, car c'est là certainement le mouvement le plus difficile il exé-

cuter pour un hémiplégique; épiant à l'examen dynaillométrique vulgaire

il n'a pas grande signification.

Une exagération manifeste du réflexe tendineux du poignet pour le

côté paralysé présente également une signification pouvant être utilisée.

ILÉml'LIGIE..1.fj;¡

Au membre inférieur il en est de même pour le réflexe rotulien; la re-

cherche du signe de Babinski, quand elle donne un résultat positif, est

très importante. Enfin l'élude de la démarche du malade fournit des ren-

seignements précieux ; bien entendu, si le malade « fauche », la cause est

entendue, mais cela n'a guère lieu dans les cas légers en question; un

excellent procédé, dans ces cas, consiste non plus à regarder le malade,

mais à l'écouter marcher : un certain nombre d'hémiplégiques dont la

démarche est en apparence normale frottent cependant un peu contre le

sol le pied du côté qui a été paralysé. Un autre signe à noter consiste en

ce que, pendant qu'ils marchent, beaucoup d'hémiplégiques lèvent plus ou

moins le bras du côté paralysé en l'arrondissant et en l'écartant du corps.

Quand, au contraire, l'hémiplégie est bien prononcée, les malades qui

en sont atteints présentent dès le début une paralysie très marquée et

parfois presque complète de tout un côté du corps. Ils ne peuvent pas

remuer du tout le membre supérieur, les mouvements du membre infé-

rieur sont ordinairement moins complètement abolis, mais, quand on

cherche à mettre le malade sur ses jambes, on voit qu'il ne peut se tenir

debout. D'une façon générale, la paralysie pour les membres est beaucoup

plus prononcée dans les segments distaux (main, poignet), que dans les

segments proximaux (épaule). Comme l'ont fait surtout remarquer Wcr-

nicke et Mann, dans l'hémiplégie cérébrale la paralysie ne frappe pas

isolément tel ou tel muscle, mais plutôt des mécanismes fonctionnels :

opposition du pouce, supination, rotation en dehors, extension des doigts,

élévation du bras pour le membre supérieur; pour le membre inférieur,

mécanisme du raccourcissement de la jambe, mécanisme de l'abduction

de la jambe. Ces mécanismes fonctionnels auraient, pour Grasset, une

représentation corticale.

Grasset et Gaussel ont l'ait remarquer que, pour un bon nombre d'hémi-

plégiques, il était impossible d'élever simultanément les deux jambes

au-dessus du plan du lit, bien qu'ils puissent lever alternativement l'une

et l'autre jambe.

Les membres ne sont, pas seuls frappés dans l'hémiplégie, le côté cor-

respondant de la face est assez souvent, mais non toujours, atteint d'un

certain degré de parésie; celle-ci porte surtout, mais non pas exclusive-

ment, sur les muselés de la face innervés par le « facial inférieur », c'est-

à-dire surtout sur les lèvres qui subissent la déviation en « point d'ex-

ctamahou)) (Charcot), la pointe étant, du côté paralysé, la grosse extrémité

du côté sain. Les muscles innervés par le facial supérieur participent

assez souvent aussi il cette parésie, par exemple incapacité de fermer ou

d'ouvrir isolément la paupière du côté hémiplégique (signe de Hevitliod).

La langue éprouve parfois, mais non constamment, une déviation;

cette déviation amène la pointe de la langue, lorsque celle-ci est projetée

hors de la bouche, vers le côté paralysé; parfois, cependant, c'est du côté

opposé. La déviation des lèvres et celle de la langue peuvent s'observer

indépendamment l'un de l'autre.

[CROUZON.]

4ü4 HÉMIPLÉGIE.

Les muscles moteurs des globes oculaires participeraient générale-

ment à la paralysie, d'après Mirallié et Desclaux, Wilson, Chaillous : leur

parésie serait modérée, d'ordinaire bilatérale, mais plus prononcée du

côté de l'hémiplégie.

La déviation conjuguée de la tête et des yeux se fait, quand elle

existe, selon des règles importantes signalées par Vulpian et Prévost,

Landouzy et Grasset : dans les lésions des hémisphères, le malade re-

garde sa lésion s'il y a paralysie, il regarde ses membres convulsés s'il y

a contracture ; dans les lésions protubérantielles, la règle est inverse.

La démarche des hémiplégiques doit être soigneusement examinée, et

cela dès les premiers moments. Il est bon, en effet, de faire mettre sur

ses pieds tout hémiplégique qui n'est ni comateux ni subcomateux, un

infirmier se tenant à côté du malade ou derrière lui suffit fort bien, dans

la plupart des cas, à le maintenir en équilibre.

On constate alors chez les hémiplégiques récents que parfois l'impossi-

bilité de se tenir debout tient à un fléchissement de la jambe paralysée

sous le poids du corps ; parfois l'impossibilité de la station debout tient

surtout à des troubles de l'équilibre ; parfois enfin il s'agit d'une sorte

de phobie de la marche, d'une astasie-abasie d'origine psychique (Grasset,

Mirallié, Petren) et ce phénomène semble survenir aussi chez les hémi-

plégiques qu'on a laissés trop longtemps au lit sans les faire lever. '

Quand l'hémiplégie est ancienne et assez prononcée, il existe le plus

souvent du « fauchage » par circumduction du pied du côté paralysé, ou

bien du trainell1ent du pied avec ou sans circumduction.

La contracture est loin d'être une terminaison fatale de l'hémiplégie,

elle ne survient guère que dans les cas où l'hémiplégie est bien prononcée;

lorsque au contraire la paralysie est d'intensité médiocre ou légère, il est

rare de voir se développer la contracture (Voir chapitre Conthacture).

Les réflexes tendineux sont ordinairement exagérés du côté paralysé.

Les réflexes cutanés (abdominal, crémastérien) sont souvent affaiblis

ou même abolis.

Quant au réflexe plantaire, Babinski a montré que, quand il se faisait

en extension, cela indiquait l'existence d'une altération du faisceau pyra-

midal ; la réciproque ne semble pas être absolument exacte, car on voit,

très rarement il est vrai, de grandes hémiplégies avec lésion étendue du

faisceau pyramidal ne pas donner lieu au réflexe plantaire en extension.

L'étude des mouvements involontaires (') dans les membres est inté-

ressante : l'un des plus simples et des plus ordinairement observés con-

siste dans un mouvement de flexion du membre supérieur paralysé qui

se produit pendant le bâillement ou les secousses de toux.

L'hémichoréc. l'hémiatbétose, l'hémitremblementsont des phénomènes

beaucoup plus rares chez l'hémiplégique adulte qu'on ne le croit généra-

lement. Ils appartiennent surtout il l'hémiplégie infantile. Leur existence

1. Voir plus bas l'article Mouvements associés.

HEMIPLEGIE. 405 u

chez l'adulte ou le vieillard doit faire soupçonner une lésion des régions

pédonculaire ou sous-optique. Quant aux mouvements associés, ils sont

également rares ou peu accentués chez l'adulte et le vieillard, très fré-

quents au contraire chez l'enfant hémiplégique.

Les contractions 1/1YOSlS1/1lqlles, décrites par Pierre Marie dans les

hémiplégies récentes, constituent un phénomène assez fréquent, mais

non constant, il s'agit de contractions fasciculaires des muscles de la

rébion antérieure des cuisses et des mollets, se montrant il la fois dans

le membre inférieur du côté sain et du côté malade; on ignore encore

quelle peut être la valeur diagnostique ou pronostique de ce phénomène

qui cesse de lui-même au bout de quelques jours.

On sait, d'ailleurs, que, pour certains auteurs (Pitres, Dignat), chez

tout hémiplégique les membres du côté sain ont également subi une

diminution plus ou moins notable de leur force musculaire. Dans un

orand nombre de cas, les troubles moteurs du côté réputé sain sont dus

en réalité à de petites altérations surajoutées dans l'hémisphère où ne

siège pas la lésion principale, notamment à de petits foyers lacunaires

(Pierre Marie et Guillain).

Chez chaque hémiplégique, on devra examiner avec grand soin la sen-

sibililé dans tous ses modes :

Sensibilité cutanée. La sensibilité à la douleur est le mode qui

fournit les renseignements les plus intéressants, mais il convient de bien

spécifier les conditions de cet examen. Si, en effet, chez certains hémi-

plégiques, dans les premiers jours qui suivent l'apparition de la para-

lysie, on recherche quelle est du côté paralysé la sensibilité à la piqûre,

on constate ou bien que la piqûre n'est suivie d'aucune manifestation de

perception douloureuse, ou bien qu'il se produit soit un léger tressaille-

ment des muscles au niveau du point piqué, soit même un léger mouve-

ment de retrait du membre. On dit alors qu'il y a hémianesthésie. Le

terme est radicalement impropre, et, pour s'en convaincre (Pierre Marie),

il suffit, au lieu de piquer le membre paralysé, de le pincer pendant

une demi-minute, en serrant la peau entre les ongles. On voit alors le

malade présenter une agitation très singulière : tantôt il se remue dans

son lit comme pris d'un état d'énervement, tantôt son agitation se tra-

duit par le geste de ramener ses draps, de passer la main sur sa figure

ou sur sa barbe, etc... ; si alors on interroge le malade sur les causes de

son agitation, les motifs qu'il en donne sont tout il fait erronés : tantôt

c'est une crampe qui le tient, tantôt c'est une bêle qui est dans son lit

et le pique, ou bien c'est un des assistants qui s'est appuyé brutale-

ment sur son membre paralysé, etc.... Jamais, en tout cas, le : malade ne

élira : « on m'a pincé ». C'est qu'en réalité il ne se rend pas compte de la

nature de la douleur très réelle qu'il ressent effectivement et qui se tra-

duit par l'agitation à laquelle nous l'avons vu en proie. Il ne peut donc,

en saine logique, être question ici d 'anesthésie. puisque la sensation dou-

loureuse est certainement perçue, niais ce qui existe chez ce malade, c'est

l'KATQC); EUI\OI.. 30

[CROUZON.]

4M HÉMIPLÉGIE.

une agnosie pure et simple des excitations cutanées douloureuses. On

peut encore mieux se rendre compte de l'existence de cette eslhésio-

agnosie, quand on considère l'incapacité où se trouvent les malades de

localiser ces sensations douloureuses. Le pincement prolongé, nous

l'avons dit, les plonge dans un état d'excitation très singulier, mais,

quelle que soit la douleur qu'ils ressentent, jamais on ne les voit porter

la main sur le point qui est le siège du pincement; si, au contraire, on

pince, même bien plus légèrement, le membre correspondant du cote

sain, on voit le malade porter immédiatement sa main valide sur ce point

et s'efforcer d'éloigner les ongles qui le pincent. Il est donc évident que

ce malade : 1° n'est pas réellement 1)érni;tnestlrésiyue, puisqu'il éprouve

des sensations douloureuses quand on le pince; 2° est incapable de

reconnaître la nature et la cause de ces sensations douloureuses (esthésio-

gnosie) ; 5° est incapable de localiser le point d'où partent ces sensations

douloureuses.

Si nous avons un peu longuement insisté sur ces faits, c'est pour

bien montrer que la prétendue bémiancstbésic de certains hémiplé-

giques répond, en réalité, à des troubles sensitifs qui n'ont rien de com-

mun avec l'anestbesic vulgaire. *

Quoi qu'il en soit, les troubles de la sensibilité à la piqûre ou au pin-

cement, dans l'hémiplégie organique, présentent dans leur manière

d'être, un certain nombre de caractères à peu près constants : ils sont

plus prononcés aux membres que sur le tronc et dans les segments péri-

phériques des membres qu 1\ leur racine; la face peut participer à ces

troubles sensitifs, mais ils y sont moins marqués qu'aux membres. Un

autre caractère de ces troubles sensitifs est d'être transitoires (de quel-

ques heures à deux ou trois semaines) dans la plupart des cas. On peut

affirmer qu'ils ne sont que très rarement permanents lorsqu'il s'agit d'une

hémianesthésie par lésion en foyer d'un hémisphère cérébral. Et, dans ces

cas, il s'agit le plus souvent d'une lésion thalamique (Dejerine, Roussy).

Comme troubles sensitifs du côté des organes des sens, dans l'hémi-

plégie organique, on ne connaît en réalité, cliniquement, que l'hénn-

anopsie; quant il l'anosmie, il l'agueusie, il l'amaurose, il la surdité dont

parlent certains auteurs, rien n'est moins certain que leur existence dans

l'hémiplégie.

Les troubles du sens musculaire sont, comme ceux de la sensibilité

cutanée, plus marqués aux segments périphériques qu'à la racine des

membres; on les recherche surtout au moyen des mouvements passifs.

La stéréo-agnosie désigne les troubles de la fonction sléréognostiiiiic

qui consiste dans la reconnaissance des objets au moyen de la palpation.

Ces différents troubles sensitifs peuvent se trouver réunis chez un

même hémiplégique; dans un certain nombre de cas, ils se montrent

plus ou moins isolés, ils doivent en tout cas être recherchés.

Assez souvent les hémiplégiques se plaignent de douleurs dans les

membres paralysés, surtout dans les membres supérieurs; ces douleurs

HÉMIPLÉGIE. ! (i7

sont souvent en connexion avec de l'arthrite chronique des articulations

des membres paralysés ; d'autres fois, elles siègent le long des troncs

nerveux; d'autres fois enflées, indépendantes de tout siège nerveux ou

articulaire, elles semblent bien être d'origine centrale. Les lésions thala-

miaues seraient particulièrement douloureuses pour Dejerine et Roussy.

Les arlhropatlaies sont assez fréquentes chez les hémiplégiques, sur-

tout au niveau de l'épaule, et sont généralement considérées comme

d'origine trophique.

L'atii, ! Iol,7,opliie est encore un trouble trophique qui n'est pas très rare

dans 1 hémiplégie, elle atteint principalement certains muscles de la

racine des membres (deltoïde, muscles de la fesse), quelquefois cepen-

dant elle se localise sur les petits muscles des mains ; elle peut être pré-

coce (dès les premières semaines de l'hémiplégie) ou tardive.

On a aussi signalé, dans l'hémiplégie de l'adulte, des cas où se pro-

duisait une atrophie des os des membres paralysés.

Les Iroubles trophiques cutanés sont fréquents dans les grosses hémi-

plégies : sécheresse de la peau, desquamation ou macération épider-

mique, lésions des ongles, des poils, etc. Parfois on voit une éruption de

nature générale infectieuse ou autre se porter de préférence sur le côté

hémiplégique ou au contraire respecter celui-ci.

L'aspect spécial connu sous le nom de main succulente, qui s'observe

parfois chez les grands hémiplégiques avec contracture, peut être consi-

déré aussi comme un trouble trophique bien caractérisé. Quant à l'oedème

qui siège parfois sur les membres hémiplégiques, on peut presque à

coup sur, lorsqu'il est assez intense, le considérer comme l'indice que le

malade est, atteint, outre son hémiplégie, d'une maladie hydropigène

cardiaque ou rénale (Crouzon).

Les escarres qui surviennent au niveau de la fesse dans les hémiplé-

gies récentes et très intenses dépendent beaucoup moins de troubles tro-

phiques spéciaux que du manque de soins de propreté de la part des

infirmiers.

Les troubles des sphincters qui s'observent dans certains cas peuvent

être dus a des mécanismes différents. Dans les hémiplégies récentes, ils

sont généralement imputables à l'état subcomateux ; dans les hémiplégies

anciennes, chez les vieillards, on voit, avec ou sans ictus, s'établir dans

un certain nombre de cas le gâtisme. Ce gâtisme est dû le plus souvent

à des lacunes dans les noyaux gris centraux ou dans le domaine de

l'artère cérébrale' postérieure. Les malades perdent inconsciemment les

urines et les matières fécales. Le plus souvent cet état s'accompagne

d une diminution plus ou moins prononcée des facultés mentales, avec

exagération de l'émotivité : toutes ces manifestations sont ducs, le plus

souvent, non pas au foyer même dont la présence dans le cerveau a donné

heu à l'hémiplégie, mais aux lacunes et aux altérations vasculaires du

cerveau dont elles sont la conséquence.

Les hémiplégiques par lésion organique des centres nerveux peuvent

[CROUZON.]

468 HÉMIPLÉGIE.

présenter, en outre du gâtisme, des troubles mentaux divers, mais on ne

peut pas dire que ces troubles mentaux, dans la grande majorité des cas

soient sous la dépendance directe de l'hémiplégie; ils lui sont surajoutés

et dépendent bien plus du malade ou de la maladie, cause de l'hémi-

plégie, que de l'hémiplégie elle-même. On pourrait, et non sans raison,

soutenir que l'aphasie doit être rangée parmi les troubles mentaux ac-

compagnant l'hémiplégie, mais, l'aphasie faisant l'objet d'un paragraphe

spécial, il n'y a pas lieu d'insister sur ce point. Le rire et le pleurer

spasmodiques s'observent fréquemment chez les hémiplégiques (Bris-

saud, etc.).

Diagnostic. A) De l'hémiplégie avec les maladies qui peuvent

la simuler. En réalité, il n'y eu a guère, et il faudrait avoir fait un

examen bien insuffisant pour confondre avec une hémiplégie motrice

certains cas de douleurs unilatérales des membres.

Chez les individus affectés d' épilep81e jacksonienne, on voit assez sou-

vent survenir, dans les membres qui ont été le siège des manifestations

convulsives, une paralysie d'aspect (et de nature) tout à fait hémiplégique

qui peut durer quelques minutes ou quelques heures après les convulsions;

il peut arriver d'ailleurs que cette paralysie transitoire devienne perma-

nente et on a alors bien réellement affaire à une véritable hémiplégie.

Il existe un état singulier d'impotence motrice des membres qui n'est

pas l'hémiplégie et qui en est cependant très voisin, qui peut mono se

combiner avec celle-ci, c'est l'apraxie, étudiée par Liclmnann ('), qui con-

siste en une sorte d'agnosie des mouvements sans paralysie réelle; c'est

ainsi que l'on voit les malades qui en sont atteints être capables de faire

avec les membres du côté apraxique des mouvements variés d'une

manière involontaire et inconsciente, par exemple faire des gestes quand

ils parlent, exécuter des mouvements de défense, etc..., mais, s'il s'agit

d'exécuter tel ou tel mouvement coordonné intentionnel, tel que de prendre

avec un cuiller ou une fourchette les aliments dans une assiette et de les

porter à sa bouche, ou de bourrer une pipe, le membre apraxique n'en

peut venir à bout. Ce trouble des mouvements est tellement comparable

aux troubles aphasiques que Pierre Marie a exprimé l'opinion qu'il n'est

en réalité qu'une manifestation de la déchéance psychique des aphasiques.

L'hémiplégie hystérique doit être très soigneusement différenciée de

l'hémiplégie organique, car les occasions d'erreur sont innombrables,

mais, vue son importance, un paragraphe spécial lui est consacré plus loin.

Une autre affection, qui peut dans certains cas en imposer pour l'hémi-

plégie organique, c'est lu paralysie agilccrtle, qui. connue on sait, a un

début unilatéral, de sorte que les malades viennent se plaindre au médecin

d'être « paralysés d'un côté du corps ». ll Il suffit d'être prévenu pour éviter

celte erreur, d'autant plus que les différents symptômes de la maladie de

Parkinson sont assez caractéristiques pour être aisément reconnus.

1. Voir plus liant l'article, Apraxie,

HÉMIPLÉGIE. 469

II) De la lésion. Ce diagnostic est souvent fort difficile.

Un début subit doit faire surtout penser il l'hémorragie cérébrale, au

ramollissement et aux lacunes de désintégration.

Les tumeurs cérébrales, l'hémorragie méningée, les méningites n'amè-

nent généralement pas l'hémiplégie d'une façon aussi subite, aussi inat-

tendue, mais il y a de nombreuses exceptions.

lj état apoplectique, quand il est bien prononcé, indique ordinairement

une hémorragie cérébrale : le ramollissement et même l'hémorragie

méningée ne déterminent pas ordinairement un état aussi comateux que

l'hémorragie cérébrale; c'est surtout dans celle-ci qu'on voit se produire

la déviation conjuguée de la tête et des yeux et le type respiratoire de

Cheyne-Stokes. Des phénomènes du même genre peuvent cependant s'ob-

server dans l'hémorragie méningée. La ponction lombaire peut également,

dans les deux cas, montrer un liquide céphalo-rachidien mélangé de sang.

Au contraire, lorsque l'hémiplégie s'installe sans apoplexie vraie, ou

même parfois sans aucun ictus, on a le plus souvent à faire à un ramol-

lissement cérébral ou à des lacunes.

On peut le plus souvent diagnostiquer cliniquemcnt les lacunes lors-

qu'elles donnent naissance à l'hémiplégie. Celle-ci est presque toujours

incomplète, susceptible d'une amélioration assez rapide, à tel point que

l'hémiplégie est parfois transitoire et ne laisse après elle qu'un peu de

maladresse pour les actes délicats; les réflexes tendineux sont exagérés au

tendon rotulien et au poignet ; souvent aussi, quand les malades ont recom-

mencé à marcher, on constate qu'ils « marchent à petits pas ». Un

symptôme qui peut permettre de différencier l'hémiplégie par lacune de

celle par ramollissement cérébral, c'est l'hémianopsie, qui est extrême-

ment rare chez les lacunaires, si tant est même qu'elle puisse être pro-

duite par cette lésion, tandis que dans le ramollissement cérébral c'est un

symptôme assez fréquent. De même l'aphasie ne se voit pas chez les lacu-

naires, tandis qu'elle est fréquente chez les individus atteints de ramollisse-

ment (il est bien entendu qu'il s'agit d'aphasie vraie et non de dysarthrie,

car cette dernière, au contraire; s'observe souvent chez les lacunaires).

Quant à l'hémiplégie produite par les tumeurs cérébrales, il est bien

difficile de la caractériser puisque, comme tous les autres symptômes des

tumeurs cérébrales, elle est susceptible des modifications les plus diverses.

Nous noterons cependant, ce fait que c'est dans les tumeurs cérébrales que

l'on voit presque exclusivement (abstraction faite pour l'hémiplégie hys-

trvriclue) se produire de l'hémilremblement ou de l'lumichorée. Assez

souvent aussi l'hémiplégie des tumeurs cérébrales s'accompagne d'épi-

lepsie jacksonienne. Bien entendu, dans le diagnostic de cette variété

d'hémiplégie, il faudra tenir compte de tous les autres symptômes révéla-

leurs des tumeurs cérébrales, et notamment l'examen du fond de l'oeil

rendra de grands services; mais, dans les cas aigus, on n'oubliera pas que

1 hémorragie cérébrale est susceptible elle aussi de déterminer de l'oedème

et de la congestion de la papille.

[CROUZON.]

470 HÉMIPLÉGIE.

C) De la localisation. Elle est le plus souvent très incertaine. -

a) Lésions corticales. Les lésions corticales pures sont très rarement

observées ; presque toujours les lésions dites corticales (nous avons sur-

tout ici en vue l'hémorragie et le ramollissement) intéressent plus ou

moins profondément la substance blanche sous-jacenle; d'autre part, les

lésions purement corticales donnent rarement lieu il une hémiplégie. Les

symptômes qui caractérisent les cas d'hémiplégie dans lesquels l'écorce

est intéressée sont surtout les troubles de la sensibilité superficielle ou

profonde, la stéréo-agnosic, l'apraxie, l'aphasie de Wernicke, l'épilepsie

jacksonienne. Quant il la contracture précoce, elle peut se voir dans les

cas de lésion corticale, mais elle est loin d'y être constante; il en est de

même pour les lésions qui intéressent les ventricules dans une certaine

étendue.

p) Lésions des noyaux gris centraux. - Quand les lésions sont slrie-

tement limitées, ce qui d'ailleurs n'est pas la règle, aux seuls noyaux

gris, l'hémiplégie est peu intense et généralement transitoire. Quand

c'est le noyau lenticulaire qui est atteint, on constate la diminution ou

l'abolition du réflexe pharyngé, des troubles de la déglutition et de l'arli-

culation pouvant même dans certains cas (surtout pour les lacunaires chez

qui les lésions du noyau lenticulaire sont volontiers bilatérales) aller jus-

qu'à la paralysie pseudo-bulbaire. Quand c'est la couche optique qui

est atteinte, on a vu se produire quelquefois des mouvements cluwéi-

formes ou riralléatoires, ou bien des troubles de la sensibilité : douleurs,

hémianesthésic, ou encore des troubles de la mimique, mais ces diffé-

rents troubles sont loin de se rencontrer constamment dans les lésions

thalamiques. et en réalité le diagnostic des lésions de ce genre est rare-

ment assuré. Dans ces dernières années, Dejerine, avec ses élèves Thomas.

Roussy, a décrit comme réalisant le syndrome thalamique des cas dans

lesquels une lésion du thalamus s'accompagnait d'une béinianeslhésie

(avec hémiplégie transitoire ou s'atténuant rapidement), de douleurs très

vives dans la moitié du corps anesthésiéc. de mouvements choréo-albé-

tosiques, absence du signe de Babinski.

y) Capsule interne. Les lésions de la capsule interne sont celles qui

donnent lieu le plus fréquemment à l'hémiplégie; pour que ce symptôme

se produise, il faut, bien entendu, que la portion de la capsule interne

dans laquelle passe le faisceau pyramidal soit intéressée. Jusque dans

ces derniers temps, tous les auteurs admettaient qu'il existe dans la

capsule interne des localisations très nettes de la paralysie sur tel ou tel

segment de membre, sur la face, la langue, etc.; Ions les traités contien-

nentdes schémas indiquant ces différentes localisations. En 1902, dans

un travail de la Semaine médicale, Pierre Marie et G. Guillain ont

montré que celle doctrine était absolument erronée; d'après les nom-

breuses autopsies invoquées par ces auteurs, les lésions limitées de la

capsule interne ne déterminent pas de paralysies localisées, de nionopif.

gies du membre supérieur ou inférieur, ou d'un segment de membre-

HÉMIPLÉGIE. If 71 1

Une lésion intéressant, la portion motrice de la capsule interne donne tou-

jours lieu à une hémiplégie, el, Pierre Marie et Guillain ont insisté sur ce

'fait que l'intensité de l'hémiplégie est proportionnelle à la quantité de

libres pyramidales détruites, de telle, sorte qu'au niveau de la capsule

interne le faisceau pyramidal constitue un organe de conduction en niasse

du mouvement volontaire pour les deux membres du côté opposé. Cela

est si vrai que ce sont les lésions de la capsule interne qui donnent l'hé-

miplégie la plus typique.

c) Pédoncule. Protubérance. Bulbe. -Dans toutes ces régions, l'hé-

miplégie se produit toujours, de même que dans la capsule interne, par

la lésion du segment où le faisceau pyramidal se trouve collecté, et il ce

point de vue les caractères de l'hémiplégie sont fort analogues. C'est-à-

dire son intensité est proportionnelle il la quantité de fibres pyrami-

dales atteintes, il existe une exagération manifeste des réflexes tendi-

neux et le signe de Babinski, et, pour peu que l'hémiplégie soit un

peu intense, la contracture ne larde pas à survenir.

Ce qui l'ait que l'hémiplégie due à une lésion d'un pédoncule, de la

protubérance ou du bulbe, présente des caractères particuliers, c'est que

la lésion du faisceau pyramidal à ce niveau s'accompagne de la lésion

d'autres organes situés au voisinage dans l'épaisseur du pédoncule, de la

protubérance ou du bulbe ; on peut en un mot observer toute la série des

hémiplégies alternes. Il arrive cependant, le plus souvent, surtout lors-

qu'il s'agit de lésions lacunaires de la protubérance, qu'il n'existe pas

d'hémiplégie alterne pouvant mettre sur la voie ; le diagnostic sera alors

très difficile, l'intensité anormale, et non proportionnelle a celle de l'hémi-

plégie, des troubles du coté de la langue et des lèvres, pourrait être un

précieux indice.

On désigne sous le nom d'hémiplégie alterne les cas dans lesquels

une lésion du pédoncule, de la protubérance ou du bulbe portant sur le

faisceau pyramidal, et déterminant par conséquent une hémiplégie des

membres du côté opposé, intéresse en même temps soit le noyau, soit

la racine de tel ou tel nerf crânien situé dans son voisinage, ce qui

donnera des symptômes de paralysie, ou plus rarement d'anesthésie

dans le domaine du nerf atteint, mais celle fois du même cote que ia

lésion.

Les deux types d'hémiplégie alterne les plus fréquents et les mieux

connus sont : le type Millard-Gubler (hémiplégie des membres d'un

côté, paralysie faciale de l'autre côté) et le type dit syndrome de

Weber (hémiplégie des membres d'un côté et paralysie du moteur ocu-

laire commun de l'autre côté). Ce dernier type est, bien entendu, l'indice

d'une lésion pédonculaire. tandis que le premier type est, produit par

une lésion bulbo-prolubérantiollc. On conçoit que les variétés pourront

être nombreuses, puisque à la place des nerfs précités la lésion pourra

intéresser soit l'hypoglosse, soit le nerf moteur oculaire externe, soit le

trijumeau, et alors, si c'est la racine sensitive qui est atteinte, ce n'est

[CROUZON] ]

472 in HÉMIPLÉGIE. -

plus une paralysie que l'on observe mais une anesthésie localisée à la

zone de distribution de la Ve paire. Parfois la lésion, et par conséqnent

les symptômes ne portent pas sur l'ensemble des branches de tel ou tel

nerf crânien, mais seulement sur quelques-unes d'entre elles.

Une autre manifestation analogue à l'hémiplégie alterne est celle con-

nue sous le nom de Syndrome de Benedikt, elle consiste en ce que,

avec une paralysie de la IULE paire d'un côté (comme dans le syndrome de

Weber), coexiste, de l'autre côté, non plus une hémiplégie des membres,

mais un tremblement soit continuel, soit intermittent, mais alors sur-

tout intentionnel. Il s'agit ici encore d'une lésion pédonculaire. Une lon-

gue série de syndromes alternes, tous exceptionnels, ont été récem-

ment signalés par les auteurs :

Type Foville du syndrome de Millard-Gubler (Grasset) : d'un côté

paralysie des membres, de l'autre, paralysie du facial et d'un oculo-

gyre.

Syndrome de Millard-Gubler avec syndrome pédonculaire (Pierre Marie

et Crouzon) : hémiplégie gauche, paralysie faciale droite, paralysie du

trijumeau droit et paralysie de l'oculomoteur commun droit.

Type Foville du syndrome de Weber (Grasset) : d'un côté paralysie des

membres et de la face, de l'autre paralysie d'un oculogyre.

llémispasme facial alterne (Brissaud et Sicard) : d'un côté paralysie

des membres, de l'autre spasme de la face.

Syndrome de Benedikt inférieur (Combe) : d'un côté hérnitrem-

blement, de l'autre paralysie faciale.

Hémianesthésie alterne (Raymond) : d'un côté anesthésie des mem-

bres avec ou sans paralysie, de l'autre anesthésie de la face avec on sans

paralysie. '

Syndrome cérébelleux alterne de Babinski et Nageottc : d'un côté

paralysie des membres, de l'autre, troubles cérébelleux, hémiasynergie,

latéropulsion, nystagmus.

. Hémiplégie alterne du type Avellis : d'un côté hémiplégie, de l'autre

paralysie du voile du palais et de la corde vocale.

Hémiplégie alterne avec syndrome oculaire sympathique (Cestan et

Chenais) : d'un côté hémiplégie, de l'autre myosis, énophtalmie, rétré-

cissement de la fente palpébrale avec ptosis léger.

Syndrome protubérantiel supérieur (Raymond et Cestan) : d'un côté

incoordination, mouvements choréo-athétosiques, troubles sensitifs,

paralysie faible, de l'autre paralysie des mouvements associés d'abduc-

tion des yeux.

Syndrome de la calotte pédonculaire (Gruner et Bertolotti) : d'un

côté paralysie sensitivo-motrice, de l'autre paralysie des mouvements

associés d'élévation, d'abaissement et de convergence des yeux, ophlal-

moplégie interne.

e) Moelle. Le diagnostic de l'hémiplégie spinale est souvent fort

délicat. Il s'agit d'ailleurs d'une manifestation assez rare. La distri-

HÉMIPLÉGIE. 475

hution de la paralysie aux différents groupes moteurs est, d'après

Mann, à peu près la même que dans l'hémiplégie par lésion cérébrale. En

réalité, nous manquons de caractères spéciaux permettant de distinguer

sûrement ces deux formes d'hémiplégie, car on ne peut considérer

comme absolument démonstratif ce fait que, dans l'hémiplégie spinale, la

face n'est pas atteinte, et qu'ordinairement la paralysie est plus marquée

pour le membre inférieur que pour le supérieur. Ce qui permettra le

mieux de faire le diagnostic d'hémiplégie spinale, ce sera de dépister

l'existence, chez le malade, d'une affection médullaire bien caractérisée,

telle qu'un traumatisme, la syringoinyélie, une tumeur de la moelle,

ou la syphilis médullaire; dans ce dernier cas on pourra observer avec

une certaine prédilection l'existence du syndrome de Brown-Séquard

(syndrome d'hémiparalysie avec hémianesthésie croisée).

Étiologie et Valeur séméiologique. Les dimensions de ce

chapitre seraient tellement étendues qu'on ne peut se borner ici qu'à une

simple énumération forcément incomplète.

L'hémiplégie peut être traumatique soit par contusion ou enfonce-

ment des os du crâne et lésions du cerveau ou hémorragie méningée,

soit par pénétration d'un corps vulnérant par une cavité naturelle (nez,

orbite, oreille).

L'hémiplégie peut s'observer au cours de toutes les maladies infec-

tieuses par suite soit d'une lésion des méninges, soit d'une hémorragie,

soit d'une thrombose vasculaire.Le rôle de la syphilis dans la production

de l'hémiplégie, chez l'homme, est des plus importants, à tel point que,

dans la pratique, tout homme frappé d'hémiplégie avant l'âge de 50 ans,

et chez lequel on ne constate pas d'affection cardiaque, doit être forte-

ment soupçonné de syphilis. L'hémiplégie syphilitique est en effet une

manifestation assez précoce se produisant le plus souvent dans les pre-

iiniers mois ou dans les premières années qui suivent le chancre.

Chez la femme, les infections qui déterminent le plus souvent l'hémi-

plégie sont les infections puerpérales.

Les intoxications les plus diverses peuvent être suivies d'hémiplégie,

sans en excepter les auto-intoxications (diabète, urémie). On se gar-

dera d'ailleurs de rapporter à l'urémie tous les cas d'hémiplégie surve-

nant chez des malades qui présentent de l'albuminurie, car. chez ces

malades, l'hémiplégie peut tout aussi bien être duc à une hémorragie

cérébrale ou à un ramollissement.

Les lésions du coeur et des gros vaisseaux jouent aussi un rôle dans

la production d'un certain nombre de cas d'hémiplégie. Peut-être les

lésions de l'appareil respiratoire en jouent-ils un également, on a publié

des cas d'hémiplégie hncumomiclue, d'hémiplégie pleurale. Quant aux

lésions des vaisseaux encéphaliques, leur rôle est de tout premier ordre,

et notamment chez les vieillards; l'artérite. la périartéritc chroniques,

l'athérome des artères du cerveau déterminent soit l'hémorragie céré-

braIe. soit le ramollissement, soit les lacunes de désintégration; or on sait

caouzoN.7

474 . HEMIPLEGIE.

que ces trois lésions sont de beaucoup les facteurs les plus importants

dans la production de l'hémiplégie.

Certaines affections du système nerveux, telles épie le tahcs, la para-

lysie générale, la sclérose en plaques, la chorée de Sydcnttam, la ménin-

gite tuberculeuse, les néoplasmes intracraniens, etc.... s'accompagnent

plus ou moins fréquemment d'hémiplégie cérébrale, hulbo-prolllbéran-

ticllc ou spinale.

- Il. Hémiplégie non organique, d'origine névropathique.

Les paralysies de ce genre peuvent simuler, de très près, l'hémi-

plégie organique ; cependant un observateur attentif notera dans l'atti-

tude du malade, dans le degré et les modalités de l'impotence fonction-

nelle des membres, différents caractères qui éveilleront ses soupçons et

l'inciteront à rechercher minutieusement si l'hémiplégie en présence de

laquelle il se trouve présente bien tous les signes physiques qui appar-

tiennent il l'hémiplégie organique. Parmi ces signes, les suivants ont été

signalés par M. Babinski. -

C'est ainsi que, dans l'hémiplégie névropathique, on ne constate pas

l'/fi/o/onïc' musculaire, caractérisée notamment chez les hémiplé-

giques organiques par la possibilité d'imprimer une flexion exagérée il

l'avant-bras. "

On ne constate pas non plus le signe du peaucier, qui consiste chez

les organiques dans une diminution du relief de contraction de ce

muscle du côté paralysé, quand on fait ouvrir la bouche au malade, et

qu'avec un doit placé sous le menton, on résiste un peu il ce mouve-

ment. Le signe de la pronation (Babinski) ne s'observe que dans l'hémi-

plégie organique : si on met la main passivetuent en supination, elle

se remet, en pronation dès qu'on la lâche.

La flexion combinée de la cuisse et du tronc ne se voit pas dans

l'hémiplégie névropathique, tandis que dans l'hémiplégie organique elle

est de règle. On sait qu'elle s'obtient au moment où le malade étendu à

terre, les bras croisés, cherche à se relever ou quand, assis à terre, il se

laisse brusquement retomber.

Les réflexes tendineux peuvent être forts, comme amplitude, dans

l'hémiplégie névropathique, mais ils ne présentent pas le caractère de

spasnrodicité, de brusquerie qu'ils ont le plus souvent dans l'hémiplégie

organique et surtout ils restent égaux des deux côtés (Babinski).

Le clonus du pied semble appartenir exclusivement à l'hémiplégie

organique, niais on n'oubliera pas que chez les névropathes on peut

observer un faux clonus du pied (Babinski).

Le réflexe plantaire est, dans l'hémiplégie névropathique, toujours en

flexion.

Les réflexes cutanés sont le plus souvent conservés chez les hémiplégi-

ques névropathiques.

L'hémianesllu'sie, quand elle existe, se présente chez les hémiplégi-

ques névropathiques avec des caractères tout différents de ceux (me nous

HÉMIPLÉGIE..470

avons décrits dans les hémiplégies organiques, et notamment elle est

beaucoup plus accentuée, il tel point qu'on peut piquer et pincer aussi

longtemps et aussi profondément que l'on vent le malade sans qu'il en

1émoi»Tie aucune sensation. De plus, dans l'hémiplégie névropathique,

j'iiétnianesthésie est généralement beaucoup plus persistante que chez les

organiques. Enfin elle est très souvent a la fois sensitive et sensorielle.

En examinant l'attitude des hémiplégiques nénopathiques dans les

différents actes de la vie, on constatera d'ordinaire qu'ils sont infiniment

moins gênés par leur hémiplégie, si forte soit-elle, que les hémiplégi-

ques organiques. Quand ils marchent avec des béquilles, ce que ne l'ont

presque jamais les hémiplégiques organiques, on les voit laisser traîner

en arrière d'une façon tout à l'ait caractéristique la jambe paralysée,

mais malgré tout ils marchent.

La paralysie des hystériques porte de préférence sur un certain nom-

bre de systèmes de mouvements, sur certains actes plutôt que sur cer-

tains muscles. -

' Elle est et reste en général flasque ; quand elle est spasmodique, elle

l'est d'emblée; la contracture ne succède pas à une paralysie flasque.

Dans certains cas la recherche des stigmates de l'hystérie peut rendre

des services, mais il ne faut pas s'attendre à rencontrer ces stigmates

d'une façon constante, car ils ont été le plus souvent déterminés par des

suggestions médicales antérieures.

Enfin, un point très important à considérer est celui de l'étiologie.

Dans quelles conditions )'))émi])tégies'cst-ei ! e produite ? Y a-t-il eu trau-

matisme réel ou sbock moral ? Le malade a-t-il pu se suggestionner ?

Autant de questions qu'il importe beaucoup d'élucider lorsqu'il existe

quelque soupçon d'une hémiplégie d'origine névropathique.

111. L'hémiplégie cérébrale infantile diffère par un certain

nombre de points de l'hémiplégie des adultes.

La contracture y prend, lorsqu'elle existe, un aspect spécial (pied bot,

main bote); le pied est alors, le plus souvent, varus équin, la main est

en flexion exagérée dans l'articulation du poignet, les doigts sont dans

une sorte d'hypotonie qui permet de les recourber fortement dans le sens

de l'extension. Le membre supérieur et le membre inférieur sont, dans

cette forme, susceptibles de présenter une atrophie considérable; on y

constate alors des troubles vaso-moteurs accentués.

Dans une autre forme, il ne s'agit plus de contracture, mais d'hénn-

athétosc ou d hémicborée : les membres de ces malades ne présentent pas

l'atrophie signalée dans la forme précédente.

Du reste, d'une façon générale, les mouvements associés se produisent

dans 1 hémiplégie infantile avec une intensité bien plus grande que dans

1 hémiplégie des adultes. De même. l'épilepsie jacksonienne y est infi-

lIillH'111 plus fréquente; très souvent aussi il s'agit d'épilepsie. vulgaire.

Les troubles (fêla sensibilité sont très rares.

Les réflexes tendineux sont très exagérés quand la contracture n'est

- [CROUZON.] ]

476 . HEMIPLEGIE.

pas assez forte pour immobiliser les membres. Le réflexe plantaire est

presque toujours en extension (').. '

L'aphasie ne se montre guère dans l'hémiplégie cérébrale infantile,

même quand il existe des lésions de l'hémisphère gauche intéressant la

zone du langage. Parfois, cependant, ces malades ont la parole embar-

rassée, mais il s'agit seulement de dysarthrie et de troubles dans la con-

stitution de la phrase.

L'intelligence est bien plus souvent et plus profondément atteinte chez

les hémiplégiques infantiles que chez les hémiplégiques adultes.

Pour que l'hémiplégie infantile déploie dans tout leur développement

les caractères qui lui sont propres, il faut que la lésion se soit produite

dans les sept ou huit premières années de la vie.

La lésion peut être d'ailleurs d'aspect très différent : sclérose lobaire,

porencéphalie, méningo-encéphalite, ramollissement, hémorragie, lésions

traumatiques, etc.

1. Chez les jeunes enfants, le réflexe des orteils se fait normalement en extension;

cela tient au développement incomplet du faisceau pyramidal ; depuis l'ege de ou

6 mois jusqu'à l'àge de 1 an, il se fait tantôt en extension tantôt en flexion : à partir

de 1 an, il est normalement en flexion. Mais il n'est pas rare de le trouver en extension,

jusqu'à l'àge de 3 ans et plus chez les enfants athrepsiques ou débilites en dehors

même de toute affection systématisée des centres nerveux : cela tient à ce que le'

faisceau pyramidal a subi chez ces enfants un retard de développement par suite des

troubles de la nutrition générale (Léri)..

MOUVEMENTS ASSOCIÉS

par le D' CROUZON

On appelle mouvements associés « les mouvements qui s'effectuent

dans une partie du corps d'une façon involontaire, au moment où ont lieu

des mouvements volontaires ou réflexes dans une autre partie». Celle

définition est de Yulpian et il a donné le nom de syncinésie il ces mou-

vements associés.

Nous prendrons comme exemples de ces mouvements les phénomènes

qu'on peut observer chez un hémiplégique.

Mouvements associés dans l'hémiplégie. Ce sont, par

exemple, les mouvements qu'exécute en réduction le membre malade

quand on commande au malade un mouvement du coté sain. Quelquefois,

c'est la main hémiplégique qui reproduira les mouvements exécutés par

la main saine : il s'agit alors d'un mouvement associé symétrique.

Quelquefois le membre inférieur du côté malade ébauchera un mou-

vement qui est exécuté complètement par la main du côté sain, dans ce

cas le mouvement associé est asymétrique. Un autre exemple de mouve-

ment associé asymétrique est le mouvement ébauché par la face du côté

hémiplégique pendant le mouvement fait par la main du côté sain.

Tous ces mouvements se rencontrent beaucoup plus fréquemment dans

l'hémiplégie cérébrale infantile que dans l'hémiplégie de l'adulte, et en

cela ils se comportent comme tous les mouvements post-hémiplégiques.

Ils ont été bien étudiés par Camus dans sa thèse de Bordeaux en 1885.

On les a observés quelquefois chez l'adulte : Sainton, Remak ont pu ob-

server une variété de mouvements associés qui se produisait chez un

aphasique qui faisait des efforts pour parler : on voyait chez leur malade

la main ou le pied droits animés de mouvements involontaires. Nous avons

pu nous-mème, avec Pierre Marie, observer le même phénomène chez

un paralytique général qui présentait sans aucun doute un déficit du lan-

gage : dès qu'il se niellait il parler, on constatait un tremblement, des

mouvements involontaires dans tout le membre supérieur du côté droit,

atteint du reste d'une légère hémiplégie.

Les mouvements associés sont différents des mouvements dits réflexes :

ceux-ci surviennent il la suite d'une secousse de toux ou d'un bâillement

par exemple et se passent surtout dans les membres supérieurs : du côté

[CROUZON.]

478 MOUVEMENTS ASSOCIÉS.

paralysé, le bras se met par. exemple en abduction ou en demi-flexion. Il

ne faut donc pas confondre mouvements réflexes et mouvements associés.

Flexion combinée de la cuisse et du tronc. Babinski a

décrit ce mouvement associé dans le Bulletin de la Société médicale

des hôpitaux de Paris (50 juillet 1897) et dans un article mémorable de

la Gazette des hôpitaux du 5 mai 1900 (Diagnostic différentiel de l'hé-

111 plégie organique et de l'hémiplégie hystérique).

Ce phénomène qu'il a appelé mouvement associé de flexion de la

cuisse, puis flexion combinée de la cuisse et du tronc, s'observe dans

les conditions suivantes : «Lorsque étendu sur un plan restant horizontal,

sur une planche par exemple, élans le décubitus dorsal, les bras inclinés

sur la poitrine, le malade fait un effort pour se mettre, sur son séant du

côté paralysé, la cuisse exécute un mouvement de flexion sur le bassin et

le talon se détache du sol tandis que, du côté opposé, le membre inférieur

reste immobile ou que la flexion de la cuisse et le soulèvement du talon

n'apparait que plus tardivement et sont bien moins marqués qu'aux

membres atteints de paralysie. En même temps, l'épaule du côté normal

se porte en avant ». De même le mouvement se produit lorsque le malade,

après s'être mis sur son séant, se laisse tomber en arrière pour reprendre

sa position primitive.

Babinski suppose que ce mouvement est du à la paralysie des muscles

qui étendent la cuisse sur le bassin; ces muscles ont pour action d'im-

mobiliser le fémur pendant que le psoas iliaque se contracte pour fléchir

le bassin sur la cuisse; ces muscles étant parésiés, l'action du psoas

iliaque devient prépondérante et la flexion de la cuisse sur le bassin se

produit.

Ce mécanisme est différent suivant Babinski de celui des autres moti-

Fie. 1. - Hémiplégie gauche organique.

Flexion combinée de la cuisse et du tronc à gauche (Babinski, Gazelle des hôpitaux).

MOUVEMENTS ASSOCIÉS. 479

vcmeilts associés c'est ce qui l'a amené, à modifier la première appellation

qu'il lui avait donnée. Quel que soit du reste l'interprétation de ce;mou-

veinent, il a une très grande valeur séméiologique quand il est très net.

On peut supposer en effet que, chez certains sujets normaux, il y aura

inégalité dans les efforts des extenseurs de la cuisse sur le bassin.

D'autre part, ce phénomène ne peut pas exister dans les cas oÚ¡J'hém i-

plébie est complète, sa valeur n'est donc réelle que dans un certain nom-

bre de cas, mais elle parait à Babinski un signe de premier ordre pour le

diagnostic différentiel de l'hémiplégie hystérique et de ] l'hémiplégie

organique.

Ce phénomène n'est pas particulier à l'hémiplégie ; Babinski a pu l'ob-

server dans des cas de sciatique où les mouvements des muscles exten-

seurs de la cuisse sur le bassin étaient entravés.

Signe du peaucier. Babinski, dans les mêmes publications

mentionnées'ci-dessus, a décrit ce phénomène auquel il attache la même

valeur qu'à la flexion combinée de la cuisse et du tronc. Ce phénomène

[CROUZON.]

Fig. 2. - Hémiplégie gauche organique.

Contraction du peaucier du cou à droite (Babinski, Gazette des hôpitaux).

480 MOUVEMENTS ASSOCIÉS.

consiste en ce que, dans certains actes où le peaucier entre en jeu, la con-

traction de ce muscle est plus énergique du côté sain que du côté para-

lysé. On peut mettre ce signe en évidence en commandant au malade

d'ouvrir la bouche toute grande, ou bien encore en lui demandant de flé-

chir la tête énergiquement et en cherchant à s'opposer à ce mouvement.

Babinski avait considéré tout d'abord ce phénomène comme le spasme

du côté normal, il l'appelait : spasme associé du peaucier du côté malade.

Abduction associée des orteils. Nous avons vu plus haut

due l3ahinsl : i a décrit l'abduction des orteils ou signe de l'éventail comme

un phénomène de même valeur que l'extension des orteils. Des faits ulté-

rieurement observés lui firent constater cette abduction des orteils ou

l'excitation du mouvement combiné de Ik'.xion de la cuisse et du tronc;

l'abduction lui parut plus fréquente dans l'hémiplégie infantile que dans

celle des adultes, et elle lui parut avoir une signification clinique de même

ordre que l'abduction réflexe.

Phénomène de Strümpell. - Le phénomène de Strumpell, ou

phénomène du jambier antérieur, consiste dans une contraction du mus-

clc jambicr antérieur qui se produit dans le mouvement de flexion de la

jambe sur la cuisse, c'est donc un mouvement associé.

Pour mettre ce mouvement en évidence, il faut demander au malade de

se placer dans le décubitus dorsal, sur un plan dur de préférence, il faut

lui demander de fléchir la jambe sur la cuisse, et, pour amplifier l'effort

dans ce mouvement, on s'oppose à la flexion par la pression de la main

sur la face antérieure de la cuisse. On voit alors se produire un mouve-

ment d'élévation du bord interne du pied avec rotation de la plante du

pied en dedans ; en même temps, on voit saillir au niveau du cou-de-

pied la corde du tendon du jambier antérieur, muscle qui produit le

mouvement ci-dessus indiqué. v

On peut voir encore ce mouvement dû à la contraction du jambier anté-

rieur se produire quand un hémiplégique fléchit la jambe en marchant

(Brissaud). Ce phénomène du jambier antérieur a été étudié par Pierre

Marie et Crouzon dans le service de Bicêtre ; ils l'ont constaté dans les

cas d'hémiplégie organique de paraplégie spasmodique. 11 permet donc

dans les cas douteux d'écarter l'hypothèse d'hystérie. 11 a pu également

permettre à Strumpcll et à nous-même par sa présence chez un labéti-

que de faire le diagnostic des scléroses combinées et il reflète dans ce cas

l'existence de la sclérose pyramidale.

Signe de Charles Bell. Charles Bell a signalé, dans la paralysie

faciale, un mouvement de rotation du globe de l'oeil en haut et en dehors.

qui se produit quand on commande au malade de fermer la paupière du

côté paralysé. Ce phénomène a pour résultat de cacher la pupille derrière

la paupière supérieure : ce signe est également un signe de paralysie or-

ganique et ne peut être reproduit par l'action de la volonté.

Autre mouvement associé dans la paralysie- faciale. -

Il n'est pas rare d'observer, surtout au moment où la guérison est

MOUVEMENTS ASSOCIÉS. , 481

proche, des mouvements associés dans la paralysie faciale : quand le malade

veut rire il ferme involontairement les yeux, quand il veut 1'ermer l'oeil il

relève l'angle de la bouche; quelquefois ce mouvement se produit dans le

côte sain.

SIGNE DE KERNIG.

Kernig a décrit, en 1885 et 1884 à la Société médicale de Saint-Pé-

tersIJollrg puis dans le Berline1' lilinische JVochensclll'1P., un signe qu'il'

a considéré comme ayant une valeur très grande pour le diagnostic des

méningites tuberculeuse ou ccrebro-spinate. C'est Netter qui a vulgarisé

en France ces recherches : elles se sont multipliées depuis sur ce sujet et

nous nous baserons sur la thèse de Rog[et(19ÛO)et sur la Revue générale

de Sainton et Voisin (Gazelle des hôpitaux, 27 août 1904) pour décrire ce

signe et rechercher sa valeur séméloiogique. '

Technique de la recherche du signe de Kernig. Il faut laisser le

malade assis dans son lit, et on recherche alors le phénomème essentiel

de la maladie qui est une contrac-

ture de flexion des fléchisseurs

dans l'articulai ion du genou quand

on vient à redresser le malade

sur son séant.

On emploie un des trois pro-

cédés suivants : I ° Ic malade étant

couché sur un plan dur, on le fait

asseoir, en l'aidant si c'est néces-

saire, et on cherche, en appliquant

les mains sur ses cuisses, à empê-

cher toute flexion des cuisses. Si

la flexion se produit malgré tout

ou, si la flexion étant empêchée, le malade ne peut s asseoir, le signe de

Kernig existe. ' " ,

2° On peut asseoir le malade sur son lit et ou peut appuyer sur les cuis-

ses de façon à obtenir l'extension complète : si l'extension est impossible

il y a signe de Kernig.

5° Enfin, on emploiera, surtout chez les enfants, la méthode suivante :

le malade reste étendu sur son lit, couché sur le dos, on prend ses deux

membres intérieurs ei, on cherche à plier les cuisses sur le bassin sans

fléchir la jambe sur la cuisse ; c'est en réalité une manoeuvre absolument

semblable à la recherche du signe de Lasègue dans la sciatique. Si le

signe de Kernig existe dans ce mouvement, on sent insensiblement se

produire une flexion de la jambe sur la cuisse.

Cosigne de Kernig ne s'observe pas seulcment aux membres inférieurs,

Il le décrit lui-même au niveau des fléchisseurs de l'articulation du

PHATIQUE M1BIUII.. . 51

[CROUZON.] ]

, Fig.3. J. - .

482 MOUVEMENTS ASSOCIÉS.

coude, dès que le malade s'assoit sur son lit, les membres supérieurs

se placent en demi-flexion, l'extension complète est impossible.

Cette constatation du signe de Kernig aux membres supérieurs a été

faite par plusieurs auteurs : Chauffard (Semaine médicale, 15 5 février

l JO 1 ) ; Aubertin (Tribune médicale, il juillet 1905).

Mais, quelles que soient la fréquence et la valeur de cette contracture

des membres supérieurs dans, les méningites, c'est surtout au signe de

Kernig, au niveau des fléchisseurs des membres inférieurs, que l'on a

l'habitude de rechercher. Dans la pratique, c'est celui sur lequel nous

insisterons davantage.

Valeur séméiologique du signe de Kernig. Le signe de Kernig,

comme nous l'avons vu, consiste dans une contracture des fléchisseurs de

la jambe. Ce phénomène, comme Bull l'a fait remarquer, n'est que l'exa-

gération du phénomène normal chez tout individu étendu : dans le mou-

vement de s'asseoir, il y a instinctivement un mouvement de flexion de la

jambe sur la cuisse. Le mouvement de s'asseoir sans fléchir la jambe sur

la cuisse ne peut se faire que par l'intervention de la volonté ; c'est lit

une position gênante, sinon douloureuse, qu'il survienne la moindre cause

de contracture latente (Dejerine) le phénomène de demi-flexion passa-

gère et physiologique deviendra permanente et pathologique.

Cippolina et llaragliallo admettent, aussi, que le signe de Kernig n'est

que l'exagération pathologique d'un phénomène normal dépendant du

déséquilibre qui s'établit entre les groupes des extenseurs de la cuisse,

en état d'insuffisance active, et celle des muscles fléchisseurs devenus

hypertoniques.

Un certain nombre d'auteurs ont, du reste, discuté la valeur patholo-

gique de ce phénomène. Wennagel (Deutsch A1'Cltiv sur li lin. med.) a

trouvé le signe de Kernig chez un certain nombre de sujets. Amaducci a

fait les mêmes constatations. M. Wilson rencontre le signe de Kernig

chez 20 pour '100 de sujets normaux. Il faut donc faire quelques ré-

serves sur la valeur absolue de ce signe : associé il d'autres symptômes,

il peut rendre un diagnostic de méningite très plausible. Nous ne ferons

que mentionner ici la théorie qui explique la production de cette con-

tracture.

1° La théorie du liquide céphalo-rachidien, soutenue par Bull, corro-

borée par quelques autres faits qui ont pu montrer la disparition de la

contracture sous l'influence de la ponction lombaire.

2° La théorie de l'irritation 111(ningo-nH"dullain', La lésion de la 111(;.

ningite est la cause du signe de Kernig : dans ce cas. elle est plus parti-

culièrement révélatrice d'une lésion (ks méninges spinales (Dieulalby,

Netter, Cipollina, Maragiiano). Cependant, d'autres auteurs font jouer un

rôle très grand à la lésion du faisceau pyramidal, d'autres admettent la

valeur des lésions cellulaires.

5" Un certain nombre d'auteurs admettent que le signe de Kernig et

le signe de Lasègue ne sont qu'un seul et. même symptôme, que la posi-

MOUVEMENTS ASSOCIÉS. 485

lion de Kernig, comme la manoeuvre de Lasègue provoquent une élonga-

lion du nerf, de : la douleur et, par suite, de la contracture. Dans ce cas,

le si"'ne de Kernig ne serait qu'un réflexe dû à la douleur, mais ditfé-

rents auteurs et, en particulier Wennagel et Abadie, ont montré que le

si"11e de Kernig est dû à une contracture non douloureuse, et Abadie a

pu prouver que raehicocaïnisal ion supprimait le signe de Lasègue et

laissait subsister le signe de Kernig.

Nous venons d'exposer la valeur séméiologique générale du signe de

Ivernig; nous pouvons donc en conclure que ce signe est une contrac-

ture musculaire qui se produit le plus souvent dans des cas pathologiques

et, en particulier, dans les affections des méninges spinales. 11 peut se

produire quelquefois, en dehors des méningites, dans certaines affec-

tions du système nerveux, et plus rarement on a pu le constater chez

des sujets normaux.

Il a donc une très grande valeur séméiologique, et nous allons passer

en revue les affections dans lesquelles on les rencontre. Nous étudierons

successivement le signe de Kernig dans' la méningite ou les réactions

méningées, puis dans les maladies du système nerveux.

Le signe de Kernig, comme nous l'avons déjà dit, rt fait l'objet de la

thèse de Roglet; c'est dans les méningites (pie, pour la première fois, on

a observé ce phénomène ; pour bon nombre d'auteurs il est pathognomoni-

que dans la méningite et môme pathognomonique des lésions des ménin-

gitesspinalcs. C'est plus particulièrement dans les affections qui atteignent

les méninges spinales qu'il a été rencontré, nous voulons surtout parler

de la méningite cérébro-spinale. On a pensé tout d'abord que le signe

de Kernig appartenait plus particulièrement à cette dernière variété de

méningites. Iloglet, dans sa thèse, a constaté 89,5 pour 100 de cas de

méningites cérébro-spinales, et il n'a été constaté dans le total des obser-

vations que 66,6 pour 100 de cas de méningites tuberculeuses. Certains

auteurs ont pensé alors que l'on pouvait dire que la méningite cérébro-

spinale s'accompagnait plus fréquemment du signe de Kernig.

Cependant, si nous rapportons le résultat des statistiques du travail

inaugural de Roglet, nous voyons que Kernig constate des contractures

dellexiondansa cas de méningites aiguës, dont 1 de méningite tubercu-

leuse, et dans 6 cas de méningites chroniques. Netter l'observe sur le

total de 46 cas, dont 12 méningites tuberculeuses, et il le trouve

41 l'ois. Cipolina, Maragliano, Bull, Ilenoch, Friès et nombre d'auteurs

le trouvent également dans les méningites aiguës tuberculeuses.

Dans les thèses récentes de Monod, Lulier et Percheron, le signe de

Kel'llig est rencontré également dans la méningite tuberculeuse et dans

la méningite cérébro-spinale. On peut donc dire, dès maintenant, que ce

signe appartient aussi bien il la méningite tuberculeuse qu'à la ménin-

gite cérébro-spinale; cependant, la fréquence n'est pas absolument la

même dans les deux affections. Ncller, qui l'a constaté dans 25 cas, le

trouve 12 lois dans la méningite cérébro-spinale, 8 fois dans la ménin-

[chouzon.] ]

484 MOUVEMENTS ASSOCIÉS.

gitctubercuteuse. 5 fois dans la méningite mixte ; on l'observe dans la

méningite tuberculeuse tontes les fois qu'il y a participation de ménin-

gite modulaire (t)ieutafoy).

11 semble que le signe de Kernig suive la phase de la contracture et

s'accentue avec révolution de la maladie. Il peut, quand le malade

évolue vers la guérison, diminuer petit il petit, mais cependant, Kernig

et ttenocb l'ont vu après deux mois et demi. Netter le rencontre chez des

sujets convalescents ou guéris, et, suivant lui, il a une valeur assez

grande pour déceler les formes frustes de la maladie; nous avons

pu nous-memc l'observer au déclin d'une méningite cérébro-spinale

fruste, dont il a constitué un des éléments importants de diagnostic.

Dans ce cas, une céphalée, une légère paralysie du membre inférieur et

supérieur du côté gauche était le seul symptôme clinique, en l'absence

de syphilis, le diagnostic de cette hémiplégie était très délicat; le signe

de Kernig nous permit de faire le diagnostic de méningite cén)bro-spi-

nale fruste presque ambulatoire, et l'évolution de la maladie vers la

paralysie spinale de l'adulte, avec atrophie, confirma notre diagnostic.

C'est dans ces formes ambulatoires de méningite cérébro-spinale simulant

la poliomyélite que la ponction lombaire permettra de dépister la ménin-

gite. Sicard, Guinon, Rist, ont observé' des cas de ce genre.

Hémorragie méningée. - Le signe de Kernig est un .symptôme impor-

tant de l'hémorragie méningée, Kernig, Nettcr. Derrick. Moixard et enfin,

plus récemment, Lamy, Macaigne, Launois et Mauban. Achard et Paisseau

ont publié des cas de ce genre.

Réactions méningées des infections. On a pu observer, dans un

certain nombre d'infections, le signe de Kernig qui a pu tout d'abord faire

croire à l'existence d'une méningite vraie, mais, dans la suite et depuis,

sa fréquence a montré qu'il s'agissait sans doute de réactions méningées

légères. Dans la fièvre typhoïde, Netter a pu constater dans 1 1,8 des cas

le signe de Kernig; dans un certain nombre de cas, il a pu constater en

même temps des signes classiques de méningites ; dans d'autres cas, il

s'agissait vraisemblablement d'infections méningées légères. Carrière a

pu l'observer dans 44 pour 100 des cas, Moixard et Croie). YYidal, Dopter,

Vaquez, Mery et Babonneix, Hirtz, Grenet, Vincent, Sainton et Voisin l'ont

constaté également. Netter considère ce signe comme très important non

seulement au point de vue du diagnostic de ces réactions méningées.

mais encore comme particulièrement grave, car on le rencontre plus fré-

quemment dans la forme mortelle ou suivie de rechutes.

On le rencontre également dans la pneumonie, quelquefois il s'observe

dès le début de la maladie, accompagné ou non d'autres signes méningés;

quelquefois enfin il s'observe dans le décours de la maladie et est alors

caractéristique d'une véritable méningite pneumonique. La fréquence du

signe de Kernig dans la pneumonie est moindre que dans la fièvre 1)'-

plroïde; Voisin a observé plusieurs fois le signe de Kernig chez des

enfants atteints de broncho-pneumonie. Enfin, on a pu observer égale-

MOUVEMENTS ASSOCIÉS. 485

ment ce signe au cours de la pleurésie purulente à pneumocoques.

Le signe de Kernig peut se rencontrer dans d'autres affections : gastro-

entérite infantile (Monod). tuberculose ganglionnaire (Sainton et Voisin).

On peut également le rencontrer dans les réactions méningées des

intoxications, dans l'urémie (Thévenet et Pélm).

Walthcr a pu constater le signe de Kernig dans certains cas après

la l'ac hi-cocaïnisat i 011.

Signe de Kernig clans les maladies du système nerveux. Le signe

de Kernig a été rencontré au cours des affections médullaires : dans le

tabès, Salrrazès a pn le constater chez un tabétique en période de crise

de douleurs fulgurantes dans les membres inférieurs. Dans l'intervalle

des crises, ce signe disparaissait.

Dans la paralysie générale, il a été constaté par Darcanne (Congrès de

Rennes, z/. Suivant cet auteur, il se montre très fréquemment, surtout

à la période finale de la maladie ; il indique l'apparition de troubles mé-

dullaires et esl nn signe d'un pronostic fâcheux.

Williamson ( British Médical Journal, 1002) et Sailer (Americnn J010'-

nal arthe Medical Science) l'ont observé dans la paraplégie spasmodique.

Pieri l'a observé dans la méningo-myélite syphilitique. On l'a observé

également dans le lumbago (Sainton et Voisin) en dehors des réactions

cytologiques céphalo-rachidiennes. On l'a constaté également dans la

sciatique (Piéry, : lbaclie, Sainton et Voisin), mais, suivant certains au-

teurs et en particulier suivant Piéri, il n'y aurait pas lieu de faire de

distinction entre le signe de Lasègue et le signe de Kernig.

On a constaté le signe de Kernig dans les affections du cerveau en

foyer sans réactions méningées, dans les hémorragies cérébrales, dans les

lésions destructives du cerveau (Abadic), dans l'abcès cérébral (Klippel).

Enfin, le signe de Kernig a été rencontré dans le méningisme hystéri-

que ; Verger et Abadie l'ont observé chez un jeune homme de 10 ans hys-

térique. 11 en existe quelques exemples dans la thèse de Larnouroux, et

enfin Sainton et Voisin l'ont observé chez une jeune fille de 18 ans qui, à

la suite d'une émotion brusque, présenta du méningisme hystérique.

Comme on le voit, le signe de Kernig peut s'observer très rarement

chez des sujets normaux et être le plus souvent caractéristique d'une

réaction méningée, qu'il s'agisse d'une méningite tuberculeuse ou céré-

bro-spinale, d'une réaction méningée infectieuse, légère ou d'une hémor-

ragie méningée, 11 est alors le plus souvent caractéristique de la participa-

tion des méninges médullaires, mais, en dehors de ces cas, il a pu se

rencontrer dans quelques affections médullaires ou quelques affections du

système cérébral dans lesquelles les lésions méningées n'étaient pas suf-

fis : mtes. lésions méningées qu'il a pu révéler cliniquement. '

11 faut donc considérer ce signe comme ayant une valeur incontestable,

peut-être n'est-il pas absolument pathognomonique, mais, joint il un ou

plusieurs autres symptômes de méningite, il pourra mettre sur la voie

du diagnostic qui sera confirmé par la ponction lombaire.

. tCROUZONA

PARAPLÉGIE

par le Dr MOUTIER

La paraplégie est la paralysie motrice des membres inférieurs. Elle

peut être d'origine cérébrale, médullaire, névritique, musculaire ou

fonctionnelle. Les quatre membres peuvent être pris, syndrome désigné

sous le nom de tétraplégie. Dans certains cas, la paralysie s'accuse da-

vantage aux membres supérieurs, paraplégie cervicale. -'

Examen du malade. Le malade peut-il marcher, et, dans ce cas,

quels sont les caractères particuliers de la démarche morbide ? Si le

malade garde le lit, l'inspection, la pàlpation des membres, l'examen

des mouvements actifs ou passifs, l'étude de la force musculaire permet-

tront d'apprécier l'état de flaccidité ou de contracture. On recherchera

soigneusement les. déformations rachidiennes ou les points douloureux

apophysaires. On explorera minutieusement l'état des réflexes tendineux

et cutanés. ,

Le malade souffre-t-il spontanément ? certaines manoeuvres réveillent-

elles des irradiations douloureuses dans les membres inférieurs ? La

valeur de ces constatations sera précisée par l'étude des troubles de la

sensibilité; l'on notera, s'il y a lieu, l'existence d'une dissociation syrin-

gomyélique.

Les troubles trophiques (cyanose, escarres, ichthyose, etc.), les per-

turbations sphinctériennes seront également prises en considération. On

s'efforcera de préciser l'intensité, la répartition des atrophies musculaires

et des troubles des réactions électriques au niveau des muscles atteints.

On complétera cet examen local par un examen général du sujet (troubles

des membres supérieurs, état des yeux, signe d'Argyll, .psychisme). La

ponction lombaire et la radiographie de la colonne vertébrale termineront

au besoin cette étude. ' -

Description du syndrome paraplégie et formes clini-

ques. La paraplégie peut être flasque ou spasmodique.' Dans le pre-

mier cas, la marche est d'ordinaire impossible; elle est possible tm peu

plus souvent dans le second. Dans les formes aiguës, flaccides ou spas-

tiques, elle devient irréalisable. La contracture s'accompagne d'exagéra-

tion des réflexes tendineux, la-flaccidité d'affaiblissement ou d'abolition

PARAPLÉGIE. 487

de ces réflexes. On rencontre parfois des termes intermédiaires : des

membres flasques pouvant présenter de l'exagération des réflexes.

Paraplégie spasmodique. La démarche du paraplégique est le

symptôme le plus important à bien connaître. Le diagnostic général de

la maladie est à ce prix, et la connaissance précise des troubles de la

marche permettra l'appréciation à distance des formes même atté-

nuées.

Tout à l'ait au début d'une évolution chronique et lente, s'observe un

simple ralentissement de l'allure habituelle. Les pas sont courts et pé-

nibles ; il semble qu'un poids étrange cloue les pieds au sol. Plus tard

cette difficulté va s'exagérant, le malade soulève les pieds tour à tour,

mais c'est à peine s'il peut détacher le talon du sol, malgré son violent

effort. A ce moment il ne s'agit plus d'un simple ralentissement de la

course : la marche est gênée par la raideur croissante des muscles. Le

pied frotte au niveau de la pointe et du bord externe, et l'usure des

chaussures traduit cette altération. II en résulte que le déplacement du

malade, raclant le sol, est bruyant et que, prêt à perdre son équilibre,

le paraplégique se cambre, et présente une ensellurc lombaire manifeste.

La spasticité allant croissant, l'adduction des cuisses vient compliquer

encore le déplacement du paraplégique. Ses genoux se heurtent et se

contournent l'un l'aulre dans la progression en avant. Ils figurent le

sommet de deux triangles Ù base opposée, le supérieur ayant les cuisses

pour côtés, les jambes dessinant les contours du second.

Les pieds sont en varus équin; le tronc s'incline en avant davantage.

Dès que le malade veut marcher un peu vite, ses pieds s'emmêlent et la

chute devient inévitable. Il est réduit à faire décrire à chaque membre

un demi-cercle souvent trop étroit, de façon il frotter le sol au minimum

et de manière Ù restreindre les chances de chute par heurt des genoux

ou rencontre des pieds.

Rapidement la inutilité se trouve entravée davantage. Les pieds raidis

ne permettent plus que la marche digitigrade. L'équilibre est difficile

il maintenir dans ces conditions. A peine les pieds touchent-ils le sol, que

soulevés aussitôt par un clonus spontané, ils précipitent le malade en

avant : la démarche à petits pas est par ta même sautillante. Bientôt

l'adduction, le varo-équinisme et la -trépidation nécessitent l'aide de

cannes. Le malade marche avec des oscillations latérales du tronc

[démarche dite de gallinacé) ; plus tard, les membres raidis servent

seulement de point d'appui et le malade oscille sur des béquilles, lialant

en quelque sorte son corps pour le projeter en avant [démarche pendu-

/([11'e). Dans un dernier degré évolutif rarement atteint, des contractures

intenses surviennent, accompagnées ou suivies de rétractions fuji'o-ten-

ilmeuses immobilisant définitivement le malade.

Même chez les malades les plus fortement atteints, on sera surpris de

constater parfois que la force musculaire est mieux conservée qu'on ne

tout cru tout d'abord. En d'autres cas sa diminution est extrême, la

, [MOUTIER.]

488 PARAPLEGIE.

spasticité cédant le pas il la paralysie. En explorant la résistance offerte à

la flexion ou à l'extension des différents segments des membres, on

pourra noter au contraire une diminution relativement très considérable

dans la force des racco1l1'CiSSeltl'S du membre inférieur, alors que les

extenseurs sont presque normaux. Ce symptôme se rencontre seulement

dans les affections d'origine médullaire; on le voit notamment avec toute

sa valeur et sa netteté dans la paraplégie syphilitique de Erb (Pierre Marie).

Le paraplégique peut garder le lit, soit parce qu'il présente une con-

tracture considérable, soit parce que la paralysie l'emporte sur la contrac-

ture. Lorsque la contracture est très forte, à peine a-t-on découvert le

malade que souvent un véritable clonus spontané agite les membres inl'é-

rieurs. Ceux-ci présentent une attitude variable ; ils sont tantôt en adduction

et extension, tantôt en rotation interne combinée il une flexion légère.

L'équinisme est toujours accusé. Les muscles sont durs et saillants, par-

fois agités de secousses fibrillaires. Les paraplégies anciennes présentent

ces rétractions fibre-tendineuses dont nous avons déjà parlé, ainsi que

divers troubles trophiques. cyanose, état ichthyosique de la peau,adipose,

escarres du talon, des chevilles, des ischions, etc. Il convient de signaler

l'atteinte éventuelle des muscles tombo-abdominaux, aisée à mettre en

évidence en demandant au malade de s'asseoir pendant que l'on palpe la

sangle abdominale et notamment les orifices inguinaux au moment des

secousses de toux et des efforts de défécation. *

Les réflexes tendineux demandent un examen minutieux. Ils sont

exagérés dans leurs différents modes, et se caractérisent par une brus-

querie spéciale, une amplitude particulière, la généralisation rapide de

l'excitation provoquée dans un muscle aux muscles proches et même au

membre voisin.

La recherche des signes de Babinsky et d'Oppcnheimmontre générale-

ment une grosse extension de l'orteil. On note également avec une inten-

sité incomparable la trépidation épileploïde. Les secousses semblent

inépuisables et déterminent des mouvements non seulement au niveau

des articulations tibio-tarsiennes, mais encore dans les cas prononcés,

au niveau des fémoro-tibiatcs et des coxo-f'émorates. Le phénomène de

la rotule coexiste fréquemment avec le clonus du pied, et le quadriceps

est tout particulièrement remarquable par sa dureté, par l'exagération

de ses reliefs et la saillie de ses corps musculaires. Les réflexes cuta-

nés peuvent être normaux ou abolis, ils sont rarement exagérés. '

Les troubles de la sensibilité sont essentiellement variables; on peut

observer aneslliésie, hyperesthésie, dissociation syringomyélique, disso-

ciation des troubles des sensibilités superficielle et profonde. Ces troubles

présentent généralement une topographie radiculaire et permettent le

diagnostic en hauteur du siège et de l'étendue de la lésion (V. chap.

spécial). Ils se rencontrent dans la majorité des cas, sans être constants

cependant. Van Gehuehten a signalé des paraplégies spasmodiques ne

s'accompagnant d'absolument aucun trouble de la sensibilité.

PARAPLÉGIE. 489

Les réflexes cutanés peuvent être normaux ou abolis, ils sont rare-

ment exagérés.

Du côté de la sensibilité, des troubles essentiellement variables

peuvent se noter; leur étude scia plus utile à propos de chaque maladie

présentée.

L'atrophie musculaire diffère selon les cas, et sera mieux exposée au

chapitre des affections où son évolution, sa topographie et son intensité

présentent une valeur sémiologique spéciale. La D. R. manque le plus

souvent. La région dorso-lornl]aire étant le siège ordinaire des lésions

causales de la paraplégie, l'étude des troubles sphinctériens et génitaux

acquerra une importance toute particulière, et même tel accident vésical

ou génital peut être un véritable « signal symptôme », demeurer isolé

pendant des mois, et permettre cependant à lui seul l'orientation du

diagnostic. On devra donc tenir pour suspect de lésion médullaire tout

adulte atteint de lenteur des mictions ou de mictions impérieuses, d'in-

continence légère après avoir uriné, d'impuissance génitale progressive.

Mais il faut bien savoir que l'incontinence ou la rétention peuvent se

succéder chez le même individu, un priapisme n'être que passager et

précéder l'impotenlia coeuncli. .

Ce sont là troubles du début ; plus tard, on constate le plus souvent de

la constipation, et le malade urine goutte à goutte par regorgement. Ce

phénomène est généralement frappant lorsque l'on regarde marcher le

paraplégique : l'urine s'échappe et roule sur les membres déplacés avec

effort. Chez la femme, les règles se suppriment parfois, niais ce phéno-

mène n'a rien de constant.

Paraplégie flasque. Le tableau clinique est ici tout différent de ce

que nous avions rencontré chez les spasmodiques. Ceux-ci pouvaient

présenter, il est vrai, une flaccidité notable, parfois même complète,

mais c'était là phénomène secondaire, corrélatif à l'atrophie des muscles.

Il pouvait persister quelque réflexe dont l'exagération manifeste mettait

sur la voie du diagnostic évolutif.

Nous reviendrons un peu plus loin sur cette question épineuse des

réflexes. Pour le moment, signalons simplement les traits fondamentaux

du syndrome flaceide. Le tonus, la motilité, les réflexes tendineux sont

abolis. L'état des réflexes cutanés est variable; ils sont en général plutôt

diminués. Les troubles des sensibilités superficielles, de la notion de

position des membres, sont également assez divers pour qu'il soit impos-

sible d'en tracer un tableau précis. Il n'existe point de troubles tro-

phiques. si ce n'est dans les paralysies d'origine centrale. Les escarres

sont fréquentes, en effet, dans les affections aiguës, à marche fébrile,

rapide, telles que les méningo-myélites infectieuses. Les troubles

électriques sont des plus variables, nuls ou caractéristiques de la D. R.

Lorsque le malade atteint l'est de façon peu intense et lente, la marche

est parfois possible. Elle est à la vérité pénible : le malade se traîne sans

pouvoir détacher les pieds du sol. Il existe dans mainte circonstance un

[MOUTIER.] ]

490 PARAPLÉGIE.

steppage caractérisé et l'on note parfois une instabilité extrême : le

malade est obligé de piétiner sur place afin de maintenir l'équilibre que

l'impuissance des muscles de la jambe menace il tout instant de faire

perdre.

Ces paraplégies flasques débutent parfois subitement, comme nous

aurons d'ailleurs l'occasion de le redire. Dans ce cas elles demeurent

généralement flasques et s'accompagnent d'anesthésie à type radiculaire,

de relâchement des sphincters et d'affaiblissement, sinon de paralysie,

de la sangle abdominale. Comme dans les paraplégies spasmodiques. les

troubles de la sensibilité sont très variables et Van Gehuchten a pu dis-

tinguer des paraplégies flasques avec abolition des réflexes et sensibilité

intacte des paraplégies flasques avec abolition des réflexes et dissocia-

tion syringomyelique de la sensibilité enfin' des paraplégies flasques

avec réflexes abolis et anesthésie complète. Ajoutons que l'on a vu des

paraplégies flasques s'accompagner d'hypcresthésie, et l'on pourra juger

de la multiplicité et de la complexité de toutes ces formes.

Tétraplégies. - Les quatre membres sont atteints : les bras sont pris

fréquemment les premiers, et les phénomènes morbides demeurent en

général plus accusés à leur niveau.

Paraplégies sensitives. Les paraplégies sensitives pures relèvent

de l'hystérie. Exceptionnellement on a pu suivre l'évolution de para-

plégies organiques dans lesquelles les accidents moteurs ne se manifes-

tèrent qu'après une période, de troubles sensitifs purs. ,

Paraplégies croisées. Syndrome de Brown-Séquard. Le syndrome

de Brown-Séquard dépend d'une héiniseetion trauluat ique dc la moelle

ou d'une hémicompression (tuberculose, syphilis) ; il est moins pur en ce

cas. On peut constater un double syndrome de Hrown-Sequard par lésion

bilatérale. Essentiellement, le syndrome de 131'ozorr-Sc·clrccrncl est carac-

térisé par une paralysie spasmodique directe du membre inférieur,

c'est-à-dire du membre homonyme à la lésion, et par une ltémimues-

thésie croisée. Du côté direct s'observe une bemiparaplegie spasmo-

dique. Le début, toutefois, a pu être flasque, mais c'est la un phénomène

exceptionnel. Les réflexes sont très exagérés, l'orteil se place en exten-

sion. On note de l'hyperesthésie au tact, il la douleur, à la température,

hypereslhésie prononcée surtout vers le haut de la région. Au-dessus

de cette zone d'hypcresthésie se décèle une bande étroite d'anesthésie.

Sur tout le membre d'ailleurs, il y a abolition des sensibilités musculaire

et osseuse. On rencontre parfois de la dissociation syringomyeliquc. La

température du membre paralysé est supérieure il celle de l'autre cote.

Du côté croisé la inutilité est normale. On a bien signalé de l'beunpa-

résie : mais ce trouble reste exceptionnel. Il s'accompagne d'une faible

tendance à la spasticité, mais sans contracture. La peau de celle région

est anesthésique. La zone insensible remonte moins haut que l'hyperes-

thésie directe. Elle est surmontée d'un petit ruban d'bypercstbesie dont

la limite supérieure comcide avec la bande d anestbesie du côte direct.

PARAPLÉGIE. Mil I

mais plus souvent qu'en ce dernier côté, ces différentes viciations l'ont

place a une dissociation syringomyélique.

Formes évolutives, aiguës, chroniques. Certaines paraplégies

frappent de façon massive, atteignent presque d'emblée leur maximum,

immobilisent le malade immédiatement. Les méningo-myélilcs, les poly-

névrites, les complications médullaires ou névritiques des maladies infec-

tieuses aiguës, fébriles, évoluent de la sorte et déterminent une para-

plégie, flasque en général. '

Les .affections chroniques, la tuberculose, la syphilis, les maladies

spéciales il l'axe cérébro-spinal, la sclérose en plaques, la sclérose latérale

amyotrophique, les troubles d'origine vasculaire, les grosses lésions

congénitales ont au contraire une inarche lente et déterminent une affec-

tion spasmodique. Au cours de ces évolutions prolongées, les alternatives

spontanées d'aggravation et d'amélioration sont fréquentes ; on peut

même observer dans quelques cas (mal de Pott, par exemple) la succes-

sion de phénomènes spastiques ou flaccides.

Classification des paraplégies. - Un exposé pratique des paraplégies,

permettant au non-spécialiste d'arriver au diagnostic avec le moins de

chances d'erreur possibles est tâche malaisée. Rien n'est aussi variable en

effet que le syndrome étudié, et tout particulièrement ici, il y a, non

pas une maladie, mais des malades.

Nous exposerons tout d'abord les éléments du diagnostic différentiel

des troubles de la marche; nous séparerons ensuite les paraplégies,

flasques des paraplégies spasmodiques. Dans celles-ci nous distinguerons

les paraplégies de l'enfant, du vieillard et de l'adulte, ce dernier groupe

étant de beaucoup le plus compréhensif. Nous ferons remarquer que les

paraplégies il marche aiguë correspondent à peu près aux paraplégies

flasques et les paraplégies chroniques aux paraplégies spasmodiques. La

division rigoureuse en paraplégies d'origine cérébrale, médullaire, né-

vritique, musculaire et fonctionnelle n'aurait aucun intérêt au point de

vue pratique, et serait il peine justiciable au point de vue dogmatique.

Cependant, signalons que les paraplégies de l'enfant et du vieillard sont

souvent d'origine cérébrale, et que parmi les paraplégies de l'adulte les

flasques sont plutôt d'origine névritique, musculaire ou fonctionnelle, les

spasmodiques d'origine médullaire.

Nous avons attiré déjà l'attention sur la difficulté, sur l'absence de

rigueur que présente souvent, le groupement des paraplégies en deux

classes, l'une ffaccide, l'autre spasmodique. Celte difficulté vient de ce

que, il l'heure actuelle, on ignore, encore d'une façon définitive les causes

présidant régulièrement t l'exagération ou il l'abolition des réflexes, c'est-

à-dire il leur déterminisme précis. Chez le même individu peuvent se

succéder le type flasque et le type spastique. Des conditions, semblables

en apparence, provoquent tantôt l'apparition d'une paralysie spasmo-

dique, tantôt d'une flaccidité totale. Joignons à ces faits la diversité que

présentent en la durée de leur évolution des cas analogues; signalons les

[MOUTIER.] ]

4n2 PARAPLÉGIE.

combinaisons multiples que peuvent réaliser les troubles de la inutilité,-

de la réflectivité, de la sensibilité; on comprendra de la sorte que toute

classification des paraplégies est purement conventionnelle et ne peut

avoir que des visées pratiques.

Quelles sont donc, à l'heure actuelle, nos acquisitions indéniables au

sujet des réflexes dans les paraplégies ? , '

Nous laisserons de côté toute discussion théorique : on sait que des

paraplégies flasques et destinées à le demeurer toujours sont déter-

minées par les sections brusques et totales de la moelle, et, chez les

spastiques, par les altérations secondaires du neurone moteur périphé-

rique : cellule de la corne antérieure, racine, nerf, muscle. Seront spas-

modiques (sans que jamais l'on puisse affirmer qu'elles le demeureront,

le neurone périphérique pouvant être tardivement altéré) les paralysies

dépendant de l'irritation, de la sclérose, de l'agénésie du faisceau pyra-

midal, les paralysies consécutives aux sections incomplètes de la 'moelle.

On a signalé des sections incomplètes avec paralysies flasques dont la

raison s'explique mal en dehors d'altérations périphériques. On a décrit

encore des paraplégies spasmodiques avec section complète de la rnoelle.

Mais pour que ce dernier cas se réalise, il faut que la section - progres-

sive ait mis une année au moins à s'accomplir. Au fond, on peut

encore dans la plupart des cas de paraplégie par compression lente

admettre l'ancienne formule. « Il y a suppression des réflexes centrés au

niveau de la lésion, exagération de ceux qui s'organisent au-dessous. »

Mais il n'existe, pour les paraplégies, de type univoque ni par les

symptômes, ni par l'évolution. La classification même des types morbides

en spasmodiques et llaccides est essentiellement artificielle pour beau-

coup de groupes, pour les compressions médullaires notamment, ou,

chez le même individu, peuvent encore une fois se présenter successive-

ment ces différents tableaux.

Diagnostic différentiel du syndrome paraplégie. La

paraplégie, avons-nous dit, peut être flasque ou flaccide; de là deux

ordres de confusion possibles. Dans certains cas, en effet, l'on pourrait

croire à une démarche spasmodique là où en réalité la spasticité ne joue

aucun rôle dirimant; dans d'autres circonstances, la marche est impos-

sible, sans qu'il v ait à proprement parler paralysie.

Démarches ataxo-cérébelleuses. Ces troubles de la progression

sont en réalité fort différents de la démarche spasmodique vraie. Dans

l'ataxie pure du tabès et de la névrite interstitielle 1t ! /}JatropltÙ/IIl' de

Dejerine et Sottas, les mouvements présentent une incoordination

extrême, une amplitude exagérée, ridicule, dont l'aboutissant est une

démarche saccadée, avec projection des jambes bien au delà de la dis-

tance appropriée et choc du talon sur le sol. Le mouvement ne s'adapte

pas au but. Enfin, chez de tels malades, la force musculaire est a peu

près normale (a moins qu'il n'y ait atrophie).

Des gestes exagérés, ridicules, se rencontrent encore dans (athétose

PARAPLÉGIE. 'i'.IÔ

\

et la chorée. Les mouvements choréifornies sont incohérents, rapides,

souples, ronds. Même incohérence dans l'athétose, mais les mouvements

sont beaucoup plus lents et plus amples. L'athétosique approfondit le

geste que le ctioreiquc esquisse seulement. La démarche dans l'athétose

double, affection distincte de l'alhétosç post-hémiplégique, est extrême-

ment ralentie. Le sujet se livre il de multiples contorsions du tronc, du

visage, des membres supérieurs. Les jambes sont jetées latéralement,

niais avec beaucoup moins de violence que chez un tabétique. Le tronc

cambré, les épaules repoussées en arrière, semblant constamment prêt

il perdre un équilibre qui se retrouve toujours, l'athétosique progresse

en se dandinant.

Également lointaine de la démarche spasmodique est la démarche

cérébelleuse. Ses caractères sont' trop connus pour que nous insistions.

Le malade semble ivre et festonne. Une combinaison de la démarche

cérébelleuse et de la démarche ataxique peut, se rencontrer. Il en est

ainsi dans la maladie de Friedreich, où le malade titube et talonne.

Mais la spasticite peut, compliquer l'ébriété du cérébelleux; cette

démarche cérébello-spasmodique se rencontre notamment dans la sclé-

rose en plaques. Enfin, un mélange d'ataxie et de spasmodicite caractérise

les scléroses combinées. Dans quelques cas. le syndrome est plus com-

plexe encore. Certains tabétiques arrivent ainsi à présenter une difficulté

de la marche dont sont responsables il la fois l'ataxie, la paralysie et

l'atrophie musculaire.

Les états vertigineux ne peuvent guère prêter il confusion avec les

syndromes spasmodiques; il y a dans le vertige titubation avec chutes ou

propulsions rappelant bien peu les petits pas des spasmodiques. De plus,

la base de sustentation est rétrécie chez le paraplégique, élargie chez le

vertigineux.

, Démarches sautillantes, à petits pas. Ce mode de progression

pourrait rappeler la démarche trépidante des spasmodiques. Il s'observe

chez des malades essentiellement différents, organiques ou névropathes.

Les premiers sont des lacunaires ou d'anciens grands hémiplégiques

avec abasie associée il des (roubles organiques. Dans le second groupe,

l'abasie est pure de toute association. Les malades sont des névropathes,

et les circonstances dans lesquelles débuta le trouble nouveau mettent

parfois sur la voie du diagnostic. Dressés sur leurs jambes, ils ne peu-

vent progresser qu'en sautillant; leurs membres semblent raidis, parais-

sent avoir oublié le mécanisme de la marche. Ils s'avancent trémulants,

absurdes. Parfois, on les voit s'aider d'une canne, de béquilles, faire

ainsi quelques pas pénibles, heurtant les genoux, accrochant les pieds.

Soudain, l'angoisse, l'inhibition disparaissent et le malade, abandonnant

ses béquilles ou lâchant le, bras de l'aide, marche comme tout le monde.

Un arrêt, et le cycle se renouvellera au prochain départ. Souvent, ces

malades marchent bien à cloche-pied, it quatre pâlies. Voyez-les assis ou

couchés, vous constaterez une force normale de leurs divers segments,

- [MOUTIER.]

494 4. PARAPLÉGIE.

et l'exécution parfaite des mouvements commandés. Dans certains cas se

révèle une exagération même de cette démarche sautillante. Le malade

est alors projeté en l'air par une espèce de saut dès que ses pieds toit-

chent le sol ; il progresse ainsi par bonds successifs. Ce spasme saltatoire

de Gamberger peut même être provoqué au lit par flexion brusque

du pied.

Troubles de la marche par contractures ou rigidités de nature

diverse. Impotences locales. La démarche peut être sinon tout à fait

abolie, du moins considérablement gênée par des rétractions fibro-ten-

dinellses, Ces rétractions s'observent à la suite de paralysies des exten-

seurs du pied ou de contractures des fléchisseurs. Le malade se déplace

sur la pointe des orteils : Charcot comparait cette allure à la « démarche

des ballerines ».

A côté de cette difficulté de progression liée aux contractures, se

placent les troubles déterminés par la rigidité musculaire. Il en est ainsi

dans la paralysie agitrlllie où le malade, le tronc penché en avant, pro-

gressant par pas menus et précipités, l'air soudé, semble poussé par une

force extérieure. Chez les litoiiiseii existe un spasme au début, des mou-

vements volontaires. Le malade est cloué sur place, figé un instant en

une attitude qui peut être fort instable. Il reste parfois immobilisé ainsi

d'une à deux minutes. Cette myotonie est toute la maladie, et le spasme

une fois vaincu, il ne subsiste rien d'anormal. Il est d'ailleurs excep-

tionnel que cette rigidité intermittente apporte un obstacle sérieux à la

marche.

Certaines impotences d'origine strictement, locale sont faciles à décou-

vrir avec un peu d'attention. Il en est ainsi des fractures, luxations,

ostéomyélites, des lésions de la maladie de Barlow, des atrophies muscu-

laires réflexes liées aux arthropathies tabétiques ou banales. Chez le

vieillard, retenons ce point, de très faibles lésions suffisent il faire garder

le lit.

Valeur séméiologique du syndrome paraplégie. Para-

plégies de l'adulte. Nous étudierons successivement les para-

plégies de l'adulte, de l'enfant et du vieillard. Une telle division est

pratique, mais forcément schématique, on ne saurait l'oublier. Nous

distinguerons chez l'adulte des paraplégies spasmodiques et des para-

plégies flasques. Afin de simplifier les éléments du diagnostic, les para-

plégies fonctionnelles, le plus souvent flasques d'ailleurs, ne seront pas

traitées il part, mais réparties entre les paraplégies flasques et spatiques.

I. Paraplégies spasmodiques. Chez l'adulte, en présence

d'une paraplégie spasmodique, le clinicien doit songer avant tout au

mal de Pott, à la sclérose en plaques, à la myélite syphilitique d'l,rh.

a) Paraplégies avec exagération des réflexes sans contracture;

atrophie musculaire constante. Le diagnostic des maladies rentrant

dans ce cadre est assez facile. Nous y rangerons la sclérose latérale amyo-

trophique et les paraplégies spastiques avec atrophie secondaire.

PARAPLEGIE. '. 49;¡

La sclérose latérale amyotrophique est une affection systématisée du

faisceau pyramidal. Elle présente dans son évolution deux périodes dis-

tinctes, l'une d'atrophie progressive avec exagération des réflexes aux

quatre membres, débutant à vrai dire par les membres supérieurs,

l'autre d'atrophie intense avec disparition des réflexes au prorata de

l'atrophie. Cette atrophie est du type Aran-Ducbcnneau niveau des mains;

les doigts sont un peu fléchis. L'évolution de la maladie se l'ait en une

ou deux aimées au maximum, et la mort survient au cours d'accidents

glosso-Iabio-Iaryngés. Il n'y a donc de phénomènes de contractures à

aucun moment de l'évolution. On constate seulement, nous le répétons,

une impotence bientôt absolue des membres inférieurs. Les masses mus-

culaires disparaissent assez rapidement; l'exagération des réflexes est

cependant encore perceptible avec des muscles très atrophiés.

On peut également observer de l'atrophie des membres inférieurs avec

exagération des réflexes à la phase terminale des paraplégies spasmo-

diques les plns diverses accompagnées de contracture. Dans ces cas, la

contracture musculaire cède devant l'atrophie, mais l'exagération des

réflexes peut être mise en évidence pendant quelque temps encore. Ce

sont les anamnestiques surtout qui permettront le diagnostic en sem-

blable matière.

b) Paraplégies spasmodiques avec contracture. 1° Le diagnostic

éliologique s'impose. II en est ainsi lorsque la paraplégie est survenue

à la suite d'un traumatisme, d'une blessure directe ou indirecte, d'une

fracture du rachis ou d'une luxation vertébrale. Assez souvent, la bles-

sure (par coup de couteau en général) détermine seulement une hémisec-

tion de la moelle et provoque le syndrome de Brown-Sequard. Le

diagnostic etiotogique est encore facile lorsque la lésion est une hémato-

myélie par décompression brusque (mal des caissons, maladie des plon-

geurs, des scaphandriers). Dans lotis ces cas, la paraplégie est en

général flasque au début, et ne devient spasmodique qu'au bout d'un

temps variable. Lorsque la section de la moelle est immédiatement

totale, la paralysie demeure immuablement flasque; nous aurons

l'occasion de le redire il propos des paraplégies l1ac('ides.

2" // existe presque toujours des symptômes osseux, de la défor-

mation rachidienne, de la douleur vertébrale. On constate fréquem-

ment la dissociation s ! Jril1gomyélique de la sensibilité, le syndrome de

l3towtt.-Sequatcl. Dans ce groupe nous rangerons toutes les compres-

sions médullaires intrinsèques ou extrinsèques, le mal de Poil, le

cancer vertébral, la s ! J1'il1golll ! Jélie, maladies dans lesquelles la défor-

mation osseuse, la dissociation tactile, douloureuse, thermique, le syn-

drome médullaire croisé peuvent également et simultanément s'observer.

De toutes les compressions médullaires, la plus fréquente est, à coup

sur, celle que tient sous sa dépendance la tuberculose vertébrale ou mal

de l'oll. Le diagnostic en est parfois très facile : il en est ainsi tontes

lois que le malade présente un passé vertébral. Encore serait-il bon de

[MOUTIER.]

1% PARAPLÉGIE. ,

ne pas oublier que des rachitiques aux colonnes tordues, peuvent

présenter des paraplégies de cause banale non bacillaire. On a même

signalé des troubles spasmodiques spéciaux aux rachitiques, d'étiologie

imprécise encore, mais non pottique. Ces réserves sont destinées seule-

ment à mettre le clinicien en garde contre une assimilation trop hâtive à

la tuberculose vertébrale de toute paraplégie survenant chez un scolio-

tique. Le diagnostic peut évidemment être aisé. Les lésions du rachi-

tisme remontent au jeune âge; il existe d'autres déformations, etc. Du

reste, un rachitique peut être pottique. Une certaine circonspection est

de mise en de telles observations.

Ces remarques étant faites, nous admettrons que les altérations verté-

brales sont suffisamment pathognomoniques pour entraîner le diagnostic,

et nous nous occuperons spécialement de ces cas où la tuberculose

osseuse est peu apparente ou même tout à fait dissimulée. D'ailleurs, les

troubles osseux sont les mêmes ou il peu près dans tous ces cas.

En dehors des grands désastres causés par section lors du glisse-

ment d'une vertèbre cariée, la moelle des tuberculeux peut être atteinte

par abcès froid ou par pachyméningite. La paraplégie des pottiques pré-

sente fréquemment des alternatives de spasticité et de flaccidité. Et,

d'une façon générale, la inutilité est plus atteinte que la sensibilité; les

troubles sphinctériens sont inconstants.

La sensibilité est atteinte de façon diverse. Ses altérations pré-

cèdent parfois les troubles de la motilité; et il n'est point rare d'observer

le syndrome de Brown-Sequard simple ou double. Chipault a noté, à

des intervalles rapprochés, des alternatives très prononcées dans l'étendue

et l'intensité des troubles sensitifs. Cette « anesthésie oscillante » ne

s'est rencontrée que dans les cas où l'altération présentait une topogra-

phie médullaire.

Le syndrome médullaire n'est pas le seul, ni même le premier il se

révéler au cours du mal de Pott. II existe également un syndrome rachi-

dien et un syndrome radiculaire. Dans le premier se rencomrenf des

déformations sur lesquelles nous nous sommes suffisamment expliqué,

ainsi que de l'hyperesthésie des apophyses épineuses à la pression ou

à la chaleur. Les signes radiculaires sont beaucoup plus difficiles iL

interpréter, ou plutôt à isoler de l'ensemble du syndrome pottique. Il

existe pourtant à le faire plus qu'un intérêt de localisation exacte. Géné-

ralement, en effet, les racines sont atteintes avant la moelle, et le

pronostic ne peut être porté avec un peu de justesse que s'il est possible

d'évaluer, au moins approximativement, les lésions respectives de ces

organes distincts.

La lésion des racines se traduit avant tout par les pseudo-névratgies.

Ce sont des douleurs en ceinture, irradiant des gouttières vertébrales,

uni- ou bilatérales. Il n'existe pas de points de Valleix, ce qui justifie le

terme de ]1seudo-névralgie que l'on donne ces lancinements. Cette

règle est loin d'être absolue toutefois, et de tels points peuvent se ren-

PARAPLÉGIE. 4UÍ ï

contrer. Signe plus intéressant et constant, ces douleurs sont atténuées

par le déeubilus, et cela de telle façon, que V épreuve du lit acquiert une

valeur pathognomoniquc. Enfin, on a signalé la fréquence plus grande de

l'incontinence dans les lésions radiculaires, de la rétention dans les

lésions médullaires, et les troubles trophiques sont généralement attri-

bués à des altérations périphériques, qu'il s'agisse de zona, de bulles

éparses ou d'escarres.

En réalité, on rencontre habituellement un syndrome radiculo-médul-

laire. On a voulu attribuer quelque valeur diagnostique à l'évolution

d'une paraplégie llaccide vers la spasticité; la lésion aurait, dans ce cas,

atteint les racines d'abord, la moelle ensuite. Plus tard, il pourrait ne

plus avoir seulement compression de la moelle, mais aussi myélite, et

la paraplégie, de spasmodique, redeviendrait llaccide. De telles schéma-

tisations sont commodes pour secourir la mémoire; en pratique, on se

gardera de vouloir les faire cadrer avec l'évolution clinique d'un malade

étudié. La ponction lombaire ne décèle point de lymphocytose au cours

des accidents pottiques.

On a décrit un mal de Pott syphilitique; sa rareté nous dispense

d'insister sur un tel syndrome.

Ce que nous venons de dire précédemment nous permettra de glisser

rapidement sur les autres compressions médullaires. Dans le cancer

vertébral existent souvent des douleurs atroces (paraplégie douloureuse

des cancéreux de Charcot). Ces douleurs, liées à l'effondrement des trous

de conjugaison, se prononcent surtout dans le crural et le sciatique.

Elles s'accompagnent souvent de troubles trophiques intenses.

Nous ne saurions passer en revue toutes les compressions possibles.

Les tumeurs sont nombreuses, méningées ou extra-méningées, intra-

rachidiennes ou extra-rachidiennes, qui peuvent atteindre la moelle. Les

méningites chroniques peuvent agir de même. Signalons ici la pachy-

méningile cervicale hYPl'1't¡,oplâqlll'. Cette affection présente un syn-

drome clinique caractérisé par une tétraplégie. La paralysie est progres-

sive, spasmodique, prononcée surtout aux membres supérieurs. Cette

évolution est fort longue, atteint des années, dépasse infiniment celle de

la sclérose latérale amyotrophique. 11 finit par exister une contracture

très marquée, prononcée surtout aux mains. Celles-ci présentent égale-

ment de l'atrophie du type Aran-Duche11lH', et à la période d'étal, le

malade peut ressembler un peu à un syringomyelique. On peut même

noter la dissociation caractéristique de la sensibilité. Le diagnostic

entre les deux affections est alors difficile. On admet qu'il n'y a jamais

de cylllul-scoliose, de thorax en bateau, de panaris analgésique, de main

en pince de homard dans la pachyméningite de Charcot. et ,T 0 f1'ro y .

Nous sommes amenés ainsi il nous préoccuper du tableau clinique de

la compression par tumeur intra-lnédallairc, et de la syringomyélie, syn-

drome voisin. Le siège de la tumeur tlllt'l(-Itt('clllllCl2'l'L influe naturelle-

ment sur la symptomatotogie. Il existe souvent une première phase de

PII,\TIQUE ,OEUIIOI.. 52

[htOUTIER.]

498 PARAPLÉGIE.

douleurs lancinantes. Ces douleurs peuvent être unilatérales; elles peu-

vent être pendant des années le seul accident que déterminent la pré-

sence et l'évolution de la néoplasie. Plus tard, il peut se développer

quelque chose de très semblable à la syringomyélie, ou bien l'on peut

observer un syndrome de Brown-Sequard.

Lorsqu'il s'agit non plus de tumeurs illha-rnéclllllnircs, mais de dila-

tation de la moelle ou de cavités centrales, les malades se présentent

atteints de tétraplégie. 11 peut s'agir d'h ! Jdnllll ! Jélie ou dilatation simple

du canal épendymaire; c'est une syringomyélie sans troubles de la sensi-

bilité. La syringomyélie proprement dite présente un tableau clinique

des plus nets. Les membres inférieurs présentent un état spastinuc

léger le plus souvent, parfois même limité à de l'exagération des réflexes.

Les principaux troubles intéressent les membres supérieurs : contrac-

ture, thcrmo-anesthesie et analgésie, atrophie de la musculature de la

main, troubles trophiques des doigts. La main présente des types divers :

atrophiée, elle correspond au type de la main de singe ou de cadavre;

atteinte de troubles trophiques, c'csl. la main de Jlorvan avec ses panaris

analgésiques; gonflée, sans oedème du reste, une telle main est « succu-

lente » (Pierre Marie et Marinesco). Enfin, lorsque la contracture ferme

les doigts, celle flexion est progressive et toujours effectuée dans le

même ordre, en -débutant au petit doigt. Le pouce et l'index, les derniers

il s'abaisser, se font vis-à-vis comme une pince, et celle main en « pince

de homard » ne se voit absolument que dans la syringomyélie. Il existe

enfin dans celte maladie de la eyplw-scoliose avec incurvation transver-

sale de la poitrine, d'une épaule il l'autre, « thorax en bateau » de Pierre

Marie et Astier.

5" Paraplégies spasmodiques avec exagération des réflexes et

contracture au niveau des membres suj>érieui,s. Tétraplégies. La

démarche, au lieu d'être purement spaslique, est quelquefois alaxo- ail

cérébello-spasmodique. Les maladies que nous rangeons ici ne sont

pas toutes il présenter la totalité des symptômes ennmeres. La sclérose

latérale amyoirophique, la sclérose en plaiptes, la syringomyélie, la

pach ! /1JIéningile cervicale hyperlrophique, et d'une façon générale, les

compressions médullaires de la région cervicale, présentent également,

l'exagération des réflexes aux quatre membres et la démarche spasnm-

dique. Mais, si la contracture des bras et la griffe des mains sonthabi-

tuelles dans les compressions cervicales, la pactiynteningite, la syringo-

myélie, elles sont exceptionnelles dans la sclérose en plaques ; elle ne

s observe jamais dans la sclérose latérale ainyolrophique. Enfin, la

description de tontes ces maladies a trouvé sa place dans les paragraphes

précédents, à l'exception de la sclérose en plaques, dont nous présente-

rons en quelques mots les caractères diagnostiques.

La paraplégie spasmodique de la sclérose en, plaques est, en général,

typique, d'intensité moyenne. Les troubles des sphincters, les altérations

trophiques sont exceptionnels et très tardifs en tout cas. Les troubles de

PARAPLÉGIE. 4M

la sensibilité sont absents ou de second plan. Des amyotrophies tardives

peuvent intervenir.

On observe pour ainsi dire toujours de l'exagération des réflexes ten-

dineux aux membres supérieurs, même lorsque ceux-ci ne présentent

aucun trouble fonctionnel. La marche est souvent possible encore; le

malade fréquemment talonne ou festonne, associant à la démarche sac-

cadée du spastique l'incoordination de l'ataxique, et plus souvent,

l'allure ébrieuse du cérébelleux. Les rémissions sont très fréquentes et

prononcées. Elles ne se rencontrent pour ainsi dire à ce degré dans

aucune autre affection, si ce n'est peut-être dans le mal de Pott. Elles

sont suffisamment intenses, suffisamment prolongées pour que le malade

puisse se croire guéri. L'exagération des réflexes persiste naturellement

pendant ces périodes où la contracture diminue, où la marche est facile.

Le diagnostic est aisé lorsqu'avec.. ta paraplégie coexistent tremble-

ment intentionnel, (roubles de la parole, nystagmus. Mais ces symptômes

peuvent faire complètement défaut; aussi, en présence de toute para-

plégie ne présentant pas if. l'évidence -sa signature éliologique, on peut,

on doit songer à la sclérose en plaques. " -

4" Paraplégies shasnirodirjncc ? avec contracture intense, troubles

sphinclériens prononcés et précoces; il peut exister des troubles Il'0-

phiqnes souvent effrayants [escarres). Ces caractères permettent

de grouper les myélites syphilitiques.

La syphilis médullaire présente des tableaux cliniques variables.

Comme dans le mal de Pott, la moelle peut être atteinte de' façons difté-

rentes. Elle sera, selon les cas, altérée par des hyperostoses vertébrales,

de l'artérite avec myéloinalacie consécutive, des gommes, de la méningite

en plaques ou en virole, vasculaire ou gommeuse. Ces différents acci-

dents peuvent être localisés ou disséminés, uniques ou ulUltipI0s : ,Il : existe

donc, répétons-le, de nombreux syndromes. Certains sont banaux .et res-

sortissent de l'élude de la compression médullaire : c'est ainsi que' des

gommes peuvent réaliser le double syndrome de Brown-Sequard, par-

exemple. '

Une fréquence particulière et un ensemble caractéristique de symptômes

mettent en relief la paraplégie de Erb parmi les différents types de

inéningo-myélile syphilitique chronique. Cette paraplégie survient de 4 à

Ü ans après le chancre, il cette époque où la syphilis nerveuse fait des

lésions beaucoup plus chroniques qu'au début, lésions d'emblée moins

dangereuses et dramatiques, niais aussi infiniment plus progressives et

plus irrémédiables. Pour ne parler que de la moelle en effet, les accidents

précoces, survenant de 18 mois à ô ans après le chancre, sont de ces

lI1éningo-mYt'li tes aiguës il évolution foudroyante et le plus souvent mor-

telle. La paraplégie de Erb est, au contrnire, essen'irllement-Lénine, et

dans la très grande majoré des cas, elle constitue plutôt une/infirmité.

fort gênante à la vérité, (prune grande maladie.

Le début est essentiellement variable, mais' en général tout à fait pro-

. ! .\

\ ,\, [MOUTIER.]

500 - PARAPLÉGIE. : -

gressif, dissimulé pour ainsi dire. Tantôt il s'agit- de paresthésies, de

sensations subjectives d'engourdissement, de fourmillement, tantôt chez

un malade affaibli, asthénique, quelque trouble vésico-urinâire ou génital

est très fréquemment le premier en date. Cela est important à reconnaître

et à savoir apprécier : la paraplégie de Erb a fréquemment, en effet, un

début mono-symptomatique, et elle peut rester réduite fort longtemps,

un chiffre élevé d'années même. Tout peut se. borner ainsi à un peu

d'affaiblissement de la puissance génitale, à la difficulté de résister aux

envies d'uriner. '

Lorsque surviennent les troubles de la marche, on constate une altéra-

tion variable de celle-ci. Elle est parfois assez grande. Le malade frotte

le pied et fait un effort violent pour avancer chaque membre. Il semble

même y avoir, à première vue, plutôt spasticité que paralysie. En réalité,

celle-ci existe et même à un degré notable, mais la force musculaire est

atteinte seulement au niveau des 1'accou1'cissew's des membres inférieurs,

parfois aussi du tronc et du cou, elle est presque intacte au niveau des

extenseurs (Pierre Marie). Les réflexes sont nettement exagérés. Il-

n'existe jamais de trouble trophique, escarre ou atrophie.

Une des caractéristiques de la paraplégie de Erb est l'existence de

mictions impérieuses. Jamais le malade ne perd ses urines goutte à

goutte ou n'urine dans son pantalon sans s'en rendre compte; mais

souvent il est pris d'une envie brusque, et s'il ne la satisfait aussitôt,

c'est-à-dire dans un délai de quelques secondes ou d'une minute au

plus, il ne peut se retenir plus longtemps et urine dans ses vêtements.

Ce symptôme est, dans sa netteté, presque pathognomonique. Ajoutons

crue le malade présente généralement 'de la constipation. On peut cepen-

dant observer à titre exceptionnel de pressants besoins de défécation.

Cette forme est susceptible de grandes améliorations, de guérisons

même, selon Erb. Il est exceptionnel que les progrès de la paralysie con-

finent le malade au lit. Le pronostic est donc en somme relativement

-favorable et c'est là une éventualité assez rare dans les paraplégies pour

qu'on lui donne un relief suffisant. Répétons enfin que ce type de para-

plégie, avec lequel on est généralement insuffisamment familiarisé, est

un des plus fréquents qui soient. ' -

Nous rencontrerons plus loin les méningo-myélites syphilitiques

aiguës. Il nous reste à parler ici des myélites transverses syphilitiques

ou d'une façon plus générale des myélites transverses chroniques. Les

types le plus souvent rencontrés en clinique sont du reste d'origine

syphilitique, et l'on peut, entre le type de Erb et. la myélite transverse

proprement dite, rencontrer toutes les transitions. Bien plus, la syphilis

peut déterminer des plaques de sclérose produisant la spasticité des

membres supérieurs, du nystagmus, des troubles de la parole, tout le

groupement classique de la sclérose en plaques ordinaire; et déjà, chez

les paraplégiques de Erb, l'exagération des réflexes au niveau du

membre supérieur est loin d'être exceptionnelle.

. PARAPLÉGIE. 501

Pour en revenir à la myélite transverse, il convient de noter que, con-

trairement à la paraplégie de Erb, cette myélite présente souvent un

début assez rapide, quelquefois apoplectiforme. Il se peut même que le

malade meure dans le coma. On rencontre fréquemment aussi des sym-

ptômes méningés initiaux. Ils sont de deux ordres : les uns cérébraux, ',

diplopie, céphalée, les autres rachidiens, douleurs en ceinture ou irra-

diées aux membres inférieurs, raideur de la colonne vertébrale (Kernig).

Il survient alors une paralysie flasque d'instauration rapide, puis, avec

une rapidité semblable des contractures empêchant tout déplacement. En

même temps s'observent des troubles génito-urinaires prononcés. Il y a

quelquefois au début du priapisme, de la rétention d'urine avec miction

vraie. Le malade garde le lit. Les jambes en hyperextension sont croisées

par adduction forcée, le clonus existe au plus haut degré; l'anesthésie

s'étend aux membres inférieurs et aux régions les plus basses du tronc

qui furent au début le siège d'une hyperesthésie évidente. Enfin, si

les atrophies, du moins très marquées^ sont rares, il n'en est pas de

même pour les escarres. Celles-ci sont, à la vérité, peu envahissantes;

mais elles peuvent entraîner la mort. L'issue fatale peut survenir égale-

ment au cours de phénomènes bulbaires. ,

De cette forme chronique, il faut distinguer les formes subaiguës, qui,

justement, sont les types à début par accidents méningés. On signale

aussi des formes curables à rechutes.

Il est peu de chose à modifier du tableau précédent pour le faire cadrer

avec la description générale des myélites transverses chroniques. Consé-

cutives à des maladies chroniques comme la tuberculose, ou bien à des

maladies aiguës comme la fièvre typhoïde, essentiellement variables en

leur intensité ou leur évolution, elles sont souvent plus accusées d'un

côté que de l'autre. Elles aussi peuvent avoir un début aigu, flasque,

suivi d'une évolution traînante vers la spasmodicité. On peut,' à vrai

dire; observer exactement l'inverse. La marche est lente : il faut des

mois pour atteindre l'état définitif. À ce moment, la contracture est des

plus fortes. Les troubles sphinctériens et trophiques sont très intenses,

l'hypéresthésie est fréquente. On a signalé le syndrome de Brown-Sequard.

Enfin, la mort peut survenir par infection vésicale ou cutanée, fréquem-

ment par escarre énorme, dénudant le sacrum, ouvrant le canal médul-

laire, déterminant une méningite ichoreuse.

5° Maladies- familiales. La paraplégie spasmodique familiale

débute dans l'enfance : nous l'étudierons au chapitre particulier consacré

au jeune âge. " '

6° Paraplégies spasmodiques ne s'accompagnant en général ni de

troubles des sphincters, ni de troubles trophiques, ni d'extension de

l'orteil. Paraplégies fonctionnelles. - Les paraplégies fonctionnelles

sont flasques d'ordinaire. La suggestion, la simulation peuvent réaliser

cependant des syndromes spasmodiques. L'existence de contractures n'a

donc aucune valeur pour infirmer ou confirmer le diagnostic d'hystérie,

[MOUTIER.]

Mi2 PARAPLÉGIE. '

par exemple. L'instauration rapide des contractures, leur degré excessif

l'absence d'atrophie seront plutôt en faveur d'une paraplégie fonction-

nelle, bien qu'une telle paralysie puisse rarement à vrai dire s'ac-

compagner d'atrophie. Pour le diagnostic, général de ces formes, nous

nous reporterons aux paraplégies flasques.

II. Paraplégies flasques. Comme pour les paraplégies spas-

modiques, nous réunirons tout d'abord un certain nombre de cas dans

lesquels le diagnostic, s impose d'emblée.

1 Le diagnostic éliologique de la paraplégie est évident. - Nous

retrouvons ici les facteurs étiologiques déjà signalés dans le groupe

homologue des paraplégies spasmodiques, c'est-à-dire les blessures, sec-

tions, compressions par traumatisme direct (coup de couteau) ou indirect

(fracture, luxation rachidienne) de la moelle, par mal de Pott [vertèbre

cariée (voussure subite), rupture d'un abcès froid], les altérations par

bematomyetic (travailleurs dans l'air comprimé, scaphandriers, plon-

geurs, ouvriers des caissons). La paraplégie, nous l'avons déjà dit, est

toujours flasque au début (sauf dans le, mal de Pott où les paraplégies,

par compression à début soudain peuvent être d'emblée spasmodiques) ;

niais elle demeurera flasque seulement si la section de la moelle a été

d'emblée ou rapidement totale. Les troubles trophiques, les altérations

de la sensibilité (anesthésie, dissociation s'I'IIrOrrIV'('111111C), les troubles

sphinctériens sont précoces et intenses. Si la section de la moelle est

incomplète, la paraplégie deviendra spasmodique, ou présentera des

alternatives de flaccidité et de spasticité dont la raison nous échappe

souvent encore.

2° Praplégies flasques à évolution aiguë. Poliomyélites. Poly-

névrites. Il existe tout un groupe d'affections médullaires aiguës,

dépendant nettement de processus infectieux, caractérisées par une

paralysie flasque et une évolution rapide, souvent fatale. Ce sont les

méningo-myélites, les myélites, les poliomyélites et la paralysie de

l.artcl r y/, ..

Occupons-nous d'abord des myélites et méningo-myélites aiguës.

fréquemment liées il la syphilis ou à la tuberculose. Ces maladies sur-

viennent, de façon précoce chez le syphilitique, de J 2 à 20 mois après

le chancre. Le début survient il propos d'un excès, de surmenage

variable. Les réflexes sont rapidement abolis cl l'immobilisation des

membres, l'anesthésie sont bientôt complètes. Il existe ordinairement

d'assez vives douleurs. Les sphincters sont paralysés, urine et matières

souillent le malade. Des escarres se forment, bientôt profondes, plus

vastes que dans toute autre affection nerveuse. La fièvre, qui existe

souvent d'emblée, s'allume, et une méningite ichoreuse secondaire ter-

mine rapidement cette brève évolution. La paralysie est parfois ascen-

dante a la période terminale et atteint le tronc, les membres supérieurs,

les centres bulbaires. On se rapproche alors sensiblement de la forme

suivante. Néanmoins, l'évolution de la meningo-myetite aiguë demande

PARAPLÉGIE. 505

généralement plusieurs jours et souvent une, deux, parfois trois semaines

et plus.

Dans la maladie de l cmdor/ ('), la mort survient en de 2 à 5 jours. Les

réflexes tendineux sont abolis, et fréquemment les réflexes cutanés le

sont également. II s'agit d'une maladie ascendante, fébrile, atteignant

d'abord les membres inférieurs, puis les membres supérieurs, les cen-

tres bulbaires enfin. Les sphincters sont intacts, il existe des troubles

vaso-moteurs intenses, et la mort survient par accidents bulbaires. Il

semble bien que le plus souvent il s'agisse en de semblables cas d'une

infection suraiguë, mixte, des nerfs périphériques et de la substance

grise des centres.

De fait, il est fréquemment difficile de porter le diagnostic de polio-

myélite ou de polynévrite. Un tel problème clinique est peu ardu sans

doute en des cas aussi antinomiques que la paralysie infantile ou la

polynévrite progressive de l'alcoolique. Mais la poliomyélite peut revêtir

une allure subaiguë ou chronique, la polynévrite offrir le tableau d'une

paralysie aiguë, fébrile, généralisée. Nous nous efforcerons de donner

quelques indications pratiqués.

La poliomyélite, qu'il s'agisse de paralysie infantile ou de paralysie

chez l'adulte, est une affection fébrile, frappant d'une façon brusque et

massive un territoire musculaire très étendu. Plus tard, la paralysie ré-

trocède et se localise en certains groupes de muscles qui subiront une

atrophie définitive. Il n'existe ni troubles des sphincters ni troubles de

la sensibilité. Puis l'atrophie musculaire aidant, les membres atteints

présentent des troubles trophiques souvent intenses. Les moindres sont

la cyanose et la rigidité du segment atteint; les plus redoutables sont le

pied bot, une laxité spéciale donnant aux articles l'air de membres

de Polichinelle, enfin la déformation connue sous le nom de cul-de-

jatte. Il va de soi que de tels troubles sont d'autant plus accusés que

le membre est plus enclin il subir une perturbation dans son évolution,

partant que le malade est plus jeune. Enfin, chez le poliomyélitique,

les réactions électriques ont une valeur précise, et la D. R., assez

tardive d'ailleurs, indique la perte irrémédiable du muscle sur lequel

un la constate.

La polynévrite peut dépendre de maladies infectieuses comme la

lièvre typhoïde, la diphtérie, la grippe, le béribéri, d'intoxications

comme le diabète, le saturnisme, l'alcoolisme, t'arscnicisme. L'évolution

en est parfois fébrile, mais d'une façon générale plus lente que celle

d'une poliomyélite et moins massive. Elle atteint avec élection les muscles

des extrémités et détermine de gros troubles sensitifs accompagnés de

douleurs sur le trajet des nerfs. Les réflexes tendineux sont bientôt

abolis, et cela sans qu'il y ait, connue dans les poliomyélites, parallélisme

entre cette disparition et l'atrophie musculaire.

I. (In uhscrvc (huis la rnqr un syndrome analogue il la maladie de Landry.

[MOUTIER.]

504 - PARAPLÉGIE. ' "' ;

L'atrophie existe néanmoins et au plus haut point dans les poly-

névrites. Elle frappe certains groupes musculaires de préférence. : on

connaît la démarche du steppeur consécutive à l'atrophie du groupe

jambier antéro-cxterne. Il faut d'ailleurs des cas remarquablement

graves pour que' la paraplégie soit totale et la marche impossible.

La D. R. est plus précoce que dans la poliomyélite, mais tout muscle

qui la laisse déceler à son niveau n'est point fatalement destiné à dis-

paraître. Les réactions électriques, qui : ont une grande valeur pronosti-

que dans les -poliomyélites, en ont donc une très faible dans les poly-

névrites. Dans celles-ci encore, signalons la fréquence des troubles

vaso-moteurs et trophiques, l'atteinte éventuelle des nerfs crâniens, les

troubles psychiques signalés par Korsakow, et la possibilité de récidives

qui ne surviennent jamais dans les poliomyélites. Il existe du reste des

cas intermédiaires (cellulonévrite de Raymond), où le neurone centri-

fuge tout entier semble atteint. ?

5° Paraplégies flasques à évolution lente, sans troubles des sphinc-

ters en général. Il existe un degré variable mais nécessaire d'atrophie

musculaire. Les malades peuvent marcher encore pendant longtemps

et ne sont tenus au lit que paries progrès de l'atrophié. - L'impo-

tence des membres inférieurs peut être réalisée par la disparition du

muscle. Cette atrophie est et demeure une des principales manifestations

cliniques de tout un groupe d'affections de causes diverses pourtant.

L'altération des muscles peut être, en effet, tantôt d'origine névritique,

tantôt d'origine myélopathique, tantôt d'origine myopathique. Nous

serons brefs sur ces affections qui ne réalisent un syndrome paraplé-

gique qu'à une période tardive de leur évolution.

La névrite interstitielle hypertrophique de Deje1'ine et Bottas est

un type d'atrophie d'origine névritique. Les malades ont de la difficulté

de la marche plutôt qu'une impuissance véritable. On peut définir cette

affection, au point de vue clinique, un tabès débutant dans le jeune âge;

Du tab.es en effet, cette névrite a l'abolition des réflexes rotuliens, l'Argyll

et le Romberg. -Il existe de plus de la cyphoscoliose, du varus équin, des

altérations profondes de la sensibilité. N'ayons garde d'ouhlier enfin

l'hypertrophie, sensible au palper, des nerfs périphériques.

, On peut rencontrer dans le tabès, dans la sclérose en plaques des

atrophies d'origine myélopathique. De même, dans la maladie de Fez-

reich, il peut exister très rapidement une atrophie suffisante pour em-

pêcher la marche. Dans ces différents cas, la lésion musculaire se com-

plique souvent de rétractions tendineuses.

Dans l'atrophie musculaire du type ChaTcot-Ma1'ie, l'atrophie des

muscles est encore d'origine myélopathique. Il s'agit d'une atïection héré-

ditaire et familiale, caractérisée par une atrophie progressive des mem-.

bres à début périphérique. Pour ne parler que des segments inférieurs,

les muscles du pied sont les premiers atteints, puis se prennent les

péroniers. Les jumeaux et le quadriceps sont les derniers à s'affaiblir.

PARAPLÉGIE. 505

Il existe au-dessus du genou de l'atrophie en jarretière. Les réflexes ten-

dineux sont abolis proportionnellement au degré d'atrophie, et l'on

constate des secousses fibrillaires. Il existe des troubles de la sensibilité,

mais ce ne sont en général que des paresthésies subjectives. L'affection

aboutit donc rarement, et de toutes façons lentement, il une paraplégie

flasque avec impossibilité de marcher. L'atrophie musculaire est néan-

moins suffisamment prononcée pour que les malades, contraints par

exemple à demeurer immobiles dans la station verticale, éprouvent une

o')'[mde peine à maintenir leur équilibre et piétinent continuellement.

Quand ils marchent, ils présentent un steppage extrême. Ce piétinement

et ce steppage sont tout à fait caractéristiques.

Les myopathies présentent un grand nombre de types. Tous peuvent,

aboutir il l'impotence paraplégique, mais deux formes seulement réalisent

ce syndrome de façon précoce et intense. 11 s'agit du type pseudo-hype¡'-

trophique de Duchenne et du type Leyden-Môbius. Ces affections étant

décrites en d'autres parties de cet ouvrage, nous n'y insisterons pas ici.

Rappelons seulement que les malades sont des enfants présentant de la

lordose, de la parésie des mouvements, de l'élargissement de la base de

sustentation, des muscles durs, puis mous. Il n'existe ni troubles sen-

sitits, sphinctériens ou électriques, ni accidents trophiques. L'état des

réflexes est parallèle à l'état des muscles, il n'existe pas de secousses

librillaires.

4° Paraplégies passagères, récidivantes; paraplégies périodiques

familiales; claudication intermittente. Nous groupons ici un

ensemble probablement disparate, mais que l'on s'accorde actuellement

il faire relever de troubles circulatoires ou toxiques. De ce nombre sont

les paralysies transitoires de la période préataxique du tabès et

particulièrement le phénomène connu sous le nom de claudication

intermittente. Ce syndrome est ainsi caractérisé; au bout d'un temps

de marche variable, temps qui va se raccourcissant avec les progrès de

la maladie, le malade éprouve dans un seul ou dans les deux membres

des sensations de tension, de gène, de pesanteur, d'engourdissement ou

de fourmillements, le tout plus ou moins pénible, parfois intolérable. Le

malade s'arrête et tout se calme bientôt; puis il reprend sa route et les

accidents recommencent.

La claudication intermitlcnl1 être d'origine périphérique (Boulay-

Charcot) 9JLIlI¡\dullairGiD¡'j ! 'rine). En d'autres termes, il peut s'agir

(l'insuffisance vasculaire directe du membre par athéromc de l'iliaque ou

des fémorales, ou d'insuffisance vasculaire des centres médullaires du

membre par sclérose des artérioles de la substance grise. Dans le pre-

mier cas, on note l'absence des battements artériels de la pédieuse au

moment de l'accès et des troubles vaso-moteurs intenses; dans le second

cas, il n'existe an niveau du membre aucune anomalie de la circulation

locale. Il s'agit généralement d'un syphilitique. La paraplégie ne serait

pas toujours flasque : les réflexes pourraient être exagérés avec extension

' [MOUTIER] ]

506 PARAPLÉGIE.

de l'orteil et quelquefois trépidation spinale au moment de la claudication.

Les malades pourraient évoluer vers la paraplégie spasmodique de Erb.

Enfin, on a, un peu en désespoir de cause, attribué à des troubles toxi-

'lues certaines paralysies intermittentes, telles que les paralysies des

paludéens. Plus intéressantes sont les pcral ysies /xriocliqrres familiales,

( décrites par Chaknovitch puis par Westphal. Brusquement, le malade est

atteint d'une tétraplégie flasque, progressive, il évolution rapide. Les

membres supérieurs sont pris les derniers, mais récupèrent les pre-

miers. La face est intacte et les sphincters sont indemnes. On constate

,une abolition totale des réflexes et de l'excitabilité électrique. Ajoutons

[que l'accès commence la nuit pour se terminer à midi. Souvent même

l'instauration se fait pendant le sommeil et le malade se réveille complè-

tement paralysé. Les accès reviennent périodiquement et la santé de-

meure excellente dans leur intervalle. Pendant la période d'état, le coeur

est dilaté; le malade ruisselant de sueur éprouve une soif intense.

5° Paraplégies consécutives ou associées à des crises douloureuses

intéressant exclusivement les membres inférieurs, ou plus rarement

le corps en totalité. Cette impotence est parfois volontaire, et le

malade s'abstient de bouger parce que le moindre mouvement éveille

les élancements d'une sciatique. Elle peut être involontaire et Dejerinc

a décrit un syndrome paraplégique flasque, consécutif chez les tabé-

tiques aux violentes crises de douleurs fulgurantes. Il y aurait dans ce

cas un véritable épuisement des nerfs et des muscles. Signalons enfin

des malades chez lesquels toute activité est douloureuse. Le mouvement

chez eux réveille d'atroces souffrances en dehors de toute lésion orga-

nique. Il s'agit de grands névropathes présentant l'akinesia alflera,

syndrome psychasthénique sur lequel a insisté Mobius.

6° Paraplégies flasques ne s'accompagnant en général ni d'escarres,

ni d'incontinence ou de rétention, ni d'atrophie musculaire, ni de

troubles accusés des réflexes [extension de l'orteil). On peut dépister

l'influence de l'épuisement nerveux, de la suggestion, de l'idée fixe

[phobie) ou delà simulation (paraplégies dites fonctionnelles).

Certains malades ne marchent pas parce qu'ils ont peur de marcher

(basophobie), et se confinent au lit. La, leurs mouvements sont parfai-

tement normaux. Mais vient-on à les mettre debout, leurs jambes se

dérobent sous eux, et ces malades tombent comme tomberaient des para-

plégiques flaccides. .-

Des liens étroits réunissent la basophobie it la neurasthénie, à l'hys-

térie. La neurasthénie ne donne pas d'impotence totale. Elle détermine

seulement un épuisement rapide, une fatigue précoce et infinie dans les

membres inférieurs. Les jambes sont lourdes; tout déplacement demande

un effort, et un effort douloureux, souvent angoissant. Ces malaises

étranges sont souvent plus accusés au réveil, et vont s'apaisant vers le

soir. Ce syndrome est à bien connaître, car fréquemment, ainsi qu'il

est accoutumé chez les neurasthéniques, les réflexes sont, exagérés, et

PARAPLÉGIE. 507

l'on note de l'hyperesthésie. Or, pour peu que le neurasthénique, bourré

de connaissances médicales récoltées sans discernement, en impose à

l'observateur, on pourra croire il l'existence d'une paraplégie au début.

Mais il faut en somme arriver à ['hystérie, au pithiatisme, pour ren-

contrer une simulation il peu près parfaite des paraplégies organiques.

La psychose revêt en effet les allures les plus diverses : le plus souvent

flasque, parfois spasmodique, comme nous l'avons déjà vu, la paraplégie

peut figurer également le type de Brown-Sequard. Parfois même elle

demeurera purement sensitive.

Le mode de début des accidents dits hystériques, ne fournit que de

médiocres renseignements. Il est en effet essentiellement variable. Il se

marque par de la céphalée souvent, d'autres fois par de la tympauite, de la

rétention d'urine, de la constipation ou des troubles menstruels. Assez

souvent les personnes atteintes sont d'anciennes garde-malades ayant

soigné des paraplégiques, ou quelque personne ayant eu de tels malades

dans son entourage. Parfois encore, s'il s'agit d'accidents post-traumati-

ques, on pourra songer à la névrose spécifique en présence de la dispropor-

tion entre la cause et l'effet, l'accident et la paralysie. Ce sont la des cas

relativement faciles; d'autres sont infiniment plus épineux. Il en est ainsi

pour ces pottiques guéris qui refont leur ancien syndrome avec l'aide de

la suggestion. Certains pourront même, s'ils ont été suffisamment édu-

qués par les manoeuvres de l'entourage, réaliser l'extension de l'orteil.

Cependant, un certain nombre de symptômes ne se rencontrent jamais

dans l'hystérie. Ce sont : l'abolition des réflexes tendineux avec exagé-

ration des réflexes cutanés, les troubles sphinctériens (l'hystérique est

propre), l'exagération des réflexes avec extension de l'orteil (en dehors

des réserves ci-dessus, visant du reste de grandes exceptions), le clonus

vrai pathologique, les modifications électriques. Enfin, les troubles de la

sensibilité sont différents selon l'étiologie du syndrome. Dans la para-

plégie organique, l'anesthésie remonte plus ou moins haut sur le tronc :

la limite supérieure est une ligne transversale il peu près horizontale. Au

contraire, dans l'hystérie. l'anesthésie affecte un contour particulier, en

chaussettes, en caleçon, dessinant des lignes de vêtement ou des régions

du corps, suivant par exemple les crêtes iliaques et respectant les organes

génitaux. Du reste, on peut, avec Souques, ranger ainsi les caractères

qui tendront à faire se prononcer le clinicien en faveur de la paraplégie

organique :

Signes de présomption : atrophie, incontinence, fièvre, fourmille-

ments, rachialgie osseuse, abolition des réflexes, troubles électriques.

Quasi-certitude : escarres, cystite purulente.

Certitude : distribution de l'anesthésie cutanée.

On aura parfois l'occasion de surpendre un détail incitant sur la voie

du diagnostic. Il y avait ainsi à Bicètre un paraplégique hystérique qui

demeurait toujours assis. Il était parvenu à se déplacer en reposant sur

le sol pur la pointe de ses souliers et les deux pieds postérieurs de la

[MOUTIER.]

508 PARAPLÉGIE. ?

chaise. Il avançait ainsi sans toucher des mains aux barreaux, progres-

sant uniquement par des torsions du tronc sur le bassin. Inutile de dire

qu'un paraplégique vrai eùt été incapable de semblable acrobatie, et que

cet équilibre complexe supposait certainement de faibles mouvements

dans les articulations coxo-fémorales. Certains détails de l'évolution

de la paraplégie pourraient également faire pencher en faveur de la

.névrose, par exemple des guérisons complètes et subites, des alternatives

étranges, l'influence de la suggestion. Mais on ne saurait conseiller trop

de réserves certaines lésions syphilitiques peuvent, sous l'influence

d'un traitement approprié, évoluer rapidement vers la guérison, d'autre

part, certaines formes de paraplégie, Pott, sclérose en plaques, subissent

de grandes oscillations. On ne saurait donc s'entourer de trop de pré-

cautions pour porter le diagnostic de paraplégie fonctionnelle et tout

spécialement ici la ponction lombaire sera d'un grand secours. Le dia-

gnostic sera souvent un diagnostic par élimination, mais ce serait

encore s'exposer à bien des erreurs, si, de ce que l'on ne trouve aucune

cause organique à une paraplégie un peu fruste, on tenait aussitôt la

névrose pour facteur étiologique. '

Nous avons longuement insisté sur le diagnostic de la paraplégie

hystérique; c'est là, en effet, un des très gros points de ce chapitre. Il

existe d'autres paraplégies fonctionnelles, nous ne ferons que les men-

tionner. De cet ordre- sont en effet les paralysies dites réflexes du goitre

exophtalmique et des urinaires. Ce sont des paralysies intermittentes,

caractérisées par un « giving-ivay of the legs », un véritable effon-

drement. La pathogénie exacte de ces phénomènes est purement hypo-

thétique ; on a seulement fait observer que, pour les paralysies urinaires

tout au moins, il convenait d'être assez réservé. Peut-être, en effet,

s'agirait-il de véritables lésions organiques par infection ascendante.

Paraplégies de l'enfant. 1° Affections congénitales. Les

enfants présentent un certain nombre de troubles se manifestant dès le

jeune. Age et rentrant dans le groupe des paraplégies. Il convient de

réserver le nom de maladie de Little au syndrome des enfants nés avant

terme. Il n'y a chez eux que fort peu de paralysie. Il existe surtout de la

raideur et une contracture qui va diminuant avec l'âge. Cette raideur

siège aux quatre membres, mais est plus prononcée aux membres infé-

rieurs. L'intelligence est souvent intacte. Il n'existe de troubles ni dans

la sensibilité, ni dans le jeu des sphincters. Il n'y a pas d'accidents tro-

phiques. L'enfant présente une attitude absolument caractéristique. Il ne

peut marcher, et, vient-on à le soulever par les aisselles, ses membres

inférieurs se placent en flexion légère de la cuisse sur le bassin, les

genoux en adduction, les jambes divergentes, mais les pieds en varus

équin revenant se toucher par leur pointe.

On rencontre également des troubles spasmodiques dans une autre

malformation congénitale, la spina bifida. Il -existe une parésie parfois

très accusée des membres inférieurs. Le diagnostic est généralement

1 , 0

PARAPLÉGIE. 509

facile, la shina bifida se révélant par de grosses déformations de la région

rachidienne. Cependant, il peut exister des cas très frustes. On peut

confirmer un diagnostic hésitant en recherchant et constatant la pré-

sence du petit infundibutum sacré ou lombaire. Il serait bon également

de tenir compte d'une hyperlrichose localisée de la région sacrée. Cette

exubérance pilaire se produit au niveau de la malformation rachidienne,

sur une peau souvent amincie. Ajoutons que les membres inférieurs de

ces malades sont grêles, supportent malles appareils orthopédiques, pré-

sentent souvent un pied bot, rappellent parfois en un mot les membres

du paralytique infantile. En dehors des lésions caractéristiques de la

spina bifida, le diagnostic serait facilité par l'étude des réflexes. Us sont

abolis dans la paralysie infantile, exagérés avec extension de l'orteil dans

la spina bifida. ,

2" Affections acquises. On peut chez l'enfant observer des para-

plégies ducs à des lésions encéphaliques. Ces diplégies cérébrales de

l'enfance relèvent généralement de pqrencephalie oudc méningo-encé^

11lEllih. Les petits malades sont des arriérés, des idiots, présentant de

1 épilepsie, de la chorée, de l'athétose ; la paraplégie n'est que partie de

leurs troubles. Parfois se peut noter chez le même individu la coexistence

d'une hémiplégie cérébrale infantile et d'une paralysie infantile (Pierre

Marie). Dans de tels cas, il existe du côté de la paralysie infantile de

l'abolition des réflexes, de l'atrophie musculaire intense avec jambe de

polichinelle, de l'aholition ou du moins de la diminution des réactions

électriques; de l'autre côté se constatent de l'exagération des réflexes

avec signe de Babinsky en extension, de l'adduction de la cuisse, de

la flexion de la cuisse avec atrophie en jarretière, peu ou point de

troubles électriques.

5° Paraplégie spasmodique familiale. La paraplégie spasmodique

familiale débute entre huit et quinze ans, quelquefois plus tôt. Souvent

le tronc et les membres supérieurs sont atteints. Les malades peuvent

marcher d'ordinaire, bien qu'ils présentent fréquemmentde la déformation

des pieds, soit un varus équin. soit un pied cambré, tassé, comparable

il celui des t'YIedreich. La parole de ces malades est lente et monotone;

ils peuvent présenter du nystagmus et du tremblement des membres

supérieurs auquel ne participe point la tète. Une telle description

montre que cette affection peut rappeler de -près certains cas de sclérose

en plaques, de maladie de Fri'edreich ou d hérédo-ataxie cérébelleuse

de Pierre Marie. Sans entrer davantage dans la discussion du diagnostic.

nous signalerons seulement que chez les paraplégiques familiaux, il

n'existe ni scoliose, ni troubles de la sensibilité, ni mouvements choréi-

l'ormes. Le déficit intellectuel est souvent considérable.

Paraplégies du vieillard. 1° Paraplégie par double 1rW ni-

plégie. Lacunaires. La paraplégie d'origine cérébrale est une para-

plégie lacunaire. Elle peut succéder il deajctus plus ou moins frustes ?

répétés, rarement accompagnés de perte de connaissance; les malades

[MOUTIER.]

510 0 PARAPLÉGIE.

sont en 1 : lljtéJl¡,Lhél ! 11pl<'giql ! LdouW.es. Ils marchent à petits pas,

difficilement. Leur pied pose rarement à plat; le talon touche seul il

terre et les orteils, généralement recourbés en griffe, plus rarement

en érection n'arrivent pas au contact du sol. Parfois, le malade ne

peut marcher sans aide. Il a tendance à tomber en arrière et du côté

le plus atteint. Les réflexes tendineux sont exagérés, le cutané plantaire

est en extension, mais il n'y a pas de contractures. Ces lacunaires sont

fréquemment des 1>scudo-hulhaires; et généralement, à moins qu'une

destruction centrale étendue ne les enlève rapidement, ils s'affaiblissent

et succombent dans le marasme. A côté de cette forme avec ictus, on

peut distinguer, d'après Lherinitte, une paraplégie lacunaire cérébrale

« à début insidieux, ne succédant pas il des ictus ou des attaques

(d'hémiplégie ». L'affaiblissement des membres inférieurs est progressif,

et aboutit il une paraplégie spasmodique complète avec ébauche de

'contracture et gâtisme précoce et accusé.

On attribue il l'a ¡¡/l'l'Ollie sënile des troubles réalisant un syndrome

sensiblement comparable au précédent. 11 s'agit de vieillards qui, sans

ictus, présentent de la parésie et de la l'aligne croissantes. Il existe des

paresthésies notables et bientôt la marche devient impossible. On peut

constater un degré variable de contracture; la paralysie peut être au

contraire absolument flasque. 11 y a de l'exagération des réflexes, et par-

fois de l'incontinence ou de la rétention des urines. Les malades finissent

par être tout à fait impotents, mais cette évolution est fort lente.'

' 2" Paraplégies à démarche al axo-spasmodique. Scléroses combinées.

Les paraplégies 111 ! J('loJ)({tliiqlles du vieillard dépendent de scléroses

médullaires 1)uI'l't1S('erlltllr'CS, de scléroses combinées. Le début est insi-

dieux, marqué par des paresthésies dans les membres inférieurs, par

une parésie accompagnée déjà de l'exaltation des réflexes tendineux sans

signe de Babinsky en général. (Lhermitte.) L'atteinte du faisceau pyra-

midal se traduit par la paraplégie motrice incomplète avec augmentation

de la réflectivité et phénomène de Strmnpeu. La sclérose des cordons

postérieurs détermine une certaine titubation, un degré très variable

d'incoordination. Les troubles sphinctériens n'ont rien de constant ni de

pathognomonique : il suffit de retenir seulement qu'ils peuvent exister.

Les membres supérieurs sont indemnes d'ordinaire, il n'y a pas d'amyo-

trophie en général, ni de troubles accusés de la sensibilité. La maladie

peut persister indéfiniment, ou se terminer dans le marasme avec gâ-

tisme et démence. La sclérose combinée s'observe notamment chez

les tabétiques de date ancienne. On observe alors soit une démarche

spastique (trainement des jambes) au lien d'une démarche ataxique,

soit de la paraplégie flasque ou même exclusivement de l'extension de

l'orteil (Crouzon).

3° Paraplégies snziles sans modification des réflexes ni troubles du

névraxe, gâtisme terminal. Myopathie sénile essentielle de la femme.

Chez les vieillards, et, semble-t-il, exclusivement chez les femmes,

PARAPLÉGIE.- j Il I

peut se rencontrer une paraplégie musculaire avec sclérose et. raideur,

véritable myopathie sénile sur laquelle l'école de la Salprtrière a récem-

ment attiré l'attention. D'après Lhermitte et Lejonne on peut distinguer

deux types, l'un de paraplégie en flexion prononcée, l'autre de paraplégie

avec extension complète de tous les segments des membres inférieurs.

Dans les deux cas, il si a intégrité complète du système nerveux péri-

plu'l'igue et central, ainsi que des articulations, atrophie et dégéné-

rescence de la fibre musculaire. Les malades, fort âgés, présentent une

limitation variable, souvent extrême, des mouvements actifs aussi bien

que des mouvements passifs. Il existe une amyotrophie diffuse avec

dureté des cordes musculaires tendues et rétractées. Il n'existe ni troubles

sphinctériens, ni modifications des réflexes tendineux ou cutanés, ni alté-

rations de la sensibilité. L'évolution se fait en deux temps; il y a d'abord

affaiblissement des jambes lent et progressif, avec douleurs dans la conti-

nuité des membres, puis les malades doivent garder le lit : l'amyotrophie

et la rétraction se développent alors d'une manière diffuse et globale.

L'issue fatale survient dans le gâtisme et l'affaiblissement démentiel.

Considérations générales. Nous n'avons pas à nous occuper

ici du diagnostic en hauteur ou diagnostic topographique des paraplé-

gies, qui doit être l'objet d'un chapitre spécial de ce traité. Mais, par-

venus au terme de cet exposé, il convient d'attirer t'attention sur cer-

taines considérations d'utilité générale.

Mage du malade permet d'orienter le diagnostic en une certaine

mesure. Les grandes lésions cérébrales, la maladie de Little, les diplé-

gics, la spina bifida, sont spécialement fréquentes chez l'enfant, les

lacunes de l'encéphale, les altérations vasculaires de la moelle, la sclé-

rose musculaire essentielle chez le vieillard,- le mal de Pott, la sclérose

en plaques, la myélite syphilitique chez l'adulte. Il convient en outre de

bien se rappeler de combien de façons multiples une même affection peut

réaliser un syndrome à peu près analogue. C'est ainsi par exemple que la

syphilis, nous l'avons exposé déjà, peut déterminer des méningo-myélites

aiguës, des méningites et des myélites chroniques, des compressions par

hyperosloses, par gommes. La tuberculose à son tour peut provoquer des

myélites aiguës ou chroniques, de la compression par abcès froid, luxa-

tions, séquestres, etc. Dans la plupart des tableaux cliniques, il est le

plus souvent difficile de préciser ce qui dépend de l'altération radicu-

laire ou de l'altération médullaire, et dans le tabès enfin, on peut invo-

quer, selon le cas, les troubles circulatoires, l'épuisement par hyperalgies,

les scléroses combinées.

Il résulte de ces considérations générales qu'un syndrome donné est

loin d'être univoque et qu'il ne faut pas accepter à la légère un dia-

gnostic rapidement formuté. C'est ainsi que parmi les fameuses paralysies

urinaires, bien peu probablement ressortissent de troubles réflexes. Il

s'agit le plus peuvent de polynévrites infectieuses ou toxiques, de polio-

myélites, d'hystérie dans mainte occasion. De même, les paraplégies de

[MOUTIER]

.") 1 PARAPLEGIE.

la parturition peuvent être dues il l'infection ou à l'intoxication, il la

névrose, au traumatisme ou il la compression. ,

Ceci nous conduit à dire quelques mots delà conception et de Y accou-

c'ltentettl chez les paraplégiques. Nous résumons rapidement, principa-

lement d'après liouth, ce que l'on doit connaître il ce sujet. Tout d'abord

la conception est possible chez une paraplégique. L'époque de l'accou-

chement survient normalement, mais la malade ne sent pas l'enfant re-

muer. La dilatation du col, acte automatique, se fait bien. L'expulsion du

foetus est, en revanche, un acte réflexe qui exige l'intégrité des rapports

de l'utérus avec les centres lombaires. Si la lésion médullaire remonte à

ce niveau, le foetus pourra peut-être pénétrer dans le vagin, mais l'expul-

sion spontanée n'ira pas plus loin. Ajoutons que les douleurs de l'accou-

chement sont supprimées.

Il est impossible de porter un pronostic d'ensemble sur les paraplé-

gies. Les unes sont progressives et irrémédiables, d'autres sujettes à des

rémissions imprévues, d'autres encore exposent le malade il des alterna-

tives déconcertantes d'amélioration et d'aggravation. Il est des formes

frustes, d'autres d'emblée caractérisées et à grand fracas. Nul syndrome

n'est aussi polymorphe. Le plus souvent, la maladie est tenace et le

malade réduit à l'immobilité, souffrant de troubles sphinclériens et de

graves complications trophiques, finit par succomber à quelque maladie

incidente ou il une méningite ascendante, directement liée aux escarres.

La paraplégie peut n'être en certains cas pourtant qu'une infirmité plutôt

qu'une maladie.

Quoiqu'il en soit, et dune façon très générale, les paraplégies spasmo-

diques sont de meilleur pronostic que les paraplégies flasques, celles-ci

indiquant d'ordinaire la destruction définitive d'un segment central ou

périphérique. L'absence de troubles de la sensibilité est également favo-

rable en ce quelle indique une atteinte légère de la moelle.

Nous serons brefs sur le traitement. Il sera, selon les cas, celui de la

tuberculose vertébrale, de la syphilis, des intoxications, de la névrose,

des blessures, c'est-à-dire médical (mercure, iodure, arsenic) ou chirur-

gical. Nous ferons remarquer seulement que presque toute paraplégie

présente des périodes de rémission parfois longues, souvent marquées;

il ne faut point les prendre pour des succès thérapeutiques. Enfin, l'em-

ploi du mercure doit être prudent et surveillé, il semble souvent exagérer

la spasticité, et, d'une manière générale, être aussi peu profitable au

malade quil la maladie. (Brissaud et Pierre Marie.)

Lorsque les malades gardent le lit, le matelas d'eau est presque tou-

jours nécessaire. Une asepsie minutieuse de la région génito-urinaire et

de, la région sacrée évitera t'intertrigo, les infections cutanées légères,

préviendra les escarres. On se souviendra du trophisme délicat des para-

plégiques et l'on aura garde de réchauffer leurs membres au moyen de

bouillottes trop chaudes. Enfin, la guérisou sera aidée, s'il y a lieu, par

les procédés mécanothérapiqucs, le massage, l'électricité.

DIAGNOSTIC EN HAUTEUR

DU SIÈGE DES LÉSIONS MÉDULLAIRES

t-, par le Dr MOUTIER

Il importe, en présence des symptômes révélateurs d'une compression

médullaire ou d'une lésion en foyer, de déterminer le niveau de la

compression ou du foyer de sclérose ou de malacie. Pour ce faire, on

cherchera tout d'abord s'il n'existe point quelque signe extérieur

susceptible par lui-même d'orienter les recherches. Les déformations

éventuelles des vertèbres, la déviation du rachis, parfois une sensibilité

étroitement localisée permettront de reconnaître les effondrements

osseux, les fractures ou les luxations. Enfin, l'examen radiographique

sera fréquemment d'un heureux secours.

Etant donnée l'obliquité des racines émanées de la moelle, on se sou-

viendra, conformément aux indications de Chipault, que, chez l'adulte,

« pour avoir le numéro des racines qui naissent au niveau d'une

apophyse épineuse, il faut ajouter au numéro de la vertèbre corres-

pondante :

z1 dans la région cervicale;

2 dans la région dorsale supérieure ;

5 dans la région dorsale inférieure (6 ? H" vertèbre). La partie

inférieure de la 11° dorsale et l'espace interépineux sous-jacent

répondent aux 5 dernières paires lombaires.

L'apophyse épineuse de la 12° dorsale et l'espace sous-jacent répon-

dent aux paires sacrées.

Chez l'enfant, les relations sont un peu différentes, et il faut ajouter :

5 de la 1 re la 4" dorsale :

4 de la 6" à la 9e dorsale. »

Au-dessous de la deuxième vertèbre lombaire, la compression éven-

tuelle s'exercera, non plus sur la moelle proprement dite, mais sur la

queue de cheval.

On analysera soigneusement les différents troubles présentés par le

malade, et l'on apportera un soin tout particulier il limiter exactement

l'n.vTy,cr vsono ? 33

[MOOMB.] ]

514 DIAGNOSTIC EN HAUTEUR DU, -SIÈGE DES LÉSIONS MÉDULLAIRES.

le territoire des troubles sensitifs. De cette délimitation précise dépend

en effet en grande partie le diagnostic en hauteur du siège de la lésion.

Mais, à propos des chiffres indiqués plus haut, faisons remarquer avec

Sicard qu'il serait peut-être plus logique, « puisque c'est de l'examen

des projections radiculaires sensitives tégumentaires que l'on déduit la

racine incriminée pour remonter de là à la topographie apophysaire, de

retrancher ces chiffres, au contraire de Chipault qui les additionne.

Ainsi, si la limite transversale supérieure de la paraplégie anesthésique

correspond a la 1 le racine dorsale, on comptera 11 =' - 8, c'est-à-

dire que le segment d'émergence radiculo-médullaire de la Mû racine

dorsale sera placé au niveau de la se apophyse vertébrale dorsale. »

Il est évident que les deux façons de calculer peuvent avoir leurs indi-

cations, leurs avantages; en tout cas, il serait utile, au cours de la

laminectomie, d'inviter

le chirurgien dont les

recherches seraient vni-

nets, scruter les parties

sus- et non sous-jacentes.

Syndrome cervical

supérieur. Les com-

pressions de la moelle

cervicale portent, au ni-

veau des trois premières

vertèbres cervicales, sur

les quatre premières

paires rachidiennes. Les

symptômes cervicaux

proprement dits passent

souvent inaperçus, les

lésions de la région étu-

diée intéressant souvent

le bulbe adjacent, et les

-troubles bulbaires dominant le tableau morbide.

La compression cervicale détermine une tétraplégie sensitivo-motrice

de nature et d'intensité variables selon les causes déterminantes; les

troubles peuvent être plus intenses aux membres supérieurs. Les

désordres sphinctériens sont inconstants.

Ce sont là. phénomènes banaux : plus particuliers sont les troubles

suivants. Il peut en effet exister des pseudo-névralgies intéressant le cou,

la nuque et les épaules, respectant par contre la face qu'innerve la

Ve paire. On observe fréquemment un torticolis pénible et des douleurs

sur le trajet du phrénique. Du hoquet, des vomissements, la paralysie du

diaphragme peuvent encore traduire les lésions de ce nerf. Il existe enfin

des troubles de la motilité de la tête, flexion, rotation, extension, accom-

pagnés parfois d'atrophie des muscles du cou.

Fig. 1. Schémas radiculaires de Thorbnrn.

DIAGNOSTIC EN HAUTEUR DU SIÈGE DES LÉSIONS MÉDULLAIRES. 5 ! 5

Syndrome cervico-dorsal ou brachial. Ce syndrome s'observe

dans les compressions du renflement, cervical (5 ? 6", 7e, 8'' cervicale et

1"' dorsale). On peut observer soit une tétraplégie à évolution bizarre,

capricieuse, frappant parfois les membres dans un ordre quelconque,

soit une diplégie supérieure avec pseudo-névralgie sur les trajets radi-

culaires du bras. Le syndrome médullaire peut reproduire soit le type de

la paralysie radiculaire totale, soit les types de la paralysie radiculaire

supérieure ou inférieure. L'atteinte du centre cilio-spinal (l r" dorsale)

se traduira en cas d'excitation par de la mydriase, en cas de destruction

par du myosis homonyme, par la réfraction du globe oculaire, le rétré-

cissement de la fente palpébrale et l'aplatissement de la joue.

Syndrome dorsal. La moelle dorsale s'étend de la 2'' à la 9e ver-

tèbre dorsale et répond aux paires dorsales, l'exception de la 1"\ Les

symptômes paraplégiques sont typiques, classiques, et la limite supé-

rieure de l'anesthésie permettra de préciser la hauteur de la compression

et du foyer médullaires. On observe fréquemment le syndrome de Brown-

Séquard. Les troubles sphinctériens sont intenses, et d'autant plus

prononcés que la lésion se rapproche du renflement lombaire.

Syndrome lombaire. La moelle lombaire donne naissance aux

quatre premières lombaires, et se trouve à la hauteur du corps des '10",

11e et -12" vertèbres dorsales. La paraplégie que ses compressions déter-

minent « est complète, avec anesthésie remontant Ù la partie inférieure

du ventre, troubles sphinctériens intenses, et souvent escarre au

sacrum ». Le réflexe cremastericn et le réflexe patellairc sont abolis.

mais le réflexe achilléen est conservé ou même exagéré (Grasset).

Syndrome sacré. « La moelle sacrée (ou éllicelnc) mesure un centi-

mètre et demi de hauteur, et correspond au corps de la première vertèbre

lombaire. Elle donne naissance à la dernière paire lombaire et aux deux

dernières paires sacrées. » Mais ici, plus encore que pour la moelle

lombaire, l'obliquité des racines émergentes établit une discordance

variable entre la limite supérieure des troubles observés et la hauteur de

la lésion médullaire. D'un autre côté, il est fréquemment difficile de

distinguer le syndrome de la moelle sacrée du syndrome de la queue de

cheval (voir plus loin). La compression de la moelle sacrée se traduit

par un syndrome sciatique. c'est-à-dire par des troubles de la sensibi-

lité des régions externe et postérieure du membre inférieur avec parti-

cipation de la plante du pied, par une paralysie flasque ou plus sou-

vent une parésie des fessiers (rotation en dehors du membre) . des

muscles postérieurs de la cuisse (flexion de la jambe) et du groupe autero-

externe des muscles de la jambe et des muscles du pied (avec déforma-

lions diverses, varus équin principalement), enfin par un syndrome

génito-urinaire ;uu·.sllusie à topographie caractéristique, (roubles sphinc-

Il'riens, priapisme (en général transitoire) ou plus souvent impuissance].

Les réflexes cutanés plantaires sont abolis ainsi que le réflexe, achilléen,

e patellaire est conservé, parfois même exagéré.

[MOUTIER;] ,

51 G DIAGNOSTIC EN HAUTEUR DU SIÈGE DES LÉSIONS MÉDULLAIRES.

Syndrome du cône médullaire. Le cône médullaire comprend les

5e, 4e, 5e paires sacrées et les nerfs coccygicns. Il répond approximati-

vement au corps de la 2e vertèbre lombaire. Le syndrome révélateur de

ses lésions est en général difficile à distinguer de celui de la moelle

lomho-sacréc ou epiconc et se confond d'ordinaire avec le syndrome de

la queue de cheval. Théoriquement, sa séméiologic est cependant fort

simple, ses lésions se traduisent par l'intégrité des sciatiques, et par suite

de la motilité et de la sensibilité des membres inférieurs, ainsi que par

la conservation des réflexes achilléen et rotulien. En revanche, il existe

de l'anesthésie en selle ou en garniture des régions sacrée, ano-périnéalc,

fessière, de la verge ou des grandes lèvres. Il y a rétention des matières ci

Fig. 2. Cône médullaire et épicône. Vertèbres osseuses inférieures et moelle inférieure

avec ses différents segments. Le cône médullaire est formé par la réunion des 3°, 4°,

5° segments sacrés et du segment coccygien Le .. filum terminale » brait suite au cône.

L'epicùue le surmonte. Une racine sacrée a est représentée dans son long trajet avec une

lésion X, supposée placée en ses deux points extrêmes. Le cùne médullaire correspond

au corps de la deuxième vertèbre lombaire. Le liquide céphalo-rachidien 7. s'arrête en Il

(deuxième vertèbre sacrée) au point de réflexion de la membrane arachnoïdo-pie-mpriennc.

La queue de cheval baigne au milieu du liquide ciltltalo-rachilien (D'après Sicard, in Pra-

l ique 111édico-chirul'gicale).

DIAGNOSTIC .EN HAUTEUR DU SIÈGE DES LÉSIONS MÉDULLAIRES. 517.

de l'urinc. Le réflexe bulbo-caverneux est aboli; on note l'ahsence d'éja-

culalion et parfois même d'émission. L'introduction du pénis dans le

vio-in n'est plus sentie. - La compression du cône médullaire ne saurait

provoquer, étant donnée la topogra-

phie de la queue de cheval, un syn-

drome aussi Il faut, pour le

déterminer, soit un foyer de myélite

localisée, soit une hémalomyélie peu

étendue.

Syndrome de la queue de che-

val. On désigne sous le nom de

queue de cheval l'ensemble des trois

dernières racines lombaires, des ra-

cines sacrées et des racines coccy-

giennes. Nous mentionnons ici le

syndrome révélateur de ses lésions,

hien qu'il soit à proprement parler

radiculaire et non médullaire, parce,

qu'il se confond facilement avec

le syndrome des compressions ou

foyers médullaires bulbo-sacrés. On

trouve en effet, dans le syndrome de la queue de cheval, l'ensemble des

signes réunis des lésions de l'épicônc (se reporter à la figure) et du cône

médullaire. Il y a paraplégie totale des membres inférieurs avec abolition

constante du réflexe du tendon d'Achille, abolition fréquente du réflexe

pteitan'c : il faut, pour la disparition de ce dernier, que la troisième

[MOUTIER] ]

Fig. 5. Syndrome de Brown-Séquard.

Représentation schématique de la moelle vue

de dos (coupe longitudinale). CSG, colonne

sensitive gauche; CSD, colonne sensitive

droite; A, B, C, D, section portant sur la

moitié gauche de la moelle; S, S, S, SI, Si,

S3, SI', racines sensitives du côté droit,

s'entre-croisant sur la ligne médiane pour se

rendre à la colonne sensitive CSG du côté

gauche; Z, Z, 7,r, Z2, Z3, Z*. racines sensitives

du côté gauche. Les trois racines Z', Z3 et

S= (représentées par des traits plus forts) sont

simplement irritées en C, A et B, leur terri-

toire d'innervation périphérique est hyperes-

thésié. A la racine Z2, sectionnée, corres-

pond une bande d'anesthésie du côté de

la lésion. A la racine S', sectionnée égale-

ment, et il toutes les racines inférieures S,

S (représentées en pointillé) qui aboutissent

il la colonne sensitive gauche interrompue

par la section, correspond un territoire ailes-

lhésid, du côté opposé il lésion, et au-des-

sous d'elle (d'après Brissaud).

518 DIAGNOSTIC EN HAUTEUR DU SIÈGE DES LÉSIONS MÉDULLAIRES.

racine lombaire soit atteinte. Les réflexes cutanés, plantaire et créinas-

térien, disparaissent également. Les douleurs sont extrêmement accusées,

et les malades, au début du moins, paraissent souffrir de sciatique

simple, unilatérale ou double. Mais les troubles de la sensibilité attei-

gnant en avant le pli inguinal, en arrière la limite supérieure du

sacrum avec anesthésie tout particulièrement intense au niveau du

périnée et des organes génitaux, permettent d'orienter le diagnostic. Il

yole le plus souvent constipation et incontinence d'urine.

On note, comme caractères distinctifs propres au syndrome de la

queue de cheval, les symptômes suivants. L'évolution est plus rapide,

plus prompte, que dans les compressions médullaires directes. La para-

plégie est totale, flasque d'emblée, l'atrophie rapide, la réaction de dégé-

nérescence hâtive. Il y a des troubles trophiques intenses, cyanose,

algidité, oedème chimique, escarres aux points d'appui. L'intensité des

douleurs, leur caractère térébrant, sont également en faveur d'une lésion

radiculaire. En revanche, l'existence d'un syndrome de Brown-Séquard

ou d'une dissociation syringoinyélique de la sensibilité permettrait

d'affirmer une atteinte exclusivement médullaire. En tout cas, il faut se

souvenir que le syndrome peut être très incomplet, se réduire par

exemple à quelque sciatique douloureuse avec impotence de la marche.

Un examen approfondi de la sensibilité permettra dans ces cas de

dépister des troubles parfois considérables et de parvenir ainsi au dia-

gnostic exact. Cet examen détaillé de la sensibilité permettra encore de

découvrir les racines plus particulièrement soumises aux effets nocifs du

processus morbide (').

1. Pour compléter ce chapitre, voir plus haut, pp. 558-344, l'étude détaillée de cer-

tains troubles sensitifs, et plus loin les figures et le texte de la séméiologie des troubles

radiculaires.

PARALYSIE PÉRIODIQUE FAMILIALE

par le D' CROUZON

1'esi.phal a désigné sous ce nom « un cas remarquable de paralysie

périodique des quatre extrémités », avec disparition simultanée de l'exci-

tabilité électrique pendant la paralysie (Berliner ¡llinische TV ochensch1'ift,

août 1885 et mars 1886). Cette maladie est caractérisée par des paraly-

sies survenant par accès avec diminution ou disparition de l'excitabilité

électrique et des réflexes pendant la paralysie. Il n'existe pas de troubles

de la sensibilité ni de troubles de l'intelligence ; souvent, la maladie sur-

vient la nuit, et c'est au matin que le malade s'aperçoit de son accès; dans

d'autres cas, quand il se produit à l'état de veille, on peut noter quelques

symptômes prodromiques : lourdeur des membres, fourmillements, pico-

tements. Quand le malade est pris à l'état de veille, le début ne se fait pas

brusquement et, d'une façon totale, la paralysie ne survient que dans les

muscles inactifs. Il y a donc une influence très nette du repos et de l'im-

mobilité sur la production de ces accès : c'est ainsi que nous citerons,

d'après Cousot [Bévue de Médecine, 1887), l'évolution de la paralysie chez

un malade qui s'exerçait à un travail de copies; elle survint d'abord dans

les membres inactifs et n'atteignit les membres actifs qu'après la cession

du travail.

Quand la maladie est constituée, elle porte le plus souvent sur les qua-

tre extrémités et sur le tronc; quelquefois, on a observé de plus la parti-

cipation des muscles de la respiration, de la langue et du pharynx, d'où

production de difficulté de la respiration, de troubles de la déglutition,

de troubles de la parole.

Cependant, on peut dire d'une façon générale que tous les nerfs crâniens

restent indemnes, et les sphincters sont en général respectés. Les carac-

tères de la paralysie sont les suivants :

Elle peut être complète ou très légère ; d'autre part, un de ses carac-

tères fondamentaux, mentionné d'ailleurs pas- dans le titre même

de sa première communication, est l'abolition de l'excitabilité élec-

trique pendant la paralysie. Cette abolition est plus ou moins complète,

elle porte sur l'excitabilité faradique et galvanique ; elle porte également

aussi bien sur les muscles que sur les nerfs. Ce caractère est constant ; les

ICROUZON.]

20 PARALYSIE PÉRIODIQUE FAMILIALE.

réflexes, du reste, sont également supprimés ou diminués pendant l'accès.

Cette paralysie est flasque, la sensibilité et les organes des sens sont en

général respectés.

La disparition de la paralysie est progressive quand la maladie s'est

constituée d'une façon graduelle; les muscles recouvrent leurs fonctions

en sens inverse de l'invasion, et les troubles électriques disparaissent en

même temps que les troubles moteurs. La durée de l'accès peut être de

quelques heures et peut se prolonger quelques jours et quelquefois toute

une semaine. Quant au retour des accès, il ne peut être prévu; quelquefois

les accès se reproduisent une ou deux fois par semaine, une fois par mois ;

quelquefois la fréquence des crises augmente progressivement et peut

diminuer par la suite.

Enfin, il existe un cas de Gollf7am ou il y a eu un accès unique.

Un autre caractère de la maladie de Westphal est son caractère familial

et héréditaire ; c'est surtout dans toutes les observations de Cousot, de

Goldllam que ce caractère a été relevé. La transmission de la maladie se

fait directement, et l'hérédité similaire est connue.

Les autres points de vue de l'étiologie sont encore obscurs : toutefois, il

est incontestable qu'il faut la différencier totalement des paralysies palu-

déennes. D'autre part, les affections que l'on a signalées dans les antécé-

dents n'ont pas eu une influence incontestable. Le diagnostic se fera

d'après la triade symptomatique que nous venons de décrire : paralysie

périodique, abolition transitoire de l'excitabilité électrique, caractère

familial et héréditaire. '

PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE

SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES ISOLÉES

DE CHAQUE MUSCLE

par Georges GUILLAIN

Avant de faire l'étude séniéiologique des paralysies, avant de décrire la

topographie des troubles de la inutilité dans les lésions tronculaires,

radiculaires ou centrales, il m'a semblé nécessaire de rappeler dans un

chapitre d'ensemble les insertions, l'innervation, les fonctions des diflé-

rents muscles du corps humain et aussi les troubles qui résultent de leur

paralysie isolée. La connaissance précise de la myologie est absolument

indispensable au neurologiste. A chaque instant il doit se rappeler l'ana-

tomie et la physiologie musculaire normales pour interpréter les phé-

nomènes pathologiques devant lesquels il est en présence.

Je considère ce premier chapitre comme étant d'une importance pri-

mordiale. Il me permettra d'ailleurs d'être plus bref et d'éviter des répé-

titions dans la description des diverses paralysies, car il suffira de se

rapporter à la physiologie normale des muscles pour comprendre les

troubles consécutifs à la suppression de la fonction d'un ou de plusieurs

d'entre eux (').

I. MUSCLES DU MEMBRE SUPÉRIEUR

MUSCLES DE L'ÉPAULE

Deltoïde. Insertions. Le deltoïde s'insère en haut : 1° sur la

moitié ou le tiers externe du bord antérieur de la clavicule; 2° sur le

1. Pour la rédaction des pages qui suivent, je me suis inspiré principalement du

Traité d'Anaiomie de 31. Poirier, du Traité d'Anatomic de M. Testut, de la Physio-

logis des mouvements de Duchenne de Boulogne, de l'article Physiologie des muscles

de M. llallion dans le Traite de Médecine de Bouchard et Brissaud. :

J'ai mentionné de préférence les insertions musculaires décrites par M. Testut.

[G GUILLAIN.] 1

522 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

bord externe de l'acromion; 5" sur la lèvre inférieure, de l'épine de l'omo-

plate dans toute son étendue. Les faisceaux antérieurs ou claviculaires

se portent obliquement en bas, en dehors et en arrière; les faisceauxpos-

térieurs ou spinaux en bas, en dehors et en avant; les faisceaux moyens

ou acromiaux verticalement en bas. Tous viennent s'insérer en bas sur

l'empreinte deltoïdienne de l'humérus.

Innervation. Nerf circonflexe, branche terminale du plexus bra-

chial.

Physiologie. Les faisceaux antérieurs du muscle portent l'humérus

en avant et en dedans jusqu'il l'horizontale, les faisceaux postérieurs por-

tent l'humérus en arrière, mais amènent une élévation moindre du bras

qui forme un angle de 4J degrés avec l'horizon. Quant aux faisceaux

moyens, ils élèvent le bras directement en dehors il une hauteur intermé-

diaire entre celle déterminée par les faisceaux antérieurs et celle déter-

minée par les faisceaux postérieurs. Quand tous les faisceaux du muscle

se contractent, il en résulte une abduction directe du bras. Le deltoïde

ne peut élever seul le bras au-dessus de l'horizontale, car l'humérus ren-

contre alors le sommet de l'acromiou qui l'arrête ; le mouvement est

aussi arrêté par la distension du muscle grand rond et de la partie infé-

rieure de la capsule de l'articulation scapulo-humerate.

L'élévation du bras au-dessus de l'horizontale, dans la position verti-

cale par exemple, se fait par l'action simultanée et combinée du-grand

dentelé et du deltoïde. En effet, la contraction du deltoïde, en même temps

qu'elle élève le bras, a pour résultat de faire pivoter l'omoplate de dehors

en dedans, autour de son angle interne et d'abaisser l'angle externe acro-

mial. Or le grand dentelé s'oppose il la rotation de l'omoplate et même, la

faisant pivoter autour de son angle interne, en élève l'angle externe acro-

mial. '

Le mouvement d'abduction du bras est très important; aussi la para-

lysie du deltoïde est-elle particulièrement gênante. Dans ce cas, il y a

impossibilité de porter la main a la bouche, de la mettre dans la poche

du pantalon; on ne peut s'habiller seul.

Le muscle sus-épineux a une action abductrice semblable il celle du

deltoïde quoique moindre ; aussi les symptômes de la paralysie du del-

toïde seront-ils atténués si le sus-épineux est normal. L'action du grand

dentelé peut être suppléée par la portion moyenne du trapèze.

Sus-épineux. Insertions. Le sus-épineux s'insère en dedans

aux deux tiers internes de la fosse sus-épineuse ainsi qu'il la face pro-

fonde de l'aponévrose qui le recouvre. En dehors, il prend insertion sur

la facette supérieure de la grossi ! tubérosité de l'humérus.

Innervation. NeÍ7f sus-scapulair(', branche du plexus brachial.

Physiologie. Le sus-épineux élève le bras en avant et en

dehors et lui imprime une rotation légère en dedans. Ayant une action

semblable il celle du deltoïde, il peut atténuer les troubles produits par

la paralysie de ce muscle. Réciproquement, le deltoïde intact compense les

MUSCLES DU MEMBRE SUPÉRIEUR. M5

effets de la paralysie du sus-épineux. Duchenne a insisté sur ce fait que

le sus-épineux joue le rôle d'un ligament de l'articulation scapulo-humé-

rate.Quand il est paralysé. la tète numérale, par la contractiondudeltoïde,

est souvent subluxec en arrière et en bas.

Sous-épineux. Insertions. Le sous-épineux s'insère : 1° sur

les deux tiers internes de la fosse sous-épineuse ; 2" sur la face profonde

de l'aponévrose qui le recouvre; 3° sur une cloison fibreuse qui le sépare

du grand rond et du petit rond. En dehors, son tendon vient prendre in-

sertion sur la facette moyenne de la grosse tubérosité de l'humérus.

Innervation. Nerf sus-scapulairc, branche du plexus brachial.

Physiologie. Le sous-épineux amène la rotation de l'humérus en

dehors. Il a un rôle dans l'acte de l'écriture en conduisant la main le

long de la ligne écrite ; aussi l'écriture est très gênée quand il est para-

lysé. Ce muscle peut être considéré aussi comme un ligament actif de

l'articulation scapu 10- II lUI d'raIe.

Petit rond. Insertions. Le petit rond s'insère : 1° sur la moi-

tié supérieure de la facette étroite et longitudinale qui s'étend le long

du bord axillaire de l'omoplate entre ce bord et la fosse sous-épineuse;

2° sur une cloison fibreuse qui le sépare du sous-épineux; 3" sur une

deuxième cloison fibreuse qui le sépare du grand rond, muscle situé au-

dessous de lui ; 4° sur la partie inférieure de l'aponévrose sous-épineuse.

Le muscle se porte en haut et en dehors et se fixe sur la facette inférieure

de la grosse tubérosité de l'humérus.

$Innervation. Rameau du nerf circonflexe.

, Physiologie. Le petit rond détermine la rotation en dehors de

l'humérus et applique la tête de cet os dans la cavité glénoïde.

Grand rond. Insertions, Le grand rond s'insère : 1" sur l'an-

gle inférieur de l'omoplate; `3° sur la moitié inférieure de la facette

étroite et longitudinale qui s'étend le long du bord axillaire de l'omoplate

entre ce bord et la fosse sous-épineuse; 5" sur les cloisons fibreuses qui

le séparent du petit rond et du sous-épineux ; 4° sur la face profonde de

l'aponévrose. sous-épineuse. Le muscle se porte en haut, en dehors et en

avant ; son tendon terminal s'insère a la lèvre interne de la coulisse bici-

pitale. .

Innervation. Nerf du grand rond, branche spéciale du plexus bra-

chial.

Physiologie. Le grand rond prenant son point fixe sur l'omoplate

porte le bras en dedans et en arrière. Prenant au contraire son point fixe

sur l'humérus, il agit sur l'angle, inférieur de l'omoplate qu'il porte en

avant et en haut.

, C'est un muscle d'une puissance faible; aussi sa. paralysie n'amène pas

de troubles importants.

Sous-scapulaire. Insertions. Le sous-scapulaire s'insère en

dedans : 1" sur la lèvre, antérieure du bord spinal de l'omoplate; 2" sur

les crêtes de la fosse sous-scapulaire et dans les larges gouttières qui les

[G. GUILLAIN ]

524 ' PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

séparent : 5° sur la lèvre antérieure du bord axillaire de l'omoplate. En

dehors il s'insère sur la petite tubérosité de l'humérus.

Innervation. Deux nerfs distincts provenant du plexus brachial :

1° le nerf supérieur du sous-scapulaire innerve les faisceaux supérieurs

du muscle ; 2° le nerf inférieur du sous-scapulaire innerve les faisceaux

moyens et inférieurs.

Physiologie. - Le sous-scapulaire. le rotateur humerai antérieur de

Duchenne, détermine la rotation en dedans de l'humérus. Il est antago-

niste des muscles sous-épineux et petit rond qui forment le rotateur

humerai postérieur de I)uchenne. Le sous-scapulaire est adducteur du

hras, il rapproche l'humérus du tronc quand il en a été écarté. 11 tend à

appliquer la tète numérale contre la cavité glénoïde, jouant ainsi le rôle

de ligament actif de l'articulation scahulo-lucmérolc. à

MUSCLES DU BRAS

Biceps. - Insertions. Le muscle biceps est formé de deux por-

tions qui s'étendent de l'omoplate au radius. La courte portion s'insère

sur le sommet de l'apophyse coraeoïdc par un tendon commun avec le

coraco-brachial. La longue portion s'insère sur l'omoplate au-dessus de

la cavité glénoïde en se confondant à ce niveau avec le bourrelet glenoï-

dien ; ce tendon d'origine contourne de dedans en dehors la tête de

l'humérus et vient se loger dans la gouttière dite bicipitale qui sépare la

grande de la petite tubérosité. Les deux portions du muscle se fusionnent.

En bas le tendon terminal s'insère à la face postérieure de la tubérosité

bicipitale du radius. Du côté interne du tendon terminal se détache l'ex-

pansion aponévrotique du biceps, lame fibreuse qui se porte en has et en

dedans, s'élargit et se fusionne avec la partie de l'aponévrose antibra-

chiale qui recouvre les muscles épitrochléens.

Innervation. Nerf musculo-cuiané. ,

Physiologie. L'action du biceps est différente suivant que la main

est en supination ou en pronation. Dans le premier cas, il fléchit l'avant-

bras sur le bras. Dans le second cas, la contraction du muscle amène

d'abord la main en supination, puis il ffechit l'avant-bras sur le bras. La

puissance d'action du muscle s'accroît à mesure que le coude se rap-

proche de l'angle droit. Ainsi le biceps est un fléchissear-suhinateur.

Duchenne de Boulogne pense que l'action supinatrice serait plutôt le fait

de la courte que de la longue portion. Il est à remarquer que les deux

fonctions du biceps, la supination et la flexion, peuvent être suppléées,

aussi sa paralysie n'abolit pas complètement l'une et l'autre.

Dans l'acte de grimper, l'avant-bras est fixé. Le biceps agit alors sur

l'épaule qu'il porte en haut et sur le bras qu'il fléchit sur l'avant-bras.

Par son expansion aponévrotique le biceps a une action utile aux fonc-

tions de certains muscles de l'avant-bras. En effet, cette expansion tend

l'aponévrose antibrachiale, fixe l'insertion supérieure des muscles de la

MUSCLES DU MEMBRE SUhi ? P'f;RI ? 525

couche superficielle du groupe épitrochlécn et favorise ainsi leur action.

Le tendon de la longue portion du biceps joue le rôle de ligament actif

de l'articulation de l'épaule. Haillon rappelle ainsi cette action : « Quand

un sujet normal soulève un objet lourd avec l'avant-bras fléchi, la con-

traction du biceps fait que le tendon de la longue portion du muscle se

tend; ce tendon, véritable ligament actif, contribue il maintenir la tête

humorale au niveau de la cavité glénoïde. Quand le muscle est paralysé, le

même mouvement, qui s'accomplit alors à l'aide des autres fléchisseurs

du coude, peut s'accompagner de douleurs dans l'épaule par tiraillement

de l'appareil ligamenteux articulaire. »

Coraco-brachial. Insertions. Le coraco-brachial s'insère en

haut sur le sommet de l'apophyse coracoïde par un tendon commun avec

la courte portion du biceps. En bas, il s'insère sur la face interne de

l'humérus un peu au-dessus de sa partie moyenne.

Innervation. Nerf niuseulo-cutané.

Physiologie. Le coraco-brachial porte le bras en avant, en dedans

et en haut. Son action adductricc est faible, mais il joue un rôle cepen-

dant, utile dans ce mouvement. En effet, les puissants adducteurs du

bras, le grand dorsal, le grand rond, le grand pectoral, ont tendance à

tirer de haut en bas l'humérus. Au contraire, le coraco-hrachial, ainsi

d'ailleurs que la longue portion du triceps, exercent sur l'humérus une

traction de bas en haut. Aussi, quand le triceps et le coraco-brachial sont

paraisses, les adducteurs du bras par leur contraction peuvent-ils déter-

miner une subluxation en bas de la tête de l'humérus.

Brachial antérieur. Insertions. Le brachial antérieur s'in-

sère en haut : 1° sur la lèvre inférieure de l'empreinte deltoïdienne au-

dessous du deltoïde ; 2° sur les deux faces interne et externe, et sur les

trois bords de l'humérus ; 5° sur les cloisons fibreuses qui le séparent du

biceps. En bas, il s'insère sur cette surface rugueuse placée à la base de

l'apophyse coronoïde du cubitus.

Innervation. Branche externe du musculo-cutané. Dans les trois

quarts des cas. le brachial antérieur, outre cette branche principale,

reçoit au niveau de son bord externe un petit rameau accessoire qui se

détache du nerf radial.

Physiologie. Le brachial antérieur fléchit l'avant-bras sur le bras,

c'est le 'fléchisseur indépendant de Duchenne. Il est plus puissant que le

biceps, mais ses fibres étant moins longues que celles de ce muscle ont

vite donné leur maximum de raccourcissement et le mouvement de

flexion commencé par. le brachial antérieur est le plus souvent terminé

par le biceps.

Quand 1 avant-bras est fixe. comme dans l'action de grimper, le bra-

chial antérieur fléchit le bras sur l'avant-bras.

La paralysie isolée du brachial antérieur n'empêche pas la flexion

simple du coude, car le biceps et le long supinateur, en se contractant

syucrgiqllement, amènent ce mouvement. Quand les trois fléchisseurs de

[G. GUILLAIN]

526 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

l'avant-bras (biceps, brachial antérieur, long supinateur) sont paralyses,

la flexion de l'avant-bras est presque impossible, car seuls peuvent agir

encore comme fléchisseurs, et très faiblement, les muscles épitrochléens.

Triceps brachial. Insertions. Le triceps brachial est un

muscle constitué par trois portions distinctes à leur origine supérieure

et qui se réunissent en bas pour prendre insertion sur le cubitus. La

longue portion s'insère sur la petite zone triangulaire située au-dessous

de la cavité glénoïde. Le vaste externe s'insère sur l'aponévrose intenl1us-

culaire externe, et sur la portion de la face postérieure de l'humérus

située au-dessus de la gouttière de torsion. Le vaste interne s'insère sur

l'aponévrose intermusculaire interne, et sur la portion de la face posté-

rieure de l'humérus située au-dessous de la gouttière de torsion. Le ten-

don inférieur terminal du triceps s'insère sur la face postérieure de

l'olécrane et sur ses bords latéraux.

Innervation. Nerf radial. 11 y a un nerf spécial pour chaque portion

du triceps. Les rameaux de la longue portion et du vaste interne, naissent

du radial à la partie supérieure du bras, le rameau du vaste externe naît

plus bas dans la gouttière de torsion.

Physiologie. Le triceps brachial est un extenseur de l'avant-bras

sur le bras. Ce sont surtout les vastes externe et interne qui ont ce rôle

extenseur; la longue portion du triceps joue un rôle utile en maintenant

dans la cavité glénoïde la tète de l'humérus qui aurait tendance à se pro-

jeter en avant et en dehors, entraînée par le membre supérieur dans cer-

tains actes, comme' celui de frapper un coup violent alors que la main

contient un corps lourd, connue par exemple un marteau. La longue por-

tion prenant insertion sur la ceinture thoracique rapproche le membre su-

périeur du tronc. Pour que la longue portion ait son maximum d'action,

il est nécessaire que l'omoplate soit fixe.

L'anconé peut suppléer dans une certaine mesure le triceps paralysé.

La paralysie simultanée du triceps et de l'anconé rend impossible l'ex-

tension de l'avant-bras sur le bras. Toutefois, dans beaucoup de mouve-

ments. la pesanteur de l'avant-bras peut réaliser l'extension du coude, ce

qui atténue l'importance fonctionnelle résultant de la paralysie. Quand

les extenseurs de l'avant-bras sont paralysés, les fléchisseurs agissent

d'une façon défectueuse, car l'on sait que c'est une loi de la physiologie

que les muscles ne fonctionnent bien qu'autant que leurs antagonistes

sont normaux.

MUSCLES DE LAVANT-BRAS

Région antérieure de l'avant-bras.

Dans la région antérieure de l'avant-bras, on trouve huit muscles

disposés sur quatre plans. Le premier plan possède quatre muscles : le

rond pronateur, le grand palmaire, le petit palmaire, le cubital antérieur;

MUSCLES DU MEMBRE SUPÉRIEUR. 527 7

le second plan contient le fléchisseur commun superficiel des doigts ; le

troisième plan comprend deux muscles : le fléchisseur commun profond

des doigts en dedans, le fléchisseur propre du pouce en dehors; le qua-

trième plan n'est constitué que par le muscle carré pronateur.

Rond pronateur. Insertions. Le rond pronateur nait en

haut par deux faisceaux : le faisceau epitrochteen s'insère sur la face

antérieure de t'epitrochtec, sur la portion inférieure du bord interne de

l'humérus et sur la cloison intermusculaire qui le sépare du grand pal-

maire; le faisceau coronoïdien s'insère sur le bord interne de l'apophyse

coronoïde. En bas, le tendon du muscle prend insertion sur la partie

moyenne de la face externe du radius. ,

Innervation. Nerf médian.

Physiologie. Le rond pronateur est d'abord pronateur de la main

et secondairement fléchisseur de l'avant-bras sur le bras. Il n'est un

fléchisseur puissant que lorsque son action pronatrice est annihilée par

la contraction synergique d'un muscle antagoniste comme le biceps.

Grand palmaire. Insertions. Le grand palmaire s'insère

en haut sur la face antérieure de t'epitrochtec par un tendon commun

aux muscles epitrochteens, sur l'aponévrose antihracliialc, sur les cloi-

sons qui le séparent du rond pronateur en dehors, du petit palmaire en

dedans, du fléchisseur commun superficiel en arrière. En bas, le tendon

du muscle prend insertion sur la face antérieure de l'extrémité supé-

rieure du deuxième métacarpien.

Innervation. Nerf médian.

Physiologie. Son rôle principal est de fléchir la main sur l'avant-

bras. Il peut aussi, mais dans une faible mesure, mettre la main en pro-

nation, en abduction et fléchir l'avant-bras sur le bras et. le bras sur

l'avant-bras quand ce dernier est immobilisé. Duchenne de Boulogne nie

l'action abductrice du grand palmaire.

Petit palmaire. Insertions. Le petit palmaire s'insère en

haut sur l'épitrochlée par un tendon commun avec les muscles epitro-

chluens, sur l'aponévrose antibrachiate, sur les cloisons fibreuses qui le

séparent du grand palmaire en dehors, du cubital antérieur en dedans,

du fléchisseur commun superficiel en arrière. En bas. le tendon du petit t

palmaire se divise en deux faisceaux : le faisceau interne plus volumi-

neux se fixe à la face antérieure du ligament annulaire en se confondant

avec 1 aponévrose palmaire, le faisceau externe se confond avec l'origine

des muscles de t'eminence thénar, principalement avec les faisceaux les

plus élevés de l'abducteur du pouce.

Innervation. Nerf médian.

Physiologie. Le petit palmaire fléchit la main directement sur

l'avant-bras; il peut secondairement, connue les autres muscles épitro-

clllécns, fléchir l'avant-bras sur le bras. On a dit qu'il était un tenseur de

l'aponévrose palmaire, ce rôle est très hypothétique.

Cubital antérieur. Insertions. Le cubital antérieur s'insère

[G. GUILLAIN.]

M8 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.'

en haut par deux faisceaux distincts : le faisceau epitrochleeu naît de

t epitrochtee et des cloisons fibreuses qui le séparent du petit palmaire et

du fléchisseur commun superficiel; le faisceau olécranien s'insère sur le

bord interne de l'olécrane et sur les deux tiers supérieurs du bord posté-

rieur du cubitus. En bas, le tendon du muscle s'insère sur l'os pisi-

forme.

Innervation. Nerf cubital. "

Physiologie. Le cubital antérieur fléchit la main. Duchenne a

insisté sur ce fait qu'au maximum de sa contraction il entraine le bord

interne de la main avec une telle force que sa face palmaire semble vou-

loir regarder en dehors, ce qui est dû Ù ce que le cubital antérieur agit

avec plus d'énergie sur le 5'' métacarpien que sur les autres. '*

Le cubital antérieur est considéré, par beaucoup d'auteurs, comme

adducteur de la main. Duchenne n'admet pas cette action qui, d'après

lui, n'appartiendrait qu'au cubital postérieur; il fait remarquer qu'on ne

peut guère s'expliquer l'existence d'un fléchisseur-adducteur, les mouve-

ments d'inclinaison latérale de la main atteignant leur minimum d'am-

plitude quand celle-ci est dans la flexion forcée.

La paralysie du grand palmaire, du petit palmaire, du cubital anté-

rieur, n'entraîne pas de trouble dans l'attitude de la main, elle abolit la

flexion de la main sur l'avant-bras et diminue secondairement la puis-

sance d'action des muscles extenseurs commun et propre des doigts.

Fléchisseur commun superficiel des doigts. Fléchis-

seur commun profond des doigts. Insertions. Le fléchis-

seur commun superficiel des doigts s'insère en haut sur l'épitrochlée en

se confondant plus ou moins à ce niveau avec les muscles superficiels,

sur le bord interne de l'apophyse coronoide en dedans et au-dessous du

tendon du brachial antérieur, sur la partie moyenne du bord antérieur

du radius. En bas, les quatre tendons terminaux viennent se fixer, par

deux languettes chacun, sur les côtés interne et externe de l'extrémité

supérieure de la deuxième phalange des : 2". ") ? 4" et 5e doigts.

Le fléchisseur commun profond des doigts s'insère en haut sur les

trois quarts supérieurs de la face antérieure et de la face interne du

cubitus, sur la portion de 1 aponévrose antibrachiate qui recouvre la face

interne de cet os, sur les deux tiers internes du ligament interosseux,

enfin par quelques faisceaux sur la face antérieure du radius en dedans

et au-dessous de la tubérosité bicipitale. Les quatre tendons terminaux

du muscle glissent dans la gouttière du carpe, traversent, en divergeant.

la région palmaire où ils donnent insertion aux muscles tombrieaux.

perforent au niveau des doigts les tendons correspondants du fléchisseur

superficiel et. finalement, s'insèrent sur l'extrémité postérieure de la

troisième phalange des quatre derniers doigts.

Innervation. Le fléchisseur commun superficiel des doigts est

innervé par le médian. Le fléchisseur commun profond des doigts est

innervé par le médian et par le cubital. Le médian, par l'intermédiaire

MUSCLES DU MEMBRE SUPERIEUR. 52 ! )

du nerf interosseux, donne des rameaux à sa moitié externe, c'est-à-dire

aux deux faisceaux destinés à l'index et au médius. Le cubital innerve la

moitié interne, c'est-à-dire les deux faisceaux qui se rendent à 1' : lIlIIU-

laire et au petit doigt.

Physiologie. Le fléchisseur superficiel fléchit les deuxièmes pha-

langes, le fléchisseur profond fléchit les deuxièmes et les troisièmes pha-

langes. Ces muscles agissent à peine sur les premières phalanges dont

la flexion est déterminée par les interosseux. Pour que les fléchisseurs

agissent avec puissance, il est nécessaire que les muscles extenseurs

soient normaux. Le fléchisseur profond ne peut fléchir encrgiquemcnt la

dernière phalange que si la première phalange est étendue fortement;

c'est ainsi, connue ta l'ait remarquer Duchenne, que se forme la griffe si

puissante pour déchirer avec les ongles.

Quand les muscles fléchisseurs sont paralysés, les différents usages de

la main sont abolis, la plus légère pression exercée sur la face antérieure

des deux dernières phalanges amène leur renversement en arrière. La

main se déforme, car les interosseux étendent les deux dernières pha-

langes fortement et amènent même la subluxation de leur extrémité

supérieure. Quand le fléchisseur superficiel est seul paralysé, la deuxième

phalange est dans l'extension forcée et la troisième fléchie. Quand le

fléchisseur profond est seul paralysé, la troisième phalange, est seule dans

l'extension, la deuxième étant maintenue dans sa situation par le fléchis-

seur superficie ! .

Long fléchisseur propre du pouce. Insertions. - Le long

fléchisseur propre, du pouce s'insère en haut sur la face antérieure du

radius, dans ses trois quarts supérieurs et sur le tiers externe du liga-

ment interosseux. Il reçoit en outre dans la moitié des cas sur son bord

interne un faisceau de renforcement (faisceau accessoire de Gantzer) ; ce

faisceau, variable, dans son volume, provient soit de l'apophyse coronoïde,

soit de la face antérieure du cubitus, soit ¡Je Il'pill'Ol'hlél', soit de la masse

commune des muscles epitrochteens. Le tendon terminal se fixe en bas

sur 1 extrémité postérieure de la phalange unguéale du pouce.

Innervation ? Nerf interosseux, branche du médian.

Physiologie. Le long fléchisseur propre du pouce amène la flexion

de la deuxième phalange, son action sur la première phalange est- très

limitée. Duchenne a insisté sur ce fait que le long fléchisseur propre,

n'agit pas sur le premier métacarpien. La paralysie de ce muscle, bien

que n'entraînant que la perle de la flexion de la deuxième phalange, rend

difficiles et même impossibles nombre d'actes, tels que l'écriture.

Carré pronateur. Insertions. Le carré pronateur s'insère

sur le quart inférieur du bord antérieur du cubitus, se porte transversa-

lement en dehors et s'insère, d'autre part, sur le bord antérieur et la face

antérieure du radius dans son quart inférieur.

Innervation. Nerf interosseux, branche du médian. : Physiologie. Il l'ait tourner le radius de dehors en dedans et met

11;.\TI(11'I : \F : UItIIL. soi

[G. GUILLAIN ]

550 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

ainsi la main en pronation. Le rôle pronateur de ce muscle a été mis en

doute par Ilyrtl, mais Calori, Testut, Wertheimer ont montré par l'expé-

rimentation que l'opinion soutenue par Ilyrtl n'était pas justifiée.

Région externe de l'avant-bras.

La région externe de l'avant-bras comprend quatre muscles : le long

supinateur, le premier radial externe, le deuxième radial externe, le

court supinateur.

Long supinateur. Insertions. Le long supinateur s'insère en

haut sur le bord externe de l'humérus au-dessous de la gouttière de tor-

sion et sur la cloison intermusculaire externe; il se porte verticalement

en bas où son tendon s'insère à la base de l'apophyse styloïde du radius.

Innervation. Nerf radial.

Physiologie. Le long supinateur lléchit l'avant-bras sur le bras, et

le met en demi-pronation. Quand la main est en pronation forcée le

muscle en se contractant est supinateur, puisqu'il amène l'avant-bras en

demi-pronation. Le long supinateur est donc à la fois pronateur et supi-

nateur. La paralysie du long supinateur est facile à constater en priant le

malade de fléchir l'avant-bras en demi-pronation, on ne perçoit pas alors

la corde du muscle contracté. "

Premier radial externe. Insertions. Le premier radial

externe s'insère en haut sur le bord externe de l'humérus au-dessous du

long supinateur et sur la cloison interniusculaire externe. En bas, le ten-

don du muscle se fixe en arrière de l'extrémité supérieure ou base du

deuxième métacarpien. ?

Innervation. Nerf radial.

Physiologie. Le premier radial externe étend le deuxième métacar-

pien sur le carpe et le carpe sur l'avant-bras, de plus il incline la main

vers le bord radial de l'avant-bras. Il est extenseur et adducteur de la

main. La paralysie de ce muscle amène une déviation permanente de la

main vers le bord cubital.

Deuxième radial externe. Insertions. Le deuxième

radial externe s'insère en haut sur l'épicondyle par un tendon qui lui est

commun avec les muscles superficiels de la région postérieure de l'avant-

bras, sur une forte aponévrose située sur sa face postérieure, sur le liga-

ment latéral externe de l'articulation du coude, sur une cloison fibreuse

qui le sépare de l'extenseur commun des doigts. En bas, le tendon s'insère

sur l'apophyse postérieure de la base du troisième métacarpien.

Innervation. Nerf radial.

Physiologie. Les auteurs classiques admettent que le deuxième

radial externe, de même que le premier, est un extenseur abducteur de

la main. Pour Duchenne de Boulogne, il est un muscle extenseur direct.

Lorsque le deuxième radial externe est seul paralysé, l'extension directe

de la main est encore possible grâce à la contraction simultanée des deux

MUSCLES DU MEMBRE SUPÉRIEUR. 551

autres extenseurs, le premier radial externe et le cubital postérieur; le

premier radial externe étant un extenseur abducteur, le cubital posté-

rieur un extenseur adducteur, leurs actions antagonistes s'annulent réci-

proquement.

Court supinateur. Insertions. Ce muscle s'enroule autour

du radius à la manière d'un demi-cylindre creux. Il s'insère en arrière

sur la facette rugueuse du cubitus située au-dessous de la petite cavité

sigmoïde, sur le quart supérieur du bord externe du cubitus, sur la par-

tie postérieure du ligament annulaire de l'articulation radio-cubitale

supérieure, sur le ligament latéral externe de l'articulation du coude;

parfois des faisceaux additionnels proviennent de l'épicondyle. Le muscle

court supinateur contourne le tiers supérieur du radius et vient s'insérer

sur la face externe et sur la face antérieure de cet os depuis le ligament

annulaire jusqu'à l'insertion du rond pronateur.

Innervation. - \erf radial.

Physiologie. Le court supinateur est un muscle supinateur (ner-

tique. est avec le biceps le principal agent de ce mouvement de l'avant-

bras.*

las."

.^H| Région postérieure de l'avant-bras.

La région postérieure de l'avant-bras comprend huit muscles qui for-

ment deux couches. La couche superficielle se compose de quatre mus-

cles : l'extenseur commun des doigts, l'extenseur propre du petit doigt,

le cubital postérieur, l'anconé. La couche profonde se compose égale-

ment de quatre muscles : le long abducteur du pouce, le court extenseur

du pouce, le long extenseur du pouce, l'extenseur propre de l'index.

Extenseur commun des doigts. Extenseur propre du

petit doigt. Insertions. L'extenseur commun des doigts s'in-

sère en haut sur la face postérieure de l'épicondyle, sur la face profonde

de l'aponévrose de l'avant-bras, sur les cloisons fibreuses qui le séparent

de l'extenseur propre du petit doigt en dedans et du deuxième radial

externe en dehors. En bas, le muscle se divise en trois faisceaux : un

faisceau externe pour l'index, un faisceau moyen pour le médius, un

faisceau interne pour l'annulaire et le petit doigt. Chacun des quatre

tendons reçoit sur ses bords au niveau de l'articulation métacarpo-pha-

langienne des expansions des muscles lombricaux et interosseux et se

divise en trois languettes, une médiane et deux latérales. La languette

médiane s'insère sur l'extrémité postérieure de la deuxième phalange,

les deux languettes latérales, après s'être fusionnées, s'insèrent sur

l'extrémité postérieure de la troisième phalange.

L'extenseur propre du petit doigt s'insère en haut sur la face posté-

rieure de l'épicondyle, sur l'aponévrose anti-brachiale, sur les cloisons

fibreuses qui le séparent des muscles voisins. Le tendon terminal du

muscle se fusionne avec le tendon que l'extenseur commun envoie au

[G. GUILLAIN.]

552 . PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

petit doigt et se termine sur les deux dernières phalanges de ce doigt.

Innervation. Nerf radial.

Physiologie. L'extenseur commun .des doigts étend les deux der-

nières phalanges sur les premières, les premières sur les métacarpiens et

la main sur l'avant-bras. Le muscle agit peu sur les deux dernières pha-

langes, au contraire il étend énergiquenient la première. Le défaut d'ac-

tion de l'extension sur les deux dernières phalanges tient un peu à la

"("81stanc¡' tonique des muscles fléchisseurs, niais surtout il ce que le ten-

'Ion, comme l'a montré Duchenne, envoie une expansion sur la base de

la première phalange; si l'on fait la section de celte expansion, une trac-

tion sur le tendon de l'extenseur amène immédiatement l'extension des

deux dernières phalanges. Des bandelettes unissant sur la face dorsale les

tendons de l'extenseur empêchent l'extension isolée du médius et de l'an-

uutaire.

L'extenseur propre du petit doigt permet 1 extension isolée du petit

doigt.

Les muscles extenseurs impriment aux doigts des mouvements de

latéralité. L'extenseur commun écarte du médius les trois autres doigts.

l'extenseur propre du petit doigt écarte celui-ci du médius. L'extenseur

propre de l'index au contraire rapproche ce doigt du médius. Ces mouve-

ments de latéralité des doigts sont très limités, mais ont cependant une

grande importance dans certains cas. par exemple lorsque l'index doit

être rapproché ou écarté du médius, sa première phalange étant étendue

et ses deux autres phalanges étant fléchies, c'est-à-dire dans une position

telle que l'action du deuxième interosseux palmaire et celle du premier

interosseux dorsal ne peuvent s'exercer sans fléchir la première phalange

et étendre les deux autres.

Cubital postérieur. Insertions. Le cubital postérieur in-

sère en haut sur l'épicondyle. sur la face profonde de l'aponévrose anti-

brachiale, sur les cloisons fibreuses qui le séparent de l'extenseur propre

du petit doigt en dehors et de l'anconé en dedans, sur la face postérieure

et le bord postérieur du cubitus. En bas, le tendon du muscle s'insère sur

le côté interne de l'extrémité supérieure du cinquième métacarpien.

Innervation. Nerf radial. '

Physiologie. Le cubital postérieur es) un extenseur et un adduc-

teur de la main; c'est le seul adducteur d'après Duchenne. Quand le pre-

mier et le second radial externes sont paralysés et que le cubital posté-

rieur est respecté, la main ne peut s'étendre sans se porter en mine

temps en dedans.

Anconé. insertions.t/ancone s'insère en haut sur la partie

postérieure et interne de l'épicondyle, il se porte en bas et en dedans et

se termine sur le côté externe de t'otecrane et sur une petite surface

triangulaire que limite en arrière le bord postérieur du cubitus.

Innervation. L'anconé reçoit son innervation du nerf radial par les

rameaux que ce nerf envoie au vaste externe.

MUSCLES DU MEMBRE SUPÉRIEUR, 5 5

Physiologie. L'anconé est extenseur de l'avant-bras sur le bras, il

détermine aussi au cubitus un mouvement de latéralité en dehors qui est

utile dans la pronation et la supination. La paralysie de ce muscle n'amène

pas de troubles appréciables si le triceps est normal.

Long abducteur du pouce. Insertions. Le long abduc-

teur du pouce s'insère en haut sur la face postérieure du cubitus, du

ligament interosseux du radius. En bas, le tendon se fixe sur la partie

externe de l'extrémité postérieure du premier métacarpien.

Innervation. Nerf radial.

Physiologie. Le long abducteur du pouce, d'après Duchenne, porte

le premier métacarpien en arrière et en avant de manière à le mettre en

opposition avec le bord externe du deuxième métacarpien. Quand il est

au maximum de sa contraction, il fléchit la main et l'incline en dehors.

Ce muscle n'intervient jamais, comme d'ailleurs le long et le court exten-

seur, dans les mouvements de supination (Poirier).

Court extenseur du pouce. Insertions. Le court exten-

seur du pouce s'insère en haut sur la face postérieure du ligament inter-

osseux et des deux os de l'avant-bras, principalement du cubitus. En bas,

le tendon s'insère sur l'extrémité postérieure de la première phalange du

pouce.

Innervation. Nerf radial.

Physiologie. Le court extenseur du pouce étend la première pha-

lange du pouce sur le premier métacarpien et porte le premier métacar-

pien en abduction.

La paralysie du court extenseur empêche l'extension du pouce et

entraîne la chute de ce doigt dans la paume de la main, la paralysie du

long abducteur et du long extenseur exagère cette attitude qui rend

impossibles la plupart des usages de la main.

Long extenseur du pouce. Insertions. Le long extenseur

du pouce s'insère en haut sur la face postérieure, du cuhitus et du liga-

ment interosseux, en has sur l'extrémité postérieure de la deuxième pha-

lange du pouce.

Innervation. - Nerf radial.

Physiologie. Le long extenseur du pouce étend la seconde pha-

lange sur la première, puis la première sur le métacarpien. Il porte aussi

le premier métacarpien en arrière et en dedans vers le deuxième méta-

carpien. Dans les cas de paralysie des muscles thénariens, le long exten-

seur, par son action tonique, amène le premier métacarpien en arrière sur

le plan du second et détermine sa rotation en dehors, de telle sorte que sa

face antérieure regarde directement en avant ; telle est l'attitude de la

main dite de singe.

Extenseur propre de l'index. Insertions. L'extenseur

propre de l'index s'insère en haut sur la face postérieure du cubitus et

sur le ligament interosseux, en bas son tendon se fusionne avec celui

que 1 extenseur commun envoie il ce doigt.

[G. GUILLAIN.]

fÍ;¡4 . PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE. : ,

Innervation. Nerf radial.

Physiologie. L'extenseur propre de l'index étend la première pha-

lange de l'index sur le métacarpien, il rapproche aussi ce doigt du

médius. -

MUSCLES DE LA MAIN

Région palmaire externe.

Muscles de l'éminence thénar. Insertions. - Ce court

abducteur du pouce s'insère sur le scaphoïde, sur la partie antérieure

et externe du ligament annulaire, souvent sur une expansion du tendon

du long abducteur. Il se termine en bas sur le côté externe de l'extré-

mité supérieure de la première phalange du pouce et envoie une expan-

sion au tendon correspondant de l'extenseur.

Le court fléchisseur du pouce s'insère en haut par des libres superfi-

cielles sur la partie externe et le bord inférieur du ligament annulaire du

carpe, par des fibres profondes sur le trapèze, sur la gaine fibreuse du

grand palmaire et par l'intermédiaire de cette gaine sur le trapézoïde et

le grand os. En bas, le muscle se divise en deux faisceaux : l'un, externe,

s'insère sur le côté externe de la première phalange du pouce ; l'autre,

interne, s'insère sur le côté interne de cette phalange ; ces deux faisceaux

prennent aussi insertion, avant d'atteindre la phalange, sur le sésamoïde

métacarpo-phalangien correspondant.

L'opposant du pouce s'insère d'une part sur la partie antéro-externe

du ligament annulaire et sur la face antérieure du trapèze, d'autre part

sur la partie externe de la face antérieure du premier métacarpien dans

toute son étendue.

L'adducteur du pouce s'insère en dedans par des faisceaux carpiens

et des faisceaux métacarpiens. Les faisceaux carpiens prennent insertion

sur la face antérieure de la deuxième rangée du carpe, principalement

sur le trapézoïde et le grand os, les faisceaux métacarpiens sur la base,

le bord antérieur et la tète du troisième métacarpien. Les fibres il inser-

tion carpienne ont un trajet oblique (adducteur oblique), les libres il

insertion métacarpienne un trajet plus ou moins transversal (adducteur

transverse), elles se fixent a l'os sésamoïde interne, et au côté interne de

l'extrémité supérieure de la première phalange du pouce.

Innervation. Le court abducteur du pouce est innervé par le médian

et par un rameau inconstant du radial.

Le court fléchisseur reçoit son innervation du médian pour son faisceau

externe, et de la branche profonde du cubital pour son faisceau interne.

L'opposant est innervé par le médian, l'adducteur par la branche pro-

fonde du cubital.

Physiologie. Le court abducteur et le faisceau externe du court

fléchisseur du pouce amènent la flexion et l'adduction du premier méta-

MUSCLES DU MEMBRE SUPÉRIEUR. 555

carpien, la flexion de la première phalange, l'extension de la seconde, la

rotation du pouce. L'adduction du pouce, combinée avec la rotation,

détermine le mouvement d'opposition. Sappey pense que le court abduc-

teur se contracte toujours synergiquement avec le long abducteur pour

produire avec lui l'abduction du pouce, fonction que lui conteste Duchenne.

L'adducteur du pouce et la partie interne du court fléchisseur amènent

le premier métacarpien, quelle que soit sa position préalable, en avant et

un peu en dehors du deuxième métacarpien.

, L'opposant détermine la llexion, l'adduction et la rotation en dedans du

premier métacarpien.

Les muscles de l'éminence thénar, comme le fait remarquer Poirier,

agissent en somme sur les trois os du pouce. Tous sont adducteurs du

premier métacarpien ; de plus, le court abducteur et le court fléchisseur

le fléchissent légèrement, et l'opposant lui imprime un léger mouvement

de rotation en dedans. Tous les muscles de l'éminence thénar, sauf l'oppo-

sant dépourvu d'insertions phalangiennes, sont fléchisseurs de la pre-

mière phalange. Enfin, le court abducteur, le court fléchisseur et l'ad-

ducteur produisent l'extension de la deuxième phalange sur la première.

C'est évidemment par l'intermédiaire de l'expansion aponévrotique, qu'ils

envoient au tendon du long extenseur, que ces muscles peuvent pro-

duire ce mouvement (Poirier).

Quand les muscles de l'éminence thénar sont paralysés, la tonicité du

long extenseur du pouce attire en arrière le premier métacarpien, le met

sur le même plan que les autres, la face palmaire du pouce regarde

directement en avant, c'est la main dite de singe. La perte de l'opposi-

tion du poucc rend impossibles les mouvements les plus importants de la

main. Le court abducteur du pouce est plus utile en tant qu'opposant que

les deux autres muscles (l'opposant et le faisceau externe du court flé-

chisseur) qui ont aussi celte fonction; lorsque le court abducteur est

seul respecté, le malade peut encore opposcr le pouce à l'index et au

médius.

Région palmaire interne. Muscle de l'éminence hypothénar.

Palmaire cutané. Insertions. Les faisceaux du palmaire

cutané s'insèrent, d'une part sur le bord interne de l'aponévrose pal-

maire, d'autre part à la face profonde de la peau de l'éminence hypo-

thénar.

Innervation. Branche superficielle du cubital.

Physiologie. Le palmaire cutané agit sur la peau qui recouvre

1 éminence hypothénar, il la plisse transversalement en l'attirant en

dehors. Il protège l'artère et le nerf cubital quand on serre, le poing

ferme, fortement un objet dans la main (1[I'nlc), Le palmaire cutané est

un muscle rudimentaire chez l'homme.

Adducteur du petit doigt. Insertions. L'adducteur du

[G. GUILLAIN.

M6 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

petit doigt s'insère en haut sur le pisiforme et sur une expansion

fibreuse que lui envoie le tendon du cubital antérieur, il se porte en bas

et en dedans et se fixe au côté interne de la première phalange du petit

doigt, en envoyant une expansion au tendon de l'extenseur.

Innervation. Branche profonde du cubital.

Physiologie. L'adducteur du petit doigt incline le petit doigt sur

le bord cubital du cinquième métacarpien, il le rapproche de la ligne

médiane du corps (adduction) ; si l'on rapporte son action à l'axe de la

main il peut être considéré comme abducteur. Ce muscle fléchit aussi la

première phalange sur le métacarpien.

Court fléchisseur du petit doigt. Insertions. Le court

fléchisseur du petit doigt s'insère, d'une part sur l'apophyse uncil'ol'me

de l'os crochu et sur la partie interne du ligament annulaire, d'autre

part sur le côté interne de la première phalange du petit doigt par le

même tendon que l'adducteur. ,

Innervation. Branche profonde du cubital.

Physiologie. Le court fléchisseur du petit doigt fléchit la première

phalange de ce doigt. Poirier dit qu'il étend les deux autres phalanges

lorsque, ainsi qu'il t'a vu plusieurs fois, le muscle envoie une expansion

dorsale au tendon extenseur.

Opposant du petit doigt. Insertions. L'opposant du petit

doigt s'insère, en haut, sur la partie inférieure et interne du ligament

annulaire, sur l'apophyse unciforme de l'os crochu, sur le ligament qui

unit cet os au pisiforme. En bas, le muscle prend insertion sur le coté

interne du cinquième métacarpien dans toute son étendue, t

Innervation. Branche profonde du cubital.

Physiologie. L'opposant du petit doigt porte le petit doigt en avant

et eu dehors, il ébauche un mouvement d'opposition.

Région palmaire moyenne.

Lombricaux. Insertions. Il existe, quatre muscles lombri-

caux s'étendant en hauteur depuis l'articulation carpo-metacarpienne

jusqu'à ta racine des doigts. Chacun d'eux naît sur les deux tendons du

fléchisseur profond entre lesquels il est situé, sauf le premier IOlllbl'ical

qui s'insère exclusivement sur le tendon de l'index. Au niveau de la

racine des doigts, ils obliquent en dehors vers le côté externe de l'articu-

lation 1lI¡)tacal'po-phalangiellne des quatre derniers doigts. La languette

tendineuse qui termine le muscle se réunit il la partie inférieure ou

longue portion du tendon de t'interosseux voisin et se fixe, avec lui sur

le tendon de l'extenseur correspondant jusqu'au niveau de la troisième

phalange. Le premier jombricai, situé sur le côté externe, de l'articulation

metacarpo-ptiataugiome de l'index, se termine sur le lendon extenseur

dn l'index : le secolld 100nbrieal, silw; SUI' II' eÙt<' ! l'xt('l'I1l' de l'arliculation

ulétacarpo-phalanginnne du médius, se termine sur le tendon extenseur

MUSCLES DU MEMBRE SUPÉRIEUR. 557

du médius; le troisième lombrical, situé sur le côté externe de l'articula-

tion métacarpo-phalangiennc de l'annulaire, se termine sur le tendon

extenseur de l'annulaire; le quatrième lomhrical, situé sur le côté externe

de l'articulation métacarpo-phalangienne du petit doigt, se termine sur le

tendon extenseur du petit doigt.

Innervation. Le médian innerve les deux lombricaux externes, la

branche profonde du cubital innerve les deux lombricaux internes.

Physiologie. Les lombricaux produisent la flexion de la première

phalange et l'extension des deux autres. '

Interosseux. Insertions. Il existe des muscles interosseux

palmaires et des muscles interosseux dorsaux. Chaque espace interrnéta-

carpien contient deux interosseux palmaires et un interosseux dorsal,

sauf, toutefois, le premier espace dépourvu d'interosseux palmaire.

Les interosseux palmaires, au nombre de trois, situés dans les trois

derniers espaces intermétacarpiens, s'insèrent sur la face du métacar-

pien qui regarde l'axe de la main, dans toute la hauteur de cette face,

mais sur sa moitié antérieure seulement, car la moitié postérieure donne

naissance à l'interosseux dorsal correspondant. Le tendon du muscle

vient se terminer sur le tendon de l'extenseur. Le premier interosseux

palmaire, s'insère sur la face cubitale du deuxième métacarpien et se fixe

sur le tendon extenseur de l'index, le deuxième interosseux palmaire

s'insère sur la face radiale du quatrième métacarpien et se fixe sur le

tendon extenseur de l'annulaire, le troisième interosseux palmaire s'in-

sère sur la face radiale du cinquième métacarpien et se fixe sur le ten-

don extenseur du petit doigt. Le métacarpien du médius ne donne nais-

sance à aucun interosseux palmaire.

Les interosseux dorsaux s'insèrent sur les deux faces métacarpiennes

qui forment un espace interosseux, mais inégalement; ils occupent toute

l'étendue de la face qui ne regarde pas l'axe de la main et la moitié seu-

lement de la face qui regarde l'axe de la main, cette face ayant déjà

donné insertion, dans sa moitié antérieure, à l'interosseux palmaire

correspondant. Le tendon terminal du muscle se divise en deux portions :

une courte portion qui se fixe a l'extrémité supérieure de la première

phalange sur le côté correspondant au métacarpien où ce muscle a pris

ses insertions les plus étendues, une longue portion qui se termine sur

le tendon de l'extenseur correspondant, depuis la première phalange

jusqu'à la troisième. Le tendon terminal des lombricaux se fusionne avec

celte longue portion.

Le premier interosseux dorsal s'insère sur la face cubitale (partielle-

ment) du premier métacarpien, sur la face radiale (en totalité) du second

métacarpien, il se rend au tendon extenseur de l'index. Le second inter-

osseux dorsal s'insère sur la face cubitale (partiellement) du second

métacarpien, sur la face radiale (en totalité) du troisième métacarpien, il

se rend au tendon extenseur du médius. Le troisième interosseux dorsal

s'insère sur la face radiale (partiellement) du quatrième métacarpien,

[G. GUILLAIN.]

133 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

sur la face cubitale (en totalité) du troisième métacarpien, il se rend

au tendon extenseur du médius. Le quatrième interosseux dorsal s'insère

sur la face radiale (partiellement) du cinquième métacarpien," sur la face

cubitale (en totalité) du quatrième métacarpien, il se rend au tendon

extenseur de l'annulaire.

Innervation. -La branche profonde du cubital innerve les interosseux

dorsaux et palmaires.

Physiologie. Les muscles interosseux fléchissent la première pha-

lange, étendent les deux autres. De plus, ils impriment aux doigts des

mouvements de latéralité. Les interosseux palmaires rapprochent les

doigts de l'axe de la main passant par le médius, ils sont adducteurs :

les interosseux dorsaux écartent les doigts de l'axe de la main, ils sont

abducteurs. Les mouvements d'abduction sont plus énergiques que les

mouvements d'adduction.

Quand les lombricaux et les interosseux sont paralysés, la flexion de

la première phalange et l'extension des deux dernières sont abolies, la

main ne peut serrer que faiblement les objets. Si l'on prie le malade

d'étendre les doigts, on constate que, seules, les premières phalanges

s'étendent, les deux dernières, au contraire, se fléchissent par la tonicité

des fléchisseurs superficiel et profond. Des mouvements de latéralité

des doigts peuvent encore s'exécuter par les faisceaux des extenseurs

commun et propre des doigts qui sont capables d'écarter l'index, l'annu-

laire et le petit doigt du médius, et aussi de rapprocher l'index de ce

doigt.

La paralysie des interosseux est parfois incomplète, le malade pouvant

étendre les deux dernières phalanges, mais étant incapable de rappro-

cher les doigts étendus. Duchenne a insisté sur ce fait que l'impossibilité

de rapprocher les doigts étendus caractérise le premier degré de la

paralysie des interosseux.

La paralysie des lombricaux et des interosseux a pour conséquence le

développement d'une griffé spéciale; les premières phalanges des doigts

sont en hyperextension par la rétraction des muscles extenseurs commun

et propre, les deux dernières phalanges sont fléchies par la rétraction des

fléchisseurs superficiel et profond. Les lombricaux peuvent suppléer,

mais imparfaitement, les interosseux; dans des cas de lésion du cubital,

la déformation en griffe est moins marquée au niveau du médius et de

l'index, quoique existant toutefois.

II. MUSCLES DU MEMBRE INFÉRIEUR

MUSCLES DU BASSIN

Grand fessier. Insertions. Le grand fessier s'insère sur la

lèvre externe de la crête iliaque dans sa partie la plus reculée, sur la

MUSCLES DU MEMBRE INFERIEUR. mis

ligne courbe postérieure de l'os coxal et sur la surface osseuse située en

arrière de cette ligne, sur le ligament sacro-iliaque postérieur, sur l'apo-

névrose lombaire, sur la crête du sacrum et du coccyx, sur la face posté-

rieure du grand ligament sacro-sciatique. Les faisceaux du muscle se

dirigent en bas et en dehors et s'insèrent sur la ligne rugueuse qui s'étend

du grand trochanter à la ligne âpre; les faisceaux les plus inférieurs du

muscle s'insèrent non sur le fémur, mais sur l'aponévrose fémorale, prin-

cipalement sur la partie externe de l'aponévrose qui est fusionnée avec le

tendon inférieur du tenseur du fascialata.

Innervation. Nerf fessier inférieur ou petit sciatique, une des

branches collatérales du plexus sacré.

Physiologie. Le grand fessier étend la cuisse sur le bassin et déter-

mine sa rotation en dehors. C'est, dit Duchenne, le plus énergique des

extenseurs de la cuisse, c'est lui qui la porte le plus en arrière, et il en

produit l'extension avec beaucoup plus de puissance que tous les autres

extenseurs réunis. Duchenne se refuse à admettre le rôle abducteur que

beaucoup d'auteurs attribuent au grand fessier. Toutefois, quand le sujet

est assis. les jambes fléchies, les pieds reposant sur le sol, la contraction

du grand fessier produit l'abduction de la cuisse; ce mouvement s'ef-

fectue d'ailleurs sans énergie. '

Quand le grand fessier prend un point fixe sur la cuisse, il est un

extenseur puissant du bassin et du tronc, On a beaucoup discuté son rôle

dans la station debout et dans la marche. Le grand fessier est relâché

dans la station debout. D'après les recherches de Duchenne, ce muscle

n'intervient ni dans la station debout ni dans la marche sur un terrain

plat; il a un rôle utile au contraire pour gravir une pente, courir, sauter,

marcher avec un lourd fardeau, se lever d'un siège sur lequel on est

assis.

Le grand fessier tend l'aponévrose fémorale.

Certains auteurs ont prétendu qu'il jouait un rôle dans la défécation :

en réalité, ce rôle est absolument nul, il est relâché pendant la défécation.

Moyen fessier. Insertions. Le moyen fessier s'insère en

haut sur les trois quarts antérieurs de la lèvre externe de la crête iliaque,

sur l'épine iliaque antcro-superieure et l'échancrure sous-jacente. sur la

portion de la fosse iliaque externe qui se trouve comprise entre les deux

lignes courbes, sur l'aponévrose fessière dans l'espace compris entre la

crête iliaque et le grand fessier. En bas, le muscle s'insère sur la face

externe du grand trochanter. ,

Innervation. Nerf fessier supérieur, branche du plexus sacré.

Physiologie. Les faisceaux antérieurs du moyen fessier sont obliques

en bas et en arrière, ils déterminent l'abduction de la cuisse, sa rotation

en dedans et un léger degré de flexion. Les faisceaux postérieurs du

muscle sont obliques en bas et en avant, ils déterminent l'abduction de

la cuisse, sa rotation en dehors et un léger degré d'extension. Les fais-

ceaux moyens sont presque verticaux, ils sont abducteurs. Étant donnée

, [G GUILLAIN ]

: ih0 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

la prédominance des fibres antérieures, la contraction du moyen fessier

dans son ensemble amène l'abduction de la cuisse et sa rotation en

dedans.

Quand le moyen fessier prend son point fixe sur le fémur, il est exten-

seur du bassin. S'il se contracte d'un seul côté, il l'incline latéralement.

Petit fessier. - Insertions. - Le petit fessier s'insère en haut sur

la partie la plus antérieure de la crête iliaque, sur la position de la fosse

iliaque externe située en avant de la ligne courbe antérieure. En bas, le

tendon du muscle s'insère au bord antérieur et un peu au bord supérieur

du grand trochanter.

Innervation. Nerf fessier supérieur, branche du plexus sacré.

Physiologie. Quand le petit fessier prend son point fixe sur le bas-

sin, il est abducteur de la cuisse et la porte en rotation en dedans. Quand

il prend un point fixe sur le fémur, il redresse le bassin et l'incline laté-

ralement. Le moyen fessier et le petit fessier jouent un rôle utile dans la

fixation du bassin.

Quand le corps repose sur un des membres inférieurs (station hanchée,

deuxième temps de la marche), ils se contractent pour empêcher le poids

du corps d'entraîner le bassin du côté opposé (Duchenne). Quand le

moyen et le petit fessier sont paralysés, on observe, le malade étant

debout, que le bassin s'incline du côte opposé à celui de la paralysie au

moment où le corps repose sur le membre inférieur atteint. Dans la

marche, quand le pied du côte paralysé doit se, porter en avant, le défaut

d'abduction de la cuisse le fera frotter sur la face interne du membre

inférieur du côté opposé. Si l'on prie le malade de se tenir sur un pied,

on voit l'épine iliaque du côté qui ne porte pas s'abaisser, tandis que

chez un sujet normal elle reste au même niveau que l'épine iliaque du

côté qui porte.

Muscles pelvitrochantériens. Les muscles pelvitrochanté-

riens sont : le pyramidal du bassin, les jumeaux pelviens, l'obturateur

interne, l'obturateur externe et le carré crural, .l'indiquerai l'action de

ces muscles dans un paragraphe d'ensemble.

Pyramidal du bassin. Insertions. Le pyramidal du bassin

s'insère sur la face antérieure du sacrum par trois ou quatre faisceaux

prenant naissance entre les trous sacrés dans la hauteur correspondant

aux 2 ? 5'' et 4" vertèbres sacrées, sur la face antérieure du grand liga-

ment sacro-sciatique, sur la partie la plus élevée de la grande échan-

crure sciatique. Il si ! porte en dehors : son tendon terminal se fixe sur la

partie moyenne du bord supérieur du rirancl lrocll,lnlcr.

Innervation. Nerf du pyramidal, rameau du plexus sacré.

Jumeaux pelviens. Insertions. Le jumeau supérieur s'il ! -

sère sur la face externe et le bord inférieur de l'épine sciatique, le

jumeau inférieur un peu plus bas sur la tubérosité de l'ischion. Les deux

jumeaux se jettent sur le, tendon de l'obturateur interne et gagnent, avec

lui, la cavité digitale du grand trochanter.

MUSCLES DU MEMBRE INFÉRIEUR. 541

Innervation. - Le jumeau supérieur est innervé par un rameau spe-

cial du plexus sacré, le jumeau inférieur par un rameau du plexus

sacré qui lui est commun avec le carré crural.

Obturateur interne. Insertions. L'obturateur interne s'in-

sère sur la face interne de la membrane obturatrice, sur la face interne

du corps et de la branche descendante du pubis, sur la face interne du

corps et de la branche ascendante de l'ischion, sur la surface quadrila-

térale qui s'étend au-dessous de la ligne innommée entre le trou obtura-

teur et l'épine sciatique. Les faisceaux du muscle se portent vers la petite

échancrure sciatique, changent de direction, s'infléchissent en dehors,

le tendon terminal s'insère sur la partie la plus élevée de la cavité digi-

tale du grand trochanter.

Innervation. Nerf de l'obturateur interne, branche du plexus

sacré.

Obturateur externe. Insertions. L'obturateur externe

s'insère en dedans sur la bandelette sous-pubienne, sur la face antérieure

du corps du pubis, sur la branche, horizontale, et la branche descendante

de cet os, sur la branche ascendante de l'ischion, principalement il sa

face antérieure, mais aussi par quelques faisceaux à sa face postérieure.

En dehors, le tendon du muscle s'insère dans le fond de la cavité digitale

du grand trochanter.

Innervation. Nerf obturateur, branche du plexus lombaire.

Carré crural. Insertions. Le carré crural s'insère en dedans

sur le bord externe de, la tubérosité de l'ischion, un peu au-devant du

demi-membraneux, en dehors, non il la crête inter-trochanterlenne. mais

un peu en dehors de, celte crête, sur la ligne il peu près verticale qui

l'ait suite au bord postérieur du grand trochanter.

Innervation. Hameau issu du plexus sacré qui lui est commun

avec celui du muscle jumeau inférieur (nerf du jumeau inférieur et du

carré crural).

Physiologie des muscles pelvitrochantériens. Le pyramidal, les

jumeaux, l'obturateur externe, l'obturateur interne, le carré crural, sont

des rotateurs directs de la cuisse en dehors. Le mouvement de rotation

se produit pendant la flexion connue pendant l'extension de la cuisse.

Lorsque les muscles se contractent, le sujet étant assis, la jambe allongée,

le talon reposant sur le sol, le mouvement de rotation interne se trans-

forme en abduction; il en est de même, d'ailleurs, pour le grand

fessier.

En plus de son action rotative, le pyramidal imprime il la cuisse un

mouvement en arrière et, en dehors, c'est-à-dire un mouvement de

flexion associé il l'abduction (Duchenne). '

Quand les muscles pdvitrochanteriens sont paralysés, le pied est

dévié en dedans; le, malade, lorsqu'il est assis, ne peut plus écarter les

genoux l'un de l'autre.

[G. GUILLAIN.]

a43 ' . PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

MUSCLES DE LA CUISSE .

*

Région antéro-externe.

Tenseur du fascia lata. Insertions. Le tenseur du fascia

lata s'insère en haut sur la lèvre externe de cette partie de la crête ilia-

que qui avoisine l'épine iliaque antéro-supérieure, sur l'épine iliaque

antéro-supérieure, sur l'échancrure située au-dessous, sur l'aponévrose

fessière. En bas, les fibres tendineuses s'entremêlent avec l'aponévrose

fémorale et viennent se fixer sur la face antérieure de la tubérosité

externe du tibia. Quelques-uns des faisceaux terminaux du tenseur du

fascia lata s'insèrent sur le bord externe de la rotule. Les fibres tendi-

neuses du tenseur du fascia lata, en se fusionnant avec l'aponévrose

fémorale, forment, à la partie externe de la cuisse, une bandelette résis-

tante large de 4 à 6 centimètres, c'est la bandelette de Maissiat.

Innervation. Hameau issu du nerf fessier supérieur, branche du

plexus sacré.

Physiologie. Le tenseur du fascia lata tend la partie externe de

l'aponévrose fémorale et est extenseur de la jambe sur la cuisse, de plus

il fléchit la cuisse et produit sa rotation en dedans. La contraction

simultanée du tenseur du fascia lata et du psoas (rotateur en dehors)

produit la flexion directe de la cuisse, mouvement important dans la

marche. Quand le psoas ou le tenseur du fascia lata sont seuls paralysés,

on observe que, pendant la marche, la pointe du pied se dévie en dedans

ou en dehors suivant les cas; quand ils sont l'un et l'autre paralysés, la

marche devient extrêmement difficile.

D'après Maissiat, la bandelette qui porte son nom intervient pour main-

tenir l'équilibre dans la station sur un seul pied (station hanchée). Le

grand fessier qui insère quelques fibres sur la bandelette de Maissiat

l'attire en haut et en arrière et agit ainsi sur le tibia.

Couturier. - Insertions. Le couturier s'insère en haut sur

l'épine iliaque antéro-supérieurc et sur la partie la plus élevée de l'échan-

crure sous-jacente, il croise en diagonale la face antérieure de la cuisse

et vient s'insérer sur la partie interne de l'extrémité supérieure du tibia

en avant de la tubérosité interne. Il forme là, avec les tendons du droit

interne et du demi-tendineux, la patte d'oie.

Innervation. Rameaux venant du musculo-cutané externe,

branche du crural.

Physiologie. - Le couturier fléchit la jambe sur la cuisse, fléchit la

cuisse sur le hassin, détermine la rotation en dehors de la cuisse, tend

la partie antéro-interne de l'aponévrose fémorale. Le mouvement de rota-

tion en dehors déterminé par le couturier n'est pas très énergique. La

paralysie isolée de ce muscle n'entraîne pas de troubles fonctionnels

importants.

MUSCLES DU MEMBRE INFÉRIEUR. 545

Quadriceps fémoral. Insertions. Le muscle quadriceps est

formé de quatre portions distinctes en haut, qui prennent sur la rotule et

le tibia une insertion commune. Le droit antérieur s'insère sur l'épine

iliaque antéro-inférieure par son tendon direct et sur la partie la plus

élevée du sourcil cotyloïdien par son tendon réfléchi. Le vaste externe s'in-

sère sur le bord antérieur et le bord inférieur du grand trochanter, sur

la ligne rugueuse qui réunit le grand trochanter à la ligne âpre, sur la

lèvre externe de la ligne âpre, sur le tendon du muscle grand fessier et

la cloison intermusculaire externe. Le vaste interne s'insère sur la lèvre

interne de la ligne âpre et sur la ligne rugueuse qui réunit cette ligne

âpre au col du fémur, il recouvre la face interne du fémur sans prendre

d'insertions sur cette face. Le crural s'insère sur la lèvre externe de la

ligne âpre où il confond ses fibres avec celles du vaste externe, sur les

faces antérieure et externe du fémur dans leurs trois quarts supérieurs.

Les quatre portions du quadriceps convergent en bas vers la face anté-

rieure du genou et s'insèrent, par un tendon commun, sur la base et

sur les bords latéraux de la rotule qui est reliée, elle-même, par le liga-

ment rotulien à la tubérosité antérieure du tibia ; quelques faisceaux du

tendon du quadriceps s'insèrent directement sur la tubérosité antérieure

du tibia.

Le muscle sous-crural ou tenseur de la synoviale du genou est formé

par un ou deux faisceaux qui naissent de la face antérieure du fémur

dans son tiers inférieur et vont se perdre sur le cul-de-sac supérieur de

la synoviale du genou. Le muscle sous-crural est parfois indépendant, le

plus souvent il est confondu avec le quadriceps.

Innervation. Les quatre portions du quadriceps et le muscle sous-

crural sont innervés par le crural (plexus lombaire).

Physiologie. Le quadriceps, en prenant son point fixe sur le fémur

et sur le bassin, étend la jambe sur la cuisse et fléchit la cuisse sur le

bassin. C'est par le droit antérieur, qui s'insère sur l'os iliaque, que la

flexion de la cuisse, peu énergique d'ailleurs, est produite. La contrac-

tion totale du quadriceps, comme la contraction isolée du vaste externe,

tend à déplacer la rotule en dehors.

Le faisceau sous-crural attire en haut le cul-de-sac supérieur et la

synoviale du genou et l'empêche ainsi d'être pincé dans l'extension de la

jambe sur la cuisse.

Dans la paralysie du quadriceps, on constate que le. malade,

étant assis, ne peut porter le pied en avant; s'il est agenouillé il ne peut

se relever comme normalement ; dans la station debout, l'instabilité est

très prononcée; la marche est très difficile; la montée d'un escalier

impossible. La paralysie peut prédominer sur certains chefs du muscle.

Si le vaste externe est seul respecté, l'extension du genou s'accompagne

'l'un déplacement de la rotule en dehors : pendant une contraction

violente, une subluxation de cet os peut se produire.

[G. GUILLAIN.]

3H Il . PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

Région postéro-interne. ,

Droit interne. Insertions. Le droit. interne s'insère en

haut sur les côtés de la symphyse du pubis depuis l'angle jusqu'à la

branche ascendante de l'ischion. En bas, le tendon se fixe sur la partie

supérieure de la face interne du tibia où il contribue Ù former la patte

doie.

, Innervation. Nerf obturateur, branche du plexus lombaire.

Physiologie. Le droit interne est adducteur de la cuisse, fléchis-

seur de la jambe sur la cuisse, rotateur de la cuisse en dedans quand la

jambe est fléchie.

Pectine. Insertions. Le pectine s'insère en haut sur l'épine

du pubis, sur la crête pectineate et le ligament de Cooper qui la

surmonte depuis l'épine du pubis jusqu'à t'emiuencc iteo-pectinec, sur

la face profonde de l'aponévrose qui le recouvre et qui se détache en

haut du ligament de Cooper, sur la lèvre antérieure de la gouttière sous-

pubienne et par quelques fibres sur le ligament pubo-femorat. En bas.

les fibres du muscle s'insèrent sur le fémur sur cette ligne rugueuse qui

s'étend de la ligne âpre au petit trochanter dite crête du pectine.

Innervation. Nerf muscmo-cutane interne, branche du crural. Il

reçoit parfois aussi un petit rameau né du nerf obturateur.

Physiologie. En prenant son point fixe sur le bassin, le pectine est

adducteur de la cuisse, il la fléchit sur le bassin el lui imprime un mou-

vement de rotation en dehors. En prenant son point fixe sur le fémur, il

fléchit le bassin sur la cuisse.

Les adducteurs de la cuisse. Insertions. Les trois

adducteurs de la cuisse s'étendent du bassin il la ligne âpre. Le premier

ou moyen adducteur s'insère en haut sur le corps du pubis entre la

symphyse et l'épine, en bas sur la partie moyenne de l'interstice de la

ligne âpre. Le deuxième ou petit adducteur est situé au-dessus et en

arrière du précédent, il s'insère en haut sur la face antérieure du corps

du pubis et sur sa branche descendante entre, l'obturateur externe elle

droit interne; en bas, il se fixe au corps du fémur par deux. faisceaux :

un faisceau inférieur qui se porte sur la partie la plus élevée de l'inter-

stice de la ligne âpre, un faisceau supérieur qui se rend il la branche de

bifurcation externe de cette ligne âpre. Le troisième ou grand adduc-

teur s'insère en haut sur la tubérosité de l'ischion et sur les deux

tiers inférieurs de la branche ischio-piibienne, ses faisceaux s'étalent en

un vaste triangle, ils viennent s'insérer sur l'interstice de la ligne

âpre du fémur dans toute son étendue, sur sa branche de bifurcation

inférieure et interne, sur le tubercule dit tubercule du troisième adduc-

teur qui est situé à la partie supérieure et interne du condyle interne

du fémur.

Innervation. Le premier adducteur reçoit des filets nerveux de

MUSCLES DU MEMBRE INFERIEUR. 545

l'obturateur, branche du plexus lombaire, et du musculo-cutane interne,

branche du crural. Le deuxième adducteur est innervé par l'obturateur.

Le troisième adducteur reçoit ses rameaux en haut et en avant de l'obtu-

rateur, en bas et en arrière du grand sciatique.

Physiologie. Le moyen et le petit adducteur amènent l'adduction

de la cuisse, sa rotation en dehors et sa flexion sur le bassin. Quand

ils prennent leur point fixe sur le fémur, ils fléchissent le bassin sur la

cuisse. Le grand adducteur est adducteur de la cuisse, il détermine par

son chef supérieur et son chef moyen la rotation de la cuisse en dehors,

par son chef inférieur la rotation en dedans, quand la cuisse a été préala-

blement placée dans la rotation en dehors. Duchenne fait remarquer que

c'est le chef inférieur du grand adducteur qui se contracte lorsque le

cavalier combine l'adduction et la rotation en dedans de la cuisse pour

serrer les flancs de sa monture sans la toucher de l'éperon.

Les muscles adducteurs ont une action dans la flexion de la cuisse qui

a lieu pendant la marche. Lorsqu'ils sont paralysés, la pointe du pied

pendant la marche est déviée en dedans. Quand le chef interne du

grand adducteur est seul paralysé, la pointe du pied est, au contraire,

déviée en dehors.

Biceps crural. Demi-tendineux. Demi-membra-

neux. Insertions. Le biceps crural est formé il sa partie supé-

rieure de deux portions distinctes. La longue portion ou portion ischiati-

t[uc s'insère, sur la partie la plus externe et la plus élevée de, la

tubérosité de l'ischion. La courte portion ou portion fémorale s'insère

sur la cloison intermusculaire externe et sur la partie inférieure de l'in-

terstice de la ligne âpre. En bas le tendon commun du biceps s'insère

sur l'apophyse styloïde du péroné, il envoie généralement deux expan-

sions fibreuses, l'une à l'aponévrose jambière, l'autre il la tubérosité

externe du tibia. Le demi-tendineux s'insère en haut sur la face posté-

rieure de l'ischion en se confondant à cc niveau avec la longue portion

du biceps. En bas son tendon prend insertion sur le côté interne de

l'extrémité supérieure du tibia en constituant, avec les tendons du droit

interne et du couturier, la patte d'oie. Le demi-membraneux s'insère

en haut sur la partie inférieure et externe de l'ischion. En bas le ten-

don terminal se divise en trois faisceaux : le faisceau descendant se fixe

il la partie postérieure de la tubérosité interne du tibia; le faisceau

récurrent s'insère en partie sur la coque fibreuse qui recouvre le condyle

externe, en partie sur le fémur lui-même dans l'espace compris

entre les deux condyles; le faisceau antérieur ou horizontal contourne,

d'arrière en avant,' la tubérosité interne du tibia et s'insère sur la

partieantero-externe de cette tubérosité. ,

Innervation. Le biceps crural, le demi-tendineux et le demi-mem-

braneux sont innervés par le grand nerf sciatique.

Physiologie. Le biceps crural, le demi-tendineux, le dell11-nH'lII-

ht'ancuxf1¡\chissentlajalllbe sUl'la cuisse, étendent la cuisse sur le bassin.

Pratique MO ! ...5

fC. GUILLAIN,]

546 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

Le biceps détermine la rotation de la jambe en dehors, le demi-tendi-

neux la rotation en dedans. Ces mouvements de rotation ne sont pas pos-

- sibles si la jambe est étendue sur la cuisse à cause de la disposition ana-

tomique des ligaments du genou, ils se transmettent à la cuisse et le

membre inférieur tourne en totalité; les mouvements de rotation se pro-

duisent au contraire pendant la flexion de la jambe, ils sont plus étendus

en dehors qu'en dedans.

Quand ces muscles prennent leur point fixe sur la jambe, ils étendent

le bassin sur la cuisse. L'extension de la hanche est très nécessaire pen-

dant la marche. Quand ces muscles sont paralysés, l'extension de la

hanche pendant la station debout et pendant la marche n'est plus pos-

sible, aussi le malade rejette en arrière le tronc pour obtenir par le poids

du corps l'extension de la hanche; en même temps les fléchisseurs de

l'articulation coxo-fémorale se contractent pour limiter le mouvement de

bascule en arrière du bassin, il en résulte une fatigue rapide de ces mus-

cles fléchisseurs.

Le biceps, le demi-tendineux et le -demi- membraneux pendant la marche

fléchissent le genou et élèvent le pied au-dessus du sol. Quand ils sont

paralysés, la pointe du pied frotte contre le sol et, pour obvier à cet

inconvénient, le malade est obligé de fléchir anormalement le pied sur la

jambe. Il faut noter aussi que les ligaments postérieurs de l'articulation

du genou se distendent, car les muscles paralysés ne peuvent plus limiter

l'extension de la jambe. '

MUSCLES DE LA JAMBE .

Région antérieure.

Jambier antérieur. Insertions. Le jambier antérieur s'in-

sère sur la tubérosité antérieure et sur la tubérosité externe du tibia,

principalement sur le tubercule situé entre ces deux tubérosités (tuber-

cule du jambier antérieur), sur la face interne du tibia dans ses deux

tiers supérieurs, sur la partie interne du ligament interosseux, sur la

face profonde de l'aponévrose jambière qui le recouvre, sur la cloison

fibreuse le séparant de l'extenseur des orteils. En bas, le tendon du

muscle s'insère sur le premier cunéiforme et sur l'extrémité postérieure

du premier métatarsien . ,

Innervation. Nerf tibial antérieur, une des branches terminales du

sciatique poplité externe. Il reçoit à sa partie supérieure un petit rameau

venu directement du sciatique poplité avant sa bifurcation. Poirier dit

qu'il reçoit aussi par sa face postérieure de petits rameaux du tibial pos-

térieur qui traversent le ligament interosseux et se perdent dans son

épaisseur.

Physiologie. Le jambier antérieur fléchit énergiquement le pied

sur la jambe, le tord légèrement en dedans, il porte l'extrémité poste-

MUSCLES DU MEMBRE INFÉRIEUR. 547

rieure du premier métatarsien en haut et en dedans. Il est fléchisseur,

adducteur, rotateur en dedans du pied. La paralysie dujaudjicr antérieur

détermine un pied bot équin varus ; ce varus se transforme en valgus dans

les efforts de flexion du pied. Consécutivement il la paralysie du jambier

antérieur, on constate l'hypertrophie de l'extenseur propre du gros orteil

qui exerce une suppléance ; l'action de ce muscle se traduit par une

extension exagérée du gros orteil pendant les efforts de flexion du pied.

Extenseur commun des orteils. Insertions. L'exten-

seur commun des orteils s'insère en haut sur la tubérosité externe du

tibia, sur les deux tiers supérieurs de la face interne du péroné, sur la

partie externe du ligament interosseux, sur la face profonde de l'aponé-

vrose jambière, sur les cloisons fibreuses qui le séparent du jambier anté-

rieur en dedans et du long péronier latéral en arrière. En bas existent

quatre tendons pour les quatre derniers doigts. Chacun de ces tendons

au niveau de l'articulation niétalarso-phalangionne correspondante se

divise en trois languettes, l'une médiane et deux latérales. La languette

médiane s'insère sur l'extrémité postérieure de la deuxième phalange,

les deux languettes latérales se fusionnent ensemble et viennent se ter-

miner sur la face postérieure de la troisième phalange. ,

Innervation. L'extenseur commun des orteils est innervé par des

rameaux du sciatique poplité externe et par des rameaux du tibial anté-

rieur.

Physiologie. L'extenseur commun des orteils étend les premières

phalanges, il n'a pas d'action sur les deuxièmes et troisièmes phalanges

qui sont étendues par les lombricaux et les interosseux. Le muscle exten-

seur détermine aussi la flexion du pied sur la jambe, Duchenne a bien

montré que telle était sa principale fonction ; il tord légèrement le pied

en dehors; c'est donc un fléchisseur adducteur. La contraction simultanée

de l'extenseur commun et du jambier antérieur détermine la flexion

directe du pied.

Quand le jambier antérieur et l'extenseur commun sont paralysés, il

en résulte des troubles de la marche. Le pied ne pouvant se fléchir frotte

par sa pointe, le malade pour obvier il cet inconvénient fléchit énergique- ! lient la cuisse sur le bassin, il « steppe o. Quand l'extenseur commun

des orteils est seul paralysé, le pied porte sur le sol par son bord externe;

quand le jamhier antérieur est seul paralysé, il porte sur le sol par son

bord interne. Quand l'extenseur commun des orteils et l'extenseur propre

du gros orteil sont paralysés, la tonicité des interosseux amène une flexion

permanente des premières phalanges avec extension des deux autres.

Extenseur propre du gros orteil. Insertions. L'exten-

seur propre du gros orteil s'insère en haut sur le tiers moyen de la face

interne du péroné, sur la partie adjacente du ligament interosseux; il

reçoit dans le voisinage du tarse un petit faisceau né sur la face, interne

du tibia. En bas il s'insère sur la phalange métatarsienne et sur la pha-

lange unguéale du gros orteil.

[G. GUILLAIN,] ]

548 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE. "

Innervation. Nerf tibial antérieur.

Physiologie. L'extenseur propre du gros orteil étend énergique-

ment la première phalange, plus faiblement la seconde. Secondairement,

il fléchit le pied sur la jambe, le porte en dedans et lui imprime un mou-

vement léger de rotation en dedans. Il exerce sur le pied, mais plus

faiblement, la même action que le jambier antérieur. '

Péronier antérieur. Insertions. Le péronicr antérieur

s'insère en haut sur la moitié inférieure de la face antérieure du péroné,

en bas sur la base du cinquième métatarsien.

Innervation. Nerf tibial antérieur. ,

Physiologie. Le péronier antérieur auxiliaire de l'extenseur com-

mun des orteils est fléchisseur, abducteur, rotateur en dehors du pied.

Région externe.

Long péronier latéral. Insertions. Le long péronicr laté-

ral s'insère en haut sur la partie antérieure et externe de la tête du

péroné, sur le tiers supérieur de la face externe de cet os, sur la face

profonde de l'aponévrose jambière, sur les cloisons fibreuses qui le sépa-

rent des muscles voisins. Le tendon du muscle descend derrière la malléole

externe, la contourne, passe sur la face externe du calcanéum, puis dans

la gouttière du cuboïde, traverse en diagonale la face inférieure du pied.

Il s'insère sur le tubercule externe de l'extrémité postérieure. du premier

métatarsien, envoie le plus souvent une expansion résistante à la face

inférieure du premier cunéiforme et une expansion plus mince au pre-

mier muscle interosseux dorsal.

Innervation. Nerf musculo-cutané, branche de bifurcation du scia-

tique poplité externe. Parfois le muscle reçoit un rameau direct du

sciatique poplité externe.

Physiologie. - Le long péronier latéral est extenseur du pied sur la

jambe, il produit la torsion du pied en dehors, il maintient la concavité

de la voûte plantaire. Le mouvement d'extension du pied est peu éner-

gique, toutefois le long péronicr estun auxiliaire utile au triceps sural.

Ce muscle, en effet, est un extenseur énergique de l'arrière-pied et de la

partie externe de l'avant-pied, mais il n'a qu'une action très limitée sur

la partie interne de l'avant-pied. Dans la marche, il est indispensable que

le talon antérieur appuie énergiquement sur le sol, la marche ne serait

pas possible si le long péronier latéral qui est abaisseur de l'avant-pied

ne venait suppléer à l'insuffisance d'action du triceps sural sur la partie

interne de l'avant-pied (Poirier). Le rôle de soutien de, la voûte plantaire

est le rôle le plus important du long péronier latéral, l'impotence fonc-

tionnelle.de ce muscle a pour conséquence l'effondrement de la voûte

plantaire et l'apparition d'un pied plat.

Quand le long péronier latéral est paralysé, on constate le renversement

du pied sur son bord interne pendant son extension volontaire, l'apla-

MUSCLES DU llE)tB11E INFÉRIEUR. 549

tissenient de la voûte plantaire, l'impossibilité d'appliquer la saillie

sous-métatarsienne sur le sol et de se tenir solidement en équilibre sur

le pied malade, de la fatigue et de la douleur dans la plante du pied en

avant et en dedans de la malléole externe après une marche un peu longue,

des durillons douloureux qui se développent il la longue sur le bord

externe delà plante du pied, principalement au niveau de la tète des deux

derniers métatarsiens, et au-dessus et en dedans de la première phalange

du 1> "l'OS or ! eil (()uchenne).

Court péronier latéral. Insertions. Le court péronier

latéral s'insère en haut sur le tiers moyen, et parfois sur les deux tiers

inférieurs de la face externe du péroné, sur le bord antérieur et le

bord externe de cet os, sur les cloisons aponévrotiques qui le séparent

des muscles voisins. Le tendon du muscle contourne la malléole externe,

croise la face externe du calcanéum et s'insère sur l'extrémité postérieure

du cinquième métatarsien.

Innervation. Nerf inuscido-cutané.

Physiologie. Le court péronier latéral élève le bord externe du

pied et amène la plante à regarder en dehors. Il n'est ni extenseur ni

fléchisseur du pied comme l'ont soutenu différents auteurs. Duchenne a

montré que ce muscle ne produit de mouvements dans l'articulation

tibio-tarsienne que lorsque le pied a été porté préalablement dans la

flexion ou dans l'extension forcée, alors il le ramène dans la position

moyenne.

I Région postérieure.

Triceps sural. Insertions. Le triceps sural est constitué

par les deux jumeaux et le soléaire qui sont réunis en bas sur un tendon

commun, le tendon d'Achille. Le jumeau externe s'insère sur la partie

postérieure du condyle externe, le jumeau interne sur la partie posté-

rieure du condyle interne. Le soléaire s'insère sur la partie postéro-

interne de la tète du péroné, sur la moitié postérieure de son bord

externe, sur le tiers supérieur de sa face postérieure, puis sur la ligne

oblique du tibia immédiatement au-dessous du muscle poplité et sur

le tiers moyen du bord interne de cet os : il prend insertion enfin sur une

arcade fibreuse, l'arcade du soléaire qui réunit le tibia et le péroné :

celte arcade naît en dehors sur la tête du péroné, se porte en bas et en

dedans, et vient se terminer au niveau de la ligne oblique du tibia, en

partie sur cette ligne oblique, en partie sur l'aponévrose du poplité. En

lias, l'aponévrose de terminaison du muscle soléaire se fusionne avec

1 aponévrose des jumeaux pour former le tendon d'Achille, lequel vient se

hxel' sur la moitié inférieure de la face postérieure du calcanéum.

Innervation. Les deux jumeaux sont innervés par le sciatique

poplité interne, branche de bifurcation du grand nerf sciatique. Le

soléaire est innervé par des rameaux du sciatique poplité interne et par

un rameau issu du tibial postérieur.

[G. GUILLAIN.]

550 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

Physiologie. - Le triceps sural produit l'extension du pied, son adduc-

tion, sa rotation en dedans. Il amène le pied en varus équin. Le mouve-

ment d'extension est énergique pour l'arrière-pied et pour la partie

externe de l'avant-pied, beaucoup plus faible pour la partie interne de

celui-ci, puisque une très légère pression exercée sur le premier métatar-

sien empêche facilement son extension (Poirier). En se contractant le

triceps sural met enjeu secondairement la tonicité de l'extenseur commun

et des fléchisseurs des orteils, ce qui explique l'extension des premières

phalanges des orteils et la flexion des deux dernières. Quand le pied repose

sur le sol la contraction des jumeaux et du soléaire, en élevant le talon,

élève en même temps le corps tout entier, ces muscles ont un rôle pri-

mordial dans la marche, le saut. Les deux jumeaux contribuent légère-

ment à la flexion du genou.

Lorsque le triceps sural est paralysé, le mouvement d'extension du

pied est presque aboli, le malade ne peut soutenir le poids du corps en se

tenant sur la pointe du pied, la marche est très difficile. Enfin, au bout

d'un certain temps, par suite de la prépondérance du muscle long péro-

nier, le pied est entraîné en abduction et rotation en dehors, la tête du

prcmier métatarsien s'abaisse, le calcanéum et l'astragale basculent, leur

extrémité antérieure s'élève et le talon accentue sa saillie, ainsi se cons-

titue la variété de pied bot que Duchenne a dénommée talus pied creux

tordu en dehors (11-illioii). '

Plantaire grêle. Insertions. Le plantaire grêle s'insère en

haut sur la partie la plus élevée du condyle externe du fémur, sur la cap-

sule de l'articulation du genou, sur le tendon d'origine du jumeau externe,

il se porte obliquement en bas et en dedans. Le tendon terminal se place

sur le côté interne du tendon d'Achille et se termine soit sur ce tendon,

soit sur le calcanéum à côté de lui, parfois il se perd dans le tissu cellu-

laire de la région du talon.

Innervation. Sciatique poplité interne.

Physiologie. Tcstilt s'exprime ainsi sur la physiologie de ce mus-

cle : « La destination primitive du plantaire est de se fusionner avec l'a-

ponévrose plantaire et de s'insérer par son intermédiaire sur les pre-

mières phalanges des orteils : telle est la disposition qu'on rencontre chez

un grand nombre d'animaux et notamment chez les singes inférieurs.

Chez l'homme ce muscle n'existe qu'à l'état de vestige et il n'est fixe au

calcanéum que par insertion consécutive. Tel qu'il est, il devient un

auxiliaire des jumeaux et- du soléaire et prend à l'extension du pied une

part plus ou moins considérable qui est naturellement en rapport avec

son développement. » ,

Poplité. Insertions. Le poplité s'insère en haut sur la partie

postérieure et externe du condyle externe, il contracte aussi au-dessous

du condyle des connexions intimes avec le cartilage semi-lunaire corres-

pondant et avec la capsule articulaire du genou. Il se porte obliquement

en bas et en dedans et vient se fixer sur la lèvre supérieure de la ligne

MUSCLES DU MEMBRE -INFÉRIEUR. 551

oblique du tibia et sur toute la portion de la face postérieure de cet os

située -au-dessus de cette ligne. 1

Innervation. Nerf sciatique poplité interne et rameau accessoire

issu du nerf tibial postérieur. '. .

Physiologie. - Le poplité fléchit avec peu d'énergie la jambe sur la

cuisse et détermine à la jambe fléchie un mouvement de rotation en

dedans. ,

Long fléchisseur commun ou fléchisseur tibial des

orteils. Insertions. Le long fléchisseur commun des orteils s'in-

sère en haut. sur la lèvre inférieure de la ligne oblique du tibia, sur le

tiers moyen de la face postérieure de cet os; sur la cloison fibreuse qui

le sépare du jambier postérieur. Le tendon du muscle à la région plan-

taire reçoit sur son côté externe le muscle accessoire ou chair carrée et

se divise en quatre tendons terminaux qui se portent vers les quatre der-

niers orteils ; ils se comportent de la même façon- que les tendons du

fléchisseur profond ou perforant des doigts et s'insèrent sur l'extrémité

postérieure de la troisième phalange. ,

Innervation. Nerf tibial postérieur.

Physiologie. Le long fléchisseur commun des orteils fléchit les

troisièmes phalanges sur les secondes, les secondes sur les premières,

puis les premières phalanges sur les métatarsiens. L'obliquité de ses ten-

dons à la plante du pied explique qu'il imprime aux orteils, surtout aux

quatrième et cinquième, un mouvement de torsion tel que leurs extrémi-

tés regardent en dedans; l'accessoire du long fléchisseur en se contrac-

tant simultanément avec le long fléchisseur s'oppose à ce mouvement de

torsion. Le long fléchisseur n'a aucune action sur l'articulation tibio-

tarsie1llle. c'est à tort que quelques auteurs Pont considéré comme exten-

seur du pied (Poirier). '

Long fléchisseur propre du gros orteil ou fléchisseur

péronier des orteils. Insertions. Le long fléchisseur propre e

du gros orteil s'insère .en haut sur les deux tiers inférieurs de la face

postérieure du péroné, sur la partie inférieure du ligament interosseux,

sur la cloison fibreuse qui le sépare des muscles pérdniers latéraux. Le

tendon du muscle se termine sur l'extrémité postérieure de la deuxième

phalange du gros orteil. Dans la région plantaire, le fléchisseur propre du

gros orteil envoie une branche de bifurcation souvent très volumineuse

aux tendons du fléchisseur commun. Cette branche se rend le plus habi-

tuellement aux 2e et 5e orteils, elle est constante d'après Testut, et là

dénomination de fléchisseur propre donnée au muscle consacre une erreur.

Innervation. Nerf tibial postérieur.

Physiologie. Le long fléchisseur propre du gros orteil fléchit- avec

énergie la deuxième phalange du gros orteil sur la première et la pre-

mière sur le premier, métatarsien. Duchenne a montré que ce muscle

n'avait que peu d'action sur l'articulation tibio-tarsienne. -

Jambier postérieur. Insertions. Le jambier postérieur

[G. GUILLAIN.]

55'2 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

s'insère en haut sur la ligne oblique et sur la face postérieure du tibia

au-dessous et en dehors du fléchisseur tibial des orteils, sur la partie de

la face externe du péroné située en arrière du ligament interosseux, sur

les deux tiers supérieurs de ce ligament interosseux, sur les cloisons

fibreuses qui le séparent des deux longs fléchisseurs. En bas, le tendon du

jambier postérieur se termine sur le tubercule du scaphoïde en envoyant

des expansions aux trois cunéiformes et aux trois métatarsiens moyens.

Innervation. Nerf tibial postérieur. Il reçoit aussi un rameau venu

du sciatique poplité interne.

Physiologie. Le jambier postérieur est faiblement extenseur du

pied sur la jambe. D'après Duchenne il porte le pied dans l'adduction

directe, il ne serait, que faiblement rotateur en dedans. Pendant le mou-

vement d'adduction, dit Duchenne, le bord interne du pied est a peine

plus élevé que l'externe. La paralysie du jambier postérieur a pour con-

séquence un pied bot valgus.

MUSCLES DU PIED

Région dorsale.

Pédieux. - Insertions. Le pédieux ou court extenseur des

orteils s'insère en arrière sur la partie antérieure et supérieure du calca-

\1(\urrt, sur le. tissu fibreux situé dans le creux calcaueo-astragallcn. En

avant le muscle se termine par quatre tendons : le premier tendon s'insère

sur l'extrémité postérieure de la première phalange du gros orteil, les

trois autres se dirigent sur les 2°, 71" et 4" orteils et se terminent, au ni-

veau de l'articulation metatarso-phalangienne, sur le côté externe des

tendons correspondants du long extenseur commun des orteils.

Innervation. Nerf tibial antérieur.

Physiologie. Le pédieux étend les premières phalanges des quatre

premiers orteils sur les métatarsiens, de plus, il les incline vers le petit

doigt; ce mouvement de latéralité, en raison de l'obliquité des tendons

du pédieux, est surtout marqué pour le premier orteil.

Région plantaire interne.

Adducteur du gros orteil. Insertions. L'adducteur du

gros orteil s'insère en arrière sur la tubérosité postérieure et interne du

culcané«In, sur la partie inférieure et antérieure du ligament annulaire

interne du tarse, sur la face profonde de l'aponévrose, plantaire, sur une

cloison fibreuse qui le sépare en dehors du court fléchisseur commun des

orteils. Le tendon terminal du muselé s'insère sur le côté interne de

l'extrémité postérieure de la première phalange du gros orteil en envoyant

un h;ll et cn ,man( Ilne ctlmn.ion llour In lcuclon cUcnSeur dc cet ortcil.

Innervation. Nerf plantaire interne.

MUSCLES DU i\tE1113RE INFÉRIEUR. 555

Physiologie. L'adducteur du gros orteil fléchit le gros orteil sur le

métatarse elle rapproche légèrement de la ligne médiane du corps (adduc-

tion).

Court fléchisseur du gros orteil. Insertions. Le court

fléchisseur du gros orteil s'insère en arrière par deux faisceaux tendineux,

l'un sur la face inférieure du cuboïde et du troisième cunéiforme, l'au-

tre sur le tendon terminal dujambier postérieur. En avant existent deux

tendons terminaux, le tendon interne se réunit au tendon de l'adducteur

du gros orteil et s'insère sur le côté interne de l'extrémité postérieure de

la première phalange du gros orteil, le tendon externe se réunit au mus-

cle abducteur du gros orteil et se termine comme lui sur le sésamoïde

externe et sur le côté externe de la première phalange du gros orteil.

Innervation. Le faisceau interne du court fléchisseur est innervé

par un rameau du nerf plantaire interne (homologue du médian à la

main), le faisceau externe est innervé soit par un rameau du plantaire

interne, soit par un rameau du plantaire externe (homologue du cubital

à la main).

Physiologie. - Le court fléchisseur fléchit le gros orteil sur le premier

.métatarsien.

Abducteur du gros orteil. Insertions. L'abducteur du

gros orteil, muscle homologue de l'adducteur du pouce à la main est

constitué par deux faisceaux distincts 2l leur origine. Le faisceau obli-

que (abducteur oblique) s'insère sur la face inférieure du cuboïde, sur

l'extrémité postérieure des 5'' et 4" métatarsiens, sur la gaine fibreuse du

long péronier latéral; le faisceau transverse (abducteur transverse), situé

à la partie antérieure delà [liante du pied, s'insère sur les parties fibreuses

de 1 articulation metatarso-phalangienne des trois ou quatre derniers

- orteils. Au niveau du gros orteil, le faisceau oblique se porte sur le sésa-

moïde externe et par son intermédiaire se fixe au côté externe de la base

de la première phalange; le faisceau transverse se partage en deux grou-

pes de libres, les unes passent sur le côté dorsal de l'articulation méta-

lal'so-phalangi('I111<' et là se fusionnent avec le tendon du long extenseur

du gros orteil, les autres restent sur le côté plantaire et viennent se ter-

miner sur la gaine du long fléchisseur du gros orteil.

Innervation. Nerf plantaire externe.

Physiologie. L'abducteur du gros orteil fléchit le gros orteil sur le

métatarse et l'incline en dehors. Le mouvement d'abduction est princi-

p : llell\('l1l déterminé par le faisceau transverse : ce faisceau transverse

est aussi, suivant Duchenne. un véritable ligament actif qui s'oppose il

I ecarlenienl des fibres métatarsiennes lorsque le poids du corps appuie

sur elles.

Région plantaire externe.

Abducteur du petit orteil. Insertions. L'abducteur du

petit orteil s'insère sur la tubérosité externe du calcanéum, sur la face

. [G. GUILLAIN.

G54 -PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

profonde de l'aponévrose plantaire, sur unc cloison fibreuse qui- le sépare

du court flécliisseur plantaire. Le tendon terminal du muscle se fixe sur

le côté externe de l'extrémité postérieure de la première phalange du

gros orteil; il envoie généralement une expansion fibreuse ou charnue à

l'extrémité postérieure du. cinquième métatarsien.

Innervation. Nerf plantaire externe.

Physiologie. L'abducteur du petit orteil fléchit la première pha-

lange de ce doigt et l'incline légèrement- en dehors.

Court fléchisseur du petit orteil. Insertions. Le court

fléchisseur s'insère en arrière sur la gaine du long péronier latéral en

avant du cuboïde, sur l'extrémité postérieure du cinquième métatarsien.

En avant il se fixe sur la partie inférieure de l'extrémité postérieure de la

première phalange du petit orteil.

Innervation. Nerf plantaire externe.

Physiologie. Le court fléchisseur du petit orteil fléchit ce doigt sur

le métatarsien.

Opposant du petit orteil. Insertions. L'opposant du petit

orteil confond ses insertions postérieures avec celles du court fléchisseur;

en avant il se fixe aux deux tiers antérieurs du cinquième métatarsien.

Le muscle fait souvent défaut, il est fréquemment fusionne avec le court

fléchisseur dans toute son étendue (Testut).

Innervation. - Nerf plantaire externe.

Physiologie. - L'opposant du petit orteil est un fléchisseur de cet

orteil.

Région plantaire moyenne.

Court fléchisseur plantaire.- Insertions.-Le court fléchis-

seur plantaire s'insère en arrière sur la tubérosité interne du calcanéum,

sur la face profonde de l'aponévrose plantaire, sur les cloisons fibreuses

qui le séparent des muscles voisins. En avant le muscle se termine par

quatre tendons qui, après avoir été perforés par les quatre tendons du

long fléchisseur, s'insèrent sur l'extrémité postérieure de la deuxième

phalange des quatre orteils externes.

Innervation. Nerf plantaire interne.

Physiologie. Le court fléchisseur plantaire fléchit les deuxièmes

phalanges des quatre derniers orteils sur les premières.

Accessoire du long fléchisseur ou chair carrée de

Sylvius. Insertions. L'accessoire du long fléchisseur se compose

en arrière de deux faisceaux : le faisceau interne s'insère à la face interne

du calcanéum près de la tubérosité interne de cet os, le faisceau externe

s'insère sur la face inférieure du calcanéum près de la tubérosité externe

et parfois aussi sur le ligament calcanéo-cuboïdien ; ces deux faisceaux se

fusionnent et viennent se fixer soit sur le tendon du fléchisseur- commun,

soit sur ses branches de bifurcation. La plus grande partie des faisceaux

MUSCLES DU 1E}IBHE INFÉRIEUR. 555

de l'accessoire se terminent sur les deux tendons destinés aux troisième

et quatrième orteils.

Innervation. Le muscle reçoit un rameau nerveux du plantaire

externe pour son faisceau externe, un rameau nerveux du plantaire interne

pour son faisceau interne.

Physiologie. L'accessoire du long fléchisseur fléchit les quatre der-

niers orteils sur le métatarse. Par son obliquité il corrige l'obliquité du

long fléchisseur commun et s'oppose ainsi à la torsion des orteils.

Lombricaux du pied. Insertions. Les lombricaux sont au

nombre de quatre, ils sont situés entre les tendons du long fléchisseur et

sur le même plan qu'eux. Ils prennent naissance en haut dans l'angle de

bifurcation du tendon fléchisseur, se détachent la fois des deux tendons

voisins il l"exception du premier lomhrical qui s'insère exclusivement sur

le, tendon destiné au deuxième orteil. Les muscles se portent en avant en-

divergeant, légèrement, atteignent le côte interne de l'articulation mèta-

tarso-pitaiangienne des quatre derniers orteils et se fixent d'une part sur

le côté interne de l'extrémité postérieure de la première phalange, d'au-

tre part sur le tendon de l'extenseur correspondant. Le premier 101llbricai

aboutit au côte interne du deuxième orteil, le second iombrica) au côté

interne du troisième orteil, le troisième lomhrical au côté interne du

quatrième orteil, le quatrième 10lllbrical au côté interne du cinquième

orteil.

Innervation. Les deux lombricaux internes (1°1' et 2'') sont innervés

par le plantaire interne, les deux lombricaux externes (3" et 4") par le

plantaire externe.

Physiologie. Les lombricaux fléchissent la première phalange des

orteils et étendent les deux autres.

Interosseux. Insertions. Il existe au pied sept muscles inter-

osseux : quatre interosseux dorsaux et trois interosseux plantaires. Les

trois interosseux plantaires sont situés dans les 2 ? 7f et 4" espaces.

Le premier interosseux plantaire s'étend de la face interne du troisième

métatarsien au côté interne de la première phalange du troisième orteil,

le deuxième interosseux plantaire s'étend de la face interne du quatrième

métatarsien au côté interne de la première phalange du quatrième orteil,

le troisième interosseux plantaire s'étend de la face interne du cinquième

métatarsien au côté interne de la première phalange du cinquième 0; Íl'il.

Le gros orteil et le deuxième orteil ne possèdent, pas de muscles interos-

seux plantaires. Les quatre interosseux dorsaux sont situés dans les

quatre premiers espaces. Le premier interosseux dorsal s'insère sur la

face externe (partiellement) du premier métatarsien, sur la face interne

(en totalité) du deuxième métatarsien, il se fixe au côté interne de la pre-

mière phalange du deuxième orteil. Le deuxième interosseux dorsal s'in-

sère sur la face interne (partiellement) du troisième métatarsien, sur la

face externe (en totalité) du deuxième métatarsien, il se fixe au côté

externe de la première phalange du deuxième orteil. Le troisième interos-

[G GUILLAIN.]

550 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

seux dorsal s'insère sur la face interne (partiellement) du quatrième mé-

tatarsien, sur la face externe (en totalité) du troisième métatarsien,

il se fixe au côté externe de la première phalange du troisième orteil.

Le quatrième interosseux dorsal s'insère sur la lace interne (par-

t.icllcrncnt) du cinquième métatarsien, sur la face externe (en totalité) du

quatrième métatarsien, il se fixe au côté externe de la première phalange

du quatrième orteil.

Innervation. Nerf plantaire externe.

Physiologie. Tous les muscles interosseux fléchissent la première

phalange des orteils et étendent les deux autres. Ils produisent aussi des

mouvements de latéralité. L'axe du pied passant par le second orteil, les

interosseux plantaires sont adducteurs et rapprochent les trois derniers

orteils du deuxième, les interosseux dorsaux sont abducteurs et écartent

les troisième et. quatrième orteils du deuxième.

Quand les interosseux sont paralysés, les premières phalanges sont en

hyperextension, parfois suhtuxécs, les deux autres sont fléchies et for-

ment une grille, la face plantaire des orteils ne prend plus appui sur le

sol pendant la marche ou la station debout ; il en résulte des douleurs

dans la partie antérieure de la plante du pied. ,

111. - MUSCLES DU COU W

l

Région latérale.

Sterno-cléïdo-mastoïdien. Insertions. Le muscle sterno-

cteïdo-mastojdicn prend son origine sur le thorax par deux faisceaux

distincts : le chef sternal se détache de la face antérieure du inanubriuni

et se termine en haut en partie sur la face externe de l'apophyse mas-

toïde, en partie sur la portion externe de la ligne courbe supérieure de

l'occipital; le chef claviciilaire s'insère en lias sur le quart interne de la

clavicule, en haut existent deux groupes de fibres d'insertion, les unes

se fixent au sommet et au bord antérieur de l'apophyse mastoïde, les

autres suivent la direction du chef sternal avec lequel elles se confondent,

gagnent la ligne courbe supérieure de l'occipital, et se terminent sur la

partie externe de cette ligne courbe.

Innervation. La branche externe du spinal fournil un ou deux

rameaux au l'J¡"ïdo-mast(,ïoi('11. La branche antérieure du troisième nerf

cervical s'anastomose avec un rameau provenant de la branche externe

du spinal, forme une anse de la convexité de laquelle naissent de nom-

hreux filets se distribuant aux faisceaux du muscle. Parfois le ste1'l1O-

mastoïdiell reçoit un petit filet du nerf hypoglosse.

Physiologie. Quand le sterno-mastodien prend son point fixe sur

le thorax il fléchit la tète, l'incline de son côté, lui imprime un mouve-

\ MUSCLES DU COU. 557

nient de rotation qui porte la face du côté opposé. Si la tète est en exten-

sion au moment de sa contraction, cette extension est exagérée. D'après

Duchenne la portion sternale a une action plus importante dans la rota-

tion de la tête que la portion claviculaire. Quand les deux sterno-mastoï-

diens se contractent ensemble, ils sont simplement fléchisseurs de la

tête. ' -

Le chef profond du muscle, le cléïdo-mastoïdien est innervé par le

spinal. Dans le torticolis névritique d'origine otique, c'est lui seul qui

presque toujours est atteint. On observe, pour un léger degré de contrac-

ture, l'inclinaison de la tête du côté malade; si la contracture est plus

forte, il y a un léger degré de rotation qui porte le menton vers l'épaule

du côté sain, mais cette dernière attitude est toujours très peu marquée.

Dans la contracture du chef superficiel du muscle on observe, au con-

traire, principalement la rotation de la tête. D'après Farabeuf le torticolis

a frigore n'atteint pas le chef profond cléïdo-mastoïdien.

Quand le sterno-mastoïdien prend son point fixe sur la tête, il devient

inspirateur surtout par son chef sternal. Duchenne dit avoir vu un malade

vivre plusieurs semaines en ne respirant qu'avec un sterno-mastoïdien,

mais normalement le rôle respiratoire du muscle est très peu important.

11 neut modérer l'expiration et agir ainsi dans l'expiration et le chant.

La section de la branche externe du spinal ayant pour conséquence une

atrophie complète ou presque complète du sterno-mastoïdien n'entraîne

pas de troubles fonctionnels bien graves. Babinski a insisté sur ce point

et dit à ce sujet : « Le sterno-mastoïdien est en quelque sorte un muscle

de luxe, et sa disparition ne produit pas de perturbation motrice- appré-

ciable z.

Scalènes. - - Insertions. Les auteurs français décrivent deux

scalènes : le scalène antérieur et le scalène postérieur; les auteurs alle-

mands et anglais divisent le scalène postérieur en deux portions : l'une

antérieure ou scalène moyen, l'autre postérieure ou scalène postérieur.

Le scalène antérieur naît en haut des tubercules antérieurs des troisième,

quatrième, cinquième et sixième vertèbres cervicales ; ces quatre fais-

ceaux se fusionnent en un muscle dont le tendon terminal vient se fixer

sur le tubercule de la face supérieure de la première côte (tubercule de

Lisfranc). Le scalène postérieur s'insère en haut sur les tubercules posté-

rieurs des apophyses transverses des sept vertèbres cervicales, en bas il

se divise en deux faisceaux : le faisceau antérieur vient s'insérer sur la

face supérieure et le bord externe de la première côte, le faisceau posté-

rieur sur le bord supérieur et la face externe de la seconde côte.

Innervation. Le scalène antérieur est innervé par des filets qui se

détachent des branches antérieures des 5e, '4", 5" et 6" nerfs cervicaux.

Le scalène postérieur reçoit ses filets nerveux des branches postérieures

des nerfs cervicaux (Testut). Poirier, au sujet de l'innervation du scalène

postérieur, écrit : «Les scalènes moyen et postérieur sont innervés par les

branches antérieures des 5e et 4e nerfs cervicaux, par des branches colla-

[G. GUILLAIN.]

tarâtes du plexus brachial et par un petit filet né du nerf du rhomboïde. »

Physiologie. Quand les scalènes prennent leur point fixe sur la

colonne vertébrale, ils élèvent les côtes et, sont inspirateurs. Quand ils

prennent leur point fixe sur les côtes, ils inclinent de leur côté la colonne

cervicale. En se contractant bilatéralement, les scalènes appliquent les

vertèbres les unes sur les autres, donnent de la rigidité à la colonne ver-

tébrale ; cette rigidité est utile dans l'acte de porter sur la tète un lourd

fardeau.

Droit latéral de la tête. Insertions. Le droit latéral de la

tète s'insère d'une part sur l'apophyse transversc de l'atlas, d'autre part

sur l'apophyse jugulaire de l'occipital.

Innervation. 11 est innervé par un rameau issu de la branche anté-

rieure du premier nerf cervical.

Physiologie. Le droit latéral de la tête incline la tête de son côté.

Région de l'os hyoïde.

Sterno-cléïdo-hyoïdien. Insertions. Le sterno-cléïdo-

hyoïdien s'insère en bas sur l'extrémité interne de la clavicule et sur le

ligament sterno-claviculaire postérieur, quelques faisceaux prennent

insertion sur le sternum et le premier cartilage costal. Les libres se por-

tent en haut et en dedans et s'insèrent au bord inférieur de l'os hyoïde.

Innervation. Branches antérieures des trois premiers nerfs cervi-

caux. Ces filets nerveux sont inclus dans l'anse de l'hypoglosse.

Physiologie. Le sterno-c)eïdo-hyoïdien abaisse l'os hyoïde.

Omo-hyoïdien. Insertions. L omo-bvofdien s'étend de l'omo-

plate à l'os hyoïde, il est divisé par un tendon intermédiaire en deux

ventres, l'un antérieur, l'autre postérieur. Le ventre postérieur s'insère

en arrière sur le bord supérieur de l'omoplate immédiatement en dedans

de l'échancrure coracodienne, le ventre antérieur s'insère sur la portion

la plus externe du corps de l'os hyoïde.

Innervation. Branches antérieures des trois premiers nerfs cervi-

caux par l'intermédiaire de l'anse de l'hypoglosse.

Physiologie. L'omo-hyoïdien abaisse l'os hyoïde en le portant légè-

rement en arrière. Richct pensait que ce muscle tendait l'aponévrose cer-

vicale moyenne, maintenait béantes les veines du cou pendant l'inspira-

tion et favorisait ainsi la circulation du sang veineux. Testut ne croit pas

à celle fonction de l'omo-hyoïdien car il manque parfois chez l'homme,

et sa section n'est pas suivie de troubles circulatoires.

Sterno-thyroïdien. - Insertions. Le sterno-thyroïdien s'in-

sère en bas sur la face postérieure du sternum jusqu'à la ligne médiane

et sur la face postérieure du premier cartilage costal. En haut-, il prend

insertion sur les deux tubercules qui sont à la face externe du cartilage

thyroïde et sur une corde ligamenteuse qui réunit ces deux tubercules.

Innervation. Hameaux issus de l'anse de l'hypoglosse.

MUSCLAS DU COU.

Physiologie. Le stcl'I1o-thYl'Oïdien abaisse le larynx.

Thyro-hyoïdien. Insertions. Le thyro-byoïdicn semble la

continuation du muscle sterno-thyroïdien. Il s'insère en bas sur les deux

tubercules de la face externe du cartilage thyroïde et sur la corde liga-

menteuse qui les réunit. En haut il s'insère sur le bord inférieur du

corps et de la grande corne de l'os hyoïde.

Innervation. Hameau de l'hypoglosse. D'après lloll ce rameau pro-

viendrait des nerfs cervicaux. '

Physiologie. Le thyro-hyoïdien abaisse t'es hyoïde. S'il prend son

point fixe sur l'os hyoïde immobilisé par ses élévateurs, il devient éléva-

teur du larynx.

Tous les muscles sous-hyoïdiens en fixant l'insertion inférieure des

muscles sus-hyoïdiens interviennent dans l'abaissement du maxillaire

inférieur.

Digastrique. Insertions. Le ventre postérieur du muscle digas-

trioue s'insère, sur le côté interne de l'apophyse mastoïde, le ventre anté-

rieur sur le maxillaire inférieur dans une fossette spéciale en dehors de

la symphyse.

Innervation. Le ventre postérieur du digastrique est innervé par

un rameau du facial et un rameau 'du gtosso-pharyngien. Le ventre, anté-

rieur est innervé par le nerf tttylo-hyoïdien, branche du nerf dentaire

£ inférieur, une des branches lui-même du nerf maxillaire inférieur.

" Physiologie. Le ventre antérieur du digastrique, en prenant son

point fixe sur le maxillaire inférieur élève l'os hyoïde, en prenant son

point fixe sur l'os hyoïde abaisse le maxillaire. Le ventre postérieur en

prenant son point fixe sur le crâne attire t os hyoïde en haut et en arrière,

en prenant son point fixe sur os hyoïde porte la tète en extension.

Stylo-hyoïdien. Insertions. Le stylo-hyoïdien s'insère en

haut sur le cote externe de l'apophyse stytoïde, en bas sur la face anté-

rieure du corps de l'os hyoïde au voisinage de la grande corne.

Innervation. Hameau issu du facial. Il reçoit aussi parfois un filet

du idosso-pharyngieu.

Physiologie. Le stylo-hyoïdien porte l'os hyoïde en haut et en

arrière. Avec, les autres muscles sus-hyoïdiens il élève l'os hyoïde et par

lui le larynx et la partie inférieure du pharynx, ainsi il a un rôle impor-

tant dans la déglutition.

Mylo-hyoïdien . Insertions. Le Imlo-hroïdil'n s'insère en

haut sur la ligne, oblique interne du maxillaire inférieur, ses libres se

portent en bas et en dedans vers la ligne médiane et s'insèrent sur la

face, antérieure de l'os hyoïde et sur la ligne blanche sus-hyoïdienne qui

s étend de l'os hyoïde à la symphyse du menton. Les muscles myto-hyoï-

diens constituent le plancher de la bouche.

Innervation. Nerf mylo-hyoïdien, branche du dentaire inférieur.

Physiologie. Le mylo-lyo'iclicnt élève t'os hyoïde, soulève la langue,

I applique contre la voûte palatine et joue ainsi un rôle dans la déglutition.

[G. GUILLAIN.]

: ni0 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

Génio-hyoïdien. Insertions. - Le génio-hyoïdien s'insère en

haut sur l'apophyse géni inférieure et en bas sur la partie moyenne de la

face antérieure de l'os hyoïde.

Innervation. - Nerf grand hypoglosse.

Physiologie. Le génio-hyoïdieu en prenant son point fixe sur le

maxillaire élève l'os hyoïde, en prenant son point fixe sur l'os hyoïde

abaisse le maxillaire.

- Région prévertébrale.

Grand droit antérieur de la tête. Insertions. Le grand

droit antérieur de la tête s'insère en haut sur la face inférieure de l'apo-

physe basilaire en avant du trou occipital, si ! porte en bas et en dehors,

se divise en quatre faisceaux qui se fixent sur les tubercules antérieurs

des ~>e, 4e, 5e et 0e vertèbres cervicales.

Innervation. Plexus cervical profond.

Physiologie. Le grand droit antérieur de la tôle fléchit la tête sur

la colonne vertébrale et les premières vertèbres cervicales sur les sui-

vantes. En se contractant d'un seul côté il détermine la rotation de la

face vers le muscle qui se contracte.

Petit droit antérieur de la tête. Insertions. Le petit

droit antérieur de la tète s'insère d'une part sur la face inférieure de

l'apophyse basilaire en avant du trou occipital, et d'autre part sur la

face antérieure des masses latérales de l'atlas et sur la portion voisine de

l'apophyse transverse de cette vertèbre.

Innervation. Branche antérieure du premier nerf cervical.

Physiologie. Le petit droit antérieur de la tête fléchit la tête et

l'incline latéralement.

Long du cou. Insertions. On distingue dans ce muscle trois

portions distinctes : la portion oblique descendante, la portion oblique

ascendante, la portion longitudinale. La portion oblique descendante

nait sur le tubercule antérieur de l'atlas, se dirige en bas et en dehors

et s'insère sur les tubercules antérieurs des 7f, V, J° et (i° vertèbres ce)'-

vicales par des digitations distinctes. La portion oblique ascendante

nait sur le corps des 2''et 5''vertèbres dorsales, se dirige, en haut et en

dehors et s'insère par deux ou trois di gitat ions sur les tubercules anté-

rieurs des 4 ? 5e et (ie vertèbres cervicales. La portion longitudinale est

constituée par des faisceaux il direction verticale qui s'insèrent sur le

corps des trois premières vertèbres dorsales, sur le corps des trois ou

quatre dernières cervicales, sur la crête de l'axis et jusque sur le tuber-

cule antérieur de l'atlas.

Innervation. Branches antérieures des quatre premiers nerfs cervi-

caux.

Physiologie. Le long du cou fléchit la colonne cervicale et l'incline

latéralement. '

MUSCLES DU THORAX. 561 t

IV. MUSCLES DU THORAX

Grand pectoral. Insertions. Le grand pectoral s'insère sur

le bord antérieur de la clavicule dans ses deux tiers internes, sur la face

antérieure du sternum, sur l'aponévrose abdominale du grand oblique,

sur les cartilages des cinq ou six premières côtes, ainsi que sur la portion

osseuse de la sixième ou de la septième. Tous les faisceaux constitutifs

du muscle convergent vers la lèvre antérieure de la coulisse bicipilale

et s'y insèrent par un large tendon.

Innervation. Plexus brachial. Les filets nerveux du grand pectoral

proviennent du nerf du grand pectoral ou grand nerf thoracique anté-

rieur el du nerf du petit pectoral ou petit nerf thoracique antérieur.

Physiologie. Il y lieu d'envisager l'action distincte des faisceaux

supérieurs et inférieurs du muscle. La partie supérieure, formée par les

fibres claviculaires et costales supérieures, porte l'épaule en avant et en

haut (attitude de la crainte et de l'humiliation). Quand le bras est ver-

tical, elle l'abaisse en le portant vers la ligne médiane jusqu'à ce qu'il

soit devenu horizontal (geste détenir); quand le bras est étendu transver-

salement, elle le rapproche de la ligne médiane (geste d'embrasser) ;

quand le bras est pendant le long du corps, elle amène le coude en avant,

en dedans et un peu en haut, serrant le bras contre le thorax.

La portion inférieure formée par les fibres sternales et costales infé-

rieures abaisse le moignon de l'épaule et applique le bras contre le

thorax. Si le bras est étendu transversalement, elle porte le coude en

avant et en bas. Si le bras est vertical, elle l'abaisse et porte le coude en

avant et en bas.

Le grand pectoral est rotateur du bras en dedans, c'est-à-dire prona-

teur. Dans le geste du prédicateur qui bénit les fidèles (Duchenne) le

mouvement de pronation se combine au mouvement d'abaissement.

Le muscle peut prendre son point fixe sur l'humérus, il agit alors sur

la clavicule, le sternum, les côtes, et peut, quand il se contracte bilatera-

lement, soulever le tronc, le rapprocher du hras et agir ainsi dans l'action

de grimper.

Il ne semble pas que le grand pectoral ait un rôle respiratoire, car

Duchenne a démontré expérimentalement que le muscle n'élevait pas les

cèles.

Les faisceaux antérieurs du deltoïde peuvent, dans une certaine mesure,

suppléer le grand pectoral paralysé.

Petit pectoral. Insertions. Le petit pectoral s'insère en

dedans sur le bord supérieur et la face externe des 5°, 4" et y° côtes. En

haut il s'insère sur la moitié antérieure du bord interne de l'apophyse

coracoïde.

Innervation. Nerf du petit pectoral, branche du plexus brachial.

IIt.\TIQI'F \F : I'It0l,. 3U

' [G. GUILLAIN.] ]

? G2 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

Physiologie. Quand le petit pectoral prcnd son point fixe surl'omo-

plate, il élève les côtes et ainsi est inspirateur. Quand prend son point

fixe sur les côtes, il détermine d'une part à l'omoplate un mouvement de

totalité en avant et en dehors, et, d'autre part, un mouvement de bascule

qui porte le moignon de l'épaule en bas et en avant, c'est-à-dire l'abaisse,

tandis que l'angle inférieur du scapulum se porte en haut et en arrière

et se rapproche de la colonne vertébrale.

Sous-clavier. Insertions. -Le est un petit muscle

qui s'étend de la première côte à la clavicule. Il s'insère sur le premier

cartilage costal et sur la portion osseuse correspondante de la première

côte. D'autre part, il se fixe dans la gouttière longitudinale située sur la

face inférieure de la clavicule.

Innervation. Nerf du sous-clavier, branche du plexus brachial.

Physiologie. Le muscle sous-clavier peut prendre son point fixe

sur la première côte, alors il abaisse la clavicule et avec elle le moignon

de l'épaule. Il peut prendre son point fixe sur la clavicule, alors il élève

la première côte et devient inspirateur. D'autre part, le muscle peut être

considéré comme un véritable ligament actif de l'articulation st{} ! 'l1o-cla-

viculaire. '

Grand dentelé. Insertions. Le grand dentelé peut être

divisé en trois portions. La portion supérieure, légèrement oblique en

bas et en avant, naît de l'angle supérieur du scapulum et se fixe par deux

digitations sur la première et la seconde côte. La portion moyenne nait

sur toute la hauteur du bord spinal de l'omoplate et se fixe par trois digi-

talions sur le bord inférieur et la face externe, des '2", 5e et 4" côtes; ces

trois digitations sont obliques en haut et en avant. La portion inférieure

naît sur la face interne de l'angle inférieur de l'omoplate et vient s'insé-

rer par des faisceaux distincts aux j", (te, 7", ses ne et 10" côtes; les plus

élevés de ces faisceaux ont une direction transversale, les autres sont

obliques en bas et en avant. '

Innervation. Nerf du grand dentelé ou nerf thoracique inférieur,

branche du plexus brachial .

Physiologie. Le grand dentelé prenant son point fixe sur le thorax

et se contractant en totalité porte l'omoplate en avant en dehors et en

haut. Le grand dentelé agit quand on pousse un objet en avant avec le

moignon de l'épaule. La portion moyenne du muscle produit isolément

ce même mouvement. La portion supérieure fait exécuter à l'omoplate un

mouvement de bascule, elle, attire en haut et en dehors son angle supéro-

interne, en haut et en dedans son angle inférieur. La portion inférieure

attire l'angle inférieur en avant et en dehors et élève l'acromion, puis elle

élève l'omoplate en totalité.

Le grand dentelé prenant son point fixe sur l'omoplate a une action

sur les côtes. La première et la troisième portion du muscle élèvent les

côtes, la seconde abaisse les côtes; mais, comme la première et la

troisième portion l'emportent de beaucoup par leur volume sur la seconde,

MUSCLES DU THORAX. 505 1-)

le in-and dentelé peut être considéré comme un muscle inspirateur.

Quand le grand dentelé est paralysé, le bras ne peut s'élever au-dessus

de l'horizontale. Durant le mouvement d'élévation du bras l'angle externe

clll scapulum s'abaisse, l'angle inférieur se porte en arrière et en dedans

et fait saillie sous la peau. Le trapèze peut cependant suppléer le grand

dentelé. Si le trapèze, le rhomboïde, l'angulaire de l'omoplate sont nor-

maux, la paralysie du grand dentelé n'amène pas de déformations persis-

tantes delà région scapulaire.

Souques (Soc. méd. des Hôpitaux de Paris, 1898) a attiré l'attention

surine déformation particulière du thorax dans les cas de paralysie isolée

du muscle grand dentelé; elle ne se voit que du côté paralysé et exclusi-

vement dans l'élévation volontaire du bras. Elle est essentiellement carac-

térisée par une asymétrie manifeste qui porte sur la région axillaire et sur

la paroi thoracique proprement dite. Le creux de l'aisselle est profondé-

ment modifié, sa paroi postérieure disparait peu près complètement et

se place sur le même plan que la paroi interne avec laquelle elle se con-

fond et qu'elle prolonge en arrière. Ces modifications dépendent du sca-

pulum alatum. Sans parler de la disparition des digitations du grand

dentelé et de l'aspect lisse et uni de la région, le thorax présente les

changements suivants : élargissement de la paroi antérieure plus mar-

qué dans l'élévation du hras en avant que dans son élévation en dehors;

modification de la ligne latérale qui prend la forme d'une Sa boucles très

allongées; rétrécissement de la paroi postérieure; dilatation générale de

la cage thoracique avec voussure latérale convexe en dehors; élévation

modérée de la cage thoracique. Les facteurs de cette difformité sont,

d'une part l'existence de l'omoplate ailée, d'autre part, l'étal paralytique

du muscle grand dentelé et l'action supplémentaire exagérée des muscles

inspirateurs accessoires.

Muscles intercostaux. Insertions. Les muscles inter-

costaux externes s'insèrent sur la lèvre externe du bord inférieur de la

côte qui est au-dessus et, d'autre part, sur la lèvre externe du bord supé-

rieur de la côte qui est au-dessous. Les faisceaux du muscle sont dirigés

en bas et en avant.

Les muscles intercostaux internes s'insèrent sur la lèvre interne du

bord inférieur de la côte qui est au-dessus et, d'autre part, sur la lèvre

interne du bord supérieur de la côte, qui est au-dessous. Les faisceaux

du muscle sont dirigés en bas et en arrière.

Innervation. Nerfs intercostaux. '

Physiologie. Le rôle des muscles intercostaux externe et interne a

ele très discuté, on les a considérés successivement les uns et les autres

comme inspirateurs et expirateurs, la plupart des auteurs admettant

d'ailleurs que les intercostaux externes et internes sont antagonistes.

leur l'layow et Jlagendie les intercostaux internes et les intercostaux

externes sont à la fois inspirateurs et expirateurs.

Testut croit leur fonction plus modeste, il pense qu'ils jouent le rôle de

[G. GUILLAIN..]

5ü} i PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

simples parois élastiques, ils n'entreraient en jeu que dans les actes

respiratoires exagérés pour lutter contre la pression aérienne exagérée

que cette pression vienne du dehors comme cela se voit dans une forte

inspiration, ou qu'elle vienne du dedans comme cela s'observe dans une

expiration violente ou contrariée. La fonction des intercostaux est peu

importante, aussi ces muscles sont-ils en partie charnus et en partie

fibreux.

Surcostaux. Insertions. Les surcostaux sont de petits mus-

cles triangulaires situés en arrière des intercostaux externes, entre l'extré-

mité postérieure des côtes et l'apophyse iransverse des vertèbres-. Ils s'in-

sèrent en haut sur le sommet des apophyses transverses, se portent en bas

et en dehors et se terminent en éventail sur le bord supérieur de la face

externe de la côte située au-dessous dans la région séparant la tubérosité

de l'angle. On voit parfois quelques faisceaux des surcostaux franchir

une côte, et s'insérer sur la côte suivanle. Ces longs surcostaux sont fré-

quents dans la région comprise entre la neuvième et la douzième côte.

Innervation. Nerfs intercostaux.

Physiologie. Les muscles surcostaux prennent leur point fixe sur

les apophyses transverses, ils élèvent les côtes, sont donc inspirateurs.

Sous-costaux. Insertions. Les muscles sous-costaux sont

situés dans le thorax entre la plèvre pariétale et l'extrémité postérieure

des intercostaux internes. Ils s'insèrent sur la face interne d'une cote,

se dirigent en bas obliquement ou verticalement et se fixent sur la face

interne de la côte sous-jacente ou de celle qui vient après. Le nombre de

ces muscles est très variable, les sous-costaux supérieurs l'ont très sou-

vent défaut ainsi que certains autres d'entre eux. ?

Innervation. Nerfs intercostaux. '" r

Physiologie. Les muscles sous-costaux n'ont pas d'action, ce sont

des muscles rudimentaires.

Triangulaire du sternum. Insertions. Le muscle trian-

gulaire du sternum situé en arrière de cet os s'insère en dedans sur les

parties latérales de l'appendice xyphoïde et du corps du sternum, il se

porte en dehors et, se divisant en quatre ou cinq digitations, vient s'atta-

cher sur la face interne et le bord inférieur des sixième, cinquième,

quatrième et troisième cartilages costaux, parfois sur le deuxième elle

premier. La digitation inférieure de la sixième côte est transversale et se

continue avec les faisceaux supérieurs du transverse de l'abdomen, les

digitations suivantes sont obliques en haut et en dehors et se rappro-

chent d'autant plus de la verticale qu'elles sont plus supérieures.

Innervation. Nerfs intercostaux.

Physiologie. Le triangulaire du sternum par ses faisceaux obli-

ques peut abaisser les côtes, mais son action est très faible. C'est un

muscle rudimentaire.

MUSCLES DE L'ABDOMEN. à6,)

V. MUSCLES DE L'ABDOMEN

Diaphragme. -Insertions. Les faisceaux charnus du diaphragme

se détachent du centre phrénique qui a la forme d'un trèfle-. Les faisceaux

antérieurs ou sternaux naissent de la foliole moyenne, se portent en

avant, forment deux languettes qui s'insèrent sur la base de l'appendice

y-phoïcle. Les faisceaux latéraux ou costaux naissent sur les côtés de la

foliole moyenne et sur la plus grande partie de la foliole latérale, s'insè-

rent sur la face interne et le bord supérieur des six dernières côtes. Les

faisceaux postérieurs ou lombaires se détachent de la partie postérieure du

trèfle aponévrotique, leur insertion terminale est complexe : au niveau du

carré des lombes ils se terminent sur une arcade fibreuse, l'arcade du

carré des lombes ou ligament cintré du diaphragme, qui s'étend en avant

du muscle carré des lombes du sommet de la douzième côte à la face

antérieure et au bord supérieur de l'apophyse transverse de la deuxième

vertèbre lombaire ; au niveau du psoas les fibres du diaphragme se ter-

minent sur l'arcade du psoas qui s'étend du corps de la deuxième vertè-

bre lombaire à la base de l'apophyse transverse de la première ; au niveau

de la colonne vertébrale les fibres du diaphragme forment deux gros

faisceaux, les piliers du diaphragme. Le pilier droit s'insère sur le corps

des 2c et 5*' vertèbres lombaires et sur les disques intervertébraux situés

entre les 1"' et 2", 2'' et 3 ? 3" et 4'' vertèbres lombaires ; sur le côté externe

du pilier droit est un petit pilier accessoire dont le tendon s'insère sur le

corps de la 2'' lombaire et sur le disque intervertébral qui la sépare de

la première. Le pilier gauche s'insère sur la deuxième vertèbre lombaire

et sur les deux disques intervertébraux sus et sous-jacents. De même

que le pilier droit il présente sur son côté externe un pilier accessoire qui

descend un peu moins bas que lui. Les deux piliers s'envoient un faisceau

anastonoticlue; ces faisceaux s'entre-croisent et séparent ainsi deux orifi-

ces : un orifice supérieur oesophagien, un orifice inférieur aortique.

Innervation. Nerf phrénique, branche du plexus cervical profond.

Le diaphragme reçoit aussi un certain nombre de filets nerveux issus des

six derniers nerfs intercostaux; ils se distribuent à la partie juxta-costale

du muscle.

Physiologie. Le diaphragme est principalement un muscle inspira-

teur. Il dilate le thorax en augmentant les trois principaux diamètres de

cette cavité. La contraction du muscle tend à donner aux fibres charnues

une direction rectiligne, il leur faire perdre leur forme cintrée, ainsi est

agrandi le diamètre vertical du thorax. Cet agrandissement du diamètre

vertical se produit aussi par l'abaissement du centre phrénique.

Le diaphragme élève, les six dernières côtes et allonge ainsi les diamè-

tres antéro-postérieur et transverse du thorax. Beau et Maissiat pensaient

flue le point d'appui nécessaire aux fibres charnues du diaphragme pour

[G. GUILLAIN]

: .00 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE

élever les côtes leur était fourni par les connexions du centre phrénique

avec le péricarde. Pour Duchenne ce sont les viscères abdominaux qui don-

nent au diaphragme le point d'appui : il a constaté, en faisant contracter le

diaphragme chez des animaux éventrés, que les côtes étaient attirées en

dedans au lieu d'être élevées.

En se contractant le diaphragme rétrécit la cavité abdominale, aussi

les viscères abdominaux sont-ils rejetés sur la paroi abdominale qui se

contracte plus ou moins.

Le diaphragme intervient dans le rire, le bâillement, le hoquet, l'ef-

fort, la défécation, le vomissement. Le rôle du diaphragme dans le vomis-

sement n'est pas exclusif, car on a observé des vomissements chez des

individus qui avaient des vices de conformation du diaphragme.

Le diaphragme en comprimant les racines de la veine porte dans 1 ins-

piration favorise la circulation abdominale.

La contraction du muscle rétrécit l'orifice oesophagien; ainsi sciait

empêché, d'après Bérard, le reflux des aliments comprimés dans l'es-

tomac au moment de l'inspiration. Les orifices de l'aorte et de, la veine

cave inférieure ne sont pas influencés par la contraction du diaphragme.

Quand il existe une paralysie bilatérale du diaphragme, on constate il

chaque inspiration une dépression de la région épigastrique et il chaque

expiration un soulèvement de celte région. L'inspiration estgênée el celte

gène est surtout accentuée lors des mouvements, des efforts, car dans la

position de repos d'autres muscles peuvent suppléer le diaphragme. Dans

la paralysie unilatérale du diaphragme on observe par la vue et le palper

des différences dans les mouvements de la base du thorax et de la partir

supérieure de l'abdomen entre le côté sain et le côté malade lors des

mouvements respiratoires.

Grand droit de l'abdomen. Insertions. Le grand droit

de l'abdomen s'insère en bas sur le corps du pubis dans l'intervalle com-

pris entre l'épine et l'angle. En haut le muscle se divise en trois faisceaux :

le faisceau externe s'insère sur le bord inférieur du cartilage costal de la

cinquième côte, le faisceau moyen sur le bord inférieur du cartilage de

la sixième côte, le faisceau interne sur le bord inférieur du cartilage de

la septième côte et sur le ligament coslo-xyphoïdien, parfois sur l'apprll-

dice xyphoïde lui-même.

Innervation. Les parties supérieure et moyenne du grand droit sont

innervées par les six ou sept derniers nerfs intercostaux, la partie iutc-

ricure par les deux nerfs abdomino-génitaux, branches du plexus 10111-

baire. '

Physiologie. Le grand droit de l'abdomen, en prenant son point lixe

sur le pubis, abaisse les côtes et fléchit le thorax. 11 est expirateur el f1l-

citisseur du thorax. En prcnant son point fixe sur les côtes il porte le bas-

sin en avant.

La contraction du grand droit comprime les viscères abdominaux et agit

ainsi dans la défécation, la miction, le vomissement, l'accouchement.

MUSCLES DE L'ABDOMEN. 567

Pyramidal. Insertions. Le pyramidal, situé à la partie infé-

rieure de l'abdomen en avant du grand droit, s'insère en bas au-devant du

corps du pubis entre la symphyse et l'épine, lise termine en haut par une

extrémité effilée sur la ligne blanche en un point également distant de la

symphyse pubienne et de l'ombilic.

Innervation. La partie, supérieure du muscle est innervée par les

derniers nerfs intercostaux, la partie inférieure par les nerfs abdomino-

génitaux.

Physiologie. Le pyramidal n'a pas de fonction utile. Certains

auteurs lui attribuent le rôle de tendre la ligne blanche, mais, comme le

fait remarquer très justement Testut, on ne voit pas dans quelles circon-

stances la ligne blanche aurait besoin d'être tendue.

Grand oblique de l'abdomen. Insertions. Le grand obli-

que s'insère en haut sur la face externe et le bord inférieur des sept ou

huit dernières côtes par autant de digitations. 11 forme un grand éven-

tail, ses faisceaux supérieurs ou antérieurs sont à peu près horizontaux,

ses faisceaux moyens obliques, ses faisceaux inférieurs ou postérieurs

verticaux. En bas les libres les plus inférieures du muscle, celles qui pro-

viennent des deux dernières côtes, s'insèrent sur la lèvre externe de la

crête iliaque. Tous les autres faisceaux du muscle, c'est-à-dire ceux qui

viennent des 6 ? 7 ? 8 ? 9 ? 10'' côtes, se jettent sur le bord externe d'une

large lame fibreuse dite aponévrose du grand oblique. Cette aponévrose,

qui est un véritable tendon terminal du muscle, s'insère sur la crête ilia-

que, sur le bord antérieur de 1 os coxal (arcade crurale), sur le pubis

(piliers du canal inguinal), sur la ligne blanche.

Innervation. Nerfs intercostaux inférieurs, grand abdolllino-génital

et petit abdolllino-génitai. '

Physiologie. Le grand oblique, en prenant son point fixe sur le bas-

sin, abaisse les côtes et est expirateur si la colonne vertébrale est immobi-

lisée, fléchit le thorax sur le bassin si la colonne vertébrale est mobile; de

plus il comprime les viscères abdominaux. La contraction unilatérale du

grand oblique imprime au thorax un mouvement de rotation qui porte sa

face antérieure du côté opposé.

Si le grand oblique prend son point fixe sur le thorax il soulève le

bassin.

Petit oblique. Insertions. Le petit oblique est dirigé en sens

contraire au précédent muscle, il s'étend de la région lombo-iliaque aux

dernières côtes, à la ligne blanche, au pubis. Il s'insère sur le tiers

externe ou la moitié externede l'arcade crurale, sur l'épine iliaque antéro-

supérieure et sur l'interstice de lacréte iliaque dans ses deux tiers ou ses

trois quarts antérieurs, puis sur une aponévrose (aponévrose postérieure

du petit oblique) qui se fusionne avec l'aponévrose du grand dorsal et

qui relie le muscle aux apophyses épineuses de la dernière vertèbre lom-

baire et de la première vertèbre sacrée. Les faisceaux du petit oblique

divergent ci s'étalent en un vaste éventail. Les faisceaux les plus posté-

[G. GUILLAIN.]

? (;8 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

rieurs, ceux qui proviennent de l'aponévrose lombaire et de la partie

moyenne de la crête iliaque, se dirigent vers le thorax et se terminent sur

le bord inférieur et le sommet des trois ou quatre derniers cartilages

costaux. Les faisceaux les plus antérieurs se dirigent en bas et en dedans

et se terminent, en se fusionnant plus ou moins avec les faisceaux du

transycrse pour former le tendon conjoint, sur le bord supérieur du pubis,

sur l'épine pubienne et jusque sur la crête pectinéale. Les faisceaux

moyens du petit oblique, ceux qui sont compris entre les faisceaux à

insertion costale et ceux à insertion pubienne, se terminent sur le bord

externe d'une large aponévrose, l'aponévrose antérieure du petit oblique

qui gagne la ligne blanche.

Innervation. Nerfs intercostaux. Grand abdomino-génitat et petit

abdoniino-génital.

Physiologie. Le muscle petit oblique abaisse les côtes, fléchit le

thorax. Quand il se contracte d'un seul côté, le thorax se porte de ce

côté; il est donc antagoniste du grand oblique. Si le muscle prend son

point fixe sur le thorax il élève et fléchit le bassin.

Transverse de l'abdomen. Insertions. Le transverse de

l'abdomen s'insère sur la face interne de la portion cartilagineuse des six

dernières côtes par des digitations distinctes, sur la lèvre interne de la

crête iliaque dans ses trois quarts antérieurs, sur le tiers externe de l'ar-

cade crurale, sur la colonne lombaire et plus particulièrement sur les

apophyses transverses par l'intermédiaire d'une large aponévrose d'inser-

tion, l'aponévrose postérieure du transverse. En avant l'aponévrose anté-

rieure du transverse se fixe il la ligne blanche ; la partie tout inférieure

de cette aponévrose s'insère sur le pubis depuis la symphyse jusqu'à la

crête pectinéale, elle se fusionne avec les faisceaux pubiens de l'apnnn-

vrosc du petit oblique formant le tendon conjoint.

Innervation. Nerfs intercostaux. Grand abdomino-génital et petit

abdolllino-gtn1Ïtal.

Physiologie. Le transverse de l'abdomen comprime les viscères

abdominaux et agit ainsi dans divers actes comme la défécation, la miction,

le vomissement, etc.. Les viscères abdominaux refoulent le diaphragme

en haut, ainsi le trausverse produit l'expiration. Son rô ! e expirateur tient

aussi à ce qu'il rétrécit le thorax en attirant les côtes en dedans. Duchenne

a montré que les muscles de la paroi abdominale n'étaient pas indispen-

sables à la respiration normale, ils peuvent être, atrophiés sans que des

troubles respiratoires importants existent, ils ont une action surtout dans

l'expiration forcée, la toux, le chant. '

Carré des lombes. Insertions. Le carré des lombes prend

insertion en bas sur le ligament iiio-iombaire et sur la lèvre interne de la

crête iliaque sur une étendue de deux à trois centimètres. En haut les

fibres s'insèrent sur le bord inférieur de la douzième côte et sur le som-

met des apophyses transverses des quatre premières vertèbres lombaires.

Il existe un second plan de fibres en avant de celui-ci, elles se détachent

MUSCLES DE L'ABDOMEN. a69

du bord inférieur de la douzième côte, se portent en bas et en dedans et

viennent s'insérer sur les apophyses transverses des deux ou trois dernières

vertèbres lombaires.

Innervation. Douzième nerf intercostal et rameaux issus des bran-

ches antérieures des trois ou quatre premiers nerfs lombaires.

Physiologie. Le muscle carré des lombes, en prenant son point fixe

sur le bassin, incline de son côté la colonne lombaire, il abaisse aussi les

cèles et devient ainsi expirateur. En prenant son point fixe sur le thorax

il incline le bassin de son côte.

Psoas iliaque. Insertions. La portion psoas du muscle s'in-

sère en haut sur la face latérale du corps de la douzième vertèbre dorsale

et des quatre premières lombaires, sur les disques intervertébraux qui .

les séparent, sur la base des apophyses transverses de ces vertèbres. En

bas le tendon du muscle s'insère à la face postérieure du petit trochanter.

La portion iliaque du muscle prend ses insertions sur les deux tiers

supérieurs de, la fosse iliaque, sur la lèvre interne de la crête iliaque et

sur le ligament itio-tombaire, sur la base du sacrum, sur les deux épi-

nes iliaques et sur l'échancrure qui les sépare, sur la face antérieure de

la capsule articulaire de l'articulation coxo-fémorale. Presque tous les

faisceaux de ce muscle se terminent sur la face externe du tendon du

psoas qui s'insère à la face postérieure du petit trochanter. Quelques

faisceaux formant le petit muscle iliaque vont directement au fémur en

longeant le bord inférieur du tendon du psoas.

' Innervation. Rameaux provenant directement du plexus lombaire

et quelques filets issus du nerf crural.

Physiologie. Le muscle psoas-iliaque, en prenant son point fixe sur la

colonne et sur le bassin, produit la flexion de la cuisse sur le

bassin et sa rotation en dehors. Le muscle tenseur du fascia lata amenant

la flexion de la cuisse avec rotation en dedans, la contraction simultanée

de ce muscle et du psoas iliaque produit la flexion simple de la cuisse; ces

muscles ont une action dans la marche.

Le muscle psoas-iliaque, en prenant son point fixe sur le fémur, fléchit

la colonne vertébrale et le bassin par sa portion lombaire; par sa portion

iliaque il détermine un mouvement de rotation du bassin qui porte la

symphyse pubienne du côté opposé.

Petit psoas. Insertions. -Le petit psoas s'insère en haut sur le

corps de la première vertèbre dorsale, sur le corps de la première vertè-

bre lombaire et sur le disque libro-cartilagineux qui les sépare; en bas le

tendon terminal s'insère sur t'éminence ilio-pectillée et sur le fascia 1

iliaca.

Innervation. Rameaux issus du plexus lombaire.

Physiologie. Le petit psoas est le vestige d'un muscle existant chez

beaucoup de mammifères, les sauteurs par exemple. n'a chez l'homme

aucun rôle utile. '

[G. GUILLAIN.]

S70 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

VI. MUSCLES DE LA RÉGION POSTÉRIEURE

DU TRONC ET DU COU

MUSCLES SUPERFICIELS DE LA RÉGION C £ RVICD-DORSO-LOMBAIRE

Trapèze. Insertions. -Le trapèze s'insère en dedans sur le tiers

interne (lèvre inférieure de la ligne courbe occipilalc supérieure), sur la

protubérance occipitale externe, sur le ligament cervical postérieur,

lequel s'étend de la protubérance occipitale externe à l'apophyse épineuse

de la sixième vertèbre cervicale, sur le sommet des apophyses épineuses

de la septième cervicale et des dix ou onze premières vertèbres dorsales

et sur les ligaments surépineux correspondants. Les faisceaux supérieurs

du muscle oblique en bas et en dehors viennent s'insérer sur le tiers

externe du bord postérieur de la clavicule. Les faisceaux moyens, qui sont

plus ou moins transversaux, s'insèrent sur le bord postérieur de l'acru-

mion et sur la lèvre supérieure du bord postérieur de l'épine de l'omo-

plate dans toute son étendue. Les faisceaux inférieurs obliques en haut

et en dehors s'insèrent à la partie interne de l'épine de l'omoplate dans

une étendue variant entre un et trois centimètres. ,

Innervation. Branche externe du spinal. Le trapèze reçoit aussi un

rameau du plexus cervical profond; ce rameau, dit nerf du trapèze, pro-

vient de la branche antérieure de la troisième cervicale, parfois de la qua-

trième. Outre ces rameaux principaux, le trapèze reçoit encore, pour sa

partie toute supérieure, quelques filets accessoires du grand nerf occi-

pital (Testut).

Physiologie. Au point de vue physiologique, il est nécessaire d'en-

visager différentes parties dans le muscle trapèze. La partie claviculaire,

dite respiratoire, élève la clavicule, agit dans l'inspiration. Duchenne a

fait remarquer que cette partie était l'ultinwm moriens dans les atrophies

du trapèze.

Les fibres de la partie moyenne qui s'insèrent le plus en dehors

élèvent l'acromion, font basculer l'omoplate dont l'angle inférieur s'éloigne

de la ligne médiane. Les libres de la portion moyenne qui s'insèrent en

dedans des précédentes rapprochent l'omoplate de la ligne médiane,

effacent le moignon de l'épaule; elles sont adductriecs.

Les fibres de la partie inférieure attirent l'omoplate en bas et en

arrière, élèvent 1 épaule de un ou deux centimètres.

Le muselé, considéré dans son ensemble, élève le moignon de l'épaule

en rapprochant l'omoplate de la colonne vertébrale.

Le trapèze peut prendre son point d'insertion lixe sur l'omoplate. Les

faisceaux supérieurs ctavicutairesinctinen) ta tète de leur coté et un peu

en arrière, en déterminant ainsi un mouvement de rotation qui porte la

face du côté opposé. Quand le trapèze se contracte bitatératement, la tête

MUSCLES DE LA RÉGION POSTÉRIEURE DU TRONC ET DU COU. 571

est portée directement en arrière. Les faisceaux moyens inclinent la

colonne cervicale de leur côté. Les faisceaux inférieurs peuvent, dans

certaines conditions, lorsqu'on est suspendu par les membres inférieurs

par exemple, avoir un rôle dans l'action de grimper.

La paralysie du trapèze se traduit par des signes différents suivant la

partie ! de muscle qui est affectée. La paralysie de la partie supérieure ne

se constate que dans les grandes inspirations. Quand la partie inférieure

et la moitié interne de la partie moyenne sont atteintes, le bord spinal

du scapulum se dévie à 10 ou 12 centimètres de la ligne médiane, le

moignon de l'épaule se porte en avant ; si la paralysie est bilatérale le

dos est arrondi et la poitrine déprimée. Quand la moitié externe de la partie

moyenne est paralysée, le scapulum tourne de dehors en dedans autour de

son angle interne, le bord spinal s'écarte des apophyses épineuses, s'in-

cline en bas et en dedans, le moignon de l'épaule s'abaisse. Le muscle

grand dentelé corrige la déviation de l'épaule. Dans le cas de paralysie

du trapèze, le rhomboïde est seul capable de rapprocher les épaules en

arrière, il élève en même temps le scapuhnn et abaisse par un mouvement

de rotation son angle acromial; le défaut de fixité de l'omoplate est aussi

une grande gêne pour l'élévation du bras.

Grand dorsal. Insertions. Le grand dorsal s'insère sur les

apophyses épineuses des six ou sept dernières vertèbres dorsales et des

cinq vertèbres lombaires, ainsi que sur les ligaments surépineux corres-

pondants, sur la crête sacrée, sur le tiers postérieur et sur la lèvre externe

de la crête iliaque, sur la face externe des trois ou quatre dernières cotes.

Le tendon d'insertion supérieur du grand dorsal se lise, en avant de celui

du grand rond, dans le fond de la coulisse bicipitale.

Innervation. Nerf du grand dorsal, branche du plexus brachial,

venant du cinquième nerf cervical, parfois du circonflexe.

Physiologie. Le grand dorsal peul prendre son point fixe sur la

colonne vertébrale ou sur l'humérus. Quand il prend son point fixe sur la

colonne vertébrale et que le bras est élevé et écarté du tronc, le grand

dorsal l'abaisse, le l'approche du tronc et l'amène en arrière en lui faisant

exécuter un mouvement de rotation qui porte la face palmaire en dedans

vers la ligne médiane. Quand le bras est placé dans une direction paral-

lèle il 1 axe du tronc, le grand dorsal agit principalement sur l'omoplate,

le tiers supérieur du muscle rapproche l'omoplate de la ligne médiane

de deux a trois centimètres; en se contractant des deux côtés il efface

les épaules et étend le tronc, détermine la position du soldat au port

d armes. Les deux tiers inférieurs abaissent le moignon de l'épaule et

inclinent légèrement le tronc de leur côté. ,L

Quand le grand dorsal prend son point fixe sur l'humérus, il peut sou-

lever le corps tout entier connue dans l'action de grimper ou les côtes

seules dans l'inspiration.

Quand le grand dorsal est paralysé, l'épaule ne peut se porter en arrière

sans s élever par l'action du rhomboïde et du trapèze, les mouvements

[G. GUILLAIN.]

? 72 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

d'abaissement du bras ne se produisent plus que par l'effet de la pesan-

teur.

Rhomboïde. Insertions. Le rhomboïde s'insère d'une part

sur la partie inférieure du ligament cervical, sur les apophyses épineuses

de la septième cervicale et des quatre ou cinq premières dorsales. Les

faisceaux du muscle se dirigent en bas et en dehors et viennent se fixer

sur la partie du bord spinal de l'omoplate située au-dessous de l'épine.

Innervation. Nerf du rhomboïde, branche collatérale du plexus

brachial provenant de la quatrième ou cinquième cervicale. En outre il

reçoit un filet nerveux du plexus cervical pour ses faisceaux supé-

rieurs.

Physiologie. Le rhomboïde porte l'omoplate en dedans, il fait

basculer cet os dont l'angle inférieur se rapproche de la ligne médiane,

tandis que le moignon de l'épaule s'abaisse. Si le bras est verticalement

levé au moment où le rhomboïde se contracte, il s'abaisse avec force.

Quand le rhomboïde est paralysé, le bord spinal du scapulum s'écarte

du thorax et son angle inférieur se porte en avant, ce qui est dû à l'action

prépondérante du grand dentelé. Cette paralysie annihilant un moyen de

fixité important de l'omoplate diminue secondairement l'action inspira-

foire du grand dentelé et affaiblit le mouvement par lequel le bras se

porte en arrière et en dedans. Les omoplates peuvent encore se rappro-

cher de la ligne médiane grâce au grand dorsal (Haillon).

Angulaire de l'omoplate. Insertions. L'angulaire de

l'omoplate s'insère sur l'apophyse transverse de l'atlas, sur les tubercules

postérieurs des apophyses transverses des trois ou quatre vertèbres sui-

vantes, il se porte en bas et en dehors et vient se fixer soit sur l'angle

supérieur du scapulum, soit sur la portion du bord spinal qui est située

au-dessus de l'épine.

Innervation. Nerf de l'angulaire de l'omoplate, branche du plexus

brachial.

Physiologie. L'angulaire de l'omoplate, en prenant son point fixe

sur la colonne cervicale, attire en haut et en dedans l'angle supérieur de

l'omoplate, abaisse le moignon de l'épaule. En prenant son point fixe sur

l'omoplate il incline la tête de son côté.

La paralysie de l'angulaire n'amène pas de troubles importants dans la

statique de l'omoplate, car le rhomboïde peut le suppléer.

Petit dentelé postérieur et supérieur. Insertions. Le

petit dentelé postérieur et supérieur s'insère en dedans sur la partie

inférieure du ligament cervical et sur le sommet des apophyses épineuses

de la septième cervicale et des trois premières dorsales. En dehors il

s'insère par quatre digitations sur le bord supérieur et la face externe

des deuxième, troisième, quatrième et cinquième côtes.

Innervation. Filets nerveux provenant des quatre premiers nerfs

intercostaux. D'après Poirier le muscle recevrait un rameau de la branche

du rhomboïde.

MUSCLES DE LA RÉGION POSTÉRIEURE DU TRONC ET DU COU. 373

Physiologie. - Le petit dentelé postérieur et supérieur élève les

côtes, est par conséquent inspirateur.

Petit dentelé postérieur et inférieur. Insertions. Le

petit dentelé postérieur et inférieur s'insère sur les apophyses épineuses

des deux dernières vertèbres dorsales et des deux ou trois premières

vertèbres lombaires; il se porte en haut et en dehors, se divise en quatre

dilatations qui viennent se fixer au bord inférieur et à la face externe

des quatre dernières côtes.

Innervation. Filets nerveux provenant des neuvième, dixième,

onzième nerfs intercostaux. D'après Poirier il recevrait un rameau du

nerf du grand dorsal.

Physiologie. Le petit dentelé postérieur et inférieur, en raison de

son obliquité, attire en bas et en dehors les dernières côtes sur lesquelles

il s'insère, il agrandit donc le thorax a sa partie inférieure. D'autre part,

eu fixant les côtes inférieures il favorise l'action inspiratrice du dia-

phragme. A ce double titre le petit dentelé postérieur et inférieur est

comme le supérieur, un muscle inspirateur (Testut).

MUSCLES DE LA NUQUE

Splénius. - Insertions. Le sptenius s'insère en dedans sur le

tiers inférieur du ligament cervical postérieur, sur les apophyses épineuses

de la septième cervicale el des quatre ou cinq premières dorsales ainsi

que sur les ligaments t[ltt1'i11111e11\ correspondants. Il se porte en haut

et en dehors et se divise en deux portions distinctes : la portion interne

ou splénius de la tête s'insère sur les deux tiers externes de la ligne,

courbe occipitale supérieure, sur la portion mastoïdienne du temporal qui i

lui fait suite et sur la face externe de l'apophyse mastoïde en arrière et

au-dessous du sterno-mastoïdien ; la portion externe ou splénius du cou

s'insère par deux faisceaux distincts sur le sommet des apophyses trans-

verses de l'atlas et de l'axis.

Innervation. Branches postérieures des nerfs cervicaux et grand

nerf occipital.

Physiologie. Le sptenius étend la tête, l'incline de son côté, lui

imprime un mouvement de rotation qui porte la face du côté du muscle

qui se contracte. La contraction bilatérale des splénius amène l'extension

directe de la tête.

Grand complexus. Insertions. Le grand conillems s'in-

sère sur le sommet des apophyses transverses de la septième cervicale

et des quatre, cinq ou six premières vertèbres dorsales, sur la face

interne des apophyses articulaires et à la base des apophyses transverses

des quatre vertèbres cervicales inférieures, assez souvent sur l'apophyse

épineuse de la septième cervicale et de la première dorsale. Dans diflérents

points d'insertion les faisceaux constitutifs du muscle se portent en haut

[G. GUILLAIN.

;.Í1 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

vers l'occipital et s'insèrent sur l'empreinte rugueuse située entre les

deux lignes courbes.

Innervation. Grand nerf occipital. Le muscle reçoit aussi des

1¡leh nerveux provenant des branches postérieures des troisième, qua-

trième et cinquième nerfs cervicaux.

Physiologie. - Les muscles grand comptcxus. en se coutractantsitnui-

tant'ment, renversent la tête en arrière. Sappcy et Cruveilhier disent que

la contraction unilatérale du muscle imprime à la tète un mouvement de

rotation qui a pour effet de porter la face du côté opposé; Duchenne n'a

jamais pu constater ce mouvement de rotation.

Petit complexus. Insertions. Le petit complexus s'insère

en bas sur les apophyses transverses des quatre ou cinq dernières ver-

tèbres cervicales et souvent de la première vertèbre dorsale, en haut sur

le bord postérieur et le sommet de l'apophyse mastoïde.

Innervation. Grand nerf occipital et branches postérieures des trois

ou quatre nerfs cervicaux sous-jacents.

Physiologie. Le petit complcms renverse la tète en arrière, et lui

imprime un mouvement d'inclinaison latérale.

Transversaire du cou. Insertions. Le transversaire du

cou s'insère en bas sur les apophyses transverses des cinq premières

dorsales par des digitations distinctes qui se fusionnent en un seul corps

musculaire, celui-ci s'insère, par de nouvelles digitalions, sur les tuber-

cules postérieurs des apophyses transverses des cinq dernières cervi-

cales, parfois même sur les apophyses transverses de l'atlas et de

l'axis.

Innervation. Branches postérieures des derniers nerfs cervicaux

et des premiers nerfs dorsaux.

Physiologie. Le transversaire du cou étend la colonne cervicale et

l'incline latéralement.

Grand droit postérieur de la tête. Insertions. Le

grand droit postérieur de la tète s'insère d'une part sur le sommet de

l'apophyse épineuse de l'axis, d'autre part sur l'empreinte rugueuse de

l'occipital qui est au-dessous de la ligne courbe inférieure.

Innervation. Branche postérieure du premier nerf cervical.

Physiologie. Le grand droit postérieur de la tête étend la tête.

l'incline, latéralement et lui imprime un mouvement, de rotation qui a

pour effet de porter la face de son côté. Quand les muscles se contractent

bitatéraicmeru, ils renversent la tète en arrière.

Petit droit postérieur de la tête. Insertions. Le 1H'lil

droit postérieur de la tête s'insère d'une part sur le tubercule postérieur

de l'atlas, d'autre part sur l'empreinte rugueuse située au-dessous de la

ligne courbe inférieure de l'occipital en dedans du grand droit.

Innervation. Branche postérieure du premier nerf cervical.

Physiologie. Le petit droit postérieur de la tête est un extenseur

de la tète.

MUSCLES DE LA RÉGION POSTÉRIEURE DU TRONC ET DU COU. 575

Grand oblique ou oblique inférieur de la tête. - Inser-

tions. Le grand oblique de la tête s'insère en bas sur la face latérale

de l'apophyse épineuse de l'axis, il se porte en haut et en dehors et se

fixe sur la partie postérieure et inférieure de l'apophyse transverse de

l'atlas.

Innervation. Branche postérieure du premier nerf cervical et

branche postérieure de deuxième nerf grand occipital.

Physiologie. Le grand oblique de la tête, rapprochant de la ligne

médiane l'apophyse transverse de l'atlas, détermine un mouvement de

rotation de la tête qui porte la face de son côté.

Petit oblique ou oblique supérieur de la tête. Inser-

tions. Le petit oblique de la tête s'insère sur le sommet de l'apo-

physe transverse de l'atlas, ses fibres se portent en haut et en dedans et

se terminent sur l'occipital au-dessus et en dehors de l'insertion supé-

rieure du grand droit.

Innervation. Branche postérieure du premier nerf cervical.

Physiologie. Le petit oblique de la tête étend la tète et l'incline

latéralement.

MUSCLES DES GOUTTIÈRES VERTÉBRALES OU MUSCLES SPINAUX

lJr

Masse commune, ilio-costal, long dorsal, transver-

saire épineux. Insertions. Dans les gouttières vertébrales

existent trois formations musculaires qui s'étendent du sacrum à la

région cervicale : le muscle ilio-costal ou scccro-lombaire, le muscle

long dorsal et le muscle transversaire épineux. L'ilio-costal en dehors,

le long dorsal en dedans sont sur un plan superficiel, le transversaire

épineux occupe le plan profond. Cet. isolement des trois muscles des

gouttières vertébrales ne s'observe qu'à la région dorsale et à la partie

supérieure de la région lombaire, au-dessous les trois muscles fusionnés

forment la niasse commune. '

Voici la description anatomique que donne Testut de ces muscles si

complexes.

La masse commune, qui occupe au bassin la gouttière sacrée et à la

région lombaire l'espace compris entre les apophyses épineuses et les

apophyses costiformes, s'insère sur les apophyses épineuses des dernières

vertèbres, lombaires, sur la crête sacrée, sur les tubercules postérieurs

du sacrum, sur le grand ligament sacra-sciatique, sur la tubérosité ischia-

tique, sur le cinquième postérieur de la crète iliaque. L'aponévrose

d'insertion de la masse commune, l'aponévrose spinale, occupe en largeur

l'intervalle compris «mire la crête sacrée et la partie postérieure de la

crête iliaque, s'étend en hauteur du sommet du sacrum à la partie

supérieure de la région dorsale ; de sa face antérieure naissent la plupart

des faisceaux charnus des muscles des gouttières.

L'ilio-costal on sac1'o-lm/lbail'e s'insère sur la crête iliaque, sur la

[G GUILLAIN.]

5711 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

tubérosité iliaque, sur la partie externe de l'aponévrose spinale. Il se

porte verticalement en haut, atteint la douzième côte, croise toutes les

côtes dans la région de l'angle, pénètre dans la région de la nuque ci

s'élève jusqu'à la hauteur de la troisième vertèbre cervicale. Au cours de

son trajet l'ilio-costal laisse échapper le long de son bord externe dix-

sept faisceaux qui obliquent légèrement en dehors et viennent se ter-

miner les douze premiers sur l'angle des douze côtes, les cinq autres

sur les tubercules postérieurs des apophyses transverses des cinq der-

nières vertèbres cervicales. Au sur et à mesure que le muscle envoie par

son bord externe des tendons aux côtes, celles-ci lui envoient, au niveau

de son bord interne, des faisceaux de renforcement qui l'empêchent de

s'épuiser.

Le long dorsal se détache des apophyses épineuses des vertèbres

lombaires, de la crête sacrée, de la partie interne de l'aponévrose spi-

nale. Il s'élève verticalement en haut, parcourt toute la région dorsale et

s'arrête à la région cervicale sans y pénétrer. Il croise seize il dix-sept

groupes vertébraux-costaux dans son trajet ascendant. En passant en

arrière de ces dix-sept groupes vertébro-costaux, le muscle fournit à

chacun d'eux trois faisceaux : un faisceau interne se portant en dedans

et se terminant sur l'apophyse épineuse correspondante, faisceau épi-

neux; un faisceau moyen oblique en dehors se fixant sur le sommet de

l'apophyse transverse, faisceau transversaire ; un faisceau externe se

portant plus en dehors et s'insérant sur la face externe de la côte, entre

l'angle et la tubérosité, faisceau costal. A la région lombaire les inser-

tions du long dorsal se modifient : les faisceaux épineux font défaut; les

faisceaux transversaires se fixent au tubercule apophysaire, homologue

de l'apophyse transverse de la région dorsale : les faisceaux costaux

s'insèrent au sommet de l'apophyse cosliforine (apophyse transverse des

auteurs classiques) qui représente en réalité la côte lombaire.

Le transversaire épineux, situé au-dessous des muscles précédents,

s'étend du sommet du sacrum à la deuxième vertèbre cervicale : il est

assez grêle au niveau du sacrum, acquiert un grand développement aux

lombes, s'atténue au thorax et grossit de nouveau à la région cervicale.

Le muscle est constitué par une série de faisceaux qui présentent ce

caractère commun de s'étendre d'une apophyse transverse ! lune apo-

physe épineuse. On distingue trois groupes différents de faisceaux : les

demi-épineux, le multifide du raclas, les rotateurs du dos ou sous-

multifide.

Il existe deux demi-épineux, l'un pour la région dorsale, l'autre pour

la région cervicale. Le demi-épineux du dos comprend six faisceaux

prenant naissance sur le sommet et le bord supérieur des apophyses

transverses des six dernières dorsales et venant se terminer sur le côté

des apophyses épineuses des quatre premières dorsales et des deux der-

nières cervicales. Le demi-épineux de la nuque se compose de cinq ou

six faisceaux qui s'insèrent sur le sommet et le bord supérieur des

MUSCLES DE LA RÉGION POSTÉRIEURE DU TRONC ET DU COU. 577

apophyses transverses des premières vertèbres dorsales et se portent par

un trajet oblique en haut et en dedans sur les apophyses épineuses des

cinquième, quatrième, troisième et seconde vertèbres cervicales.

Le 11111ltifide du rachis est constitué par une série de faisceaux qui

prennent naissance à la région sacrée dans la gouttière sacrée et sur la

face antérieure de l'aponévrose spinale, à la région lombaire sur les

tubercules apophysaires homologues des apophyses Iransverses, à la

région dorsale sur la face postérieure des apophyses transverses, à la

région cervicale sur les apophyses transverses et les apophyses articu-

laires des quatre dernières cervicales. Ces différents faisceaux se portent

en haut et en dedans et viennent se terminer sur le côté des apophyses

épineuses des quatrième, troisième et seconde vertèbres situées au-dessus.

Les rotateurs du dos (Theile) sont de petits muscles situés au-des-

sous du rrmltifide; ils s'insèrent d'une part sur l'apophyse transverse

d'une vertèbre, d'autre part sur le bord inférieur de la lame et sur la

base de l'apophyse épineuse de la vertèbre située au-dessus. D'après

Theile ces muscles n'existent qu'a la région dorsale, il n'en décrit que

onze. Hughes a signalé l'existence de ces faisceaux musculaires sur toute

la hauteur de la colonne vertébrale depuis la base du sacrum jusqu'à la

deuxième vertèbre cervicale ; il ajoute d'ailleurs qu'à côté des muscles

courts qui vont d'une vertèbre il la vertèbre voisine existent des muscles

longs qui, franchissant une vertèbre, viennent s'insérer sur la vertèbre

suivante. Les vertèbres lombaires ne présentant pas de mouvements de.

rotation, il en résulte que ces faisceaux musculaires ne sont véritable-

ment rotateurs qu à la région dorsale et à la région cervicale.

Innervation. Les muscles des gouttières vertébrales sont tous

innervés par les branches postérieures des nerfs rachidiens.

Physiologie. Les muscles des gouttières vertébrales sont des

extenseurs de la colonne vertébrale. Ils jouent un rôle très important

dans la station bipède. Quand ils se contractent d'un seul côté ils déter-

minent un mouvement d'inclinaison latérale et un mouvement de rota-

tion variant suivant les muscles qui se contractent. Les faisceaux costaux

et transversales du long dorsal, obliques en haut et en dehors, portent la

face de leur côte; les faisceaux du transversaire épineux, obliques en

liant et en dedans, portent la face du côté opposé.

La paralysie des extenseurs dorsaux et cervicaux produit une cyphose

dorso-cervicale sans lordose lombaire compensatrice; les cuisses se

placent en extension forcée pour que le centre de gravité ne reste pas en

arrière de la base de sustentation. La paralysie des extenseurs du cou a

pour conséquence une cyphose cervicale, pour compenser le déplace-

ment la tète s'étend sur le cou, il se produit une lordose dorsale et une

exagération légère de la courbure dorso-loinbaire.

La paralysie bilatérale des extenseurs lombaires, fréquente dans les cas

de myopathie intéressant les masses sacro-lombaires, a pour conséquence

la lordose. Dans cette variété de lordose paralytique le fil il plomb tom-

PRATIQUE NEUROI,. ' 57

[G. GUILLAIN,] 1

'78 , PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

bant des apophyses épineuses passe il une certaine distance du sacrum,

contrairement à ce que l'on observe dans la lordose consécutive si la

paralysie des fléchisseurs du rachis, c'est-à-dire des muscles de la paroi

abdominale antérieure ; dans cette dernière variété, grâce à un mouve-

ment de bascule du bassin, les apophyses dorsales les plus postérieures

sont ramenées suffisamment en avant pour que la verticale tombant de

ces apophyses ne passe pas par le sacrum, mais par cet os ou même en

avant de lui.

La paralysie unilatérale des muscles spinaux lombaires et dorsaux a

pour conséquence une scoliose paralytique qu'il faut différencier de la

scoliose par contracture.

MUSCLES INTERTRANSVERSAIRES

Intertransversaires du cou, du dos, des lombes.

Insertions. Les inlerl1'ansvel'sai1'es du cou son ! au nombre de

deux pour chaque espace, l'un antérieur, l'autre postérieur. Ils s'insi-

rent en haut sur le bord inférieur de l'apophyse transvprse qui est au-

dessus, en bas sur le bord supérieur creusé en gouttière de l'apophyse

transverse qui est au-dessous; l'intertransversaire antérieur se fixe sur

la lèvre antérieure de cette gouttière, l'intertransversaire postérieur

sur la lèvre postérieure. Les intertransversaires du clos sont formes

par des faisceaux étendus du sommet d'une apophyse transverse au

sommet de l'apophyse transverse qui lui est contiguë. Ils paraissent être

constants aux vertèbres dorsales inférieures, mais font presque toujours

défaut au niveau des vertèbres dorsales supérieures. Les intertransver-

saires des lombes sont au nombre de deux pour chaque espace, l'un est

interne, l'autre externe. Les intertransversaires externes s'insèrent en

haut sur le bord inférieur de l'apophyse transyprse (apophyse costifornie)

qui est au-dessus, en bas sur le bord supérieur el sur le sommet de

l'apophyse transverse (apophyse costiforme) qui est au-dessous. Les

Intertransversaires internes sont de petites languettes musculaires s'étcn-

dant verticalement d'un tubercule mamillaire il l'autre.

Innervation. Nerfs cervicaux, nerfs dorsaux, nerfs lombaires.

Physiologie. Les muscles intertrausversaires inclinent de leur

côté la colonne vertébrale. Quand ils se contractent bilatéralement ils

fixent solidement les vertèbres entre elles.

MUSCLES ÉPINEUX ET INTERÉPINEUX

Épineux. - Insertions. Il existe doux muscles épineux : l'épi-

neux du dos et l'épineux de la nuque. L'épineux du dos est formé par

les faisceaux internes ou épineux du long dorsal, il se termine en haut

par une série de faisceaux sur le sommet des apophyses épineuses des

huit premières vertèbres dorsales. L'épineux de la nuque s'insère en

MUSCLES PEAUCIERS DU COU ET DE LA TÈTE. 579

bas par deux faisceaux sur le sommet des apophyses épineuses des deux

dernières vertèbres cervicales et des deux premières dorsales, en haut

soit sur l'apophyse épineuse de l'axis, soit sur les apophyses épineuses

de l'axis et de la troisième cervicale.

Innervation. Branches postérieures des nerfs raehidiens.

Physiologie. Les muscles épineux sont extenseurs de la colonne

vertébrale.

Interépineux. Insertions. Les muscles intercpinenxsont dis-

posés par paires entre, les apophyses épineuses des deux vertèbres voisines.

Innervation. Branches postérieures des nerfs rachidiens.

Physiologie. Les intcrepineux, rapprochant les apophyses épineuses

sur lesquelles ils prennent insertion, sont donc extenseurs de la colonne

vertébrale.

MUSCLES DU COCCYX

Ischio-coccygien, sacro-coccygien postérieur, sacro-

coccygien antérieur. Insertions. Les muscles moteurs du

coccyx sont dégénérés chez l'homme. L'ischio-coccyyien s'étend de l'is-

chion au coccyx. Le sacro-coccygien postérieur s'insère en haut sur la

face postérieure des dernières vertèbres sacrées ou sur l'épine iliaque

posléro-inlérieiire, il se termine en bas sur la face postérieure des diffé-

rents segments du coccyx. Le sacro-coccygien antérieur s'insère en

haut sur la partie inférieure de la face antérieure de la dernière vertèbre

sacrée ou du premier segment coccygien, il se termine en bas sur la face

antérieure des derniers segments coccygiens en entrc-croisant ses libres

avec celui du côté opposé.

Innervation. Le sacro-coccygien postérieur est innervé par un filet

du plexus sacro-coccygien, le sacro-coccygien antérieur par les branches

postérieures des doux derniers nerfs sacrés et du nerf coccygien.

Physiologie.L'ischio-coccygien n'a aucune action sur le coccyx.

Le sacro-coccygien postérieur porte le coccyx en arrière, il est l'homo-

logue du muscle extenseur de la queue des mammifères. Le sacro-

coccygien antérieur porte le coccyx en avant, il est l'homologue du llé-

chisseur de la queue des mammifères.

VII. MUSCLES PEAUCIERS DU COU ET DE LA TÊTE

Les muscles peauciers ont avec la peau des connexions très intimes.

Les muscles peauciers de la face sont disposés pour la plupart autour des

yeux, du nez, de la bouche. Ils jouent un rôle important dans l'ouver-

tare et l'occlusion de ces différents orifices. De plus, ces muscles tradui-

sent les états du moi intérieur, président au jeu de la physionomie, ils

sont les muscles de la mimique.

[G. GUILLAIN]

;')80 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

Le muscle peaucier du cou est la reproduction atrophiée chez l'homme

du pannicule charnu de quelques animaux, tel le cheval; ce pannicule

charnu est une lame musculaire, entourant la nuque, le cou et presque

tout le tronc.

Muscle peaucier du cou. Insertions. Le peaucier du cou

naît en bas dans le tissu cellulaire des régions sous-claviculaire et acro-

miale. Les faisceaux pâles et plus ou moins écartés les uns des autres

se portent en haut et en dedans, traversent obliquement la région du cou

et atteignent le bord inférieur du maxillaire où ils se terminent ainsi :

I" les faisceaux internes s'entre-croisent le plus souvent sur la ligne

médiane au-dessous du menton avec ceux du côté opposé et viennent

s'attacher à la face profonde de la peau de la région mentonnière; 2° les

faisceaux moyens s'insèrent sur le tiers interne de la ligne oblique du

maxillaire en s'entre-croisant à ce niveau avec les faisceaux d'origine du

triangulaire des lèvres : 5° les faisceaux externes se confondent en grande,

partie avec le triangulaire, mais surtout avec le carré, du menton, les

autres remontent jusqu'à la peau de la commissure labiale.

Innervation. Nerf facial par sa branche cervico-faciale.

Physiologie. Le peaucier soulève et tend la peau du cou au-devant

du sterno-mastoïdien, mouvement qui s'accompagne d'un plissement lon-

gitudinal et d'un froncement transversal. Les deux insertions du muscle

se rapprochant, la commissure des lèvres s'abaisse de deux ou trois cen-

timètres, la partie inférieure, de la joue et les narines sont attirées en

bas, la peau de la poitrine s'élève un peu. Testut a vu chez une

femme qui possédait un muscle peaucier plus développé que de cou-

tume les contractions de ce muscle attirer fortement en haut la glande

mammaire.

Le peaucier a un rôle mécanique. Pour Cruveilhier il est un des muscles

qui concourt le plus à l'expression des passions tristes, de la terreur, de

l'effroi, de la colère, de la souffrance. Duchenne l'a dénommé le muscle

de la frayeur, appellation contestée par Darwin qui fait remarquer que

l'expression de la frayeur est la résultante de la contraction simultanée

de plusieurs muscles. La contraction isolée du peaucier est inexpressive.

Pour Tleynier « la véritable action du peaucier du cou est d'être tenseur

des téguments de la partie inférieure de la face et de jouer pour les peau-

ciers situés au-dessous du front le rôle de régulateur des mouvements.

Il se contracte dans les expressions énergiques, et, de son association

habituelle aux sentiments intenses, il résulte que sa simple contraction

volontaire ou que la tension que l'on peut artificiellement donner aux

téguments de la partie inférieure de la face réveille, l'énergie dans l'ex-

pression et dans les centres nerveux. »

Foitx a indiqué le rôle du peaucier dans l'effort. En se contractant il

maintient béantes les veines du cou, favorise la circulation par appel du

sang veineux et contre-halance la pression atmosphérique. Aussi il se

contracte dans le chant, le vomissement, l'inspiration profonde. Le peau-

MUSCLES PEAUCIERS DU COU ET DE LA TÈTE. 581 1

ciel' se contracte dans le frisson, la rage, le tétanos. Babinski a attiré

l'attention sur ce fait que le peaucier ne se contractait plus dans l'hémi-

IMlI'ie organique, contrairement à ce que l'on observe dans l'hémiplégie

hystérique.

Chez le vieillard dont le maxillaire inférieur atrophié et privé de

ses dents remonte vers le maxillaire supérieur, le peaucier subit une

certaine tension plutôt qu'une tonicité active qui lui fait abaisser et écar-

ter les angles des lèvres, caractère frappant de'la caducité (Charpy). Ilenle

suppose que le peaucier peut, en comprimant la parotide et la glande

sous-maxillaire, favoriser l'excrétion de la salive.

Muscles de l'oreille externe. Insertions. - Le muscle auri-

culaire antérieur forme avec le temporal superficiel un muscle digas-

trique; ce muscle digastrique a succédé chez l'homme à un muscle uni-

que qui se retrouve chez beaucoup d'animaux sous le nom de muscle

orbito-amiculaire et qui s'étend de l'oreille au bord supérieur de l'arcade

orbitaire. Le muscle auriculaire antérieur a son insertion fixe sur une

intersection fibreuse qui lui est commune avec le temporal superficiel et

son insertion mobile par un tendon à l'épine de l'hélix sur sa face posté-

rieure et il la conque sur son bord antérieur. Le muscle temporal super-

ficiel occupe la partie antérieure de la région temporale entre le muscle

frontal et le muscle auriculaire supérieur; ce muscle vaste et mince

s'insère d'une part par son bord antérieur à la partie temporale de l'apo-

névrose epicranienne, d'autre part par son bord postérieur à l'intersection

fibreuse qui le sépare de l'auriculaire antérieur.

Le muscle auriculaire supérieur s'insère d'une part (insertion fixe)

par son bord supérieur convexe à la partie latérale de l'aponévrose épicru-

nienne, eiie-mone peu mobile ce niveau à cause de ses adhérences avec

les tissus profonds ; d'autre part (insertion mohile) par une expansion

lamellaire au pavillon de l'oreille, c'est-à-dire il la convexité qui reproduit

sur la face interne la fossette de ] anthetix et au bord antérieur de l'hélix

qui limite en avant cette fossette (Charpy).

Le muscle auriculaire postérieur, muscle en forme de languette, est

dirige horizontalement le long de la base de l'apophyse mastoïde. Il a son

insertion fixe à la base de l'apophyse mastoïde et il la partie voisine de

l'occipital, accessoirement il l'aponévrose du sterno-mastoïdien ; son inser-

tion mobile se fait à la convexité de la conque, au-dessus de la branche

horizontale de l'hélix.

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. Le muscle auriculaire antérieur, avec le temporal

superficiel qui le prolonge, lire l'oreille en avant et en haut. L'auriculaire

supérieur est un élévateur direct, l'auriculaire postérieur lire le pavillon

en arrière. Tous ces muscles sont des dilatateurs de l'orifice externe du

conduit auditif. Chez l'homme, l'action des muscles auriculaires est

presque nulle. Certains individus peuvent, sous l'influence de la volonté,

contracter légèrement l'auriculaire supérieur et l'auriculaire postérieur;

. [G GUILLAIN,]

582 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

l'auriculaire antérieur semble échapper complètement il l'action de la

volonté.

MUSCLES DES PAUPIÈRES

Muscle occipito-frontal. Insertions. Le muscle occipital

en arrière et le muscle frontal en avant sont réunis l'un il l'autre par une

forte aponévrose, l'aponévrose epicranienne; ils peuvent être considérés

comme formant un muscle unique digastrique, le muscle occipito-frontal.

Le muscle 'occipital naît en arrière sur les deux tiers externes delà

ligne occipitale supérieure et sur la partie correspondante de l'apophyse

mastoïde. Les faisceaux se portent en haut et en avant et viennent se ter-

miner sur le bord postérieur de l'aponévrose epicranienne, les faisceaux

les plus externes se dirigent vers le pavillon de l'oreille et s'étendent

parfois jusqu'à la face postérieure de la conque.

Le muscle frontal naît en haut sur le bord antérieur de l'aponévrose

epicranienne par un bord convexe, il se porte en avant vers l'orbite. Les

faisceaux internes ou médians vont vers la région intersonrcitière et ta

semblent se confondre avec les muscles pyramidaux, les faisceaux moyens

et externes descendent vers le rebord supérieur de l'orbite et s'y entre-

croisent avec les deux muscles qui occupent celte région, l'orbiculaire et

le sourcilier. Tons les faisceaux du frontal s'attachent à la face pEpfonde

de la peau de ces régions. "

Innervation. L'occipital est innervé par le, rameau auriculaire pos-

térieur du facial, le frontal par les filets frontaux de la branche teniporo-

faciale du nerf facial.

Physiologie. Le muscle occipital, qui, chez beaucoup d'animaux,

est un rétracteur de l'oreille grâce il ses insertions au pavillon, n'est chez

l'homme qu'un tenseur de l'aponévrose epicranienne qu'it attire en bas et

en arrière.

Le muscle frontal a pour principale action l'élévation du sourcil dont la

courbure est augmentée. La contraction du frontal en rapprochant ses

insertions a pour résultat l'abaissement du bord supérieur du front, son

raccourcissement en hauteur, la formation de plis transversaux a conca-

vité inférieure raccordés de droite il gauche sur la ligne médiane par des

plis à courbure inverse, 1 ascension de la paupière supérieure et par suite

l'agrandissement de la fente palpébrale. '

Le frontal agit avec le releveur de la paupière quand la vision est diffi-

cile par éclairage Insuffisant ou etoignetnent ou mauvais éclairage de

l'objet. Certains myopes, pour y voir au delà de leur point normal, utilisent

surtout le muscle frontal alors que d'autres se servent presque exclusive-

ment d'un muscle antagoniste, le muselé, sourcilier, qui leur permet de

voir dans les conditions de la fente sl¡' ! llOpéi(J11 ! (Charpy).

Duchenne a appelé le frontal le muscle de l'attention, il caractérise le

regard actif. Au contraire, dans la réflexion, le sourcilier de l'orbiculaire

des paupières se contracte, les paupières se ferment. L'élévation des

.MUSCLES PEAUCIERS DU COU ET DE LA TÊTE. 585

sourcils se voit aussi dans des états psychologiques comme la surprise,

l'admiration, la frayeur, l'horreur.

Le frontal conjointement avec l'occipital produit les mouvements antéro-

postérieurs du cuir chevelu. Ces mouvements, qui sont très marqués chez

beaucoup de singes, annoncent un étal de colère et de menace.

Pyramidal. Insertions. Le pyramidal est un petit muscle

situé sur le dos du nez et dans la région intersourcilière. Il naît en bas

en partie sur les cartilages latéraux du nez, en partie sur le bord inférieur

et le bord interne des os propres du liez. De la ses faisceaux se portent

verticalement en haut vers la région intcrsonrciliere où aboutissent aussi

les faisceaux internes du frontal. Les deux muscles se pénètrent et s ïn-

sèrent l'un et l'autre à la l'ace profonde des téguments.

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. Le, pyramidal est antagoniste du frontal. Prenant son

point fixe en bas il exerce une traction verticale qui porte sur la région

intersourcilière et sur la queue du sourcil, il en résulte rabaissement de

la peau du front, la formation d'un sillon transversal dans l'espace inter-

sourcilier. Par l'abaissement de la tête du sourcil l'angle interne de 1 oeil

est rétréci et la caroncule est cachée.

Darwin a insisté sur ce fait que le pyramidal se contracte synergique-

ment avec le sourcilier et l'orbiculaire des paupières pour rétrécir la fente

palpébrale et augmenter la saillie du sourcil dans les cas où l'oeil est exposé

aune vive lumière.

Duchenne a nommé le pyramidal le muscle de l'agression, il donne de

la dureté au regard. On constate la contraction du pyramidal associée

d'ailleurs il celle d'autres muscles dans les émotions pénibles, le pleurer,

les grandes douleurs concentrées.

Orbiculaire des paupières. Insertions. Le muscle orbi-

culaire des paupières est divisé généralement en deux zones concentri-

ques : une zone orbilaire ou externe qui répond au pourtour de l'orbite,

une zone palpébrale ou interne qui répond aux paupières. L'orbiculaire

des paupières nait dans la région de l'angle interne de l'oeil et se termine

sur la peau de l'angle externe.

Muscle de Horner. Borner a décrit connue muscle distinct un

petit faisceau quadrilatéral situé en arrière du sac lacrymal ; il s'insère

en dedans avec la portion réfléchie du tendon de l'orbiculaire sur la crête

de tes unguis, il se porte transversalement en dehors vers la commissure

interne des paupières, se bifurque la connue le tendon de l'orbiculaire et

chacune de ses branches se termine un peu en arrière des points lacrymaux.

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. La portion palpébrale de l'orbiculaire détermine l'oc-

clusion de 1 orifice palpébral dans les conditions normales sans effort,

comme le sommeil, le clignement; la portion orbitaire de l'orbiculaire se

contracte dans l'occlusion avec effort, il ferme l'oeil en présence d'une

vive lumière, il joue un rôle dans les travaux minutieux, dans l'acte de

[G. GUILLAIN.]

;)84 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

viser. L'occlusion de l'oeil se constate, ainsi que l'a fait remarquer

Darwin, dans tous les actes qui s'accompagnent d'une expiration forcée

comme les pleurs, la toux, le vomissement, etc. ; l'expiration a pour

conséquence une congestion des veines de la face, la contraction de l'or-

hiculairc aurait pour but d'empêcher la congestion de l'oeil en le com-

primant.

L'orbiculaire, en se contractant, glisse de dehors en dedans et favorise

la progression des larmes. Le muscle de llorncr dilate les points laC1'\'-

maux, les attire en dedans et les fait plonger dans le sac lacrymal.

Sourcilier. - Insertions. Le sourcilicr s'insère sur la partie la

plus interne de l'arcade sourcilière, se porte en haut et en dehors. En

atteignant le trou sous-orbitaire, il se divise en de nombreux faisceaux

qui s'entre-croisent avec les libres de l'orbiculaire et du frontal et viennent

s'attacher il la face profonde de la peau des sourcils.

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. Le muscle sourcilier fronce les sourcils ; le froncement

des sourcils accompagne l'effort physique ou moral. Il se contracte en

présence d'une lumière trop vive, lors des travaux minutieux, dans l'acte

d'enfiler une aiguille, lors de l'exposition de l'oeil à la poussière. Au point

de vue mimique le sourcilier par lui-même est inexpressif, sa contraction

jointe il celle d'autres muscles indique une certaine énergie intellectuelle.

Duchenne l'a nommé le muscle de la douleur; cette expression n'est pas

rigoureusement exacte, car le froncement des sourcils se produit dans

d'autres circonstances que la douleur, comme la réflexion, la colère.

MUSCLES DU NEZ

Transverse du nez. Insertions. Le transverse du nez s'in-

sère sur le dos du nez, se dirige en bas, en dehors, en arrière vers le

sillon de l'aile du nez, la il se divise : ses faisceaux antérieurs se fixent à

la face profonde des téguments de la région, ses faisceaux postérieurs se

continuent avec les faisceaux externes du myrtiforme.

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. Le transverse du nez, d'après Duchenne, est un dilata-

teur de t'oritice des narines, il attire l'aile du nez en haut et en avant

ainsi que la partie supérieure du sillon naso-labial, il retrousse la narine.

Il se contracte dans l'acte de flairer.

Au point de vue mimique le. transverse du nez concourt à certaines

expressions comme le mécontentement, le mépris. C'est surtout le muscle

de la lascivito (Duchenne), de la sensualité (I;Iarpy).

Dilatateur des narines. Insertions. La dilatateur des

narines s'insère en arrière sur le bord postérieur du cartilage de 1 aile

du nez et sur la partie correspondante du maxillaire supérieur, ses libres

se portent en bas et en avant en décrivant une courbe il concavité infe-

MUSCLES PEAUCIERS DU COU ET DE LA TÈTE. 585

rieure et viennent se terminer à la face profonde de la peau qui recouvre

le bord externe de la narine.

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. Le dilatateur des narines écarte l'aile du nez de la

ligne médiane. Il se contracte dans la dyspnée pour faire pénétrer une

plus grande masse d'air à la fois dans les poumons. En tant que muscle

expressif il caractérise soit la volupté délicate par sa contraction modérée

et mobile, soit l'orgueil, aux narines gonflées et dilatées.

Myrtiforme. Insertions. Le myrtiforme s'insère en bas sur

le maxillaire supérieur au niveau de la fossette myrtiforme et de la

saillie de la dent canine, ses libres se portent en haut vers l'orifice des

fosses nasales, se divisent en trois groupes : les libres internes s'insèrent

à la sous-cloison, les fibres moyennes au bord postérieur du cartilage de

l'aile du nez, les libres externes contournent ce cartilage et se continuent

avec les faisceaux postérieurs du transverse. ,

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. Le myrtiforme abaisse l'aile du nez qu'il tire en bas

et en arrière, le diamètre transversal des narines diminue, le diamètre

antéro-postérieur s'allonge légèrement, c'est un muscle constricteur des

narines. Au point de vue mimique, le myrtiforme se contracte dans l'ex-

m'es ? ion de tristesse, de douleur, de sévérité.

t MUSCLES DES LÈVRES

Risorius de Santorini. Insertions. Le risorius de Santo-

rini s'insère en arrière dans le tissu cellulaire qui recouvre la région

parotidienne, il se termine en avant sur la peau et sur la muqueuse de

la commissure des lèvres.

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. Le risorius de Santorini attire en arrière la commis-

sure labiale. Qand il se contracte bilatéralement en même temps que

l'orbiculaire des lèvres, c'est-à-dire la fente buccale étant fermée, il

allonge la bouche dans le sens transversal, produit le sourire. D'après

Charpy, ce muscle serait seulement un auxiliaire des muscles du rire.

Grand zygomatique. Insertions. Le grand zygomatique

s'insère sur la face externe de l'os ni peu en dehors du petit

zygomatique, se porte en bas et en avant et se termine à la face profonde

des téguments de la commissure des lèvres.

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. Le grand zygomatique attire en haut et en dehors la

commissure des lèvres. Au point de vue mimique il a un rôle impor-

tant. Quand il se contracte seul il est le muscle de la grimace. Associé

a 1 orbieulaire des paupières (occlusion légère de l'oeil) est aux releveurs

de la lèvre supérieure, il est le muscle de la joie (Duchenne) dont

il traduit tous les degrés et toutes les nuances depuis le plus simple

[G. GUILLAIN.]

58G ' PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE.

sourire jusqu'au rire le plus fou (Charpy). La contraction du grand

zygomatique combinée avec celle d'autres muscles peut exprimer le

rire sardonique, le ricanement; dans tous ces cas, il découvre en partie

la dent canine.

Petit zygomatique. Insertions. Le petit zygomatique s'in-

sère sur la partie inférieure de la face externe de l'os uiatairc un peu

au-dessous des faisceaux de l'orbiculaire des paupières, il se dirige en

bas et en avant et se termine, il coté des élévateurs, sur la lace profonde

de la peau de la lèvre supérieure.

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. Le petit zygomatique attire en haut et en dehors la

partie externe de la lèvre supérieure.

D'après Duchenne ce muscle marquerait l'attendrissement ; sa con-

traction, jointe à celle des relcveurs de la lèvre supérieure, se produirait

dans le dédain et le pleurer.

Élévateur commun de l'aile du nez et de la lèvre supé-

rieure. Insertions. L'élévateur commun de l'aile du nez et de la

lèvre supérieure s'étend de l'angle interne de l'oeil à la lèvre supérieure.

Il s'insère en haut sur la face externe de l'apophyse montante du maxil-

laire, parfois sur les os propres du nez et sur l'apophyse orbitaire interne

du frontal, il se porte en bas et se divise en atteignant la hase du nez en

deux ordres de faisceaux : des faisceaux internes s'iuserant à la peau de

la partie postérieure de l'aile du nez, des faisceaux externes obliquant un

peu en dehors et s'insérant il la face profonde de la peau de la lèvre

supérieure.

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. L'élévateur commun de l'aile du nez et de la lèvre

supérieure attire en haut l'aile du nez et la lèvre supérieure.

Élévateur propre de la lèvre supérieure. Insertions.

L'élévateur propre de la lèvre supérieure s'insère en haut sur le maxillaire

supérieur entre le trou sous-orhifaire et le rebord inférieur de l'orbite,

les libres se portent en bas et en dedans et se terminent il la face profonde

de la peau et la lèvre supérieure.

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. L'élévateur propre de la lèvre supérieure attire eu

haut la partie moyenne de la lèvre supérieure. Au point de vue mimique

les élévateurs de la lèvre et du nez se contractent dans la mauvaise

humeur, le chagrin, le pleurer.

Canin. Insertions. Le canin s'insère en haut sur la partie la

plus élevée de la fosse canine au-dessous du trou sous-orbitaire, il se

porte en bas et en dehors et se termine il la face profonde, de la peau et

dé la muqueuse de, la région des commissures.

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. Le canin attire la commissure des 1(\Vl'es en haut et en

dedans, il découvre la dent canine. Au point de vue mimique la contrac-

DICSCLI,s l'E : 1UCII : ItS DI1 COLT 1,7' Dl ? 1, : 1 TH : 'l'E. M7

tlonducanm jointe il celle d'autres muscles exprime l'amertume, la haine.

Triangulaire des lèvres. - Insertions. Le triangulaire des

lèvres naît en bas sur le tiers interne de la ligne oblique externe du

maxillaire inférieur, les libres convergent vers la commissure des lèvres

et s'insèrent d'une part à la peau de la commissure des lèvres au même

point que le canin, d'autre part, à l'aide d'un double faisceau irradié à la

peau de la lèvre supérieure jusqu'au sillon médian et au delà au cartilage

de l'aile du nez et de la sous-cloison.

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. Le triangulaire des tissus attire en bas et en dehors

la commissure de la bouche, il est abaisseur du coin de la bouche. C'est

avec le sourcilier un des muscles caractéristiques de l'expression humaine,

il n'existe pas chez les primates inférieurs qui abaissent la lèvre en totalité,

mais non son angle. L'abaissement du coin de la bouche et le froncement

des sourcils sont deux gestes humains (Charpy). Duchenne l'a appelé le

muscle de la tristesse, il exprime aussi, en se contractant avec d'autres

muscles, le dégoût, le mépris, la haine. Il est donc surtout affecté aux

passions tristes et sombres, il appartient avec les autres abaisseurs au

masque tragique, tandis que le masque comique est caractérisé surtout

par l'agilité musculaire de. la lèvre supérieure et du nez (Charpy). .

Carré du menton. Insertions. Le carré du menton s'insère

en bas sur le tiers interne de la ligne oblique externe du maxillaire infé-

rieur, immédiatement au-dessous du triangulaire, se dirige en haut et en

dedans, s'entre-croise partiellement sur la ligne médiane avec celui du

côté oppose et vient se fixer en haut à la face profonde de la peau de la

lèvre inférieure.

Innervation. Nerf facial.

Physiologie. Le carré du menton abaisse la lèvre inférieure, il

peut la renverser en dehors. Au point de vue hlysiouunricluc il exprime,

en se contractant avec d'autres muscles les passions tristes et sombres.

Muscles de la houppe de menton. Insertions.- Les deux

petits muscles de la houppe du menton s'insèrent en haut il côté l'un de

l'autre sur le maxillaire inférieur immédiatement au-dessous de la mu-

queuse des gencives, se portent en bas et en dehors et, s'épanouissant à

la manière d'une houppe, se terminent a la face profonde de la peau du

menton.

Innervation. Nerf facial.

. Physiologie. Le muscle de la houppe du menton attire en haut la

peau du menton, il élève, et renverse en dehors la lèvre inférieure. Il

agit dans la mastication surtout pour repousser les débris alimentaires,

il joue un rôle dans l'articulation des sons, le marmottement. Au point

(le vue de la mimique il traduit spécialement le dédain, le dégoût, le

doute.

Buccinateur. Insertions. Le buccinateur s'insère en arrière,

sur le bord alvéolaire du maxillaire supérieur dans la partie de ce bord

[G. GUILLAW. :

588 PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE. '

qui correspond aux trois grosses molaires, sur le bord alvéolaire du

maxillaire inférieur au niveau également des grosses molaires, sur le

crochet et l'aile interne de l'apophyse ptérygoïde, sur le ligament pterym-

maxillaire qui s'étend du crochet de l'apophyse ptérygoïde à l'extrémité

postérieure du bord alvéolaire du maxillaire. Les faisceaux du buccina-

teur convergent vers la commissure des lèvres, ils semblent là se con-

fondre et se continuer avec les faisceaux de l'orbiculaire des lèvres, cette

continuité n'est qu'apparente, les libres du buccinateur se terminent, au

niveau des commissures, sur la face profonde de la muqueuse buccale

de la même manière que ceux de l'orbiculaire.

Innervation. Nerf facial à la fois par sa branche tcmporo-faciale et

par sa branche cervico-faciale.

Physiologie. Le buccinateur a une action différente suivant l'état

de plénitude ou de vacuité de la cavité buccale. Quand la bouche est vide

, et les lèvres dans le relâchement, le buccinateur attire, en arrière la

commissure labiale et agrandit la fente buccale. Quand la bouche est

vide et fermée par l'orbiculaire, le buccinateur en se contractant produit

un creux sur la joue. Quand la bouche est remplie d'air ou de substances

solides ou liquides et fermée par l'orbiculaire, la contraction du bucci-

nateur comprime le contenu de la bouche et tend il l'expulser vers l'exté-

rieur ou vers le pharynx (Charpy).

Le buccinateur agit dans la mastication en ramenant sous les arcades

dentaires les particules alimentaires qui se trouvent dans le vestibule

de la bouche, dans la succion, dans l'acte de siffler, de souffler, déjouer

des instruments il vent.

D'après Duchenne la contraction du buccinateur, associée d'ailleurs

à celle d'autres muscles, traduit le rire ironique, la colère concentrée.

Orbiculaire des lèvres. Insertions. L'orbiculaire des

lèvres est formé de deux moitiés distinctes : une moitié supérieure située

dans la lèvre supérieure, c'est le demi-orbiculaire supérieur, une moitié

inférieure située dans la lèvre inférieure, c'est le demi-orbiculaire

inférieur.

Les faisceaux du demi-orbiculaire supérieur naissent à droite et à

gauche de la ligne médiane de la face profonde de la peau et de la

muqueuse des lèvres, se dirigent en dehors et se terminent dans la

région des commissures sur la peau et la muqueuse en s'entre-croisant

avec les libres ascendantes du demi-orbiculaire inférieur et avec les fibres

du buccinateur. Deux faisceaux accessoires se réunissent à cette portion

principale du muscle et ont les mêmes insertions terminales, ces fais-

ceaux sont le faisceau naso-Iabial qui se détache de la sous-cloison des

fosses nasales et le faisceau incisif supérieur qui prend son orifice il la

partie interne de la fossette myrliforme.

Les faisceaux du demi-orbiculaire inférieur naissent à droite et à

gauche de la symphyse du menton il la face profonde de la peau et de

la muqueuse labiale, ils se dirigent en haut et en dehors et se terminent

W MUSCLES PEAUCIERS DU COU ET DE LA TÈTE. 589

dans la région des commissures sur la peau de la muqueuse en s'entre-

croisant avec les fibres du muscle précédent. Il est renforcé par le fais-

ceau incisif inférieur qui s'insère sur le côté de la symphyse et se

confond presque après son origine avec le muscle demi-orbiculaire

inférieur.

Dans chacune des lèvres, au voisinage du bord libre on voit un cer-

tain nombre de fibres à direction autéro-postérieure qui constituent le

muscle compresseur des lèvres. Ces fibres naissent en avant à la face,

profonde de la peau depuis la première jusqu'à la douzième rangée, de

follicules pileux, elles se portent en arrière et en bas pour la lèvre supé-

rieure, en arrière et en haut pour la lèvre inférieure et se terminent sur

la muqueuse tout autour de l'orifice buccal. Ce muscle est spécialement

développé chez le nouveau-né.

Innervation. Le demi-orbiculaire supérieur est innervé par les

filets buccaux supérieurs de la branche temporo-faciale, le demi-orbicu-

laire inférieur par les filets buccaux inférieurs de la branche cervico-

faciale.

Physiologie. L'orbiculaire des lèvres agit dans l'occlusion de la

bouche ; ses moitiés supérieure et inférieure prennent leur point fixe aux

insertions cutanées des commissures, redressent leurs courbes et se

mettent, au contact.

Dans l'acte de siffler, de cracher, dans la prononciation de l'0, l'occlu-

sion des lèvres s'accompagne d'un allongement en avant; l'occlusion est

amenée par l'orbiculaire proprement dit, la projection en avant est déter-

minée par les muscles incisifs supérieurs et inférieurs qui sont adduc-

teurs de l'angle des lèvres.

Le muscle compresseur des lèvres, très développé chez le nouveau-né,

joue un rôle important dans la succion. En effet, le mamelon étant saisi

par la bouche à l'aide de l'orbiculaire et des incisifs forme un plan rigide

qui permet la contraction d'avant en arrière du compresseur des lèvres ;

ce muscle comprime la lèvre et le mamelon et rend ainsi l'occlusion de

la bouche plus complète. -

Le muscle orbiculaire des lèvres agit dans de multiples circonstances.

Il sert à la préhension des aliments, à la mastication, à la succion, il

empêche l'écoulement de la salive hors de la cavité buccale : il se con-

tracte dans l'effort, la phonation, le siffler, etc Au point de vue

mimique, ce muscle entre en jeu dans des étals psychiques variés : la

décision, l'énergie, la mauvaise humeur, la moue, le dédain.

lloy attire l'attention sur ce fait « qu'il est remarquable que la con-

traction de l'orbiculaire des lèvres s'ajoute dans la plupart des cas à celle

de l'orbiculaire des paupières et du sourcilier, que par conséquent les

ouvertures buccale et oculaire tendent plus ou moins à se fermer simul-

tanément comme pour nous faire rentrer en nous-même ».

L'orbiculaire des lèvres peut être considéré comme formé de deux

parties différentes : l'une, l'orbiculaire externe, est constituée par lepro-

[G. GUILLAIN.]

590 . PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE. '

longuement des muscles radiés, l'autre, l'orbiculaire interne, est constituée

par l,es fibres appartenant en propre au muscle constricteur. Dans la para-

lysie labio-glosso-ltryngée l'orbiculaire interne est principalement atteint,

les malades ne peuvent siffler, souffler, retenir leur salive ; dans l'hémi-

plégie faciale, au contraire, l'orbiculaire externe est principalement

atteint, la bouche est déviée, l'action de l'orbiculaire interne est conservée e

en grande partie, car les malades, malgré la déviation de la bouche.

peuvent siffler, souffler. - .

- VIII. MUSCLES MASTICATEURS

Temporal. - -Insertions. Le temporal s'insère. en haut sur la

ligne temporale inférieure, sur la fosse temporale, sur la face profonde

de l'aponévrose temporale qui le recouvre mais dans ses deux' tiers seu-

lement, par quelques faisceaux sur la partie moyenne de la face interne

de l'arcade zygomatique et jusque sur la face interne du tendon d'origine

du masséter. En has, le tendon du temporal s'insère à l'apophyse coro-

noïde du maxillaire inférieur..

Innervation. Temporal profond antérieur, temporal profond moyen

et temporal profond postérieur, trois branches du maxillaire inférieur.

Physiologie. Le temporal élève le maxillaire inférieur. Ses fais-

ceaux postérieurs à direction horizontale attirent le condyle en arrière,

le ramènent dans la cavité glénoïde quand il a été porté en avant par les

ptérygoïdiens externes. , .

Masséter. Insertions. Le masséter est constitué, par deux

faisceaux, l'un superficiel, l'autre profond. Le faisceau superficiel s'insère

en haut sur le bord inférieur de l'arcade zygomatique dans ses deux tiers

antérieurs, les fibres se dirigent en bas et en arrière et se terminent sur

l'angle dû maxillaire inférieur et sur . la partie inférieure de la face

externe de .sa branche montante. Le faisceau profond s'insère sur le bord

inférieur et sur l'a face interne de l'arcade zygomatique, les fibres se

portent en bas et en avant et viennent se fixer à la' face externe de la

branche du maxillaire depuis la zone d'insertion du faisceau superficiel

jusqu'à la base de l'apophyse coronoïde.

Innervation. Nerf massétérin, branche du maxillaire inférieur.

Physiologie. Le masséter élève le maxillaire inférieur..

Ptérygoïdien interne. - Insertions. Le ptérygoïdien interne

s'insère dans toute l'étendue de la fosse ptérygoïde, les fibres se portent

obliquement en bas, en arrière, en dehors, puis se fixent sur la partie

interne de l'angle du maxillaire et sur la face interne de la branche mon-

tante jusqu'à l'orifice supérieur du canal dentaire.

Innervation. Nerf du ptérygoïdien interne, branche du maxillaire

inférieur. -

MUSCLES MASTICATEURS. 59[ l

Physiologie. Le ptérygoïdien interne élève le maxillaire inférieur

et lui imprime des mouvements de latéralité.

Ptérygoïdien externe. - Insertions. - Le ptérygoïdien externe

naît il la base du crâne par deux faisceaux, l'un supérieur, l'autre infé-

rieur. Le faisceau supérieur ou sphénoïdal s'insère sur la partie de la

grandc aile du sphénoïde qui forme la voûte de la fosse zygomatique, le

faisceau inférieur ou ptérygoïdien s'insère sur la face externe de l'apo-

physe ptérygoïde, et en bas sur la partie externe de l'apophyse pyrami-

dale du palatin. Les deux faisceaux se fusionnent et viennent se fixer sur

le côté interne du col du condyle du maxillaire inférieur et sur la partie

correspondante du ménisque inter-articulaire.

Innervation. Rameaux provenant du maxillaire inférieur.

Physiologie. Le ptérygoïdien externe attire le condyle du maxil-

laire en avant et en dedans, le menton se porte du côté opposé. Quand les

deux ptérygoïdiens externes se contractent simultanément, les deux con-

dyles se portent en avant, les arcades dentaires inférieures dépassent en

avant les arcades dentaires supérieures. Quand les deux ptérygoïdiens se

contractent alternativement, il se produit un mouvement de diduction, le

menton se porte alternativement il droite et il gauche, les molaires infé-

rieures glissent dans tous les sens sur les molaires supérieures.

[G, GUILLAIN.]

SEMÉIOLOGIE DES PARALYSIES

D'ORIGINE CÉRÉBRALE, MÉDULLAIRE,

RADICULAIRE ET PÉRIPHÉRIQUE

.. Par Georges GUILLAIN -

TOPOGRAPHIE CEREBRALE

LES LOCALISATIONS CORTICALES MOTRICES

D'après les auteurs classiques, la zone corticale motrice siégerait au

niveau des circonvolutions rolandiques (frontale et pariétale ascendante)

et du lobule paracentral ; certains anatomistes étendent cètte zone sur le

pied de la première et de la deuxième circonvolution frontale ainsi que

sur le pied de la circonvolution pariétale supérieure.

Trois territoires principaux existent dans la zone corticale motrice : le

territoire du membre inférieur,. le territoire du membre supérieur, le

territoire de la face. Ces trois territoires moteurs sont échelonnés de

haut en bas. Le territoire du membre inférieur correspond au quart

supérieur des circonvolutions rolandiques et au lobule paracentral; le

territoire du membre supérieur occupe les deux quarts moyens des cir-

convolutions rolandiques ; le territoire facial occupe l'opercule rolandique,

le quart inférieur des circonvolutions rolandiques et le pied d'insertion

de la troisième circonvolution frontale. Telles sont les limites schéma-

tiques que la plupart des neurologistes assignent aux différents terri-

toires moteurs du cortex.

En prenant en considération les observations d'épilepsie. jack-sonieniie

et les résultats de l'excitation électrique de la zone corticale motrice, les

auteurs (Keen; Mills, Horsiey, etc.) ont isolé des centres distincts pour

les mouvements de la hanche, du genou, du cou-de-pied, de l'épaule, du

coude, du poignet; on a même décrit des centres spéciaux pour la

flexion de l'index, pour la flexion, l'abduction, l'opposition du pouce. Les

mouvements seraient, d'après les expériences, beaucoup plus différenciés

au membre supérieur qu'au membre inférieur. Les recherches expérimen-

tales des physiologistes (Ferrier, Horsley et Beevor, Horsley et Schâfer)

ont montré, chez les animaux et en particulier chez les singes, des terri-

toires moteurs très spécialisés au niveau du cortex.

Depuis quelques années l'aire corticale d'origine du faisceau pyra-

midal a été modifiée. Grunbaum et Sherrington (Proceedings of lhe

Royal Society of London, 1901, 1902, 1903) ont montré que l'aire mo-

trice du chimpanzé ne s'étend pas en arrière du sillon de Rolando ; dans

TOPOGRAPHIE CEREBRALE. " 595

cette zone prérolandique ils ont localisé, ainsi que le montrent leurs

schémas, de multiples centres.. L'ablation de ces centres a pour consé-

quence de véritables paralysies qui d'ailleurs s'amendent ultérieurement.

Ch. K. Mills, Krause, Frazier, Lloyld, Cushing, à la suite de constatations

anatomiques et d'excitations faites sur le cerveau humain, admettent

également le siège prérolandique de la zone motrice. 0. Vogt, Campbell,

Broadmann, Gordon Holmes et Page May, par des recherches sur les singes

et d'autres animaux poursuivies avec des méthodes différentes (étude

architectonique et cellulaire des circonvolutions, étude de la chroma-

tolyse de réaction après section du faisceau pyramidal), sont arrivés à des

conclusions identiques. Rossi et Roussy, étudiant plusieurs cas de sclé-

rose latérale amyotrophique avec la méthode deMarchi, ont suivi la dégé-

nération du faisceau pyramidal jusqu'au niveau du cortex; de leurs

recherches anatomo-pathologiques ils concluent que la circonvolution

frontale ascendante est la circonvolution motrice par excellence et que .les

parties antérieures du lobe paracentral et de l'opercule rolandique ainsi

que le pied de Fi et de F, participent aussi à cette zone motrice. Rossi et

Roussy font quelques réserves sur la participation possible de la pariétale

ascendante à la zone motrice.

De toutes ces constatations cliniques et expérimentales, il me semble

résulter que l'aire corticale du faisceau pyramidal est principalement

prérolandique.

Les localisations cérébrales motrices chez l'homme sont intéressantes

à connaître spécialement au sujet des lésions irritatives qui se traduisent

par de l'épilepsie jacksonienne.

Les ramollissements corticaux chez l'homme amènent parfois des mo-

P,flATIQUE NEUROL. - 58

[G. GUILLAIN.

Mg. 1. Centres moteurs corticaux de l'orang (Simia salyrus) (l'alri;s.Becvor

et Horsley, 1890). (Figure empruntée MuraL)

594 SÉÏÉIOLOGIË DES "PARALYSIES D'-ORIGINE CÉRÉBRALE.

noplegics, le plus souvent une hémiplégie. Les monoplégies d'origine

corticale peuvent être crurale, brachiale ou faciale, suivant que la lésion

siège à-la partie supérieure, moyenne ou inférieure de la zone rolan-

dique. Les paralysies très limitées par lésion corticale sont exception-

nelles chez l'homme.

Fig. 2. Centres moteurs corticaux du 11lacaclIs sinicus, d'après Reevor et Horsley ( IS90j.

. - -... (Figure empruntée il Moral.)

Fig. 3. Centres moteurs d'après l'observation des sujets trépanés (d'après J,31narr¡).

''.' TOPOGRAPHIE CÉRÉBRALE. 595

Grasset, en s'appuyant sur quelques cas de la littérature médicale et

sur quelques observations personnelles, admet que les aires périphériques

musculaires correspondant aux aires corticales motrices sont les régions

articulaires; les nerfs corticaux des membres, d'après cet auteur, sont

[G. GUILLAIN,]

Pig. 4 et 5. Zone corticale motrice du chimpanzé (d'après Grunbaum et Sherrington).

596 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGINE CÉRÉBRALE.

des nerfs articulo-moteurs. Grasset résume dans cette phrase sa concep-

tion des centres corticaux du cerveau : « De par la clinique et de parla

physiologie les centres corticaux sensitivo-moteurs ont'une distribution

segmentaire et correspondent, non aux nerfs anatomiques, mais à des

nerfs articulo-moteurs et segmento-sensitifs. » ' ..

Plusieurs figures m'ont paru mériter d'être adjointes à ce texte :

1° Les centres moteurs corticaux de l'orang (Simia satyrus) d'après

Beevor et Horsley (1890) ; ..

Fig. 6 cb 7. Localisations cérébrales chez l'homme, d'après Ch. K. Mills (1904).

TOPOGRAPHIE CÉRÉBRALE. 597

2° Les centres moteurs corticaux du llacacus sinicus d'après Reeyor et

Horsley (1890);

5° Les centres moteurs de l'homme d'après l'observation des sujets

trépanés (d'après Lamacq) ;

4° La zone corticale motrice du chimpanzé, d'après Grunbaum et

Sherrington (1905).

5° Les localisations cérébrales chez l'homme d'après Ch. K. llills

(1904).

Les rapports de la zone rolandique avec la surface du crâne sont im-

portants à connaître, car les chirurgiens interviennent fréquemment sur

les centres moteurs corticaux.

La figure 8 montre la topographie de la ligne rolandique et de la ligne

sylvienne d'après Poirier.

Pour déterminer l'extrémité supérieure de la ligne rolandique il faut

« mesurer avec soin la distance qui sépare le fond de l'angle naso-fronta)

de l'iuion en suivant bien la ligne sagittale ou ligne médiane antéro-pos-

téricurc, prendre la moitié de cette distance à partir du point nasal, y

ajouter 2 centimètres en arrière (un travers de doigt) et marquer ce point

qui donne certainement à 1 centimètre près le point de la voûte qui

, [G. GüI.LLAIN ]

Fig. R. Topographie cr11nio-cérébrnlc. Ligne rolandique et ligne sytviennc (d'après Poirier).

"598 TOPOGRAPHIE MÉDULLAIRE MOTRICE.

répond au haut de Romande » (Poirier). Ce point rolandique supérieur

est en moyenne à 18 cm. 5 de la suture nasale.

, L'extrémité inférieure de la ligne rolandique s'obtient ainsi : . « Recon-

naître et tracer au crayon l'arcade zygomatique qui est sensiblement

horizontale ; sur cette ligne de l'arcade, élever une perpendiculaire passant t

juste au-devant du tragus par la' fossette ou dépression préauricnlaire et

compter à partir du trou auditif 7 centimètres 'sur cette perpendiculaire »

(Poirier).. .. - .

En réunissant ces deux points on obtient la ligne rolandique.

La direction de la scissure de Sylvius s'obtient par le procédé de Poi-

rier, procédé de la ligne naso-lanlbdoïdiennc. « Cette ligne oblique réiuiit

l'angle fronto-nasal au lambda; elle passe environ à 6 centimètres an-

dessus du trou auditif. On trouve sur cette ligne en partant du lambda :

à 7 centimètres le lobule angulaire (pli courbe), à 10 centimètres lelobulc

marginal (lobule du pli courbe), au-dessus du trou auditif la scissure de

Sylvius que la ligne suit sur une longueur de 4 à 6 centimètres, au-dessus

du milieu de l'arcade zygomatique le cap de la troisième frontale »

(Cbwhy) . r .

TOPOGRAPHIE MEDULLAIRE MOTRICE

Les lésions de la moelle se traduisent fréquemment eh clinique par le

syndrome paraplégie dont les modalités cliniques, différentes suivant la

cause, l'étendue et la hauteur des lésions, ont été étudiées dans un autre

chapitre de cet ouvrage. Je rappelle qu'une lésion limitée l'hémi-

moelle donne lieu au syndrome de Brown-Séquard.

Une lésion localisée au faisceau pyramidal du cordon latéral se traduit

par une hémiplégie spinale. Les troubles de la motilité dans certains cas

d'hémiplégie spinale peuvent se montrer avec une topographie radiculaire

ainsi que Dejerine et Gauckler, Raymond et Guillain l'ont constaté.

Les lésions des cellules des cornes antérieures de la moelle ont pour

conséquence l'atrophie des muscles innervés par ces cellules. On a discuté

et l'on discute encore sur la topographie dés atrophies musculaires dans

le cas de lésions des cornes antérieures. Certains auteurs admettent l'exis-

tence dans la moelle de localisations motrices pour des muscles isolés ou

des muscles ayant la même fonction physiologique, d'autres l'existence

de localisations motrices métamériques segmentaires, d'autres l'existence

de localisations motrices en rapport avec les nerfs périphériques.

La plupart des recherches sur les localisations motrices spinales ont

été faites chez les animaux, le chien, le cobaye, le lapin. .'

Dejerine a fait remarquer que s'il existait dans l'axe antérieur de la

moelle une localisation motrice segmentaire, on devrait observer en cli-

nique des atrophies musculaires myélopathiques limitées uniquement à

un segment de membre. On ne rencontre jamais en clinique une atrophie

, TOPOGRAPHIE RADICULAIRE. 599

musculaire aussi rigoureusement circonscrite. Au contraire, Dejerine

insiste sur ce fait que dans là syringomyélie, dans.la poliomyélite aiguë

de l'enfance, dans, la poliomyélite chronique, dans la sclérose latérale

amyotrophique, l'examen méthodique 'des malades fait constater toujours

une amyotrophie à topographie radiculaire..

D'après Dejerine, les localisations motrices médullaires sont des locale

sations radiculaires ; les racines antérieures de la moelle proviennent de

noyaux étagés les uns au-dessus des autres dans toute la hauteur de l'axe

gris médullaire, chaque noyau ne fournissant de fibres qu'à la racine

correspondante. Je partage tout à fait l'opinion de Dejerine sur cette

question.

TOPOGRAPHIE RADICULAIRE

LES LOCALISATIONS RADICULAIRES MOTRICES

Panizza, en 1 854, expérimentant sur le nerf sciatique de la gre-

nouille, arrive à cette conclusion que les racines n'ont aucune action

particulière. Ce sont de banals conducteurs de la motricité; les plexus

jouissent d'une conductibilité indifférente de l'influx -médullaire. La

section progressive des' racines détermine un affaiblissement général,

graduel, de tous les muscles du membre, et la conservation d'un seul

filet suffit à maintenir tous les muscles en relation avec la moelle.

Minier excite avant leur réunion les trois nerfs rachidiens qui forment

le nerf sciatique de la grenouille, et il établit qu'un nerf rachidien qui

pénètre dans un plexus, et qui contribue avec d'autres racines à la for-

mation d'un gros tronc nerveux, ne communique pas sa force motrice au

tronc tout entier, mais uniquement aux fibres par, lesquelles il se con-

tinue depuis le tronc jusque dans les branches.

lIÜller et Van Deen, Kronenberg, Peyer, pensent que les différents

muscles synergiques reçoivent leurs nerfs de plusieurs racines diffé-

rentes. Peyer, en sectionnant les racines du plexus brachial, dit avoir

reconnu qu'une seule racine fournit à presque tous les muscles.

Krause, chez le lapin, constate qu'une même racine peut fournir à des

muscles antagonistes. Il pense que la contraction simultanée de deux

muscles d'action opposée est nécessaire pour l'équilibre de certains

mouvements.

Paul Bert et Marcacci cherchent dans les fonctions des racines une

loi pour les grouper. Us expérimentent sur le plexus lombaire du chat et

du chien. Dans les racines, disent-ils, il existe une systématisation évi-

dente. Chaque racine .innerve un groupe de muscles synergiques et

répond dans la moelle à des centres de flexion, d'extension, d'adduction,

d'abduction.

Ferrier et Yeo,- expérimentant sur le singe, arrivent à une conclusion

un peu différente. Pour Ferrier et Yeo l'excitation d'une racine donnée

[G GUILLAIN.]

600 SÉlItIOLOf;1E DES PARALYSIES D'ORIGINE RADICULAIRE.

amène des mouvenients parfaitement coordonnés. Par exemple, lors de

l'excitation de la première thoracique, on voit les membres supérieurs

accomplir un mouvement approprié, à la cueillette d'un fruit; par l'cxei-

tation de la sixième paire cervicale, le bras s'approche de la bouche; par

l'excitation de la septième l'animal fait le geste de se redresser en se

servant de la main; par l'excitation de la huitième, il se gratte )esnh-

stratum anatomique de la position assise. La section d'une racine, d'après

Ferrier et Yeo, ne provoquerait pas la paralysie complète des muscles

correspondants, car ils reçoivent les filets de plusieurs racines, mais seu-

lement la suppression de celle combinaison fonctionnelle.

Lannegracc et Forgue dans plusieurs communications, Forgue dans

sa thèse, ont repris l'étude des localisations radiculaires. Forgue montre

que la méthode des sections radiculaires donne des résultats peu nets,

parce qu'il se produit de l'inflammation ou de la suppuration; il montre

que le procédé de l'excitation en masse des racines est à rejeter parce

qu'il amène des actions trop complexes. Aussi adopte-t-it la méthode

qu'il appelle l'excitation dissociée des racines. Il dénude le plexus sans

ouvrir le rachis, les racines du plexus sont liées ou sectionnées pour

supprimer les mouvements réflexes, puis il procède à l'excitation isolée,

des filets différents qui constituent les racines. Forgne expérimente sur

le plexus brachial et le plexus lombaire du chien, du chat, du singe et il

arrive il d intéressantes conclusions. La question de la distribution topo-

graphique, dit-il, prime celle de la spécialisation physiologique. La dis-

tribution des racines n'obéit pas il un ordre fonctionnel préétabli; elle

n'est réglée que par la distribution respective des groupes musculaires.

Chaque racine commande une région donnée; elle s'y distribue dans

des territoires topographiquement constants, niais fonctionnellement

indéterminés; elle est la racine d'un département donné, elle n'est pas

la racine d'une fonction. Le plexus, dit encore Forgue, est un centre de

répartition qui concentre en un même tronc définitif des filets nerveux

qui naissent des différents noyaux moteurs superposés, et des racines

qui leur correspondent, mais dont le territoire de distribution est le

même.

La plupart des conclusions de Forgue ont été confirmées dans les tra-

vaux ultérieurement parus. Un s'expliquait mat d'ailleurs comment la dis-

tribution d'une racine pouvait être considérée comme adaptée à une

fonction spéciah'.Kst-ce que, en effet, une racine ne se distribue pas à des

muscles dont Faction est très différente, il des muscles antagonistes les

uns des autres pour l'acte supposé fonctionnel ? Est-ce que les mouve-

ments fonctionnels ne sont pas si nombreux que l'on ne puisse s'expliquer

avec logique leur production par une excitation uui-I'éldiculail'(" ? Ouand

on pense il la multiplicité des mouvements adaptés il une fonction chez

des animaux appartenant, il des espèces différentes, quand on pense : '1 la

multiplicité des mouvements nécessaires aux individus accoutumés par

les nécessités de la vie à des actes très distincts, on ne comprend pas

TOPOGRAPHIE RADICULAIRE. G01

comment l'on a pu admettre que les filets radiculaires soient adaptés à

telle fonction spécialisée.

Depuis les travaux de Lannegrace et de Forgue, différentes questions

relatives il l'innervation radiculaire ont été précisées.

llisien Hussell montre que le mouvement complexe réalisé par l'exci-

tation des racines peut être décomposé en des mouvements élémentaires,

si l'on parvient à séparer les divers faisceaux qui constituent leur racine.

Par exemple, après séparation des faisceaux de la 7c cervicale, l'excita-

tion de chaque faisceau produit un mouvement différent : l'excitation

de l'un d'eux produit la flexion, du coude, d'un autre l'extension, d'un

troisième la flexion du poignet, d'un quatrième l'extension. Ces faisceaux

ainsi constitués sont simplement juxtaposés et conservent leur individua-

lité jusqu'au bout de leur trajet. Un courant minimum appliqué sur

les divers points de la circonférence de la racine produit des mouve-

ments différents correspondant aux différents points, mais toujours les

mêmes. On voit que des mouvements différents, même opposés, se trou-

vent représentés par la même racine, mais selon Hussell l'un deux est

prédominant. Si, par exemple, l'extension et la flexion se trouvent ainsi

localisées dans une seule racine, c'est la flexion qui sera prédominante,

niais alors, dans la racine suivante, on trouvera que c'est l'extension qui

prédomine.

Thorburn conclut de ses recherches que chaque muscle est sous la

dépendance de plusieurs racines, mais qu'il en. possède toujours une

principale, une prépondérante. D'autre part, chaque racine se rend il des

muscles divers, souvent très nombreux. Ces muscles sont parfois très

différents par leur situation et par leur fonction.

Sherriugtou explique comment les plexus se. sont formés par le fusion-

nement des myomeres. Comme tout muscle vient de plusieurs myomeres,

il recevra nécessairement son innervation de plusieurs racines. Parlant,

une même racine fournira il plusieurs muscles. Ainsi les fibres motrices

répondant il tel mouvement déterminé sont également et régulièrement

réparties dans plusieurs racines consécutives. Si un même muscle est

innervé par plusieurs racines, il faut donc admettre que celles-ci empiè-

tent les unes sur les autres. Ce fait est très important, car l'on est arrivé

il des conclusions identiques au sujet des localisations radiculaires sensi-

tives. Faisant le parallèle entre l'innervation motrice et l'innervation

sensitive, Sherrington a montré qu'il n'v a pas de superposition

exacte entre les deux ordres des territoires pour les paires correspon-

dantes.

Dejerine a montré que les faits anatomo-cliniques ne sont pas toujours

conformes il celte loi de Sherrington que, chaque muscle serait sous la

dépendance de deux racines; il pense que peut-être, dans les muscles à

innervation radiculaire double, chaque racine se rend à une partie deter-

minée du muscle; il l'ail remarquer aussi que l'on peut voir des muscles

a fonctions opposées être innervés par une seule racine comme par

[G. GUILLAIN.]

602 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGIt' R : DICULr'IRL..

exemple les interosseux dorsaux et palmaires de la main qui reçoivent

leurs nerfs de la première racine dorsale. - .'

.. Des recherches des physiologistes, il faut rapprocher, dans cette étude

des localisations motrices radiculaires, les travaux électro-physiolo-

giques de Erb, qui font époque dans l'histoire des paralysies radicu-

laires du plexus brachial. Duchenne (de Boulogne) avait signalé, une

variété de paralysie obstétricale intéressant des muscles du bras innervés

par des nerfs différents. Erb localise cette variété de paralysie dans les

5e et 6° nerfs cervicaux. Le professeur d'I-Ieidelher décrit dans la région

sus-claviculaire un point précis dont l'excitation électrique détermine

une contraction simultanée des muscles deltoïde, biceps, brachial anté-'

rieur, long supinateur, le plus souvent aussi des sus et sous-épineux et

un peu celle du grand pectoral. Ce point, qui depuis, à très juste titre, a

reçu le nom de point de Erb, siège à deux ou trois centimètres au-dessus

de la clavicule, un peu en dehors du bord externe du muscle sterno-

cléido-occipito-mastoïdicn, en face de l'apophyse transverse de la 6° ver-

tèbre cervicale. Par l'excitation du point de Erb, Secrétan a trouvé con-

stamment une contraction du grand pectoral, Vierordt a observé la

contraction du sous-scapulairc et du court supinateur, Mlle Klumpkc a

toujours vu la contraction du grand pectoral.

Le cas clinique de Rose a la valeur aussi d'une véritable expérience

de physiologie. Cet auteur, chez' un malade affecté d'un névrome, dut

réséquer les racines des 5e et 6e nerfs cervicaux sur une étendue de plu-

sieurs centimètres. La conséquence de cette résection fut une paralysie

des muscles scalènes antérieurs, sous-épineux, sus-épineux, petit rond,

grand rond, deltoïde, biceps, brachial antérieur, coraco-brachial, long

supinateur.

TOPOGRAPHIE RADICULAIRE. ' ' 605

Tableau de l'innervation motrice des nerfs rachidiens 1.

604 SEMEIOLOGIE .DES PARALYSIES 'mty.uvL .ltA.UlI...UlJiUllli.. .

TOPOGRAPHIE RADICULAIRE; 605

60U SÉMIOLOGIE DES -PARALYSIES D'ORIGINE -RADICULAIRE. «

- TOPOGRAPHIE RADICULAIRE. 607

608 SÉMÉIOLOGIE -DES PARALYSIES D'ORIGINE RADICULAIRE.

Les rapports existant entre les émergences médullaires des nerfs ra-

chidiens et les apophyses épineuses du rachis sont très importants

à connaître spécialement au point de vue de la chirurgie médul-

làire.

Lé tableau suivant est emprunté à Reid (Journal of Analomy and Ph-

siolog, 1889, p. 551). Nous le transcrivons d'après l'Anatomie de

Poirier (tome 111, fascicule 3, p. 956).

. Tableau des rapports qui existent .

entre les émergences médullaires des nerfs rachidiens

et les apophyses épineuses des vertèbres.

(D'après Reis, Journal of Analomy and Physiology, 1889, p. 551.)

Pour chaque nerf rachidien la lettre h indique le niveau le plus élevé de l'émer-

gence des fibres les plus supérieures et la lettre b le niveau le plus inférieur de l'émer-

gence des fibres les plus inférieures qui ont été relevés dans les six observations de Reid.

C désigne les vertèbres cervicales, D les dorsales et L les lombaires.

TOPOGRAPHIE RADICULAIRE.. 609

610 - 1 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGINE RADICULAIRE.

LES PARALYSIES RADICULAIRES.. 611,

sale inférieure (de la sixième à .la onzième

vertèbre). La partie inférieure de la onzième

dorsale et l'espace inter-épineux sous-jacent

répondent aux trois dernières paires lomhaires-;

l'apophyse épineuse de la douzième dorsale

et l'espace sous-jacent répondent aux paires

sacrées. Chez l'enfant, les rapports diffèrent

un peu, il faut ajouter trois de la première à la

quatrième dorsale, quatre de la sixième à la

neuvième dorsale.

Il est quelquefois assez difficile chez les

individus obèses de compter les apophyses épi-

neuses. 11 faut l'aire cette numération le malade

ayant les pieds joints et fléchissant le tronc

autant -qu'il le peut. Je rappellerai que l'apo-

physe épineuse proéminente est la septième

cervicale, que la ligne horizontale passant par

le sommet des crêtes iliaques correspond à

l'apophyse transverse de la quatrième lombaire.

A la région dorsale,- il n'existe -pas de points

de repère pour les apophyses épineuses, il est

nécessaire de les compter en partant soit de la

septième cervicale soit de la quatrième lom-

baire. Cette recherche des apophyses épineuses,

qui parait au premier abord d'une grande sim-

plicité, est souvent fort délicate.

LES PARALYSIES RADICULAIRES

- - PARALYSIES RADICULAIRES

DU PLEXUS BRACHIAL

Les principales causes des paralysies radicu-

laires du plexus brachial sont : la section acci-

dentelle ou chirurgicale des racines du plexus,

le traumatisme obstétrical, les traumatismes

simples de l'épaule, les traumatismes de l'épaule

causant ou une luxation de l'épaule ou une

fracture de la clavicule, les névrites infec-

tieuses ou toxiques, les lésions des méninges

[G. GUILLAIN.]

Fis. 9.

Fil\'. 9. Rapports des émergences des ncrfs rachidiens

avec les apophyses épineuses. Figure schématique construite

d'après les données des auteurs et en particulier de Reid.

LU5 cmurcs arabes indiquent les numéros des apophyses épineuses, les chiffres romains les

numéros des ''cris rachidiens; c, le nerf coccygien- (d'après Soulié). ,

(il '2 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGINE RADICULAIRE.

ou du raehis (la padiymeningite tuberculeuse, la syphilis des HlÓnin,rcs

la paebymeningitc cervicale hypertrophique, le cancer des méninges,

les tumeurs des méninges, le cancer du mollis, la syphilis des vcrtu-

bres, les tumeurs des vertèbres), enfin les lésions extra-mchidiennes

(tumeurs du creux SlIS-Cla\-1l'ttlirlr'8, adénites, lipomes profonds, exostoses.

anévrismes de la sous-claviereet de la carotide primitive). Le mécanisme

des diJ1érentes variétés des paralysies radiculaires est longuement étudié

dans une monographie que j ai publiée sur ce sujet avec Pierre lluval (P.

Duval et G. Guillain. Les paralysies radiculaires du plexus brachial.

Paris, 11)01).

Il existe eu clinique trois variétés principales de paralysies radicu-

laires : 1" la paralysie radiculaire supérieure (paralysie dite du type Du-

chennc-I;rh); 2° la paralysie radiculaire inférieure, paralysie du type

Ktmnpke ou paralysie avec syndrome sympathique; 5" la paralysie radi-

cniairctotate.

Dans la paralysie radiculaire supérieure, les muscles paralysés sont

ceux innervés par la cinquième et la sixième moine cervicale : le biceps,

le deltoïde, le brachial antérieur, le long supinateur. Presque toujours

l'examen clinique et surtout l'examen électrique permettent de con-

stater que d'autres muscles sont également atteints, et, parmi ces der-

niers : le grand dorsal, le grand rond, le sous-épineux, le grand pectoral,

le grand dentelé, le court supinateur.

Le malade; atteint d'une telle paralysie, c'est d'ailleurs le plus souvent

ou après une chute ou après un traumatisme, se présente au médecin

avec un bras immobile et abaissé. Le membre supérieur est contre le

tronc en adduction et en rotation interne, Lavant-bras est étendu sur le

hras et la main est dans l'attitude de la pronation avec flexion des doigls.

Cet aspect qu'a bien décrit Duchenne est presque constant. Dans certains

cas, toutefois, l'épaule peut 'être soulevée par le muscle trapèze non para-

lyse. C'est un fait sur lequel a insisté lluet et qui s'explique facile-

ment. Le bras qui pend le long du corps tend par son propre poids il

s'appliquer le long du tronc; de cette attitude résulte nécessairement

une certaine gène. Pour obvier à cette gène le trapèze élève l'angle

externe de l'omoplate par un mouvement inconscient; le scapulum bas-

cule alors autour de son angle interne et le membre est écarté des côtés

du tronc. C'est cette coutracture'du muscle trapèze qui amène donc t'ir-

vation de la région de l'épaule. Si l'on poursuit l'examen du malade, il

est facile de constater que tous les muscles du bras ne sont pas paralysés,

les troubles sont limités il certains groupes musculaires. Les mouvements

des doigts se font avec facilité, le malade les étend et les fléchit, il peut

opposer son pouce aux autres doigts. De même sont possibles les mou-

vements de l'articulation radiocarpiennc, la flexion et l'extension de la

main.

Le biceps, muscle supinateur fléchisseur, étant paralysé, le malade ne

peut fléchir Lavant-bras sur le bras. La paralysie du brachial antérieur,

. LES PARALYSIES RADICULAIRES.. 615

le fléchisseur indépendant de Duchenne, du long supinateur, le fléchis-

seur semi-pronateur, viennent contribuer aussi à la difficulté, à l'impos-

sibilité de la flexion du segment antibrachial du membre.

Le court supinateur peut aussi être atteint. La supination de l'avant-

bras est produite, dans les mouvements physiologiques habituels, par la

contraction du biceps et du court supinateur agissant simultanément. Le

muscle biceps agit surtout quand l'avant-bras est étendu sur le bras, le.

muscle court supinateur agit principalement quand l'avant-bras est demi-

fléchi. Chez un malade atteint de paralysie du biceps et du court supi-

nateur, le mouvement de supination sera presque nul dans toutes les

positions de l'avant-bras, et, si on fléchit préalablement ce segment anti-

brachial du membre, on peut constater facilement, par l'impossibilité de

la supination, la paralysie du court supinateur. '

La paralysie du biceps, du brachial antérieur, du long supinateur, les

vrais fléchisseurs du coude, n'entraîne pas toujours l'abolition totale de

la flexion de l'avant-bras, car des suppléances sont possibles par d'autres

muscles de l'avant-bras.

La paralysie totale du deltoïde a pour conséquence une immobilité de

la région scapulaire. L'abduction de l'épaule, ce mouvement si utile dans

les divers actes de la vie, est abolie. Aussi impossibilité pour le malade

de porter la main à la bouche, de l'amener vers la région dorsale, impos-

sibilité pour lui de s'habiller seul. On comprend facilement que si à la

paralysie du muscle deltoïde s'ajoutent des troubles parétiques dans les

. muscles grand dentelé, sous-épineux, grand dorsal, grand rond, tout

mouvement sera presque impossible dans la région scapulaire, aucune

suppléance ne pouvant se faire au muscle deltoïde.

La paralysie associée du deltoïde et du sous-épineux se traduit, d'après

Duchenne, par une difficulté particulière de l'écriture. Cette difficulté

tient à l'impossibilité où se trouve le sujet d'imprimer à son avant-bras

fléchi sur la table les mouvements de dedans en dehors par lesquels la

plume se déplace sur le papier dans le sens transversal. Dans cette éven-

tualité l'écriture n'est possible que si le sujet à l'aide de sa main gauche

déplace, sa main droite au sur et à mesure que celle-ci trace de nouveaux

caractères.

Si, dans la paralysie radiculaire supérieure, les mouvements de flexion

de l'avant-bras sur le bras sont abolis, il est facile, au contraire, de con-

stater, après avoir fléchi le segment antibraclilal, que l'extension est pos-

sible. Le triceps ne présente aucun trouble. Prie-t-on le malade dont le

bras est étendu de s'opposer à un mouvement de flexion que l'on provo-

que, il résiste. Cette résistance toutefois est moindre que du côté sain,

car c'est une loi de la physiologie musculaire qu'un muscle ne possède

toute sa puissance d'action qu'autant que ses antagonistes ne sont pas

paralysés.

L anesthésie, qui existe dans la paralysie radiculaire supérieure, se

coustate dans la sphère de distribution cutanée du nerf circonflexe, du

[G. GUILLAIN.1

: ûJ4 SÉMIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGINE -RADICULAIRE.

nerf radial, du nerf musculo-cutané. « Dans le type supérieur des para-

lysies radiculaires, dit Dejerine, on observe une an6stli('sie sur le côté

externe du bras et de l'avant-bras empiétant en avant et en arrière sur

les faces antérieures et postérieures correspondantes (cinquième et sixième

cervicales) et, dans certains cas, on peut observer une bande hypo-estlié-

sique médiane, région qui est innervée par la sixième et la septième cer-

vicale. » .'

La paralysie radiadaire inférieure, paralysie du type Illicnzplce,

paralysie avec syndrome sympathique^ est Créée par les lésions intéres-

sant la septième, la huitième racine cervicale et la première racine dor-

sale. En cas de traumatisme il arrive parfois que la paralysie radiculaire

inférieure soit consécutive à une .paralysie radiculaire totale, mais c'est

d'ailleurs une éventualité rare, car il est de beaucoup plus fréquent de

-voir une paralysie radiculaire totale ne laisser comme reliquat qu'une

paralysie radiculaire supérieure. Les lésions des racines inférieures du

-plexus brachial amènent une paralysie dans le territoire du nerf médian

et du nerf cubital. C'est à la main que se constate le maximum des troubles.

Les muscles des éminences thénar et hypothénar, les interosseux sont

paralysés. Paralysés aussi les fléchisseurs de la main.

La paralysie des lombricaux et des interosseux a pour conséquence la

perte des mouvements d'extension des deux dernières phalanges. Le ma-

lade ne peut fléchir les premières phalanges sur le métacarpe. Quand on

le prie d'étendre les doigts, seules les premières phalanges se mettent en

extension. Les mouvements de latéralité des doigts sont presque abolis,

mais quand les extenseurs communs et propres des doigts se contractent,

quelques mouvements de latéralité sont esquissés, grâce à l'extenseur

commun qui écarte du médius les trois autres doigts et à l'extenseur pro-

pre du petit doigt qui l'écarté du-médius. Quant à l'index, son extenseur

le rapproche du médius.

La paralysie des muscles de l'éminence thénar a nécessairement pour

conséquence la perte des mouvements de flexion, d'abduction, d'opposi-

tion du pouce. La paralysie des muscles de l'éminence hypothénar amène

la perte des mouvements du petit doigt, il ne peut plus être rapproché

de l'axe de la main ni en être écarté, il ne peut plus être fléchi. Sans

insister sur la paralysie de chaque muscle, on comprend que la main de-

vient impropre à tout usage; le malade est incapable d'agir sur le. dyna-

momètre. Les muscles du bras ont conservé leur contractilité normale et

tous les mouvements de la ceinture scapulaire s'exécutent avec facilité.

Si la paralysie radiculaire inférieure est d'un pronostic grave, si elle

ne s'améliore pas, alors la main prend le type qu'on observe dans les

paralysies du. nerf cubital, le type de la griffe cubitale. L'éminence hypo-

thénar est aplatie, flasque, sans aucune tonicité. L'atrophie des muscles

interosscux amène une saillie très nette des métacarpiens et exagère les

méplats interosseux. La première phalange des doigts est hyperétendue,

les deuxième et troisième phalanges, au contraire, sont fléchies.. Dans la

LES PARALYSIES RADICULAIRES. fila

n'ill'c cubitale typique, c'est principalement au niveau de l'annulaire et

de l'auriculaire que celle altitude se voit; dans la paralysie radiculaire

inférieure, l'impotence des muscles innervés par le nerf médian expli-

que que la grille soit moins pure que celle constatée dans les lésions

périphériques du nerf cubital. D'ailleurs, dans les paralysies radiculaires,

il est très fréquent de voir certains muscles présenter des degrés de para-

lysie différents, certains muscles recouvrer leur contractilité plus ou

moins normale, aussi les altitudes observées tant au niveau de la main

que du poignet ne peuvent-elles être schématisées d'une façon très pré-

cise. Les (rouilles de la sensibilité dans la paralysie radiculaire inférieure

se mollirent il la moitié interne de la main, de l'avant-hras, il la face

interne du bras jusqu'à doux ou trois centimètres au-dessus du coude.

Ce qui caractérise surtout la paralysie radiculaire inférieure et en rend

le diagnostic facile, c'est l'existence de troubles oculo-pupillaires sur les-

quels a insisté Mine Dejerine-Ktnmpke. Le malade présente du myosis,

du rétrécissement de la fonte palpébrale, de l'enophtalmie parfois. La

pupille en myosis réagit encore à la lumière. Dans certains cas, on peut

constater l'aplatissement de la joue, la diminution de l'ouverture d'une

narine, la diminution de la sécrétion des larmes, de la sécrétion de la

sueur du coté correspondant il la paralysie. Tous ces phénomènes sont

sous la dépendance d'une lésion du sympathique cervical, le myosis est la

conséquence de la paralysie des fibres radiées de l'iris, le rétrécisse-

ment de la fente palpébrale et l'enophtalmie la conséquence de la para-

lysie du muscle de Millier.

Lorsque la paralysie radiculaire est. totale, la monoplégie brachiale

est absolue, tous les muscles du bras sont atteints. Le membre supérieur

lésé pend inerte, flasque, le long du corps, en pronation forcée souvent,

la paume de la main regardant, en arrière et en dehors. Tous les mouve-

ments des doigts, de l'articulation du poignet, de l'articulation du coude,

de l'articulation de l'épaule, sont abolis. Dans certains cas, le malade

peut encore élever légèrement le moignon de l'épaule par le faisceau supé-

rieur du muscle trapèze innervé par le nerf spinal. Les troubles de la

sensibilité dans la paralysie radiculaire totale sont étendus à presque tout

le membre supérieur. L'anesthésic existe à ta main, il l'avant-bras. Dans

la plupart des cas, elle s'étend jusqu un on deux travers de doigt au-

dessus du coude, limitée ta par une ligne plus ou moins irrégulière (De-

jcrme). L anesthésie peut remonter plus haut sur la région externe et

postérieure du bras, mais, il la région interne, la sensibilité est conservée

la où 1 innervation se fait par les rameaux perforants du deuxième et du

troisième nerf intercostal. Le syndrome sympathique existe comme

dans la paralysie radiculaire inl'érieare. ,1'ai remarqué, dans plusieurs

cas de paralysie radiculaire, une diminution très nette de la pression

artérielle du côté de la paralysie. La paralysie radiculaire totale n'est pas

la variété le plus souvent observée en clinique. Kilo est le plus f'réquem-

ment consécutive il des traumatismes violents. La paralysie n'est d'ail-

ce. GUILLAIN.]

glu G SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGINE RADICULAIRE. '

leurs, dans la majorité des cas, totale que durant un laps de tcmps très

court, et 'il subsiste, soit une paralysie radiculaire supérieure, soit une

paralysie radiculaire inférieure, soit un type complexe.

A côté des trois types principaux de paralysies radiculaires que je

viens d'étudier, on peut décrire quelques autres variétés. Dans les para-

lysies du type complexe, sont atteintes des racines appartenant et au seg-

ment supérieur et au segment inférieur du plexus. Ces paralysies sont très

fréquentes en clinique, elles ne se prêtent pas à une description didacti-

que, car -on peut supposer réalisées les modalités les plus différentes.

Les paralysies uniradiculaires sont très rares. Les paralysies radicu-

laires sensitives pures, sans troubles moteurs concomitants, sont excep-

tionnelles.

Le diagnostic du siège des paralysies radiculaires se fera par l'étude

des signes oculo-pupillaires indiquant que la lésion existe au niveau ou

immédiatement en dehors des trous de conjugaison et intéresse le

rameau communiquant du premier nerf dorsal, par l'étude de la para-

lysie des branches collatérales du plexus, en faisant sûr ce point toutes

les restrictions que comportent les variations si nombreuses dn mode

d'émergence de ces branches, il se fera aussi par la notion étiologique,par

la symptomatologie concomitante, par la marche de la maladie et surtout

son mode de début. Avec ces éléments il sera presque toujours facile

de déterminer le siège de la lésion radiculaire. Quant à préciser s'il s'agit

d'une paralysie radiculaire intrarachidienne ou d'une paralysie du plexus

proprement dit, il faut avouer que, sans la notion étiologique, ce diag-

nostic est presque impossible. Seules les paralysies des branches termi-

nales du plexus seront différenciées avec facilité des paralysies du type e

radiculaire.

Quelques formes cliniques parmi les pai alysies radiculaires du plexus

brachial méritent d'être signalées : les paralysies radiculaires trauma-

tiques, les paralysies radiculaires obstétricales, les paralysies 1'adicu-

[aires dans les pachyméningites et les compressions intraraclaidiennes,

les paralysies radiculaires dans la syphilis.

Paralysies radiculaires traumatiques* Qu'elle survienne il la

suite d'une chute d'un lieu élevé, d'une luxation de l'épaule, du port de

lourds fardeaux ou pour toute autre cause, la paralysie radiculaire frau-

matique a toujours un début brusque et très souvent douloureux. Dans

le cas de luxation de l'épaule, ou de fracture de la clavicule, si le membre

a été de suite mis dans un appareil, c'est seulement lors de la levée de

cet appareil que l'on constatera la paralysie radiculaire. Les phénomènes

douloureux sont sous la dépendance de l'élongation produite sur les

racines qui, parfois insuffisante pour les rompre, ne les a pas moins dis-

tendues et irritées. Les douleurs sont d'ailleurs variables chez les divers

malades; il est des individus qui souffrent peu, il en est d'autres qui

souffrent beaucoup. Les douleurs spontanées irradient depuis la région

cervicale, depuis le creux sus-claviculaire jusqu'au niveau de la région

. LES PARALYSIES RADICULAIRES, 617

deltoïdicnnc, jusque vers le coude, vers la main. Les irradiations se

montrent parfois dans la zone radiculaire externe, parfois dans la zone

radiculaire interne, parfois aussi tout le membre est douloureux. Les

douleurs peuvent être provoquées par la pression des racines sur les

transvérses, par la pression dans le creux sus-claviculaire au niveau du

point de Erb, par la pression des troncs nerveux, par la pression des

masses musculaires. Ces phénomènes le plus souvent régressent vite et

quand les malades ne viennent consulter que quelques jours après leur

accident, ils ont généralement disparu., .

Les troubles moteurs observés dans les paralysies radiculaires trauma-

tiqucs sont très variables. On a rencontré dans ces cas toutes les variétés

possibles de paralysies radiculaires : la paralysie totale, la paralysie radi-

culaire supérieure, la paralysie radiculaire inférieure, des types com-

plexes. Souvent la paralysie, les premiers jours, est totale ou semble

telle, et il ne subsistera rapidement qu'une paralysie limitée à certains

groupes musculaires. Souvent aussi, quand- on peut examiner le malade

les premiers jours, on peut constater que malgré l'apparence .de paralysie

totale, le groupe radiculaire inférieur est moins atteint, et quelques

mouvements des muscles innervés par les racines basses sont déjà es-

quissés, qui bientôt deviendront faciles. L'expérimentation cadavérique

montrant que les lésions maxima en cas de traumatisme se font au niveau

des racines hautes, on s'explique ainsi que les troubles des racines

basses soient presque toujours en clinique moins prononcés, passagers

et réparables.

Dans les paralysies radiculaires traumatiques on peut voir des muscles

innervés par le plexus cervical être aussi paralysés. Le professeur Raymond,

dans une de ses leçons, en cite plusieurs exemples.

Les troubles de la sensibilité dans les paralysies radiculaires trauma-

tiques ne sont pas toujours identiques.. J'ai déjà parlé des douleurs spon-

tanées ou provoquées consécutives à l'accident et qui ordinairement

régressent vite. Plus tard il est des malades qui accusent encore des four-

millements dans les mains, dans les bras, mais il faut alors faire la part

de certains troubles subjectifs consécutifs à des lésions trophiques, anky-

loses, rétractions tendineuses qui peuvent survenir dans les paralysies

graves et non traitées. Les troubles de la sensibilité cutanée ont été diver-

sement interprétés par les auteurs. Dans beaucoup d'observations, les

troubles de la sensibilité sont passés sous silence. Les classiques disent

que, dans les paralysies radiculaires supérieures, les troubles de la sensi-

bilité font défaut et qu'au contraire ils sont plus habituels dans les para-

lysies radiculaires inférieures. Raymond pense qu'au début l'anesthésie ne

fait jamais défaut si on se donne la peine de la chercher, mais que tôt ou

tard elle diminue d'étendue et disparaît même complètement. Telle est

aussi l'opinion de Rendu. Si dans un cas de traumatisme léger on exa-

mine le malade peu de temps après l'accident, on trouve toujours une

bande d'hypoesthésie ou d'anesthésie à type radiculaire correspondant à

[G. Gt7l.LL.Anr.]

(il8 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGINE RADICULAIRE.

la topographie de la paralysie motrice. Or cette bande d'hypocsthésie est

souvent fugace, et si on n'examine le malade que plus tardivement, elle

a en partie disparu. On trouve alors des troubles de sensibilité qu'on

s'explique mal si on ignore la topographie radiculaire sensitive, qu'on

s'explique au contraire très bien si on la connaît ; les espaces hypoes-

illésiés, en effet, souvent séparés par des espaces à sensibilité normale,

peuvent être reliés entre eux par la pensée, et on arrive facilement à re-

constituer la bande radiculaire. En prenant des schémas de la sensibilité

il plusieurs jours d'intervalle chez des malades atteints de paralysies radi-

culaires traumatiques, j'ai vu souvent la régression progressive des

troubles sensitifs, la bande radiculaire diminuer, s'interrompre, dispa-

raitre. Dans les cas de paralysies graves, les troubles de la sensibilité

peuvent persister. C'est toujours sous le type radiculaire (pie se mon-

trent les troubles sensitifs. J'ai indiqué plus haut quelle était leur topo-

graphie dans les diverses variétés de paralysies radiculaires, mais de

même que les types schématiques de paralysie motrice ne se rencontrent

pas toujours en clinique, de même les types schématiques de paralysie

sensitive ne se trouveront pas toujours, et on comprend que, suivant que

l'attrition radiculaire aura été inégale pour les diverses paires du plexus,

les troubles sensitifs pourront régresser plus ou moins rapidement sur

tels ou tels territoires. Tous les modes de sensibilité peuvent être atteints.

Sensibilités tactile, thermique, douloureuse, électrique peuvent être abo-

lies ou seulement diminuées. Dans un cas de Charcot, concernant une

paralysie radiculaire de la première paire dorsale, l'anesthésie présentait

la dissociation syringomyeliqnc. La sensibilité osseuse, le sens musculaire,

le sens des attitudes peuvent être altérés. ·

En somme, on peut dire que dans les paralysies radiculaires trauma-

tiques, les troubles de la sensibilité correspondent aux troubles moteurs

par leur topographie radiculaire. Les troubles de la sensibilité dans les

paralysies graves persistent; dans les paralysies moins graves, frequein-

mcnt ils diminuent et régressent vite, et si l'on n'examine le malade que

longtemps après son accident, il peut ne subsister qu'une paralysie du

type Duchenne-Erb, par exemple, sans troubles sensitifs aucuns. Les

troubles sensitifs sont moins profonds que les troubles moteurs, ils sont

moins durables. Ces faits que la clinique montre, nos expériences les

expliquent. En effet, dans l'abaissement ou l'hyperélévalion de l'épaule,

mouvements qui produisent les paralysies radiculaires, le ganglion rachi-

dien tond à faire hernie hors de la gaine durale, témoignage certain de

distension radiculaire postérieure. Le tronc d'union des racines peut

s'aplatir sur les transverses, fait qui explique et la douleur et les troubles

de la sensibilité. Prolonge-t-on la traction, les racines antérieures se

rompent avant les postérieures; elles se rompent seules souvent. Aussi

comprend-on que dans un traumatisme de l'épaule, il puisse y avoir une

lésion des racines antérieures qui amène la rupture de leurs cylindres-

axes ou du moins leur attrition, d'où une paralysie motrice, et que dans

. LES PARALYSIES RADICULAIRES. CI9

les racines postérieures il y ait seulement une inhibition passagère par

le traumatisme, inhibition par commotion radiculaire durant peu de

temps, puisque les troubles sensitifs ne persistent pas. Donc, on peut

conclure que, dans les paralysies radiculaires trautnatillues, la persistance

des troubles de la sensibilité dépend du traumatisme lui-même qui,

léger ou violent, amène des lésions réparables ou non réparables des

racines postérieures.

Dans les paralysies radiculaires traumatiques totales ou il type infé-

rieur, les troubles oculo-pupillaires existent souvent, mais si, comme

nous l'avons montré, la lésion de la première dorsale se fait sur la pre-

mière côte, ces troubles feront défaut.

Les réactions électriques sont variables suivant l'intensité du trauma-

tisme, mais la réaction de dégénérescence existe d'une façon presque

constante.

Le pronostic de ces paralysies dépend du degré des lésions radicu-

laires causées par le traumatisme. Très graves et définitives parfois, dans

d'autres cas elles régressent vite, et la guérison complète avec intégrité

de la fonction du membre est possible.

Paralysies radiculaires obstétricales. Les paralysies radiculaires

obstétricales sont le plus souvent des paralysies radiculaires supérieures;

on a toutefois signalé des paralysies totales et des paralysies radiculaires

inférieures. Les signes oculo-pupillaires manquent fréquemment ; De Pe-

ters dit même : « Le symptôme oculo-pupillaire de Dejerine-Klulllpke

n'a pas été observé dans les paralysies obstétricales ». Celle opinion est

exagérée, liroca a cité un cas de paralysie radiculaire obstétricale avec

troubles oculo-Intllillaircs; j'en ai observé personnellement plusieurs à la

Salpêtrière. L'absence fréquente du syndrome sympathique s'explique

bien, puisque la lésion de la première racine dorsale dans les paralysies

traumatiques se l'ait, ainsi que je Pai montré avec Pierre Uuval, sur le

col de la première côte, alors que les filets sympathiques ont quitté la

racine.

Chez les enfants très jeunes l'examen clinique est difficile. C'est sur-

tout en excitant la peau et en examinant alors les mouvements instinctifs

de retrait du membre que peut faire l'enfant, que l'on pourra déterminer

les muscles paralysés. La paralysie est-elle totale, alors le bras pend

inerte et il est possible de lui communiquer des mouvements comme il

un véritable balancier. L'examen électrique est absolument indispensable

chez l'enfant pour voir la topographie de la paralysie motrice.

Il existe fréquemment chez les enfants, en même temps que la paralysie

radiculaire, d'aulrcs lésions traumatiques (fracture de l'humérus, frac-

ture de la clavicule, fracture de l'omoplate). -

Si l'on peut constater des paralysies radiculaires obstétricales à pro-

nostic bénin, guérissant en quelques semaines, la plupart au contraire

sont très graves et cela parce que le traumatisme aura été le plus souvent

très violent sur des nerfs ou des racines dont la résistance est très faible;

[G. CUILLAIN.]

620 0 . SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES D'ORIGINE RADICULAIRE.

les paralysies sont souvent causées par l'arrachement radiculaire, aussi

les troubles trophiques -sont fréquents, les atrophies musculaires rapides.

Duchenne, Guillemot, Comby, Broca ont attiré. l'attention sur ce pronos-

tic sérieux des paralysies obstétricales.

Le squelette osseux peut ne pas se développer, et il en résulte un

aspect du.membre paralysé assez semblable à celui que l'on constate dans

certains cas de paralysie infantile. Raymond et Iluet ont insisté sur cet

arrêt de développement du squelette consécutif aux paralysies radicu-

laires survenant pendant la période de croissance.

Les accoucheurs admettent le plus souvent que les paralysies, observées

après un accouchement spontané, ont un pronostic bénin. Comby dit qu'au

point de vue du pronostic on doit distinguer les paralysies qui surviennent

dans les présentations de la tête et celles qui succèdent à des accouche-

ments par le siège. Dans la présentation de la tête, le pronostic est géné-

ralement bénin et la paralysie est curable. Dans la présentation du siège,

les tractions nécessaires pour dégager la tête sont souvent excessives et le

pronostic est beaucoup plus grave. Cela revient à la loi que nous avons

posée au sujet des paralysies radiculaires traumatiqucs : le pronostic

dépend de l'intensité du traumatisme.

Paralysies radiculaires dans les pachyméningites, dans les com-

pressions intrarachidiennes. - 'Les paralysies radiculaires que l'on

constate dans les pachyméningites, dans les compressions intra-rachi-.

diennes, surviennent le plus souvent'au cours d'une maladie antérieure-

ment reconnue (tuberculose vertébrale, cancer, syringomyélie). La

paralysie radiculaire, dans ces cas, a un début lent, les phénomènes

douloureux précèdent souvent les symptômes paralytiques; les douleurs,

les pseudo-névralgies. sont beaucoup plus violentes et plus persistantes

que celles constatées dans les paralysies radiculaires traumatiques.

Contrairement aussi à ce qu'on voit dans les paralysies radiculaires trau-

matiques, les symptômes sensitifs peuvent être beaucoup plus. accusés.

que les symptômes moteurs, car il est possible que les lésions portent

principalement sur les racines postérieures. Enfin, aux symptômes d'ori-

gine radiculaire, s'ajoutent souvent des symptômes de compression de

la moelle ou de myélite.

Paralysies radiculaires dans la syphilis. Les paralysies du type

radiculaire que l'on peut observer dans la syphilis il la suite de gommes,

d'infiltration méningée, se rapprochent par leur symptomatologie des

paralysies radiculaires par pachyméningite. 11 est rare d'ailleurs que l'on

ne constate pas d'autres symptômes de syphilis médullaire ou cérébrale.

De Peters a fait une étude des paralysies que l'on observe dans certains

cas de syphilis héréditaire avec altération radiculaire. Certaines de ces

paralysies ont la symptomatologie des paralysies radiculaires supé-

rieures obstétricales, d'autres celle des paralysies radiculaires inférieures.

Dans les cas de paralysie atteignant le segment radiculaire inférieur,

De Peters insiste sur une altitude spéciale des mains, qui serait fre-

11O : \OPLÉGlE BIL\CIIL\LE. U21

quente lors de la syphilis, il l'aurait rencontrée neuf fois sur onze cas.

L'avant-bras est en forte pronation, de sorte le dos de la main

regarde en dedans et la paume de la main est tournée en dehors ; le poi-

gnet est fléchi et en abduction vers le cubitus; l'attitude des mains, sur-

tout quand les deux extrémités sont atteintes, rappelle l'attitude et la

forme des nageoires d'un phoque (Ftossenstellung). Dans le cas de para-

lysie radiculaire inférieure, le syndrome oculaire sympathique se joint

aux symptômes précédents. Les lésions qui produisent ces paralysies sy-

philitiques peuvent s'étendre en haut et donner une paralysie des muscles

de la nuque, ou en bas dans la région lombaire et produire des paralysies

des extrémités inférieures. Il peut exister des plaques d'hyperesthésie

et des contractures isolées, mais il s'agit toujours de paralysies flasques;

les contractures, quand elles existent, restent localisées sans jamais

envahir tout un membre, comme cela se voit dans les paralysies d'ori-

gine cérébrale. La nature syphilitique de ces paralysies est prouvée par

ce fait qu'il existe souvent chez les enfants d'autres stigmates de l'hérédo-

syphilis et aussi par l'amélioration rapide que donne le traitement spéci-

fique. De Peters pense que ces paralysies sont dues à un processus inflam-

matoire, sous forme de foyers qui occupent la surface de la moelle épi-

nière et intéressent un plus ou moins grand nombre de racines nerveuses

avec participation des méninges adjacentes.

il. - PARALYSIES RADICULAIRES DU PLEXUS LOMBAIRE ET DU PLEXUS SACRE

Les paralysies radiculaires du plexus lombaire et du plexus sacré

seront étudiées dans le chapitre consacré aux troubles de la sensibilité il

topographie radiculaire. C'est, en effet, spécialement par la topographie

radiculaire des troubles de la sensibilité que le diagnostic de ces para-

lysies peut se faire on clinique. On trouvera daiis le tableau que j'ai

reproduit plus haut quels sont les muscles innervés par chacune des

racines lombaires et sacrées.

$MONOPLÉGIE BRACHIALE

Avant d'entreprendre la soneiologic des paralysies des nerfs périphéri-

ques crâniens et rachidiens, je consacrerai un court paragraphe aux

monoptcgtcs brachiales. La séméiologie des monoplégies brachiales, qui

peuvent être créées soit par des lésions du cortex, soit par des lésions de

la moelle, des racines ou des nerfs périphériques, forme une transition

logique entre l'étude des paralysies il topographie radiculaire et celle des

paralysies à topographie périphérique.

En présence d'un malade atteint d'une monoplégie brachiale, la pre-

mière- question qui se pose est de savoir s'il s'agit d'une paralysie orga-

nique ou d'une paralysie fonctionnelle, de l'hystérie. ,

CC GUILLAIN.]

C32 MONOPLÉGIE BRACHIALE.

Les monoptegies dans Y hystérie, l'hysf¡'I'O-IJ'lllllIUllisme ne sont pas .

rares. Parfois, c'est seulement plusieurs heures ou plusieurs jours après

le traumatisme, qu'apparaît la paralysie. Dans les paralysies organiques

quelques muscles sont parfois moins atteints, quelques mouvements légè-

rement esquissés; chez l'hystérique, au contraire, la monoplégie est

absolue, le moindre mouvement est impossible parce que le malade le

veut ou le croit tel. L amyotrophie, les troubles des réactions électriques,

les troubles des réflexes manquent chez l'hystérique ; il existe une anes-

thésic il type spécial superposée a la paralysie musculaire, enfin l'examen

du malade permettra de reconnaître l'état moulai si spécial du pithiatisme.

Ces paralysies peuvent guérir rapidement par les méthodes de psycho-

thérapie.

La monoplégie brachiale organique peut être d'origine corticale, mé-

dullaire, radiculaire on troncutaire.

Los lésions corticales localisées an centre du membre supérieur, au

niveau de. la région rolandique, peuvent amener une monoplégie; les cas

de monoplégie pure d'origine corticale, sont d'ailleurs exceptionnels, car

on observe presque toujours quelques troubles du côté du membre inté-

rieur. La monoplégie d'origine corticale est facile il reconnaître.

Après une période de paralysie flasque les contractures se montrent :

les réflexes des fléchisseurs, des extenseurs, les réflexes olécrànion, po-

riostique sont exagérés. L'atrophie musculaire est toujours peu accen-

tuée comparativement à celle que l'on observe dans les lésions de la

moelle ou des nerfs. Les (roubles de la sensibilité qui existent dans les

lésions corticales régressent en général assez rapidement. Enfin les accès

d'epitepsiejacksonienne ne sont pas très rares.

La monoplégie d'origine capsulaire, dont l'existence parait possible

d'après les schémas des analoinistes, ne s'observe jamais; le syndrome

hémiplégie traduit, en clinique les lésions même limitées de la capsule

interne comme je l'ai montré avec Pierre Marie.

Les lésions de la substance grise de la moelle, les poliomyélites peu-

vent amener des monoptegies brachiales.

La paralysie infantile se reconnaîtra par son début, fébrile, l'absence

des troubles de la sensibilité; la paralysie se localise il certains groupes

musculaires qui s'atrophient en masse. C'est par des caractères analogues

que se reconnaitra chez l'adulte la paralysie spinale aiguë ou subaiguë

qui est d'aittcurs rarement localisée il un seul membre.

Il est des cas de syringomyélie unilatérale lois que ceux l'apportés

par Dejerine et Sottas, Dejerine et Mirattie qui se montrent avec 1 appa-

rence d'une monoplégie brachiale il marche lente et progressive. Dans

les cas de syringomyélie on constate le plus souvent la dissociation carac-

téristique de la sensibilité, la cypllo-scoliosc, l'exagération des réflexes

au niveau des membres inférieurs.

La monoplégie brachiale peut être créée par une paralysie radicu-

laire totale. La paralysie est flasque, les réflexes sont abolis, les troubles

SÉMIOLOGIE DES PARALYSIES DES NEUFS CRANIENS. 62",

pculo-pupillaires, le syndrome sympathique sont, caractéristiques des

paralysies radiculaires; la sensibilité, même quand l'ancsthesic brachiale,

est absolue, est conservée à la région interne du bras la où l'innervation

se fait par les rameaux perforants du 2 et du 5'' nerf intercostal. La

paralysie radiculaire totale' est le plus fréquemment, consécutive à des

traumatismes violents. La paralysie d'ailleurs n'esl, dans la majorité des

cas, totale que durant un laps de temps relativement court et il subsiste

soit une paralysie radiculaire supérieure, soil unejtaralysie radiculaire

inférieure, soit un type complexe.

Les névrites périphériques infectieuses ou toxiques sont en général

symétriques et ne déterminent que tout à fait exceptionnellement une

monoplégie brachiale.

SÉMÉIOLOQIE DES PARALYSIES DES NERFS CRANIENS

ET DES NERFS SPINAUX

LES TROUBLES DE LA MOTILITÉ A TOPOGRAPHIE

PÉRIPHÉRIQUE

Paralysie faciale. La paralysie faciale est souvent la conséquence

de lésions Iraumaliques, de compressions du nerf : tumeurs ou ramollis-

sements du bulbe et de la protubérance, méningites basilaires, osteo-

periostitcs et fractures du rocher, tumeurs ou abcès de la parotide,

adenopathics, A ce groupe etiologiquc doit être jointe la paralysie faciale

des nouveau-nés qui reconnaît deux variétés. L'une est due il une lésion

du nerf produite par le forceps, la tête étant saisie par le diamètre 1ran ?

versal; par suite du peu de développement du conduit auditif externe le

facial se trouve comprimé. L'autre, en dehors de toute application de

forceps, peut être due à la compression intra-utérine d'un des nerfs

faciaux pendant le travail par l'utérus lui-même au cours des accouche-

ments laborieux et prolongés, et surtout en cas de rétrécissement du

bassin. Ces paralysies obstétricales, le plus souvent unilatérales, ne sont

pas graves et disparaissent au bout de quelques semaines. Certains cas de

paralysie faciale congénitale sont causés par l'agénésie du rocher. Toutes

les affections inflammatoires de l'oreille moyenne peuvent se compliquer

de paralysie faciale. Un observe la paralysie faciale dans le tabes, le dia-

bète, la goutte. La paralysie faciale dite a {'rig01'e est très fréquente.

Neumann et Charcot ont indiqué la prédisposition héréditaire. Cette para-

lysie a {'n'flore parait dépendre d'une infection, être la conséquence d'une

névrite infectieuse ou toxique. D'ailleurs la paralysie faciale se voit, dans

un grand nombre de. maladies infectieuses (syphilis secondaire, fièvre

typhoïde, érysipèle, variole, paludisme, diphtérie, grippe, béribéri, tétanos

réphaliquc de Rose). Le zona s'accompagne assez fréquemment de para-

lysie faciale. ,

La paralysie faciale centrale est causée par les lésions siégeant en

[G. GUILLAIN.]

624 SËMËtOLOGtE DES PARALYSIES DES NERFS CRANIENS

amont de l'origine réelle du nerf depuis la corticalité jusqu la protubé-

rance. On oppose cette paralysie centrale du nerf facial à la paralysie

périphérique déterminée par toutes les lésions siégeant depuis l'origine

réelle bulbo-protubérantielle jusqu'à la terminaison du nerf.

Le principal symptôme de la paralysie faciale est la déviation de

la face (tortura facici des anciens), le côté sain situé sur un plan

postérieur au côté malade est souvent considéré au premier abord

connue étant le côté paralysé; on constate, la disparition des rides du

front, l'abaissement du sourcil, l'impossibilité du clignement de la pau-

pière, l'impossibilité de l'occlusion des paupières. Quand le malade fait

des efforts pour fermer les paupières, le globe de l'oeil est attiré en haut

et en dehors (signe de Ch. Bell); cette élévation du globe de l'oeil coexiste

d'ailleurs normalement avec l'occlusion des paupières. Quand on fait

porter le regard en bas on observe un certain mouvement d'abaissement

consensuel de la paupière supérieure. Cestan et Dupuv-Dutemps ont

insisté sur un phénomène palpébral constant dans la paralysie faciale

périphérique; voici en quoi il consiste. Lorsque le regard du malade se

dirige en bas, la paupière supérieure s'abaisse en môme temps que le

globe oculaire tout en restant cependant plus élevée que celle du côté

sain. Or, si dans cette attitude on commande au malade de fermer subi-

tement les yeux, on voit aussitôt la. paupière du côté paralysé s'élever très

notablement au-dessus de sa position antérieure. Ce fait, en apparence

paradoxal, est d'autant plus net que la paralysie de l'orbiculaire est plus

complète. Un mouvement analogue, mais moins étendu, s'observe il la

paupière inférieure qui s'élève pendant l'occlusion et se déprime dans le

regard on bas. Ce phénomène s'explique très simplement par les liens

anatollliques (expansions aponévroliques) qui unissent les paupières aux

muscles droits supérieur et inférieur et les rendent dans une certaine

limite solidaires de leurs mouvements. Pendant l'occlusion volontaire et

énergique des paupières le globe de l'oeil, normalement, se convulsé en

haut. Dans les cas de paralysie faciale il entraine et relève dans son mou-

vement la paupière supérieure qui n'est plus maintenue par la contraction

de l'orbiculaire; il l'abaisse quand il se dirige en bas. Il en est de même

pour la paupière inférieure.

La paralysie du muscle de Ilorner a pour conséquence 1 épqmora.

L'aile du nez du côté paralysé n'est plus animée de battements, elle semble

tombante, l'orifice de la narine est moins large.

La paralysie de l'orbiculaire des lèvres a pour conséquence la déviation

de la bouche, la difficulté de prononcer les labiales. La paralysie du buc-

cinateur empêche le malade de souffler, de siffler.

Les mouvements du pavillon de l'oreille sont impossibles.

Lorsque la langue est tirée, elle parait déviée vers le côté paralyse.

Cette déviation, plus apparente que réelle, est duo ce que la commissure

paralysée étant attirée par la commissure saine, la langue ne se trouve

plus à égale distance des deux commissures; on peut s'en rendre

ET DES NERFS SPINAUX. li2 : ¡

compte en maintenant en place avec un doigt la commissure paralysée.

La déviation de la luette et du voile du palais, signalée par de nom-

breux auteurs, est niée par certains autres.

L'odorat est parfois diminué, ce qui tient, à à ce que les

odeurs pénètrent en moins grande quantité dans la narine du côté malade

par suite de la paralysie de l'aile du nez.

Le goût est diminué ou aboli au niveau des deux tiers antérieurs de la

langue du côté paralysé; ces troubles du goût existent d'ailleurs seule-

ment au sujet des substances sucrées ou salées, car la gustation des

substances amères se fait dans les parties postérieures de la langue.

L'hyperacousie douloureuse est fréquente, elle est due, d'après la plu-

part des auteurs, au relâchement de la membrane du tympan par suite

de la paralysie du muscle de Poirier. D'après Collé, cotte hyperacousie

dépendrait d'une otite interstitielle avec inflammation chronique de la

membrane tympanique. D'après Friedrich, l'hypcracousie et les autres

troubles auditifs susceptibles de s'associer à la paralysie faciale périphé-

rique seraient imputables à une atteinte directe portée an nerf auditif

qui a des rapports anatomiques étroits avec le facial. D'après Tomka, ils

dépendraient d'un retentissement sur le labyrinthe de la lésion, qui

détermine dans le canal de Fallope la paralysie faciale.

Des troubles trophiques et vaso-moteurs se constatent parfois dans la

paralysie faciale : atrophie des muscles paralysés, altérations de la cornée,

par absence de clignement, teinte porcclainec de la peau du côté para-

lysé. D'après Straus, dans les paralysies faciales périphériques il la suite

d'une injection de pilocarpine, la sudation du côté paralysé est moins

abondante, ou absente, ou plus tardive. La salivation est tantôt diminuée,

tantôt augmentée du côté paralysé.

Parfois, la paralysie faciale est accompagnée de douleurs; celles-ci

sont sans doute causées par une lésion concomitante du nerf trijumeau,

elles siègent presque toujours au pourtour de l'oreille.

La paralysie faciale bénigne guérit en une ou deux semaines sans

laisser de traces. La paralysie faciale grave dure cinq à six mois, parfois

davantage, elle peut même ne pas guérir. Le pronostic d'une paralysie

faciale repose surtout sur l'examen électrique. Dans la forme grave, on

observe la réaction de dégénérescence; dans la forme bénigne il ny a a

pas de modifications des réactions électriques; dans la forme moyenne,

le nerf reste excitable, mais son excitabilité est modifiée, tant au point

devuefaradiqueque galvanique, la réaction de dégénérescence est incom-

plète.

La paralysie faciale peut, se terminer par contracture, celte contrac-

ture s'annonce par des secousses fibrillaires. On constate une exagéra-

tion des rides et des mouvements cloniques dans les muscles contrac-

tures.

La paralysie faciale récidive parfois chez certains sujets, tantôt du

côté malade, tantôt du côté sain.

Pn.vTyve w : ottot,.

40

[G. GUILLAIN.]

626 SÉMÉ10L0G1E DES PARALYSIES DES NERFS CRANIENS

La paralysie faciale périphérique présente plusieurs formes cliniques

dépendant du siège de la lésion. La paralysie faciale centrale a une

symptomatologie un peu spéciale.

Le diagnostic du siège de la paralysie faciale périphérique se fera ana-

tomiquement par l'examen des branches collatérales du nerf. Lorsque la

lésion siège on dehors du canal de Fallope, par exemple dans la parotide,

il y a seulement paralysie des branches innervant les muscles pcauciers

de la face. Lorsque la lésion siège il la partie inférieure du canal de

Fallope, la branche auriculaire postérieure se rendant aux muscles peau-

ciers de l'oreille sera atteinte en même temps que les muscles peauciers

de la face. Lorsque la lésion siège plus haut, au niveau du point d'ori-

gine de la corde du tympan on constate en outre des troubles de la gus-

tation. Si la lésion est au niveau du muselé de l'étrier, on observerait

de l'hyperacousie douloureuse. Une lésion siégeant au niveau du ganglion

géniculé déterminerait, d'après certains auteurs, des troubles du voile

du palais, mais il convient d'ajouter qu'ill1P semble pas que le nerf facial

participe il l'innervation du voile du palais. D'après Iiocstcr, la coexistence

de l'hypoacousie nerveuse avec la paralysie faciale indiquerait que le siège

de celle-ci se trouve au voisinage du ganglion genicnle; cette hypoacousie

dénoterait en effet l'existence d'une nécrose de la partie inférieure du coli-

maçon séparée du nerf facial au voisinage du ganglion géniculé par une

épaisseur de paroi osseuse qui ne dépasse pas un quart de millimètre.

D'après le même auteur, la suppression de la sécrétion lacrymale s'ob-

serverait dans des cas de paralysie faciale alors que la lésion siège au

voisinage du ganglion géniculé. Lorsque la lésion siège au-dessus du

ganglion géniculé on observe le tableau clinique précédent, il l'exception

toutefois des troubles du goût. Les paralysies faciales d'origine basilaire

s'accompagnent souvent de paralysies d'autres nerfs crâniens (trijumeau.

auditif, moteur, oculaire externe). Ces divisions sont très schématiques.

Le plus souvent on est incapable de fixer le siège exact, de la lésion

qui détermine la paralysie faciale périphérique. Dans la paralysie, faciale

a (rigore, qui est la forme la plus habituellement observée en clinique,

il s'agit vraisemblablement d'une névrite infectieuse, aussi l'on s'explique

que les différents faisceaux du nerf soient inégalement atteints et parlant

qu'un diagnostic topographique exact des lésions ne puisse être précisé.

La paralysie faciale d'origine cérébrale est accompagnée le plus souvent

d'une hémiplégie des membres du même côté. Les caractères de la para-

lysie faciale d'origine cérébrale sont : la persistance des mouvements

réflexes produits par exemple par l'aspersion d'eau froide sur le visage,

ou du mouvement réflexe d'occlusion des paupières il la suite d'excitation

conjonctivale ; dans la paralysie faciale périphérique nu contraire, ces

mouvements réflexes disparaissent ; la conservation de la mimique;

t'absencedestroubtes du goût et de l'ouïe; l'absence des modifications des

réactions électriques. On donne encore comme signccaractensquedeht

paralysie faciale d'origine cérébrale l'intégrité du facial supérieur; celle

ET DES NERFS SPINAUX. 627

intégrité toutefois n'est que relative. En effet, l'hémiplégique qui a une

paralysie du facial inférieur ferme l'oeil avec heaucoup moins de force

du côté de l'hémiplégie, on n'éprouve aucune difficulté à soulever avec

le doigt la paupière de ce côté, alors que le malade fait des efforts pour

la tenir close. On peut remarquer aussi que dans les cas de paralysie

faciale d'origine cérébrale, même lorsque le facial supérieur semble

intact, le malade ne peut cependant pas fermer isolément l'oeil du côté

paralysé. Les rides du front sont généralement moins accentuées du côté

de la paralysie. Les mouvements du sourcil sont limités. Chez les hémi-

plégiques, la contracture s'observc parfois au niveau de la face, mais

ce fait est rare.

La paralysie faciale d'origine nucléaire se comporte comme la paralysie

faciale périphérique. Souvent on constate l'atteinte simultanée d'autres

noyaux bulbaires. Parfois existe une hémiplégie alterne.

Je signalerai encore l'existence possible de diplégies faciales.

Paralysie de la branche motrice du trijumeau. Cette paralysie

peut avoir une origine nucléaire, elle peut être causée par des lésions

méningées ou basilaires, elle s'observe aussi dans la paralysie pseudo-

bulbaires. On pourrait d'ailleurs schématiser les différents types cliniques

des paralysies de la branche motrice du trijumeau, de même que l'on

schématise les différents types cliniques des paralysies faciales et décrire

ainsi des paralysies périphériques, nucléaires et centrales.

1 a paralysie de la branche motrice du trijumeau pour conséquence

la paralysie des muscles masticateurs innervés par ce nerf. Ainsi le tem-

poral et le masséter ne se contractant plus, l'élévation de la mâchoire se

fait avec moins de force du côté de la paralysie, les aliments sont masti-

qués du côté sain. Les muscles ptérygoïdiens sont aussi paralysés.

Lorsque la paralysie de la branche motrice du trijumeau est bilatérale

l'élévation du maxillaire inférieur est impossible.

Les .symptômes qui pourraient être dus à la paralysie du muscle

sphéno-slaphylin et du muscle interne du marteau ne sont pas précisés.

Paralysie du nerf glosso-pharyngien. La symptomatologie de la

paralysie du nerf glosso-pharyngien n'est pas précisée, car la paralysie

isolée de ce nerf ne s'observe pas en clinique, il est lésé en général en

même temps que le pneumogastrique et le spinal.

Paralysie du pneumogastrique. Les causes principales de la para-

lysie du pneumogastrique sont les traumatismes de la région cervicale,

les compressions, les névrites infectieuses et toxiques.

Le nerf pneumogastrique concourt à l'innervation des poumons, du

larynx, du coeur, du tube digestif. On n'a pas précisé chez l'homme la

symptomatologie résultant, au niveau du poumon et du tube digestif, de

la paralysie du vague, mais les troubles cardiaques et laryngés sont bien

connus.

Le pneumogastrique est. un nerf modérateur du coeur; lorsqu'il est

paralysé, on constate de la tachycardie. Il semble d'ailleurs que colle

[(3. GUlLL.1lN.]

628 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES DES ]NERFS CRANIENS

tachycardie ne soit accentuée que si la. paralysie du pneumogastrique

est bilatérale, Cette tachycardie a été notée dans la polynévrite alcoo-

lique.

Lorsque le pneumogastrique est lésé au-dessus de la naissance du nerf

récurrent, on observe des troubles laryngés, une paralysie des. muscles

du larynx innervés par ce nerf. La corde vocale paralysée est en position

cadavérique, dans une situation intermédiaire à l'abduction et à l'adduc-

tion, elle reste immobile aussi bien pendant la respiration que pendant

la phonation. Dans les cas de paralysie unilatérale la corde vocale du côté

sain peut suppléer la corde vocale paralysée, elle augmente son excursion

normale, aussi l'on n'observe pas de troubles très nets de la voix. 11 n'en

est pas de même en cas de paralysie bilatérale, l'aphonie est alors com-

plète et les troubles respiratoires très accentués. On trouvera d'ailleurs

dans le chapitre de cet ouvrage consacré aux paralysies laryngées la des-

cription détaillée des paralysies récurrentielles.

Max Egger a observé chez une tabétique une paralysie bilatérale du

pneumogastrique pulmonaire qui se traduisait par un ralentissement

extrême des mouvements respiratoires, la malade avait 4 à 5 respirations

par minute. J'ai décrit, avec Guy Laroche, une forme apnéique de la crise

bulbaire des tabétiques qui reconnaît sans doute pour cause une para-

lysie transitoire du pneumogastrique.

Paralysie du nerf spinal. La branche externe du spinal innerve le

sterno-mastoïdien et le trapèze. La branche interne de ce nerf se fusionne

avec le pneumogastrique et innerve le constricteur supérieur du pha-

rynx et les muscles intrinsèques du larynx à l'exception du crico-tliy-

roïdien ; elle donne des filets aussi au plexus cardiaque.

Les causes de la paralysie du spinal sont : les traumatismes, les com-

pressions (lésions de la colonne vertébrale, mal de Pott, tumeurs, adéno-

pathies), les .névrites, les altérations nucléaires (syringomyélie, sclérose

latérale amyotrophique); la paralysie du, spinal observée dans le tabes

dépend soit de lésions nucléaires soit de la compression radiculaire par

la méningite des tabétiques. Le nerf spinal peut subir l'effet d'une lésion

de l'oreille en des points variés : 1° au niveau de la veine jugulaire

atteinte de thrombo-phlébite otique, la propagation se fait par périphlé-

bitté grâce à l'intimité du nerf et de la veine surtout dans le trou

déchiré; 2° entre la jugulaire et le digastrique, il s'agit le plus souvent

de compression par les ganglions tributaires de l'appareil auditif; 5° entre

le digastrique et la mastoïde; c'est notamment dans la mastoïdite de

Bézold que le pus vient fuser par la gaine de l'artère occipitale de l'a face

interne de la mastoïde jusqu'au devant de l'apophyse transverse de l'atlas,

point de croisement de l'artère et du nerf (Leroux, La névrite spinale

d'origine otite, Thèse de Paris, 1905). ,

La paralysie de la branche externe du spinal se traduit par la paralysie

des muscles sterno-mastoïdien et trapèze. ,

Quand le muscle sterno-mastoïdien est paralysé unilatéralement (voir

ET DES NERFS SPINAUX. C29

p, 5,(i) la tête est inclinée sur l'épaule du côté sain, la face en rotation

vers le côté paralysé; cette attitude est due a l'action du muscle sterno-

mastoïdien normal; les mouvements passifs s'exécutent normalement,

contrairement à ce que l'on observe dans le torticolis. Si l'on prie le

malade de faire des efforts pour abaisser la tête que l'on maintient dans

l'extension, on constate que le muscle sterno-mastoïdien paralysé ne se

contracte pas. Lorsque les deux muscles sterno-Illastoïdiens sont paralysés,

la flexion de la tête n'est possible qu'avec les muscles accessoires.

La paralysie du muscle trapèze (voir p. 570) a pour conséquence

rabaissement de l'épaule, l'angle externe du seapulum est entraîné en

bas par le poids du membre supérieur tandis que l'angle inférieur se

rapproche de la ligne médiane, le bord interne de l'os s'écarte de la co-

lonne vertébrale. Les mouvements du bras sont pénibles il cause du

manque de fixation du scapubun au thorax. Le malade a de la difficulté

pour hausser les épaules. Duchenne a noté que parfois le faisceau

claviculaire du trapèze était paralysé dans racle volontaire de l'élévation

de l'épaule, mais se contractait dans l'acte de la respiration. Dans le mou-

vement d'effacement des épaules en arrière le trapèze peut être suppléé

par le rhomboïde, mais alors le bord interne du scapulum s'écarte du

thorax, alors qu'il s'en rapproche quand le trapèze agit.

La paralysie, de la branche interne du spinal a pour conséquence des

troubles de la phonation et, de la déglutition. Lorsque cotte paralysie est

bilatérale le pouls est. accéléré.

Paralysie du nerf hypoglosse. La paralysie de l'hypoglosse s'ob-

serve à la suite des traumatismes ou des compressions du nerf, mais elle

est le plus souvent, créée par les lésions bulbaires.

Quand le malade tire la langue, la pointe est déviée du côté de la para-

lysie par l'action du muscle génio-glosse demeuré sain. Bahinski a attiré

l'attention sur ce fait que lorsque la langue est hors de la bouche elle

est déviée du côté atrophié, et lorsque la langue est, maintenue dans la

cavité buccale elle présente une déviation en sens inverse. Babinski a

constaté aussi que, dans certains cas, Itemiatrojrnie de la langue n'ame-

nait pas de (roubles fonctionnels importants. .

Le plus habituellement les lettres /, s, k. rJ, l'II, 1', sont difficiles à

prononcer. On observe aussi des troubles de la déglutition, les aliments

s accumulent entre la joue et les arcades dentaires, la salive s'écoule des

lèvres. L bemiatrophie de la langue dans les cas de lésion unilatérale est

très nette. Lorsque les doux hypoglosses sont paralysés, ainsi dans les

paralysies bulbaires, les troubles moteurs, la difficulté de la phonation et

de la déglutition sont très accentués.

Paralysie du nerf phrénique. Le phrénique peut être comprimé

par des tumeurs, abcès, anévrisnics. Ailleurs, la paralysie du nerf est

créée par des traumatismes. dos polynévrites infectieuses ou toxiques

(saturnisme, diphtérie, etc.). Le diaphragme est parfois paralysé au cours

des inflammations pleurales ou péritonéales de voisinage. Les lésions de

[G. GUILLAIN ]

650 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES DES NERFS CRANIENS

la moelle cervicale (compressions, poliomyélites), ou des centres respira-

toires du bulbe amènent la paralysie du diaphragme.

La paralysie du phrénique se traduit par la paralysie du muscle dia-

phragme (voir p. 505). Les régions de l'hypocondre s'affaissent pen-

dant l'inspiration et se dilatent pendant l'expiration, contrairement il ce

que l'on observe à l'état normal. La dyspnée peu accentuée durant le

repos existe au moment des efforts, la voix est affaiblie, l'expectoration

difficile. Bien que les muscles inspirateurs accessoires (les scalènes, le

sterno-mastoïdien, la portion claviculairc du trapèze) puissent suppléer

en partie le diaphragme, la paralysie de ce muscle est toutefois très grave

lorsque le malade a une infection du poumon (pneumonie, congestion

pulmonaire), car l'asphyxieront être rapide.

Dans les cas de paralysie unilatérale du phrénique, on constate une

asymétrie manifeste entre les deux bases du thorax lors des mouvements

respiratoires. .

Paralysie du nerf circonflexe. Les causes de la paralysie du nerf

circonflexe sont : les traumatismes de la région scapulaire, les luxations

de l'épaule et les tentatives de réduction de ces luxations, la compression

du nerf dans le creux axillaire (par des béquilles par exemple), les

arthropathies aiguës ou chroniques de l'articulation scapulo-hnmerale.

Cliniquement les lésions du nerf circonflexe se traduisent par la para-

lysie du muscle deltoïde (voir p. ? 11). L'ancsthesie. qui est assez fré-

quente, occupe une grande partie de. la région postérieure de l'épaule et

le bord externe du bras jusqu'à trois ou quatre travers de doigt au-dessus

de l'épicondylu.

Paralysie du nerf radial. La paralysie du nerf radial peut être

déterminée par des blessures du nerf, des contusions, des compressions

par tumeurs, anévrisuics, cals vicieux; elle est parfois consécutive aux

luxations de l'épaule, aux luxations et aux fractures de la tête du radius,

elle se voit chez les porteurs d'eau et chez les individus qui font usage

de béquilles; fréquemment elle est causée par la compression du nerf

pendant le sommeil, surtout le sommeil de l'ivresse.

Le froid est souvent incriminé comme cause de la paralysie radiale

(paralysie rhumatismale, paralysie a frigore). Dans quelques cas le

muscle court respirateur paraît, avoir une action sur l'origine de la para-

lysie radiale chez certains sujets qui, par leur profession (chef d orches-

tre), sont obligé de faire des mouvements fréquemment répétés de pro-

nation et de supination (Guillain et Courtelleniont) ; dans les mouvements

de pronation forcée le nerf radial peut subir une etongatioudufaitde

son enroulement autour de l'humérus et de la tôle radiale (Dehovect

Tlruhl). La paralysie du nerf radial peut être créée par une névrite nifcc-

tieuse ou toxique; la paralysie radiale saturnine est. extrêmement fré-

quente. La paralysie radiale se voit aussi au cours du faites. . ,

Le malade atteint d'une paralysie du nerf radial se présente, en géné-

ral, l'avant-bras à moitié fléchi, la main en pronation et en demi-flexion.

ET DES NERFS SPINAUX. G31

L'extension des doigts est impossible, mais si l'on relève les premières

phalanges, les deuxièmes et troisièmes phalanges peuvent toutefois

s'étendre par l'action des loinbricaux et des interosseux. La limitation des

mouvements des doigts que cause la paralysie des extenseurs des pre-

mières phalanges rend difficile l'acte de tenir un crayon ou un pinceau,

les malades toutefois écrivent en petits caractères. L'extension de la main

sur l'avant-bras est impossible, les mouvements de latéralité de la main

ne peuvent, plus se faire (paralysie du cubital postérieur et du premier

radial externe). La flexion des doigls vers la main se fait avec moins de

force que du côté sain, car les points d'insertion des tendons fléchisseurs

sont rapprochés les uns des autres consécutivement il la paralysie des

extenseurs, de sorte que si artificiellement on supplée il l'action des

extenseurs en relevant le poignet, on constate que la flexion des doigts

se fait avec autant de puissance que normalement.

La paralysie du court supinateur a pour conséquence l'impossibilité

de la supination de la main alors que l'avant-bras est dans l'extension

sur le bras; il faut se souvenir que le biceps est un supinateur de la

main en même temps qu'un fléchisseur de l'avant-bras sur le bras. La

paralysie du long supinateur est facile à constater : la main reposant sur

le hord cubital on prie le malade de fléchir l'avant-bras sur le bras et

l'on s'oppose il ce mouvement., on ne sent plus alors le corps musculaire

contracté au niveau du bord externe de l'avant-bras.

Lorsque la lésion du nerf radial a son siège dans le creux axillain', la

paralysie, du triceps est complète et tous les mouvements d'extension de

l'avant-bras sur le bras sont impossibles. Lorsque le nerf radial est lésé

au-dessus de la gouttière de torsion, le vaste interne et l'aucune sont

paralysés. Quand la lésion siège au niveau du coude, les muscles supina-

teurs sont respectés.

Les troubles de la sensibilité sont fort peu importants dans la plupart

des cas de paralysie radiale; dans les paralysies a frigore ou par com-

pression on ne les observe presque jamais.

Les troubles trophiques ne sont pas très fréquents; il faut signaler

toutefois l'existence de la tumeur dorsale du poignet que l'on observe

principalement dans les cas de paralysie saturnine; il s'agit d'une tumé-

faction presque fluctuante, mobile, indolente, siégeant au niveau de la

gaine des tendons extenseurs et due il une synovite chronique. Charcot.

considérait celte tumeur dorsale du poignet comme un véritable, trouble

trophique; pour Erb, cette lésion aurait une origine essentiellement

mécanique et serait causée par le frottement sur le carpe des ten-

dons maintenus longtemps en flexion. La tumeur dorsale du carpe

est une lésion bénigne qui rétrocède complètement quand la paralysie

guérit.

La-durée et révolution d'une paralysie radiale, dépendent essentielle-

ment de sa cause. Le pronostic sera basé, comme dans toutes les paraly-

sies périphériques, sur l'état des réactions électriques. La paralysie

[G GCILLAIN ]

li;)2 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES DES NERFS CRANIENS

radiale a (l'igol'e ou rhumatismale banale a un pronostic très favorable ,

la guérison complète survient toujours.

Parmi les formes cliniques de la paralysie radiale, une des plus inté-

ressantes à connaître est la paralysie radiale d'origine saturnine. Elle est

bilatérale, atteint d'abord les extenseurs des doigts, puis ensuite les

autres muscles innervés par le nerf radial il l'exception des muscles supi-

nateurs. Sans doute le court supinateur est parfois paralysé, mais le Ion"

supinateur est toujours respecté. Il faut se rappeler que, d'après

Bernhardt, certains cas de paralysies radiales par compression axillaire

ne s'accompagnent pas de paralysie du long supinateur.

Paralysie du nerf cubital. La paralysie du nerf cubital s'observe

à la suite dès traumatismes (luxations de l'épaule, fractures de l'humérus,

de l'épitrochlée, de 1'0lc'crÙne), il la suite de compressions (béquilles,

cals vicieux, etc.), à la suite de névrites infectieuses ou toxiques (alcool,

lèpre, syphilis, fièvre typhoïde, etc.). Lps paralysies professionnelles

sont assez fréquentes (menuisiers, cordonniers, boulangers faisant des-

pains fendus, dans les cas de Guillain et Huct, etc.).

Le nerf cubital innerve les muscles de l'éminence hypothénar, les

interosseux, les deux derniers lombricaux, l'adducteur du pouce, les

deux faisceaux internes du fléchisseur profond, le cubital antérieur.

Quand le cubital est paralysé, les mouvements de flexion, d'abduction

et d'adduction du petit doigt sont abolis. L'adduction du pouce est

impossible. Consécutivement à la paralysie des interosseux, la flexion des

premières phalanges et l'extension des doux dernières sont impossibles;

l'abduction et l'adduction des doigts sont presque nulles. Les malades se

servent du pouce et de l'index pour la préhension des objets.

L'atrophie musculaire, qui est la conséquence de la paralysie du

cubital, détermine une grillé spéciale bien décrite par Duchenne. L'emi-

nence thénar est aplatie, les espaces iutermetacarpieus sont déprimés,

le pouce est fléchi et écarté de la paume, la première phalange des

doigts est en hyperextension; les deux dernières, au contraire, sont

fléchies; celte attitude des doigts est spécialement nette à l'annulaire et

à l'auriculaire. -

t'anesthesip n'est pas constante dans la paralysie du cubital. Quand

elle existe on observe les troubles de la sensibilité au niveau de la région

de l'éminence hypothénar, à la face palmaire du petit doigt et de la

moitié interne de l'annulaire, puis il la partie interne de la face dorsale

de la main, il la face dorsale de l'annulaire et de la première phalange de

l'index et du médius.

Paralysie du nerf médian. La paralysie du nerf médian est consé-

cutive à des traumatismes (plaies du poignet par instruments tranchants

assez fréquentes, luxation de l'épaule, fractures du bras ou de lavant-

bras), à des névrites infectieuses ou toxiques.

Lorsque le nerf médian est lésé au niveau du bras, tous les muscles

innervés, par lui sont paralysés (rond pronateur, grand palmaire, petit

ET DES NERFS SPINAUX. C55

palmaire, fléchisseur superficiel des doigts, fléchisseur propre du pouce,

les deux faisceaux externes du fléchisseur profond, carré pronateur,

muscles de l'éminence thénar, les deux premiers loinbricaux). Lorsque le

nerf est lésé au-dessus du poignet, seuls sont paralysés les muscles de

l'éminence thénar (court abducteur, opposant, court fléchisseur) et les

loinbricaux. .

La paralysie complète du médian a des conséquences sérieuses. La

flexion de la main sur l'avant-bras est presque' nulle, seul le cubital

antérieur a conservé dans l'adduction la possibilité de la flexion ; le mou-

vement de pronation est aboli par la paratysie du rond pronateur et du

carré pronateur, seul le long supinateur conserve une certaine action

pronatrice limitée. Tous les mouvements du pouce, à l'exception du

mouvement d'adduction, sont abolis. Au niveau des doigts la flexion des

premières phalanges sur les métacarpiens est conservée (action des inter-

osseux innervés par le cubital),- la flexion des deuxièmes phalanges sur

les premières est abolie, la flexion des troisièmes phalanges sur les

secondes est abolie au médius et à l'index, car les faisceaux du fléchisseur

profond se rendant à ces deux doigts sont paralysés, mais à l'annulaire

et à l'auriculaire la flexion des troisièmes phalanges sur les secondes

peut se faire, car les faisceaux du fléchisseur profond destinés à ces deux

doigts sont innervés par le cubital.

Consécutivement à la'paralysie du nerf médian on observe une grille

spéciale de la main, la griffe médiane : la région de l'éminence thénar

est atrophiée, la paume de la main aplatie, le pouce'est sur le même plan

que les autres doigts; au niveau de l'index et du médius les premières

phalanges sont fléchies et les deux dernières étendues (action prédomi-

nante des interosseux) ; au niveau de l'auriculaire et de l'annulaire les

deuxième et troisième phalanges sont dans une demi-flexion.

Les troubles de la sensibilité font très souvent défaut dans les cas de

paralysie du nerf médian. Quand ils existent, ils occupent la zone de

distribution cutanée du nerf (partie externe de la paume de la main,

face palmaire des trois premiers doigts et moitié externe de la face pal-

maire de l'annulaire, face dorsale des deux dernières phalanges de

l'index et du médius, puis moitié externe des deux dernières phalanges

de l'annulaire)..

Paralysie du nerf crural. Les causes les plus fréquentes de la

paralysie du nerf crural sont : les tral1luatismes (section du nerf par

instrument, tranchant, fracture du fémur, etc.), les compressions par des

tumeurs pelviennes, la psoïtis, les névrites infectieuses ou toxiques, la

névrite appendiculaire (Raymond et Guillain). Bernhard a observé la pa-

ralysie du crural il.la suite de la réduction non sanglante de la luxation

congénitale de la hanche. K. Mcndet et Bruno \1-ulll' ont observé une pa-

relysic 111 : 1tC1' : lle des nerfs cruraux après une opération gynécologique;

durant cette opération, les cuisses furent maintenues en flexion forcée et

en abduction. Les ailleurs pensent que la pathogénie de ces paralysies ? r.TT11,l.Ar/V]

654 SÉMÉIOLOGIE DES PARALYSIES DES NERFS CRANIENS

est purement mécanique et lient au frottement du nerf crural contre le

ligament de Poupart.

Le crural innerve le couturier, le quadriceps fémoral, le psoas iliaque,

le pectiné, le moyen adducteur; sa lésion a pour conséquence la paralysie

de ces différents muscles (voir pp. 542, 545, : ici9, 544). L'extension de

la jambe sur la cuisse (quadriceps fémoral), la flexion de la cuisse sur le

bassin (psoas) sont abolis, d'où la difficulté ou l'impossibilité de la marchc,

du saut, de la station debout. Les troubles sensitif ? quand ils existent,

s'observent à la partie antérieure et interne de la cuisse, à la partie anlé-

rieure et interne de l'articulation du genou, à la partie interne de la

jambe et au bord interne du pied.

Paralysie du nerf sciatique. La paralysie du nerf sciatique peut

porter soit sur le tronc du nerf, soit sur une de ses branches terminales,

le sciatique poplité externe ou le sciatique poplité interne.

Les causes de ces paralysies sont : les traumatismes, l'élongation, la

compression par des tumeurs ou abcès du bassin, les luxations de. la

hanche, la luxation du genou, les accouchements laborieux('), les névrites

infectieuses ou toxiques. La névrite du sciatique poplité externe est une

des plus fréquentes parmi les névrites toxiques. Souques a signalé une

paralysie isolée du nerf tibial antérieur, survenue il la suite du maintien

prolongé de la position « du tireur ¡'l genou ». Dans cette position, le

nerf tibial subit une élongation du fait de rhyperextensiou du pied sur la

jambe.

Le sciatique poplité externe innerve les muscles de la région antéro-

externe de la jambe et les péroniers. Quand il est paralysé la pointe du

pied est abaissée, la plante du pied regarde en dedans. Les mouvements

d'adduction et d'abduction de la pointe du pied sont presque impossibles.

Dans la marche le malade est obligé de fléchir la cuisse sur le bassin pour

due la pointe du pied ne frotte pas contre le sol, il steppe.

J'ai indiqué plus haut, dans l'étude mvologiqle, les symptômes et les

conséquences de la paralysie isolée du jambier antérieur, du long exten-

seur commun des orteils, du long péronier latéral et du court péronier

latéral (voir pages )4(i, 547, 548, 54 ! )).

Ilirschfeld (l3er'l. lilin. Woch., 15 mars 1905, d'après une analyse de

la Sem. méd.) a récemment attiré l'attention sur un symptôme moteur

particulier que l'on observe dans les cas de parésie du sciatique poplité

externe. Si l'on prie un malade atteint d'une parésie des muscles innervés

par le sciatique poplité externe de faire un mouvement de flexion dorsale

du pied, on constate que l'angle formé par cette flexion dorsale est plus

petit quand le membre inférieur est en extension que quand il est fléchi

au niveau de l'articulation du genou. La différence dans l'étendue du

mouvement du pied, suivant que la jambe, est on n'est pas fléchie, atteint

50° à ! 0°; dans les paralysies très accentuées, elle peut être assez pro-

1. Les paralysies obstétricales sont le plus souvent limitées au sciatique poplité

externe.

ET DES NERFS SPINAUX. 655

noncée pour que la flexion dorsale du pied soit rendue impossible quand

la jambe est étendue alors qu'elle est possible quand le genou esl plié.

Ilirschfeld invoque les considérations suivantes pour expliquer le phéno-

mène : les muscles innervés par le nerf sciatique poplité externe ont pour

fonction de relever le pied et de le rapprocher de la jambe; dans cette

action ils sont appelés à vaincre non seulement le poids du pied, mais

encore l'action antagoniste de la musculature du mollet; or, si la pre-

mière de ces forces reste constante quelle que soit l'attitude du membre,

il n'en est pas de même de la seconde, les muscles jumeaux et plantaire

la jambe est en extension que quand le genou est plié, ce qui rapproche

les points d'insertion de ces muscles. A l'état normal toutefois cette résis-

tance antagoniste de la musculature du mollet n'influence aucunement

l'étendue de la flexion dorsale du pied, mais les muscles innervés par le.

nerf sciatique poplité externe étant aiïaiblls, cette résistance devient suf-

Ësante pour entraver le mouvement, surtout si la jamhe est en extension.

t Lorsque des troubles sensitifs existent dans la paralysie du sciatique

poplité externe, ceux-ci s'observent sur la face dorsale du pied à l'excep-

tion d'une hande interne, puis sur la face externe, la moitié de la face

antérieure et les deux tiers de la face postérieure de la jambe.

La paralysie du sciatique poplité interne a pour conséquence la para-

lysie des muscles de la région postérieure de la jambe et des muscles de

la plante du pied; les mouvements de flexion, -d'abduction et d'adduction

des orteils, les mouvements de flexion plantaire du pied sont abolis. On

trouvera plus haut les symptômes et les conséquences de la paralysie

du triceps sural, du long fléchisseur commun des orteils, des inter-

osseux du pied (voir pages 549, 551, 555).

La paralysie du tronc du nerf sciatique a pour conséquence la paralysie,

des muscles innervés par le sciatique poplité externe et le sciatique po-

plité interne et aussi la paralysie des muscles biceps fémoral, demi-

tendineux et demi-membraneux (voir page : in4) ; dans ces conditions, la

marche est presque impossible.

Les troubles vaso-moteurs et les troubles trophiques sont relativement,

fréquents dans les paralysies graves du nerf sciatique.

[G. GUILLAIN.] 1

MALADIES DU LARYNX

par le Dr M. LANNOIS

Il est classique de répéter que le larynx a deux fonctions qui s'opposent

l'une à l'autre : la phonation qui nécessite le rapprochement des cordes

vocales, la respiration qui implique leur abduction. La première est une

l'onction acquise et constitue un acte volontaire dont le centre doit être

dans l'écorce cérébrale. La seconde, fonction primordiale et indispen-

sable il l'existence, doit être soustraite à l'influence de la volonté, s'ac-

complir automatiquement : aussi a-t-l'lle son centre dans le bulbe. Parmi

ordre inversé, chacun de ces centres principaux a un centre secondaire

d'importance moindre qui siège dans le bulbe pour la phonation, dans

l'écorce cérébrale pour la respiration : dans des limites «assez restreintes

d'ailleurs, nous pouvons volontairement accélérer ou suspendre l'introduc-

tion de l'air dans les poumons. Ces centres sont reliés par des connexions

nerveuses allant de l'écorce au bulbe et inversement.

Il suffit de rappeler à ce sujet les expériences bien connues de \nlpian :

un animal auquel on enlève le cerveau et le cervelet continue à crier si

on le pince. De même les anencéphalos ont des vagissements comme les

nouveau-nés. Dans l'un et l'autre cas la respiration peut n'être pas sensi-

blement gênée.

L'étude des filets nerveux qui président aux divers mouvements du

larynx, de leurs rapports avec les troncs nerveux voisins, de leur origine

bulbaire, de leurs connexions avec les centres corticaux de la respiration

et de la phonation, du siège de ces centres eux-mêmes, adonné lieu à des

controverses sans lin et, malgré cela, il est encore bien des points qui sont

mal connus et qui donnent lieu à discussion. lous ne pouvons que les

indiquer très brièvement ici.

Le centre phonatoire du larynx a été découvert par ifermann Krause

qui, à la suite d'expériences bien conduites d'excitation et d'ablation delà

corticalité, le localisa à la région antérieure du girus prdrontalis chez

le chien. Les recherches de Ferrier, de Dure ! , de Soumaun, indiquent

comme siège du centre phonatoire la partie inférieure et latérale de la cir-

convolution précruciale. Semonet Horsley précisèrent encore davantage le

centre de Krause et confirmèrent sa localisation, chez le singe, il la partie

antérieure du pied de la circonvolution frontale ascendante : de plus cote

MALADIES DU LARYNX. 657

de la zone qui commandait les. mouvements d'adduction, ils trouvèrent

un centre pour l'abduction et même un centre qui accélérait les mouve-

ments respiratoires. De même, R. Russel a démontré l'existence d'un

centre respiratoire au-dessous du centre phonatoire. Adduction des cordes

n'est pas en effet synonyme de phonation et pour que celle-ci se produise

il faut en outre la mise en activité de muscles très divers et d'un courant

respiratoire. Katzenstein a bien mis en évidence un centre de la phona-

tion voisin du centre cortical de la respiration et du centre volontaire des

mouvements des- cordes vocales :

Au point de vue physiologique ces centres du larynx présentent une

particularité remarquable : l'excitation d'un seul centre est toujours

accompagné de mouvements bilatéraux des cordes vocales, soit en

adduction, soit en abduction. Il faut ajouter toutefois que Masini a

soutenu qu'il y avait une région qui pouvait provoquer des mouvements

localisés à la moitié opposée du larynx; plus récemment Katzenstein

obtint des mouvements localisés au côté correspondant ou au côté op-

posé et Broeckaert, tout en maintenant l'opinion classique des mouve-

ments bilatéraux par l'excitation unilatérale de l'écorce, a vu trois fois

une contraction exclusive de la corde du côté opposé. Bien que ces faits

expérimentaux aient été contestés, nous allons les retrouver à propos de

la pathologie humaine. - '

Au niveau du bulbe, la représentation du larynx se trouve dans l'aile

grise sur le plancher du quatrième ventricule. On connaît la figure clas

sique de Semon qui a figuré une zone relativement très étendue qui com-

mande l'abduction bilatérale des cordes, c'est-à-dire l'acte respiratoire,

et des zones plus petites qui correspondent à l'adduction bilatérale, l'ab-

duction unilatérale et la position cadavérique des cordes. Ceci correspond

ELANNOIS.]

Fiir. 1. - Centres moteurs corticaux (lu larynx (d'après Semon et Horsley). - CS, sillon cru-

cial; Coi-8- sillon coronaire; ab, zone de l'abduction; ad, zone de l'adduction; ac, zone de

l'accélérai ion respiratoire.

C58 TROUBLES DU LARYNX. w

au noyau postérieur du pneumogastrique, lés autres fibres motrices de ce

nerf provenant du noyau ambigu dont la partie inférieure constitue le

noyau bulbaire du spinal : or nous allons voir la part importante que prend

la portion bulbaire du spinal

dans l'innervation du larynx.

Ajoutons toutefois que cette, dis-

tribution n'est pas admise par

tous les anatomistes et que Yan

Gehuchten attribue le noyau

ambigu exclusivement au pneu-

mogastrique, le noyau de l'aile

grise étant au contraire com-

mun au vague et au spinal.

De ces origines

réelles, encore

indécises comme

on le voit, le

pneumogastri-

que et le spinal

sortent du hulbe en arrière de

l'olive par un assez grand nom-

bre de filets (10 à 15 pour le

pneumogastrique, 5 à 6 pour le

spinal), se condensent en troncs

nerveux et se dirigent vers le

trou déchiré postérieur avant

lequel le . spinal s'accole à sa

branche médullaire, ils pénètrent clans cette ouverture, ou se voit le ganglion

jugulaire, accompagnés par le glosso-pharyngien, la traversent avec le bout

terminal du sinus latéral, croisent le sinus pétreux inférieur et arrivent

dans l'espace latéro-pharyngien (espace sous-glandulaire postérieur de

Sebileau). Le pneumogastrique et le spinal sont ici en connexion étroite avec

tous les éléments du paquet vasculo-nerveux et notamment avec la carotide

interne, la jugulaire interne, l'hypoglosse, le grand sympathique et d'assez

nombreux ganglions lymphatiques. Ce qui nous intéresse le plus c'est que

le pneumogastrique, immédiatement au-dessous du trou déchiré postérieur

présente le ganglion plexiforme qui reçoit à sa partie supérieure et externe

la branche interne du spinal, tandis que la branche externe de ce nerf,

qui correspond à sa portion médullaire, s'écarte pour aller innerver le

sterno-cléido-mastoïdien et le trapèze. C'est de ce ganglion que partent

les nerfs pharyngiens supérieur et inférieur qui iront s'anastomoser avec

les filets du glosso-pharyngien et du sympathique pour former le plexus

pharyngien où prendront naissance les nerfs du voile du palais.

C'est aussi du ganglion plexiforme, à sa partie inférieure, que naît le

nerf laryngé supérieur : il nous suffira de rappeler que celui-ci se divise

Fig. 2. Centres moteurs bulbaires du larynx

(d'après Semon et Horsley). - acq, corps

quadrijumeaux antérieurs; pcq., corps quadri-

jumeaux postérieurs; es, calamus scriplorius ;

ac, aile grise.

Zone d'vhdactiowbidatérale.

Zone d'adduction bilatérale.

Zone d'aidtiction unilatérale.

Zone donnant la posilion'ca-

davérique.

.MALADIES DU LARYNX. 659

en deux branches dont l'inférieure (nerf laryngé externe) fournit des

filets moteurs au muscle crico-thyroïdien et dont la supérieure beaucoup

plus volumineuse va se distribuer à la muqueuse du larynx, y compris

l'cpiblotte et la base de la langue, pour lui donner sa sensibilité. Le nerf

larviu'é supérieur est donc surtout un nerf sensitif.

La inutilité du larynx est assurée par le nerf laryngé inférieur ou

récurrent. On sait que ce nerf se détache du tronc du pneumogastrique il

la partie inférieure du cou pour le côté droit, il l'intérieur même du

thorax pour le côté gauche; qu'il présente une portion inférieure, curvi-

ligne, qui embrasse dans son anse, à droite l'artère sous-clavière, à gauche

la crosse de l'aorte; qu'il remonte ensuite verticalement entre la trachée

et l'oeophage, en arrière de la glande thyroïde, pour venir innerver tous

les muscles du larynx, saul' Ic crico-tly-roïclicn. On admet généralement

que le nerf récurrent est purement moteur et qu'il innerve seul tous les

muscles du larynx. Nous renvoyons aux traités spéciaux pour les contro-

verses qui se, sont élevées sur la possibilité de l'existence dans le récur-

rent de libres sensitives, opinion défendue par Krause et divers expéri-

mentateurs et plus récemment encore par iirocckaert, les fibres centri-

pètes provenant soit du laryngé supérieur par l'anastomose de Oalieu, soit

des filets auastomotiqucs nombreux qui relient les récurrents aux autres

nerfs du cou.

Plus intéressante est la constitution anatomique du récurrent : peu de

questions ont été aussi discutées. Les divergences ont pour point de dé-

part la fusion qui s'opère au niveau du ganglion plexiforme entre le pneu-

mogastrique et la branche interne du spinal. Pour certains auteurs l'inner-

vation motrice du larynx viendrait tout entière de la dixième paire, pour

d'autres au contraire elle a son origine exclusive dans la branche interne

de la onzième (Bcevor et Horsley, Semon). Lermoyez, par sa conception du

vago-spina). est venu concilier ces deux opinions opposées : nous avons vu

que le pneumogastrique et le spinal avaient pour origines apparentes

bulbaires trois groupes de filets dont le supérieur constituait le pneumo-

gastrique et l'inférieur le spinal : or le groupe moyen considéré par

beaucoup d'auteurs (Claude Bernard, etc.) comme la portion bulbaire

du spinal, doit au contraire, d'après les recherches récentes de Rethi, de

Grabower, etc., être rattachée au pneumogastrique. Or c'est précisément

a ces libres moyennes que l'expérimentation a démontré, oui Ire les mains

de Cliauveau, de Vulpian, de Grabower et de Hl'lhi, qu'il fallait rattacher

les mouvements du larynx. La notion du vago-spinal, nerf purement but-

bairc. tel qu'elle est admise par Grabower et pal' Lenlloyez, innervant à

la lois une moitié du pharynx, du voile du palais et du larynx, parait ac-

tllcllclI)('111 admise par Ions les auteurs, sauf d'insignifiantes restrictions :

nous aurons plusieurs fois l'occasion de la retrouver.

[LANNOIS] 1

640 MALADIES DU LARYNX.

I. TROUBLES SENSITIFS

Nous indiquerons ici : 1 u l'anesthésie du larynx; 2° l'hperesllrésie;

5" les paresthésies 4° la névralgie; 5" les troubles réflexes d'origine

laryngée.

1" Anesthésie du larynx. On admet généralement que

l'hystérie s'accompagne facilement (une fois sur six d'après Thaon)

d'anesthésie du larynx. Mais on a fait remarquer, avec Thaon et avec

Lichtwitz, qu'on ne trouvait pas une hémianesthésie du larynx, liée ou

non à l'hémianestlrésic cutanée, mais les troubles plus ou moins gené-

ralisés à toute la muqueuse. Avec les idées actuelles sur les stigmates

hystériques, on peut se demander s'il ne s'est pas agi souvent de sugges-

tion dans ces constatations. Il semble du moins que l'anesthésic puisse

exister dans les cas d'aphonie ou de mutisme hystérique. Une émotion

vive peut produire cette perte de la sensibilité (Moure). Enfin on l'a signa-

lée comme un phénomène de la crise épileptique; elle peut même persis-

ter un certain temps après l'accès.

1.'ancstliésic du larynx se rencontre après quelques affections graves

comme le choléra ou la diphtérie : dans ce dernier cas elle coexiste

presque toujours avec l'anesthésie du pharynx et du voile el, comme elle

est la conséquence de l'atteinte du nerf laryngé supérieur, avec la para-

lvsie du crico-thyroïdien ainsi qu'avec celle de t'ary-epigtottiquc, d'où la

pénétration facile des liquides et des aliments dans le larynx.

Zieinssen a même signalé les troubles de la sensibilité dans les para-

lysies du récurrent, ce qui est au moins exceptionnel.

Certaines lésions bulbaires (tabès, syringobutbie), les lésions graves du

cerveau (paralysie générale), certains troubles démentiels s'accompagnent

d'anesthésie du larynx : la mort des paralytiques généraux ou des

déments par l'introduction d'aliments ou de corps étrangers dans le

larynx est bien connue. L'action du chloroforme ou de l'éther sur la corti-

cal i té produit aussi la porte de sensibilité du larynx dans les anesthésies

chirurgicales. ' .

Les svniplôincs subjectifs sont le plus souvent nuls et il faut aller

toucher le larynx avec un stylet pour constater qu'il est insensible en

totalité ou en partie. Lorsque l'anesthésie est partielle elle est le plus

souvent limitée au vestibule ou à la région sus-gtottique. Presque toujours

la sensibilité thermique est conservée.

Il peut y avoir dissociation des sensibilités à la douleur et au contact :

témoins ces malades de certaines cliniques laryngologiques qui se laissent

toucher sans difficulté la muqueuse du larynx et peuvent même localiser

les points touchés.

La marche est variable : incurable et progressive dans les affections

bulbaires, elle disparaît peu il peu lorsqu'il s'agit de névrite comme dans

TROUBLES SENSITIFS. 641 1

la diphtérie. L'anesthésic hystérique peut disparaître par suggestion. Le

pronostic sera également très différent suivant les cas puisqu'il pourra

parfois se produire de son l'ait des morts rapides chez des aliénés débiles

ou chez des paralytiques généraux.

Le traitement s'adressera à la cause. L'électrisation agit comme moyen

de choix pour la suggestion dans l'hystérie. Les formes névritiques sont

justiciables de l'électricité et de la strychnine. Chez les aliénés qui ont

des troubles de la déglutition on sera parfois obligé de recourir à la sonde

oesophagienne.

2° Hyperesthésie du larynx. L'hyperesthésie du larynx

intéresse moins les neurologistes que l'anesthésie, car si elle se rencontre

parfois au début de la tuberculose alors qu'il n'y a pas encore de lésions,

si elle accompagne les lésions inflammatoires de la muqueuse laryngée,

il est beaucoup plus rare qu'on puisse lui attribuer une origine nerveuse.

On la renconlrera cependant dans l'hystérie où elle s'associe souvent avec

la paresthésie ou la névralgie. Chez certaines névropathes on pourra la

notera l'occasion de la grossesse ou de la menstruation. On l'a vue aussi

se produire au moment de la dentition ou il l'occasion d'une inflammation

du nez, du naso-pharynx ou de l'oreille, par une voie réflexe empruntant

le trijumeau ou les filets les plus divers du pneumogastrique.

Elle se traduit par une exagération de la sensibilité laryngée : les

malades toussent pour une variation insignifiante de l'air inspiré, une

gouttelette de liquide pénétrant dans le vestibule détermine du spasme.

Ils ont des sensations paresthésiques douloureuses que la déglutition des

aliments peut faire cesser (Moure) et les hystériques se condamnent au

silence sous prétexte de brûlure ou de picotements pendant la parole :

c'est ce que Thaon a appelé la phonophobie.

Ce symptôme est souvent tenace et sujet à récidive, mais au total de

pronostic bénin. Dans les conditions qui nous occupent il est justiciable

de la suggestion thérapeutique associée aux valérianates, au bromure et

à l'hydrothérapie.

3" Paresthésies du larynx. Ici encore nous retrouvons comme

condition éliologique l'hystérie, mais surtout la neurasthénie dans sa

forme anxieuse et l'hypocondrie. Souvent ce sont des malades qui ont

avalé un fragment d'os, une arête, un pépin d'orange ou de pomme, etc.,

et qui sont persuadés que le corps étranger est encore dans leur larynx

alors qu'ils t ont depuis longtemps avalé ou expulsé dans une quinte de

toux; ces ! 1 illusion de fausse présence. Souvent il s'agit de ces lésions

du nez ou du naso-pharynx que nous venons de voir causer fréquemment

l'hyperesthésie.

Au point, de vue symptomatique les malades éprouvent les sensations

de picotement, de fourmillement ou de brûlure qui les font racler et

liemuler d'une façon continue el désagréable. Il va de soi que l'examen

avec le miroir laryngien est absolument négatif, lloure a insisté sur la

disparition des sensations pendant les repas.

PHATIQUE NEUIIOL. 41

[LA 1Y l\'Ors.] ]

642 MALADIES DU LARYNX.

L'affection est tenace et récidive pour un rien. Souvent les malades

neurasthéniques ou hypocondriaques se croient atteints de maladies

graves : ils ont la phobie de la tuberculose, de la syphilis et surtout du

cancer.

Le traitement consistera le plus souvent en suggestion il l'état de veille :

elle réussira souvent sur ceux qui se croient porteurs de corps étran-

gers, l'examen laryngoscopique apportant et surtout leur paraissant ap-

porter une précision. Dans un cas que j'ai publié d'un malade qui croyait

avoir un os de lapin dans le larynx, l'anesthésie et la section d'une

bride musculo-fibreuse anormale du cou permirent presque instantané-

ment au malade de manger comme tout le monde, alors que depuis deux

ans il ne se nourrissait plus que de panades. De très bons résultats s'ob-

tiennent aussi lorsqu'on réussit à guérir les malades de la lésion nasale

ou pharyngée causale. Il faudra recourir, dans quelques cas, aux toniques

généraux, le plus souvent il l'hydrothérapie, à l'électrisation, aux prépa-

rations de valériane et aux bromures.

4° Névralgie du larynx. Elle est plus rare que les paresthé-

sies. Elle est plus commune chez la femme (Iluaull), se voit de préférence

chez les neuro-arthritiques, parfois au début, de la tuberculose (Lennox-

Browne). Comme les paresthésies, la névralgie peut être un réflexe dou-

loureux lié aux affections du nez et du naso-pharynx.

La névralgie du larynx se traduit par des accès de douleurs lancinantes

revenant à intervalles plus ou moins réguliers, s'accompagnant d irra-

diations vers l'oreille ou le long de la trachée : la parole fait souvent

revenir l'accès. La pression vers la grande corne de l'os hyoïde, ou

au-dessous de cet os au point où le nerf laryngé supérieur traverse la

membrane thyru-lyoidiennc, permet de constater un point douloureux

analogue aux points de Valleix (Castex).

Il va de soi que l'examen laryngoscopique esl négatif, car les lésions

ulcératives de la tuberculose ou du cancer peuvent déterminer des dou-

leurs. Il est souvent difficile de faire le diagnostic avec les névralgies du

pharynx : on éliminera les otalgies et névralgies dentaires.

Le traitement dillère peu de celui de l'hyperesthésie- : il faudra

recourir en outre à la série des médicaments nervins préconisés dans le

traitement des névralgies, antipyrine, pyramidon, aspirine, aconiline, etc.

Le stypage au chlorure d'élhyle, recommandé par les auteurs classiques,

n'a pas donné de résultats à Huault.

5° Troubles réflexes d'origine laryngée. Le plus commun

est la toux. Qu'une gouttelette de liquide, qu'une parcelle alimentaire

pénètre dans le vestibule laryngien, qu'une mucosité venant des bronches

s'arrête sur les cordes vocales et aussitôt la toux interviendra pour

expulser le corps étranger. C'est un réflexe de défense, ayant pour but

d'assurer la libre circulation de l'air dans l'arbre respiratoire, et dont le

point de départ est dans les filets sensitifs du pneumogastrique. On sait

d'ailleurs combien ce réflexe de la toux est facilement déterminé par

PARALYSIES DU LARYNX. 615

l'irritation d'autres rameaux du vague (toux réflexe des pleurétiques,

toux gastrique, toux otique, etc.).

Expérimentalement on connaît bien depuis les recherches de Brown-

Séquard les réflexes graves que peuvent déterminer certains traumatismes

du larynx : un coup porté sur le larynx à la région antérieure du cou

peut déterminer chez les animaux la syncope ou la mort subite par une

inhibition du bulbe et l'arrêt de fonctionnement du coeur et des mou-

vements respiratoires. Cette action est bien connue des médecins légistes.

Dans les exercices de lutte, dans les rixes, un choc ou une compression

du larynx peuvent déterminer la mort subite : le traumatisme n'a pas

besoin d'être intense et un léger coup porté en jouant par une main

d'enfant a pu avoir ce résultat (BI'ollal'del). La mort subite peut aussi

survenir sans raison apparente chez des malades porteurs de lésion^

laryngées chroniques et les chirurgiens qui opèrent sur le larynx con-

naissent la gravité particulière de ces interventions.

L'anesthesie du larynx diminue très évidemment ces réflexes,

notamment celle qui est obtenue par l'inhalation de ) l'acide carbonique.

(;'est en parlant de ce point que certains auteurs, et surtout E. Weill (de

Lyon), avaient préconisé les inhalations d'acide carbonique contre la toux

spasmodique des coquelucheux et des tuberculeux. Les inhalations

d'acide carbonique pratiquées dans certaines stations thermajy. ,

dans le même sens.

M IL PARALYSIES DU LARYNX

Les paralysies du larynx sont le plus souvent unilatérales : les para-

lysies récurrentielles doubles sont rarement observées. Les nerfs mo-

teurs du larynx peuvent être touchés depuis les centres que nous leur

avons indiques dans l'écorce jusqu'à leur distribution périphérique. Nous

aurons donc à passer en revue : '10 les hémiplégies d'origine corticale;

'2' les hémiplégies d'origine bulbaire; 5" les hémiplégies d'origine

périphérique. Nous y ajouterons 4" les hémiplégies bilatérales et 5° les

hémiplégies associées .

1° Hémiplégie corticale du larynx. C'est là un des points

les plus contestés de la pathologie motrice du cerveau. Si l'on s'en rap-

porte il ce que nous avons dit de l'excitation expérimentale du centre z

cortical de la phonation, si nous ajoutons que les expérimentateurs n'ont

jamais pu déterminer la paralysie des adducteurs par des lésions destruc-

tives de ce centre, il semble bien qu'une lésion corticale ne doive pas

produire de paralysie unilatérale du larynx. Et cependant, un assez

grand nombre d'observations ont été publiées de paralysies laryngées,

soit chez des hémiplégiques qui n'ont pas été suivis jusqu'à la mort,

soit dans des cas où la vérification anatomique a pu être faite.

Les laits de la première catégorie ont été signalés par Lewin, Gerhardt.

ELANNOIS ]

64.4 . MALADIES DU LARYNX.

Ziemssen, Schrôtter, Garel, Cartaz, etc. Il ne semble pas qu'il y ait lieu

de tenir un grand compte de ces faits dans la question si controversée

qui nous occupe, car il est impossible d'affirmer les limites des lésions

causales. Voici, par exemple, le cas de de Bryson-Delavan qui a long-

temps paru probant et que j'avais considéré comme tel dans un mémoire

datant de vingt-cinq ans : l'autopsie ultérieure démontra l'existence d'un

ramollissement du noyau bulbaire. Dans un autre cas de Grabower on

trouva à l'autopsie une compression du récurrent par un anévrisme de

l'aorte méconnu. Tout récemment Attlee et Mills ont publié l'observation

d'un médecin chez lequel on enleva une tumeur de la région où est situé

le centre cortical du larynx, mais l'examen radiographique ayant l'ait

constater la présence de ganglions dans le médiastin, on ne peut s'em-

lipeher de penser à la possibilité d'une lésion récurrentielle comme dans

le cas de Grabower.

Reste les cas où il y a eu à la fois examen laryngoscopique et autopsie.

La critique de ces cas, déjà faite il y a quelques années par Lermoyez,

a été reprise récemment par Broeckaert qui ne retient que les faits de

Garel, de Garel et Dor, de Dejerine, d'EIsenlohr, de Masini, de Roque et

Chalier. Il écarte d'abord ce dernier en se basant surtout sur le siège de

la lésion (lobe pariétal), sur l'association de symptômes pupillaires et

laryngés, les premiers ne pouvant être dus qu'à une lésion du sympa-

thique, sur la présence d'un coeur dilaté : il conclut à une paralysie ré-

currentielle incomplète avec participation du grand sympathique par dila-

tation cardiaque. Les deux cas de Garel, qui sont classiques, manquent

de l'examen approfondi que Lermoyez demande du côté du bulbe, des

racines du vague et du spinal, du tronc du pneumogastrique, du récur-

rent et même des muscles laryngés. A tous les cas enfin, il oppose le

fait, spécifié dans le protocole de l'examen, que la paralysie avait iiiiitio-

bilisé la corde en position cadavérique le plus souvent, parfois en position

médiane. Cela lui paraît impossible pour des lésions de l'écorce cérébrale,

non seulement en raison des faits expérimentaux invoqués plus haut,

mais aussi parce qu'il l'aut tenir compte des centres accessoires bulbaires :

cet argument est aussi retenu comme le plus important par Gleitsrnann.

« Quant à la position cadavérique de la corde à la suite d'une lésion

cérébrale, dit-il en terminant, elle est absolument irréalisable, et nous

dirons même incompréhensible ».

La critique est vive et porte souvent juste, mais peut-être pourrait-on

lui reprocher de faire trop état des expériences sur les animaux et de ne

pas tcnir assez compte de la haute différenciation du centre phonateur

chez l'homme. Le cas d'I : iseululrr paraît avoir élé observé d'une façon

très minutieuse et si l'une des cordes vocales était en position cadavé-

rique, l'autre ne paraissait pas complètement indemne. De même Deje-

rine a lait un examen minutieux du cerveau de son malade. 11 n'en résulte

pas moins qu'il est nécessaire d'avoir de nouvelles observations pour

asseoir l'hémiplégie laryngée corticale sur des bases solides.

PARALYSIES DU LARYNX. 645

2° Hémiplégie bulbaire du larynx. Les paralysies bul-

baires du larynx sont mieux connues, bien que l'origine réelle du vago-

spinal dans les noyaux bulbaires continue à donner lieu à de vives

discussions. Disons de suite que les paralysies du larynx d'origine bul-

haire sont souvent bilatérales ou s'accompagnent de diverses autres para-

lysies. Nous ne ferons d'ailleurs qu'énumérer les maladies qui les causent,

car elles ont déjà été signalées, pour la plupart, dans les autres parties

de cet ouvrage.

On trouvera la paralysie du larynx parfois unilatérale, dans la paralysie

tabio-tosso-Iaryngée, dans l'hémi-paralysie bulbaire chronique (Eisen-

lohr, Schreiber, Krause), dans la paralysie bulbaire apoplectiforme.

Gottstcin a rapporté des cas de ramollissement bulbaire avec paralysie

complète d'une corde, et Eisenlohr a vu la destruction du noyau du vago-

spinal entraîner une paralysie récurrenlielle totale avec hémi-anesthésie

laryngée. Un cas semblable, syphilitique, a été publié par Ott.

Les troubles du larynx sont exceptionnels dans la sclérose en plaques :

lletlii, yui a fait une étude très complète de la question, n'a retenu que le

cas de Collet où il avait été constaté du tremblement des cordes, mais où

l'autopsie démontra qu'il s'agissait d'une sclérose du cervelet sans lésions

des noyaux de l'hypoglosse et du pneumogastrique. J'ai examiné plusieurs

cas de sclérose en plaques sans rien trouver d'anormal au larynx. Rethi a

noté, dans 15 cas sans autopsie, la paralysie isolée du posticus.

Dans la syringomyélie, Carlaz a vu deux paralysies du récurrent sur

17 cas el 5 fois la paralysie du crico-aryténomicn postérieur, Ivanoff, sur

tO cas personnels, a vu souvent la paralysie du récurrent d'un côté et la

paralysie d'un des muselés quelconques de l'autre côté : la paralysie des

dilatateurs est exceptionnelle.

Mais c'est surtout le tabès qui est l'affection médullaire se compliquant

le plus souvent de troubles laryngés. Sur 7'1 cas delaryngoplégietabé-

tique, Burger a noté 43 fois la paralysie des dilatateurs, 8 fois seulement

unilatérale ; la paralysie du dilatateur était associée 7 l'ois il la paralysie

du thyro-aryténoidien interne, celui-ci n'étant d'ailleurs touché isolément

que 2 fois. Quant la paralysie récnrrentielle avec position cadavérique

de la corde, elle n'a été relevée que li l'ois. De même Kahn. sur 10 cas.

n'a vu que 2 paralysies récurrcntielles pour 14 paralysies du postérieur;

Rôrner et Sebla, sur 48 cas, notent 3 ! ) paralysies du postérieur pour

9 paralysies récurrentielles.

Il est donc manifeste que la lésion la plus fréquente du larynx dans le

tabès est celle des dilatateurs. Aussi demandc-t-ellc à être cherchée :

1 immobilisation d'une corde en position médiane ne gêne pas la parole

et gêne peu la respiration; elle est d'ailleurs souvent passagère. Si elle

persiste ou si elle devient bilatérale, elle peut devenir grave. Elle s'accom-

pagne souvent de spasmes, coïncide avec des troubles gastriques. Le

plus souvent il s'agit de lésions nucléaires, portant surtout sur la névro-

gliehien plus que sur les cellules elles-mêmes. Toutefois, on s'explique

. [LANNOIS.]

646 MALADIES DU LARYNX.

mal que ce soient surtout les noyaux des dilatateurs qui sont lésés sinon

par cette considération que le noyau respiratoire bulbaire l'emporte de C

beaucoup en importance sur le noyau phonatoire et doit par suite être

beaucoup plus facilement touché (Lermoyez). Il faut ajouter que les

troubles tabétiques laryngés pourraient se rencontrer en dehors de toute

altération nucléaire et que nombre d'auteurs les attribuent à des lésions

névritiques des récurrents (Krause, Oppenheim, Grabower, Dejerine.

Kahn, Kôrner et Sebla, etc.).

1° Hémiplégie laryngée d'origine périphérique. - Le

laryngé supérieur peut se paralyser isolément, le plus souvent sous l'in-

fluence du froid ou d'une laryngite : on a alors des troubles de la sensi-

bilité -avec voix rauque ou seulement voilée, par paralysie du crico-

thyroïdien et relâchement des cordes.

Les paralysies du récurrent ont beaucoup plus d'importance. Nous en

énumérerons les causes qui ont été bien classées par Lermoyez.

L'hémiplégie laryngée peut être déterminée par des tumeurs du crâne

qui comprimeront le vago-spinal avant son engagement dans le trou

déchiré postérieur : ce sont le plus souvent les fumeurs malignes, quel-

ques-unes d'origine pharyngée. Ce sera parfois aussi la syphilis. ou un

vaste abcès de la base du crâne (Nothnagel).

Si les traumatismes des nerfs laryngés sont exceptionnels (blessure du

pneumogastrique, Solis-Cohen, du récurrent, tef1'erts), il est moins

rare de constater des lésions produites au cours d'interventions chirur-

gicales. Le pneumogastrique peut être lié avec la carotide, le récurrent

gauche lésé dans l'uesophagotornie. Le récurrent a été blessé dans les inter-

ventions de thyroïdectomie pour goitre ordinaire ou pour goitre exophtal-

mique : ces faits sur lesquels l'attention a été attirée par lie

sont pas très exceptionnels, et j'observe en ce moment unebasedowienne

qui présente une paralysie de la corde droite en position intermédiaire

consécutive à une intervention. Ruault a fait délibérément réséquer une

portion du récurrent gauche dans un cas d'adduction bilatérale.

Les tumeurs du cou, gros ganglion tuberculeux, tumeurs cancéreuses

des ganglions, de l'oesophage ou du corps thyroïde, goitres volumineux

même dans le basedowisme (Garel), peuvent aussi compter dans tétto-

logie des paralysies récurrentielles.

Mais ce sont surtout les tumeurs du médiastin qui méritent de retenir

l'attention et surtout les anévrismes de la crosse de l'aorte, a tel point

qu'on a pu considérer la paralysie de la corde vocale gauche, en position

intermédiaire, comme caractéristique et qu'effectivement sa constatation

a mis très souvent sur la voie du diagnostic de l'anévrisme. De même,

mais avec une moins grande fréquence, la paralysie récurrenlielle de

la corde droite correspond il l'anévrisme de la sous-clavière. S'il ne

s'agit pas d'anévrisrne, on trouvera dans le médiastin des ganglions

hypertrophiés, de l'adénopathie trachéo-bronchique, un cancer de l'mso-

phage, etc., diagnostic si facilité aujourd'hui par la radioscopie.

PARALYSIES DU LARYNX. 647 i

A côté de ces causes de heaucoup les plus communes, il faut faire une

place aux pleurésies avec épanchement, au cancer du poumon, ou même

à la tuberculose pulmonaire, en raison des rapports étroits du sommet du

poumon droit avec le récurrent. Les affections du coeur et surtout la péri-

cardite avec épanchement, mais aussi les affections valvulaires s'accom-

pabnant de grosses dilatations des oreillettes, ont pu être incriminées :

nous avons vu que c'est par la dilatation de l'oreillette droite que Broeckaert

a cherché d'expliquer le cas de Roque et Chalier.

Enfin il existe un groupe de paralysies récurrentielles toxiques, bien

étudiées dans ces dernières années, notamment par Lermoyez. Parmi les

poisons minéraux, c'est le plomb qui tient la première place (Morell-

Mackensie, Sajous, etc.) : Ileyman, sur 50 cas dus aux poisons minéraux,

a confirmé cette prédominance. Vient ensuite l'arsenic.

Mais ce sont surtout les toxines sécrétées au cours des maladies infec-

tieuses qu'il faut incriminer : nous avons déjà cité les paralysies de la

diphtérie. 11 faut y ajouter celles de la tuberculose, lorsque le nerf n'est

pas englobé dans une pleurésie séro-fibrineuse du sommet ou dans des

ganglions trachéaux (Lubet-Barbon). Osier a insisté sur les paralysies

récurrentielles de la fièvre typhoïde ainsi que M. Schmitt. Dans un article

récent, Bryson-Delavan énumère encore l'érysipèle, la fièvre puerpérale,

la scarlatine, la rougeole, la blennorragie (Lazarus) et même les injec-

tions de sérum comme ayant pu donner la paralysie du récurrent. Ruault

considère comme probable l'existence d'hémiplégies laryngées primitives

sous l'influence du refroidissement.

Ce n'est pas le lieu d'indiquer longuement ici les symptômes de la

paralysie récurrentielle et il faut laisser aux laryngologistes les longues

discussions sur la vulnérabilité des abducteurs plus marquée que celle de

leurs antagonistes. Rappelons seulement que dans les lésions progressives

du récurrent, le trouble primitif le plus important est l'altération brusque

de la voix : on dirait qu'il s'agit d'une véritable apoplexie laryngée (Garel).

Ultérieurement l'aphonie plus ou moins nette et persistante du début se

transforme en voix bitonale et la voix finit même par s'améliorer notable-

ment, ce qui tient à ce que la corde vocale saine tend à dépasser la ligne

médiane dans une adduction forcée et à rejoindre la corde paralysée. La

dyspnée est exceptionnelle.

La position de la corde paralysée suhit des variations qui avaient déjà

été vues par Rosenbacb et qui ont été bien précisées par Semon : elles

suivent des lois aujourd'hui bien acceptées par la généralité des laryngo-

logistes et auxquelles ce dernier auteur a donné son nom.

Dans une première phase de début, rarement observée d'ailleurs, il y

a une gêne plus ou moins marquée des mouvements d'abduction lorsque

les mouvements d'adduction sont encore faciles.

La deuxième phase est de constatation plus courante : la corde est im-

mobilisée en position médiane, c'est-à-dire dans la position qu'elle occupe

pendant la phonation. Peut-être ne s'agit-il pas d'une position d'adduc-

[LANNOIS.

648 MALADIES DU LARYNX.

tion forcée vraie (Garel), mais si la corde n'est pas exactement sur la

ligne médiane, du moins s'en rapproche-t-elle beaucoup.

Enfin, dans un troisième stade, lorsque le récurrent a perdu son acti-

vité d'une façon plus complète, la corde est immobilisée en position dite

cadavérique ou plus exactement, comme le veut Broeckaert, en position

intermédiaire.

Et ces diverses phases se synthétisent dans la loi de Semon qui s'énonce

ainsi : Dans toutes les paralysies organiques progressives des ncrfs

laryngés, la fonction des dilatateurs est toujours atteinte la première,

sans exception, et peut rester seule atteinte jusqu'à la fin.

4" Hémiplégies bilatérales. Les hémiplégies bilatérales sont

assez rares. Des cas sans autopsie ont été décrits par Cartaz et IL Krause

dans la paralysie pseudo-bulbaire et j'ai moi-mème fait allusion à un cas

de ce genre. Les lésions bulbaires, nous l'avons dit à propos de la para-

lysie labio-glosso-Iaryngée, peuvent donner lieu à la paralysie bilatérale :

on l'a vue dans les paralysies bulbaires apoplectil'ormes, dans le tabès.

Les paralysies doubles d'origine périphérique ont été bien étudiées par

Deygas (1905) dans une thèse inspirée par Garel : aux vingt cas authen-

tiques antérieurs il avait pu ajouter sept faits personnels. Depuis lors il

en a été publié quelques autres et tout récemment j'ai pu suivre un cas

qui a été décrit par Mollard. Les causes les plus habituelles en sont par

ordre de fréquence le cancer oesophagien, l'anévrisme aortique, les adé-

nopathies, les tumeurs cervicales ou médiastines.

A la période d'état les deux cordes sont immobiles, en position cada-

vérique, incapables de tout mouvement dans les efforts de phonation ou

de respiration. Il y a de l'aphonie plus ou moins complète par coulage

d'air et le malade ne présente pas de dyspnée : celle-ci ne pourrait

exister que passagèrement au moment de la deuxième phase d'immobili-

sation en position médiane, mais elle se produit rarement, car il est

exceptionnel que les deux nerfs soient simultanément et également

touchés.

5° Hémiplégies associées. Les paralysies laryngées associées

offrent deux types différents. Dans le premier, les autres paralysies

portent sur les muscles innervés par le vago-spinal, ce sont les syn-

dromes d'Avellis et de Schmitt. Dans le second, d'autres nerfs crâniens

sont touchés, notamment l'hypoglosse, comme dans le syndrome de

Jackson et dans celui de Tapia. Ces syndromes ne sont d'ailleurs pas

absolument fixes et on conçoit facilement que, d'abord limités, ils puissent

parfois s'étendre. De fait il y a des paralysies multiples des nerfs crâniens

où, ;'1 côté de lésions du vago-spinal, on a noté des paralysies du facial,

du moteur oculaire externe, du sympathique, associées ou non il celle

de la langue.

Ces syndromes sont bien connus depuis le mémoire de Lermoyez, la

thèse de Le celle plus récente (1900) de Simonin, les mémoires de

Rose et de Mouisset et Douchnt, etc.

SPASMES DU LARYNX. ü4H

Toutes les conditions étiologiques que nous avons indiquées pour les

paralysies du récurrent se retrouvent ici, depuis les lésions bulbaires

jusqu'aux causes toxiques. Nous indiquerons seulement rapidement les

principaux de ces syndromes.

A) Syndrome d'Avellis. C'est le plus commun. 11 consiste dans

l'association de la paralysie du voile du palais avec la paralysie de la

corde vocale du même côté et il se comprend facilement depuis que les

recherches des physiologistes et des cliniciens ont dépossédé le facial de

l'innervation du voile du palais. On sait on effet que le voile est innervé

(à l'exception du péristaphylin externe commandé par le trijumeau) par

les nerfs pharyngiens émanés du ganglion plexiforme et provenant des

racines de la branche interne du spinal (vago-spinal). Les observations

en sont déjà nombreuses. J'en observe actuellement un cas chez un jeune

homme atteint de paralysie infantile du membre inférieur.

B) Syndrome de Schmidt. L'hémiplégie paiato-laryngec s'accom-

pagne ici de paralysie du trapèze et du steJ'l1o-cl()ido-masloïdien, c'est-à-

dire qu'à l'atteinte du vago-spinal s'ajoute celle de la branche externe

du spinal constitué, comme nous l'avons vu, par le spinal médullaire. 11

v en a cinq cas dans la thèse de Le Meur : un fait récemment rapporté

par Mouisset et Bouchut doit être attribué à la syphilis.

C) Syndrome de Jackson. Il est caractérisé par l'adjonction de la

paralysie de la moitié de la langue. On dit qu'il est complet lorsqu'il

s'associe au syndrome de Schmidt, c'est-à-dire il la paralysie du sterno-

mastoïdien et du trapèze, incomplet s'il n'y a qu'un syndrome d'Avellis

(hémiplégie palato-laryngée). Il s'agit le plus souvent de paralysies bul-

baires, parfois aussi d'atteinte de l'hypoglosse dans son trajet intra-

crànien.

D) Syndrome de Tapia. C'est l'association de la paralysie d'une

corde avec celle de la langue, le voile du palais n'étant pas touché. La

lésion, traumatique dans la plupart des cas (il s'agit de coups de cornes

de taureau), porte alors il la l'ois sur l'hypoglosse et sur le pl1l'llmo-gas-

trique au-dessous du ganglion plexiforme, alors que les filets des nerfs

pharyngiens destinés au voile se sont déjà détachés. Debove, cité par

Simonin, en a vu un cas après exérèse d'un épithélioma branchial et

rilanhiet a récemment rapporté un cas où un coup de couteau derrière

1 angle de la mâchoire avait déterminé le syndrome de Tapia avec para-

lysie du facial inférieur et du grand sympathique

III. SPASMES DU LARYNX

Les spasmes du larynx sont cluniques ou toniques, mais les premiers,

bien qu'ils puissent se rencontrer dans certaines affections du système

nerveux, n'ont qu'une importance très relative. Lorsqu'on parle, de spasme

du larynx on en vue le spasme Ionique.

[LANNOIS.]

t ? 0 MALADIES DU LARYNX.

Il en existe deux variétés distinctes : : 10 le spasme glottique respira-

toire (Juracr, Ruault, etc.) qui, agissant sur les muscles adducteurs et

tenseurs, détermine une occlusion plus ou moins complète, plus ou moins

permanente de la glotte et se traduit, comme son nom l'indique, par des

troubles graves de la respiration; 2° le spasme glottique phonique,

aphonie spasmodique de Traube, qui ne se traduit qu'au moment où le

malade veut parler, qui ne gène en rien le fonctionnement régulier de

l'inspiration et de l'expiration. Il est le plus souvent d'ordre névrotique :

aussi le retrouverons-nous avec les névroses du larynx. -

Spasme glottique respiratoire. L'accès de spasme gtnt-

tique se traduit par des phénomènes très caractéristiques, mais avec des

degrés d'intensité variable. Il peut consister seulement en accès de toux

spasmodique : après une sensation de chatouillement ou d'irritation de

la gorge, survient une toux quinteuse et convulsive. La respiration

devient sifflante, la face se cyanose, le malade commence à avoir de l'an-

goisse lorsque brusquement la respiration se rétablit et la crise s'arrête.

C'est la l'orme bénigne, à durée très courte, mais elle peut reparaître au

bout de quelques heures et se répéter plusieurs fois dans la journée.

Dans une forme plus sévère, celle du spasme suffocant, le malade fait

de violents efforts qui n'aboutissent pas il amener l'entrée de l'air dans

les poumons : il s'accroche aux objets voisins, renverse la tête en arrière,

dilate les ailes du nez, il y a du tirage avec dépression des parties molles

du cou el du thorax. Si un peu d'air réussit à pénétrer c'est avec un

bruit d'aspiration glottique qui caractérise le stzicl2tlisme. La face est

pâle ou vultueuse et cyanosée; finalement, après un temps variant de

quelques secondes à une minute ou même plus, la respiration se rétablit

plus ou moins brusquement tandis que le malade s'immobilise dans la

crainte de nouveaux accidents. Très fréquemment aussi le malade tombe,

obnubilé ou ayant totalement perdu connaissance : quelques secondes

après il revient à lui avec l'intégrité de sa respiration redevenue normale :

tout rentre dans l'ordre jusqu'à une nouvelle crise. '

Enfin on peut assister à des phénomènes plus graves encore, le spasme

apoplectique pouvant faire tomber le malade sidéré comme dans une

attaque épileptique. L'apnée est totale, le pouls accéléré, il y a des

secousses épileptiformes et le malade peut succomber par asphyxie avant

que l'on ait eu le temps de songer à pratiquer la trachéotomie. Mais

même dans ces formes extrêmes, les accidents peuvent se dissiper avec

la brusquerie qui a caractérisé leur assaut et le malade revient à lui, un

peu obnubilé el effaré, mais sans trouble respiratoire apparent.

Les conditions de production du spasme glottique sont assez variables :

nous les passerons rapidement en revue.

A) Spasme par irritation directe. Il est le plus fréquent, mais ne

doit pas nous arrêter ici : c'est celui qui succède a t'introduction de corps

étrangers dans le larynx, aux attouchements laits dans un but thérapeu-

tique, etc. Les irritations déterminées par des polypes, des tumeurs, etc.,

SPASMES DU LARYNX. 651

agissent de même : rappelons aussi l'oedème de la glotte et ces irrita-

tions de la muqueuse glottique ou sous-glottique qui déterminent chez

l'enfant la laryngite striduleuse.

Le mécanisme de ces accès sans être élucidé d'une manière absolue est

cependant relativement facile à comprendre : l'irritation des filets sen-

sitifs du laryngé supérieur et sans doute aussi du récurrent gagne le

bulbe d'où elle est réfléchie par le vago-spinal sur le larynx pour mettre

les adducteurs en contraction tonique.

B) Spasme d'origine centrale. Les lésions cérébrales ne parais-

sent pas déterminer souvent de spasme laryngé ; il convient cependant de

citer sa possibilité dans les tumeurs cérébrales et la paralysie générale

progressive, mais dans ce dernier cas il faut tenir compte des lésions

bulbaires. Nous retrouverons plus loin les spasmes qui se produisent

dans les névroses, dans l'hystérie, et ceux qui accompagnent la grande

attaque épileptique.

Au contraire les lésions bulbaires, qu'elles soient primitives ou consé-

cutives à des lésions de voisinage ou de propagation, peuvent donner

naissance au spasme glottique respiratoire : il semble que dans bon

nombre de cas le spasme constitue une phase de l'atteinte des noyaux

bulbaires qui précède la paralysie.

Aussi retrouverions-nous ici les affections que nous avons énumérées

à l'étiologie des paralysies, la paralysie lahio-gloao-laryngée, les hémor-

ragies et les tumeurs bulbaires, la syphilis cérébro-spinale, etc. Mais la

première place doit être incontestablement assignée au tabès : de très

nombreux travaux ont été publiés sur cette question depuis les premiers

mémoires de Charcot et Krishaber, etc. Le tabes, nous l'avons vu, se

caractérise déjà par la fréquence de la paralysie des abducteurs : à celle-ci

vient s'adjoindre le spasme des adducteurs de telle sorte qu'il n'est pas

d'affection centrale où l'on trouve plus fréquemment un des trois stades

que nous venons de décrire, la toux spasmodique, le spasme suffocant et

le spasme apoplectique. C'est chez le labétique que l'on rencontre le plus

souvent l'iclus laryngé. 11 reste d'ailleurs indécis si l'ictus laryngé des

tabétiques est déterminé par des lésions irritatives directes des noyaux

bulbaires ou s'il s'agit d'une inhibition bulbaire d'origine périphérique

(irritation centripète des fibres sensitives du vago-spinal).

C) Spasme d'origine périphérique. Ici encore nous devons nous

répéter : le spasme est la première étape de la paralysie récurrentielle.

Ce sont donc les mêmes causes déjà énumérées pour les hémiplégies

et les paralysies laryngées que nous allons retrouver : la seule condition

est qu'ici elles doivent seulement irriter et non abolir la fonction. Ce

seront avant tout les anévrismes de l'aorte (toux de compression de Garel)

et de la sous-clavière, les tumeurs du médiastin et principalement les

hypertrophies plus ou moins durables des ganglions lymphatiques : la

toux coqueluchoïde de l'adénopathie trachée-bronchique est trop connue

pour qu'il soit nécessaire d'insister. ,

[LANNOIS.]

Il faudra aussi chercher la cause du spasme dans les hypertrophies de

la thyroïde, les néoplasmes de l'oesophage et de la trachée, etc.

D) Spasme réflexe. Il est commun sous forme de toux spasmo-

dique revenant par accès, mais il ne va pas jusqu'à la suffocation.

La toux génitale se rencontre après le coït, dans les lésions du col de

l'utérus, les positions vicieuses de l'organe gravide ou non, etc. La liga-

ture du pédicule dans l'hystérectomie a déterminé de violents accès de

spasme du larynx (Moure).

La toux auriculaire est banale lors de l'introduction du spéculum dans

le conduit auditif : des corps étrangers du conduit ont déterminé des toux

quinteuses de plusieurs mois ou de plusieurs années de durée donnant

lieu à de fâcheuses erreurs de diagnostic.

C'est surtout la toux nasale qu'on rencontre fréquemment, dans les

déviations de la cloison, les hypertrophies des cornets, les polypes, etc.

Nombre de rhinologistes veulent qu'il y ait une irritation nasale dans

tous les cas de toux réflexe provenant de l'estomac, de l'intestin ou de

l'utérus. La toux réflexe se verra aussi dans les hypertrophies des

amygdales palatines ou linguale, etc.

Dans tous ces cas il parait bien que les filets sensitifs du pneumo-

gastrique sont en cause : leur rôle de défenseurs de l'intégrité de l'arbre

respiratoire est mis enjeu par une sensation faussement localisée. Il est

nécessaire aussi qu'il existe une prédisposition névropathique sans

laquelle les troubles réflexes ne se produiraient pas ou n'atteindraient

pas pareille intensité.

La diversité des causes que nous venons de passer on revue montre

assez qu'il n'y a pas lieu en pratique de faire un traitement univoque

pour les spasmes du larynx. Le plus souvent le spasme respiratoire n'est

qu'un épisode dans l'évolution de la maladie causale et c'est à elle que

doit s'appliquer le traitement (mercure dans la syphilis, santonine dans

le tabès, etc.). Le traitement de l'accès consiste d'abord à empêcher le

malade de s'agiter il la recherche de l'air qui lui manque, à l'engager il

fermer la bouche, il rester un instant immobile et à reprendre ensuite

l'inspiration avec lenteur par le ne ? Dans les accès de suffocation plus

graves la respiration artificielle, les inhalations d'éther ou de chloro-

forme, sont à essayer : le tubage du larynx ou la trachéotomie d'urgence

seront parfois l'ultirne ressource. Il faudra prévenir le retour des accès

par le repos, le bromure, le chloral, la morphine, etc., et le traitement

général de l'état névropathique.

IV. NÉVROSES DU LARYNX

Nous passerons en revue dans ce chapitre : 1" le spasme de la glotte

des nourrissons; 2° la toux nerveuse; 3° le vertige laryngé; 4° les

troubles laryngés dans les névroses : 5" le spasme glottique phonique-

NÉVROSES DU LARYNX. C55

1" Spasme de la glotte des nourrissons. Nous ne ferons

que l'indiquer ici brièvement car en réalité il s'agit d'une affection qui

est loin d'être limitée du larynx et qui doit être décrite avec les convul-

sions. C'est la convulsion interne à laquelle on a encore donné avec

Hérard les noms de spasme glottique, spasme phrénique ou spasme

phréno-glotlique ou, en se basant sur les conceptions pathogéniques

plus ou moins erronnées, ceux d'asthme thymique de Kopp ou de

Millar, d'asthme 1Ylchitique par craniolabes (Elsâsser), d'asthme lié à la

Manie (Escherich).

™ On sait que cette convulsion interne atteint presque exclusivement les

enfants de deux à dix ou douze mois, surtout les garçons à constitution

faible et rachitique, d'hérédité nerveuse. L'accès débute brusquement

par un arrêt subit de la respiration par spasme tonique de tous les muscles

respiratoires y compris le diaphragme : le spasme se fait en expiration et

s'accompagne de phénomènes asphyxiques et syncopaux. On peut avoir en

même temps des convulsions épileptiformes généralisées du côté des yeux,

de la face, des extrémités, etc. Puis la fin de la crise est annoncée par

des inspirations courtes, sonores, jusqu'à ce que la respiration se réta-

blisse. L'accès est très court, de quelques secondes, mais il se répète jus-

qu'à 30 ou 40 fois dans les vingt-quatre heures. La mort peut survenir

par épuisement nerveux, par asphyxie ou par syncope brusque. La

mortalité est de 40 pour 100.

Le traitement est celui des convulsions : inhalations d'élher, de chlo-

roforme, de bromure d'élhyle, applications chaudes au-devant du cou,

respiration artificielle ou même ici tubage ou trachéotomie. Dans l'inter-

valle des crises, les antispasmodiques, bromure, valériane, drap mouillé

(Comly, Wcill), hygiène, etc.

La théorie thymique a été récemment remise en honneur et le thymus

hypertrophié, bien que cela ne soit pas accepté par Barbier, parait pou-

voir, entre autres symptômes, déterminer le spasme laryngé (Rehn,

d'Oelnitz, E. Weill). On a préconisé dans ces cas l'exothymopexie (Rehn,

Konig, Lenormant), la thymcctomie partielle (Veau et Ollivier) associée

ou non à la résection du manubrium sternal ou même la résection

simple de celle partie du sternum sans thymectomie qui paraît suffi-

sante à E. Weill pour agrandir l'espace critique de Grawilz.

2" Toux nerveuse. La toux nerveuse laryngée est une affection

rare si on réserve ce nom aux cas dans lesquels le point de départ est

exclusivement laryngé et où il n'y a ni inflammation de cet organe, ni

irritation directe ou réflexe du vago-spinal. Elle a généralement été déter-

minée par une inflammation antérieure de la muqueuse et finit d ailleurs

par guérir après un temps plus ou moins long. Ruault recommande de

la traiter par des doses élevées de strychnine, six milligrammes, mais il

reconnaît que ce traitement ne réussit pas toujours.

5" Vertige laryngé. Le vertige laryngé a été décrit par Charcot

comme une névrose, mais on peut le comparer à l'épilcpsie où à côté des

[LANNOIS.]

654 - MALADIES DU LARYNX.

formes dites essentielles, il y a la série des cas symptouialiques, ce qui

n'empêche pas d'ailleurs de décrire à part la forme idiopathique. Dans les

cas désignés sous le nom de vertige ou d'apoplexie laryngée, il y en a qui

se rapportent à des épileptiques dont la crise débute par le larynx, à des

tabétiques présentant le spasme laryngé suffocant que nous avons décrit,

à des porteurs de lésions récurrentielles. Tous au total présentent des ictus

laryngés. Mais à côté de ces faits il n'en reste pas moins une place pour

un vertige laryngé purement névrosique, indépendant de toute lésion

tangible de l'appareil d'innervation du larynx. Après Charcot, ce vertige

a été étudié par de très nombreux observateurs, Krishaber, Gasquet,

Weill, Cartaz. >3uault, Meriden, etc.

Il survient brusquement chez des individus en bonne santé, le plus

souvent vigoureux et, sanguins, presque toujours de souche névropathique,

sans cause connue, parfois après une légère irritation catarrhale des

premières voix respiratoires. Il y a une sensation de picotement ou de

chatouillement au niveau du larynx,- des secousses de toux spasmodique,

de petites expirations brèves et saccadées avec inspiration sifflante. La

face se congestionne, puis le malade tombe comme s'il était frappé d'apo-

plexie : c'est une syncope qui s'accompagne ou non de quelques mou-

vements épileptiformes mais jamais de morsure de la langue ni d'incon-

tinence d'urine. L'étal syncopa) suffit à faire cesser le spasme et le ma-

lade revient de suite il lui.

L'accès peut se répéter à de courts intervalles ou ne revenir qu'après

des mois et des années. Le pronostic est donc bénin puisque le vertige

laryngé idiopathique finit par disparaître alors que les ictus spasmodi-

ques liés à des affections bulbaires, surtout au tabès, ou à la présence de

tumeurs laryngées peuvent déterminer la mort subite.

Le mécanisme patbogenique reste ignoré. Charcot penchait pour un

vertige cérébral à manifestai ion laryngée. Le fait que le vertige laryngé

est parfois provoqué par l'impression du froid, par la déglutition de

liquides froids ou irritants (alcool, etc.), par le séjour dans une atmo-

sphère surchauffée, chargée de poussières ou de fumée de tabac, fait

plutôt songer à une inhibition des centres nerveux à point de départ

laryngé. C'est l'opinion qu'a soutenue Weill en se basant sur les recher-

ches bien connues de Ilosenthal et de François-Frank sur le laryngé supe-

rieur et de Brown-Sequard sur faction inhibitrice de l'acide carbonique.

4° Troubles laryngés dans les névroses. Nous avons

déjà signalé la contraction des adducteurs dans la crise epiteptique : par-

fois il y aune véritable aura laryngée.

C'est surtout l'hystérie qui détermine des troubles du côté du larynx,

sous forme de toux quinteuse revenant par accès, de toux rythmique et

incessante, de véritables crises d'aboiement. Le plus souvent il y a eu ou

il y a encore des phénomènes d'irritation au niveau du larynx, de la

trachée ou de l'amygdale linguale qui ont localisé les phénomènes de la

névrose. C'est aussi il l'hystérie qu'il convient de rattacher l'affection

NÉVROSES DU LARYNX. 655

que Schriitter avait décrite sous le nom de chorée du larynx, toux spé-

ciale avec accompagnement de convulsions musculaires dans les muscles

de la face et des membres ressemblant à la chorée.

La chorée de Sydenham peut d'ailleurs présenter des troubles laryngés,

respiratoires ou phonatoires et plusieurs auteurs ont pu observer des

mouvements désordonnés des cordes avec émission de sons bruyants et

plus ou moins discordants. Je les ai également constatés à plusieurs

reprises dans les chorées chroniques progressives. On les trouvera encore

dans la maladie des tics.

5° Spasme glottique phonique. Le spasme glottique pho-

nique est parfois symptomatique de lésions cérébrales ou bulbaires.

Presser .lames a décrit le « bégaiement des cordes vocales » chez les

ataxiques et Illlallit l'a observé également chez les paralytiques généraux.

On a vu aussi l'aphonie spasmodique dans les lésions du nez et de

l'arrière-gorge, le goitre, etc.

Nous aurions pu aussi bien décrire ici certains des troubles que nous

venons de signaler dans l'hystérie ou la chorée. Mais le plus souvent, il

s'agit d'un véritable état névrosiquc spécial, qui a reçu les noms très divers

de contracture des muscles phonateurs (Elsberg), spasme phonique

(Koch), mogiphonie (B. Frànkel, Bresger), dysphonie spaslique (Schech).

Nous en rapprocherons le bégaiement, la dysphonie nerveuse chronique

et la voix eunuchoïde. '

Cette névrose se rencontre surtout chez les personnes qui font un

usage fréquent et prolongé de la voix ou du chant (instituteurs, profes-

seurs, orateurs, comédiens, chanteurs), il condition qu'elles présentent

une prédisposition névropathique.

Les sujets qui en sont atteints respirent tout fait normalement, mais

dès qu'ils veulent parler, lire ou chanter, il se produit une aphonie com-

plète parce que le larynx se ferme énergiquenient et en totalité non seu-

lement au niveau des cordes, mais dans toute sa partie supérieure

connue dans le phénomène de l'effort. Dès que cesse la tentative d'émettre

un son, le larynx se relâche et la respiration redevient normale.

Le tableau symptomatique n'est pas toujours aussi accentué : certains

sujets peuvent encore parler à voix moyenne ou chuchoter et le spasme

n'apparaît qu'au moment où l'instituteur veut prendre sa voix professo-

rale ou le chanteur émettre une note. C'est d'ailleurs ainsi que l'affection

débute le plus souvent. On ne peut s'empêcher de comparer ce qui se

passe ici aux crampes professionnelles comme la crampe des écrivains ou

des pianistes. L'examen laryngoscopique dans ces cas montre du spasme

moins accusé que dans la forme précédente, prédominant tantôt sur un

muscle, tantôt sur un autre et donnant des images très variées.

Ces troubles peuvent disparaître par le repos, par le traitement de la

lésion causale, par la gymnastique respiratoire, mais ils récidivent facile-

ment et sont au total d'un pronostic très sérieux chez les professionnels

de la parole et de la voix.

[LANNOIS.]

656 .MALADIES DU LARYNX.

A) Bégaiement. Dans le spasme phonique tout reste 'habituellement

limité au larynx, niais on observe parfois quelques secousses du cou

(spinal externe) et même de la face.

Aussi convient-il d'en rapprocher le bégaiement ; dans cette névrose en

effet tous les muscles respirateurs concourrait au trouble fonctionnel et

la contracture spasmodique du larynx n'est pas un des éléments les moins

importants.

B) Dysphonie nerveuse chronique. Étudiée par Brissaud elle

correspond à une des formes de la raucité vocale. Elle se voit chez de

jeunes sujets et relève d'une prédisposition névropathique héréditaire. La

voix est rauque, cuivrée, enrouée, le timbre désagréable. Elle correspond

(le., troubles de l'accommodation musculaire, d'ailleurs variables même

d'un instant à l'autre : il y a surtout de l'insuffisance de la tension et, s'il

y a voix de fausset enrouée, de l'adduction dos cordes. Cette affection ne

se modifie pas et la voix parlée reste toujours défectueuse.

C) Voix eunuchoïde. Elle s'observe chez les sujets dont la voix n'a

pas mué au moment de l'adolescence et a gardé une tonalité aiguë qui

la fait ressembler il la voix de fausset infantile. Ces sujets ont un larynx

plutôt grand, comme celui des barytons ou des basses chantantes et le

trouble phonétique est lié à une insuffisance de l'accommodation vocale

des muscles du larynx, le sujet ne faisant usage que d'une partie de

son anche vocale.

Garel, qui a étudié avec soin cette anomalie phonique, a montré que

souvent elle était guérissable par des exercices de gymnastique vocale..

ATROPHIES MUSCULAIRES

par le Dr André LI~RI

L'atrophie musculaire est la diminution de volume et. de nombre

des fibres contractiles d'un ou de plusieurs muscles.

Cette altération ne se limite pas, comme on le croyait jusqu'ici, aux

muscles striés de la vie de relation, elle peut s'étendre aussi aux muscles

lisses : nous avons constaté, à l'autopsie d'un homme qui présentait

une atrophie musculaire progressive, une amyotrophie généralisée de

toute la musculature viscérale (intestin, estomac, vessie, vésicule biliaire,

coeur) ('); plus récemment nous avons trouvé une amyotrophie viscérale

plus restreinte il l'autopsie d'un autre malade; mais nous n'avons pas

constaté semblable altération des organes musculo-memhraneuv chez les

autres amyotrophiques dont nous avons pu examiner les organes.

L'atrophie musculaire, dans la totalité ou au moins la grande majorité

des cas, ne paraît pas être, connue le pensaient Duchenne et Virchow, un

simple trouble trophique, une dégénérescence parenchymateuse : des

travaux plus récents, surtout ceux de Hayem ('), confirmés par Du-

rante (3), ont montré qu'il s'agit d'un véritable processus inflammatoire,

d'une myosite : la fibre musculaire prolifère et se subdivise avant de

disparaître. Le tissu interstitiel prend part au travail inflammatoire avec

une précocité et une intensité variables ; aussi, alors que Hayem consi-

dère 1 atrophie comme résultant d'un processus de myosite parenchyma-

teuse, Friedreich l'attribue à une myosite scléro-intersiitielle.

On comprend que la prolifération interstitielle, qui marche de pair

avec l'atrophie des fibres, puisse prendre le pas sur elle; le tissu cellulo-

ou fibro-graisseux non seulement prend la place des fibres disparues,

mais encore occupe plus de place qu'elles n'en occupaient : le muscle

atrophié grossit. L'augmentation anormale du volume d'un muscle est

plus souvent le signe de son atrophie que de son hypertrophie.

L'atrophie de certains muscles s'accompagne tout spécialement de

pseudo-hypertrophie, et une forme topographique d'atrophie musculaire

I- LÚn. Rcv. 1/1'111'01., '15 mai 1902. Id.... Soc. l1el/l'Ol., 1 ! 101.

2',IIIHM. Dicl. encryclop. des Se. mcfcf. : « Atrophies niuscul. progress. ». - Hech.

sttr l';ouU. (les atrophies mnscul. Paris, 1877.

z">. Dun : nTn;. Manuel d'histol. pal/¡. de Cornil et Ravier, tome Il.

Pratique. : NEunUL.. 42

[A. LÉRI.]

progressive comprend la pseudo-hypertrophie dans son tableau clinique

ordinaire et dans sa dénomination même. Aussi, dans les atrophies mus-

culaires, le volume des muscles n'est rien et leur affaiblissement est

tout (P. Marie et Guinon) ('). C'est un fait qu'il ne faut pas perdre de

vue quand on cherche à apprécier le degré d'une amyotrophie.

SIGNES DE L'ATROPHIE MUSCULAIRE

Le plus souvent c'est par la simple inspection que l'on constate une

atrophie musculaire, la forme du membre ou de la portion de membre est t

modifiée, les saillies musculaires normales sont remplacées par des mé-

plats, des saillies osseuses anormales apparaissent là où d'ordinaire l'os

est masqué par une couche musculaire.

L'atrophie commençante est parfois très difficile à dépister, surtout

quand elle est bilatérale et symétrique : quand elle est asymétrique, la

comparaison du côté atteint avec le côté sain facilite beaucoup le dia-

gnostic. Comme chez la plupart des sujets la presque totalité de la mus-

culature de la moitié droite du corps est un peu plus puissante que celle

de la moitié gauche, c'est surtout quand le volume des muscles du côté

droit sera moindre que celui des muscles correspondants à gauche qu'on

reconnaîtra facilement l'atrophie.

On rendra la différence entre les deux côtés plus manifeste en faisant

faire au malade un mouvement qui contracte le muscle ou le groupe

musculaire examiné; on fera contracter les muscles au maximum en

s'opposant au mouvement que l'on ordonne au malade d'exécuter. Par

exemple, pour constater l'atrophie d'un grand pectoral, on fera rap-

procher avec force le bras du tronc ; la contraction sera plus puissante

si en même temps on tente d'écarter ce bras du corps.

Dans ces mouvements actifs on verra souvent se dessiner isolément

certains faisceaux du muscle, séparés les uns des autres par des gout-

tières : il est en effet d'observation courante que les faisceaux d'un même

muscle s'atrophient très inégalement, que des faisceaux presque sains

ou même tout à fait sains se trouvent entremêlés à des faisceaux plus

ou moins complètement atrophiés. Dans d'autres cas une portion seule

de la longueur des fibres sera atrophiée, de sorte que l'on verra la

contraction porter sur une portion seulement de la longueur du muscle :

il se formera un noeud musculaire (atrophie longitudinale de Roth),

Ces deux aspects se rencontrent assez communément sur certaist

muscles, sur le deltoïde par exemple : l'atrophie de ces muscles devenu

ainsi assez caractéristique. Parfois c'est toute une portion du muscle qui

se trouve isolément atrophiée, par exemple la portion claviculaire du

deltoïde : la contraction totale du muscle (dans l'abduction du bras pour

le deltoïde) révèle alors facilement l'atrophie de cette portion.

1. P. MAillE et GuiNoi. Rev. méd., 1885. '

SIGNES DE L'ATROPHIE MUSCULAIRE. ( ! 59

La palpation ne donne des renseignements que quand l'atrophie est

déjà assez avancée : la mollesse et la dépressibilité du tissu musculaire

sont surtout nettes quand on peut les comparer avec l'élasticité du

muscle correspondant du côté opposé demeuré sain. La sensation de

mollesse devient plus caractéristique quand elle persiste dans les mou-

vements au cours desquels le muscle devrait se contracter. Mais, comme

souvent la fibrose ou l'adipose du muscle altéré lui donne une fermeté

tout à fait comparable à celle d'un muscle sain, c'est surtout l'invaria-

bilité de la consistance à l'état de repos et à l'état de contraction qui

acquiert de l'importance.

Cette constatation peut surtout être faite quand plusieurs muscles

d'un même segment de membre se trouvent frappés : en prenant ce

segment de membre il pleine main ou en l'embrassant entre les deux

mains et en faisant alternativement contracter et relâcher ses muscles,

on perçoit une différence nette entre le côté atteint et le côté sain, alors

même que l'atrophie est encore minime.

La mensuration de la circonférence des membres révèle parfois entre

les deux côtés des différences minimes qui passeraient inaperçues à l'ins-

pection ; mais dans ces cas hésitants la mensuration est un procédé dan-

gereux, infidèle sous ses apparences de rigueur mathématique. Il faut

être sur en effet que la mensuration soit bien faite strictement au même

niveau des deux côtés, et pour cela mesurer la circonférence de chaque

côté à une même distance soigneusement comptée à partir d'une saillie

osseuse qui servira de point de repère; il faut qne la position des deux

membres soit rigoureusement la même et que les mêmes muscles de l'un

et de l'autre côté soient à l'état de contraction ou de relâchement

identique; il faut que le cordon métrique soit bien perpendiculaire à la

longueur du membre sur tout son pourtour, il faut encore qu'il s'accole

à la peau, mais ne comprime ou ne déprime les tissus sur aucun point.

Ces conditions sont bien nombreuses pour qu'on puisse affirmer facile-

ment qu'il y a entre les deux membres une différence d'une fraction de

centimètre ou même d'un ou deux centimètres ; la différence devient

parfois plus nette quand on fait contracter les muscles que l'on suppose

altérés.

L'inspection, la mensuration et la palpation suffisent le plus souvent

à reconnaitre l'atrophie d'un muscle quand elle se révèle, comme il est

habituel, par sa diminution de volume. Mais nous avons dit que la dimi-

nution de volume d'un muscle n'est pas toujours proportionnelle à son

atrophie, tant s'en faut, et qu'assez souvent le muscle atrophié ne diminue

pas ou même augmente de volume : pour reconnaître l'atrophie, ce n'est

plus alors l'anatomie du membre qu'il faut envisager, c'est sa physio-

logie, c'est le fonctionnement du muscle et non sa forme ou sa dimen-

sion qu'il faut interroger. Nous avons déjà dit que l'absence de modi- \

fication de. volume et de consistance des muscles, quand ils passent de I

l'état de repos à l'état de contraction, est un signe d'atrophie bien plus (

[il. LEM.]

660 ATROPHIES MUSCULAIRES.

constant et plus sûr que la petitesse ou la mollesse de ces muscles. C'est

dans les mouvements où les muscles atrophiés doivent entrer en contrac-

tion que leur atrophie se révèle le plus aisément, et c'est par la gêne

fonctionnelle que le malade lui-même s'est aperçu le plus souvent de sa

lésion quand il vient consulter le médecin.

Bien entendu cette gène fonctionnelle est essentiellement variable

avec les muscles atteints et avec les besoins usuels du malade, en par-

ticulier avec sa profession : c'est ainsi que l'atrophie des petits muscles

de la main, qui entrent en jeu dans des exercices de délicatesse et d'a-

dresse, sera d'ordinaire bien plus rapidement ressentie que l'atrophie

des muscles de l'épaule ou du bras, et cela surtout chez ceux qui, comme

les horlogers, les tailleurs, les écrivains, ont un besoin constant de toute

la dextérité de leurs doigts.

La gène pourra être trop faible pour que le malade s'en aperçoive

ou s'en plaigne; le médecin qui recherchera l'amyotrophie devra alors

lui faire exécuter des mouvements appropriés où chaque muscle à explorer

entrera en contraction.

La puissance fonctionnelle d'un muscle ou d'un groupe musculaire

pourra être- mesurée et exprimée avec exactitude d'après le poids que le

malade est capable de soulever en exécutant le mouvement où ce muscle

ou ce groupe musculaire entre seul en contraction. Un appareil très

simple et applicable à un très grand nombre de muscles consiste en une

poulie que l'on fixe à une table ou au lit du malade et sur laquelle glisse

une corde : à une extrémité de la corde est un lacet ou un bracelet, qui

doit entourer le segment du membre à explorer, il l'autre extrémité, qui

reste pendante, on suspend des poids qui donneront la mesure du mou-

vement exécuté. Un petit dynamomètre donnant la pression en kilo-

grammes est l'instrument dont on se sert ordinairement dans nos hôpi-

taux pour mesurer la puissance des muscles fléchisseurs des mains. Pour

que ces mesures aient une valeur réclle, il faut que l'atrophie porte sur-

tout sur un côté et que l'on puisse faire la comparaison avec les chiffres

fournis par le côté sain.

Nous signalerons enfin pour mémoire, parmi les moyens d'investiga-

tion, la biopsie qui, en ramenant quelques libres musculaires, permet-

trait dans les cas douteux de faire le diagnostic histologique de l'atrophie

musculaire; divers instruments, des harpons, l'emporte-pièce de Du-

1 chenne, celui de Blocq et Onanoff, ont même été imaginés dans ce but

spécial . Mais ces procédés ne sont pas entrés dans la pratique courante

et, pour les employer, il faudrait qu'ils paraissent justifiés par l'obliga-

tion thérapeutique d'un diagnostic précis; de semblables nécessités sont

bien exceptionnelles. Aussi nous n'insistons pas sur la description de ces

instruments.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL. ' 661

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

L'atrophie musculaire se distingue de l'amaigrissement par sa loca-

lisation. L'atrophie est localisée à un certain nombre de muscles ou de

groupes musculaires; quand elle envahit une grande partie de l;mus-

culature, elle s'étend toujours tout à fait progressivement, en atteignant

l'un après l'autre chaque muscle ou chaque groupe musculaire; l'amai-

bruissement, au contraire, frappe en même temps la totalité ou la presque

totalité de la musculature, et le volume des diflérentes parties du corps

diminue à peu près dans les mêmes proportions. De plus, l'atrophie est

localisée au tissu musculaire, alors que l'amaigrissement l'ait disparaitre

avant tout le tissu cellulo-graisseux : la prédilection peut être très mar-

quée, de sorte que des amyotrophiques peuvent être gras (l'adipose pro-

duit même souvent de la pseudo-hypertrophie) et des amaigris peuvent

être vigoureusement musclés. Pourtant, en général, l'amaigrissement

entraine précocement l'atrophie musculaire, et les cachectiques amaigris

sont de grands amyotrophiques, mais, dans ce cas, les parties du corps

sur lesquelles le tissu cellulo-graisseux prédomine de beaucoup sur le

tissu musculaire, comme les seins, la paroi abdominale, sont les parties

qui maigrissent et s'affaissent les premières; chez les amyotrophiques

purs ces mêmes parties restent très longtemps indemnes.

La paralysie est souvent très difficile à distinguer de l'atrophie intis-

culaire ; toute paralysie complète, d'origine organique, et la plupart \

des paralysies incomplètes sont suivies, à plus ou moins brève échéance, \

de l'atrophie des muscles paralysés, car, comme tout organe, un muscle `

qui ne fonctionne pas s'atrophie ; toute amyotrophie devient une para-

lysie le jour où le nombre des fibres musculaires conservées est insuffi-

sant pour assurer le fonctionnement du muscle. Paralysie et amyotrophie

vont donc très souvent ensemble, et l'on comprend qu'il y a fort peu de

temps encore ces deux phénomènes étaient confondus : l'un des grands

mérites de Duchenne (') de Boulogne est précisément d'avoir montré, en

1849, que l'atrophie musculaire n'est pas toujours un effet de la para-

lysie motrice, mais qu'elle en peut être une cause.

L'atrophie musculaire est facile à distinguer de la paralysie dans les

cas où la diminution du volume des muscles est déjà notable, mais où le

nombre des libres restantes est encore assez considérable pour que le

fonctionnement ne soit pas sensiblement altéré. Chez certains sujets,

l'atrophie de quelques muscles est très prononcée, leur puissance est

très affaiblie ou abolie, mais d'autres muscles sont moins atteints et l'on

lait le diagnostic d'atrophie musculaire en reconnaissant dans le mode

d'évolution la description classique d'une des formes de myopathie.

1. Ducm.,w ? Itecli. éleclro-physiol. sur l'alroph. musent, avec lransform. graisseuse.

Mémoires Amri. Sciences, 1849.

[A. LÉRI.

662 ATROPHIES MUSCULAIRES.

Mais le diagnostic devient plus délicat, soit quand l'atrophie ne s'accom-

pagne pas de diminution de volume des muscles, soit quand il s'y joint

certains signes d'affection nerveuse. Dans le premier cas, l'affaiblisse-

ment musculaire est tout et la gène fonctionnelle est le seul symptôme :

or la paralysie ne se manifeste pas autrement, et le diagnostic ne peut

être fait que par analogie avec des cas connus et classés. Dans le second

cas, on suppose fréquemment, en s'appuyant sur des descriptions dont le

bien-fondé n'est parfois rien moins que démontré, que des deux actions

des cellules radiculaires antérieures de la moelle, action dynamique et

action trophique, transmises toutes deux par la voie des nerfs moteurs,

c'est la seconde qui est seule ou primitivement atteinte : cette dissocia-

tion, qui est la base de la description de l'amyotrophie progressive

spinale, ne doit être admise que pour conserver un syndrome clinique,

différencié seulement de la paralysie vraie par sa lente et progressive évo-

lution. En réalité, dans l'un et l'autre cas, à notre sens, il y a paralysie,

dans l'un et l'autre cas c'est la gêne fonctionnelle qui est presque toujours

le premier signe, mais le degré de ce trouble est essentiellement différent

dans les « paralysies » presque toujours rapides et dans les « amyotro-

phies primitives » toujours lentes, et cette différence justifie parfaitement

la séparation des paralysies et des amyotrophies d'origine spinale.

FORMES CLINIQUES. - CLASSIFICATION -

L'atrophie musculaire est un trouble trophique. Ce trouble trophique

peut être dû à l'altération en un point quelconque du neurone moteur

périphérique, neurone qui va de la cellule radiculaire antérieure, centre

trophique, jusqu'au muscle. Il semble pouvoir être dû aussi à l'altération

en un point quelconque du neurone moteur central, c'est-à-dire de la

voie pyramidale qui conduit l'excitation dynamique des cellules corticales

aux cellules motrices de la moelle; mais sans doute dans ce cas l'altéra-

tion pyramidale ne provoque l'atrophie musculaire que par l'intermé-

diaire d'une modification pathologique de la cellule motrice. Enfin, ce

même trouble trophique parait pouvoir être dû à une atteinte morbide

primitive du muscle lui-même, indépendamment de toute lésion ner-

veuse ; mais ce fait n'est pas encore démontré de façon certaine, il se

peut que, dans certains cas, une altération réelle des centres ou des voies

nerveuses échappe à nos moyens actuels d'investigation. Comme, d'autre

part, aucun symptôme clinique ne permet d'affirmer avec certitude que

les voies nerveuses sont indemnes et que les muscles sont primilive-

ment atteints, comme tous les symptômes que l'on considère, à tort ou

à raison, comme signes d'altération nerveuse ont été signalés, isolés ou

non, chez des sujets que l'on considérait comme myopathiques, il nous

parait encore prématuré de baser une classification des amyotrophies sur

une hypothèse pathogénique et de les diviser strictement, comme on le

fait ordinairement, en myopalhiques, myélopathiques et neurotiques.

FORMES CLINIQUES. CLASSIFICATION'. 665

Les diverses atrophies musculaires présentent des différences et des

ensembles cliniques qui nous paraissent pouvoir servir de base à une

classification bien plus légitime. '

Les atrophies musculaires peuvent être secondaires et localisées, elles

peuvent être primitives, progressives et, plus ou moins tardivement, géné-

ralisées, .

Les atrophies secondaires sont localisées soit dans les muscles voisins

d'une affection locale (atrophies dites réflexes, d'origine articulaire ou

abarticulaire), soit dans des muscles préalablement paralysés (atrophies

consécutives aux paralysies diverses d'origine centrale ou périphérique).

Ces amyotrophies peuvent être très étendues, mais elles ne sont qu'un

des éléments, accessoire el plus ou moins tardif, d'un tableau morbide

préalablement reconnu : ce ne sont pas des maladies, ce sont des suites

ou des complications d'une maladie.

Les atrophies musculaires progressives constituent, au contraire, le

symptôme capital d'une maladie ou au moins l'un de ses symptômes

élémentaires : elles peuvent être acquises ou présenter les caractères

d'une maladie de développement..

Les amyotrophies acquises surviennent presque exclusivement chez

l'adulte : toutes les amyotrophies qui présentent ce caractère paraissent

être dues il une altération primitive du système nerveux soit central, soit

périphérique, il n'y en a pas de primitivement musculaire. L'amyotrophie

progressive de l'adulte peut être le seul signe clinique d'une maladie, ces

cas sont tout il fait exceptionnels; presque toujours elle est seulement

l'un des symptômes prédominants d'une affection nerveuse que ses autres

signes permettent de classer. L'atrophie musculaire progressive dite

Aran-Duchenne, forme sous laquelle se présente presque toujours l'amyo-

trophie des adultes, était autrefois une entité morbide compacte et indi-

vise ; c'était l'expression clinique de l'inflammation systématique des

cornes antérieures de la moelle, de la poliomyélite antérieure chronique.

L'étude plus approfondie des symptômes qui raccompagnent ont permis

de n'y voir qu'un syndrome et d'en dissocier successivement la sclérose

latérale amyotrophique (Charcot. 1872), la pachyméningite cervicale hy-

pertrophique (Charcot et .Jol1'roy, 871-75), la syringomyélie (Schulize -

et Kahler, 1882, Dchove. Dejerine, 1889, Jolrroy et Achard, Charcot), la

m<"ningo-I11YI"lite syphilitique (Raymond, 1895, Léri, 1905) (') : c'est à

peine si t on peut dire aujourd'hui qu'il existe un seul cas bien démon-

tré (l'atrophie musculaire progressive vraie, par poliomyélite antérieure

chronique systématique.

Bien plus fréquemment l'atrophie musculaire progressive se présente

sous la forme d'une maladie de développement et en offre tous les carac-

tères plus ou moins associés : début dans l'enfance ou dans l'arloles-

L. Haymom,. Soc. mrd. des /¡Ôp" 18t1a : Li-îm. Conqrès de Bruxelles, I 1103; - Id....

Traité dl' .I1M. Charcot, Bouchard et Brissaud, 2" édit., t. 1\, 1904.

IA. LÉRI.] ]

664 Il ATROPHIES MUSCULAIRES.

cence, caractère héréditaire ou familial, autres anomalies dans le déve-

loppement, déformations du squelette, du thorax, du crâne, absence ou

atrophie congénitale de certains muscles, troubles psychiques fréquents,

début de l'atrophie par les muscles dont le développement s'est l'ait le

plus rapidement. (Babinski et Onanoff) ('), etc.... Dans ce groupe des

maladies de développement entrent toutes les formes des myopathies,

c'est-à-dire des cas où ni cliniquement, ni anatomiquement, on ne peut

affirmer qu'il y ait une lésion nerveuse, où, même si l'on découvrait une

lésion nerveuse qui nous échappe encore, la lésion musculaire serait si

prédominante qu'elle justifierait la séparation de ces cas et presque leur

dénomination de « myopathies » . Le trouble du développement, peut

porter parfois non seulement sur les muscles, mais aussi sur le système

nerveux central ou périphérique : les amyotrophies progressives, mala-

dies du développement, peuvent donc être aussi myélopathiques ou

myélo-neurotiques; dans cette classe, il faut, compter les amyotrophies

Charcot-farie, Werdnig-Iloffmann, et la névrite interstitielle hypertro-

phique, décrite par Gombault, Dejerine et Sottas, Pierre Marie.

Nous tracerons un tableau des diverses amyotrophies d'après la classi-

fication suivante :

I. Atrophies musculaires dites primitives, progressives, géné-

ralisées :

A) Atrophies, maladies du développement, d'origine congénitale, atrophies

de l'enfance et de l'adolescence :

a) myopathiques : toutes les formes des myopathies : paralysie pseudo-hypertro-

phique de Duchenne; Leyden-Moebius; scapulo-humérale, juvénile d'Erb;

facio-scatntlo-humérale de Landouzv-Dejerinc.

h) myélopathiques et myélo-neurotiques : type Charcol-Marie; type Wl'I'llnig-

Houmann ; type Gombault, Dejerine-Sotlas, Pierre Marie (névrite interslitielle

hypertrophique).

B) Atrophies acquises, atrophies de l'adulte :

Myélopathiques : type Duchenne-Aran : sclérose latérale amyotrophique : syringo-

myélie; pachvméningite cervicale hypertrophique; certains cas de lèpre

nerveuse, de méningo-myélite syphilitique, de tabès, de sclérose en piques,

de névrites ? ; poliomyélite antérieure chronique ? ' ?

IL Atrophies musculaires secondaires :

A) Consécutives à une lésion locale :

a) Atrophies par lésions vasculaires.

b) Atrophies dites « réflexes » : d'origine articulaire : arthrites, luxations, contu-

sions ; '

d'origine tebarticulaire : muscle : traumatisme, compressions, coup de fouet;

os : fractures, ostéites; téguments : plaies; - séreuses : atrophies

pleuréliques, etc.

4. Rahinski et ONAoFF. Myopathie progressive primitive. Sur la corrélation qui existe

entre la prédisposition de certains muscles 1. la myopathie et la rapidité de leur dévelop-

pement. Soc. de biologie, 1888.

ATROPHIES MUSCULAIRES PRIMITIVES PROGRESSIVES. 665

B) Consécutives à une paralysie :

a) D'origine médullaire : paralysie spinale infantile ; paralysie spinale aiguë de

l'adulte ; liématomyélie ; myélites.

b) D'origine cérébrale : paralysies cérébrales infantiles : hémiplégie, etc.; hémi-

plégie de l'adulte.

c) D'origine périphérique :

1. Lésions traumatiques des nerfs, des plexus* des racines : sections, plaies, con-

tusions, compressions, élongalions.

2. Lésions inflammatoires : névrites infectieuses, toxiques.

a) Névrite infectieuse de cause externe : névrite ascendante.

p) Névrites infectieuses et toxiques de cause interne : infectieuses : lèpre,

. béribéri; toxi-infectieuses : diphtérie, fièvre typhoïde, tuberculose, grippe,

variole, paludisme, streptococcie, etc. ; toxiques exogènes : alcool,

plomb, arsenic; toxiques endogènes (auto-intoxication) : diabète, goutte,

rhumatisme chronique, cancer, cachexies; tabétiques (infectieuses ? ).

d) D'origine fonctionnelle : hystérie.

LI"- ATROPHIES MUSCULAIRES PRIMITIVES PROGRESSIVES

Toutes les atrophies musculaires progressives peuvent aboutir à la dis-

parition plus ou moins complète de presque toute la musculature. de

sorte que, à l'examen d'un amyotrophique arrivé il une période avancée,

il peut être impossible de reconnaître quelle a été la forme de 1 amyotro-

phic; c'est l'étude des antécédents et du mode d'évolution qui permet

seule une différenciation et un diagnostic parfois plus rétrospectif qu'ac-

tuel : c'est sur cette étude qu'est basée la description des amyotrophies

progressives.

A. - ATROPHIES MUSCULAIRES PROGRESSIVES DE L'ENFANCE

ET DE L'ADOLESCENCE

Atrophies maladies de développement

(d'origine probablement congénitale).

Le caractère capital de ces affections, celui qui en l'ait vraiment un

groupe il part et qui permet de les considérer comme dues il un trouble

congénital de la nutrition, c'est leur caractère héréditaire ou familial.

C'est ce caractère qui rapproche des amyotrophies progressives dont

l'anatomie pathologique a dès maintenant montré la dissemblance, il

savoir : les myopathies avec toutes leurs formes topographiques. ks amyo-

trophies progressives d'origine spinale ou myélo-névritiques Charcot-

Marie. Verdni-IIo(l'Inann, Gomhault-Dejerine.

Connue toutes les affections héréditaires ou familiales, maladie de

Fl'icdreich, bérédo-ataxie cérébelleuse, etc.. ces amyotrophies débutent

presque toujours dans l'enfance ou dans l'adolescence : ce début pré-

coce est un caractère de première importance pour le diagnostic. Il

[A. LÉRL

0''6 ATROPHIES MUSCULAIRES.

semble môme y avoir une relation étroite entre la netteté du caractère

héréditaire et l'âge de début de la maladie : la' maladie débute d'autant

plus tôt que son caractère héréditaire est plus constant, et cela quel que

soit le siège de la lésion. C'est ainsi que l'atrophie Werdiii,-I-Ioffrriaiin,

myélopathie, la paralysie pseudo-hypertrophique et la forme Leyden-

Moebius, myopathies, qui débutent le plus souvent dans la première

enfance, sont aussi les formes d'amyotrophies progressives le plus con-

stamment héréditaires : ce sont aussi ces formes dont d'ordinaire l'évolu-

tion est la moins lente et la plus grave. Immédiatement après, à la fois

comme précocité et comme fréquence de l'hérédité, viennent l'atrophie

facio-scalntlo-Inunérale de Landouzy-Dejerine, myopathie, et l'atrophie

Charcot-Marie, myélopathie : ces affections débutent le plus souvent

dans la seconde enfance, elles sont le plus souvent héréditaires, plus

souvent encore, familiales. Enfin, la forme scapulo-humérale d'Erb de la

myopathie et la névrite interstitielle hypertrophique débutent le plus

souvent pendant l'adolescence : c'est dans ces affections que manque le

plus fréquemment l'hérédité, dans le plus grand nombre des cas.

Dans l'ensemble, les myopathies, dont la forme la plus commune est la

forme facio-scapulo-humérale, sont héréditaires, d'après la statistique de

Erb ('), dans 56 pour 100 des cas; l'amyotrophie Charcot-Marie l'est plus

souvent encore, puisque, d'après le mémoire de Sainton (2), 59 familles

fourniraient un total de plus de 100 cas; dans les rares cas jusqu'ici

signalés l'atrophie Werdnig-IIoffmann s'est toujours montrée héréditaire

on familiale, la névrite interstitielle hypertrophique rarement. r

Dans 15 familles, Erb a pu suivre l'hérédité des myopathies il travers

deux jusqu'à cinq générations; dans une seule l'arnillellcrrinbltam a pu

compter '26 cas d'amyotrophie Charcot-Marie plus ou moins caractérisée.

Un fait à remarquer, c'est que les formes de myopathies qui débutent

généralement le plus tardivement, comme la forme juvénile d'Erb, sont

aussi celles qui paraissent le plus volontiers sauter une génération; il

semble que, dans ces formes, les sujets puissent rester pendant toute leur

existence comme « en puissance » de myopathie : c'est peut-être à ce

l'ail qu'est dû en partie le caractère apparemment peu héréditaire de ces

variétés il début tardif. Ce sont aussi ces formes qui paraissent se trans-

former le plus volontiers : c'est ainsi qu'Erh cite plusieurs sujets atteints

d'atrophie juvénile dont les enfants ont été atteints de myopathie facio-

scalmlo-humérale ; l'inverse parait être beaucoup plus exceptionnel. Cette

transformation héréditaire se limite aux différentes formes de myopa-

thrips : on n'a pas signalé jusqu'ici d'amyotrophie héréditaire myélopa-

tlriclne chez les ascendants de myopathique ou chez leurs descendants;

cela tient peut-être seulement au nombre encore relativement petit des

cas connus d'atrophie Charcot-Marie, Werdnig-Ilolfmann et Gombault-

1. Eun. Dystl'ophia muscularis progressiva. D. Zeilsclt. f. Nervenheilk. 1801.

2. Sainton". Th. Paris, 18'Jil.

ATROPHIES MUSCULAIRES PRIMITIVES PROGRESSIVES. G 157 7

Dejerine, car l'amyotrophie Aran-Ducllenne, type ordinaire des atrophies

progressives acquises et non héréditaires, a été signalée chez, le père de

deux myopathiques (Cénas et Douillet) ('), dans la famille de plusieurs

myopathiques (Yiard) (2) : peut-être aussi ne s'agissait-il dans ces der-

niers cas que d'une coïncidence fortuite. ,

L'hérédité est donc le plus souvent, chez les amyotrophiques, homo-

logue au sens strict du mot, c'est-à-dire que les malades et leurs descen-

dants sont atteints de la même forme d'atrophie; chez les myopathiques,

elle peut être homologue dans le sens le plus large, c'est-à-dire qu'un

myopathique peut donner naissance à un sujet qui se trouve atteint d'une

autre variété de myopathie. Dans un bon nombre de cas, il y a seule-

ment une hérédité neuropathique, et l'on trouve chez les malades, chez

leurs ascendants ou leurs collatéraux, des troubles mentaux, l'idiotie

(Duchenne, Langdon-Down, Mobius, Yizioli, etc.), des convulsions et

de l'épilepsie (Erb, Virioli, Landouzy et Dejerine, P. Marie et Guillon,

Sehultz, Spillmann et llansltalier, Pennato, etc.), l'hystérie, la chorée,

des psychoses diverses, etc. ; l'existence fréquente de ces antécédents

héréditaires ou personnels neuropathiques est bien en faveur de la théorie

des amyotrophies héréditaires maladies de dégénérescence, d'origine

conceptiollnelle ou héréditaire (Jouroy) (5).

Enfin, dans quelques cas, on ne trouve même pas une hérédité aussi

indirecte, amyotrophie progressive, même sous sa forme habituellement

héréditaire, paraît bien être acquise. L'alcool et la syphilis ne paraissent

pas, d'après Erb, jouer un rôle dans la palhogénie de ces affections.

Touche a signalé un cas avec autopsie de myopathie qui aurait été consé-

cutive à une intoxication mercurielle (1). Le traumatisme aurait peut-être

plus d'influence (Lion et Gasne (5). ,Jofl'roy). C'est surtout, non exclusive-

ment, dans ces cas qui ne semblent pas héréditaires ou familiaux, que

l'affection débute plus tardivement (2J ans dans un cas de Lion et Gasne,

45 et 40 ans dans deux cas d Erb. 48 ans dans un cas de paralysie pseudo-

hypertrophique de JlIIlC Sacara, 50 ans dans un cas de Pick (6), Gï ans dans

un cas de Linsmayer) (7).

Ces cas exceptionnels d'affections non héréditaires et à début tardif

n'infirment en rien la régie : il existe toute une classe d'amyotrophies

progressives, avec ou sans lésion nerveuse centrale ou périphérique, qui

sont héréditaires ou familiales et dont le début se fait pendant l'enfance

ou l'adolescence.

Nous ajouterons un caractère accessoire, l'influence très marquée du

1. Clh\s et Doun.t.MT. Loirc incil. 1 ? juillet 18'Jà.

2. Viahii. 7 ? Paris, '1 HOU,

r). JiiFFiioï. Les myopsychies. Ill'I'. 1/('1/1'111., I ! 102.

L 'l'urnut : . Soc. méd. hôp., Iii l'vrier lll0` ? .

. Lion et h.vsw : . Suc. merl. hop., 10 janvier 1002.

6. F. Pick. 1). Zeiisch. f. IVerucnhcillc.. l ! 1U0.

7, tX.SMAYE) ! . Wicller Klie. Woch., 11 ! ll.

IA. LÈRI-1

C68 ATROPHIES MUSCULAIRES.

sexe : les amyotrophies héréditaires frappent avec une grande prédilec-

tion le sexe masculin. Cette prédilection est maxima pour la paralysie

pseudo-hypertrophique : cette affection ne frappe que 10 ou 11 filles sur

100 malades (Marinesco) ('), Gowers admet une fille sur 4 malades,

.\['ne Sacara n'a observé qu'une jeune fille sur 15 sujets atteints de cette

maladie (=). On voit assez souvent dans les familles la paralysie pseudo-

hypertrophique atteindre presque exclusivement les garçons; Méryon a

rapporté l'observation d'une famille où 4 frères ont été frappés, les

4 soeurs restant indemnes ; l3untinb a plus récemment fourni une obser-

vation très analogue (3),

L'affection se transmet parfois par les femmes alors qu'elles-mêmes en

restent épargnées (Juglis). La propagation se fait d'autant plus facile-

ment par les femmes que, quand elles sont, atteintes, la maladie est sou-

vent plus tardive et plus lente, et qu'elle débute assez souvent il 20 ans

et plus lard (Friedreich, Lutz, Eulenburg, Singer, Westphal, Suc-

kling) ( ? ).

La prédilection pour le sexe masculin est encore très marquée dans le

type Leyden-Moebius et dans le type Erb, elle semble l'être moins dans la

forme Landouzy-Dejerine.

L'amyotrophie Charcot-Marie est cinq fois plus fréquente chez les gar-

çons que chez les filles, il y a des familles où le sexe féminin jouit d'une

véritable immunité. L'atrophie Werdnig-llotfmann a été jusqu'ici observée

plus souvent chez des garçons, ainsi que la névrite interstitielle hyper-

trophique.

A. - MYOPATHIES (5)

En dehors des caractères que nous venons de signaler (âge, hérédité,

sexe), qui leur sont communs avec les atrophies héréditaires myélopa-

thiques et névritiques, les atrophies myopathiques présentent un certain

nombre de caractères particuliers : les uns, principaux, quoique non

constants ni spécifiques, se constatent au niveau de la musculature

même; les autres, moins fréquents, se rencontrent au niveau de tous les

tissus et semblent démontrer que l'affection est une maladie de dégéné-

rescence « beaucoup plus générale que son nom ne l'indique » (lleije).

1. Mahinksco. Traité Brouardel-Gilbert, I. \, p. 805.

2. Sacaha. Th. Bucarest, 1895.

"). l3uvrmc ? ouf. neru. and ment, dis., juin 1 ! )Q;¡.

4. Suc : hi.ms. Biil. méd...1. 1889.

5. On a pris l'habitude de réserver la dénomination des myopathies aux amyotrophies

progressives non consécutives à une altération du système nerveux. Tous les étals patho-

logiques des muscles ne sont pourtant pas atrophiques, et il serait juste de désigner sous

ce nom un ensemble plus étendu de faits où entreraient, par exemple, la myotonie de la

maladie de Thomsen et la myoplégie de la paralysie familiale périodique, affections

auxquelles Oddo donne le nom de « myopathies familiales paroxystiques » (Revue 11811-

rologique, 1902).

MYOPATHIES. sao

Symptômes musculaires.

Les caractères ordinaires de l'atrophie myopathique sont les suivants :

absence de contractions fibrillaires, mélange en proportions variables

dans les mêmes muscles de l'atrophie et de l'hypertrophie vraie ou fausse,

rétractions fibre-musculaires, modifications quantitatives sans modifica-

tions qualitatives de l'excitabilité électrique, conservation des réflexes

tendineux proportionnellement à la conservation des muscles correspon-

dants, début de l'atrophie par la racine des membres, évolution très

lente. Nous allons les passer rapidement en revue et en indiquer la

valeur. .

L'absence de contractions fibrillaires a été considérée comme un bon

signe différentiel des amyotrophies protopalhiques. Pourtant nombre d'ob-

servateurs, Zimmerlin, Hitzig, Oppenlieimer, etc., ont signalé l'existence

de contractions fibrillaires dans les muscles des myopathiques. Nous

avons nous-mème examiné à ce point de vue dix myopathiques : chez

deux malades nous avons constaté des contractions très nettes, trois au-

tres malades nous en ont décrit très clairement l'existence passagère, bien

que nous n'ayons pu les retrouver au moment de notre examen ('). Des

contractions fibrillaires existent donc assez fréquemment chez des myo-

pathiqnes : certains muscles y semblent particulièrement prédisposés,

quelle que soit la cause de l'atrophie, tels les deltoïdes, les muscles pos-

térieurs et internes de la cuisse. D'autre part, certainement plus fré-

quentes dans les atrophies d'origine spinale, elles n'y sont cependant

nullement constantes, ainsi que Duchenne l'avait déjà remarqué; en

particulier elles ont manqué dans la plupart des cas d'atrophie Werdnig-

Hofïmann jusqu'ici signalés.

Dans tous les muscles atrophiés, quelle que soit l'origine de l'atrophie,

il existe histologiqucment des libres hypertrophiées (Erb), mais c'est seu-

lement dans les myopathies que leur nombre devient assez considérable

pour que 1 hypertrophie puisse être cliniquement reconnue. L'hyper-

trophie d'un muscle peut dans ce cas être totale ou partielle.

L'hypertrophie totale, avec augmentation de la force musculaire, a été

admise par Erb,; elle serait transitoire et ferait généralement place à

l'atrophie : elle siégerait surtout aux membres supérieurs sur le deltoïde,

les sus- et sous-épineux, le biceps, aux membres inférieurs sur les

jumeaux, le tenseur du fascia lata et le couturier; elle serait un élément

important et caractéristique de la forme juvénile d'Erb. En réalité, l'hyper-

trophie a été signalée depuis le mémoire d'Erb dans des formes diverses

de la myopathie, et en particulier dans la variété facio-scapulo-buniérale

où Erb la croyait toujours absente. D'autre part, Roth (de Moscou), Mari-

nesco croient qu'il n'existe jamais d'hypertrophie vraie totale d'un muscle

1. t ? m. Ret. nctcrnl., a0 ,juin 1 ! 101.

, [A. LÉRL]

670 ATROPHIES MUSCULAIRES.

dans la myopathie, et cela non seulement au point de vue anatomique,

mais encore cliniquement ; pour Roth, l'hypertrophie totale serait plus

,apparente que réelle et due à la fois à une hypertrophie partielle et à

une partielle atrophie en longueur.

L'hypertrophie partielle des myopathies peut atteindre les muscles

soit dans une partie de leur épaisseur, soit dans une partie de leur lon-

gueur : certains faisceaux peuvent être hypertrophiés en entier au milieu

de faisceaux atrophiés et former à l'oeil, à l'état de repos ou surtout

pendant la contraction, des cordes saillantes épaisses ; d'autres faisceaux

peuvent être hypertrophiés dans une partie seulement de leur longueur,

alors qu'une extrémité ou les deux extrémités sont au contraire atrophiées :

c'est ce que Roth a dénommé l'atrophie longitudinale. La conséquence

de cette double altération est l'apparition sur certains muscles, le deltoïde

tout particulièrement, de boules ou de bosses contractiles : ces saillies

sont fréquentes, mais non constantes, dans la myopathie ; quand elles

existent, elles auraient, d'après Dejerine, une valeur diagnostique consi-

dérable, car on ne les rencontrerait pas dans les atrophies d'origine

nerveuse.

Le tissu cellulo-graisseux peut non seulement se substituer au tissu

musculaire, mais encore en dépasser de beaucoup la quantité : il en ré-

sulte une pseudo-hypertrophie, avec grosse diminution de la force du

muscle. La pseudo-hypertrophie est assez importante pour caractériser

une des formes de la myopathie, la paralysie pseudo-hypertrophique ; elle

est très fréquente dans la forme d'Erb, mais elle ne fait absolument dé-

faut dans aucune des formes de la myopathie ; en revanche elle n'est

constante dans aucune d'elles ; dans la paralysie pseudo-hypertrophique

même, la pseudo-hypertrophie peut manquer, on a alors affaire à la forme

dite Leyden-Wibius. Certains muscles y sont tout particulièrement pré-

disposés, tels les jumeaux, le biceps crural, les fessiers, le deltoïde. La

pseudo-hypertrophie est d'ordinaire transitoire et fait place à un moment

donné à l'atrophie ; un certain nombre de muscles paraissent être toujours

atteints d'atrophie dès le début, tels les muscles du bras et le long exten-

seur, le grand pectoral et le grand dorsal ; Duchenne a pourtant signalé

un cas où tous les muscles étaient pseudo-hypertrophiés, sauf le grand

pectoral, mais c'est un cas jusqu'ici unique. Fréquente, mais nullement

constante dans les myopathies, la pseudo-hypertrophie n'en est aucune-

ment caractéristique ; on ne la trouve guère, il est vrai, daus les amyo-

trophies spinales progressives, mais on la trouve assez souvent au niveau

des muscles atrophiés à la suite d'une paralysie, de la paralysie infantile,

par exemple. Gordon (') a signalé récemment la pseudo-hypcrtrophie

des mollets dans un cas d'amyotrophie Charcot-Marie ; elle n'existait

dans aucun des cas relevés par Sainton.

Des rétractions de certains muscles peuvent exister dans toutes les

1. (;OIIfJON. J. o/' ne1'U. a. ment, dis., juin 1905.

' MYOPATHIES. 671 1

formes de myopathies : elles sont surtout fréquentes dans la forme Lan-

douzy-Dejerine (Friedreich, Landouzy et Dejerine) ('), ainsi que dans la

paralysie pseudo-hypertrophique (Marinesco). Leur cause serait à la fois

dans la transformation fibreuse des extrémités des muscles (Roth (2),

Dejerine) (3) et, au préalable, dans la prédominance d'action des muscles

qui se rétractent sur leurs antagonistes plus précocement atrophiés

(Blocq ('), Sacara). Les rétractions affectent tout spécialement certains

muscles, .le triceps sural, le biceps

brachial, le biceps crural ; aussi elles

déterminent certaines déformations

caractéristiques, le pied bot équin ou

varus, la rétraction de l'avant-bras sur

le bras, la rétraction de la jambe sur

la cuisse. La palpation des muscles

rétractés donne une sensation de dureté

particulière, de corde tendue, soit

pendant la contraction active des mus-

cles, soit quand on cherche à vaincre

passivement la rétraction. Certaines

des déformations peuvent être très

précoces, et le pied-bot, par exemple,

peut être révélateur d'une myopathie

commençante (Hahn (5), Schlesinger(6).

Les rétractions peuvent être étendues

à d'autres muscles et déterminer la

flexion permanente de la cuisse, le

genuvalguin, le pied valgus, le pied

plat, etc. ; elles peuvent être presque

généralisées (Scherb ('), Cestan et

Lejonne) (8). Cestan et Lejonne ont

donne 1 observation de deux frères myopathiques chez lesquels on lpeut

dire qu'il existait une véritable tendance familiale aux rétractions géné-

ralisées. Les rétractions fibro-musculaires sont bien loin d'être constantes

dans les myopathies, mais leur existence aurait une certaine valeur diag-

nostique, car on n'en rencontrerait guère dans les amyotrophies progres-

sives d'origine myélopathique; en revanche elles ne sont pas rares dans

les atrophies localisées consécutives à une paralysie.

L'examen électrique des muscles des myopathiques montre d'ordinaire

1. Landouzy et Dejeiune. Rev. ttccl., 1885.

2. HOTII. Soc. biol. 188G. Ziegler's Beitrage xK) ? o ? 4 ? 18'Ja.

5. DHarnmr. Soc. biol, t 886.

4. IkocQ. Th. Paris, 1888.

5. Haiin. D. Zeitsch. f. Nervenheillc, 1000.

fi. SCIILES11GEIt. Wiell. Med. Club, oct. 1899.

7. SciiEitit. Rev. nenr., ')000..

8. CESTAN et Lejonne. Rev. tieurol., 15 novembre 1901. lcoh. Salpèlr., 1902.

[A LÉRl.]

Fig. 1. - Myopathie. L'affection a envahi

les membres inférieurs, puis les mem-

bres supérieurs. Pieds-bots varus-équins

par rétractions filJI'o-lendineuses.

1172 ATROPHIES MUSCULAIRES.

une diminution de l'excitabilité proportionnelle il l'atrophie des

muscles considérés; les contractions minium apparaissent pendant long-

temps avec des intensités de courant presque normales, mais les contrac-

tions avec des courants plus forts sont diminuées d'étendue et de puis-

sance (Iluet) ('); il n'y a pas de modification qualitative, pas de réaction

de dégénérescence. Ces règles souffrent cependant des exceptions. C'est

ainsi que Brissaud et Allard (2), lluet (3) ont rapporté des observations

de myopathiques dont les muscles, même les plus manifestement atro-

phiés, avaient présenté une réaction électrique normale. Quant à

l'absence de réaction de dégénérescence, elle avait été longtemps consi-

dérée comme signe caractéristique de l'atrophie d'origine musculaire; or

les observations se multiplient aujourd'hui où la réaction de dégéné-

rescence est signalée dans les myopathies; Erb a cité dans son mémoire

les observations de Zimmcrlin, lleubner, Erb, Landouzy et Dejerine,

Oppenheimer. Eisenlohr, von Roon, Prager, Schenk ; plus récemment

Brissaud, Spi 11mann (4), Abadie et Denoyès (), lluet ont également con-

staté des modifications qualitatives au niveau de certains muscles de

myopathiques. Il semble bien que l'on doive admettre pour expliquer

cette réaction de dégénérescence une participation, au moins accessoire,

du système nerveux; des expériences récentes de Babinski (6), qui a

constaté cette réaction anormale dans des muscles normaux une heure

et demie ou deux heures après la mort, paraissent en effet démontrer

que la réaction de dégénérescence ne dépend pas de modifications histo-

chimiques des muscles dont les nerfs sont dégénérés, mais qu'elle est la

réaction propre aux fibres musculaires se contractant d'une manière indé-

pendante, sous l'influence des excitations électriques, quand l'excitabilité

électrique des nerfs est aholie. La modification qualitative de l'excitabilité

galvanique indiquerait donc certainement une altération, au moins fonc-

tionnelle, du système nerveux. Mais si la présence de cette réaction a

véritablement une grosse valeur pour indiquer une altération nerveuse,

son absence n'en a aucune pour éliminer l'idée de lésion nerveuse : la

preuve en est que dans les amyotrophies d'origine spinale ou neuroliquc.

c'est seulement dans quelques muscles qu'on la rencontre en général, et

très fréquemment dans aucun.

L'opinion classique admet que, dans les myopathies, les réflexes ten-

dineux sont intacts, diminués ou abolis proportionnellement il.. l'atro-

phie simple ou pseudo-hypertrophique des muscles correspondants :

ainsi le réflexe rotulien serait conservé quand le quadriceps crural est

indemne, les réflexes achilléen ou olécrànicn seraient conservés au pro-

1. IIcn. Icoa. Snlpc(r.. 989 ! E. ,

2. Riiissauii et AU.AH". Soc. neurol., 5 décembre 1901.

5. Ile et. Soc. neurol.

4. 81'11.1,)11'\ : \, Soc. 11léd., Nancy 1899.

5. An : un : et Denoyès. Icon. ,Snlpclr., 1900.

li. l3 : wmsxr. Soc. biol., 6 mai 18 ! )(J.

MYOPATHIES. 075.

rata de la conservation du triceps sural on du triceps brachial. En réalité,

dans un très grand nombre de cas il n'en est pas ainsi. Dans leur nie-,

moire de 1885, Landouzy et Dejerine (') avaient noté que le réflexe

patellaire avait disparu avant toute trace d'atrophie des muscles de lai

cuisse dans deux cas sur cinq; Erb a signalé dans ses observations''

l'abolition du réflexe rotulien bien plus fréquemment que l'atrophie du

quadriceps. Pour ce qui est du réflexe oticranien, quatre observations

d'Erb, une d'Hoffmann notent son abolition alors que la force du triceps

brachial est conservée; P. Marie et Guinon signalent que dans un cas les

réflexes sont absents aux coudes bien que « la contraction du triceps soit

énergique et résiste très notablement aux mouvements passifs ». Mme Sa-

cara a fait des constatations analogues. Nous avons 170uS-I11P1118 C) constaté

chez trois myopathiques l'abolition des réflexes soit rotuliens, soit achil-

léens, soit 'Il cils, alors que les muscles correspondants paraissaient

encore en parfait état. Marinesco (3) a confirmé ces constatations, mais

ne croit pr,, que de celte discordance entre la diminution des réflexes et

la conservation des muscles on puisse conclure il l'intervention du sys-

tème nerveux; c'est au contraire, d'après lui, dans des altérations mus-

culaires précoces en rapport avec ces réflexes qu'il faudrait chercher la

cause de cette abolition. Son hypothèse nous paraîtrait fort plausible si

les réflexes ne conservaient parfois une assez grande intensité au niveau

des muscles qui sont déjà manifestement très atrophiés et qu'on a tout

lieu de supposer vraiment plus malades que des muscles en apparence

sains, non seulement par leur volume, mais encore par leur puissance.

De plus les réflexes disparaissent parfois dans certains muscles que l'atro-

phie est encore loin d'atteindre; c'est ainsi que nous avons pu constater

l'abolition des réflexes achilléens chez un myopathique facio-scapulo-

huméral, alors que les muscles, non seulement de la jambe, mais de la

cuisse même ne présentaient encore aucune apparence d'atrophie et que

le réflexe rotulien subsistait encore, quoique faible : or la progression

normale des myopathies se fait de la racine des membres vers leur extré-

mité et, pour ce qui était des membres supérieurs, jusque-là seuls atro-

phiés, notre malade ne faisait pas exception il la règle.

Les rélïexes sont donc fréquemment diminués ou abolis dans les myo-;

pathies, même quand les muscles correspondants ne sont pas ou ne I

paraissent pas atrophiés ; ces modifications sont plus fréquentes peut- i

être dans les atrophies d'origine nerveuse, mais elles sont loin d'y être i

constantes. .

L'atrophie des myopathiques frappe d'ordinaire d'abord les muscles

les plus rapprochés de la racine des membres soit supérieurs, soit

inférieurs, et gagne progressivement les extrémités en restant pendant

très longtemps plus accusée à la racine. Cette règle souffre pourtant

1. Laxpouzy et Rkjeiunk. Ilca. méd., 1885.

2. UnI. lier, neural.. 1901.. , .

71, )Isr;mr.co. Traité Brouardel-Gilbert, X, p. î2`>. , ... .

PHATIQUE NEl'I\OL. 43

[A. LÉRI. ]

674 ATROPHIES MUSCULAIRES.

des exceptions : tel le cas, suivi d'autopsie, d'Oppenheim et Cassirer (')

où l'atrophie s'était localisée aux membres inférieurs dans le domaine

des nerfs péroniers, aux membres supérieurs dans une partie des petits

muscles de la main et, plus tard, dans le triceps et le long supinateur;

tel aussi le cas de Dejerine et Thomas (2), également suivi d'autopsie, où

la topographie de l'atrophie était celle de l'atrophie spinale Aran-

Duchenne typique. Dans ces deux cas d'ailleurs l'allection avait débuté

très tardivement, indépendamment de toute influence héréditaire ou

familiale, et d'autres symptômes (réaction de dégénérescence dans le

premier cas, contractions fibrillaires dans le second) avaient fait penser

à l'existence de lésions nerveuses dont l'autopsie a révélé l'absence ou

du moins l'inaccessibilité aux moyens ordinaires d'investigation. Plus

récemment, Gowers a décrit une « forme distale » de la myopathie (3),

Quoi qu'il en soit, le début de la myopathie par l'extrémité des mem-

bres est très exceptionnel ; le début, des amyotrophies d'origine nerveuse

par la racine des membres est aussi exceptionnel ; on en a cependant

signalé des exemples dans la poliomyélite chronique, la sclérose latérale

amyotrophique, la syringomyélie (Schlesinger, Dejerine et Thomas), dans

la paralysie infantile, dans certaines atrophies névritiques ; enfin l'évolu-

tion de la racine vers l'extrémité est la marche normale de l'atrophie

myélopathique Werdnig-lIof1'mann.

L'évolution des diverses formes de la myopathie est en général d'une

grande lenteur, elle progresse pendant de longues années; la myopa-

thie ne diffère pas à cet égard de la presque totalité des affections héré-

ditaires d'origine congénitale. Pourtant la lenteur est variable suivant les

formes; la paralysie pseudo-hyperlrophique, qui est la plus précoce,

puisqu'elle débute d'ordinaire dès la première enfance ou le commen-

cement de la seconde, est aussi la plus rapide. Les amyotrophies pro-

gressives de cause nerveuse évoluent en général plus rapidement; pour-

tant l'amyotrophie Charcot-Marie progresse d'ordinaire très lentement et

beaucoup de malades arrivent à un âge avancé ; l'amyotrophie syringo-

myélique dure aussi de très nombreuses années; les amyotrophies consé-

cutives à une paralysie (paralysie infantile, hémiplégie, etc.), n'ont pas

par elles-mêmes d'influence sur l'évolution de la maladie première.

Tels sont les caractères ordinaires de l'atrophie myopathique ; comme

on le voit, aucun d'eux n'est constant et tous peuvent s'observer clans

les atrophies de cause nerveuse. Le diagnostic résultera d'une pari de

la réunion plus ou moins complète de ces caractères, d'autre part de

la distribution et de l'évolution de l'atrophie qui ont permis d'en

décrire des variétés topographiques différentes, enfin de la constatation

d'un ensemble de symptômes, plus ou moins constants, portant sur tous

les tissus, os, articulations, peau, système vasculaire, système nerveux,

1. Oppenheim et Casshikii. D. Zeilsch. f. Ne¡'venheilk, 1896.

2. DEJEIIEOE et Thomas. Rev. neurol., 1904, p. 1187.

5. GowEns. Bril. med. J., 12 juillet 1902.

MYOPATHIES. 675

muscles, symptômes accessoires qui démontrent seulement que la myo-

n est une lI1alilllie du développement, C011â111aIet 111\rèditail'(,

q1 ! i.Ji-a.p'aSJJo ! ! J... unÙ¡uemf¿JIl SlOE ? le .lyslème musculaire, Nous étudie-

rons d'abord ces symptômes accessoires, puis nous passerons rapide-

ment en revue la distribution et l'évolution de l'atrophie dans les diffé-

rents types.

Symptômes non musculaires.

(Signes accessoires de dégénérescence.) '

Les os paraissent présenter fréquemment des troubles trophiques, mais

leur recherche n'a encore été faite que rarement. Fricdreich, Le Gendre,

Sclluitze (1), Lloyd(2) ont publié

des observations où l'atrophie

des os se trouve signalée. llal-

lion a rapporté l'observation

d'un malade chez lequel la fra-

gilité des os avait amené une

fracture spontanée du fémur (3).

Récemment P. Marie et Crou-

zon (`) ont publié l'observation

d'un malade dont l'humérus

avait, à l'examen radiographi-

que, le diamètre du médius d'un

homme normal; cet os s'était

fracturé spontanément, ou du

moins sous l'influence d'un trau-

matisme minime.

C'est sans doute à une sem-

blable atrophie osseuse, à un

processus plus ou moins ostéo-

malacique qu'il faut attribuer

pour 'une grande part des dé-

formations très fréquentes du

thorax et du crâne des myopa-

tliiques, déformations qui ne

sont certainement pas sous la dépendance, du moins exclusive, des

atrophies musculaires. Guinon et Souques ont, les premiers, signalé

un aplatissement dtél'o-postérieu1> du thorax sur la fréquence

et l'importance duquel P. Marie a appelé l'attention ; cet aplatisse-

ment peut être tel que le diamètre antéro-postérieur n'atteigne que

.1 ScuuLVZn. D. Zeilsch. y. Neruenh., lld \I1', IS97.

2. LLOYD. J. o/'nerv, and. ment, dis., oct. 1884.

5- Haixion. France méd., 20 novemhre 1591.

t. M,\mE et Cnouzoe¡. Soc. neuf., 1905.

[A. LÉRIJ

Fig. 2. Mynpatlnqlle avec a thorax en taille

de guêpe ». (Pierre Marie.)

670 ATROPHIES MUSCULAIRES.

la moitié seulement du diamètre transversal. Les clavicules sont sril-

lantes au-dessus des côtes, mais on n'observe pas la dépression mé-

diane de la partie supérieure de la cage sterno-costale, qui donne au

thorax l'aspect « en bateau » tout spécial à certains syringomyéliques

(P. Marie et Astié). La conséquence de l'aplatissement thoracique. qui

rapproche le sternum du rachis, est d'exagérer l'obliquité des côtes, y

compris les côtes inférieures qui ne sont pas reliées au sternum ; la con-

séquence de cette obliquité excessive des côtes est à son tour de conser-

ver au thorax à peu près la même largeur dans sa partie inférieure que

dans sa partie supérieure ; aussi au-dessous des fausses côtes les hvpo-

chondres forment parfois un angle rentrant brusque, en coup de hache;

le tronc prend alors un aspect spécial, désigné de façon très justement

imagée par Pierre Marie sous le nom de « thorax en taille de guêpe».

Peut-être l'atrophie de certains muscles abdominaux entre-t-elle aussi,

accessoirement, dans la pathogénie de cette déformation.

On constate assez fréquemment chez les myopathiques une dépression

de l'extrémité inférieure du sternum assez analogue à celle du thorax en

entonnoir.

Le thorax est quelquefois non seulement aplati, mais encore déjeté

latéralement (Guinon et Souques, Grasset).

Ces modifications s'accompagnent souvent de déformations vertébrales.

Sans parler de la lordose lombaire et de la cyphose dorsale de compen-

sation dues à l'atrophie des muscles des gouttières vertébrales et de la

masse sacro-lombaire, qui sont des attitudes paralytiques et non des

déformations vraies, on constate fréquemment chez les myopathiques

l'existence d'une déviation latérale, d'une scoliose. La scoliose peut être

parfois très accentuée, connue chez les malades de Sacaze ('), de P.

Marie e), de Scherb (5) ; il est possible que l'atrophie musculaire ait une

certaine action sur la production de cette déformation, mais il semble

certain qu'un trouble trophique de la colonne vertébrale est indispensable

pour l'accentuer au degré où on le rencontre parfois.

Dans toutes les formes de myopathie, et en particulier dans la l'orme

scapulo-huméralc et dans la paralysie 1»cudo-lrypertrol>liclue (Mme Sacara)

où pourtant les muscles de la face ne sont d'ordinaire pas intéressés, on

peut trouver une déformation spéciale du crâne qui a été signalée par

P. Marie et Onanoll' (1). C'est un aplatissement de l'occipital tel que la

partie postérieure de la tète rejoint à angle droit la partie supérieure : au

lieu d'être oblongue, la tête paraît carrée ; la protubérance occipitale

s'efface et la face postérieure du crâne se continue en ligne presque

verticale avec la colonne cervico-dorsale sans l'encoche normale de la

nuque. '

1. Sacaze. Arch. de uerrnol., 1895. "

2. P. Lvm : . Leç. clin, de 1'll(ilel-Dieii, 18 ! je.

5. Scneou. Reu. neural., 1900.

4. Marie el Onanoff. Soc. 11léd. hôl)., 26 février 1891.

., . MYOPATHIES.. ' 677

Une autre déformation du même ordre, que nous avons constatée chez

Un certain nombre de myopathiques, est un aplatissement, très marqué

du bassin. Cet aplatissement n'est pas frappant à première vue, parce

que généralement le bassin bascule en avant à cause de la lordose lom-

baire, ce qui donne aux malades les formes connues de la Vénus Callipyge :

mais quand on mesure au compas d'épaisseur la distance qui sépare

l'épine iliaque antéro-sùpérieure de l'épine iliaque postéro-supérieure

correspondante, on voit qu'elle n'atteint parfois que la moitié presque de

la distance qui sépare les deux épines iliaques antéro-supérieures ; or

à l'état normal la différence entre ces

deux distances n'est que de quelques

centimètres. L'aplatissement du bassin

nous a paru surtout prononcé chez

certains malades qui présentaient un

aplatissement manifeste du thorax.

Des déformations osseuses s'ont à

rapprocher certaines déformations

articulaires qui prennent plus ou

moins l'apparence de luxations ou

de subiuxations ; l'articulation de la

hanche y paraît tout particulièrement

prédis u-ce. D'après de Gauléjac (1), qui

a étudié ia question expérimentalement

au moyen de myotômies pratiquées sur

des lapins et cliniquement par la radio-

graphie, s'agirait non de luxations

vraies par élongation de la capsule et

des ligaments, mais d'une véritable

ostéo-arilirite traumatique produite

par les tractions continues de certains

muscles peu ou pas atrophiés, avec'

épaississement de la capsule et des li-

garnenrs et promeramons aes suriaces osseuses et des attacnes ligament-

teuses. La pathogénie de ces lésions n'est peut-être pas aussi simple chez

des myopathiques que chez des lapins sur lesquels on a pratiqué des sec-

tions musculaires ; deux éléments importants au moins doivent se sur-

ajouter aux lésions musculaires pour produire les altérations révélées par

les rayons X : d'une part un trouble trophique provoquant l'atroplùe des

os et les déformations squelettiques sur lesquels nous avons insisté, peut-

être aussi une élongation ou un épaississement ligamenteux, d'autre part,

pour ce qui concerne la hanche, la bascule du bassin qui tend à le faire

tomber en avant. ' .. ,

La peau des myopathiques est souvent mince, tendue, marbrée, pig-

. 1. De GAULCJAC. Gaz. hôp., 51 janvier 1901..

TA- LEZ.

rig..3.-blopathiqueprésenant unesco-

liose très prononcée avec grosse asymé-

trie - du thorax..

(ii8 ATROPHIES MUSCULAIRES.

montée par places, ou violacée et froide, cela surtout au niveau des

membres les plus atrophiés ; la peau ressemble alors à celle de certains

hémiplégiques ou paralytiques infantiles au niveau des membres para-

lysés et atrophiés. L'érythéme émotif, le dènllographisme sont fréquents.

La transpiration est souvent abondante : chez les 15 sujets atteints de

paralysie pseudo-hypertrophique qu'elle a examinés, Mme Sacara (1 a

toujours constate une hypersécrétion sudorale des mains et des pieds;

l'un d'eux en marchant pieds nus laissait sur le sol l'empreinte humide et

exacte des orteils et de la plante des pieds. La sclérodermie a été signalée

dans un cas de paralysie pseudo-hypertrophique par Ballet et Del-

lierm (9) ; l'épaississement scléreux de la peau était à peu près propor-

tionnel à l'impotence des muscles sons-,jacents.

La graisse n'envahit pas seulement les muscles pseudo-hypertrophiés;

une adipose sous-cutanée s'observe parfois. Il n'est pas rare de constater

chez les myopathiques soit des masses graisseuses localisées, soit une

adipose plus ou moins généralisée. Certains amyotrophiques « prennent

du ventre », et c'est un spectacle bizarre de voir, chez certains sujets à

membres d'araignée, un thorax plat et considérablement émacié sur-

monter un abdomen presque obèse et des fesses fortement saillantes.

L'épaississement adipeux du tissu cellulo-cutané est souvent mou et

mobile au début, il devient plus lard dur, compact, massif, formant ces

blocs scléreux qu'on ne peut ni déplacer ni pénétrer; Meige (3) compare

cette transformation sous-cutanée il celle du trophoedème, que l'on

observerait d'ailleurs parfois dans les antécédents personnels ou hérédi-

taires des myopathiques.

Les dents sont presque chez tous les malades inégales, irrégulières,

striées, dentelées, mal implantées, chevauchant l'une sur l'autre : chez

certains, des dents sont absentes, d'autres ont des dents surnuméraires

(Mine Sacara).

Toutes les glandes peuvent être altérées ; Mme Sacara a noté 1 hyper-

trophie du corps thyroïde dans trois de ses cas, des anomalies génitales

allaient dans un cas jusqu'à l'infantilisme avec monorchidie; le gonfle-

ment des glandes salivaires a été parfois signalé, Clarkc C) a récemment

rapporté l'observation d'un myopathique type Erb qui présentait une

grosse hypertrophie des parotides et des sous-maxillaires.

Guillain (5) a constaté chez G myopathiques une diminution de la pres-

sion artérielle, qui oscillait de 1 a à 14 centimètres de mercure au lien

de 16 à 18, chiffre normal. Cette constatation est à rapprocher de celle de

Costeet Gioja, Hinecker, Gollz. llamond qui ont constaté anatomiqucmcnt

l'hypertrophie du coeur dans la paralysie pseudo-hypertrophique. de

1. Mme Sacaiia. Rl'v. méd., 1894.

2. BALLET et Soc. ¡V1'u/'ol., 2 avril H103.

5. Meige. Soc. Neurol., -2 avril 1905. (Revue Neurol., 190.i, p. H2.)

4. CL : 1R6F.lir : rin, 1905. : i. Guillain. Soc. Neicrol., 2 filai 1901.

MYOPATHIES. 679

Stembo (') qui a constaté cette hypertrophie cardiaque par l'examen ra-

dioscopique, de James Ross (2) qui ri trouvé dans la même maladie des

lésions manifestes des fibres musculaires du coeur, de Mme Sacara qui a

remarqué dans la plupart de ses cas l'augmentation de la fréquence du

pouls et, dans quatre d'entre eux, une irrégularité de rythme et d'inten-

sité des battements du coeur, de Laignel-Lavastine () qui a observé de

l'instabilité cardiaque avec palpitations très violentes. Nous avons nous-

même ausculté avec soin un certain nombre de myopathiques et constaté

chez plusieurs d'entre eux, au niveau de l'orifice, aortique un premier

bruit prolongé et légèrement soufflant qui nous a fait penser à l'exis-

tence d'une sténose. Babès (') et Kalindero ont constaté plusieurs fois des

lésions importantes des artères et des veines musculaires de plusieurs

myopathiques, lésions plus ou moins semblables à celles queMarinesco(3)

a décrites dans les atrophies musculaires plus ou moins localisées qu'il

a dénommées « angiomyopathies ». Ces différentes altérations du système

cardio-vasculaire nous ont paru intéressantes à rapprocher; nous ne

voulons pas insister sur les discussions pathogéniques auxquelles leur

constatation a pu donner lieu.

Le système nerveux des myopathiques n'est pas toujours, tant s'en

faut, cliniducment indemne. Son altération se manifeste surtout par des

troubles psychiques. Les troubles psychiques ont été signalés dans la

myopathie avec une si extraordinaire fréquence qu'il parait vraiment im-

possible de croire, avec Gowers et Oppenheim, qu'ils constituent une

simple complication. Le peu de développement des facultés intellectuelles

de ces malades, dans les 4 ou 5 cas qu'il connaissait, avait frappé Du-

chenne au point qu'en 1861 ('), dans son travail initial, il avait dénommé

la paralysie pseudo-hypertrophique « paralysie hypertrophique de l'en-

fance de cause cérébrale » ; en 1868 (') il renonça lui-même à attribuer

la maladie à un état morbide de l'encéphale, « parce que dans un certain

nombre de cas aucun phénomène cérébral ne s'était montré dans le cours

delà maladie ». Depuis lors les observations ne se comptent plus où chez

des myopathiques on a signalé la faiblesse intellectuelle allant depuis la

simple obtusion avec ou sans retard de la parole jusqu'à l'imbécillité

et l'idiotie : da Conte et Givio, Schutzcnberger, Benedikt, J. Simon,

P. Marie et Guinon. West pliai. Vizioli (troubles mentaux 18 fois sur

50 malades), Borsari, Menut, Pilliet, Spitzka, Mme Sacara (10 débiles et

1 idiot sur 15 sujets), Bouveret, Londe et Meigc (8), Fabre (8 cas) (9),

1. Stemiio. Medic Cesell.ecle. m IVilna, 12 novembre 1897.

2. ,I : wna lioss.l3rit. mol..1., 15 février 1885.

5. I, : w : w. : r.-1,.1 ? IVTI\E ? lrclrin. de médec. février 1901, p. 185.

4. Baiiès. Annales de l'In.slil. de &f7<;<c')'. de Bucarest, 1888-89.

5. Maiiinesco. Sent. 3lédic., 15 février )8'.)6.

IL Duchenne. FAectr. local., 2. édition, 1561.

7. DucHEKXE..4)v ? </cwcWcc., 1808.

X. Londe et Meige. Icon. Salpëtr., t. \'Il.

D. Fahhe. Th. Vlontyelliea, 1590. 'Il.

Th. illontpelliei-, 189(l.

[A. LÉRI,]

680 ATROPHIES MUSCULAIRES.

Pennato, Moussous, Minor, Léonard, Guthrie, Barlow et Batten, Santé

de Sanctis, etc. etc., Ces troubles mentaux sont surtout fréquents dans

la paralysie pseudo-hypertrophique, mais ils ont été signalés aussi dans

les autres formes (Fabre, Joffroy, etc.). En 1902, l'association si fréquente

des troubles psychiques aux troubles musculaires, et en particulier aux

altérations myopathiques, a inspiré au professeur Joffroy (') 'une très inté-

ressante leçon sur les affections qu'il a dénommés « myopsychies » (cho-

rées deSydenham et de Huntington, maladie des tics, maladie de Thomsen,

myopathie, maladie de Parkinson). Les troubles physiques et les troubles

psychiques semblent être dans ces maladies la conséquence d'une même

cause héréditaire, d'un même vice de développement; leur association

montre, pour Joffroy, « qu'elles ne sont'que des manifestations diverses

de la dégénérescence ». Depuis la revue d'ensemble de Joffroy de nou-

veaux : cas de myopathies avec troubles psychiques, débilité mentale, stig-

mates de dégénérescence ont été rapportés par Mondio (5 cas) (2), Sachs

et Browks (3), Ballet et Delherm(4), Perrin ('), etc.... Joffroy a lui-même

'signalé un cas de myopathie avec troubles mentaux tardifs et passagers

et a insisté sur la nécessité de rechercher avec grand soin ces troubles à

la fois dans l'état actuel et dans les antécédents dès myopathiques (°).

- Diverses affections nerveuses familiales ou héréditaires ont été

signalées en concomitance avec la myopathie. Dejerine (1), Sachs (8), Val-

dès Anciano (9) ont rencontré chacun la maladie de Friedreich. Ber-

nhardt (1°) a observé chez un myopathique des accès paroxystiques de para-

lysie des quatre membres et du cou; il considère, avec Goldflam, que la

paralysie périodique n'est qu'une myopathie primitive. Marinesco(") a

observé des phénomènes de myasthénie, d'épuisement musculaire; les

tracés ergographiques récents de Gilbert Ballet et Jean Philippe (") mon-

treraient au contraire que l'absence d'asthénie musculaire peut être

d'ordinaire un signe différenciant la myopathie de la neurasthénie.

. L'affection héréditaire et familiale qui a été le plus fréquemment ren-

contrée en concomitance avec la myopathie porte comme elle sur le tissu

musculaire ; c'est la myotonie congénitale ou maladie de Thomsen.

Nous avons dit déjà qu'histologiquement tous les muscles atrophiés con-

tiennent des fibres hypertrophiées et que cliniquement cette hypertro-,

wl. JOFFROY. Rev. neurol., 990, p. 289.

2. Mondio. Riv. spel'in. di {l'eniat1'ia, 15 décembre 1909.

5. et Bnow6s. Americ. J. of the medic. Se, juill. 1901.

4. BALLET et DELUI,111. -SOC. neurol., avril 1903. (R. N., p. 441.)

5. Perrin. Bullel. médic, 23 janvier 1904.

0. Joffroy. Soc. 11e1t1'Ol., avril 1905. (R. N., 1905, p. 445.)

7. Dejerke. Médec. mod., 12 juin 1890. ,

8. Sains. nerf. dis. of Childs., p. 582.

9. Valdès Anciano. Revista med. Cub.al1a., 1904.

10. BEMHARDT. D. Zeilsch. ? 1'cruenlacillc, 1895, p. III.

11. 1)1.IllNESCO. Traité Br. Gilb., X, p. 749.

12. BALLET et Jean PHILIPPE. Rev. neurol., 1905, p. 1124.

MYOPATHIES. 081 I

phie peut aller jusqu'à l'hypertrophie partielle ou peut-être totale d'un on

plusieurs muscles avec augmentation de leur puissance. L'hypertrophie

peut être plus étendue encore et s'accompagner il la fois de la raideur

musculaire tétanique produite par la contraction et de la réaction élec-

trique mvotonique qui caractérisent la maladie de Thomsen. On peut

aussi observer chez les myopathiques tous les degrés entre l'hypertrophie

ou la myotonie localisée jusqu'à la maladie de Thomsen la plus étendue

et la plus caractérisée. La myotonie peut précéder ou suivre la myopathie ;

elles peuvent évoluer simultanément sur des muscles différents, l'atro-

phie peut remplacer la myotonie sur certains muscles. Toutes ces variétés

se retrouvent dans les cas de Buss, Sacara. Lannois (') (myotonie loca-

lisée), de Lépine (2) (myopathie suivie de maladie de Thomsen), de Hoff-

mann n (maladie de Thomsen suivie de myopathie sur d'autres muscles),

de Rossoliino (atrophie frappant les muscles préalablement myotoniques).

de Vigoureux, de Charcot, de Dana, Pelilzeus, Kornhold, Bernard,

Nonnes et Siro) (association des deux affections). Aussi on a tendance à

considérer la myotonie congénitale, reliée par toute une série d'échelons

à la myopathie classique, comme une variété de la myopathie.

Les formes ordinaires de la myopathie peuvent se combiner entre elles;

on observe non seulement toute une série de formes intermédiaires aux

différents types, mais encore la concomitance de plusieurs types de

myopathie sur le même malade. C'est ainsi que Brissaud (4), puis Gui-

non. Verriest ont signalé des cas d'association de la paralysie pseudo-hy-

pertrophique avec la forme facio-scapulo-humérale, que Souques (5),

Wongtschowski, Barbier et Lebon ("), ont présenté des malades atteints à

la fois des trois principales formes. Cette combinaison possible des diffé-

rentes formes n'est pas le moindre argument qu'on ait fait valoir pour

démontrer queues différents tvpes ne sont que des formes d'une seule et

.même maladie, la dystrophie musculaire primitive de Erb, la myopathie

primitive de Charcot.

La myopathie se trouve quelquefois associée à certaines anomalies con-

génitales, entre autres à l'absence congénitale de certains muscles (obser-

vation de Furstner, etc.). Gowers, Oppenheim. Damsch C) ont d'ailleurs

remarqué que l'atrophie congénitale portait particulièrement d'ordinaire

sur certains muscles qui sont affectés avec prédilection dans les myopathies,

et flamsrh, Bernhardt, Stange (8) ont cru pouvoir considérer bon nombre

1. LU(H. C01l(ll'ès de Pau, 1 ! 104.

2. LI.;mE. Soc. lIlédic, Lyon, 1898.

">. Hoffmann. D. Zeitschr. r. Nervenheilk, 4 décembre 190U.

4. ims..vrn. Coyér. delà Snlln>lr., 15;11. ,

5. Souques. Icon. Salpétr., 18 ! 1 L

IL et Leiion. Soc. méd. ltdp., 7 décembre 1900.

7. DAMso). Centralbl. f. Klin. Medic, ]8 ! 11. - Verhand. des X Conyress. y. il/lIel'l'

Medic, 1891.

8. Siance. D. Medic, ltroclrertscltr., 1896.

[A. LÉRL]

M2 ATROPHIES MUSCULAIRES.

d'absences congénitales de muscles connue des myopathies arrêtées dans

leur développement.

Nous avons insisté sur tous les symptômes accessoires de la myopathie,

parce qu'ils montrent qu'elle n'est pas une simple atrophie musculaire,

mais une maladie portant plus ou moins sur le développement de tous

les tissus; beaucoup de ces troubles, et parmi les plus fréquents, débilité

mentale, anomalies dentaires, thorax en entonnoir, troubles circulatoires

et secrétoires divers, etc., rentrent parmi les stigmates ordinaires de la

dégénérescence. Tous ces troubles sont plus ou moins accusés, d'ordi-

naire d'autant plus marqués que l'affection débute il un âge moins avancé,

c'est-à-dire qu'on les observe surtout dans la paralysie pseudo-hypertro-

phique, mais ils peuvent exister dans toutes les variétés topographiques

de la maladie; ils créent entre elles un lien qui fait que la myopathie est

une (comme le veulent Charcot et Erb), et qu'elle gardera son individua-

lité même s'il est démontré qu'elle doit être attribuée à un trouble fonc-

tionnel du système nerveux (Erb), voir à une affection organique des

centres nerveux encore inaccessibles à nos procédés de recherche

Variétés TOI'OGItAPIII(-)UES.

Nous allons maintenant rapidement passer en revue les principales

variétés de localisation et d'évolution de cette maladie.

9. Variété pseudo-hypertrophique ou myosclérosique

de Duchenne. Cette forme atteint surtout et d'abord les membres

inférieurs. Elle débute presque toujours dans la première ou seconde

enfance.

Le premier trouble est d'ordinaire un affaiblissement des membres

inférieurs; pendant quelques mois (jusqu'à un an ou un an et demi)

l'affaiblissement s'accentue sans que les muscles s'hypertrophient; par-

fois même ils s'atrophient légèrement avant de s'hypertrophier; d'autres

fois affaiblissement et pseudo-hypertrophie semblent évoluer simultané-

ment. L'affection n'attire généralement l'attention des parents que quand

l'affaiblissement est déjà très marqué; à ce moment la pseudo-hypertro-

phie est toujours assez nette. Si la paralysie a débuté dans la toute

première enfance, l'enfant n'a appris il marcher que très tardivement et

très difficilement. Si elle a débuté chez un enfant qui marchait déjà, la

marche devient plus pénible, plus lente, plus prudente; malgré ses pré-

cautions, le petit malade bute contre le moindre obstacle et tombe t'ré-

quement; il ne court pas, ne saute pas; il écarte les jambes, renverse le

corps en arrière et semble calculer tous ses pas; il redoute de se tenir

sur ses jambes et demande qu'on le porte. ,

L'examen révèle alors facilement la pseudo-hypettrophie de certains

muscles avec affaiblissement de leur force. Les premiers atteints sont

presque toujours les muscles du mollet; la jambe est épaissie dans son

ensemble et les jumeaux font de chaque côté une forte saillie. Les fessiers

MYOPATHIE l'SEUDO-IIYPER'CROPIIIQUI : . G85

se prennent ensuite; puis les muscles de la cuisse en commençant par le

quadriceps crural, en particulier par le droit antérieur et le vaste externe.

La plupart des muscles des membres inférieurs peuvent prendre un

aspect pseudo-hypcrtrophique et perdre leur puissance contractile, mais

l'altération des extenseurs des différents segments prédomine toujours

beaucoup sur celle des fléchisseurs : triceps sural, quadriceps crural,

muscles de la face postérieure de la cuisse, fessiers.

Les muscles sacro-lombaires sont d'ordinaire envahis à peu,près en

même temps que les fessiers, puis le carré des lombes, le droit antérieur

de iauuomen et le grand omique, le

grand dentelé.

Aux membres supérieurs le deltoïde

est assez fréquemment atteint de pseudo-

hypertrophie, et. quelquefois précoce-

ment, peu de mois après le début aux

membres inférieurs. Il est souvent le

seul muscle pseudo-hypertrophié des

membres supérieurs;. dans quelques cas

le triceps, le biceps, le long supinateur

le sont aussi. Mais presque toujours l'atro-

phie prédomine sur la pseudo-hypertro-

phie aux membres supérieurs et au tho-

rax ; elle survient toujours d'emblée sur

le grand pectoral, le grand dorsal, les

deux tiers inférieurs du trapèze, le rhom-

boïde, les spinaux, les intercostaux, les

extenseurs des doigts, les radiaux. Les

petits muscles de la main ne sont pas

toujours indemnes. En tout cas les modi-

fications de volume et de force sont aussi

peu marquées et aussi tardives aux membres supérieurs (le deltoïde mis

à part) qu'elles sont capitales et précoces aux membres inférieurs.

Les muscles du cou sont exceptionnellement et tardivement atteints.

Les muscles de la face le sont moins rarement qu'on ne le pensait, leur

affaiblissement entrerait assez souvent pour une part dans l'expression

inintelligente de certains des jeunes malades (Duchenne, Ialoelcner,

Griesinger, P. Marie etGuinon) ; leur hypertrophie est tout à fait exception-

nelle, le faciès ressemble plus ou moins au faciès de la variété Landouzy-

Dejerine. Les masséters sont quelquefois pseudo-hypertrophiés et forment

des bandes saillantes en arrière des joues. La langue présente une pseudo-

hypertrophie assez fréquente (Marinesco '), (Foggie 2).

L'affaiblissement progressif des masses musculaires, avec atrophie ou

pseudo-hypertrophie, prédominant aux membres inférieurs, donne à

L 1ll : umaco. Traité Br01tllrdel-Gilbel'l, X, p. 732.

2. Foggie. Scott. vieil, and surg. J., décembre 1905.

[A LÉRL]

Fig. 4. - Myopathie avec pseudo-lay-

perlrophie considérable des muscles

du mollet (collection Danmsuliino).

ti É ATROPHIES MUSCULAIRES.

l'attitude ut aux mouvements des malades un aspect tout à fait caractéris-

tique. Ils se tiennent les jambes écartées, les pieds regardant en dehors,

le tronc renversé en arrière et le ventre proéminent, corrigeant ainsi du

mieux qu'ils peuvent la faiblesse des extenseurs de la jambe et de la

cuisse et la lordose paralytique résultant de l'affaiblissement de leurs

muscles spinaux (Duchenne) ou extenseurs de la cuisse (Sacara).

Ils avancent lentement, en se dandinant, « en canard », inclinant à

chaque pas le tronc et l'appuyant sur la jambe qui repose à terre. Ils ne

peuvent courir. `

Quand ils sont couchés, ils ne peuvent se lever qu'en exécutant une

série de mouvements tout à l'ait typiques qui ont été minutieusement

décrits par certains auteurs; ils se retournent d'abord sur le ventre, puis

ils soulèvent leur tronc à l'aide de leurs membres supérieurs et en fléchis-

sant les genoux ; quand ils sont ainsi à genoux, ils s'inclinent d'un côté

pour dégager la jambe opposée et posent un pied sur le sol, puis dégagent

de même l'autre jambe et posent l'autre pied; ils sont ainsi « à quatre

pattes » ; ils grimpent alors avec leurs mains le long de leurs jambes,

puis le long de leurs cuisses et de leurs lombes, maintenant alternative-

ment chaque main solidement appuyée pendant que l'autre monte plus

haut et inclinant chaque fois le tronc du côté qui reste appuyé. Quand ils

sont assis, ils font pour se mettre debout une ascension analogue le long

de leurs cuisses.

Les mouvements sont quelquefois compliqués encore chez ces malades

par des rétractions tendineuses. La rétraction du triceps sural est parti-

culii'rement fréquente, elle provoque l'apparition d'un pied-bot équin ou

varus-équin, parfois très précoce et même révélateur de la myopathie

(Schlesinger, Ilahn). Ce pied-bot peut être peu prononcé et n'apparaître

la fin de chaque pas, quand le pied va reposer sur le sol; il peut

être plus prononcé et donner à la marche l'apparence plus ou moins

nette du steppage, il peut enfin être très accusé et permanent et empêcher

le malade de s'appuyer sur le sol autrement que sur la pointe des pieds.

Les rétractions tendineuses peuvent être très étendues et amener des

déformations considérables : la plupart portent sur les fléchisseurs.

La sensibilité est d'ordinaire intacte; cependant divers auteurs ont

signalé des troubles sensitifs : hyperesthésie (Berger, Moebius), hypo-

esthésie (Goetz), paresthésies, douleurs (lTohinsun).

L'évolution de l'affection est lente, elle dure cinq, dix, vingt ans; elle

est cependant relativement plus courte que celle des autres variétés de

myopathie. Elle est toujours progressive, soit régulièrement, soit plus

souvent par poussées ; les poussées semblent pouvoir être consécutives à

des accès fébriles (Donald lfacpllail, Mme Sacara, Marinesco), mais dans

ces cas on est en droit de se demander s'il ne s'agit pas d'affections fébriles

intercurrentes mal caractérisées qui donneraient un coup de fouet à la

maladie. La pseudo-hypertrophie fait généralement place à l'atrophie à

une période avancée de l'évolution.

MYOPATHIE SCAPULO-IIU31ÉRAI,E. Ii85

La paralvsie pseudo-hyperlrophique ne paraît entraîner qu'exception-

nellement la mort par elle-même, car on ne connaît guère de troubles

viscéraux qui en soient la conséquence immédiate. Pourtant on a parfois

observé anatomiquement ou l'a(110SCOp1(ll1e111('nt l'hypertrophie du caeur et

cliniquement des irrégularités dans le rythme et l'intensité de ses batte-

ments ; la mort semble pouvoir être aussi la conséquence de l'atrophie

des intercostaux et du diaphragme. Mais presque toujours les malades,

immobilisés par une atrophie très étendue et des déformations très pro-

noncées, succombent à des maladies intercurrentes, en particulier des

affections de l'appareil respiratoire, tuberculose ou pneumonie.

2. Variété Leyden-Moebius. - Cette variété, relativement-

rare, atteint tout d'abord, comme la paralysie pseudo-hypertrophique, 9

les membres inférieurs et les lombes, très tardivement les épaules et

les membres supérieurs; comme la paralysie pseudo-hypertrophique.

elle progresse de la racine des membres vers l'extrémité; la seule diffé-

rence qu'elle présente avec cette affection est l'absence ou le très faible

degré de la pseudo-hypertrophie. Or, la pseudo-hypertrolhic est un

symptôme transitoire de la forme de Duchenne; aussi, de l'avis même

de Leyden et de Moebius, il n'y a pas lieu de considérer ce type de

myopathie comme différant par aucun caractère important du type

ci-dessus décrit; tel est aussi l'avis de Damaschino, Dut.il, Dejerine. etc.

On a dénommé cette variété « paralysie pseudo-hyper/1'Ophique sans

hypertrophie » ..

5. Variété scapulo-humérale ou juvénile d'Erb. Cette

forme atteint d'abord et surtout les muscles de la ceinture scapu-

laire et du bras; rarement elle frappe en même temps les muscles de

la ceinture pelvienne et du dos; exceptionnellement ceux-ci se trouvent

envahis les premiers. La variété dite « juvénile » est la plus tardive des

variétés de myopathie, car elle ne débute souvent que dans l'ado-

lescence ou il la puberté, parfois cependant dans la seconde enfance,

exceptionnellement dans la première.

Le début est toujours lent et insidieux, la faiblesse progressive des

muscles se révèle accidentellement à l'occasion de certains mouvements.

Le grand pectoral et le trapèze (saul' leur faisceau le

petit pectoral, le grand dorsal, le grand dentelé, les rhomboïdes s'atro-

phient généralement en premier lieu. Peu après on peut constater l'atro-

phie au tronc des masses sacro-lombaires et du long dorsal, aux membres

supérieurs des muscles du groupe d'Erb, biceps, brachial antérieur et

long supinafeur. Le dettoide au contraire augmente souvent de volume

de façon très précoce; celle hypertrophie peut être vraie ou fausse, elle

est très souvent limitée la portion moyenne du muscle et est parfois

plus apparente que réelle a cause de l'atrophie de la portion supérieure

(atrophie longitudinale de Both). Les sus- et sous-épineux. le triceps

brachial participent aussi plus ou moins tôt à l'hypertrophie. Cette

hypertrophie est assez fréquente pour que Erb en ait rait un élément

[A. LÉRI.]

681; ATROPHIES MUSCULAIRES.

caractéristique de cette variété, mais elle est toujours très transitoire,

elle peut être tout à lait modérée et même faire complètement défaut.

Le sterno-mastoïdien n'est que rarement altéré (cas de Landouzy et

Dejerine, de F. Pick, etc.); l'atrophie porte surtout sur sa portion clavi-

culaire. L'angulaire de l'omoplate, le coraco-hracloial, le grand et le petit

ronds résistent généralement à l'atrophie. Les muscles extenseurs et

fléchisseurs de l'avant-bras et les muscles des mains restent aussi inal-

térés pendant un temps très long, et l'aspect de l'extrémité épaisse et

bien musclée du membre pendant au bout d'un bras décharné est tout à

l'ait spéciale.

Aux membres inférieurs les mêmes muscles sont atteints que dans

la variété pseudo-hypertrophique, mais plus tardivement; fait remar-

quable, ils présentent d'ordinaire, comme dans cette variété, de la

s< ? <7()-/n ? r ? c; la lseudo-llypertrohhie est très accentuée au

niveau des mollets, elle l'est moins ailleurs (couturiers, tenseurs du

fascia lata, etc.).

La face n'est atteinte que tardivement, les altérations y restent pendant

très longtemps légères et passent facilement inaperçues : les mêmes

muscles ne sont frappés que dans la variété Landouzy-Dejerine dont nous

parlerons ci-dessous, mais dans cette dernière leur atrophie est précoce

et prédominante.

Les atrophies, simples ou pseudo-hypertrophiques, de la forme scapulo-

humérale déterminent des déformations et des troubles spéciaux des

mouvements. L'atrophie des muscles qui s'insèrent à l'omoplate déter-

mine l'attitude bien connue sous le nom de « scapulæ alaise » : les

omoplates sont détachées du tronc sur leur bord interne, il se forme

entre leur bord interne et leur face antérieure d'une part, la paroi

costale d'autre part un angle rentrant plus ou moins profond. L'atro-

phie des portions inférieures du trapèze et du rhomboïde a pour effet

l'abaissement et la projection en avant du moignon de l'épaule; le bord

interne de l'omoplate devient oblique en bas et en dedans au lieu d'être

parallèle à la ligne des apophyses épineuses, son angle supéro-intel'l1e

s'élève. La projection en avant du moignon de l'épaule, ainsi que l'atro-

phie du grand dorsal et des muscles spinaux, fait que les malades se

voûtent et ne peuvent se tenir droits. Le faisceau supérieur du trapèze,

qui résiste parfois seul à l'atrophie de presque toute la musculature cer-

vicale, forme de chaque côté du cou très aplati des saillies latérales

rappelant les bandelettes qui sur les statues de sphinx tombent de la

coiffure : l'aspect est celui que G. Ballet et Delherm (') ont désigné sous le

nom de « faciès de sphinx ».

Dans les mouvements des bras les déformations s'accusent. L'omo-

plate, qui n'est plus soutenue, suit presque complètement les mou-

vements des bras en basculant autour de l'articulation scapulo-humé-

1. Ballet et Dki.hi-.ism. Soc. neural., 1902. {Revue Neural., 1902, p. 553.)

MYOPATHIE rACIO-SCAI'UL0-IIU)II;ItAl.l : . (¡Si

raie; quand les bras s'écartent du corps, leur angle inl'éro-interne s'écarte

de la colonne vertébrale; quand les bras se portent en arrière, cet angle

inféro-interne se rapproche de la colonne vertébrale en s'élevant. Dès que

les malades élèvent les bras, ou même dans certains cas au repos, l'angle

supéro-interne vient faire saillie en'arrière du creux sus-claviculaire; la

ligne légèrement concave qui joint la l'ace latérale du cou au moignon de

l'épaule se trouve interrompue par cette saillie anormale très caracté-

ristique. Quand l'atrophie des épaules et des bras est très prononcée, le

malade ne peut plus utiliser ses mains

restées relativement ou entièrement

indemnes qu'en les lançant en avant ou

en arrière au moyen d'une brusque

rotation du tronc.

L'atrophie des membres inférieurs,

des masses sacro-lombaires et des mus-

cles des gouttières vertébrales déter-

mine la même attitude et les mèmes

troubles de la marche et des mouve-

ments que la paralysie pseudo-hypertro-

phique : station les jambes écartées, les

pieds en dehors, lordose lombaire et

cyphose dorsale, thorax en retrait et

ventre proéminent, démarche en canard,

impossibilité de se relever autrement

qu'en grimpant sur ses membres infé-

rieurs, etc.

L'évolution est essentiellement chro-

nique, très lentement progressive, insi-

dieuse, entrecoupée parfois de longues

périodes d'arrêt, surtout quand le début

a été tardif. Les muscles sont à peu

près symétriquement atteints; pourtant

L;rb a cité des cas où le début avait été unilatéral. Tous les membres

peuvent être atrophiés et cette variété de myopathie peut se terminer

comme toutes les autres par une amyotrophie généralisée. La durée est

extrêmement longue, 50, 40 ans et plus, parce que l'affection n'oblige

jamais que très tardivement les malades à garder le lit et parce qu'elle

ne paraît troubler aucune des fonctions viscérales. La mort est ordinai-

rement due à une affection intercurrente portant surtout sur l'appareil

respiratoire.

4. Variété facio-scapulo-humérale de Landouzy et

Dejerine. - Celle variété frappe d'abord et surtout, de façon presque

constante, les muscles de la face. Elle débute généralement dans la

seconde enfance, rarement dans la première, plus rarement encore dans

,1 adolescence. Les premières déformations de la face sont peu gênantes

[A. LÉRI.]

Fig. 5. 31YOPalhique. Le malade ne

peut se tenir debout que les jambes

écartées, le tronc renversé en arrière.

On voit aussi nettement sur cette ligure

la saillie des omoplates ailées.

688 .. , -ATROPHIES MUSCULAIRES.. , * z

et les parents ne s'en aperçoivent généralement, que quand l'atrophie

est déjà très prononcée; c'est souvent à cause de l'aspect inintelligent

de leur enfant qu'ils s'adressent au médecin. ....

Les musclés de la face atrophiés sont tous ceux qui sont, innervés

par le facial, aussi bien, au moins dans la plupart des cas, par le

facial supérieur (orbiculaire des paupières, sourcilier, frontal) crue par

le facial inférieur (orbi-

culaire des, lèvres, grand

carré, triangulaire des

lèvres, grand et petit zy-

gomatique, buccinateur,

canin, etc.). Exception-

nellement l'un ou l'autre

de ces muscles peut être

respecté alors que les

autres sont atrophiés ;

par exemple, Landouzy et

Dejerine (1) ont trouvé.

dans un cas le canin seul

conservé des deux côtés.

Il est tout à fait exception-

nel de constater l'atro-

phie de l'un quelconque

des muscles innervés par

un autre nerf crânien que

la 7e paire : muscles mo-

teurs de l'oeil, mastica-

teurs, langue,- voile du

palais, pharynx. Pourtant

le ptosis a été signalé par

Landouzy et Dejerine,

par Bouveret (2), l'atro-

phie des masticateurs

par Reinhold ('), parHoff-

mann (*), l'atrophie à la fois du releveur de la paupière et des masticateurs

a été constatée par Sano (5) et par P. Marie (). Le malade de Bouveret,

présentait en outre une atrophie très notable des muscles- de la langue,

celui de Reinhold une atrophie légère de la langue, surtout à droite, des

troubles de la déglutition et une insuffisance des abducteurs de la corde

1. Landouzy et Dejerine. Rev. méd., 1885, p. 277.

2. Bouveret. Lyonmédic, '1895, p. M8.' '. '

5. RrrmoLn.,D. Zeilsch. "Ne1'venh., 1895, p. 189.

4.llofFW<N. D. Zeilsch. f. Nervenh., .1898, p. 418.

5. 8A.'i0..4.nn, de. la Soc. médic. d'Anvers, 1897. z

6. P. Marie. Rev. neural : , 1901, p ? lE6. ,

Fig. 6. - Myopathie facio-scapitlo-huniérale. On voit

bien sur cette figure la « tête carrée », la saillie des

omoplates ailées, le renversement du tronc en arrière

avec proéminence du ventre et lordose lombaire, l'atio-

phie du bras. - . -

MYOPATHIE F : lCfO-SI : aI'I,O-Iit11111 : 1L1 ? . 689

vocale droite. Hoffmann a fourni l'observation de deux jumeaux myopa-

thiques présentant tous deux une atrophie de la langue et une forte pa-

résie du voile ; l'un d'eux seul avait une atrophie notable des masticateurs.

De la face l'atrophie s'étend aux épaules et aux membres supé-

rieurs; elle envahit les mêmes muscles que la forme scapulo-humérale :

trapèze, rhomboïde, grand dentelé, grand et petit pectoraux, biceps,

brachial antérieur, triceps, long supinateur, radiaux; rarement les

muscles de l'éminence thénar se prennent presque en même temps que

les muscles du bras (Landouzy et Dejerine). La phase d'hypertrophie ou

de pseudo-hypertrophie de certains muscles de l'épaule (deltoïde, sus-

et sous-épineux et sous-scapulaire) semble beaucoup moins fréquente

dans cette variété facio-scaputo-humérate que dans la variété scapulo-

humérale pure, mais les mêmes muscles sont beaucoup plus résistants à

l'atrophie que les muscles environnants; seul d'entre eux le deltoïde

s'atrophie parfois ou s'hypertrophie partiellement ou totalement. Il est

curieux de voir le contraste entre l'omoplate d'une part, doublée en

avant et en arrière d'une épaisse couche musculaire, le thorax et le bras

d'autre part, réduits presque à l'état squelettique.

Les muscles respirateurs restent presque toujours inaltérés; cependant

SpiUer (1) a constaté une fois l'atrophie du diaphragme; Dttchenne a

observé un cas où les muscles respirateurs ont paru atteints à l'examen

clinique, mais Landouzy et Dejerine font des réserves sur ce cas parce

qu'il leur est arrivé de faire un diagnostic d'atrophie des intercostaux

que l'autopsie n'a pas confirmé.

Les membres inférieurs sont atteints très tardivement, les mêmes

muscles ne sont pris que dans la variété scapulo-humérale, mais, comme

pour les extrémités supérieures, l'hypertrophie vraie ou fausse est beau-

coup plus rare et beaucoup plus limitée; quand elle existe, elle frappe de

préférence les mêmes muscles, muscles du mollet et quadriceps crural.

L existence d'hypertrophie dans cette variété, niée d'abord par Landouzy

et Dejerine, a été reconnue par eux après la publication des cas de Bris-

saud, de Georges (iuinon, de Veriest, etc.

D'après ce que nous venons de dire, les troubles de l'attitude et des

mouvements sont les mêmes pour le tronc et les membres, il une période

avancée, dans la forme d'Erb et dans la forme Landouzy-Dejerine : seule

leur période d'apparition diffère.

Ce qui caractérise seulement la variété Landouzy-Dejerine, ce sont les

modifications précoces dans l'aspect et la mobilité de la l'ace qui consti-

tuent le « faciès myopathique ». Les rides et les plis s'effacent, le

Iront, les commissures nasu-lalriales, la ligure tout entière deviennent

lisses, les yeux sont grand ouverts et les globes oculaires semblent

parfois très proéminents, la bouche est à demi entr ouverte, les lèvres

1. Srn.i.ur. Conrrilr ? ronr the Williams Peppcr Laboralory of Clinical medic, Phi ! a-

deltihia, (100,

PIIATIQUE veuum.. 44

[R. L;6M.]

«90 ATROPHIES MUSCULAIRES.

sont grosses, la lèvre inférieure tombante, la lèvre supérieure souvent

saillante en avant (lèvre de ta-

pir).

L'aspect au repos est d'ordi-

naire tout à fait typique, il le

devient plus encore dans les

mouvements. Le malade ne peut

fermer complètement les yeux;

quand il dort, il reste un inters-

tice entre les paupières, il dort

les yeux entrouverts, et c'est

cela qui souvent attire d'abord

l'attention des parents; quand

il arrive à faire toucher ses pau-

pières, le moindre effort les

écarte. La bouche ne peut être

que difficilement fermée et,

quand le sujet veut faire toucher

ses lèvres, il fait un effort ma-

nifeste qui écarte les commis-

sures déjà très distantes; il dort

la bouche ouverte et ronfle. Quand il veut rire,, il écarte encore ses

commissures labiales, il rit « en travers »,

il a l'air de « rire jaune et d'être vexé. Il

montre difficilement les dents, il ne peut

siffler, ni souffler, ni faire la moue; il pro-

nonce difficilement les labiales et sa voix

reste sourde.

Tous les mouvements de la face sont

d'ailleurs très minimes ; aussi l'aspect d'hé-

bétude qu'offre la face au repos s'accuse

en poussant l'examen; le malade a l'air

indifférent, impassible aux émotions, inin-

telligent. Pourtant, quand on l'interroge,

on s'aperçoit que son intelligence est le

plus souvent assez bonne et que, ce qui lui

donne surtout cet air froid et hébété, c'est

l'impossibilité de traduire ses sentiments

par une mimique expressive : il a un

« masque de cire ».' Ce masque se com-

plète petit à petit, ce n'est que très tar-

divement que la face peut devenir complè-

tement immobile.

L'évolution est la même que dans la

forme scapulo-humérale, en ce sens que la progression de l'atrophie est

Fig. i. Faciès myopathique. La malade ne

peut fermer complètement les paupières ; les

lèvres sont saillantes et évcrsées.

Fig. 8. Myopnthie facio-scapulo-

humerait-. /lire en travers, faciès

inintelligent.

ATROPHIES MUSCULAIRES l'13UGItIastlES 111'I : I,UI'ATllt(lUl;s. 691 l

extrêmement lente et que la durée de l'affection est presque illimitée,

parce qu'elle n'est pas mortelle par elle-même, n'attaque aucun des

organes essentiels à la vie et n'oblige le malade à garder le lit qu'à une

période extrêmement avancée, qui peut aller jusqu'à la vieillesse quand

ne survient pas une affection intercurrente, pulmonaire ou autre.

Après avoir indiqué les caractères de localisation et d'évolution qui

différencient chaque variété classique de la myopathie, il nous paraît

indispensable de rappeler qu'elles ont été constituées un peu artificiel-

lement au moyen de cas « types », mais qu'on peut trouver entre elles

tous les intermédiaires : dans la pratique, on rencontre très fréquem-

ment des cas où l'on remarque en plus ou en moins l'atrophie non clas-

sique de tel ou tel muscle ou groupe musculaire, des cas où les variétés

empiètent, pour ainsi dire, les unes sur les autres, des cas enfin où l'en-

vahissement progressif n'a pas suivi la marche ordinaire : des observa-

tions de ces formes anormales sont journellement publiées et ne se

comptent plus. Cet enchaînement des diverses variétés atteste leur

communauté d'origine et de nature ; elles sont reliées encore par l'en-

semble des caractères que l'on a attribués à l'atrophie des muscles

supposée, à tort ou à raison, protopathique, et par les symptômes acces-

soires extra-musculaires qui montrent dans les myopathies un trouble du

développement portant sur tous les tissus, soit primitivement, soit secon-

dairement à une lésion du système nerveux ou du système circulatoire.

B.-A ? 1PHIES MUSCULAIRES PROGRESSIVES MYÉLOPATHIQUES

DE L'ENFANCE ET DE L'ADOLESCENCE

(Type Charcot-Marie. Type Werdnig-Hoffmann.)

é t ? IiA( : 'l'f.li F : S .

Les caractères qui rapprochent ces anlctrupllies des myopathies sont

le caractère héréditaire et familial et le début dans le jeune âge

(enfance ou adolescence).

Les caractères qui les différencient sont :

x) L'existence de contractions fibrillaires. Ces contractions sont

presque constantes dans le type Charcot-Marie. elles sont parfois étendues

et violentes et provoquent de véritables mouvements involontaires (Sain-

ton). Pourtant Ormerode, Schultze, Donkin ne les ont pas trouvées dans

le type Charcot-Marie, et elles ont fait défaut dans la plupart des cas

jusqu'ici signalés d'atrophie W erdnig-lIol1mann.

) L'absence de pseudo-hypertrophie musculaire. Cette absence

est à peu près constante ; dans quelques cas d'amyotrophie Charcot-

Marie, Charcot et Marie ('), Dejerine (2), Reinhardt (3), Stumpf (4),

1. CIIAnCOT cI ? L\nlE. Rev. II/Mie., U;¡;6.

2. IlFaemw.. Rcv. II/Mie.. J 8%.

3. )tM ! < ! ! Att[)T. D. Zeilsch. f. Nervenheilk, 1 X()¡, p. 410.

4. Stumpf. Centmtlit. iiiiiei-e Mal., 189Ô.

. [A.LÉRL]

fi'1'2 12 ATROPHIES MUSCULAIRES.

Gordon (') ont signalé une adipose limitée et sans doute plus sous-

cutanée que musculaire;1'erdni et Hoffmann ont signalé dans la plupart

de leurs cas une adipose sous-cutanée sans augmentation de volume des

muscles.

y) L'absence de rétractions tendineuses ou fibro-musculaires. On

n'a signalé ces rétractions que dans des cas très exceptionnels d'amyo-

trophie Charcot-lfaric (Honmann) ou Wcrdnig-Iloffmann ( ? el'dlllb); les

articulations restent presque toujours très mobiles et très lâches.

8) Les modifications de l'excitabilité électrique. Ces modifications

sont quantitatives et qualitatives ; dans les muscles peu atteints il y a

seulement diminution de l'excitabilité faradique et galvanique, dans les

muscles presque complètement atrophiés abolition de toute contraction,

dans les muscles moyennement atrophiés réaction de dégénérescence :

c'est seulement dans cette dernière condition que l'on trouve toujours la

réaction de dégénérescence. La réaction de dégénérescence, totale ou

partielle, a été trouvée dans les cas d'atrophie Charcot-Marie ou Werdnig-

Hoffmann au niveau des muscles dont le degré d'atrophie était favorable.

s) Les modifications des réflexes tendineux. Dans l'atrophie Charcot-

Marie ils sont abolis ou diminués dans la moitié des cas, à peu près nor-

maux souvent, exagérés rarement (Sainton); ces modifications sont indé-

pendantes de l'atrophie des muscles et de l'ancienneté de l'affection. Dans

tous les cas de Werdnig et de Hoffmann les réflexes tendineux étaient

abolis.

s) L'évolution de l'atrophie myélopathiqur est différente de celle de

l'atrophie myopathique : dans le type Charcot-Marie parce qu'elle com-

mence par l'extrémité des membres tout en évoluant très lentement,

dans le type Werdnig-lIoll'lHann parce qu'elle évolue rapidement, frap-

pant les muscles d'une région en masse et non individuellement, tout en

débutant par la racine des membres.

r,) Nous ajouterons enfin que les arnyotrophies myélopathiques de l'en-

fance, maladies du développement portant primitivement sur le système

nerveux central, paraissent s'accompagner beaucoup moins que les myo-

pathies d'altérations trophiques de tous les tissus autres que le tissu

musculaire. Dans le type Charcot-Marie l'atrophie des os, signalée une

fois par Hoffmann, n'a pas été retrouvée sur deux radiographies par

Sainton; les déformations thoraciques et vertébrales ne font pas partie

du tableau morbide; les troubles psychiques sont exceptionnels et ne

consistent guère qu'en une bizarrerie du caractère, une irritabilité spé-

ciale, une fois de la narcolepsie (Soca) (»2), une seule fois un arrêt de

développement intellectuel (Sainton) ; les troubles vaso-moteurs et trio-

phiques (cyanose des extrémités, hypothermie, hyperidrose, déformations

des ongles) sont analogues à ceux qui accompagnent les arnyolrophies

post-paralytiques (paralysie infantile, etc.).

1. GoitDo ? 1. or 11er ? Il.1/11'11/, dis., juin 1905.

'2. Sor.A. lam. Salpétr., 1,902.

AMYOTROPUIE CIIARCO'I'-11AII11 ? gaz

Variétés.

Les signes différentiels cliniques de l'atrophie Charcot-Marie et de

l'atrophie Werdnig-ttou'mann résident surtout dans l'âge du début, le

mode d'évolution et la localisation.

1. Type Charcot-Marie (type péronier de Tootli) (').

L'amyotrophie Charcot-Marie n'est pas très rare. Elle débute le plus sou-

vent dans la seconde enfance, fréquemment

dans l'adolescence, rarement plus tard, par

l'atrophie des muscles des pieds et des

jambes. Exceptionnellement le début peut

se faire par les mains (Iloffmanti (2), ller-.

ringham (3), Sainton) (*).

. Aux membres inférieurs, l'atrophie atteint

au pied tous les muscles, en particulier les

interosseux, à la jambe les muscles anléro-

externes, les péroniers, le jambier antérieur,

l'extenseur propre du gros orteil ; les mus-

cles du mollet sont tardivement et modéré-

ment atrophiés. A la cuisse, le triceps peut

être atteint dans son tiers inférieur, mais

les muscles de la région postérieure restent

indemnes et l'atrophie ne remonte jamais

au delà du tiers inférieur de la cuisse (atro-

phie « en jarretière ») ; à titre exception-

nel, il faut citer les cas de Charcot où le

biceps était atteint, de Hoffmann où toute la

cuisse était atrophiée, de Egger où les fes-

siers paraissaient un peu touchés.

Aux membres supérieurs, l'atrophie frappe

d'abord les mains, soit les éminences thénar

et hypothénar, soit les muscles interosseux;

elle s'étend de la main aux avant-bras en

frappant d'abord les fléchisseurs des doigts,

puis les extenseurs, en respectant généralement les pronateurs et les

supinateurs. 11 est tout il fait exceptionnel de constater une atrophie

légère de quelque muscle du bras ou de l'épaule (triceps, sus- et sous-

épineux, rhomboïde, trapèze).

Les muscles du bassin, du tronc et de la face restent presque toujours

indemnes; IIOlÏIIlM1]Il admet seul la participation possible de tous ces

muscles. ,

1. Tooth. Th. de Cambriclye, t88û,

2. IIOFI'11.1\Y. D. Zeilsch. f. 11'crucnlieilk, t8 ?

5. Heriuxgham. Brain. 1888, p. 250. '

4, Sainton. Th. Paris, 188 ! J.

v [A LÉRI.]

lig. 9. Amyotrophie Charcot-

Marie. Atrophie considérable des

jambes et des pieds, jambes de

('0'1, pieds creux et cambrés,

orteils en grilles; atrophie des

cuisses en jarretière, atrophie

modérée des mains.

694 ATROPHIES MUSCULAIRES.

L'atrophie est facile à reconnaître par l'examen des membres aurepos v

et par. les troubles fonctionnels. .'

Les pieds sont en varus équin, fortement cambrés, plus ou moins

enroulés autour de leur bord interne ; ils reposent presque complètement

sur leur bord externe, parfois même sur la partie externe de leur face

dorsale (Ganghofner) (') ; les orteils sont en griffe. Le pied est plus ou

moins ballant au bout d'une jambe mince, effilée, sans saillie du mollet.

A la cuisse, l'atrophie, ne portant que sur le tiers inférieur, prend

l'aspect tout à fait caractéristique de l' « atrophie en jarretière » ; quand

les jambes sont rappro-

chées, il reste un espace

entre les genoux.

Tous les mouvements

du pied et des orteils sont

altérés, mais d'une façon

très variable, proportion-

nelle à l'atrophie des mus-

cles correspondants.

Dans la station debout

les malades sont parfois

obligés de piétiner sur

place pour conserver leur

équilibre. Ils marchent en

steppant, les cuisses lan-

cent, pour ainsi dire, à

chaque pas la jambe et le

pied ; quand il y a une

forte luxation du pied en

dedans, les sujets mar-

chent les ïambes raides et

un peu écartëes, à petits pas, comme s'ils n'osaient soulever le pied du

sol, les mains s'écartent du corps et forment un balancier. Il est d'ail-

leurs remarquable de constater combien, avec ces troubles considérables,

les malades sont habiles de leurs membres, et comme ils supportent

facilement la marche même prolongée; nous avons connu un amyotro-

phique Charcot-Marie qui, malgré une grosse atrophie de ses membres

inférieurs qui l'empêchait de marcher facilement, faisait quotidienne-

ment de longues promenades à bicyclette.

L'atrophie des mains ne diffère pas del'amyotrophiediteÀran-Duchenne :

aplatissement des éminencesthénar ethypothénar, dépression des espaces

interosseux, doigts effilés, griffe totale ou cubitale, mais paralytique,

c'est-à-dire très facilement réductible.

Les avant-bras sont minces, aplatis, ballants : l'atrophie « en man-

chette » s'arrête d'ordinaire au tiers moyen de l'avant-bras.

1. GAl'iGIIOFEn, Pruger 11lNtic, 11'oc%cnschr., 1891.

Fig. 10. - Pieds dans Z'amyol1'ophie Charcot-Marie.

Pieds cambrés, enroulés sur leur bord interne, en varus

équin, orteils en griffe.

A)tYOTHOPIIIE CHARCOT-MARIE. 095

Les mouvements des phalanges sont généralement nuls ou très minimes,

les mouvements des articulations înétacarpo-phalangiennes se font sou-

vent mieux, ceux du poignet sont encore plus faciles et ceux du coude

sont tout il fait libres. Les troubles dans l'exécution de certains petits

mouvements des mains sont souvent le signe révélateur de l'affection,

alors même que l'atrophie est déjà beaucoup plus prononcée aux mem-

bres inférieurs, car les mouvements des membres inférieurs exigent

moins de délicatesse.

Aux membres supérieurs de même qu'aux membres inférieurs, comme

Guillain (') en a fait la remarque, les fonctions sont souvent remarqua-

blement conservées pour le degré de l'atrophie; l'adaptation des membres

aux différents usages de la vie semble bien plus facile dans ces cas que

dans d'autres affections médullaires avec amyotrophie semblable (syrin-

gomyélie, sclérose latérale amyotrophique, etc.); la conservation des

muscles du segment rhizoml'lique a sans doute une influence sur cette

intégrité relative des fonctions.

La sensibilité subjective n'est pas fréquemment affectée; il n'y a qu'ex-

ceptionnellement des douleurs violentes, plus souvent des crampes dans

les jambes, dans les mains, dans les cuisses. Les troubles de la sensibilité

objective sont plus rares encore : ils consistent en anesthésie peu pro-

noncée, parfois dissociée, localisée aux pieds, aux jambes ou aux mains.

Cette rareté des troubles sensitifs mérite d'être signalée dans une affec-

tion où toutes les autopsies [Marinesco, Sainton, P. Marie, Dejerine et

Armand-Delille ()1 ont jusqu'ici révélé, en dehors d'une atrophie des

cellules des cornes antérieures et d'une altération des nerfs, une dégé-

nération prononcée des cordons postérieurs.

L'atrophie des nerfs optiques a été signalée jusqu'ici dans les seuls cas

de Vizioli. de Sainton, de Gordon, de Ballet et Rose : sa cause est encore

inconnue.

L'atrophie, qui débute par les membres inférieurs, n'envahit d'ordi-

naire les membres supérieurs qu'après un intervalle de quelques mois à

quelques années. Exceptionnellement, elle semble pouvoir rester limitée

aux membres inférieurs seuls [Soca n. P. Marie et Sainton (4)]. Quand

la maladie débute par les membres supérieurs, elle envahit très rapide-

ment les membres inférieurs; d'après llaincl (5), l'affection pourrait rester

limitée aux membres supérieurs, mais les cas décrits par cet auteur, cas

dans lesquels l'atrophie avait gagné les épaules et qui n'ont pas été suivis

d'autopsie, sont sans doute tout différents de l'atrophie Charcot-Marie.

La marche de la maladie est extrêmement lente : arrivée à un degré

très avancé la maladie n'a même plus l'air de progresser, peut-être

i

1. lm.r..w. Son. 11('111'0 ? (i juin 1901.

2. Di ? n : nrw. : el : lnn : van-Drr.n.r.u : . Soc. 11( ? 1'01.. 5 décembre )9(.

3. Son a. Icon. Sa/lié/l ? 1902.

t. Sainton. Icon. <) ? sept.-oct. 1902.

5. liA : 'i EJ. , Th. J¡il1a, 1890.

[A. LÉRI.]

09G ATROPHIES MUSCULAIRES.

même régresserait-elle plutôt légèrement (P. Marie). L'état général reste

excellent et les malades peuvent vivre, ayant rarement perdu compte-

ternent l'usage de leurs membres, jusqu'à un âge très avancé s'ils ne sont

emportés par quelque maladie intercurrente.

2. Type Werdnig-Hoffmann. - Cette forme d'atrophie est

extrêmement rare ; on n'en connait que les 2 observations de Werdnig

(1890) ('), les 4 observations de Hoffmann (1895) (1), une observation de

Thomas et Bruce, 5 de Bruns (3), une observation douteuse de Dorrilrl (4);

quatre autopsies faites par Werdnig et par Hoffmann ont appris que le

substratum anatomique est une atrophie des cellules radiculaires anté-

rieures de la moelle.

L'atrophie débute dans la première enfance (fin de la première année

ou début de la seconde), par l'affaiblissement des membres inférieurs,

puis du dos. Cet affaiblissement est rapidement suivi par l'atrophie symé-

trique des muscles des cuisses, du bassin et du dos. Cette atrophie

frappe les muscles en masse et rapidement ; elle est parfois masquée plus

ou moins par l'adipose sous-cutanée. Les enfants ne peuvent rester assis

dans leur berceau ou dans leur lit, ils n'appprennent pas à se tenir do-

bout ni à marcher.

La paralysie et l'atrophie s'étendent en même temps aux muscles du

cou et de la nuque et aux muscles des membres supérieurs en commen-

çant par l'épaule et le bras ; tardivement elle envahit aussi les jambes et

les pieds, puis les avant-bras et les mains. Les muscles de la face ne

sont pas intéressés; le seul nerf crânien dont le domaine soit affecté est

la branche externe du spinal. Les muscles respiratoires peuvent s'atro-

phier et la mort peut être la conséquence de cette atrophie.

L'atrophie a partout les caractères de l'atrophie myélopathique. à part

la rareté des contractions fibrillaires.

L'évolution est relativement rapide, la mort en a été la conséquence

constante à l'âge maximum de 4 ou ans, à part deux cas récents de

Bruns qui se sont prolongés jusqu'à 12 et 15 ans.

C. ATROPHIE MUSCULAIRE MYÉLO-NÉVRITIQUE .

DE L'ENFANCE ET DE L'ADOLESCENCE

Névrite interstitielle hypertrophique (forme Gom-

bault-Dejerine-Sottas et forme Pierre Marie). Cette affec-

tion est très rare, puisqu'on ne connaît encore comme authentiques,

suivis d'autopsie, que les cas de Dejerine et Sottas (5), de Déjeune et

Thomas (), de P. Marie; une élude récente des cas de Pierre Marie a

1. WEIIII : '\lG. A/'{'/I. f. Psych. n. J'\el'l'el/h.. 1890, p. 757; 1894, p. 700.

2, IIOFFJL\ : '\ : '\. D. Zeilsch. ? tVervenG., 1895, p. 427. ,

5. Bus. Iri. 1901, p. 401.

4. Donnai), Ilospilalslidcmlc, 1902.

.'). Dkjkiiink et Sottas. Soc. biol., X ! J3 : -1)r : rarm ? Rea. médic, 1890.

li. Dran : mw : et Thomas. Soc. neurol., 5 juin 1 ! 1t)2.

NÉVRITE .INTERSTITIELLE HYPERTROPHIQUE.. 697

permis à Boveri d'en faire une forme spéciale, la forme Pierre Marie,

différant par certains caractères de la forme Gombault-Dejerine. -

L'atrophie débute dans l'enfance ou l'adolescence, Elle présente tous

les caractères' de l'atrophie d'origine nerveuse : contractions fibril-

laires, pas de pseudo-hypertrophie, pas de rétractions fibro-musculaires,

modifications de l'excitabilité électrique (quoique sans réaction de dégé-

nérescence)..La localisation est celle de l'àmyolrophie Charcot-Marie :

début par les pieds- et les jambes (pied bot vai'us équin, souvent pied de

Fnedreich), puis 'par les mains et les

avant-bras (type Aran-Duchenne) ; la pro-

gression se fait de l'extrémité vers la ra-

cine des membres ; l'atrophie peut être

presque généralisée et atteindre même le

domaine du facial inférieur (Dejerine).

Ce qui caractérise cette affection, c'est

l'association à l'atrophie (plus ou moins

semblable à celle dela variété Charcot-

Marie) de : ",

1 ° Une hypertrophie des troncs ner-

veux : cette hypertrophie pourrait faire

défaut cliniquement (cas de Dejerine, de

Brasch ? ) ('); elle est parfois extrêmement

prononcée, au point que les nerfs sous-

cutanés (plexus cervical superficiel, bra-

chial cutané interne, etc.) peuvent faire

saillie sous la peau (P. Marie) ; cette hy-

pertrophie ne se trouve ni dans l'atrophie

Charcot-Marie ni, au même degré, dans

aucune maladie connue; ,

2° Une cypho-scoliose parfois très pro-

noncée ;

5" Une série de symptômes d'origine

médullaire plus ou moins marqués, va- -

riables, rappelant ceux du lobes ou

ceux de la sclérose en plaques : l'abo-

lition des réflexes tendineux, le signe de Romberg qui n'est parfois

qu'ébauché, le signe d'Argyll-Robertson ou le simple affaiblissement

du réflexe lumineux avec ou sans myosis, des troubles de la sensibi-

lité objective surtout aux extrémités (hypoesthésie ou retard de la

transmission), parfois des. douleurs à caractère fulgurant, une incoor-

dination motrice plus ou moins intense des quatre membres; un trem-

blement intentionnel et un trouble de la parole (parole scandée, bredouil-

lée) ressemblant à ceux de la sclérose en plaques; parfois une légère

Bn.&scii. Berlin, Gesellsch-f. Psych. und 11'eriezheill : , juillet 1905.

a. zsRr.7

Fig. 11. - Névrite interstitielle hy-

pertrophique (malade de Pierre

Marie). Atrophie des jambes et des

pieds, atrophie des mains, cypho-

scoliose. Chez ce malade on voyait

les nerfs superficiels saillants sous la

peau.

G08 ATROPHIES MUSCULAIRES.

exophtalmie avec ébauche du signe de de Grael'e (cas de Pierre Marie) ;

les troubles sphinctériens et génitaux ont toujours fait défaut.

Marinesco, Bernhardt, Raymond avaient pensé que l'amyotrophie

Gombault-Dejerine-Sotlas n'était qu'une variété de l'amyotrophie Charcot-

Marie : les symptômes cliniques que nous venons d'énumérer sont am-

plement suffisants pour justifier aujourd'hui la séparation nosologique

absolue de ces deux types, ainsi que le veulent Dejerine, P. Marie, Sain-

ton. On peut discuter seulement sur la nature réelle de l'affection, sur

l'ordre de subordination des lésions des nerfs périphériques (névrite

interstitielle et parenchymateuse) et de la moelle (cordons postérieurs,

cellules radiculaires antérieures) que Dejerine, Pierre Marie et Boveri ont

constatées.

..

B. - ATROPHIES MUSCULAIRES PROGRESSIVES DE L'ADULTE^

(Atrophies acquises, myélopathiques.) 1

ATROPHIES A TYPE DUCHENNE-ARAN

L'atrophie musculaire progressive de l'adulte est presque toujours mye-

lopalhillue. La forme presque constante, la seule bien différenciée, est

l'amyotrophie dite Aran-Duchenne. Elle répond à l'atrophie et à la dispa-

rition des cellules radiculaires antérieures de la moelle sous l'influence

d'un processus morbide chronique.

L'amyotrophie Aran-Duchenne ne constitue pas une entité morbide

nettement isolée. Il est possible qu'il existe dans quelques cas rares une

inflammation systématique des cornes antérieures de la moelle, une

poliomyélite antérieure chronique, qui se traduise uniquement par l'atro-

phie progressive des muscles du groupe Duchenne-Aran; ce n'est pas

le cas le plus ordinaire. Le plus souvent l'amyotrophie n'est qu'un symp-

tôme dans un tableau clinique : les signes associés montrent que d'autres

parties de la moelle et de ses enveloppes sont, atteintes (cordons latéraux,

cordons postérieurs, méninges, etc.) : l'amyotrophie Aran-Duchenne est un

syndrome qui s'observe, en dehors de la poliomyélite antérieure chronique

pure, rare et douteuse, dans la syringomyélie, dans la sclérose latérale

amyotrophique, dans certains cas de meningo-myélite syphilitique, de

lèpre nerveuse, etc.

C\IL\CTlIOES du syndrome Duciienne-Aran.

Le syndrome d'Aran-Duchenne s'observe presque exclusivement, dans

des affections de Y âge adulte, et avec une prédilection marquée dans le

sexe masculin.

La localisation se fait presque toujours au début sur les petits

muscles des mains, et c'est surtout par une gêne fonctionnelle dans les

mouvements délicats, comme celui d'écrire, de saisir de menus objets.

tt1110TROPIIIES TYPE ARAi'I-DUCIIEi'i],;E. lï9O

de cueillir une fleur, que l'affection se révèle. Parfois, c'est par les

épaules que l'atrophie commence ou semble commencer, beaucoup plus

rarement par les bras (Etienne) ou le tronc, tout à fait exceptionnelle-

ment par les pieds et les jambes (cas de Raymond et Philippe) (').

Le premier muscle frappé est généralement le court abducteur du

pouce, muscle le plus superficiel et le plus externe de l'éminence thénar;

sa saillie fait place à une dépression sur le bord externe de la main, et

le pouce se rapproche de l'index. Puis tous les muscles des émi-

nences thénar et hypothénar s'atrophient, les éminences s'affaissent, le

pouce se met sur le même

plan que les autres doigts

et la main devient plate ;

c'est la main de singe.

Un peu après, quel-

quefois en même temps

ou même avant (Eulen-.

burg), les interosseux et

les lombricaux se pren-

nent, les espaces inter-,

osseux se creusent, les

métacarpiens font saillie,

la paume prend l'aspect

d'un gril, les deuxièmes

et troisièmes phalanges

se fléchissent alors que

les premières restent en

extension et parfois en

hyperextension : c'est la

main en griffe, dite main de Duchenne-Aran bien qu'elle ne soit nul-

lement celle queDuchenne avait décrite et représentée comme caractéris-

tique de l'atrophie musculaire progressive.

Les muscles de l'avant-bras se prennent ensuite, les fléchisseurs

d'abord, puis les extenseurs ; l'avant-bras s'aplatit, ses os font saillie, un

creux se dessine entre le cubitus et le radius ; les doigts se redressent, et

la main pend, flasque et ballante, capable des mouvements passifs les plus

exagérés, mais incapable d'aucun mouvement actif : c'est la main de

squelette, la main de cadavre.

L'atrophie gagne les bras et, plus souvent, les épaules, soit un temps

plus ou inoins long après les avant-bras, soit parfois avant eux. Aux bras,

elle frappe le biceps, le brachial antérieur, le deltoïde, beaucoup plus tar-

divement le triceps ;' aux épaules, le trapèze dans ses deux tiers inférieurs,

le rhomboïde et l'angulaire, le grand dentelé, le grand dorsal, le grand-

et le petit pectoral. L'omoplate restée épaisse, doublée du sous-scapulaire

1. et PIIII.11-l'E. Soc. neurol., 6 novembre 1902.

[A. LÉRI.l

Fig. 12. A, main dite « de Ducheiine-Arun »; B, main

que Duchenne considérait comme caractéristique de son

atrophie musculaire progressive et qui est sans doute une

main de syringumyctique.

700 ATROPHIES MUSCULAIRES.

en avant, des sus et sous-épineux en arrière, se détache du tronc;

l'aspect des scapulæ alafoe est exactement le même que celui que nous

avons décrit dans la forme scapulo-humérale de la myopathie; les dévia-

tions du scapulum au repos et dans les mouvements sont également les

mêmes.

. Tardivement le thorax, déjà privé en avant et en arrière de la doublure

musculaire, se creuse de gouttières transversales par l'atrophie des inter-

costaux et se trouve réduit au « gril costal », mais il reste arrondi, en

colonne, et non aplati comme le thorax des myopathiques. Les muscles

des gouttières vertébrales, les masses sacro-lombaires diminuent de

volume et de puissance, et le tronc s'incurve, la tète s'incline en avant,

il y a de la cyphose dorsale, ou parfois une légère cypho-scoliose, et de la

lordose lombaire. Exceptionnellement et tardivement la tête retombe

tout à fait sur le sternum et ne peut être relevée à cause de l'atrophie des

extenseurs de la tète, et en particulier du faisceau claviculaire du trapèze,

l' « ultimum moriens » de Duchenne.

Les membres inférieurs prennent rarement part à l'atrophie : elle

commence par les petits muscles du pied et par les fléchisseurs du pied

sur la jambe, puis gagne les fléchisseurs de la jambe et ceux de la cuisse,

enfin les extenseurs en remontant de l'extrémité vers la racine.

La face ne reste pas toujours indemne, contrairement à l'opinion

classique, mais ce sont les petits muscles superficiels, peauciers, qui se

prennent, la face prend un aspect uniformément émacié très caracté-

ristique.

Les caractères de l'atrophie sont ceux des atrophies myélopathi-

ques que nous avons déjà décrits.

Les contractions fibrillaires ou fasciculaires manquent rarement

tout à fait; elles sont étendues à une grande partie de la musculature ou

localisées à quelques muscles en voie d'atrophie, plus particulièrement à

certains d'entre eux, le deltoïde par exemple; brusques, limitées à une

partie des muscles ou propagées en ondes, spontanées et réveillées par

la moindre excitation, pincement, frottement, impression de froid, elles

peuvent déterminer parfois de véritables mouvements involontaires.

L'examen clinique ne révèle, à aucun moment de l'évolution, aucune

hypertrophie vraie ou fausse de l'un quelconque des muscles ou d'une

de ses portions.

On ne constate pas de réactions fibro-musculaires , et à tout moment

les articulations entourées de muscles atrophiés restent lâches. Il. Meu-

nier (') a pourtant signalé dans un cas une contracture intermittente,

passagère et récidivante, des muscles d'un membre inférieur; nous ne

sommes pas renseigné sur la nature de cette contracture exceptionnelle.

* La contractilité électrique varie pour chaque muscle suivant la

période de l'atrophie, et même pour chaque faisceau musculaire, car les

t. II. Meunieii. Rev. oaeurol.. ](HJ2, p. 5-45.

AMYOTROPHIES TYPE ARAN-DUCHENNE. 701

muscles se prennent faisceau par faisceau et parfois presque fibre par

fibre.

La contractilité faradique diminue progressivement jusqu'à ce que

l'atrophie soit complète. La contractilité galvanique diminue plus tardi-

vement, puis augmente, quand le nombre des fibres en voie de dégénéra-

tion, quoique non complètement atrophiées, l'emporte sur le nombre

des fibres saines (Erb) ; à ce moment la contraction se fait lentement et

la secousse de fermeture est plus forte au pôle positif qu'au lole négatif :

c'est l'inverse de la formule normale, c'est la réaction de dégénéres-

cence. Enfin la contractilité galvanique diminue et disparait définitive-

ment. La réaction de dégénérescence n'apparaît donc dans chaque

muscle qu'à un moment donné de son atrophie; son apparition est la

règle dans les atrophies myélopathiques et l'exception dans les atrophies

myopathiques, mais elle n'est nullement pathognomonique,

L'excitabilité électrique des nerfs est normale ou diminuée, rarement

abolie.

Remak a décrit dans l'atrophie Aran-Duchenne une « contraction

diplégique », phénomène rare qui consiste en contractions bilatérales

des muscles des membres supérieurs atrophiés quand on place le pôle

négatif d'une pile au-dessous de la 5c vertèbre cervicale, le pôle.positif

entre la 1"e et la 5", surtout dans la. fossette carotidienne. Walter a

décrit le « palmo-spasme », autre phénomène rare, sorte d'agitation de

la main qui se produit quand on interrompt un courant faradique ou

galvanique traversant les muscles du membre supérieur.

Les réflexes tendineux sont variables, mais leur variation ne paraît

pas proportionnelle à l'atrophie. Ils sont en général diminués dès le

début; dans certaines formes d'atrophie Duchenne-Aran, dans la pachy-

méningite cervicale hypertrophique, dans la sclérose latérale amyotro-

pbique, dans la forme spasmodique de la syringomyélie, dans quelques

mb11ngo-myélites syphilitiques avec sclérose des cordons latéraux, ils sont

exagérés, soit précocement, soit tardivement.

Les membres atrophiés sont souvent froids, légèrement cyanosés, la

peau est mince, parfois épaisse, couverte d'éruptions diverses, parfois

doublée d'un pannicule adipeux pseudo-oedémateux dépressible ou induré

(Duchenne, Yulpian). La fragilité des os, des arthropathies semblables à

celles du tabès et de la syringomyélie ont été rarement signalées (Etienne) ;

peut-être s'agit-il dans ces cas d'amyotrophie par myélite syphilitique.

\j évolution du syndrome Aran-Duchenne est naturellement variable

avec la maladie provocatrice; elle est particulièrement rapide dans la

sclérose latérale amyotrophique (2 ans à 4 ou 5 ans au plus), particu-

lièrement lente dans la syringomyélie (jusqu'à 50, 40 ans et plus). Les

muscles ne sont pas toujours symétriquement atrophiés, il est ordinaire

de voir l'atrophie d'un segment de membre précéder de quelques mois

celle du segment correspondant du côté opposé, il n'est pas rare de voir

atteints d'abord l'éminence thénar d'un côté et le deltoïde du côté

[il. LÉRI.

702 ATROPHIES MUSCULAIRES.

opposé, mais dans ce cas la seconde main ne tarde pas à être prise à son

tour.

La mort est parfois le fait d'une maladie intercurrente, plus souvent

de la propagation de la maladie causale ; fréquemment le malade suc-

combe avec des crises dyspnéiques, tachycardiques et arythmiques que

l'on a attribuées soit à l'atrophie du diaphragme (respiration paradoxale

avec rétraction inspiratoire de l'abdomen), soit il l'atteinte des noyaux

bulbaires (paralysie tabio-gtosso-taryngée). Ces crises sont peut-être dues

aussi en grande partie à Y atrophie de la musculature viscérale, et en

particulier du coeur : nous avons, en effet, trouvé une fois une atrophie

musculaire presque complète de tous les organes musculo-membraneux

(intestin, estomac, vessie, vésicule biliaire, coeur); le coeur entre autres

était extrêmement atrophié, l'oreillette droite n'était plus constituée que

par une mince membrane parcheminée, transparente, à travers laquelle

on apercevait de l'extérieur les colonnettes exclusivement tendineuses de

la surface interne; l'oreillette gauche présentait deux hernies de l'endo-

carde à travers la paroi musculaire (').

Variétés OSOLOGIQUES du syndrome DUCIIG\\I ? iIIAV.

Le syndrome d'Aran-Duchenne l'ait partie du tableau clinique habituel

de la sclérose latérale amyotrophique, de la syringomyélie, de la pachy-

méningite cervicale hypertrophique ; il se rCl1chntre parfois dans un

certain nombre de cas d'hématomyélie, de lèpre nerveuse, de méningo-

myélite syphilitique, de tabès, de sclérose en plaques, même exception-

nellement dans certaines névrites; peut-être enfin peut-il exister isolé,

comme la manifestation svmptomatiquc d'une poliomyélite antérieure

chronique frappant systématiquement et exclusivement les cellules radi-

culaires des cornes antérieures de la moelle.

Dans la sclérose latérale amyotrophiques, la pachyméningite cervicale

hypertrophique, la sclérose en plaques, quelques cas de syringomyélie

et de méningo-myélite syphilitique, il y a tendance à la spasmodicité

avec exagération des réflexes tendineux; dans les autres cas, les ré-

flexes sont normaux ou généralement diminués.

Dans la sclérose latérale amyotrophique, au syndrome de l'atrophie

progressive des cellules radiculaires antérieures (syndrome Aran-

Duchenne.) s'associe le syndrome spasmodique de la sclérose des fais-

ceaux pyramidaux latéraux : exagération précoce des réflexes tendineux,

extension des orteils, tendance à la contracture. L'évolution est rapide,

la inort survient après peu d'années; il est probable que les cas prolon-

gés que l'on a signalés (10, 15, 20 ans) sont des cas de myélite avec

atteinte progressive des cornes antérieures et des faisceaux latéraux. La

paralysie iabio-gtosso-taryngée est la terminaison ordinaire, elle existe

quelquefois dès le début et est alors caractéristique.

1. I ? m. Rec. ne Il 1'0 1. , 15 mai 1902.

AMYOTROPHIES TYPE ARAN-UUCHENNE. 705

La pachyméningite cervicale hypertrophique est une affection qui

n'a plus guère d'autonomie ; le plus grand nombre des cas sont des cas

de syringomyélite ou de. méningo-myélite tuberculeuse ou syphilitique;

peut-être reste-t-il quelques cas de pachyméningite primitive vraie,

fibreuse, telle qu'elle a été décrite par Charcot et Joffroy. Elle se carac-

térise, quelle qu'en soit la nature, par de violentes douleurs névral-

gigues de la nuque, du cou, des bras, parfois du tronc, par l'exagé1Yl-

lion des réflexes .tendineux, par l'absence de contractions fibrillaires ;

son évolution est très variable; la main est fréquemment une « main de

prédicateur ».

Dans la sclérose en plaques, l'amyotrophie, généralement modérée,

peut prendre une importance assez considérable pour que Charcot ait

décrit une « forme amyotrophique ». Pour Lejonne ('),.qui en a récem-

ment repris l'étude, cette forme amyotrophique se distingue par certains

caractères du. syndrome Aran-Duchenne; l'amyotrophie atteint généra-

lement à la fois les membres supérieurs et les membres inférieurs; à

la main elle prédomine sur les interosseux, au membre inférieur sur

le triceps sural et le quadriceps crural; elle n'est pas massive et n'est

jamais complète sur aucun muscle, elle ne s'accompagne pas en géné-

ral de contractions fibrillaires et jamais de réaction de dégénérescence.

La paralysie et la contracture se joi-

gnent rapidement à l'atrophie ou la

précèdent et, en dehors des signes

ordinaires de la sclérose en plaques

(démarche cérébelleuse ou spasmo-

dique, tremblement intentionnel et

massif, nystagmus, troubles de la vi-

sion, etc.), la forme amyotrophique

de la sclérose en plaques se caracté-

riserait par la fréquence et la préco-

cité de troubles sphinctériens, tro-

phiques et mentaux.

La syringomyélie ne s'accompagne

pas toujours du syndrome Aran-

Duchenne ; la forme de la main est

souvent celle de la « main de prédi-

cateur » avec hyperextension du poi-

gnet, ou celle de la « main en pince »

(Marie et Guillain) avec contracture

surtout des trois derniers doigts.

Quand la main est celle d'Aran-Duchenne, la syringomyélie se distingue

par la dissociation de la sensibilité objective (abolition des sensibilités

douloureuse et thermique avec conservation de la sensibilité tactile),

.1. Lejonne. Th. Paris, 1903.

[A. LÉRI.1-

,

Fig. -I3. - lIIai1l8 d'A1'On-Duchemze chez

uu syririgomyélique (colleclion Damas-

chino).

704'

Ci ? . - " - -- -

rmOPllOESMUSGULA11OES.

par les troubles moteurs et trophiques, par la cypho-scoliose parfois

excessive, par l'exagération fréquente des réflexes tendineux des mem-

bres inférieurs, par le début parfois précoce, avant vingt ans; et la

marche excessivement lente jusqu'à un âge très avancé, presque toujours

sans atteinte des membres inférieurs.

L'atrophie, comme les autres troubles, est souvent très inégale d'un

côté et de l'autre, et l'on peut observer une syringomyélie unilatérale

(Dejerine et Sottas, Dejerine et Mirallié). ,

La-maladie de Morvan n'est qu'une forme de syringomyélie ou de lèpre

avec prédominance de- troubles trophiques (panaris analgésique, etc.).

La' lèpre à forme nerveuse ne s'accompagne pas toujours d'amyotro-

phie ; quand l'amyotrophie existe, elle peut être due soit à une névrite,

soit sans doute à une lésion des cellules radi-

culaires de la moelle. Elle frappe surtout les

mains, mais-ne produit pas toujours l'aspect

de la main d'Aràn-Duchenne. Elle se distin-

gue par les circonstances é11ologiques, par

des symptômes qui lui sont communs avec

la syringomyélie, tels que sensibilité disso-

ciée, troubles trophiques, etc., et par des

symptômes qui lui sont propres, tels que plan-

ques d'anesthésie, épaississement des troncs

nerveux, entre autres du 'cubital dans la

gouttière olécrânienne, concomitance parfois

de nodules lépreux, etc.

Les méningo-myéliles infectieuses, et en

particulier la méningo-myélite syphiliti-

que, nous ont paru être la cause du syn-

drome Aran-Duehenne dans le plus grand

nombre des cas où ce syndrome-a été observé

plus ou moins pur. Notre opinion (') a été

basée sur plusieurs examens anatomiques

et cliniques personnels et sur la lecture des

observations antérieures, qui ont toutes pré-

cédé la période où la pratique courante de

la ponction lombaire et du cyto-diagnostic

ont fait attribuer à la séreuse méningée sa

véritable importance..

Plusieurs signes cliniques différentiels

avaient été donnés de la méningo-myélite syphilitique à type' Aran-Du-

chenne et de la polyomyélite antérieure chronique vraie : parésie précé-

dant l'atrophie, douleurs, évolution rapide. Aucun de ces symptômes

n'est ni constant, ni caractéristique : la parésie semble toujours précéder

1. Léri. Amyotrophie progressive spinale, et syphilis. 'Congrès de- Bruxelles, 1905.

Fig. '14. 3léiiiii qa-myél7te sy-

philitique ayant évolué comme

une atrophie musculaire pro-

gressive. Atrophie des' mains,du

type Aran-Duchenne. Atrophie

des membres inférieurs.

AMYOTROPHIES TYPE ARAN-DUCHENNE. 705

l'atrophie, quelle que soit la lésion causale, parce que la gêne fonction-

nelle est toujours le premier phénomène qui attire l'attention : l'évolution

la plus lente peut se rencontrer dans les méningo-myélites syphilitiques

11(i et 18 ans dans des cas personnels); enfin des douleurs existent

peut-être dans certaines poliomyélites, mais elles ne sont en tout cas pas

constantes dans la méningo-myélite syphilitique chronique.

Cependant l'existence de douleurs persistantes et la rapidité de l'évo-

lution devront faire songer à la méningo-myélite, probablement syphi-

litique, en présence d'une amyotrophie Aran-Duchenne; le diagnostic

se trouvera confirmé si plus tard apparaissent l'exagération des réflexes

rotuliens et l'e.xtension des orteils, signes de la dégénération du cor-

don latéral ; enfin il pourra peut-être être établi avec certitude quand

on observera :

1" Le signe <7'/h'< ? 7 ! o'<son, signe presque caractéristique et sou-

vent précoce de la syphilis du système nerveux central (Babinski et Char-

pentier), dont la constatation a une très grande importance, mais dont

l'absence ne doit pas faire rejeter l'idée de syphilis nerveuse, car il peut

l'aire défaut dans les amyotrophies les plus sûrement syphilitiques;

2" La lymphocytose du liquide céplalo-rachidiez, que nous avons

plusieurs fois constatée, mais qui peut être très modérée ou même

manquer dans des cas anciens.

Dans le tabès, on peut constater des amyotrophies à type Aran-

Duchenne. mais le plus souvent l'atteinte des membres supérieurs est

alors précédée par celle des membres inférieurs; parfois aussi on trouve

des atrophies diversement localisées, atrophie de la langue, des muscles

innervés par la branche externe du spinal, des masticateurs, etc.; ces

amyotrophies sont souvent précoces et fréquemment asymétriques. Elles

méritent d'être distinguées des atrophies tardives, plus fréquentes,

qui, dans la période d'incoordination confirmée, réduisent symétrique-

ment les membres inférieurs à des proportions squelettiques et provo-

quent l'apparition du pied-bot flaccide et atonique décrit par .Jo ! 1l'OY, Ces

dernières atrophies relèvent peut-être d'une névrite : les premières au

contraire, et en particulier l'atrophie Aran-Duchenne, dépendent sûre-

ment d'une atrophie des cellules radiculaires antérieures de la moelle

[(Pierre Marie ('). Condoléon (2), Leyden, Charcot et Pierret, Schaffer,

Raymond et Philippe (au, Collins (4)]. L'état de la méninge au niveau du

passage des racines antérieures n'est peut-être pas pour rien dans cette

dégénérescence cellulaire, peut-être aussi dans les névrites : il semble

logique d'admettre aujourd'hui que l'atrophie d'origine spinale dans le

tabès peut n'en pas être une complication, mais que les deux affections

peuvent reconnaître une cause commune la élite

1. P. Maiîik. Leç. sur les mal. de la moelle, Paris, lu.

2. <CO ! .MX. Th. Paris, 1885.

0. Raymond cl Pli Il.1 1'1'10 : . Soc. neurol.. Décembre 1902.

i. Col.l.ns. J. of nerv. aud ment, dis., Juin 1905.

Pratique \EUII()f.. ! 5

[A. léri.-]

706 ATROPHIES MUSCULAIRES.

syphilitique serait l'origine du tabès par sa localisation sur la méninge

et le cordon postérieurs (P. Marie et Guillain), de l'atrophie musculaire

par sa localisation sur les cornes antérieures, peut-être aussi sur la mé-

ninge antérieure (').

Le syndrome d'=lrau-Duchenne a été signalé aussi dans un certain

nombre de cas de paralysie générale (Bail, Mac Dowald, Voisin et

Hanot, Rendu, Vigoureux et Laignel-Lavastine, etc.) : aujourd'hui que'

l'on connaît la constance de la méningite dans cette affection, on s'ex-

plique parfaitement l'amyotrophie spinale par l'existence d'une tué-

ningo-myélite, probablement syphilitique : ce que nous venons de dire

du tabes est applicable à la paralysie générale.

Dans certaines névrites on peut observer l'atrophie type Aran-

Duchenne ; dans la névrite saturnine en particulier, elle a été signalée

par Môbius, Rcmak, Mme Dejerine. .

Toutefois nous croyons devoir émettre des doutes sur l'origine réelle

de l'atrophie dans le cas où elle est étendue et progressive; dans la

moelle d'un vieux saturnin, chez lequel l'atrophie, d'abord localisée

aux extrémités suivant le type classique de la névrite saturnine, s'était

ensuite presque généralisée aux quatre membres, nous avons trouvé des

lésions très intenses des cellules radiculaires antérieures; nous croyons

qu'il en est souvent ainsi et qu'un bon nombre des soi-elisantpolvnévrites

toxiques sont en réalité des m/élopatlhies toxiques.

L'évolution de l'atrophie, la paralysie plus ou moins marquée du début,

la notion étiologique professionnelle et la constatation des stigmates el

des accidents saturnins (liséré gingival, coliques de plomb, etc.,) per-

mettront généralement de rapporter le syndrome Aran-Duchenne d'ori-

gine saturnine à sa véritable cause.

Ces différentes affections causales du syndrome Aran-Duchenne étant

éliminées, reste-t-il une place pour une maladie d'Aran-Duchenne,

caractérisée par une poliomyélite antérieure chronique pure, par la

dégénération progressive primitive, systématique et isolée des cellules

des cornes antérieures ? De très rares observations (Dreschfeld, Oppeu-

hcirn, Nonne (2), .1. et Dutil, Dejerine, Raymond) semblent le

1. Pendant l'impression de ce mémoire, nous avons pu voir dans le service de noire

maître, le U Mosny, un malade dont l'affection complexe nous paraît être la meilleure

démonstration de l'opinion que nous exprimons ici : ce malade, présentant une atrophie

musculaire presque généralisée, ayant débuté par les mains comme une atrophie Ai'im-

Duchenne et s'étant propagée ensuite non seulement il la totalité des 4 membres, mais

encore aux muscles de la face, de la langue, des yeux, etc., avait aussi des signes

manifestes de tabès (douleurs fulgurantes, incontinence d'urine, lymphocytose, etc.),

qui avaient précédé et accompagné l'amyotrophie. Il était bien peu logique, ce nous

semble, d'attribuer une amyotrophie si considérable à un tabès dont la symptomatologie

était, en somme, assez restreinte; telle n'est nullement la forme ordinaire des am)'o-

trophil's tabétiques; il était bien plus vraisemblable que tabès et amyotrophie avaient

pour cause commune une méningo-myélite, sans doute syphilitique : tel fut l'avis de

M. Mosny.

2. NO"m : . D.ZlscAr., f. NervenH., 1891, |>. 157.

ATROPHIES MUSCULAIRES SECONDAIRES. 707

prouver; mais, dans presque tous les cas, d'autres lésions que l'atrophie

des cellules radiculaires, lésions médullaires ou périphériques, ont été

constatées, et l'on a du créer pour expliquer ces lésions « accessoires »

des théories qui ne sont rien moins que démontrées ; de plus beaucoup

d'autopsies ont été faites sans les nouveaux procédés de recherches, et

toutes datent d'avant la période où l'on a attribué quelque importance à

la pathologie de la méninge. Nous avons eu nous-mème récemment l'oc-

casion d'examiner des coupes qui nous avaient été envoyées avec l'éti-

quette de poliomyélite antérieure chronique et nous y avons trouvé une

lymphocytose péri-vasculaire et méningée indiscutable, témoin d'une

méningo-myélite très probablement syphilitique. De sorte qu'aujourd'hui

encore nous pouvons dire qu'il n'y a pas jusqu'ici un seul cas authen-

tique et certain de poliomyélite antérieure chronique pure; sans affirmer

que la maladie d'Aran-Duchenne n'existe pas, nous croyons avec Pierre

Marie que son existence en tant qu'entité clinique ne doit pas encore être

acceptée sans quelques réserves.

Il. - ATROPHIES MUSCULAIRES SECONDAIRES

L'un des caractères les plus constants de ces amyotrophies secondaires

soit à une lésion locale soit à une paralysie, c'est, contrairement aux

amyotrophies primitives, d'atteindre d'emblée, plus ou moins rapide-

ment, la totalité des muscles qui doivent être frappés, et d'affecter

ensuite une évolution plutôt régressive que progressive, sinon pour

l'intensité de l'atrophie, du moins pour son étendue.

Si vastes qu'elles soient, les amyotrophies secondaires sont localisées

soit aux muscles qui avoisinent une région malade, soit à des muscles

déterminés il l'avance par une paralysie préalable,

Dans cet article de séméiologie pratique où nous n'avons pas à entrer

dans des discussions pathogéniques, nous serons bref sur les amyotro-

phies secondaires, dont les caractères dépendent essentiellement de la

nature et de la localisation d'une affection primitive avec laquelle elles

doivent être étudiées. -

A. - ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE LÉSION LOCALE

a) Atrophies par lésions vasculaires. Dans l'cc·tério-

sclérose et surtout dans l'artérite des gros troncs, en particulier dans

iartérite syphilitique, on a signalé des atrophies, généralement loca-

lisées à quelques muscles, parfois plus ou moins massives, accompagnées

soit de claudication intermittente, soit de gangrène des extrémités.

Marinesco (') en particulier a étudié les lésions musculaires dégénéra-

1. Maiusesco. Semaine médic., 15 février 1890.

t.

. [A. LERI]

708 ATROPHIES MUSCULAIRES.

tives dans ces cas d' « angiomyopathie » ; Rénon et Louste (') ont mis en

doute l'origine vasculaire exclusive de ces lésions indépendamment de

toute participation du système nerveux.

b) Atrophies « réflexes ». A la suite d'une irritation péri-

phérique quelconque peut survenir une amyotrophie plus ou moins

étendue qui débute dans les muscles voisins de la région irritée.

Cette amyotrophie est dite « réflexe » parce qu'on la suppose due à

un trouble purement dynamique des cellules motrices de la moelle,

trouble transmis par la voie des filets sensitifs irrités : cette hypothèse a

été émise par Vulpian, soutenue par Charcot, appuyée par les expé-

riences de Le Fort, de Valtat, de Duplay et Cazin, de Van Gehuchten n,

qui ont constaté une atrophie simple des muscles sans aucune altéra-

tion inflammatoire et une intégrité complète de la moelle, défendue sur-

tout par Raymond (') et par lIoffa (*) qui ont montré qu'on pouvait

expérimentalement empêcher l'apparition d'une atrophie réflexe par la

section préalable des racines postérieures. Cette opinion, à peu près uni-

versellement adoptée jusque-la, a été combattue par Klippel, par Achard

et Lévi, par Mignot et Mally (') qui, les premiers par l'anatomie patholo-

gique, les autres par l'expérimentation, ont montré que l'atrophie pou-

vait être due à des lésions véritables des cellules radiculaires antérieures

de la moelle.

Les atrophies réflexes s'observent le plus souvent à la suite de lésions

articulaires; elles peuvent s'observer aussi consécutivement à une foule

de lésions abarticulaires.

a) Atrophies d'origine articulaire. Une atrophie musculaire peut

apparaître au cours ou à la suite d'une lésion quelconque d'une ou plu-

sieurs articulations, traumatique, infectieuse ou dyscrasique : arthrites

aiguës ou chroniques, rhumatismales, goutteuses, blennorrhagiques,

luxations, entorses, simples chocs ou contusions.

L'amyotrophie est particulièrement fréquente à la suite des arthrites

chroniques, tuberculeuses surtout, des arthropathies d'origine nerveuse,

tabétiques ou syringomyéliques. Elle est tout à fait indépendante de la

violence de l'inflammation articulaire ou de l'intensité des douleurs. Elle

peut s'observer au voisinage de toutes les articulations, mais surtout des

grandes articulations, genou, hanche, épaule, plus volontiers aux mem-

bres inférieurs qu'aux membres supérieurs.

L'amyotrophie d'origine articulaire est ordinairement précoce et

1. et Loustk. Arch. de rnédec., 1905, p. 78.

2. CIIAIICOT. Ler. sur les mal. du sllst. rteru., '1887, p. 27. Leç. du mardi, 1888 et

1889; Valtat. Th. Paris, 1877; Duplay et Cazin. Arlt. de 11lédec" '1891 ; Van (Ihiihcii-

tkn. ./01/1'11. de neurol., 1900, p. 182.

5. Raymond. Rev. médit, 1890.

4. IIoFFA, Congrès des chirllrg. allem" Berlin, 1892.

5. Kup)'nL. Soc. arcatorn., 1887 et 1888; ACHARD et L. LEV ! . Icon. Salpêll ? 1898;

MIGNOT et Mally. Arch. de médoc, 1900, p. 296. 1

ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE LÉSION LOCALE. 709

rapide; elle est d'ordinaire manifeste dès le courant du premier mois

qui suit le début d'une inflammation articulaire, souvent dès le 12e ou

15e jour, parfois dès le 4e ou 5e jour, par conséquent à une période

où l'on ne peut incriminer le repos prolongé. Elle frappe avant tout,

et le plus souvent uniquement, le muscle ou le groupe extenseur situé

au-dessus de l'articulation lésée, par exemple le quadriceps fémoral

pour une lésion du genou, le deltoïde pour une lésion de l'épaule, les

fessiers pour une lésion de la hanche. Des extenseurs l'atrophie peut

s'étendre aux fléchisseurs, mais en restant toujours plus accusée sur les

premiers. Elle peut envahir la totalité des muscles d'un segment du

membre, elle peut même envahir les muscles du ou des segments situés

au-dessous de l'articulation lésée. Quelquefois l'atrophie présente une

localisation conforme à la topographie motrice médullaire et qui paraît

bien démontrer son origine spinale : c'est ainsi qu'à la suite d'une carie

sèche de l'articulation scapulo-humérale, Ilalipré (') a vu l'atrophie

affecter tous les muscles du groupe Duchenne-Erb, c'est-à-dire ceux

qui répondent aux 5" et 6e paires cervicales, y compris le long supina-

teur, muscle de l'avant-bras. L'atteinte simultanée des muscles voisins de

plusieurs articulations, à la suite d'une attaque de rhumatisme polyarti-

culaire, par exemple, peut simuler une atrophie musculaire progressive.

L'atrophie est ordinairement peu prononcée, elle peut parfois être très

intense et déterminer entre les membres correspondants des différences

de circonférence de 5 ou 6 centimètres et plus.

C'est une atrophie simple, elle ne s'accompagne pas d'hypertrophie

vraie localisée ni de pseudo-hypertrophie, mais elle présente la plupart

des autres caractères que l'on est accoutumé à rencontrer dans les atro-

phies que l'on considère comme primitivement musculaires, les atro-

phies myopathiques entre autres. Les muscles atteints ne présentent pas

de contractions fibrillaires; l'excitabilité électrique est normale ou dimi-

nuée proportionnellement à l'atrophie, mais jamais on n'observe de

modification qualitative, de réaction de dégénérescence complète ou

partielle. Les rétractions (ibro-nnlsculaires ne sont pas exceptionnelles

et portent avec prédilection sur les fléchisseurs antagonistes des muscles

les plus atrophiés; on voit par exemple assez souvent la jambe se fléchir

modérément sur la cuisse. L'excitabilité mécanique des muscles est sou-

vent exagérée, le moindre choc provoque des secousses. Les réflexes ten-

dineux sont parfois diminués, plus ordinairement brusques et exagérés,

et, au membre inférieur, la trépidation épileptoïde apparaît, parfois.

On n'observe ni troubles de la sensibilité, ni troubles trophiques ou

vaso-moteurs; pourtant, si l'amyotrophie s'est produite dans le cours des

premières années de l'existence, elle peut avoir pour conséquence un

arrêt de développement du squelette du membre et simuler une paralysie

infantile.

1. HAi.ipi ! K ? îe(i. médic de Normamlic, 1 (JO;), p. 425.

[A. LÉRI.

710 ATROPHIES MUSCULAIRES.

L'atrophie de cause articulaire s'accompagne ordinairement de parésie

au moins au début; cette parésie semble même précéder ordinairement

l'atrophie, et l'impotence fonctionnelle est excessive si on la compare au

nombre des fibres musculaires disparues; la preuve en est que généra-

lement la force musculaire revient au bout de peu de temps, mais que le

muscle n'augmente pas pour cela de volume, que l'atrophie subsiste,

augmente même plutôt qu'elle ne diminue, et persistera souvent encore

pendant des mois et parfois des années. Un des caractères évolutifs les

plus typiques de cette amyotrophie est en effet, en dehors de son début

rapide, sa ténacité extrême et sa durée parfois indéfinie. Cette durée

est souvent en partie proportionnée à la durée de la lésion articulaire

provocatrice, mais le fait n'est nullement constant, et une atrophie peut

persister indéfiniment à la suite d'une arthrite tout à fait passa-

gère. L'atrophie, quelle que soit sa durée, est d'emblée circonscrite et

n'a aucune tendance à envahir des muscles qu'elle avait d'abord res-

pectés.

(3) Atrophies d'origine abarticulaire. Des atrophies musculaires

peuvent succéder à une lésion quelconque, et en particulier à une lésion

traumatique des membres ; elles peuvent porter sur des muscles voisins

de la lésion et sont peut-être dues alors à une inflammation propagée aux

muscles; mais elles portent souvent aussi sur des muscles éloignés et

parfois sur tous les muscles d'un segment de membre ou d'un membre

entier; dans ce cas, elles reconnaissent la même pathogénie que les

atrophies d'origine articulaire, dont nous venons de parler.

Les amyotrophies peuvent être consécutives : aux lésions des os.

ostéites ou plus souvent fractures, surtout fractures juxta-articulaires

(Tillaux, Gosselin), en particulier fractures de la rotule (Christin) (');

aux lésions des téguments, traumatisme quelconque, plaie superfi-

cielle, contusion même (Charcot et Dulil il (s), Ballet et Bernard (3), etc.) :

aux lésions des muscles, compression, plaie plus ou moins profonde,

déchirure à la suite d'un ellort musculaire (von Lücke), rupture d'une

veine intra-musculaire (coup de fouet, Charcot).

Les caractères de l'atrophie d'origine abarticulaire sont identiques à

ceux de l'atrophie arthrogène ; elles sont parfois très étendues, ordinai-

rement peu prononcées, fréquemment très tenaces.

Une mention spéciale doit être faite des atrophies des muscles thora-

ciques consécutives aux pleurésies . Ces atrophies sont surtout fréquentes

dans les pleurésies anciennes, mais elles peuvent apparaître précocement

dans le cours même d'une pleurésie aiguë, dès la 2e ou la le semaine

(Lasègue, Desplats). Quand l'atrophie ne frappe que les muscles inter-

costaux, on peut supposer qu'elle ne constitue qu'une application de

la loi de Stokes en vertu de laquelle un muscle sous-jacent il une séreuse

1. Chiustin. Th. Paris, 1880.

2. Ciiaiicot. Progrès médical, avril '1895.

5. Ballet et Bernard. Arch. de médoc, 1900, p. 31ft.

ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE. 711

enflammée se paralyse; mais parfois elle atteint les pectoraux, les grands

dentelés, le grand dorsal, même les muscles périscapulaires : dans ces

cas l'amyotrophie consécutive à l'inflammation de la séreuse pleurale

semble bien avoir même pathogénie que celle de l'amyotrophie consé-

cutive à l'inflammation des séreuses articulaires. Les caractères de l'atro-

phie sont les mêmes et sa ténacité est souvent d'autant plus considérable

que les inflammations pleurales laissent fréquemment des reliquats

presque indéfiniment persistants. ? B. ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE ;

Le caractère général de ces atrophies, de beaucoup les plus fré-i

ententes, est d'envahir soit la totalité, soit une partie seulement des

muscles préalablement paralysés d'un ou de plusieurs membres ; la

paralysie est le phénomène morbide initial et prédominant, c'est elle qui

commande avant tout la distribution de l'atrophie. L'atrophie est d'ail-

leurs d'une fréquence et d'une intensité variable suivant, que la paralysie

est d'origine organique ou fonctionnelle, et, dans le premier cas, suivant

que le siège de la lésion nerveuse est médullaire, cérébral ou périphé-

rique ; dans chacun de ces cas elle présente aussi des variétés indivi-

duelles suivant l'intensité et la localisation exacte de la lésion, suivant

et la période du développement, peut-être aussi suivant des prédis-

positions névropathiques, héréditaires ou acquises.

a) Atrophies consécutives à une paralysie d'origine

médullaire. Ces atrophies s'observent à la suite de toutes les

affections aiguës de la moelle où les cornes antérieures se trouvent

rapidement détruites soit par un processus infectieux ou toxique (para-

lysies spinales aiguës de l'enfant ou de l'adulte, myélites), soit par un

épancbeinent sanguin (liérnatomyélies).

On pourrait y ajouter toutes les maladies chroniques de la moelle où

ces cornes antérieures sont ou peuvent être progressivement altérées,

comme la sclérose latérale amyotrophique, la syringomyélie, la méningo-

myélite syphilitique, la lèpre nerveuse, etc.; mais dans ces cas il est

difficile de dire si la paralysie précède véritablement l'atrophie, il semble

que la parésie soit d'ordinaire proportionnelle à la diminution du nombre

des. fibres musculaires. Aussi est-ce l'amyotrophie qui prend dans la

sy, 1111) toiiit t ologie clinique l'importance prépondérante ; et, comme elle a

tendance il envahir progressivement des parties de plus en plus étendues

de la musculature, nous avons cru devoir compter au nombre des atro-

phies musculaires progressives, primitives, d'origine myélopathique, les

amyotrophies qui surviennent dans le cours de ces affections. Nous ajou-

terons seulement que, si le type Aran-Duchenne est de beaucoup la

forme la plus fréquente de toutes ces amyotrophies, on peut à titre

exceptionnel voir survenir dans ces affections une amyotrophie à locali-

sation différente, telle par exemple la localisation de l'amyotrophie syrin-

. [A. LÉRI.]

712 - ATROPHIES MUSCULAIRES.

gomyélique suivant le type scàpulo-huméral (ceinture scapulaire et bras)

ou suivant le type dorso-lombaire (ceinture pelvienne et. membres infé-

rieurs). .. -

. Dans la paralysie spinale infantile l'atrophie ne se montre que long-

temps, six semaines au moins et- souvent beaucoup plus, après une para-

lysie flasque à début brusque et fébrile, d'abord très étendue ou généra-

lisée, ensuite régressive et localisée. L'atrophie se montre exclusivement

au niveau des groupes musculaires restés paralysés, très souvent au

niveau des muscles de presque tout

un membre ou de plusieurs membres.

Le plus fréquemment elle frappe l'un

ou les deux membres inférieurs, excep-

tionnellement les membres supérieur

et inférieur d'un même côté. Aux

membres atteints elle débute le plus

souventpar l'extrémité (pied bot équin,

main de singe), rarement par la racine

(type scapulo-huméral) : elle s'y loca-

lise parfois.

- Toujours cette atrophie est accom-

pagnée d'un arrêt de développement

du squelette, entraînant un raccour-

cissement de la totalité ou d'une partie

d'un membre, et de troubles trophi-

ques et vaso-moteurs portant sur les

téguments ; l'adipose sous-cutanée est

très ordinaire, surtout aux membres

inférieurs où elle peut dissimuler plus

ou moins longtemps l'atrophie; les

rétractions fibro-musculaires sont ha-

bituelles dans les antagonistes des muscles les plus atropines.

Cette atrophie est à peu près irrémédiable ; elle envahit d'emblée la

totalité des muscles où elle se localisera, elle n'a pas de tendance à pro-

gresser ensuite de proche en proche. Pourtant on a cité un certain nom-

bre de cas d'atrophie musculaire progressive survenant très tardive-

ment, parfois après 40 ou 50 ans, soit au niveau de muscles autrefois

paralysés, puis guéris, soit en d'autres régions quelconques ; dans ce

dernier cas la localisation la plus ordinaire est le type Aran-Duchenne.

On a expliqué ces localisations successives sur la moelle de processus

sans doute infectieux et différents soit par une prédisposition spéciale,

héréditaire, des cellules des cornes antérieures (Bernheim, Brissaud),

soit par le fait que la première lésion jouerait le rôle d' «épine » et pro-

duirait un locus minoris resistentisc (Condouin, Ballet et Dutil) ; il nous

semble logique de voir, au moins dans certains cas, â .la fois l'épine et la

prédisposition héréditaire, 1' « infériorité originelle », dans les lésions,

Fig. 15. - Atrophie considérable du

membre inférieur gauche à la suite

d'une paralysie spinale infantile.

ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE. 715

surtout hémorragiques, souvent latentes, dont, avec le professeur Char-

rin, nous avons montré la fréquence dans le système nerveux central tout

particulièrement friable et vulnérable du foetus et du nouveau-né (').

L'atrophie musculaire peut affecter chez l'adulte les mêmes caractères

et survenir dans les mêmes conditions que chez l'enfant, mais elle est

beaucoup plus rare ; la paralysie spinale aiguë de l'adulte, dont la

réalité avait été mise en doute en tant que poliomyélite aiguë avec lésions

en foyers analogue à celle de l'enfant, est aujourd'hui indiscutable; après

Van Gehuchten, nous en avons publié avec Wilson un cas absolument

typique (2). '

L'atrophie consécutive à une hématomyélie est toujours secondaire

à une paralysie brusque : elle est toujours accompagnée de troubles de

la sensibilité spéciaux (dissociation syringomyélique), parfois du syn-

drome de Brown-Séquard, souvent de troubles oculo-pupillaires (myosis,

rétraction du globe oculaire, rétrécissement de la fente palpébrale). Elle

affecte presque toujours le type Aran-Duchenne ; exceptionnellement, en

raison du siège de l'hémorragie, elle se limite à certains muscles de

l'épaule, du bras et de l'avant-bras, à la musculature de la paroi abdomi-

nale, etc.... Les circonstances étiologiques les plus fréquentes, trauma-

tismes de la colonne vertébrale (fractures, luxations, contusions) ou

dépression atmosphérique brusque (maladie du caisson) rendront sou-

vent le diagnostic évident.

Dans les myélites qui se traduisent par une paraplégie ou par une

paralysie ascendante, l'atrophie est rare et légère; on constate surtout

une émaciation en masse des membres inférieurs.

A la suite des compressions de la moelle, on peut voir survenir des

atrophies musculaires parfois très étendues, généralement remarquables

par la rapidité de leur développement. A la suite des compressions cervi-

cales, elles peuvent simuler l'amyotrophie progressive de la syringomyélie

et atteindre en masse les deux membres supérieurs; dans certains cas

de tumeurs très étendues de la colonne vertébrale, on peut observer

des amyotrophies presque généralisées [(Sené) (3)]. L'amyotrophie est pré-

coce dans ces cas, mais ne précède pourtant pas en général les violentes

douleurs pseudo-névmlç¡iqlles qui sont dues à la lésion des nerfs et

surtout des racines; l'apparition des périodes successives de paralysie

flasque et de paralysie avec contracture, avec ou sans troubles trophiques

variés et troubles objectifs de la sensibilité, complète ou confirme le

diagnostic de compression médullaire.

b) Atrophies consécutives à une paralysie d'origine

cérébrale. Dans toutes' les paralysies cérébrales infantiles, hémi-

plégie, diplégie, paraplégie, monoplégie, on peut constater de l'atrophie

1. C)nn)t ! ? < et Léhi. Acad. des Se, 16 mars 1905.

2. Léiii et 1\'mov. Soc. Neurol., juin 1904 et Acon. Snlpèlr., mai-juin 1904.

z. Séné. Thèse Paris, 1884. '

ZA. LÉRI]

714 ATROPHIES MUSCULAIRES. ' '

dés membres paralysés; dans, tous ces cas l'atrophie musculaire n'est

qu'un des éléments du trouble du développement qui atteint tous les

tissus, et en particulier le tissu osseux; elle est plus ou moins propor-

tionnelle à l'atrophie des os, au moins à leur atrophie en épaisseur, mais

n'est nullement proportionnelle à l'intensité de la paralysie.

Dans la paraplégie cérébrale infantile, le trouble du développement

musculaire et osseux est d'ordinaire minime. Dans l'hémiplégie et la

diplégie, il est presque toujours^extrêmement prononcé, il fait défaut

exceptionnellement (P. Marie); l'atrophie frappe avec prédilection le

membre supérieur, et à peu près

dans une proportion égale les.

différents groupes musculaires de

chaque membre; les muscles du

tronc et la cage thoracique ne

sont pas respectés.

L'atrophie musculaire et os-

seuse des hémiplégies cérébrales

infantiles est un arrêt de dévelop-

pement dû au retentissement de

la lésion cérébrale, par l'inter-

médiaire du faisceau pyramidal,

sur les fonctions trophiques des

cellules radiculaires antérieures

de la moelle; anatomiquement

d'ailleurs, on constate d'ordinaire

que la moitié de la moelle du côté

de l'hémiplégie est tout entière

plus petite que la moitié opposée,

notamment au niveau de la subs-

tance grise. Dans ce cas, il s'agit

sans doute uniquement £ une di-

minution de nombre des éléments

des muscles, des os, des nerfs,

de la moelle, etc. (« atrophie numérique » de Jiuppel) ly.

Dans l'hémiplégie de l'adulte, l'atrophie musculaire est loin d'être

exceptionnelle, mais sa pathogénie est bien plus discutée, parce qu'elle

n'est pas la règle et que les circonstances d'apparition d'une amyotrophie

1 échappent jusqu'ici à toute loi. On croyait autrefois que l'amyotrophie

des hémiplégiques était toujours liée à une lésion des cornes antérieures

de la moelle. Babinski, dont les observations ont été confirmées par celles

de Quincke, Borgherini, etc., a montré que, dans certains cas, les cornes

antérieures et les nerfs périphériques ne présentaient aucune altération

morphologique; plus tard Dejerine a rapporté des faits d'atrophie mus-

1. 11LIPPIsL. Presse médit, 3J juillet 1897.

Fig. 16. - Atrophie des membres paralysés

dans un cas d'hémiplégie gauche avec para-

lysie cérébrale infantile. L'atrophie est sur-

tout nette au niveau des membres supérieurs.

ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE. 715

culaire chez des hémiplégiques, où les nerfs, à la périphérie, étaient

dégénérés, tandis que les cornes antérieures étaient normales. Selon

Babinski, dont l'interprétation a été acceptée par Joffroy et Achard, dans

ces trois groupes d'observations l'amyotrophie a pour origine une pertur-

bation des cornes antérieures de la moelle, mais celle-ci se manifeste

suivant son degré d'intensité par des lésions appréciables, soit dans tout

l'appareil neuro-musculaire, cellules nerveuses, nerfs et muscles, soit

seulement dans la partie périphérique du neurone et dans les muscles,

soit exclusivement dans les muscles;

cette perturbation est donc tantôt orga-

nique, tantôt dynamique. Pour Senator

l'amyotrophie serait due souvent à la

lésion même des cellules pyramidales

de l'écorce cérébrale, pour Borgherini,

Eisenlohr, Quincke à la lésion de cen-

tres trophiques cérébraux spéciaux de

' l'écorce ou de la couche optique, pour

Roth et Muratow à des troubles circu-

latoires intramusculaires à point de

départ cérébral, pour Dejerine à une

névrite périphérique intramusculaire

(dans certains cas), pour Darksche-

witseh, Gilles de la Tourette à des

arthropathies. Pour Schaffer et Mari-

nesco('), Parton Ct Popesco ('), l'amyo-

trophie serait constante, à un degré

variable, chez les hémiplégiques et

due à la suppression de l'influx ner-

veux d'origine cérébrale agissant sur

les grandes cellules de la corne an-

térieure et sur les centres vaso-

moteurs.

L'amyotrophie des hémiplégiques

est parfois précoce, débutant dès la

première semaine, et affecte une marche subaiguë; presque toujours elle

est tardive et lente. Le plus souvent elle prédomine sur le membre supé-

rieur et atteint surtout les muscles de la racine du membre, les muscles

scapuio-huméraux, particulièrement le deltoïde; au membre inférieur

elle prend surtout les muscles de la fesse et de la partie supérieure de

la cuisse. Cette règle n'est pas absolue et il n'est pas rare de voir l'atro-

phie commencer par l'extrémité des membres et affecter plus ou moins

le type Duclienne-Aran. La circonférence des membres diminue souvent

1. 3l,mxesco. Semaine médic, 25 nov. 1898.

2. PAI\IION et Porrsco. Roiiiaiiia medica., avril 1898.

' [A. LERI-1

Fig. 17. Hémiplégie gauche acquise.

Atrophie du côté correspondant du tronc

et dcs membres. Une telle amyotrophie

est exceptionnelle dans les hémiplégies

acquises.

716 si ATROPHIES MUSCULAIRES.

de 2 ou 5 centimètres, rarement de 6 ou 7. Il y a parfois des rétractions

fibro-musculaires, exceptionnellement la réaction de dégénérescence,

assez souvent une atrophie du squelette en épaisseur et même en lon-

gueur (Bouchard, Debove ('), Joffroy et Achard, Dejerine), très fréquem-

ment des troubles trophiques et vaso-moteurs des téguments. L'amyotro-

phie des hémiplégiques est très persistante.

c) Atrophies consécutives à une paralysie d'origine

périphérique. Toutes les lésions des nerfs moteurs ou mixtes

provoquent des paralysies suivies d'atrophie musculaire : ces lésions

sont traumatiques (sections, plaies, contusions ou compressions des

nerfs) ou inflammatoires (névrites toxiques ou infectieuses).

Les atrophies consécutives aux lésions des nerfs se distinguent des

atrophies d'origine spinale par un certain nombre de caractères, d'ailleurs

tous inconstants. Les contractions fibrillaires s'observent rarement; la

réaction de dégénérescence s'observe au contraire plus souvent et est

plus généralisée que dans les atrophies myélopathiques. Comme celles-ci,

les atrophies d'origine périphérique sont généralement prédominantes

vers la périphérie des membres. Ce qui les distingue surtout, c'est d'une

part l'adjonction à la paralysie atrophique d'un certain nombre de

symptômes sensitifs, d'autre part le mode d'évolution.

Les troubles sensitifs sont subjectifs et objectifs. Des troubles sub-

jectifs de la sensibilité sont très fréquents, sans être constants : ils con-

sistent en douleurs spontanées, paroxystiques, intermittentes ou surtout

rémittentes, à caractère névralgique, souvent fulgurant ou térébrant, et

en douleurs à la pression des nerfs ou des muscles. Les troubles objectifs

de la sensibilité (anesthésies ou parfois hyperesthésies totales ou disso-

ciées, troubles des sensibilités profondes, musculaire, articulaire, etc.)

sont presque aussi fréquents : ils manquent cependant à la suite des

lésions des nerfs purement moteurs, qui sont l'exception, mais existent

à la suite de toutes les lésions des nerfs mixtes, qui sont la règle.

Des troubles vaso-moteurs, sécrétoires et trophiques cutanés (cyanose,

hypothermie, oedème, hyperidrose, ulcérations, etc.) sont très fréquem-

ment liés aux paralysies atrophiques d'origine périphérique.

Le caractère spécial de l'évolution de ces atrophies, c'est quelles

tendent presque toujours à un moment donné vers la régression et vers

la guérison : on observe une période d'augment qui peut être rapide ou

lente, une période d'état et une période de décroissance.

1. Lésions traumatiques des nerfs (troncs nerveux, plexus,

racines).

Dans les sections, plaies et contusions d'un nerf, la paralysie et

l'amyotrophie sont superposées, l'atrophie succédant de peu à la para-

lysie ; la localisation de l'une et de l'autre dépend uniquement de la

distribution du nerf lésé, leur intensité est variable suivant que la section

1. Driiove. Soc médic des Irôp., 1881.

ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE. 717

est complète ou incomplète. A la suite des sections complètes, l'anes-

thésie est .plus ou moins absolue au-dessous de la lésion dans le

domaine du nerf sensitivo-moteur altéré, exception faite pour les zones

limitantes de ce domaine à cause de la transmission de la sensibilité par

les nerfs voisins; le tronc nerveux et les masses musculaires ne sont pas

sensibles à la pression; les douleurs sont parfois vives et localisées à la

périphérie anesthésiée, souvent minimes ou absentes. A la suite des sec-

tions incomplètes, des plaies ou contusions, la paralysie, l'atrophie et

les troubles objectifs de la sensibilité sont d'ordinaire moins accusés,

les douleurs sont au contraire plus violentes et plus persistantes. Le

rétablissement des fonctions motrices et sensitives peut être complet au

bout d'un temps plus ou moins long.

Il faut rapprocher des sections nerveuses certaines injections médi-

camenteuses, celles d'éther. de mercure en particulier, qui, faites

au niveau de certains nerfs, les nécrosent et agissent comme une sec-

tion complète ou partielle.

Les compressions des nerfs sont une cause fréquente de paralysies

amyotrophiques. La compression peut se produire d'une façon rapide ou

brusque il la suite d'une fracture, d'une luxation, d'un épanchement san-

guin, ou dune façon lente et progressive par un lien, des béquilles, un

fardeau, par un cal vicieux, une exostose, un anévrysme, une tumeur du

voisinage dure ou molle quelconque (fibrome, cancer, kyste, etc.). Un

bon nombre de « névrites professionnelles » reconnaissent pour cause

une compression nerveuse : compression du cubital par pression pro-

longée sur le bord d'une lable chez les tailleurs de diamants, de cristaux,

les verriers, compression du sciatique poplité externe par l'usage pro-

longé de la machine à coudre (J. Charcot et Meigc) (') ou par l'aponé-

vrose du biceps dans la position à genoux prolongée chez les asphaltiers.

les paveurs, les parqueteurs, etc

Dans ces différents cas, la paralysie et l'amyotrophie peuvent être très

prononcées dans tout le domaine du nerf au-dessous du point comprimé,

les troubles subjectifs ou objectifs de la sensibilité sont très intenses, le

nerf et les muscles sont très sensibles à la pression. Les névrites par

compression sont plus fréquentes au membre supérieur et presque tou-

jours elles sont unilatérales.

Les compressions et lésions peuvent porter sur les plexus ou sur les

racines. La compression du plexus brachial peut être due à une chute,

à un coup de pied, à une fracture de la clavicule, à une luxation de

l'épaule, aune hémorragie (névrite apoptectiforme décrite har lhlhois de

Berne), à un exsudai tuberculeux, etc.; elle est la cause la plus ordinaire

des paralysies obstétricales. En dehors de cette dernière variété, les para-

lysies amyotrophiques du plexus brachial sont presque toujours unilaté-

rates.

i. J. CIIAHCOT et MEIGE. Pl'ogl'èsmédic., 1891.

' [A. LÉRI.]

718 ATROPHIES MUSCULAIRES.

La symptomatologie peut être celle d'une paralysie radiculaire supé-

rieure, inférieure ou totale. Dans la paralysie radiculaire supérieure,

les muscles frappés sont les muscles du groupe Duchenne-Erb, del-

toïde, biceps, brachial antérieur et long supinateur, parfois accessoi-

rement les sus et sous-épineux, grand rond, grand dorsal, grand den-

telé, grand pectoral, court supinateur; les troubles sensitifs sont localisés

au domaine des nerfs musculo-culané et radial, parfois du circonflexe et

du médian. Dans la paralysie radiculaire inférieure, les muscles

atteints sont ceux du domaine du cubital, les petits muscles de la main

surtout, éminences thénar et hypothénar et interosseux; les troubles

sensitifs et trophiques sont limités à la zone du cubital et du brachial

cutané interne; des phénomènes oculo-pupillaires (myosis, rétraction du

globe oculaire, rétrécissement de la fente palpébrale) sont constants.

Dans les paralysies radiculaires totales, on observe la combinaison des

troubles moteurs, sensitifs et trophiques des deux formes précédentes :

paralysie atrophique des muscles de la main, de l'avant-bras, du bras et

de l'épaule, anesthésie de la main, de l'avant-bras et généralement du

bras, à l'exception de la région interne innervée par les 2e et 5e inter-

costaux, troubles oculo-pupillaires.

Les compressions et lésions du plexus lombaire sont rares, celles du

plexus sacré sont plus fréquentes; elles sont dues à des tumeurs du

bassin, de l'utérus, à la tuberculose ou au cancer vertébral, à une frac-

ture ou à une luxation de la colonne lombaire ou du sacrum. Elles sont

assez souvent bilatérales. Elles se manifestent par une paralysie atro-

phique, localisée : pour le plexus sacré dans In domaine du nerf scia-

tique, fessiers, muscles de la région postérieure de la cuisse et tous les

muscles de la jambe; pour le plexus lombaire dans le domaine du nerf

obturateur et du nerf crural, muscles abdominaux antérieurs, obtura-

teurs, adducteurs et quadriceps fémoral. Les troubles sensitifs siègent

dans la zone de distribution des mêmes nerfs.

Les compressions et lésions des racines (racines cervicales ou queue

de cheval) par lésions vertébrales ou intra-rachidiennes peuvent simuler

toutes les formes de paralysies des plexus que nous venons d'indiquer;

elles peuvent aussi réduire leur symptomatologie à quelques troubles

sensitivo-lnoteurs variables suivant la ou les racines antérieures ou

postérieures atteintes. Leur cause est dans les tractions ou élongations

brusques des nerfs (parfois obstétricales), dans les lésions vertébrales

traumatiques, tuberculeuses ou cancéreuses (paraplégie douloureuse des

cancéreux de Charcot et Cotard), ou dans les exsudats méningés tuber-

culeux, syphilitiques, néoplasiques, hémorragiques, peut-être fibreux

(pachyméningite cervicale hypertrophique ? ) qui compriment des racines.

Aujourd'hui qu'on connaît l'importance de la méningite spinale dans le

tabes, il semble bien probable qu'un bon nombre des paralysies amyotro-

phiques diversement localisées dans cette affection sont dues à des com-

pressions radiculaires.

ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE. 719

2. Lésions inflammatoires des nerfs : névrites. Les névrites

sont infectieuses ou toxiques. Les névrites infectieuses peuvent être de

cause externe ou de cause interne; les névrites toxiques sont toujours de

cause interne, elles peuvent être dues à une intoxication d'origine exo-

gène ou à une auto-intoxication.

Les névrites infectieuses de cause externe qui s'accompagnent d'amyo-

trophie se présentent sous la forme de la « névrite ascendante ».

(1.) Névrite infectieuse de cause externe : névrite ascendante.

La névrite dite ascendante est consécutive il une plaie souvent étroite

et irrégulière, à un traumatisme quelconque, souvent léger, à une

1 : ) ffelUl'e ou il une brûlure, surtout localisés aux extrémités et surtout à

l'extrémité, du membre supérieur, aux doigts.

La cicatrisation se fait mal ou incomplètement, la région reste sensible,

un oedème rougeàtre, des traînées lymphatiques y apparaissent rapi-

dement, puis, au bout d'un temps qui varie de quelques jours à quelques

semaines, quelques heures parfois, les symptômes de la névrite font leur

apparition. Ils sont surtout sensitifs : ils consistent en douleurs souvent

extrêmement vives dont le point de départ se trouve au niveau de la

plaie, douleurs continues et paroxystiques. La douleur s'étend bientôt

aux doigts voisins, puis à la main, à l'avant-bras, au bras. Le doigt lésé

s'atrophie, s'el'lile, sa peau devient mince, lissé, luisante, violacée,

froide; la main tout entière à son tour subit les mêmes modifications.

Puis, après la main, l'atrophie musculaire gagne souvent l'avant-bras, le

bras même, mais elle n'est généralement pas proportionnelle à l'intensité

des douleurs; elle est diffuse et atteint a peu près au même degré l'en-

semble des muscles d'un même serment de membre. La réaction de

dégénérescence s'observe très fréquemment. Il n'y a généralement

d'autres troubles objectifs de la sensibilité qu'une hyperesthésie cutanée

des mains et une hyperesthésie à la pression des troncs nerveux aug-

mentés de volume et des niasses musculaires. Les arthrites, les rétractions

fibro-nnisculaircs sont fréquentes. L'examen radioscopique montre par-

fois une atrophie dans l'épaisseur des os. Tardivement la douleur peut

être réveillée par des secousses de toux, et cette douleur, due peut-être

au choc du liquide céphalo-rachidien au niveau des culs-de-sac sous-

arachnoïdiens qui entourent des sanglions enflammés, serait un bon

signe pour dépister l'atteinte ganglionnaire (Dejerine, Sicard) (').

L'évolution est d'ordinaire très lente, ells s'échelonne sur des mois,

même des années; l'envahissement, n'est pas toujours aussi étendu que

celui que nous venons de décrire; la régression peut s'observer au bout

de 4 à 10 mois et la guérison être complète ; mais les rechutes ne sont

pas exceptionnelles, soit spontanément, soit à l'occasion d'une maladie

infectieuse quelconque, est la durée peut être illimitée; l'intensité et la

1. Di..aenm : . Soc, de Ilelll-01., juin I ! 10; - SICAIII1, Soc. de nerwol. et Rapport au

Congrès de Rennes, 1905.

[A. LÉRI.

720 ATROPHIES MUSCULAIRES.

durée des douleurs conduisent souvent à des interventions chirurgicales

répétées et inutiles, à la morphinomanie ou au suicide.

) Névrites infectieuses ou toxiques de cause interne. - Toutes les

maladies infectieuses peuvent provoquer, dans leur cours ou dans leur

décours, des inflammations nerveuses périphériques; dans quelques-unes

le microbe spécifique se localise dans les nerfs mêmes (lèpre, peut-être

béribéri), dans presque toutes il ne parait agir sur le nerf que par l'in-

termédiaire des toxines qu'il secrète (diphtérie, fièvre typhoïde, tubercu-

lose en dehors de quelques foyers tuberculeux des nerfs, variole, grippe.

streptococcie, etc.).

Parmi les toxiques exogènes, certains semblent porter avec prédi-

lection leur action sur le système nerveux périphérique (alcool, plomb,

mercure, arsenic, etc.) : d'autres, de façon toute accidentelle. C'estacci-

dentellement aussi qu'un certain nombre de dyscrasies, de maladies

générales chroniques (diabète, goutte, rhumatisme chronique, albumi-

nurie, cancer, etc.) s'accompagnent de lésions des nerfs : ces lésions

sont sans doute dues à une intoxication.

Aucune infection ou intoxication ne peut parfois être retrouvée à l'ori-

gine d'une affection qui évolue comme une névrite, et le plus souvent

comme une névrite généralisée; la similitude de ces tableaux cliniques,

l'appareil fébrile ordinaire du début font penser qu'il s'agit sans doute

dune infection de nature indéterminée, peut-être souvent d'origine

nastro-intestin;lle, qui porte plus ou moins exclusivement ses effets sur

les nerfs périphériques. Il faut dire d'ailleurs que dans bien des cas.

où l'étiologie est nettement infectieuse ou toxique, il est impossible

de dire si la symptomatologie dépend uniquement d'une lésion péri-

phérique, polynévrite, ou d'une lésion centrale, myélite : il est pro-

bable que, dans beaucoup de cas où l'affection évolue comme une

maladie infectieuse indépendante, il en est de même et qu'il s'agit

autant ou plus d'une myélite ou d'une méningo-myélite que d'une poly-

névrite.

Quelle qu'en soit la cause, la névrite de cause interne peut être loca-

lisée, elle peut être multiple ou généralisée (polynévrites); on peut

observer entre ces différentes formes tous les intermédiaires.

La névrite localisée intéresse surtout le cubital, le radial, le sciatique

poplité externe, le sciatique, parfois le médian, le circonflexe, le cru-

ral, etc. Elle débute d'ordinaire lentement, sourdement, par des four-

millernents, des engourdissements, des douleurs spontanées intermit-

tentes, des douleurs à la pression du nerf atteint; ces douleurs s'ac-

cusent, devienuent fréquentes, paroxystiques ou continues; la sensibilité

objective s'altère, l'anesthésie s'installe dans le domaine du nerf; en

même temps les muscles qui en dépendent (s'il s'agit d'un nerf mixte) se

paralysent, puis s'atrophient : le tableau clinique est complet en un ou

deux mois. Plus rarement les troubles sensitifs et moteurs se développent

en quelques jours, plus rarement encore la névrite est brusque, apoplec-

ATROPHIES C01SÉCUTfYES A UNE PARALYSIE. 721 1

tiforrne (Dubois, Margoullès) ('), marquée par une douleur violente

presque aussitôt suivie de paralysie complète. Dans tous ces cas les

troubles sensitifs peuvent prédominer sur les troubles moteurs ou inver-

sement. L'atrophie musculaire présente les caractères ordinaires de

l'atrophie d'origine périphérique : absence de contractions fibrillaires et

de pseudo-hypertrophie, excitabilité électrique d'abord normale, puis

altérée quantitativement et qualitativement, atteinte simultanée, progres-

sive, puis régressive, des différents muscles atteints; les réflexes sont

diminués ou abolis, les troubles trophiques, vaso-moteurs et sécrétoires

sont il peu près constants. La progression se fait souvent par secousses;

la durée est de quelques semaines à quelques mois, puis la régression

survient et la guérison complète est la règle.

La névrite multiple ou généralisée, la polynévrite est lente ou rapide,

apyrétique ou fébrile; le début lent n'appartient qu'aux névrites non

généralisées qui sont de beaucoup les plus fréquentes; les névrites géné-

ralisées, apvrétiques ou fébriles, ont toujours une évolution subaiguë ou

aiguë.

Le début par les membres inférieurs est presque constant, à l'exception

de certaines variétés étiologiques, comme la névrite saturnine, qui

affectent de préférence les membres supérieurs ; le plus grand nombre

des polynévrites restent localisées aux membres inférieurs ou, en tout

cas, sont pendant toute l'évolution plus accusées aux membres infé-

rieurs : c'est le contraire de ce que l'on observe dans la plupart des

atrophies d'origine spinale. Comme celles-ci, c'est généralement à

l'extrémité des membres qu'elles commencent et ensuite qu'elles prédo-

minent ; comme elles, elles sont généralement bilatérales et plus ou moins

exactement symétriques. Les nerfs rachidiens sont le plus souvent seuls

atteints, quelquefois les nerfs crâniens le sont aussi.

Lent ou rapide, apyrétique ou accompagné des symptômes fébriles

d'invasion d'une maladie infectieuse (fièvre jusqu'à 40°, frissons, courba-

ture, troubles gastriques, etc.), le début se marque par des troubles

paresthésiques, fourmillements, engourdissements; puis surviennent les

douleurs spontanées, paroxystiques, intermittentes ou rémittentes, réveil-

lées par la pression des nerfs ou des muscles, les troubles de la sensibi-

lité objective (ordinaires, mais inconstants), les paralysies; un peu plus

tard l'atrophie envahit en masse les muscles préalablement paralysés,

lentement ou souvent très rapidement, elle s'accompagne fréquemment de

réaction de dégénérescence, des troubles trophiques cutanés se produi-

sent : l'évolution est donc la même que pour les névrites localisées, la.

localisation seule est différente.

La paralysie atrophique est généralement plus intense et plus précoce

sur les extenseurs que sur les fléchisseurs; l'atteinte rapide des muscles

du pied et des muscles antéro-externes de la jambe provoque l'attitude

I. Maiigouliès. Th. de Paris, z1597.

1'11%'UIQUF veuno. 46

[A. LÉRI

722 ATROPHIES MUSCULAIRES.

hallante du pied et la marche en steppant; les muscles du mollet et ceux

de la cuisse sont moins pris; les muscles des mains, des avant-bras des

bras, du dos et de l'abdomen ne le sont qu'exceptionnellement, très tar-

divement, ou dans des formes très rapides, aiguës ou suraiguës, qui rap-

pellent la paralysie ascendante aiguë de Landry et dont l'anatomie et la

pathogénie ne sont pas encore parfaitement élucidées.

Dans les différentes formes de polynévrites les troubles sensitifs

peuvent prédominer sur les troubles moteurs ou inversement.

Quel que soit le mode de début, la rapidité d'évolution et le désiré

d'extension des névrites multiples ou généralisées, la paralysie amyotro-

phique est le plus souvent longue et se prolonge pendant des semaines et

des mois, mais la régression est la règle et la guérison est d'ordinaire

complète, à moins que des rétractions fibre-tendineuses ne limitent défi-

nitivement les mouvements, ou que la névrite n'atteigne le phrénique et

le pneumogastrique et ne détermine ainsi des troubles respiratoires et

cardiaques mortels.

La localisation et l'évolution des névrites, localisées, multiples ou

généralisées, présentent des variétés importantes suivant leur cause.

La névrite lépreuse est d'ordinaire multiple et symétrique, parfois

localisée ou asymétrique ; elle siège surtout aux membres supérieurs, et

particulièrement vers l'extrémité. Elle est caractérisée, en dehors de la

notion étiologique, par la dissociation syringomyélique de la sensibilité,

par l'anesthésie en plaques, par l'importance des troubles trophiques de

la peau et de ses annexes, des tendons, des os (lèpre mutilante), par

l'existence d'hypertrophies nodulaires de périnévrite réparties le long

des nerfs. L'atrophie affecte très souvent le type Duchenne-Aran : elle est

peut-être due parfois il la polynévrite, mais il faut sans doute faire une

part dans cette atrophie progressive à la poliomyélite, car le bacille de

Hansen a été rencontré non seulement dans les nerfs, mais aussi dans la

moelle.

Dans le béribéri, maladie contagieuse et épidémique. la polynévrite est

la lésion essentielle ; elle se marque d'abord par t'anestbésie, générale-

ment douloureuse, des jambes, des doigts, de la bouche, puis des

cuisses, de l'abdomen, des mains et des avant-bras; la paralysie et l'atro-

phie envahissent d'abord les extenseurs de la jambe et de l'avant-bras,

tardivement le tronc, le pharynx, le larynx, le phrénique et le pneumo-

gastique ; les troubles circulatoires et secrétoires sont constants, on

observe de la dyspnée, de l'aphonie, des troubles cardiaques, la dispari-

tion des sueurs, etc.

La névrite diphtérique n'atteint les membres qu'après le voile du

palais et souvent les muscles de l'oeil; elle commence aux membres infé-

rieurs par les muscles des pieds et des jambes, elle atteint parfois les

membres supérieurs, l'abdomen, le thorax, le cou; elle est caractérisée

par une paralysie flasque avec troubles sensitifs objectifs et réaction de

dégénérescence, mais l'atrophie musculaire est rare. La guérison rapide

ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE. 725

est la règle, hormis le cas où les nerfs cardiaques sont touchés.

Dans la fièvre typhoïde, les névrites sont assez fréquentes, précoces,

mais d'ordinaire limitées, localisées d'emblée à un ou plusieurs nerfs,

souvent au seul nerf cubital. Les troubles consistent surtout en paralysies

douloureuses circonscrites ; l'atrophie musculaire peut être considérable,

elle est généralement passagère, rarement persistante. Les nerfs bulbaires

ne sont jamais atteints.

Dans la tuberculose les névrites sont fréquentes, les symptômes sont

souvent dissociés et uniquement sensitifs ou uniquement moteurs (para-

lysies amyotrophiques dans les cas de Joffroy, Eisenlohr, Vierordt,

Striimpell, Oppenheim). Ces névrites sont disséminées et intéressent

indifféremment les nerfs sensitifs, moteurs, mixtes, crâniens, le phréni-

que, le pneumogastique, etc.

Dans la grippe des névrites provoquent souvent des troubles moteurs

ou sensitifs diffus ou localisés avec ou sans amyotrophies ; quelquefois on

observe le syndrome de la paralysie ascendante aiguë.

Parmi les névrites infectieuses amyotrophiques, il faut citer encore

celles du paludisme, de la variole, de la streptococcie (névrite puerpé-

rale du cubital et du médian), de la pneumonie, de la coqueluche, etc.

La névrite alcoolique est le type des polynévrites mixtes à prédomi-

nance sensitive; les douleurs vives, lancinantes ou térébrantes, les pares-

thésies, l'hyperesthésie cutanée et musculaire précèdent toujours la

paralysie ; la paralysie et l'atrophie sont cependant presque constantes ;

elles se localisent aux membres inférieurs et surtout aux extenseurs des

pieds; elles gagnent parfois la racine des membres, plus rarement les

membres supérieurs. Ces névrites sont généralement curables après

suppression de l'alcool.

Le type ordinaire de la névrite saturnine est la paralysie des muscles

innervés par le radial, à l'exception du long supinateur; l'atrophie rapide

de ces muscles est presque constante, la réaction de dégénérescence est

fréquente, les troubles sensitifs ne sont pas rares. Les troubles moteurs

et trophiques peuvent s'étendre aux muscles du bras et au deltoïde ou

aux : péroniers et aux extenseurs des orteils; ils peuvent même, par excep-

tion, se localiser primitivement sur les uns ou les autres de ces muscles

ou se généraliser il la presque totalité de la musculature. Les paralysies

sont d'ordinaire curables, parfois très lentement.

L'intoxication par l'arsenic se révèle souvent par les symptômes sen-

sitifs et moteurs d'une polynévrite mixte ; ces troubles atteignent le plus

souvent les quatre membres, en commençant par les extrémités et par les

extenseurs. L'amyotrophie est rapide et prononcée. L'envahissemenl suit

souvent une évolution aiguë ou subaiguë, la curabilité est facile.

Les intoxications par le mercure, l'oxyde de carbone, le sulfure de

carbone se manifestent souvent par des troubles sensitifs et paralytiques,

mais rarement par de l'amyotrophie.

Les névrites du diabète déterminent des troubles soit sensitifs, soit

f

[A. LÉRI.]

724 ATROPHIES MUSCULAIRES.

trophiques, soit moteurs ; mais tous ces troubles sont souvent isolés

dissociés, très diversement localisés et parfois parcellaires. On a cité des

paralysies amyotrophiques plus ou moins douloureuses du cubital, du

péronier, du circonflexe, des extenseurs du pied et des orteils (paralysie

diabétique de Charcot), etc. : elles sont généralement passagères.

Dans la goutte, dans le rhumatisme chronique, les paralysies amyotro-

phiques douloureuses ne sont pas rares, notamment celles du sciatique;

peut-être les lésions de la goutte ou du rhumatisme vertébral agissent-

elles parfois par compression sur les racines médullaires.

Dans le cancer, dans les diverses cachexies, on observe parfois, en

dehors de l'amaigrissement général, de véritables névrites localisées

sensitives, motrices et trophiques.

La question des atrophies musculaires névritiques du tabes n'est pas

encore résolue. A propos de l'atrophie spinale type Duchcnne-Aran, nous

avons noté déjà que l'atrophie du tabes se présente parfois sous cette

forme et qu'elle est vraisemblablement due dans ce cas aux lésions des

cellules radiculaires antérieures par la méningo-myélite syphilitique;

cette forme d'atrophie ne diffère pas en effet de la forme myélopathique

habituelle, et d'autre part Raymond et Mathias Duval, P. Marie et Koch

pour l'hypoglosse, Leyden, Cliarcot et Pierret, Schaffer, Raymond et

Philippe, etc., ont montré que l'on pouvait trouver dans le tabes une dé-

générescence et une atrophie des grandes cellules motrices. Mais la forme

la plus ordinaire de l'amyotrophie tabétique est différente et c'est surtout

au sujet de la pathogénie de cette forme que l'on a beaucoup discuté.

L'amyotrophie tabétique frappe généralement les membres inférieurs,

rarement d'une façon précoce, en général tardivement, à la période d'in-

coordination. Elle

commence par les

muscles des pieds,

interosseux et émi-

nences thénar et hy-

pothénar, et déter-

mine une griffe des

orteils avec exten-

sion de la première

phalange et flexion

des autres. Puis

l'atrophie envahit les

muscles de la jambe

et surtout les mus-

cles antéro-exter-

nes, parfois en res-

pectant le jambier antérieur; le pied se met alors en varus équin,

s'enroule autour de son bord interne et tous les orteils se fléchis-

sent : c'est le pied bot tabétique de Joffroy. Des rétractions aponé.

Fig. 1 7. - Pieds bots tabétiques de Joffroy (collection Charcot).

Enroulement du pied sur son bord interne.

ATROPHIES CONSÉCUTIVES A UNE PARALYSIE. 725

vrotiques fixent ce pied en extension, alors que les mouvements de

latéralité sont conservés et même exagérés. L'atrophie des jambes est

souvent très considérable ; elle peut remonter plus ou moins tardivement

vers les cuisses ; auparavant elle envahit généralement les muscles des

mains (main de singe, griffe totale ou cubitale), parfois des avant-bras

(muscles épitrochléens), exceptionnellement des bras. Les contractions

fibrillaires sont exceptionnelles. La localisation de cette amyotrophie res-

semble donc beaucoup à celle de bon nombre de polynévrites, mais elle

ne s'accompagne pas de troubles sensitifs subjectifs ou objectifs, de

douleurs à la pression des troncs nerveux ou des masses musculaires,

très exceptionnellement de réaction de dégénérescence ; de plus, le pro-

nostic en est essentiellement mauvais et elles ne régressent pour ainsi

dire jamais.

Pierret, Dejerine, Oppenheim et Siemerling, Pitres et Vaillard ont

constaté dans ces cas des lésions nettes de névrite périphérique ; cette

névrite prédominait parfois à la périphérie et ne se prolongeait pas jus-

qu'à la moelle (Dejerine). Au contraire, les auteurs que nous avons cités

plus haut ont constaté des lésions des cellules motrices de la moelle, et

dans les trois observations de Raymond et Philippe une atrophie des cel-

lules radiculaires antérieures semblait commander rigoureusement une

amyotrophie classique des membres inférieurs. Il est possible que cette

atrophie musculaire des tabétiques reconnaisse pour cause tantôt une

atrophie des cellules motrices, tantôt une névrite primitive. Mais il est

des lésions de connaissance récente dans le tabes qui certainement en-

trent pour une part dans ces troubles moteurs et trophiques; ce sont les

lésions vasculaires et les lésions méningées.

. Les lésions de la névrite optique des tabétiques, que nous avons parti-

culièrement étudiées ('), sont à notre sens d'origine interstitielle, et

dues à des altérations vasculaires, surtout ou uniquement syphilitiques,

de péri- et d'endo-phlébite et artérite oblitérante, et à des altérations mé-

ningées peut-être elles-mêmes consécutives aux altérations vasculaires.

Il nous paraît logique de penser que d'autres altérations névritiques peu-

vent reconnaître la même origine et que la lésion primitive peut siéger

au niveau du point où les racines traversent la méninge. Le fait que les

altérations des nerfs sont parfois plus prononcées à la périphérie qu'à

proximité des racines n'est nullement contraire à cette hypothèse, car il

est aujourd'hui bien démontré que quand un neurone est primitivement

lésé au niveau ou près de la cellule, la dégénérescence ne progresse pas

de proche en proche, mais atteint d'abord et d'emblée l'extrémité du ou

des prolongements. Il est probable aussi que des lésions syphilitiques

peuvent frapper isolément les vaisseaux en un point quelconque des

nerfs et que l'endartérite oblitérante peut être l'origine des névrites,

dans le tabes comme dans des cas très bien étudiés par Joffroy et

1. Lém. Icon. Salpêtlr., 1904, p. 425.

[A. LÉRI.

726 ATROPHIES MUSCULAIRES.

Achard ('), par Lorenz, Oppenheim, Dutil et Lamy, Schlesinger, Ber-

voeti,etc. Ainsi comprise la névrite du tabès se rapproche des diverses

névrites infectieuses : l'infection serait ordinairement la syphilis.

Les muscles les plus divers peuvent être isolément frappés de paralysie

atrophique dans le tabès, en particulier certains muscles dépendant d'une

innervation crânienne, tels les muscles masticateurs (Schultze, Chvostek

P. Marie et Léri) (2), tels les muscles sterno-cll'ido-mastoïdiens ou tra-

pèze (Martius, Ehrenberg, Gerhardi, lluet et Guillain (3), etc.). Ces para-

lysies atrophiques sont d'ordinaire partielles et associées à des troubles

crâniens et méningés divers. Il est probable qu'elles relèvent de la

même pathogénie que les paralysies atrophiques des membres, surtout de

l'altération des nerfs au niveau de la traversée de la méninge (Mlle Avda-

koff) (4) ? i.

Des lésions en apparence névritiques observées dans le cours de la

paralysie générale ou à la suite d'hémorragies venlriculcrires ou mé-

ningées, de îiït,i21îigo-itiyéliles, etc.. ont sans doute une pathogénie ana-

logue.

cl) Atrophies consécutives à une paralysie d'origine

fonctionnelle. - Atrophie musculaire hystérique. La réalité

de l'atrophie musculaire hystérique a été démontrée par Charcot et Ba-

binski en 1886; depuis lors les observations se sont multipliées (Massa-

longo, Brissaud, Blocq, Ballet, Charcot, Gilles de la Tourette, etc.).

Mais il n'en reste pas moins quc l'atrophie purement hystérique doit être

considérée de plus en plus comme un fait rare, au sur et à mesure que

l'hystérie est mieux délimitée et séparée des affections multiples qu'elle

englobait à tort, et au sur et à mesure que de nouvelles méthodes per-

mettent de déceler des altérations minimes des voies nerveuses centrales

et périphériques. Cette atrophie peut peut-être être considérée comme

due à l'inhibition du pouvoir trophique de la cellule motrice médullaire;

elle résulte presque toujours du défaut de fonctionnement des muscles.

L'atrophie hystérique porte toujours sur un membre paralysé, parfois

sur un membre contracture; elle atteint généralement, comme la paraly-

sie, tous les segments d'un membre ou certains groupes fonctionnels;

parfois elle porte avec prédilection sur certaines régions (éminence thé-

nar ou hypothénar, muscles de l'épaule, grand pectoral seul, etc.). Elle

débute quelques semaines après la paralysie et évolue rapidement; elle

est rarement très intense ; elle ne s'accompagne jamais de réaction de

dégénérescence. Elle est généralement stationnaire pendant assez long-

temps, rarement envahissante. La guérison est la règle, mais elle est

parfois très longue à obtenir.

On sait aujourd'hui que les prétendus stigmates hystériques, ]u'mi-

1. Joffroy et AC.11.,ilID. Arch. de 111édec, expér., 1889.

2. P. Marie et Léri. Soc. de neurol., 1905.

5. Hoi : T et Guillain. Soc. de neurol., 1902.

4. M ? AvDAKoFF. Th. Paris, 1905.

TRAITEMENT DES ATROPHIES MUSCULAIRES. 727

anesthésie, anesthésie en manchon, anesthésie cornéenne et pharyngée,

rétrécissement du champ visuel, etc., sont toujours provoqués par une

suggestion, d'origine le plus souvent médicale (Bernheim, Babinski). Le

diagnostic d'amyotrophie hystérique ne' devra jamais être fait que par

exclusion et avec hésitation. 1

TRAITEMENT DES ATROPHIES MUSCULAIRES

Pour prévenir ou retarder l'évolution des atrophies musculaires

progressives de l'enfance, il n'y pas plus à faire que pour pré-

venir ou retarder toutes les affections congénitales, héréditaires ou fami-

liales, maladies du développement ou maladies de dégénérescence, qui

existent « en puissance » dès. les premiers stades de la vie embryonnaire

et dont la marche progressive paraît fatale. , .

L'électricité n'a été essayée que parce que, dans des atrophies muscu-

laires d'autre origine, elle donne de bons résultats ; mais, à part de très

rares auteurs (Leuf,. Allard) ('), les effets ont toujours été absolument

nuls; ils seraient même nettement nuisibles pour peu que l'on emploie

des courants un peu forts, et P. Marie et Sorel, Babinski (2), etc., pen-

sent que l'inactivité d'un traitement électrique prolongé peut être, dans

des cas douteux, considérée comme un excellent argument pour le diag-

nostic de myopathie.

Divers traitements opothérccpiq2ces ont été expérimentés- sans plus de

succès, en partant de cette idée nullement démontrée que la myopathie-

peut être une dystrophie musculaire par insuffisance de telle ou telle

sécrétion glandulaire. Le thymus avait été particulièrement incriminé,

parce qu'il présente son maximum de développement dans les premières

années de l'existence, c'est-à-dire au moment où apparaissent d'ordi-

naire les premiers symptômes de myopathie : les résultats obtenus au

moyen d'ingestion ou d'injections de glande thymique par Macalister,

Pitres. Cruchet, Cullere, Marinesco (') n'ont été ni très concluants, ni

confirmés par d'autres observateurs. Nous en dirons autant des essais

des médications thyroïdiennes (Lépine) (4), ou d'injections de suc mus-

culaire (Tordeus, Allard) (). De nouvelles tentatives ne semblent pas

devoir donner grand espoir.

Le massage, la mécanothérapie active et passive pourront peut-être

1. Leuf. 11'eo-Forlc rnéd. J. 1899; - Allard. Soc. neurol., 5 juillet 1902.

2. P. Marie et SOREL. Congrès de rnédec. de Totelouse, 1902; - Barinski. Soc. neural.,

juillet 1902. -

3. Macalister. Brit. nsédic. J., 8 avril 1895; PITRES. Gaz. hebd. de rnédec.,8 jan-

vier '18J9; - CULLERE. Tla. Toulouse, 4901; Marinesco. Traité Brouardel-Gilbert,

X, p. 811.

i- LÉPINE. Lyon médical, 10 mai 1896.

o. Tonneus. Rev. neul'ol., 1898, p. 703; - Allard. Joum. de clin. et de thé1'ap,

infant., 25 sept. 1897. ' .

[A. LÉRI.]

728 ATROPHIES MUSCULAIRES.

retarder quelque peu l'atrophie de certains muscles, mais rien n'est

moins certain.

On en est, en somme, réduit, dans le traitement des amyotrophies

progressives héréditaires de l'enfance, à obvier aux inconvénients

locaux produits par certaines atrophies trop prononcées. C'est ainsi que,

par des appareils prothétiques divers et par des chaussures spéciales,

on peut diminuer les troubles de la marche dus à la déformation des

pieds; des ténotomies ont été faites, en particulier la section du tendon

d'Achille; elles ne rendent pas toujours la marche plus aisée pour un

temps durable, et, en revanche, elles nécessitent une immobilisation pro-

longée de la région qui favorise l'atrophie. Des corsets divers peuvent

plus ou moins rendre au tronc une rigidité utile. Une des interven-

tions les plus intéressantes, préconisée récemment, consiste à fixer chi-

rurgicalement l'omoplate, soit au bord interne de l'omoplate opposée

(Laehr) ('), soit aux côtes (Ehrhardt, Raymond) (2) : on immobilise ainsi

l'omoplate dépourvue de ses moyens naturels d'attache au tronc, et. en

l'empêchant de suivre le bras dans tous ses mouvements, on facilite beau-

coup ceux-ci. Cette intervention remplace avantageusement le port de

corsets spéciaux, toujours gênants et rapidement pénibles à supporter.

Dans les amyotrophies progressives de l'adulte, les resut-

tats thérapeutiques n'ont pas été, jusqu'ici, sensiblement plus emwura-.

géants. Ce n'est pas qu'on n'ait, pourtant, employé les médicaments et

les médications les plus diverses, parmi lesquelles nous ne ferons que

citer l'application des révulsifs divers sur la colonne vertébrale, (vesica-

toires, pointes de l'eu, cautères) et l'emploi interne de la strychnine et de

la noix vomique, de l'ergot de seigle, de l'arsenic, du dit nitrate

d'argent, etc.; tous ces moyens sont aujourd'hui reconnus inefficaces.

L'électricité, jointe ou non au massage, a l'hydrothérapie chaude et sur-

tout à la gymnastique raisonné ? active et passive, a paru, dans certains

cas. donner quelques succès relatifs localisés : des courants continus

d'intensité modérée paraissent devoir être appliqués de préférence à la

moelle en posant les deux électrodes aux deux extrémités du rachis : des

courants galvaniques juste suffisants pour amener une contraction

notable des muscles, ou des courants faradiques peu intenses et à inlcr-

ruptions fréquentes, sont appliqués aux nerfs et aux muscles.

Une seule médication semble avoir donné, jusqu'ici, dans de très rares

cas où elle a été essayée, un résultat assez nettement favorable : eest la

médication antisyphilitique, mercure et iodures. Nous avons préco-

nisé (3) ce traitement après avoir établi que la syphilis, considérée

comme exceptionnellement la cause d'amyotrophies ou

de maladies « simulant» cette amyotrophie (Raymond, Raïchline. Yizioli,

1. Laf.hh. Neurol. Ccntra6l., 1899.

2. Ennunr;uT..9rcl'. ? Klin. Chir., 1901 ; Raymond. Acad. de Médec, 5 imii 1004.

5. LÉRI. Congrès de lJr1t.rclIc ? 1905 et Traité Charcol-Bonchard, IX, p. t¡5,

TRAITEMENT DES ATROPHIES MUSCULAIRES. 729

Lannois) (') était en réalité la cause ordinaire du syndrome de Duchenne-

Aran quand il ne relève pas d'une sclérose latérale amyotrophique, d'une

syringomyélie, d'une pachyméningite, d'une lèpre ou d'un tabes; nous

avions trouvé dans la littérature un certain nombre d'observations où

les auteurs, soupçonnant ou non les rapports de l'amyotrophie progres-

sive spinale avec la syphilis, avaient retiré un bénéfice notable d'un

traitement mercuriel ou ioduré (observations de Graves, Hammond,

Seeligmiiller, Niepce) (2). Depuis lors, Lannois (3) a publié l'observation

d'un amyotrophique type Aran-Duchenne chez lequel le traitement a

confirmé la relation que la clinique tendait à établir entre la syphilis et

l'amyotrophie, car, sous l'influence des injections d'huile grise, il s'est

fait une amélioration non douteuse dans l'aspect et les mouvements des

doigts. Bien que le traitement antisyphilitique ne paraisse pas réussir

dans tous les cas (Raymond, Rendu), comme il est le seul qui paraisse

susceptible d'entraver la marche progressivement envahissante de l'atro-

phie, comme d'autre part l'état actuel de nos connaissances ne nous

permet pas de distinguer, à coup sur, l'amyotrophie progressive spinale

syphilitique de la non-syphilitique, nous croyons qu'on devra, dans

presque tous les cas, à moins de contre-indication formelle, tenter

l'épreuve du traitement spécifique.

. Les amyotrophies secondaires, réflexes ou post-paralytiques,

sont beaucoup plus susceptibles que les amyotrophies progressives d'une

thérapeutique efficace. Le premier traitement à leur appliquer est tou-

jours le traitement de la cause, mais il ne faut pas oublier, cependant,

que la ténacité et l'intensité de ces amyotrophies ne sont pas toujours pro-

portionnées a la durée et à la gravité de l'affection causale : la relation

n'est nullement absolue.

A l'atrophie elle-même, il faut appliquer un traitement préventif et un

traitement curatif.

Dans les lésions articulaires, le meilleur traitement préventif de

l'atrophie réflexe consiste dans le massage doux, commencé sans retard

dès le début de la lésion (arthrite, luxation, fracture juxta-articulaire,

etc.) et appliqué surtout aux muscles extenseurs sus-jacents à l'article

lésé, el dans la mobilisation passive et active, aussi précoce que possi-

ble dans les cas où la lésion n'est pas inflammatoire; dans les arthrites

suppurées seulement on évitera non seulement la mobilisation, mais

même le massage doux.

Le traitement curatif d'une atrophie réflexe sera plus complexe. Le

I. Raymond. Soc. médic. des hôp., lR95; - It : ïcm.nsr : . Congrès de Moscou, 1897;

\ lZIOL ! . A111/{/li rli neurologia, 1898; Lannois et Livr. Soc. des Sciences médic.

Lyon, 1900.

2. 1l : ouow. Traité des mal. du syst. nerv., traduit par L.-Lagrave, p. 628; -

i\u : ,tce. Acad. de Médecine, 1855.

5. Lannois. Congrès de Rennes, 1905.

[A. LÉRI.]

750 ATROPHIES MUSCULAIRES.

massage sera encore des plus utiles, doux d'abord, puis de plus en plus

énergique, mais sans amener la fatigue.

La mobilisation lente et prudente de l'article devra être faite dès qu'il

ne sera plus douloureux, exception faite cependant des arthrites tuber-

culeuses ; en dehors de la mobilisation passive, une gymnastique active

raisonnée et un exercice modéré seront recommandés ; la mécanothérapie

avec les appareils Zander ou même avec des appareils improvisés, per-

mettra de graduer très utilement les efforts et de localiser les contrac-

tions sur les muscles voulus. L'hydrothérapie, soit générale, soit surtout

locale, sous forme de douches simples, chaudes de préférence, sulfu-

reuses ou écossaises, sera un utile adjuvant.

Enfin, Y électrothérapie trouvera, dans ces atrophies réflexes, une de

ses principales indications ; les différents courants pourront être appli-

qués avec succès, mais le courant faradique peu intense et à interrup-

tions espacées paraît devoir être préféré; l'éleclrisalion sera ou localisée

ou de préférence indirecte, une électrode, large, étant appliquée sur la

région dorsale, l'autre, plus étroite, sur le muscle à électriscr et plus

volontiers sur son point moteur. Denoyès (') a constaté que les courants

de haute fréquence auraient une influence très heureuse sur les diverses

amyotrophies.

A toutes ces médications il y aura pourtant une contre-indication

formelle, c'est l'existence de phénomènes spasmodiques; dans ces cas,

Lucas-Championnière (2) recommande pourtant le massage superficiel et

léger, reffleurage, et mamy (j) les courants statiques.

La cure des amyotrophies post-paralytiques consistera surtout dans

le massage méthodique pratiqué dès le début et dans la mobilisation

passive et raisonnée des membres paralysés. Une excellente méthode

consiste à pratiquer le plus tôt possible sous l'eau, dans un bain chaud

salé local ou général, le massage et la mobilisation, en cherchant à faire

exécuter aussi tôt que possible aux segments paralysés des mouvements

actifs que le poids des membres ne permettrait souvent pas d'exécuter

autrement que dans l'eau (lluehzerineyer) (*). Dans les paralysies amyo-

trophiques névritiques, il ne faudra procéder au massage et à la mobili-

sation qu'une fois passée la période aiguë et douloureuse.

Quant à l'électrisation, elle ne devra guère être employée que dans les

cas où l'on n'a pas à craindre la contracture : elle sera tout à fait indi-

quée, même de façon très prolongée, dans la paralysie infantile qui est

essentiellement une paralysie flasque ; elle sera ,des plus utiles aussi

dans les névrites, mais après la période des douleurs. )/é)ectrotherap)e

sera, au contraire, contrc-indiquée dans la plupart, des hémiplégies et

pratiquée seulement, dans ces cas, avec prudence, à l'aide d un courant

1. Deaooa. Olonlpcllier médical, 1900.

2. Locns-Cu : orowd. : m : . Soc. de clin., juillet 1905.

5. et Ilicuos. Soc. de clin., juillet 1905.

A. HU : II7.ERMEYi : It. D. médic Wochenschr., 1898.

TRAITEMENT DES ATROPHIES MUSCULAIRES. 751

galvanique peu intense, presque exclusivement au niveau des muscles

atrophiés, et à la condition que l'on n'observe pas de phénomènes

spasmodiques.

Quelle que soit la cause de l'amyotrophie post-paralytique, il faudra

favoriser, autant qu'on le pourra, la rééducation des mouvements non

seulement par le traitement mécanique, mais aussi par le traitement

psychique, en imposant au malade une mobilité dont il est souvent fort

étonné de se voir capable.

Il faudra aussi prévenir l'es altitudes vicieuses, suites de la paralysie,

de l'amyotrophie et des rétractions fibro-tendineuses, et au besoin remé-

dier à l'impotence et aux déformations acquises par des interventions

chirurgicales; la greffe de certains muscles paralysés au tendon de

muscles voisins ayant une action à peu près similaire a été très préco-

nisée dans ces dernières années; elle parait avoir donné des résultats par-

ticulièrement intéressants dans un certain nombre de paralysies infantiles.

La laxité excessive de certaines' articulations due à l'atrophie des

muscles qui les meuvent sera parfois, avec avantage, remplacée par l'im-

mobilisation complète de ces articulations; l'arthrodèse, qui supprime

une articulation en soudant l'un à l'autre les deux os voisins, a été

notamment préconisée contre le pied bot flasque de certaines paralysies

infantiles (Ducroquet et Launay).

Des appareils prothétiques appropriés préviennent ou redressent cer-

taines déformations; ils peuvent être un adjuvant très utile à la suite

d'interventions opératoires pour empêcher la formation de nouvelles

attitudes vicieuses.

[A. LÉRI.]

TABLEAU DES CARACTÈRES ET VARIÉTÉS CLINIQUES DES

ATROPHIES MUSCULAIRES

I. ATROPHIES MUSCULAIRES PRIMITIVES, PROGRES-

SIVES (lentement progressives, pouvant toutes aboutir -Il l'amyotrophie

généralisée).

A) Atrophies de l'enfance ou de l'adolescence : Caractères communs : début dans

l'enfance ou l'adolescence; caractère héréditaire ou familial.

a) Myopathie :

1. Caractères de l'atrophie musculaire : Absence de contractions fibrillaires;

pseudo-hypertrophie fréquente (mollets, fesses, etc.), parfois hyper-

trophie vraie; rétractions fibre-musculaires; absence de réaction de dégé-

nérescence, modifications électriques quantitatives; conservation pro-

longée des réflexes tendineux; début par la racine des membres; évolution

lente.

2. Symptômes accessoires inconstants, troubles divers du développement :

os : atrophie, aplatissement du thorax et taille de guêpe, thorax en en-

tonnoir, scoliose, aplatissement du cràne, aplatissement du bassin;

articulations : pseudo-luxations;

peau : troubles trophiques, vaso-moteurs et sécrétoires : - tissu sous-cu-

tané : adipose, oedème; dents : irrégulières, striées, dentelées,

mal implantées;

glandes : lésions diverses (thyroïde, thymus, testicules. glandes sali-

vaires) ;

système cardio-vasculaire : diminution de la pression artérielle, troubles

cardiaques;

système nerveux et musculaire : troubles psychiques, dégénérescence

mentale; maladies congénitales diverses : myotonie congénitale, Fried-

reich, paralysie périodique, autres variétés de myopathie, absence con-

génitale de muscles.

5. Variétés tO/1ogmphiqucs : Début par :

Membres inférieurs :

Pseudo-hypertrophique ou mvosclérosiyue : Duchenne : l'en-

fance généralement.

Pseudo-hypertrophique sans hypertrophie : Leyden-Moebius : 1" enfance

généralement.

Membres supérieurs :

Scapulo-humérale, juvénile : Erb : adolescence.

Face :

Facio-scapulo-humérale : Landouzy-Dejerine : 2" enfance.

b) Myélopathies : .'

1. Caractères de l'atrophie : Contractions fibrillaires (pas dans la forme \\'crdriig-

Hoffmann) ; pas de pseudo-hypertrophie ; pas de rétractions fibro-rauscu-

laires ; réaction de dégénérescence; modification des réflexes tendineux;

peu ou pas de troubles du développement.

TABLEAU DES CARACTÈRES ET VARIÉTÉS CLINIQUES. 755

2. Variétés analomo- cliniques : .

1. Type Charcot-Marie : 2" enfance; début par extrémité des membres;

d'abord membres inférieurs : pieds, extenseurs de la jambe; puis mem-

bres supérieurs : mains, avant-bras; évolution lente.

2. Type Werdnig-Hoffmann : 1" enfance; début par racine des membres :

membres inférieurs, puis supérieurs; évolution rapide (quelques années).

c) Myélo-névrite : névrite hypertrophique interstitielle : Gombault, Deje-

rine, Sottas et Pierre Marie. /

Caractères : semblables à type Charcot-Marie, en plus : hypertrophie des troncs

nerveux; cypho-scoliose; symptômes médullaires simulant le tabes ou

la sclérose en plaques : Romberg, Westphal, Robertson, myosis, ataxie,

douleurs, retard de la sensibilité ou hypoesthésie; tremblement intention-

nel, parole scandée; exophtalmie.

B) Atrophies de l'adulte : Myélopathies :

Type Duchenne-Aran = Syndrome :

1. Caractères du syndrome : contractions fibrillaires; pas de pseudo-hypertro-

phie ; pas de rétractions fibro-musculaires; réaction de dégénérescence;

modification des réflexes tendineux; début par extrémité des membres

supérieurs : mains ; évolution : membres supérieurs : mains, avant-

bras, épaules, bras, thorax, tronc; diaphragme; viscères; membres infé-

rieurs rarement : pieds, jambes, cuisses; évolution lente (sauf sclérose

latérale amyotrophique); pas ou peu de troubles trophiques.

2. Variétés analomo-cliniqucs : caractères différentiels :

a) Spasmodiques : réflexes tendineux exagérés :

Sclérose latérale amyotrophique : paralysie spasmodique des mem-

bres supérieurs; parfois paralysie labio-glosso-laryngée; évolu-

tion rapide (2-5 ans).

Pachyméningite cervicale hypertrophique (syphilitique, tubercu-

leuse, fibreuse ? ) : douleurs névralgiques, exagération des ré-

flexes ; souvent mains de prédicateur.

Sclérose en plaques : Amyotrophie souvent plus généralisée (mem-

bres inférieurs), ni contractions fibrillaires, ni R. D; paralysie

spasmodique, tremblement, nystagmus, troubles visuels.

b) Parfois spasmodiques, généralement flasques : .' ,

Syringomyélie : anesthésie dissociée, troubles trophiques (panaris

, anesthésiques, etc.), cypho-scoliose; parfois mains de prédica-

teur ou mains en pince; évolution lente (10-40 ans).

Lèpre nerveuse : étiologie ; symptômes syringomyéliques (anesthésie

dissociée, troubles trophiques); symptômes" propres : plaques

d'anesthésie, épaississement des troncs nerveux, nodules lépreux;

souvent main différente.

Méningo-myélite syphilitique : lymphocytose, parfois Argyll-Robert-

son, parfois douleurs et évolution rapide.

e) Flasques : réflexes tendineux diminués :

Tabès : Signes tabétiques.

Névrites ( ? ) ou pseudo-névrites (myélites ? ) : saturnines, etc. ; signes

propres.

Poliomyélite antérieure chronique ?

[A. LÉRI.]

734 ATROPHIES MUSCULAIRES.

II. ATROPHIES MUSCULAIRES SECONDAIRES (Atrophies

d'emblée, stationnaires ou régressives) :

A) Consécutives A une lésion locale : " . '

a) Atrophies par lésions vasculaires : exceptionnelles.

b) Atrophies « réflexes » : Origine articulaire : arthrites, luxations, contusions.

- Origine abarticulaire : os : fractures, ostéites; téguments : plaies, con-

tusions ; muscles : compressions, plaies, coup de fouet; séreuses : atro-

phies pleurétiques, etc.

Caractères de l'atrophie : caractères de l'atrophie simple, myopathique, mais

absence de pseudo-hypertrophie ; localisation : généralement début au

muscle extenseur sus-jacent; extension et intensité généralement limi-

tées ; durée prolongée.

B) Consécutives A une paralysie : atrophie de tout ou partie des muscles préalablement

paralysés associée aux symptômes propres à l'affection paralytique :

a) D'origine médullaire : paralysie spinale infantile; paralysie spinale aiguë de

l'adulte; hématomyélie ; myélites ; compression médullaire.

b) D'origine cérébrale : paralysies cérébrales infantiles : hémiplégies, etc.; hémi-

plégie de l'adulte.

c) D'origine périphérique : lésions des nerfs périphériques :

1. Caractères de l'atrophie : pas de contractions fibrillaires ; pas de pseudo-hvper-

trophie ; rétractions fibro-musculaires parfois; réaction de dégénérescence

fréquente; abolition des réflexes tendineux; début par l'extrémité des

membres; tendance il la régression.

2. Caractères associés : paralysie; troubles sensitifs subjectifs constants (dou-

leurs), objectifs fréquents (anesthésies, etc.); troubles vaso-moteurs, secré-

toires et trophiques cutanés.

5. Variétés anatomo-cliniques : 1

A) Lésions traumatiques (troncs nerveux, plexus, racines) : sections, plaies,

contusions, compressions, élonbalion.

B) Lésions inflammatoires : névrites : infectieuses, toxiques.

a) Névrile infectieuse de cause externe : névrite ascendante : syndrome

douloureux ascendant. fi.

P) Névrites infectieuses et toxiques de cause interne : localisées, multiples

ou généralisées (polynévrites); à évolution aiguë, subaiguë ou chronique.

Infectieuses : lèpre, béribéri; toxi-infectieuses : diphtérie, fièvre ty-

phoïde, tuberculose, grippe, variole, paludisme, streptococcie, etc.;

Toxiques exogènes : alcool, plomb, arsenic ;

Toxiques endogènes : diabète, goutte, rhumatisme chronique, cancer, ca-

chexies ;

Tabétiques : infectieuses ( ? ).

d) D'origine fonctionnelle : hystérie.

HYPERTROPHIES MUSCULAIRES

par le Dr André LERI

L'hypertrophie musculaire est l'augmentation de volume d'un ou de

plusieurs muscles due il l'augmentation de nombre ou de dimension

des libres contractiles.

. CARACTÈRES DE L'HYPERTROPHIE MUSCULAIRE

Le muscle hypertrophié est gros, et son accroissement de volume est

souvent assez marqué pour frapper l'observateur à la simple inspection

de la région; la mensuration peut servir de confirmation. De plus, il est

plus consistant qu'un muscle normal et donne au doigt qui le palpe

l'impression d'une élasticité excessive.

S'il est déjà exagérément volumineux et résistant au repos, la diffé-

rence avec un muscle normal s'accuse plus encore, à l'oeil et à la main,

à l'état de contraction; quand le muscle se contracte, on sent sous les

doigts se dilater et se durcir des faisceaux plus volumineux, on voit le

muscle former dans sa partie moyenne un ventre anormalement dis-

tendu, et souvent des fascicules épaissis soulèvent les tissus cutanés

et sous-cutanés : c'est alors surtout qu'on peut avoir l'impression que

l'augmentation de volume siège bien dans le muscle lui-même et non

dans les tissus superficiels.

Enfin nous avons dit, à propos des atrophies musculaires, que le

volume d'un muscle n'est rien, que sa puissance fonctionnelle est tout :

le fait est toujours vrai pour les atrophies musculaires, il l'est souvent

pour les hypertrophies, mais non toujours. La puissance contractile du

muscle est exagérée dans les hypertrophies physiologiques, fonction-

nelles, compensatrices, où l'augmentation des fibres contractiles atteint

un muscle sain et constitue soit un mode de réaction contre un

obstacle, soit un mode d'adaptation à un rôle physiologique excessif.

Mais la puissance contractile n'est pas exagérée quand l'hypertrophie

musculaire est l'un des symptômes mêmes d'une maladie du muscle, ce

qui est fréquent : dans ce cas, ou bien l'hypertrophie s'accompagne d'un

affaiblissement réel de sa puissance, ou bien les premières contractions

[A. LÉRI

736 HYPERTROPHIES MUSCULAIRES.

sont normalement ou exagérément violentes, mais l'épuisement est

rapide et les contractions suivantes sont affaiblies.

Tous ces signes de l'hypertrophie musculaire apparaissent surtout

nettement quand elle est unilatérale et qu'on peut ainsi comparer le

muscle altéré avec le muscle symétrique du côté opposé, soit à l'état de

repos, soit à l'etat de contraction.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL .^

Ces signes permettent en général de distinguer l'hypertrophie muscu-

laire vraie d'un certain nombre d'altérations musculaires qui la simulent.

En parlant des atrophies musculaires, nous avons signalé la fréquence

des pseudo-hypertrophies dues à l'infiltration et à la dégénérescence

graisseuse du tissu musculaire, et, en comparant cette fréquence à la

rareté de l'hypertrophie musculaire vraie, nous avons pu dire que l'aug-

mentation anormale du volume d'un muscle est plus souvent le signe de

son atrophie que de son hypertrophie. En dehors de l'augmentation de

volume, seul caractère commun, tout différencie en effet la pseudo-

hypertrophie de l'hypertrophie vraie : consistance pâteuse, amoindrie

du muscle, contractilité nulle ou atténuée, faiblesse ou absence de toute

modification de volume et de consistance au passage de l'état de repos à

l'état de contraction, puissance contractile active et résistance aux mou-

vements provoqués très réduites.

Un oedème interstitiel détermine parfois une pseudo-hypertrophie

musculaire limitée; mais l'oedème est rarement exclusivement muscu-

laire, et on en trouve les causes soit dans un trouble de la circulation

générale, soit dans une cause locale de stase sanguine.

Certaines myosites se manifestent par un gonflement limité ou diffus

d'un ou de plusieurs muscles qui en traduit l'infiltration interstitielle :

mais les symptômes inflammatoires, l'acuité du début du processus, la

douleur spontanée et à la pression, la faiblesse de la contraction évite-

ront toute erreur avec l'hypertrophie vraie. ,

Certaines infiltrations néoplasiques de tout ou partie de un ou plu-

sieurs muscles, amenant leur augmentation de volume, se caractérise-

ront, outre qu'elles sont exceptionnellement limitées aux muscles seuls,

par leur localisation irrégulière, leur consistance spéciale, leur extension

progressive, la diminution considérable de la contractilité musculaire.

VARIÉTÉS CLINIQUES

L'hypertrophie musculaire vraie est aussi rare au niveau des muscles

de la vie de relation, au niveau des muscles des membres et du tronc,

que l'atrophie musculaire y est fréquente. Il en est tout autrement au

niveau des muscles de la vie organique, et les hypertrophies muscu-

laires viscérales sont infiniment plus fréquentes que les atrophies.

HYPERTROPHIES MUSCULAIRES VISCÉRALES. 7 ? 7

1. - - HYPERTROPHIES MUSCULAIRES VISCÉRALES

Les hypertrophies musculaires viscérales rentrent presque toutes dans

la catégorie des hypertrophies musculaires dites compensatrices. Elles

occupent avec une prédilection marquée le muscle cardiaque, en vertu

sans doute des innombrables obstacles que la circulation sanguine peut

rencontrer à l'état pathologique soit dans les gros ou les petits vaisseaux,

soit dans les viscères importants et notamment dans le rein. La muscu-

lature lisse de l'un quelconque des organes musculo-membrancux se

trouve aussi très fréquemment hypertrophiée en amont d'un obstacle au

cours normal de leurs contenu, que cet obstacle siège dans leur lumière

ou dans leur paroi, ou qu'il résulte d'une compression de cette paroi

par une formation pathologique extrinsèque : c'est ainsi qu'on observe

des hypertrophies musculaires de l'intestin en amont des obstructions,

des rétrécissements ou des cancers, des hypertrophies musculaires de

l'estomac en amont des sténoses du pylore d'origine cicatricielle. nee-

plastique ou péritonitique, des hypertrophies musculaires de la vessie en

amont des calculs ou des rétrécissements de l'urètre, etc.

Au voisinage immédiat de ces hypertrophies musculaires viscérales

pathologiques, il faut rappeler l'hypertrophie purement physiologique de

l'utérus, à la fois voluniétrique et numérique, an cours de la gestation.

Toutes ces hypertrophies musculaires dites compensatrices se rappro-

chent par leur pathogénie des hypertrophies fonctionnelles que nous

aurons il signaler au niveau des muscles des membres ou du tronc qui.

pour une cause quelconque, physiologique ou pathologique, momen-

tanée ou permanente, se trouvent avoir à accomplir un excès de travail.

L'histoire de chacune des hypertrophies viscérales compensatrices

appartient à la pathologie spéciale de l'organe en cause; il nous a suffi

de montrer ici leur importance, nous n avons pas il y insister.

Il. - HYPERTROPHIES MUSCULAIRES PÉRIPHÉRIQUES

Les hypertrophies musculaires périphériques, infiniment plus rares,

sont beaucoup plus souvent localisées à un ou plusieurs muscles, a un

membre ou à un segment de membre, que généralisées ou progressives.

Elles se présentent dans quatre conditions différentes :

¡PI Inourl : . - Il s'agit d'une hypertrophie fonctionnelle. Tout muscle

qui doit accomplir d'une façon prolongée un travail excesssif s'hyper-

trophie; que le travail excessif soit rendu nécessaire par un fonctionne-

ment physiologique exagéré ou par certains troubles pathologiques, l'hy-

pertrophie du muscle peut toujours être dite, physiologique, le muscle

lui-même n'est pas malade.

l2° Gboupk. L hypertrophie musculaire marque le début d'une

1'mrL'E srmoi,. ! 7 ï

[A. LÉRI ]

7.ÏN Illl'I : li'l'ISlll'lllla llll : l;1..111s1;s.

atrophie musculaire : le stade d'hypertrophie indique déjà que. le

muscle est malade : l'hypertrophie, totale ou partielle, est produite par

le processus pathologique dont l'évolution ultime est la disparition des

libres contractiles.

;ï" Croupi : . -1,'hylcrtrophie musculaire est un des éléments essentiels

de la maladie de Thomsen ou myotonie congénitale, affection tuuseu-

taire qui. en dehors de l'hypertrophie, présente des modifications toutes

spéciales de la contractilité volontaire et électrique.

i'n Croupi : . On a enfin cherché à réunir dans un même groupe,

sous le nom de myopathie hypertrophiante ou de dystrophie muscu-

laire hyperplast ique (Talma), toute une série de faits dissemblables tant

parleur localisation clinique que par leur étiologie et leur pathogenic.

Certaines de ces hypertrophies sont localisées à un muscle, d'autres sont

étendues à un membre, d'autres sont plus ou moins généralisées à toute

la musculature; certaines sont congénitales, d'autres sont acquises; cer-

taines sont consécutives Ù une maladie infectieuse ou toxique, d'autres

paraissent spontanées.

Parmi ces faits un bon nombre répondent assurément à l'un des

groupes précédents : hypertrophies fonctionnelles, hypertrophies prât-

trophiques, hypertrophies myotoniques. D'autres sont consécutifs aune

altération soit nerveuse soit vasculaire des membres atteints. Un petit

nombre seulement paraissent répondre à une véritable maladie muscu-

laire primitive, localisée ou généralisée, différant notamment de la mala-

die de Thomsen par l'absence des troubles de la contraction volontaire

ou électrique que, à tort ou à raison, on a voulu jusqu'ici considérer

connue absolument caractéristiques de cette maladie. Bien que le tenue

de myopathie hypertrophiante ne puisse appartenir logiquement qu'à

cette dernière classe. les nécessités d'une classification d'attente nous s

obligeront il réunir dans ce 4" groupe tous les faits auxquels nous

venons de faire allusion.

Les hypertrophies fonctionnelles, physiologiques, et les hypertrophies

pathologiques doivent a priori être déterminées par des modifications

toutes différentes des fibres musculaires. Les hypertrophies patholo-

giques des trois derniers groupes présentent une évolution si dissem-

blable qu'on doit se demander sur quelles différences histologiques peut

être basée cette dissemblance, Nous dirons succinctement, à propos de

chacun des groupes, par quels caractères histologiques essentiels il se

distingue des autres.

1" Croupi- :

HYPERTROPHIES PHYSIOLOGIQUES, FONCTIONNELLES

Les hypertrophies physiologiques sont presque toujours acquises au

cours de l'existence : elles sont alors toujours localisées et très généra-

HYPERTROPHIES MUSCULAIRES PHYSIOLOGIQUES. 731'

jouent localisées aux muscles qui p/'ofessionnellement doivent fournir un

travail exagéré : telles sont les hypertrophies du biceps des athlètes, des

jumeaux des danseuses, etc. Il faut en rapprocher l'hypertrophie des

muscles grands droits observée par Ilurante chez des femmes pendant

les derniers mois de leur. grossesse.

Ce sont les types des hypertrophies vraiment physiologiques : elles se

produiraient, d'après Hecklinghausen, chaque fois qu'un muscle exécute

une plus grande somme d'actions physiologiques. Fort juste en appa-

rence, cette théorie ne parait pas suffisante à tous les auteurs : pour

Tiegel en etïet, l'afflux sanguin exagéré est la condition indispensable à

la production de l'hypertrophie; quand on pratique sur certains muscles

des excitations répétées, l'afflux sanguin fait défaut aussi bien quand les

excitations sont excessives que quand elles sont insuffisantes ; or, dans

ces cas l'hypertrophie ne se produit pas. Et, comme confirmation de cette

théorie, Nothnagel note que l'hypertrophie ne se produit qu'a la suite

de l'accomplissement des mouvements qui obligent les muscles il faire

de grandes excursions et à activer ainsi la circulation : les petits mou-

vements, comme ceux de l'écriture par exemple, si répétés qu'ils soient,

n'ont jamais produit d'hypertrophie musculaire. L'hypertrophie la plus

nettement physiologique, et a priori la plus complètement primitive,

serait donc elle-même plus ou moins secondaire.

A coté de ces hypertrophies purement physiologiques acquises, nous

devons signaler l'hypertrophie des muscles respiratoires accessoires que

l'on constate fréquemment chez les emphysémateux et chez tous les

sujets atteints d'une affection dyspnéisante chronique.

Les hypertrophies physiologiques d'origine congénitale sont plus rares.

Elles sont aussi presque toujours localisées, mais elles frappent des

muscles soumis il un surmenage d'ordre non plus physiologique, mais

pathologique : on les observe alors chez des sujets atteints il ! utero de

sclérose cérébrale et nés avec les signes d'une hémiplégie ou d'une

diplégie cérébrale infantile, avec une hémi-athétose ou une alhétose

double (Audry, Pierre Marie, Colin, Lannois, Hourneville. etc.) Les con-

tractures toniques permanentes et les mouvements continus auxquels

sont soumis certains muscles de ces sujets en amènent plus ou moins

précocement l'hypertrophie, avec ou sans atrophie des muscles voisins.

Mais dans ces cas encore, il est probable que l'hypertrophie n'est pas

uniquement un phénomène d'adaptation des fibres musculaires il un tra-

vail exagéré. D'une part, en effet, la lésion du système nerveux parai l

jouer parfois un certain rôle, car on observe très fréquemment ces

hypertrophies dans les athétoscs infantiles (Audry, Pierre Marie,

Lannois, liourneville), et exceptionnellement au contraire dans les hémi-

athétoses ou les hémi-chorécs post-hémiplégiques de l'adulte (Obs. de

Sicard, etc.) ('); Lannois considère qu'elles sont dues sans doute à une

1. S¡CAIIU, Soc. de ¡YcUl'ol, 1 janvier HHJ0,

. [A. LÉRL]

740 HYPERTROPHIES MUSCULAIRES.

incitation trophique excessive émanée des neurones corticaux excités pal'

la sclérose. D'autre part, les modifications de la circulation sanguine ont

sans doute aussi une action sur la production de l'hypertrophie, et diflë-

rents auteurs (Sicard, Faure-Beaulieu et Lewandowsky (1), etc.) ont

insisté sur le développement anormal et la réplétion du système veineux

sous-cutané sur les membres hypertrophiés des àthétosiques congénitaux

ou acquis. - - , -

Certaines hypertrophies congénitales d'un ou plusieurs membres ou

segments de membres paraissent porter avec prédilection sur la muscu-

lature (cas de Kalischer, etc.) : il s'agirait d'une hypertrophie physio-

logique, le sujet n'ayant aucune autre altération, mais elle n'aurait plus

rien de fonctionnel. On s'explique mal une hypertrophie musculaire

ainsi localisée et isolée, et ces faits, encore mal définis, qui paraissent

rentrer dans le domaine de la tératologie ou de la pathologie, intra-

utérine, mériteront d'être bien différenciés il l'avenir des cas plus fré-

quents, soit d'hypertrophie congénitale totale d'un membre ou segment

de membre oÙ la totalité des tissus, entre autres le tissu osseux, prennent

part à l'hypertrophie, soit de trophoedème congénital où l'infiltration

n'atteint que le tissu interstitiel et sous-cutané.

Enfin, on a signalé des cas exceptionnels d'hypertrophie musculaire

congénitale généralisée (Friedreich, Van Duyse, etc.), héréditaire ou

non, où l'hypertrophie fut considérée comme physiologique par suite de

l'absence des caractères spéciaux de la contractilité volontaire et élec-

trique de la maladie de Thomsen. Mais nous dirons que ces caractères

ne paraissent plus avoir dans cette affection ni la constance ni la valeur

séméiologique exclusive que Erb leur avait attribuée, et, en constatant

sur la photographie d'un de ces « hommes musclés » publiée par Van

Duyse (2) [bien des caractères de la maladie de Thomsen, nous avons fort

tendance à croire que la limite est mal tranchée entre ces cas divers,

qu'ils appartiennent à une même famille nosographique et qu'ils sont

tous d'ordre pathologique..

Dans l'hypertrophie physiologique ou fonctionnelle, les muscles parais-

sent normaux sur une coupe, le tissu interstitiel n'est pas augmenté,

l'hypertrophie paraît résulter uniquement de l'augmentation de volume

ou de nombre des fibres contractiles. Hep, Letulle incriminent surtout

l'hypertrophie volumétrique légère de toutes les fibres, mais comme

le diamètre reste toujours modéré et n'atteint jamais la dimension

considérable qu'elles acquièrent dans certaines hypertrophies patho-

logiques, lulliker, IIyrtl, Rokitansky, Fôrster, Zenker, Durante croient

plutôt à une hypertrophie numérique, se faisant en grande partie

par divisions longitudinales (Durante), sans prolifération intense des

noyaux. -

1. FAUI1E-BEAULOEU cl LEWAnowsKV. Soc. de Neul'ol., 2 février ]9f)5.

2. Y.\ : i Duysr. Flandre médicale, '18(). - -

HYPERTROPHIES MUSCULAIRES PRÉATROPHIQUES. zizi

2" GROUPE.

HYPERTROPHIES PRÉATROPHIQUES

Nous avons dit que dans tous les muscles en voie d'atrophie, quelle

que soit l'origine de l'atrophie, on trouve des fibres hypertrophiées.

Erh, qui avait constaté ce fait sur des muscles de myopathiques à

forme juvénile,- le croyait spécial aux myopathies et même à leur seule

forme juvénile. Ce qui est vrai, c'est que, en dehors des myopathies, le

nombre des fibres hypertrophiées dans un muscle en voie d'atrophie

n'est jamais assez considérable pour que le muscle apparaisse clinique-

ment hypertrophié : aussi, en clinique, l'hypertTophie musculaire préa-

trophique est caractéristique des atrophies myopathiques. Mais elle

n'est pas un caractère particulier à la forme juvénile, elle s'observe aussi

dans les autres formes et notamment dans la forme facio-scapulo-hu-

lllél'1C.

L'hypertrophie préatrophique frappe avec une prédilection très mar-

quée certains muscles, et surtout le deltoïde; elle atteint parfois aussi

aux membres supérieurs les sus et sous-épineux et les biceps, aux

membres inférieurs les jumeaux, le tenseur du fascia lata et le couturier.

L'hypertrophie est partielle ou totale. Partielle, elle atteint dans

toute leur longueur certains faisceaux seulement du muscle, les autres

faisceaux s'atrophiant; ou bien elle atteint sur une partie seulement de

leur longueur un plus ou moins grand nombre ou la totalité des faisceaux

du muscle. Dans ce dernier cas, c'est la partie moyenne qui est typer- -

trophiée, les extrémités des fibres s'atrophiant; cette « atrophie longitu-

dinale » (Roth) détermine la formation de ventres de contraction for-

mant bosses sur le. milieu de la longueur du muscle : on les observe

surtout, sur le deltoïde. L'hypertrophie préatrophique totale est. plus

exceptionnelle ; elle a été niée par Roth et par Marinesco ; ces auteurs

croient, qu'elle s'associe toujours à une atrophie longitudinale, et que la

saillie contractile plus ou moins hypertrophiée, qui paraît constituer tout

le muscle, n'en constitue en réalité que la partie moyenne.

Quoi qu'il en soit, l'hypertrophie vraie préatrophique, partielle ou

totale, est rare, alors que la pseudo-hypertrophie est très fréquente :

elle a pourtant été constatée nettement, cliniquementetanatomiquemenl.

dans les cas d'Erb, Barsikow, Westphal, Hitzig, etc.

Cette rareté de l'hypertrophie vraie cliniquenient constatable, opposée

a la constance de l'existence de fibres d'un volume énorme dans les

muscles en voie d'atrophie, s'explique par le fait que l'hypertrophie est

pour chaque fibre musculaire un état transitoire, c'esi, la première phase

de révolution atrophique. Or; les fibres sont atteintes individuellement ou

par petits groupes; les fibres les premières atteintes s'atrophient déjà

" [A LÉRI.]

1AÏ HYPERTROPHIES MUSCULAIRES.

quand les suivantes s'hypertrophient et, une certaine compensation se

faisant ainsi, le muscle ne peut guère acquérir un volume considérable,

De plus, il n'est pas encore démontré que le stade préalable d'hyper-

trophie soit indispensable, pour toute fibre qui s'atrophie.

L'hypertrophie préatrophique est donc déjà un signe de la maladie de

la fibre musculaire : on comprend qu'avant de s'atrophier les fibres

musculaires s'hypertrophient généralement, puisque nous avons dit que

l'atrophie n'est pas un simple trouble trophique, niais qu'elle est,

d'après les recherches de Hayem, Durante, etc., le résultat d'un proces-

sus inflammatoire, d'une myosite. Le caractère pathologique de l'hyper-

trophie préatrophique se révèle dans la lésion histologique de la fibre :

non seulement les fibres hypertrophiées atteignent le volume énorme

de 200 à 2)O p. au lieu de 5H à 05 r (hypertrophie volumétrique du

muscle), non seulement elles présentent de fréquentes divisions longi-

tudinales qui .les multiplient (hypertrophie numérique), mais encore leur

striation devient inégale et irrégulière, les caractères de différenciation

des fibrilles contractiles et du protoplasma intercontractile s'atténuent,

les fibres se remplissent de vacuoles, et surtout les noyaux prolifèrent

abondamment. C'est aux dépens- du sarcoplasma ainsi accru et pourvu

de noyaux multiples .que s'individualiseront des'cellules multiples qui

phagocyteront ultérieurement les matériaux contractiles : ce processus

sera l'origine de l'atrophie.

.Ces caractères distinguent les fibres atteintes d'hypertrophie préatro-

phique et celles qui ont subi une hypertrophie physiologique; ils sont

contraires à l'opinion soutenue autrefois par Dejerine, à savoir que

l'hypertrophie de certaines fibres dans les muscles en voie d'atrophie esl

- une hypertrophie fonctionnelle vicariante : en réalité ces fibres hyper-

trophiées ne sont pas des fibres saines.

ei ,

qF. - 1 5 GROUPE. ? W PERTRÔPHIES MYOTONIQUES

- - Maladie de Thomsen.

Parmi les hypertrophies musculaires vraies, totales, plus ou moins

généralisées, les plus fréquentes de beaucoup sont celles de la maladie

de Thomsen..

L'hypertrophie musculaire est en effet un des caractères essentiels de

cette affection. Parfois plus ou moins localisée, surtout à la musculature

des membres inférieurs, généralement diffuse avec des prédominances

régionales, elle donne le plus. souvent à l'ensemble du corps et principa-

lement aux membres des proportions vraiment athlétiques. La saillie des

masses musculaires est souvent telle sous la peau qu'elle permet vérita-

blement d'étudier l'anatomie morphologique des muscles sur le vivant.

HYPERTROPHIES MUSCULAIRES PÉRIPHÉRIQUES. 745

C'est d'ailleurs à un thomsénien que l'antiquité, a emprunté les carac-

tères les plus frappants de l'athlète par excellence, de la divinité qui

symbolisait la force, Hercule. On trouve sur les statues d'Hercule les

saillies musculaires des bras et des jambes, surtout des biceps et des

quadriceps fémoraux, le torse massif aux pectoraux volumineux, le cou

court et large, cou de taureau, la tête relativement trop petite qui sont

les caractères essentiels de l'hypertrophie thomsénienne.

Les muscles . atteints sont généralement plus consistants que des

muscles normaux; mais, lait important, leur

puissance contractile n'est nullement pro-

portionnelle -à leur hypertrophie. Si certains

muscles ont une vigueur excessive, qui per-

met à certains thomséniens d'exercer pen-

dant un temps plus ou moins long la profeS7

sion d'athlète forain, la plupart présentent

au contraire une faiblesse marquée et, parmi

ceux qui ont une force normale ou exagé-

rée, presque tous se fatiguent avec une

rapidité tout à fait anormale.

Les muscles hypertrophiés des thomsé-

niens présentent des particularités spéciales

de leur contractilité volontaire ou électrique.

La contractilité volontaire est troublée beau-

coup moins parce que le muscle ne peut se

contracter avec force que parce que, une

fois contracté, il ne peut se décontracter

immédiatement : chaque contraction mus-

culaire ressemble ainsi à une véritable con-

tracture. Le fait est vrai du moins pour les

premières contractions d'un muscle; quand

les contractions se succèdent à peu d'inter-

valle, la raideur diminue et souvent dispa-

rait, le muscle s'assouplit. Dans la marche,

par exemple, les premiers pas se font len-

tement et avec peine, les suivants deviennent

plus faciles ; la difficulté se reproduit chaque fois que, après un arrêt, le

sujet se remet en marche.

Ces troubles de la contractilité volontaire ne sont pas limités aux

membres et au tronc ; on les observe aussi au niveau des petits muscles

de la face où l'hypertrophie ne peut apparaître nettement (orbiculaire

des paupières, des lèvres, etc.), parfois au niveau des muscles mastica-

teurs, des muscles de la langue, des muscles oculo-moteurs, etc. ; on ne e

les ohserve jamais au niveau des muscles de la vie organique.

Les troubles de la contractilité électrique sont de même ordre; ils

traduisent aussi la difficulté de la décontraction, du relâchement muscu-

[A, LF1R1.

Fig. 18. Maladie de Thomsen.

Remarquer le développement

lILhlé1.i'lllC îles muscles, surtout

rcux des membres inférieurs,

cuisses el jambes, le « large

l'on (le taureau ». ·.

TU Il HYPERTROPHIES MUSCULAIRES.

faire, beaucoup plus que de la contraction ; ils constituent la réaction

myotonique d'Erb. La contractilité faradique et galvanique des muscles

est augmentée. Avec les courants galvaniques, les secousses de ferme-

turc sont égales au pôle positif ou au pôle négatif, mais ces contractions

sont lentes, torpides, prolongées alors que l'excitation a cessé; aussi n'y

a-t-il pas de secousses d'ouverture, le relâchement se fait lentement.

Avec les courants faradiques ou avec les courants galvaniques fixes, on

peut produire souvent des contractions ondulatoires régulières. L'etci-

labilité faradique et galvanique des nerfs est au contraire plutôt dimi-

nuée ; les secousses obtenues sont normales et courtes, mais si l'on pro-

longe ou si l'on accumule les excitations par un courant galvanique

labile ou par un courant faradique à interruptions fréquentes, on déter-

mine des contractions toniques persistantes. Toutes ces modifications de

la contractilité électrique s'atténuent, comme celles de la contractilité

volontaire, quand on répète les excitations sur le même muscle.

La maladie de Thomsen est essentiellement familiale et héréditaire,

comme les myopathies. v

La maladie de Thomsen paraissait ainsi parfaitement individualisée,

el, en fait, dans les cas typiques, les thomséniens présentent un aspect

absolument spécial. Pourtant dans ces dernières années des faits assez

nombreux ont montré, d'une part qu'aucun de ses caractères ne lui

appartient en propre et qu'ils peuvent tous s'observer dans certaines

autres affections et notamment dans les myopathies, d'autre part que

myopathie et maladie de Thomsen peuvent évoluer simultanément ou

successivement chez un même sujet ou alterner chez plusieurs sujets de

la même famille, enfin que l'hypertrophie préatrophique peut s'accom-

pagner de myotonie et que dans les atrophies musculaires les muscles

atrophiés eux-mêmes peuvent présenter los caractères de la réaction

myotonique (Rossolimo, Lannois, Loi,lit-.Iacol) et Thaon). On a pu

observer chez les myopathiques tous les intermédiaires depuis l'lryper-

trophie et la myotonie localisées jusqu'à la maladie de Thomsen la plus

étendue; la myotonie a pu précéder ou suivre l'amyotrophie chez un

même sujet, soit sur les mêmes muscles, soit sur des muscles différents.

Il y a donc toutes les formes de passage entre la myopathie pure et la

maladie de Thomsen pure et, si l'on ajoute que les deux affections sont

familiales et héréditaires, on comprend qu'on ait actuellement tendance

à considérer la myotonie congénitale comme une myopathie (Ballet el

1). Marie, Ileléabe, Strümlell, Dejerine et Sottas. etc.). Il y aurait donc

surtout entre l'hypertrophie préatrophique que nous avons étudiée et ta

maladie de Thomsen une différence de degré en intensité et en étendue

plus qu'une différence de nature.

L'histologie semble confirmer ces conclusions, car les lésions des

fibres musculaires sont très semblables dans les deux affections, 'fout

d'abord, à côté des fibres hypertrophiées, de '1 ;,(1 u. et plus, on trouve

toujours dans les muscles des thomséniens un certain nombre de fibres

HYPERTROPHIES MUSCULAIRES PÉRIPHÉRIQUES. 7t,)

atrophiées, de 20 à 10 u. et moins. De plus, dans les fibres hypertro-

phiées on constate dès le début, avec un gonflement en masse, une

intense prolifération des noyaux; le sarcoplasme, protoplasme non

différencié, périnuciéaire et intercontractile, présente une hypertrophie

considérable, mais les fibrilles contractiles sont désagrégées, réduites en

Granulations, absorbées peu à peu par le sarcoplasme. L'hypertrophie de

la fibre musculaire a donc pour résultat non pas l'accroissement, mais

la disparition de la substance différenciée; c'est essentiellement une

altération pathologique, elle est très semblable il l'altération du début

de la myopathie.

On peut ajouter aujourd'hui que ce qui fait la différence essentielle

entre les deux lésions, c'est dans la myopathie l'individualisation de

cellules non différenciées qui se fait aux dépens du sarcoplasma autour

des noyaux prolifères, dans la maladie de Thomsen la persistance dans

l'intérieur des fibres d'un sarcoplasma abondant, il noyaux multiples

mais indivis (plasrnode). Or c'est précisément à cette abondance de sar-

coplasma que serait due, d'après les travaux récents, la réaction mvoto-

nique : Botlazzi a fait voir en effet que le. sarcoplasma n'est nullement

indifférent, mais bien contractile, que c'est à lui que le muscle doit sa

tonicité et. que les muscles lisses n'ont d'autre fonction motrice que

celle du sarcoplasma; or les recherches de Mlle Joteyko ont montré que

les diverses particularités de la réaction myotonique d'Erb (réaction

tardive, lente, prolongée, tonique, etc.) étaient précisément celles que

l'on observe dans la contraction du sarcoplasma'. On conçoit ainsi par-

faitement soit la succession, soit l'association sur les mêmes muscles ou

sur des muscles voisins de caractères (atrophie, hypertrophie préatro-

phique ou permanente, contractilité volontaire ou électrique myotonique)

qui ne sont que la manifestation d'un degré plus ou moins avancé d'une

même lésion.

\ /¡;" Groupe.

4' Croupe.

HYPERTROPHIES DE CAUSES DIVERSES

Myopathie hypertrophiante,

hypertrophies d'origine vasculaire ou nerveuse, etc.

In petit nombre d'observations d'hypertrophies musculaires vraies

ont été publiées qui ne rentraient dans aucun des trois groupes précé-

dents. Talina. en 1802, a cru pouvoir réunir ces différents cas sous le

non) de dystrophie musculaire hyperptastique ou de myopathie hyper-

trophiante. Or, ces cas sont si profondément dissemblables qu'un tel

groupement nous parait, u priori tout il fait injustifié. En effet, les uns

sont congénitaux, les autres sont acquis, et quelques-uns même acquis

, 1. Laorol.n LEI'I. 1faladil' (le Thomsen 1'( carcollacma. Revue Neurol.. 1 ! lO;),

[A.LÉRI] 1

7-4G 6 HYPERTROPHIES- MUSCULAIRES.

dans un âge avancé; les uns sont généralisés, les autres sont localisés

ceux-ci de façon monoplégique, ceux-là de façon hémiplégique, d'autres

encore de façon acromélique ou rhizomélique, d'autres enfin à un seul

groupe musculaire ou à quelques muscles plus ou moins distants; chez

les uns on constate une exagération, chez les autres une diminution de

la force contractile; les uns s'accompagnent de troubles sensitifs subjec-

tifs ou objectifs ou de troubles psychiques, les autres non; enfin les

uns présentent des altérations vasculaires ou nerveuses manifestes et les

autres en sont exempts. - .

Les dix cas signalés par Talma (1 cas d'Auerbach, 3 cas de Berger,

2 cas de Friedreich, 1 cas de Krau, de Bruch, de Pall, de et un

.certain nombre d'autres (cas de Lesage, Anncquin, lienedici., Filliln,

Bressier, Morestin et Durante, Cerné, Babinski, etc.) doivent être. Ù

noire sens, ranges actuellement dans des cadres très différents, celle

classification étant d'ailleurs uniquement une classification d'attente.

1° Parmi les hypertrophies localisées, un certain nombre rentrent tout

d'abord dans l'un des groupes précédents. Ainsi dans le cas de Pall il y

avait une hypertrophie unilatérale droite chez un hémiathétosique droit :

il s'agissait vraisemblablement d'une hypertrophie fonctionnelle. Dans

un cas de Friedreich et dans le cas de Bressler, il y avait une atrophie

de certains muscles en même temps qu'une hypertrophie d'autres

muscles : il s'agissait sans doute d'hypertrophie préatrophique.

2° D'autres hypertrophies localisées se trouvaient dans le domaine

de vaisseaux présentant des altérations manifestes. Certaines étaient

limitées à un groupe musculaire (muscles de l'épaule, Benedict), la plu-

part étaient étendues à l'ensemble de la musculature d'un membre,

membre inférieur (Lesage, Berger, Annequin), ou membre supérieur

(Cerné, Babinski, etc.). L'altération vasculaire se décelait d'une part par

nn développement tout à fait anormal de la circulation superficielle,

d'autre part par des antécédents plus ou moins certains de thrombose

veineuse ou de phlébite, parfois peut-être d'artérite, ayant immédiate-

ment précédé dans le membre atteint le développement de l'hypertro-

phie. De plus, fait intéressant, dans la presque totalité des cas, on trouvait

à l'origine des accidents une fièvre typhoïde, maladie infectieuse dont on

sait la fréquente influence sur la détermination des lésions des artères

ou des veines (cas de Lesage, Berger, Cerné, Babinski, etc.); cette seule

étiologie rend très vraisemblable l'influence pathogénique de la lésion

vasculaire sur la production de l'hypertrophie musculaire : il s'agit

d'hypertrophies d'origine vasculaire (').

·I. Une observation de Sicard est particulièrement à citer; il s'agissait d'lui sujet

al.lcint d'hémiathétose, surtout prononcée au membre supérieur droit, depuis l'ige [le

5 ans; observé 11 24 ans par Brissaud et Hallion, il ne présentait pas d'hypertrophie

musculaire; celle-ci semble s'être développée, précisément dans le membre supérieur

droit, à la suite d'une fièvre typhoïde contractée ultérieurement; le système veineux

sous-culané était considérablement développé au niveau de ce memhre (Soc, Neural. 190a.

- ]l[Il,JITIIOPIIIIls MUSCULAIRES PÉRIPHÉRIQUES. 747

Les muscles hypertrophiés ont leur puissance volontaire tantôt nor-

male, tantôt augmentée, assez souvent diminuée ou très rapidement

épuisée. L'excitabilité électrique est tantôt normale, tantôt diminuée;

elle ne serait jamais exagérée (Darkschewitsch) ; en tout cas, elle n'est pas

proportionnée à la force de la contractilité volontaire, celle-ci peut être

augmentée, celle-là diminuée (Babinski). On trouve ou non, associés, des

troubles de la sensibilité objective ou subjective.

Dans les cas exceptionnels où l'on a pu faire un examen histologique,

nécropsique ou biopsique, on a constaté une hyperplasie numérique et

surtout volumetnque des fibres muscu-

laires, très analogue à celle que l'on

observe dans les hypertrophies fonction-

nelles (Berger, etc.). Nous avons. dit

d'ailleurs que, dans les cas 1 d'hypertro-

phie fonctionnelle, il existe presque tou-

jours un développement très exagéré du

système vasculaire et que, pour certains

auteurs, comme Nothnagel, l'augmenta-

tion de la circulation est la condition sine

qua non de l'hypertrophie des muscles.

On a signalé aussi dans certains de ces

cas un oedème interstitiel prononcé, et

il est probable qu'une pseudo-hypertro-

phie s'ajoute assez souvent à l'hypertro-

phie vraie pour déterminer l'augmenta-

tion de volume des muscles.

5° Enfin, dans quelques rares cas il

semble bien s'agir d'une hypertrophie

musculaire indépendante de tout excès

soit de fonctionnement, soit de vasculari-

sation. Encore y a-t-il à faire de grandes

différences dans ces cas non encore clas-

sés. Certains, en effet, semblent con-

génitaux (cas de Bruch, de Durante), la

plupart sont acquis soit dans l'adolescence

(Aucrbach, iu'au, friedreich), soit dans rage adulte (Talma, I'nlcla).

Dans presque tous ces cas, l'hypertrophie était limitée à un membre

(Auerbach, Durante, Fulda, etc.), une fois aux deux membres inférieurs

(Friedreich) ; ce n'est que dans des cas très rares, comme ceux de Krau,

de Talma, que l'hypertrophie a paru être progressive et généralisée,

gagnant successivement les quatre membres; c'est à ces cas d'hyper-

myotrophie progressive seuls que conviendrait vraiment l'appellation

de myopathie hypertrophiante.

Encore convient-il de faire une réserve sur l'interprétation pathogé- z

nique de ces faits, car Talma, dans son cas, a constaté des lésions mani-

[A. LÉRI. ]

Fig-. 19 ? Hypertrophie musculaire

vraie chez un sujet qui nC11l'éseu-

lait pas les réactions de la maladie

de Thomsen. Remarquer surtout le

développement des mollets (collec-

Lion namaschillo).

748 HYPERTROPHIES MUSCULAIRES.

festes de névrite. D'autre part, le malade de Bruch, atteint d'hypertro-

phie musculaire étendue (lombes, langue, extrémités), était un idiot qui

fut opéré M mois et mourut à 90 mois : ses circonvolutions cérébrales

étaient altérées. ' .

Quoiqu'il en soit, que la lésion musculaire ait été réellement primi-

tive ou secondaire à une lésion nerveuse périphérique, ou centrale',

presque tous les auteurs qui ont pu pratiquer un examen histologique

ont constaté, en dehors d'une hypertrophie volumétrique parfois consi-

dérable et d'une hyperplasie numérique moindre avec nombreuses divi-

sions longitudinales, l'existence d'une abondante prolifération des noyaux

(Krau, Talma, Durante, etc.)(1). Il semble donc qu'il s'agit là d'une lésion

très analogue à celle de la maladie de Thomsen : augmentation du sarco-

plasma et multiplication de ses noyaux, mais le sarcoplasma reste indivis,

en plasmode, il ne sert pas à individualiser des cellules indifférentes

pour servir de phagocytes aux portions différenciées de la fibre; c'est

pourquoi il n'y a pas d'atrophie consécutive à l'hypertrophie.

Si nous nous rappelons que la réaction myotonique d'Erb peut s'ob-

server dans différentes circonstances, en dehors de la maladie de Thom-

sen, que son existence est en revanche indispensable au diagnostic de

cette maladie^ mais seulement parce qu'elle en est un symptôme capital

pour ainsi dire par définition, nous sommes amenés à nous demander

s'il existe vraiment une différence essentielle, une différence de nature

entre la maladie de Thomsen et certaines des hypertrophies musculaires

plus ou moins diffuses que nous venons de signaler et qui ne s'en

- distinguent guère que par l'absence de la réaction myotonique et parfois

par l'époque, plus ou moins tardive du début de l'affection.

Les indications histologiques que nous avons ajoutées à notre étude

clinique nous ont semblé indispensables pour montrer ce qui distingue

nettement les hypertrophies bien classées des trois premiers groupes;

il nous a paru intéressant de tenter, dans ..le chaos confus de toutes les

autres hypertrophies musculaires qui constituent le 4c groupe, une clas-

sification d'attente qui rapproche certaines d'entre elles des hypertro-

phies mieux connues des trois autres groupes.

,1. A. peu près seul Auerbach a noté qu'il n'y avait pas de multiplication des noyaux :

son cas est aussi le seul qui se soit terminé par une giiérison spontanée; il parai !

donc vraisemblable qu'il s'agit d'une affection différente.

'l'A 13LI ? U DES CARACTÈRES ET VARIÉTÉS CUMULES DES

HYPERTROPHIES MUSCULAIRES

Augmentation de volume d'un ou plusieurs muscles par augmentation de nombre ou

(le dimension des fibres contractiles.

I. HYPERTROPHIES MUSCULAIRES VISCÉRALES : compen-

satrices, fonctionnelles. Tous les organes musculo-mcmbraneux : coeur,

intestin, estomac, vessie, etc.

II. - HYPERTROPHIES MUSCULAIRES PÉRIPHÉRIQUES :

10 Hypertrophies fonctionnelles, physiologiques :

.1) Acquises :

Localisées : professionnelles : biceps des athlètes, jumeaux des dan-

seuses, etc.; hypertrophie des grands droits des femmes enceintes;

hypertrophie des muscles respiratoires des cmphysemitenx. etc.

BI Congénitales : .

Localisées : athétose double ou hémi-athétose infantile; Lyper-

trophie localisée tératologique ( ? ).

Généralisées ( ? ? ) : « hommes musclés » (Thomsen sans réaction myotonique ? ).

2" Hypertrophies préatrophiques :

Ilistologiquement constantes.

Cliniquement : myopathies seulement, surtout formes Duchenne et Erb.

Localisées : partielles ou totales ( ? ). -

")" Hypertrophies myotoniques :

Maladie de Thomsen :

Syndrome :

1° Hypertrophie musculaire diffuse, plus ou moins généralisée.

3° Contractilité volontaire : lenteur de la décontraction.

il' Contractilité électrique : lenteur de la décontraction (réaction myotonique

d'Erb).

4° Caractère familial et héréditaire.

t° Hypertrophies diverses :

x) llypertrophies localisées, acquises, d'origine vasculaire : généralement par

phlébite, presque toujours typhique.

(i) Hypertrophies :

Localisées de cause inconnue.

Généralisées ou progressives : très rares; myopathie hypertro-

phiante ( ? ) de Talma.

[A LÉRI-1

INCOORDINATIONS

par le Dr ANDRÉ LÉRI

L'incoordination est la perte de l'harmonie normale entre les dilfé-

rents muscles qui. concourent à l'exécution d'un mouvement, sans

qu'aucun de ces muscles pris isolément ait sa puissance contractile

diminuée.

PHYSIOLOGIE NORMALE ET PATHOLOGIQUE DE LA COORDINATION

A l'état normal, tout mouvement est dù à la contraction simultanée

et proportionnelle des muscles destinés à produire ce mouvement et des

muscles antagonistes destinés à le modérer (Duchenne) ; de sorte qu'il

n'y a pas de mouvement, si simple soit-il, la flexion d'une phalange par

exemple, dans l'accomplissement duquel n'entre enjeu qu'un seul muscle.

Physiologiquement parlant, il n'y et pas de mouvement simple, la con-

traction isolée d'un muscle né peut être produite qu'artificiellement, par

l'excitation mécanique ou électrique de ce muscle par exemple. Prati-

quement on peut pourtant considérer qu'il existe des 'mouvements simples

et des mouvements complexes, et que tout mouvement complexe peut

être décomposé en un certain nombre de mouvements simples, dépla-

çant chacun un segment de membre ou une partie du corps et s'accom-

plissant tous simultanément. Les mouvements les plus complexes sont

ceux qui déplacent le corps entier, comme la marche, la course, la danse,

le saut, mouvements auxquels prennent part, non seulement les muscles

des membres inférieurs, mais aussi ceux du tronc et même des membres

supérieurs et de la tête, en somme, presque toute la musculature du

corps. ,

Les contractions simultanées et synergiques des muscles ont norma-

lement pour résultat non seulement de produire les mouvements voulus,

mais encore de maintenir, pendant le temps nécessaire, les différents seg-

ments du corps dans une situation réciproque telle que le mouvement

puisse être utilisé ; par exemple, les mouvements d'ensemble du corps

ne peuvent être utilisés que s'ils n'entraînent pas la chute; les con-

tractions synergiques des muscles doivent donc non seulement assurer

les mouvements, mais encore maintenir l 'équilibre. L'équilibre du corps

et de ses différentes parties doit être assuré pendant les mouvements,

c'est l'équilibre « cinétique », qui est dû uniquement à un ensemble

1'.\TIIUGI.\1E DES tCOOiiU)\AT)0 ? \S. 7 M

de contractions musculaires. Il doit être assuré aussi dans l'intervalle

des mouvements, c'est l'équilibre « statique » ; celui-ci peut être dû it

la seule tonicité musculaire, plus ordinairement il nécessite aussi une

contraction synergique des muscles (équilibre statique volitionnel) ; ainsi,

la position debout immobile ne peut être maintenue que grâce à une

contraction synergique des muscles des jambes et de la plupart des

muscles des membres inférieurs. On sait quel effort nécessite une

immobilité debout prolongée; et quelle pénible tcnsion à la fois moniale

et musculaire est indispensable; le dicton bien connu : « L'immobilité

est le plus beau mouvement du soldat » n'est pas une simple boutade.

c'est une vérité physiologique.

L'incoordination complète entraîne à la fois la perte des mouvements

simples et complexes et la perte de l'équilibre cinétique et de l'équi-

libre statique volitionnel. Mais l'incoordination n'est pas toujours com-

plète, et l'on conçoit qu'elle puisse avoir pour conséquence les troubles

les plus différents, d'abord suivant sa localisation aux membres supé-

rieurs ou inférieurs, au tronc ou la tète, ensuite suivant qu'elle altère

ou non les mouvements simples en même temps que les mouvements

composés, enfin suivant qu'elle détruit ou non l'équilibre statique en

même temps que l'équilibre cinétique. 11 y a peu de temps pourtant,

l'incoordination était considérée comme un trouble uniforme, ne variant

que dans son siège et dans son intensité : son synonyme était « ala.cio ».

puchenue de Boulogne sépara de l'ataxie la IiluGa.tiot. cérébelleuse : plus

récemment Babinski décrivit une variété toute différente d incoordina-

tion, l'« « aS ! }/1C1'gie cérébelleuse » . Ainsi étaient nettement séparées de 1 in-

coordination ataxique deux variétés d'incoordination cérébelleuse, abso-

lument différentes de l'ataxie des tabétiques et qu'il faut se garder de

dénommer, connue on le fait trop souvent encore « ataxie cérébelleuse ».

PATHOGÉNIE DES INCOORDINATIONS

La coordination parfaite suppose : 1° l'intégrité des appareils sensitifs

par lesquels le sujet se rend compte du degré de contraction de ses

muscles et la situation réciproque de ses muscles, ses articulations, ses

os, ses téguments; w2° l'intégrité des conducteurs centripètes qui trans-

mettent ces sensations et des centres qui les perçoivent; 3° l'intégrité

des centres qui, d'après l'ensemble de ces sensations perçues, envoient

il tous les muscles qui doivent se contracter synergiquement un influx

moteur proportionné au degré nécessaire de leur contraction ; 4° l'inté-

grité des conducteurs centrifuges chargés de porter cet influx et des

muscles chargés de le recevoir. Oue l'une quelconque de ces parties soit t

altérée, l'incoordination pourra en être la conséquence, mais elle aura

quelques caractères différents suivant la partie lésée des voies sen-

sitives ou motrices. L'incoordination ne sera pas d'ailleurs la consé-

quence obligatoire de la lésion de l'une quelconque de ces parties, à

\A. LÉRI.]

To-1 l\I;UUIiDI\ : 1'1LU\.

cause sans cloute des très nombreuses voies de suppléance ou de cou,

pensation que fournit le système nerveux : aiusi par exemple, les trou-

bles de la coordination paraissent beaucoup -moins fréquents que les

troubles, même très prononcés, de la sensibilité.

L'incoordination ataxique commune, dont le type est l'ataxie des

tabétiques, parait due essentiellement à l'altération des voies sensi{ine ?

qu'il y ait abolition, diminution ou seulement retard des sensations.

Quoique cette théorie ait été discutée, il ne semble pas y avoir jusqu'ici

un seul cas authentique d'ataxie tabétique oit l'on puisse affirmer qu'il

n'existait pas de trouble de la sensibilité objective; les quelques cas

cités autrefois sont sujets à caution, car les troubles de. la sensibilité,

cutanée, que i on recnercnait a peu près seuls,

ne sont nullement toujours proportionnels aux

troubles de la sensibilité profonde, articulaire,

osseuse et surtout musculaire, qui paraissent

avoir dans la genèse de l'incoordination une

importance bien plus considérable. De plus,

il y a peu de temps qu'on sait distinguer de

l'ataxie la titubationetl'asynergie, et celles-ci

ne comportent pas de troubles sensitifs. La

théorie de l'origine sensitive de l'ataxie a été

soutenue par Leyden et Goldsclicider, Vulpian,

Oppenheim, Brissaud, Dejerine; elle est ap-

puyée sur les recherches cliniques et anatomo-

pathologiques de ces auteurs et sur les sec-

tions expérimentales des racines postérieures

pratiquées par Claude Bernard, Longet, Van

Deen, etc.. chez la grenouille, par Mott et

Sherrington, par IIering chez le singe.

En dehors des troubles de la sensibilité

objective, d'autres facteurs entrent certaine-

ment pour une part dans la genèse de l'ataxie

tabétique. L hypotonie musculaire, dont Frenkel et, après lui, Sureau,

élève de Pierre Marie, ont établi la constance dans les tabes, joue assuré-

ment un rôle : on comprend que la perte de la tonicité des muscles puisse

altérer considérablement la précision de leur contraction. L'hypotonie a

d'ailleurs même cause que les troubles sensitifs, à savoir la sclérose des

cordons postérieurs; elle peut être aussi expérimentalement provoquée

par la section des racines postérieures (Cyon, Tchirjew, Aurep), elle est

peut-être souvent la conséquence directe des troubles de la sensibilité

musculaire.

La diminution ou la perle de l'excitabilité réflexe est, sans doute,

parfois aussi pour quelque chose dans l'ataxie, elle est due à la même

cause, peut être provoquée expérimentalement de la même façon, et est

généralement, niais non toujours, proportionnelle à l'hypotonie.

lvi. 1. - Hypotonie musclt-

laire chez un LabéLiquc incool'-

dotinu.

PATHOGÉNIE DES INCOORDINATIONS. 755

L'incoordination cérébelleuse est, à l'opposé de l'ataxie, tout à fait

indépendante des troubles sensitifs ; sa lésion causale siège, soit dans

le cervelet, qui paraît être le centre coordinateur essentiel des mouve-

ments composés et le centre de l'équilibre, soit dans les voies centripètes

ou centrifuges du cervelet. L'état actuel de nos connaissances indique :

d'une part que, dans le cervelet, seule une lésion du vermis peut déter-

miner la titubation; d'autre part que, en dehors du cervelet, une lésion

du pédoncule cérébelleux inférieur (Babinski et Nageotte) peut produire

seule l'asynergie, mais nous ne savons pas encore si une lésion des pé-

doncules moyen ou supérieur n'est pas suffisante pour provoquer ce même

trouble. Il semble que les syndromes cérébelleux sont dùs plutôt à une

lésion des voies centrifuges que des voies centripètes, n f i 1 r :

savons pas si la lésion des seules voies cérébelleuses centripètes n'est pas

capable aussi de les provoquer parfois.

On comprend que la double origine connue des troubles de la coordi-

nation, voies sensitives d'une part, voies cérébelleuses, probablement

surtout motrices, d'autre part, doit avoir pour conséquence l'apparition

des deux syndromes tout à fait différents. L'ataxique ne sent pas exac-

tement les contractions de ses muscles et ne se rend compte de ses mou-

vements et de ses attitudes que par les yeux; le cérébelleux a la

sensation très nette des mouvements simples qu'il exécute, il est seule-

ment incapable de commander en même temps à la musculature de plu-

sieurs segments de ses membres qui à l'état normal devraient se mouvoir

synergiquement, notamment pour maintenir l'équilibre. On comprend

que les deux sujets se comporteront très différemment dans leurs mou-

vements. Les deux variétés d'incoordination empruntent tous leurs ca-

ractères différentiels à leur dualité d'origine.

SÉMÉIOLOGIE

Nous exposerons successivement les caractères de chacun de ces syn-

dromes, puis leurs variétés, mais en notant dès maintenant que, en

dehors des cas où ils sont nettement caractérisés et isolés, il semble

exister un certain nombre de faits où leur mélange en proportions

variables résulte sans doute de l'association de lésions des voies sensitives

à des lésions des voies cérébelleuses. C'est ainsi qu'il n'est pas rare de

constater dans le tabes une altération scléreuse du cervelet ou des voies

cérébelleuses, altération soit directe, soit par l'intermédiaire des colonnes

de Clarke et des faisceaux cérébelleux directs. C'est ainsi qu'un certain

nombre d'affections héréditaires ou congénitales empruntent leurs princi-

paux symptômes à des lésions combinées des voies sensitives et des voies

cérébelleuses. Nous réserverons pour la fin de ce chapitre l'étude de ces

cas complexes, encore en partie insuffisamment étudiés, qui, pour la

plupart, devraient entrer dans la classe très élargie des scléroses combinées.

Pratique N6UAOL. 48

[A. LÉRI]

754 INCOORDINATIONS.

I. INCOORDINATION ATAXIQUE

Nous prendrons comme type de notre description l'ataxie des tabéti-

ques ; nous étudierons ensuite rapidement les variétés cliniques que l'on

peut observer suivant la cause et le siège de l'interruption des voies

sensitives.

Ce qui caractérise essentiellement les mouvements ataxiques, c'est le

manque de modération ; dans tout mouvement ataxique. simple ou

composé, on constate que la contraction des muscles producteurs du

mouvement n'est pas modérée comme il conviendrait par la contraction

de leurs antagonistes. Cela se conçoit si l'on songe que l'ataxique peut

ordonner à ses muscles de se contracter, mais ne sent pas avec quelle

force ils répondent à cet ordre, et par conséquent ne peut faire interve-

nir à temps les antagonistes.

Un second caractère essentiel des mouvements ataxiques est qu'ils

sont beaucoup plus troublés quand ils ne peuvent être exécutés sous

le contrôle de la vue. Cela se comprend encore aisément, car l'ataxique

qui ne sent pas ses muscles se contracter n'a absolument que ses veux

pour lui indiquer avec quelle vigueur et quelle rapidité ils se contractent,

et pour lui permettre de limiter l'étendue du déplacement. Aussi l'incoor-

dination augmente nettement et rapidement chez un tabétique ataxique

qui devient aveugle, ainsi que nous avons pu l'observer. '

Ces deux caractères se retrouvent aussi bien dans la conservation des

attitudes que dans l'exécution des mouvements, l'une comme l'autre

nécessitant la synergie fonctionnelle des muscles. Avec des variations de

siège et d'intensité ils résument toute l'ataxie tabétique.

L'ataxie débute presque toujours par les membres inférieurs; elle s'y y

limite parfois définitivement, d'autres fois elle gagne les membres supé-

rieurs, le tronc, rarement la face. Le début peut se faire, exceptionnelle-

ment, par les membres supérieurs (tabès supérieur), presque jamais par

la tête.

Membres inférieurs. Les mouvements isolés des membres infé-

rieurs, quand le malade est couché ou assis, présentent des modifications

très spéciales. Si l'observateur place sa main à une soixantaine de cen-

timètres au-dessus du pied et en avant du genou du sujet et lui ordonne

de toucher cette main avec son pied, le malade regarde son pied, larde

et hésite d'abord comme s'il allait prendre un élan, puis brusquement

le pied se détache du sol ou du plan du lit, s'élance en l'air, la jambe

étendue, décrit des zigzags dans le sens horizontal aussi bien que dans

le sens vertical et finalement retombe brusquement sans avoir atteint son

but; si par hasard le pied à touché la main ou l'avant-bras de 1 observa-

teur, il l'a violemment projeté en l'air comme un obstacle interposé. Le

trouble est différemment accusé, toujours bien plus prononcé si l'on

empêche le malade de regarder son pied. Si l'on commande au malade

INCOORDINATION ATAXIQUE. 755

\

de porter un pied sur le genou opposé, on observe la même hésitation,

la même brusquerie, les mêmes oscillations, la même impossibilité d'ar-

river au but ou de s'y maintenir. -

Si l'on ordonne au malade étendu à terre de fléchir le genou de façon

à ce que le pied vienne toucher la fesse, le pied se jette brusquement en

arrière ou en dehors, le plus souvent il n'atteint pas la fesse, quelquefois

il y vient buter avec d'autant plus de force que l'hypotonie est plus mar-

quée ; mais généralement dans ce mouvement le pied traîne sur le sol

plus que chez un sujet normal, comme si le contact du sol était sa sauve-

garde et donnait de la précision

au mouvement.

C'est surtout dans la marche

que l'ataxie des membres infé-

rieurs devient caractéristique, ou

du moins c'est dans les mouve-

ments de la marche qu'elle se

révèle le plus précocement parce

qu'elle n'a pas besoin d'être re-

cherchée. Pour marcher, le pied

du tabétique quitte brusquement

le sol et se « lance » en avant et

en haut, comme s'il allait faire

un très grand pas, puis il retombe

presque de son seul poids, re-

vient en arrière comme un ba-

lancier et frappe le sol par le

talon, très peu en avant du pied

reste a terre; le malaue « ta-

lonne », il use ses chaussures par le talon. Pendant la marche il regarde

avec obstination ses pieds ; la démarche devient plus incertaine si on

l'empêche de fixer le sol, soit en interposant un écran entre ses yeux et

la terre, soit en le faisant regarder en l'air; elle devient plus, incer-

taine encore et souvent impossible si on l'empêche même de prendre

des points de repère sur les objets environnants en lui faisant fermer

les yeux.

Les troubles de la démarche peuvent être dùs uniquement à l'incoordi-

nation des membres inférieurs; ils sont parfois bien plus complexes, et

l'incoordination des muscles du tronc et même des membres supérieurs

y entre pour une part ; c'est ainsi qu'on voit de grands incoordonnés,

quand ils essayent de marcher, non seulement lancer leurs jambes dans

tous les sens, mais encore faire avec leur tronc de grands mouvements

de salutation irréguliers et décrire avec leurs bras de larges battements

d'ailes ou de véritables moulinets. Dans ces conditions il n'est pas rare

de les voir perdre l'équilibre et tomber brusquement en avant, la face

contre terre, incapables de se relever.

[il. LRRI.]

Fig. ? Incoordination ataxique. - Le ma-

lade lance la jambe en marchant; il ne peut

marcher qu'en soutenant le corps artificielle-

ment- et en appuyant ses bras sur son chariot.

756 INCOORDINATIONS.

Il arrive aussi fréquemment que, chez les tabétiques beaucoup moins

incoordonnés, l'équilibre soit brusquement rompu par une sorte de fai-

blesse subite, de « dérobement » des jambes ( « giving way of the legs »

de Th. Blizzard) : le malade s'affaisse brusquement, tombe assis, puis se

relève aussitôt lui-même tant bien que mal. On peut se demander quel

rôle l'incoordination ou la perte du sens musculaire jouent dans cet acci-

dent si subit et si momentané, survenant souvent dès la période dite

« préataxique » du tabès ; il est en effet bien probahle qu'il s'agit surtout

d'une sorte de paraplégie tout à fait transitoire, d'un trouble moteur fonc-

tionnel véritable ; peut-être ce symptôme est il en réalité un signe de

l'atteinte légère concomitante du faisceau pyramidal, un signe de la

sclérose combinée des cordons postérieurs et latéraux, comme le sont les

paraplégies plus durables (P. Marie et Crouzon).

En dehors de l'équilibre cinétique, l'équilibre statique est lui aussi

troublé. La station debout prolongée est impossible chez les tabétiques

incoordonnés ; le corps s'incline à droite et à gauche, en avant et en

arrière, les pieds se déplacent, s'écartent, se rapprochent et finalement

le malade tombe en avant si on ne lui porte secours, quelquefois la

station est encore possible quand les pieds sont écartés, mais devient

impossible quand ils sont rapprochés, Très souvent, la station sur les

deux pieds est possible, la station sur un seul pied, l'attitude à cloche-

pied, est tout à fait impossible ; l'impossibilité de se tenir sur un pied

est même un des phénomènes les plus fréquents et les plus précoces des

tabes les plus frustes, c'est celui que nous avons observé presque cons-

tamment chez les amaurotiques syphilitiques tertiaires qui ne présen-

taient presque aucun signe de tabès, parfois même pas le signe de V'esl-

phal (cas de « tabes-cécité »). Parfois l'incoordination est surtout pro-

noncée d'un côté, et c'est de ce côté seulement que l'attitude à cloche-

pied ne peut être conservée.

La perte de l'équilibre dans toutes ces conditions, soit dans exécu-

tion d'un mouvement (mouvement de demi-tour par exemple ou mou-

vement de la marche), soit dans la station debout sur les deux pieds ou

sur un seul, peut manquer absolument quand les yeux sont ouverts et se

produire nettement dès qu'on fait fermer les yeux ; c'est ce qu'on appelle

le signe \de homberg qui est l'un des symptômes les plus précoces du

tabes. Il n'est pas rare qu'il se dénonce, sans qu'on soit obligé de le

rechercher, par une chute brusque du malade, soit une nuit en se levant

sans lumière, soit un matin en metlantsa chemise ou en passant la serviette

ou l'éponge devant ses yeux.

On peut déceler nettement la perte il un moindre degré de l'équilibre

statique des membres inférieurs soit en ordonnant au malade de main-

tenir un de ses pieds en l'air contre un objet donné, contre la main de

l'observateur par exemple, ce qu'il est incapable de faire, soit en le

faisant coucher et en fléchissant a-demi ses cuisses sur le bassin et ses

jambes sur ses cuisses ; dans cette attitude on observe nettement des

INCOORDINATION ATAXIQUE. 757

oscillations immédiates, suivies d'une chute très rapide des pieds. C'est

ce qu'on a appelé l'ataxie statique.

L'ataxie des membres inférieurs est souvent beaucoup moins pronon-

cée que celle que nous venons de décrire ; comme c'est celle qui est de

beaucoup la plus ordinaire au début du tabes, c'est celle qu'il importe

surtout de dépister de façon précoce. Dans ce but, Fourniera recommandé

toute une série d'épreuves qui constituent ce que l'on a appelé « l'exer-

cice à la Four nier » ; ces épreuves sont les suivantes :

1° Faire marcher le malade au commandement, le faire arrêter

brusquement au commandement, lui faire faire volte-face. L'hésitation,

les oscillations, le manque d'équilibre se révèleront bien plus facile-

ment dans ces mouvements subits et imprévus que dans les mouvements

presque automatiques de la marche.

2° Faire monter et descendre un escalier. C'est surtout dans la des-

cente que la lenteur et les précautions feront reconnaître le défaut de

stabilité du sujet (« signe de l'escalier » de Fournier) ;

3° Rechercher le signe de Romberg les pieds joints ;

4° Commander l'attitude à cloche-pied, les yeux ouverts, puis les yeux

fermés. 1

Membres supérieurs. L'ataxie des membres supérieurs ne va pas

souvent jusqu'aux grands gestes incoordonnés ; elle se révèle surtout

dans les petits mouvements des doigts ou dans la préhension des objets.

Pour saisir un objet, la main de l'ataxique, brusquement jetée à

quelques centimètres au-dessus, largement ouverte, décrit quelques

mouvements de va-et-vient, « plane » comme si elle guettait l'objet,

puis se jette brutalement sur lui en se fermant, non quelquefois sans le

renverser ou le manquer. Si l'objet est un peu petit (aiguille, crayon, etc.)

et l'ataxie prononcée, la préhension ne va pas sans quelque difficulté et

sans de multiples tentatives, et le malade, qui ne sent souvent pas

l'objet entre ses doigts, qui n'a pas la sensation de l'effort à déployer

pour le conserver, le laisse retomber aussitôt pris, parfois sans s'en

apercevoir. C'est souvent un travail long et pénible de boutonner un

vêtement ou d'attacher une cravate. Certaines professions prêtent plus

volontiers à la découverte précoce des troubles ataxiques des membres

supérieurs, celles par exemple de

tailleur ou de couturière, de pianiste,

d'horloger, de barbier, d'écrivain.

L'c'cntwpdevient rapidement irré-

gulièrc, hachée, les lettres sont an-

guleuses, inégales, séparées, placées

à des niveaux différents, elles ne

sont pas tremblées cependant.

\luand 1 ataxie est prononcée, le membre supérieur entier y prend

une part manifeste; les boissons et les aliments sont portés à la bouche

par le chemin le plus détourné et le plus irrégulier et, après avoir été

[il. LÉRI.]

Fig. ~>. Ecriture d'un tabétique. Varia-

tion suivant que le malade a les yeux ouverts

(lig-ne supérieure) ou Termes (ligne infé-

rieure) .

758 INCOORDINATIONS.

partiellement répandus, viennent brutalement frapper les dents, parfois

le menton ou le nez; mais les secousses et les déviations n'augmentent

pas, comme dans la sclérose en plaques, au sur et à mesure que la main

approche du but. Les verres et les plats sont souvent lâchés par la main 1

qui s'ouvre à contre-temps. Quand le malade veut porter son doigt sur

son nez, après maintes oscillations, il se l'enfonce brusquement dans la

joue ou dans l'oeil.

Pour les membres supérieurs comme pour les inférieurs, on observe

en même temps que l'ataxie des mouvements, l'ataxie statique, l'impos-

sibilité de maintenir les membres dans une attitude déterminée; on

constate aussi l'accroissement considérable des troubles quand on em-

pêche le malade de surveiller ses mouvements avec les yeux.

Tronc. L'ataxie du tronc, qui paraît être très fréquente, est jusqu'ici

insuffisamment étudiée; elle se révèle surtout par les oscillations du

tronc dans les mouvements, dans la marche en particulier, ou dans la

station debout et les diverses attitudes. Elle entre très souvent pour une

part dans les troubles de l'équilibre. '

Peut-être l'incoordination de certains muscles respiratoires ou d'autres

muscles profonds n'est-elle pas pour rien dans certains troubles viscé-

raux et dans certaines crises des tabétiques.

Tête et face. - Rarement on observe des oscillations brusques dans

les mouvements de la tète ou même son instabilité dans les attitudes de

repos. Les troubles de la mimique, les grimaces de la face pendant la

parole, le chant, le rire ou pendant les repas, ne sont pas très excep-

tionnels ; parfois la parole est brusque, irrégulièrement hachée sans être

scandée, bredouillée, ou alternativement lourde, rauque et sifflante.

Mirallié a attiré l'attention sur la fréquence dans le tabès de troubles

de la coordination des muscles oculo-motenrs : ce symptôme est géné-

ralement trop peu accentué pour amener un trouble fonctionnel et doit

être recherché.

L'évolution de l'ataxie est d'ordinaire très lente : on observe cepen-

dant assez souvent de véritables poussées, suivies ou non d'une rétroces-

sion partielle; exceptionnellement l'ataxie, même dans le tabès, prend

une allure nettement aiguë et devient très prononcée en peu de jours.

La marche progressive de l'ataxie n'est pas fatalement progressive.

tant s'en faut. Très souvent elle reste localisée aux membres inférieurs;

elle peut y être tout à fait excessive et empêcher complètement non

seulement la marche et la station, mais même tout mouvement utile des

jambes dans le décubitus, sans aucunement atteindre les membres supé-

rieurs. D'autres fois, l'ataxie reste très modérée comme intensité, soit aux

membres inférieurs seuls, soit ¡'¡la fois aux membres inférieurs et supé-

rieurs : elle peut ne gêner en rien les fonctions des membres et n être

décelée que par hasard ou par une recherche méthodique; ainsi l'ataxie

peut se borner pendant très longtemps, ou définitivement, à t'mipossi-

bilité de se tenir à cloche-pied, à des oscillations légères dans la station

INCOORDINATION ATAXIQUE. 759

debout, les talons joints];' et les yeux fermés, à la difficulté de porter

exactement le doigt sur le bout du nez, etc.... D'ailleurs, quand l'ataxie

est déjà prononcée, elle peut encore rétrocéder partiellement et per-

mettre une existence à peu près normale, soit par une sorte d'adaptation

de l'individu au degré atténué de ses sensations, par un perfectionne-

ment du contrôle de la vue sur les mouvements, en somme par une auto-

rééducation plus ou moins inconsciente, soit par une rééducation théra-

peutique et méthodique dont nous aurons à parler plus loin.

Variétés DE l'ataxie.

Le tvpe de l'ataxie est celle du tabès, qui paraît reconnaître pour

cause principale la lésion des racines et des cordons postérieurs. Mais

l'ataxie, incoordination d'origine sensitive, pourra reconnaître pour cause

une lésion, de nature quelconque, de l'une quelconque des portions des

voies sensitives; on observera ainsi des ataxies par lésions non tabéti-

ques des cordons postérieurs, des ataxies par lésions des nerfs périphé-

riques, des ataxies par lésions des voies supérieures, hulbe, protubérance,

cerveau, des alaxies par altérations diffuses ou totales, généralement

aiguës, du système nerveux. Chacune de ces variétés étiologiques ou

topographiques présentera quelques caractères particuliers que nous

allons maintenant étudier.

1. Ataxie du tabes. - L'ataxie du tabès, telle que nous l'avons

longuement décrite, n'est pas toujours aussi simple. Sa cause ne réside

pas toujours uniquement dans la lésion des cordons postérieurs; dans

le tabes, maladie générale du système nerveux, les altérations les plus

diverses peuvent résulter soit de la lésion des cordons postérieurs mêmes

(lésion des faisceaux cérébelleux directs en relation avec les fibres radi-

culaires postérieures par l'intermédiaire de la colonne de Clarke), soit des

lésions de la méninge et des vaisseaux (lésions accessoires des différents

faisceaux, en particulier des faisceaux sous-méningés comme les faisceaux

de Flechsig ou de Gowers), soit de la sclérose primitive ou secondaire

de différents nerfs périphériques, rachidiens ou crâniens, et de diffé-

rentes portions du névraxe. Aussi, aux symptômes primordiaux de l'ataxie

d'origine médullaire et radiculaire se joignent souvent à un degré

variable, des symptômes d'ataxie cérébrale ou bulbo-protubérantielle par

altération des voies sensitives supérieures, des symptômes d'ataxie par

névrite périphérique (Westphal, Pierrot, Dejerine), des symptômes d'ata-

xie dite « labyrinthique » par sclérose des nerfs auditifs (le signe de

Rombcrgpcut être dû à la seule atrophie des nerfs labyrinthiques et, d'après

serait même toujours d'origine labyrinthiquc), enfin des symp-

tômes d incoordination d'origine cérébelleuse par lésion des conduc-

teurs cérébelleux ou du cervelet lui-même. On peut donc observer

dans le tabès, d'une façon généralement très accessoire, des signes de

toutes les variétés d'ataxie et d'asynergie que nous allons maintenant

passer en revue.

[A. LÉRI.]

760 INCOORDINATIONS.

2. Ataxie dans les pseudo-tabes par lésions médullaires.

Un certain nombre d'infections et d'intoxications exogènes ou endo-

gènes paraissent porter volontiers leur action nocive sur le premier

neurone sensitif, c'est-à-dire sur les cordons postérieurs et sur les nerfs

sensitifs périphériques : elles déterminent ainsi l'apparition de tableaux

cliniques fort semblables au tabes et dont l'ataxie fait, partie.

Aucune de ces affections ne provoque des lésions étroitement systéma-

tisées ; presque toutes paraissent pouvoir envahir simultanément les nerfs

périphériques, les racines postérieures, les cordons postérieurs et en

même temps d'autres faisceaux de la moelle, en particulier les faisceaux

pyramidaux ou les faisceaux cérébelleux.

Certains paraissent pourtant avoir une prédilection particulière pour

les nerfs périphériques, ce sont surtout les intoxications métalliques par

le plomb, le cuivre, l'arsenic, etc. ; nous en dirons plus loin quelques

mots, mais en notant dès maintenant que les polynévrites toxiques parais-

sent perdre de plus en plus de terrain au profit des myélopathies ; c'est

ainsi que des lésions médullaires dues à l'intoxication saturnine ont été

trouvées par Monakow, OEller, Oppenheim, etc., et récemment par

nous-même; c'est ainsi que d'après les examens de Ilonig, le neuro-tabes

alcoolique, prétendu périphérique, serait toujours accompagné d'altéra-

tions du système nerveux central.

D'autres infections et intoxications, la lèpre, la pellagre, le lathyrisme.

paraissent frapper surtout dans la moelle soit les cordons latéraux soit,

dans les cordons postérieurs, les faisceaux endogènes à l'exclusion des

fibres radiculaires : il en résulte que ces affections ne provoquent pas

d'ataxie ou que l'ataxie n'entre dans le tableau clinique que d'une façon

tout à fait accessoire et minime (légère incoordination des membres su-

périeurs dans quelques cas de pellagre par exemple) : nous éliminerons

donc ces cas.

Enfin, d'autres infections ou intoxications exogènes ou endogènes, la

syphilis, l'ergotisme, l'anémie pernicieuse, le diabète, déterminent de

préférence une lésion des fibres radiculaires des cordons postérieurs :

ce sont celles qui provoquent les pseudo-tabes d'origine médullaire dont

nous allons parler.

Suivant que ces différentes affections provoquent ou non, en même

temps qu'une lésion des voies sensitives postérieures, une altération des

voies motrices latérales, elles produisent soit un pseudo-tabes pur, soit

une sclérose combinée où, à côté de l'ataxie et des différents signes ordi-

naires du tabès et de la maladie causale, la paraplégie, généralement

spasmodique, joue un rôle plus ou moins considérable.

L'ergotisme, dont les troubles médullaires ont surtout été étudiés par

Tuczek (1886), peut provoquer des paresthésies, fourmillements, engour-

dissements, des douleurs fulgurantes ou en ceinture, de 1'liypoestliésie,

l'abolition du réflexe rotulien, enfin de l'ataxie avec signe de Romberg ;

à ces troubles médullaires se joignent souvent des attaques épileptiformes

INCOORDINATION ATAXIQUE. 7(il

et des troubles psychiques, en particulier de l'excitation maniaque. Il n'y

a pas de troubles oculaires, pas d'abolition du réflexe pupillaire, pas ou

très peu de troubles urinaires et génitaux. Les accidents sont souvent

tardifs, plusieurs semaines ou plusieurs mois après l'intoxication ; leur

évolution est d'ordinaire rapide, et l'amélioration progressive est la règle,

mais elle n'est pas constante.

Dans les anémies, et spécialement dans l'anémie pernicieuse, on peut

voir survenir un mélange d'ataxie, avec troubles objectifs et souvent sub-

jectifs de la sensibilité, et de paraplégie spasmodique ou flasque, légère

ou intense. 11 y a ou non incontinence des sphincters, abolition des

réflexes tendineux, atrophie musculaire; il n'y a pas de signe d'Argyll-

Robertson ni généralement de Romberg. L'évolution est subaiguë, et la

mort en est la terminaison au bout de quelques mois, du moins dans

l'anémie pernicieuse (Lichtheim, Minnich, Risien Russell, Batten et

Collier). Dans ce tableau l'anémie peut passer au second plan.

Dans le diabète on peut observer la presque totalité des troubles du

tabes : abolition des réflexes rotuliens, douleurs fulgurantes, paroxysti-

ques, dans les membres inférieurs et en ceinture, crises gastralgiques,

frigidité et impuissance, troubles oculaires, atrophie musculaire, maux

perforants, chute des ongles et des dents, hyperesthésies, paresthé-

sies et anesthésies, perte du sens musculaire, enfin incoordination,

démarche mal assurée et talonnante, signe de Romberg; on n'observe ni

troubles vésicaux, ni signe d'Argyll, ni atrophie papillaire. Ces troubles

sont très différemment associés, souvent variables, leur évolution est

rapide, leur durée est parfois passagère. Ils sont accompagnés de glyco-

surie, de la triade symptomatique du diabète, polyurie, polydypsie,

polyphagie, et de quelques-uns des mille petits ou grands accidents du

diabète. Il n'est guère facile de rapporter ces troubles, et entre autres

l'ataxie, plutôt à une polynévrite qu'à une altération des cordons posté-

rieurs, des névrites périphériques ayant été signalées dans le diabète par

certains auteurs (Rosenstein, Mvière, Auché, etc.), la sclérose des cor-

dons postérieurs ayant été reconnue par d'autres auteurs (Sandmeyer,

Leyden, Williamson, Souques et Marinesco, Leichtentritt, etc.).

La syphilis est de beaucoup la cause la plus fréquente de l'ataxie par

lésion des cordons postérieurs, car elle est la cause, déterminante ou

prédisposante, de la grande majorité ou même de la totalité des cas de

tabes vrai. Elle provoque encore l'ataxie en produisant différentes

scléroses combinées : dans ces cas, tantôt l'ataxie prédomine, associée

aux différents symptômes du tabes vulgaire et à quelques symptômes de

spasmodicité ou à l'extension des orteils (sclérose combinée à forme tabé-

tique), tantôt la paraplégie spasmodique joue le rôle important, associée

seulement à un léger degré d'incoordination (sclérose combinée à forme

spasmodique, paraplégie syphilitique d'Erb).

La syphilis peut aussi provoquer l'incoordination et différents symp-

tômes pseudo-tabétiques par l'intermédiaire d'une méningite syphilitique

[A. LERI.] ]

7<i2 INCOORDINATIONS.

de la période secondaire ou du début de la période tertiaire (il est d'ail-

leurs de plus en plus probable que la méningite joue un rôle prépondé-

rant dans la genèse de la sclérose tabétique des cordons postérieurs);

dans ce cas, les symptômes oculaires font défaut, et le tableau clinique

évolue beaucoup plus rapidement que le tabes.

Enfin la paralysie générale, dans l'étiologie de laquelle la syphilis joue

aussi un rôle prépondérant et dont l'anatomie pathologique comporte

toujours une méningite, s'accompagne très fréquemment d'incoordina-

tions et de quelques symptômes de sclérose des cordons postérieurs : il

s'agit dans ce cas, pour certains auteurs, de symptômes tabétiformes,

pour d'autres de symptômes tabétiques vrais.

De ces différentes variétés étiologiques d'ataxie, il faut rapprocher la

paraplégie ataxique décrite par Gowers en 1886 et dont l'étiologie

n'est pas connue. Elle se manifeste par une sensation de fatigue, une fai-

blesse musculaire progressive, des troubles de l'équilibre, de l'ataxie des

membres inférieurs, le signe de Romberg, une douleur sourde dorso-

lomho-sacrée, des engourdissements et fourmillements, [de l'exagération

des réflexes, quelques troubles sphinctériens légers, pas de signe

d'Argyll. pas de douleurs fulgurantes; l'évolution est progressif très

lente et très longue. '.

La sclérose combinée sénile, décrite par Pierre Marie et Crouzon,

consiste en une parésie spasmodique avec ou sans légère incoordina-

tion, ou démarche titubante, sans autre signe de tabès. Les examens his-

tologiques récents de Italo Rossi ont montré que la lésion essentielle de

cette affection consistait en une atrophie des cellules de Purkinjc du cer-

velet : l'incoordination est donc vraisemblablement dans cette affection

d'origine surtout cérébelleuse.

Dana a décrit récemment une ataxie spinale aiguê dont la cause serait

dans une lésion artérielle, thrombose ou embolie, d'origine sénile ou

syphilitique, des vaisseaux postérieurs de la moelle; son développement

durerait de à l 5 jours, elle s'accompagnerait toujours de troubles sensi-

tifs et parfois de troubles des réflexes; la terminaison serait générale-

ment favorable.

La paraplégie ataxique subaiguë, décrite aussi par Dana, affection

qui se termine par la mort en l'espace de moins de deux ans, paraît être

une sclérose combinée à évolution rapide provoquée tantôt par l'anémie

pernicieuse (10 pour 100), tantôt par une infection ou une intoxication

quelconque (saturnisme, paludisme, grippe, colite, etc.), surtout chez

des sujets prédisposés.

5. Ataxie dans les pseudo-tabes par lésion des nerfs

périphériques : pseudo-tabes polynévritique. - Certaines in-

fections et intoxications, intoxications alcoolique, arsenicale, saturnine,

sulfo-carbonée, etc., infections tuberculeuse, diphtérique, etc... peu-

vent s'accompagner à la fois de symptômes moteurs et de symptômes

sensitifs, parésies, douleurs fulgurantes, anesthésies diverses, superfi-

INCOORDINATION ATAXIQUE. 763

cielles ou profondes, entre autres anesthésie plantaire, incoordination

parfois très prononcée, signe de Romberg, abolition des réflexes, qui

réalisent un tableau clinique très semblable à celui du tabes : on admet

généralement que la lésion des nerfs périphériques joue dans la consti-

tution de ce tableau un rôle prédominant, parfois exclusif (nervo-tabes

périphérique de Dejerine).

Le diagnostic du pseudo-tabes par polynévrite se fera par l'absence du

si°ne d'Argyll, l'absence de troubles sphinctériens et génitaux et, en

général, de tous troubles viscéraux, la douleur à la pression des troncs

nerveux et des masses musculaires, la fréquence et souvent l'intensité

de l'atrophie des muscles douloureux, la topographie périphérique et non

radiculaire des troubles sensitifs, l'évolution généralement rapide, en

quelques semaines ou quelques mois, quelquefois même aiguë, en quel-

ques jours, la terminaison presque toujours favorable, enfin la notion

étiologique et les signes spéciaux de l'infection ou de l'intoxication

causale. En somme, le diagnostic sera généralement facile, mais il ne faut

pas perdre de vue que souvent, dans ces affections, l'incoordination paraît

devoir reconnaître pour cause, non seulement une lésion passagère des

nerfs périphériques sensitifs, mais une lésion plus durable des cordons

postérieurs. N

4. Ataxie dans les lésions bulbo-protubérantielles.

Nothnagel avait remarqué la fréquence de l'incoordination dans les lésions

bulboprotubérantielles; cette fréquence tient certainement à ce que cette

région est le carrefour des voies sensitives, cérébelleuses et labyrin-

thiques.

11 s'agit tantôt d'ataxie vraie, tantôt d'ataxie labyrinthique, tantôt d'asy-

nergie cérébelleuse, et tantôt d'un mélange de ces différentes variétés

d'incoordination ; mais on ne sait pas encore actuellement distinguer le

siège de la lésion d'après la variété symptomatique d'incoordination ; on

sait seulement qu'une lésion du pédoncule cérébelleux inférieur peut

déterminer l'asynergie. Dercum a observé une tumeur du bulbe qui a

débuté par la perte du sens musculaire et stéréognostique et l'ataxie du

membre supérieur du côté de la lésion. Dana a signalé un cas d'ataxie

aiguë par lésion bulbaire.

5. Ataxie dans les lésions du cerveau. Le caractère par-

ticulier de l'ataxie par lésion du cerveau est d'être presque toujours net-

tement unilatérale (hémiataxie). L'héntia.taxie existe, à un degré plus

ou moins accusé, dans des cas d'hémiplégie avec hémiancsthésie ; elle

ne se rencontre que dans les cas où la sensibilité est affectée à un degré

quelconque du côté de l'hémiplégie, tout spécialement quand la sensibi-

lité profonde, le sens musculaire, la notion des attitudes et le sens stéréo-

gnostique sont altérés. L'hémiataxie est jusqu'à un certain point propor-

tionnée à l'intensité de 1 hémianesthésie, mais nullement il l'intensité

de 1 hémiplégie. Elle serait plus fréquente dans les néoplasmes cérébraux

que dans les ramollissements ou hémorrhagies. Elle se développe sou-

[A. LÉRI.]

7G4 1'\COOIIDliN;T IONS.. - ~

vent de façon très rapide (ataxie aiguë dans les cas de Leyden, Westphal,

Dinkler, etc.)

L'iiémiataxic cérébrale, comme l'hémianesthésie cérébrale, présente

une allure symptomatique assez spéciale.

L'hémianesthésie cérébrale n'est jamais complète ; l'hémiplégique par

tumeur, ramollissement ou hémorrhagie cérébrale, quel que soit le siège

de la lésion, couche optique, capsule interne, etc., conserve toujours la

perception de la douleur au niveau de ses membres paralysés, il peut

perdre seulement la notion du siège et de la nature de l'excitation dou-

loureuse (P. Marie) ; la sensibilité est toujours mieux conservée vers la

racine des membres que vers leur extrémité.

L'hémiataxie cérébrale n'est jamais complète non plus ; elle est très

souvent limitée à l'extrémité des membres et en particulier du membre

supérieur, main et doigts. Elle consiste en une série de saccades dans les

mouvements volontaires, mais ces saccades sont infiniment plus faibles

que dans l'ataxie tabétique, elles n'altèrent pas le sens général du mouve-

ment dont les différentes parties restent assez bien coordonnées et qui se

ralentit au sur et à mesure que le membre approche du but; l'influence

de l'occlusion des yeux est généralement manifeste, mais moindre que

dans le tabès; les attitudes peuvent être conservées beaucoup mieux que

dans l'ataxie tabétique, l'équilibre statique comme l'équilibre cinétique

sont beaucoup moins atteints. '

Dejerine et Egger, qui ont bien étudié les caractères de l'hémiataxie

post-hémiplégique, attribuent la conservation relative de la coordination

dans les cas d'altération des voies sensitives cérébrales à la création, pen-

dant l'apprentissage des mouvements, de centres coordinateurs dans les

parties inférieures du névraxe ; ces centres entreraient en jeu par un

mécanisme réflexe, automatique, quand les renseignements de la périphé-

rie leur parviennent par l'intermédiaire des premiers neurones sensitifs

et de leurs collatérales, sans que la sensibilité consciente, interrompue

par la lésion du deuxième neurone sensitif*, ait il intervenir. Ce que nous

avons dit du degré toujours incomplet de l'hémiancsthésie cérébrale nous

fait penser qu'il y a là aussi peut-être une cause de l'intensité toujours

modérée de 1'1ll'miataxic cérébrale.

Quelle que soit l'interprétation, il est certain que le ccrveau ne joue à

la fois dans la sensibilité et dans la coordination motrice qu'un rôle res-

treint ; la meilleure preuve en est fournie par l'expérimentation, c'est

l'exemple de la grenouille que l'on décapite, que l'on jette à l'eau et qui,

au contact du liquide, se met il nager.

L'Iiémiat;iYie ne fait pas partie du tableau clinique habituel de l'hémi-

plégie cérébrale infantile; Boucaud en a cependant récemment rapporte

deux cas.

6. Ataxie par intoxication aiguë du système nerveux.

Un certain nombre de toxiques, l'alcool en première ligne, quelques

médicaments, l'iode, le brome, le chloral, la quinine, absorbés en

INCOORDINATION ATAXIQUE. 765

quantité excessive, déterminent l'ivresse. L'ivresse est un syndrome

aigu dont l'incoordination fait nécessairement partie ; à l'incoordination

se joignent toujours des vertiges, des troubles mentaux, fréquemment

des troubles sensitifs, quelques troubles de la parole, des troubles par-

étiques, des troubles gastro-intestinaux. Cette symptomatologie montre que

le système nerveux central est altéré dans son ensemble; pourtant l'in-

coordination de l'ivresse, avec sa titubation, ses grandes oscillations, sa

démarche en zigzag, la prédominance des troubles de l'équilibre sur les

troubles des mouvements des membres isolés, présente plus de caractères

de l'incoordination cérébelleuse que de l'ataxie commune par lésion des

voies sensitives ; le cervelet est sans doute tout particulièrement atteint.

Quelques auteurs ont décrit, à la suite d'intoxications soit par l'alcool

(Bechterew), soit par des aliments avariés (Schnitzer), une ataxie aiguë,

plus tardive, mais plus durable, évoluant en quelques mois, qui présente

aussi de façon prédominante les caractères de l'incoordination céi-ébel7

leuse sans ataxie des mouvements isolés. Nous signalons dès maintenant

ces différentes formes d'incoordination parce qu'il s'agit, selon toute

vraisemblance, d'altérations générales du système nerveux et parce que

les caractères de la vraie asynergie cérébelleuse n'ont pas été encore étu-

diés dans ces cas : la place que nous leur donnons dans ce chapitre est

une place d'attente.

7. Ataxie labyrinthique. - C'est aussi une place d'attente qu'il

faut réserver à l'incoordination par lésion du nerf labyrinthique dans sa

portion centrale ou périphérique, en particulier par lésion de l'oreille

* interne, acquise ou congénitale (incoordination de la plupart des sourds-

muets, décrite par Kreidl). L'ataxie dite labyrinthique tient en effet de

l'incoordination cérébelleuse par la prédominance des troubles de l'équi-

'' libre, titubation, oscillations de la tête et du corps, et de l'incoordination

sensitive par l'instabilité statique et l'existence constante du signe de

Romberg. Certains faits montrent que le signe de Romberg peut être dû

à la seule sclérose labyrinthique, indépendamment de toute lésion des cor-

dons postérieurs (Collet), et Bonnier pense même que le signe de Romberg

dans le tabes est sous la dépendance de l'altération constante du laby-

rinthe, les modifications de la sensibilité et en particulier du sens

musculaire n'intervenant que de façon tout à fait accessoire et facultative.

Quoi qu'il en soit, cliniquement les mouvements isolés et combinés de

l'ataxie labyrinthique n'ont pas été suffisamment analysés pour qu'on

puisse lui donner sa place définitive ou en faire une variété toute spéciale

d'incoordination ; anatomiqucmcnt les relations intimes des noyaux de

l'acoustique avec le cervelet commencent à être connues, mais il existe

sans doute aussi des relations avec les voies sensitives générales au voisi-

nage des noyaux de Goll et de Hurdach.

Le syndrome de l'ataxie labyrinthique est généralement complété par

l'existence de signes oculaires, soit nystagmus, soit absence des mouve-

ments compensateurs des yeux dans les mouvements de rotation du corps

A LÉRI.

766 INCOORDINATIONS.

autour de l'axe vertical, nystagmus de rotation ou post-rotatoire (ophthal-

moplégie labyrinthique de Egger). La triade du syndrome de Menière

vertige, bruits subjectifs, hypoacousie ou surdité, que l'on constate très

souvent, fera faire le diagnostic du point de départ topographique de

l'ataxie.

- II. INCOORDINATION CÉRÉBELLEUSE

Le cervelet est, comme nous l'avons dit, l'organe principal de la coor-

dination des mouvements et de la conservation de l'équilibre. Aussi, si

l'incoordination ataxique est essentiellement d'origine sensitive, l'incoor-

dination cérébelleuse est essentiellement d'origine motrice. Celle diver-

gence d'origine donne à l'incoordination cérébelleuse, quelle qu'en soit

la variété, des caractères spéciaux.

A l'opposé de l'ataxique, le cérébelleux n'a pas de troubles de la sen-

sibilité superficielle ou profonde, ou du moins, s'il en a, les altérations

de la coordination en semblent indépendantes. Il sent donc ses muscles

se contracter, il a la nolion du degré de leur contraction et, par suite,

de la position qu'occupe à chaque moment chacun des segments de ses

membres. Aussi le concours de la vue ajoute-t-il peu à cette notion et

l'incoordination n'est guère exagérée par l'occlusion des yeux; le signe

de Romberg n'existe pas dans les lésions pures du cervelet, et les

observations où il a été signalé concernent des cas où une tumeur, par

son volume ou sa situation, comprimait les organes voisins (cas de Probst

et Wieg, de Donath, de Sabrazès ctCabannes. etc,), '

De plus, par suite de cette parfaite sensibilité, les mouvements simples

des membres sont relativement bien exécutés par les cérébelleux : c'est

surtout la combinaison des mouvements simples nécessaires à l'exécution

des mouvements complexes et au maintien de l'équilibre qui est défec-

tueuse : l' incoordination cérébelleuse consiste surtout, dans un trouble

de la composition des mouvements complexes et dans un trouble de

l'équilibre. Pourtant nous avons dit que les mouvements les plus simples

en apparence sont dùs en réalité à la contraction simultanée et propor-

tionnelle de certains muscles et de leurs antagonistes; ils nécessitent par

conséquent la coordination d'une force excito-motrice et d'une force frc-

natricc; or ce pouvoir frénateur semble particulièrement altéré chez

certains et il en résulte parfois un trouble même des mouve-

ments les plus simples.

Avec de tels caractères généraux, l'incoordination cérébelleuse se pré-

sente sous deux aspects cliniques très différents : A) La titubation céré-

helleuse, admirablement décrite par Duchenne de Boulogne, où le trouble

prédominant est un trouble de l'équilibre. B) L'asynergie cérébelleuse,

très remarquablement étudiée par Babinski, où le (rouble capital est un

trouble de la composition des mouvements entraînant ou non une perte

. INCOORDINATION CÉRÉBELLEUSE. 667 i

de l'équilibre; l'asynergie cérébelleuse n'est d'ailleurs le plus souvent

qu'un des éléments d'un syndrome cérébelleux dont nous devons égale-

ment la connaissance à Babinski et dont nous aurons à esquisser les

autres facteurs, les mouvements démesurés, l'adiadococinésie, la cata-

lepsie cérébelleuse.

A. - TITUBATION CÉRÉBELLEUSE

La titubation cérébelleuse se manifeste surtout dans la station debout

et dans la marche.

Pour se tenir debout, le malade écarte notablement ses pieds, élargis-

sant ainsi sa base de sustentation,

tourne souvent légèrement ses pieds

en dedans et renverse légèrement

son corps en arrière, comme pour

bien « caler » son tronc sur ses

cuisses et ses pieds sur le sol. Dans

les cas peu accentués, il peut se

maintenir ainsi quelques instants

sans bouger, mais dans la plupart

des cas, le corps et la tête oscillent

alternativement d'un côté et de l'au-

tre, parfois toujours du même côté

dans les lésions unilatérales (Menzel),

les pieds quittent le sol et s'y re-

posent par une série de petits déplace-

ments ; ces déplacements s'accentuent

quand, pendant la station debout, on

fait exécuter un mouvement aux

membres supérieurs. Dans les cas

plus accentués, le malade ne peut se

tenir debout sans appui, ou bien il

est incapable de garder la station

verticale, même avec un appui : avec

ou sans oscillations préalables plus ou moins nombreuses et toujours

étendues, il tombe tantôt d'un côté, tantôt de l'autre; quand le sens de

la chute est constant, il indique le côté de la lésion, il semble indiquer

aussi, d'après les observations anatomo-cliniques recueillies jusqu'ici,

que la lésion atteint le pédoncule cérébelleux moyen.

Pendant la marche, tous les symptômes s'exagèrent : le malade avance

les jambes largement écartées, lentement, à petits pas, il soulève peu les

pieds du sol, mais les oscillations du corps s'exagèrent à tel point que,

malgré toutes ses précautions, elles entrainent les pieds tantôt trop à

droite, tantôt trop à gauche, parfois même en arrière, toujours Irrëgullè-

ment loin de la ligne droite qui mènerait au but à atteindre; les pieds

s'appliquent au sol tantôt brusquementpar toute leur plante, tantôt par

[A. LÉRI.]

Fig. 4. Altitude cérébelleuse. Pour

se tenir debout, le malade renverse le

corps en arrière et écarte les pieds, il se

« cale » sur ses hanches.

768 INCOORDINATIONS.

la pointe, tantôt par les talons, mais toujours irrégulièrement. Aussi la

démarche est-elle à la fois incertaine comme celle du jeune enfant et

ébrieuse comme celle de l'homme ivre, chancelante, « festonnante »,

inégale ; les tracés des empreintes plantaires pendant la marche sont très

caractéristiques. Quand les oscillations sont d'assez grande amplitude

la chute s'ensuit, et le fait est fréquent chez les cérébelleux.

La titubation disparait généralement quand le malade est assis ou

couché; exceptionnellement pourtant on l'a vu persister. Par exemple,

Tollemer cite le cas d'un enfant qui ne pouvait rester assis qu'appuyé sur

ses deux mains largement écartées du corps; dans cette situation il pré-

sentait de légères oscillations du tronc; quand il soulevait ses mains, les

oscillations s'accentuaient, il titubait et tombait du côté droit : il était

porteur d'un tubercule du lobe droit du cervelet.

Du côté des membres supérieurs, on ne constate souvent pas de

trouble correspondant à la titubation; on observe cependant assez fré-

quemment une sorte d'incertilude dans les mouvements, d'irrégularité,

de maladresse, avec ou sans oscillations et tremblement des bras et des

mains. L'écriture est souvent irrégulière et tremblée. La parole est

presque toujours plus ou moins scandée, à la fois traînante, hachée et

explosive.

Ces derniers troubles, troubles des membres supérieurs, de l'écriture

et de la parole, encore fort peu étudiés dans leurs caractères et leur

pathogénie, ne paraissent pas différer notablement de ceux que l'on

observe chez les cérébelleux asynergiques : nous aurons à y revenir.

Quant à la titubation elle-même, si ses caractères cliniques ont été

parfaitement décrits par Duchenne de Boulogne, sa pathogénie est loin

d'être élucidée; il est probable que les altérations du pouvoir coordina-

teur et frénateur du cervelet, l'asynergie cérébelleuse, les mouvements

démesurés, l'adiadococinésie, dont nous aurons à parler plus loin, con-

tribuent pour une large part à produire la titubation cérébelleuse; la

démarche titubante diffère pourtant complètement de la démarche asyner-

gique-type que nous décrirons et qui est beaucoup plus rare.

La titubation est le caractère capital d'un ensemble symptomatique

qu'on peut appeler syndrome cérébelleux de Duchenne. Les

autres éléments de ce syndrome, tous inconstants, sont : le tremblement

des membres inférieurs, du tronc, de la tête, moins souvent des membres

supérieurs, tremblement qui accentue fréquemment les oscillations et

favorise la chute; les vertiges, qui rendent la titubation plus marquée,

qui en sont peut-être souvent la conséquence, mais qui certainement n'en

sont pas la cause essentielle, car elle s'observe souvent sans qu'il y ait de

vertiges; le nystagmus, plus rarement le strabisme, qui peuvent y con-

tribuer pour leur part à un faible degré; l'asthénie, plus ou moins

accusée, mais sans paralysie vraie, sans trouble notable de la force de

chaque muscle pris isolément et sans trouble de la sensibilité musculaire;

les vomissements, etc.

INCOORDINATION CÉRÉBELLEUSE. 7fin

La titubation cérébelleuse est le phénomène le plus apparent dans

nombre de cas de lésions du cervelet : c'est un phénomène fréquent. Il

est loin pourtant de s'observer dans tous les cas de lésions du cervelet :

d'après les recherches de Nothnagel, seules les altérations primitives ou

secondaires du verrais peuvent provoquer la titubation cérébelleuse;

encore toutes les altérations du vermis ne la produisent-elles pas; dans

les cas de Gintrac, Gribbon, etc.. des tumeurs du vermis n'avaient

déterminé aucun trouble de l'équilibre. L'élude de la physiologie du cer-

velet n'est pas encore assez avancée pour- qu'on puisse expliquer sans

conteste celle localisation exclusive et ces anomalies.

B. ASYNERGIE CÉRÉBELLEUSE

L'asynergie cérébelleuse a été entièrement analysée et décrite par

Babinski ; son caractère essentiel est la décomposition des mouvements

en leurs parties constituantes élémentaires; le malade est incapable de

combiner la série des déplacements qui, dans un mouvement composé,

devraient être exécutés simultanément par chacun des segments de ses

membres : un mouvement complexe se trouve ainsi constitué par une

suite de mouvements simples et non par une association de ces mêmes

mouvements.

Comme pour la titubation cérébelleuse, la sensibilité superficielle et

profonde est intacte, la vue ne facilite en rien la composition des mou-

vements, et il n'y a pas de signe de Romberg.

L'asynergie n'est d'ailleurs pas exclusive de la titubation, un asyner-

gique peut ou non tituber.

Pourtant il est une démarche spéciale, vraiment tout à fait caractéris-

tique, qui distingue certains asynergiques très avancés des cérébelleux

présentant, la titubation de Duchenne. Cette démarche asynergique-type

caractérise ce que l'on peut appeler la « grande asynergie » : elle est

infiniment plus rare que la titllbation cérébelleuse vraie. Au contraire.

les petits signes de l'asynergie sont très fréquents : que les malades

titubent ou non, ces petits signes se révèlent soit spontanément il l'occa-

sion de certains mouvements, soit par l'examen méthodique de certains

mouvements commandés chez des sujets que l'on soupçonne atteints de

lésion cérébelleuse. A la « grande asynergie », exceptionnelle, on peut

opposer la « petite asynergie », qui est fréquente.

Comme c'esl l'examen approfondi d'un cas de grande asynergie qui a

d'abord conduit Babinski à reconnaître les petits signes de l'asynergie,

c'est la démarche asynergique-type que nous décrirons en premier lieu.

A) Grande asynergie : démarche asynergique-type.

Pour marcher, un sujet normal doit à la fois exécuter le soulèvement et la

translation en avant du membre inférieur et la translation du corps.

Quand l'asynergie est extrêmement avancée, le cérébelleux soulève son

pied, souvent plus haut qu'un sujet normal par suite d'une exagération

de la flexion de la cuisse, puis il le porte en avant, puis le repose brus-

PnATIQUE l'OEUIIOL. 49

[A. LÉRI]

770 INCOORDINATIONS.

quement sur le sol par toute la plante, à peu près au point où l'aurait

posé un sujet sain. Mais pendant tous ces mouvements, successifs et non

simultanés, le tronc n'a pas avancé, il est reslé en arrière, souvent

même légèrement renversé en arrière par la flexion excessive de la

cuisse, de sorte que dès le premier pas, le malade ne peut plus avancer.

Pour qu'il puisse progresserai ! est nécessaire soit qu'un aide placé en

arrière repousse le tronc en avant, soit qu'un aide placé en avant attire

le tronc à lui en prenant le

malade par les mains, soit

que le malade lui-même puisse

saisir avec les mains des meu-

bles environnants et avancer

pour ainsi dire passivement

son tronc en même temps que

ses jambes avancent par des

mouvements actifs. Dans cette

progression , on remarque

que les pas sont à peu près

réguliers et que les pieds res-

tent à peu près normalement

écartés de la ligne de direc-

tion.

Petite asynergie.

Les petits signes de l'asy-

nergie cérébelleuse peuvent

être constatés quand le ma-

lade est couché, quand il est

assis ou quand il est debout.

Les mouvements d'épreuve

que l'on fait exécuter aux

malades ont tous pour but et

pour résultat de montrer la

décomposilion des mouvements. Ces épreuves s'appliquent surtout aux

membres inférieurs, parce que c'est au niveau de ces membres qu'on

observe surtout les symptômes de l'incoordination cérébelleuse aussi bien

que ceux de l'incoordination tabétique : mais des épreuves semblables

peuvent être imaginées pour les membres supérieurs.

Le sujet étant étendu, on le prie de fléchir un membre inférieur, de

façon que le pied vienne se poser à terre le plus près possible de la fesse.

Dans ces conditions, un individu normal fléchira simultanément la jambe

et la cuisse, le pied quittera le sol sans s'en écarter notablement et

viendra doucement se poser à terre. Un tabétique, ou bien exécutera avec

ses membres inférieurs des mouvements désordonnés sans atteindre les

but proposé, ou bien cherchera à ne pas perdre le contact du sol qui lui

servira de guide et traînera son pied avec plus ou moins de brusquerie

Fig. 5. - Démarche asynergique type (figure de

l3alrinski). - Le malade soulève très haut son pied

et le porte très loin en avant, niais le tronc n'avance

pas en même temps; le sujet n'avancerait pas si

les aides ne poussaient son tronc.

INCOORDINATION CÉRÉBELLEUSE. 771

jusqu'à la fesse. Un asynergique cérébelleux fléchira d'abord la cuisse, la

jambe restant étendue, et soulèvera ainsi très haut le pied au-dessus du

sol, puis, dans un deuxième temps, il fléchira la jambe, et, dans un troi-

sième temps, il étendra la cuisse et viendra brusquement frapper la terre

-avec toute la plante du pied. Si on lui commande ensuite d'allonger de

nouveau son membre inférieur, la même série de mouvements se repro-

duira en sens in-

verse : soulèvement

du pied par flexion

de la cnisse, exten-

sion de la jambe,

extension de la cuis-

se. Chacun de ces

mouvements sera

exécuté avec une

certaincbrusquerie,

mais chacun en

temps voulu, sans

tremblement nota-.

ble et sans notables

oscillations latéra-

les.

Le sujet restant

couché, on lui or-

donne de croiser ses

bras, d'étendre et

d'écarter légère -

ment ses jambes, et

de chercher ainsi à

s'asseoir. Un sujet

normal maintien-'

drait ses membres

inférieurs appliqués

au sol par une con-

traction énergique de ses muscles fessiers, en même temps qu'il

fléchirait le tronc sur les cuisses par la contraction de ses fléchisseurs du

tronc et en particulier de ses psoas iliaques. L'asynergique cérébelleux,

ne pouvant associer la contraction des muscles de la cuisse à celle des

muscles du tronc, fléchira ses cuisses par suite de la contraction de ses

psoas agissant seuls, élèvera ses pieds souvent très haut au-dessus du sol,

et généralement ne pourra parvenir à s'asseoir.

Le sujet étant assis, on lui ordonne de toucher avec le bout de son

pied la main que l'observateur étend à 60 centimètres environ au-dessus

du sol et à 60 centimètres en avant du genou. Au lieu de fléchir la cuisse

et Rendre la jambe simultanément et progressivement, comme le ferait

[.A. LÉRI.]

Fig. 6cL 7. Signe de la flexion combinée des cuisses et du

bassin. - Le sujet étant couché, les bras croisés, on le prie de

s'asseoir. L'individu 'normal (A) laisse ses jambes appliquées

sur le sol. L'asynergique (B) soulève très haut ses jambes, mais

ne lève pas le tronc et ne peut s'asseoir (figures de Babinski).

772 INCOORDINATIONS.

un sujet normal, le cérébelleux fléchira d'abord la cuisse et soulèvera

très haut le pied, puis, il étendra brusquement la jambe et viendra frapper

du pied la main de l'observateur; mais le choc ne sera pas assez violent

pour que la main saute en l'air ; s'il s'était agi d'un tabétique ataxique,

le pied dans ses mouvements désordonnés aurait peut-être rencontré,

presque, par hasard, la main qu'on lui avait fixée comme but à atteindre

et l'aurait alors violemment repoussée par un coup brutal. Pour reposer

. le pied à terre, le cérébelleux . exécutera en sens inverse les mêmes

mouvements, flexion de la jambe, extension de la cuisse, et frappera le

sol par toute la plante du pied.

Le sujet étant debout, on le prie de s'appuyer des deux mains au

dossier d'une chaise et de poser un genou sur le siège de cette chaise.

Un individu normal fléchirait lentement la cuisse et la jambe en faisant

glisser celle-ci le long du rebord du siège; le cérébelleux fléchit d'abord

la cuisse en élevant le genou bien plus haut qu'il n'est nécessaire, puis il

fléchit la jambe et, abaissant brusquement le genou, vient le cogner sur

la chaise^ ," .

Le sujet étant encore dans la station debout, on lui dit de porter la tête

Fig. et 9. Signe-du renversement en arrière. J,e sujet étant debout, on le prie de renverser

le tronc en arrière. L'individu normal (A) iléchit le genoux et porte les jambes en avant

en même temps qu'il porte la tète et le tronc en arrière. L'asynergique (B) laisse ses

jambes étendues, le tronc seul se meut sur les cuisses; il tomberait presque immédiatement

s'il n'était soutenu, car son centre de gravité est aussitôt en arrière de sa base de sustenta-

tion (figure de Babinski).

INCOORDINATION CÉRÉBELLEUSE. 775

en arrière et de courber le tronc d'ans le même sens en forme d'arc. Un

individu normal, en même temps qu'il porte le tronc en arrière, fléchit

les cuisses sur les jambes et les jambes sur les pieds pour maintenir son

équilibre; un asynergiquc penche le corps en arrière en laissant ses

jambes droites, et tombe en arrière bien avant d'avoir atteint le degré

de courbure qu'atteindrait l'individu sain.

Les différentes épreuves que nous venons d'indiquer permettent de

déceler l'asynergie cérébelleuse et de reconnaître, dans des cas plus ou

moins frustes, l'origine cérébelleuse des troubles que présentent certains

malades. Mais l'asynergie cérébelleuse n'est elle-même que l'un des élé-

ments d'un syndrome complexe dont les autres éléments sont les mouve-

ments démesurés, l'adiadococinésie, la catalepsie cérébelleuse : tous les

éléments de ce syndrome ont été remarquablement décrits par Babinski;

il mérite le nom de syndrome cérébelleux de Babinski, par

opposition à la titubation cérébelleuse classique, que l'on peut appeler

syndrome cérébelleux de Duclienne. Les différents éléments de ce syn-

drome pouvant se trouver plus ou moins associés entre eux, chacun

d'eux pouvant faire défaut, tous se trouvant d'ordinaire réunis dans les

cas les plus nets; c'est donc par la recherche attentive des uns et des

autres de ces symptômes que l'on arrivera très fréquemment au diagnostic

de lésion cérébelleuse.

Les mouvements démesurés semblent résulter de l'altération du pou-

voir frénateur dont le centre est dans le cervelet. Ils consistent en ceci

que, quand le malade veut exécuter un mouvement, il dépasse le but.

Ainsi, si l'on dit au sujet de porter le doigt sur le bout de son nez, le

doigt arrive bien directement jusqu'au nez, mais le dépasse et vient

heurter violemment la joue. Si on lui dit de tracer sur un papier une

ligne horizontale jusqu'à un point donné, il dépasse ce point. Nous avons

signalé de même dans l'étude de la démarche asynergiquc la flexion

démesurée de la cuisse.

L'adiadococinésie résulte aussi en grande partie de la diminution du

pouvoir frénateur. Chez la plupart des cérébelleux asynergiques, non

seulement les mouvements simples ne peuvent être exécutés simultané-

ment, mais encore ils ne peuvent être exécutés successivement qu'avec

une certaine lenteur. Toute succession normale de mouvements néces-

site l'arrêt de l'un de ces mouvements et la mise en train immédiate

du mouvement suivant, c'est-à-dire l'association d'une action frénatrice

à une action excito-motrice. La faculté d'associer rapidement ces deux

actions a été dénommée par Babinski la « clicrclococinosie ». L'existence

ou l'absence de cette faculté peut s'apprécier surtout quand les mouve-

ments successifs doivent être exécutés par les muscles respectivement

antagonistes, c'est-à-dire sont directement opposés l'un à l'autre. Aussi

Babinski a surtout étudié la rapidité avec laquelle les sujets peuvent

exécuter les mouvements alternatifs de pronation et de supination de

la main : il a constaté que les cérébelleux exécutent beaucoup moins

[A. LÉRI]

- 774 ' ^COORDINATIONS-. - .

vite que des sujets normaux ces mouvements successifs, il y a chez eux

diminution de la diadococinésie.

' Or, cette fonction est des plus

importantes pour l'exécution de

la plupart des actes de la vie cou-

rante, et c'est certainement à son

altération autant qu'à l'asynergie

que tiennent la titubation, l'irré-

gularité de l'écriture, la scansion

de la parole, peut-être le tremble-

ment volitionnel des cérébelleux.

L'écriture, qui nécessite une

série de mouvements successifs,

de changements de direction, est

rapidement altérée, irrcgulière

et anguleuse, formée d'une série

de lignes brisées ; mais elle ne

présente pas les irrégularités

excessives, le fouillis de traits en

tous sens et de toutes tailles

que l'on observe chez certains

ataxiques. -

La parole des cérébelleux est

généralement scandée, parfois

nasonnée et traînante; ses carac-

tères n'ont pas été plus profon-

dément analysés, mais il est bien

vraisemblable que les altéra lions

de la synergie musculaire et de

la diadococinésie sont l'élément

perturbateur principal.

L'équilibre du corps ou de ses

différentes parties pendant les

mouvements, l'équilibre ciné-

tique, est donc profondément

troublé chez les asynergiques

comme chez les ataxiques ; au

contraire; Babinski a remarqué

que l'équilibre du corps ou de

ses différentes parties au repos,

l'équilibre statique, est d'ordi-

naire parfaitement conservé et

parfois même exagéré. Le céré-

belleux, qui sent le degré de contraction de ses mtiscles, peut, a 1 op-

posé de l'ataxique, les maintenir à un degré invariahle de contraction

Fig. 10 et 11. L'équilibre volitionnel sta-

tique : .

A) Chez un cérébelleux asynergiquc ;

B) Chez un tabétique ataxique.

Les sujets sont couchés, les jambes levées et demi

lléclües : la pose a été la même (15 secondes)

chez les deux sujets.

L'asynergique conserve très longtemps l'altitude

donnée sans l'aire aucun mouvement : cata-

lepsie Cé1'/ibclle.use.

L'ataxiquc ne conserve aucunement la même atti-

tude (figure de Babinski).

INCOORDINATION CÉRÉBELLEUSE. 775

pendant plus longtemps qu'un sujet normal; les attitudes peuvent donc

être très longtemps conservées : c'est ce que Babinski a appelé la cata-

lepsie cérébelleuse.

Le fait est constatable pour la station debout qui, chez un cérébelleux

parvenu à trouver la stabilité, peut être conservée sans le moindre dépla-

cemcnt pendant au moins autant de temps que chez un sujet normal ; la

titubation et la chute ne se produisent que quand un déplacement léger

de certaines parties du corps a lait entrer en jeu l'équilibre cinétique.

Mais la conservation de l'équilibre statique devient bien plus mani-

feste quand on observe des altitudes partielles du corps. Ainsi, si, le sujet

étant couché sur le dos, on lui fléchit légèrement les cuisses sur le

bassin et les jambes sur les cuisses, les pieds étant écartés l'un de

l'autre, le cérébelleux pourra conserver cette altitude extrêmement long-

temps sans qu'il se produise la moindre oscillation des pieds; cette

même attitude pourra être maintenue un temps souvent beaucoup moins

long par un sujet normal, un temps nul ou presque nul par un ataxique.

Ainsi, l'asynergie cérébelleuse s'associe parfois à de véritables attitudes

catafelet Babinski est porté il admettre qu'une perturbation dans

le fonctionnement du cervelet peut amener de la catalepsie.

L'évolution de l'asynergie cérébelleuse est essentiellement variable;

elle peut rester limitée à des troubles peu gênants (petite asynergie), elle

peut, au contraire, arriver à empêcher complètement la marche et à

rendre il peu près inutilisables la plupart des mouvements volontaires

(grande asynergie) ; presque toujours elle mène à une impotence beaucoup

moindre que l'ataxie.

Elle peut n'être décelable que par une série de recherches et d'épreu-

ves que l'on peut qualifier à juste titre, d' « exercice à la Babinski »,

à l'instar de « l'exercice à la Fournier » que l'on fait exécuter aux

tabétiques. Cet exercice comprend : 10 La recherche de l'asynergie :

(1) malade couché : flexion des membres inférieurs; passage à la position

assise, les bras restant croisés et les jambes étendues; b) malade assis :

toucher avec le pied la main de l'observateur; c) malade debout : poser

le genou sur une chaise ; se renverser en arrière; marcher. 2° La

recherche de l'lllliadococinësie : mouvements alternatifs de pronation et

de supination de la main. a)" la recherche des mouvements démesurés :

porter le doigt sur le nez. tracer une ligne jusqu un point donné. 4° La

recherche de la catalepsie cérébelleuse : le malade étant couché, main-

tenir les pieds en l'air, les jambes et les cuisses demi fléchies.

L asynergie peut être bilatérale, elle est très fréquemment unilatérale,

et la comparaison du coté malade avec le côté sain facilite le diagnostic;

quand 1 asynergie est unilatérale, le malade tend uiomlmr du même côté,

la titubai ion le porte toujours de ce côté qui est le côté de la lésion.

Le syndrome cérébelleux de Babinski. plus ou moins complet, est sou-

vent accompagné de vertiges, de nystagmus ou parfois, au contraire, de

hxtte des yeux, de vomissements, de céphalalgie occipitale : ces

[A. LÉRI]

776 INCOORDINATIONS.

symptômes accessoires confirment le siège cérébelleux de la lésion.

Le syndrome s'observe :

l Dans les affections du cervelet, mais, ainsi que Babinski l'a reconnu

et que nous avons pu nous en convaincre, il est loin de s'observer dans

. la totalité des lésions du cervelet; les parties du cervelet dont la deslruc-

tion détermine ce syndrome ne sont pas encore bien définies.

Le syndrome se rencontre parfois presque pur dans des scléroses ou

des atrophies du cervelet. Dans les atrophies cérébelleuses accidentelles,

qui surviennent quelquefois rapidement à la suite d'un traumatisme ou

d'une infection, l'incoordination est souvent asymétrique, tendant à

l'unilatéralité, et ordinairement accompagnée d'épilepsie ou de troubles

mentaux graves.

L'atrophie Oll.vO-0)t ! o-C('1'Glllll(SG, isolée par Dejerine et Thomas et

étudiée par l.aew, affection dont l'étiologie est inconnue, ne se manifeste

guère cliniquement que par le

syndrome cérébelleux isolé.

Dans la sclérose en plaques,

le syndrome cérébelleux révèle

l'existence d'une plaque de

sclérose du cervelet ou de la

protubérance; etm0me, d'après

Babinski, le tremblement in-

tentionnel, la scansion de la

parole et le nystagmus ne se-

raient, pas caractéristiques de

la sclérose en plaques, mais bien d'une lésion du cervelet ou des voies

cérébelleuses; s'il sont si communs dans la sclérose en plaques, c'est

que dans cette maladie il existe généralement des plaques prolubéran-

tielles qui intéressent les voies cérébelleuses ; mais ces troubles feraient

défaut quand les plaques de sclérose sont limitées il la moelle.

Souvent le syndrome de l'asynergie est symptomatique de tumeurs du

cervelet : dans ces cas, qui sont beaucoup plus riches en symptômes que

les scléroses ou les atrophie*, il est souvent beaucoup plus marqué, il

s'accompagne généralement de vertiges très intenses, de tous les signes

accessoires que nous avons énumérés plus haut et de signes de com-

pression cérébrale, souvent de signes d'altération d'organes voisins, du

nerf vestibulaire en particulier.

2° Dans les affections des voies cérébelleuses, en particulier au ni-

veau de la région lmlho-[rrotuluSr;mtiolle; mais, comme nous l'avons dit,

on ne sait encore que par une observation de Babinski et Nageotte que la

lésion du seul pédoncule cérébelleux inférieur est capable de détermi-

ner le syndrome, on ignore encore quelles autres parties des voies céré-

hl'lIeuses peuvent le provoquer. L'association d'hémiplégie alterne, de

paralysies des nerfs bulbaires et de divers symptômes bulbo-prolubé-

rantiels servira parfois à fixer cliniquement le siège de la lésion.

Fig. 12. z Ecriture d'un malade atteint de Sclérose

en plaques avec tremblement intentionnel très

accusé.

INCOORDINATION DANS LES MALADIES HÉRÉDITAIRES OU FAMILIALES. 777

III. INCOORDINATION

DANS LES MALADIES HÉRÉDITAIRES OU FAMILIALES

(FORMES MIXTES)

Nous avons réservé, pour les décrire ensemble, un certain nombre de

maladies qui toutes se présentent le plus souvent, chez plusieurs

membres de la même famille, soit dans une seule, soit dans plusieurs

générations. Ces maladies ont pour caractère commun une incoordination

marquée qui se manifeste par des modifications dans les mouvements

isolés, mais surtout par des troubles de l'équilibre dans la marche et

dans la station. Ces affections forment un groupe, non seulement par

suite de l'existence de ce caractère commun, mais encore parce qu'on

observe des cas intermédiaires entre elles, et que c'est surtout par leur

étude que l'on peut connaître les termes de passage entre l'incoordina-

tion médullaire ataxique et l'incoordinatio» cérébelleuse asynergique

et titubante. 11 faut dire d'ailleurs que ces maladies sont assez rares, et

que les particularités de l'incoordination dans chacune d'elles n'ont

pas été jusqu'ici suffisamment analysées.

a) Dans la maladie de Friedreich ou ataxie héréditaire, le début de

l'incoordination, qui a lieu généralement avant l'âge de 15 ans, se fait

comme clans le tabès vulgaire par les membres inférieurs : aussi les

troubles de la marche sont parmi les premiers symptômes; ils sont d'abord

peu accentués, ils ne deviennent intenses que progressivement, mais sont

alors très caractéristiques.

Comme un cérébelleux, le malade marche les jambes écartées, en

titubant, en festonnant, en décrivant des zigzags à la manière d'un

homme ivre, les bras, non encore incoordonnés, écartés du tronc et

jouant le rôle d'un balancier compensateur; mais en même temps, comme

un ataxique, il s'avance en lançant les jambes en avant*et en dehors et

en laissant retomber ses^pieds par le talon, en talonnant : c'est cette

démarche que Charcot a justement qualifiée de tabéto-cérébel-

leuse. Souvent aussi, pendant la marche, la tête oscille d'avant en

arrière comme chez les cérébelleux, parfois le tronc participe aux mou-

vements de salutation ; d'autres fois la tête est maintenue volontairement

fléchie.

Dans la station debout, pour maintenir leur équilibre, les malades,

contrairement aux cérébelleux, ne peuvent trouver de position de stabi-

lité, et sont constamment obligés de changer leurs pieds de place et en

même temps d'imprimer il leur tète et à leur tronc de plus ou moins

amples mouvements de salutation. L'occlusion des yeux accentue beau-

coup moins l'instabilité que chez les ataxiques véritables, mais il n'est

pas vrai, comme le pensait Friedreich, que le signe de Romberg fasse

toujours défaut.

[A. LÉRI.] ]

778 INCOORDINATIONS.

Chez une jeune malade, nous avons relevé l'asynergie dans les mouve-

ments isolés des membres inférieurs par l'exercice il la Babinski ; l'asy-

nergie était ébauchée, mais mélangée à des signes prédominants d'ataxie

vraie.

L'incoordination est plus tardive aux membres supérieurs, mais ne les

épargne pas ; elle se révèle d'abord par la maladresse dans l'accomplis-

scment des mouvements délicats, comme celui de coudre, d'écrire, de

boutonner un vêtement. Pour la préhension des objets, la main « plane »

comme dans le tabès au début, elle décrit une sorte de cône au-dessus

de l'objet avant de s'abattre brusquement sur lui, mais la direction géné-

rale du mouvement est respectée, il n'y a pas de mouvements contradic-

toires désordonnés et, une fois l'objet saisi, les doigts. qui le sentent, ne

le lâchent plus.

A cette incoordination s'ajoute parfois un tremblement intentionnel,

plus ou moins analogue à celui de la sclérose en plaques, niais augmen-

tant moins nettement au sur et à mesure que le membre approche du but;

ce tremblement, quand il existe, rend l'écriture encore plus brisée, plus

irrégulière, souvent presque illisible et parfois tout il fait impossible.

Plus souvent on observe des mouvements choréiformes, parfois des

mouvements athétodes. Cet ensemble de phénomènes, plus ou moins

constants,. donne parfois aux sujets atteints de maladie de Friedreich un

aspect spécial que Charcot a appelé « l'instabilité ('horéifol'llie ».

La face participe souvent il l'incoordination et aux mouvements sur-

ajoutés par des grimaces, des secousses brusques ou lentes, des batte-

ments des paupières, des lèvres, des ailes du ne ? Les yeux présentent

des secousses nystagluiforllles transversales, plus amples et moins nom-

breuses que dans le n ystaglnus vrai, surtout marquées dans les posi-

tions extrêmes du regard. La langue est animée de tremblements fihril-

laires inégaux et agitée de mouvements brusques et irréguliers. La parole

est lente, pesante, appuyée sur certaines syllabes, brusque sur d'autres,

souvent bitonale ou nasonnée, mais ni bégayée, ni véritablement scandée.

L'hypotonie musculaire existe toujours chez ces malades (Sureau),

mais à un degré bien moindre que dans le tabès. Des phénomènes para-

lytiques ont été souvent observés, surtout du côté des membres infé-

rieurs, ils sont généralement modérés; le signe de Babinski a toujours

été observé. Les réflexes tendineux, 'notamment le réflexe rotulien, sont

presque toujours absents, quelquefois seulement diminués. Le signe

d'Argyll fait défaut. Les troubles de la sensibilité superficielle et du sens

musculaire font défaut ou sont peu accentués.

Des (roubles trophiques spéciaux sont très fréquents : ce sont un pied-

bot tout particulier, le « pied de Friedreich », et une scoliose ou une

cypho-scoliose dorsale souvent très accentuée ; ces (roubles sont sans doute

dus à un mélange de paralysie, d'hypotonie, d'atrophie musculaire et de

contracture plus qu'à une altération de la nutrition des os.

L'anatomie pathologique donne la clef de celle association de symp-

INCOORDINATION DANS LES MALADIES HÉRÉDITAIRES OU FAMILIALES. 779

tomes ataxiques, asynergiques et paralytiques : on trouve, en effet, une

sclérose combinée de la moelle à laquelle prennent part il la fois les cor-

dons postérieurs et les cordons latéraux, et. notamment dans ceux-ci les

faisceaux cérébelleux directs.

b) Dans l'hérédo-ataxie cérébelleuse, décrite par Pierre Marie, le

début de l'incoordination, qui a lieu généralement après Page de 15 ans.

se fait aussi par les membres inférieurs. L'incoordination présente à peu

près les mêmes caractères que dans la maladie de Friedreich. La marche

est lente, incertaine, ébrieuse et festonnante ; le corps s'avance en deux

temps comme dans l'asynergie cérébelleuse, le tronc retardant, pour ainsi

dire sur les membres inférieurs qui sont brusquement projetés en avant

de façon ataxique ; une fois, nous avons pu observer une véritable ten-

dance à la propulsion, qui semblait tenir à ce que le mouvement du tronc

précédait celui des membres inférieurs; d'autres fois, surtout quand le

malade se sert de béquilles, le tronc avance le premier, et les membres

restés en arrière sont ensuite traînés péniblement sans quitter le sol

comme s'ils liraient un boulet (démarche traînante décrite par P. Marie

et Crouzon).

La station debout est hésitante, oscillante, instable, comme dans la

maladie de Friedreich. Il y a pas ou peu de signe de Romberg.

Les mouvements isolés des membres inférieurs ont présenté, dans plu-

sieurs cas où nous les avons examinés, une asynergie modérée ou ébau-

chée, mais jamais le syndrome typique de Babinski.

La main « plane » pour la préhension des objets, les membres supé-

rieurs sont animés d'un tremblement intentionnel, très manifeste dès le

début par l'examen de l'écriture, et souvent des secousses choréiformes.

La face participe quelquefois à l'incoordination et aux mouvements

associés. Les yeux sont animés de secousses nystigmiformes, La langue

est agitée de secousses irrégulières. La parole est, comme la démarche,

« pesante, incertaine, titubante », irrégulière et explosive, saccadée, mais

non scandée. Il n'y a presque jamais de troubles de la sensibilité superfi-

cielle ou profonde.

Tous les troubles de la coordination sont donc à peu près les mêmes

dans la maladie de Friedreich et dans la maladie isolée par P. Marie; ce

qui distingue celle-ci, c'est, outre le début plus tardif, la conservation

ou 1 exagération presque constante des réflexes rotuliens; la présence

très fréquente de paralysies oculaires ou de troubles ataxiques des mus-

cles de l'oeil; la présence dans près du tiers des cas d'une atrophie optique

présentant il peu près les caractères ophlhalmoscopiques et fonctionnels

de l'atrophie tabétique, mais aboutissant rarement à la cécité complète;

1 absence presque constante enfin de troubles trophiques, de déforma-

lions du pied ou de la colonne vertébrale.

Mais il existe des cas intermédiaires (Seeligmiiller. Hrb, Menxef, Col-

lins, Bolkin, etc.), de sorte que la seule différence qui subsiste parfois

peut être le plus ou moins d'intensité des réflexes rotufiens (Londe).

[A. LÉRI]

780 INCOORDINATIONS.

Les réflexes rotuliens, d'abord exagérés dans l'hérédo-ataxie, peuvent

même, à une époque plus ou moins lointaine de l'évolution, s'affaiblir et

disparaître par suite de l'atteinte tardive de certains faisceaux 'médul-

laires ; le type cérébelleux évolue alors vers le type Friedreich. « Il est

possible, dit P. Marie, que l'une et l'autre affection ne soient que des

modalités différentes d'une même espèce morbide, un même processus

initial, dégénératif héréditaire, frappant dans le système nerveux des sys-

tèmes organiques analogues, mais distincts, on bien intéressant dans la

maladie de Friedreich un nombre de systèmes autres que dans l'hérédo-

ataxie cérébelleuse H.

L'anatomie pathologique justifie celte hypothèse et explique la sympto-

matologie et ses variétés; elle montre une diminution constante, mais

parfois minime, du cervelet, et des lésions inconstantes, mais parfois très

nettes, des conducteurs cI'l'lbello-médullaircs; on observe quelquefois

la petitesse de tout le système nerveux central, surtout de la moelle,

l'atrophie de la substance grise, la dégénération partielle des cordons

postérieurs, des colonnes de Clarke, des faisceaux de Gowers et des corps

restiformes (P. Marie et witalsl : i, Thomas et Roux, Miura) : en somme,

des lésions très variées et très étendues.

c) La névrite interstitielle hypertrophique, décrite par Gombaull

et Jlallct, Dejerine et Sottas, Pierre Marie présente aussi bien des analo-

gies avec la maladie de Friedreich : début précoce et caractère familial,

incoordination, nystagmus, abolition des réflexes rotuliens, déformation

des pieds et du rachis. Mais elle s'en distingue par l'hypertrophie des

troncs nerveux, même des troncs superficiels qui sont parfois saillants

sous la peau IP. Marie), l'atrophie musculaire manifeste des membres

inférieurs et supérieurs à type Charcot-Marie, le signe d'Argyll plus ou

moins complet, parfois avec myosis, les douleurs fulgurantes, les alté-

rations des divers modes de la sensibilité, parfois un tremblement inten-

tionnel. Elle se distingue aussi par les caractères de l'incoordination;

l'incoordination est consécutive aux (roubles sensitifs et due, comme celle

du tabès, Ù l'altération des voies sensitives (nerfs périphériques, racines

médullaires et cordons postérieurs) ; aussi elle présente les earacteresde

l'ataxie tabétique. Le malade festonne en marchant, mais surtout il lance

ses jambes; il ne talonne pas pourtant, car il cause de l'atrophie mnscu-

laire ses pieds sont pendants et il a une tendance : 1 stopper. Les chan-

gements de direction sont très difliciles. Le signe de Romberg est très

accusé. La station debout ne peut être prolongée ; ledérobement desjambes

est fréquent. Les mouvements des membres supérieurs présentent des

déviations sans rapport avec le but il atteindre; la main s'agite sur les

objets : '1 saisir et se précipite sur eux ou à côté d'eux.

INCOORDINATIONS DANS LES NÉVROSES. 781

IV. INCOORDINATION DANS LES NÉVROSES

Certains neurasthéniques ont des vertiges, de l'hésitation et de l'in-

certitude de la marche, parfois une véritable démarche en zigzag, plus

ou moins analogue à la titubation cérébelleuse; la démarche ébrieuse peut

même se rencontrer indépendamment de toute sensation vertigineuse;

parfois il existe aussi une ébauche du signe de Romberg ()3ouvcrel).

Ces troubles, associés aux troubles gastriques et génito-urinaires, aux

douleurs lombaires si fréquentes chez les neurasthéniques, donnent lieu

cliniqueinent à un véritable pseudo-tabes neurasthénique. Ces symptômes ?

sont un puissant argument en faveur de l'hypothèse, émise par le pr Tcissiey ?

(de Lyon) et soutenue par son élève Delmas, que la neurasthénie est un .

syndrome cérébelleux.

L'hystérie ne provoque guère, contrairement à ce qu'on a prétendu,

d'incoordination. Le type le plus ordinaire de la prétendue incoordina-

tion hystérique est l' astasie-abasie; Charcot, qui l'a décrite avec ses élèves

P. Riche et 111ocd, en distinguait une forme paralytique et une forme

ataxique. En réalité, il s'agit dans les deux cas d'une paralysie de cause

fonctionnelle, qui, comme toutes les paralysies hystériques, est essentiel-

lement systématique, c'est-à-dire ne porte que sur un ou plusieurs des

mouvements que le groupe de muscles paralysés est appelé à exécuter.

C'est ainsi qu'un hystérique peut être soit incapable de marcher (abasie^

pure), soit à la fois incapable de marcher et de se tenir debout (astasie-

' abasie) sans qu'aucun des groupes de muscles qui entrent enjeu dans la

station ou dans la marche présente, pris isolément ou dans les autres

mouvements les plus variés, aucun affaiblissement ou aucune incoordina

tion; bien plus, la plupart des astasiques-abasiques se créent à eux-

mêmes un procédé de progression bien plus difficile à exécuter que la

marche ordinaire et dans lequel entrent généralement en jeu les mêmes

muscles qui sont censés être paralysés. j

La l'orme ataxique de Charcot ne diffère de la forme paralytique que

par l'association de mouvements hystériques surajoutés, soit choréi-

formes (astasie-abasie clloréiforme), soit trépidants (astasie-abasie trépi-

dante) ; mais ces mouvements compliquent un trouble fonctionnel de la

marche, ils n'en sont pas la cause, et, à notre sens, l'incoordination n'a

rien à voir avec l'astasie-abasie : les variétés de cette affection sont à

décrire avec les troubles de la marche.

[A. LÉRI.]

782 INCOORDINATIONS.

TABLEAU DES CARACTÈRES ET VARIÉTÉS CLINIQUES DES

INCOORDINATIONS 1

(Perte de l'harmonie entre les muscles qui concourent à l'exécution

de chaque mouvement).

1. INCOORDINATION ATAXIQUE

Origine : trouble sensitif : perte de la notion du degré de contraction des muscles.

Caractères :

Il Manque de modération des mouvements par défaut de contraction des anta-

. gonistes. eS..

2° Influence du contrôle de la vision : signe de Romberg.

Symptômes concomitants : .'

Constant : modification de la sensibilité superficielle ou surtout profonde;

Fréquents : hypotonie musculaire; diminution ou abolition, des réflexes ten-

dineux.

Variétés topographiques (suivant le siège de la lésion des voies sensifivesousen-

sorielles) :

a) Moelle (racines et cordons postérieurs) :

" INCOORDINATIONS. 785

d) Cerveau :

Ullilatémlité : hémiataxie;

Faible intensité des signes d'incoordination :

Concomitance d'hémiplégie avec hémianesthésie (par hémorragie ou ramollis-

sement, surtout tumeur cérébrale) ; Concomitance d'hémiplégie cérébrale

infantile exceptionnellement (Rouchaud).

e) Système nerveux entier : intoxications aiguës :

Troubles associés nerveux et gastro-intestinaux;

Signes d'incoordination surtout cérébelleuse : troubles de l'équilibre;

., Signes spéciaux suivant l'intoxication :

a) Ivresses passagères : alcoolique; iodique, bromique, quinique, chlora-

lique, etc.

b) Ataxies aiguës plus durables, rares : alcoolique (Beebterew), alimen-

taire (Schnitzer).

f) Nerf labyrinthique, périphérique ou central : « ataxie labyrinthique » :

Mélange de troubles de l'équilibre cinétique importants (d'apparence cérébcl-

* leuse ? ) et de troubles de l'équilibre statique avec signe de Romberg (d'appa-

rence radiculo-médullaire ? ) ;

Concomitance de lésion de l'oreille interne, souvent de signes oculaires (nystag-

mus vrai, nystagmus de rotation ou post-rotatoire).

II. INCOORDINATION CÉRÉBELLEUSE

Origine : trouble de coordination motrice par lésion de l'appareil cérébelleux.

A. TITUBATION CÉRÉBELLEUSE de Duchenne,

Caractères :

Démarche ébriellse. festonnante, irrégulière et inégale, lente et incertaine.

t Station debout hésitante et oscillante. Parfois oscillations des membres

supérieurs, écriture irrégulière; parole scandée.

Astres éléments du « syndrome cérébelleux de Duchenne », symptômes

associés ou non : Tremblements, vertiges, nystagmus, strabisme, asthénie,

vomissements, etc.

Localisation topographique : lésion du vermis.

B. ASYNERGIE CÉRÉBELLEUSE de Babinski.

Caractères :

Décomposition des mouvements composés par défaut de synergie des muscles des

différents segments du corps.

Variétés cliniques :

a) Grande asynergie : démarche asynergiquc type : dissociation des mouve-

ments de progression des muscles inférieurs et du tronc, d'où perte de

l'équilibre.

. b) Petite asynergie : série de petits signes décelables dans les mouvements

d'épreuve (exercices à la Babinski).

Autres éléments de « syndrome cérébelleux de Babinski B, symptômes

associés ou non : "

Mouvements démesurés; exagération de l'amplitude des mouvements.

Adiadocil1Óie : ralentissement de la succession des mouvements, notamment

des mouvements opposés alternatifs.

Catalepsie cérébelleuse : exagération de l'équilibre statique volitionnel.

[A,LÉRL]

784 ' INCOORDINATIONS.

Variétés topographiques :

a) Affections du cervelet :

Atrophie ou sclérose : syndrome pur- ou associé à épilepsie et troubles mentaux z

Tumeurs : syndrome associé à vertiges, nystagmus, vomissements, céphalalgie

occipitale, signes de compression cérébrale, souvent aiaxie labyrinthique.

b) Affection des voies cérébelleuses, bulbo-protubérantielles (notamment pédoncules

cérébelleux inférieurs) : Syndrome associé à hémiplégie alterne, paralysies

- ~" bulbaires, symptômes bulbaires (glycosurie, etc.).

111. Cas intermédiaires et mixtes : groupe des maladies hérédi-

taires ou familiales avec incoordination :

a) Ataxie héréditaire de Friedréich début, précoce (avant 15 ans) :

TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS

LA RÉÉDUCATION DES MOUVEMENTS

. , par le D' ANDRÉ LÉRI

Parmi les traitements divers, mécaniques et physiques, qui ont été

appliqués au traitement de l'incoordination, aucun n'a donné les brillants

résultats de la rééducation motrice : c'est aujourd'hui la vraie méthode

de choix dans la cure de l'ataxie.

Les autres procédés sont entrés à peu près complètement dans le

domaine de l'histoire : la suspension, l'élongation de la moelle ou des

nerfs ont donné quelques résultats si fâcheux et ont paru parfois si dan-

gereux que, malgré l'impression favorable qu'avaient paru produire

certains succès plus ou moins nets du début, on les a maintenant entiè-

rement abandonnés, L'électrisation faradique et galvanique et le massage

ont leurs indications surtout dans les troubles parétiques ou atrophiques

du tabès, ainsi que pour atténuer certains troubles sensitifs et comme

tonique général dans cette maladie essentiellement cachectisante ; ils

peuvent donc être d'un utile secours, mais ils ne paraissent avoir aucune

action directe contre l'incoordination elle-même (Constensoux).

PRINCIPES GÉNÉRAUX DES DIFFÉRENTES MÉTHODES

DE RÉÉDUCATION MOTRICE

La rééducation motrice, telle qu'elle était pratiquée depuis longtemps

déjà avec succès dans certaines paralysies, hémiplégie, paraplégie spas-

modique, paralysie agitante, etc., avait donné d'assez mauvais résultats

dans le traitement de l'alaxie du tabès, quand Frenkel (de Hciden) eut

1 idée de la pratiquer dans cette maladie selon des principes absolument

nouveaux. ,

Les exercices de. rééducation des paralytiques avaient pour but essen-

tiel de rendre plus ou moins complètement aux muscles la force qu'ils

avaient perdue d'abord par le défaut d'influx nerveux, ensuite par le

manque d activité, souvent aussi en partie par la perte de confiance du

malade en un retour de sa inutilité. Il s'agissait donc d'exercices de force :

exécutés ou non tout d'abord sous l'eau pour diminuer le poids du

membre, les mouvements des différents segments devaient avoir la

PnATh¡UE NKumu . 50

[A. LÉRI 1

786 TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS.

plus grande puissance possible ; ils étaient arrêtés par la sensation de

fatigue ; le massage et l'électrisation contribuaient à rendre aux muscles

leur volume et leur pouvoir contractile.

De tels principes étaient évidemment inapplicables aux incoordinations.

Nous avons dit qu'il y a deux grandes variétés d'incoordinations actuelle-

ment isolées, l'incoordination cérébelleuse et l'incoordination ataxique;

ni dans l'une ni dans l'autre ce n'est la force qui fait défaut aux muscles,

ni dans l'une ni dans l'autre il n'y a de paralysie ou d'atrophie.

La physiologie pathologique et la pathogénie de la titubation céréhel-

leuse sont, il est vrai, à peu près inconnues; on sait seulement qu'il ne

s'agit aucunement d'une faiblesse des muscles isolés. Mais l'asynergie

cérébelleuse est bien mieux étudiée dans ses déterminations palhogé-

niques ; or, dans l'asynergie cérébelleuse, ce qui manque, c'est la faculté

d'exécuter synergiquemenl les mouvements des différents segments du

corps, mais nullement le pouvoir d'exécuter isolément, et avec force, le

mouvement de chacun de ces segments : la rééducation devrait donc se

proposer pour but de faire « composer » avec des mouvements élémen-

taires des mouvements de plus en plus complexes; des tentatives de cet

ordre n'ont pas donné jusqu'ici de résultat. Nous ne savons encore si une

lésion limitée des centres ou des conducteurs cérébelleux altère défi-

nitivement la fonction de coordination du cervelet, si l'on ne peut trans-

férer par l'exercice à une portion intacte du cervelet le pouvoir coordi-

nateur qui siégeait dans la partie lésée : la rééducation des cérébelleux

asynergiques ne nous parait pas impossible a priori, mais on ne connait

pas encore de méthode qui s'applique il ces malades.

Pour ce qui est de 1*'(ilaxie, on est aujourd'hui tout autrement pourvu.

On sait que l'ataxie, et particulièrement t'ataxie tabélique, due essentiel-

lement il la lésion des conducteurs sensitifs, racines et cordons posté-

rieurs, est avant tout un trouble sensitif : si le malade exécute mal les

mouvements les plus simples, c'est surtout parce qu'il ne sent pas avec

quelle force ses muscles se contractent, parce qu'il a perdu plus ou moins,

avec la sensibilité cutanée, la sensibilité profonde, musculaire, articulaire

et osseuse; s'il exécute plus mal encore les mouvements plus complexes,

c'est avant tout parce qu'il ne sent pas quelle vigueur relative il donne à

chacun des mouvements élémentaires. Mais ce n'est nullement parce que

chacun de ses muscles ou de ses groupes musculaires n'a pas la force

d'accomplir le mouvement : au contraire, le mouvement s'accomplit

presque toujours avec trop de force, et, tout anormal et irrégulier qu'il

soit, quand il atteint au but, il le dépasse presque toujours. Le traitement

idéal de l'ataxie consisterait donc à rendre aux différentes parties, super-

ficielles et surtout profondes, leur sensibilité normale; on ne connait pas

de moyens de rétablir la sensibilité perdue, mais la méthode de rééduca-

tion de Frenkel se propose de tourner la difficulté en utilisant ce qui reste

de sensibilité.

Par un exercice patient et prolongé composé de mouvements passifs et

PRINCIPES GÉNÉRAUX DES DIFFÉRENTES MÉTHODES DE RÉÉDUCATION MOTRICE. 787

de mouvements actifs, pratiqué méthodiquement sous la direction

constante de l'éducateur et sous le contrôle permanent de la vue du

malade lui-même, cette méthode l'habitue à savoir quelle dose de sensi-

bilité, pour ainsi dire, répond à telle ou telle contraction musculaire;

naturellement moindre qu'à l'état normal pour une même contraction,

puisque d'une façon générale la sensibilité des memhres ataxiques est

diminuée. Ces exercices, appliqués bien entendu étectivemcnt à tels ou

tels muscles ou à tels ou tels mouvements, éduquent donc la sensibilité

« nouvelle » et, jusqu'à un certain point, l'affine en faisant sentir au

malade des contractions qu il aurait à peine ou pas senties s'il ne les

avait pas vues.

Cette rééducation rend aussi au malade la confiance en la possibilité

d'exécuter à nouveau des mouvements coordonnés; elle lui rend en outre

la notion de certains mouvements simples qu'il est utile d'exécuter suc-

cessivement ou simultanément pour arriver à un acte plus compliqué,

l'acte de s'asseoir ou de se lever par exemple; les malades perdent très

facilement l'habitude de ces mouvements associés et les « oublient »

souvent avec une extrême rapidité (').

. CONDITIONS NÉCESSAIRES POUR LA RÉÉDUCATION DES ATAXIQUES

On comprend que, pour que cette rééducation puisse donner des

résultats, il faut qu'un ensemble de conditions se trouvent réalisées :

1° Il faut que les membres à rééduquer aient conservé une certaine

sensibilité, puisque c'est cette sensibilité restante que l'on utilise et que

l'on développe; moins l'anesthésie sera prononcée, plus la rééducation

aura de chances d'être rapide et complète.

" Il faut que l'anesthésie ne soit pas trop rapidement progressive,

car un malade, qui s'est habitué à éprouver une sensation donnée pour

une contraction musculaire d'une intensité donnée, aura besoin d'une

nouvelle rééducation si la sensation devenait rapidement moindre pour

la même contraction; d'une façon générale, il faut éviter avec soin pour

commencer une rééducation les périodes d'évolution aiguë ou subaiguë

que l'on observe parfois dans le tabes.

5° Il faut que le malade ait conservé la vision, car c'est seulement

le contrôle de la vue qui permet au malade de se rendre compte de la

force de ses contractions et de la sensation qu'il devra éprouver le jour

où, la rééducation terminée, il devra les exécuter sans regarder ses mem-

hres. Dans la presque totalité des cas, les tabétiques aveugles ne sont pas

réétlucaliles; très exceptionnellement pourtant, chez des tabétiques peu

anesthésiques, particutièrement intelligents et attentifs, et en usant de

certains subterfuges comme l'utilisation du tact ou de l'ouïe, on peut

arriver à rééduquer plus ou moins des tabétiques aveugles.

I. Nous négligeons ici les principes de la rééducation motrice dans les tics; nous

l étudierons il l'arlicle « Tics » et nous verrons alors qu'il s'agit plus d'une rééducation

de la volonté que d'une rééducation de la motilité.

[A. LÉRI.]

788 TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS.

4° Il faut que le malade soit suffisamment intelligent pour com-

prendre ce qu'on attend de lui, suffisamment attentif pour surveiller

constamment des yeux tous les exercices, suffisamment patient pour se

prêter à la longueur du traitement, à la lenteur des progrès et à la

minutie des exercices, pas trop pusillanime ou trop phobique pour

craindre exagérément toute tentative de mouvement qui lui paraît menacer

son équilibre. Bien entendu, aucune tentative de rééducation ne peut être

faite chez des aliénés, par exemple des tabétiques paralytiques généraux,

même tout au début de leur lésion cérébrale. Frenkel cite les anciens

officiers, intelligents, soigneux, habitués à la discipline et audacieux,

comme particulièrement aptes à la rééducation. '

5° Il faut que l'éducateur soit très au courant de la physiologie des

mouvements, qu'il sache apprécier dans chaque cas le siège et le degré

des troubles sensitifs, la nature des mouvements compromis et les

exercices les plus appropriés à rendre à ces mouvements, simples ou

complexes le degré de coordination suffisant au rôle ordinaire qui leur

est dévolu dans l'existence courante.

NOTIONS PRATIQUES GÉNÉRALES ^|f

L'un des principes essentiels, est d'éviter avec soin les mouvements

brusques ou violents et les mouvements excessifs : les fortes contrac-

tions musculaires vont à l'encontre du but qu'on se propose, qui est au

contraire de régler, en les modérant, les déplacements des membres ou

des segments de membre. De plus, les mouvements forcés amènent à l'étal

normal la fatigue, sensation favorable en ce qu'elle arrête les mouve-

ments au moment où ils deviennent nuisibles et épuisants pour les

muscles; or, la sensation de fatigue est très atténuée ou nulle dans les

membres ataxiques : les mouvements forcés n'en sont que plus à redou-

ter. Enfin, on sait avec quelle facilité peuvent se produire chez les tabé-

tiques, atteints de troubles trophiques multiples, les ruptures muscu-

laires et les fractures dites spontanées.

Pour les mêmes raisons, on évitera soigneusement les séances trop

prolongées et de préférence on les répétera en les espaçant. D'une façon

générale, les séances dureront au maximum une demi-heure ; elles seront

composées d'un certain nombre d'exercices d'une durée de quelques

minutes suivis de repos; elles seront répétées deux ou trois fois dans une

journée (').

Ce qu'on demandera uniquement aux mouvements chez les tabétiques,

c'est l'exactitude, la souplesse, l'adresse. Pourtant on devra faire des

différences suivant les mouvements à exécuter : il est bien évident que

ces qualités seront bien plus utiles pour les membres supérieurs, pour

les doigts tout particulièrement, que pour les membres inférieurs; quel-

1. Pour éviter la fatigue, Frenkel recommande de ne pas faire simultanément la

rééducation et la cure balnéaire; les médecins de Lamalou admettent au contraire les

deux cures combinées.

NOTIONS PRATIQUES GÉNÉRALES. 789

ques centimètres de plus ou de moins dans la longueur des pas n'empê-

cheront pas un tabétique de marcher; quelques millimètres de plus ou

de moins dans l'acte de préhension l'empêcheront totalement de saisir

un objet et de s'en servir, par exemple de prendre son porte-plume et

d'écrire. Encore faudra-t-il distinguer suivant différentes conditions et

en particulier suivant la profession des malades; il sera superflu d'obte-

nir d'un sujet une guérison absolue hors de proportion avec les obliga-

tions de sa vie courante, et, par exemple, on exigera plus, pour la

rééducation des doigts, d'une couturière, d'un dessinateur, d'un horloger,

d'un barbier, que d'un charretier ou d'un boucher.

Toutes ces notions paraissent très évidentes; il ne nous a pourtant

pas paru superflu de les rappeler, parce qu'elles sont trop souvent négli-

gées dans la pratique, où fréquemment on oublie le but de la méthode

et compromet ainsi ses résultats.

Ce sont d'ailleurs les seules notions qu'il soit utile de bien posséder;

les exercices eux-mêmes peuvent être variés à l'infini, suivant le siège

et l'intensité des troubles ataxiques et suivant l'ingéniosité de l'éducateur.

Aussi n'est-ce que pour servir d'exemple pour la pratique que nous

signalerons les principales séries d'exercices préconisées par Frenkel.

™^ TECHNIQUE

A) Membres inférieurs. La rééducation des membres inférieurs

comprend des exercices au lit, éliminant le poids du corps et son main-

tien en équilibre, et des exercices de marche. L'importance relative qu'il

convient de donner à ces deux séries d'exercices varie naturellement sui-

vant le degré de l'ataxie à chaque période de la cure. Les exercices des

membres inférieurs dans la position debout, nécessitant le maintien en

équilibre sur une seule jambe plus prolongé que dans la marche, con-

stituent une complication des exercices démarche, complication en géné-

ral superflue et qui ne doit en tout cas servir qu'a parfaire le traitement.

Les exercices des membres inférieurs au lit peuvent être exécutés sans

appareils ou avec des appareils ; les exercices sans aucun appareil sont

très suffisants pour arriver il l'incomplète précision que l'on exige de ces

membres dans la vie courante.

A) Exercices sans appareils. 1° Exercices alternatifs de chaque

membre inférieur. Fléchir la jambe au genou et à la hanche en glis-

sant le talon sur le lit, l'étendre de même; varier ce mouvement, en fai-

sant arrêter le pied à mi-chemin d'abord à la volonté du malade, puis au

commandement de l'éducateur; le compliquer en faisant porter la jambe

Iléchie en abduction, puis la faisant ramener en adduction avant de

l'étendre.

Hécinr une jambe en glissant le talon sur le tibia de l'autre jambe,

jusqu'à amener le talon sur la rotule, l'étendre de même jusqu'au cou-de-

pied, puis jusqu'à la pointe du pied ; varier de la même façon ce mouve-

ment en faisant arrêter le pied en chemin, à volonté et au commandement.

[A. LÉRI 1

790 TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS.

Fléchir une jambe sans glisser le talon, mais en le soulevant au-dessus

du lit, l'étendre de même; varier ce mouvement en faisant porter le pied

sur le lit dans l'angle formé par la cuisse et la rotule, sur le milieu de la

jambe, sur le cou-de-pied, sur les orteils; dans tous ces exercices arrêts

à volonté ou au commandement; compliquer le mouvement en combinant

les arrêts. Une succession de mouvements de ce genre, très importante

et très utile, est la suivante : talon sur le genou, sur le lit à côté du

genou, extension à mi-jambe, talon sur le milieu de la jambe, talon sur le

la même hauteur, extension jusqu'au cou-de-picd, talon sur le cou-

de-pied, talon sur le lit à la même hauteur, talon sur les orteils, exten-

sion normale; ou mouvement combine en sens inverse.

1'airc lés mêmes mouvements, le talon ne se soulevant plus au-dessus

du lit, mais au-dessus du tibia sans le loucher : arrêts à volonté, au

commandement, arrêts sur le doigt de l'éducateur posé à un niveau quel-

conque du tibia, arrêts en divers points de la paumc de la main du

médecin.

Fléchir une jambe, l'élever de façon à la mettre à angle droit avec la

cuisse, l'étendre et la reposer doucement; élever une jambe allongée, la

fléchir à angle, droit sur la cuisse, l'étendre; fléchir une jambe, la mettre

à angle droit sur la cuisse, l'étendre complètement en l'air, la reposer

sur le lit.

2° Exercices simultanés des deux membres inférieurs. On peut

varier à l'infini ces exercices en faisant exécuter par l'un et l'autre des

membres inférieurs des mouvements semblables à ceux que nous venons

-de décrire, et cela dans des conditions différentes : 1° les deux .membres

exécutant simultanément le même mouvement; 2° les deux membres

exécutant alternativement des mouvements soit semblables, soit dissem-

blables; 5° les deux membres exécutant simultanément des mouvements

dissemblables. Exemples : .

1° Fléchir et étendre les deux jambes, les malléoles et les genoux res-

tant en contact : complètement ou à mi-chemin, arrêts à volonté ou au

commandement, en glissant les talons sur le lit ou en les soulevant.

2° Fléchir les deux jambes, étendre l'unc, la replier, étendre l'autre,

la replier, les étendre toutes deux : mêmes variations possibles.

5° Fléchir une jambe, l'étendre en même temps qu'on fléchit l'autre;

porter l'une fléchie en abduction en même temps qu'on étend l'autre;

glisser le talon sur le tibia de l'autre jambe pendant que celle-ci se fléchit

et s'étend; fléchir et étendre une jambe en la glissant sur le lit et l'autre

en la soulevant, etc

Ces exercices ne devront pas, bien entendu, être exécutés dans l'ordre

où nous venons de les décrire; on fera d'abord exécuter les plus simples,

aussi bien avec les deux membres inférieurs qu'avec un seul membre,

pour passer ensuite aux plus complexes; dans les séances ultérieures,

quand on sera renseigné sur le degré et le siège de l'ataxie, on éliminera

les mouvements trop simples et l'on insistera sur ceux dont la coordina-

TECHNIQUE. 791

tion laisse le plus nettement à désirer et qui paraissent les plus utiles.

Parmi les mouvements utiles, on choisira ceux qui nécessitent le mini-

mum de travail musculaire et le maximum d'action coordinatrice ; on

n'oubliera pas que les mouvements qui exigent la plus forte contraction

musculaire sont les plus faciles, les malades compensant l'insuffisance de

leur sensibilité musculaire par des contractions plus fortes, mais qu'ils

ne sont pas les plus utiles; la rééducation doit surtout limiter les mou-

vements, ceux-ci doivent rester en deçà de leur amplitude normale.

Pour être exécutés avec sécurité, ces mouvements limités doivent être

exécutés lentement : il faut combattre la tendance à l'accélération qu'ont

tous les malades au début.

Les plus simples de ces mouvements sont encore trop compliqués quand

il s'agit d'ataxie très avancée : dans ce cas il faut au début limiter les

mouvements à une seule articulation, il faut commencer par la rééduca-

tion de la paralysie (stade « paralytique » du tabes) avant de pouvoir

pratiquer la rééducation de la coordination.

B) Exercices avec appareils. On a imaginé de nombreux appareils

plus ou moins simples pour donner de la précision aux mouvements exé-

cutés par les membres inférieurs au lit : leur utilité est très contestable

et en tout cas très restreinte. En voici quelques-uns :

Une jarretière portant un disque de bois : la jarretière est fixée à diffé-

rentes hauteurs sur une jambe, le talon opposé doit venir reposer sur le

disque de bois.

Une barre de bois horizontale, placée au-dessus du lit, repose à chaque

extrémité sur un support; chaque support peut glisser sur le rebord du

lit; la barre peut être élevée ou abaissée le long des supports. Cette barre

peut être ainsi placée plus ou moins près du corps et à une hauteur plus

ou moins grande. L'exercice consiste à poser un pied ou les deux pieds

sur la barre dans ses différentes positions.

La barre de bois de l'appareil ci-dessus est remplacée par une planche

portant de petites planchettes verticales qui présentent elles-même des

entailles concaves : le malade doit porter le cou-de-pied dans ces en-

tailles.

Une planche percée de deux rangées de trous elliptiques (de 10 centi-

mètres dans leur plus grand diamètre) est fixée sous le siège et les mem-

bres inférieurs du malade. L'exercice consistera porter l'un ou l'autre

talon successivement dans chaque trou ou au commandement dans tel ou

tel trou.

Des cercles métalliques de différents diamètres (de 26 à 50 centi-

mètres) peuvent être présentés à différentes hauteurs et à différentes dis-

tances au-dessus des membres inférieurs du'malade au moyen d'une tige

de fer portant des articulations à boules; ces ^cercles peuvent aussi être

présentés il la main. L'exercice consiste à passer un pied dans le cercle,

autant que possible sans le toucher.

Les exercices de marche peuvent être pour la plupart exécutés

[A LÉRI,]

792 TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS.

sans appareils. Us doivent être exécutés sur un sol bien plat, dans une

salle suffisamment longue pour ne pas nécessiter un demi-tour trop fré-

quent (20 mètres environ) ; ils sont grandement facilités par un certain

nombre de dessins simples tracés sur le plancher. Ces dessins sont, par

exemple, les suivants (Frenkel) :

Bande noire dont la longueur est celle de la salle, dont la largeur égale

21 centimètres, c'est-à-dire celle des deux pieds chaussés et placés parant-

lèllenient. Bande noire semblable, mais de il centimètres de large, c'est-

à-dire de la largeur d'un seul pied.

Bandes noires pareilles aux précédentes, mais subdivisées par de lar-

ges raies blanches transversales en tronçons de ü;) centimètres ¡longueur

d'un grand pas ou pas entier) ; chaque tronçon est divisé en 2 par une

raie moins large (50 cential.- demi-pas) ; chacun de ces demi-tronçons

est lui-même divisé en deux par une raie encore plus étroite (15 contint.

= quart de pas ou petit pas).

Bande de 21 centim. en zigzag de C5 centim. de côté.

Empreintes des pieds, les talons réunis, les pointes normalement écar-

tées (de façon que la distance transversale maxima des empreintes = ? il

centim.). '

Empreintes des pieds disposéesen rosace, marquéescnnoir. en hachures

ou en pointillé, indiquant la place que doivent venir occuper les pieds

pour tourner à droite ou à gauche.

La description sommaire de ces dessins permet de comprendre com-

ment on peut, en les utilisant, arrivera faire exécuter avec assez de pré-

cision les exercices suivants :

Marcher lentement en avant, d'abord à volonté suivant l'état du malade,

puis en corrigeant successivement : l'exagération de la rotation de la

jambe en dehors, de façon que l'angle du pied et de la ligne de direction

ne dépasse pas 45°; -l'exagération de la base de sustentation, de façon

à réduire la distance des talons à 20 centim. d'abord, puis à les amener

progressivement au contact; l'exagération ou la diminution de lon-

gueur du pas, de façon à obtenir des pas réguliers, pas moyen de 30 cen-

tim. environ, petits pas de 15 centim., grands pas de <i3 centim. (ces

derniers ne devront être obtenus qu'à une période avancée de la cure).

Faire des demi-pas, des trois quarts de pas ou des quarts de pas en

avant : pas séparés ou séries de pas.

Faire des demi-, trois quarts et quarts de pas sur le côté, à droite et

à gauche : mouvements plus faciles que ceux de la marche en avant,

parce que le corps se maintient [tins aisément en équilibre.

Faire des demi-, quarts et huitièmes de pas en arrière : mouvements

plus difficiles.

Marcher les pieds l'un devant l'autre, sur la bande étroite.

Marcher en zigzag, en série régulière.

Changer de direction, tourner : l'un des pieds exécute une légère rota-

tion, le talon servant de pivot, l'autre pied se soulève et vient se mettre

TECUQDE. 793

auprès du premier. L'angle de rotation, d'abord laissé il la volonté du

malade, sera ensuite indiqué par le médecin au. moyen de lignes tracées

sur le sol.

Marcher les genoux fléchis : on évite ainsi de trop compter sur l'écluili-

bre peu stable obtenu dans la position verticale par la pression récipro-

que des os plus que par l'action synergique des extenseurs et des fléchis-

seurs. C'est un des mouvements les plus difficiles chez les tabétiques et

qu'on utilisera le plus tardivement.

Quand les malades exécutent bien seuls les principales modalités de la

marche, il. peut être utile de les associer entre eux et de faire exécuter

il plusieurs malades ensemble des exercices de marche en avant ou de

côté, à volonté ou au commandement. Un bon procédé pour obtenir la

sûreté et la promptitude des mouvements (non pas la brusquerie du

déplacement des jambes, mais le raccourcissement des intervalles) néces-

saires à la marche normale consiste à placer les malades l'un derrière

l'autre à la distance d'un seul pas : de cette façon le pied de l'un doit se

mettre immédiatement il la place même du pied de celui de l'autre, le

malade d'arrière attendant la place que celui d'avant va laisser libre.

Au lieu d'être semblables, les exercices d'ensemble peuvent être dis-

semblables et plus complexes : par exemple, deux malades vont l'un au-

devant de l'autre; au moment de la rencontre l'un d'eux s'écarte, à vo-

lonté ou au commandement; des malades allant en sens inverse circulent

en 8 entre des chaises ; deux' malades se livrent entre eux à une sorte de

lutte en cherchant d'une main à se déplacer mutuellement, etc.

Comme appareil pour la rééducation de la marche, Frenkel emploie

une croix de bois, surmontée ou non de barres d'appui, sur laquelle se

trouvent dessinées des lignes numérotées indiquant, en partant du centre,

la place de la pointe du pied dans une série de petits pas en avant, en

arrière, à droite et à gauche; cet appareil peut être remplacé par un

simple dessin sur le parquet ou seulement par les bandes subdivisées

dont nous avons parlé. Leyden et Jakob emploient un appareil comprenant,

des barres parallèles à hauteur des mains et, à terre, des cavités mar-

quant la place des pieds. Goldscheider emploie une chaise roulante et des

barres parallèles avec des obstacles constitués par des planchettes

dirigées en sens divers. Frenkel refuse toute valeur à ces appareils, pré-

cisément parce qu'ils ont essentiellement pour but de soutenir le tronc

pendant les mouvements des jambes, alors qu'il importe au premier chel'

d'éduquer le tronc en même temps que les jambes, son équilibre sur les

membres inférieurs étant absolument indispensable à la marche.

En lait, un seul appareil est vraiment nécessaire pour la rééducation

de la marche, c'est un escalier de deux ou trois degrés bas et larges, muni

d une rampe ou de deux rampes mobiles. La montée et la descente d'un

escalier est un exercice très difficile, mais des plus utiles : il doit être

lente il une période avancée de la cure ou dans les cas d'ataxie faible,

avec rampe d'abord, puis sans rampe. Il faudra que le malade puisse

[A. LENT]

794 TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS. 1

réapprendre à se tenir en équilibre sur une jambe pendant que l'autre,

fléchie, se soulève et se porte en avant, puis à soulever tout le poids du

corps sur la jambe placée en avant qui se redresse. On voit combien cet

exercice est complexe.

En dehors de ces deux variétés d'exercices des membres inférieurs ,

exercices au lit et exercices de marche, il sera parfois utile de faire exé-

cuter quelques exercices dans la position assise; mais ceux-ci ne sont

vraiment indiqués que dans des cas bien déterminés. Par exemple, quand

le malade présente de l'anesthésie plantaire avec une grosse incoordi-

nation, il sera utile de lui rendre autant que possible la notion du contact

du sol en lui faisant, dans la position assise, élever la cuisse, le genou

fléchi, puis reposer le pied sur le sol en le frappant avec force; en lui

faisant chausser de forts brodequins, on pourra utiliser pour le mieux,

outre le sens de la vue et la sensibilité générale, les sensations auditives.

Beaucoup plus souvent il est indispensable de réapprendre aux ma-

lades à se lever et à s'asseoir ; ces actes sont composés d'un certain

nombre de mouvements simples qui généralement sont exécutés sépa-

rément avec la plus grande aisance, mais dont la succession est oubliée

très rapidement par des sujets depuis quelque temps alités. Il faut

apprendre aux malades que, pour se lever, il est indispensable, avant

d'étendre les genoux, de ramener les jambes sous le corps et en arrière,

puis de fléchir le tronc en avant. Pour s'asseoir, il importe de leur bien

enseigner qu'ils doivent, en même temps qu'ils fléchissent lentement les

genoux, incliner le tronc fortement en avant. La rééducation de ces mou-

vements est ordinairement des plus aisée.

Tous ces exercices des membres inférieurs seront pratiqués sous le

contrôle constant des yeux, puisque, comme nous l'avons dit, c'est par la

vue que le tabétique qu'on rééduque doit compenser en partie la perte de

sa sensibilité superficielle et profonde. Aussi, pour les exercices de

marche, il importera que les femmes soient vêtues d'un costume de gym-

nastique qui leur permette de voir leurs pieds. Pourtant un homme

normal ne marche pas en regardant ses pieds, et, pour que la cure de

rééducation soit vraiment satisfaisante, il est nécessaire que le sujet

puisse marcher en regardant en face de lui; ceci est vrai pour tous les

sujets, mais tout particulièrement pour les femmes que leur jupe em-

pêche dans la vie courante de voir leurs pieds. Aussi, quand les malades

auront appris, par des exercices suffisamment prolongés sous le contrôle

des yeux, à mieux utiliser les restes plus ou moins importants de leur

ensibilité, il faudra les habituer progressivement à marcher en regar-

dant au loin, en face d'eux, ou même en l'air ou sur le côté; ils con-

servent ainsi les yeux ouverts et peuvent prendre encore des points de

repère sur les objets environnants. Il est plus difficile généralement de

les faire marcher les yeux fermés, c'est-à-dire en supprimant même ces

points de repère : cet exercice a certainement un intérêt pratique

moindre, mais encore manifeste (marche la nuit, etc.); on y recourra ou

TECHNIQUE. 795

non suivant le degré de sensibilité et suivant le degré de rééducation que e

l'on aura pu obtenir.

Dans les exercices au lit, il pourra être utile de faire parfois fermer les

yeux dans deux buts différents : 1° avant le commencement de la cure, la

comparaison des mêmes exercices exécutés les yeux ouverts et les yeux

fermés permettra de se rendre compte de l'intensité des troubles sensitifs

et d'établir ainsi, jusqu'à un certain point, un pronostic; 2° au cours de

la cure, et à une période plus ou moins avancée, il sera bon, de temps en

temps, de faire fermer les yeux pour faire exécuter au malade de véri-

tables « exercices de sensibilité » : ces exercices seront exécutés de deux

façon : a) le médecin donne à un membre inférieur telle ou telle position

sous les yeux du malade; puis le malade ferme les yeux et doit donner à

l'autre membre une position analogue; il rouvre alors les yeux et corrige

ses erreurs; b) le malade, les yeux fermés, doit mettre directement un

membre inférieur dans telle position commandée par le médecin; puis il

ouvre les yeux et corrige la position obtenue.

B) Tronc. La rééducation des mouvements du tronc est le complé-

ment presque toujours indispensable de la rééducation des mouvements

des membres inférieurs. La marche n'est possible que grâce au maintien

en équilibre du tronc sur les membres inférieurs, et le plus léger chan-

gement dans la position des jambes ne va pas sans un changement corres-

pondant dans celle du tronc. Or, dans le tabes, les muscles et les arti-

culations de la colonne vertébrale sont rarement assez anesthésiques

pour que le tronc vacille ou que le malade ne puisse se tenir assis, car

la lésion médullaire siège généralement au-dessous de la zone qui innerve

le tronc; au contraire, l'articulation de la hanche présente presque tou-

jours chez les ataxiques un certain degré d'hypoesthésie qui rend difficile

le maintien en équilibre du tronc sur les jambes.

Les exercices de coordination du tronc devront être déjà pratiqués au

lit; ils consisteront en mouvements de flexion et d'extension, avec incli-

naison variée d'une partie ou de la totalité du tronc en avant ou en

arrière, à droite ou à gauche.

Mais c'est surtout dans la station verticale et dans la marche que les

mouvements propres du tronc devront être surveillés; il faudra décom-

poser les pas et apprendre au malade par des exercices répétés : 1° à à

porter tout le poids du corps sur une jambe par une inclinaison latérale

du tronc, en même temps que le pied opposé se soulève du sol par une

flexion de la cuisse, puis s'avance par une extension de la jambe; 2° à

incliner ensuite le corps en avant de façon il permettre au pied soulevé

de reprendre contact avec le sol; 5° à redresser ensuite le tronc et à l'in-

cliner du côté opposé.

Un léger degré d'hypotonie peut parfois être plus avantageux que nui-

sibte dans ces exercices de marche, parce qu'un faible genu recurvatum fait

mieux reposer en ligne droite qu'il l'état normal les condyles articulaires

du fémur sur les plateaux tibiaux. Un degré plus accentué d'hypotonie

[A. LÉRI.]

796 TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS.

doit être corrigé au préalable par l'application d'un appareil, formé

essentiellement de deux gouttières, l'une pour la cuisse, l'autre pour la

jambe, réunies au niveau du genou par une articulation qui ne permet

pas l'inclinaison en avant.

Une incoordination plus grande du tronc pourra parfois être corrigée

par un corset rigide (Hessing) qui soulage la musculature vertébrale,

mais sans influer directement sur la statique des hanches.

Pour soutenir le tronc pendant la marche, Leyden et Goldscheider

recommandent l'emploi des barres parallèles; comme le malade peut les

abandonner plus ou moins complètement, elles pourraient lui permettre,

jusqu'à un certain point, de se rendre compte des incorrections d'atti-

tudes de son tronc et de graduer lui-même le soutien nécessaire. Frenkel

repousse l'emploi de ces barres comme donnant au tronc un appui trop

fixe et recommande, pour les tabétiques très incoordonnés des jambes et du

tronc, l'emploi d'une très large ceinture en sangle, entourant la poitrine

du malade, fermée en avant par de solides courroies et munie en arrière

et sur les côtés de fortes poignées de bois. Le malade peut être ainsi com-

plètement soutenu et même soulevé et maintenu en l'air par deux infir-

miers ; on peut ainsi éduquer ses membres inférieurs sans avoir à

s'occuper de l'équilibre du tronc, et éduquer ensuite son tronc en

provoquant les inclinaisons antéro-postérieurcs ou latérales, en diminuant

plus ou moins l'importance du soutien sans qu'il y ait à craindre de

chute. Cette ceinture aurait permis à Frenkel d'obtenir d'excellents résul-

tats chez des ataxiques même très gravement atteints.

C) Membres supérieurs. Le traitement rééducateur des membres

supérieurs peut se faire, comme celui des membres inférieurs, avec ou sans

appareils. La rééducation des parties proximales du membre, bras et avant-

bras, ne comporte pas d'appareils spéciaux : elle consiste seulement dans

des exercices simples de flexion et d'extension, d'abduction et d'adduc-

tion, de rotation en dehors et en dedans des articulations correspon-

dantes. La rééducation de la main et des doigts peut aussi se faire sans

appareils : elle consiste alors à faire exécuter un certain nombre de mou-

vements plus ou moins simples des doigts (parmi lesquels il ne faut pas

négliger l'opposition de l'extrémité du pouce à l'extrémité des autres

doigts, mouvement précocement altéré dans le tabès), à faire suivre

quelques schémas ou dessins, il faire toucher du bout des doigts certains

points déterminés, enfin à faire exécuter progressivement certains actes

de la vie courante, tels que écrire, dessiner, boulonner ses vêtements,

jouer du piano, etc.

Mais la précision que l'on est en droit d'exiger des mouvements des

doigts rend beaucoup plus nécessaire l'emploi des divers appareils que

pour la rééducation des jambes.

Voici un certain nombre d'appareils décrits par Frenkel, mais que l'on

peut soi-même modifier suivant les besoins et suivant les ressources dont

on dispose :

TECHNIQUE. 797

Une règle triangulaire porte sur une de ses arêtes une gouttière qui

la parcourt ; cette règle peut être rendue mobile dans tous les sens sur

un support. L'exercice consiste à parcourir la gouttière en ligne droite

avec la pointe d'un crayon; le crayon enregistre les irrégularités. Varier

l'exercice en empêchant d'appuyer le crayon ou en faisant parcourir une

arête sans gouttière.

Une planchette porte des godets numérotés sur tout son pourtour et à

son centre. L'exercice consiste à introduire le doigt successivement dans

les différents godets. On varie l'exercice en faisant introduire le doigt

d'abord dans tous les godets, puis dans un godet sur deux ou trois, puis

dans divers godets au commandement de façon à éviter de la part du

malade toute innervation préparatoire; on le varie encore en faisant

mettre la main du malade derrière la tête de façon qu'il ne puisse la

voir avant d'exécuter l'exercice qui devra être fait le plus rapidement

possible. Une double planchette, inclinable à volonté sur un support,

permet des exercices simultanés et très variés des deux mains.

Une planchette portant des séries de chevilles permet de procéder non

seulement à des exercices de points à atteindre, mais à des exercices de

progression des doigts d'une cheville à l'autre; un bon exercice consiste

à laisser un ou plusieurs doigts immobiles alors que les autres continuent

l'exercice.

Une planchette porte des trous régulièrement espacés dans lesquels le

malade doit introduire des clavettes : cet exercice est plus compliqué, à

la fois parce que l'acte d'introduire un piton dans un petit trou est assez

malaisé et parce que le malade doit porter en même temps son attention

sur deux objets, la planchette et la clavette.

Une petite potence porte des boules de différentes grosseurs suspen-

dues par des fils; ces boules sont mises en mouvement, le malade doit

les saisir dans leur course, d'abord à volonté, puis au commandement.

On varie encore l'exercice en faisant lancer les boules sans qu'elles cho-

quent les voisines, en faisant saisir plusieurs boules simultanément ou

alternativement, en faisant saisir une boule sans en lâcher une autre, etc.

Des disques semblables à ceux d'un jeu de dames, mais de différentes

tailles et de différentes couleurs, sont empilés soit à volonté soit dans un

ordre commandé; l'acte de désempiler les disques isolément est parti-

culièrement délicat.

A ces exercices on adjoindra le calque ou la copie de dessins ou de

schémas divers qui formeront des documents à conserver pour juger

ultérieurement des progrès de la rééducation.

Enfin on ne négligera pas, dans l'intervalle des séances d'exercices,

d'occuper le malade, sous une surveillance aussi continue que possible,

aux menus travaux de la vie courante dont souvent il s'était volontiers

déshabitué : on le fera écrire non seulement au crayon, mais à l'encre,

dessiner, boutonner ses vêtements, son col, nouer sa cravate, faire sa

toilette, faire de la musique, coudre ou tricoter, etc.; tous ces exer-

CA LÉRI]

798 TRAITEMENT DES INCOORDINATIONS.

cices seront, bien entendu, variables suivant le degré de l'incoordination.

D'une façon générale, la rééducation n'a de prise que sur l'ataxie; or

celle-ci n'est nullement proportionnelle, nous l'avons dit, aux troubles

de la sensibilité cutanée ; comme les troubles de la préhension sont sou-

vent dus, chez les tabétiques, à l'anesthésie cutanée autant ou plus qu'à

l'incoordination, on peut donner pour règle que le pronostic de la cure

sera d'autant plus favorable que, pour un trouble donné de la préhen-

sion, il y aura plus d'ataxie et moins d'anesthésie cutanée.

Nous avons exposé un peu longuement cette méthode de rééducation

motrice; les résultats souvent excellents qu'on en peut obtenir dans le

traitement d'une des affections organiques les plus fréquentes du système

nerveux, l'ignorance fréquente des principes essentiels qui doivent guider

l'éducateur et de la technique qu'il doit employer nous ont paru justifier

l'extension relative que nous avons donnée à cette étude dans un livre de

« pratique neurologique ».

SEMEIOLOGIE DU BULBE

par le D MOUTIER

Etage inférieur de l'encéphale, lieu d'origine d'un certain nombre de

nerfs crâniens, zone où s'entre-croisent les grandes voies sensitive et

motrice cérébro-spinales, le bulbe présente une séméiologie fort corn-

plexe. Resserrés dans une aire étroite, les centres et les faisceaux de

cette région sont fréquemment frappés en masse. Fréquemment aussi

les causes pathogènes n'atteignent point le bulbe isolément, mais lèsent

également la région pontique, d'où la fréquence des syndromes asso-

ciés, bulbo-prolubérantiels. Nous nous bornerons toutefois à présenter

ici une analyse de la séméiologie bulbaire; puis, groupant les signes mor-

bides conformément aux données cliniques usuelles, nous décrirons les

syndromes bulbaires que l'on observc le plus généralement.

Symptômes bulbaires. Au niveau du bulbe se rencontrent

les faisceaux moteurs direct et croisé, le ruban de Reil, le faisceau céré-

belleux direct. On y trouve un certain nombre de formations grises con-

tinuant à ce niveau les cornes médullaires : noyaux moteurs de l'hypo-

glosse, du spinal et du pneumogastrique, du glosso-pharyngien et du

facial en partie, noyaux sensitifs ou sensoriels de l'intermédiaire de,

Wrisberg, du glosso-pharyngien, de l'auditif et partiellement du triju-

meau. Les olives et les parolives. la formation réticulée représentent

enfin des ilôts de substance grise propre au bulbe. ,

On conçoit aisément, en se représentant le cadre osseux étroit en

lequel se resserrent le bulbe et ses émergences nerveuses, que les

influences pathogènes pourront s'excercer aussi bien en l'intimité de ses

éléments qu'à leur périphérie : aussi le bulbe est-il lésé souvent non

seulement de façon intrinsèque ou par hémorragie, ramollissement ou

dégénérescence nucléaire systématisée, mais encore par accidents extrin-

sèques,rnéningites, tumeurs ou caries osseuses.

Quelle que soit l'étiologie en cause, il quels symptômes reconnaitra-

t-on une affection bulbaire ?

On sait que les altérations protubérantielles peuvent se traduire par

une hémiplégie alterne, type Weber ou Millard-Gubler. Il existe égale-

ment un syndrome bulbaire analogue ou hémiplégie alterne inférieure.

Dans cette forme, les membres sont paralysés du côté opposé à la lésion,

[MOUTIER.]

800 SÉMÉIOLOGIE DU BULBE.

et, du côté de celle-ci, se décèle une hémiparalysie de la langue,

accompagnée d'hémiall'ophie en général prononcée. Cette hémiatrophie

est un symptôme de grande valeur, et présente une haute importance

dans la discussion des localisations. Ajoutons qu'à l'hémiplégie linguale

est souvent associée une paralysie faciale également homonyme. b

Il existe d'autres variétés de paralysies motrices, soit que le faisceau

pyramidal se trouve atteint des deux côtés, et l'on observe une hémi-

plégie double, soit que la paralysie et l'atrophie linguales demeurent iso-

lées, unies ou bilatérales, soit que, atteint avec d'autres nerfs bul-

baires, le spinal révèle sa lésion individuelle par une paralysie isolée du

sterno-cléido-mastoïdien et du trapèze. Cette dernière éventualité est,

à vrai dire, assez rare, la paralysie isolée du sterno et du trapèze relevant

surtout de lésions périphériques.

Comment se présente le malade atteint des lésions les plus habituel-

lement observées ? Négligeant l'hémiplégie des membres tout à fait

banale en ses caractères, nous nous attacherons à préciser les troubles

observés dans la sphère des nerfs crâniens. En somme, le syndrome bul-

baire classique par excellence est la paralysie labio-glosso-laryngée. Le

malade a la bouche entr'ouverte et pendante. La langue flasque, droite

ou deviée, demeure collée au plancher de la bouche. Elle est animée de

contractions vermiculaires, et la muqueuse plisséc, chiffonnée, pour

ainsi dire, semble trop large pour le muscle en voie de disparition. La

parole est empâtée (nous verrons qu'il peut y avoir anarthrie totale).

Les lettres i, r, 1, s, g, k, q, ch, d, t, ne peuvent être formées. La langue

ne peut faire progresser le bol alimentaire, et les substances introduites

s'accumulent entre les arcades dentaires et la joue. Les lèvres sont

flasques et la bouche élargie, surtout dans le rire, fendue transversale-

ment, avec de grosses lèvres éversées des commissures desquelles coule

sans arrêt un filet de salive, son faciès pleurard ou figé en une attitude

énigmatique, intermédiaire au sourire et au pleur franc. Le facies du

malade rappelle le masque de la comédie antique (Trousseau). Cependant

l'intelligence est intacte, les yeux (à moins de complications ou de syn-

dromes associés) sont indemnes; et les régions supérieures du visage

trahissent une vivacité intellectuelle que l'on ne retrouve ni chez les

myasthéniques d'Erb, ni chez les pseudo-bulbaires ( 17. les S chapitres

myasthéniques d'Erl, ni chez les pseudo-bulbaires (V. les chapitres

spéciaux à ces deux affections).

La paralysie des lèvres et des joues réduit encore le vocabulaire du

malade qui ne peut, de ce chef, prononcer o, u. b, p, m, n, c. Seule, la

voyelle a peut être émise encore. Souffler et siffler sont impossibles.

Gêné déjà par la paralysie de l'oro-pharynx, le cheminement des ali-

ments, à peine ou point du tout mâchés par suite de la paralysie des

masticateurs', est encore entravé par la paralysie des constricteurs du

1. Lorsque l'atrophie est peu prononcée, le malade, s'il n'est point. Lémiplériyue,

remédie parfois à l'insuffisance des masticateurs en soulevant et maintenant son menton

avec ses mains saines.

SÉMÉIOLOGIE DU BULBE. 801

pharynx et du voile du palais. Le bulbaire avale de travers, tousse et suf-

foque ; de plus la stase des aliments dans l'arrière-bouche détermine une

sensation de strangulation angoissante, parfois presque permanente.

Ajoutons que la paralysie du voile donne à la voix un timbre nasillard.

Lorsque les constricteurs du larynx sont pris à leur tour, la voix nasil-

larde, monotone et faible, est bitonale, rauque parfois. L'épuisement

vocal est hàtif, l'aphonie fréquente. Enfin la paralysie des dilatateurs

laryngés provoque une dyspnée permanente, sifflante, coupée de périodes

de tirage ou même de crises de sufl'ocation dramatique. '

Ajoutons que cet ensemble de lésions expose tout spécialement le

malade au danger des corps étrangers des voies aériennes, et que pour les

bulbaires chroniques la pneumonie de déglutition est une terminaison de

la plus grande fréquence.

Aux symptômes moteurs précédents se superposent, mais avec une

importance variable, des troubles sensitifs. Certains sont banaux : anes-

thésie de la bouche et du pharynx avec abolition du réflexe pharyngé ;

d'autres sont beaucoup plus rares, mais leur constatation est de haute

valeur diagnostique. Il en est ainsi de l'hémianesthésie et de l'hyperes-

thésic croisées associées à l'hémiplégie, ou des troubles sensitifs homo-

nymes du trijumeau, compliqués parfois de kératite neuro-paralytique.

On a signalé une incoordination motrice secondaire aux troubles f

sensitifs étendus et intenses; mais il peut survenir par lésion directe du

bulbe une asynergic de type cérébelleux. Cette asynergie homolatérale

est due à quelque foyer de la région supérieure du bulbe intéressant les

faisceaux ou pédoncules cérébelleux. On peut également observer des

vertiges, de la titubation, de la latéropulsion homonymes.

A la hauteur du bulbe naissent le pneumogastrique et le spinal; aussi

les troubles viscéraux et trophiques tiennent-ils une grande place dans la

séméiologie de celle région de l'encéphale. La respiration peut être des

plus gênées. L'effort expiratoire surtout est difficile. Le malade oppressé,

cyanose, présente tantôt une respiration stertoreuse régulière, tantôt un

rythme respiratoire irrégulier, affectant généralement le type de Cheyne-

Stokcs; il y a fréquemment myosis au moment de l'apnée. La toux est

difficile, sinon impossible; aussi l'asphyxie, la mort sont-elles mena-

fautes à propos de la moindre bronchite.

, Le coeur est fréquemment troublé dans son rythme. Il y a enlbryo-,

brady- ou tachycardie. Le pouls est faible, hypotendu. Les syncopes sont

fréquentes : la mort par syncope cardiaque est encore pour le bulbaire

un mode de mourir de plus à redouter.

Les sécrétions glandulaires sont hautement perturbées : il y a salivation

et sudation abondantes. La glycosurie est de fréquente observation, sans

que son mécanisme, soit bien précis, inhibition ou paralysie, action élec-

tive sur le foie ou sur le pancréas. On a noté d'énormes polyuries : des

malades, surtout dans les troubles bulbaires traumatiques, ont uriné

jusqu à 8 litres en 24 heures. L'albuminurie est rare mais peut s'observer.

Pratique nr : onm.. 51

[MOUTIER.)

802 SÉMÉIOLOGIE DU BULBE.

Ajoutons, pour en finir avec les troubles neuro-trophiques, que l'on a pu

ranger dans les complexus symptomatiques bulbaires, l'asphyxie locale

des extrémités.

II existe encore un syndrome sympathique oculaire d'origine but.

baire ; le myosis, la rétraction du globe ophtalmique, un ptosis lé7er en

sont les éléments. On a également rangé, dans le cadre qui nous intéresse

ici, des crises d'angine paroxystique pure (Brissaud, Bonnier).

. SYNDROMES ET MALADIES BULBAIRES

Les altérations bulbaires coïncident fréquemment avec des lésions pro-

tubérantielles ; aussi les syndromes observés présentent-ils souvent des

caractères mixtes. Le syndrome de Millard-Gubler rentre en général

dans cette catégorie et s'accompagne assez ordinairement d'une hémi-

plégie linguale homonyme par rapport à la paralysie faciale. Sont, plus

particulièrement bulbaires les complexus morbides où s'observent une

hémiparalysie ou une hémiatrophie linguale homonymes avec hémiplégie

croisée des membres (paralysie alterne type Revilliod-Gonkowski), ou

bien une hémiplégie croisée avec paralysie homonyme des YIIF et V" paires

avec kératite neuro-paralytique (Pierre Marie et Crouzon). Babinski et

Nageotte ont décrit un syndrome particulier, lié à des lésions de la ré-

gion supérieure du bulbe, ramollissement ou hémorragie, et caractérisé

par hémiasynergie, latéropulsion et myosis bulbaires homonymes avec

bémianesthésie et hémiplégie croisées. Enfin nous aurons à revenir sur

le groupement des syndromes nucléaires et leur valeur séméiologique.

Dans quelles conditions s'observent les complexus précédents ? De

quels facteurs pathogéniques dépendent-ils ? Quel diagnostic en un mot

est-il indiqué de porter lorsque l'on est amené à les constater ?

1° Syndromes nucléaires purs : l'hémiplégie croisée

fait défaut. 11 est d'abord une série de cas où le trouble bulbaire

porte exclusivement sur les noyaux d'origine des nerfs bulbaires et sur

leurs faisceaux eu'érents. Les grandes voies céréhro-médullaires (rnban

de Reil, faisceaux pyramidaux) échappent au processus morbide ou sont

frappées en dehors du bulbe. Il s'agit d'accidents évolutifs, se déve-

loppant en général selon un cycle peu variable, aboutissant à peu près

fatalement à la mort.

Le syndrome nucléaire bulbaire; c'est-à-dire la paralysie labio-glosso-

laryngée s'observe tantôt dans des maladies rigoureusement définies

comme le tabes, la syringomyélie, la sclérose en plaques, la sclérose laté-

rale amyoirophique, tantôt dans des infections spécifiques à localisation

nerveuse comme la tuberculose et surtout la syphilis, tantôt à la suite de

diverses infections aiguës ou intoxications alimentaires. Dans ces diffé-

rents cas, l'hémiplégie du type bulbaire précédemment individualisé fait

défaut.

SYNDROMES ET MALADIES BULBAIRES. ' 805

Paralysie labio-glosso-palato-laryngée (Charcot) à marche lente.

Poliencéphalite inférieure chronique («'ernicke). - Nous ne revien-

drons pas sur le détail symptomatique précédemment exposé. Rarement

observé avec son complet développement dans le tabès, la sclérose en

plaques ou la syringomyélie, le syndrome labio-glosso-laryngé il marche

lente s'observe également dans certaines affections familiales ; mais il

est avant tout caractéristique de la dernière période évolutive de la sclé-

rose latérale amyolrophique. Dans ces différents cas, et plus spécia-

lement dans la maladie de Charcot, le début est lent, insidieux, progres-

sif. Il ne survient dans cette dernière maladie qu'après une série de

troubles spastiques et atrophiques intéressant les quatre membres.

Quoi qu'il en soit, on observe d'abord des troubles de la motilité linguale,

de la dysartbric, de l'atrophie marquée de la langue. Les lèvres, le men-

ton sont atteints. Le faciès est hébété, pleurard. Puis se parésient le

voile du palais, le pharynx, les masticateurs. Ces différents muscles

s'atrophient, présentent des secousses librillaircs; la réaction de dégé-

nérescence s'observe à leur niveau. Les troubles respiratoires et car-

diaques entraînent finalement une issue trop constamment fatale. Il

n'existe il aucun moment de cette évolution très variable en durée (plu-

sieurs semaines à plusieurs mois et même plusieurs années, 2 il ;) au

grand maximum) le moindre trouble de la sensibilité. La mort survient

ordinairement sans modifications thermiques, à moins de complications

pulmonaires, fréquentes a vrai dire. Une syncope interrompt souvent

brutalement cette marche progressive ; mais lorsque le malade succombe

aux seuls progrès d'une irrémédiable cachexie, l'intégrité des facultés

intellectuelles contraste étrangement avec la déchéance profonde des

fonctions nerveuses.

Isolé parfois (tabes notamment), ce syndrome nucléaire est souvent

associé. On rencontre tantôt un syndrome bulbo-spinal comme dans la

sclérose latérale amyotrophique, tantôt un syndrome hulbo-protubéran-

licl ou bulho-ponio-péclonculaire (sclérose en plaques, syringomyélie par

exemple).

Le diagnostic de la paralysie Iabio-glosso-laryngée bulbaire est simple

en général : on pourrait confondre surtout ce complexus morbide avec

le syndrome pseudo-bulbaire cérébral dont nous signalerons plus loin

les caractères distinctifs. Il est aisé de ne point prendre le faciès myopa-

thiquc pour un faciès bulbaire : l'analogie est, il vrai dire, assez super-

ficielle. Elle porte uniquement sur les formes extérieures, sur le modelé

de la face. Nous verrons que les méningites ou névrites basilaires peuvent

donner un syndrome analogue au syndrome purement nucléaire.

Paralysie labio-glosso-laryngée à marche rapide. Poliencéphalite

inférieure aiguë. - Le syndrome évolue ici rapidement ; son allure est

violente et dramatique. On l'observe dans les intoxications alimentaires

ou bien dans les pyrexies telles que la fièvre typhoïde, la diphtérie, les

septicémies, les maladies éruptives, les infections hémorragiques tout

, . [MOUTIER.]

80t SÉMÉIOLOGIE DU BULBE.

particulièrement. Le début est violent, masqué parfois par le complexus

de la maladie antécédente. Il existe des phénomènes généraux inquié-

tants, céphalée, vertiges, frissons, ascension thermique. Des douleurs

nucales, des bourdonnements d'oreille accusent l'infection bulbaire, que

révèlent souvent encore de façon précoce la défaillance du coeur et les

anomalies du pouls. Ce cycle évolutif n'a plus la régularité observée

ailleurs. Les accidents cardiaques et respiratoires peuvent en effet exister

seuls, précipitant l'évolution morbide sans permettre l'apparition des

paralysies. En d'autres cas, l'allure est moins effrayante : il existe de la

dysarthie, de la dysphagie, un syndrome paralytique glosso-labié. La

face est pâle, on note une dyspnée intense sans signes d'ausculta-

tion. Des vomissements répétés épuisent le malade. L'intelligence ici

est atteinte; et la mort survient au bout de quelques jours, rarement

de quelques semaines, le plus ordinairement par syncope. Les ma-

lades peuvent guérir cependant, soit complètement, soit avec quelque

reliquat, paralysie linguale ou surdité. Ce syndrome bulbaire aigu est

maintes fois la dernière étape d'une toxi-infection spinale ascendante,

telle que l'on peut l'observer dans la paralysie de Landry et dans la

rage.

Syndrome labyrinthique ou du noyau de Deiters. Nous appellerons

syndrome labyrnlhique un complexus morbide assez touffu qu'indivi-

dualisa très heureusement Pierre Bonnier. Cet auteur le tient pour

symptomatiflue des lésions du noyau do Deiters, dont on connait les

rapports anastomotiques étroits avec les noyaux bulbo-protubérantiels

adjacents. Ce syndrome, nucléaire est caractérisé par les accidents sui-

vants : vertige avec (lerobelllent partiel ou total de l'appareil de susten-

tation et troubles oculo-moteurs réflexes, état nauséeux et anxieux,

phénomènes auditifs passagers et manifestations douloureuses dans cer-

tains domaines du trijumeau. Le vertige de Ménière relèverait parfois de

lésions du bulbe. Signalons les rapports de la migraine avec les syn-

dromes bulbaires (Léopold Lévi) : on relève en effet parmi ses symptômes,

vomissements, vertiges, plyalimne, polyurie, troubles occulaires, auditifs

ct vaso-motcurs.

Syndrome cérébelleux bulbaire; syndrome olivaire. Il est

exceptionnel que le diagnostic de lésion des olives bulbaires soit porté.

Cette lésion se traduit en effet par des symptômes parfois très frustes

(atrophie olivaire de Pierre Marie et Guillain, atrophie olivo-rubro-céré-

helleuse de Lejonne et Lhermitte). parfois nettement cérébelleux (atrophie

olivo-ponto-cérébelleuse de Dejerine et Thomas).

2° Syndromes mixtes, nucléaires et fasciculaires : l'hé-

miplégie croisée bulbaire existe. Les lésions du bulbe sont

ici intrinsèques (ramollissements, hémorragies, tumeurs, abcès, trau-

matismes et compressions) ou extrinsèques (méningites, polynévrites).

Les symptômes sont diversement associés, mais contrairement il ce que

l'on observe dans les affections nucléaires systématisées, l'hémiplégie

SYNDROMES ET MALADIES BULBAIRES. 805

croisée de type bulbaire fait rarement défaut. Le début de l'affection est

à peu près toujours violent, soudain, apyrétique.

Dans l'hémorragie du bulbe, le début est fréquemment al7ol71ecti-

forme : la mort peut être foudroyante. Lorsque la mort n'est pas immé-

diate, le malade, comateux, présente des troubles prononcés du coeur et

des poumons. Il y a fréquemment du hoquet, les pupilles sont dilatées

en vénérai. Au sortir du coma, les signes observés sont des plus

variables selon le siège et l'étendue de la lésion. Ils sont bien rarement

strictement bulbaires, mais plutôt 17u117o-l7rotuJérantiels.

En tout cas, on note une hémiplégie de type spécial, à moins que la

mort ne soit soudain déterminée par une poliencéphalite aiguë ou sub-

aiguë avec ou sans phénomènes spinaux associés.

Distinguer le ramollissement de l'hémorragie bulbaire est malaisé. Il

y aurait quelques prodromes dans le ramollissement : céphalée, syn-

copes, nausées, vertiges, somnolence. On a noté également des attaques

de petit mal, de l'asynergie, des ictus successifs. La mort, cependant,

peut être instantanée. Par ailleurs, les symptômes de l'hémorragie et du

ramollissement se confondent.

Le développement des tumeurs détermine, ainsi que toute compres-

sion bulbaire, un syndrome le plus souvent complexe, que cette néo-

formation soit un sarcome, une gomme syphilitique, une fongosité tuber-

culeuse ou un anévrisme. Le complexus symptomatique est dans ces cas

particulièrement étendu. Aux divers accidents bulbaires proprement

dits s'ajoutent des signes d'hypertension crânienne. De plus, les troubles

sont souvent fugaces, irréguliers, changeants; leur mobilité même étant

particulièrement favorable à l'hypothèse diagnostique d'une néoplasie.

Les signes d'irritation bulbaire prédominent : céphalée, douleurs de la

nuque, rigidité du cou, spasmes faciaux, troubles paracousiques, dys-

phagie, polyurie, glycosurie. On peut observer également des troubles

sensitifs intéressant le territoire du trijumeau. Il existe enfin des para-

lysies spinales plus ou moins accusées : la tête s'incline en arrière ou se

fléchit sur la poitrine. La paralysie unilatérale d'un nerf crânien serait

un signe important pour 017pcnheim.

L'hypertension intra-craniennc se traduit par la stase papillaire, par

de l'affaiblissement intellectuel. une apathie croissante, par des vertiges

violents. Rien n'est plus variable d'ailleurs que la marche, que le grou-

pement des accidents dans les compressions du bulbe par tumeur. C'est

ainsi que le syndrome d'hypertension peut être associé au syndrome

bulbaire, ou lui succéder, ou le précéder. Dans ce dernier cas se déroule

le tableau d'une tumeur encéphalique de siège d'abord imprécis, révélée

seulement par des signes d'hypertension encéphalique et dont l'évolu-

tion banale est soudain abrégée par des accidents bulbaires aigus. En

d'autres cas, ce sont les phénomènes cérébelleux qui prédominent. La

mort subite enfin n'est pas exceptionnelle.

Cette mobilité des symptômes, leur absence fréquente de spécificité

[MOUTIER ]

806 SÉMÉIOLOGIE DU BULBE.

expliquent la difficulté du diagnostic des tumeurs du bulbe. Celles-ci

peuvent siéger sur le plancher du 4e ventricule, et, comprimant le bulbe

d'arrière en avant, déterminer des paralysies nucléaires. L'on a parfois

en telle occurrence posé le diagnostic de tabès (Gianelli, Paviot) ou de

sclérose en plaques. Dans ces maladies toutefois, le syndrome d'hyper-

tension crânienne fait défaut.

Diagnostic. Il n'existe point d'atrophie chez les pseudo-bul-

baires, gâteux présentant du rire et du pleurer spasmodiques, et les

altérations constatées ne sont, chez les néoplasiques, jamais bilatérales :

cette symétrie s'observe au contraire dans les poliencéphalites infé-

rieures chroniques. Mais le diagnostic le plus délicat intéresse la

myasthénie d'Erb-Goldttam. Dans cette affection également, les troubles

sont irréguliers, fugaces, déconcertants; dans la myasthénie se rencon-

trent toutefois du ptosis et des parésies fonctionnelles, un épuisement

précoce qui sortent du cadre séméioiogique des tumeurs bulbaires. Dans

celles-ci n'existe d'ailleurs jamais de rémissions dans l'évolution des

accidents.

Les lésions extrinsèques du bulbe autres que les tumeurs provoquent

des réactions complexes, les syndromes observés pouvant être subaigus

ou chroniques. Les accidents se limitent rarement au bulbe et inléres-

sent souvent la protubérance. La tuberculose et la syphilis déterminent

soit une ostéite ou une méningite basilaires, soit des altérations névriti-

ques. Ces différentes modifications s'associent fréquemment. Les syn-

dromes observés sont alors d'une rare complexité : Brissaud, dans un

cas de tuberculose, note une paralysie faciale droite associée il une

névralgie partielle du trijumeau, de la céphalée, de l'hypoacousie. du

ralentissement du pouls, des vertiges, des convulsions épileptiformes, de

l'agoraphobie. Dieulafoy. chez un syphilitique du reste guéri par le trai-

tement, observe une paralysie glosso-labio-palato-pharyng('.e avec hémia

trophiedroitcdela langue, une atrophie du faisceau supérieur du trapèze

droit, un complexus analogue au syndrome du noyau de Deiters, des

vertiges, des vomissements, de la céphalée, de la polyurie simple et de

la polydipsie. -

L'exposé précédent nous permet de glisser rapidement sur la sympto-

matologie des traumatismes (mort subite ou syndrome de compression

avec asphyxie prononcée, polyurie et glycosurie fréquentes, etc.,) et des

abcès du bulbe. Ces derniers déterminent de l'hypcrthcrmie; ils sont

habituellement secondaires à une lésion du labyrinthe.

PARALYSIE PSEUDO-BULBAIRE

par le Dr MOUTIER

La paralysie pseudo-bulbaire est caractérisée par un ensemble de trou-

bles de l'articulation, de la déglutition et de la phonation rappelant plus

ou moins le syndrome bulbaire. A ce complexus symptomatique s'ajoutent

le plus habituellement . desaccidents moteurs du type cérébral. Ces diffé-

rentes altérations sont ordinairement liées à l'existence de petits foyers

de ramolissement intéressant soit le cortex, soit d'ordinaire la substance

blanche et les noyaux centraux, et cela dans les deux hémisphères à la

fois. ? -

Symptômes. Le pseudo-bulbaire est en général un individu d'un

certain âge, ayant largement dépassé la cinquantaine. Ancien syphilitique

ou artério-scléreux, il présente un passé nerveux chargé. On relève dans

son histoire antérieure un premier ictus à la suite duquel se manifesta

une hémiplégie légère, accompagnée parfois de troubles fugaces de la

parole et de la déglutition. II est ordinaire d'observer l'atténuation rapide

de cette hémiplégie : elle ne disparaît jamais cependant tout à fait. Puis,

après un laps de temps variable, mais souvent peu étendu (quelques mois

aune année ou deux), le malade est frappé d'un nouvel ictus. Le côté

sain est paralysé à son tour ; de la dysarthrie et de la dysphagie apparais-

sent, qui ne rétrocéderont plus. Ces troubles moteurs en revanche peu-

vent être, nous le verons, des plus effacés. -En somme, le pseudo-bulbaire

est un malade il ictus successifs, un hémiplégique double, chez lequel les

troubles de la phonation et de la déglutition l'emportent sur les troubles

moteurs des membres. Il va de soi que ce malade pourra présenter non

point seulement les deux ictus nécessaires à la constitution du syndrome,

mais toute une série de petits ictus, souvent peu nets, délicats à repérer.

A la suite de chaque atteinte nouvelle s'accusent, naturellement de plus

en plus, les désordres spéciaux dont le groupement constitue-, la paralysie

1>seudo-hulhaire, ou mieux, comme l'appelait Brissaud, la ]Jf : .eudo-pam-

11S2L bulbaire.

Il est des variantes au tableau précédent : le syndrome peut se consti- ;

tuer après un ictus unique, ce qui demeure exceptionnel. Plus souvent, '

l'affection se développe insidieusement, sans qu'une attaque proprement

dite soit survenue jamais. On notera cependant que l'évolution de la ma-

[MOUTIER.] ]

808 PARALYSIE PSEUDO-BULBAIRE.

r ladie n'est pas uniforme, mais se produit au contraire par saccades. Ce

mode de développement se rencontre spécialement chez les pseudo-hul-

baires à lésions cérébrales nombreuses, mais de faible volume individuel,

connues sous le nom de lacunes de désintégration.

Quel que soit le mode de début de l'affection étudiée, le syndrome mor-

bide est, à la période d'état, vraiment typique. Hémiplégiques doubles,

mais faiblement paralysés, hémiparétiqucs plutôt, les pseudo-bulbaires

demeurent volontiers immobiles, inertes, indifférents. Ils s'avancent mal-

adroitement, à pas menus, souvent précipités (Pierre Marie).

Cette démarche à petits pas (Dejerine), une attitude voûtée, un air figé

les ont fait comparer par Brissaud aux Parkinsoniens, dont ils ont en effet

la passivité. Parfois des troubles de l'équilibre s'ajoutent aux précédents.

Dressés sur leurs orteils, souvent courbés en grilles, ils chancellent et

tombent ou tendent à tomber, soit en avant soit en arrière, en accusant la

chute du côté le plus fortement paralysé.

Couchés ou reposant dans un fauteuil, leur inertie s'explique par la

faiblesse de leurs membres, par leur maladresse, par un sentiment d'in-

sécurité qui les porte à rester immobiles (Brissaud). La face est paralysée

et parésiée, le facial supérieur étant à peu près respecté. Le jeu de la

musculature oculaire n'est point troublé et cependant on ne rencontre

pas ici, tel que nous l'avons observé chez les bulbaires vrais, ce contraste

entre l'expression intelligente de la moitié supérieure du visage et l'ab-

sence d'expression de la moitié inférieure; c'est que la mentalité du

pseudo-bulbaire est souvent fortement diminuée, et les idées font défaut

qui pourraient éclairer le regard et animer la mimique oculaire.

Au repos absolu, le masque facial est inexpressif, hébété, pleurard.

Des commissures labiales écartées coule une salive que le malade essuie

sans cesse, car à moins d'être profondément atteint, il ne présente

point une déchéance intellectuelle suffisante pour lui ôter tout souci de

propreté, toute notion des usages sociaux. Souvent il mâchonne, s'el1'or-

çant de prévenir par d'incessants efforts de déglutition l'écoulement sali-

vaire. Mais sous le choc d'une émotion, à propos d'un effort, d'une con-

trariété, l'immobilité du visage cesse soudain. L'émotion nécessaire à

cette véritable décharge est de bien minime importance. Il suffit au ma-

lade de se sentir regardé, d'être prié de se nommer pour qu'éclatent

ce qui fut très heureusement nommé, le rire ou le pleurer spasmodiques.

Les muscles du visage se contractent violemment, se plissent; et la crise

de rire ou de pleurer se prolonge, inextinguible, pour se reproduire par-

fois à toute minute. La face devient souvent rouge, vultueuse, le thorax

étant en apnée.

On a beaucoup discuté pour savoir à quel état mental correspon-

daient ces larmes ou ce rire : les malades pleuraient-ils parce que tristes.

ou étaient-ils tristes parce que pleurants ? Il semble utile de tenir compte

de la répétition et de la durée du phénomène. Les malades sentent s'ac-

cuser leur déchéance lorsque le rire ou les larmes s'opposent à toute ten-

PARALYSIE PSEUDO-BULBAIR. 809

tative d'entretien avec leurs semblables. On sait d'autre part l'influence

dès attitudes- exprimant une passion sur 1 état

mental de celui qui subit passivement ou même

provoque volontairement cette attitude. Nous

avons, pour notre part, observe à, Bicêtre un

pseudo-bulbaire assez jeune : ce malade nous

fit clairement entendre que si une crise courte

ou isolée de pleurer spasmodique le laissait

tout indifférent, une crise prolongée, des accès

subintrants finissaient par l'attrister et lui don-

naient envie de verser des larmes pour le

compte parfaitement net d'une tristesse con-

sciente. '.

Nous avons à dessein insisté sur l'attitude,

la démarche, le facies et les réactions émotives

des pseudo-bulbaires : ce sont là en effet, en

dehors du syndrome labio-glosso-palato-pha-

ryngien, les points caractéristiques indispen-

sables au diagnostic 'différentiel de l'affection.

Il existe en outre des troubles considérables de l'articulation des mots,

troubles pouvant aller jus-

qu'à la suppression complète

de la parole. La voix est

sourde, saccadée, nasonnée.

Il existe chez ces malades

une véritable dyspneumie

(Pierre Marie), une .mauvaise

utilisation dela'colonne d'air

expiré. L'articulation, des

mots est extrêmement défec-

tueuse, analogue à celle des

bulbaires vrais, portant no-

tamment sur les mêmes let-

tres. Les malades prononcent,

forment, où plutôt essaient

de prononcer, de former tous

les mots, toutes les lettres;

mais cette formation est in-

complète, et lès mots se trou-

vent non point remplacés

par d'autres comme chez les

aphasiques, mais, indistincts,

confus et confondus, non dé-

grossis. Le pseudo-bulbaire

cnerche à former, à épeler les sons : il s'exprime avec effort, avec hesi-

. - . [MOUTIER]

Fig. 1. Syndrome pseudo-

bulliairc; J'acics pleurard,

au repos (d'après Brissaud

et Souques).

l'iô. 2, - Malade a6l.cinLe de ramollissement, eliro--

nique uvec syndrome pseudo-bulbaire. Rire spasmo-

dique (d'après Brissaud).

810 PARALYSIE PSEUDO-BULBAIRE.

tation, pousse les sons, les émet parfois avec une brusque explosion. Dans

les cas les plus favorables, on peut comprendre encore à peu près le

malade; on perçoit nettement certaines syllabes, on réussit 1t deviner la

plupart des autres.

Le débit est toujours monotone. Dans les cas les plus intenses, l'anar-

thrie paralytique est presque totale : les sons émis ne représentent plus

qu'un ànonnernent dénué de sens, souvent saccadé, haché.

Il existe une paralysie notable des lèvres, de la langue et du voile du

palais. Ces paralysies et la très grave dysphagie qu'elles entraînent ne

présentent qu'un caractère spécial, c'est de n'être accompagnées ni de

troubles trophiques, ni de troubles électriques : l'atrophie musculaire et la

réaction de dégénérescence font toujours défaut ('hez les pseudo-bulbai-

l'es. Les troubles de la mastication et de la déglutition peuvent être par-

fois légers, mais ils ne sont guère absents. On a signalé la paralysie

éventuelle des cordes vocales. Le réflexe pharygicn est aboli, bien que

la sensibilité du voile soit généralement conservée. On peut observer du

myosis.

II n'existe ni troubles des sphincters, ni altérations de la sensibilité. On

rencontre quelquefois des accidents respiratoires menaçants avec rythme

de Cheyne-Stokes : cela est fort rare à la vérité.

Évolution et formes cliniques. Certains malades présentent

surtout des troubles de la phonation, d'autres de le dysphagie, d'autres

encore frapperont surtout par l'intensité de leur affaiblissement intellcc-

tuel. Les circonstances écologiques provoquent peu de variations dans le

syndrome étudié : certaines formes, chez les sujets jeunes il antécédents

spécifiques, pourraient, sinon guérir, du mains être sensibtemeutamého-

rées par le traitement antisyphililique. II existe enfin une paralysie

pseudo-bulbaire infantile, et même une paralysie congénitale liées lune

et l'autre à de gros accidents cérébraux, atrophie et sclérose corticales,

microgyrie, porencéphalie.

L'évolution du syndrome étudié, à s'en tenir aux formes observées chez

l'adulte, est variable et irrégulière. L'affection peut demeurer stationnaire

après un nombre variable d'ictus, ou s'améliorer au contraire, le malade

succombant à quelque accident intercurrent. Dans d'autres cas, de nou-

veaux ictus surviennent : le malade peut alors succomber rapidement à

l'un d'eux, ou s'affaiblissant progressivement, gâteux et parfois dément,

mourir dans le. marasme. D'autres combinaisons peuvent s'observer :

ainsi, après une amélioration très prononcée suivie d'une longue période

d'état stationnaire, la maladie peut reprendre, une marche progressive,

inéluctable cette fois.

Diagnostic. Maladie caractérisée seulement après plusieurs ictus

successifs, la paralysie pseudo-bulbaire avec le faciès particulier qu'elle

impose aux malades, avec son attitude figée, son expression douteuse,

hésitante entre le spasme du rire et la grimace du pleurer, avec ses

crises émotionnelles désordonnées, ses troubles de la mastication et de

PARALYSIE PSEUDO-BULBAIRE. 811

la déglutition, de la démarche enfin, est le plus souvent de reconnaissance

facile. L'intensité de la dysarthie et de la dysphagie, l'effacement relatif

des troubles parétiques la distinguent immédiatement des troubles pa-

raplégiques et des hémiplégies simples ou doubles : mais il existe chez

presque tous les hémiplégiques, du moins au début, des troubles de la

déglutition et de la mastication, aussi a-t-on pu dire que tout hémiplé-

gique présente à l'état d'ébauche le syndrome pseudo-bulbaire. Ce syn-

drome disparaît promptement d'habitude, il est vrai.

Différencier la pseudo-paralysie bulbaire des paralysies bulbaires vraies

peut être plus difficile : on se trompera exceptionnellement cependant si

l'on se reporte aux descriptions précédentes. Dans la paralysie bulbaire

aiguë apoplecli forme, l'ictus est unique, sans perte de connaissance le

plus souvent. Les troubles qui surviennent ensuite comprennent non seu-

lement la paralysie labio-glosso-laryngée, mais les autres éléments du

complexus symptomatique bulbaire ; plus tard se décèleront une atrophie

musculaire notahle et des troubles des réactions électriques. Il peut à

dire vrai se présenter des cas à symptômes intermédiaires d'une difléren-

ciation presque impossible : les connexions anatomiques du myélencéphale

expliquent suffisamment ce phénomène.

C'est surtout il la période ultime de la sclérose latérale amyol1y¡pltique,

chez uns ? /r ! ? t</(Wi ? <e. un tabétique ou un individu atteint de sclérose

en plaques qu'évolue lentement la paralysie labio-glosso-laryngée de

Duchenne. L'insidiosité du début, l'amyotrophie prononcée avec D. R.,

l'intégrité de l'intelligence, les troubles cardio-respiratoires rendent en

général le diagnostic assez facile. Du reste dans toutes ces affections ne

s'observent jamais le rire ou le pleurer spasmodiques ; et l'extension des

phénomènes asthéniques aux territoires les plus divers, la participation

de l'orbiculaire des paupières et des muscles de la nuque, les crises bul-

baires, les rémissions, l'irrégularité de la marche permettent également

de séparer la myasthénie d'Erb du syndrome pseudo-bulbaire.

Il est intéressant d'éviter de confondre un pseudo-bulbaire avec un de

ces malades chez lesquels le déficit intellectuel entraîne des troubles de

l'expression de la pensée, pouvant plus ou moins rappeler la dysarthrie

étudiée. On se souviendra que le diagnostic doit s'appuyer en cas de

doute sur l'existence ou l'absence de phénomènes paralytiques, sur la

nature également des troubles de l'articulation. On distinguera ainsi le

pseudo-bulbaire infantile de V arriéré simple ou de l'idiot (Variot,

Oppenheim) ; on le séparera également, chez l'adulte, de l'aphasique de

Brocha. On se rappellera l'existence chez l'aphasique d'un trouble de l'in-

telligence portant sur les différents modes d'expression de la pensée,

écriture ou parole, ainsi que sur les opérations générales de l'intelli-

gence, mémoire, jugement, association d'idées. On constatera que le

malade n'a plus, présents à l'esprit, les mots propres à la désignation

correcte des objets ou des concepts. Chez l'anarthriqllcnon ]Ja1'alytir¡1le

enfin, où seul le mécanisme central de l'articulation des mots est atteint,

[MOUTIER.]

812 PARALYSIE PSEUDO-BULBAIRE.

c'est-à-dire chez l'anarthrique par lésion du quadrilatère de Pierre Marie,

on notera l'intégrité des mouvements automatiques des lèvres et de la

langue, sans affaiblissement notoire des muscles. Hémiplégique droit

(s'il est gaucher), et généralement frappé de paralysie intense, l'anar-

thrique parle de voix forte ; il peut dire encore quelques mots : excla-

mations, jurons, groupes de mots ou phrases stéréotypés, vocables émo-

tionnels. Ce qu'il dit est peu de chose, mais est en général vigoureusement

énoncé. Le pseudo-bulbaire au contraire peut dire tout ce qu'il veut,

mais il le dit incomplètement; la voix est basse, soufflée, éteinte. On

comprend les quelques vocables émis par l'anarthique, qui ne sait plus

parler ; on distingue à peine les phrases chuchotées par le pseudo-hul-

haire, qui ne peut plus parler. Dans certains cas, évidemment complexes,

il peut y avoir juxtaposition d'anarthrie ou d'aphasie de et de

syndrome pseudo-bulbaire : l'évolution, qui voit rétrocéder l'anarthrie et

pcrsistcr les phénomènes pscudo-hulhaires, pcrmet quelquefois de dis-

cerner les différents éléments de ce complexus morbide.

MYASTHENIE

par le Dr MOUTIER

La myasthénie est la difficulté ou même l'impossibilité de l'effort

musculaire, surtout prolongé. Elle se rencontre à titre de symptôme

épisodique dans un très grand nombre d'affections, et d'une façon toute

spéciale dans un syndrome où son intensité, son extension et sa systé-

matisation justifient une individualisation clinique.

Myasthénies épisodiques. -Nous rangerons dans ce paragraphe

des affections très disparates dans lesquelles la myasthénie n'est pas, en

général, toute la maladie, ou n'atteint qu'exceptionnellement une valeur

prédominante.

La fatigue occasionnée par le moindre mouvement, l'impossibilité de

fournir un effort un tant soit peu considérable, l'épuisement rapide sc

voient en somme dans toute infection, dans toute intoxication. Ces sym-

ptômes sont remarquablement intenses dans certaines maladies aiguës,

comme la grippe. On les notera d'autre part dans des maladies chro-

niques telles que la tuberculose, la syphilis (début de la période secon-

daire), le cancer, le diabète, l'urémie, Ils accompagnent d'ordinaire

toutes les altérations des glandes vasculaires sanguines, des organes il

sécrétion interne. Aussi les rencontre-t-on très intenses chez les addiso-

niens, où ils sont même un symptôme cardinal, chez les leucémiques,

les anémiques, les thyroïdiens, etc. Les intoxications alimentaires ou

minérales sont encore des plus asthénisantes.

De fait, il faudrait citer toutes les altérations morbides. Signalons seu-

lement le retentissement marqué sur la force et la résistance musculaires

des désordres ou maladies de l'abdomen. ptôses, diarrhée, affections

ovariennes ou utérines, grossesse, etc. Un très grand nombre, sinon la

plupart des affections nerveuses, s'accompagnent de phénomènes dé-

pressifs, notamment les maladies bulbaires et cérébelleuses, les chorées,

les migraines, la paralysie agitattle, la paralysie générale, les mala-

dies mentales, etc.

La plupart des étals chroniques, qu'ils dépendent d'altérations ner-

veuses ou de désordres glandulaires, de dislocation abdominale ou de

simple surmenage physique ou mental, s'accompagnent donc d'une dimi-

nution de la puissance et de la résistance des muscles. Il en résulte une

[MO UTIER.j

814 . MYASTHÉNIE.

paresse et un nonchaloir particuliers : le malade cesse d'être actif. Il est

perpétuellement fatigué, souvent plus au réveil que le soir, du moins

dans l'asthénie des surmenés simples, dans la neurasthénie proprement

dite. Les gestes sont rares, la voie brève, soufflée, fréquemment cassée.

L'oeil manque de vivacité ; le facies est souvent très altéré, les traits sont

tirés, l'orbite excavée. On note, ordinairement de l'hypotension. L'asthé-

nie peut ne pas atteindre seulement le muscle, mais se traduire encore

par quelque désordre mental, par~de l'aboulie principalement. Ajoutons

qu'il peut exister des myasthénies localisées, comme la dysphonie ner-

veuse chronique et l'asthénopie accommodative.

Cependant, il est certaines règles dont il est toujours bon de se préva-

loir en pratique. Toutes les causes évidentes de myasthénie étant écartées,

il convient de dépister éventuellement l'insuffisance rénale, l'intoxication

hépatique et surtout une tuberculose incidente.

Maladies familiales. - Les maladies familiales se manifestent

chez des individus en. général peu vigoureux, mais l'asthénie atteint une

importance primordiale dans la paralysie périodique de Westphal. De

fait, il semble plutôt s'agir ici de myasthénie que de paralysie à propre-

ment parler (V oirchap. Paraplégie).

. Vertige paralysant de Gerlier. - Cette maladie est caracté-

risée par des accès à début soudain. Il survient successivement du ptosis,

puis .une certaine p.arésie des extenseurs aux membres et à la tête. En

même : temps se.manifestTit des troubles de l'équilibre, des douleurs le

long.de la colonne vertébrale, et le malade tombe. Tout ceci rappelle

beaucoup plus les. symptômes myasthéniques que les symptômes paraly-

tiques. D'ailleurs, chaque accès dure peu, de une à deux minutes; mais

les crises peuvent se renouveler pendant plusieurs heures de suite. Le

diagnostic de cette singulière affection ne saurait être difficile. On la

rencontre sous forme plus ou moins épidémique. en Suisse et au

Japon. L'accès semble provoqué par la fatigue d'un geste habituellement

renouvelé (acte de traire une vache, par exemple). Il ne s'agit pas de. ver-

tige à proprement parler ; la chute est due seulement aux ^roubles se-

condaires de l'équilibre.

Myasthénie bulbo-spinale. Cette affection porte divers noms :

asthénie bulbo-spinale, paralysie bulbaire asthénique, syndrome

d'Erb-Goldflctm. On peut la définir mie asthénie à localisation bulbaire

initiale. C'est une. maladie fréquente surtout de 18 à 50 ans, frappant la

femme avec une certaine prédilection. Le releveur des paupières est le

premier muscle à épuisement rapide et impotence fonctionnelle. Il sur-

vient ensuite une ophtalmoplégie externe incomplète, et le malade pré-

sente le faciès d'lIutchirison. La vue se trouve gênée par le ptosis et la

diplopie. Puis sont atteints les muscles de la face, les extenseurs de la

tête, la langue, les masticateurs, le larynx, le pharynx, les muscles de la

racine des membres. L'asthénie est exagérée par la fatigue générale ou

locale; les muscles sont de plus extrêmement sensibles au froid. Enfin,

MYASTHENIE. 815

la maladie elle-même est parfois curable, mais le plus souvent progrès-

sive et mortelle sans rémission. La mort survient par syncope ou par suffo-

cation. ," .

Le syndrome d'Erb-Goldflam est une affection sporadique, atteignant

surtout la femme et la femme jeune. Il est rare que l'homme soit pris au-

dessus de 40 ans. On a cependant signalé des cas où la maladie s'est

montrée familiale, congénitale, héréditaire.. Le début n'est pas forcément.

univoque. Des territoires bulbaires autres que celui de la IIIe paire peu-

vent être intéressés les premiers. -On peut même rencontrer au niveau

des membres les premières manifestations asthéniques ; elles coïncident

.généralement en ce cas avec des phénomènes généraux accusés tels

qu'amaigrissement et fatigue. Quoi qu'il en soit, on peut, d'une façon

générale, distinguer à la. marche des

troubles deux étapes distinctes : l'une bul-

baire, l'autre spinale. ;

Symptômes bulbaires. - Ils marquent,

avons-nous. dit, le début de la paralysie

bulbaire asthénique; le malade s'aperçoit

soudain de la chute d'une paupière, ou

constate qu'à la fin d'une longue conversa-

tion sa voix se fatigue, se casse. Parfois la

langue refuse tout service.

En d'autres cas, le début es.t des plus

insidieux. Il s'accuse par une céphalée

quelquefois à prédominance occipitale, par

des névralgies et des vertiges, par de la

diplopie fugitive, des troubles de la .déglu-

tition, de la mastication. Les pupilles sont

indemnes sous les paupières tombantes.

Symptômes spinaux. Les troubles précédents sont définitifs,

mais varient d'un jour ou d'un mois à l'autre. Certains peuvent même

disparaître complètement, et d'autres les remplacer. La tête se penche

ensuite sur le tronc, les extenseurs de la nuque se prenant à leur tour.

Les membres sont atteints en dernier.

D'autres localisations, différentes selon le malade ou la maladie, pré-

cisent ou modifient ce syndrome : telles sont l'atteinte des muscles de

l'abdomen, des muscles du larynx, du sterno-cléïdo-mastoïdien, du myo-

carde (ralentissement, intermittences après effort), voire de l'iris.

Quand les troubles sont plus accusés, l'aspect du malade est typique.

Etendu, incapable de se soulever ou de soutenir le moindre objet, inca-

pable même d'assujettir de ses mains sa tète vacillante, les yeux mi-clos,

il semble prêt à s'endormir. Les plis normaux du visage s'atténuent;

la physionomie, prend un aspect pleurard. Le malade rit en travers comme

dans les maladies bulbaires classées. La parole mal formée, nasillarde au

début, s'étouffe de plus en plus et finit par s'éteindre. L'alimentation

[MOUTIER.]

Faciès dans le « syndrome rl'Ei"b »

(observation de Pierre Marie et

Roques), d'après Guillain.

816 MYASTHÉNIE.

elle-même devient problématique : la déglutition est impossible et de la

bouche ouverte s'échappe la salive. Et cependant, pris au repos, tous

ces muscles peuvent se contracter, mais leur fatigue est rapide, pour

ainsi dire instantanée.

Ajoutons qu'il n'existe ni troubles de la sensibilité, ni troubles des

sphincters. Les réflexes sont peu ou point modifiés. L'intelligence est

intacte. Il est exceptionnel d'observer de l'atrophie musculaire, mais les

tremblements fibrillaires ne,sont~pas rares.

Les muscles présentent une altération spéciale de leur réaction élec-

trique, altération tout à fait différente de la D. R. Cette réaction myas-

thénique (Jolly) est caractérisée par un épuisement rapide de l'excitation

et par une diminution (pouvant aller jusqu'au zéro) de la durée et de la

force des contractions à mesure que celles-ci se répètent.

Nous ne reviendrons pas sur l'évolution de la maladie. La marche

peut être lente, aiguë, coupée de rémissions. Celles-ci peuvent se chiffrer

par années. En moyenne, la mort survient au bout de six mois, quelque-

fois de 2 à 4 ans après le début. L'issue fatale relève, nous le répétons,

de troubles cardio-bulbaires (cyanose, accélération du pouls), de phéno-

mènes asphyxiques, liés souvent il de l'obstruction par corps étrangers. Il

n'est pas rare de voir de l'hyperthermie au cours et à la fin de la myas-

thénie bulbo-spinale.

Le pronostic est toujours extrêmement sombre. Le traitement est ;i

l'heure actuelle encore à l'étude. Raymond recommande de s'abstenir de

toute électrisation, de soutenir le malade par des injections de sérum,

d'essayer au besoin de l'opothérapie thyroïdienne ou surrénale. Le mas-

sage léger ne serait pas négligeable.

Nous signalerons en terminant l'intérêt qui s'attache à la recherche

des symptômes et des formes de transition entre les myasthénies, les

myopathies atrophiques (forme banale) et hypertrophiques (forme Thom-

sen). Toutes ces entités cliniques semblent être des variétés d'une ma-

ladie congénitale de la fibre musculaire. Klippel et Villaret, Raymond ont

insisté sur la banalité d'un grand nombre des signes que l'on rencontre

en les différents types : circonstances étiologiques, lésions du muscle e

(amas lymphoïdes, graisse), anomalies congénitales, signes de dégéné-

rescence, persistance d'organes foetaux (thymus). Pour Brissaud, le syn-

drome d'Erb-Goldflam serait le degré le plus faible des polio-cncéphalo-

myélites. Nous attirerons encore l'attention sur l'intérêt des examens du

sang : Raymond a rencontré dans plusieurs cas de syndrome d'Erb-Gold-

flam une anémie avec leucopénie, diminution des polynucléaires, des

lymphocytes, augmentation des formes âgées des mononucléaires; Pel

(d'Amsterdam) a, tout au contraire, récemment observé une hyperleuco-

cytose.

Diagnostic. Le diagnostic des formes bien caractérisées de la

myasthénie est simple. Dans les myopathies, il y a atrophie musculaire,

et l'impotence est au prorata de la fonte du muscle. Dans la'myasthénie,

MYASTHÉNIE. 817

il n'existe ni parésie ni paralysie. On peut s'en assurer en laissant un

muscle se reposer suffisamment; les mouvements sont alors possibles,

mais rapidement limités, puis supprimés, à mesure qu'augmente, se

maintient ou se répète l'effort.

Au début, les troubles des nerfs crâniens peuvent faire prendre les

myasthéniques pour des bulbaires ou des pseudo-bulbaires. Mais chez

les bulbaires vrais, le début, rapide ou lent, ne présente jamais de phé-

nomènes régressifs. Il y a une paralysie définitive avec D. R., et non pas

une simple fatigue (Raymond). Les accidents des pseudo-bulbaires ont

un début rapide; eux aussi se maintiennent sans rémissions ni exacer-

bations. De plus, ce sont des hémiplégiques doubles et leur déchéance

psychique est grande.

Il nous reste à rappeler que la myasthénie peut avoir pendant quelque

temps une allure monosymptomatique. En de tels cas, il faudrait savoir

se prémunir contre un diagnostic hâtif de maladie bulbaire ou de neu-

rasthénie banale. On doit toujours se défier d'un ptosis intermittent,

d'une diplopie passagère mais répétée, d'une dysphonie survenant à la

lin des conversations prolongées.

Pratique nedrol. 52

[MOUTIER.]

C : UN V UL510'E'l' CRISES ? U1V V UL51V S

par le Dr Gustave ROUSSY

Définition. L'étymologie du mot convulsion (convellere) éveille

l'idée de secousse et d'ébranlement; il s'agit, en effet, d'une perturbation

de la motilité qui se caractérise par un excès de l'activité motrice et se

traduit cliniquement par des accès de contractions brusques et involon-

taires des muscles.

Les muscles atteints par le phénomène sont les muscles volontaires,

les muscles striés. Lorsque ce sont les muscles de la vie végétative qui

sont le siège de troubles moteurs convulsifs, il est préférable de parler de

spasmes. La convulsion dépend donc du système neuro-musculaire céré-

bro-spinal, le spasme du système neuro-musculaire sympathique. Malgré

la clarté de cette distinction, l'usage attribue encore le nom de spasmes à

des convulsions de certains muscles volontaires, tels que l'orbiculairecles

paupières (blépharospasme), ou de systèmes musculaires mixtes, striés

et lisses (spasme du sphincter anal).

Ainsi définies, les convulsions doivent être divisées en toniques et en

cloniques.

Cloniques, elles sont constituées par une série de contractions muscu-

laires alternatives que séparent des phases d'immobilité; toniques, elles

consistent en contractions plus durables, laissant les muscles raides pour

un temps appréciable et secoués seulement par des soubresauts, d'autant

plus minimes que la rigidité est plus durable et plus intense.

Toniques ou cloniques, les convulsions doivent être soigneusement

différenciées d'une série d'autres troubles moteurs, dont voici les princi-

paux. Les contractures sont des contractions musculaires toniques, il est

vrai, mais permanentes et non pas seulement durables. Les spasmes font-

tionnels oucrampes, n'apparaissent passagèrement qu'à l'occasion d actes

musculaires, toujours les mêmes (crampe des écrivains, etc.). Douloureux

ou non, mais toujours très brusques, les tics sont des convulsions (le la

face et des membres présentant ceci de particulier qu'elles reproduisent

de façon intempestive quelque geste de la vie ordinaire. Les mouvements

choréiformes (chorée de Sydenham, de Iluntington) ne surviennent pas

par accès; ils s'installent, durent toute la journée, s'exécutent dans tous

les sens sans force et sans brusquerie. Les mouvements athétosiqucs

CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES. 819

sont encore plus lents que les précédents : ce sont des mouvements alter-

natifs de flexion et d'extension donnant à l'extrémité atteinte des attitudes

bizarres qu'on a comparées aux mouvements des tentacules de poulpes.

Rien ici qui rappelle les convulsions. Les tremblements, qu'ils soient

continus ou surviennent à l'occasion de mouvements volontaires, sont des

contractions musculaires de très faible étendue et de remarquable régula-

rité : la différenciation est donc aisée. Elle est un peu moins facile, si nous

considérons le groupe des myoclonies : dans le paramyoclonus multiplex,

les accès convulsifs cloniques atteignent un nombre variable de muscles

des membres, du tronc et de la face, le plus souvent symétriquement, et

cela surtout quand le malade repose au lit; mais les secousses musculai-

res donnent plutôt l'impression d'un tremblement à oscillations étendues

que de contractions convulsives véritables. Dans la chorée électrique de

Bergeron, au contraire, les secousses sont intenses et brusques, mais

rythmées ; il n'y a pas de contractions continuelles comme dans la convul-

sion clonique. Dans la chorée fibrillaire de Morvan, dans les contractions

(ibrillaires des névropathes ou des organiques, les secousses n'intéressent

que des faisceaux isolés des muscles et ne prêtent pas dès lors à confu-

sion.

Physiologie pathologique. Les convulsions étant des per-

turbations de la motilité caractérisées par des accès de contractions mus-

culaires brusques et involontaires, il est important de rechercher par quel

mécanisme celles-ci s'effectuent, quel est l'élément du système moteur

neuro-musculaire qu'il faut ici incriminer. Le muscle lui-même ne peut

être cause de convulsions : aucune maladie musculaire, myopathie, myo-

site, ne s'accompagne de ce phénomène. S'il devient donc le siège de

contractions anormales par leur intensité, leur nombre ou leur durée,

c'est qu'une cause extérieure par rapport à lui, située dans son appareil

excitateur habituel, le système nerveux, a agi sur lui. L'expérimenta-

tion, en réalisant toutes les formes du mouvement musculaire, depuis la

contraction simple jusqu'à la convulsion clonique et tonique, montre

qu'il doit certainement en être ainsi. Electrisons, en effet, avec un courant

modéré, un muscle en ne lançant qu'une seule excitation très courte :

nous aurons une simple secousse musculaire, analogue il la contraction

musculaire volontaire normale avec, sur le cylindre enregistreur, la pé-

riode d'excitation latente, la phase d'ascension correspondant au rac-

courcissement, la phase de descente indiquant le relâchement progressif.

Avec un courant plus intense et surtout la répétition des excitations, l'am-

plitude des contractions augmente par un phénomène d'addition lente :

nous avons des convulsions cloniques. - Supposons maintenant qu'au,

lieu d'excitations séparées comme précédemment par un intervalle supé-

rieur à la durée de la secousse elle-même, nous lancions des excitations

très rapprochées, atteignant le muscle il toute période de sa contraction :

il y aura fusion des secousses en secousses plus amples et plus durables

jusqu'à devenir permanentes, et nous aurons la convulsion tonique.

[ROUSSY.]

820 CONVULSIONS ET CRISES CO\1`ULSIYFS..

L'analogie de ces résultats expérimentaux avec les phénomènes pré-

sentés par les malades est si évidente, que nous ne craignons pas de

conclure des uns aux autres. Le système nerveux remplace seulement

ici l'appareil électrique.

Mais qu'est-ce qui sollicite le système nerveux, les centres moteurs

Lulbo-spinaux à trop d'activité ? On admet que ce sont tantôt des pro-

duits toxiques qui agissent sur les cellules de ces centres : ainsi sont

causées les convulsions des intoxications. dcs auto-intoxications, des infec-

tions. Tantôl des impressions périphériques irritent les centres et amènent

les convulsions réflexes. Tantôt enfin l'excitation bulbo-spinale ne fait

que refléter l'excitation des centres nerveux de l'écorce cérébrale. Ce

dernier mécanisme est des plus importants et demande qu'on s'y arrête.

L'expérimentation nous enseignait que si l'on vient il exciter chez l'ani-

mal la zone motrice du cerveau d'un côté, dans la région rolandique.

on obtient des mouvements simples des membres dn côté opposé.

Lorsque cette excitation dépasse une certaine intensité et une certaine

durée, il a contracture. Enfin, une très forte excitation détermine une

véritable attaque d'épilepsie avec phase tonique et clonique. Cette attaque

peut se limiter à quelques muscles, à la moitié du corps (épilepsie jack-

sonienne) ou se généraliser. - Chez les malades, des lésions cérébrales,

des toxines microbiennes, des toxiques agissent comme l'excitation élec-

trique et suivant les mêmes lois.

Description. - Le ? convulsions, étant un symptôme commun à un

grand -nombre de maladies, n'ont pas d'unité, complète dans leur allure

clinique et empruntent divers caractères à leurs conditions étiologiques,

caractères qui modifient le mode de début, l'évolution et les suites du

symptôme. Le plus souvent l'accès se montre brusquement, d'emblée,

sans rien qui puisse le faire prévoir. Mais d'autres fois on note quelques

troubles moteurs, de l'agitation, des secousses musculaires qui annon-

cent la décharge prochaine (éclampsic puerpérale). Enfin la véritable aura

n'est pas rare : sensations subjectives, rapportées soit auxparties périphé-

riques, soit aux organes, hallucinations, phénomènes moteurs des épi-

septiques. - 5'ne, Ibis la convulsion survenue, elle affecte tantôt le tableau

de la crise clonique, tantôt celui de la crise tonique, ou les deux succes-

sivement, une même cause pouvant donner lieu alternativement à l'un

ou à l'autre mode convulsif. -

Les convulsions cloniques réalisent l'aspect typique de la crise épilep-

tique, une fois la courte phase tonique passée. Pour la caractériser d'un

mot, nous dirans que c'est l'irrégularité même. Le mouvement, brusque

et soudain, est aussitôt remplacé par le relâchement et la résolution aux-

quels succède une secousse nouvelle. Mais ces secousses sont inégales en

force et en durée, les membres sont portés en tous sens et il arrive

fréquemment, dans les mouvements de flexion, d'extension, d'adduction,

d'abduction et de pronation qui les agitent, que le malade se blesse griè-

vement aux objets qui l'environnent. Le visage n'est pas épargné : on

CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES. R21

voit les globes oculaires déviés, agités de mouvements incoordonnés et

violents, mettant l'oeil en strabisme, entraînant la pupille en haut. Des

grimaces résultent des mouvements des muscles peauciers. La tête est- .

portée en tous sens, le cou et le tronc se fléchissent et s'étendent avec la

plus complète irrégularité. La respiration courte, brusquemment entre-

coupée et presque asphyxiante, prouve que la musculature respiratoire.

thoracique et diaphragmatique, n'échappe pas à la convulsion. On observe

tantôt la rétention, tantôt l'incontinence des urines et des matières; les

convulsions peuvent en effet s'étendre aux muscles abdominaux, aux

muscles expulseurs et vider les réservoirs, ou bien ce sont au contraire

les sphincters qui se contractent et s'opposent à l'évacuation.

Toute autre d'aspect est la convulsion tonique, comme on la voit, par

exemple, dans le tétanos. Ici, même brusquerie du début : mais, au lieu

de contractions musculaires nombreuses et irrégulières, une raideur per-

manente, une contraction durable des muscles sans intervalle de résolu-

tion complète avec seulement quelques renforcements se dessinant sur ce

fond général de contracture. Le tétanos amène une raideur maxima; d'au-

tres maladies s'accompagnent d'une rigidité moins soutenue permettant

à quelques secousses plus ou moins régulières de se manifester ; mais

c'est toujours il une attitude fixe qu'aboutit la contraction. Les membres

sont étendus ou dans une demi-flexion, les mains fermées, le pouce

replié dans la paume de la main ou sur les doigts fermés et chaque

membre est dans un état de raideur telle qu'en cherchant à le soulever

on soulève le corps entier. En même temps, ces membres sont animés de

secousses qui les ébranlent sur place, sans les écarter de. leur altitude

première. A la face, la convulsion tonique prédomine souvent, d'un côté,

entraînant une déviation des traits, les mâchoires sont serrées/Le tonisme

(les muscles respirateurs suspend la respiration. Les sphincters ne sem-

blent pas convulsés au même point ni en même temps que les muscles

externes, car on observe ici les évacuations involontaires plus souvent

que dans les formes cloniques.

Toniques ou cloniques, les convulsions, si elles sont fréquentes, peuvent

entraîner par hyperfonclionnenient une augmentation de volume des

muscles mis en jeu. Leur violence peut d'ailleurs aller quelquefois jus-

qu'à amener des ruptures du tissu musculaire ou, si les muscles résis-

tent, des subluxations et même de vraies luxations, et des fractures d'os

vraisemblablement prédisposés par suite d'un processus raréfiant anté-

rieur. Les muscles sont aussi très douloureux, par suite de la fatigue

qu'ils éprouvent et de la compression qu'ils exercent sur les filets nerveux

qu'ils contiennent et sur les cordons nerveux qui les avoisinent. Peut-être

aussi l'excès de travail musculaire, avec ses conséquences sur la nutri-

tion de la cellule musculaire, n'est-il pas étranger il ces douleurs ! '

Ces manifestations locales ne sont pas tout. 11 faut tenir compte, en

outre, de certains phénomènes plus généraux. Les convulsions très

intenses et très généralisées, par exemple, chassent le sang des muscles

- [ROUSSY]

22 CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES.

vers les viscères et il en peut résulter des hémorragies. Ces troubles cir-

culatoires, puis surtout l'entrave apportée à la respiration, peuvent

amener des phénomènes asphyxiques. Les battements du coeur sont, accé-

lères et, du côté des capillaires, on constate des troubles circulatoires

périphériques se traduisant par des alternatives d'anémie et de congestion.

Les sécrétions peuvent être augmentées, particulièrement à la fin des

crises : larmes abondantes des hystériques, sueurs des tétaniques, sali-

vation dans la rage, débâcles polyuriques. Les convulsions peuvent

augmenter la température : c'est ce qui a lieu particulièrement dans le

tétanos, et que l'on pourrait, d'après certains auteurs, observer également

dans l'hystérie, l'épilepsie, etc. Enfin divers troubles nerveux ne sont

pas des raretés : byperesthésies, névralgies, sensations de fatigue du

côté des yeux, amblyopie, diplopie, défaut d'accommodation.

11 faut reconnaître que nombre de ces phénomènes, sinon tous, doivent

dépendre non des convulsions elles-mêmes mais de la cause de ces

convulsions, un même mécanisme pathologique déclenchant en même

temps les troubles convulsifs et les troubles sécrétoires, thermiques, etc.

Manche, durée, terminaison. Nous avons défini les convulsions des

accès. C'est dire que leur marche est essentiellement paroxystique : les

accès constituent par leur ensemble une attaque. Quelquefois l'accès

est unique, particulièrement dans la forme tonique; d'autres fois des

accès multiples se répètent si longtemps et de façon si rapprochée qu'ils

arrivent à constituer ce qu'on a appelé l'élal de mal. Dans les névroses,

les attaques peuvent se reproduire indéfiniment, à condition qu'elles

soient séparées par de longues rémissions. Dans les pyrexies, fièvre et

convulsions marchent de pair.

La durée- dépend de la cause. Plus que l'hystérie, l'épilepsie constitue

une prédisposition durable. Les maladies infectieuses peuvent s'accom-

pagner, au contraire, de crises très courtes, passagères, définitivement

curables. Dans certains cas (méningite tuberculeuse), la convulsion est

remplacée par la paralysie, l'excitation de l'écorce cérébrale à un mo-

ment donné arrivant en quelque sorte à son stade d'épuisement.

Nous avons vu que les convulsions peuvent guérir et passer à l'état

chronique. Elles peuvent aussi amener la mort plus ou moins vite par

asphyxie, syncope, hyperthermie, épuisement ou du fait du processus

causal.

Aussi importante que la marche proprement dite est la notion d'exten-

sion des convulsions pendant l'accès même. 11 est rare que les convulsions

se limitent à un seul muscle ou il \111 groupe musculaire. Le plus souvent

elles s'étendent il tout un côté ou aux deux, comme si l'excitation corticale,

partie du centre correspondant à la première convulsion limitée, gagnait

par contiguïté tous les centres moteurs voisins. D'autres fois, elles sont

généraliséesdemblée (épilepsie dite essentielle) constituant la convulsion

généralisée. Lorsqu'elles demeurent, au contraire, partielles ou précèdent

nettement une convulsion généralisée, elles constituent l'épilepsie par-.

CONVULSIONS ET CRISES CONVULS1VES. 825

tielle ou Bravais-jacksonienne, laquelle s'accompagne rarement d'aura

et de perte de connaissance et est le plus souvent symptomatique d'une

lésion cérébrale (hémorragie, ramollissement, tumeur, inflammation,

traumatisme), corticale ou sous-corticale ou plus rarement d'une exci-

tation fonctionnelle localisée (hystérie) ou toxique (alcool, plomb, urémie,

infection). En général, l'épilepsie jacksonienne est suivie de phénomènes

parétiques passagers; quand la lésion causale est destructrice (hémor-

ragie, ramollissement), il peut y avoir d'emblée paralysie durable. Il ne

faut pas cependant se contenter de ces données diagnostiques, car

l'épilepsie dite essentielle peut quelquefois se manifester par des con-

vulsions jacksoniennes et, d'autre part, des lésions cérébrales peuvent

donner des convulsions généralisées que rien ne distingue de l'épilepsie

vraie. Un diagnostic localisateur pourra cependant s'appuyer sur la con-

vulsion limitée, sur le siège de la première secousse (signal-symptôme)

dans les formes qui tendent il la généralisation, enfin et surtout sur les

paralysies durables consécutives.

Valeur séméiologique des convulsions. La valeur

séméiologique des convulsions est considérable. Ce sont, en elle[, des

nianifeslations fréquentes; de plus, elles annoncent des affections le plus

souvent très sérieuses et qui, dans quelques cas (urémie, éclampsie),

peuvent nécessiter une thérapeutique d'urgence. A cet égard, des diffé-

rences d'allure clinique, de pronostic et d'indications thérapeutiques

nous obligent à étudier en deux chapitres distincts ce même phénomène

pathologique, selon qu'il survient chez l'enfant ou apparaît chez l'adulte.

A) Chez l'enfant, les convulsions tiennent la place appartenant au délire

chez l'adulte. C'est dire qu'il y est particulièrement prédisposé et cela du

fait surtout de son âge et de son hérédité qui se manifeste nettement

chez lui à ce propos. Au jeune âge revient la grande excitabilité des nerfs

périphériques, ainsi que la grande activité des phénomènes réflexes, due

au développement encore incomplet des centres modérateurs situés plus

haut que la moelle. Cette prédisposition est particulièrement manifeste,

non dans l'hystérie et l'épilepsie, mais dans les convulsions symptoma-

liyues si fréquentes de lésions cérébrales et surtout dans l'éclampsie, dans

le syndrome des convulsions, dites essentielles, de l'enfance. L'hérédité

joue un rôle considérable aussi : hérédité directe (convulsions chez un

des parents, chez plusieurs frères et soeurs), hérédité de transformation

(hystérie, épilepsie) et surtout alcoolisme des parents. A ce point de vue

on a même pu invoquer l'état d'ivresse chez un des parents pondant la

conception. On a signalé enfin les affections trauinatiques (coup sur le

ventre, etc.). les émotions vives chez la mère pendant la grossesse. Quel-

ques prédispositions acquises ne sont peut-être pas négligeables, telles

que la débilité du système nerveux par naissance avant terme, la sy-

11111t ? héréditaire, les troubles digestifs, le sevrage prématuré, l'excita-

tion nerveuse, les trouilles le sevra-c 1)i-éiiiatiiié,

Y éclampsie infantile propre à la première enfance, - enfants de

[ROUSSY.J

824 CONVULSIONS ET CUISES CONVULSIVES.

2 moins il 2 ans - n'est qu'un syndrome qu'on a isolé malgré la variété

des causes qui le conditionnent parce que le plus souvent cette cause

n'est pas visible de prime abord et qu'il faut la rechercher soigneu-

sement. Le praticien appelé auprès de l'enfant prendra sa température et

s'enquerra avec grand soin, auprès des parents ou de la nourrice, des

principales causes provocatrices de cette catégorie de convulsions.

S'il n'y a pas de fièvre, ce peuvent être : le travail de la dentition, les vers

intestinaux souvent, les corps étrangers de l'oreille et du nez, les calculs

vésicaux et rénaux, les brûlures, les vésicatoires, les piqùres d'épingle du

maillot, etc. Les convulsions sont surtout fréquentes chez les nourris-

sons élevés au biberon, dans les troubles digestifs; c'est là une question

qui reste il tirer au clair.

S'il y de la fièvre, on peut avoir affaire aux maladies infectieuses à

début brusque et à la plupart des fièvres éruptives (pneumonie, broncho-

pneumonie, scarlatine, rougeole, variole) qui peuvent amener l'éclamp-

sie. On recherche alors minutieusement les signes de ces affections en

se rappelant que les crises convulsives y sont fréquentes surtout au début

et le plus souvent bénignes; à la fin elles sont plus sérieuses et peuvent

indiquer, principalement dans la scarlatine, des accidents urémiques.

Si l'on ne trouvait rien, s'il n'y a ni fièvre, ni albumine, on pensera il

la possibilité d'une intoxication dont nous ne retiendrons que l'usage du

thé, du café, de l'alcool, par la nourrice ou par l'enfant, et surtout les

intoxications médicamenteuses (opium, belladone, santonine, etc.). Il

va de soi qu'en ce cas on supprimera tout médicament.

Cliniquement, les convulsions de l'enfant ne diffèrent de celles de

l'adulte que par l'absence d'aura, de morsure de la langue. Un enfant (de

1 à 2 ans par exemple) pâlit subitement, sa tête se porte en arrière et

l'accès convulsif généralisé, d'abord tonique, puis clonique, apparaît.

Les convulsions peuvent être partielles; elles se localisent alors principa-

lement à la face et aux membres supérieurs et se caractérisent par les

mouvements des globes oculaires, la contraction des commissures buc-

cales, des secousses dans le bras. Il y a toujours perle de connaissance et

celle-ci peut même constituer tout le phénomène. Souvent on constate

en même temps que la convulsion, le spasme de la glotte (convulsion

interne), lequel peut également constituer un phénomène isolé. Il est tou-

jours prudent de prévenir les familles de la possibilité de troubles intel-

lectuels et paralytiques, de contractures qui peuvent être définitifs, d'une

transformation éventuelle en épilepsie, si l'on est interrogé sur les suites

de la maladie.

S'il s'agit d'un enfant plus âgé, on procédera tout aussi méthodique-

ment qu'auparavant à l'Interrogatoire, à la recherche de la lièvre, à l'exa-

men des urines.

Les convulsions symptomatiques de lésions cérébrales ou méningées

se montrent surtout chez l'enfant dans les méningites aiguës, les lIlél111-

sites tuberculeuses, etc. Quand elles surviennent au cours de la maladie

CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES. - 825

confirmée, on les reconnaît facilement aux signes cliniques concomitants,

céphalalgie, contracture, strabisme, mâchonnement, ou aux vomisse-

ments, à la constipation, aux résultats de la ponction lombaire, à la

fièvre. Mais quand ces signes sont encore peu marqués, vagues, on doit

réserver le diagnostic et penser il la possibilité d'une encéphalite. Nom-

breuses sont les lésions cérébrales apyrétiques : congestion, anémie, trau-

matisme crânien, sclérose cérébrale, hémorragie, ramollissement, qui

peuvent amener des convulsions ; mais ici la maladie est déjà diagnos-

tiquée antérieurement ou facile à reconnaître et la convulsion n'est qu'un

épisode. Les tumeurs cérébrales, les abcès occasionnent des convulsions

le plus souvent partielles, accompagnées des troubles de la compression

cérébrale, tels que stase papillaire, céphalée, torpeur, vomissements, etc.

Ces convulsions laissent souvent à leur suite des contractures et dcspara-

lysies localisées. Les complications de l'urémie cérébrale, auxquelles il

faut toujours penser, quoiqu'elles soient moins fréquentes chez l'enfant

(scarlatine) que chez l'adulte, seront facilement reconnues par l'examen

des urines et les commémoratifs.

Les convulsions épileptiques (épilepsie vraie) apparaissent surtout

entre sept et quinze ans. Elles sont généralement précédées par les

manifestations du petit mal, absences, vertiges, convulsions incomplètes

sans perte de connaissance. Après quelques années, surviennent les

grandes crises convulsives, très semblables à celles de l'adulte : aura le

plus souvent motrice, lmis phase de convulsions toniques, de convulsions

cloniques, de stertor suivi de sommeil. La torpeur consécutive est moins

longue et moins accentuée que chez l'adulte. Il faudra s'enquérir de ces

commémoratifs, de la morsure de la langue, de la miction involontaire,

et ceci avec le plus de détails possibles, parce que le plus souvent le pra-

ticien arrivera quand tout sera terminé.

Dans les familles nerveuses et si les signes d'épilepsie ne sont pas nets,

il faut se souvenir qu'il y a une hystérie convulsive chez l'enfant. Elle se

compose souvent de quatre périodes comme chez l'adulte (voir plus loin) :

période de convulsions, toniques ou cloniques, période de contorsions,

période d'attitudes passionnelles, enfin période de délire. Mais c'est une

crise souvent très incomplète.

En dernier lieu, et comme cause exceptionnelle, il nous reste à signaler

la possibilité de convulsions, se manifestant comme premier symptôme

de la tétanie, surtout chez le nourrisson. Ce n'est pas un diagnostic

facile. Aussi IIarvier (Thèse de Paris, 1909), conseille-t-il en présence

de convulsions d'origine indéterminée, de rechercher les signes latents

de la maladie : hyperexcitabilité électrique ou mécanique des nerfs. La

constatation de ce dernier signe (signe de Chvostek), au moment d'une

période d'accalmie naturellement - on ne trouverait rien pendant la

crise - suffit à orienter déjil le diagnostic. Hanter a pu ainsi rap-

porter à la tétanie des convulsions survenues chez des enfants entrés à

l'hôpital avec le diagnostic de méningite. Une ponction lombaire - pour

[ROUSSY.]

826 - CONVULSIONS ET CRISES CO\ ULSt1'h;s.

laquelle tout praticien devrait être outillé, amenant des résultats né'ra-

tifs, confirmerait le diagnostic.

B) Chez l'adulte, le diagnostic étiologique des convulsions est tantôt

facile, tantôt très difficile. Les cas faciles sont ceux dans lesquels cer-

taines circonstances nous mettront immédiatement sur la voie : grossesse,

lièvre intense, affection cérébrale ancienne et notoire, albuminurie.

Appelé auprès d'une femme enceinte qui a ou a eu des convulsions, le

médecin doit d'abord penser à l'éelarrrpsie puerpérale, surtout si cette

femme a présenté de l'albuminurie pendant sa grossesse. Il y pensera il

plus forte raison s'il trouve la femme en travail et pendant les suites de

couches. Les accès éclamptiques ressemblent beaucoup à l'épilepsie : ils

sont constitués par une phase de convulsions toniques, suivie d'une phase

de convulsions cloniques et s'accompagnent de perte de connaissance.

Il y a pourtant quelques traits qui les différencient du mal comitial, outre

la présence de l'albumine dans les urines : l'accès éclamptique est pré-

cédé de quelques prodromes (céphalalgie, doigt mort, barre épigastrique

de Chaussier, troubles visuels, etc.) et d'une phase d'invasion (contrac-

tures dans les muscles de la face et des yeux, mouvements alternatifs

de la tête à droite et à gauche). Nous insistons sur ces signes parce qu'il

peut arriver qu'une femme enceinte ait une crise (l'épilepsie vraie, et

soit une ancienne comitiale.

En dehors de l'éclampsie, la recherche de l'albumine dans les urines peut

encore être une source de renseignements précieux; il faut donc que le

praticien la fasse systématiquement et qu'au besoin il sonde le malade

pour se procurer la quantité nécessaire d'urine. Ce sera le seul moyen

de déceler Y urémie convulsive, s'il est appelé pour la première fois

auprès du malade, si les oedèmes sont peu marqués ou nuls. Ce sera

aussi le moyen d'agir à temps, énergiquement, non seulement dans les

formes éclamptiques, simulant l'épilepsie, dont elles ne diffèrent que par

l'absence de cri initial, d'aura, de morsure de la langue, de flexion forcée

du pouce, mais encore dans le type qui ressemble à une crise (l'épilepsie

Ilravais-,jaclaonnicnne ou dans le type tétanique, - et de sauver son

malade. Car trop souvent, si le traitement n'intervient pas, si on ne pra-

tique pas la saignée, les accès se précipitent, le malade entre dans le

coma et la mort vient terminer la scène. Malheureusement, il y a une cir-

constance où le diagnostic peut être malaisé; c'est dans l'urémie par

néphrite interstitielle. L'albumine et 1'(J'dirne, en effet, peuvent manquer

et il faudra rechercher le bruit de galop, l'hypertrophie du coeur, l'hy-

pertension artérielle. Puisque nous parlons de convulsions auto-toxiques,

mentionnons le diabète comme cause possible.

On reconnaîtra sans peine aussi les convulsions des alcooliques invé-

térés (m des nerveux ivres : la face' du malade est typique; l'odeur de

l'haleine, les vomissements ne laissent pas de doute. On pcutCI1 dire autant

des convulsions par intoxications : les commémoratifs ne manqueront

guère et l'on aura affaire le plus souvent à une tentative d'empoisonné-

CONVULSIONS ET CRISES C011'ULSI'Is. 827

ment ou à un empoisonnement involontaire par la strychnine, l'opium,

la belladone, l'ergot de seigle.

Les ouvriers qui manient la céruse présentent quelquefois des crises

épileptiformes qui sont plus longues que celles de l'épilepsie (encéplza- :

apathie saturnine à forme convulsive), s'accompagnant de trismus;

on a dans ce cas, pour servir au diagnostic, les commémoratifs et, sou-

vent, la présence du liseré saturnin des gencives.

Toutes ces convulsions sont plus ou moins apyrétiques ; mais le méde-

cin pourra être appelé auprès de malades qui ont de la fièvre et une

forte fièvre, qui sont quelquefois alités depuis plusieurs jours et qui

ont ou qui viennent d'avoir des convulsions généralisées. Dans ce cas,

le diagnostic ne devra par s'égarer. En examinant le malade on trou-

vera les marques d'une pyrexie au début, d'une fièvre typhoïde,

d'une fièvre éruptive. Les convulsions pourront, il est vrai, marquer

tout à fait le début de l'état infectieux et le diagnostic être moins

aisé. On attendra pour se prononcer, et le plus souvent les soupçons se

changeront en certitude après une nouvelle visite faite au malade. Tar-

dives, les convulsions seront ici facilement rapportées à leur cause. Nous

ne mentionnons que pour être complet la fièvre pernicieuse il forme

convulsive que connaissent les médecins des régions à paludisme, ainsi

que les convulsions de la rage, pour en arriver tout de suite aux

manifestations nerveuses, fébriles aussi, des infections du système

nerveux.

On est en présence d'un malade qui a un état infectieux grave, de

la fièvre, des convulsions; on ne trouve pas de signes des grandes py-

rexies connues, telles que la scarlatine, la lièvre typhoïde, la pneumonie,

la grippe, mais on est frappé par l'importance des réactions nerveuses.

On recherchera les signes nerveux et on reconnaîtra la méningite aiguë,

la méningite cérébro-spinale épidémique. aux contractures, aux acci-

dents délirants et comateux. L'opisthotonos, le trismus, l'origine épidé-

miclueferont pencher en faveur de la méningite cérébro-spinale. En cas

de doute, il faut recourir à l'examen cytologique et bactériologique du

liquide retiré par ponction lombaire. Nous avons vu comment on pouvait

reconnaître une méningite tuberculeuse : ces signes valent pour l'adulte

comme pour l'enfant. Chez celui-ci la présence fréquente d'autres loca-

lisations tuberculeuses évidentes fournit un appoint au diagnostic, quand

des convulsions partielles ou généralisées auront fait leur apparition.

En dernier lieu, il faut savoir penser à une affection qu'on a trop long-

temps méconnue, l'encéphalite aiguë. On lui attribue nombre d'acci-

dents .nerveux des pyrexies, mais il reste cependant un certain nombre

de faits où elle est apparue chez des individus indemnes de toute affec-

tion préalable, s'affirmant ainsi comme une maladie primitive (Char-

tier). Un malade infecté présente des symptômes cérébraux, céphalée,

délire, jactation. agitation des membres, convulsions localisées et con-

tractures. Mais le pouls reste régulier et. soutenu, hien que rapide et ce

[ROUSSY.]

828 CONVULSIONS ET CRISES CONVULS1VES.

qui domine, c'est une somnolence profonde, se compliquant bientôt de

phénomènes paralytiques.

Le diagnostic des convulsions est encore facile dans d'autres affections

cérébrales et méningées, apyrétiques, et dont le début remonte à des

mois ou à des années. C'est ainsi que dans la sclérose cérébrale chro-

nique vous constaterez qu'il v a des paralysies ou des contractures et on

vous aura dit qu'elles dataient de l'enfance. C'est ainsi qu'on vous

appellera auprès d'un paralytique général qui vient de compliquer son

état déjà si grave par des convulsions partielles ou généralisées; si nous

ne connaissons déjà le malade, l'entourage nous dira que depuis quel-

ques mois déjà l'état intellectuel du malade avait baissé, qu'il y avait

des manifestations délirantes, tristes ou ambitieuses. On reconnaîtra

la cause en recherchant les signes essentiels de la paralysie générale,

tremblement, troubles de la parole, signe d'Argyll-Robertson, etc. On

pourra rencontrer quelquefois aussi des cas de méningite chronique, un

hématome.

Terminons ce diagnostic en rappelant les convulsions qui résultent de

l'insolation et celles qui dépendent de l'anémie cérébrale consécutive

aux grandes hémorragies externes et internes, d'un traumatisme crânien.

enfin d'une irritation périphérique ou viscérale (épilepsie pleurale

diaque, nasale, etc.). '

Nous venons d'énumérer les cas où le diagnostic étiologique des con-

vulsions est relativement aisé. Il nous reste à parler, avant, de décrire les

deux grandes névroses convulsives, l'épilepsic et l'hystérie, d'une série

de circonstances cliniques où le praticien pourra être fort embarrassé.

Dans certains cas, très graves, cela ne sera que de peu d'importance

au point de vue thérapeutique; dans d'autres, au contraire, le salut

du malade pourra dépendre d'un diagnostic précis et sur.

],'héiiio7,i,agie méningée peut se manifester par des convulsions épilep-

tiformes survenant au moment de l'ictus apoplectique auxquelles succé-

dera bientôt un état comateux avec hémiplégie ou paralysie des quatre

membres. Elle est fréquente chez les alcooliques. Mais une hémorragie

infra-ventriculaire peut aussi frapper un alcoolique et il sera difficile de

différencier les deux états; peu importe. Mais voici des cas où il faudra

faire un diagnostic précis.

Des convulsions généralisées ou partielles pourront être les premiers

symptômes d'une tumeur cérébrale, d'un abcès, d'une lésion tubercu-

leuse limitée, qui sont quelquefois curables, d'une allémlion syphilitique

qui l'est souvent aussi. Il faudra rechercher alors avec soin s'il n'existe

pas, au moins à l'état d'ébauche, un des signes suivants : céphalée et dou-

leurs localisées, parésie hémiplégique, paralysie d'un nerf crânien, oedème

papillaire en faveur d'une tumeur, des signes surtout cérébelleux en

faveur d'une localisation au cervelet, quelque lésion otique ou nasale

en faveur d'un abcès. Le début des convulsions par le membre inférieur,

épilepsie partielle crurale, doit faire penser, chez un tuberculeux, à une

CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES. 829

plaque méningée; l'exaspération nocturne de la douleur, les antécédents

spécifiques à la syphilis cérébrale. Toutes ces conditions seront quelque-

fois insuffisantes et l'on sera souvent tenté et autorisé de faire appliquer

le trépan autant dans un but de diagnostic que de traitement. Dans des

éventualités plus rares, l'apparition de convulsions chez un malade ne

cause pas d'embarras au clinicien et lui rend plutôt le service de porter

son attention sur une étiologie cérébrale possible. Il s'agit de malades qui

souffrent depuis des semaines d'abattement, de torpeur, de maux de tête,

de poussées thermiques. On les examine et on ne trouve rien ou presque.

L'apparition des convulsions éclaire alors d'une lumière intense cette

symptomatologie vague et montre que le danger est au cerveau.

Faute d'y penser on peut être embarrassé par la survenue de convul-

sions après un accès de migraine ophtalmique ou méconnaître les rela-

tions qu'elles peuvent avoir avec un pouls lent permanent.

Il nous reste enfin à parler de deux causes capitales de convulsions,

Y hystérie et l'épilepsie. Nous les rangeons avec les diagnostics difficiles,

non pas que leur symptomatologie ne soit très typique, mais parce que

le médecin n'arrive que trop rarement à temps pour voir la crise et qu'il

doit, dans bien des cas, se contenter de la description que lui a fait

l'entourage.

Crise convulsive de l'épilepsie. L'accès épileptique peut,

apparaître soudainement, au milieu d'un état de santé tout à fait satis-

faisant en apparence ; il semble au spectateur que le malade soit tombé

comme foudroyé, et la brusquerie de la crise a empêché l'entourage de

prendre aucune précaution. D'autres fois, au contraire, il y a des phéno-

mènes prémonitoires, presque toujours les mêmes pour chaque malade

et dont la survenue prévient l'épileptique et son entourage qu'une nou-

velle crise va éclater. Ces phénomènes sont d'une constatation particuliè-

rement utile quand ils précèdent de quelques heures ou même de

quelques jours l'accès comitial; ils sont très variables et peuvent con-

sister en tremblements généralisés ou partiels, en grincements de dents,

en clignotements, en sensations de chatouillement sur la luette, dans

l'un des yeux, dans l'une des narines, en excitation génitale insolite, etc.

Quand elles précèdent immédiatement le paroxysme convulsif, les mani-

festations prémonitoires prennent le nom d'all1'as : elles constituent en

réalité le symptôme initial de l'accès et affectent la forme de troubles

moteurs, sensitifs, sensoriels ou psychiques et viscéraux. L'énumération

des variétés d'auras que l'on a pu rencontrer serait longue. Contentons-

nous de signaler ici, dans l'ordre moteur, les secousses musculaires, les

tremblements, les spasmes qui remontent de la périphérie d'un membre

à sa racine; les mouvements automatiques, tels que l'acte de se gratter le

front, de cligner des yeux ou de se passer la langue sur les lèvres, les

mouvements coordonnés. Des sensations particulières de chaud, de froid,

d'engourdissement remontant du tronc et des membres vers la tète,

constituent l'aura sensitive. Les auras sensorielles sont surtout visuelles :

[ROUSSY.]

850 CONVULSIONS ET CRISES l;0\VULSlI'1 : 5.

photophobie, obnubilation de la vue pouvant aller jusqu'à la cécité,

scotomes de formes et de couleurs diverses, vision grossie ou rapetissée

des objets, hallucinations, etc. Elles peuvent être auditives, olfactives ou

gustatives. Les auras psychiques sont particulièrement intéressantes :

réminiscence rapide et vite évanouie de quelque événement antérieur,

dépression mélancolique, terreur folle, accès de violence, etc. Enfin les

douleurs précordiales, les palpitations, les coliques violentes, l'angoisse

respiratoire avec sensation de spasme laryngé, le vertige, le bégaiement

ou la paraphasie réalisent de véritables auras viscérales.

Quoi qu'il en soit du mode de début, l'accès convulsif est toujours

secondaire. Le malade pâlit, pousse un cri et tombe sans connaissance.

Aussitôt commencent les convulsions toniques, bientôt suivies par le

stade clonique. Après une à deux minutes, stertor qui termine l'attaque.

Le patient épuisé s'endort. L'ensemble reproduit les deux phases

toniques et cloniques que nous avons signalées plus haut dans notre des-

cription générale des convulsions.

Dans la phase tonique en effet, la tête s'incline ou se porte en arrière,

les globes oculaires se dirigent en haut et du côté où se tourne la tète,

puis se fixent en strabisme convergent, les pupilles dilatées sont insen-

sibles il la lumière, le visage est grimaçant et surtout la langue est

mordue profondément. Les membres raides sont tendus, les mains

fermées, le pouce replié dans la paume de. la main ou sur les doigts

fermés. La poitrine immobile est fixée en expiration, la face rouge et

congestionnée au point de devenir le siège de ruptures vasculaires con-

jondintles ou palpébrales. Dès ce moment, on peut observer des évacua-

tions involontaires de matières et d'urines. Le pouls est fréquent, la

pression artérielle élevée.

Au bout de quelques secondes commence la phase clonique. Les

membres sont portés en tous sens, tout le corps est agité par saccades;

on voit les globes oculaires animés, agiles de mouvements incoordonnés

et violents, mettant l'oeil en strabisme, entraînant la pupille en haut.

Les dents grincent, la langue est déchirée et chaque effort expiratoire

projette hors de la bouche une salive sanguinolente, véritable mousse

rougeatre. Des grimaces résultent des mouvements des muscles peauciers.

La respiration courte, brusquement entrecoupée et presque asphyxiante,

prouve que la musculature respiratoire participe il la convulsion. L'éva-

cuation des urines et des mat ières fécales s'observe comme précédemment,

mais par relâchement des sphincters. L'hypertension artérielle, la tache- : cardie persistent.

Enfin, l'explosion convulsive se calme et le malade entre dans la phase

de stertor. Les membres sont flasques et inertes, la face livide, le malade

insensible reste dans la torpeur, il ronfle. Puis au bout de quelques

minutes, d'une demi-in'ure et quelquefois davantage, on le voit se

réveiller, hébété et las, n'ayant aucun souvenir de ce qui vient de se

passer..

CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES. 851

Quand le médecin n'aura pas été présent à l'attaque, il se fera raconter

minutieusement la scène et n'oubliera pas de constater lui-même si la

langue a été mordue, si les urines ont été rejetées et si le malade s'est

blessé; il insistera sur l'existence de l'amnésie de la crise.

Il tiendra compte aussi de la possibilité de crises atténuées, incom-

plètes ou, au contraire, aggravées. C'est ainsi que, par exemple, la phase

tonique pourra être très courte, ou absente, la phase clonique limitée à

une partie du corps, le cri initial, la morsure de la langue, les évacua-

tions manqueront quelquefois. Dans d'autres circonstances, les crises

pourront se multiplier, se répéter même coup sur coup, devenir subin-

trantes et constituer Y étal de mal, lequel conduira il la mort par collapsus

ou au milieu des convulsions, quelquefois à la guérison. Enfin l'accès,

souvent nocturne, peut passer inaperçu, le malade continuant son som-

meil après la phase stertoreuse : le praticien recherchera s'il n'y a pas eu

évacuation d'urine ou morsure de la langue pendant la nuit, s'il n'y a

pas une ecchymose au réveil.

L'attaque comitiale typique peut alterner avec des attaques anormales,

dites petit mal, ou être remplacée par elles : il s'agit alors d'accès de

vertiges, d'ictus apoplectiformes, d'absences, d'épilepsie précU1'sive,

d'automatisme ambulatoire, de crises stertoreuses, etc. Elle peut aussi

alterner avec les équivalents, syndromes sensoriels, viscéraux ou psy-

chiques, dont la nature épileptique ressort de leurs allures paroxystiques,

de leur retour périodique, de l'action de la médication broniurée sur eux.

Crise convulsive de l'hystérie. Très difficile quand elle

simule l'épilepsie ou l'allaque jacksonienne, le diagnostic de la grande

crise convulsive hystérique est plus facile quand on peut noter les par-

ticularités suivantes. A la suite de prodromes plus ou moins éloignés,

consistant en tristesse, excitation, besoin irrésistible de marcher, de

gesticuler, de parler, en hallucinations, en palpitations, rougeurs ou

pâleur des extrémités, hoquet, oppression, nausées, tremblements, etc.,

survient l'aura proprement dite, la « boule hystérique ». C'est une sen-

sation de corps arrondi qui se déplace en remontant des parties inférieures

de l'abdomen vers l'épigastre, la poitrine, le cou. Il va des sensations de

suffocation, de sifflement dans les oreilles, des battements dans les

tempes, du vertige; puis l'accès éclate et s'accompagne de perte de con-

naissance et de chute.

La phase tonique commence d'emblée, avec. quelquefois miction invo-

lontaire et morsure de. la langue, bientôt suivie d'une phase clonique et

de résolution : le tout constitue la période épileptoïde. Puis, au milieu

de cris, de soubresauts, le sujet entre dans la deuxième période, celle

des contorsions et des grands mouvements, dite encore période de

c/0 ! <; ! u.< ? . Il se contorsionne, grimace, déchire ses vêlements, prend

les altitudes les plus imprévues, particulièrement celle dite « en arc de

cercle » , Il semble que des hallucinations d'un caractère effrayant le pour-

suivent.

[ROUSSY] ]

852 CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES.

Dans la période des altitudes passionnelles, les jeux de physionomie

les gestes, les poses les plus expressives, les paroles reproduisent les

diverses scènes d'une hallucination, d'un rêve, toujours les mêmes pour

chaque malade et reproduisant des événements du passé avec leur cortège

d'émotions tristes ou gaies.

La quatrième période, dite période de délire, annonce la fin de la

crise. C'est un délire surtout parlé.

La terminaison de toute cette scène dramatique se fait quelquefois au

milieu de quelques phénomènes critiques : polyurie, pleurs, rires,

hoquets. Le sujet se réveille et en est quitte pour un peu de fatigue.

Ainsi constituée, la crise peut se répéter il intervalle, variable, tous les

jours, plusieurs fois par jour. On a décrit un état de mal ? s/en'<7Me. Ce

qu'il importe de savoir surtout, c'est que le paroxysme hystérique ne

présente pas toujours, il s'en faut, celle intensité et cette complexité.

Très fréquente, en effet, est la petite attaque d'hystérie qui débute par

une aura, suivie de perte de connaissance plus ou moins complète. Une

période convulsive survient, tonique, puis clonique, avec ébauche d'arc

de cercle et d'attitudes passionnelles, et la crise se termine par une

période post-convulsive ou de délire.

Ici, comme dans l'épilepsie, il peut y avoir des formes irrégulières ou

frustes d'attaques hystériques : on pensera au vertige hystérique, aux

attaques épileptoïdes, aux attaques démoniaques, d'extase, de syn-

cope et de sommeil, etc. -

Le diagnostic différentiel entre la crise convulsive épileptique et la

crise convulsive hystérique se basera sur les considérai ions suivantes :

la crise hystérique est plus fréquente chez la femme; elle éclate pendant

la journée, souvent à propos de chagrins, d'émotions, de querelles; elle

dure longtemps. La crise épileptique est aussi bien nocturne que diurne,

elle apparaît sans motif apparent, s'accompagne d'incontinence d'urine,

de morsure de la langue, est suivie d'une longue période, de stertor. Mais

quelques-uns de ces caractères, morsure' de la langue, évacuation invo-

lontaire d'urine, peuvent se rencontrer accidentellement dans le pa-

roxysme hystérique; d'autre part, une émotion intense, peut quelquefois

provoquer un accès comitial. Le praticien recherchera alors quelques-

uns des signes objectifs, que l'hystérique ne peut reproduire, cette né-

vrose, d'après la définition de Babinski, ne pouvant réaliser que ce que

la volonté et l'imagination peuvent réaliser. Ces signes, en faveur de

l'épilepsie, sont le phénomène des orteils et la lividité de la figure,

particulièrement des lèvres. On y peut ajouter l'exagération fréquente

des réflexes tendineux avec clonus du pied, l'état de la pupille qui est

dilatée et immobile à la lumière. En outre, en examinant le malade en

dehors des crises, on verra que l'hystérique présente les signes du pilhia-

lisntc (Babinski), absents chez les épileptiques; tous les troubles pithia-

tiques peuvent être reproduits par suggestion et on peut les faire dispa-

raître sous l'influence exclusive de la persuasion. Cela revient à dire

CONVULSIONS ET CRISES CONVULSIVES.. > 855

qu'il ne faudra pas s'attarder à rechercher les fameux « stigmates » de la

névrose auxquels on attachait autrefois tant d'importance. Ceux-ci sont

inconstants, artificiellement provoqués le plus souvent par les examens

réitérés des médecins, quelquefois par l'influence suggestive de conver-

sations, de lectures, par l'imitation. Ils peuvent par conséquent faire

défaut, et il sera nécessaire de se contenter de l'analyse de la crise

convulsive elle-même. L'épileptilluc aura eu souvent des crises convut-

sives dans l'enfance : il présentera les stigmates de la dégénérescence,

dans certains cas; presque toujours des cicatrices ou des ecchymoses,

témoins de chutes anciennes ou récentes.

Enfin le praticien "n'oubliera pas qu'hystérie et épilepsie peuvent

coexister chez le même malade et qu'il faudra dans ce cas chose sou-

vent malaisée faire le départ de ce qui revient à l'une et à l'autre

maladie.

PXATKHXEUROL. M

[ROUSSI.]

TREMBLEMENTS

par le De CROUZON

Littré définit le tremblement : « Une agitation involontaire du corps

ou de quelques membres par petites oscillations pendant l'exécution de

mouvements volontaires qui n'en continuent pas moins à se produire et

qui ne font que perdre de leur précision ».

Cette définition est adoptée sans restriction par Blocq et Onanolf :

llallion fait remarquer que les oscillations pour caractériser le tremble-

ment doivent être régulières et rythmées. D'antre part, les oscillations

peuvent être assez étendues comme dans la sclérose en plaques; enfin,

certains tremblements peuvent cesser pendant l'exécution des mou-

vements volontaires. I-(allion propose donc de substituer à la définition

de Littre la suivante : « Agitation involontaire par oscillations rythmées ».

Nous allons passer ci-dessous en revue un grand nombre de variétés

de tremblements : dans chacune de ces catégories le tremblement sera

caractérisé par un certain nombre de points suivants :

1° Siège du tremblement. Le tremblement peut être généra-

lisé aux membres, il la tête et au tronc. Il peut au contraire être limité à

un côté du corps, à un membre, aux deux membres inférieurs; il est

quelquefois limité aux globes oculaires : c'est le nystagmus.

20 Intensité du tremblement. - Le tremblement est quel-

quefois très faible, le malade ne s'en aperçoit pas, tel est le cas du

tremblement alcoolique; il faut alors user de certaines manoeuvres pour

mettre en évidence ce tremblement. C'est ainsi que pour les membres

supérieurs il faut demander au malade d'étendre les bras et d'écarter les

doigts : c'est l'altitude du serment.

Au niveau des membres inférieurs, il faut demander au malade

d'étendre les jambes. Azoulay et Regnault (Congrès de Caen, 1894) ont

montré que le meilleur moyen pratique d'exagérer le tremblement ou de

le faire apparaître s'il est insensible, est de faire exécuter un effort au

malade. Ils ont étudié le tremblement par la méthode graphique sans

effort et avec effort et ont constaté l'exagération de ce tremblement.

D'autre part, l'effort synergique exagère aussi le tremblement; on sait,

depuis .lendrassik, que le réflexe rotulien peut apparaître pendant un

effort, il en est de même du tremblement : si l'on fait un effort dans nn

bras, le tremblement s'exagère dans l'autre bras. Mais, à part ces cas oir

TREMBLEMENTS 83.

l'intensité du tremblement est minime, il est des cas oil l'intensité est telle

qu'elle empêche presque le mouvement volontaire, la marche devient diffi-

cile, il faut une analyse minutieuse quelquefois pour déceler que cette

démarche est rendue difficile par le tremblement.

3° Rythme du tremblement. - Il peut être variable si les oscil-

lations sont inégales en fréquence. Comparés les uns aux autres, les trem-

blements peuvent être classés en rythmes rapides ou tremblements vibra-

toires (8 à 12 oscillations par seconde); le type de ce rythme rapide est

le tremblement de la maladie de Basedow. Le rythme peut être moyen,

de y 1/'2 il 7 oscillations J/2 par seconde, c'est le tremblement de la

plupart des intoxications. Enfin, le rythme peut être lent comme dans

la paralysie agitante, les oscillations sont de 4 à 5 1/2 par seconde.

4° Influence des mouvements volontaires. Le procédé

le plus simple pour découvrir les tremblements exagérés ou provoqués

par les mouvements intentionnels consiste il faire prendre au malade un

verre rempli d'eau jusqu'au bord et il lui demander de le porter à sa

bouche pour le boire. Cet acte peut quelquefois s'accomplir facilement

malgré le tremblement. D'autre part, le tremblement peut cesser pen-

dant l'accomplissement de cet acte chez certains trembleurs (paralysie

agitante). Enfin, il peut s'exagérer et on peut voir le tremblement

augmenter progressivement, au sur et à mesure que le mouvement

s'accomplit. Quand le verre se rapproche des lèvres, le tremblement

s'exagère, les dents se choquent et le liquide est répandu : on mettra

ce fait en évidence dans l'examen d'un malade atteint de sclérose en

plaques.

5° Autres influences modificatrices. L'émotion peut exa-

gérer le tremblement fébrile, elle peut au contraire le diminuer ou le

faire disparaître.

La peur de trembler, la lI'élllopllObie (Mcigc) peut accentuer le trouble

moteur.

6" Évolution du tremblement. Le tremblement peut se

produire tout d'un coup brusquement; il peut se produire lentement

envahissant successivement toutes les parties du corps. La durée du

tremblement peut être variable, quelquefois il est passager comme dans

le frisson; il peut avoir une tendance à l'amélioration comme dans

l'hystérie, comme dans les intoxications; il peut être enfin chronique

comme dans la sclérose en plaques, dans la paralysie agitante, dans

la maladie de Basedow. Mais, il travers l'évolution d'un tremblement, le

rythme et ses variations suivant les mouvements intentionnels persis-

tent invariables. -

7° Inscription d'un tremblement par la méthode gra-

phique. L'enregistrement du tremblement est le complément néces-

saire de l'élude clinique qu'on en a fait; nous n'entrerons pas ici dans le

détail de la technique de la méthode graphique.

Le pneumographe de Marcy a permis il Parisot (de Nancy) de constater

(CROUZON.]

856 TREMBLEMENTS.

dans les tremblements l'existence d'un tremblement respiratoire dont le

nombre des oscillations et les caractères sont identiques à ceux du trem-

blement général, .

8° Phénomènes accompagnant le tremblement. Le

tremblement peut avoir une répercussion sur d'autres fonctions : la ta-

chycardie se rencontre fréquemment chez les trembleurs, suivant Gilbert

Ballet elle serait fonction du tremblement. Pierre Marie estime au con-

traire qu'entre les deux phénomènes il n'y a pas de relation de cause i,

effet mais que les deux phénomènes dépendent au même titre d'une per-

turbation probable du système nerveux central.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Y a-t-il tremblement ? - On ne confondra pas le tremblement :

avec les secousses fib1'illail'es des muscles qiii ne sont pas suffisantes

pour produire un déplacement du membre. De même les secousses ten-

dineuses ne provoquent pas de déplacement des membres,, et d'autre part

ils se produisent d'une façon irrégulière et non rythmée, ce qui est con-

traire à la définition que nous avons donnée du tremblement.

Les mouvements choréiques qui sont étudiés plus loin se distinguent

par un certain nombre de caractères : ce sont des contractions muscu-

laires involontaires, incessantes, irrégulières, de grande amplitude, assez

brusques, mais sans secousses qui déterminent des mouvements contra-

dictoires.

Les mouvements de l'aileélose sont au contraire des mouvements plu»

lents, réguliers, de petite amplitude, illogiques et caractérisés au niveau

des mains et des doigts par des mouvements successifs d'extension et de

flexion, d'adduction et de flexion qui rappellent ceux du poulpe.

Les tics sont des mouvements plus brusques que les mouvements

choréiformes, des mouvements convulsifs et intempestifs répétés à l'excès,

commandés primitivement par une cause extérieure ou par une idée

acquise. Dans la suite, ils se répètent involontairement. '

Les mouvements du tahétique ne sont ni réguliers ni rythmés, et leur

incoordination suffit pour les distinguer du tremblement.

L'asynergie cérébelleuse décrite par Babinski est caractérisée par un

trouble dans la faculté d'associer les mouvements des divers segments

d'un membre dans un mouvement complexe comme la marche par

exemple. Les asynergiques présentent également la perte de la diaduco-

cinésie : c'est l'impossibilité d'exécuter des mouvements successifs tels

que ceux de supination et de pronation pour l'avant-bras : il en résulte

une série de mouvements irréguliers qui sont tout à fait distincts du

tremblement. - , ,

Les spasmes fonctionnels sont également différents des 1renr ! JI(']lle1ts :

ce sont, comme l'a montré Brissaud, des troubles moteurs dépendant d'une

irritation siégeant sur un point quelconque d'un arc réflexe : tel est le

DIAGNOSTIC DE LA CAUSE DU TREMBLEMENT. S7

spasme qui accompagne la névralgie du trijumeau. Les contractions

musculaires du spasme occupent un territoire nerveux défini, elles sont

parcellaires, paradoxales et illogiques, elles ne peuvent être reproduites

par la seule volonté : telles sont l'incurvation de l'aile du nez et la consta-

tation de la fossette mentonnière dans le spasme facial (Babinski).

Cependant, dans certains cas, le tremblement peut avoir des rapports

avec d'autres mouvements normaux; on a pu observer quelquefois des

associations fréquentes des mouvements choreiformes et des trem-

blements : telle est la maladie de Friedrcich où les mouvements inten-

tionnels coexistent avec les mouvements choréiforines. Toutefois, il ne

faut pas aller jusqu'à penser que le, tremblement simple peut, dans

certains cas, se transformer en mouvement arythmique choréiforme.

.. DIAGNOSTIC DE LA CAUSE DU TREMBLEMENT

Il faut nous demander tout d'abord si le tremblement est toujours un

phénomène pathologique : Lamarcq a rapporté (Congrès de Neurologie,

1890) le résultat de l'examen qu'il a pratiqué avec M. Pitres : sur

1000 sujets il a observé, en dehors de tout état pathologique, un trem-

blement dans 40 pour 100 des cas. Ce tremblement ne différait du reste

ni du tremblement émotionnel ni du tremblement alcoolique, il était de

petite amplitude et à oscillations rapides. Il a trouvé un même nombre

de trembleurs chez les hommes que chez les femmes.

Croctj de Bruxelles pense que ces tn'lI1h]eurs, en apparence nor-

maux, sont des sujets pathologiques, et il pense, que le tremblement est

un phénomène anormal.

Parizot (Congrès de Nancy, 1890) a étudié avec Meyer le tremblement t

physiologique et pense que tout le monde tremble plus ou moins il l'état

physiologique. Ce sont du reste également, les conclusions de Bloch

et uliuscluct (Société de Biologie, février 1004). Ces auteurs pensent

que, le tremblement est un phénomène commun à tous les individus,

il se produit dans deux circonstances : dans l'effort musculaire intense

et dans la recherche d'une position d'équilibre. Ce tremblement a une

vitesse variable suivant les individus et pour un même sujet, il côté

d'une uniformité de vitesse, il présente des irrégularités d'amplitude.

Le tremblement physiologique a fait l'objet de la thèse de Husquet

(Paris, 1904).

Celte question du tremblement physiologique étant écartée, toutes les

lois que ) l'on se trouvera en présence d'un tremblement manifestement

pathologique, il y aura lieu d'en déterminer la cause. Pour cette recherche

de la cause du tremblement, les différents auteurs se sont guidés sur des

classifications différentes : c'est ainsi que Charcot, et à son exemple

llnibou, distingue les tremblements suivant les modifications que leur

donne les mouvements volontaires et aussi suivant la rapidité du rythme :

nous pensons que cette distinction est plus théorique que pratique et

[CROUZON.]

8M TREMBLEMENTS.

qu'il convient, en présence d'un tremblement, de se demander tout

d'abord si ce tremblement est transitoire ou s'il est permanent : dans le

second cas il y a lieu de passer en revue les affections cérébro-spinales.

les affections nerveuses sans lésions organiques connues, les intoxica-

tions, en un mot toutes les affections qui peuvent provoquer le trem-

blement : c'est l'ordre que nous suivons.

1" Tremblements transitoires. Le plus fréquent des trem-

blements transitoires est le tremblement émotionnel : il apparaît à l'occa-

sion d'une émotion, d'une frayeur, d'une perturbation morale quelle

qu'elle soit : ce tremblement n'est du reste que l'exagération du trem-

blement physiologique, ou. dans certains cas, l'exagération d'un trem-

blement pathologique préexistant.

Le frisson est le tremblement du début des pyrexies : l'intensité du

tremblement, le claquement des dents, la sensation de froid que présente

le malade en font faire aisément le diagnostic qui est confirmé par l'appa-

rition de la température et quelquefois par le stade de sueur qui termine

l'accès.

Reginald Nùller (llrait7,1 ! )()l).) a décrit un tremblement aigu survenant

chez les enfants, à mouvements lents, rapprochés, continus, de cinq os-

cillations par seconde, lie ? une attente morbide du système cérélwllll-

rnbro-spinal et dont la guérison survient en quelques semaines.

2° Tremblements permanents. Les tremblements perma-

nents ou tremblements chroniques s'observent au cours d'un grand

nombre d'affections du système nerveux. On peut les diviser, comme le

faisait Cliarcot, en tremblements persistants pendant le repos et en trem-

blements n'apparaissant qu'à l'occasion des mouvements volontaires.

Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire de ranger tous les trem-

blements dans l'un ou l'autre de ces groupes. Nous décrirons successi-

vement les tremblements liés à des lésions organiques du système ner-

veux et les tremblements qui ne sont pas liés à des lésions organiques

connues.

Tremblement dans la sclérose en plaques. Il est le type du

tremblement apparaissant l'occasion des mouvements et de la volonté :

ce tremblement en effet ne se montre jamais quand le malade est au

repos, il apparaît uniquement il l'occasion des mouvements volontaires et

le procédé classique qui consiste il le mettre en évidence est celui que

nous avons indiqué : demander an malade de porter un verre rempli

d'eau il sa bouche; mais on peut le voir aussi apparaître quand le malade

n'est pas suffisamment en équilibre sur sa chaise ou dans son lit, c'est

alors le tremblement d'attitude.

Enfin le tremblement apparaît d'une façon très évidente quand le

malade se met il écrire; le. tremblement s'exagère pendant toute la durée

des mouvements et rend l'écriture tout il fait irrégulière, au bout de

quelque temps elle devient tout il l'ait impossible.

D'autre part, ce tremblement est imitatif, tout un membre est emporte

DIAGNOSTIC DE LA CAUSE DU TREMBLEMENT. 859

par ses oscillations. Le tremblement part de la racine du membre, de

l'épaule par exemple, et se transmet au hras, à l'avant-bras, à la main et

aux doigts. Ce caractère du tremblement s'oppose il celui des tremble-

ments S('gll1l'nlail'cs : en général, il est plus marqué au niveau des

membres supérieurs, mais il est également très marqué au tronc et à la

tète dans les mouvements du corps. Les mouvements du tronc et de la

tète peuvent, dans ce cas rendre difficiles les mouvements du corps :

c'est la démarche vacillante d'0p])enheim; de même quand le malade

porte un verre il sa bouche, la tète participe au tremblement et rend

l'exécution des mouvements difficiles.

Si le tremblement est surtout intentionnel, il n'en est pas moins vrai

qu'il est modifié par d'autres circonstances : 1 étendue du mouvement

exécuté exagère le tremblement, l'émotion, l'attention agissant dans le

même sens.

L'évolution de ce tremblement est progressive : il s'exagère dans le

cours de la maladie et au sur et il mesure qu'il s'accentue, il entrave l'ali-

j\mcntation du malade, il empêche la marche et l'oblige à garder le lit.

A côté du tremblement de la sclérose en plaques, nous mentionnerons

immédiatement le tremblement de la maladie de Friedreich qui est en

effet très analogue à celui de la sclérose en plaques. Le diagnostic de la

maladie se fera par l'ataxie statique, les mouvements choréiformes, le

nystagmus et surtout par l'abolition des réflexes associée au signe de

Babinski.

Nous rapprocherons également de ces tremblements celui observé par

Babinski dans certaines affections de l'appareil cérébelleux, nous faisons

allusiol1 ,'\ l'Iu\lIli tr'(,11 Iblel1 Il'11 associé, à l'héllliasynergie produite par une

lésion cérébelleuse protuberantielle. Dans le cas de Babinski (Société de

Neurologie, 7 février 1901) le malade présentait des petits mouvements

alternatifs de flexion et d'extension de l'avant-bras sur le bras, de pro-

nation et de supination de la main sur lavant-bras; la main présentai !

un tremblement analogue caractérisé par des mouvements alternatifs

d'abduction et d'adduction; quand le malade portait un verre à sa bouche

il apparaissait un tremblement caractérisé par des oscillations au nombre

de 3 ou 4 à la seconde, s'accentuant il mesure que l'objet s'approchait du

but. 1M. André Thomas et Jumentie (Revue Neurologique, 15 no-

vembre 1909) ont observé les mêmes troubles de la sensibilité et en

particulier le tremblement kinétiquc et statique dans l'atrophie olivo-

ponto-cerebelleuse. Gordon Holilles a décrit un tremblement analogue.

Tremblement dans la paralysie générale. Il se présente quelque-

fois au repos, mais cependant c'est surtout pendant l'effort volontaire qu'il

apparaît : on l'apprécie aux mains dans l'attitude du serment, aux doigts

dans la maladresse des mouvements, enfin à la langue et aux lèvres dès

que le malade commence il vouloir parler : on voit alors, au niveau des

muscles qui entourent l'orifice buccal, de petits mouvements irréguliers,

asymétriques qui s'accentuent quand le malade commence à parler; si

{CROUZON-1 .

'.840 .. - TREMBLEMENTS.

on demande au malade de tirer la langue on peut voir apparaître un même

.tremblement d'intensité variable : quelquefois la langue se déploie avec

intensité dans sa totalité d'arrière en avant donnant l'apparence désignée

par Magnan sous le nom de mouvements de trombone; quelquefois la

langue présente des secousses irrégulières, d'autres fois enfin ce sont de

simples tremblements fibrillaires analogues à ceux des lèvres; si l'on fait

écrire au malade on trouve dans son écriture, en dehors des troubles

psychographiques, des troubles calligraphiques (Joffroy) qui sont caracté-

risées par un tremblement dans les jambages des lettres et par l'irrégu-

larité et la confusion quand il s'agit d'un degré plus avancé. Ce tremble-

ment peut également se manifester aux membres inférieurs et entrer

pour une part dans les troubles de la marche. Ce tremblement est minime

au repos ; à différents segments du corps, il est même nul, suivant certains

auteurs (Dupré) ; il est menu et rapide. La méthode graphique a permis

d'apprécier sa fréquence (6 à 8 vibrations par. seconde). Klippel au

moyen du pneumographe a pu déceler un tremblement respiratoire chez

ces malades. Parisot (de Nancy) a confirmé ces recherches.

. Tels. sont les principaux tremblements des maladies organiques

cérébro-spinales : il convient d'y ajouter un dernier mode de trem-

blement qui appartient à plusieurs d'entre elles, nous voulons parlcr du

tremblement clonifoiî ? ze du pied avec trépidation épileploïde qui se

rencontre le plus souvent au pied, quelquefois à la rotule, quelquefois à

la main. Ce clonus est un véritable tremblement, il apparaît à la période

de contracture ou le précède et est caractéristique d'une affection orga-

nique du système nerveux. Nous l'avons du reste déjà étudié à propos de

l'exagération des réflexes achilléens. Pour que ce tremblement soit consi-

déré comme un clonus vrai symptomatique d'une affection organique,

il faut, comme l'a montré Babinski, que ce tremblement soit régulier, à

rythme pendulaire, et qu'il puisse se produire dans l'état de relâche-

ment des muscles du malade. Il doit être distingué par -conséquent du

tremblement cloniforme qui peut se rencontrer chez les sujets nerveux

sous certaines influences et en particulier dans l'état de raideur des

membres inférieurs; dans ces cas cependant le rythme est plus irrégulier

que dans le clonus vrai.

Tremblement de la maladie de Parkinson. Ce tremblement,

suivant Brissaud, n'est pas un tremblement proprement dit : c'est plutôt

une agitation au niveau des bras, des jambes, de la langue, dans tout le

corps, sauf à la tête. Au niveau des mains, ce sont de petits mouvements

du pouce et de l'index, ces deux doigts vont au devant l'un de l'autre par

des mouvements successifs de flexion et d'extension ; suivant la compa-

raison classique, on dit que le malade file de la laine ou compte des

écus.. '

, Aux membres inférieurs, le tremblement produit le battement du talon

sur le sol quand le malade s'appuie sur la partie antérieure du pied..

. DIAGNOSTIC DE LA CAUSE DU TREMBLEMENT. - 841

La mâchoire est également animée de mouvements successifs d'élé-

vation et d'abaissement qui immobilisent les deux lèvres par rapport

l'une à l'autre; on dit que le malade marmotte une litanie interminable.

Nous. avons vu que la tête ne participe pas au tremblement.

Damaschino fait remarquer que la langue, lorsqu'elle reste enfermée

dans la cavité huccale, est animée d'un tremblement assez accusé qui

augmente quand elle est tirée hors de la bouche ; mais le malade ne peut

projeter sa langue hors de sa bouche, si on lui ordonne de la tirer, il

entr'ouvre lentement les lèvres et ne sort sa langue que par petites

secousses successives, il semble qu'il ait une certaine difficulté à la

mouvoir rapidement. C'est d'ailleurs ce qui se passe pour les autres

mouvements volontaires. Mais l'ensemble de ces tremblements de la

mâchoire, des lèvres et de la langue ne constitue pas un tremblement de

la tête proprement dit; la tète ne tremble donc pas dans la maladie de

Parkinson dans la majorité des cas. Cependant Fred. Peterson (New- Y o1'k

Médical Journal, 11 octobre 1890) dit que sur 47 .cas de paralysie agi-

tante qu'il a examinés, il y avait fois tremblement propre de la tête.

Plus récemment (Société de Neurologie, juin 190) Klippel et Weil

ont signalé le tremblement des paupières qui avait été déjà vu par Koenig

et Galezowski, mais dont ils ont précisé les caractères d'oscillations très

rapides et apparaissant dans les mouvements des paupières et quelquefois

sous forme de crise trémulante.

En résumé, comme l'a montré Brissaud, ce tremblement est toujours le

fait d'une série de contractions successives des extenseurs et des fléchis-

seurs. Le chiffre des oscillations est de à 7 par seconde.

Voici du reste les chiffres donnés par les différents auteurs : '

M2 TREMBLEMENTS.

suivant Brissaud, un argument en faveur du trouble fonctionnel central

qui préside il la maladie.

Nous n'insisterons pas sur les autres symptômes qui caracté-

risent la maladie, car le tremblement est le hllls carucU'risliyuc : ccpen-

dant le masque parkinsonien. la raideur, l'attitude figée, la thermo-

phobie, enfin les troubles psychiques pourront concourir à faire faire le

diagnostic.

Le tremblement n'y est du reste pas toujours constant et si la raideur

et les autres symptômes peuvent exister sans le tremblement, par contre,

il semble que le tremblement n'existe jamais sans eux.

Mais, en présence d'un tremblement offrant les caractères que nous

venons d'indiquer, on ne doit pas conclure d'emblée à l'existence de

maladie de Parkinson; il faut penser quelquefois au tremblement de

forme parkinsonienne symptomatique d'une affection cérébrale : tels

sont les tremblements parkinsoniens symptomatiques d'une tumeur du

pédoncule cérébral (cas de Bloch et Marinesco, Société de Biologie,

mai 1895). Tels sont les tremblements de forme parkinsonienne 1)('1" 011

posl-hémi plégiques.

Il est des cas où ce tremblement parkinsonien était provoqué par

l'hystérie, tels sont les cas de Charcot, de Grandlllaison, de Boinet, etc.

Enfin, dans la maladie de Parkinson, on peut observer des formes aty-

piques, tels sont les cas des tremblements unilatéraux de la maladie de

Parkinson où le tremblement s'est étendu à des parties du corps qui ne

l'intéressent pas habituellement.

Nous avons déjà vu les cas de Pelerson où le tremblement siégeait au

niveau de la tète. Collet a signalé d'autres cas où le tremblement inté-

resse la face, la langue cl le maxillaire et en résumé il range en 4 groupes

les tremblements parkinsoniens anormaux :

1° Le cas où le tremblement s'étend il des parties du corps qui ne

l'intéressent pas habituellement : ,

2" Le cas où le tremblement est unilatéral;

5° Le cas où le tremblement bi-latéral d'abord devient unilatéral dans

la suite;

4" Le cas de maladie de Parkinson sans tremblement.

Tremblement sénile. Le tremblement sénile s'oppose imméclia-

tement au 'tremblement de la maladie de Parkinson; comme lui, il existe

au repos absolu, il existe néanmoins quand les sujets sont dans un mini-

mum de contractions musculaires, il est d'un rythme lent comme le trem-

blement parkinsonien, mais, à l'inverse de celui-ci, il augmente dès que

les muscles exécutent une contraction soutenue et cependant ne s'exagère

pas à mesure que le mouvement s'achève, connue on le voit dans le 11'('111-

blement intentionnel de la sclérose en plaques. Enfin, il l'inverse du

tremblement parkinsonien, il se localise spécialement sur la tête et

détermine un tremblement dans le sens antei'0-posterieni'on dans le

sens transversal qui lui donne l'apparence du tremblement affirmatif 011

DIAGNOSTIC DE LA CAUSE DU TREMBLEMENT. 84."

du tremblement négatif. Ce tremblement est donc tout il fait distinct

cliniquenient du tremblement parkinsonien et l'on ne saurait adlllellJ'('

l'opinion de Démange (Revue de Médecine, 1882) qui a woulu assimiler

ces deux tremblements. Gallavanlin et Rheuler ont montré que les -cordes

vocales et le diaphragme peuvent participer il ce tremblement. Le trem-

blement sénile n'est du reste pas absolument lié à la sénilité, il peut

apparaître chez des sujets jeunes. Cette opinion est soutenue par plu-

sieurs auteurs : par Raymond, par Dubief (Thèse de Paris, 1887) elle a

été discutée dans la thèse de liourgarel en 1887.

* " Tremblement de la maladie de Basedow. Le tremblement de la

maladie de Basedow est un symptôme cardinal de cette affection : aux

trois symptômes caractéristiques qui étaient connus dès la description de

la maladie (goitre, exophtalmie, tachycardie), M. Pierre Marie a ajouté

le tremblement qu'il a décrit dans sa thèse (Paris, 1885). Ce tremble-

ment existe d'une façon à peu près constante dans certains cas, son

intensité est des plus variables, tantôt il est tellement développé qu'il

attire il lui seul l'attention, tantôt il est peu prononcé et il faut le recher-

cher avec soin en faisant répéter au malade certains mouvements du

coude, par exemple, en lui faisant faire des mouvements précipités qui le

font réapparaître. Quelquefois le tremblement se présente comme une

vibration perpétuelle très marquée au repos et s'exagérant légèrement

dans les mouvements : on se rend compte de cette tréinulation lorsque le

malade est debout : en appuyant les deux mains sur ses épaules on per-

çoit facilement les oscillations dont tout le corps est animé, oscillations

qui semblent se faire dans le sens vertical. Quand on fait déshabiller le

malade, on voit qu'il existe un grand nombre de tremblements fibrillaires

sur toute la surface du corps.

Aux membres supérieurs, pour le voir, si on demande au malade de

tenir le bras étendu on voit alors de petites oscillations rapides d'ampli-

tude variable, niais surtout imperceptibles l'extrémité du membre,

cependant les doigts ne sont pas animés de mouvements propres, ces

oscillations sont produites par des mouvements de transmission il la

main et ce tremblement est assez analogue il celui du tremblement alcoo-

lique. Du côté des membres inférieurs, on percevra également le trem-

blement en faisant étendre le pied au malade et. quand le pied repose sur

le sol par la pointe, on voit la jambe se mouvoir suivant un mouvement

de pédale, quelquefois le tremblement est assez accenlué et rend la

marche difficile.

La méthode graphique a montré qu'en moyenne les oscillations dans la

maladie de Basedow se produisent 8 fois 1/2 par seconde.

Tremblement hystérique. Le tremblement hystérique ne peut être

comparé il aucun des tremblements précédents ou plutôt il peut être

comparé à tous, car peut les simuler tous. Ce tremblement hystérique

a fait l'objet des éludes de Charcot (leçons de clinique). Il a fait

l'objet d'une clinique de Rendu, et enfin il est le sujet de la thèse inau-

[CROUZON.] ]

su , TREMBLEMENTS. , '

gurale de Dutil, et antérieurement il était déjà fait mention de ces

tremblements dans les travaux de plusieurs auteurs : Briquet, Pitres,

Letulle, Ormerod, Germain. Sée, Chambard et Hornolle. Cependant dans

quelques cas, le tremblement peut avoir des rapports avec d'autres mou-

vements normaux; on a pu observer quelquefois des associations fré-

quentes de mouvements choréiformes et des tremblements, telle est la

maladie de Friedreich où un mouvement intentionnel coexiste avec les

mouvements choréiformes.. -

Le-tremblement hystérique se -présente avec les caractères suivants :

quelquefois son début est insidieux, mais c'est là une chose exception-

nelle. En général, le début est subit à la suite d'une émotion,- d'une

frayeur, d'un traumatisme, d'une attaque de paralysie ou d'une attaque

d'hystérie. - .

Quelquefois le début est brusque, mais n'est précédé ni d'un choc

nerveux, ni d'une attaque quelconque. Le siège du tremblement hysté-

rique peut être localisé à une partie du corps sous la forme hémiplégique

ou une forme- paraplégique, sa durée est très variable : quelquefois elle

persiste pendant plusieurs mois, quelquefois pendant plusieurs années.

Dans certains cas, le tremblement se montre par accès suivis d'une

attaque convulsive pour s'atténuer et s'effacer. Au bout de peu de temps,

l'intensité du tremblement est également très variable, tantôt il est néces-

saire que le malade prenne l'attitude du serment pour le mettre en évi-

dence, quelquefois le tremblement est tellement intense que la marche

des malades devient très difficile et les membres supérieurs deviennent

tout à fait malhabiles à saisir les objets nécessaires pour la vie journa-

lière. Le rythme du tremblement hystérique est en général très variable,

très lent, quelquefois très rapide, c'est un type de tremblement vibra-

toire, en général, ce rythme est régulier, ce tremblement apparaît seu-

lement à l'occasion des mouvements volontaires; dans d'autres cas, il

persiste à l'état de repos. , - '

- Enfin- le même sujet peut présenter un tremblement qui varie de siège,

d'intensité, de rythme. Le tremblement hystérique est donc essentiellement

polymorphe et on ne peut, suivant l'expression de Dutil, décrire le trem-

blement hystérique, mais des tremblements hystériques. Nous allons

passer en revue les principaux types qu'a pu présenter ce tremblement.

1° Tremblement hystérique à oscillations rapides vibratoires.

Ce tremblement présente de 8 à 12 oscillations par seconde, il persiste

au repos, il est peu ou point modifié par les mouvements volontaires,

souvent il est consécutif à une attaque convulsive et passagère, mais

quelquefois il peut durer pendant des semaines, des mois, il peut être

généralisé, il imite le tremblement de la maladie de Basedow, le tremble-

ment alcoolique et celui de la paralysie générale. Ce tremblement ne

s'efface que pendant le sommeil, à l'état de veille, il persiste tout le

temps, mais cependant il peut passer sous des influences diverses par des 's

périodes de recrudescence après lesquelles il redevient très peu apparent

DIAGNOSTIC DE LA CAUSE DU TREMBLEMENT. 845

et ne gêne pas le malade dans l'exécution des mouvements des membres

supérieurs et inférieurs. Ce tremblement, nous l'avons dit, simule le trem-

blement alcoolique, le tremblement de la paralysie générale cl le trem-

blement de la maladie de Basedow. Ce n'est guère qu'en recherchant les

symptômes de ces maladies que l'on peut faire le diagnostic.

2" Tremblement de rythme moyen. Les tremblements de rythme

moyen se présentent avec 1/2 à 7 )/2 oscillations par seconde : ce sont

les cas les plus nombreux qui revêtent cette forme, comme le dit Dutil,

ce rythme moyen est le rythme de prédilection des tremblements hysté-

riques. Cependant les tremblements qui présentent ce même rythme ne

sont pas toujours semblables, ils se présentent suivant quelques types

classiques assez bien différenciés :

a) Il existe un tremblement intentionnel au repos, mais exagéré par les

mouvements volontaires. Ce tremblement rémittent intentionnel, auquel

Dutil donne le nom de type Rendu, imite d'une façon parfaite le trem-

blement mercuriel; le malade est presque constamment agité; dès que

l'on commande les 'mouvements, le tremblement prend une amplitude

plus grande rendant la marche et l'écriture difficiles, la langue est

atteinte de trémulations; si l'on demande au malade de prendre une posi-

tion couchée, le tremblement cesse, dans le décubitus en général, il

prédomine dans les membres de l'un des côtés du corps, il s'exagère

sous l'influence des attaques et des émotions.

Connue on le voit, non seulement cette description ressemble il celle

du tremblement mercuriel, mais elle, rappelle le tremblement de la sclé-

rose en plaques que nous avons décrit tout d'abord, cependant celle res-

semblance est imparfaite, car le tremblement persiste au repos et son

allure est plus rythmée.

b) Le tremblement de rythme moyen peut être localisé aux membres

inférieurs, il revêt le type paraplégique, et ce tremblement peut éirc assi-

milé à la trépidation des paraplégies spasmodiques. Nous avons dit plus

haut, il propos du clonus du pied, quels étaient les caractères différentiels

de ce vrai clonus et du faux clonus du pied.

c) Le tremblement de rythme moyen peut être absolument nul au

repos et être purement intentionnel, il simule alors absolument le trem-

blement de la sclérose en plaques, c'est donc alors un véritable symptôme

hystérique simulateur de celte allée ! ion comme dans le cas de Souques

cité par Dutil; c'est la recherche des autres symptômes de la sclérose en

plaques, l'état des- réflexes tendineux, le phénomène des orteils, le

nystagmus qui seuls pourront faire affirmer le diagnostic de la sclérose

en plaques.

5" Tremblement lent (4 il 5 1/2 oscillations) par seconde. Les

tremblements lents persistent au repos, ils sont peu ou pas modifiés par

les mouvements volontaires et simulent d'une façon frappante la paralysie

générale, quelquefois le tremblement sénile, quelquefois la paralysie

agitante, comme dans les cas de Rendu, d'Oppcnheim.

[CROUZON.]

846 TREMBLEMENTS. '

Le tableau ci-dessous résume les caractères de ces tremblements :

DIAGNOSTIC DE LA CAUSE DU TREMBLEMENT. 847 î

Suivant Debove et Renault, ce tremblement peut se transmettre aussi

bien dans la ligne paternelle et ne pas atteindre nécessairement tous les

membres d'une même famille, il apparait dès l'enfance quand l'enfant

commence il écrire. Suivant Debove et Renault, son rythme est rapide,

nul au repos complet, très net quand les sujets étendent les mains, il per-

siste sans s'exagérer dans les mouvements intentionnels, il peut occuper

les membres, les paupières, les lèvres, la langue, il a pour siège de pré-

dilection les membres supérieurs, cependant ces caractères donnés par

Debove et Renault ne sont pas constants. Raymond montre qu'il est

susceptible de modalités assez diverses, il peut avoir un rythme très lent.

il peut exister au repos absolu, il peut s'exagérer notablement sous l'in-

fluence des mouvements volontaires, il peut prédominer et. rester limité

aux mains, mais il peut également s'étendre aux membres inférieurs, il

peut affecter la tête, à la façon du tremblement sénile; enfin chez des

membres d'une même famille il peut revêtir des types assez différents.

D'après Charcot et surtout d'après Achard, ce tremblement aurait de

certaines analogies avec le tremblement sénile, rien en dehors de l'héré-

dité ne le sépare de ce tremblement, qui, du reste, comme l'ont montré

Charcot, Joffroy, Bourgarcl, Leyden, Luys, Démange, Thébaut, ne se ren-

contre pas exclusivement chez les vieillards, le tremblement sénile est

du reste héréditaire dans certains cas (Démange, Thébauit, Boiircai-el).

Le tremblement héréditaire et le tremblement sénile devraient, être

unis dans un même groupe suivant Achard et devraient porter le nom de

tremblement essentiel ou de névrose trémulante.

Un dernier caractère de ce tremblement héréditaire est celui sur lequel

ont insisté Raymond et son élève Ilamade et sur lequel a insisté également

Bourgarcl; ce tremblement se rencontre surtout chez les dégénérés et

chez les malades qui présentent une lourde hérédité névropathique, tels

sont les cas de Langenhagen, de Pelizaeus et Achard.

Tremblement toxique. Le tremblement alcoolique est le plus fré-

quent de ce tremblement toxique, c'est un tremblement variable de petites

oscillations parfois imperceptibles au repos, il est nécessaire pour le faire

apparaître de commander au malade d'étendre les mains dans l'attitude

du serment, ce tremblement ressemble donc à celui de la maladie de

Basedow, il est peu marqué au repos; enfin il se reconnaît à la langue,

aux muscles, à la face où il apparaît surtout pondant la parole, il est en

général plus accentué le matin il jeun. Ce tremblement alcoolique a donc

un caractère rémittent intentionnel et c'est là un caractère commun

à tous les tremblements toxiques : café, tlié, plomb et mercure, sulfure

de carbone, arsenic, camphre, absinthe, champignons, belladone, ergot

de seigle, curare, haschisch.

D'après Jourdran (Presse médicale. 1906) il existe un tremblement

palustre persistant. M. Boinet a observé un tremblement produit par

l'opothérapie surrénale chez les adclisonicns, assez analogue au trem-

blement hasedowicn, prédominant aux extrémités, il oscillations répétées,

, [CROUZON.] ]

8t8 ' TREMBLEMENTS.

petites, menues, rapides, au nombre de six par seconde et exagéré dans

les mouvements intentionnels.

Dans l'intoxication saturnine on peut observer le tremblement en

général, il est peu marque au réveil contrairement au tremblement alcoo-

lique, il augmente avec la l'aligne de la journée et devient intense le soir,

il est partiel, quelquefois il se généralise et s'étend aux muscles de la face.

dans quelques cas rares, il peut être assimilé a la paralysie agitante.

Lc.trembtement Ulacul'ielestun tremblement assez caractéristique. La

séméiologie du .tremblement mercuriel a été décrite par Letnlle, Charcot,

Dutil, sa pathogénie a fait l'objet de nombreuses discussions. Ce trem-

blement est de rythme moyen comme celui de la paralysie agitante, il

existe au repos, sauf dans de rares moments de calme absolu, il

s'exagère par les mouvements volontaires et se rapprocherait des trem-

blements décrits par Dutil sous le nom de rémittents intentionnels. Il

s'observe chez les ouvriers qui manient le mercure professionnellement

(préparation des peaux de lapins dans l'industrie des chapeaux, dorure

au mercure). La question qui se pose il propos de ce tremblement est

relative à sa nature hystérique : les recherches de Lelulle, de Charcot, de

Dulil ont montré très nettement la nature hystérique de certains trem-

blements mercuriels, En est-il de même pour tous les tremblements

mercuriels, c'est la une question qui' été récemment discutée par

Raymond et Sicard (Société de Neurologie de Paris, 15 niai 1902) et

par Guillain et Laroche (Société de Neurologie, 7 février 1)07). Alors

que, suivant les recherches indiquées ci-dessus et surtout d'après l'opi-

nion de Charcot, on admettait que le. tremblement était un tremblement

Iv'triclle. R;yll«ml et Sic;r.l, ('IIiII;lio semblent admettre l'existence

d'un tremblement mercuriel propre, ils se basent, sur les arguments sui-

vants les tremblements mercuriels sont semblables entre eux, leur

début est le plus souvent à marche lente et progressive et ils sont varia-

bles il la période d'étal; ils s'améliorent par les soins hygiéniques et

disparaissent par le changement de profession suivant Raymond et Sicard.

Enfin l'existence de la lymphocytose dans le liquide céphalo-rachidien

et la présence de. traces de mercure dans le liquide ont semblé il ces der-

niers auteurs les arguments devant entraîner des réserves sur l'origine

hystérique du symptôme. Guillain a présenté deux malades chez lesquels

le tremblement persistait quoiqu'ils eussent cessé leur profession depuis

50 et 40 ans, unis on peut invoquer d'autres arguments, les troubles des

réflexes tendineux observés par Syllaba et Crocq et les lésions histologi-

ques constatées par Wising ct liraucr, ct élllcilrc l'hypothèse que ce

tremblement est peut être dû il des lésions organiques du cervelet ou'

des voies cérébelleuses.

En résumé, ces derniers travaux semblent marquer une réaction contre

l'opinion exclusive de Charcot qui niait l'existence du tremblement mer-

curiel et qui disait que le tremblement observé dans les cas d'intoxi-

cation mcrcurielle était toujours un tremblement hystérique.

CHORÉES

par le D' CROUZON

On appelle chorécs ou mouvements choréiques des contractions muscu-

laires involontaires donnant lieu à des mouvements de grande amplitude

ordinairement constants, se renouvelant incessamment ou par accès et

s'interrompant pendant le sommeil. Ce mot de chorée ou de mouve-

ments choréiques est donc un terme générique et ne désigne pas une

seule entité morbide, il peut s'appliquer au contraire à des affections

multiples : il y a des chorécs et non pas une. chorée. En effet, si au début

le mot de chorée servait à désigner la chorée épidémique ou chorée hysté-

rique, si plus tard il a servi il décrire la petite chorée de Sydenham, il

ne s'applique pas aujourd'hui spécialement à telles ou telles de ces moda-

lités cliniques, mais ne sert qu'à désigner le symptôme commun il

toutes ces affections et d'autres particularités cliniques ont servi à diffé-

rencier chacun des types morbides.

Nous allons donc nous attacher il décrire, tout d'abord les caractères

communs à toutes les chorécs; nous chercherons à différencier ces

caractères de ceux des autres mouvements involontaires : tremblements,

athétose, myoclonies, et nous chercherons enfin à donner il chacune des

chorées ses caractéristiques cliniques.

Description. La chorée est caractérisée avant tout par les désor-

dres de la motilité. Ce sont des mouvements involontaires qui se renou-

vellent sans cesse pendant le jour et qui disparaissent, comme nous

l'avons dit. pendant le sommeil; ils sont exagérés par les émotions et

cessent quelquefois pendant les mouvements volontaires; ils sont assez

rapides, moins lents que ceux de l'athetosc, moins vifs que les tics et

d'une grande amplitude, de plus. ils sont désordonnés et irréguliers.

, Le siège des mouvements est assez variable ; si les mouvements sont

fréquemment généralisés, ils le sont rarement d'emblée, ils débutent, le

plus souvent par un membre pour s'étendre ensuite au tronc et aux

membres de l'autre côté : quelquefois cependant, la localisation initiale

persiste à un membre, d'autres fois, la localisation est limitée il un seul

côté du corps, c'est l'hemichoree.

Chacune de ces localisations entraîne des troubles fonctionnels spé-

ciaux, le faciès est grimaçant, les lèvres se projettent en avant et le malade

lait la moue, successivement le malade prend une-expression de tristesse

et une expression de sourire, la langue subit des oscillations continuelles,) ;

s

rjtATfQCE nEUft0l.. , 54 .

MOUZOJV.]

8M . CHORÉES, -

elle rend difficile la déglutition, elle gêne la parole et les mots sont

entrecoupés par des pauses, par des bruits aspiratoircs ; les yeux se

convulsent en diverses positions; on a signalé également des mouve-

ments pupillaires (Cadet de Gassinconrt), de même on a pu voir alterna-

tivement des contractions et. des dilatations pupillaires en présence d'un

foyer lumineux constant, c'est la un phénomène de l'hippus (Cruchet,

Revue neurologique, 1904). '

Quand les membres supérieurs sont atteints, le malade est incapable de

saisir un objet ; après nombre de gesticulations, il le saisit et, si on se sert

du procédé déjà employé pour le tremblement, si on demande au malade

de porter à sa bouche un verre rempli d'eau, on voit que le malade a la

plus grande difficulté pour approcher la main du verre, pour le saisir.

puis l'ayant saisi, il a la plus grande difficulté pour le porter à sa bouche,

mais arrive à le mettre en contact avec ses lèvres, et le vide tout d'un

(rait et très rapidement.

Quand les membres inférieurs sont pris, la marche devient difficile,

elle ressemble à un sautillement perpétuel (Trousseau), ou bien il s'agit

simplement de troubles plus légers consistant clans des inégalités de

l'allure, dans le projettement du pied hors de la ligne médiane pendant la

marche, dans l'élévation trop grande de la jambe, quelquefois les troubles

peuvent être au contraire heaucoup plus accentués et le malade est

obligé de rester au lit. Quand le malade est au repos, les mouvements

ne l'abandonnent pas, les pieds et les jambes s'agitent comme par une

sorte de piétinement.

Quelquefois les contractions des muscles thoraciques et du diaphragme

amènent la dyspnée ou l'irrégularité de la. respiration (Pibnatti). Morano,

(Clinica medica italiaita, 51 décembre 1898) a observé une altération

du rythme respiratoire chez un choréique : c'est l'abdomen qui prenait le

plus de part à la respiration, et la respiration qui paraissait se composer

de 90 à 150 expirations à la minute était, en réalité, composée d'une

série d'actes respiratoires subdivisés en 2 ou 5 temps.

Tous ces mouvements entraînent un certain nombre de troubles, les

frottements répétés amènent des excoriations qui peuvent être l'origine

d'abcès ou phegmons diffus d'affections secondaires variées.

La force musculaire est en général un peu affaiblie, quelquefois très

affaiblie (chorée molle) ; mais on peut dire qu'elle est rarement affaiblie

jusqu'à la paralysie complète.

D'autre part, dans certains cas, l'exagération des mouvements peut

entraîner un état nerveux spécial qui se révèle par l'insomnie et qui peut

être le prélude de l'état du mal choréique.

L'excitabilité mécanique et électrique des nerfs et des muscles est eu

général diminuée.

La chorée ne trouble pas d'une façon générale les réflexes tendineux.

M. Joffroy (Progrès médical, 1885), a cependant trouvé très fréquem-

ment la diminution des réflexes patellaires et même leur abolition. Oddo

CIIOI31;S.

(Congrès international de médecine de Paris, 1900, section de neuro-

logie) a étudié les réflexes tendineux dans la chorée de Sydenham et a

trouvé tantôt l'exagération, tantôt la diminution des réflexes, et ceci peut

s'expliquer suivant lui par la participation des centres modérateurs ou

des centres excitateurs du système nerveux central.

Les troubles de la sensibilité sont inconstants, il existe des douleurs

périarticulaires, des douleurs au point d'émergence des nerfs ; mais les

troubles de la sensibilité objective n'appartiennent pas à la chorée et quand

ils existent, ils sont liés à l'hystérie ou à une affection concomitante.

Cependant Triboulet admet que la sensibilité générale est diminuée dans

cette affection..

La chorée est souvent accompagnée de troubles mentaux, mais il est

préférable de faire une description complète de ces troubles mentaux

dans les modalités de la chorée qui y sont le plus fréquemment sujettes.

Toutefois il convient dès maintenant de nous demander si ces troubles

sont dus à la chorée elle-même, et s'ils ont un caractère spécifique, ou

s'il faut -admettre, avec Joffroy, Séglas, Breton, que la chorée ne fait

que susciter des troubles mentaux qui relèvent du tempérament du

malade. - .

Cependant, cette conception n'est pas admise par tous les auteurs, et

peut-être faut-il admettre avec Blocq et Grenet qu'il faut distinguer les

troubles psychiques réellement très fréquents dès le début de la chorée

et alors très légers, consistant tout particulièrement dans des modifications

du caractère, émotivité, tristesse ou dans un affaiblissement léger de la

mémoire; plus rarement ces troubles sont assez accentués pour donner au

malade l'aspect d'un imbécile où d'un idiot. Enfin les troubles psychiques

paraissent directement liés à la chorée dans une des variétés que nous

avons à étudier, nous voulons parler de la chorée chronique. A côté de

ces troubles, Blocq et Grenet pensent qu'il faut classer des manifestations

non choréiques (hallucinations) qui peuvent devenir nombreuses, être,

suivies d'un état maniaque et constituer alors. un délire hallucinatoire

aigu souvent caractéristique de l'état de mal : ces troubles psychiques

sont peut-être d'origine toxique. Dans ce dernier groupe des manifesta-

tions non choréiques, il faut ranger le délire, qu'on a distingué sous

le nom de délire choréique et qui se caractérise par l'excitation maniaque,

par la mélancolie ou par le délire de la persécution ; il dépend de la dégé-

nérescence nerveuse et alors, il n'y a pas de relations entre l'intensité

(le la chorée et. le développement des troubles psychiques.

Le liquide céphalo-mchidien a été étudié dans la chorée, et à part

quelques cas où l'on a constaté la lymphocytose (Sicard, Babonneix, Car-

rière), on peut dire que, d'une façon générale, la chorée ne s'accompagne

pas de présence d'éléments cellulaires dans le liquide céphalo-rachidien.

Complications de la chorée. - La température peut, s'élever :

die peut être l'indice d'une complication, elle peut, au contraire, s'ob-

server en dehors de toute complication apparente, elle annonce alors

' CcaovzoN.

852 - CHORÉES. '

l'état de mal choréique; dans certains cas, l'apparition de la température

fait disparaître les mouvements, mais cette disparition n'est pas cons-

tante, il y a bien des contradictions à cet égard (Germain Sée, Jules

Simon, Triboulet, Lannois). -

Le coeur est fréquemment lésé, tout au moins dans certaines variétés.

aussi réserverons-nous la description des complications cardiaques pour

les variétés des chorées, où -on les rencontre, nous nous contenterons

d'insister sur la nécessité de provoquer l'examen de cet organe chez tous

les choréiques.

D'autres complications s'observent également, les rhumatismes, comme

nous 1 '.avons vu, peuvent entraîner une infection locale ou une infection

purulente généralisée, ou un pseudo-rhumatisme infectieux.

Les complications nerveuses peuvent également s'observer : on peut voir

survenir une hémorragie cérébrale, une embolie cérébrale comme dans

les cas de Simon et Crouzon où une hémiplégie droite parut au cours

d'une chorée de Sydenham. '

Enfin on peut voir survenir des complications respiratoires : apoplexie

pulmonaire, pleurésie, complications digestives, noma à la suite d'ulcé-

rations de la langue, ou des lèvres, etc.

Formes. La chorée peut se manifester suivant les deux formes

différentes, et les deux tableaux cliniques que nous venons de décrire,

nous voulons parler tout d'abord de la chorée molle ou chorée paralyti-

que, la paralysie survient chez le choréique de deux façons différentes. Il

peut exister une chorée très manifeste au cours de laquelle apparaissent

des paralysies de type variable : ce sont les paralysies chez les cho-

réiques (Ollive, Thèse de Paris, 1885), mais, à côté de ces troubles, il

existe d'autres cas, où la paralysie domine la scène et dans laquelle les

mouvements convulsifs sont à peine manifestes et quelquefois peuvent

être manifestes, dans ce cas le malade peut être pris pour un para-

lytique, hémiplégique, paraplégique, monoplégiqne, et les mouvements

choréiques sont à peine évidents, et alors les erreurs de diagnostic peu-

vent se faire très facilement.

II est une autre forme de chorée distincte de la forme moyenne que

nous avons décrite, ce sont les cas des chorées graves qui se terminent

par le syndrome auquel nous avons déjà fait allusion : l'état de mal

choréique qui s'annonce par des agitations extrêmes, l'insomnie et l'éléva-

tion de la température.

Évolution. - Il nous est impossible de décrire l'évolution de la

chorée en général. Cette évolution varie suivant chacune des formes que

nous passerons en revue tout à l'heure. Nous pouvons cependant, d'après

les travaux qui ont été publiés sur ce sujet, dire (') que la mort dans ce

1. Guillemet. Thèse de Paris, 1893. - YICQ. Thèse de Paris, 1905. - Sergesi

B,UiO.NrÇEIX. Société médicale des Hôpitaux, 1904. - DIEULAPOY. Clinique médicale de

l'Hôtel-Dieu. LÉAuTlL Thèse de Paris, 1904. Barrieh. Société médicale des

Hôpitaux, lévrier 1904. DvvnAXDE. Thèse de Paris, 1905.

' . - CHORÉES. 855

cas peut se produire de la façon suivante : dans les chorées non compli-

quées, elle survient par syncope, asphyxie; dans les chorées compliquées,

la mort peut être due alors à une de ses complications, ce sont surtout

des lésions circulatoires : endocardite végétante ou embolie, en parti-

culier l'embolie cérébrale, ou ce sont des complications nerveuses : délire,

manie, apoplexie, coma; ce peuvent être des complications respira-

toires : pneumonie, pleurésie, asphyxie; enfin, ce peut être une affec-

tion secondaire : érysipèle, phlegmon, gangrène, ou enfin une maladie

intercurrente comme la tuberculose, la scarlatine ou la diphtérie..

Diagnostic différentiel. Le diagnostic de la chorée doit se

faire avec les autres mouvements involontaires. Nous avons déjà vu quels

sont les caractères des tremblements, qu'ils soient toxiques, organiques

ou fonctionnels, les tremblements sont caractérisés par leur rythme,

leur irrégularité et le peu d'amplitude de leurs oscillations. Le caractère

s'oppose très nettement aux mouvements rythmiques irréguliers et amples

de la chorée.

L'athétose double est assez semblable à la chorée, puisque M. Brissaud

pense que ces deux syndromes peuvent se confondre dans une commune

origine et porter le nom d'athétose-chorée, mais là, cependant, les mou-

vements involontaires sont beaucoup plus lents et s'accompagnent de

raideur musculaire. On compare avec assez d'exactitude ces mouvements

à des mouvements de poulpe. ' z

La maladie des tics peut quelquefois être confondue avec la chorée,

cependant ce qui caractérise les tics, c'est la brusquerie et la rapidité

du mouvement, c'est d'autre part l'apparente coordination qui reproduit

un certain nombre de gestes. Le tic est primitivement commandé par une

cause extérieure ou par une idée et coordonne vers un but par la répé-

tition : il est passé à l'état d'habitude, se reproduit involontairement,

en s'exagérant dans sa forme, dans son intensité et dans sa fréquence,

mais il garde néanmoins l'apparence de l'acte initial. Dans la maladie

des tics, il s'agit d'une assemblée de contractions se reproduisant sur

des groupes de muscles différents, et on constate alors que la diffusion

de ces troubles puisse en imposer pour la chorée. suffira de décom-

poser les mouvements de la maladie des tics en chacun des actes pseudo-

intentionnels qui le constitue. '

Les myoclonies et, en particulier, le paramyoclonus multiplex cônsis-

tent dans des secousses musculaires courtes, cloniques, involontaires

ayant la rapidité des secousses électriques ; elles ne sont pas systémati-

sées, elles sont tantôt localisées, tantôt diminuées et se répètent à

intervalles variables. Comme on le voit, la brusquerie des mouvements

contraste avec la rondeur des mouvements choréiques; nous aurons du

reste l'occasion plus loin de distinguer, dans le chapitre dès myoclonies,

les caractères différentiels dé chacune des variétés de myoclonies.

Enfin les mouvements choréiques se distingueront de l'ataxie statique

-de la maladie de F1'ied1'eicJt. Cette ataxie statique est caractérisée par

[CROUZON.]

8;)1. i CII013L>;S.

des secousses régulières qui se manifestent seulement dans les parties du

corps manquant de point d'appui.

Nous venons de voir le diagnostic différentiel de la chorée en général

avec les antres mouvements normaux, Une nous suffit pas d'avoir porté

le diagnostic de chorée, elle n'est qu'un syndrome, elle fera répéter ce

syndrome à sa véritable cause, et c'est par l'élude des tableaux cliniques

qui vont suivre que l'on pourra faire cette différenciation.

Diagnostic de la variété des chorées. La chorée varie

d'aspect clinique suivant l'âge du sujet qui en est atteint, ou, pour mieux

dire, la chorée de l'enfant est une autre maladie que celle de l'adulte, et

celle de l'adulte est une autre maladie que celle du vieillard.

CHORÉE DES ENFANTS OU CHORÉE DE SYDENHAM

On l'appelle danse de Saint-Guy, chorée vulgaire, chorea minor,

mais de toutes ces appellations, la plus fréquente est celle de chorée

de Sydenham, du nom de l'auteur qui en traça un tableau magistral en

1688 : c'est la chorée des enfants. Elle les atteint depuis l'époque de

la deuxième dentition jusqu'à la puberté; le maximum de fréquence

semble exister entre G et 12 ans, et ce maximum de fréquence semble

répondre à des époques d'évolution dentaire (Legay). On a décrit une

chorée congénitale, les cas qui ont été observés sont exceptionnels et

même il y a lieu de douter de leur existence, cependant Gilbert Ballet

admet leur existence (Bulletin médical, 1S ! 1G). Cette chorée frappe surtout

le sexe féminin, les filles sont atteintes dans la proportion de deux pour

un garçon. La chorée survient chez des sujets le plus souvent à la suite

d'une des causes que nous allons étudier : rhumatismes, infection, héré-

dité nerveuse.

Le rhumatisme est une cause fréquente de chorée : c'est Germain Sée

(1850) qui a mis en lumière cette association morbide. Le rhumatisme a

été rencontré 01 fois sur 128 observations de chorée. Cette nature rhu-

matismale de la chorée a été admise également par II. Roger et elle

semble contestable dans la moitié des cas; toutefois cette opinion est

mise en doute, comme nous le verrons, par Charcot, Gille de la Tomette,

,loffroy, etc., et les recherches modernes n'ont pas apporté d'éclair-

cissement à cette question, bien que Triboulet, puis Triboulet et Coyon.

Triboulet, Coyon et Zadock aient constaté il l'autopsie de sujets morts

de rhumatisme avec chorée, la présence d'un microbe qu'ils considè-

rent comme l'agent du rhumatisme articulaire aigu.

Ces faits doivent être rapprochés de ceux qui avaient déjà été constates

par Lcyden, mais le rhumatisme n'est pas la seule cause infectieuse que

l'on ait relevé de l'étiologie de la chorée de Sydenham. Le rôle de 1 in-

fection a été déjà soutenu par Moebitis, Osier, Herkfety (John 7A ?

lfospilalreports, 18 ! )1), Triboulet l'avait déjà mentionné dans sa thèse

de Paris (1895), Dana, Massaiongo, Pianese (Ri forma mcclico, 14 .11111-

CHORÉE DES ENFANTS OU CHORÉE DE SYDENHAM. 855

let 1891) ont soutenu une opinion analogue, mais cette étiologie a été

encore précisée par d'Espine et Picot qui ont vu la chorée consécutive à

la scarlatine, à la pneumonie, à la fièvre intermittente. Rilliet et Barthcz ont

de même observé la chorée après la pneumonie et la fièvre typhoïde. Haus-

halte ! ' (Revue médicale de l'Est, 1894) l'a observés à la suite des oreillons.

On l'a signalé à la suite de la rougeole, de l'érysipèle, de la coqueluche,

de la scarlatine. Enfin les faits de chorée consécutive aux maladies

infectieuses sont rassemblés dans la thèse de Saquet (Paris, 1885).

Ainsi donc, si la nature de la chorée est expliquée dans nombre de cas

par les rhumatismes ou par une infection, cependant Charcot et ses

élèves sont partisans des rapports de la chorée avec les maladies ner-

veuses. Suivant Charcot, la coexistence de la chorée et du rhumatisme

s'expliquerait par la fréquence de l'association et de la diathèse nerveuse

et arthritique. , .

Cette théorie nerveuse a été soutenue par Joffroy qui fait de la chorée

une névrose cérébro-spinale d'évolution. Krafft-Ebing admet aussi qu'à

côté de la chorée relevant d'une infection, il existe des cas où cette mala-

die est d'origine nerveuse et se développe sous l'influence du trauma-

tisme psychique. Elle â été soutenue également par Comby, par Leroux;

un certain nombre de faits s'accordent du reste avec cette théorie, ce

sont les cas d'hérédité similaire. Quoiqu'ils aient été contestés par

Raymond, ils ont été admis par Charcot, Sée, Féré, Huet dans sa thèse

de Paris (1888), Triboulet, enfin plus récemment, Brissaud, Rathery et

Bauer ont signalé une famille dans laquelle 4 enfants avaient été frappés

de chorée (Société de Neurologie, mars 1905). C'est surtout l'hérédité

de transformation que l'on rencontre dans l'étiologie de la chorée; les

choréiques sont souvent des enfants d'hystériques, de neurasthéniques,

d'épileptiques.

Si nous avons insisté sur cette étiologie de la chorée de Sydenham,

c'est qu'elle est importante dans le diagnostic de cette affection : c'est en

effet par l'âge du malade ou par la notion du rhumatisme, d'une

infection, d'une hérédité nerveuse que l'on fait le diagnostic de chorée

de Sydenham. Cependant, la chorée de Sydenham présente quelques par-

ticularités séméiologiques que nous allons passer en revue.

Symptômes, - Le début de la chorée est brusque ou lent; le début

brusque est plus rare, il s'observe à la suite d'une émotion, quand le .

début est lent, la chorée est précédée de prodromes : ce sont des troubles

psychiques, affaiblissement des facultés intellectuelles, diminution de

l'affectivité, diminution de l'affection et de l'assiduité au travail : l'enfant,

change de caractère, il devient capricieux. On peut noter également

quelques prodromes moteurs, ce sont alors des contractions isolées, des

muscles de l'avant-bras ou des mains qui provoquent quelques mala-

dresses : l'enfant laisse tomber un objet, il se tient mal à table ou bien il

grimace, les parents s'évertuent à lui faire des remontrances dont il ne

tient aucun compte.

, [CROUZON.] ]

856 ' CHORÉES.

Les prodromes peuvent être sensitifs, ce sont des douleurs erratiques,'

de la fatigue, bientôt les mouvements involontaires qui étaient isolés

deviennent prédominants, l'affection est alors constituée.

A la période d'état, les troubles moteurs ont les caractères que nous

avons décrits aux mouvements choréiques en. général : contractions invo-

lontaires, continues, cessant pendant le sommeil, passant d'un muscle à

l'autre, irréguliers et désordonnés. Le siège. de ces mouvements dans la

chorée de Sydenham a été étudié par Oddo (Congrès de l'IIa°seille;

1899), il pense que la tendance habituelle ' des symptômes de la chorée

est la distribution unilatérale : 1 hëmichorée serait rarement pure

puisqu'il y aurait toujours quelques mouvements du côté sain et la forme

la plus fréquente est donc la chorée à prédominance hémilatérale. Quel-

quefois la prédominance reste du côté où la maladie a commencé, c'est

la prédominance fixe, quelquefois elle passe dé l'autre côté à l'occasion

d'une rechute, d'une recrudescence, c'est la prédominance alternante.

Presque toujours il y aurait affaiblissement musculaire du côté où les

mouvements choréiques sont prépondérants.

Oddo a également étudié avec soin les réflexes tendineux dans la chorée

de Sydenham, il est revenu à plusieurs reprises sur ce sujet (Gazelle des

Hôpitaux, .30 octobre 1900; Congrès de Marseille, 1899; Congrès

international de Médecine de Paris, section de Neurologie). Ces

troubles des réflexes avaient déjà été vus par Joffroy, il pense que les

réflexes peuvent se trouver normaux des deux côtés ou d'un seul. Ils

peuvent être modifiés par des mouvements choréiques, il y a alors un

réflexe paradoxal du choréique ou bien alors il y a inconstance du réflexe.

Enfin il peut y avoir affaiblissement ou suppression des réflexes, c'est là

le trouble qui se rencontre chez la plus grande partie des choréiques,

elle est plus fréquemment bilatérale et la suppression des réflexes dure

aussi longtemps que la chorée elle-même. L'exagération des réflexes

rotuliens a été rencontrée bien plus rarement que leur suppression.

II a fait les mêmes constatations sur les réflexes du tendon d'Achille

dans plus de la moitié des cas de chorée, dans le reste des cas les .

réflexes du tendon d'Achille étaient moins atteints que les réflexes

patellaires.

A part les mouvements involontaires, on constate dans la chorée

d'autres troubles moteurs. Nous avons déjà vu qu'il y a rarement inté-

grité de la force musculaire dans la chorée, mais ce qu'il y a de spécial

dans la chorée de Sydenham, c'est que ces troubles y sont particu-

lièrement fréquents.

Ces troubles moteurs peuvent se présenter sous deux formes, ou bien il

s'agit de la chorée paralytique ou chorée molle dans laquelle les troubles

moteurs dominent la scène : le malade semble paralysé, et ce n'est qu'ac-

cessoirement que se manifestent les mouvements involontaires; ou bien

il s'agit d'une chorée manifeste au cours de laquelle apparaît la para-

lysie.

CHORÉE DES ENFANTS. OU CHORÉE DE SYDENHAM. 857

Nous avons vu que ces paralysies dans la chorée ont fait l'objet, de

nombreux travaux^1). ...

Elles peuvent, suivant l'époque à laquelle elles apparaissent, être

qualifiées de paralysies pré-choréiques, inter-choréiques ou post-cho-

reiques. Leur topographie est variable, elles peuvent se manifester sui-

vant le type. monoplégique, hémiplégique ou paraplégique.

Les réactions électriques sont habituellement normales dans la chorée

de Sydenham, peut-être cependant a-t-on pu rencontrer une légère dimi-

nution de l'excitabilité des nerfs et des muscles; quelquefois cependant

on a pu observer l'exagération (Rosenthal).

La sensibilité est quelquefois troublée suivant les modes que nous

avons indiqués pour la chorée en général, c'est-à-dire qu'on y observe

des douleurs juxta-articulaires et des douleurs au point d'émergence des

nerfs.

Les troubles psychiques sont constants, ils sont une des caractéris-

tiques de la chorée de Sydenham. Blocq pense qu'il faut distinguer

parmi eux les troubles choréiques et les troubles non choréiques.

1° Les troubles choréiques sont pour lui évidents, quoi qu'en disent

certains auteurs (Joffroy, Séglas, etc). Ces troubles appartenant en

propre à la chorée, sont ceux qu'on observe à la période prodromique et

leur constance est un argument en- faveur de leur nature spécifique. Nous

avons vu qu'ils se manifestent par les modifications du caractère, de

l'affection, de la mémoire; , , .

2° Au contraire les troubles non choréiques sont inconstants, ce sont

des psychoses provoquées chez les dégénérés par la chorée et on en con-

naît deux variétés principales.

C'est tout d'abord l'état de. mal choréique qui est semblable à un

délire d'intoxication et qui se présente sous là forme d'un délire halluci-

natoire aigu, d'un état maniaque ou de convulsions et d'incohérence dans

les idées.

D'autre part, il existe un délire choréique : c'est une véritable psychose

de dégénérés à manifestations multiples qui. peut se présenter sous la

forme de la mélancolie anxieuse ou d'une excitation maniaque.

L'état général dans la chorée de Sydenham vulgaire est peu atteint, on

verra cependant apparaître la fièvre dans quelques cas, elle est alors le

plus souvent symptomatique d'un état de mal ou d'une complication,

mais quelquefois elle peut se produire en dehors de toute gravité ou en

dehors de toute localisation splanchnique, dans ces cas .on peut observer

la disparition des convulsions quand la fièvre s'allume (feb1'is accedens

spasmos solvit). Toutefois cette disparition de contractions sous l'influence

1. Ollive. Paralysie chez les choréiques. Thèse de Paris, 1885. Pémsson. Amyo-

Irophic dans la chorée. Thèse de Bordeaux, 1891. Ronnou. Paralysie de la chorée,.

Gazelle hebdomadaire de Bordeaux, 1889. Amyotrophie dans la paralysie de la choréc.

Thèse de Bordeaux, '1891. Michel. Thèse de Paris, 1904. Londe. Société

médicale des Hôpitaux, 1899. '

[CROUZON.] ]

858 CHORÉES.

de la fièvre est soumise à certaines règles qui ont été fixées par Germain

Sée et Jules Simon. La fièvre fait cesser les contractions quand elle sur-

vient au moment de leur croissance, les contractions suivent une marche

parallèle à la fièvre quand celle-ci survient dès le début de la maladie.

' Formes. Le type qne nous venons de décrire est la chorée vul-

gaire. La forme grave de la chorée est caractérisée, comme nous l'avons

déjà indiqué, par l'état de mal, par l'élévation dé la température, par

l'existence d'une septicémie dont le point de départ est souvent cutané.

Plus intéressante est la forme à-laquelle nous avons déjà fait allusion,

nous voulons parler de la chorée molle, chorée paralysante.

Les premières observations ont été publiées par Todd, West, Gowers

puis de nombreux auteurs, Igeboldine, Filatoff, etc., en ont publié des

exemples. Nous décrivons ici cette forme de chorée car elle est toute spé-

ciale au jeune âge; c'est de 2 à 14 ans et en particulier entre 6 à 7 ans

qu'elle s'observe le plus fréquemment, elle peut quelquefois succéder à

la chorée vulgaire que nous venons de décrire, comme dans le cas de

Daddi Sylvestrini (La Settimana medica, juillet 1899).

Le plus souvent la chorée est molle d'emblée et son début est brusque,

quand il est progressif, la maladie se révèle par une marche inhabile ou

par la maladresse des mains. Quand il est brusque, la paralysie est

d'emblée complète, elle peut être généralisée et alors on constate la flac-

cidité généralisée des membres ou quelques petits mouvements choréi-

formes à intervalles éloignés : ou bien la. paralysie est localisée (hémi-

plégie, paraplégie ou monoplégie).

L'aspect tout particulier de cette chorée molle la rend donc clinique-

ment différente de la chorée vulgaire, aussi souvent a-t-on pu prendre

cette maladie pour une paralysie infantile ou pour une. polynévrite.

L'évolution de la chorée molle est en général de six semaines à deux

mois, au bout de ce temps le petit malade sort de l'état que nous

venons de décrire; la guérison est la règle mais cependant on a décrit

des amyotrophies consécutives, elles occupent surtout les membres supé-

rieurs, mais leur fréquence est minime.

Complications. La chorée de Sydenham peut présenter des

complications nerveuses, cardiaques, cutanées et articulaires.

Les complications nerveuses sont : l'hémorragie cérébrale, l'embolie

cérébrale pouvant amener l'hémiplégie et l'aphasie comme dans le cas de

L. G. Simon et Crouzon. On peut observer aussi un rhumatisme cérébral

au cours de la chorée ; enfin Aper't a observé des phénomènes de ménin-

gisme (Société de pédiatrie, 1900).

, Le coeur est beaucoup plus atteint par les complications (Osier,- Le coeur

dans la chorée, llTedical C7o ? uci ! e, août 1899). Suivant Mal'1'an, les com-

plications cardiaques existent dans 18 pour 100 des cas de chorée; dans

'9 pouf 100 l'endocardite et la chorée simple semblent être de nature

rhumatismale. -' ....

Ces complications cardiaques peuvent être rangées en 4 groupes :

CHORÉE DES ENFANTS OU CHORÉE DE SYDENHAM. 85f

1" Les manifestations cardiaques rhumatismales au cours de la chorée;

c'est pour Roger une preuve de la nature rhumatismale de la chorée, sa

statistique personnelle présente un pourcentage considérable, puisqu'il

décrit les lésions cardiaques dans 2/3 des cas de chorée, c'est surtout de

7 à 8 ans que l'on observe ces complications et c'est surtout l'insuffisance

mitrale que l'on rencontre. Plus souvent c'est la péricardite, Dupré et

Canins (Société médicale des Hôpitaux, avril 1904) ont même observé

un cas de péricardite hémorragique chez un choréique ancien rhumatisant.

2" Le coeur peut être le siège d'une détermination infectieuse : les endo-

cardites infectieuses non rhumatismales ont été rencontrées dans la chorée

et caractérisées bactériologiquement par différents auteurs (Leredde, Tri-

boulet).

5° Les souffles anémiques chez des choréiques anémiques ou chloro-

tiques sont une autre modalité de ces troubles cardiaques.

4" Enfin le l'oelU' peut être le siège lui aussi de mouvements invoton-

hures, c'est la chorée du coeur (11. Roger, Jules Simon, liasse et Ollivier),

elle se manifeste par de l'arythmie qui est constante, par des souffles dont

l'existence est passagère et l'évolution capricieuse, et elle peut exposer

le malade il la mort subite.

Les complications cutanées sont des phlegmons, des abcès, elles peu-

vent entraîner la septicémie. On a pu rencontrer dans la chorée grave des

erytitoues scartafiniiormes (Sergent et 13aLonneia, Société médicale des

Hôpitaux, mai l ! 10> ! .)

Les complications articulaires sont, ou bien du véritable rhumatisme

^associé il la chorée, ou du pseudo-rhulllalisl1ll' infectieux.

- Évolution. L'évolution est régulière, et c'est après des alter-

natives d'amélioration et d'aggravation que la maladie décroît lentement.

L'amélioration se l'ait progressivement, la durée totale varie de 0 semaines

à 4 mois, mais on peut dire qu'une danse de Saint-Guy dure de 1 à 2 mois.

Quand la guérison est obtenue alors que les mouvements ont disparu, il

subsiste pendant quelque temps un peu d'apathie intellectuelle, cepen-

dant on a pu observer de^ rechutes qui donnent alors il la maladie une

durée excessive de 8 il 10 mois; on a pu observer également une ou plu-

sieurs récidives laissant entre elles des intervalles variables de quelques

jours à quelques années, mais, suivant-Germain Sée, la durée est dimi-

nuée il chaque récidive nouvelle.

La maladie peut passer il Létal chronique dans des cas exceptionnels :

un malade de, Pierre Marie et Crouxon qui avait été atteint à l'âge de 7 ans

d une chorée présentait encore celle affection il 00 ans.

La mort est rare dans la danse de Saint-Guy, elle ne 's'observe que

dans 2 à 2 12 pour 100 des cas. et elle se produit alors par état de mal ou

épuisement nerveux, comme dans le cas de Barié pal' arrêt diastolique du

('OEIlI' 011 par infection comme dans plusieurs cas de Guzelli et Guirdorossi

où 1 infection était due au staphylococcus pyogenes aurons (Ri for ma

medica, 1899).

[CROUZON] ]

800 . CHORÉES ? ,

, Malgré tout, on peut dire que le pronostic est, en général bénin; il est

sans gravité au-dessous de Il 0 ans, et cette gravité augmente un peu avec

l'âge suivant Paul Blocq.

CHORÉE DES ADULTES

On peut observer chez l'adulte la chorée rhumasiimale semblable à la

chorée de Sydenham, il en existe quelques rares exemples, ce sont les

cas de Wilks (Reports of Hospital Pratice in Médecine and Sw'ge1'y);

le cas de Landouzy (Société de Biologie, 31 mai 1875); le cas de Solié,

le cas deMackensie (British Medical Journal, 1887); le cas de Pritchard

(lYledicizzallVews, 1896, GoodccalGug's s Hospital ReportXLVII), Nattau-

Larrier et Crouzon (Tribune 'médicale, 1905).

Souvent ces cas peuvent être du reste des cas de chorée récidivante

chez l'adulte (Ziehen) ; les autres variétés de chorée de l'adulte sont la

chorée gravidique, la chorée hystérique, la chorée variable des dégénérés,

les chorées de Bergeron et de Dubini, la chorée fibrillaire de Morvan.

La chorée gravidique ou chorée des femmes enceintes ou chorée de la

grossesse frappe surtout les femmes jeunes, elle s'observe chez des

femmes n'ayant eu ni rhumatisme, ni chorée de l'enfance, cependant, sur

15 cas delà Thèse de Gentin (1899), la chorée a récidivé deux fois à deux

grossesses successives et quelquefois elle a pu passer à l'état chronique.

Elle s'observe surtout chez les primipares et le plus souvent ne se rencontre

qu'à une seule grossesse. Elle a fait l'objet de nombreux travaux et de nom-

breux cas ont été mentionnés (Mastié, Thèse de Lyon, 1898-99. -Dulour,

nier, Bulletin médical, 21 novembre 1894. Mac Cann, Obstétrical

Society de Londrès, 4 4 novembre 1891. Gayrard, Thèse de Paris, 1 88).-

Elle est souvent précédée par une émotion, un traumatisme, par l'hérédité

nerveuse suivant Hocquet (Thèse de Paris, 1888) ; elle -survient souvent

chez des hystériques et même I-Iocquet et Gilles de la. Tourette (Semaine

médicale, 1899), contestent l'existence de la chorée gravidique et pré-

tendent qu'il n'existe que des pseudo-chorées développées à l'occasion de

la grossesse; ce seraient alors, des' manifestations de l'hystérie ou une

maladie des tics' ou une chorée chronique; cependant nombre d'auteurs

contestent cette opinion (Launay, Thèse de Paris, 1901), et même cette

existence ne peut être mise en doute.

La maladie débute dans la première moitié de la grossesse, pendant les

4 premiers mois. Le. début est brusque ou lent et quand la maladie est

constituée, elle se présente avec les signes de la chorée de Sydenham.

Le palper abdominal. et le toucher vaginal augmentent les mouve-

ments choréiques (Blocq) ; l'affection disparait avec la grossesse. Suivant

Blocq, il n'y a rien de fixe dans l'influence du travail sur la chorée,

mais -la chorée disparaît après la délivrance (Oui, Echo médical du

Nord, 1901), dans les 15 premiers jours ou dans le mois qui suit l'accou-

chement. C'est la chorée post-gravidique ; ou quelquefois persiste pen-

CHORÉE VARIABLE. {i 1

7'i

dant l'allaitement, c'est clmrca lactantiurn : quelquefois la mort peut

survenir par état de mal choréique comme dans le cas c.lc l3echtorell'

(Réunion scientifique des maladies mentales et nerveuses de Saint-

Pétersbourg, 1896).

Le pronostic de la maladie est plus grave que celui de la chorée vul-

gain', la mortalité est considérable, elle est de 22 pour 100 pour Char-

pentier; de 2 pour 100 pour Delage; l'avorlement et l'accouchement

prématuré sont fréquents et s'observent dans 50 pour 10U des cas, et on

observe 10 pour J 00 de mortalité infantile; c'est dire que le pronostic est

grave non seulement pour la mère, niais encore pour l'enfant.

CHORÉE HYSTÉRIQUE ;

La chorée hystérique se présente souvent 2 formes : ta choyée rythmique

et la chorée arythmique.

La chorée rythmique est la forme la plus fréquente, son siège est quel-

quefois limité, c'est l'tiemiehoree hystérique, mais souvent elle peut

affecter aussi les membres, la face et le cou. Elle se produit sous forme-

de mouvements systématiques coordonnés dans le but de l'accomplisse-

ment d'une fonction, elle peut imiter les mouvements de la danse

(choreesattatoire). On a également signalé la chorée. natatoire (mouve-

(le. natation) ou chorée malléatoire (mouvements du forgeron). Elle, se-

reproduit d'une manière intermittente et sous forme d'accès pouvant durer

de quelques minutes il quelques jours.

La chorée arythmique est moins fréquente, elle a été signalée par

Drbuve : des observations ont été présentées par Chantemesse, Dettting

(Thèse de Lyon, -1t ? 12),.Sonneyille qui l'a étudiée chez l'enfant (Thèse de-

Lille, 1901), Auseher ( décembre 1891). Cette chorée se présente d'une

façon toute semblable il la chorée de Sydenham : les mouvements sont

involontaires, réguliers et contradictoires, et c'est cette parenté qui

dans certains cas a parmis de fonder l'interprétation qui rattache à

l'hystérie la chorée de Sydenham (Revue neurologique, 1806 et Presse

médicale, l ! ) ! 1).

CHORÉE VARIABLE

Brissaud a écrit dans ses « Leçons sur les maladies nerveuses a.

(2" Série, 1899), une variété de chorée qu'il a appelée chorée variable et

polymorphe des dégénérés ou encore chorée variable des dégénérés. Celte

chorée s'observe chez des dégénérés physiques et mentaux, les sujets

présentent des stigmates physiques : infantilisme, malformation génitale,,

nucrocephalie; ils présentent des stigmates psychiques, ils ont des senti-

ments affectifs peu développés, inintelligents, ils ont des manies ou des

hallucinations.

[CROUZON.]

802 CHORÉES. - ?

La chorée est variable dans le temps et dans sa forme : on peut donc

dire qu'elle est variable et polymorphe. - - '

La variabilité dans le temps est marquée par la disparition et réappari-

tion subite. '" .

Le polymorphisme est caractérisé par l'irrégularité des mouvements

dans leur forme et dans l'amplitude : ce sont des gestes illogiques qui

quelquefois rappellent les tics et qui peuvent du reste être associés à des

tics2"ariables....'

L'évolution de la maladie est naturellement très irrégulière, puisqu'il

y a variabilité des mouvements dans le temps et dans la forme. La maladie

peut durer longtemps et finir par guérir, le malade reste néanmoins un

dégénéré. '

CHORÉE CHRONIQUE

La chorée chronique, chorée majeure, chorée de Huntington, chorée

des vieillards, chorée chronique progressive ou chorée héréditaire de

l'adulte est une- chorée dont une des caractéristiques étiologiques est

l'hérédité. Ce n'est pas seulement une hérédité nerveuse, c'est l'hérédité

similaire. Le malade atteint de chorée de Huntington est fils d'un cho-

réique de IIuntington. Les observations dans lesquelles se trouvent l'héré-

dité similaire sont nombreuses (Cas de Peretti, de Huit, d'Orméa, de

Marckay, de Clarke, de Hubert, de Hoffmann, de Lannois et de Olgsky).

Cependant l'hérédité dans la chorée chronique est régie par une loi qui a

été formulée par Huntington ; si un enfant de choréique est épargné, ses

enfants restent aussi indemnes, la chorée ne saute pas une génération.

Les descendants qui sont épargnés peuvent cependant être sujets à d'au-

tres affections nerveuses sans que cependant ce soit une règle absolue.

La chorée chronique apparaît en général entre 50 et 45 ans, elle est

encore fréquente jusqu'à 55 ans et devient rare ensuite. --

La chorée chronique frappe également -les deux sexes alors que la

chorée vulgaire frappe plus particulièrement le sexe. féminin.

Les autres causes étiologiques semblent tout à fait vagues ou même

négatives. Le rhumatisme fait exception dans les antécédents; la gros-

sesse semble ne pas avoir d'influence. Cependant il faut mentionner l'im-

portance de certaines émotions morales et'du choc nerveux. Quelquefois

l'apoplexie a été signalée au cours de la chorée chronique et même peut

la précéder.

Le tableau clinique est celui d'une chorée, mais différente par les points

suivants de la chorée vulgaire; le début peut être brusque, il peut se

faire à la suite d'atteintes successives de chorée vulgaire (cas. de Dutil

et de Huct), le plus souvent le début est lent et progressif. Les mouve-

ments sont ceux de la chorée vulgaire, mais quelques particularités les

différencient; ils pourraient, suivant Lannois, s'arrêter sous l'influence de

la volonté et c'est là un signe important entre la chorée chronique et. la

CHORÉE CHRONIQUE. 8G5

chorée vulgaire. Mais ce signe est constaté par Hitet qui montre qu'il se

rencontre dans toutes les observations de choréc chronique, qu'il s'a-

gisse ou non de la chorée héréditaire. Les troubles moteurs n'ont d'autre

particularité que de provoquer une démarche éhrieuse, les malades sont

souvent pris il cause de cela pour des ivrognes. La force musculaire est

en général diminuée, les réactions électriques sont normales, les réflexes

sont généralement forts, mais, ce qui caractérise avant tout la chorée

chronique, ce sont les troubles mentaux; ils ont été étudiés par nombre

d'auteurs : Osier, Ladame (Archives de Neurologie, 1900) Kattwinkel,

Vaschidc et Vurpas. Dutil pense que ces troubles psychiques sont con-

stants, et il ne croit pas qu'il existe une seule observation probante de

chorée de Huntington sans troubles-psychiques : au début, le malade est

. triste, mélancolique, avec tendance au suicide, puis il a des colères vio-

lentes, des manies, des hallucinations et enfin la mémoire se perd, il y a

impossibilité de préciser certains groupes de faits : un malade auquel on

demande de désigner plusieurs noms de Heurs ne retrouvera qu'un seul

nom et le répétera sans cesse.

L'affaiblissement des facultés intellectuelles est progressif et va jusqu'à

la démence (dementia chorcia de llollock). Cette démence pour plusieurs

auteurs serait assez analogue il celle de la paralysie générale (Osier,

Facklam).

Évolution. La marche de la chorée chronique héréditaire est

fatalement progressive, alors que la chorée chronique non héréditaire peut

durer un grand nombre d'années, comme dans le cas déjà mentionné de

Pierre Marie et Crouzon où le malade est resté plus de 50 ans choréique ;

la chorée héréditaire s'accentue, les mouvements augmentent d'étendue,

les troubles intellectuels progressent, le malade devient confiné au lit, il

ne peut plus s'alimenter, il tombe dans le gâtisme complet ;-la durée de

la maladie est cependant assez longue, beaucoup de malades atteints vers

50 ou 55 ans ne meurent qu'il (jeu, 70 ou 80 ans. Quelquefois l'évolution

est abrégée par les troubles respiratoires (larynx ou diaphragme) ou par

des accidents d'alimentation.

Le pronostic est des plus graves non seulement pour les malades mais

pour leurs descendants.

CHORÉES SYMPTOMATIQUES

Les chorées symptomatiques ou mouvements chorelformes ont une

signification différente suivant qu'ils sont localisés ou généralisés : s'ils

sont localisés c'est surtout sous la forme, d'héiuichoréc. Cette hémichorée

est pré ou post-hémiplégique, elle n'est qu'un symptôme quand ils se rat-

tachent il l'étudede l'hémiplégie, cependant elle signifie plus particulière-

ment que l'on a affaire it une hémiplégie infantile quand ils surviennent

des deux côtés du corps, ils peuvent alors simuler la chorée. Ils ont été

[CROUZON.]

864 CHORÉES.

mentionnés par Weir-Mitchell, Charcot, Lépùie,- Raymond. L'hémichorée

peut précéder la paralysie de quelques jours, suivant immédiatement l'ic-

tus mais le plus, souvent elle suit l'hémiplégie et ne se montre que quel-

ques mois après elle. Les mouvements offrent le caractère des mouve-

ments choréiformes peu étendus au début mais deviennent plus amples

et s'exagèrent jusqu'à la mort. Elle siège dans les membres, plus rare-

ment dans la face, elle s'exagère à propos des mouvements volontaires

mais existe au repos. Le plus~souvent l'hémiplégie associée à cette hémi-

chorée est légère de même que la contracture.

Les mouvements généralisés s'observent au cours de certaines névro-

ses, ils sont un signe accessoire de la maladie de Basedow (Dieulafoy).

On les observe également dans la paralysie générale.

MYOCLONIES

par le Dr CROUZON

On appelle myoclonies, pseudo-chorées, ou chorées électriques, des

contractions cloniques brusques semblables il celles que produit lélec-

tl'isatioll des muscles, d'où le nom de chorées électriques qui leur a été

donné.

Ces contractions sont involontaires, non systématisées, plus ou moins

localisées avec des intervalles variables, c'est surtout chez des malades

entachés d'une hérédité nerveuse que s'observent ces myoclonies, M. Ray-

mond (Leçons cliniques, 1 rI' série) a montré que toutes les myoclonies se

développent sur une souche commune (dégénérescence héréditaire ou

acquise). La plupart de ces sujets présentent des stigmates avérés de

dégénérescence physique ou mentale. Quelquefois, on observe chez eux

non seulement la présence de myoclonies, mais encore d'autres affections

nerveuses : la maladie des tics connue, dans des cas signalés par Lemoine

et Raymond, L'apoplexie, l'hystérie, etc..... -

Les autres causes sont banales, et on a signalé les émotions, le rhuma-

tisme, la fatigue, le surmenage, le traumatisme (Sizeret et Havait),

quelquefois les intoxications, et en particulier l'urémie (Ferrier, L. Levy

et l'ullct). Dcjcrinc et p, Call1Us ont constaté une myoclonie au cours de

l'hémiplégie cérébrale infantile.

Description. Les myoclonies sont caractérisées par des mouve-

ments involontaires brusques; on peut observer ces mouvements suivant

des aspects divers.

Ils peuvent être cloniques : il s'agit alors de secousses brusques

dans des muscles qui se contractent et se relâchent presque aussitôt.

Ces contractions siègent quelquefois dans un groupe spécial des muscles

et se généralisent dans la suite; quelquefois elles peuvent se produire

par nu choc par la percussion des muscles et des tendons, par une exci-

tation périphérique; elles s'exagèrent par les émotions, elles cessent pen-

dant le sommeil et sont arrêtées par la volonté. '

Les contractions tétaniques différent des précédentes par Icur pc rsis-

tance : enfin, les contractions tétaniques ne sont qu'une source de

secousses tétaniques séparées les unes des autres par des intervalles te)-

lement courts qu'il y acoutinuite apparente.

Enfin, le dernier type est constitué par les contractions si brilla ire s uni,

l'io.,rncr .emoi.. ' 55

LC7 ! 0[fZOJV.]

866 MYOCLONIES.

comme le nom l'indique, sont limitées il quelques faisceaux ou à des

fibrilles musculaires.

Tels sont les caractères généraux des myoclonies ; elles s'associent à

des troubles inconstants des réflexes, tantôt exagération, tantôt dimi-

nution, il n'y a pas de troubles de la sensibilité, ni de troubles de l'in-

telligence, et il ne semble pas qu'il y ait davantage de troubles de la

réaction électrique. Chez un enfant de 18 mois atteint de myoclonie,

Papillon et Gy ont constaté une abondante lymphocytose de liquide

céphalo-rachidien.

L'évolution des myoclonies est essentiellement bénigne en ce qui con-

cerne la vie. Cependant l'évolution est sujette il des variations, les rémis-

sions sont fréquentes, mais il peut y avoir souvent des améliorations, sans

toutefois que l'on puisse espérer la guérison.

Diagnostic. Le diagnostic réside surtout dans la différenciation

des tics et des chorées. La différenciation des tics est souvent difficile,

car y a souvent association des deux affections, et il y a une parenté

entre elles. C'est ainsi que M. Raymond (loc. cil.) considère la maladie

des tics comme un des anneaux de la chaîne pathologique qu'il englobe sous

le nom collectif de myoclonies. Cependant si l'on se reporte à la descrip-

tion qu'ont donnée des tics Brissaud, Meige et Feindel, on voit que les

tics sont surtout caractérisés par ce fait qu'ils sont systématisés et ont

pour point de vue souvent un acte volontaire, ils sont l'expression d'un

réflexe psychique, mais il n'en est pas moins vrai qu'il y a contiguïté

entre les deux groupes morbides et que souvent la distinction en est,diffi-

cile.

La chorée est caractérisée, par des mouvements involontaires également

brusques, mais cependant moins rapides et moins voisins des secousses

que les myoclonies. Enfin, les mouvements de la chorée ont une pins

grande amplitude, ils se généralisent plus rapidement; d'autre part,

chacune des variétés de chorées apportant ses caractères propres facilitera

la différenciation.

Description des variétés de myoclonies. Connue nous

l'avons dit, on a coutume, depuis la description de Raymond et d'un

certain nombre d'auteurs, de, décrire sous le nom collectif de myoclonies

un certain nombre d'états pathologiques que l'on considérait autrefois

comme des entités morbides; c'est du reste la classification qui a été

suivie par liloch et Grenet dans l'article du Traité de médecine, et par

Grenet dans l'article de la Pratique médico-chirurgicale.

Les modalités des myoclonies sont le paramyoclonus multiplex, la

chorée électrique de liergeron et de. llenoch, la chorée fibrillaire de

Morvan, la maladie deDubini, et enfin la myoclonie familiale d'Unverriclit.

Nous laisserons de côté la maladie des tics, le tic non douloureux de

la face que Raymond classe parmi les myoclonies, et nous réserverons

de même la description des myokYluies (Francesco liurzio, Anncrli (li Fîe-

nÍal1'ia, J 808).

CHORÉE ÉLECTRIQUE DE BERGERON. 867 ï

PARAMYOCLONUS MULTIPLEX

Le paramyoclonus multiplex a été décrit par Friedreicll (F ! 'rc/<0 ! f/s s

Archiv, 1881). Use rencontre surtout il l'âge mur; ses contractions peu-

vent cire cloniques, tétaniques, toniques ou librillaires; leur siège est le

plus souvent symétrique et habituellement bi-latéral ; c'est en général par

les membres inférieurs que débute la maladie.

Les contractions se produisent par accès ou par intervalles qui vont de

quelques minutes à '1/2 heure quelquefois. D'autre part les contractions

sont très rapprochées et semblent continues; ces mouvements entraînent

le déplacement des membres dans un certain nombre de cas, quelquefois

cependant la contraction est insuffisante pour procurer le changement de

position. ,

Les mouvements les plus variés s'observent aux membres supérieurs

et aux membres inférieurs, de même au niveau de la face et au niveau

de la tète. La contraction se produit dans les différents mouvements, on

l'observe en général dans l'exagération des réflexes et par des troubles de

la sensibilité. L'intelligence est intacte.

La marche de la maladie est progressive au début, mais arrivée à sa

période toutefois, sa durée est indéfinie ; il existe cependant dans un cer-

tain nombre de cas une tendance il l'amélioration ou à la guérison.

Le paramyoclonus multiplex n'est pas une entité morbide, il est symp-

tomatique de nombreuses affections cérébrales (Murri, Progrès médical,

- l 002; ()razio d'Allico, Riforma medica, 1897), il peut cire sympto-

matiquc de la maladie de Heckiinghausen et de l'urémie cérébrale; on l'a

observé également dans la sclérose en plaques ou au cours de l'atrophie

musculaire (Fiarges Priécracini et Tamburini). Enfin, on a pu observer

un paramyoclonus d'origine articulaire (Chauffard, Semaine médicale,

1890). ,

CHORÉE ÉLECTRIQUE DE BERGERON

La chorée électrique de Bergeron s'observe surtout chez les enfants;

(,'est une affection qui frappe également les deux sexes et qui apparaît

dans la seconde enfance. La nature de cette affection a été très discutée :

nous avons vu que certains auteurs pensent qu'elle est de nature hysté-

rique, tels sont les cas d'Ingelrans (Echo médical du Nord, -1 ! )0),

llenriot (Thèse de Lillc, ,1 ! IO;)), Cade (Société Médicale des Hôpitaux

(le Lyoll. 1902).

Le début de celle affection est le plus souvent brusque : ce sont,

('0 III Il Il' nous l'avons indiqué, des secousses a la façon d'une décharge

électrique qui sont rapprochées l'une de l'autre; elles sont localisées dans

certains cas, mais le plus souvent, elles atteignent l'ensemble du corps :

la tète, le tronc, les membres. A la tète, ce sont des mouvements brusques

{.CROUZON.}

.869 MYOCLONIES. '

d'extension et de flexion ; au tronc, ce sont des inclinaisons' brusques en

ayant et en arrière. Les variations dans ces secousses sont fréquentes,

quelquefois elles s'exagèrent quand lé malade cherche à les. empêcher :

elles, peuvent s'organiser en véritables paroxysmes, elles disparaissentpén-

dant le sommeil. Il n'existe aucun trouble des réflexes ni de la sensibilité,

l'état mental est indemne. Enfin, l'affection, en général, a une évolution

rapide et elle se termine par la guérison.

CHORÉE ÉLECTRIQUE DE DUBINI

Le début de cette affection est le plus souvent brusque : il se fait par

des douleurs intenses qui commencent en général par les extrémités

supérieures, par les doigts, par les mains; qui se généralisent ensuite il

un côté du corps, quelquefois à la totalité. '.

Ces douleurs s'accompagnent à brève échéance de secousses des mem-

bres qui ne sont comparables qu'à des secousses électriques qui se repro-

duisent à intervalles rythmés. .'

Quelquefois il existe, en dehors de ces secousses, de véritables attaques

convulsives. ' '

Il n'y a guère de troubles de la sensibilité ni des réflexes ; les réactions

électriques sont normales, mais il existe d'une façon constante une élé-

vation de la température.

La marche de la maladie est rapide, les secousses et les accès se répè-

tent et se rapprochent, et la maladie évolue progressivement pour se ter-

miner par le coma, les mouvements s'atténuent alors et la température,

s'élève. La mort survient dans 90 pour. 100 des cas d'après Blanchi.

CHORÉE FIBRILLAIRE DE MORVÀN

La chorée fibrillaire est. caractérisée par des contractions librillaires

qui apparaissent dans les muscles à la partie inférieure du corps, plus

particulièrement aux muscles des mollets, et à la partie postérieure des

cuisses, et par la suite aux muscles des membres supérieurs : dans tous

les cas, les muscles du cou et de la face sont respectés.

. Les contractions apparaissent sous forme de tressaillements dans les

muscles longs, dans les muscles plats,, tressaillements insuffisants pour

provoquer un déplacement ou un tremblement; ils cessent dans les

muscles dès que ceux-ci se contractent par un mouvement volontaire. Il

n'y a pas de troubles de la sensibilité ni de réflexes.

C'est une affection de l'adolescence. dont l'étiologie est assez obscure.

On y retrouve, comme dans toutes les chorées et les myoclonies, les

prédispositions héréditaire et nerveuse; l'évolution se termine par la guéri-

son, mais les récidives sont fréquentes. Quoi qu'il en soit;. le caractère

1 MYOCLONIES DANS LES AFFECTIONS DIVERSES. 869

essentiel qui différencie cette chorée fibrillaire des autres myoclonies est

justement la convulsion localisée fibrillaire du muscle, alors que les s

autres myoclonies s'accompagnent de secousses musculaires totales.

MYOCLONIES ÉPILEPTIQUES

Les myoclonies peuvent être observées chez les épileptiques. Elles ont

fait l'objet de la thèse de Robert (Paris, 1900). Elles se présentent sous

plusieurs aspects et nous adopterons la classification de Euzière et Maillet

[Gazelle des Hôpitaux, 7 juin 1910) qui distinguent les trois variétés

suivantes : , '

1° myoclonie épileptique intermittente. Les secousses myoclo-

.niques apparaissent par accès et doivent être considérées parfois comme

une aura motrice ou un équivalent épileptique, quelquefois comme des

phénomènes surajoutés. ,

2° Syndrome de Kojewnikoff ou épilepsie partielle continue. Les

sujets qui en sont atteints ont des crises d'épilepsie jacksonienne, et dans

l'intervalle des crises présentent des mouvements myocloniques.

5° Myoclonies familiales du type Unve1Ticht. Ce sont, le plus

souvent, des enfants qui ont présenté, dans leur jeune âge, des crises

épileptiformes qui, vers 10 ou 15 ans, cèdent peu à peu pour faire place

à des secousses musculaires des membres, du tronc, secousses qui sont

très analogues au paramyoclonus multiplex. Dans quelques cas les con-

vulsions épileptiformes persistent, elles sont précédées de secousses

musculaires fortes et- fréquentes ; il arrive tardivement que la myoclonie

s'accompagne de bégaiement et de difficulté de la déglutition :

La description de cette maladie a été faite par Unverricht, en 1891 : il

s'agissait d'une famille dont tous les enfants présentaient ce syndrome.

Le caractère familial a été rencontré par nombre d'autres auteurs. Cette

affection évolue le plus souvent chez les dégénérés.

MYOCLONIES DANS LES AFFECTIONS DIVERSES

On a signalé encore diverses myoclonies au cours de maladies du

système nerveux et dans la paralysie générale (Hermann, Méditz. Oboz,

'1899). On la rencontre également dans l'hystérie (Charmeil, Société de

Médecine du Nord, 1900).

Pic et Porot ont observé la myoclonie associée à la myotonie dans un

cas de sclérose en plaques fruste. Paviot et Nové-Josserand l'ont con

statée chez un vieillard atteint de méningo-encéphalo-myélitc chronique.

La myoclonie était un phénomène prémonitoire des accès dans un cas de

folie intermittente (Rogues de Fursac et Capgrasl.

[CROUZON.] ]

870 .. MYOCLONIES. '

On les a rencontrées aussi à la suite des maladies toxi-infectieuses de

l'enfance. - ..

Nystagmus-mnyoclonie. - Lenoble et Aubineau out. décrit (Société, de

Biologie, 1905 et 1er juillet 1909) une variété nouvelle de myoclonie

congénitale à nystagmus constant avec exagération des réflexes et trou-

bles trophiques qui peut être héréditaire et familiale : dans un de leurs

cas, il y avait association de glycosurie et de crises épileptiformes.

z Il y a lieu de se demander s'il n'y a pas analogie entre ces myoclonies

chez les épileptiques, et sa myoclonie familiale du type Unverricht, et,

d'autre part, il existe des cas où les myoclonies peuvent, non pas suivre

les attaques d'épilepsie, mais les précéder de plusieurs années.

MYOKYMIES

Key et Schultze ont décrit, sous ce nom, des secousses fibrillaires qui

se produisent dans les muscles des membres inférieurs d'une façon con-

tinue ; cependant, on a vu quelquefois des myokymies dans d'autres

muscles que ceux que nous venons de signaler. Les myokymies ne provo-

quent aucun trouble dans l'état général, elles surviennent chez les dégé-

nérés et leur évolution ne comporte aucune gravité.

ATHETOSE

par le D' CROUZON

1,'atlutosc est caractérisée par des mouvements involontaires incoor-

donnés qui s'accomplissent avec une extrême lenteur d'une façon continue

et avec exagération an delà des limites habituelles.

L'atliétose siège, le plus souvent aux orteils et aux doigts, c'est-à-dire

aux extrémités des membres, aux coudes, à la langue et à la face ; elle,

siège quelquefois d'un côté du corps : c'est alors 1 héiniatliélose ; quel-

quefois elle occupe les deux côtés du corps, c'est alors t'athétose double.

Les caractères des mouvements de )'atbétose sont la lenteur et l'exagé-

ration ; les mouvements ont été comparés avec exactitude aux mouve-

ments des tentacules du poulpe : ils atteignent leur limite d'une façon

continue sans secousses et gardent une apparence intentionnelle; aux

doigts l'extension semble prédominer sur la flexion, la main est largement

ouverte, la paume saillante en avant. De même les doigts s'écartent les

uns des autres et il y a adduction en patte d'oie. Le poignet est le siège

de mouvements analogues aux orteils : les mouvements se passent à la

l'ois dans la flexion et dans l'extension ; de même, au niveau du coude et de

la face, il existe des mouvements dans tous les sens; au niveau de la face

c'est particulièrement . l'orbiculaire des paupières et des lèvres qui sont

atteintes. Ces mouvements sont continus et persistent pendant le repos et

quelquefois même pendant le sommeil, mais cependant ils diminuent en

général d'intensité dans ces deux dernières conditions, l'émotion les exa-

gèrent. Enfin il ces mouvements s'ajoute le plus souvent un certain

degré de contracture avec des raideurs musculaires qui entraînent des

attitudes permanentes des membres.

Nous venons de passer en revue les caractères principaux de l'athétose,

mais ce n'est là qu'une description pour ainsi dire schématique. Nous

aurons il tracer les caractéristiques cliniques des deux grandes variétés

d athetose, nous voulons parler de l'hémiathétose et de l'athétose double

que nous avons déjà signalées.

Avant d'aborder la description de ces variétés cliniques, nous pouvons

nous baser sur les caractères généraux de l'athétose pour les différencier

des autres mouvements involontaires.

iCROUZON.-]

872 . ATHETOSE..

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Nous avons vu que la chorée était caractérisée par des mouvements

brusques qui contrastent avec la lenteur des contractions de l'athétose;

d'une part, la chorée ne s'accompagne pas de raideurs musculaires

cependant il est des cas où les mouvements peuvent revêtir les caractères

athétosiques à la face et choréiques aux membres, c'est à des cas de ce

genre que Brissaud a donné le nom d'athétoso-choréique.

D'autre part les mouvements athétosiques peuvent simuler la sclérose

en plaques. Dans cette affection le tremblement et la dysarthrie peuvent

en effet être simulés par les mouvements athétosiques des mains, de la

bouche, de la langue, mais le nystagmus et la démarche cérébelleuse ou

cërébello-spasmodique orientent le "diagnostic vers. la sclérose en pla-

ques ; la paralysie agitantesm;a reconnue à ce tremblement si spécial

des extrémités existant en dehors des mouvements intentionnels que l'on

a comparé à l'émiettement du pain et au filage de la laine. Les tics ont

des secousses plus brusques en général systématisées et reproduisant un

acte de la vie courante. Enfin, chez certains malades, la raideur muscu-

laire, la difficulté de la démarche pourraient en imposer pour la maladie

de Little, mais cette maladie, si elle s'accompagne de contractures, ne

-s'accompagne pas de mouvements. Elle est cependant très, voisine de

l'athétose double, car elle a comme substratum une lésion cérébrale :

c'est, comme l'athétose double, une diplégie cérébrale.

DIAGNOSTIC. ET DESCRIPTION DES VARIÉTÉS D'ATHÉTOSE

Nous avons dit qu'il existe deux variétés d'athétose : l'athétose double

et l'hémiathétose. La description de chacune d'elles- est des plus faciles

parce qu'elle repose uniquement sur la localisation. Nous allons cependant

donner une rapide description de chacun de ces types cliniques.

- 1. Athétose double. L'athétose double est liée à une diplégie

de l'enfance : elle survient en effet chez les enfants dans les deux premières

années de la vie, beaucoup plus rarement dans la seconde enfance, clans

l'adolescence ou dans l'âge adulte; elle survient chez des sujets qui sont

en général prédisposés à une affection nerveuse par leur hérédité, mais sans

cependant qu'il y ait d'hérédité similaire comme dans les diplégies céré-

brales infantiles. Il conviendra de rechercher avec le plus grand soin les

lésions acquises du cerveau; ces lésions, comme on le sait, sont souvent

des lésions infectieuses, tantôt une affection caractérisée comme dans le

cas d'Ollivier, tantôt une affection indéterminée à localisation encépha-

lique, tantôt il s'agit de lésions traumatiques,- et le rôle des accouche-

ments laborieux, dés applications de forceps a été bien mis en lumière

dans ces dernières années par les travaux de Couvelaire. Telles sont les

notions étiologiques qu'il faut rechercher systématiquement dans les

DIAGNOSTIC ET DESCRIPTION DES VARIÉTÉS D'ATHETOSES 87

antécédents. Le début des observations est le plus souvent lent, quel-

quefois il y a des prndollws très nets : les convulsions, la fièvre marquant

le début de la maladie, l'envahissement se l'ait progressivement, quel-

quefois en plusieurs mois, quelquefois en plusieurs années; beaucoup

plus rarement la maladie a été généralisée d'emblée.

Quand la maladie est constituée elle est caractérisée par une triade

symptomatique caractéristique.

1. Les mouvements involontaires. Nous connaissons déjà les carac-

tères de ces mouvements ; nous nous contenterons de décrire les principaux

aspects cliniques qui se rencontrent dans t'athetose double. Le malade a

la face grimaçante, mais c'est surtout dans la partie inférieure que les

troubles sont accentués, l'expression de la physionomie est très modifiée,

le malade avance les lèvres ouvre la bouche, tire la langue, raidit le front

et quelquefois brusquement il part d'un violent éclat de rire qui lui ouvre

largement la bouche et qui est décomposé par une série de mouvements

spasmodiqiies des muscles respiratoires et des muscles pharyngés. La

parole est très modifiée par le fait des mouvements athétosiques de la

langue, des lèvres et du pharynx, la parole est lente et spasmodique,

les sons sont comme poussés.

Aux membres supérieurs, les mouvements sont plus accentués aux extré-

mités; c'est surtout au niveau des doigts qu ils existent et c'est pour ces

mouvements des doigts que l'on a créé la comparaison des mouve-

ments du poulpe. Les mouvements autour des autres articulations sont

moins étendus, au niveau des membres inférieurs c'est encore aux extré-

mités que prédominent les mouvements, mais moins qu'aux membres

supérieurs; on les constate également au niveau de la jambe et delà

cuisse.

2. Rigidité musculaire. La rigidité apparaît surtout au niveau des

membres, plus particulièrement au niveau des membres inférieurs, c'est

la contracture de flexion : le pied est dévié en \'itl'11St·lllllll aux membres,

la contracture se fait en flexion.

L'état spasmodique plus encore que les mouvements rend difficile l'u-

sage des membres. La démarche de ces malades est très difficile : ils s'a-

vancent en frottant les genoux et la cuisse l'une contre l'autre : quelque-

fois, ta flexion persiste, et le malade s'avance accroupi, certains d'entre

eux ne peuvent marcher que dans des chariots, d'autres enfin sont obligés

de rester au lit ou dans des chaises roulantes. Les membres supérieurs

sont également très malhabiles et les malades ne peuvent ni manger, ni

boire, ni s'habiller seuls. Il existe de l'exagération des réflexes, mais elle

est peu apparente en raison de la raideur musculaire.

5. Troubles intellectuels. Souvent, ces malades sont des idiots;

dès l'enfance ce syndrome mental a été lié comme l'athetosc Ü la plegic

cérébrale. Cependant, dans une proportion évaluée par Brissaud et

Souques à 1/4, l'intelligence a été bien conservée. Marcel Briand a observé

un syndrome athetoso-choreique familial chez une débile persécutée.

ICROUZON]

871k ATHETOSE. '

L'évolution de l'athétose double est lente, la maladie peut durer un

nombre d'années indéterminé; il n'est pas rare de voir ces malades passer

toute leur enfance dans les services spéciaux comme celui de Bicètre et.

passer ensuite un grand nombre d'années dans les hospices d'incurables.

Cette maladie est chronique et le séjour à l'hôpital peut amener

]'éclosion d'une tuberculose pulmonaire; dans d'autres- cas le malade

sera exposé aux complications du décubitus, ou enfin il pourra succomber

à des troubles de la déglutition.

~2° Hémiathétose. L'hémiathétose est tout à fait différente de

l'athétose double : ce sont les travaux de Charcot, d'Oulmont, qui ont

séparé cette affection de celle que nous venons de décrire et les travaux

d'Audry, Michaïlovsky, Kahler, Pick, Démange, Brid9n,Ricoux, Stephan

Banhoeffer, Boinet et Touche ont mis. au point la question; plus récem-

ment elle a été l'objet d'une excellente Bévue générale de Ferrand ( Gazette

des Hôpitaux, 1900). '

- L'hémiathétose est liée à une hémiplégie; ce n'est donc pas une affec-

tion primitive tout au moins en apparence comme l'athétose double,

c'est une affection secondaire à l'hémiplégie, elle ne s'observe pas indif-

féremment à la suite de toutes. les hémiplégies, elle est toute particulière

aux hémiplégies des enfants. Enfin, elle est plutôt associée à des hémi-

plégies légères dont les troubles sensitifs sont très accentués.

L'hémiathétose est donc consécutive comme l'hémiplégie à une lésion

cérébrale en foyer et cette lésion peut être une hémorragie, un l'amol-

lissement ou toute autre lésion d'hémiplégie infantile. Sous l'impulsion

des travaux de Charcot, de Raymond, d'Oulmont et de Grasset, on a

pensé que le siège de ces lésions était plutôt à la partie postérieure de

la capsule interne; cependant les travaux d'Hammand, de Gowcrs sem-

blaient plutôt rattacher l'athétose double à une lésion des noyaux gris

centraux, tandis que Kaliler et Pick la rattachaient seulement à une

lésion du faisceau pyramidal. - -

Aujourd'hui, la lésion de l'hémiathétose n'est pas plus précise qu'au-

trefois, tout au plus peut-on affirmer depuis les travaux de Pierre Marie

et Guillain qu'il n'existe pas de localisation dans la capsule interne.

L'hémiathétose est caractérisée par des mouvements que nous connais-

sons bien, puisque nous en avons donné les caractères à propos des mou-

vements athétosiques en général, puisque nous avons déjà dit les troubles

qu'ils provoquaient au niveau des membres supérieurs et des membres

inférieurs : c'est, au niveau des membres supérieurs les mouvements

qu'on a comparés à ceux du poulpe, au niveau des membres inférieurs ce

sont également des mouvements de flexion et d'extension. La face elle-

même n'est pas exempte des mouvements, mais cependant elle n'atteint

pas la mobilité des athétoses doubles.

Les caractères des mouvements sont les mêmes que ceux de toute

athétose, ils ne cessent pas complètement, ni pendant le repos, ni pen-

dant le sommeil, mais ils s'exagèrent par les émotions et par les efforts.

DIAGNOSTIC ET DESCRIPTION DES VARIÉTÉS D'ATHÉTOSE. 87.

La raideur musculaire que. nous avons trouvée dans l'athétose double,

existe également dans riiéniiatliétose, elle se manifeste alors comme un

spasme ou une contracture intermittente du poignet ou du cou-de-pied

et il existe également de la contracture du membre inférieur (1'Iotclmnc,

Thèse de Paris, 1900).

MM. Ballet et Pierre Kahn (Société de Neurologie, décembre 'l ! )()0)

ont observé un bemispastne il physionomie de contracture hémiplégique

s'acconipagnant de mouvements athétosiques analogues aux laits décrits

par Mlle Motehane et d'autres faits observés par MM. Landrieux et Scherb.

Enfin, à côté de ces caractères qui sont essentiels dans la maladie,

nous ne, devons pas oublier que le malade est un hémiplégique et il en

présentera tous les signes.

Les troubles moteurs, nous l'avons dit, sont plus accentués, il existe

l'exagération des réflexes. On a pu observer des phénomènes épilepti-

l'ormes, mais ils accompagnent surtout le début de la maladie.

Enfin, il l'inverse de ce que l'on rencontre quelquefois dans l'héllli-

1>1(ic, il y a de l'hypertrophie musculaire. Quelquefois enfin on peut

observer associés aux mouvements athétosiques des mouvements cho-

l'l.ifol'\)1('s du même côté.

Chez l'enfant, riiéniiatliétose présente des caractères spéciaux qui

justifient la distinction d'une forme infantile (Pierre Marie). Elle débute

quelquefois par des convulsions et les attaques éhilclltiforlllcs peuvent

persister, puis l'hémiplégie est installée et l'hl'Illiathétose apparaît ac(,oll1-

pagnée des troubles de développement de l'intelligence comme on l'ob-

serve quelquefois dans l'hémiplégie infantile.

Les mouvements athétosiques peuvent se présenter sous l'aspect de

l'athétose vraie avec des mouvements athetoïdes. Il existe dans l'athétose

vraie tous les caractères que nous avons déjà indiqués, niais lu les

spasmes sont peu marqués, le malade est il peine hémiplégique, il n'y a

pas d'exagération des réflexes ni de signe de Babinski.

Dans ce que l'on appelle les mouvements athetoïdes au contraire, c'est

l'hémiplégie qui domine la scène, le malade est contracture, les réflexes

sont, exagérés et les mouvements athetofdes sont superposés à l'llimui-

1 ¡]¡"gi l' , '

Enfin, dans certains cas, on trouve dans t'hemichoree la même asso-

ciation qui a été constatée par Brissaud pour l'athétose double et il' faut

alors donner il ces faits le nom qu'il a proposé : l'athétose-chorée.

L'évolution de l'héinialhélose est lente, elle peut survenir longtemps

après le début de l'hémiplégie, mais dès que la maladie est constituée,

elle ne s'atténue guère et elle ne régresse pas, l'avenir du malade est lié

aux règles générales du pronostic de l'hémiplégie.

[CROLZON.]

TICS

par le Dr ANDRÉ LÉRI

DÉFINITION

Des mouvements-anormaux très divers ont été désignés sous le nom de

tics : le mot « tic » en était arrivé à englober indistinctement la presque

totalité des mouvements convulsifs qui se répétaient pendant une durée

plus ou moins longue,- en dehors de l'action accidentelle d'une crise con-.

vulsive ou d'une maladie générale. De récents travaux ont cherché à mettre

un peu d'ordre dans la terminologie, à définir et à délimiter le tic : nous

citerons les travaux de Brissaud ('), de ses élèves Meige et I eindel (=), de

Noguès (3) d'une part, de Pitres et Cruchet (v) d'autre part. Nous nous

appuierons surtout sur les idées défendues par Brissaud et Meige et

admises par la plupart des neurologistes ; nous montrerons, chemin fai-

sant, que l'ancien désaccord de ces auteurs avec Pitres et Cruchet résidait

plus dans l'interprétation des mots que dans la constatation des faits.

Selon Brissaud, le tic est un mouvement convulsif, fréquemment répété

et fonctionnellement systématisé, conditionné par un état mental spécial :

c'est un trouble psycho-moteur, les défectuosités psychiques sont tout

aussi indispensables pour constituer le tic que les contractions muscu-

laires. Les différents termes de cette définition et les caractères acces-

soires du tic doivent être précisés : nous étudierons successivement les

caractères du mouvement qui constitue le tic et les particularités de l'état

mental du tiqueur.

- CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES TICS

I. Caractères des réactions motrices. - Le tic est un mot-

vement-convulsi-1, c'est-à-dire une contraction musculaire pervertie; elle

peut être pervertie par sa brusquerie ou par sa persistance; aussi, comme

1. BRISS,\VD. Tics et spasmes de la face. Leçons cliniques, 1895.

2. MEME et TcNn ? Les tics et leur traitement, 1902.

3. Noguès. Des tics en général. Rapport au Congrès des aliénistes et neuroloyisles.

Grenoble, 1902.

4. CRDcnET. Étude critique sur le tic convulsif. Thèse de Bordeaux, 1902. PrmES.

Congrès de Grenoble, 1902. Cruchet. Idem.

TICS. 877 î

les convulsions, les tics reconnaissent deux variétés : tics cloniques et

tics toniques. Les premiers, de beaucoup les plus fréquents, se caracté-

risent par une série de mouvements brusques, intermittents ; les seconds

par des altitudes forcées, permanentes, des membres ou du corps. Ces

derniers sont dits «tics d'attitude» (Meige); ils sont rarement purement

toniques, le plus souvent ils sont alternativement ou successivement toni-

ques et cloniques. Malgré ces transformations alternatives, cette seconde

variété, admise généralement depuis la description du torticolis mental

par Brissaud, n'entre pas dans le cadre des tics tels que les comprennent

Pitres et Cruchet.

Le tic est un mouvement fréquemment répété, habituel : c'est « une

habitude qui, par sa persistance, prend un caractère pathologique »

(Dupré), c'est une maladie de l'habitude. C'est à tort qu'on a décrit sépa-

rément des « tics d'habitude » : tous les tics sont des tics d'habitude. Ils

se répètent généralement par accès, de nombre et de durée variables

suivant les cas et suivant les moments. Dans chacun de ces accès la série

des contractions musculaires successives est essentiellement arythmique;

des « tics rythmiques » ne s'observent que chez certains hystériques et

idiots, ou bien ils forment un type clinique tout à fait spécial (« rythmies »

de Cruchet).

Le tic est un mouvement fonctionnellement systématisé : il ne porte

pas sur un ou plusieurs muscles au hasard ; il ne se manifeste pas non

plus par la contraction simultanée ou successive de muscles innervés par

le même nerf ou par les branches d'un même nerf ou de nerfs voisins,

ce qui en ferait un mouvement anafoiuiqueinent systématisé. 11 porte sur

un muscle ou généralement sur un groupe de muscles destiné il l'accom-

plissement d'un acte fonctionnel déterminé, tel un geste, une grimace,

un sourire ou un mouvement plus complexe. Les muscles bilatéraux

symétriques prennent souvent également part il l'accomplissement d'un

tic, particulièrement à la face; fréquemment aussi le tic est unilatéral,

ou bien il est bilatéral, mais plus prononcé d'un côté. Quand deux mus-

cles permettent d'exécuter le même geste, on peut les voir entrer en jeu

alternativement, même s'ils ont une innervation différente; en revanche,

quand les différentes parties d'un même muscle interviennent dans des

actes fonctionnels différents (deltoïde, trapèze), une seule de ces parties

peut se contracter dans le tic.

Le tic est la répétition habituelle et consécutive d'un acte fonctionnel,

acte primitivement destiné il son but normal : l'acte fonctionnel reproduit

se. retrouve au début de tous les tics. La fonction reproduite peut être fout

à fait normale, fonction automatique dès la naissance connue la respira-

lion, la succion, ou fonction plus ou moins développée par l'éducation,

connue la marche, la phonation, la natation ; elle peut être anormale,

occasionnellement créée par le malade, « parasite», tel l'acte ayant pour

fonction de faire entendre un craquement de l'épaule (Meige). Les actes

fonctionnels normaux dont la reproduction détermine les tics sont très

[A. LÉRI.]

878 CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES TICS.

fréquemment des gestes ou altitudes de défense : par exemple le cli-

gnotement est un geste de défense contre les corps étrangers de l'oeil que

l'on trouve à l'origine de tous les tics de clignotement. Les actes fonc-

tionnels initiaux peuvent être d'origine réflexe, ils peuvent être d'origine

purement corticale et déterminés par une idée, parfois une hallucina-

tion (Joffroy) (') ; mais l'acte ne devient jamais tic sans que la corticalilé

soit entrée en jeu.

Normal ou anormal, primitivement réflexe ou cortical, l'acte fonctionnel

du début ne devient tic que quand il est modifié dans sa brusquerie,

quand il est intempestif et excessif, quand il est inutilement exagéré à

la fois dans le temps et dans l'espace. '

L'acte fonctionnel a une cause et un but : le tic reproduit cet acte

fonctionnel hors de propos, sans cause et sans but; il le déforme de

façon il le rendre souvent difficilement reconnaissable, ce n'est plus que

la «caricature» de l'acte initial (Charcot).

Aussi les mouvements du tic ont pu passer pour « incoordonnés» H

(Gilles de la Tourelle) : en fait ils sont toujours coordonnés. Aussi c'est

à tort que Lclulle a réservé le nom de « tics coordonnés » des gestes

habituels d'une étendue plus grande et d'une durée plus longue que les

« tics convulsifs », sans caractère de brusquerie ; ces « tics coordonnés» »

se rapprochent des « tics » pris dans le sens vulgaire du mot, on les appelle

aujourd'hui gestes stéréotypés (stéréotypies).

Le tic est involontaire ; l'acte fonctionnel qu'il reproduit est pondant

très souvent volontaire, mais. comme tout mouvement fréquemment

répété, en même temps qu'il devenait habituel et exagéré, il est devenu

automatique. Il n'est pourtant pas soustrait à faction de la volonté,

pourvu que )'attention soit attirée sur lui ; et l'un des principaux carac-

tères du tic est que la volonté peut toujours le suspendre momentané-

ment ou l'atténuer : si la volonté était assez puissante, le tic se trouverait

définitivement jugulé ; mais ce qui domine précisément, comme nous le

dirons, dans l'état mental du liqueur, c'est l'insuffisance de la volonté.

Les tiqueurs atténuent souvent leurs mouvements par un certain nombre

de procédés, de stratagèmes antagonistes, de « trucs » dont chacun

est propre il son auteur : ces stratagèmes n'agissent jamais connue

moyens de contention réels, ils n'empêchent momentanément le mouve-

ment qu'en nécessitant l'attention du malade et en soutenant sa volonté :

ainsi par exemple la simple application du doigt sur la joue peut prévenir

pendant quelque temps l'apparition d'un tic du cou. Certains de ces

procédés, antagonistes au début, peuvent devenir, chez des prédisposés

comme le sont tous les liqueurs, des tics surajoutés.

Que la suspension du tic soit due ;1 la simple influence de la volonté

ou que la volonté soit secondée par un procédé apparent de contention,

cette suspension n'est jamais que momentanée ; a un moment donné le

1. Joffroy. Congrès de Grenoble, l'.)02.

TICS. 879 ;t

tic éclate, il est irrésistible : cette irrésistibilité est un caractère commun

aux tics et aux obsessions.

L'arrêt volontaire du tic ne va pas sans souffrance morale : cette souf-

france est le besoin qui accompagne toute contention d'une habitude

fonctionnelle ; ce besoin peut prendre, au bout d'une plus ou moins

longue attente, un caractère impérieux et angoissant. La satisfaction de

l'acte accompli suit la réapparition du tic, elle est d'autant plus grande

que le besoin, a été plus violent, elle est souvent tout aussi immodérée.

Aussi les accès sont souvent d'autant plus forts et plus prolongés que la

suspension a été plus longue. La répétition d'un acte, le besoin prémoni-

toire et la satisfaction consécutive sont les caractères d'une fonction ;

leur intensité excessive caractérise d'une façon générale les obsessions et

les impulsions ; leur existence également excessive dans le tic en fait une

véritable impulsion motrice, certains ont mérité d'être dits « tics

obsédants » . ,

Le tic présente encore un autre caractère commun avec l'obsession et

l'impulsion ; il est conscient, en ce sens que le tiqueur sait bien que son

tic existe, il sait généralement qu'il vase produire ou qu'il s'est produit;

niais il peut pourtant être inconscient , en ce sens que le tic peut se pro-

duire alors que le tiqueur pense à toute autre chose, que souvent aussi

celui-ci ne s'aperçoit ni de la menace du tic, ni même de son accomplis-

sement. Comme l'obsédé, comme l'impulsif, « avant comme après son

geste intempestif, le tiqueur est en mesure d'apprécier correctement son

étal, mais non pendant La conscience intervient ou disparaît à des

degrés ou ci des II/Olllents dil'e1'S» (Jleige).

Le tic disparaît pendant le sommeil : cette règle est absolue pour

Brissaud et Meige, elle pourrait présenter quelques exceptions pour

Cruchet (') : ce dernier a même décrit une variété spéciale de tic de.

balancement de la tête et du tronc chez les enfants n'existant que pen-

dant le sommeil.

Les tics peuvent apparaître il tout âge, excepté chez les très jeunes

enfants (jusqu'à 5 ans) ; dans la très grande majorité des cas ils débutent

dans l'enfance ou l'adolescence, de (i il 15 ans (tics «précoces»);

rarement ils se mollirent chez l'adulte ou le vieillard (tics «tardifs»),

ils viennent alors fréquemment se greffer sur des vésanies et présentent

quelques caractères spéciaux.

Le début du tic est généralement lent et insidieux; ces caractères

sont la conséquence même de la pathogénie ; le geste que le tic repro-

duit ne diffère pas au début des actes fonctionnels ordinaires; c'est par

sa répétition et par sa déformation progressive qu'il devient tic; la limite

est mal tranchée, entre le geste, normal et le tic, il y a « une période

1. Cruciif.t. Sur un cas de tic de la lèle, et. du U'onc n'existant que pendant le som-

meil. Soc. nuécl., Bordeaux, 1904. Tics et sommeil. Presse l/léd.,1 -lu0a. Sur

deux cas de lies eonvulsifs persistant dans le sommeil. Soc. de lIe1l/'ol., 19011. -

Ilyllnnies d'habitude du sommeil cticx l'enfant. Soc. méd" bordeaux, 1900.

[A. LÉRL]

}<80 CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES TICS.

d'hésitation et de tâtonnements ». Un tic récidivant peut au contraire

réapparaître très rapidement, même brusquement, après une plus ou

moins longue disparition : l'éducation du tic était faite par la première

atteinte, la période d'hésitation n'a plus de raison d'être. Les tics

apparaissent d'autant, moins lentement que l'état mental est plus

atteint, que le déséquilibre psychique porte plus rapidement le sujet a

imiter ses propres gestes et à les caricaturer. Les premiers tics sont

généralement les plus lents, les tics suivants apparaissent avec une faci-

lité de plus en plus grande quand le malade n'a été. soumis il aucune

manoeuvre thérapeutique destinée il éduquer sa volonté : ils apparaissent,

pour ainsi dire, par laisser-aller.

Dans son évolution spontanée, le tic est essentiellement capricieux et

envahissant. l.e tic est capricieux, car il est variable d'un moment à

l'autre, d'un jour à l'autre; il présente des rémissions, il parait ou dispa-

rait, il s'exagère ou s'atténue, soit en raison de certaines causes extérieures

ou intérieures, soit sans aucune cause appréciable. Le. plus souvent un

tic diminue de fréquence ou d'intensité par le repos, l'isolement, l'obscu-

rité, la distraction, il augmente par la fatigue, les excès, les préoccupa-

tions; mais les mêmes conditions produisent parfois chez certains sujets

un effet absolument différent. Les indispositions légères aggravent géné-

ralement les contractions; les maladies graves, et surtout fébriles, les

calment : ils reparaissent généralement il la convalescence, souvent pins

forts; les tics obéissent au vieil adage : Febris accédais spismos solât,

febris recédais spaslllos reducit.

Un tic donné se manifeste par la contraction toujours répétée des

mêmes muscles ou de muscles voisins produisant un geste il peu près

identique. Pourtant le tic est d'ordinaire envahissant, et cela de deux

façons. D'une pari, les muscles voisins y participent de plus en plus, parce

que .le mouvement se complique, l'acte fonctionnel initial se déformant

de plus en plus par exagération : il n'y a pas un tic nouveau, mais un tic

plus complexe. D'autre part, de nouveaux tics apparaissent, parce que

l'état mental du sujet le prédispose aux tics, la répétition et a la

déformation non seulement d'un seul geste, mais des gestes les plus

variés. Les tics nouveaux apparaissent souvent, mais non nécessaire-

ment, dans les portions du corps qui avoisinent les premières régions

affectées. En tout cas, les muscles nouvellement atteints ne le sont

pas en suivant la distribution d'un nerf quelconque : ce sont des grou-

pements musculaires fonctionnels, physiologiques, qui sont mis en

contraction anormale, non des groupes anatomiques, Les tics multiples

peuvent coexister ou alterner; l'apparition d'un nouveau tic coïncide

souvent avec la disparition d'un autre, mais presque toujours la mul-

tiplication des variétés, même alternantes, même rémittentes, dénoie

une progression et non une régression. Un somme, on peut dire, d'une

façon générale, que l'envahissement du tic se fait plus ou moins sui-

vant les mêmes modes que celui de l'érysipèle, toutes réserves faites

TICS. 881 1

sur la légitimité d'une comparaison entre une maladie il progression ana-

tomiclue et une affection à progression physiologique : le tic envahissant

peut être en tache d'huile, serpigineux, ambulant, erratique, migrateur.

Le degré d'envahissement le plus accentué est représenté par la

maladie des tics (Gilles de la Tourette). Cette affection débute dans l'en-

fance comme un simple tic de la face; progressivement toutes les variétés

des tics peuvent se combiner, se succéder ou s'associer; les gesticulations

continuelles et violentes qu'ils déterminent paraissent avoir perdu toute

systématisation : on y retrouve pourtant les principaux caractères des

tics, ce qui permet d'en faire le diagnostic. La maladie ne va pas sans

une atteinte profonde de l'état mental, et aux mouvements désordonnés

se joignent des tares psychiques nombreuses (obsessions, impulsions,

délires) pouvant aboutir à la démence.

Les tics sont pourtant guérissables, soit spontanément, soit à la suite

d'un traitement approprié. La guérison spontanée est rare, la guérison

thérapeutique est d'autant plus fréquente que le tic est plus simple et

plus récent et que l'état mental est moins altéré ou plus susceptible de

perfectionnement. Aussi les tics précoces, ceux des enfants surtout, sont

bien plus souvent curables que ceux des adultes; les tics tardifs sont

très tenaces. Parmi les tics tardifs, ceux des vieillards sont les plus

fâcheux, car ils dénotent généralement le début de la déchéance mentale

sénile; ceux des vésaniques sont les avant-coureurs de la démence (Du-

four). La maladie des tics est presque toujours incurable.

Le tic étant particulièrement récidivant, il faudra toujours se méfier

qu'une guérison ne soit que momentanée; une cure prolongée et une

bonne éducation psychique sont le meilleur préservatif d'une récidive.

II. L'état mental du tiqueur. A) Ses caractères. - L'état

mental du tiqueur est celui des dégénérés, pris dans le sens où l'entend

Magnan : la dégénérescence, folie des héréditaires, consiste dans « la

désharmonie et le défaut d'équilibre, non seulement entre les facultés

mentales, les opérations intellectuelles proprement dites d'une part, les

sentiments et les penchants d'autre part, mais encore dans la désharmonie

des facultés entre elles, le défaut d'équilibre du moral et du caractère ».

L'arrêt du développement mental qui constitue la dégénérescence peut

être global, porter sur l'ensemble des facultés, comme chez les idiots.

Ce n'est pas le cas pour les tiqueurs simples : chez ceux-ci le trouble du

développement n'est que partiel, leur évolution intellectuelle est par bien

des points complète, souvent même au-dessus de la normale, ils ont fré-

quemment l'esprit vif, alerte, l'imagination ingénieuse et séduisante, la

mémoire excellente, une élocution aisée et pleine d'à-propos, une grande

facilité d'assimilation : ce sont des dégénérés supérieurs , des déséqui-

librés simples (Ballet).

Le déséquilibre est, en effet, ce qui domine, tant dans leurs facultés

intellectuelles et leurs sentiments que, dans leurs sensations mêmes et

dans leurs réactions motrices, vaso-motrices, secrétoires et viscérales.

P11.1TIQUE neuikii.. 56

(.A. LÉRI.]

882 CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES TICS.

Chez les tiqueurs, l'atteinte proportionnelle des différentes facultés n'est

cependant pas quelconque, on peut dire qu'elle est jusqu'à un certain

point élective, car la déficience de certaines facultés est particulièrement

importante dans la genèse des tics.

C'est ainsi que, parmi les facultés intellectuelles, l'intelligence propre-

ment dite peut être ou non altérée, le jugement, le raisonnement, le

pouvoir de compréhension et d'assimilation étant ou non déformés; la

mémoire, l'imagination sont très souvent intactes. Mais ce qui est toujours

défectueux, c'est la volonté et l'attention : « le liqueur est essentiellement

léger, versatile, instable. Il ne sait pas vouloir; il veut trop ou trop peu,

trop vite ou pour trop peu de temps L'attention est toujours fugace.

« papillonnante », éphémère, indice d'un perpétuel état d'instabilité

mentale (.\'Ieige).'

L'insuffisance de la volonté se manifeste par la tendance qu'ont sou-

vent les tiqueurs il se laisser dominer par n'importe qui, à se laisser

influencer par n'importe quelle circonstance extérieure, il manquer de

pondération dans tous leurs actes connue dans la manifestation de leurs

sentiments : « ils parlent, ils marchent, ils mangent trop vite et sans

mesure;... ils ont des impatiences, des colères d'enfants » (Meige).

Cette insuffisance de la volonté se manifeste plus encore par la tendance

qu'ont beaucoup d'entre eux à imiter les gestes qu'ils voient exécuter;

on sait combien souvent, particulièrement chez les enfants, les tics ont

pour origine l'imitation d'un geste; chez certains même le besoin d'imiter

peut prendre un caractère obsédant. Chez beaucoup de tiqueurs dont

l'état mental est plus altéré, surtout au début des vésanies, la suggcslibl-

lité est plus grande encore, ils imitent invoioutairement et inconsciem-

ment les gestes qu'ils voient exécuter (echomimie)ou les paroles qu'ils

entendent (écholalie), ils répètent les mouvements qu'on imprime à leurs

propres membres (ecbokinesie).

L'imperfection de la volonté, non plus par insuffisance, mais par excès

au moins apparent, en tout cas inopportun, se manifeste chez beaucoup

de liqueurs par un besoin de contradiction, de résistance, de désobéis-

sance, par une tendance au contraire, au contraste (IVralt't.-I.bin ? Pitres

et Régis), qui chez certains va jusqu'au véritable négativisme, plus ou

moins involontaire et inconscient, des vésanies. Non seulement les mala-

des « sont très souvent poussés à faire juste le contraire de ce qu'on leur

dit, mais encore le contraire de ce à quoi ils pensent et de ce qu'ils vou-

draient faire H (Nogucs) ; c'est un des caractères que les liqueurs parta-

gent souvent, jusqu'à un certain point, avec les obsédés. On observe

fréquemment en même temps, chez les tiqueurs, une, tendance à prolon-

ger inutilement les contractions musculaires et à conserver les positions

qu'on donne il leurs membres; ce calatonisme a peut-être sa cause

autant dans l'insuffisance de la volonté à modifier une attitude que dans

la tendance à maintenir à l'excès une contraction musculaire. Si les atti-

tudes catatoniques vraies s'observent en somme assez rarement chez les

TICS. 885

liqueurs, en dehors des vésaniques et notamment des déments précoces,

l'aptitude cala tonique peut être constatée plus aisément par le « phéno-

mène de la chute des bras » (Meige) ('). Les tendances plus ou moins

accusées, en apparence opposées entre elles, à la suggestibilité et il l'écho-

praxie, au négativisme et au catatonisme, ne sont nullement exclusives

l'une de l'autre, le plus souvent elles s'observent alternativement chez le

malade liqueur comme chez le dément précoce.

Si chez le déséquilibré tiqueur c'est spécialement la volonté qui, parmi

les facultés intellectuelles, se trouve constamment altérée, c'est que l'im-

perfection de la volonté est précisément l'une des causes prédisposantes

les plus essentielles du tic : c'est parce que le contrôle cortical de la

volonté est insuffisant que le malade, après avoir exécuté volontairement

un acte fonctionnel pour une cause réelle et en vue d'un but déterminé,

répète cet acte sans cause et sans but, en fait un acte automatique, intem-

pestif et inutile, excessif par sa brusquerie et son intensité, en un mot

un tic.

Parmi les facultés affectives, l'émotivité est toujours déséquilibrée;

« les tiqueurs sont des émotifs,... le moindre changement dans leurs

habitudes les déconcerte,... ils sont timides à l'excès, perdent toute

contenance dès qu'ils se sentent observés » (Meige et Feindel), leurs

manifestations émotives sont excessives et fugaces. Et cette altération

constante de l'émotivité s'explique encore, car, dans le tic comme dans

l'obsession, le besoin prémonitoire souvent angoissant, l'irrésistibilité de

l'acte et la satisfaction consécutive témoignent d'un trouble intense de

l'émotivité ; l'émotivité joue peut-être, plus encore que la volonté, un

rôle important dans la genèse des tics (Noguès), de même que l'obsession

est plus une maladie de l'émotivité que de la volonté (Pitres et Régis) (2).

L'affectivité proprement dite des tiqueurs est souvent modifiée, capri-

cicuse. ils ont des passions vives, brèves, étranges.

Les facultés morales sont ou non intactes ; le sens moral peut être par-

lois atrophié ou perverti (").

1. Le. phénomène de la chute des bras est le suivant : le malade a les bras étendus

en croix, supportés dans le relâchement complet par les mains de l'observateur ; celui-

ci retire brusquement ses mains : à l'état normal, les bras tombent immédiatement,'

par un mouvement uniformément accéléré, jusque sur les cuisses où ils rebondissent et

, oscillent; chez ceux qui présentent une tendance aux attitudes catatoniques, la chute

ne se fait qu'après un temps d'hésitation, elle est ralentie par persistance de la contrac-

tion des élévateurs ou brusquée par participation des abaisseurs, les mains n'arrivent

pas jusqu'aux cuisses ou y restent appliquées sans osciller. (Meige, Congrès des alié-

nistes. Bruxelles, 1q(l.)

2. et Itccrs. Les obsessions et. les impulsions. Paris. 1902.

3. Nous devons ajouter, avec que les images mentales en général, et les

représentations motrices en particulier, ont chez ces sujets a une intensité et un

éclat réellement morbides ». La représentation mentale participe au déséquilibre des

facultés et contribue pour une part notable au trouble pathologique. « L'image d'un

mouvement se présente il la conscience du sujet avec, une intensité et un éclat qui

tendent il provoquer sa réalisation; le malade résiste tout d'abord;... mais il n'a pas

[A. LÉRI.

1181 f, : 11t : 1C'l'ÈItI;S &Ë\KHAU\ DES TICS.

Meige et Feindel ont appelé l'attention sur la ressemblance et l'état

mental des tiqueurs avec celui des enfants : légers, versatiles, insou-

ciants, impatients, coléreux, émotifs, impondérés comme des enfants,

l'arrêt partiel de leur développement psychique pourrait être qualifié

d' « infantilisme mental ».

Le déséquilibre des facultés mentales peut aboutir il de véritables

syndromes psychiques bien caractérisés; les idées fixes, les obsessions,

les impulsions, les phobies ne sont pas rares chez les tiqueurs; elles

dépendent essentiellement, comme les tics, de l'insuffisance du contrôle

cortical exercé par la volonté et du trouble de l'émotivité (').

Nous avons insisté, dans l'analyse tant des réactions motrices que de

l'état mental du liqueur, sur les nombreuses analogies des tics avec les

obsessions et les impulsions : l'association de ces différents syndromes

est très fréquente. Ils peuvent être indépendants l'un de l'autre, nés seu-

lement l'un et l'autre sur le même fond de dégénérescence mentale ; ils

peuvent aussi naître l'un de l'autre; c'est ainsi que le tic peut n'être

qu'un moyen de défense contre une obsession quelconque ou une réaction

contre l'obsession phobique du tic, contre la peur même de tiquer;

inversement le tic peut se compliquer d'une obsession, devenir un tic

obsédant (Noguès).

Les phobies sont fréquentes chez les liqueurs et particulièrement la

nosophobie, avec ses conséquences, hypocondrie et mélancolie. Les

« manies » diverses ne sont pas rares, aritlunomanie. ODûlat0111-

]lie, etc ^r^

B) Ses conséquences sur l'état physique. Le déséquilibre des IÏI(.(11-

tés cérébrales ne va pas le plus souvent sans un déséquilibre de toutes

les fonctions.

Le déséquilibre sensitif apparaît dans la disproportion fréquente entre

les excitations douloureuses et les manifestations de douleur que les

malades accusent : «une vive souffrance peut les laisser indifférents; une,

minime douleur, une simple gène les exaspèrent » : le geste qui doit se

plutôt refréné son mouvement ou triomphé du sa représentation mentale qu'une nou-

velle image se présente il la conscience, provoquant une véritable émotion et une

certaine angoisse : cette représentation motrice revient a la conscience toujours plus

intense jusqu'à ce que le mouvement soit exécuté. )) ( car.vs. Etat moteur des aliènes.

Revue de psychiatrie, l ! )0 ? ) On comprend combien particulièrement importante est

celte représentation excessive des images motrices riiez des sujets qui présentent le

déséquilibre de la volonté, de l'attention et d( )'( : moli"ité qllc nous a\'On5 si¡.rnall : :

« les deux coefficients représentatif et émotif jouent un rôle, important dans la genèse

des tics M. (VASCIIIIJE et Vuiipas. L'image mentale, morbide. Revue de médecine, 1 ! 1112.)

1. De. plus, dans ces mêmes cas, on observe une intensité anormale des images

motrices semblable il celle des tiqueurs. « On peut considérer les divers stigmates

psychiques ou syndromes de la dégénérescence, les tics, les impulsions et les obses-

sions, la folie, du doute, le délire du loucher, les inversions génitales, etc., comme

relevant d'un même substratum psychologique, l'intensité particulière des images meu-

tales. M (URI ? s. Loc. cil.)

TICS.

transformer en tic n'a souvent été au début qu'un mouvrton.r 4d*eÏense

contre une sensation insignifiante.

On constate assez souvent chez les tiqueurs un certain degré d'inhabi-

leté, de maladresse à exécuter des mouvements commandés ou spontanés,

même avec les membres qui ne prennent aucune part au tic; les mouve-

ments sont il la fois trop violents et mal dirigés; une analyse plus atten-

tive montre qu'un trouble de la notion de position des membres, Au sens

des attitudes segmentaires (P. Bonnier), est la cause de celle véritable

incoordination.

Le déséquilibre moteur apparaît non seulement dans tous les carac-

tères du tic, dans son inutilité, sa brusquerie, son intensité excessive, sa

disproportion avec le geste initial et avec sa cause, mais encore dans tous

les troubles moteurs que nous avons décrits comme conséquences de l'étal

mental des tiqueurs : exagération et brusquerie de tous les actes moteurs,

(\chopraxie, catatonisrne, impulsions et obsessions impulsives.

Le déséquilibre vaso-moteur se manifeste surtout par les poussées

intempestives de rougeur ; elles peuvent être dues à l'excès de l'émotivité,

souvent aussi à la peur de rougir, à l'éreutophoble (Régis) : dans un

cas comme dans l'autre, des gestes destinés à dissimuler la rougeur peu-

vent être le point de départ de tics.

Le déséquilibre sécrétoire donne parfois naissance il des véritables

crises sudorales, origine parfois de tics d'essuyage ou de frottement.

Le déséquilibre viscéral donne lieu à des troubles très divers : dyspep-

sie, constipation, crises diarrbéiques favorisées par l'habitude de mal

manger, trop et trop vite; pollakiurie et polyurie (Brissaud), véritables

tics de miction, etc....

C) Son importance; les conceptions pathogéniques. -- La dl"g("n('res-

cence moniale est considérée par Brissaud et Meige comme aussi indis-

pensable il la définition du tic que le trouble moteur lui-même ; le mou-

vement cOl1Yulsil' ne peut être un tic que s'il est conditionné par l'étal

mental spécial, dégénéré, déséquilibré, « infantile » des liqueurs. Il en

est ainsi du moins pour les tics précoces, de beaucoup les plus fré-

quents : les tics tardifs, ceux des adultes et des vieillards, sur-

viennent dans les vésanies, au début des démences, ils sont

conditionnés non par l'arrêt, mais par la régression dans le déve-

loppement mental. Noguès catégorise les tics en trois types : tics

psychiques ou obsessions tIC111el1SCS, psycho-moteurs et moteurs, suivant

que l'acte moteur suit plus ou moins immédiatement et fatalement, avec

ou sans aclion inhibitrice intermédiaire, la stimulation corticale : il

1-ecoiiiiiii d'ailleurs que tous les tics sont jusqu'à un certain point psy-

cho-moteurs. Grasset (') exprime une Idéea peu près analogue enadnietlant

des lies psychiques proprement dits ou mentaux, tics du psychisme

supérieur, et des tics polygonaux ou du psychisme inférieur, suivant,

t. lnrtAseT. Congrès de Grenoble, 1902.

[A. LÉRI ]

886 VARIÉTÉS CLINIQUES.

qu'ils sont ou paraissent plus ou moins volontaires, libres et responsables,

ou au contraire automatiques et subconscients ; il pourrait même exister

des tics bulho-méclullaires n'ayant aucun caractère de psychisme; ceux-ci

ne diffèrent guère des spasmes. Pour Joifroy (') les tics, et particulière-

ment la maladie des tics, rentrent dans un groupe naturel étendu de mala-

dies ou les (roubles musculaires (moteurs ou trophiques) et les troubles

mentaux qui les accompagnent ne sont que des manifestations diverses de

la dégénérescence, groupe que l'on peut dénommer maladies nlusculo-

psychiques d'origine conceptionnellc ou héréditaire ou plus simplement

myopsychies.

Pour si capitale que soit la dégénérescence mentale dans la définition

du tic, elle n'est pas tout, le phénomène moteur est indispensable, et

c'est par un abus de langage que certains auteurs, avec G. Cuinon, on !

admis une « maladie des tics sans tics », un tic purement mental « qui

ne se traduit extérieurement par aucun signe », un 'il' d'idée^).

A l'opposé des auteurs précédents, Pitres et Crnchet pensent que. si

un état mental prédisposant est nécessaire dans la production de tous

les « tics fonctionnels », il existe toute une catégorie de tics qui sont

conditionnés par une lésion organique, soit directe (tics spasniodiques),

soit indirecte (tics spasmodiques réflexes), et qu'on doit appeler « tics

matériels » : ils répondent à ce que Brissaud a séparé des tics sous le

nom de spasmes. Babinski (3), ayant constaté l'existence de certains

signes d'irritation du système pyramidal, extension des orleils, exagéra-

tion unilatérale du réflexe triripital. dans différents cas de tics Ioniques

du cou, de torticolis mentaux, croit que, dans certains cas au moins, les

tics ne sont pas d'origine mentale, niais d'origine organique. Pierre !

attire l'attention sur les lésions organiques qui peuvent être déterminées

dans le cerveau soit du foetus' pal' des toxines (Charrin et Léri), soit de

l'enfant par des traumatismes légers, lésions qui peuvent laisser des

cicatrices et rester normalement silencieuses jusqu'à ce qu'un étal toxi-

que les fasse entrer enjeu; les tics pourraient être déterminés par des

lésions de ce genre, dont les manifestations seraient éveillées par une

intoxication quelconque, par la diminution de la conscience, du « senti-

ment des convenances », sous l'influence d'une altération accidentelle des

neurones.

VARIÉTÉS CLINIQUES

Les variétés cliniques des tics s'étendent il l'infini et sont très souvent

associées entre elles : nous signalerons rapidement les formes les plus

fréquentes, en suivant la description de Meige.

1. ,loFFHor. Les myopsychics. Revue 1 ! eul'o ? 1902.

2. G. Guixon. Tic in Dicl. J)eI'fUlmb¡'e.

5. Ijabixski. Sur un cas d'hémispasme (Contrih. il l'élude de la palhogénie du torti-

colis spasmodique). Soc. de nerrol.. 1" février 1900. Sur le spasme du cuu. Idem.,

4 juillet 190].

TICS. 887 ï

Tics de la face. Les tics de la face sont de beaucoup les plus

ordinaires, c'est la conséquence de la multiplicité et de l'extrême diver-

sité des actes fonctionnels auxquels la face prend part : nictitation, masti-

cation, succion, respiration, phonation, expressions mimiques, etc.

Les tics des paupières sont les plus fréquents de tous : tic de nictita-

tion ou tic de clignotement (suivant l'occlusion plus ou moins complète

de l'oeil), cloniques; tic de clignement, tonique; tic d'écarquille-

ment, clonique ou tonique. Ces tics sont généralement bilatéraux. Leur

point de départ est le plus souvent un mouvement réflexe ou de défense

provoqué par la présence d'un corps étranger, parfois par une lumière

trop vive : ce sont des perturbations des fonctions de nictitation ou

d'occlusion ou de la fonction mimique.

Les tics des globes oculaires sont souvent associés aux précédents ;

les mouvements convulsifs des globes peuvent se produire sous les pau-

pières baissées ou quand les paupières sont ouvertes ; certains tics sont

réguliers, nystagmiformcs ; certains strabismes des enfants sont des tics

toniques. La cause des lies des globes oculaires est la même que celle

des tics palpébraux. La micropsie, la mégalopsie, l'hippus ou nvstag-

mus irien sont parfois assimilables à des tics des muscles intrinsèques

de l'oeil.

Les tics des lèvres sont les plus fréquents après ceux des yeux : tics

de moue, de pincement, de succion, tic de sifflement, tics grimaçants,

de rictus, etc. ; ils sont généralement cloniques, parfois toniques. Leur

cause est souvent un mouvement réflexe ou volontaire dû à une irritation

locale (gerçure, fissure des lèvres, troubles de la dentition, chute d'une

dent, etc.); d'autres tics sont des anomalies de la succion, de la masti-

cation, de la préhension des aliments, de l'articulation des sons, de la

mimique (dégoût, dépit, colère, etc.).

Tics du ne ? tic de reniflement du à une irritation de la muqueuse

nasale, tics de froncement, de battement des narines, généralement liés

des tics de la respiration, tics mimiques.

Tics du menton (génio-tics, Meige) : élévation de la lèvre inférieure,

plissement du menton, tics mimiques (pleurer, etc.).

Tics du front : froncement, rides cloniques ou toniques (muscles

frontaux, sourciliers, peauciers du crâne); tics mimiques (effroi, sur-

prise, colère) ou par irritation locale (cheveux trop longs, coiffure trop

serrée).

Tics de l'oreille : tics du pavillon; bourdonnements, bruits insolites

associés a des tics de la face et sans doute assimilables il des tics de

1 oreille interne (muscle de l'étrier), parfois à des tics du voile du palais

(muscles périslaphylins).

Tics de la langue, rarement isolés : tic de projection en avant ou sur

les côtés, pendant la parole ou le silence, (le de léchage, tic du chiqueur

(la langue fait bomber la joue) : ce sont des tics par irritation locale,

dentaire par exemple, ou par altération des fonctions de succion, de

[A. LÉRi.]

888 VARIÉTÉS CLINIQUES.

mastication, de déglutition, de phonation, de respiration. La langue par-

ticipe aux tics phonatoires et respiratoires de sifflement, de claquement,

de croassement, etc.

Tics de la mâchoire : tics d'abaissement, de propulsion, de diduction,

généralement dus à une irritation locale, labiale, dentaire ou gingivale,

de même ordre que les habitudes vicieuses de mordillage et de mâchon-

nement. Trismus mental, décrit par Raymond et P. Jane) : impossi-

bilité de desserrer les dénis pour parler avec possibilité d'ouvrir large-

ment la bouche pour exécuter certains mouvements, tirer la langue,

montrer la gorge, ou simplement pour chanter (Meige). Ce trismus

mental s'observe chez certains aliénés ; il représente un acte de défense

en relation avec une idée délirante, on l'observe aussi dans l'hystérie; il

est parfois tel qu'on est obligé d'alimenter les malades par une sonde

nasale ; il est souvent corrigé par les malades eux-mêmes il l'aide d'un

procédé personnel quelconque, un bouchon entre les dents, un doigt sur

les incisives, etc. ;

Tics du cou. Tic de hochement, généralement provoqué par le

redressement d'une coiffure instable, le chatouillement par une mèche

de cheveux, la gêne par un col trop étroit. Tics d'affirmation et de néga-

tion, tics mimiques. Tic de salutation.

Tic du peaucier du cou, rarement isolé (Oppenheim), tic mimique.

Torticolis-tic, torticolis mental (Brissaud) : rotation de la tète simple

ou avec flexion ou extension, parfois extension seule (rétrocolis), excep-

tionnellement flexion seule (procolis, Duchenne de Boulogne). C'est un

tic presque toujours du sterno-cléido-niastoïdien, d'ordinaire aussi d'au-

tres muscles très différemment associés, du même côté ou du côté opposé

(trapèze, scalènes, splenius, complexus, obliques, angulaire) ; associa-

tion très fréquente à des mouvements convulsifs de l'épaule, parfois du

bras, du tronc, plus rarement de la face et de la langue. Le tic est clo-

nique ou Ionique, soit que les mouvements cloniques et Ioniques alter-

nent dans un même accès ou dans des accès successifs, soit qu'au cours

de contractions toniques des mouvements cloniques exagèrent la dévia-

tion. On peut observer tous les degrés dans la forme, dans l'intensité,

dans la persistance de l'attitude vicieuse. Mêmes causes calmantes (repos,

tranquillité) ou excitantes (fatigue, préoccupations, émotions) que pour

tous les tics ; exagération par la lecture et l'écriture ; disparition pendant

le sommeil. Inhibition momentanée par la volonté, la distraction, mais

irrésis61Lilil.é, avec besoin, souffrance morale souvent angoissante, (lestes

antagonistes efficaces très variés, toujours les mêmes pour chaque sujet

ou parfois variant à des époques différentes, nullement en rapport avec

la force déployée, parfois paradoxaux : application d'un doigt sur le

menton ou sur la joue, paume de la main sur le front, etc. ; parfois pro-

cédés correcteurs étranges (un bâton entre les dents, un parapluie sur

l'épaule, un lorgnon sans verre, surtout un col carcan, etc.). Début insi-

dieux, évolution envahissante, capricieuse, changeant parfois de muscles

TICS ? - " . 889

ou môme de côté. Le point de départ se retrouve généralement dans un

mouvement de défense contre une irritation locale (abcès, anthrax, etc.),

dans une position choisie ou un geste accompli pour atténuer une dou-

leur (Souques, Séglas), pour dissimuler sa figure (Raymond et Janet),

pour, regarder de côté par une fenêtre (Sgobbo), pour rechercher un

craquement du cou (Brissaud et Meige), pour jeter un fardeau sur

l'épaule (tic du colporteur, Grasset), pour prendre des lettres dans un

casier (tic du typographe, Baylac), pour corriger certains troubles de la

vision, de l'accommodation ou de l'ouïe, etc. Selon Babinski, il n'est pas

démontré que le torticolis dénomme mental par Brissaud soit réellement

d'origine psychique. Il a relaté plusieurs cas de spasme du cou ayant un

aspect clinique identique à celui du torticolis mental et dépendant vrai-

semblablement d'une affection organique du système nerveux central dont

[A. LJBAT

Fig, '13, 14, 15 et 16. Deux types de torticolis mental avec les a gestes antagonistes n

qui les arrêtent (figures de Brissaud et Meige).

sun 1' : \ItIÎ : 1'(;S CLI\IQUIS.

plusieurs signes objectifs, en particulier le phénomène des orteils, prou-

vaient la réalité (').

Tics des membres supérieurs. Tics de l'épaule : tics de

haussement, de propulsion ou de rétropulsion : généralement cloniques,

parfois toniques, déterminant une attitude plus ou moins persistante.

Le mouvement fonctionnel initial a été d'ordinaire déterminé par la

gène d'un vêtement, d'une bretelle, par une douleur articulaire, la

recherche d'un craquement, etc.

Tics des bras et avant-bras ; tics d'écartement. ou de rapprochement,

tics de frappement (le sujet se donne un coup de poing) ; déterminés au

début par quelque sensation anormale, démangeaison, etc.

Tics des mains et des doigts : les vrais tics convulsifs sont rares, les

mouvements stéréotypés sont fréquents (grattage, irichoplastie, etc.).

Tics du tronc. Tics de tressautement, tics de salutation ou de

balancement, parfois rythmiques chez les idiots et les hystériques ; cer-

tains tics de balancement des enfants, dus à l'habitude prise de les bercer

pour les endormir, persisteraient ou se produiraient pendant le sommeil

(Cruchet). Certains tics du tronc, toniques, seraient l'origine de certaines

cyphoses ou scolioses.

Tics des membres inférieurs. Les plus fréquents sont les

lies de la marche, caractérisés par des mouvements très divers qui

interrompent brusquement la marche : coup de pied donné par un pied

sur la cheville opposée, lancement du pied en avant, en arrière ou sur

un côté, frappement du sol, arrêt brusque, génuflexion, saut sur un

pied ou sur les deux, changement de pas, pas de polka, pas de course.

Certaines chorées dansantes ou saltatoires doivent être rapprochées de

ces tics (Meige). Comme nous l'avons dit, la marche est généralement

irrégulière et accélérée chez les tiqueurs, sans qu'il y ait de tic propre-

ment dit de la marche.

Tics de la déglutition. Tics dysphagiques, efforts répétés de

déglutition, contractions brusques ou prolongées des muscles du pha-

rynx et du voile, hoquets, nausées convulsives.

Tics «aérophagiques» des hystériques et vésaniques : pénétration d'air

dans l'estomac et expulsion de cet air par « éructations en salves ».

Tics de la respiration. - Tics nasaux d'inspiration, d'expiration,

d'arrêt respiratoire ; tics de reniflement, de ronflement, de soufflement :

1. Dans un travail récent fort important, d'une richesse documentaire considé-

rable, Cruchet (Traité des torticolis spasmodiques. Paris, H107) s'est efforce de disso-

cier un certain nombre de formes de torticolis spasmodiques, d'après leur cause et

d'après leur aspect clinique. Il distingue : des torticolis névralgiques et des torticolis

professionnels; des torticolis paralytiques et des torticolis spasmodiques francs, ceux-ci

soit symptomatiques (maladies contagieuses et toxiques, syphilis, épilepsie, affections

centrales; une classe à part est formée par le torticolis mental, dont le torticolis d'habi-

tude est un premier degré), soit essentiels (c'est-à-dire sans cause connue) ; des torti-

colis rythmiques, également essentiels ou symptomatiques (affections centrales, épilepsie,

toxi-infections, troubles réflexes, hystérie) ; des tics du cou.

TICS. 891 l

généralement dus primitivement à une irritation nasale, coryza, végéta-

tions adénoïdes, etc.

Tics laryngés de toux, de hem ! , de sputation : cause initiale dans une

irritation pharyngée ou laryngo-trachéale, dans des crises asthmatiques.

Tics de la phonation. Tics de cris simples ou imitatifs (sons

inarticulés, aboiement, grognement), gloussement, tics verbaux (syllabes,

mots, phrases ou bribes de phrases) parmi lesquels les tics coprolaliques

(mots orduriers) et écholaliques ou auto-écholaliques (répétition de sons

ou mots prononcés devant le malade ou par le malade lui-même). Il n'y a

de tic véritable que quand les sons inarticulés ou articulés sont émis de

façon convulsive, brusquement et inopportunément; on peut générale-

ment retrouver au début la signification logique de ces émissions

bruyantes ou verbales.

r DIAGNOSTIC

Le spasme (tic matériel de Pitres et Cruchet) diffère du tic autant par

ses signes objectifs que par sa pathogénie. Pathogéniquement, il est du

à une irritation matérielle portant sur le nerf moteur dont dépendent les

muscles enjeu ou sur un des points d'un arc réflexe aboutissant à ce nerf

et à ces muscles. Cliniquement, le mouvement convulsif est plus brus-

que, comme produit par une décharge électrique ; il n'est nullement

coordonné, n'a aucune systématisation fonctionnelle, mais met en jeu

les muscles d'un territoire nerveux ({nato1//iquement déterminé; il est

immédiatement irrésistible, sans influence inhibitrice momentanée de

la volonté, sans besoin prémonitoire ni satisfaction consécutive; il ne se

suspend pas toujours pendant le sommeil; il est parfois douloureux,

parfois accompagné de troubles des réflexes, de la sensibilité, de la trophi-

cité, des réactions électriques ; il peut ou non survenir chez des dégé-

nérés, des déséquilibrés mentaux; il est particulièrement rebelle à toute

espèce de traitement, et en tout cas il la rééducation de la volonté, il est

parfois justiciable, de la chirurgie.

Le spasme de la face a une physionomie spéciale qu'il importe de dis-

tinguer des tics de la face. Il débute par des contractions fasciculaires

ou parcellaires, brusques et répétées, de certains muscles de la face; ces

contractions envahissent les muscles voisins, faisceaux par faisceaux, el

croissent en fréquence et en intensité jusqu'à déterminer une tétanisa-

tion de tous les muscles d'un coté innervés par le nerf facial : la face est

ridée, l'oeil demi-clos, les commissures labiales tirées en haut et en

dehors; il y a parfois des troubles de l'audition (Lannois) (^une poussée

de rougeur unilatérale. La contracture est « frémissante » par suite de la

persistance de contractions fibrillaires. L'accès se termine par une détente

progressive. Ces caractères ont été fort exactement décrits par Meige (3).

1. Lannois et Pohot. Les hémispasl11cs de la face. Soc. médit'. des luop. de Grlon,

1904.

2. Meige, Congrès des aliénistes el neural. Bruxelles, 1905.

[A. LÉRI.]

S92 ` DIAGNOSTIC. , - .

- ,

Un certain nombre de signes, sur lesquels Babinski ,(') a justement

insisté, ne peuvent être reproduits par la volonté et distinguent nettement t

1 hemispasme facial des tics : telles

l'unilatéralité de contraction avec répar-

tition rigoureuse aux muscles innervés

par le facial, les contractions fascicu-

laires, leur brusquerie, la production

de certains mouvements anormalement

déformants (incurvation latérale du

nez, fossette irrégulière du menton) ou

paradoxaux (synergie paradoxale : le

peaucier du cou se contracte en même

temps que la commissure labiale se

porte en haut et en arrière, la commis-

sure labiale s'élève en même temps que

le pavillon de l'oreille est déplacé, en

haut et en arrière, l'oeil se ferme par

contraction.de l'orhiculaire en même

temps que la peau du front se porte en .

haut par la contraction de la partie in-

terne du frontal, etc.). L'existence

de ces mouvements anormaux et la li-

mitation du spasme aux muscles innervés par le facial et à eux seuls

1. Badinski. lïémispnsme facial périphérique. Soc. de neurologie, avril 1905.

Fig. 17 et 18. Homme atteint d'/téutÏspasme facial gauche.

A). Phase clonique de la crise : On constate l'incurvation du nez, la fossette mentonnière,

le spasme du peaucier avec déviation de la commissure labiale en haut et en arrière, l'occlusion

de l'oeil associée à une contraction du frontal (plis cutanés il la -partie supéro-interne du sourcil).

B). Contraction volontaire du côté droit. On ne constate aucun des caractères de la figure A

(figures obligeamment prêtées par M. Babinski).

- Fig. 19.-remmeatteinterl'laénaispasne

- facial droit. - l'hase tonique de la

crise. - On voit l'incurvation du nez

et la fossette mentonnière (figure de

Babinski).

. - TICS. su

permettraient de penser, d'après Babinski, que certains au moins des

hémispasmes faciaux peuvent être considérés comme dus à l'irritation

directe du nerf facial et méritent d'être dénommés « périphériques ».

Un certain nombre de spasmes de la face sont pré-paralytiques et surtout

post-paral y tiques ce qui les distingue encore des tics C). ?

Le« tic douloureux de la face» est en réalité un spasme avec névralgie

du trijumeau : la cause en est soit dans une irritation du trijumeau

(Brissaud), .soit dans une irritation à la fois du trijumeau et du facial

(Babinski) CI).... -

Les « tics coordonnés » (Letulle) n'ont pas de caractère convulsif ; ils sont

bien involontaires, inconscients, et inopportuns, mais « ne diffèrent pas

objectivement de ce qu'ils seraient s'ils étaient volontaires, conscients et

justifiés » : ce ne sont pas des tics, ce sont des gestes stéréotypés, des

« manies », par exemple rider son front, ronger ses ongles, siffloter, se

balancer, etc.... Les « grands tics coordonnés » de J. Noir, tics des sau-

teurs, des grimpeurs, des tourneurs, etc., sont de même ordre.

Les. tics des hystériques peuvent être des tics véritables, les hystériques

étant des dégénérés comme les tiqueurs : ils ne sont pas plus curables par la

suggestion que chez les autres tiqueurs. Les « tics hystériques » propre-

ment dits sont fréquemment des tics rythmiques; ils reproduisent,

comme le tic ordinaire, un acte fonctionnel; cet acte est souvent com-

plexe et peut prendre l'apparence d'une véritable chorée plus ou moins

coordonnée (tic ou chorée saltatoire, natatoire, malléatoire, etc.); rythmi-

ques ou arythmiques, ils apparaissent plus rapidement que les tics vul-

gaires, sans période préliminaire d'éducation du tic, parfois à l'occasion

d'une attaque; ils disparaissent plus rapidement aussi,. après des accès

de quelques minutes à quelques jours; ils reparaissent parfois après des

intermittences de plusieurs mois; ils sont curables par la suggestion ().

L'hémispasme facial hystérique est plus un tic hystérique qu'un

spasme facial vrai : il n'est pas rigoureusement unilatéral ni rigoureuse-

ment limité au domaine du nerf facial, les secousses ne sont pas parcel-

laires ou fasciculaires, les contractions ne- sont pas déformantes ou para-

dovales, elles disparaissent pendant le sommeil (Charcot, P. Marie,

Babinski, Lannois, Porot) ; ce spasme facial présente les caractères d'ap-

parition, de disparition et de curabilité des tics hystériques. -

Le tic de Salaam est à peu près exclusif à la première ' enfance ; or

c'est le seul âge où l'on.n'observe pas de tics véritables. Il consiste en

mouvements cônvulsifs de salutation très rapides (20 à 50 et plus par

minute), mouvements se produisant par accès espacés, diurnes ou

1. Criciiet. Hemispasme facial périphérique post-paralytique. Revue neurol.,

50 octobre 1905. Ilnsp-,ism*e f-.icial périphérique post-piral y tique. Revive iieiii-ol.,

Idem. Formes cliniques des tics unilatéraux de la face. Congrès des aliénistes et

ne1ll'ol. Pau, 1904.

. Babinski. Loc. cit.

3. Tn'nEs et Cnummr. Le tic hystérique. Congrès de Pan, J 904..

> [il. LÉRI.

894 DIAGNOSTIC ? $

nocturnes. On l'observe souvent chez des enfants épileptiques, accompa-

gné de pâleur de la face, fixité du regard, dilatation pupillaire, perte de

connaissance.

Le tic de Salaam est une des principales variétés des rythmies de

Cruchet, c'est le type de la rythmie essentielle il l'état de veille. En dehors

du tic de Salaam ou spasme mitant, Cruchet distingue : 1° des rythmies

essentielles à l'étal de sommeil, soit que, existant déjà pendant la veillc,

elles se prolongent, pendant le sommeil, soit qu'elles n'apparaissent que

dans le présommeil ou le sommeil; 2" des rythmies SYmptomatiques. La

régularité des mouvements, simples ou combinés, mais se reproduisant

toujours sensiblement identiques il eux-mêmes, en nombre, en vitesse,

en intensité, et se succédant à des intervalles de temps égaux, leur siège

presque exclusif au cou distingueront ces rythmies des tics vulgaires.

Les crampes fonctionnelles ou professionnelles sont des contractions

toniques qui ne se produisent qu'à l'occasion d'un acte déterminé, sou-

vent professionnel.

La chorée de Sydenham ne peut être confondue avec les tics qu'il son

début ou surtout il son déclin; dans les deux cas il s'agit le plus souvent

d'enfants et de déséquilibrés. Oddo (') a particulièrement étudié le dia-

gnostic de la chorée avec la maladie des tics ; il résume ainsi les caractères

différentiels de la chorée : les mouvements sont nettement incoordonnés,

« le tic est un mouvement figuré, la chorée est constituée par un mouve-

ment amorphe » ; les mouvements choréiques suivent une marche serpi-

gineuse, interrompue par les écarts les plus imprévus. Ils sont extrême-

ment variables ; ils siègent exclusivement ou de façon prédominante d'un

côté; ils sont arythmiques, relativement lents, continus entre eux, non

« en salves », mais non simultanés, non synchrones; la volonté n'a pas

d'action; la force musculaire est diminuée, les douleurs fréquentes, Ics

réflexes tendineux souvent modifiés ; on trouve une hérédité névropathi-

que, rarement similaire; le sexe féminin est prédominant.

La chorée chronique de Huntington présente aussi des mouvements

incoordonués, non .systématisés, mais sur lesquels la volonté peut être

plus ou moins inhibitrice ; elle est souvent héréditaire, elle débute dans

l'âge adulte, elle est progressive, la déchéance mentale évolue en même

temps que le déséquilibre moteur.

La chorée électrique de Dubini, très rare, se caractérise par des atta-

ques convulsives suivies d'hémiparésies; les mouvements sont instan-

tanés, « électriques » ; l'évolution est rapidement fatale.

La chorée électrique de Bergeron est toute différente : elle survient

dans la seconde enfance; elle est constituée par des secousses rythmiques,

très brusques, électriques, des membres et de la face : ces spasmes sur-

viennent par accès intermittents, ils sont, arrêtés ou interrompus il la face

par la compression du facial (.Jof1roy) ; ils coexistent souvent avec un état

1. Orno. Presse médicale, 50 septembre 1899.

TICS. 89.'»

o'astrique défectueux et guérissent toujours rapidement, par un vomitif ou

un purgatif.

La chorée variable des dégénérés (Brissaud) est caractérisée par des

manifestations tantôt de la chorée, tantôt de la maladie des tics, évoluant

sur un terrain de dégénérescence mentale. Dans les périodes où les tics

prédominent, le diagnostic avec les tics simples ou la maladie des tics ne

peut se faire que par l'extrême variété des accidents, leur brusque appa-

rition et disparition.

Le paramyoclonus multiplex de Friedreich se manifeste par des

secousses convulsives, d'abord localisées, puis plus ou moins généralisées,

niais respectant généralement la face ; elles peuvent atteindre les muscles

entiers ou seulement des faisceaux musculaires isolés : souvent elles ne

provoquent pas de déplacement des membres ; elles ne sont pas fonction-

nellement systématisées ; la volonté les inhibe parfois, le sommeil les

fait disparaître. Il est probable que la description du paramyoclonus

multiplex de Friedreich répond, en réalité, à des cas disparates de tics,

de chorées et de lésions cérébrales.

Les mouvements athétosiques ont souvent une apparence de systéma-

tisation fonctionnelle (gestes, mimique) ; leur forme spéciale, leur len-

teur, leur développement « ondoyant et serpigineux », les troubles

.fréquents des réflexes les feront reconnaître.

TRAITEMENT

Le tic étant un trouble psycho-moteur, son traitement logique et ra-

tionnel consiste dans la régularisation IIIrt/lOdique des psycho-iiio-

teurs. Les règles d'application pratique de cette méthode ont été systéma-

tiquement étudiées par Brissaud et ses élèves, Meige et L'cinclel. Elle

comprend ; la rééducation motrice et la psychothérapie.

La rééducation motrice comporte des exercices de gymnastique

raisonnée. Cette « gymnastique ordonnée » avait été préconisée déjà

par Jolly, Blanche, Trousseau, Frenkel ; Brissaud l'appliqua régulièrement

depuis 1895 aux cas de torticolis mentaux d'abord, puis à tous les tics

toniques et cloniques, à l'exclusion de toute intervention chirurgicale

dont elle passait jusque-là pour un adjuvant.

Les exercices de rééducation motrice applicables aux tiqueurs compren-

nent, dans la méthode de Brissaud, l'immobilisation des mouvements est

les mouvements d'immobilisation, autrement dit des exercices d'immu-

hihté et des exercices de mouvements commandés.

La cure comprend schématiquement trois périodes :

1" Dans le premier stade, on recherchera seulement l'immobilisation

des muscles tiqueurs. Ces muscles devront être maintenus immobiles

d'abord pendant que le sujet sera au repos; on exigera cette immobilité l"

pendant un temps très court au début, quelques secondes seulement,

puis un temps de plus en plus long, jusqu'à cinq ou six minutes. Ensuite

les mêmes muscles tiqueurs devront rester immobiles pendant différents

[A. LÉRI 1

8' TRAITEMENT.

mouvements du sujet : passage de la position assise à la position couchée

ou debout, marche, élévation, abaissement des bras, etc.... Pendant ce

stade, les séances ne dureront d'abord que quelques minutes, deux il cinq

minutes, elles seront répétées jusqu'à 4 à C fois par jour ; plus tard elles

augmenteront de durée jusqu'à une demi-heure et diminueront de nom-

bre jusqu'à deux ou trois.

2° Dans le second stade, on fera exécuter au commandement, aux

muscles tiqueurs, des mouvements méthodiquement réglés; ces mouve-

ments devront être lents et réguliers. Par exemple, contre le tic de cli-

gnement on fera lever et baisser les paupières tantôt d'un oeil, tantôt des

deux ; contre les tics des lèvres, on fera ouvrir et fermer la bouche,

siffler, faire la moue, rire, parler, chanter, etc....

S'il s'agit de tics toniques, on fera exécuter des exercices méthodi-

flues de détente : les muscles tiqueurs devront être relâchés instantané-

ment au commandement.

5° Dans le troisième stade, on fera exécuter alternativement les deux

séries d'exercices précédents, en même temps que des mouvements

divers seront demandés aux muscles voisins. Les séances seront alors

espacées au sur et à mesure des progrès. '

Meige recommande, pour tous ces exercices, déplacer le malade en face

d'un miroir; le miroir rend au sujet un compte parfait, « inexorable »,

tant de ses défauts d'immobilisation que de ses incorrections dans les

mouvements ; il est d'autant plus utile que beaucoup de tiqueurs ont une

notion imparfaite de leurs attitudes segmentaires, de la position de leur

corps ou de leurs membres. Il permet de plus au malade de se contrôler

tui-meme quand il échappe momentanément à la surveillance du médecin

et particulièrement dans les séances supplémentaires qu'il peut faire à

domicile.

Meige recommande aussi d'apprendre aux malades à imiter leur tic, :

cette imitation, en dehors des périodes de tic, est généralement très

malaisée au début; elle ne s'obtient qu'en analysant, en décomposant le

mouvement, en le faisant exécuter par fractions successives : « le jour

où le malade est -capable d'imiter lui-même, à volonté, son défaut, il lui

est beaucoup plus facile de faire les corrections nécessaires pour l'empê-

cher de se produire ».

Tous ces exercices constituent une méthode de « discipline psycho-

motrice » ; « à l'inverse des méthodes d'éducation physique qui ont pour

objectif de transformer des actes voulus en actes automatiques, la disci-

pline psycho-motrice tend à supprimer les actes automatiques inutiles et

à développer le pouvoir frénateur et correcteur des centres supérieurs ».

La disciplime psycho-motrice est applicable même aux muscles de la vie

végétative, généralement déséquilibrés chez les tiqueurs ; le sommeil, la

faim, la miction, la défécation, etc., peuvent être réglés par une éduca-

tion bien dirigée.

En dehors des séances d'exercice, il ne faudra pas négliger d'avoir

TICS. : . 8Hi

recours aussi souvent qu'il sera utile ce contrôle des centres supérieurs

pour réprimer les actes automatiques : aussi il sera toujours nécessaire

que l'entourage du tiqueur, loin de chercher il lui dissimuler son tic,

l'avertisse chaque fois qu'il tique : « le tic tui-meme doit devenir le pro-

pre agent de sa guérison; il faut qu'à chaque geste intempestif succède

un effort de volonté et d'attention destiné à juguler le geste similaire qui

menace de se reproduire. »

De plus, on doit s'efforcer de maîtriser les réactions motrices et les

contractions musculaires excessives, qui se produisent chez les tiqueurs

non seulement au niveau des muscles atteints de tic, mais au niveau de

tous les muscles, en vertu d'un déséquilibre moteur général. On doit

s'efforcer aussi de développer les actes volontaires inhibiteurs ; la distrac-

tion atténue en général les tics, on doit, la rechercher; « certains actes

ou travaux délicats, exigeant une application de l'attention accompagnée

d'activité physique régulière, suspendent tout particulièrement les tics ;

c'est ainsi que certains tiqueurs ne tiquent pas en écrivant, en jouant du

piano, en causant, etc Mais surtout beaucoup de tiqueurs cessent

absolument de tiquer quand on les fait respirer profondément et lente-

ment. Le fait seul de chanter ou de déclamer ou de compter à haute voix

suffit dans un bon nombre de cas pour suspendre les tics tant que dure

l'expérience» (Pitres).

C'est la constatation de cette influence fixatrice des exercices rythmi-

ques de respiration qui a conduit Pitres à préconiser une méthode de

gymnastique respiratoire; cette méthode peut être appliquée isolément,

elle est combinée avec grand avantage à la méthode de Brissaud.

Voici les règles pratiques qu'appliquent Pitres et Cruchet : Le sujet est

placé droit contre un mur. Pendant deux il trois minutes, il récite il

haute voix une fable quelconque, en faisant fréquemment et régulière-

ment, tous les deux ou trois vers par exemple, une inspiration lente et

profonde; pendant les deux ou trois minutes suivantes, il fait des inspi-

rations longues et profondes, avec élévation lente des bras dans l'inspi-

ration, leur abaissement lent dans l'expiration. Les premiers jours, on

répétera ces exercices toutes les trois heures en moyenne, puis on augmen-

tera la durée des séances jusqu'à un quart d'heure en en diminuant la

fréquence jusqu'à trois ou quatre par jour; plus tard on diminuera pro-

gressivement à la fois le nombre et la durée des séances.

Tissie a compliqué cette gymnastique respiratoire en augmentant les

inspirations (jusqu'à 50 ou 55 par minute) par des exercices variés :

montée et descente d'escalier, épreuve du banc et du mur, manoeu-

vres d'équilibre, exercices de « CI'ul ? iernent», etc.

(\ol1l'l1cvilll' a employé dans le même but des exercices de piano avec chant.

Les méthodes gymnastiques agissent par rééducation de la volonté plus

que de la motricité proprement dite, puisque ce qui est altéré ce n'est

ni le muscle, ni le nerf ou le centre moteur, mais bien le contrôle corti-

cal volontaire.

PH.ITlI ! OE "ELno ?

.')7 7

{A LÉKI.]

898 TRAITEMENT.

Elles constituent aussi le meilleur agent de psychothérapie ; c'est

en s'adressant au territoire musculaire convulsé, il la région objectivement

malade, qu'on agit le plus sur l'esprit- du sujet, qu'on le suggestionne le

mieux.

Mais les autres procédés de psychothérapie seront des adjuvants de

premier ordre : il faudra profiter de toute circonstance « pour montrer

au patient par où pèche sa volonté et pour exercer ce qui lui en reste

dans un sens favorable », pratiquer en somme une véritable «orthopédie

mentale ». Les procédés accessoires de psychothérapie, l'électrisation « il

dose psychothérapique », les massages légers, les douches tièdes, etc.,

pourront être employés avec avantage. Dans des cas anciens ou violents,

l'isolement pourra être utile, ou au moins l'éloignement du milieu l'ami-

lial qui est souvent peu apte à comprendre sa tâche éducalrice et peut

empêcher la guérison. \ ? alitement a aussi rendu de grands services, c'est

un puissant moyen sédatif : on a même employé la cure d'obscurité.

Les résultats de la cure psycho-motrice des tics ne sont pas toujours

parfaits : il y a amélioration presque toujours et très rapidement, gué-

rison complète beaucoup moins souvent, la cure doit être continuée ou

reprise pendant plusieurs années pour éviter des récidives. L'interven-

tion delà volonté et de l'attention du malade étant la première-condition

du succès, le pronostic sera peu favorable quand la volonté du sujet sera

très instable, très défavorable soit quand le sujet sera indifférent il son

tic, soit quand le tic sera particulièrement obsédant et angoissant (ilar-

t.enler) .

Aucun traitement médicamenteux n'a donné de brillants résultais :

seuls les bromures seront prescrits dans les tics des épileptiques.

La question du traitement chirurgical reste encore très discutée; elle

a été particulièrement posée à propos d u torticolis commis if contre lequel

des sections musculaires et nerveuses diverses ont été maintes fois pra-

tiquées. Brissaud, considérant que la cause du torticolis-tic est purement

mentale et que la suppression opératoire d'un tic doit être Ù peu près

fatalement suivie de l'apparition d'un autre tic, se refuse a admettre toute

intervention opératoire : d'autres auteurs au contraire, Babinski entre

autres, non convaincus que le torticolis convulsif n'ait pas une cause

organique quelconque, restent partisans dans certains cas d'une tenta-

tive opératoire, particulièrement de celle qui paraît, avoir donné les

résultats les plus encourageants avec un minimnn d'inconvénients, la

section de la branche externe du spinal.

CRAMPES FONCTIONNELLES

ET PROFESSIONNELLES

par le D'ANDRÉ LÉRI

DÉFINITION. - SYNONYMIE

On a donné le nom de crampes fonctionnelles à des troubles moteurs

très variés qui n'ont comme caractère commun que de se produire à

l'occasion d'un acte fonctionnel déterminé, toujours le même. Cet

acte fonctionnel est toujours coutumier; quand il est professionnel, ce

qui est très fréquent, on dit qu'il y a crampe professionnelle. Mais le même

acte qui détermine la crampe, peut être chez les uns simplement fonc-

tionnel, chez les autres professionnel, l'acte d'écrire par exemple, de

jouer du piano ou du violon, etc.

Le mot crampe est très mal choisi ; il implique l'idée d'une douleur

qui est loin d'être constante (').

Les termes de contractures, de spasmes, d'impotences, de névroses

fonctionnels ou professionnels, qui ont été appliqués aux mêmes troubles,

ne sont d'ailleurs pas plus exacts, car ils ne répondent pas à la totalité

des faits. La contracture, le spasme ne sont pas constants, il y a des for-

mes paralytiques flasques ; l'impotence au contraire évoque l'idée de

forme paralytique, or elle est l'exception.

De plus, le terme « spasme » suppose une irritation organique du tronc

nerveux moteur ou d'un point d'un arc réflexe, et le terme « névrose »

élimine au contraire cette idée d'irritation organique : or il n'est nulle-

ment démontré que ces affections soient toujours organiques ou toujours

dynamiques.

Le terme « dyskinésies fonctionnelles » est encore préférable, il est le

seul qui ne préjuge en rien ni de la forme clinique des troubles moteurs

ni de leur pathogénie : or ces troubles nous paraissent répondre à un

ensemble de faits aussi disparates dans leur pathogénie que dans leur

expression clinique, il s'agit d'un syndrome aux limites encore peu

précises.

1. Ce mot résulte de la traduction défectueuse du mot allemand « krampl' », qui

signifie contracture.

. [A. LÉRI.]

'OO CRAMPES FONCTIONNELLES ET PROFESSIONNELLES.

ÉTUDE CLINIQUE ET PATHOGÉNIQUE

La « crampe des écrivains » est la forme de beaucoup la plus fréquente

et la mieux connue; elle nous servira de type; nous passerons ensuite

rapidement en revue les principales autres variétés de crampes profes-

sionnelles.

A) Crampe des écrivains. On désigne sous ce nom tous les

troubles moteurs qui ne surviennent que dans l'acte d'écrire et qui

ont pour résultat la difficulté ou l'impossibilité d'écrire. Ils surviennent

généralement chez les sujets qui par profession écrivent beaucoup (Lu-

reaucrates, etc.) : ils peuvent exceptionnellement survenir chez ceux qui

écrivent fort peu.

Ces troubles moteurs peuvent se présenter sous des formes extrême-

ment variées; pour la commodité de la description plus peut-être que

pour son exactitude, on. en a distingué deux grandes formes, la forme

spasmodique et la forme paralytique; comme variétés de la première, de

beaucoup la plus fréquente, on a décrit une forme tréinulente et une

forme choréique. Mais il importe de savoir que ces formes sont loin d'être

toujours pures, qu'elles alternent ou s'entremêlent très souvent chez le

même sujet, qu'elles atteignent chez les différents malades ou chez le

même malade à des périodes différentes des muscles très différents, et

qu'il n'y a pas deux crampes des écrivains qui se ressemblent.

Dans la'forme spasmodique, le. sujet essaye d'écrire; il trace d'abord

quelques mots, quelques lignes, parfois même une page, ou deux, de

façon assez correcte : puis brusquement, avec ou sans sensation de fati-

gue, son pouce et son index s'étendent ou se fléchissent, ensemble ou

séparément, serrant le porte-plume ou le laissant échapper; le médius,

souvent les autres doigts participent au trouble. Par un effort de volonté,

le malade peut résister un certain temps; il s'applique à maîtriser sa

main, modifie son attitude, tâche d'employer d'autres muscles, contient

sa main droite avec la gauche : il écrit ainsi quelques mots encore, mais

l'écriture est devenue irrégulière, anguleuse, clifiormc ou tout à fait

informe et illisible : il est bientôt obligé de renoncer à écrire. La crampe

se suspend alors immédiatement, et la mente main peut s'occuper à

toutes sortes d'autres actes fonctionnels. Quand les contractures sont

violentes, elles sont souvent douloureuses, mais la douleur cesse avec la

contraction.

Les muscles de la main ne prennent pas toujours seuls part aux pi ?

nomènes spasmodiques : les muscles de I avant-bras, du bras, de l'épaule

y participent souvent. « La fonction de l'écriture, pour être parfaite, exige

la coopération de, tous les muscles et de tous les segments du membre

supérieur » : il y des muscles qui doivent se contracter, il y en a qui

doivent ne pas se contracter : la contraction intempestive des supinateurs.

des pronateurs ou des fléchisseurs de lavant-bras, des abducteurs ou.

adducteurs de l'épaule, etc., rendront récriture tout aussi impossible'

ÉTUDE CLINIQUE ET P : 1'l'110Gi;1(ltiF. 901 1

que celle des fléchisseurs ou extenseurs des doigts. De tanne extrême

variété dans les modalités de la crampe des écrivains; elles n'ont qu'un

point commun, le déséquilibre moteur et, comme résultat, l'impossibilité

d'écrire.

Dans la variété trémulente, le spasme est remplacé par un tremble-

ment qui peut aussi ne frapper qu'un ou plusieurs doigts où simultané-

ment l'avant-bras, le bras, l'épaule ; l'écriture est tremblée et sinueuse.

Dans la variété choréique (chorée des écrivains), les mouvements sont

brusques, irréguliers, étendus, l'écriture présente des échappées, de

grands traits irréguliers, des pâtés, des piqûres du papier. La variété

athétosi forme, aux mouvements peu étendus, ondoyants et serpigineux,

est beaucoup plus rare.

Dans la forme paralytique, la main est rapidement ou lentement immo-

bilisée, « collée sur le papier », par une sensation progressive de fatigue,

d'engourdissement, de raideur.

Les caractères de début et d'évolution de ces réactions motrices, les

phénomènes qui s'y trouvent associés, le terrain sur lequel elles se déve-

loppent, sont très intéressants à étudier ; ils diffèrent tout autant chez

les divers sujets que les réactions motrices elles-mêmes.

Dans la grande majorité des cas, le début est lent et progressif, on ne

peut dire quand a commencé la crampe; le sujet ne s'aperçoit d'abord,

quand il écrit, que d'une certaine gène, d'un peu de raideur onde fati-

gue ; cette gène se, renouvelle et augmente peu à peu, elle l'oblige à

cesser momentanément d'écrire; il recommence après une courte inter-

ruption ; puis les repos doivent être plus fréquents et plus prolongés,

l'écriture devient plus difficile et irrégulière : l'affection peut s'arrêter ta.

elle peut aboutir il l'incapacité absolue d'écrire. Elle peut comporter des

améliorations passagères, remarquables par leur netteté et leur rapidité

autant que par leur fugacité ordinaire.

La volonté est presque toujours inhibitrice pendant un temps plus ou

moins long et les malades peuvent vaincre leurs crampes; la durée du

pouvoir inhibiteur diminue au sur et a mesure que l'affection progresse.

Les préoccupations, la fatigue. l.es émotions exagèrent la crampe. La

qualité du papier, la forme du porte-plume, le confortable de l'installa-

tion ont parfois une action modératrice ou accélératrice. Les travaux de

simple copie y prédisposent moins que les travaux de composition, à

écriture courante, qui nécessitent une certaine tension d'esprit.

Ce qui augmente tout particulièrement l'intensité de l'affection, c'est

Vidée d'écrire, surtout en public ; si les malades ont le temps de n'.Jl1\-

chir qu'ils vont avoir il écrire ou même qu'ils sont en train d'écrire, ils

songent immédiatement- qu'ils ne vont pas pouvoir écrire, ils ont l'ap-

préhension, parfois presque angoissante, de l'écriture, et cela seul peut

déterminer l'apparition de la crampe. La distraction diminue au contraire

la crampe : si les malades sont très préoccupés de ce qu'ils ont si écrire.

TA. LÉRIÏ

! '()2 CRAMPES FONCTIONNELLES ET PROFESSIONNELLES.

ils ne songent plus à l'acte même d'écrire, et dans ce cas il n'est pas

exceptionnel qu'ils puissent écrire très correctement, sans que la con-

tracture apparaisse. Bien plus, Jolfroy (') a signalé, chez un sujet névro-

pathe, sous l'influence de la seule peur d'être atteint de la crampe des

écrivains, une douleur tout à fait analogue à celle de cette affection,

mais sans phénomène spasmodique ni faiblesse musculaire; on peut dire

qu'il s'agissait d'une véritable « crampe d'idée », comparable aux,j.cs

d'idée. ."

Certains malades, ayant appris il écrire de la main gauche, ont vu

l'affection envahir cette main après l'autre.

Chez tous ces malades, on ne, constate presque jamais de troubles de

la sensibilité objective, de la réflectivité ou des réactions électriques. Au

contraire, on constate très ordinairement des troubles psychiques; ce

sont des névropathes, souvent héréditaires, des dégénérés, des déséqui-

libres. Les troubles psychiques sont plus ou moins apparents; dans cer-

tains cas, les troubles moteurs apparaissent nettement comme la consé-

quence d'un trouble mental, parfois au début d'une vésanie ; dans la

plupart des cas, une recherche systématique des stigmates psychiques

montre une prédisposition mentale analogue, à celle que nous avons

décrite chez les tiqueurs, et la crampe apparaît connue le résultat d'une

véritable perturbation de la volonté et de Vémotivilé, comme une ahou-

lie, une amnésie motrice.

Par tous ces caractères on peut dire que les crampes fonctionnelles

sont dans ces cas de véritables lies, on les a justement dénommées « tics

professionnels » : elles ont du lie, outre leur forme convulsive ordinaire,

leur cause dans la répétition habituelle d'un acte fonctionnel déterminé,

leur localisation dans les groupements musculaires physiologiques destinés

à l'accomplissement de cet acte, leur caractère impulsif et involontaire

souvent obsédant, leur irresistibilité soumise pourtant, il l'action inhibi-

tricc passagère de la volonté, leur début lent et insidieux, leur évolution

capricieuse et envahissante et leur difficile curabilité, surtout leur déve-

loppement sur un terrain mental prédisposé, déséquilibré, particulière-

ment émotif et aboulique.

De plus, la crampe des écrivains est parfois associée il des tics divers,

et particulièrement au torticolis convulsif (Audral. Duchennc de Boulo-

gne, de Quervain (2), Meige et Fcindel ("), Pitres (j) ; dans le cas de Meige

et Feindel le torticolis ne se montrait qu'en même temps que la crampe;

dans le cas d'Andral. le malade était atteint de torticolis en lisant et de

crampe en écrivant ; Destarac('') a observé chez un même sujet la crampe

des écrivains, le torticolis, un mouvement convulsif de la hanche et un

,1..JOFFHOY. Soc. M;c<7. des hop., Il avril 1890.

2. de flul· : rsv.m. Sc.mairae » rérl.. 1S ! Ifi.

5. Meige et Frmner,. Les associations du torticolis mental. Arch. de médec., 1 ! 10(f.

4. t'rnOEs. Journal de l11érlec. de Bordeaux, 1 Uo;j.

5. Dkstaisac. lieu. neltl"ill.,1 (JO 1.

ÉTUDE CLINIQUE ET PATIIOGÉNIQUE. 90 ?

tic du pied. HaskovccC) a vu deux sujets qui, atteints de crampe des

écrivains de la main droite, s'étaient habitués à écrire de la main gauche ;

or, chaque l'ois qu'ils écrivaient de la main gauche, des mouvements

convulsifs associés se produisaient dans la main droite, tout à fait ana-

logues à ceux de la crampe ; la crampe était devenue un véritable tic.

Ces diverses observations sont tout à fait en faveur de l'assimilation d'un

grand nombre de crampes à des tics. ,

En est-il toujours ainsi ? Les modes évolutifs de certaines crampes, les

phénomènes qui s'y associent, leurs déterminations etiologiques, les

constatations anatomiques nous font penser que certaines crampes pro-

fessionnelles ont sans doute une cause organique et non pas uniquement

mentale et dynamique.

Certaines crampes débutent assez rapidement, il la façon des spasmes :

la phase d'éducation de la crampe, « d'hésitation et de tâtonnements ».

l'ait plus ou moins défaut. Certaines ne se limitent pas aux muscles qui

interviennent à un degré quelconque dans l'acte d'écrire, si nombreux

qu'ils soient, elles atteignent d'autres groupements musculaires encore,

ceux du cou par exemple; certaines ne frappent que des muscles qui ont

dans l'acte d'écrire un rôle accessoire et assez effacé. Certaines crampes

aussi ne cessent pas brusquement quand le sujet renonce à écrire, ou

reparaissent dans des actes fonctionnels des mains et des doigts autres

que l'écriture. La volonté n'a sur quelques-unes qu'une action Inhibitrice

à peu près nulle.

Dans quelques cas, on a constaté de la douleur, spontanée ou à la pres-

sion, le long des troncs nerveux, du radial en particulier. Parfois on a

noté des sensations parcslhésiqucs (fourmillements, picotements), par-

l'ois de Ihyperesthesic et plus souvent de l'anesthésie cutanée dans les

domaines du médian, du radial et du cubital. Dans certaines formes

paralytiques, on a observé non seulement une impotence fonctionnelle,

mais les signes d'une paralysie organique véritable, particulièrement des

adducteurs du pouce, souvent avec atrophie ; on a noté aussi, à titre

d'exception, du tremblement librillaire (Poore) et aussi des troubles de

la contractilite électrique et la réaction de dégénérescence (l : ulenhnr,

Benedikt, etc.). Bencdikt n a même constaté des faits curieux : dans la

forme paralytique, non seulement les muscles qui participent à la crampe

présenteraient une excitabilité faradique et. galvanique très diminuée ou

même abolie, mais les autres muscles du membre, en apparence sains,

auraient une excitabilité électrique notablement exagérée. Dans d'autres

cas, il y a des troubles vaso-moteurs plus ou moins nets au niveau des

membres atteints de. crampe (Brissaud, llallion et Meige) Cl

1. Haskoyec. Mouvements associés dans la crampe des écrivains. Soc. de neurol.,

191)1

2. ISrvEmaT. Wiener rneclic. Prusse, 1897.

3. IBuss : wu, Halliox et Meige. Congrès de Bruxelles, 1905.

TA. LERIA

904 CRAMPES FONCTIONNELLES ET. PROFESSIONNELLES.

Assurément-certains de ces troubles pourraient, à la rigueur, s'expli-

quer soit comme conséquences d'une dégénérescence physique dont la

crampe serait un stigmate mental (dans le cas de. Brissaud, Haillon et

Meige, l'acrocyanose et la crampe des écrivains coïncidaient avec une

dégénérescence évidente), soit comme conséquences des contractures

mêmes de la crampe (certaines névrites d'après Remak, des rétractions et

atrophies musculaires d'origine fonctionnelle d'après Brissaud (1), etc.).

Il nous paraît toutefois difficile d'adapter cette hypothèse pathogénique à

l'ensemble des faits ; dans certains cas, la crampe avait été précédée de

lésions traumatiques ou pathologiques du membre supérieur (contusion,

périostite, etc.), souvent encore en évolution; dans d'autres cas, on peut

constater des lésions évidentes de névrite,' de myosite, des noyaux fibreux

intra-musculaires (Roskan), des artérites avec obturation plus ou moins

complète de certains vaisseaux (Vigoureux) ; enfin P. Bonnier a observé

un cas de crampe professionnelle symptomatique du mal de Bright et

améliorable par le régime lacté, et nous-même avons constaté un cas

analogue. -

Il nous semble donc bien que, dans la plupart de ces cas, il faut incri-

miner une altération organique, dégénérative, inflammatoire ou toxique,

siégeant soit dans la moelle (les théories anciennes, encore admises par

Benedikt, attribuaient la crampe à l'irritation spinale de certains systèmes

anatomo-physiologiques correspondant à certaines fonctions comme la

fonction d'écrire), soit plutôt dans les nerfs ou dans les muscles. Certaines

crampes sont sans doute comparables à de véritables « claudications inter-

mittentes » : leur manifestation est souvent très analogue (début pro-

gressif, nécessité d'un repos momentané, reprise avec l'exercice), leur

étiologie est parfois la même (arthritiques, brightiques), leurs lésions

sont plus ou moins semblables (la claudication intermittente typique

parait due à une endartérite oblitérante incomplète ; dans certains de ces

cas, Joffroy et Achard, Dutil et Lamy ont constaté des névrites par obli-

tération ou endo-périartérite des vaisseaux extra ou intrafasciculaires).

Quelle que soit l'origine du processus, sont surtout frappés, comme dans

nombre d'affections paralytiques ou atrophiques, les muscles auxquels

est imposé le plus grand surmenage fonctionnel ou professionnel.

Aussi pensons-nous que si, dans ses manifestations cliniques multiples,

la crampe des écrivains peut être très généralement attribuée à un

trouble du contrôle cortical, à une altération de la volonté et de l'émoti-

vité par suite d'un déséquilibre psychique congénital, clans d'autres cas

elle reconnaît pour cause une lésion. véritable inflammatoire ou dystro-

phique, portant sur une partie de l'ensemble neuro-musculaire qui permet

l'acte d'écrire, moelle, nerfs ou muscles n. On comprend que,, suivant

neural., 4 décembre 1902.

2. Les prétendues crampes professionnelles des hystériques, curables très facilement

par la suggestion, méritent une place à part.

- ÉTUDE CLINIQUE ET PATHOGÉNIQUE. flou

les cas, le pronostic et les indications thérapeutiques pourront être diffé-

rents, mais ces cas sont encore d'ordinaire fort malaisés à différencier en

clinique.

B) Crampes professionnelles diverses. Les crampes

professionnelles ou fonctionnelles sont très- variées; tout ce que nous

venons de dire à propos de l'étude clinique et pathogénique de la crampe

des écrivains s'applique à chacune d'elles. Nous n'en ferons qu'une,

rapide énumération.

La crampe des pianistes se manifeste par l'impossibilité de jouer du

piano chez des pianistes professionnels ou amateurs. Elle, est plus souvent 1

paralytique que spasmodique; elle est quelquefois particulièrement dou-

loureuse, accompagnée de douleurs le long des nerfs et d'atrophie muscu-

laire (Donath) (1). Elle est quelquefois bilatérale, plus souvent localisée à

droite. Elle atteint uniquement ou non les muscles des doigts.

La crampe des violonistes est paralytique, spasmodique ou doulou-

reuse; elle siège surtout à la main gauche qui pince les cordes, -parfois il

la main droite qui tient l'archet.

La crampe des télégraphistes (Oni111us), des dactylographes, peut être

aussi paralytique ou spasmodique, parfois trémulente; Cronbach (2) a

constaté parfois des troubles vaso-moteurs et sécrétoires.

Crampe de la couture (tailleurs, couturières, cordonniers) : deux

variétés : l'impossibilité de coudre siégeant dans les mouvements des

doigts, l'impossibilité de couper les étoffes avec de gros ciseaux siégeant

surtout dans l'épaule (deltoïde, trapèze, sous-scapulaire). .

Crampe de la traite des vaches; .

Crampe des ciseleurs (Ballet et Rose) ; .

Crampe des forgerons : biceps et deltoïde ;

Crampe des maîtres d'armes : avant-bras ;

Crampe des danseuses (Schultz) ;

Crampe des harpistes (Bonnus) : triceps sural gauche ;

Crampes des photographes, des cigarières, etc. ;

Crampes des horlogers, des graveurs, des bactériologistes (« tics

professionnels», Cruchet) : clignement convulsif d'une paupière, exten-

sion possible à toute la moitié de la face ; souvent paralytique ; la crampe

ne reste souvent pas exclusivement limitée à l'acte fonctionnel qui lui a

donné naissance. Chez les mêmes sujets, opticiens, horlogers, bacté-

riologistes, on connaît des crampes professionnelles de 1'(iccoîîiî ? 'Io-

dation; ...

Crampes professionnelles delà langue chez des joueurs d'instrument

à vent (Strümpell) ; - ..

Torticolis professionnels : en lisant, en écrivant, en fixant un

objet, etc.

1. DoxA'rn. Wiener med. Wochensclu, 1902.

2. Cnow : vco. : 1 relr. el p¡;yc ! t., '1 ! 10 ? -

.. [A. LENT.]

900 CRAMPES FONCTIONNELLES ET PROFESSIONNELLES.

TRAITEMENT

Les crampes professionnelles sont d'ordinaire très tenaces. Les médi-

caments sédatifs ou excitants échouent tous. L'électricité ne parait guère

efficace que dans certaines formes paralytiques. Le massage et les fric-

tions sont des palliatifs souvent recommandabies.

Dans certains cas seulement, des lésions locales, traumatismes, périos-

tites, etc., des névrites, des artérites, des intoxications donnent lieu il

des indications particulières.

Dans tous les cas. le repos fonctionnel serait théoriquement à conseiller;

mais, dans la pratique, l'exercice professionnel est trop important pour

qu'on ne cherche pas it hâter autant que possible le rétablissement inté-

gral de la fonction troublée. Dans la majorité des cas, le seul traitement

vraiment t eflicace est Inrééducation motrice, la gymnastique rationnnello.

passive et active, des doigts et la niécanolhérapie, la psycholhérapie : les

mêmes règles que pour les tics seront applicables.

Meige a récemment (') donné une « formule » pour le traitement de la

crampe : peu, lent, rond, gros, droit. « Ces malades, dit-il, écrivent

trop, ils doivent écrire peu; ils écrivent vite, ils doivent écrire lentement;

leur écriture est pointue, petite, couchée, et ne met en jeu que les llé-

chisseurs et les extenseurs; en écrivant rond, gros et droit, ils mettent

en jeu d'autres muscles et laissent ainsi reposer leurs fléchisseurs et

extenseurs. » Meige C) avait aussi recommandé les exercices d'écriture

simultanée des deux mains pour faciliter la rééducation de la main droite;

la main gauche écrira normalement « en miroir », de droite à gauche;

« dans le moment même où un centre préside ,'1 l'exécution d'un mouve-

ment, le centre symétrique est prêt à commander ce mouvement, mais

« en miroir »; il en résulte qu'un mouvement sera appris par un membre

malade avec plus de facilité si le membre symétrique sain exécute et

répète lui-même, ce mouvement ».

Les modifications dans le porte-plume ou dans la faconde le tenir (par

exemple entre l'index et le médius), les appareils prothétiques pourront

rendre des services.

Il est d'ordinaire plus facile d'apprendre à écrire de la main gauche

que de rééduquer sa main droite; mais la crampe peut atteindre la main

gauche après la droite. La pratique de la machine à écrire n'est elle-

même pas un procédé radical : la crampe des dactylographes succède par-

fois il la crampe des écrivains. Il est des cas où, de par son déséquilibre

psychique, le malade a, pour ainsi dire, besoin d'une crampe, comme, le

liqueur, malgré toutes les interventions, a besoin d'un tic.

1. Meige. Congrès de Dijon, 1908.

'2. Meige. Congrès de Limoges, 1901.

CATALEPSIE ET CATATONIE

par le D MOUTIER

La catalepsie, et la catatonie sont deux états extrêmement voisins, dis-

tincts cependant si l'on veut bien s'en tenir à la précision de définitions

exactes.

Catalepsie. - La catalepsie est caractérisée par l'abolition de la

contractilité volontaire, avec conservation passive des attitudes

imposées, quelles qu'elles soient. Toute notion ou expression de l'effort

est par conséquent abolie.

Le sujet examiné est souvent comateux, inconscient ou semi-conscient.

11 présente, en ce cas, un état psychique particulier, une passivité sans

laquelle il ne pourrait subir ou réaliser les altitudes cataleptiques. Si le.

malade est couché, les membres soulevés du plan du lit, au lieu de

retomber lourdement, demeurent immobiles, figés en la position donnée.

Ils restent ainsi fort longtemps, remués à peine de brèves oscillations ne

déterminant qu'un déplacement insignifiant. Il faut plusieurs quarts

d'heure, et parfois beaucoup plus, pour que la fatigue agisse enfin et

provoque un abaissement toujours progressif et lent. Le corps entier peut

être tixe en une attitude donnée, et conserver éventuellement d'invrai-

semblables équilibres.

Parfois, l'automatisme est plus complexe et s'étend aux mouvements.

Les yeux fixes, le regard perdu, atone, le cataleptique se met en marche

quand on le pousse, l'ait quelques pas, puis s'arrête bientôt, « inerte »

(Brissaud). Lorsqu'une secousse est imprimée au bras, ce membre peut

présenter pendant un certain temps des oscillations automatiques. Toute

sensihilité d'ailleurs est abolie.

La catalepsie n'est pas un état spastique. Les muscles conservent

l'attitude imprimée aux membres, au tronc, il la tête, mais ne sont point

contractures. Vient-on à changer la position première, ce résultat

s'obtient sans effort : le membre est souple et obéit sans peine. C'est ce

que l'on a désigné sous le nom de /i ? M<<<7S {'('l'en.

La catalepsie se voit dans un très grand nombre de conditions dine-

rentes. Elle est tout à rait remarquable dans l'hypnose. Chez les ityste-

riques. une frayeur, une impression sensorielle vive, un signal conven-

tionnel peuvent la provoquer. On est à même de constater en ce dernier

cas, il faut bien le dire, une culture et une éducation toutes spéciales

que 1 on doit encourager le moins possible.

TF. MOUTIER.]

n08 CATALEPSIE ET CATATONIE. ' - -

On rencontre enfin les attitudes cataleptiques dans des infections

diverses : pneumonie, fièvre typhoïde, méningites aiguës, tétanos,

urémie, maladie du sommeil (Sicard et Moutier), granulie, hémor-

ragie cérébrale, rhumatisme aigu, dans la plupart des intoxications

enfin (plomb, oxyde de carbone, alcool).

Caractérisée par la perte de la contractilité volontaire, la catalepsie ne

saurait être confondue avec la maladie de Th inseii oil cette contractilité

saurait être confondue avec Ia maladie de Thomsen où cette contractilité

n'est qu'entravée passagèrement. Remarquable par une aptitude spéciale

il conserver les attitudes données, elle se différencie immédiatement des

états. de contracture ou de paralysie dans lesquels les membres sont figés

en une position immuable. -

Catatonie. Nous entendrons par catatonie un état caractérisé par

l'intégrité de la contractilité volontaire, et par une tendance lzréclonzi=

nante à subir et conserver des attitudes choisies spontanément ollimpo-

sées par autrui, à la faveur d'un certain degré d'affaiblissement intel-

lectuel. La catatonie n'est autre qu'une myotonie accompagnée de troubles

- psychiques. C'estun symptôme, et non une maladie comme le voulait Kabl-

baum. Il s'agit d'une véritable stéréotypie. Le malade prend de lui-même

et garde une attitude, ou bien accepte une position qu'on lui impose. La

catatonie peut donc être active ou passive. Pendant des années parfois le,

catatonique restera la tète inclinée, les bras en croix. En d'autres cas, il

répétera un même geste, se promènera dans le même sens, heurtant du

même pied le même caillou, jappant contre une porte, ou recommençant

il perpétuité les mêmes génuflexions : D'autres manifestations de l'auto-

matisme : échopraxie, écholalie, verbigération . écriture avec stéréo-

typies, coexistent fréquemment avec la catatonie. Ce syndrome complexe

représente une forme évolutive de la démence précoce de Kroepelin,

mais les attitudes catatoniques simples se voient en revanche dans

nombre d'états de démence ou de déficit banaux : on les rencontre ainsi

dans la stupidité, la paralysie générale, l'épilepsie, la mélancolie. Les

attitudes prises et conservées par les malades leur sont généralement

suggérées par les hallucinations éprouvées. -

Séglas fait observer que la catatonie est à distinguer du tétanisme. Ce

dernier est caractérisé par une excitabilité réflexe intense du système

musculaire. Tout contact détermine une contraction spasmodique des

fléchisseurs, des pronatcurs, etc., mais jamais des extenseurs. Dans la

catatonie au contraire, existent des contractions toniques intéressant

les extenseurs à. l'égal de tout autre groupe musculaire. Ajoutons que

presque tous les états catatoniques s'accompagnent de dermalogra-

phismé intense.

HYPOTONIE

par le Dr CROUZON

L'hypotonie musculaire est un état spécial de flaccidité des muscles, (lui

permet aux membres des attitudes anormales. Cette affection se rencontre

plus particulièrement dans le tabès; nous allons voir comment, se présente

ce phénomène chez les tabétiques. " ,

Aux membres inférieurs, on peut constater la flaccidité des fléchisseurs

de la jambe, elle permet la flexion exagérée

de la cuisse sur le bassin. Alors que, noir-.

quand l'homme est couché sur le dos, il peut fléchir la cuisse

sur le bassin à 65° ou 75°, chez un tabétique, le membre inférieur peut

être redressé jusqu'à 100° et 150° : le membre inférieur peut être

placé au contact du tronc et la jambe vient se placer sur le côté de la

joue (fig. 1) ; si le malade est assis,ou debout, il porte alors son membre

dans la situation du fusil dans la position du port d'armés (fig. 2).

L'hypotonie des extenseurs de la jambe permet, dans la flexion du

genou, de faire toucher, avec les talons, la partie postérieure de la cuisse

et de la fesse.

L'hypotonie des adducteurs de la cuisse permet la position du grand

po. CROUZON.1

rig. 1. - Ilypotonie musculaire

chez nu tabétique.

fit. 2. Hypotonie musculaire

0 chez un tabétique-.

910 -HYPOTONIE. '

écart; les deux membres inférieurs se trouvent allongés de chaque côté

du tronc et le malade repose sur le sol par la face interne de la jambe, du

genou et de la cuisse.

Les extenseurs du pied, quand ils sont en hypotonie, permettent une

extension maxima de la jambe sur la cuisse, cette extension dépasse la

ligne droite qui est l'attitude normale ; il y a hyperextension et la cuisse

peut faire, avec la jambe, un angle obtus ouvert en avant : c'est le genu

recurvatum (fig. 5). De plus, si le malade est couché, cette hyperextension

permet au malade de détacher le talon du plan du lit alors que la cuisse

repose complètement sur le sol.

Cette hypotonie des membres inférieurs peut, du reste, permettre de

comprendre mieux certains phéno-

mènes les troubles de la marche,

le dérobcment des jambes (giving

way of thc legs), la flexion brusque

d'un genou, la torsion soudaine d'un

pied.

L'hypotonie des membres supé-

rieurs est surtout évidente au niveau

de la main : les doigts peuvent se

placer en hyperextension sur la, main

ct former, avec elle, un angle ouvert

en arrière, la main peut être renversée

alors complètement sur la face dorsale.

l'adduction forcée du pouce peut lui

permettre de se mettre à angle droit

avec l'axe de l'index et du premier

métacarpien, l'avant-bras vient se

mettre en contact, par sa face anté-

rieure, avec la face antérieure du bras.

L'hypotonie du tronc, et en particulier celle des muscles des gout-

tières vertébrales, peut permettre une grande mobilité des vertèbres, les

malades peuvent alors exagérer leurs mouvements en avant et placer leur

tête entre leurs jambes. D'autre part, la mobilité des vertèbres peut éga-

lement provoquer dcs troubles de là marche.

L'hypotonie des muscles abdominaux entraîne une flaccidité de la paroi :

les intestins apparaissent sous la peau, on peut percevoir leurs mouve-

ments.

Enfin, suivant Frenkel, il existerait également des troubles des muscles

des yeux, des muscles de la vessie et du rectum quc l'on peut mettre

sur le compte de l'hypotonie.

Dans tous' les troubles que nous venons de décrire, l'hypotonie, sui-

vant le degré auquel elle existe, peut entraîner des attitudes exagérées :

dans les mouvements provoqués, mais à un degré plus accentué, elle

entraîne des attitudes permanentes qui sont favorisées, d'autre part,

Fig. 5. - Tabétique

présentant. le genu recurvatum Lilaléral.

HYPOTONIE. 91 1

par les (roubles ostéo-articulaires, comme dans le genu recurvatum que

nous avons déjà mentionné.

Valeur séméiologique. - Nous avons dit que l'hypotonie était

surtout fréquente chez les tabétiques, et c'est un malade atteint de tabes

que nous avons pris comme type de description clinique. C'est il Levden

(18C5) et surtout il Frenkel (1896) (Ne1l1'ol. Certlrall3latt. 1898),' que

l'on doit la connaissance de l'hypotonie. Elle est constante, suivant

Frenkel, chez les tabétiques incoordonnés. C'est également l'opinion de

Sureau quia examiné 54 tabétiques du service de Pierre Marie (Thèse de

Paris, 1898). Elle peut s'observer souvent dès la période préataxique;

le plus souvent, l'hypotonie est liée à l'abolition des réflexes, cependant,

on a signalé quelques cas où elle a coïncidé avec une conservation com-

plète ou une exagération des réflexes (Frenkel. Babinski).

On la rencontre, le plus souvent, dans la maladie de Friedreich; elle

peut s'observer également dans la sclérose en plaques. Féré l'a rencon-

trée également dans la paralysie générale où il a décrit un aplatisse-

ment du pied par hypotonie.

Elle est aussi un symptôme des affections cérébelleuses (Dejerine) ; on

l'a rencontrée dans le mal cle Pott (Dcjerinc) ; dans la syringomyélie (De je-

rine); dans un cas de vertige labY1'inthique (Egger); dans la 111yafonie

congénitale d'Oppcnlceint. '

Elle a été rencontrée dans Y hémiplégie organique ; on trouve là le

phénomène que Babinski a décrit comme un signe d'affection organique :

il y a flexion exagérée de lavant-bras sur le bras par hypotonie des exten-

seurs. Pour apprécier celte, flexion exagérée, on peut la comparer à la

flexion de 1 avant-bras sur le bras du côté sain, en se plaçant devant le

malade et en fléchissant au même moment les deux avant-bras.

Ce signe, associé à la flexion combinée de la cuisse et du tronc, au

phénomène des orteils, au signe, du peaucier. fait partie du groupe des

symptômes qui ne peuvent être reproduits par l'hystérie.

[O. CROUZON.]

TROUBLES TROPHIQUES

par le Du MOUTIER

Les troubles Irophiques occupent une place particulièrement impor-

tante dans la séméiologie nerveuse. Susceptibles d'intéresser tous les

systèmes de tissus ou à peu près tous, ils peuvent s'observer dans la

plupart des maladies de l'axe cérébro-spinal et de ses dépendances.

Mais, tandis que les trophonévroses seront relativement rares dans cer-

taines affections comme la sclérose en plaques ou la paralysie générale,

dans d'autres, au contraire, elles feront partie intégrante du tableau cli-

nique banal de la maladie étudiée. Il en est ainsi notamment dans le

(abcs, dans la névrite lépreuse, dans la syringomyélie. La presque tola- .

lité des troubles trophiques peut même, il des degrés divers de fréquence

ou d'intensité, se rencontrer, se décrire chez les syringomyéliques. Ces

malades peuvent, en effet présenter de l'atrophie osseuse ou téguinen-

faire et notamment de l'hémiatrophie faciale, de l'hypertrophie portant

soit sur les mains (cheiromégalie), soit sur la face et les membres supé-

rieurs ([seudo-acronOalie), de la sclérodermie, de la sclérodactylie.

des maux perforants, des panaris analgésiques, de la gangrène symé-

trique des extrémités, des rétractions tendineuses, des éruptions

diverses, du vitiligo, de l'hyperkératose, sans compter les troubles vaso-

moteurs, les viciations de la sécrétion sudorale et les altérations des

phanères. Si nous prenons un segment du corps, la main par exemple,

nous rencontrerons dans la seule syringomyélie un nombre extraor-

dinaire d'altérations trophiques, soit que l'atrophie, musculaire simple

réalise la déformation dite main de singe ou main de cadavre, soit que

l'atrophie musculaire, la contracture et les rétractions tendineuses asso-

ciées déterminent les aspects connus sous le nom de main de prédicateur

cI de main en pince de homard, ou simulent la maladie de Dupuytren, soil

enfin que la destruction des doigts par des panaris donne à la main une

similitude remarquable avec le type observé dans la maladie de Morvan.

soit que l'infiltration oedémateuse des tissus, leur hypertrophie, ou tout

au contraire l'amincissement des téguments ne réalisent ces syndromes

particuliers connus sous les noms de main succulente, de sclérodactylie,

Ic ulciromoalie.

Cette simple (''numération nous dispensera d'entrer en de plus amples

détails sur l'importance et la fréquence des trophonévroses. Signalons

TROUBLES TROPHIQUES. 915

seulement que, si la plupart sont acquises, certaines paraissent congéni-

tales, voire familiales et héréditaires; de cet ordre sont certaines atro-

phies ou hypertrophies localisées, certaines productions neurofibroma-

teuses ou neurovasculaires. Certaines de ces soi-disant trophonévroses,

familiales ou isolées mais complexes, telles que la maladie de Dercum

associée à la sclérodermie, par exemple, semblent actuellement devoir

être rangées dans le cadre des insuffisances glandulaires, thyroïdienne

ou ovarienne. Mais ce point étiologique ne saurait nous arrêter ici; qu'il

nous suffise d'en avoir signalé le double intérêt pathogénique et théra-

peutique.

Les troubles trophiques peuvent intéresser la peau et les téguments

sous-jacents, les phanères, le squelette, les articulations, les tendons,

les muscles, les yeux. Une telle classification est un peu schématique,

en ce sens qu'un processus trophique n'est pas toujours univoque, et

que, loin de se borner au tégument par exemple, il atteint fréquemment

et tout ensemble celui-ci les plans sous-cutanés, les muscles, os et

articulations. Nous n'aurons guère à nous attarder sur les troubles tro-

phiques viscéraux : ceux-ci sont rares, mal étudiés, et il est difficile de

savoir quel est le rôle du trophisme proprement dit dans l'atrophie testi-

culaire d'un tabétique, par exemple, ou le gigantisme viscéral d'un acro-

mégalique.

Tégument et plans sous-jacents. Nous n'étudierons pas

ici les troubles vaso-moteurs et les perturbations de la sécrétion sudo-

rale, ces lésions, ainsi que la gangrène symétrique des extrémités ou

maladie de Haynaud et l'érythromélalgie, se trouvant décrites en d'autres

parties de cet ouvrage.

Altérations n'intéressant que l'épiderme et le derme Dans cer-

taines affections nerveuses, la peau présente seulement des changements

de couleur, d'aspect, de souplesse; dans d'autres surviennent des

éruptions, parfois même de la gangrène. Eludions successivement ces

deux catégories de troubles trophiques.

Nous rangerons, parmi les altérations les plus superficielles de la peau,

la glossy-skin, la sclérodermie, l'hyperkératose, l'ichtyose, les troubles

de la pigmentation. 1

La glossy-skin (ou glanz-haut) consiste en un amincissement de la

peau avec état lisse, aspect de vernis luisant. Ce trouble apparaît au

niveau des extrémités, tout d'abord à la face dorsale des dernières pha-

langes des doigts et des orteils. La peau est sèche, adhérente aux plans

sous-jacents. Elle forme aux doigts une gaine étroite, leur donnant un

aspect fuselé tout à fait caractéristique. Les ongles sont craquelés,

. l'riahles; enfin, il existe assez souvent au niveau des régions atteintes des

sensations subjectives de brûlure, d'ailleurs modérée. La glossy-skin

prédomine aux doigts, avons-nous dit; elle ne dépasse guère en tout cas

la face dorsale de la main ou du pied. On l'observe tout particulièrement

à la suite des plaies nerveuses et dans la syringomyélie, mais on la

PItATIQUE 11EUIIIII.. 58

[F. MOUTIER.]

914

TROUBLES TROPHIQUES.

rencontre également dans les névrites de tout ordre, chez les parkin-

soniens et les paralytiques infantiles, sur les membres paralysés, quelle

que soit l'étiologie .de cette paralysie, et. même chez les individus simple-

ment atteints -d'ostéo-arthrite rhumatoïde.

Dans la sclérodermie, les altérations cutanées peuvent être étendues

ou circonscrites, envahir un membre entier, se répartir. en zones méta-

mériques-ou en bandes suivant à peu près un trajet nerveux, ou au con-

traire se disséminer en taches plus ou moins isolées,' plus ou moins

vastes. Au niveau des lésions étendues, la peau est dure et fibreuse,

résistante, lisse, fixée aux -plans profonds. Sa coloration est variable,

souvent plus claire que les téguments à l'entour. Cela est net surtout

au' niveau des petites plaques isolées (morphée) bordées d'un anneau

lilas des plus caractéristiques. Cette sclérodermie peut apparaître sur

des membres atteints de névrite, chez des syringomyéliques, ou bien

evoiue spontanément

en apparence. On a,

justement semble-t-il,

incriminé dans ces cas

quelque dystrophie

glandulaire.

Il convient de rap-

procher de la scléro-

dermie, tout en l'en

distinguant nette-

ment, la sclérodacty-

lie ou sclérodermie

des extrémités. Dans

cette très singulière

affection, la peau ri-

gide, dure, immobi-

lise dans un véritable

étui les doigts qu'elle

déforme. Ce processus

sclérosant peut attein-

dre d'ailleurs les ten-

dons et de ce chef

détruire irrémédiable-

ment le jeu fonction-

nel de ces doigts. Il

est à noter que la sclérodactylie se développe rarement d'emblée, la phase

de rigidité des téguments est d'ordinaire précédée de crises anémique ou

asphyxique intéressant les phalanges distales. Par là, cette sclérodactylie

se rapproche parfois de la maladie de Raynaud. D'ailleurs, il est fréquent,

dans cette maladie, d'observer un certain degré de sclérodermie. des

phalanges.' La sclérodactylie se rencontre tout particulièrement dans la

Fig. 1. Sclérodactylie avec mutilation des extrémités digitales.

Musée de l'hôpital Saint-Louis, n° 580 (d'après Thibierge).

TROUBLES TROPHIQUES. 915

syringomyélie et les névrites, spécialement les névrites traumatiques. A

une période avancée de la maladie, il est ordinaire d'observer des ulcé-

rations aux angles saillants des phalanges et de leurs articulations. Ces

ulcérations guérissent le plus souvent, mais leurs cicatrices contribuent

à déformer et à immobiliser les doigts. Il coexiste fréquemment encore

diverses altérations unguéales.

Consécutivement aux sections nerveuses, s'observe très fréquemment

un état ichtyosique du tégument. La peau est sèche, mince et squa-

meuse; la sécrétion sudorale est tarie à sa surface. Mais cette ichtyose

n'est pas l'apanage de la névrite traumatique; on la retrouve dans le

tabès, chez les paraplégiques, et, d'une façon très générale, sur tous les

membres qu'immobilise une paralysie de date ancienne déjà. De même,

llilyl)elké),(ilose palmaire ou plantaire. se rencontre assez souvent dans

le tabès, dans les névrites, notamment dans la névrite arsenicale, chez

les hémi et les paraplégiques. On peut rapprocher de ces hyperkératoses

acquises les hyperkératoses symétriques congénitales, souvent fami-

liales, qui peuvent s'accompagner ou non de nævi,

Les troubles de la pigmentation se rencontrent dans un assez petit

nombre de maladies, si l'on en excepte la lèpre surtout, accessoirement

les névrites et. le goitre exophtalmique. Il s'agit parfois de mélano-

dermie, plus souvent de leucodermie. Celle-ci se dispose sur le trajet

des nerfs, d'autres fois se répartit en taches irrégulières, notamment sur

les organes génitaux, le cou, et autour de la ceinture, à la hauteur de la

zone de striction maxima du corset chez la femme. Les taches décolorées

peuvent être d'un blanc éclatant, porcelanique ; elles sont généralement

entourées d'une zone hyperpigmentée. Au toucher, elles sont lisses et

douces. Peut-être certaines leucodermies incertæ sedis, comme le viti-

ligo. ne relevant de façon évidente d'aucune affection nerveuse classée,

sont-elles étroitement liées à l'infection syphilitique ? Dans la lèpre, le

centre des macules blanches est anesthésique.

Des éruptions s'observent parfois à la surface de la peau : il s'agit

soit d'é1'ythl'lIU's, soit d'éruptions eczémateuses, soit encore d'éruptions

huileuses à grands éléments de type pemphigoïde. Ces exanthèmes lisses

ou vésiculeux peuvent ou non, ainsi que nous sommes accoutumés de

l'observer, se superposer à un trajet nerveux ou affecter une disposition

métamérique. On les rencontre particulièrement dans les plaies des

nerfs, dans les névrites et myélites aiguës, plus rarement dans la syrin-

gomyélie, le tabès et la sclérose en plaques. On peut quelquefois, dans

la lèpre, observer consécutivement au pemphigus siégeant sur les sail-

lies osseuses des ulcérations atteignant les articulations.

Doit-on rapprocher des trophonévroses la dermatose huileuse hé1'édo-

1)'(iiiiii(iliqiie, dans laquelle la simple friction de la peau fait rapidement

apparaître un élément vésiculeux de forte taille ? Nous ne saurions

1 affirmer. 11 s'agit là en tout cas d'une maladie autonome plus intéres-

sante pour le dermatologiste que pour le neurologue.

[F. MOUTIER]

! OI6 6 TROUBLES TROPHIQUES.

Certaines éruptions vésiculeuses se cantonnent étroitement sur une

section métamérique ou sur un territoire nerveux donnés, tels sont le

zona et les éruptions zostérifomes. Le zona est par excellence une

trophonévrose; son aspect est trop familier pour que nous ayons besoin

d'insister sur ses caractères, sur les connexions, étroites qui existent

entre l'éruption, les phénomènes névralgiques, la lymphocytose du

liquide céphalo-rachidien traduisant l'irritation méningée. D'autres

troubles trophiques peuvent d'ailleurs coexister avec l'éruption vésicu-

leuse ; c'est ainsi que des lésions de l'oeil se rencontrent dans le zona

ophtalmique. Nous insisterons seulement sur un point d'importance pri-

mordiale : le zona véritable, le zona maladie ne récidive jamais ; au

contraire, les éruptions zostériformes peuvent récidiver et de fait se

reproduisent souvent chez un individu donné. Ces zonas symptoma-

tiques se rencontrent dans une foule de névrites, dans la syringomyélie,

le tabes, et tout particulièrement au niveau du tronc dans nombre

d'affections méningées ou vertébrales, notamment chez les t'ottiques.

Il existe des altérations cutanées plus profondes que celles des exan-

thèmes simples ou vésiculeux précités. La gangrène est rare, mais peut

s'observer cependant. On la rencontre surtout au niveau de la pulpe des

doigts. Consécutive à des crises d'anémie locale, elle l'ait partie du

syndrome isolé par flaynaud. On la rencontre encore dans quelques cas

de névrite et chez les syringomyéliques : nous aurons l'occasion de la

signaler il nouveau en étudiant les troubles trophiques mutilants des

extrémités. On a également signalé des plaques de gangrène plus ou

moins symétriques à la suite de traumatismes graves du front ou

d'aspiration massive de gaz délétères : on sait qu'il peut se produire en

ce cas des hémorragies intenses et bilatérales dans les corps striés. Mais

en dehors de ces différents cas, il faut porter avec la plus grande réserve

le diagnostic de gangrène d'origine trophique. Il faut tenir compte, en

effet, de l'infection, de la souillure des plaies chez les paralytiques de

tout ordre, et d'un autre coté. l'origine d'un grand nombre de gangrènes

dites nerveuses se trouve élucidée depuis que l'on a su mettre en lumière

l'importance de la simulation. Il faut, en effet, faire table rase aujour-

d'hui des soi-disant troubles trophiques de l'hystérie. Huiles, ulcéra-

tions, gangrènes hystériques ont fait leur temps, et l'on ne saurait

attribuer à quelque trophonévrose hypothétique ce qui relève unique-

ment du fer rouge ou de la potasse caustique. Ce n'est pas le lieu

d'exposer à quelles raisons d'intérêt, il quel besoin de mise en évidence

obéissent ces simulateurs Ilatllolllimes ou mythomanes; qu'il suffise de

rappeler avec quelle habileté les malades savent dérouler la vigilance

la plus avertie, avec quelle hardiesse et quelle éloquence parfois pathé-

tique ils les récits les plus déconcertants.

Pratiquement, en présence de toute ulcération suspecte, on devra

rechercher si, soigneusement isolée, cette perte de substance ne guérit

pas spontanément et vite. On pourra aussi, le cas échéant, ménager une

1

TROUBLES TROPHIQUES. 917 î

voie d'accès sous quelque partie du pansement cacheté, et s'assurer si

le simulateur, croyant à quelque faute involontaire de l'observateur, ne

profite pas de ce trajet pour entretenir l'ulcération.

Lésions non ulcéreuses du derme et de l'hypoderme. Beaucoup

de ces troubles sont congénitaux, tels les n;uvi, les neuro-fibromes : ce

sont en somme des malformations,

souvent héréditaires et familiales. Ajou-

tons que ces troubles existent rarement

seuls ; divers stigmates de dégénéres-

cerce, des signes de faiblesse intellec-

tuelle leur sont fréquemment associés.

Les lmvi ne nous arrêteront qu'un

instant. Faciles à distinguer sur le

tégument où leur couleur et leur

aspect vasculaire ou pigmenté tran-

chent souvent disgracieusement, ils

semblent souvent superposés à quel

que trajet nerveux, moins qu'ils ne

paraissent affecter quelque disposition

métamérique. La première de ces

dispositions est fréquente à la face où

les rapports des najvi avec les terri-

toires des différentes branches du tri-

jumeau sont faciles il reconnaître. 11

est fréquent de discerner, plus ou

moins exactement lopographiées par

les taches vasculaires, les trois aires

faciales de la cinquième paire. Il peut

même y avoir une transformation noe-

voïde de la muqueuse nasale avec épis-

taxis récidivantes et l'on a signalé chez

l'enfant une hémiplégie foudroyante

avec convulsions par hémorragie mé-

ningée provenant d'un noevus durai

CUS11111 ? ? joutons que l'on peut noter

à la face, en même temps que ces

muyi, de l'hypertrophie des plans sous-

jacents et même du globe oculaire.

les taches piginentaircs prennent un développement consi-

dérable, maculent le corps entier de leurs aires de nuance café clair ou

marron, et. coexistant avec des neuro-fibromes, contribuent à former le

syndrome individualisé sous le nom de neurofibromatose généralisée

ou maladie de Recklinghausen. Cette affection est congénitale, mais

il survient d'ordinaire des poussées nouvelles chez l'adulte. Elle est

essentiellement constituée par trois symptômes cutanés et sous-cutanés :

[F. MOUTIER.

1 ig. 2. Naevus vasculaire systématisé z

Musée de l'hôpital Saint-Louis, n° 1936,

llallopeau (d'après Rist).

918 TROUBLES TROPHIQUES.

taches pigmentaires, fibromes, névromes. Les fibromes peuvent être au

nombre de plusieurs centaines, leur volume est essentiellement varié;

ils sont en général mous et sessiles, ou du moins très légèrement pédi-

culés. Il existe en général une tumeur majeure, de siège variable. Les

névromes plexiformes forment des masses indolores, parfois énormes,

siégeant avec une prédominance remarquable sur le territoire des tri-

. jumeaux ou des nerfs occipitaux. Ce sont, des masses d'une laxité remar-

quable qui tombent, masquant fréquemment une partie du visage.

Ajoutons que les malades atteints de cette singulière dystrophie pré-

sentent souvent une intelligence obtuse, de la frigidité avec atrophie testi-

culaire. Mais celle-ci peut-elle être tenue pour trouble trophique ?

Chez certains individus les tissus hypodermiques présentent seuls des

troubles trophiques, sans que le derme et l'épidémie soient intéressés.

Ces troubles sont les oedèmes et les adiposes.

On ne saurait rigoureusement, parmi les oedèmes nerveux, distinguer

un groupe d'oedèmes aigus et un groupe d'oedèmcs chroniques, innom-

brables étant les formes de transition entre la trophonévrose oedéma-

teuse fugace et la trophonévrose chronique, et cela non seulement d une

maladie à l'autre, mais encore d'un individu il un autre, voire même

chez un individu donné, d'une époque à l'autre de son existence.

Fig. 5. \euro-fibromalose généralisée avec nombreuses petites tumeurs, notamment au

niveau de l'hypocondre droit, et najvi pigmentaires assez développés sur la l'esse el dans la

région trocliantériennc (d'après Pierre Marie).

TROUBLES TROPHIQUES. 919

Les oedèmes nerveux ont quelques caractères communs que nous

indiquerons une fois pour toutes : ils sont blafards, durs, ne gardant

pas l'empreinte du doigt, indolores. Il est banal de rencontrer ce trouble

trophique chez les hémiplégiques ou les paraplégiques, que l'affection

en cause soit une maladie chronique ou une affection aiguë du cerveau

ou de la moelle. On observe souvent un oedème extrêmement dur,

pseudo-éléphantiasique au niveau des arthropathies lalueliques.

En dehors des oedèmes angioneurotiques proprement dits, dont nous

nous occuperons plus loin, se placent des oedèmes dus à la seule station

verticale, à l'accumulation du sang et à la gêne de la circulation dans

les tissus. Ainsi se forme la main succulente des syringomyéliques.

C'est une main potelée, cyanosée, froide, lisse et sèche, très dure et

dans laquelle on ne peut imprimer de godet. Un trouble analogue

peut s'observer au niveau du pied. La main succulente n'est point

d'ailleurs l'apanage exclusif de la syringomyélie ; on la rencontre éga-

lement dans les myopathies et dans les poliomyélites antérieures chro-

niques (Dejerine).

Plus ou moins aiguës peuvent s'observer des poussées oedémateuses

de siège variable au cours de diverses intoxications, aiguës elles-mêmes

ou chroniques, notamment de l'intoxication oxy-carbonée, ainsi que chez

les parkinsoniens, dans la tétanie et dans le goitre exophtalmique. En

présence Ir oedèmes bleus ou oedèmes dits hystériques, on songera tou-

jours à la simulation que révèle souvent la trace d'un lien placé à la

racine du membre. On se souviendra seulement que cette trace peut

disparaître ou n'être plus visible au moment de l'examen.

Un oedème diffus, généralisé au tégument entier, se rencontre dans

l'insuffisance thyroïdienne myxoedémateuse ; c'est un oedème extrême-

ment dur, épais, que le doigt ne saurait déprimer en godet. L'opothé-

rapie appropriée influe sur ce trouble trophique de façon très appré-

ciable et assez rapide.

Nous en avons fini avec les oedèmes épisodiques au cours d'affections

classées. Il nous reste à mentionner certaines formes morbides dans

lesquelles les oedèmes sont toute la maladie. Chez certains malades de

l'un ou de l'autre sexe, généralement âgés de 20 à 40 ans, surviennent

des poussées oedémateuses paroxystiques dont l'éliologie précise échappe

jusqu ce jour. Cet oedème angioneurotique ou maladie de Quincke

apparaît pour des causes souvent légères, trauma, froid, émotion. On le

rencontre surtout chez des névropathes, des intoxiqués, alcooliques ou

morphinomanes, etc. Il est plus fréquent pendant les saisons humides et

par temps froid. Son apparition est généralement soudaine, rarement pré-

cédée de malaises, céphalées, constipation ou diarrhée, inappétence,

fatigue. Quelquefois le précèdent sur la peau des ecchymoses spontanées

ou une éruption purpurique. L'oeclèmc peut se constituer en quelques

minutes, plus souvent eu quelques heures. Il atteint de préférence les

parties découvertes, les mains, le cou, la face, et sur celle-ci les joues,

- [F. MOUTIER.-]

? 0 TROUBLES TROPHIQUES.

les paupières, le front ; on l'observe très fréquemment aussi sur les

bourses, au prépuce, aux grandes lèvres. Il est parfois symétrique. Il

forme tantôt une tuméfaction variable, en nappe sur les surfaces planes,

en boudin sur les membres, tantôt des élevures arrondies de 2 à 10 cen-

timètres de large. L'oedème est peu surélevé par rapport à la peau saine ; ;-

un rebord le limite plus ou moins nettement. Lorsqu'il est en plaques de

peu d'étendue, celles-ci peuvent être plus ou moins confluentes ou tout

au contraire disséminées. Le doigt ne peut déprimer les tissus oedéma-

tiés ; ceux-ci présentent tantôt une couleur rose (généralement au début)

avec légère élévation de la température locale, tantôt une couleur pâle

avec légère hypothermie. Il existe rarement des phénomènes subjectifs au

niveau de la plaque; ces phénomènes consistent, le cas échéant, soit en

brûlures, soit en démangeaisons. Pendant la crise s'observe une oligurie

notable, sans qu'il y ait cependant décharge polyurique à la fin de l'accès.

L oedème disparait spontanément au bout de quelques heures ou de

quelques jours. Les accès reviennent assez souvent, espacés de façon

variable : parfois chez la femme s'établit une périodicité menstruelle.

Mais, d'une façon très générale. l'âge atténue beaucoup les crises et finit

par les faire disparaître complètement. Ajoutons que l'oedème peut se

déclarer non seulement au niveau de la peau mais encore des muqueuses.

Il peut éclater en ce cas des accidents menaçants d'oedème aigu du pou-

mon ou de la glotte : la trachéotomie a pu être pratiquée jusqu'à trois

fois sur le même individu. Des crises gastriques avec vomissements, des

crises intestinales avec diarrhée ont été également signalées.

Parfois, I'LC1O111C ne disparait pas aussi rapidement; des poussées répé-

tées entraînent une altération trophique continue. Ainsi se constitue un

troplrceclème acquis, intéressant généralement la totalité d'un membre.

Le trophoedème peut s'installer insidieusement, sans poussées aiguës préa-

lables : il est encore fréquemment congénital, voire familial. Nous avons

ainsi une gamme très nuancée de transitions entre les oedèmes aigus de

Quincke et le trophoedème chronique de Meige. Cette dernière lésion

peut persister toute la vie ; elle est généralement segnientaire. et

peut atteindre soit les deux membres inférieurs, soil plus souvent un

seul bras ou une seule jambe. Le trophoedème est le plus fréquent

et le plus typique au membre inférieur. Il existe un gonflement énorme

de tout le membre, qui va généralement s'accusant de haut en bas. Le

cou-de-pied est boursouflé, cachant les saillies malléolaires ; les tissus

se plissent et retombent à la façon du pantalon de zouave de l'éléphan-

tiasis (Meige). Les orteils sont peu atteints. La peau est blanche, ferme.

épaisse. Il n'existe jamais de douleurs : le malade, se plaint seulement

de la pesanteur du membre lésé. Les malades de cet ordre peuvent

avoir également des poussées aiguës, parfois accompagnées de purpura.

Il n'existe jamais d'asphyxie symétrique des extrémités; les articula-

tions, d'autre part, sont indemnes. Ces caractères permettront de distin-

guer les trophoedèincs chroniques, observés d'ailleurs comme les

-TROUBLES TROPHIQUES.

921

oedèmes de Quincke chez 'des névropathes ou des intoxiqués, des oedèmes

chroniques de l'éléphantiasis ou du- rhumatisme chronique, des oedèmes

traumatiques, du myxoedème, ainsi que de la maladie de Dercum. -

Certains auteurs ont signalé une certaine

diminution des oedèmes par la médication

bromurée intensive. ,

Le chapitre des adiposes pathologiques

est extrêmement vaste; et faire le. départ

de ce qui est proprement trophonévrotique

parmi elles est délicat. L'adipose peut être

diffuse; il en est ainsi dans ces myopa-

thies infantiles où l'on voit une infiltration

graisseuse souvent énorme dissimuler l'atro-

phie des mollets notamment, et même

exagérer considérablement la saillie de§,

jumeaux, donnant ainsi aux masses mus-

culaires déficientes un aspect pseudo-

hypel'l1'ophique., Des faits analogues s'ob-

servent dans la paralysie infantile. * ,

Dans certains cas, l'adipose est encore

diffuse, mais asymétrique; il en est ainsi

chez certains hémiplégiques.

Doit-on ranger parmi les troubles neuro-

trophiques les lipomes, petits ou grands,

qui affectent une disposition symétrique le

long des trajets nerveux (des membres, le

plus souvent) ou une distribution méta-

ml"J'ique ? C'est là un point encore peu

éclairci\ De même, la maladie de Dercum

ou adipose douloureuse est-elle un trouble

trophique du système nerveux ou une dys-

trophie glandulaire, peut-être thyroïdienne ?

Le tableau clinique de la maladie de Dercum

est assez variable pour qu'il soit utile de

donner ici quelques indications à ce sujet.

Toute adipose exagérée ne rentre pas en

effet dans le cadre de cette affection. Il

h agn namtuenement ue temmes aux alentours ne la ménopause. bes

malades présentent une obésité prononcée, une adiposité extraordinaire

portant sur le tronc et les membres. Mais, point, extrêmement singulier,

l'envahissement adipeux respecte absolument la face, le cou, les mains

et les pieds; d'où un contraste frappant entre les membres, colonnes

massives, et les extrémités dont les sépare un sillon, une collerette de

netteté remarquable. Cette adipose est douloureuse, la douleur pouvant

être à la fois spontanée et provoquée ou seulemént provoquée. Les

[F. MOUTIER.

Fig. 4. - Trophædème chronique

héréditaire (Henry Jeigct.

922 I-)

TROUBLES TROPHIQUES.

malaises ressentis sont rarement intenses ; ce sont des picotements et

surtout des brûlures. Au palper, l'on perçoit tantôt une infiltration dif-

fuse, tantôt' une infiltration nodulaire. Dans ce dernier cas, on a en

somme affaire à des li-

pomes de volume va-

riable, symétriques ou

non. Il n'existe pas de

troubles de la sensibi-

lité au niveau des ré-

gions adipeuses. En

revanche, les troubles

mentaux dépressifs et

l'asthénie nerveuse sont

de règle. On peut ob-

server, coexistant avec

- cette adipose doulou-

reuse, soit de la scléro-

dermie, soit de l'ostéo-

malacie, mais ce sont

là des éventualités des

plus rares.

Nous en aurions fini

avec les troubles tro-

phiques non ulcéreux

des téguments s'il ne

nous restait à mention-

ner une affection cuta-

- née d'ailleurs excep-

tionnelle, la panat1'o-

phie locale de Gowers.

Dans cette maladie, « certaines zones circonscrites du visage, du tronçon

des membres, dont la dimension varie du diamètre d'une cerise à celui

d'une orange, subissent une atrophie locale des tissus sous-cutanés

s'étendant jusqu'à l'os, la peau elle-même s'amincit légèrement. Il

semble qu'il se soit produit des pertes de substance sous-cutanées,...

(mais) la distribution de ces plaques atrophiques ne correspond à aucun

territoire nerveux cutané et se fait d'une façon tout à fait irrégulière »

(Purves Stewart).

Lésions ulcéreuses des téguments et des tissus profonds. Pro-

voquées le plus souvent par des traumatismes, ces lésions sont aggravées

par des infections intercurrentes et leur gravité ultime est en général

fonction de cette infection.

Les accidents ulcéreux se rangent sous trois chefs fort proches les uns

des autres, ce sont les maux perforants, les panaris analgésiques, les

escarres de décubitus. Nous verrons plus loin de quelle façon, avec

Fig. 5. Maladie de Dercum (d'après G. Ballet).

TROUBLES TROPHIQUES.

925

ou sans ulcération, se constituent les mutilations des membres.

Les ulcères ou maux perforants s'observent en toute région ; on en

a signalé de typiques au pied, à la main, au sacrum, dans la bouche, et

la rhinelkose de Marie et Guillain, lésion échancrant l'aile du nez.

semble fort rapprochée des troubles de cet ordre. On les observe égale-

ment au cours de nombreuses affections, névrites infectieuses (lèpre,

tuberculose), ou toxiques (diabète); névrites traumatiques (blessures

du plexus brachial et mal perforant palmaire), mal de Pott et caries

vertébrales diverses, spina-bifida, tabès, syringomyélie. Mais la lésion

banale, classique par excellence, est le mal perforant plantaire tabé-

tique. Notons que le mal perforant diabétique est également com-

mun et que, dans la pratique courante, les maux perforants plantaires

ne relèvent guère que de l'une ou l'autre de ces deux maladies, tabès ou

diabète.

Le mal perforant tabétique peut, d'une façon générale, siéger en tout

endroit saillant, soit par exemple à la partie anguleuse des orteils en

marteau, soit à la face

externe des orteils, soit

sur la saillie du cuboïde

dans les pieds bots ou

même à l'extrémité des

moignons. A la plante du

pied, son lieu d'élection,

le mal perforant se rencon-

tre au niveau de l'articu-

lation métatarso-phalan-

gienne du grand et du

petit orteil, au talon, ou

sous la phalange terminale

du gros orteil. L'évolution

de ce trouble trophique

passe par plusieurs stades

distincts. Au début s'ob-

serve un épaississement

corné, un simple duril-

lon d'aspect banal. Par-

lois la lésion se greffe sur la petite plaie d'un ongle incarne; elle peut,

mais rarement, débuter directement par une phlyctène ou par une escarre.

Quoi qu'il en soit, il se creuse bientôt un trou, un perluis centrant la

lésion primitive, pertuis par lequel va s'écouler un liquide plus ou

moins franchement purulent. A ce stade la lésion est souvent assez

pénible ; des douleurs fulgurantes particulièrement vives ont pu d'ailleurs

en précéder l'apparition. Bientôt se constitue l'ulcération. D'abord étroit

cratère, cette ulcération s'agrandit, s'arrondit, présentant des bords fon-

gueux. Un ou plusieurs trajets fistuleux et suintants partent du fond de

[F. MOUTIER-1

Fig. 6. - Mal perforant plantaire,

attribué il la tuberculose (d'après L. Arnaud).

9M

TROUBLES TROPHIQUES.

la perte de substance, et gagnent l'articulation sous-jacente. Les ten-

dons peuvent être détruits; les os se carient. On perçoit des craque-

ments articulaires. A ce moment encore les lésions peuvent rétrocéder

avec ou sans élimination de séquestres ; mais les récidives sont fré-

quentes en plein tissu cicatriciel. A la fin, le mal perforant est peu

douloureux : une zone anesthésique borde. -- d'ailleurs l'ulcération. Il

peut y avoir des complications, les unes légères, troubles divers de la

peaû et des ongles, d'autres beaucoup plus graves, voire mortels, ostéo-

arthrites suppurées. ..

Les maux perforants peuvent être multiples ; ils sont fréquemment

symétriques en ce cas. Le traitement de cette affection commune

est souvent délicat, ainsi qu'il est de règle pour tout trouble tro-

phiqùe. Le repos au lit, les pansements guérissent les ulcérations

légères; aux cas plus graves seront réservés le traitement par la bande

de Bier et les bains oxygénés très chauds, le curettage avec résection de

l'articulation malade, la faradisation du tibial postérieur, l'élongation

des filets nerveux à distance des foyers infectés. L'amputation sera tou-

jours sévèrement proscrite, les ulcéra-

tions pouvant apparaître sur le moignon,

et cela pour ainsi dire indéfiniment.

Le mal perforant peut s'observer éga-

lement dans la bouche. Les dents se déta-

chent et tombent. Il a usure puis résorp-

tion du maxillaire supérieur avec destruc-

tion du plancher de la cavité nasale.

Marie et Guillain ont fait remarquer l'im-

portance prépondérante du dentier dans

la genèse de ce trouble trophique.

Fort voisines des maux perforants sont

les escarres de decubitus qui peuvent

apparaître en tous les points où se trou-

vent longuement comprimés les tissus

d'un membre ou d'un tronc paralysé.

C'est ainsi que peut se gangrener la peau

au niveau des apophyses épineuses, des

crêtes iliaques, des coudes, etc., les

lieux d'élection du processus d'escarrifi-

cation étant la lace interne des genoux, la région au grand trocnamer

et par-dessus tout le sacrum. Ces lésions peuvent apparaître, à vrai

dire, chez les malades alités quelle que soit l'affection causale,

typhoïde ou démence, mais ce sont surtout les hémiplégiques et les

paraplégiques qui présentent les troubles les plus graves. Ces troubles

font défaut dans la poliomyélite, ils s'observent à leur acmé dans les

myélites aiguës (Voir Paraplégie). L'escarre est typique au niveau du

sacrum, qu'elle soit médiane (affections médullaires) ou latérale (affec-

Fig. 7. - Escarre sacrée particulière-

ment profonde développée au cours

d'une myélite. «

TROUBLES TROPHIQUES. 925

tions cérébrales). On voit apparaître tout d'abord un placard érythéma-

teux sur lequel se soulèvent bientôt une ou plusieurs bulles remplies de

sérosité louche. L'ouverture de ces phlyctènes laisse le derme à nu et

bientôt apparaît une nécrose du tégument qui atteint rapidement les

plans sous-jacents. L'infection se propage facilement aux méninges et la

mort est d'ordinaire le. prompt aboutissant des cas les plus graves.

L'évolution peut se faire en quelques heures parfois. Eviter le trauma-

tisme incessant de la région menacée, prévenir l'infection, tels doivent

être les préceptes de la prophylaxie de ces lésions.

Le panaris analgésique est une infection digitale atteignant certains

malades, les lépreux et les syringomyéliques notamment. L'infection

rencontre des tissus peu résistants, mais, chose singulière, si les déla-

brements locaux sont énormes, l'infection ne présente aucune tendance

à se propager vers les gaines palmaires. La lésion débute par l'extrémité

des doigts, le plus souvent à propos de traumatismes, de brûlures sou-

vent graves puisque ces doigts, de par l'affection nerveuse en cause

(névrite lépreuse ou cavité médullaire), sont anesthésiques. Bientôt sur-

viennent des phlyctènes, des escarres; le doigt se gonfle; il y a très

rapidement formation de séquestres et destructions osseuses. Ces lésions

sont à distinguer des cas où l'atrophie osseuse, sans lésion des tégu-

ments, intervient, seule pour mutiler les doigts dans les maladies men-

tionnées. Il est ordinaire de noter l'atteinte de plusieurs doigts, et, dans

[F. MOUTIER ]

. Fig, 8.

1 Fig. 0.

UCrOl'lI1al1on des mains dans la lèpre aneslliesique (il après Lesage et Ihlcl'ce1m),

926 1 TROUBLES TROPHIQUES.

la lèpre notamment, les mains peuvent être réduites à de lamentables

moignons amputes de tous leurs

doigts.

Les affections mutilantes des

membres sont en somme assez fré-

quentes. Au plus bas degré de

l'échelle se trouve la maladie de

Raynaud. Cette affection n'arrive pas;

à vrai dire, à tronquer les doigts.

Elle les effile seulement, en déter-

minant ou non la chute des ongles ;

elle les amincit et la pulpe. du doigt

présente une sclérodermie étoilée

de petites cicatrices blanches. Au

contraire, ainsi que nous l'avons

déjà dit, la lèpre et la syringomyélie

réalisent de véritables amputations.

Les névrites traumatiques ne sont

qu'exceptionnellement mutilantes.

- Signalons pour mémoire seule-

ment 1'aïnlaun2, singulière névrite

exotique dans laquelle on voit se dé-

tacher et tomber tous les orteils après

formation d'un sillon de striction

circulaire à leur base, sans

qu'apparaisse aucune lésion

du tégument.

Phanères. Les alté-

rations des ongles et des poils

sont fréquentes dans les ma-

ladies organiques du système

nerveux; celles des dents sont

plus rares, parce que peut-

être beaucoup mqins étudiées. Nous serons assez brefs sur ces différents

Fig. 10. Griffe lépreuse : atrophie

. des éminences thénar -et hypothé-

nar. Le médius et l'index sont tron-

qués par des panaris-; petits ulcères

trophiques sur le dos des phalan-

gettes, en majeure partie résorbées,

de l'auriculaire et de l'annulaire

(d'après Jeanselme).

Fig. 11.. Syringomyélie : usure trophique rapide-

ment guérie par le repos, Musée de l'hôpital Saint-

Louis, n° 1690, Jacquet (d'après Lenglet). .

TROUBLES TROPHIQUES. 927

sujets, leur étude étant d'importance secondaire au point de vue dia-

gnostique.

Le ralentissement de la croissance des ongles a été observé dans

nombre de maladies nerveuses, son accélération dans un certain nombre

également, chez les hémiplégiques par exemple, et du côté malade. Dans

les névrites, la lèpre, le diabète, la syringomyélie, le tabès, la sclérose

en plaques, on a signalé leur atrophie, accompagnée parfois de chan-

gement de coloration de la substance unguéale. L'ongle peut être réduit

à une petite masse cornée accrochée au bout du doigt et recourbée en

forme de griffe. La chute de l'ongle, parfois précédée d'hémorragies sous-

unguéales, a été notée chez les épileptiques, les syringomyéliques, etc.,

et tout particulièrement chez les hémiplégiques. Cette chute de l'ongle

se fait sans douleurs et sans phénomènes inflammatoires. Dans les né-

vrites, le tabès, la sclérose en plaque, la syringomyélie, l'hémiplégie, les

ongles sont fréquemment déformés, soit incurvés en verre de montre,

hypertrophiés, soit plissés, épaissis, ou plus ou moins décollés, feuilletés,

striés longitudinalement.

De même que les ongles, les poils présentent de nombreuses modi-

fications trophiques. L'une des plus remarquables est leur changement

de coloration, leur blanchiment ou canitie. Cette cavitie est partielle ou

totale : elle peut être ou non accompagnée de manifestations névralgiques

ou migraineuses. Elle peut survenir plus ou moins rapidement, sous

l'influence d'une violente émotion ou d'une crise d'épilepsie. On la ren-

contre dans l'aliénation mentale, le tabès, les tumeurs cérébrales, du

côté malade chez les hémiplégiques. Elle peut en ce dernier cas inté-

resser une moitié de la barbe. On a pu également observer le blan-

chiment des cils dans une ophtalmie sympathique consécutive à l'abla-

tion de l'oeil opposé.

L'amincissement, la fragilité des cheveux, leur chute plus ou moins

généralisée sont fréquents dans la sclérodermie du cuir chevelu, les

blessures des nerfs occipitaux, les truunlatismes et les névralgies du tri-

jumeau. Rappelons à ce propos les relations étroites qui paraissent

bien démontrées actuellement entre la pelade et les affections de la

VC paire.

Dans la sclérose en plaques, les alopécies ne sont point rares. Il en est

de même dans le goitre exophtalmique où l'alopécie peut être unilaté-

ra]e, comme l'exophtalmie d'ailleurs. Dans le tabès s'est trouvée signalée

la dépilation d'un membre, etc.

L'hypertrichose est parfois congénitale, héréditaire et familiale ou non,

associée ou non à des îuevi. Des plaques d'hypertrichose recouvrent par-

fois l'aire d'une spina-1]i(ï,la occulte. Enfin il existe souvent un dévelop-

pement exagéré des poils sur les membres paralysés, qu'il s'agisse de

poliomyélite infantile, de myélite chez l'adulte ou de névrite. On a éga-

lement signalé l'hypertrichose du côté de la face atteint de prosopalgie,

au niveau des plaques d'oedème chronique qu'il est parfois donné d'ob-

[F. MOUTIER.]

928 8

TROUBLES TROPHIQUES.

server dans le goitre exophtalmique, sur le tégument des articulations

atteintes de rhumatisme chronique.

Les altérations dentaires sont peu connues. En dehors des stries, des

irrégularités, des malformations témoins de syphilis héréditaire ou de

troubles de la nutrition, il n'est guère à signaler que la chute des dents

chez les tabétiques. Ce phénomène est en général indolore. Peut-être

d'ailleurs ne s'agit-il pas uniquement d'un trouble trophoneurotique,

l'infection des alvéoles venant sans doute aider singulièrement le pro-

cessus de névrite.

Squelette. Ouelques-unes des réserves formulées plus haut s'im-

posent encore à notre attention à propos de certains troubles trophiques

du squelette. On ne sait en effet quelle part revient au juste au trouble

neurotrophique ou il la

dystrophie glandulaire

dans des affections

comme l' acro mlgalie, la

maladie de Paget, peut-

être même certaines hy-

pertrophies ou atrophies

segmentaires. A l'acro-

mégalie, au gigantisme,

sont consacrés des chapi-

tres spéciaux : signalons

simplement ici que la sy-

l'ingol11yélie, rencontrée,

on le voit, à tout propos

dès que les troubles tro-

phiques sont en cause.

peut simuler jusqu'à

un certain point l'acro-

mégaiie. Il existe, en effet, une cheiromégalie et même un accroisse-

ment de la face syringomyélique rappelant un peu les déformations

homologues de l'acromégalie. Mais, dans la syringomyélie, ne se trouvent

jamais réunis tous les caractères de l'acromégalie, c'est un détail seul

qui évoque l'idée de l'acromégalie, l'ensemble est tout à fait différent.

L'étiologie d'un certain nombre d'hypertrophies est fort mal connue :

signalons simplement (en laissant de côté les malformations congénitales)

les héinihyperlrophies limitées ou non à la tête, intéressant les parties

molles aussi bien que le squelette et qu'il est donné d'observer, rarement

d'ailleurs, après un traumatisme céphalique dans l'enfance ou à propos

d'une tumeur cérébrale chez l'adulte (l1émieraniose de Brissaud ctLt're-

houllet). On rencontre également chez l'adulte des hypertrophies osseuses

segmentaires consécutives aux fractures (Boger et Garnier).

Les atrophies osseuses sont d'observation beaucoup plus fréquente

que les hypertrophies. Dans une certaine catégorie de faits il s'agit de

Fig. 12.

Fig. 13.

Hypertrophie pseudo-acnimégalique segmentaire

(d'après Chauffard et tirilfun).

TROUBLES TROPHLQUES. - 929

réduction globale du volume de l'os, et surtout d'arrêt de développement.

11 y a dans ces cas non seulement atrophie de squelette, mais réduction

du membre entier; de tels laits s'observent dans

les paralysies et dans lés hémiplégies infantiles..

Parfois l'os se raréfie, se réduit et finalement

disparaît; il en. est ainsi dans certaines formes,

de lèpre mutilante : les phalanges se résorbent,

le doigt se tasse, se recroqueville. Il peut y

avoir, par un mécanisme analogue, disparition

des os de la main et du pied avec tassement et

déformation extrêmes de ces segments. Enfin,

dans une autre catégorie de faits, la résorption

osseuse demeure incomplète, il y a seulement

tassement des segments osseux. Par ce méca-

nisme se forment les scolioses de la maladie

de Friedreich et de la "

syringomyélie, le tho-

rax en bateau de cette

dernière affection .

Dans certains cas,

à la suite de trauma-

tismes, de brùlures

étendues survient une

atrophie numérique

(Klippel), un arrêt de

développement por-

tant non seulement sur la région ou le membre

atteint, mais également à. distance, sur toute

une moitié du corps par exemple. Mais de toutes

les atrophies d'origine nerveuse, l'une des plus

typiques à coup sûr est l'Iaémiatroplzie faciale

de Romberg. Cette singulière affection est des

plus simples à diagnostiquer, tout au moins

dans les cas typiques, pu bien si l'on veut, à la

période d'état. Une moitié de la face, en effet,

est réduite, enfoncée pour ainsi dire. Le massif

frontal, la saillie malaire, l'arc maxillaire infé-

rieur sont comme effondrés ; l'oeil est enfoncé,

les lèvres (du côté atteint) -et l'aile du nez sont

amincies; la peau est flasque, hypotonique; la

moitié du cou et de la langue participent à la

réduction de volume. Enfin, on peut observer

la chute des dents et la canitie unilatérales.

L'Illégalité pupillaire; diverses perturbations sudorales ou vaso-motrices

sont également signalées. Au début, l'affection commence par une étroite

PRATIQUE NEOROL, 59

.. [F. MOBTIER.]

Fig, '15. - Scoliose dans la

syringomyélie (d'après Ilal-

lion).

Fig. 14. Paralysie infantile

avec atrophie considérable

de tout le membre supé-

rieur droit. -

! )0 ' 1

TROUBLES TROPHIQUES.

aire d'atrophie cutaneo-osseusc, cantonnée généralement au niveau d'un

trou d'émergence du trijumeau, le sous-orbitaire souvent. L'effet rie

l'affection dnment caractérisée est

saisissant : la face semble formée

de deux moitiés qui ne se raccor-

dent pas. L'étiologie de cette singu-

lière dyslrophic est des plus discu-

tables ; signalons brièvement parmi

les facteurs incriminés ou les illala-

dies coïncidentes, les traumatismes

crâniens, les lésions du sympathique

ou du trijumeau, diverses maladies

infectieuses. le tabès, la syringomyé-

1 ic, les tumeurs b ulbo- proLuhérnn-

ticlles. -

En dehors de l'atrophie osseuse

massive, les affections du système

nerveux peuvent déterminer de la

raréfaction des os. Cette ostéoporose

se révélera non plus par un chan

gcmcnt de volume du membre, mais

par une fragilité particulière, souvent -imprévue, du squelette. Des frac-

tures spontanées mettront en évidence cette fragilité. Les os se brisent

pour les mouvements les plus insignifiants : il en est ainsi dans la para-

lysie et l'hémiplégie infantiles, plus rarement dans l'hémiplégie de

l'adulte et chez certains aliénés. Ces fractures spontanées sont fré-

quentes, surtout dans le tabès et la syringomyélie. Elles sont indolores,

guérissent spontanément, niais de façon vicieuse en général. Le membre

fracturé présente toujours un empâtement énorme à la hauteur de la

lésion. S'agit-il vraiment d'une trophonévrose vraie dans la fragilité

osseuse idiopathique, dans t'osteopsathyrosis de Lobstein ? La parenté de

celle singulière affection avec la dysplasie périostale de Durante permet

d'en douter. Nous ne saurions aborder ici cette question théorique.

Articulations. Les seules arthropathies nerveuses vraiment

importantes par leur fréquence et par leur valeur séméiologique sont les

arthropathies du tabès et de la syringomyélie. Nous n'insislerons donc ni

sur les fausses arthropathies hystériques, ni sur les fluxions oedémaleuses

paroxystiques fort rares que l'on désigne sous le nom de /¡ ! Jd7'O]JS ai'li-

culorum inlermitlens. De même, les arthrites des hémiplégiques nous

arrêteront peu de temps : il en est de deux ordres, les unes sont des

arthrites infectieuses banales, à marche aiguë, aux suites redoutables;

les autres ont un début subaigu, mais aboutissent assez rapidement il

l'ankylose. Dans la lèpre, on observe moins une arthropattne qu'une

suppression pure et simple de l'articulation par résorption des tètes

osseuses. : Fig. IG - Iléinialropliie faciale

. cas de Romberg ; (d'après Brissaud).

TROUBLES TROPHIQUES.

951

En réalité, en présence d'une arthropathie du type neurotrophique,

caractérisée par ses dimensions souvent énormes, l'étendue des destruc-

tions osseuses, l'indolence, il. convient, nous le répétons, d'orienter son

diagnostic vers le tabès ou vers la syringomyélie. On a signalé des lésions

analogues dans la

paralysie générale ;

mais les faits de cet

ordre demeurent

encore de la plus

grande rareté.

Dans le tabes

comme dans la sy-

ringomyélie, le dé-

but, le plus sou-

vent brusque, ne

s'accompagne pas

de fièvre. Il sur-

vient en général un

gonflement énor-

me, mais l'indo-

lence est absolue.

L'articulation est

excessivement dé-

formée, avec un

empâtement diffus

qui s'étend souvent

à une très grande

distance de l'arti-

culation. En d'au-

tres cas, l'épanche-

ment articulaire

fait défaut, l'arti-

culation est alors

littéralement effon-

Orée. A la période d'état, au-dessous d'un tégument normal ou ne présen-

tant que d'insignifiantes altérations, crépitent des surfaces osseuses dont

tous les rapports normaux ont disparu. Le membre peut être déplacé

dans tous les sens sans effort, la laxité ligamentaire s'ajoutant à l'effon-

drement des cavités articulaires et à la destruction des plateaux et des

condyles osseux.- Finalement se prononcent des désordres énormes,

luxations, fractures, ossification des franges articulaires avec production

de corps étrangers intra-articulaires pédiculés ou libres. 11 se forme

ainsi d'énormes poches ou s'entrechoquent des moignons osseux.

L'évolution de ces lésions est- essentiellement chronique;. il se produit

de temps à autre de nouvelles poussées d'hydarthrose. Certaines compli-

\

[F. MOUTIER.]

Fig. 17. Double arthropathie tabétique du.genou

(cas de Glorieux et Van Gehuchten).

95 2 TROUBLES TROPHIQUES.

cations sont fré-

quentes, ce sont

les luxations et

les pseudarthro-

ses ; d'aulres sont

exceptionnelles,

telles la perfora-

tion, l'ankylose, la

suppuration ou la

tuberculisation se-

condaire. Après

ouverture de ces

poches articulai-

res, s'installe un

suintement abon-

dant, glaireux et

souvent sanguino-

lent, sans tendance

il la guérison. On

peut voir cepen-

dant le liquide se

résorber.

Nous avons dit

que les symptômes

des arthropathies

étaient les mêmes

dans le tabès et dans la syringomyélie; le syndrome spécial a chacune de

ces deux alléchons facilitera le

diagnostic. Remarquons d'ail-

leurs que, par ordre d'élection,

la syringomyélie frappe sur-

tout l'épaule, le coude, le poi-

gnet, la hanche, cependant que

le tabes atteint le genou, la

hanche, l'épaule et l'articula-

tion tibio-tarsienne. Rappelons

également qu'il y a deux types

d'arthropathies, l'une atrophi-

que à la hanche et à l'épaule,

l'autre hypertrophique, au ge-

nou et au coude.

Muscles et tendons, -

Nous n'insisterons pas sur les

myopathies et les amyolro-

vhies étudiées en d'autres par-

Fig. 18. Arthropathies tabétiques des deux épaules

(cas de Souques et J. B. Clarcotl.

Fig. 1'.). - Arlliropalhie tabétique du pied gauche.

TROUBLES TROPHIQUES. 955

ties de ce traité; rappelons seulement la lipomatose qui masque parfois

l'atrophie musculaire, et les déformations rachidiennes, les scolioses,

liées à l'atrophie des muscles des gouttières vertébrales.

Les affections des tendons n'ont pas grande individualité; les rétrac-

tions fibro-tendineuses sont de règle dans les poliomyélites et dans les

polynévrites. Signalons seulement la rétraction fibre-tendineuse palmaire,

d'origine syringomyélique, simulant la maladie de Dupuytren.-On ren-

contre parfois des ruptures tendineuses chez les tabétiques.

Organes des sens. Les yeux seuls sont atteints de troubles

intéressants. Mentionnons l'ophtalmie sympathique, les ulcérations de la

cornée dans le zona ophtalmique, la kératite neuro-paralytique dans les

affections du trijumeau. Notons à ce propos qu'une tumeur irritant la

VC paire donnera d'abord du zona puis une kératite neuro-paralytique (De

Lapersonne et Cantounet).

[F MOUTIER.]

HYPERTHERMIE, HYPOTHERMIE

TROUBLES CIRCULATOIRES & RESPIRATOIRES

par le D' CROUZON

HYPERTHERMIE.

Les modifications de la température peuvent se manifester par la fièvre

ou hypelth('1'111 il' : elles peuvent consister, d'autre part, dans l'hypo-

thermie. Nous commencerons tout d'abord par l'élude de la lièvre.

La fièvre est caractérisée par une perturbai ion de l'appareil régulateur

thermique et une exagération des processus proléolyliques qui se traduit

par l'élévation de la température.

Nous ne nous attacherons pas à rechercher la nature de la fièvre, c'est

là une question de pathologie générale encore obscure; dans cet exposé

pratique nous chercherons tout d'abord à analyser rapidement les phé-

nomènes satellites de la lièvre et à rechercher, d'autre part, les maladies

nerveuses au cours desquelles peut se, trouver l'élévation de la tempe-

rature.

Description de la fièvre et de ses symptômes satellites.- La fièvre

est caractérisée par une élévation de la température au-dessus de 58° :

en effet, chez l'homme normal, la température peut osciller entre 3Go et

58°, c'est-à-dire sur une échelle de 20 sans qu'on puisse dire qu'il y ail

fièvre. La température varie, d'autre part, de 1° environ entre le matin

et le soir; c'est ainsi que la température est de 5C ? à 4 heures du

matin, de 7)1", il à 5 heures du soir : dans la lièvre on trouvera des écarts

bien plus considérables, de 4 il 5".

La fièvre peut se manifester suivant divers types : la fièvre intermit-

tente est caractérisée par un accès débutant par un frisson, se continuant

par un stade de chaleur et se terminant par un stade de sueur.

On peut, d'autre part, observer des fièvres continues qui persistent à

un degré minimum pendant assez longtemps. On peut enfin distinguer

des fièvres éphémères de courte durée, de 'i't heures il deux jours.

II existe également des fièvres atypiques irrégulières. On peut encore

distinguer les fièvres d'après leur élévation de température : fièvres

légères a 58 et quelques degrés; lièvres modérées a 59"; lièvres fortes

a `0°; au clelit clc 10" la (ü'vre cst clitc lmlmrlln'rmiclac.

Phénomènes satellites de la fièvre. La fièvre s'accompagne d'un

certain nombre de phénomènes chimiques qui consistent dans la destruc-

tion des albuminoïdes : ce sont des phénomènes intimes qui ne doivent

pas nous arrêter.

HYPERTHERMIE. U55

D'autre part, il existe une série de, troubles fonctionnels qui sont plus

évidents cliniquement, ce sont, d'une part, les modifications du rythme

respiratoire, la polypnéc, rythme respiratoire d'une rapidité extrême,

ou une dyspnée simple, qui est l'accélération de la respiration.

Le pouls suit en général une marche parallèle à la température : cepen-

dant cette loi n'est pas absolue, il y a souvent dissociation entre la

courbe thermique et cardiaque. Dans la méningite, dans les lésions

bulbaires, dans la fièvre typhoïde on peut observer cette fièvre dissociée ;

dans la méningite, c'est une action localisée sur le système nerveux cen-

tral qui explique cette dissociation; dans les lésions bulbaires, c'est

l'inhibition des noyaux pneumogastriques qui permet d'expliquer cet état

stationnaire du pouls. La fièvre s'accompagne de troubles circulatoires,

de dicrotisme du pouls, puis de souffles cardiaques et de troubles vaso-

moteurs.

La tension artérielle semble a priori abaissée puisqu'il y a accélération

du pouls, cependant les résultats trouvés par les auteurs sont tout à l'ait

contradictoires. Les urines sont modifiées, il y a diminution de leur

quantité et modification dans l'élimination des éléments anormaux de

l'urine sans que nous puissions nous arrêter ici sur ce phénomène.

De même, il y a retentissement sur les autres organes, sur l'appareil

digestif. Enfin, l'évolution de la fièvre est souvent modifiée par l'appari-

tion des sueurs qui annoncent la défervescence, d'où le nom de sueurs

critiques.

Causes de la fièvre. Nous éliminerons ici les causes microbiennes

pour nous arrêter exclusivement, au rôle du système nerveux dans la

production de la fièvre; nous envisagerons ce rôle du système nerveux

tout d'abord à un point de vue, et nous verrons ensuite quelles sont les

maladies nerveuses dans lesquelles on peut rencontrer l'hyperthermie.

Tout d'abord, la fièvre peut cire produite par l'intervention du système

nerveux, même lorsqu'il y a un agent microbien ou une intoxication de

l'organisme. Les expériences de nombreux auteurs ont démontré cette

influence : c'est ainsi que Bruck et Gùnther ont produit une élévation de

température par des piqûres répétées de la région protubérantielle chez

le lapin. Wood a répété ces expériences sur des chiens et a admis l'hypo-

thèse que cette lésion provoquait la destruction d'un centre modérateur

de la lièvre : la destruction de ce centre modérateur est cependant une

hypothèse qui n'est pas admise par tout le monde ; bon nombre d'auteurs

pensent que l'hyperthermie peut être due il une lésion centrale soit

de l'écorce cérébrale (Ch. Bichet) soit d'une zone située entre le corps

strié et la couche optique (Aronsohn et.Sachs).soit du corps strié (Savado-

rowski et Haie, White, Ch. Richet). il est possible qu'il existe plusieurs

centres dont la résultante produit la régulation thermique et que le défaut

de parallélisme entre les centres thermogéniques et les centres ther-

nlolpticlnes ait pour résultat la production de la lièvre.

Fièvre dans les maladies nerveuses. - L'élévation de la température

[O. r.aonzoN.7

956 HYPERTHERMIE.

a été constatée dans un certain nombre de maladies nerveuses ; elle peut

être dans certains cas une complication infectieuse de ces maladies ner-

veuses, telle la fièvre urinaire dans le cas d'infections vésicales, mais il

est des cas où la fièvre est due probablement à une altération ou à une

lésion du système nerveux.

Dans ces maladies organiques du système nerveux, la fièvre peut

être due à un état inflammatoire : le type de cette fièvre est la fièvre de

la méningite. Dans les méningites cérébrales aiguës, la fièvre débute par

un grand frisson, persiste ensuite jusqu'à la mort avec des rémissions

matinales; elle peut s'élever encore vers la fin de la maladie et persister

encore pendant l'agonie et après la mort.

La fièvre s'observe dans la méningite tuberculeuse à la période du

début, et la température est généralement modérée, dépassant exception-

nellement 7>00,5, elle est rémittente à exaspérations vespérales, elle

s'abaisse progressivement et redevient presque normale vers la fin de la

maladie pour se relever ensuite aux approches de la mort et atteindre

pendant l'agonie 40° et plus. Le pouls, comme nous l'avons dit, ne sui

pas toujours la température, il y a alors dissociation des deux grands

signes de la fièvre : température et pouls, c'est la fièvre dissociée; vers

la fin de la maladie, le pouls s'accélère d'une façon considérable.

Dans la méningite cérébro-spinale épidémique, la fièvre est presque

constante, elle atteint rapidement 40°, elle a une évolution irrégulière, el

vers la fin de la maladie elle se termine par une chute graduelle :

courbe thermique n'a rien de caractéristique.

La fièvre peut s'observer encore dans d'autres affections organiques

telle est la température de 1'(pil(,I)sie.

Dans la première heure de Y hémorragie cérébrale, la température

centrale est abaissée en dépit de la fréquence du pouls et de la chaleur

de la peau ; au bout de 24 heures, la température est redevenue normale

ou même a atteint 58", c'est-à-dire qu'il y a élévation de la température,

qui se maintient pendant plusieurs jours, la température redescend alors

au chiffre normal ou bien s'élève encore. L'élévation de la température

dans ce cas a un pronostic extrêmement grave, elle indique une lésion

cérébrale, elle s'accompagne le plus souvent d'albuminurie et de décu-

bitus acutus ; cet ensemble de trois symptômes entraîne un pronostic

fatal. La température locale dans l'hémorragie cérébrale est toujours

plus élevée du côté paralysé, il y a entre les deux membres une diffé-

rence d'un demi-degré ou de 2(5 de degrés.

La température peut s'élever encore dans un certain nombre de mala-

dies : la paralysie bulbaire progressive, quand elle atteint le centre

thermique, peut provoquer l'hyperthermie, de même la paralysie bul-

baire asthénique est quelquefois caractérisée par une légère élévation

de la température.

Enfin, les élévations de température se voient encore au début de la

paralysie infantile, dans certaines myélites aiguës. Elles se voient encore

HYPOTHERMIE. 957 7

au moment des attaques congestives de la sclérose en plaques et de la

paralysie générale. -

Dans les névrites, la température peut être augmentée localement ;

dans la sciatique, la température du membre malade peut être abaissée

de Fou 2".

Klippel et Weill ont observé l'hypertherinie locale dans un cas de mala-

die osseuse de Pagel unilatérale.

La fièvre l'ait partie du cortège symptomatique. dans l'état de mal cho-

réique ou dans une complication associée à la chorée, particulièrement de

la chorée grave; dans ces cas, nous avons vu que l'apparition de la

température pouvait avoir une inlluence sur la cessation des mouvements.

Dans la maladie de Basedow il y a quelquefois de petites poussées

thermiques à de certains moments de la journée ; elles durent peu de

temps, mais cependant un certain nombre d'auteurs pensent qu'il ne

s'agit pas de fièvre véritable, mais bien plus souvent de bouffées de cha-

leur, de malaises, de fréquence du pouls sans élévation de la température.

Dans le ramollissement cérébral il n'y a pas d'abaissement initial de

la température comme dans l'hémorragie; celle-ci s'élève brusquement

à 40 degrés pour revenir ensuite à son degré normal.

Dans Y épilepsie, quand les accès se succèdent coup sur coup, il y a

constitution alors de l'état de mal opileptique, et un des signes capitaux

de cet état est l'élévation de la température; cette température reste

élevée jusqu'il la mort et monte même encore après la terminaison fatale.

Cet état de mal épiloptique, même quand il se rencontre dans la paralysie

générale ou dans l'élrilcpsie jacl : .onnienne, s'accompagne aussi d'éléva-

tion de la température. Au contraire, s'il y a épilepsie urémique, il y a

toujours abaissement de la température ou température normale (Rour-

neville), et l'existence de la fièvre au cours de l'épilepsic urémique

indique toujours qu'il s'agit d'une urémie associée il une grippe, à un

état infectieux, à une lésion cérébrale (Giraudeau, Crouron).

HYPOTHERMIE

L'hypothermie ou abaissement de la température est plus rare que

i hyperthermie, elle a été constatée dans certains cas : dans l'encéphalite

chronique de l'enfance en particulier; dans deux observations de diplé-

gie d'origine cérébelleuse (Boul'l1evillc et Crouzon). On l'a observée

encore dans les lésions bulbaires, en particulier dans la paraplégie bul-

U'6 ? 0<y ? Y'.S'S'6'.

Marie et Cuillain l'ont constatée dans le tabes. Enfin, comme nous

l'avons vu, l'hypothermie peut se rencontrer dans la troisième période

de la méningite tuberculeuse.

Marchand et Olivier ont constaté l'hyperthermie dans le cours de para-

lysie générale et dans la démence progressive. Jules Voisin, Roger Voisin

et ! {euh l'ont observée dans la paralysie générale infantile.

[O. CROUZON.]

958 TROUBLES SUDORAUX. -

La fièvre hystérique, sur laquelle un grand nombre de mémoires ont

été écrits, a été affirmée par Briquet et un grand nombre d'auteurs à sa

suite. D'après les classiques elle s'observe à la suite d'une émotion, elle

est polymorphe, quelquefois rémittente, quelquefois continue, quelque-

fois intermittente. Sa durée varie de quelques jours il plusieurs mois,

son intensité est variable, et les signes généraux manquent ou sont peu

proportionnés au degré de la fièvre. Il convient de faire à propos de cette

fièvre hystérique les mêmes remarques qu'il propos de tous les prétendus

accidents viscéraux et trophiques de l'hystérie ; il faut se méfier de la

tuberculose, d'une affection méconnue ou de la simulation si fréquente

chez les hystériques.

Babinski pense qu'il convient toujours de rechercher une infection

latente et qu'il faut souvent admettre l'existence de fièvre chez une hysté-

rique et non pas une fièvre hystérique. C'est là une opinion généralement

admise aujourd hui, et il n a plus lieu d'admettre l'existence de cette

lièvre hystérique. TROUBLES SUDORAUX f ÊÊ

TROUBLES SUDORAUX V

La sécrétion sudorale est souvent influencée par les maladies ner-

veuses. On ne connaît pas l'existence des centres sudoraux, il n'en est

pas moins vrai que le cerveau exerce une action, sur la sudoration. La

sueur peut être exagérée, elle peut être au contraire diminuée ou sup-

primée. La suppression de la sueur s'appelle anhidrose. L'anidtose est

due le plus souvent il des troubles nerveux locaux, elle s'observe au

cours de sections nerveuses dans des cas de névrites périphériques ou

dans l'llémiatrophie de la face. z

Il existe des troubles assez caractéristiques de la réaction sudorale

dans la paralysie faciale : c'est la réaction la pilocarpine. Straus, en

comparant la sudation provoquée par une injection de pilocarpine dans

un cas de paralysie faciale périphérique, a constaté un retard de la suda-

tion du côté paralysé. Ce phénomène ne s'observe que dans les cas graves.

L'exagération de la sueur s'observe dans un plus grand nombre de

cas ; cette exagération s'appelle 1li ! lpe ? i(liose.

L' ltyper'Ùl1'ose est assez fréquente dans un certain nombre de névro-

ses (Massin et de Alheriis) ; elle peut être héréditaire, elle se voit chez

les neurasthéniques. On l'observe enfin dans la maladie de 13asednte :

elle se montre par paroxysmes de bouffées de chaleur au niveau de la

tête, du tronc, de tout le corps, et l'on voit apparaître des sueurs prof'uses

accompagnées de sensations de chaleur intolérables. Cette apparition de

sueurs profuses est liée à l'existence de ces crises thermiques que nous

avons décrites.

On voit également des sueurs abondantes dans la syringomyélie ; on

voit enfin les sueurs constituer une partie du syndrome bulbaire; ces

sueurs profuses s'observent au même titre que les salivations exagérées.

TROUBLES DE LA PRESSION ARTÉRIELLE. 959

L'hyperidrose a été signalée dans la démence précoce (An (heaume et

Roger Mignot Congrès de Genève, 1907).

Les sueurs localisées se rencontrent dans les altérations périphériques,

dans les névrites périphériques assez souvent.

Enfin, nous mentionnerons simplement pour mémoire les autres trou-

bles sudoraux ; les sueurs colorées, chromidrose, et hématidrose qui

sont quelquefois associées à des affections nerveuses.

TROUBLES DE LA PRESSION ARTÉRIELLE

La pression artérielle peut être troublée dans quelquos maladies ner-

veuses. La technique pour rechercher la pression artérielle est la sui-

vante : l'appareil le plus courant est celui de Potain qui s'applique à

l'artère radiale ; le manomètre doit être amorcé à une pression intérieure

de 5 centimètres de mercure par exemple, le malade est placé l'avant-

bras étendu reposant sur un plan résistant; on saisit alors l'ampoule qui

est en rapport avec le manomètre, on l'applique par sa partie mince

sur le trajet de l'artère radiale, on applique un doigt de la main gauche,

au niveau du poignet pour éviter la récurrence de l'arcade palmaire et

l'index de la main gauche explore l'artère radiale au-dessous de l'am-

poule. On comprime alors l'ampoule avec les doigts de la main droite

jusqu'à ce que les battements de l'artère radiale cessent d'être perçus

par l'index de la main droite : on lit alors l'indication donnée par le

manomètre, et le chiffre indiqué correspond à la pression artérielle.

La pression artérielle mesurée avec cet appareil est, pour l'âge moyen

de 23 à 40 ans, de 18 à 19 centimètres de mercure. Il existe des varia-

tions nombreuses physiologiques dues à l'attitude du sujet, à l'émotion,

il l'exercice, à la digestion, à la température. Il faut se placer autant que

possible dans des conditions toujours semblables pour éviter ces varia-

tions. Et l'on pourra alors constater des troubles qui seront des troubles

d'hypertension ou des troubles d'hypotension.

Toutefois, pour avoir des mesures plus précises, il conviendra de

recourir à d'autres appareils : le sphygmosignal de Vaquez, l'oscillo-

nrètrc sphygmométrique de Pachon, l'appareil d'Amblard, etc.

Hypertension. L'hypertension ne s'observe guère dans les maladies

nerveuses; cependant il peut être un symptôme prémonitoire de l'hémor-

ragie cérébrale, de Y éclaihpsie puerpérale (Chirié, Thèse deParis 1907),

mais dans ces cas, elle n'est pas un symptôme de la maladie nerveuse,

mais plutôt de la maladie qui en est une des causes efficientes, nous

voulons parler de la néphrite interstitielle ou de l'athérome. L'hyperten-

sion est produite par l'opothérapic hypophysaire (Caselli, Paulesco, Gar-

nier el Thaon, Parisot).

L'hypertension a été constatée dans le tabès, mais il semble qu'elle soit

en rapport avec des lésions concomitantes des surrénales (Schmiegerld).

L'hypotension artérielle peut être au contraire observée dans la mala-

(O. CROUZON.]

940 'l'ItOLt3LI;S ItGSI'IRATOIRL,S.

die de Parkinson, d'après Sicard et Cuillain, sauf dans les cas où il existe

des lésions cardio-renates pouvant entraîner de l'hypertension. Quelque-

fois on a rencontré aussi rabaissement de la tension artérielle dans la

neurasthénie.

TROUBLES RESPIRATOIRES

Si l'on excepte les troubles laryngées, les troubles respiratoires sont

peu fréquents dans les maladies nerveuses. Comme l'étude des troubles

du larynx en est faite dans un autre chapitre, nous nous limiterons a

l'étude des troubles respiratoires proprement dits.

Rares sont les modifications de la respiration qui produisent la toux.

L'hystérie entraînerait ce phénomène. D'autre part, les hémoptysies hysté-

riques sont niées, on a pu observer dans certains cas des hémoptysies au

cours du tabès liées à des crises thoraciques. Les troubles les plus fré-

quents sont ceux du rythme respiratoire. Ce rythme respiratoire pourra

être troublé suivant la forme d'une polypnée ou accélération extrême de

la respiration qui dépasse alors les chiffres normaux; ces chiffres sont de

16 à 18 par minute chez l'adulte; 40 à 44 chez le nouveau-né; 28 à

36 jusqu'à '2 ou 5 ans; 24 jusqu'à 4 ans.

L'oalltopatc·c est une dyspnée avec angoisse qui oblige le malade il

rester assis ou debout.

La dyspnée expiratoire caractérise l'asthme vrai avec les asthmes

symptomatiques.

Enfin la dyspnée inspiratoire occupe le premier rang dans la respira-

tion, elle s'accompagne de bruits, quelquefois de ralentissement de la

respiration. Quelquefois les troubles respiratoires se manifestent par la

suspension momentanée de la respiration ou par le rythme de Che ! flle-

Stokes. Cette respiration est caractérisée par une pause respiratoire de

50 à 60 secondes, puis par une réapparition progressive et une accéléra-

tion progressive de la respiration qui, après un maximum, diminue pro-

gressivetncnt d'intensité pour revenir à l'apnée.

Toutes ces modifications de la respiration peuvent s'observer dans les

affections diverses du système nerveux, nous allons les passer en revue.

Ce sont avant tout les troubles bulbaires ; dans tous les syndromes bul-

baires : tumeurs du bulbe, paralysie bulbaire progressive, la dyspnée

peut être un symptôme.

Dans les traumatisme de l'encéphale, on peut observer au contraire

la diminution de la respiration. Dans le tabes on a pu observer terate ! )-

tissement extrême delà respiration (1 ? cr). Enfin, la dyspnée peut faire

partie des symptômes de la compression de la moelle dans les segments

supérieurs où la pneumogastrique et le phréniquo sont atteints.

Dans les méningites, le syndrome de Choyne-Stokes s'observe fréquem-

ment, c'est avec l'urémie la cause la plus fréquente de ces troubles res-

lriradirns. Dans les tumeurs du cervelet on observe également ce rythme

TACHYCARDIE. 941 t

respiratoire, de même que dans l'athérome du tronc basilaire ou dans

l'hémorragie cérébrale.

Dans l'ictns cérébelleux, l'apnée peut être un symptôme essentiel;

enfin la dyspnée peut s'obscrver dans les névrites, dans les paralysies

diphtériques.

Les (roubles respiratoires peuvent s'observer enfin dans les névroses,

dans la maladie de Basedow et enfin dans l'hystérie sous forme d'or-

thopnéc on de polypnée : mais dans ces cas, la dyspnée se produit sans

cyanose et disparait pendant le sommeil.

TACHYCARDIE

On appelle tachycardie l'accélération des battements du coeur. Il faut

cependant entendre par tachycardie l'accélération des battements du coeur

qui se produit sans élévation de température.

On dit qu'il y a accélération des battements du coeur toutes les fois

que le pouls battra chez l'adulte plus de 80 fois par minute, chez l'en-

fant plus de cent fois. On sait en effet que, chez le foetus, le pouls est

de 150 à 140 pulsations par minute et que les battements du coeur se

rapprochent constituant le rythme embryocardique. Quand il y a accéléra-

tion considérable de ces battements avec disparition des silences, le

rythme ernbr-ocardiaclue se rencontre également chez l'adulte.

Le pouls subit en général l'influence de cette accélération ; il est mou

et sa tension est diminuée suivant la loi de Marey : l'excès des battements

du coeur entraîne la diminution de la pression artérielle.

Cette tachycardie s'accompagne dans certains cas du reste de suffoca-

tions, d'angine de poitrine.

La tachycardie s'accompagne souvent de tremblement à tel point même

que l'on peut, suivant Pierre Marie, distinguer les tremblements en deux

groupes, ceux qui s'accompagnent de tachycardie et ceux qui ne s'accom-

pagnent pas de tachycardie.

Cette tachycardie ne doit pas être confondue avec le dicrotisme du

pouls qui est le dédoublement des pulsations; elle ne doit pas être con-

fondue avec l'arythmie qui ne s'observe guère que dans la méningite.

La tachycardie ne doit pas être confondue avec l'accélération simple

physiologique qui suit la digestion et qui s'observe quelquefois au cours

de la grossesse.

Ce symptôme tachycardie étant constaté, il faudra le rapporter à sa cause.

Il faut cependant éliminer les tachycardies qui proviennent de lésions

du muscle cardiaque : telles sont les tachycardies de la fièvre typhoïde

ou du rhumatisme.

On sait qu a l'état normal, le coeur est innervé par le sympathique

ou nerf accélérateur du coeur qui se confond en un plexus cardiaque

épanoui en avant, au-dessus et en arrière du coeur. D'autre part, le

nerf sympathique et le nerf pneumogastrique ont leur centre au niveau

[0. CROUZON.]

943 ) BRADYCARDIE.

du bulbe du 4" ventricule. On conçoit donc que les lésions du bulbe,

les lésions du sympathique ou les lésions du pneumogastrique puissent

entraîner ce trouble de la circulation.

Dans la tuberculose la tachycardie se voit soit dans la période du

début où la névrite est due à l'imprégnation des toxines, soit dans la

tuberculose avérée où la névrite peut encore être due à l'intoxication,

où elle peut être due à la compression par un ganglion tuberculeux.

La névrite du pneumogastrique peut s'observer dans l'alcoolisme;

c'est une des localisations des paralysies alcooliques au cours de la gros-

sesse (Dufour et Cottenot, Revue Neurologique, 1909).

A côté de ces tachycardies il peut exister des tachycardies réflexes au

cours des affections abdominales par irritation du sympathique abdo-

minal.

Enfin, il existe un certain nombre de tachycardies d'origine centrale :

telles sont celles qui sont dues à des lésions du noyau bulbaire, celle du

tabès, celle des hémorragies et des ramollissements bulbaires; celle de

la paralysie labio-glosso-Iaryngée, celle de la sclérose en plaques.

Il existe enfin des tachycardies de la maladie de Basedow et de la tachy-

cardie essentielle paroxystique,

La tachycardie de la maladie de Basedow s'observe dans toutes les

variétés de cette maladie, aussi bien dans la forme fruste que dans la

forme complète. Elle est, suivant Brissaud, le symptôme fondamental de

la maladie et son évolution persiste tant que persiste l'affection, elle s'ac-

compagne du tremblement auquel elle est associée suivant certains auteurs.

La maladie de Basedow peut être fruste ; il convient alors de rechercher

les grands et les petits signes de l'hyperthyroïdie (Crespin).

La tachycardie essentielle paroxystique s'observe chez les sujets

jeunes : c'est une crise d'accélération des battements du coeur qui s'ac-

compagne d'un certain nombre de phénomènes : pâleur de la face,

vertiges, oligurie, qui dure quelquefois plusieurs heures ou plusieurs

jours, qui se termine par la polyurie, mais qui peut cependant évoluer

vers l'asystolie, et par conséquent être d'un pronostic grave; elle peut

dépendre des symptômes basedowiens (Crespin) ondes troubles digestifs,

de gastro-entéroptose (Reynaud). -

BRADYCARDIE

Le pouls, au lieu d'être accéléré, peut, dans certains cas, être ralenti :

c'est le pouls lent permanent ou le pouls lent temporaire. Le pouls lent

temporaire peut être vu dans la méningite, dans l'hémorragie cérébrale,

dans les crises gastriques du tabès, dans les traumatismes du crâne et

dans les contusions abdominales.

Le pouls lent permanent, au contraire, en dehors des cas où il est dit à

une lésion cardiaque, peut s'observer dans les lésions bulbaires primi-

tives ou secondaires (tabès, sclérose en plaques, etc.).

TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE

Par le D E DESNOS

TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ

NÉVRALGIES RÉNALES

Sous ce nom, on désigne une douleur plus ou moins fixe ayant le rein

pour siège, avec irradiations sur le trajet de l'allllareil nrinaire, et indé-

pendante de toute altération de structure, de fonctionnement, ou de fixa-

tion de l'organe.

Le diagnostic en est difficile, car il n'est pas toujours possible de

découvrir une lésion telle qu'un calcul, un foyer de tuberculose, une

coud me légère de l'uretère, mais les opérations rénales, nombreuses

aujourd but, qui ont fait constater l'absence de lésions ne permettent pas

de mettre les névralgies rénales en doute.

Étiologie. - Les névralgies rénales sont idiopathiques ou sympto-

maliques.

a) Idiopathiques. Les causes en sont vagues ; rares chez l'homme,

elles se voient surtout chez la femme de 20 à 50 ans; la menstruation,

la grossesse, ont été invoquées ainsi que le paludisme, la goutte et le

rhumatisme : l'hystérie semble agir plus réellement. Enfin un trauma-

tisme peut en être l'origine.

h) Symptomatiques. Le point de départ des névralgies rénales

réside parfois dans les organes voisins : tels sont les calculs biliaires,

les lésions de la colonne vertébrale, etc.

Plus fréquentes sont les causes relevant de l'appareil urinaire lui-

même; exceptionnellement un calcul vésical peut donner des sensations

rénales, ainsi que les affections de la prostate, un cancer par 'exemple. Le

réflexe réno-réual (Guyon) se rencontre ici fréquemment, et une lésion

d'un rein se traduit souvent par une douleur névralgique du congénère,

fait des plus importants pour le diagnostic qui oblige, à multiplier les

investigations et à ne négliger aucun moyen d'exploration. Certains trou-

bles de l'urine, tels que l'waltlric, la phosphalurie sont des causes fré-

quentes et certaines de névralgie, de même que les petites concrétions,

surtout dans le rein goutteux.

Presque toutes les affections douloureuses de la moelle peuvent déter-

miner des névralgies rénales, mais celles-ci prennent un caractère parti-

[E. DESNOS.]

9U TROUBLES DE L'APPAREIL URI : \'AIRE.

culier dans le tabès, où elles se produisent par crises plus ou moins pro-

longées, irradiant vers l'aine correspondante, cessant et se reproduisant

comme les autres névralgies tabétiques.

Enfin on retrouve chez presque tous les sujets une prédisposition, une

susceptibilité nerveuse. Tous les sujets ne sont pas entachés de névro-

pathie, encore moins d'hystérie caractérisée, mais on retrouve chez eux

des traces de ces affections.

Symptômes. Le début est variable. Ordinairement brusque, soit

spontanée, soit provoquée par une cause légère, un petit traumatisme

par exemple, la douleur se manifeste par des crises qui simulent la

colique néphrétique (Legueu), part de l'hypochondre et se dirige vers

l'ombilic, laine, ou l'autre rein; le testicule est rétracté, souvent dou-

loureux lui-même a la pression. Les vomissements sont à peu près cons-

tants. Toujours diminuée, la sécrétion urinaire est même souvent sup-

primée pendant quelques instants au début des crises qui durent de une

à plusieurs heures.

La fréquence et la nature de ces crises échappent à toute règle; le

mouvement et l'exercice exercent quelque influence dans un certain

nombre de cas. Mais il est rare que la douleur cesse complètement dans

l'intervalle des crises; un endolorissement, une courbature persistent

ordinairement. L'exploration reste négative, le palper bimanuel ne fait

constater ni mobilité, ni augmentation de volume, mais la pression

révèle une certaine douleur sur le trajet de l'uretère.

Pendant la crise l'urine diminue de quantité, quelquefois une polyurie

abondante survient après. On doit tenir pour suspect les cas où l'on

découvre de l'albumine et surtout du pus, car une lésion rénale doit être

soupçonnée. Il en est de même de l'hématurie, qui est signalée dans la

moitié des cas; toutefois, il semble bien que celle-ci puisse se montrer

dans des cas de névralgie, vraie, par congestion intense de l'organe.

Le tableau clinique n'est pas toujours aussi sombre, et on voit des

névralgies légères, bénignes qui disparaissent vite; ailleurs elles résis-

tent à tous les traitements et conservent une grande intensité.

Parfois, le diagnostic est entouré de grandes difficultés; on se basera

surtout sur l'ensemble des symptômes propres aux lésions rénales, sus-

ceptible de déterminer de la douleur et que nous ne pouvons passer en

revue à cette place.

C'est avec la lithiase rénale que la confusion se fait surtout; rappelons

que dans ces cas la douleur, comme l'hématurie, est provoquée par le

mouvement et cesse pendant le repos.

Enfin et surtout, on insistera sur les moyens d'exploration directe : la

radiographie ne donne pas toujours une certitude car les petits calculs,

qui peuvent échapper à cette investigation, sont quelquefois l'occasion de

douleurs atroces ; la séparation des urines, et surtout le cathétérisme des

uretères ne seront jamais négligés. On arrivera ainsi à retrancher des

névralgies rénales beaucoup d'affections qu'on y rangeait autrefois.

.NÉVRALGIES VFSIC : 11)JS. 915

Traitement. - Il est essentiellement subordonné à la cause : pour

les névralgies symptomatiques, on pourra y ajouter quelques-uns des

moyens- employés contre les névralgies Idiopathiques.

Le sulfate de quinine a donné des résultats dans quelques cas : le bro-

mure, la valériane, réussissent également, mais rantipyrine. le pyra-

inidon et l'aspirine sont de meilleurs calmants. Des injections hypoder-

miques de morphine, d'héroïne ou de dioninc seront pratiquées pendant

les crises. Les révulsifs n'ont guère, d'action; mais des malades se sont

bien trouvés d'une certaine constriction exercée sur la région doulou-

reuse au moyen d'une ceinture élastique ou autre. En tout cas on évitera

l'action du froid.

Si peu rationnelle, qu'elle soit, l'action chirurgical a cependant donné

des améliorations et des guérisons dans presque tous les cas ou elle a été

pratiquée. Aussi, lorsque des névralgies violentes et rebelles ont résisté

à tous les moyens médicaux, on sera autorisé à pratiquer une néphro-

tomie exploratrice. Suivant les circonstances on se bornera à une simple

décapsulation, ou bien on fera une néphrotoinie, avec drainage tempo-

raire. Enfin en présence de névralgies atroces et absolument rebelles, la

néphrectomie est légitime.

, NÉVRALGIES VÉSICALES

NÉVRALGIES VÉSICALES

Sous ce nom on doit comprendre un ensemble syniploniatique carac-

térisé par des douleurs siégeant au niveau de la vessie, indépendantes de

toute inflammation et de toute lésion organique de ses parois et pouvant

mettre en jeu ou altérer ses contractilités. Les douleurs provoquées par

une cystite, un calcul, un néoplasme, la tuberculose, etc.... ne sauraient

donc èlre comprises dans celle classe.

Il semblerait plus simple d'employer le mot cystalgie; mais plusieurs

personnes désignent ainsi à peu près toutes les affections douloureuses

de la vessie; il en résulte une confusion regrettable au point de vue

thérapeutique, le traitement étant différent pour chaque cas; il est fré-

quent en particulier de voir des vessies névralgiques s'infecter par des

manoeuvres intempestives.

Les névralgies vésicules sont idiopatbiques ou symptomatiques.

A) Idiopathiques. Ce sont celles dont la cause n'est, pas définie par

une lésion nettement déterminée et qui tiennent sous leur dépendance

les symptômes vésicaux (Hartmann). Elles deviennent de plus en plus

rares à mesure que les tnoyens de diagnostic se perfectionnent.

On a invoqué les causes les plus diverses : l'hérédité, le rhumatisme,

les névroses, les migraines habituelles, l'alcoolisme, l'arthritisine, la

goutte, la suppression d'un exanthème habituel, la dyspepsie, etc.; loca-

leruent i mcontinence nocturne de l'urine, l'abus du coït, la masturba-

tion, la sperinalorrée. l'irritabilité, la pudeur vésicule, la retenue des

mictions soit habituelle soit accidentelle, la non satisfaction d'un

I'uryri : NEUROL. un

[E DESNOS.]

i)4(i TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE. ' ,

besoin violent ayant été le point, de départ de la névralgie. L'efficacité

de ces causes est foin d'être démontrée; on observe surtout ces névralgies

chez les sujets prédisposés, les névropathes', les hystériques, hommes

surtout, les neurasthéniques.

13) Névralgies symptomatiques. Ce sont des manifestations vési-

cales d'une lésion anatomo-patliologiquc occupant : 1" l'appareil urinaire; : 20 tout autre organe, mais spécialement un organe voisin de l'appareil

urinaire; 5" le système nerveux.

1° Lésions de l'appareil urinaire. Elles peuvent en occuper tous les

organes. -

Pour l'urètre, les lésions bénignes sont plus souvent incriminées que

celles qui comportent une certaine gravité; tandis que les rétrécisse-

ments vrais, serrés ou infectés, y exposent rarement : l'alrésie du méat,

les végétations de celle région, un polype (surtout chez la femme), l'étroi-

tesse du prépuce, congénitale ou acquise et le phimosis, sont des causes

indéniables de névralgies vésicales, car celles-ci ont bien souvent dis-

paru avec la lésion soumise il un traitement approprié. .

Toutes les affections de la prostate peuvent retentir par voie réflexe

sur la vessie, mais la prostatite chronique y prend la plus grande part.

Nous avons indiqué pourquoi les lésions de la vessie elles-mêmes

devaient être séparées des névralgies vésicales; niais on voit souvent une

affection de cet organe laisser à sa place, après sa guérison, un état dou-

loureux qui constitue alors à lui seul toute la maladie ; on les a observés

après la lithotritie, après la guérison d'une cystite, Imite trace d'altéra-

tion- organique ayant disparu.

Ce sont surtout les lésions du rein et de l'uretère qu'il faut dépister.

Parmi elles, trois surtout sont en cause, la mobilité rénale, la lithiase et la

tuberculose. Si le diagnostic de rein fini tant est facile, les deux autres affec-

tions sont parfois d'un diagnostic épineux, surfont la tuberculose urinaire.

On sait que celle-ci commence presque toujours par le rein, très souvent

sans y provoquer des symptômes in situ, mais seulement des symptômes

vésicaux, douleur, gène ou pollakiurie qui eu sont les premiers indices.

2° Lésions des organes voisins. A titre de rareté, on a signalé l'in-

fluence de lésions de l'estomac ou du l'oie, de l'intestin, d'une coxalgie, etc..

sur la vessie, mais les seules affections dont l'action est manifeste et fré-

quente sont celles de l'utérus (fibromes, 1)J(\tTit('s), du vagin (déviations),

de l'anus (fissure, fistule), du rectum et des organes génitaux, les affec-

tions du testicule et plus souvent.. un varicocèle. Remarquons toutefois

que ces réflexes se produisent surtout chez les hystériques ou les prédis-

posés héréditaires.

5° Lésions du système nerveux. Les névralgies vésicales de cet

ordre appartiennent presque exclusivement à l'hystérie et au labes,

quoiqu'on en ait signalé dans la paralysie générale avec des caractères

analogues à ceux des tabétiques. Les crises vésicales peuvent être preta-

]Jéti(lues, et apparaître longtemps avant la maladie confirmée : mais c'cst

NÉVRALGIES VESICALES. - ' 947

à cette dernière période qu'on les observe surtout; elle sont rarement

très prolongées. ' .

Précoces et tenaces dans l'hystérie, elles varient beaucoup dans leur

apparition.

. Symptômes. - Des douleurs et des troubles mictionnels les caracté-

risent : : .

C'est une douleur rétro-pubienne, fixe» continue- ou par accès, irra-

diant le long de la verge,' ou vers la vulve, les aines, le coccyx, le sacrum.

Tantôt spontanée, elle est plus souvent provoquée par les causes occa-

sionnelles les plus variables et les plus opposées, par exemple le repos

prolongé chez les uns, la marche chez les autres, par les températures

élevées ou abaissées ; mais presque constamment par l'état de [réplétion

de la vessie; Une retenue prolongée le provoque; l'effort d'expulsion des'

dernières gouttes y contribue davantage. Ces douleurs procèdent par

crises dont la durée varie de quelques minutes à plusieurs jours : dans

ces derniers cas, elles s'atténuent sans cesser complètement .

Des troubles mictionnels s'y associent presque toujours, souvent

même ouvrent la scène et sont décrits sous le nom à' irritabilité vésicale.

Celle-ci commence par des besoins fréquents, de plus en plus impérieux;

indolores tout d'abord, ils deviennent promptement pénibles, puis dou-

loureux, et peuvent acquérir une intensité extrême, se renouveller 50,

40 fois en 24 heures, parfois toutes les 5 minutes et demeurer incessants.

La douleur est alors constante; elle tient non seulement à la douleur

propre, à la névralgie, mais aux contractions mises en jeu : celles-ci sont

de deux ordres, du corps et du col.

Le professeur Guyon et son école, Hartmann entre autres, ont démontré

que. contrairement à l'opinion anciennement admise, ce sont les conf1oac-

tures du corps qui sont douloureuses : le muscle vésical se contracte sur

lui-même; il en résulte une sorte de crampe dont l'expression est à la

fois la douleur, la fréquence des mictions, l'absence de rétention.

La contracture du col, peu ou pas douloureuse, détermine des troubles

mictiolmels, miction pénible, lente à venir, entrecoupée; le jet est

diminué, au point que l'urine sort goutte' à goutte, ce qui en imposé

pour un rétrécissement. Dans certains cas, cette contraction prématurée

du sphincter amène une rétention incomplète de l'urine.

En général bénignes et d'assez courte durée, les névralgies vésicales

atteignent un degré extrême et prennent des- caractères spéciaux dans lé

labes. Souvent prémonitoires et seul symptôme de la maladie pendant des

mois et des années, elles sont surtout violentes à la période confirmée :

fréquence très grande, irrésistible, faux besoins douloureux, douleurs

post-mictionnelles, parfois si prolongées et si rapprochées qu'elles sem-

blent continues, ou procédant par crises atroces irradiant dans la verge,

les. aines, l'anus et le rectum : elles donnent la sensation d'un corps

étranger offensif de l'urètre ou du rectum. Certaines attitudes les pro-

voquent; d'autres les calment ou les interrompent. '

. [E. DESNOS.]

918 ' TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE.

Que la névralgie soit idiopathique ou symptomatique, la violence, de

ses symptômes contraste avec l'absence presque complète de signes

physiques. Un explorateur parcourt la muqueuse vésicale sans y provo-

quer dé douleur ni même de sensation. Presque toujours, ces vessies

sont dilatables; on peut, surtout en détournant l'attention des malades,

y injecter une quantité normale de liquide sans provoquer le besoin

d'uriner; par le toucher vaginal, ou rectal, la pression sur la vessie est

indolore, et enfin le jet reste plutôt affaibli et la pression vésicale

s'abaisse. Enfin, l'urine ne renferme ni micro-organismes ni éléments

anormaux.

Diagnostic. Il n'est que trop facile de méconnaître les névralgies

vésicales, car toutes les affections de la vessie peuvent donner lieu il des

douleurs, mais il faut rechercher et écarter les lésions matérielles. C'est

en étudiant leurs symptômes propres qu'on les éliminera : nous ne pou-

vons les décrire ni les énumérer ici.

Les cystites présentent trois caractères fondamentaux : fréquence,

douleur mictionnelle, pus dans l'urine; les deux premiers prêtent à

confusion, le dernier ne saurait tromper. Enfin, l'examen de signes

physiques dont l'absence ou la faible intensité contraste avec la violence

des symptômes, conduit au diagnostic.

Pour plus de certitude, on s'aidera du cystoscope qui montrera une

muqueuse vésicale absolument saine en cas de névralgie non compliquée,

malgré des symptômes souvent très violents.

. La confusion est parfois difficile à éviter quand il y a coïncidence de

névralgie et d'autres affections qui sont l'origine du réflexe, comme une

urétro-prostatite, une pyélite déversant du pus qui se mélange dans

l'urine et provoquant des crises vésicales. Un calcul vésical, un néoplasme

peuvent ne donner lieu à aucun symptôme propre et être le point de

départ du réflexe douloureux. Mais un examen local, rigoureusement

conduit, permet d'éviter l'erreur. Rappelons que dans les cas douteux et

difficiles qui, il faut le reconnaître, ne sont pas rares, l'examen cystoseo-

pique et même le cathétérisme de l'uretère sont nécessaires et confèrent

.une certitude.

. Plus difficile est le diagnostic de la cause. Les névralgies vésicales

essentielles sont une rareté pathologique; ce n'est qu'après exclusion de

toute autre affection voisine qu'on sera en droit d'y croire. Il faut

explorer minutieusement, à plusieurs reprises et dans des conditions

différentes, l'urètre, la prostate, la vessie, les reins surtout et les

uretères, la région scrotale; les divers viscères abdominaux; faire des

analyses répétées des urines, chimiques, histologiques et bactériolo-

giques ; enfin rechercher les moindres signes des affections médullaires,

et en particulier du tabès. Dans certains cas, une rétention incomplète

s'établit et suffit pour entretenir la fréquence : les sondages répétés el

l'évacuation régulière suffisent parfois pour amener une guérison. On' se

rappelera enfin que certaines lésions provoquent des douleurs vésicales

- NÉVRALGIES VÉSICALES. - 9M

longtemps avant tout autre symptôme; telles sont la tuberculose et la

lithiase rénales, et le tabès. '

Traitement. Il dépend de la cause à laquelle il faut s'attaquer tout

d'abord : traitement d'un rétrécissement, d'une prostatite, d'un varico-

cèle, des lésions rénales (eaux minérales de lavage et traitement général,

en cas de pyélite ou de lithiase simple, néphrolithotomie quand le

calcul est retenu; néphrectomie si le cathétérisme urétéral montre une

tuberculose unilatérale; fixation par ceinture ou néphrorraphie contre

un rein flottant, etc.). Ailleurs la thérapeutique habituelle du tabès,

de l'hystérie, etc., devront être tout d'abord appliquées.

Si la névralgie de la vessie se complique d'une infection, le traitement

de cette dernière, qui est souvent rebelle, s'impose dans les conditions

ordinaires : lavages simples à l'eau stérilisée, boriquée; s'il y a rétention

purulente ' dans le bas-fond, lavages modificateurs (permanganate de

potasse à ] /1000, oxycyanure de mercure à 1/2000, protargol à 4/1000) :

mais il faut se garder de distendre la vessie et cesser l'injection dès que

le malade accuse le besoin d'uriner. Des instillations intra-vésicales

d'acide picrique (iL1 00) de protargol (10/,[00) sont plus rarement

utiles.

En présence de névralgies essentielles, il faut user de prudence dans

l'emploi du cathétérisme, car ces malades s'infectent très facilement. Il

paraît irrationnel que, le passage de gros béniqués, des instillations sur

le col, soient efficaces, quoiqu'on ait relaté des guérisons obtenues ainsi :

nous ne saurions les recommander, car plus souvent encore elles ont.

causé des exacerbations et des infections vésicales rebelles. Toutefois,

si une rétention incomplète s'établit, même minime, elle augmente les

douleurs et l'évacuation vésicale s'impose. .

Il n'en est pas de même de l'électrisation, galvanique de préférence,

qui est recommandable ; on l'a appliquée au moyen d'une électrode néga-

tive intra-vésicalc ou intra-cervicale, la plaque positive sur la région

lombaire. Il est. préférable de se tenir en dehors de la vessie et d'appli-

quer (Courtade) les électrodes- sur les régions lombaires et hypogas-

triques, en augmentant progressivement l'intensité du courant pendant

5 ou 10 minutes. Les courants de haute fréquence ont aussi donné de

bons résultats.

Enfin et surtout, on s'attachera au traitement général : douches, fric-

tions sèches, bonne hygiène, séjour au grand air, distractions; on évitera

l'isolement qui permet au malade de trop contempler ses symptômes : le

traitement moral a son importance, et la suggestion a réussi; -

[E. DESNOS.]

.950 TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE.

NEVRALGIES URÉTRALES ,

En dehors de l'hystérie et du tabes, les névralgies de l'urètre sont

rares; on les observe lorsqu'une tumeur, un traumatisme a intéressé une

des branches des nerfs honteux. Quant au paludisme, à l'arthritisme,

.ils paraissent rester en dehors- de cette étiologie. . , .

- , Dans l'hystérie, les névralgies* urétrales sont presque toujours liées

aux douleurs vésicales et se comportent avec les mêmes caractères ; très

variables dans leur apparition, pouvant être très légères et de courte

durée, ce qui arrive le plus souvent, durant parfois plusieurs mois, elles

ne sont pas en général augmentées par la miction. .

. La névralgie urétrale du tabès, ordinairement liée à une crise de

névralgie vésicale, peut exister seule; elle procède brusquement, com-

mence à la racine de la verge et s'irradie vers le gland avec des élance-

ments douloureux; la douleur gagne le rectum; elle est. souvent liée aux

douleurs fulgurantes qu'elle précède. Enfin, à chaque miction. le pas-

sage de l'urine provoque une sensation de brùlure plus ou moins vive.

TROUBLES DE LA CONTRACTILITE

DE L'APPAREIL URINAIRE

RÉTENTIONS D'URINE

Lorsque l'évacuation de la vessie ne peut s'effectuer par une miction

normale, il y a rétention : celle-ci est complète lorsque la totalité de.

l'urine est retenue, et incomplète lorsque, après l'émission d'une certaine

quantité de l'urine, une autre partie, grande ou petite, ne peut être

évacuée naturellement, quels que soient les efforts de miction.

Étiologie. La rétention est un symptôme ou une complication de

nombreuses affections du système nerveux.

Dans l'hémorragie cérébrale, après l'ictus, la rétention est aussi rare

qu'est fréquente l'incontinence ; en tout cas elle est rarement de longue

durée, lorsque l'influence du système nerveux est seul en cause; mais

les vieillards frappés par l'ictus apoplectique sont souvent des prosta-

tiques dont la vessie se vide mal depuis longtemps et chez lesquels il

suffit d'une cause adjuvante pour rendre complète une rétention incom-

plète préexistante. Il en est de même dans le ramollissement cérébral.

On l'observe rarement dans les méningites aiguës, par contracture du

sphincter; moins souvent encore dans la méningite tuberculeuse, sinon il

la première période à laquelle la rétention complète ou surtout incom-

plète doit être surveillée. Dans la deuxième, au contraire, les sphincters

vésicaux et rectaux sont relâchés. Elle est plus fréquente dans les ménin-

' RÉTENTIONS D'URINE. 9.')1

gÎtes spinales aiguës; des troubles mictionnels sont de règle, mais il la

rétention succède rapidement l'incontinence.

L'influence des myélites sur la miction varie avec la période de 1 affec-

tion, qu'elles soient aiguës ou chroniques. Au début, presque toujours,

il y a rétention complète; il coup sur, le malade ne vide jamais complè-

tement sa vessie. On dit généralement qu'aux périodes suivantes il y a

incontinence; cette dernière tient surtout au regorgement, la vessie ne se

vidant pas : aussi faut-il toujours s'assurer de l'état d'évacuation de la

vessie. On observe dans la sclérose en plaques les mêmes intermittences

des contractions vésicales que des autres systèmes musculaires. La réten-

tion due à la contraction du sphincter peut durer plusieurs jours,

ce qui est rare, et être telle qu'elle empêche le passage de la sonde;

dans l'intervalle des crises l'évacuation est complète.

Dans la paraplégie, la miction est affectée différemment suivant que le

début est brusque ou non; après un traumatisme, une hémorragie, la

rétention est complète, brusque, absolue. Sa durée est variable, rare-

ment très longue, de quelques jours il 2 ou 5 semaines, sauf exception,

durée d'ailleurs en rapport avec la gravité de la lésion médullaire.

L'incontinence lui succède et résulte, tantôt de mictions involontaires

quand le centre sphinctérien a été touché, tantôt de mictions incon-

scientes quand il y a anesthésie du col et de l'urètre. Quand la para-

plégie est progressive, comme dans lés compressions lentes, la période

de rétention complète ou incomplète est supprimée ou passe inaperçue

et l'incontinence parait primitive.

En présence d'une paralysie générale il semble qu'il n'y ait pas de

phénomènes mictionnels propres à la lésion cérébrale excepté à la période

ultime, à laquelle d'ailleurs l'incontinence est la règle. Aux périodes

moins avancées, les troubles mictionnels se confondent avec ceux du tabès

qu'il nous reste il étudier.

L'étude des troubles mictionnels du tabes, rétention, dysurie, incon-

tinence. ne peut être dissociée. Au début, les troubles consistent en une

hésitation, une lenteur particulière, une force moindre de projection du

jet. Quelquefois, après des efforts de miction infructueuse, quelques

gouttes d'urine s'écoulent involontairement : phénomènes initiaux, très

caractéristiques, prémonitoires, et pouvant exister en dehors de tout

autre signe de tabès. Il est très important de les diagnostiquer et d'éli-

miner par un examen local toute autre cause de dysurie. car on peut

ainsi découvrir la lésion dès le début et l'empêcher d'évoluer; ils sont

rapidement remarqués, s'ils consistent en douleurs, névralgies vésicales

(roy. ce mot) ou autres; ils laissent, en cas contraire, le malade indillé-

rcnt. Leur évolution aboutit assez rapidement il une rétention complète

ou presque complète, qui est douloureuse ou tout au moins pénible

ou gênante : mais cela est rare et le plus souvent l'incontinence appa-

raît la première.

Celle-ci peut être, vraie, et il s'agit alors soit d'une miction involon-

[E. DESNOS.]

9r»2 TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE.

faire, c'est-à-dire de contractions incomplètes et irrégulières ne rencon-

trant plus l'antagonisme des contractions sphinctériennes normales, mais

laissant nettement percevoir l'acte IlIictiol1lH'l, soit de mictions incon-

scientes, l'urine, s'écoulant parce que la vessie et le col, anesthésiés, ne

transmettent plus la sensation du besoin ni de la miction. Ordinairement,

l'incontinence, fausse et apparente, est la conséquence d'une rétention

lentement et sourdement établie, qui a évolué sans (aire naître la sens ! )-

tion il cause de troubles de l'innervation et de l'affaiblissement de la

vessie, ce qui permet au regorgement de s'établir très vite. Ce dernier est

méconnu lorsque les contractions des muscles abdominaux produisent

t'evacuation d'une petite quantité d'urine; aussi est-il indispensable de

s'assurer, par les moyens indiqués ci-dessous, de l'état de réplélion

de la vessie : la constatation précoce de cet étal a sur le pronostic et la

direction du traitement la plus grande influence. Plus lard enfin, l'ineon-

tincnce est absolue, totale et définitive quand la paralysie est devenue

complète.

Chez les hystériques, la rétention est aussi fréquente que l'inconti-

nence est rare. Elle débute parfois avec une attaque, d'emblée complète

et dure des semaines, des mois, des années, ou bien elle accompagne

une paraplégie. Elle doit être cherchée, car elle est souvent liée aune

anesthésie de la muqueuse et peut durer plusieurs jours sans être

découverte; ailleurs elle est intermittente el les besoins d'uriner dispa-

raissent à certaines périodes. La rétention complète est toujours assez

rapidement reconnue, mais l'évacuation incomplète de la vessie reste

souvent inaperçue.

L'incontinence est exceptionnelle dans l'attaque convulsive, ce qlli la

différencie de t'epitepsie; on l'observe passagèrement dans la forme

léthargique ou lorsque la contracture des membres inférieurs persiste :

mais beaucoup des incontinences hystériques qu'on observe sont dues à

du regorgement qu'un calhélérisnie bien conduit fait cesser. Rappelons

le lien qu'on a voulu établir entre l'hystérie et l'incontinence nocturne

infantile et qui est loin d'être démontré.

Citons enfin la rétention qui accompagne les commotions médullaires

et cérébrales, dont la durée est d'ordinaire très courte el qui disparaît

sans laisser de trace; celle de certaines intoxications, par exemple par la

morphine, qui agit sur la vessie par l'intermédiaire du système nerveux :

enfin on l'observe, quelquefois volontaire, chez des déments.

Symptômes et diagnostic. Rien n'est plus simple que de

reconnaître l'existence d'une rétention aiguë; sans parler des 1'01111111"-

morai ifs, les malades qui ont conservé leur sensibilité et leur intelligence

accusent un besoin d'uriner, rapidement pressant, bientôt atrocement 1 dOII-

toureux : s'il y a inconscience, il est rare qu une agitation particulière,

des mouvements dirigés dans le même sens n'éveillent pas t attention du

médecin; celui-ci ne tardera pas ;1 découvrir que le globe vésical est

distendu, et se présente sous la forme d'une tumeur médiane vohotn-

RÉTENTIONS D'URINE. f

neuse. arrondie, souvent douloureuse il la pression qui augmente le

besoin; certaines circonstances (obésité, grossesse, etc.) rendaient

difficile cette constatation, le toucher rectal ou vaginal, joint au palper

hypogastrique, donnerait des signes certains. Quant au catheterisme, dans

ces cas de rétention aiguë, il ne faut le pratiquer qu'avec les précautions

indiquées plus loin..

Le diagnostic des rétentions chroniques, et de celles qui se sont éta-

htics lentement, est souvent des plus épineux. Les sensations accusées

par les malades sont plutôt de nature il induire en erreur, car ceux-ci

se plaignent d'envies d'uriner fréquentes et négligent déparier des efforts

de miction; souvent enfin apparaissent des signes d'infection vésicale et

de cystite : enfin un dernier symptôme se montre : l'incontinence, qui

n'est (pie le regorgement d'une vessie distendue et trompe facilement

sur la nature de ta lésion.

Celle miction par regorgement est très fréquente dans les maladies du

système nerveux et se produit à une époque plus précoce qu'en présence

d'autres lésions urinaires : la vessie, dont l'innervation est depuis plus ou

moins longtemps en état de déchéance, cède, plus facilement et se laisse

distendre, d'où rétention; en est de même de l'appareil sphinctérien.

d'où précocité du regorgement. Aussi ne fera-t-on le diagnostic d'incon-

tinence vraie qu'après le palper recto-hypogastrique et. si celui-ci laisse

des doutes, après le catheterisme. Mais il faut se rappeler que ce dernier

est entouré de gros dangers si on n'apporte pas dans son exécution des

précautions rigoureuses.

Traitement. .Nous savons qu'il faut distinguer deux sortes de

rétentions : rétention complète et rétention incomplète ou stagnation. Les

indications, pour la seconde catégorie, sont multiples et peuvent être

discutées, tandis que la rétention complète commande d'urgence le

cathétérisnie.

a) Rétention complète. Le mot urgence veut dire ici qu'il faut

s'occuper sans retard de soigner le malade, mais en évitant toute préci-

pitation. L'indication d'agir est en effet moins immédiate dans certaines

rétentions d'origine nerveuse que dans d'autres, car des trouhtessensitits

se joignent ordinairement aux troubles de la inutilité et les malades souf-

Irent moins ; de plus l'incontinence par regorgement survient plus rapi-

dément, sorte de soupape de sûreté qui retarde les accidents sans rien

changer aux indications du traitement.

Les rétentions d'origine nerveuse, s'infectent avec la plus grande faci-

lité et l'ascension de l'infection aux voies supérieures est rapide. 11 ne

faut donc jamais sonder sans s'être assuré d'une asepsie absolue. Une

faute contre cette dernière est beaucoup plus dangereuse qu'une attente

de quelques heures de plus.

Si connues qu'elles soient, je crois nécessaire de retracer les règles

du catheterisme en les adaptant à la pratique journalière.

Lue sonde de caoutchouc rouge (sonde de Netaton) est l'instrument

[E. DESNOS.] ]

n : : i4 TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE.

de choix; on la fera bouillir pendant dix minutes dans un récipient où

on la laissera jusqu'au moment de l'usage.

Une solution d'oxycyauure d'ilg a 1/2000 ou de permanganate de

potasse il 1/2000 ou de nitrate de Ag à 1/l1U(1 est utile pour le lavage

préalable du gland et de la verge, mais le savonnage suivi d'un bon

rinçage ù l'eau bouillie suffit. De l'huile d'olives bouillie au moment

même, ou peu de temps avant l'opération est préférable il toute, prépara-

tion antiseptique, nubien on emploiera de la vaseline stérilisée, conservée

dans un tube métallique malléable.

11 est nécessaire de tout préparer d'avance, les récipients contenant la

sonde et l'huile, etc. ou destinés à recueillir l'urine, de découvrir le

malade, d'entourer les cuisses et l'abdomen de lainages ou de couver-

tures et de recouvrir, si possible, ces derniers de linges stérilisés ou

bouillis; puis le malade étant savonné et aseptisé et placé dans la position

horizontale, le médecin se lavera les mains avec, soin, au savon et à la

brosse. L'usage des doigtiers ou des gants de caoutchouc est. si généralisé

aujourd'hui qu'on doit en recommander l'emploi pour la pratique journa-

lière. ?

Placé il la droite du malade, le médecin saisit la verge de, la main

gauche et exerce sur elle une traction assez énergique. saisit de la

droite la sonde dans le récipient refroidi ou après évacuation de l'eau

bouillante, en trompe dans l'huile le premier tiers et, les lèvres

méat étant écartées, l'introduit par petits coups. Dans l'immense majorité

des cas on ne rencontre pas d'autre, résistance que cille du sphincter

membraneux qui cède facilement : la traversée prostatique étant l'aile,

l'urine s'écoule.

Il faut en régler le débit de manière qu'il soit d'autant plus lent, que la

vessie est plus distendue; on bouchera avec le doigt le pavillon de la

sonde, pour ne laisser l'urine s'écouler que par un filet mince, presque

goutte à goutte. La quantité qu'on doit évacuer à un premier sondage

varie avec le degré de la distension; on ne peut fixer de chiffre, mais il ne

faut jamais vider une vessie distendue en une rois. Si me ! ne l'urine

] tarait déjà infectée on introduira dans la vessie, il l'aide d'une seringue ou

d'un injecteur bien stérilisé, de 50 a 100 grammes d'une solution

d'oxycyauurc d'Hg à z/2000 qu'on y abandonnera.

On essaiera d'une sonde béquille de gomme si celle de caoutchouc ne

passe pas; on la fera bouillir de la tneme façon, tout au moins pour un

premier cathétérisnie d'urgence; ou bien d'une sonde bicoudée ou mieux

encore d'une béquille année d'un mandrin il grande courbure : enfin chez

les liomnes jeunes, une sonde bougie il bout olivâtre sera essayée..Mais

ces instruments de, gomme sont quelque peu offensifs; aussi apporte)' : )-

t-on aux manoeuvres la plus grande, douceur; quant aux sondes métalli-

ques et en particulier au vieil instrument dit sonde de trousse, on évitera

toujours de s'en servir.

On répétera le eatbeterismc aussi souvent qu'il sera nécessaire, et en

, INCONTINENCES D'URINE. 955

cas de.difficulté d'introduction on laissera une sonde à demeure. Si la

vessie est infectée, on instituera une médication topique ainsi qu'il est

indiqué ailleurs (V. Infection urinaire).

b) Rétention incomplète. Elle commande aussi le cathétérisme;

la répétition des sondages est subordonnée à l'importance de la rétention,

à l'infection, à la tolérance de la vessie. L'évacuation vésicale régulière,

commencée de bonne heure, empêche la distension du bas-fond vésical

de devenir irrémédiable, et beaucoup d'incontinences dues au regorge-

ment disparaissent. En même temps les reins sont protégés, car la prin-

cipale condition de l'ascension vers les voies supérieures de l'infection

est la stagnation de l'urine dans le bas-fond.

INCONTINENCES D'URINE

Quand l'urine s'échappe de la vessie, soit d'nnc'll1anière continue, soit

par intermittences, sans que le malade en ait conscience ou sans que sa

volonté puisse s'y opposer, il y a incontinence.

En réalité, l'issue involontaire de l'urine résulte de quatre phénomènes

distincts, quoique compris sous une même dénomination qui sont les

suivantes : a, miction involontaire ; le malade éprouve le besoin d'uriner ;

il sait que la miction va s'effectuer et s'effectue, mais il est impuissant

il s'y opposer; b, miction inconsciente : la vessie se contracteet expulse

l'urine, le malade ne s'aperçoit de la miction que parce qu'il se sent

mouillé par l'urine évacuée ; c, incontinence vraie ; les contractions de

l'appareil sphinctérien manquent, l'urine s'écoule constamment; d, incon-

tinence par regorgement : les parois d'une vessie en rétention ont été

distendues ainsi que le col (voir rétention). Ces variétés se retrouvent

dans diverses affections du système nerveux.

"

Étiologie. Pour éviter les redites, je renverrai à l'article rétention

pour plusieurs affections dans lesquelles les deux états de rétention et

d'incontinence se succèdent souvent.

Il en est ainsi de l'hémorragie cérébrale et du ramollissement; l'incon-

tinence succède à la rétention; bien plus fréquente que cette dernière

elle dure plus longtemps quoiqu'elle finisse par disparaître d'ordinaire;

de même dans la méningite et surtout dans la méningite tuberculeuse,

excepté à la dernière période.

L'incontinence constitue un des signes pathognomoniques de l'épi-

lepsie et se produit il plusieurs périodes pendant les accès, les vertiges,

les absences; le malade, perdant connaissance, urine sans le vouloir ou

ne résiste que quelques instants au besoin. Après une crise survenue

pendant la nuit, le fait de trouver le malade mouillé dans son lit a sou-

vent permis de diagnostiquer l'épilepsie. L'incontinence est due, dans

ce cas, il l'exagération de la contraction vésicale liée à l'affaiblissement

du sphincter. On observe aussi, dans l'épilepsie jacksonnienne des émis-

1 ' [E. DESNOS.]

i)S6 . TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE. ' - .

sions involontaires . abondantes produites pap'un mécanisme analogue.

Nombreuses sont les maladies de la moelle dans lesquelles on la ren-

contre dans les myélites aiguës, où elle succède à la rétention; con-

sciente d'abord (miction involontaire) puis inconsciente; de même dans la

myélite diffuse et dans la sclérose en plaques où elle est liée à l'évacua-

tion involontaire des matières fécales ; fréquente dans la maladie de Frie-

dreich, elle est rare, au. contraire, dans la maladie de Little; Dans les

syringomyélies, l'incontinence serait fréquente sticcédant 1(

plus souvent à la rétention; il semble qu'il s'agisse. dans ces cas d'un

regorgement; l'infection est facile.

Enfin, dans les polynévrites, les incontinences (Babinski) s.ont fré-

quentes et d'ordres divers. En présence des désordres- psychiques, on

observe de l'incontinence, tantôt sans rétention, le plus souvent par regor-

gement. S'il y a paraplégie, la dysurie existe toujours, souvent peu mar-

quée ; l'évacuation est lente, difficile ou retardée.

,le n'ai pas à revenir ici sur les incontinences du tabès et de l'hystérie,

celles-ci ayant été étudiées à l'article rétention. Quant à l'incontinence

essentielle, infantile, elle fera l'objet du chapitre suivant :

Symptômes et diagnostic. Suivant que l'on a affaire à des

mictions involontaires ou à une incontinence vraie, l'issue de l'urine se fait

différemment. Dans les deux cas, le malade est mouillé d'urine, mais

dans' le premier, on peut assister à l'émission d'un jet plus ou moins

puissant, par intermittences; dans le second, l'écoulement est à peu près

continu, et il suffit d'observer le méat pendant quelques instants pour

voir sourdre le liquide qui s'écoule en bavant. La miction involontaire

est peu commune et il est rare que le malade accuse le besoin d'uriner :

le plus souvent il y a inconscience. "

Dans l'incontinence vraie, il est très important de distinguer s'il y a

paralysie du sphincter ou regorgement. Un examen est presque toujours

nécessaire. Le toucher recto-hypogastrique donne d'utiles renseignements,

mais seulement lorsque la vessie retient une notable quantité d'urine.

Or, dans certaines maladies du système nerveux, le regorgement s'établit

très vite, nous l'avons vu, et une faible quantité d'urine produit le regor-

gement qui n'a lieu qu'avec une distension vésicale chez d'autres malades,

les prostatiques, par exemple.

Si le toucher ne donne pas une indication suffisante, le cathétérisme sera

pratiqué, avec les précautions extrêmes qui sont indispensables; nous

les. avons expliquées ailleurs (voir rétention).. En cas de retenue de

l'urine, le pronostic est relativement favorable, car des évacuations régu-

lières permettent de faire cesser ou tout au moins de diminuer l'issue

involontaire des urines.

Ces dernières sont ordinairement limpides au début, mais il est rare

qu'elles restent en cet état, car l'infection se produit très rapidement.

Traitement. Il découle de ce qui vient d'être dit et dépend

essentiellement de la lésion nerveuse. Celle-ci a-t-elle détruit ou profon-

INCONTINENCE ESSENTIELLE. U57 î

dément désorganisé l'innervation de la vessie, il n'y a qu'à s'opposera à

l'infection des organes urinaires, résultat qu'on peut toujours espérer et

qu'on obtient souvent.. Dans . les cas de miction involontaire un trai-

tement local, parfois efficace, est souvent dangereux; si l'évacuation tient

à des contractions répétées et violentes du corps vésical, le cathétérisme.

les lavages et autres manoeuvres intra-vésicales sont de nature à exciter

ces contractions. Lorsque, au contraire, les sphincters sont atones. ou

paralysés, on provoquera la contraction au moyen d'instillations portées

dans la prostate ou sur le col vésical, ou encore au moyen de l'électrisa-

lion localisée. Le massage par le rectum a. été également conseillé, mais

a peu d'efficacité; il en est de même des suppositoires contenant de la

strychnine ou de la noix vomique.

La thérapeutique est vraiment puissante dans les incontinences vraies

qui sont, dans la majorité des cas, dues ;i une rétention incomplète.

L'évacuation de la vessie devra être pratiquée régulièrement, même

lorsque la rétention paraît peu considérable. En permettant au. bas-fond

vésical de se relever, on favorise les contractions de tout l'appareil vési-

cal, corps et col, et on en rétablit très souvent les fonctions. On les favo-

risera par des lavages antiseptiques car l'infection est commune dans ces cas.

Enfin, les injections épidurales dont les indications et la technique

seront exposées dans le chapitre suivant, ont été employées contre toutes

les espèces d'incontinence, quelquefois avec succès. 11 en est de même

de la ponction lombaire.

INCONTINENCE ESSENTIELLE

(INCONTINENCE NOCTURNE, INCONTINENCE DE L'ENFANCE, ETC.)

Cette dénomination, acceptée par habitude, est impropre, car les petits

malades ne perdent pas leur urine inconsciemment : le nom de miction

involontaire conviendrait mieux. ,

Elle est symptomatique ou idiopathique. '

A) Symptomatique. 1° La cause réside dans la vessie (calcul,

néoplasme (rare), tuberculose, etc.), ou n'est autre qu'une altération de

l'urine (acidité excessive, albuminurie, glycosurie).

2° Elle est réflexe et due à une malformation de l'urètre, du pénis

(hypospadias, épispadias, phimosis, atrésie du méat, polypes ou tumeurs

urétrales chez la femme, plus rarement à une affection rénale (calcul,

tuberculose, sarcome, etc.).

5° Le réflexe a pour cause une lésion de voisinage (oxyures, polypes

du rectum, vulvite).

4° Il existe une affection nerveuse bien caractérisée (épilepsie, spina-

bifida, mal de Pott, myélites diverses).

Les incontinences qui relèvent de ces causes ne rentrent pas, à pro-

prement parler, dans le cadre des incontinences essentielles, mais elles

[E. DESIVOS.]

058 - TROUBLES.DE.L'APPAREIL URINAIRE.

prêtent- si. souvent à l'erreur qu'il- est nécessaire de les signaler et de les

avoir toujours présentes à l'esprit. On ne peut porter le diagnostic d'in-

continence essentielle que lorsqu'on les a éliminées. Le traitement dé-

coule du diagnostic et la disparition de la cause amène ordinairement la

guérison; toutefois, l'incontinence peut persister dans une certaine me-

sure, se comporter comme une incontinence idiopathique et'réclamer un

des traitements qui seront exposés plus loin.

B) Incontinence idiopathique. z La plupart des incontinents noc-

tures présentent une tare nerveuse personnelle ou héréditaire, hystérie

ou névropathie qu'on retrouve dans chacune de trois espèces suivantes

d'incontinence idiopathique : .

1° Psychique; -

2° Par excitabilité vésicale exagérée ;

5° Par atonie sphinctérienne..

1° Incontinence psychique. -- Les indolents, ordinairement poil akiuri-

ques, pendant le jour, pensent continuellement à leur miction, et cette

idée ne les abandonne pas la nuit; l'incontinence se produit, pendant

un rêve, que celui-ci ait rapport, soit à une vraie, miction, soit aune

idée qui la rappelle, de l'eau qui s'écoule par exemple. C'est pendant le

sommeil lé plus profond que l'acte s'accomplit; il ne réveille pas l'en-

fant et peut se renouveler plusieurs fois en une nuit. A côté de cette

classe, on rangera les paresseux, les enfants qu'éveille à moitié le besoin

d'uriner au milieu d'un sommeil profond, niais qui ne font pas un effort

suffisant pour se réveiller tout à fait.

2° Chez les incontinents par excitabilité vésicale exagérée, on constate

en général une hyperesthésie de la muqueuse urétrale, point de départ

du réflexe vésical. Tout se contracte, corps et col de la vessie, mais la

contraction de ce dernier cède la première et la miction a lieu, souvent

incomplète; que ce phénomène se reproduise souvent, surtout pendant

le jour, et la vessie prendra l'habitude de ne se vider qu'à moitié, d'où

une rétention incomplète. Ce phénomène, beaucoup plus fréquent qu'on

ne le croit, ne constitue pas une forme particulière d'incontinence (Rochet),

mais complique la rétention par excitabilité nerveuse..

a) Quand le sphincter est trop faible, soit congénitalement, soit par

vice de fonctionnement, il ne résiste pas à une pression intravésicale si,

comme pendant le sommeil, la volonté n'est plus là. Le diagnostic en est

facile au moyen du cathétérisme. Le boule d'un explorateur traverse le

sphincter membraneux sans résistance et sans douleur (Guyon), tandis

que l'une et l'autre sont vives dans le cas d'excitabilité vésicale.

Traitement. Les moyens généraux conviennent à toutes les formes

dont chacune réclame en plus une thérapeutique spéciale.

On considérera les enfants comme des névropathes : le grand air, les

douches, l'exercice, le repos intellectuel, et tout ce qui peut les dé-

tourner de l'idée de miction.. S'ils sont lollalciuriducs, il faudra leur

imposer une limite de temps et augmenter de plus en plus l'intervalle

INCONTINENCE ESSENTIELLE. ! 15n

.entre les mictions. La suggestion a donné des succès sur des sujets

impressionnables. Quant au traitement barbare consistant il infliger des

châtiments cruels aux enfants et il les terroriser, il n'a pas de raison

d'être pour les formes d'excitation ou d'atonie musculaire, et, dans la

1'01'1111' psychopatillue, c'est le pire, car l'idée de miction devient fixe chez

ces enfants, et le rêve est ainsi provoqué. Il est plus rationnel de réveiller

les enfants à heure fixe, surtout quand la miction nocturne se fait il une

heure il peu près fixe. On a également conseillé de les faire coucher sur

un plan incliné, la tète dans une position déclive pour éviter que la masse

de l'urine ne pèse sur le col.

Récemment Cathelin a appliqué un traitement chirurgical aux diverses

formes d'incontinence, ce sont les injections epidurates. On les pratique

de la manière suivante. Le sujet étant couché sur le côté gauche, on

délimite au-dessus de la crête sacrée et de chaque côté de l'orifice du

canal sacré, les deux tubercules osseux qui, avec la pointe du coccyx en

bas, forment les angles du triangle inférieur du canal sacré. Une serin-

nue stérilisée de 5 à 10 centimètres cubes, munie d'une longue aiguille

de platine ou d'acier est enfoncée verticalement un peu au-dessous de

la ligne des tubercules sacrés jusqu'à ce qu'on sente qu'elle traverse la

membrane ligamenteuse qui l'orme le canal sacré; puis on abaisse le

pavillon de la seringue qui devient horizontal. On pousse alors l'aiguille

qui pénètre pu toute liberté de ) centimètres environ et on pratique,

l'injection. Le liquide primitivement employé était une solution de

cocaïne, à 0,20/100, dont on peut faire usage à la dose de a centimètres

cubes ou un peu au delà; des résultats aussi bons sont obtenus avec

10 centimètres cubes de sérum artificiel physiologique. Le nombre des

injections varie de 2 il (>; en cas d'insuccès, il est inutile d'aller au delà.

La proportion de succès est assez grande, pour légitimer ce traitement

en lequel il ne faut pas cependant avoir une foi absolue. 11 a réussi dans

plusieurs autres cas d'incontinence, sans que la physiologie explique son

action; la suggestion paraît avoir contribué au succès dans quelques cas.

Un autre traitement chirurgical consiste (.laboulay) il pratiquer des

injections rétro-rectales de sérum physiologique, l'aiguille étant intro-

duite au niveau de la pointe du coccyx permet d'injecter une centaine de

grammes de liquide. Quelques succès ont été publiés.

Ces moyens conviennent seuls dans les cas d'incontinence psychopathi-

que. Dans les autres, on pourra y joindre un des traitements suivants :

1° Incontinence, par excitabilité vésicale. On emploiera les narcoti-

ques et les stupéfiants, soit à l'intérieur, soif en suppositoires. Un vieux

traitement, préconisé par Trousseau et qui réussit souvent, consiste in

donner des pilules contenant de fortes doses d'extrait de belladone, por-

tées successivement il 0, 7, 8 jusqu'à O,'J 5 centigrammes. Depuis on a

employé le chloral, le bromure qui est efficace et enfin, il la dose de 1 il

2 grammes, l'antipyrine et ses analogues, le I)U1UlIidon et l'aspirine.

Localement des instillations de cocaïne, portant sur le col, et dans la

TE. DES1VOS.]

ouo TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE.

prostate ne peuvent donner qu'un résultat éphémère, connue l'action du LUI

médicament lui-même. Enfin, on surveillera l'existence de la rétention,

cette dernière pouvant résulter de contractions prématurées du col.

2° Incontinence par atonie. Celle atonie paraissant résulter d'une

anesthésie du col, on a conseillé de réveiller la sensibilité au moyen de,

cautérisations, soit par des instillations, soit par le porte-caustique, sans

produire de résultats encourageants.

Dans celle forme, le traitement de beaucoup le plus efficace consiste

dans l'élcctrisalion localisée (Guyon). Une olive métallique est portée

dans la portion membraneuse où on la maintient : l'autre électrode

étant placée sur le périnée, on l'ait passer un courant faradique pendant

ai ou 10 minutes; une dizaine de séances sont nécessaires pour la guéri-

son ; on les espace de il à 4 jours.

Le sulfate de strychnine donné il l'intérieur a été conseillé sans grand

succès.

INFECTIONS URINAIRES

(CYSTITE ET l'YI,LITI3) . t

i

J'ai montré ici à plusieurs reprises que l'infection se produisait plus

facilement dans les affections vésicales dépendant dune lésion du sys-

tème nerveux que dans celles d'une autre nature. Celle, disposition dépend

du terrain et de l'agent infectieux. Le terrain est. rendu propice au déve-

loppement des germes par des conditions multiples : la diminution de

l'influx nerveux rend les tissus moins résistants et les troubles trophi-

ques observés dans plusieurs affections nerveuses en sont l'expression la

plus élevée. L'action vaso-dilatatrice prédispose aux congestions rénales,

vésicales et prostatiques, condition favorable au progrès de l'infection.

Dans les cas graves, les malades sont condamnés au lü, décubitus qui

augmente les influences congestives. Enfin la parésie et la paralysie vcsi-

cale ont pour conséquence la rétention, complète ou incomplète, qui

crée, un milieu de culture très favorable.

L'agent infectieux pénètre rarement par voie iicmatogene dans l'appa-

reit urinaire ; l'infection qui parait spontanée est quelquefois produite

par une prostatite ancienne, presque éteinte et latente, un vieux foyer

cl'urétrite, une vaginite ou quelque autre inflammation chronique de

voisinage. Ailleurs, lorsqu'il y a incontinence, par exemple, le relâche-

ment du sphincter permet l'incursion spontanée des micro-organismes

dans l'urètre postérieur et la' vessie. Mais la cause principale de l'infec-

tion est le catueterisme ; je ne reviendrai pas sur les précautions à

prendre (V. Rétentions) mais souvent, malgré tout. il est impossible

d'empêcher la pénétration des germes; aussi ne, devra-t-on sonder, dans

une affection du système nerveux, que, lorsque le diagnostic et le Il'ai-

tement y obligeront absolument.

INFECTIONS URINAIRES. 96 ! 1

Symptômes et marche. - La prostatite ne présente pas de carac-

tères particuliers dans ces affections nerveuses. L'infection vésicale revêt

ici deux formes : tantôt le contenu de la vessie seul est infecté, tantôt

les germes ont produit des lésions sur les parois vésicales. Dans le pre-

mier cas, il y a baclé}'Ïll1'ie simple qui est presque toujours liée il une

rétention complète ou incomplète ; elle n'a pour ainsi dire pas de

symptômes propres : ni douleurs, ni troubles mictionnels, mais l'urine

louche et trouble en masse dégage une odeur fade et fétide, non ammo-

niacale, et très caractéristique. Le pronostic de la bactériurie est sérieux

parce que cette infection vésicale est le plus souvent liée il une infection

de même nature des uretères et des bassinets.

La cystite est due Ù l'inflammation des parois vésicales et apparaît ici

avec ses caractères habituels, fréquence, douleurs, purulence des urines :

mais ceux-ci sont influencés par l'état du muscle vésical, lmrésié ou

excité. Si l'infection envahit une vessie déjà atteinte de névralgie, la

douleur devient atroce, et la fréquence extrême. S'il y a parésie ou para-

lysie vésicale, l'évacuation ne peut se faire malgré les efforts : il y a

toujours rétention incomplète, et, souvent, la muqueuse congestionnée

et oedématiée produit une oblitération du col, où rétention complète.

Dans ces cas, l'ascension aux voies supérieures est rapide et grave d'emblée.

La pyélo-néphrile affecte deux formes, aiguë et chronique, et est tou-

jours ascendante. Dans la première forme, c'est en général après un

cathétérisme septique ou mal conduit, avec évacuation trop rapide par

exemple, que les accidents aigus éclatent : frissons, fièvre intense, dou-

leurs lombaires plus marquées d'un côté, inappétence, soif intense, langue

sèche, tout le cortège, en un lll01, de l'intoxication urinaire aiguë. La

forme chronique peut être tout à l'ait latente, se traduire seulement par

des troubles digestifs, une dysphagie particulière pour les solides, de.

l'amaigrissement ; comme symptômes locaux, on observe des urines

troubles en niasse, ne s'éclaircissant pas par le repos, une légère dou-

leur lombaire et urétérale à la pression et souvent une augmentation de

volume du rein, congestionné, ou distendu par pyonéphrose. Cette com-

plication est commune dans les affections graves du système nerveux el

constitue pour ces malades une cause fréquente de mort.

Traitement. Le traitement préventif a une grande importance

puisque le cathétérisme joue un rôle considérable dans la production des

accidents; je renvoie donc il la technique exposée à l'article « rétention ».

Une fois l'infection vésicale installée, la première règle est de s'opposer

à la rétention : c'est-à-dire qu'on procédera il des évacuations régulières

dont la répétition dépendra de la marche de la maladie et de l'abondance

de l'urine retenue. Une faible quantité, de 40 à 50 grammes par exemple

peut ne nécessiter qu'un sondage chaque jour, surtout si l'amélioration

qu'il produit est rapide. Dans des conditions inverses, il est nécessaire

de sonder 1, (i ou 8 fois par jour : c'est alors que s'impose le maintien il

demeure d'une sonde; il est rarement possible de la laisser constamment

Pil.\TIICI : ¡¡E\JIIOI., (il

[E. DESNOS.]

962 TROUBLES DE L'APPAREIL URINAIRE.

ouverte, car les parois de la vessie se froissent et s'irritent à leur propre

contact et à celui de la sonde ; on la fermera avec un fausset qu'on retirera

aussi souvent que la miction sera impérieuse, en ayant soin d'injecter

dans la vessie une petite quantité d'un liquide aseptique avant le retrait

de la sonde, pour maintenir ses parois un peu écartées.

La guérison est parfois obtenue par l'évacuation simple, dans les cas

de bactériurie légère par exemple. Ordinairement, il faut faire des

^lavages; jamais, sous aucun prétexte, on ne distendra la vessie; le lavage

évacuateur consiste à injecter avec une certaine force, sans violence, une

petite quantité de liquide, de 50 à 60 grammes au plus, qu'on laisse res-

sortir immédiatement; on renouvelle cette manoeuvre à plusieurs reprises.

On se servira de préférence d'une sonde de caoutchouc ou de gomme si

la vessie est très encombrée par des mucosités, et d'une seringue plutôt

que d'un laveur à moins qu'on ne soit forcé de confier les manoeuvres

au malade lui-même, ou à un assistant peu expérimenté.

Il faut éviter, autant que possible, les antiseptiques dans les complica-

tions urinaires des maladies nerveuses à cause de la réaction toujours

vive, des troubles trophiques possibles et du peu de résistance des parois

vésicales. L'eau bouillie, avec ou sans addition d'acide borique, est le

liquide de choix; si après évacuation régulière l'infection persiste, on

emploiera l'ou-c5-nnure d'Ilg g a ' 5 . O.oU' J ou le protargol à 500 ou le perman- .

1 J J d 5 0.00 l juU

ganate à 5 oo : mais on se gardera, à moins d'indications particulières,

du nitrate d'argent et du sublimé à cause de la nécrose des tissus qu'ils

tendent à produire. On agira mieux en injectant et abandonnant dans la

vessie quelques centimètres cubes d'une solution huileuse de goménol il

1.1 -i .

ou de gaiacol à 1 Enfin, en présence d'une infection localisée, des

1 0 Jt\)

instillations sur le col et dans la prostate sont indiquées, mais dans ces

cas, le protargol à est préférable au nitrate d'argent pour lequel on ne

dépassera pas le titre de : 2O' Comme dernière ressource, si la douleur

1 l UU

et l'infection, résistaient à- tout, une cystostomie hypogastrique serait

pratiquée.

La pyélite aiguë est surtout justiciable d'un traitement général, séjour

au lit, sudation, boissons chaudes, alcool; on se gardera des antisep-

tiques à l'intérieur dans cette phase; 1 ou 2 grammes de sulfate de quinine

procureront un certain bien-être; cataplasmes sinapisés, ventouses ou

autres révulsifs sur la région rénale; le lendemain de l'accès, purgatifs

légers et régime lacté avec continuation de l'alcool. Dans les urétéro-pyc-

lites chroniques, on s'adressera aussi à l'état général : régime lacto-

végétarien avec quelques toniques ; laxatifs légers et antiseptiques intes-

tinaux ; l'urotropine et l'licllittil à la dose de grammes au maximum

- POLYURIE. i)(j5

rendront quelques services. Localement les révulsifs seront appliqués de

temps en temps. On n'oubliera pas enfin que la pyélile est toujours

secondaire dans ces cas et il faudra en même temps soigner la vessie.

Il est bien rare que le pyélite s'accompagne de distension et par consé-

quent l'action chirurgicale n'est pas souvent indiquée, d'autant moins

que la déchéance générale du malade en détourne; mais en présence

(l'une ly-onépllrmc, surtout si elle est douloureuse, une néphrotomie est

indiquée et prolongera l'existence du malade.

POLYURIE

La polyurie existe il un moment quelconque de presque toutes les

affections du système nerveux, mais c'est tantôt un phénomène banal,

un réflexe qu'on retrouve dans beaucoup de maladies d'autres appareils,

tantôt un symptôme même, des lésions du système, nerveux dans lesquelles

la polyurie se présente avec une signification et une, modalité spéciales.

L'hémorragie cérébrale donne lieu presque toujours il une polyurie

d'abondance variable, mais la quantilé rendue dépasse toujours le chiffre

normal, atteint parfois 3 ou 4 litres après l'ictus, se prolonge pondant

plusieurs jours et même plusieurs semaines. Il en est de même du

ramollissement. Cependant une cause d'erreur résulte, d'une rétention

méconnue : ces malades, vieillards déjà prédisposés par une hypertrophie

prostatique, ont de l'incontinence, par regorgement, qui détourne de

l'idée de rétention, mais celle-ci est par elle-même une cause de polyurie.

qui dans certains cas n'est nullement de nature nerveuse, et cesse dès

qu'on vide, la vessie. -

La' polyurie. s'observe il la suite de traumatismes du crâne et de la

moelle, surtout dans les lésions du 4" ventricule, principalement les

fumeurs; elles est alors constante et prolongée et s'accompagne ordinai-

rement de glycosurie et de phosphaturie. La persistance, et l'abondance

de la polyurie indiqueraient une atteinte des noyaux du bulbe.

Signalée dans la sclérose en plaques, la polyurie est fréquente dans le

tabes; elle procède par crises paroxystiques, soit qu'elle accompagne

les crises de névralgies rénale ou vésicale, soit que la « crise d'urine »

se maintienne en dehors de toute douleur. La encore il faut surveiller la

rétention incomplète, fréquente chez le tabétique et cause par elle-même

de polyurie.

C'est dans l'hystérie qu'on la voit acquérir son maximum d'intensité;

elle se présente sous plusieurs aspects : le plus souvent des crises pas-

sagères de polyurie, relativement, peu abondantes, surviennent ou accom-

pagnent les crises d'hystérie pendant lesquelles les malades peuvent uriner

à ou (i litres en quelques heures. La polyurie permanente est plus rare,

surtout chez la femme ; le début en est brusque ou insidieux, s'accompa-

gnant souvent d'une rétention incomplète plus ou moins prononcée. On

« signalé jusqu'à 15, : W, même : 2;) litres d'urine rendue en 24 heures,

[E. DESNOS.]

964 TROUBLES DE. L'APPAREIL URINAIRE.

chiffres invraisemblables qui éveillent l'idée de supercherie. Toujours

est-il que le produit de la sécrétion rénale peut être considérable, le

chiffre de l'urée augmentant parallèlement jusqu'à 45. grammes et même

au delà. La soif est intense et la polydypsie en rapport avec la diurèse.

La durée est dans ce cas indéfinie et atteint plusieurs années, jusqu'à

8 et 10 ans. "

En dehors de l'hystérie, les neurasthéniques sont sujets à de fré-

quents accès de polyurie; rarement .celle-ci est continue et spontanée,

mais chez eux une cause futile, matérielle ou morale, en provoque l'appa-

rition ; elle prend quelquefois des proportions, considérables. Il faut

reconnaître d'ailleurs que des sujets qui n'ont aucune tare ont parfois

de. la polyurie nerveuse sous l'influence d'une émotion.

. Diagnostic. - La conséquence de la sécrétion exagérée est la

fréquence des besoins, parfois la vessie se distend et présente une cer-

taine rétention, ou au contraire la répétition incessante des besoins

éveille une sensibilité, puis une contractilité exagérée et la névralgie,

tout au moins l'excitabilité vésicale est créée.

La quantité d'urine rendue impose le diagnostic, mais on ne doit con-

clure à l'origine nerveuse que lorsque toute idée de lésion. organique aura

été écartée. On surveillera la rétention incomplète qui est elle-même une e

cause de sécrétion excessive ; si on la soumet à des évacuations régu-

lières,, on fait cesser la polyurie. On recherchera les moindres signes de

néphrite interstitielle, et de toutes les autres lésions rénales ; car ici les

deux causes peuvent se superposer et un calcul rénal, une pyéliic chez

un neurasthénique amène souvent une polyurie qui fait défaut dans

d'autres conditions. '

Traitement. La polyurie n'est qu'un symptôme; c'est, donc la

maladie génératrice qu'on traitera tout d'abord, s'il est possible. On évi-

tera les moyens thérapeutiques destinés, théoriquement à diminuer la

sécrétion rénal.e, tels que les opiacés, car ils congestionnent le paren-

chyme rénal. On s'efforcera plutôt de diminuer progressivement la quan-

tité de liquide ingérée.. La suggestion a donné des résultats à Babinski

dans la polyurie hystérique. On obtiendra de bons effets des dérivatifs,

en agissant sur la surface cutanée au moyen de frictions sèches, de dou-

ches et de bains d'air sec et chaud,. plutôt que de douches de vapeur. De

même, des laxatifs et des purgatifs sont indiqués. Quant aux médica-

ments tels que les balsamiques, l'ergot de seigle, la noix vomique ou la

belladone qui ont été tour à tour conseillés sans indication précise, leur

efficacité est tout au moins problématique.

AKL : i ! H ? OLIGURIE. 9gaz

ANURIE OLIGURIE

La suppression ou une grande diminution de la sécrétion urinaire est

signalée dans un certain nombre d'observations de maladie du système,

nerveux. Dans le tabès, dans le tétanos, dans des cas de compression

médullaire on a vu la quantité d'urine tomber à 200 ou 300 gr. et

revenir à la normale à mesure que la lésion (traumatique) s'améliorait.

On pourrait encore rattacher au système nerveux les anuries consécu-

tives aux traumatismes graves et aux brûlures étendues, car c'est par voie,

réflexe que cette inhibition de la fonction rénale se produit.

C'est dans l'hystérie qu'on observe les faits les plus remarquables

d'anurie complète, qui est rare, ou d'oligurie, qu'on voit souvent. Comme

tous les phénomènes hystériques, l'anuric peut survenir brusquement

après une attaque ou s'installer peu à peu. Elle est tantôt intermittente et

de courte durée, tantôt elle persiste longtemps ; on a signalé les

durées invraisemblables de plusieurs semaines et jusqu'à cinquante

jours 11). Les hystériques résistent, à cette absence d'élimination si bien

et si longtemps, qu'on est toujours tenté de rechercher la supercherie.

Il y a toujours alors des phénomènes vicariants, vomissements, sueurs

profuses, sialorrée, diarrée, etc., puis tout à coup l'urine reparait, mais

en faible quantité.

L'oligurie hystérique persiste parfois pendant des mois et des années,

sans donner lieu à des troubles notables de la santé. On voit l'urine

tomber à 00, 50, même 20 grammes dans les vingt-quatre heures; à

cette diminution de quantité correspond un abaissement de l'élimination

de l'urée, dont quelques grammes à peine (6, 4 et même 2 1/2) sont

retrouvés dans la masse totale expulsée. Il en est de même des chlorures.

Dans ces cas intenses, on observe souvent de la diarree, ou des vomisse-

ments contenant de l'urée.

Exception l'aile pour l'hystérie, où l'anurie plus ou moins prolongée

existe bien réellement sans lésions rénales, on n'acceptera qu'avec réserve

les observations d'anurie due exclusivement à l'influence du système

nerveux; car les observations sont nombreuses dans lesquelles l'autopsie

ou une opération chirurgicale a démontré l'existence dans le rein de

lésions graves (calculs, suppurations anciennes, allant jusqu'à la destruc-

tion du parenchyme, néphrite avancée, etc.), qui étaient restées mécon-

nues.

Le traitement a peu d'influence sur l'anurie ou l'oligurie hystérique.

Dans celle forme connue dans les autres, les révulsifs, les dérivatifs

appliqués sur la région rénale, sont d'une certaine utilité. On n'emploiera

la médication diurétique qu'avec beaucoup de ménagements pour ne

pas augmenter la tension sanguine ni provoquer des congestions

rénales. On évitera les médicaments toxiques, tel que la digitale et ses

[E. DESNOS]

966 TROUBLES. DE L'APPAREIL URINAIRE. ,

succédanés, qui risqueraient de ne pas être éliminés, ainsi que les

injections abondantes de sérum artificiel.

Enfin, dans les cas graves où la suppléance de l'élimination ne se fait

pas par d'autres organes et où la vie est menacée, une opération chirurgi-

cale peut rendre de grands] services ; une néphrotomie avec drainage ou

une décapsulation est de nature, non seulement à éviter les accidents

graves immédiats, mais à. rétablir la sécrétion rénale en faisant cesser la

congestion du rein. . - ' y .

NÉVROPATHIE URINAIRE

LES faux urinaires

Les maladies de l'appareil urinaire sont peut-être, entre toutes, celles

qui frappent le plus l'imagination. Sous l'influence d'une cause futile,

un entretien, la lecture d'un livre de médecine, d'une annonce de

journal, surtout de petites publications éhontées faites dans un Lui

inqualifiable, ou les conclusions hasardées d'une analyse d'urine, appa-

raît et s'installe dans l'esprit d'un sujet l'idée d'un rétrécissement, d'un

calcul vésical, d'une albuminurie, etc., qui n'existent pas et dont les sym-

tômes mêmes manquent absolument. Ce sont de vrais malades imagi-

naires dans l'esprit desquels il est assez facile de faire pénétrer la convic-

tion de l'absence de la lésion redoutée, en leur démontrant, par

exemple, par l'introduction d'un gros Béniqué, qu'ils n'ont pas de rétré-

cissement. Mais il n'en est pas toujours ainsi et, en plus, à côté de ceux-

là, existent d'autres malades qui créent de toutes pièces un ensemble

symptomatique dont ils souffrent réellement.

On retrouve souvent chez eux une tare nerveuse héréditaire ou indivi-

duelle. Beaucoup ont eu dans leur enfance de l'incontinence nocturne

ou, tout au moins, de la pollakiurie. Bien que guérie, celle-ci laisse

l'esprit du malade porté vers ses organes génito-urinaires, dont il analyse

constamment le fonctionnement. Il en résulte une exagération des sensa-

tions normales, une fréquence plus grande, quelquefois réelle, souvent

voulue, le malade examinant à tout instant comment se comporte le jet

d'urine. Ailleurs, et plus souvent, c'est à la suite d'une cause occasion-

nelle, une blennorragie, une cystite, un traumatisme qui a mis en jeu la

sensibilité de l'appareil urinaire; les symptômes, normaux, surtout le

reliquat de la maladie, sont amplifiés il l'infini par l'imagination du

malade. Toutes ces causes sont exagérées par des conditions adju-

vantes : la lecture de livres. de. médecine, des avis pseudo-médicaux,

donnés par des industriels sans aveu, etc., qui ne servent qu'à exaspérer

ces symptômes.

Si variées que soient ces causes, elles aboutissent à des symptômes qui

rentrent dans un cadre assez facile à limiter, et qui forment deux

groupes : pollakiurie et difficultés de la miction.

11VROPATIIII; URINAIRE. 967

La pollakiurie reconnaît parfois pour point de départ une lésion ana-

tomique bien caractérisée, comme lorsqu'elle succède à une cystite blen-

iiorragique. Elle est très variable dans son intensité et sa modalité, cesse

ordinairement la nuit ou lorsque l'attention du malade est concentrée

ailleurs. Elle peut s'éteindre et diminuer, mais plus souvent elle

s'aggrave et .aboutit à une névralgie vésicale.

1 : ) . ZD

La névropathie urinaire arrive à produire aussi des troubles de la mic-

tion : celle-ci devient hésitante, se fait goutte par goutte; c'est le bégaie-

ment urinaire, premier indice du spasme 1l1'élrai. Cette contraction

prématurée du sphincter détermine un certain degré de rétention d'urine

incomplète, très peu marquée d'abord et intermittente, puis perma-

nente : elle constitue alors une maladie véritable à lésion caractérisée,

que l'absence de- traitement aggrave et accentue. Parfois, la rétention est

complète.

Ce spasme urétral est souvent pris pour un rétrécissement de l'urètre,

notion qui augmente l'hypocondrie du malade. Le diagnostic est facile.

et il faut en faire la démonstration au malade.

Le traitement moral est le seul qui convienne. Tout au plus peut-on,

lorsqu'on a constaté l'intégrité des voies urinaires, pratiquer quelques

sondages comme moyen de suggestion ou, comme on l'a prétendu, pour

émousser la sensibilité de l'urètre, moyen à n'employer qu'avec ména-

gements, car on risque d'infecter la vessie et même d'augmenter la sen-

sibilité au lieu de l'amoindrir.

\E. DESNOS ]

TROUBLES DE L'APPAREIL GÉNITAL

-par le Dr E. DESNOS

- PRIAPISME

On comprend'sous ce nom des phénomènes assez différents; d'une

part une répétition très fréquente des érections, d'autre part une prolon-

gation anormale de celles-ci ; dans le premier cas le priapisme s'accom-

pagne d'une augmentation considérable du sens génésique; dans le

second tout désir vénérien peut être et est souvent absent; l'érection est

même souvent -Luie cause de douleurs.

. On le retrouve dans les maladies qui conduisent à l'onanisme, l'idiotie.

la démence, le crétinisme, etc. La fréquence de la masturbation déter-

mine une congestion habituelle des organes génitaux dont le développe-

ment prend parfois des proportions considérables. C'est dans ces cas que

les douleurs de l'érection se manifestent; l'éjaculation, trop souvent solli-

citée, ne pouvant plus se produire, un spasme douloureux du périnée

s'accompagne d'irradiations douloureuses au scrotum et au pénis.

Le priapisme est un symptôme des lésions des tubercules quadri-

jumeaux, ainsi que de celles de la moelle cervicale et du centre génito-

spinal ; l'érection se produit au moment de la pendaison et persiste sou-

vent après la mort. ;

Il n'est pas rare chez les neurasthéniques, chez lesquels on observe

d'abord des éjaculations hâtives et précipitées, puis des pollutions noc-

turnes. Bientôt apparaît une sensibilité excessive de la verge, du scrotum

et du périnée, qui provoque l'érection au moindre attouchement ou il

toute pensée lubrique ou génitale. Très rapidement, la volupté de l'or-

gasme vénérien diminue et est même remplacée par un sentiment de

brûlure pendant l'éjaculation. Enfin les pertes séminales augmentent et'

l'appétit sexuel disparaît; il en résulte une impuissance imaginaire.

Dans l'épilepsie, on voit souvent des érections prolongées et répétées

suivies ou non d'une éjaculation qui précède l'attaque. Ailleurs au con-

traire, une éjaculation suit cette dernière à court intervalle.

Le priapisme est un symptôme du début de la sclérose en plaques,

mais cette période dure peu et fait place rapidement à l'impuissance

définitive. Il en est de même dans la paralysie générale.

Dans le tabès les troubles génitaux sont variables. Au début on observe

SPEMIATOJuuOE. non

une excitation anormale, des désirs vénériens exagérés, suivis d'éjacula-

tions prématurées, tellement hâtives parfois qu'elles se l'ont à la vulve;

quant au priapisme véritable, c'est-il-dire il la prolongation très longue

d'une érection, il est plus rare. Bientôt l'éjaculation cesse d'être volup-

tueuse et s'accompagne d'une douleur et surtout d'une sensation de brll-

ture au niveau du cordon, des testicules. Ailleurs des phénomènes

bizarres se montrent, tel que la sensation d'un corps étranger dans le

rectum. Quoiqu'on ait vu des tabétiques conserver longtemps leur puis-

sance et même leur excitation génitale, la règle est de les voir rapide-

ment disparaître; l'inappétence sexuelle devient complète et l'érection

ne peut plus être provoquée.

De ces phénomènes nous rapprocherons les crises clitoridiennes de la

femme dans le tabès; elles consistent en une scnsatiolll'rotiqup, se répé-

tant si souvent chez certaines malades que la sensation et le désir sont

constants; elles présentent des paroxysmes qui sont de véritables spasmes

vénériens. A ces symptômes s'ajoutent des crises vulvo-vaginates qui ne

sont autres que des crises de vaginisme. c'est-à-dire des contractures

des muscles constricteurs du vagin, rarement accompagnées de sensations

voluptueuses au début, et aboutissant toujours à une douleur vive, an-

goissante et très prolongée. De telles crises sont provoquées par un

simple attouchement, aussi le coït est-il impraticable et la stérilité en est

la conséquence.

Traitement. C'est il la cause même qu'il faut s'adresser tout

d'abord; comme moyens locaux et préventifs on évitera de provoquer la

congestion des organes pelviens, le décubitus au lit ou la station assise

trop prolongée; on interdira au malade les lectures et les fréquentations

susceptibles de lui rappeler des idées erotiques; des bains généraux et

surtout les douches, les l'rictions au gant de crin [seront utiles. La mé-

dication bromuree procure quelquefois une certaine sedatiou, mieux que

la valériane; l'antipyrine, le pyraniidon ont réussi dans quelques cas.

- t " "

SPERMATORRÉE

Nous désignerons ainsi toute issue du liquide spornialiquc non pro-

voquée par le coït ou des pratiques d'onanisme.

Elle est a) physiologique ou b) pathologique.

a) Spermatorrée physiologique. Les pollutions nocturnes en

représentent le type. Sous l'influence d'un rêve erotique l'éjaculation se

produit, réveille le sujet pour lequel il n'en résulte aucune fatigue ni

inconvénient d'aucune sorte, faisant au contraire souvent cesser un

malaise moral et des préoccupations erotiques. Elles se, renouvellent

plus ou moins souvent, selon les dispositions individuelles, le tempé-

rament et surtout la prolongation de la continence. Mais elles n'en-

traînent jamais aucune conséquence fâcheuse excepté chez les 11l'\-l'(1-

pathes, dans des conditions que nous aurons il déterminer.

[E DESNOS ]

a170 ' TROUBLES DE L'APPAREIL GÉNITAL.

L'écoulement du sperme se produirait, suivant quelques auteurs,

pendant la défécation par la pression du bol fécal, chez les sujets qui ont

observé une continence prolongée et dont les vésicules seraient en état

de réplétion. 11 est rare qu'il s'agisse de spermatorrée dans ces cas, et la

prostate est bien plus souvent en cause. L'examen microscopique montre

assez souvent, il est vrai, quelques spermatozoïdes dans le liquide ainsi

excrété, mais leur rareté même permet de le distinguer du sperme dont

nous n'avons jamais vu une véritable expulsion par ce mécanisme. De

plus, par le toucher rectal, on trouve une prostate amplifiée, bosselée et

sensible; à l'aide d'une pression modérée sur sa face postérieure on

expulse du liquide, tandis 'qu'en agissant de même sur les vésicules on

les trouve normales sans qu'une pression du doigt produise le moindre

suintement. ¡Il .est bon de connaître ces détails pour rassurer des sujets

toujours- timorés.

Nous ferons la même réserve, plus expresse encore, pour les pertes

du sperme qui se produiraient pendant ou après la miction. Sans doute,

on peut retrouver au microscope quelques spermatozoïdes mélangés à

l'urine, chez des individus continents depuis longtemps ou soumis des

érections prolongées; mais le fait est exceptionnel. Quant à la description

du sperme mélangé à l'urine, quelquefois reproduites depuis Lallemand

et Trousseau, elle repose sur une erreur de clinique; les corpuscules,

le nuage floconneux ainsi décrits n'ont aucun des caractères du sperme

et sont des productions muco-purulentes (Malécot). ,. -' '

b) Spermatorrée pathologique. La spermatorrée est un symptôme

et n'a d'autre gravité que celle qui s'attache à la lésion première. On la

constate dans un grand nombre d'affections cérébrales et médullaires,

dans presque toutes les formes de l'aliénation mentale, chez les idiots,

qu'elle soit ou non précédée de masturbation, dans la syphilis cérébrale

et surtout dans la paralysie générale à la première période. Elle est au

début accompagnée d'érection, mais peut survenir ensuite clans l'étal de

flaccidité de la verge. On l'a signalée dans la méningite, dans la contusion

et la commotion cérébrale. Elle accompagne souvent l'hystérie et

l'épilepsie.

Plus souvent la spermatorrée est symptomatique d'une affection de la

moelle dont l'influence sur l'éjaculation. est certaine ; l'éjaculation

au moment de la pendaison constitue une sorte de preuve expérimen-

tale. Assez rare dans la myélite transverse, on voit fréquemment la

spermatorrée dans la compression lente de la moelle, sous forme du'1,1-

culations involontaires non perçues, dans la syringomyélie où elles sont

douloureuses. Enfin, et surtout dans le tabès à l'a période initiale, sou-

vent même les excitations génitales apparaissent avant tout autre signe et

ont pu être considérées comme une cause plutôt que comme un effet du

tabès.

Les causes psychiques ont la plus grande importance. Nous ne revien-

drons pas sur les rêves et l'influence des lectures, des fréquentations,

SPERMATORRÉE. i)7) I

des souvenirs. Mais une émotion, un effort d'attention très prolongé, la

crainte de ne pas voir un désir se réaliser, peuvent déterminer une

pollution, seulement, il est vrai, chez des sujets névropathes. C'est ex-

clusivement dans ces cas que l'existence d'une spermatorrée diurne

paraît réelle. Tous ces sujets ont une tare nerveuse héréditaire ou per-

sonnelle, beaucoup ont eu de l'incontinence d'urine nocturne infantile.

D'autres sujets sont conduits de même à une spermatorrée imaginaire.

Il s'agit en général d'hypocondriaques, issus de parents nerveux ou

alcooliques qui, après avoir remarqué un phénomène qui les étonne, tel

qu'un suintement de liquide urétral après une demi-érection, sont hantés

de l'idée de pertes séminales. Aidés par des conseils intéressés, par des

praticiens sans scrupules vers lesquels ils se dirigent fatalement, par la

lecture de brochures éboulées, ils se font une science fausse et refusent

de se laisser convaincre. Peu il peu ils se reconnaissent une série de sym-

ptômes : troubles digestifs, faiblesse générale, palpitations, vertiges,

sensations de vide, crainte de la folie, etc. Plusieurs deviennent de véri-

tables aliénés ou sont portés au suicide.

Diagnostic. - Deux points sont à considérer : y a-t-il spermatorrée ?

de quelle nature est-elle ?

Les causes d'erreur sont nombreuses. Le liquide observé après une

érection, clair, filant, analogue à du blanc d'oeuf est du liquide des

glandes de Cowper. Le, liquide plus visqueux, laiteux, expulsé pendant

les efforts de défécation vient de la prostate. Enfin, on se méfiera des

analyses histologiques faites sans compétence suffisante et d'une inter-

prétation hasardée de leurs résultats. Des conclusions risquées ont con-

duit des malades à l'hypocondrie et même au suicide.

D'ailleurs la constatation de la présence de spermatozoïdes dans l'urine

ne suffit pas pour établir le diagnostic, car celle-ci peut avoir été

recueillie peu de temps après une éjaculation, de même que quelques-

uns de ses éléments sont parfois entraînés par l'urine chez des sujets

continents depuis longtemps,' ce qui constitue un phénomène physio-

logique. Enfin, on aura souvent à combattre l'erreur de malades qui

prennent pour du sperme le produit purulent d'une urétrite ou d'une

prostatite chronique.

Quant au deuxième point du diagnostic, la spermatorrée ayant été

démontrée réelle, il suffira, pour en rechercher la nature, de se reporter

il l'examen des causes que nous avons énumérées.

Traitement. Tout d'abord, on s'adressera il la cause, la lésion

nerveuse, s'il est possible. La médication symptomatique pourra toujours

être employée comme adjuvant, mais elle n'a une réelle efficacité que

dans les cas simples d'irritabilité nerveuse. .

On établira une bonne hygiène, : exercice au grand air, exercice cor-

porel, susceptibles de produire une fatigue réelle, hydrothérapie et bains

de nier, séjour aux eaux minérales, électrisation, surtout sous forme de

courants de haute fréquence, suppression des travaux intellectuels, de

[E. DESNOS.]

972 ' . TROUBLES- 'DE L'APPAREIL -GÉNITAL.

,. ,

toute préoccupation si possible. Enfin, on fera cesser la continence si elle

est trop prolongée. . '

La médication interne est rarement indiquée et l'action des anti-

spasmodiques est loin d'être démontrée; il en est de même des moyens

locaux tels que les révulsifs au périnée. Plus efficaces seront les anneaux-

réveils dont on entoure le pénis et qui, au moment de l'érection, pro-

duisent le réveil, soit parce qu'ils sont armés de pointes- cachées, soit

1)arce qu'ils actionnent une sonnerie électrique.

Ellfin on agira surtout sur l'état mental du sujet, en lui démontrant la

bénignité de son .affection et en lui faisant voir la fausseté des consé-

quences graves qui lui ont été annoncées. La suggestion agit souvent sur

ces. nerveux.

13YSPEÀZMATISME

On désigne sous ce nom les perturbations apportées à l'émission régu-

lière du sperme alors que l'érection est normale (Pousson). Nous laisse-

rons de côté celui qui est dû à des lésions matérielles, à la présence d'un

calcul ou à l'oblitération du conduit éjaculateur à la suite de funiculite ou

d'orchite, pour nous occuper du dyspermalisme fonctionnel, sous l'in-

fluence d'une affection psychique ou nerveuse.

L'anesthésie des organes génitaux peut retarder indéfiniment l'éjacula-

tion, ainsi qu'on l'observe dans l'hystérie et surtout dans le tabès à la

première période. Elle annihile le point de départ des réflexes par un phé-

nomène d'inhibition; c'est ce qu'on voit aussi chez les convalescents, les

personnes affaiblies par l'âge, par des excès de toute nature, vénériens

et -surtout alcooliques : dans ces derniers cas, le dyspermatisme est tem-

poraire. 1 .

Sous l'influence de troubles psychiques, l'éjaculation peut être arrêtée :

celle-ci se produit, à l'état normal, parce que le sperme, emprisonné et

comprimé entre le sphincter de la vessie et celui de la région membra-

neuse, trouve subitement une issue par le relâchement brusque de ce

dernier. Que cette contraction antérieure ne cesse pas, et l'éjaculation

sera nulle : le sperme s'écoulera plus tard en bavant. Ailleurs, c'est le

sphincter interne qui cède et l'éjaculation a lieu dans la vessie. Enfin,

dans une troisième variété (Pousson), tout l'appareil sphinctérien contrac-

ture efface complètement la cavité de l'urètre .prostatique où rien ne

peut plus faire irruption, ni des vésicules, ni de la prostate, ni des déte-

rents : cette rétention en amont donne lieu à des douleurs très vives au

moment de l'éjaculation (colique spermatique. Reliquet).

Enfin la destruction du centre génito-spinal produit le même effet (frac-

tures de la colonne, plaies de la moelle, inflammations transverses, etc.).

Il en résulte un retard ou une absence d'éjaculation, une perturbation

dans les sensations voluptueuses qui sont atténuées ou prolongées;

ONANISME. 973

presque toujours une douleur ou une gêne périnéale est accusée. Le

mélange du sperme à l'urine peut faire croire à une spermatorrée qui

n'est pas réelle.

Le dyspcruiatisntc s'observe chez des névropathes exclusivement, mais

on relève presque toujours des causes occasionnelles, excès vénériens,

fraude pendant le coït, efforts intentionnels pour retarder l'éjaculation,.

manoeuvres libertines, surtout, chez les vieillards.

Traitement. Il faut tâcher de faire cesser les préoccupations et

empêcher le point de départ psychique. Le traitement se confond donc avec

celui de la spermatorrée sur presque tous les points; toutefois, lorsque,

la cause provient d'une gène ou d'une douleur ayant son siège dans les

organes génitaux, on recherchera la lésion première à laquelle on appli-

Huera un traitement approprié.

f ONANISME

*'

N'ayant considérer ici cet acte contre, nature que dans ses rapports

avec le système nerveux, nous ne pouvons en aborder l'étiologie, car

dans la plupart des cas, on se demande si l'onanisme est cause ou effet

de la maladie nerveuse.

L'influence de lésions du cervelet, considéré autrefois connue centre

g"t"l11lal, n'est plus acceptée aujourd'hui : par contre, des lésions de la

moelle cervicale, du centre génito-spinal ont pu déterminer le dévelop-

pement de l'onanisme. ? Presque tous les niasturbateurs, dans l'un et l'autre sexe, sont prédis-

posés par une tare héréditaire, telle que l'aliénation, l'hystérie, l'alcoo-

lisme. Dans ces conditions, les enfants se trouvant réunis au milieu

d'agglomérations, dans un pensionnat, par exemple, où cette habitude est

malheureusement, si fréquente, la contractent en compagnie de leurs

camarades; mais, alors que chez la plupart d'entre eux, ce vice est léger

e) éphémère, il acquiert chez les prédisposés une, intensité extrême et

a» accentue au lieu de se perdre a l'âge des rapprochements sexuels.

. Il est fréquent chez les idiots, les crétins, les imbéciles, chez lesquels

on retrouve souvent en même temps une malformation génitale (hypo-

spadias, herlllaphroditisme, cryptorchidie, etc.). Les épileptiques s'y

livrent souvent : on voit la crise éclater après des actes anormaux, ail-

leurs, an contraire, la crise est venue lorsqu'on a empêché une pratique

onanique habituelle. Les déments, les maniaques se livrent avec rage à

la masturbation : on cite des cas où cette habitude cesse quand les accès

de démence disparaissent : ailleurs c'est, au contraire, la reprise de la

masturbation qui les provoque.

l'ans la paralysie générale, l'onanisme est souvent un signe du début

l'i doit mettre sur le voie du diagnostic quand il apparaît chez des sujets

qui, ne s'y livraient pas auparavant, surtout s'il s'accompagne d'actes

. i [E. DESNOS.]

074 TROUBLES DE L'APPAREIL GÉNITAL.

publics. Les érections. fréquentes^ du tabes au début peuvent conduire à

l'onanisme. .

Que dans cette catégorie de faits l'onanisme soit cause ou effet, il est

certain qu'on doit tâcher de l'arrêter ou, encore. mieux, faire de la pro-.

phylaxie. Distractions, exercices physiques, douches, dépaysement, éloi-

gnement de tout ce qui peut provoquer les idées lubriques. Les rnoyèns

de coercition (camisoles de force, liens pour fixer les bras, appareils de

protection des organes génitaux) réussisent rarement.

IMPUISSANCE

On désigne sous ce nom l'impossihilité d'accomplir le coït parce que

les érections sont ou absentes, ou assez peu complètes et prolongées

pour permettre l'accouplement.

Quelquefois elle constitue un symptôme d'une lésion cérébrale ou

médullaire; ou bien elle est d'origine psychopathique. Plus fréquente

dans les maladies de la moelle, on l'observe dans certaines affections

graves de l'encéphale, telles que l'hémorragie ou le ramollissement, et

dans la paralysie générale; toutefois, il y a lieu de rechercher si, dans ces

cas, les lésions concomitantes du consécutives de la moelle ne jouent pas

le principal rôle. -

Très rare dans la maladie de Friedreich, plus fréquente dans la syrin-

gomyélie et surtout dans la sclérose en plaques, à la deuxième période,

constante dans les compressions lentes de la moelle et dans la para-

plégie, etc., l'impuissance succède presque toujours à une période

d'excitation sexuelle exagérée. Cette succession est surtout bien marquée

chez les tabétiques dont nous avons décrit les désirs exagérés au début

de l'affection. -

A cette classe on peut rattacher les effets de certains médicaments qui

paraissent agir par l'intermédiaire du système nerveux, action d'ailleurs

souvent problématique et toujours temporaire ou intermittente; tels sont

les anaphrodisiaques ou, prétendus tels, le nénuphar, le lupulin, les bro-

mures, le camphre, l'arsenic, enfin et surtout l'alcool, et, chez certains

individus, le tabac. '

A côté de cette impuissance d'origine spinale se range l'impuissance

psychique. Presque toujours.il s'agit de névropathes, chez lesquels l'ima-

gination joue un rôle prédominant; de timides, que l'approche d'une

femme impressionne; de craintifs au souvenir d'un premier échec;

d'autres fois, c'est une aversion iuvincible pour telle ou telle femme

qui empêche l'érection; ailleurs, l'éjaculation est tellement rapide qu'elle

ne permet pas l'intromission du pénis.

L'impuissance qui relève de ces causes est ordinairement temporaire

et curable; l'érection est possible et a lieu parfois sous d'autres influences

que les conditions normales. Dans l'impuissance d'origine 'spinale, au

IMPUISSANCE. i'75

contraire, l'érection, une fois disparue, ne, revient plus, les éléments

nerveux qui président à l'érection sont seuls atteints ; et dans ces cas les

sujets peuvent conserver des désirs et même avoir de la spcl1llalorn'.{'

sans érection.

Traitement. S'il s'agit, d'impuissance psychique, le traitement

visera surtout le moral du sujet; on modifiera ses conditions d'existence,

on supprimera temporairement la cohabitation. Le traitement général des

névropathes sera appliqué : vie au grand air, dépaysement, douches

tièdes ou froides. L'électricité, sous la forme de courants de haute fré-

1(11enec, donne certains résultats; comme application locale, elle ne semble

pas agir autrement que par suggestion. Il en est de même du massage

des testicules et de la prostate, et du tapotement de la région dorso-lolll-

)laire. Enfin on ne négligera pas de rechercher les lésions inflammatoires

de la prostate ou des testicules. En particulier, l'examen de l'urètre

prostatique au moyen de l'urétroscollc a souvent permis de découvrir des

lésions orificiellcs des canaux ejacutateurs ou du verumontanum et de

les traiter avec succès.

Quant à l'impuissance d'origine spinale, le traitement delà lésion géné-

ratrice est prédominant et il n a aucun traitement local; dans les lésions

curables, on ne se hâtera pas de conseiller la reprise des fonctions

sexuelles qui, d'ailleurs, dans la plupart des cas, restent plus ou moins

atteintes et affaiblies.

TE. DESNOS.

TROUBLES NERVEUX

DE L'APPAREIL DIGESTIF

par le Dr MOUTIER

Les troubles nerveux de l'appareil digestif sont de deux ordres, les uns

rentrent dans le cadre banal de toute affection gastro-intestinale, dou-

leurs, phénomènes vaso-moteurs, etc., les autres nous invitent à recher-

cher directement une altération définie du système nerveux. Des phéno-

mènes étudiés, les uns se rattachent aisément à leur cause, constipation

au cours d'une myélite confirmée par exemple, d'autres, anorexie psychi-

que, crise pseudo-appendiculaire d'une hystérique, ne laissent point d'être

d'un diagnostic plus délicat.

SÉMÉIOLOGIE DES VOIES DIGESTIVES SUPERIEURES

Bouche. Nous ne parlerons ici ni des lèvres, ni des joues, ni des

parois de la bouche, dont l'étude trouve sa place à la description du

faciès.

Examen des dents. Cet examen peut fournir quelques renseigne-

ments au neuropathologiste. Chez les dégénérés, leurs altérations sont

nombreuses. Elles peuvent être diminuées de nombre et de dimensions,

ou se trouver anormalement situées (dents palatines). Elles peuvent être

couvertes d'érosions polymorphes,- sillonnées, monstrueuses (canines à

forme d'incisive), leur fragilité est souvent extrême. Ces aberrations se

voient chez tous les dystrophiques, chez les idiots, les arriérés, les

hérédo-syphilitiques. Ces derniers ont de plus des altérations' spéciales,

une dent courte à plateau lisse (première grosse molaire, Fournier), et

des incivises médianes supérieures de la seconde dentition obliquement

dirigées de haut en bas et de dehors en dedans, plus étroites à leur sommet

qu'à leur base [dents en vis, au bord libre échancré en croissant, dont, le

biseau se taille aux dépens de la face antérieure (dents d'Ilutchinson)].

L'examen de la bouche permet de constater parfois l'absence de ce)'-

taines dents. Cette absence, totale ou presque totale à la face antérieure

des mâchoires, se voit chez les ciletiqz,es et trahit avec les cicatrices

du cuir chevelu et des arcades sourcilières, les chutes répétées des ma-

lades.

SÉMÉI0L0G1E DKS VOIES DIGESTIVES SUPIIl[¡';LIIES. 977

Les dents peuvent tomber en totalité chez certains individus. La chute

en est rapide et indolore, presque imperceptible, l'hémorragie est nulle

ou minime. Le tabès est en cause eu de tels cas, et cette chute des dents

peut être un accident précoce. .

Mal perforant buccal. On peut observer dans la bouche des pertes

de substance non syphilitiques, des ulcérations de la muqueuse attei-

gnant l'os-, résorbant, les rebords alvéolaires, perforant parfois, le maxil-

laire supérieur. 11 s'agit de maux perforants tabétiques, au niveau des-

quels existent des troubles de la sensibilité souvent prononcés (anesthé-

sie). Le port d'un dentier est la cause occasionnelle de cette ulcération

trophique.

Troubles de la sensibilité. Il n'est pas rare d'observer des pares-

thésies, dont la plus pénible est la sensation d'un corps 'étranger dans le

vestibule de la bouche : cette fausse sensation peut être intense au point

de revêtir tous les caractères d'une hallucination. Certains malades éprou-

vent seulement des picotements, se plaignent de froid ou de chaleur pure-

ment subjectives. En dehors des aliénés, la majorité des individus ainsi

éprouvés se classe parmi les psychasthéniques. La plupart de ces sen-

sations n'ont pas grande valeur diagnostique.

Les hyperesthésies s'accompagnent souvent de douleurs névralgiques,

et sont chez les individus prédisposés, l'occasion de tics variés, hem-

mage, crachement. Elles relèvent des mêmes causes que les paresthésies.

Il se localise parfois au niveau des arcs maxillaires des douleurs atroces,

fonction de petits névromes des rameaux dentaires. Quand les accès né-

vralgiques sont généralisés aux piliers, au voile, à la langue, aux gen-

cives, etc.. ils amènent en se répétant une abondante salivation. Ils em-

pêchent même le malade de parler, de causer. Le trijumeau est bien

probablement en cause en telle occurrence.

L'anesthésie totale de la cavité buccale est exceptionnelle et se rencon-

tre dans les grandes lésions de l'encéphale. Plus fréquente est l'hémi-

anesthésie; elle demeure rarement localisée à la seule muqueuse génienne

ou gingivale, mais intéresse également la langue. Les principaux facteurs

olo ? (ILies sont l'hystérie, les hémorragies et ramollissements céré-

braux, les paralysies périphériques de la cinquième paire, les lésions de

l'oreille moyenne. Dans tous ces cas, les morsures involontaires de la

l'ace interne des joues sont fréquentes, ainsi que la stase alimentaire dans

le vestibule.

Langue. La langue joue un rôle exceptionnel dans la sémiologie

nerveuse par l'aspect de sa surface, les troubles de sa sensibilité et de sa

inutilité, les accidents trophiques qu'elle peut présenter.

Aspect. Le simple examen de la surface de la langue est impor-

tant. Les accidents syphilitiques, rhagades, sclérose, leucoplasie ont une

grande valeur diagnostique. Les traces de morsures se rencontrent chez

les épileptiques ou traduisent des troubles de la sensibilité. L'état de la

muqueuse varie enfin selon la santé de l'individu : il s'agit là presque de

Pratique neurol. 62

EF MOUTIER.]

"7S TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.

irohltisme (l3rissand). Dans la neurasthénie, et d'une façon générale

chez les surmenés, les débilités, les convalescents, la langue est souvent

saburrale, aplatie, et l'empreinte des dents marque de ses crénelures

la pointe et les faces latérales. Cet étalement relève souvent d'insuffi-

sance de la nutrition, cause ou effet de l'asthénie, inanition à laquelle il

faut remédier d'urgence. Reprendre ou forcer l'alimentation est fréquem-

ment la seule façon de nettoyer une langue de la saburre accumulée.

Chez le mélancolique, la langue est extrêmement chargée, et cet état

est d'autant plus accusé que la dépression est elle-même pins profonde.

Chez les excités au contraire, la langue est normale.

Troubles de la sensibilité. Les uns intéressent la sensibilité géné-

raie, les autres la sensibilité spéciale de la langue.

L'anesthésie est généralement une béntianestbésie. Elle dépend 1'ru-

quemment de l'hystérie et peut alors accompagner ou non une hémiplé-

gie, coexister ou non avec des troubles gustatifs, survenir subitement

après une crise ou être précédée de prodromes, de sensations paresthé-

siques dans l'organe atteint.

De très nombreuses lésions en foyer la déterminent. En cas de lésion

protubérantielle inférieure, l'hémianesthésie linguale et faciale sera

croisée par rapport à celle des membres.

Les méningites et gommes de la base, syphilitiques ou tuberculeuses,

les ostéites de la face, etc., peuvent, par lésion du trijumeau, provoquer

l'anesthésie. Dans tous ces cas, on doit lutter contre la cause, diriger le

traitement antisyphilitique ou réparer le traumatisme.

Quand un malade se plaint de souffrir de la langue, ou bien l'on con-

state quelque carie dentaire, quelque ulcération linguale, cancéreuse on

autre, qui font la preuve de l'hyperesthésie, ou bien l'on ne découvre

aucune raison apparente de cette douleur. Tantôt diffuse, tantôt super-

posai) le à un trajet nerveux, la douleur relève directement alors de lésions

du trijumeau. Ces dysesthésies céderont le plus souvent aux moyens

thérapeutiques ordinaires antinervins, et surtout aux injections pro-

fondes d'alcool additionné ou non de principes médicamenteux.

II existe également des névralgies linguales purement, fonctionnelles.

La glossodynie est une névralgie essentielle des névropathes. La douleur

est paroxystique. Pendant l'accès, le malade ne peut tirer la langue; la

parole et la mastication sont également impossibles, la salive coule delà

bouche. En même temps, la muqueuse linguale est parcourue de picote-

ments, de fourmillement. La pointe et l'un des bords, quelquefois les

deux côtés ou seulement la ligne médiane, brûlent atrocement le patient.

Ces crises se renouvellent régulièrement le matin ou le soir, plus souvent

encore se répètent Ù propos d'excitations diverses. Fréquemment tout se

borne à une gêne, il une pesanteur tiraillant la base de la langue, et Il'

malade affolé se croit atteint d'une ulcération ou même d'un cancer qU11 il

localise naturellement aux papilles caliciforines. Le médecin, fréquem-

ment consulté par cet obsédé, devra le rassurer, le traiter comme ces

..... SÉMÉIOLOGIE DES VOIES DIGESTIVES SUPÉRIEURES. 979

syphilitiques névrosés pour lesquels tout pli an palais est plaque

muqueuse il son début.

On peut observer également des névralgies au cours du tabès ou de la

paralysie générale, des dysesllu'sies après la crise épileptique.

Les modifications de la sensibilité spéciale peuvent dépendre d'alté-

rations des nerfs crâniens ou de troubles centraux. On se rappellera que

le pneumogastrique, par le largyngé supérieur, et le glosso-pharyngien

innervent la base de la langue, siège plus particulier des sensations

d'amertume. La corde du tympan et le lingual innervent les parties anté-

rieures de l'organe. Tout ce qui détruira ou comprimera les cinquième,

septième et neuvième paires, provoquera donc une agueusie partielle ou

totale.

Dans l'héll11anesth(sie totale des lésions en foyer et de l'hystérie, la

perte de la faculté du goût lait partie du syndrome observé. Il peut y

avoir agueusie totale il la suite des crises d'épilepsie. Dans la paralysie

faciale enfin, dans les lésions nucléaires de l'intermédiaire de Wrisberg

et dans certaines paralysies Itl)l o- ? l osso-1 aiyn crées, des troubles analogues

s'observeront, d'intensité variable.

L'exagération de la sensibilité gustative et sa perversion (hyper- et

paragueusie) se voient surtout chez des hystériques, des aliénés, des

mélancoliques. Il serait sans intérêt d'insister sur les aberrations, les

véritables hallucinations, dont les maniaques font preuve. Il va de soi

qu'avant de formuler toute autre hypothèse, on aura soin de rechercher

et au besoin d'éliminer les viciations de la sensation, telles que les peu-

vent provoquer une paralysie faciale otitique, des maladies du l'oie ou de

l'estomac, un état fébrile.

Troubles de la motilité linguale. Parmi ces troubles se rangent les

tremblements, les paralysies, les contractures et spasmes.

Les tremblements sont associés le plus souvent à d'autres (roubles :

tremblement des mains chez les parkinsoniens, nystagmus et tremble-

ment intentionnel dans la sclérose en plaques, etc.

Le tremblement est rarement localisé à un seul côté de la langue. On

observe en ce cas des secousses fibrillaires, des mouvements vermicu-

laires ou d'ondulation, de reptation sur place, coexistant avec un degré

variable d'atrophie de l'organe. Le, plus ordinairement les secousses

provoquent un déplacement d'ensemble, mais se laissent apprécier seu-

lement lorsque la langue est tirée hors de la bouche (paralysie générale,

par exemple).

Les tremblements peuvent être lents (Parkinson, tremblement dit

st'nite). moyens (sclérose en plaques, hystérie) ou rapides (goitre exophtal-

mique, 1 intoxications alcoolique, mercurielle, saturnine),

mais avant de les attribuer à une lésion du système nerveux, il conviendra

de s'assurer que l'instabilité linguale ne dépend pas d'adynamie fébrile.

Chez les alcooliques, la trémulation est violente, s'accompagne généra-

liment de troubles vaso-moteurs, de rougeurs, de sueurs.

. [F. MOUTIER]

MU TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.

Dans la paralysie générale, la langue exécute des mouvements désor-

donnés, propulsions et retours violents (mouvements de trombone). Au

contraire la langue dans la sclérose en plaques ne montre que de faibles

secousses fibrillaires.

Dans le tremblement sénile l'aspect est tout à fait caractéristique :

lèvres et langue sont animés de mouvements d'ensemble, le malade mar-

motte sans cesse. Enfin, le tremblement de la langue peut, chez un épi-

leptique, marquer le début d'un accès, comme il peut se produire il sa

suite.

Les paralysies de la langue sont uni- ou bilatérales. Ces paralysies

généralisées peuvent être fonctionnelles ou organiques et s'accompagner

ou non d'atrophie.

La paralysie totale de la langue sans atrophie se voit chaque fois que

la lésion siège au-dessus de la protubérance, dans les hémisphères. Des

lésions bilatérales du cerveau symétriques et multiples réalisent un syn-

drome spécial l'appelant la paralysie tabio-gtosso-taryngée; les malades

qui en sont atteints, les yjse/o-MaM'es, ont une langue parésiée.

quelquefois immobile, collée au plancher de la bouche, pouvant parfois

encore exécuter quelques faibles mouvements de propulsion. La dysar-

thrie est très prononcée : le malade dit tout ce qu'il veut dire, mais un

a peine à comprendre les mots qu'il forme incomplètement.

L'affection a débuté généralement par un ictus. Le malade s'avance il

petits pas, présente un faciès pleurard, du rire spasmodique. Il existe un

déficit intellectuel variable et le reliquat d'une double hémiplégie. Lue

paralysie ou mieux une parésie totale, sans atrophie fait encore partie du

syndrome myaslhénique d'El'b-Goldfla/l/l, En même temps la dégluti-

tion est souvent impossible par impuissance du voile du palais, des mas-

ticateurs et du pharynx; l'oeil, la face y compris le facial supérieur, les

membres supérieurs et inférieurs se prennent. Il n'y a pas de Il. IL, ces

parésies sont remit tentes, le malade est avant tout un individu il t épui-

sement rapide, ainsi que le précise la réaction électrique spéciale.

Avec les lésions bulbaires se montrent l'atrophie, les secousses fibril-

laires, la réaction de dégénérescence. Ces troubles ont pu survenir rapi-

dement accompagnés d'hémiplégie, d'Irémi-anestlrésie, de glycosurie, de

polyurie, d'albuminurie, il s'agit alors de paralysie bulbaire aiguë, lice

le plus souvent à un foyer nécrotique. Dans ces cas, il est vrai, ainsi que

dans les cas de tumeur du bulbe, les troubles sont souvent irréguliers et

variables d'un côté Ü l'autre.

D'autres accidents bulbaires évoluent plus lentement. La langue est

flasque, aplatie sur le plancher buccal; la muqueuse trop large pour le

muscle en voie de disparition, semble flotter et se plisse en dépressions

et saillies rappelant l'aspect des circonvolutions cérébrales. Des conlrac-

tions vermiculaires très vives agitent l'organe, surtout quand le malade

fait d'infructueux efforts pour parler. Au début survient insidieusement

de la dysarthrie; puis les lèvres et le voile du palais sont atteints. Le

SÉMÉI0L0G1E DES VOIES DIGESTIVES SUPÉRIEURES. 981 t

facial supérieur est intact, il n'y a jamais de ptosis. Chez ce malade à

l'intelligence normale peuvent, d'un moment à l'autre, éclater de graves

accidents respiratoires et cardiaques. Cette évolution est caractéristique

de la paralysie bulbaire progressive de Duchesne.

La langue bulbaire atrophiée, vallonnée, agitée de secousses vermi-

culaires violentes, s'observe encore à la période terminale de la sclérose

latérale amyotrophique. Le syndrome bulbaire survient ici vers la fin

d'une maladie à évolution progressive et rapide. Il existe une atrophie

musculaire précoce et considérable au niveau des quatre membres, de

la contracture avec exagération des réflexes tendineux. Dans la maladie

de Charcot, la langue peut être pendant quelque temps librement propulsée,

mais finit par demeurer définitivement immobile.

Signalons que l'on a attribué il de la parésie de la langue les troubles

constants de la paralysie générale, fréquents de la sclérose en pla-

ques, passagers mais dangereux (chute vers le pharynx, suffocations) de

l'épilepsie, et que les myopathiques présentent quelquefois de la para-

lysie avec atrophie.

Les paralysies de la langue n'atteignant qu'un côté de l'organe peuvent

dépendre de lésions supra-bulbaires, bulbaires et périphériques. Dans

tous ces cas une atrophie peu marquée se décèle en saisissant la

langue entre les doigts. On sent le côté atteint se durcir peu ou point; on

aune sensation de mollesse toute différente de la résistance physiologique

normale.

Il ne survient point d'atrophie, ou cette atrophie est minime et il s'agit

plutôt d'amaigrissement, dans les lésions corticales et protub(;1'(l/Ilielles.

La langue est flasque, au début du moins, sans contractions lihrillail'es,

ni R. 11. La gène de la déglutition est fréquente mais peu intense; enfin

avec la dysarthrie peut coïncider un degré variable d'aphasie. Il convient

d'insister sur une variété de ? s6 ? ï'e linguale, intermittente ou con-

tinue, qui peut avoir dans la thrombose et le ramollissement cérébraux

la valeur d'un prodrome ou d'un reliquat. Il s'agit d'un embarras de la

parole uniquement lié il la inutilité linguale; le malade prononce diffici-

lement les mots il syllabes nombreuses, exigeant de la langue une asso-

ciation de mouvements complexes. Cette difficulté de prononciation est

accusée surtout lors d'une conversation rapide, d'une émotion. En même

temps la langue paraît au malade, lourde et pesante, et présente plus ou

moins nettement de la diminution de volume d'un seul côté.

On trouve encore dans l'lté7lliatropltit' faciale une hémiatroplue de la

Lingue qui se présente sans réaction de dégénérescence, semblable en

ce) : ) aux troubles d'origine corticale ou sous-corticale.

Au niveau du bulbe, les novaux de l'hypoglosse peuvent être atteints

dans le tabès, la syringomyélie, la jM7( ? ? ? r ? c cervicale hyperlro-

phique, [tins rarement dans la paralysie générale et la syphilis des

rentres. Dans Ions ces cas la langue est déviée ou mieux poussée du

l'été paralysé par prédominance du géao-glosse intact. Le début de

. [F MOUTIER] J

982 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.

l'atrophie est lent, la langue prend l'aspect d'un croissant dont le petit

côté, inscrit dans le plus grand, est formé par la moitié atrophiée, flasque,

secouée de mouvements fibrillaires, placée sur un plan un peu inférieur

à celui du côté sain. En général, malgré une atrophie notable, les mou-

vements sont encore possibles à l'exclusion d'un seul, celui du creuse-

ment en gouttière. Nous n'insisterons pas sur les troubles des réflexes et

de la marche des tabétiques, sur les dissociations de la sensibilité (sphère

du trijumeau), sur les complications d'ordre sympathique et trophique

dans la syringomyélie, sur les douleurs et la spasticité des membres su-

périeurs, puis des membres inférieurs dans la pachyméningite, etc., tous

signes qui permettent d'établir le diagnostic.

Enfin, les paralysies généralement accompagnées de troubles divers,

asymétriques le plus souvent, dans la sphère du trijumeau, du facial, de

l'oculo-moteur externe, feront penser à des lésions périphériques, aue-

vrismes, gommes, méningite de la base, traumatismes, etc., qui néces-

siteront une thérapeutique, surtout antisyphilitique, souvent effective.

La paralysie de la septième paire s'accompagne, quand elle est périuhe-

rique, de déviation de la langue du côté sain par prédominance du stylo-

glosse sain; il faut avoir soin de redresser, en écartant les commissures

labiales, l'erreur liée à l'entraînement de la langue par la commissure

paralysée, car cette déviation réelle due au stylo-glosse n'est pas constante.

La langue peut être déviée du côté malade : on est en droit de songer alors

à une paralysie faciale compliquée d'une atteinte de la douzième paire.

Dans le syndrome protubérantiel de Milhird-Gubler, la langue peut,

selon les cas, être déviée du côté de la face ou du côté des membres.

La morphologie linguale peut être modifiée encore par des cOl/fl'w'-

tures. La langue est toujours déviée du côté où agit le spasme. Cet

hémispasme peut coïncider avec une contracture des zygomatiques, [tins

rarement du territoire entier du facial; ce sont là des caractères dislillc-

tifs du spasme glosso-labié des hystériques particulièrement observé

chez les tabétiques (Brissaud et Pierre Marie).

La langue peut encore éprouver des secousses non plus toniques,

mais cloniques. Dans ce cas, tantôt elle est projetée violemment hors de

la bouche et fréquemment mordue (épilepsie), la convulsion de la langue

pouvant être un symptôme isolé, tantôt elle exécute dans la bouche

même des mouvements désordonnés (paramyoclonies) . Dans quelques

cas enfin, on observe au début de la parole une hésitation, une lenteur

qui font place bientôt à une souplesse normale de l'organe; celle paresse

initiale et passagère de la fonction est propre à la maladie de 7'honr.çmn.

Troubles trophiques. Nous n'avons pas à revenir sur l'alrophin

suffisamment étudiée plus haut en même temps que les paralysies.

L'hypertrophie de la langue peut porter sur une de ses moitiés ou sur

sa totalité. L'hypertrophie unilatérale est d'un diagnostic facile, il suffit

de ne pas prendre le côté sain pour une moitié atrophiée. Presque fou-

jours la face, ou du moins l'aglllydale et le voile du palais, quelquefois

SÉMIOLOGIE DES VOIES DIGESTIVES SUPÉRIEURES. 983

une moitié du corps, fréquemment alors couverte de naevi, participent à

l'hypertrophie.

L'hypertrophie massive de l'organe peut se rencontrer simplement

sans autre altération organique : dans ces cas, il est indiqué d'explorer

l'intelligence. L'idiotie est fréquente ou du moins il est normal de con-

stater un certain déficit intellectuel. Le facies de ces malades est typique;

leur parole est difficile, leur mastication pénible, et contre des dents

éversées par sa pression constante s'appuie une énorme langue cylin-

droïde.

On a signalé encore l'accroissement de la langue dans la paralysie

pseudo-hype1'/rophique. Cet accroissement est précoce et constant dans

)'ccr/</6 ! e, il coïncide avec une hypertrophie analogue des pieds et

des mains. Le maxillaire inférieur est disproportionné et saillant. Il

existe de la cypho-scoliose et fréquemment des troubles du fond de l'oeil.

Enfin, lorsqu'avec une langue violacée, saillante, on constatera des trou-

bles de la sensibilité dans le territoire du trijumeau, on sera en droit de

conclure à des troubles vaso-moteurs sous la dépendance des lésions

de la cinquième paire.

Troubles de la mastication et de la déglutition. - Les

muscles masticateurs innervés par le trijumeau peuvent être atteints

par les lésions bulbaires qui provoquent le syndrome de Duchenne. Les

symptômes sont les mêmes dans les lésions nucléaires et les lésions péri-

phériques, mais dans ce dernier cas aux accidents moteurs se superpo-

sent des troubles de la sensibilité. Dans les paralysies bilatérales, la mas-

tication est pénible, et la chute de la mâchoire fréquente. La propulsion

et les mouvements de déduction sont impossibles dans la paralysie des

ptérygoïdiens.

Les paralysies du trijumeau peuvent déterminer des troubles directs

de la déglutition par paralysie du péristaphylin externe et du mylo-hyoï-

dien. Quand la paralysie est unilatérale, les signes sont les mêmes, mais

existent d'un seul côté; la diduction du côté malade est gênée, les dents

ne peuvent être serrées; enfin, il peut y avoir abaissement du voile et

déviation de la luette du côté paralysé, puisque, nous l'avons vu, le

péristaphylin reçoit un rameau du trijumeau.

Voile du palais. Les paralysies du voile du palais sont faciles à

reconnaître. S'il s'agit d'un nourrisson, la succion devient difficile, le

cri est enroué, bourdonnant. Chez l'adulte, le nasonnement de la voix

frappe le clinicien; dans les deux cas, il y a ronflement pendant le som-

mcil. le p et le b sont, prononcés me ou fI ! : enfin, les liquides

chauds puis froids sont avalés de travers, et ce trouble augmente à la fin

du repas. Si l'on examine la bouche du patient, on aperçoit un voile

immobile, flasque, (rainant sur la langue. La titillation continue de la

luette provoque un effort continuel de déglutition et fréquemment des

vomissements. Le réflexe pharyngien est aboli; les troubles électriques

manquent en général. Tel est le tableau d'une paralysie périphérique

, [F. MOUTIER.] .]

984 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.

d'origine toxique (diphtérie, angines diverses), souvent accompagnée de

.troubles moteurs généralisés. La paralysie peut êtrè unilatérale : le

voile est rétréci d'un seul côté; il est abaissé et la luette se dévie du

sens opposé à cet affaissement. Parfois un seul côté de la luette est

atteint : c'est le côté droit si la luette se dévie à gauche, et réciproque-

ment ; ou bien, les deux palato-staphylins sont pris, et la luette tombe

sur la langue. .

- : le voile du palais est abaissé en masse dans la paralysie des pérista-

phylins ; l'arc de ses piliers postérieurs est agrandi dans celle des palato-

staphylins. Dans l'un et l'autre cas, il existe un reflux marqué des

liquides par le liez; mais la voix est nasonnée dans la paralysie des péris-

taphylins seulement.

Ces troubles s'observent dans les lésions périphériques dépendant de

compressions nerveuses ou de névrites, dans les lésions nucléaires des

syndromes glosso-labio-laryngés, qu'ils soient liés au tabès (rare), à la

sclérose latérale amyotrophique ou aux polioencéphalites inférieures de

diverses causes. (Voir plus haut : Paralysie de la langue.) La paralysie

du voile d'origine bulbaire peut se combiner à une paralysie récurren-

tielle homonyme (syndrome d'Avellis) à la même lésion accompagnée de

paralysie du trapèze et du sterno-cléido-mastoïdien (syndrome de Schmidt),

à'la même lésion encore, associée à une hémiplégie linguale (syndrome

de Jackson). 1

En dehors des indications banales relatives au traitement de toute

paralysie, signalons simplement dans ces conditions l'importance éven-

tuelle dé l'alimentation à la sonde oesophagienne.

Pharynx. A côté des troubles de la sensibilité liés à des mala-

dies infectieuses, s'observe fréquemment l'anesthésie du pharynx. La

sensibilité est facile à explorer; un abaisse-langue permet de constater

l'absence du réflexe au vomissement et l'anesthésie. Celle-ci est fréquente

chez les pnralliques généraux et chez les hémiplégiques, surtout les

hémiplégiques gauches (P. Marie). On la surprend encore après les crises

d'épilepsie ; elle est à peu près constante dans la méningite tuber-

culeuse. La disparition du réflexe pharyngien a perdu aujourd'hui toute

valeur en tant que stigmate de névrose. Cette absence est banale, en effet ,

puisqu'elle s'observe, d'après Guerra-Coffioli, dans la moitié des cas

environ chez l'homme normal.

Les névralgies du pharynx sont peu communes. Elles s'observent le

plus souvent chez des surmenés, des paludéens, des chlorotiques, chez

les porteurs de lésions nasales. Ce sont des douleurs irradiant de la pro-

fondeur vers les piliers, l'oreille, le voile du palais. Le diagnostic est

toujours difficile. On l'étaie sur l'unilatéralité, sur le caractère paroxys-

tique des douleurs spontanées ou provoquées par la pression des cornes

de l'hyoïde ou des parois latérales du cou.

Le pharynx peut présenter des spasmes s'opposant à toute déglutition.

Ce spasme s'associe habituellement à la contracture du voile du palais

SÉMÉIOLOGIE DES VOIES DIGESTIVES SUPÉRIEURES. 985

et de l'oesophage : On a signalé cependant la 'contracture isolée du

voile. Chaque fois que l'on constatera uivtel symptôme, on doit son-

ger à une lésion du trijumeau. Le spasme est caractérisé par une

sensation de strangulation ' au début de la déglutition; une contrac-

tion violente rejette presque aussitôt le bol alimentaire dans la bouche

du malade. '

Nous reviendrons sur ces symptômes à propos des troubles de l'oeso-

phage. Mais le clinicien doit songer à toutes les affections (angines

ulcérations tuberculeuses ou syphilitiques cancer) capables de créer

et d'entretenir un spasme, avant d'admettre l'existence d'un simple

trouble fonctionnel.

La paralysie du pharynx' est à peu près toujours d'origine névropa-

Ihique; elle aussi est marquée par de la dysphagie, mais dans celle-ci les

liquides sont plus fréquemment détournés vers le larynx que dans les

contractures. Les solides passent relativement bien, et la suffocation, si

elle se produit, est due non plus à une fausse route des aliments, mais à

leur arrêt dans le canal digestif. Enfin, le spasme est douloureux et fait

obstacle à la sonde oesophagienne; la paralysie n'arrête pas celle-ci et

n'est pas douloureuse. Elle ne s'accompagne, entre les accès ou tentatives

d'alimentation d'aucune sensation de strangulation subjective. Le voile

du palais et la langue peuvent, en cas de contracture pharyngienne, pré-

senter également de la rigidité paroxystique.

OEsophage. Au niveau de l'oesophage, conduit musculo-mem-

braneux, peuvent exister des troubles de la motilité ou de la sensibilité.

Les premiers de ces troubles comprennent des accidents paralytiques et

des accidents spastiques. Nous négligerons la paralysie de l'oesophage

dont l'existence est peu précise : on a bien signalé, au cours d'accidents

cérébraux ou plutôt bulbaires, dans les altérations du pneumogastrique,

chez les hystériques, l'hypotonie du muscle. Mais on signale tantôt la

chute précipitée dû bol alimentaire, tantôt la rétention des aliments,

leur accumulation pouvant même déterminer une suffocation de haute

gravité. On aurait observé à l'oesophagoscope la flaccidité des parois. Les

observations publiées jusqu'ici sont peu convaincantes, et n'autorisent

aucune conclusion pratique. -

Les spasmes sont, au contraire, bien connus. D'une lapon générale,

l'oesop ! wgisme, syndrome essentiellement polymorphe et soumis plus

que tout autre aux variations individuelles, est caractérisé par une sensa-

tion de cônstriction cervicale ou rétro-sternale, accompagnée de dys-

phagie et de régurgitations. Les aliments qui déterminent le trouble

peuvent être indifférents : il s'agit, au contraire, des liquides chauds

chez celui-ci, des solides chez cet autre. Pour peu que les symptômes

soient un peu prononcés, il s'ensuit une inanition relative ou complète.

Le spasme peut être continu ou intermittent, n'être qu'un phénomène en

quelque sorte local, ou s'accompagner de vives réactions générales : le

malade fait de vains efforts de déglutition, cherche à refouler du doigt

. ' [F. MOUTIER.]

980 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.

les aliments qu'il ne peut avaler, s'angoisse; une syncope peut même

survenir dans ces conditions.

Le diagnostic clinique du symptôme est rarement facile. 11 est plus

délicat encore d'en reconnaître la cause. Et tout d'abord, le spasme

existe-t-il ? en d'autres termes, n'a-t-on pas affaire simplement à une

sténose oesophagienne ? Voici quelques-uns des caractères différen-

tiels : dans la sténose organique, néoplasique, cicatricielle, par corps

étrangers ou par compression, la radiographie et l'oesophagoscopic donnent

une série de renseignements absolument démonstratifs. Il va de soi que

les antécédents du malade, présomption de cancer, ingestion de liquides

caustiques, déglutition de corps étranger, aideront singulièrement au

diagnostic. D'un autre côté, quand il s'agit d'un spasme simple, on constate

des fluctuations particulières, des originalités changeantes dans la

symptotuatotogie : fréquemment les solides glissent mieux que les

liquides, la sonde passe un jour et ne passe pas le lendemain, le cachet

de bismuth est arrêté à tel examen et ne Test plus à tel autre, ou bien

s'arrête sur place et présente une espèce de trépidation, puis tout à coup

s'effile et disparaît. Mais, encore une fois, les seuls signes tirés de

l'examen physique du malade sont en général des plus insuffisants.

Admettons donc que l'on ait reconnu la nature véritablement spasmo-

dique d'une sténose; il nous reste à déterminer l'origine de ce spasme.

A ce propos, l'on est justifié il distinguer avec A. Mathieu deux ordres de

spasmes, le spasme inférieur et le spasme total ou spasme à syndrome

supérieur.

Le spasme inférieur présente le syndrome des sténoses juxta-car-

diaques : déglutition possible avec régurgitations immédiates ou un peu

plus tardives; douleurs profondes, rétro-sternales. Une forme atténuée

du spasme local du cardia accompagne le vomissement pituiteux oeso-

phagien de l'hélllosialélllèse (A. Mathieu). Il s'agit là. en somme, d'un

mouvement de défense de l'estomac. Le diagnostic en est facile; le

spasme est peu intense, ne s'accompagne d'aucun état général inquié-

tant. Il précède le rejet périodique d'une quantité de liquide, toujours la

même, correspondant il ce que l'oesophage peut contenir du liquide

d'hypersécrétion pharyngo-oesophagienne avant de trop souffrir.

Ce spasme local et bénin nous amène au spasme simulant la sténose.

Nous avons vu plus haut comment on l'en différenciait, voyons mainte-

nant sa valeur sémiologique intrinsèque.

L'oesophagisme inférieur peut se rencontrer dans toutes les alleclions

de l'abdomen et du médiastin, dans un très grand nombre d'infections

et même de maladies dyscrasiques. Pratiquement, on devra songer à

une tumeur du médiastin, au cancer de l'estomac (région du cardia),

enfin, et d'une façon générale, il la névropathie isolée. Les spasmes

réflexes des affections organiques de voisinage (cancer du cardia, ané-

vrysme de l'aorte) sont continus et tenaces; au contraire, le spasme pure-

ment névropathique présente des fluctuations étranges, de grandes

SÉMÉIOLOGIE DES VOIES DIGESTIVES SUPÉRIEURES. 987 î

intermittences. Il est sous le coup direct de l'état mental du malade.

Ce spasme psychopathique ne reste pas toujours localise, à la région

inférieure de l'oesophage; il peut être total, et par là même c'est à Pori-

lice supérieur du conduit que les malades situeront leurs troubles prin-

cipaux. Ce spasme total est continu ou paroxystique. Son existence doit

avant tout faire songer à l'hystérie. On devra cependant examiner l'épi-

glotte, le pharynx, le cou, rechercher un syndrome bulbaire, afin de

dépister soit un spasme symptomatique d'une lésion de voisinage, soit

un spasme témoin d'une lésion du pneumogastrique. Le tabès peut

également donner de l'oesophagisme supérieur.

Le plus ordinairement le spasme total ou supérieur est un symptôme

de névrose. 11 caractérise ces crises nerveuses dans lesquelles le malade

est étranglé par une boule remontant de l'épigastre à la gorge, évolu-

tion souvent accompagnée de cris, de hoquets, de sanglots. Continu, il

comporte un pronostic très sévère. L'alimentation est, en effet, abso-

ment compromise, et l'inanition atteint un point fort dangereux. La

sonde ne passe pas, ou fort difficilement; on la sent violemment serrée

sur toute son étendue.

Aux troubles de la sensibilité de l'oesophage ressortissent une partie

des accidents précédemment décrits. La boule hystérique n'est ainsi

qu'une suite de contractions antipéristaltiques anormalement perçues,

et l'on peut voir des syndromes exclusivement douloureux simuler une

dysphagïc inférieure. Le diagnostic en est aisé : en de semblables cas.

la sonde passe toujours librement, il n'y a jamais de régurgitations,

parlant point de spasmes. Ce syndrome hyperesthésique s'observe chez

de simples névropathes aussi bien que dans le cancer de l'estomac. 11

peut exister également un pseudo-pyrosis caractéristique de Phyperes-

thésie oesophagienne. Le malade accuse de violentes brûlures, mais ne

présente jamais les renvois acides caractéristiques du pyrosis vrai. Ce

symptôme se voit chez les neurasthéniques, les surmenés.

En résumé, ce qui domine la sémiologie nerveuse de l'oesophage, c'est

le spasme, dont le syndrome ordinaire simule une sténose juxta-car-

diaque. On doit s'efforcer de le distinguer d'une sténose vraie, orga-

nique, puis de reconnaître sa nature, réflexe, par lésion de voisinage,

on névropathique essentielle. On s'efforcera enfin de l'améliorer, soit en

s adressant il l'affection organique occasionnelle, soit en allant atteindre

l'élément psychique. S'il s'agit d'un neurasthénique obsédé, le convaincre

qu'il n'a pas de lésion grave sera malaisé. Persuader à l'hypocondriaque

qu n'a ni rage hydruphobique, ni obstruction par corps étrangers

déglutis, ni occlusion cancéreuse sera également peu facile. Vaincre la

résistance de l'hystérique sera parfois plus délicat encore. On compte

pourtant des résultats inespérés, et certains spasmes disparaissent sans

retour après un sondage décisif. En tout cas, le gavage, la persuasion et

la suggestion, le repos forcé et l'isolement, seront de rigueur dans les

troubles nerveux graves.

[F MOUTIER]

988 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF. '

Ptyalisme. - La sialorrhée est plus spécialement le flux exagéré de la

salive, et le ptyalisrne, l'écoulement au dehors de ce flux anormal. Quoi

qu'il en soit, on emploie facilement ces deux termes l'un pour l'autre.

En présence d'un individu atteint de sialorrhée, avant de songer à une

névrose fréquemment monosymptomatique, surtout chez l'enfant, il con-

vient d'examiner la bouche et de constater la présence ou l'absence de

muguet ou de stomatite. Il ne faut pas oublier que le mercure, l'iodure

provoquent de l'hypersécrétion. '

Les bulbaires et pseudo-bulbaires présentent un faciès typique avec

leurs sourcils élevés, leur rire transversal, leurs lèvres entrouvertes

laissant couler la salive; il-y a d'ailleurs ici plutôt incontinence méca-

nique qu'hypersécrétion glandulaire.

L'idiot; l'enfant atteint de sclérose cérébrale avec ses contractures,

son strabisme, ses jambes croisées en ciseaux, sa microcéphalie, l'hémi-

plégique ne retiennent point davantage leur salive. 11 est facile de recon-

naître le goitre exophtalmique, la paralysie agitante, la rage même ;

enfin, dans les cas plus délicats, avant de songer aux névroses, il con-

viendra de penser que le ptyalisme peut dépendre d'un réflexe à point de

départ lointain ou proche, lésions digestives diverses, cancer de l'oeso-

phage, végétations de la caisse du tympan, etc.

On peut être consulté par un malade atteint de crises paroxystiques

d'une moitié du visage, crises atrocement douloureuses, accompagnées

de chorée musculaire et de sialorrhée. Quelquefois les crises de siittor-

rhée alternent avec les mouvements cloniques. Il s'agit là de névrite du

trijumeau et de tic douloureux de la face. 1

Plus simple à reconnaître est la sialorrhée de l'épileptique; elle pré-

cède sa crise ou même est toute la crise, cette équivalence pouvant être

difficile à reconnaître. Enfin, l' hysté1'ie présente de nombreux troubles

de la sécrétion salivaire, expuition accompagnée de nausées pendant la

digestion, ptyalisme périodique, menstruel, parfois teinté de sang, ptya-

lisme des grossesses, qu'il ne faut pas confondre avec certain ptyalisme

normal à ce moment. Mais à côté de. la sialorrhée considérable, hysté-

rique. qu'influence la médication psychique (Mathieu), il faut distinguer

mie sialorrhée nerveuse, simple, existant chez les gens à estomac peu

malade.

Enfin, la sécrétion peut s'accumuler dans l'oesophage et, s'il y a

spasme du cardia, se réalisera le syndrome des vomissements pituiteux

oesophagiens.

Hémosialémèse. On peut rencontrer chez les hystériques des

vomissements pituiteux simples, non teintés de sang; l'hémosialémèse

est le vomissement hématique. Le phénomène est plus fréquent le malin,

mais peut se produire à toute heure du jour. Il survient presque tous

les jours et cela souvent pendant des semaines et des mois. L'hémosialé-

mèse peut être périodique, coïncider avec chaque époque menstruelle

(Mathieu). Fréquemment, la veille du jour où le phénomène surviendra,

SÉMIOLOGIE DE L'ESTOMAC. 989

le malade aura éprouvé quelque fatigue plus intense, quelque émotion

plus vive. Puis, au réveil ou plus souvent vers la fin de la nuit, il sentira

une gène rétro-sternale, un malaise épigastrique tôt suivi du rejet pitui-

)eux. On vomit ou plutôt on régurgite ainsi de 80 il 1 O grammes d'un

liquide filant, de teinte sirop de ratanhia ou sirop de groseilles dilués,

c'est-à-dire brunâtre ou rouge, quelquefois noir par action du suc gas-

trique. Des efforts plus ou moins intenses accompagnent cette pituite;

puis tout est fini en quelques instants.

SÉMÉIOLOGIE DE L'ESTOMAC

De tout temps on a discuté pour savoir si les dyspepsies étaient d'ori-

gine nerveuse ou organique, explicables en ce cas par une gastrite ou

par un trouble du chimisme gastrique. Actuellement, on est obligé d'ad-

mettre que les phénomènes qui frappent le plus l'attention, les douleurs

et le retard de la motricité, sont d'ordre surtout nerveux et assez indé-

pendants en somme des lésions et du chimisme. La dyspepsie nerveuse

survient avec les chimismes les plus opposés; et l'élément le plus impor-

tant est évidemment alors t'tiyperesthésie de l'estomac et de ses centres

associée il la viciation de la motricité. Il esl très fréquent, dans ces condi-

tions, de rencontrer chez les névropathes un syndrome commun gastro-

intestinal appelé tantôt dyspepsie sensitivo-inolrice (Mathieu), tantôt

syndrontcneuro-tuoteur.

r. Ce préambule était nécessaire pour comprendre l'étroite union de la

pathologie nerveuse et de la pathologie gastrique.

Crises paroxystiques avec vomissement La plupart

des crises gastriques que nous nous efforcerons de décrire et de distin-

guer ici les unes des autres, s'accompagnent de vomissements.

Le vomissement est un symptôme très fréquent au cours des auec-

tions nerveuses les plus diverses. Nous voulons parler seulement ici du

vomissement sans crise douloureuse concomitante. En effet, le vomis-

sement vrai ou gastrique. « est précédé de bâillement, de pâleur,

d'accélération du pouls, d'une sensation générale d'anéantissement. Le

malade salive abondamment, a des sueurs froides, et fait en vain des

efforts de déglutition; il souffre. » jllehovu et lüémoncl). De plus, un

état nauséeux extrêmement pénible avec désir d'exonération se mani-

feste. Au contraire, le vomissement cérébral est un vomissement

simple; il se fait. facilement, sans efforts, soudain, sans état nauséeux.

Ce vomissement en fusée peut être alimentaire ou bilieux; en tout cas

il est peu abondant, mais se répète en général fréquemment.

Ci; type se rencontre au cours des méningites, il l'occasion des trau-

matisnies crâniens et des hémorragies méningées, dans l'apoplexie céré-

bratc. et marque surtout l'évolution des tumeurs cérébrales ou céréttet-

leuses. Il peut même, quand le bulbe est en cause, prendre une

[F. MOUTIER.]

! H1O TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.

fréquence et une allure particulières. Soupault conseille d'examiner soi-

gneusement lueil dans ces cas douteux afin d'y découvrir, le cas échéant,

l'oedème papillaire de si haute valeur diagnostique. On peut encore

observer des vomissements d'origine centrale à la suite des grandes émo-

tions, des ébranlements considérables.

Vomissement épileptique. Il peut servir de prodrome à une crise

typique par ailleurs, ou être un équivalent. Il s'accompagne fréquem-

ment de gastralgie et de nausées; mais il peut être isolé, alimentaire

ou bilieux, unique ou répété, survenir au milieu du repas ou pendant

la digestion. Un simple accès de nausée peut le remplacer. Le vomisse-

ment post-paroxystique est spécialement dangereux; survenant pendant

la période de résolution, il peut provoquer la mort par chute des ma-

tières vomies dans le larynx et suffocation.

Vomissements hystériques. Le vomissement hystérique peut être

supprimé ou reproduit par suggestion. Il existe généralement chez l'in-

dividu qui vomit ainsi une zone hystérogène à l'épigastre. Un certain

nombre de types cliniques sont faciles à distinguer dans ce groupe.

Le vomissement partiel est fréquent : l'hystérique mange sans objec-

tions; elle vient de manger ou n'a même pas fini de manger : soudain,

sans effort, sans nausées, le vomissement a lieu. Certains de ces vomisse-

ments sont volontaires; la malade s'efforce ainsi de se rendre intéressante.

Dans le type anorexique, la malade refuse de manger, déclare souffrir

et vomit. Le vomissement est plus ou moins rapide, précoce quand il

s'accompagne de nausées et d'un malaise général, plus tardif dans le cas

contraire. Enfin, il existe une classe de perverties, cl'znctnilic·e.s qui

vomissent sans cesse, obéissant à une foule d'idées étranges. L'état

nauséeux est continu; et l'on peut voir se réaliser le syndrome des

vomissements incoercibles.

Ce syndrome, à moins qu'il ne se complique d'anorexie, n'entraîne pas

toujours directement des troubles fonctionnels accusés. L'inanition est

toute relative; et cela seul l'ait faire le diagnostic. Mais ces vomissements

incoercibles, en plus des caractères spéciaux il touie l'hystérie gastrique :

zone hystérogène épigastrique -houle oesophagienne dégoûts électifs

bizarres rejet électif de tel ou tel mets, s'associent fréquemment à

des troubles plus graves : anorexie mérycisme idées fixes diverses

amenant à restreindre chaque jour de plus en plus l'alimentation. Cet

état diffère de l'anorexie proprement dite en ce que ta le refus de manger

est le plus souvent total, absolu, irraisonné, ou simplement dominé par

l'esprit de contradiction. Dans le vomissement incoercible au contraire, la

malade cesse de manger ou limite son alimentation parce que. dit-elle,

ceci la ferait vomir, cela ne serait point supporté. L'urine tombe à 500 ou

000 grammes, l'urée à quelques grammes par 24 heures; et néanmoins la

santé se maintient sans amaigrissement excessif, pendant quelque

temps du moins.

Tous les vomissements incoercibles ne dépendent, pas de la névrose;

SÉMÉIOLOGIE DE L'ESTOMAC. 991

mais la plupart se développent sur un terrain névropathiquc, et les affec-

tions (urémie, cancer) qui les provoquent, agissent par intoxication bul-

baire plus sans doute que par lésions de l'estomac.

Dans l'hystérie néanmoins, les vomissements incoercibles simulent

souvent l'intoxication urémique, et 1 examen des urines ne donne

pas toujours la clef du diagnostic. Il s'agit d'une femme jeune ayant

éprouvé une vive émotion ; depuis ce temps elle digère mal, et

brusquement, sans cause, elle vomit. Elle a vomi un jour, deux jours ;

bientôt aucun aliment ne sera toléré; et l'état vicieux sera constitué. Les

vomissements de la grossesse sont d'origine diverse probablement; mais

il importe de l'aire un examen serré de l'état névropathique ; car si parmi

ces vomissements beaucoup ne cèdent que par l'accouchement pro-

voqué. au moment où la tète du foetus ne comprime plus les parties

maternelles, un certain nombre aussi sont justiciables du grand traite-

ment des vomissements hystériques, c'est-à-dire de l'isolement rigou-

reux associé à la psychothérapie suggestive. Signalons encore d'après

Jaccoud, Desnos, Briquet, les vomissements stercoraux, exceptionnels,

et le type douloureux du vomissement hystérique. C'est la grande gas-

tralgie hystérique qui simule fréquemment l'ulcus; elle éclate souvent

après une crise typique de la névrose.

Hématémèses nerveuses. Le diagnostic des hématémèses d' O1'i-

(fille hystérique offre des difficultés considérables. Leur rareté va crois-

sant avec la précision plus grande des diagnostics et l'on n'en publie

aucune observation nouvelle tout en doutant chaque jour davantage des

observations anciennes, ou plutôt de leur interprétation. En tout cas.

soit que l'on admette avec Gilles de La Tourette la fréquence de l'ulcère

dans l'hystérie, ou avec Soupault le rôle simplement vaso-moteur et

l1uxionnairc de celle-ci sur une muqueuse ulcérée, il conviendra d'insti-

tuer un régime et un traitement sévères.

Les crises du tabès (voir plus loin) peuvent prendre le caractère gas-

trorragique. On a signalé encore des hématémèses consécutives à de vio-

lentes colères ( ? ) avec survie jusqu'à un âge avancé, et des hématémèses

apparues à la suite d'hémorragies cérébrales.

Crises liées à l'athérome cérébral. Ces crises gastriques réalisent

le type de l'indigestion. Un individu, un homme, en général d'un âge

avancé, est pris soudain de vertige et de vomissements alimentaires. Il

n'y a pas d'incontinence, la langue est bonne; mais le malade se plaint

d'une céphalée profonde. Parfois, pendant quelques heures, un accès de

manie aiguë effraye l'entourage. Puis tout se calme, et l'incident est

parfois complètement oublié quand se déroulent tous les signes d'un

ramollissement à marche souvent rapide. Ajoutons que celte indigestion

cérébrale est toujours nocturne, et que son importance pronostique est

considérable; car ce ne sont laui des malades à interner, ni surtout à

soigner comme gastriques (Dreyfus-Brisac). Il semble que l'urémie soit

fréquente chez eux.

[F. MOUTIER]

992 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.

Troubles gastriques du tabes. - Le tabes provoque des crises viscé-

rales surtout à la période preataxique; il s'agit donc de symptômes pré-

coces souvent révélateurs. Les crises gastriques du tabes sont essentiel-

lement caractérisées par la douleur et le vomissement avec torpeur et

tendance au collapsus, puis par l'excellent état de la santé entre les

crises. A ces vomissements incoercibles succèdent des périodes par-

faites, sans le moindre signe de dyspepsie, sauf exceptions à préciser

plus loin.

La crise survient soudain, brutalement; parfois depuis quelques jours

un état nauséeux se marquait, associé ou non à de la tension sus-ombili-

cale. En tout cas, l'accès est spontané, sans aucun rapport avec l'alimcn-

tation. Son début violent est comparable à une douleur fulgurante; et

souvent aussitôt après ce premier choc survient un vomissement consi-

dérable, généralement alimentaire. La douleur est épigaslrique, quelque-

fois abdominale, avec irradiations à la base du thorax, aux côtes, vers les

omoplates, le long delà colonne dorsale. Parfois, il y a de l'angoisse* des

douleurs anguleuses, de t'etouffemcnt pseudo-astluuatique :

La douleur est une étreinte sourde ou vive : les malades la comparent

à une torsion, une màchure, un écrasement. La souffrance parfois rapide.

dure d'autres l'ois plusieurs heures. Le vomissement n'est pas du type

cérébral, mais du type bulbaire (Brissaud) ; loin de rejeter simplement,

en tournant la fête, le contenu de son estomac, le malade a l'angoisse

violente de l'effort.

Le vomissement, fort abondant, est tantôt muqueux, tantôt alimen-

taire, très souvent porrace. Le mucus est quelquefois strié de sang. Et

toute cette souffrance est accrue du l'ait d'une soif vive que le malade

étanche en vain, car l'intolérance est absolue. Il y a une constipation

opiniâtre et le taux des urines est très diminué. Peu de symptômes

abdominaux d'ailleurs : le ventre est souvent rétracté, c'est toul. La

pression soulage plutôt le malade.

Bientôt se prononce une tendance au collapsus; couché en chien de

fusil, les poings à 1 épigastre, immobile et pâli;, le malade se plaint

de crampes. Son pouls est rapide et faible, le premier bruit cardiaque

est étouffe (Louis), la cyanose et les sueurs froides complètent l'aspect

cboteriforme. Cet état peut aller jW.;(IU'¡'1 la syncope ou au coma mortel,

éventualité exceptionnelle il va sans dire.

Quoi qu'il en soit, l'accès peut durer une ou plusieurs heures; quel-

quefois un véritable état de mal embrasse plusieurs journées. Les crises'

s'espacent parfois de si mois en (i mois; chez certains labéliques, elles

reviennent beaucoup plus fréquemment. En tout cas, l'euphorie est 1'0111-

plètc entre les crises; et c'est là un gros symptôme diagnostique.

Ce bien-être peut cependant être modifié de diverses façons; Dejerine

et Houx ont insisté sur les troubles dyspeptiques d'origine médicamen-

teuse qui compliquent le syndrome. A ces crises manque la douleur épi-

gastrique; le sujet souffre surtout sur les côtés, et le régime alilllt'nlai ! 'l'

- Il /

Séméiologie DE I,'I;ST0.11.1

a«>it favorablement. Mathieu a montre que la morpWnOIlHll1le si ire-

q7wnte, presque constante chez ces malades, favorisait la continuité des

crises, et provoquait un étal nerveux propice il la réalisation d'accès où

la simulation involontaire joue un grand rôle. Ces états pithiatiques se

distinguent facilement des crises légitimes par l'absence absolue d'oligurie.

La crise labélique est d'ailleurs très polymorphe, tantôt les douleurs,

tantôt les vomissements peuvent manquer. On a décrit des formes

cr,t»llm ? lcs, des crises sèches, des formes avec hématémèses. La défi-

nition en est plus facile que le diagnostic. Aussi en présence d'un

malade il grandes crises gastriques, faut-il toujours songer au tabès,

pratiquer la ponction lombaire (lymphocytose), analyser les douleurs

fulgurantes, rechercher le Robertson, le Westphal, le Ronberg. les trou-

bles de la sensibilité à topographie radiculaire. Il serait fastidieux d'énu-

mérer les erreurs de diagnostic possibles; tout ce qui est syndrome

douloureux abdominal peut simuler la crise tabétique. Il convient spé-

cialement néanmoins d'examiner le rein, l'appendice, le foie, à raison

des opérations quelquefois répétées auxquelles sont exposés les tabé-

tiques ; on a vu de même provoquer l'avortement chez une femme pré-

sentant simplement du tabès viscéral (Leyden).

Sclérose en plaques. On peut rencontrer des crises très voisines

des crises tabétiques. Ces crises associées ou non à de l'incontinence

fécale, sont fort rares.

Vomissements périodiques de Leyden. Ces vomissements sur-

viennent irrégulièrement, séparés par des intervalles parfois fort longs

de santé parfaite. Ils durent de 4 heures à 5 jours et leur début est ins-

tantané : ils viennent sans cause; aucune céphalée ne les précède, et

c'est le matin surtout qu'ils se produisent.

Le vomissement est muqueux, incolore ou verdâtre; le liquide rejeté

est abondant et acide. L'estomac est dilaté, Pépigaslre douloureux; et.

comme pendant la crise tabétique, la constipation et l'oligurie sont de

règle. Chez ces malades se notent quelquefois des douleurs fulgurantes.

En somme, en dehors de l'absence éventuelle de certains signes du tabès,

la crise de Leyden est une crise du type tabétique. Et si l'on peut

suivre les malades qui ont été atteints, on voit évoluer un tabès légitime.

Gastroxynsis de Rosbach. C'est la gastroxic de Lépine. Elle

affecte surtout les enfants et les jeunes gens surmenés; on a remarqué

la cessation des crises pendant les vacances. Le syndrome s'atténue

vers Page de 15 à 0 ans. L'accès se produit surtout après le repas; la

céphalée ouvre la crise et le vomissement la termine. Le visage est pale,

le malade lipolhyniique. Après la crise survient un sommeil prolongé,

et tout est fini au réveil. II s'agit en somme de phénomènes très

proches des accès migraineux.

Vomissements dans l'oedème aigu angioneurotique. 11 existe

parfois dans la maladie de Quinckc des crises gastriques violentes avec

vomissements. On a signalé le rejet de fragments de muqueuse oedématiée

PHATIQUE liEunOL. 63

. [F. MOUTI £ R.] ]

994 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.

Vomissements paroxystiques des ptosés (Mathieu). Ces crises se

voient chez des personnes atteintes de rein mobile. Le début est violent,

sans nausées; la douleur épigastrique est spontanée. Les vomisse-

ments se répètent et deviennent bientôt incoercibles; ils soulagent le

malade qui se force à vomir. Ces crises peuvent durer des mois.

Syndrome de Reichmann. - On appelait autrefois « maladie de

Reichmann » un syndrome constitué par hypersécrétion chlorhydrique,

stase, liquide le matin il jeun dans l'estomac avec débris alimentaires

restreints, mauvaise utilisation des hydrates de carbone, et consécuti-

vement, dilatation de l'estomac. Il pouvait y avoir, ou non, des vomis-

sements ou des crises douloureuses d'intensité moyenne.

Actuellement la grande majorité des cliniciens admet, après Soupaull,

Hartmann, A. Mathieu,'que la fameuse « névrose sécrétoire » n'est autre

qu'un syndrome d'ulcus juxtapylorique. Nous n'avons donc plus à y

insister ici.

Crises paroxystiques avec vertige. Dans les syndromes que nous

allons étudier maintenant. le vertige n'est pas le phénomène unique,

des vomissements surviennent en même temps. Mais le vertige donne

au groupement des symptômes un cachet tout particulier. De fait, il est

dificile, au point de vue du diagnostic a porter, de délimiter exactement

quel est le facteur étiologique en cause : tous ces troubles trahissent une

perturbation du bulbe ou de ses nerfs, mais il est parfois malaisé de

préciser davantage. '

C'est ainsi que le vertige stomacal peut affecter des caractères fort

dissemblables. Tantôt tournoiement vrai, tantôt sensation de soulève-

ment, de culhute ou (l'enfoncement, il est quelquefois réduit a une

simple sensation d'obnubilation improprement appelée vertige.

C'est, en tout cas. une affection rare, très rare même, et Mathieu et

Habinsky ne l'admettent qu'a titre absolument exceptionnel. Selon ces

auteurs, on confond d'ordinaire vertige gastrique et vertige auriculaire,

oculaire ou toxique. D'un autre côté, un homme souffrant de l'estomac

peut voir coïncider avec les exacerbations de sa dyspepsie des troubles

autres que le vertige; il ne faut pas prendre, par exemple de l'agora-

phobie pour des paroxysmes vertigineux. De même, la défaillance de

i hyperchiorhydrique atteint de faim douloureuse, ou le malaise que fait

éprouver il la jeune névropathe une faim nauséeuse doivent être soi-

gneusement distingués des troubles giratoires ou oscillatoires.

Quoi qu'il en soit, le vertige stomacal ne survient jamais soudain.

Spontané ou réveillé par des images sensorielles (odeur, vue d'un objet,

mouvement) il est précédé de douleurs ¡"pigastriql1es. de pesanteurs

quelquefois suivies de vomissements glaireux ou alimentaires.

Il ne fait. jamais tomber l'individu atteint; mais il peut produire de la

titubation. Il se produit il jeun, mais plus souvent après le repas. Il faut

du reste réserver le diagnostic de vertige stomacal pour les seuls cas

influencés nettement par une thérapeutique gastrique.

SÉMÉIOLOGIE DE L'ESTOMAC. 995

Tous les vertiges ne s'accompagnent pas de vomissements; il en est

un cependant vertige de Ménière qu'il convient de ne point rap-

porter à une maladie de l'estomac. Là aussi on peut trouver des nausées,

des étourdissements, des vomissements; mais le début foudroyant avec

chute et sifflement, la surdité consécutive éventuelle, la sialorrhée due

.') une lésion de la corde du tympan, contribueront au diagnostic. Seu-

lement, il ne faudrait pas prendre les symptômes auditifs pour une aura

sensorielle, ou bien les phénomènes gastriques pour un équivalent

épileptique; les séquelles, particulièrement les troubles de l'intelli-

1 : ) ,rence, empêcheraient de croire à la névrose.

Nous n'insisterons pas sur le mal de mer. Cette affection n'est autre

qu'un syndrome bulbaire avec troubles vaso-moteurs, troubles de l'équi-

libration, et phénomènes morbides dans le domaine du pneumogastri-

que. Le patient éprouve d'abord du froid et de la somnolence; puis

commence le vertige accompagné de céphalée frontale, de vomisse-

ments et de troubles intestinaux. Le pouls est fréquent, et sa pression

diminue de même que baisse la température. Plus tard, il y a parfois

un peu de fièvre. Ici encore les excitations sensorielles (treillages,

mosaïques, odeurs diverses du navire) jouent un rôle important.

Spasmes pyloriques. On a signalé le spasme pylorique dans les

névroses et chez les tabétiques. Triolo a décrit un spasme pylorique

cl'o°i.t/ine GttlGtine : une tumeur épigastrique survient par intermittence,

accompagnée de vomissements, et coïncidant avec le syndrome de Stokes-

Adams. Avant de songer à porter un diagnostic aussi exclusivement

neuropathique, il faudrait être bien sur de l'inexistence de la moindre

lésion organique.

Tétanie. En pratique on ne voit guère que des formes très bénignes,

limitées aux mains. La contracture y est typique (main d'accoucheur),

mais de faible intensité. De telles formes se rencontrent chez les dyspep-

tiques, les hystériques, et dans les sténoses pyloriques peu serrées.

Dans ces crises bénignes, les mains et les pieds (type d'extension)

peuvent être seuls atteints, et alors les douleurs sont faibles, ou bien il

peut y avoir des contractures généralisées, mais sans atteinte des muscles

respiratoires. Ces divers accès durent de quelques minutes à plusieurs

heures; ils se reproduisent sans intervalles réglés.

La forme généralisée de la tétanie survient surtout au cours des

grandes dilatations gastriques généralement liées à la sténose pylorique.

Son pronostic et son allure sont extrêmement graves. Les contractures

débutent par des fourmillements et de l'engourdissement des extrémités;

puis les membres se prennent. Il s'agit de convulsions toniques, quel-

clnefois cloniques, rapidement généralisées. Il peut se produire alors des

vomissements abondants, du hoquet, de l'élévation de la température

avec fréquence du pouls et myosis. Le malade est inconscient et peut

mourir dès la première ou la seconde attaque; ou bien le coma survient

et précède la mort. S'il y a plusieurs crises, entre ses paroxysmes le

. [F. MOUTIER.]

996 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.

malade sommeille ou délire; ses reins fonctionnent mal, il y a quelque-

fois de l'albumine, du sucre dans les urines...

On peut relever enfin des troubles persistants de la sensibilité, des

troubles trophiques (oedèmes, urticaire, herpès, sueurs) et vaso-moteurs,

de la. paresse intellectuelle consécutifs. Mais même ces formes graves s

peuvent guérir [malades opérés en pleine tétanie (Mathieu)].

On a signalé des accès courts, s'accompagnant de convulsions béné-

ralisées avec perte de connaissance, chez des individus dont l'estomac

renfermait de nombreux corps étrangers (bateleurs, etc.). Après l'accès

le retour à la santé était absolu.

Toux gastrique. C'est une toux sèche, quinteuse, superficielle,

inutile puisqu'elle ne libère aucune sécrétion broncho-pulmonaire, dan-

gereuse parce que souvent émétisante. On la rencontre dans toutes les

affections gastriques, ulcère, cancer, dyspepsie. L'ingestion des aliments

ou des liquides glacés, la simple pression au creux épigastrique parfois,

la provoquent. Elle survient souvent. après le repas, et cela à heure fixe

quelquefois, dix minutes, une demi-heure après. Elle est absolument

exceptionnelle chez d'autres que les tuberculeux.

Troubles de la motricité. -.On décrit sous le nom de gastroplégie

une affection rare, consécutive à un traumatisme ou à une laparotomie.

C'est une inhibition avec perte de la tonicité atteignant soit l'estomac

seul, soit l'appareil digestif entier. Le symptôme principal est le ballon-

nement de toute la partie sus-ombilicale de l'abdomen. Il y a accumula-

tion des aliments dans l'estomac avec putréfaction ; les vomissements

sont très tardifs. L'état général est alarmant; la mort pcut survenir, le

traitement est simple : diète absolue, et lavage de l'estomac. On prôné

la gastrotomie temporaire en semblable cas. Une autre forme de gastro-

plégie est réalisée par atrophie de la musculature viscérale comme dans

la myélopathie deDuchenne-Aran.

Troubles de la sensibilité. Nous n'avons pas à revenir sur les

douleurs et hyperesthésies accompagnées ou non de points hystérogènes.

Quant aux anesthésies de l'épigastre, elles peuvent être superficielles ou

profondes; superficielles, elles décèlent surtout l'hystérie; profondes,

elles sont fréquentes dans le tabès, et leur intensité permet au malade

de subir sans collapsus les chocs les plus violents dans la région du

plexus solaire.

Troubles centraux attribués à des états gastriques. Nous avons

'déjà signalé les rapports du coma et de la tétanie. On a fréquemment

observé le coma au cours des sténoses serrées du pylore. Il faut généra-

lement que le malade soit en même temps un grand inanitié pour que

survienne cette torpeur. L'haleine des malades sent la pomme de rei- .

nette. Il y a fréquemment de l'acétone dans l'urine, mais pas de- sucre.

Enfin, des hémiplégies, des aphasies passagères, ont été mises sous la

dépendance de désordres digestifs.

SÉMIOLOGIE DE L'INTESTIN ET DU PÉRITOINE. 997

SÉMÉIOLOGIE DE L'INTESTIN ET DU PÉRITOINE

Paroxysmes douloureux. Des crises intestinales d'ordres

divers sont fréquentes au cours des maladies nerveuses, mais elles sont

rarement douloureuses. Néanmoins, surtout dans l'hystérie et le tabès,

peuvent se rencontrer, peu fréquemment d'ailleurs, des paroxysmes

douloureux.

Crises tabétiques. Elles sont de deux ordres, les unes s'accompa-

gnent d'hypersécrétion (voir plus bas), les autres de phénomènes dou-

loureux. Dans ce cas l'entéralgie est généralement surajoutée à une crise

gastrique; la diarrhée coexiste avec les vomissements; la cyanose et

l'oliguric donnent au malade une allure de cholérique; il peut même y

avoir collapsus et mort au cours d'une crise de cet ordre.

Hystérie. On trouve simplement ici du spasme douloureux du

sphincter anal. Il s'ensuit une constipation opiniâtre tant que dure ce

spasme; celte forme d'hystérie demande à être dépistée avec soin. Elle

est souvent monosymptomatiquc et se rencontre plutôt chez des individus

d'un certain âge. Spasme et douleurs peuvent disparaître subitement il

propos d'une émotion. ,

Epilepsie. Certains sujets présentent des crises subites d'entéralgie;

ils éprouvent de violentes coliques et tout aussitôt un besoin urgent

d'aller il la selle. Ils peuvent ou non avoir de la diarrhée. Là se bornent

les symptômes, ou bien parfois une fugitive perte de connaissance permet

de reconnaître un équivalent épilcptiquc viscéral.

Troubles de l'évacuation intestinale. Il saint tantôt de

troubles sécrétoires, tantôt d'anesthésies ou de paralysies musculaires.

Diarrhées paroxystiques. Elles sont des plus fréquentes en sémio-

logie nerveuse; toutes ont des caractères communs. Elles surviennent

sans cause, elles disparaissent de même; la thérapeutique a peu ou point

de prise sur elles.

Dans le tabès peut s'installer pour longtemps une telle diarrhée. C'est

en général un phénomène précoce, 1W otavicluc. Chez tout malade pré-

sentant une diarrhée du type nerveux, il conviendra de rechercher les

signes du tabes (Argyll, «'esilr,ll, llollllrer, etc.). Cette diarrhée est semi-

liquide : il s'agit même plutôt de selles fréquentes que de selles molles.

Dans le goitre exophtalmique, la diarrhée peut s'installer dune façon

plus tenace encore; elle est cette fois liquide, et il y a de ai '20 selles

par jour. Elle cacheulisc le malade plus vite que la diarrhée tabétique,

bien que pendant longtemps encore subsiste une santé excellente.

L'hystérie enfin présente, elle aussi, des phénomènes paroxystiques qui

coïncident généralement avec divers troubles vaso-moteurs. C'est une

diarrhée essentiellement variable, fugace ou tenace, n'influençant, ni ne

dépendant de l'étal général. Il peut exister également des crises intes-

tinales dans la maladie de ()li«cl : c.. ,

[F. MOUTIER.]

998 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.

Dans la maladie de Friedreich et la sclérose en plaques peuvent se

rencontrer des diarrhées, voisines des .précédentes. .

Hémorragies. - On les rencontre dans l'hystérie et le tabes. Les

hémorragies intestinales hystériques ressemblent à toutes les manifes-

tations de la névrose, elles laissent la santé florissante et coexistent avec

d'autres accidents. Il est bon de toujours. songer à la simulation. Quoi

qu'il en soit, l'hémorragie est rarement à répétition, mais peut survenir

périodiquement à l'époque menstruelle. La colite muco-membraneuse favo-

riserait la production de ces grandes hémorragies hystériques, à l'exis-

tence desquelles on croit du reste de moins en moins chaque jour.

Tout autres sont les hémorragies tabétiques. D'une constance souvent

désespérante, elles surviennent brusquement ou précédées de douleurs

fulgurantes ano-rectalés. Elles peuvent se répéter pendant quelques jours

et disparaître, ou revenir chaque jour pendant des mois.

Ténesme rectal. Les tabétiques présentent quelquefois des trou-

bles remarquables. Ils sont sollicités par un besoin impérieux et immé-

diat d'aller à la selle; ce besoin les harcèle plusieurs fois par jour, et.

lorsqu'ils veulent le satisfaire, ils ne font rien ou à peu près. Ces tenta-

tives sont du reste indolentes.

Après leur crise; lies épileptiques ont quelquefois de la diarrhée qui

peut souiller leurs vêtements, ou bien ils ont un besoin'impérieux d'éva-

cuer l'intestin. La défécation ne se produit point en général. Ces phéno-

mènes, au lieu d'être post-paroxystiques, peuvent annoncer les crises

ordinaires. ? .

Paralysies intestinales. La constipation d'origine nerveuse peut

dépendre de trois facteurs principaux; elle peut être paralytique (para-

lysie intestinale), spasmodique (excitation solaire) pu liée à de l'anes-

thésie rectale [hystérie (Grasset)]. "

La paralysie intestinale doit être recherchée au cours de la méningite;

elle fait place à de l'incontinence à la fin de la maladie. Associée à du

tympanisme, elle fait-partie du syndrome des traumalismes et compres-

sions de la moelle : une fracture, un mal de Pott déterminent ainsi de

la constipation qui les révèlent. Des lésions du bulbe et de l'encéphale,

le ramollissement entre autres, occasionnent, surtout au début,, de

la constipation. '

Enfin, les paralytiques généraux, les tabétiques surtout ont à souffrir

d'une constipation opiniâtre ; et chez les' vieillards, la faiblesse médul-

laire sénile détermine une atonie intestinale chronique avec constipation

rebelle.

Troubles de le défécation révélant un état mental. Le diagnostic

est simple dans tous ces cas. Parfois il s'agit d'une idée fixe; tel l'hypo-

condriaque, pour lequel la selle quotidienne à obtenir, devient la princi-

pale préoccupation de la vie. Dans d'autres cas,, l'oubli des usages sociaux

devient complet, et démence ou délire, son état fait négliger à l'aliéné

le réglage volontaire de la défécation. Ces troubles peuvent être pas-

SÉMÉIOLOGIE DE L'INTESTIN ET DU PÉRITOINE. 9 ! )9

sao'ers ou chroniques; ils peuvent traduire enfin une déchéance défi-

nitive de l'individu, désormais inconscient, comme dans les dernières

phases de la paralysie générale, dans la démence sénile et le coma.

(Voir Gâtisme.)

Troubles sphinctériens. D'une façon générale il y a plutôt consti-

pation dans les lésions de l'axe cérébro-spinal.

Il y a incontinence du sphincter anal dans le coma de l'apoplexie

cérébrale, dans les paraplégies flasques quel que soit leur siège, il condi-

tion que la section de la moelle soit complète, et se soit produite rapide-

ment, à condition encore qu'il n'y ait point de contracture des parois de

l'abdomen. Il y a également incontinence quand le centre sphinctérien de

la moelle dorso-lombaire est détruit. lui fin, il peut y avoir incontinence

ou rétention dans les lésions lombaires et sacrées.

La constipation est fréquente dans l'hémiplégie, presque de règle

dans toutes les lésions de la moelle autres que les exceptions sus-men-

tionnécs. Mais au niveau de la moelle cervicale, les troubles sont très

inconstants.

Dans les lésions de la queue de cheval, il y a toujours constipation;

l'incontinence lui succède quand les racines s'atrophient.

Ces différents états dépendent et de l'anesthésie du rectum et des

troubles du sphincter. C.-P. Martin a constaté chez tous les tabétiques

observés par lui une anesthésie totale du sphincter externe de l'anus.

Comme les troubles vésicaux et rectaux sont parmi les signes précoces

du tabès, il serait utile d'examiner les réflexes dans tous les cas de

constipation rebelle avec paralysie du sphincter externe de l'anus.

Troubles hystériques simulant une maladie organique. Avant

d'aborder l'élude des troubles hystériques proprement dits, signalons

chez les névropathes des crises intestinales décrites par Nollmagel. Il

s'agil de contractions des anses intestinales survenant à l'occasion des

règles ou d'un choc moral, spontanément quelquefois. Ces contractions

s'accompagnent de sensations plus ou moins désagréables et les anses se

dessinent sous la paroi; Nothnagel a donné à ce syndrome le nom d'agi-

tation péristaltique de l'intestin. A l'heure actuelle, en présence de tels

cas, il faudrait songer à quelque occlusion intestinale plutôt qu à des

accidents sine nza.lefUa.

Pseudo-péritonite. Le malade accuse une douleur aiguë; il sur-

vient des vomissements, porracés parfois. Le ventre, ballonné, est extrê-

mement hyperosthésique; parfois même le faciès est grippé, mais cela

est une exception. Eu général, la figure est bonne et le pouls régulier.

Dans certains cas au contraire, l'allure clinique est exagérée, l'allure

trop tapageuse; un malade atteint de péritonite vraie éviterait ces mou-

vements et cette agitation. D'ailleurs, donnez du chorol'ol'Ille et tout

disparaîtra.

Tympanite. - En général, le météorisme ne prend pas une allure

clinique aussi aiguë que celle précédemment décrite, et le ventre se

[F. MOUTIER.]

1000 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.

gonfle simplement, on ne sait par quel mécanisme. On se trouve en

présence d'une femme jeune, au ventre énorme, non douloureux au

palper (Mathieu). Lue dyspnée considérable existe par refoulement en

haut du diaphragme. Le début a été brusque ou insidieux, précédé

d'accès de 11l ! "f¡"orisIIlC légers et passagers. L'examen de la malade

révèle l'aérophagie (Mathieu).

Quelquefois, la voussure se localise en une seule région de l'abdomen,

ou bien la contracture des grands droits sangle en deux moitiés cet

abdomen distendu. Les ovaires peuvent correspondre des zones d'hyper-

ou d'anesthésie. Sous le chloroforme enfin, tout disparaît encore.

Mais il faut connaître les fausses tympanites qui ne sont point dues.

comme les précédentes, il une distention gazeuse de l'intestin, et

dépendent de l'immobilisation forcée du diaphragme en inspiration

maxima. La respiration reste alors superficielle et à peu près exclusive-

ment costale. On peut dépister cette simulation en faisant longuement

souffler le sujet sur un objet, ou en le faisant rester suspendu un instant

par les mains. Ces différents exercices sont impossibles si le diaphragme

est immobilise. Le diaphragme peut cependant être fixé par une con-

tracture indépendante de toute simulation.

Fausse occlusion. Une tuméfaction plus ou moins globuleuse peut

se limiter en un lieu du ventre; des douleurs et des vomissements sur-

viennent bientôt. Parfois même, la crise est précédée d'évacuations de

matières amincies et rubanées sous l'influence du spasme intestinal.

L'état général est parfois effrayant : des vomissements bilieux survien-

nent, suivis éventue'leincnl de vomissements ('écaloïde5. Bientôt tout se

dissipe; souvent la malade s'endort, et l'on fait bien dans tous les cas de

vérifier la sincérité de la mise en scène.

Pseudo-appendicite. Il s'agit encore du même syndrome, ballon-

nement plus ou moins localisé, état général plus ou moins grave, douleur

au point de Mac Burney bien ou mal localisée. Puis tout s'efface, c'est

réellement l'appendicite fantôme. Souvent, une névralgie de la douzième

intercostale a été le thème de ces accidents; c'est le point perforant

du nerf qui simule le Mac llurney; il faut chercher avec soin les deux

autres points névralgiques : le vertébral et le latéral.

SYNDROMES ASSOCIÉS

*

Les symptômes nerveux et digestifs s'enchaînent étroitement, ainsi

que nous l'avons montré au début de cet exposé.

On fait son syndrome digestif avec son terrain 1}(;\Topathique; et dans

ces conditions, indispensables à connaître pour comprendre plus tard le

traitement, faire la sémiologie nerveuse des troubles gastriques serait

refaire toute la pathologie digestive. Nous nous bornerous à quelques

données générales.

TROUBLES PSYCHIQUES. 1001

Neurasthénie digestive. Le chimisme est indifférent; il y a avant

tout affaiblissement de la motricité stomacale, hyperesthésie des libres

sensitives du pneumogastrique. Les malades sont des dyspeptiques dont

toutes les digestions sont pénibles, le système vaso-moteur instable,

l'appétit diminué; la constipation ou une fausse diarrhée s'observent

fréquemment. Dilatation et ptôse sont, fréquentes aussi.

Entéro-névrose. Un certain nombre d'entèro-colites subissent le

contre-coup des ptôses, de l'épuisement nerveux, du surmenage intellec-

tuel, des émotions violentes. La cyanose, les sueurs, les syncopes, doi-

vent spécialement attirer l'attention sur le système splanchniql1l"

Syndromes solaires (d'après Laignet-Lavastine). L'n certain

nombre des troubles dépendant des altérations du plexus solaire intéres-

sent l'intestin. Dans certains cas (syndrome de paralysie), il y a une

diarrhée fétide, sanglante et incoercible, accompagnée de vomissements,

d'abattement profond, de petitesse du pouls et d'oligurie. Ce syndrome

est réalisé dans les péritonites; on l'a signalé en outre dans le tabès, la

paralysie générale, dans un cas de gliome fusiforme de la substance grise

de la moelle (10" segment dorsal au 2" lombaire, région tatero-poste-

rieurc). D'autres fois (syndrome d'excitation), il y a constipation, douleur

épigastrique et hypertension. C'est ce que réalise la colique de plomb.

jt TROUBLES PSYCHIQUES

. ! Nous étudierons surtout les viciations de la faim, les phobies et tics

.divers intéressant l'appareil digestif.

, Viciations de la faim. - La faim peut être supprimée ou per-

vertie. La principale de ces viciations, parce que la plus terrible, est

l'anorexie. »

Anorexie tabétique. C'est un trouble rare (Fournier). Le malade

mange par raison; autrement, il ne s'alimenterait jamais plus, car il a

perdu la sensation de la faim. La langue reste bonne; on peut se

demander s'il ne s'agit point d'hystérie chez un tabétique. (P. Marie.)

Anorexie hystérique. L'hystérique peut s'inanitier par spasme

de I oesophage, par gastralgie, par vomissements incoercibles, mais sur-

tout par cette anorexie primitive si admirablement décrite par Lasegue.

La malade est généralement une jeune fille de 18 il '20 ans. Elle com-

mence il restreindre son alimentation pour des raisons diverses, soit

pour quelques vagues douleurs de. déglutition1, soit pour quelque pesan-

teur imprécise après le repas; mais le plus souvent, minée par quelque

chagrin secret ou par quelque désir de coquetterie, elle a cessé de

manger parée qu'elle n'a plus eu faim, ou parce qu'elle a voulu maigrir.

Nous n'en sommes alors qu'il la période encore volontaire, pour ainsi

l, Dans ce cas, l'anorexie est plutit secondaire.

[F. MOUTIER.]

1002 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.

dire, de l'anorexie. Bientôt la jeune malade, étonnée, heureuse de se

sentir bien portante encore, quelquefois plus légère même, va diminuer

encore le taux de ses repas. Mais des malaises, imprécis d'abord, puis de

plus en plus accusés, teint terreux, peau sèche, haleine fétide, consti-

pation opiniâtre, troubles de la menstruation ne tarderont pas à sur-

venir ; la famille s'inquiète et harcèle de questions, de supplications

bientôt la jeune lille qui devrait pourtant ressentir quelque préoccupa-

tion. Soit inconscience ou indifférence, soit entêtement, l'anorexique

s'obstine, et. quand il toutes les prières des siens, elle répond : « A quoi

bon ? » le pli est pris, ou, si l'on préfère, l'obsession est créée; l'alimen-

tation sera diminuée encore, loin d'être augmentée. L'idée fixe est entre-

tenue par l'entourage qui supplie au lieu de menacer, par le médecin qui

hausse les épaules ou prescrit un régime inutile; car seul l'isolement

claustral supprime la maladie. Quand elle n'a plus son cénacle et qu'aux

prises avec des étrangers elle se sent la moins forte, beaucoup des illu-

sions de l'anorexique se suppriment, et sa cure est bien avancée déjà.

Néanmoins, cette cure est longue et lente, non exempte de rechutes; car

souvent le degré de cachexie et de maigreur est stupéfiant, et le psy-

chisme de ces êtres émaciés est devenu tout à fait anormal.

Anorexie neurasthénique. Le neurasthénique, l'hystérique et

1 aliéné deviennent tous les trois des inanitiés parce qu'ils raisonnent

mal. '

L'hystérique a une véritable perversion du raisonnement ou plutôt elle

ne se donne pas la peine de raisonner, elle se laisse aller souvent sans

savoir pourquoi, au gré d'un premier caprice. On peut cependant encore

agir sur elle en la forçant à renoncer il son habitude. D'autres malades ne

mangent plus parce qu'ils ont la honte du corps, la honte de la vie maté-

rielle; ce sont là des préoccupations, plus profondes et plus angoissantes

que celles de l'hystérique, et qui ne se développent que sur un terrain

dégénéré ; il s'agit ta de psychasthéniques, ou si l'on préfère, de phobiques

obsèdes. A côté d'eux se placent les aliénés qui sont des délirants, et par

définition déraisonnent. Quant au neurasthénique, il ne mange pas assez

soit parce qu'il a mal compris ou mal appliqué son régime, soit parce

qu'il éprouve de petits troubles qu'il plus ou moins juste titre il rapporte

à son alimentation. Il diminue donc celle-ci de toutes façons; et un jour

vient où son organisme affaibli souffre réellement de la digestion la plus

légère. Alors se crée le cercle vicieux suivant : le malade s'affaiblit

parce qu'il s'alimente insuffisamment et son alimentation est pénible et

douloureuse parce qu'il s'affaiblit. Les principaux symptômes sont l'aillai-

grissement, t'hyperesthesie du plexus coeliaque, l'asthénie, la pesanteur

des digestions, un degré de ptôse ou de dilatation variables, une langue

extrêmement saburrale. Ces neurasthéniques sont des gens uniquement

préoccupés de leur estomac, souvent résignés, au contraire des cancéreux

et des individus atteints d'ulcère, et supportant patiemment, pendant

longtemps le même régime restreint. A côté de ce neurasthénique ') 'ni

TROUBLES PSYCHIQUES. 1003

type simple, il convient de distinguer un neurasthénique dégénéré

(Mathieu et J.-Ch. Roux) chez lequel des phobies viennent aggraver le

tableau clinique. Ce neurasthénique dégénéré, phobique, nous fournit un

type de transition entre les individus subnormaux et les grands dégénérés

proprement dits.

Anorexie des dégénérés et aliénés. Innombrables sont ici les

raisons qui s'opposent il l'ingestion des aliments. Les mélancoliques ne

mangent plus par dégoût de toutes choses; ils n'ont plus la force d'aller

acheter leur nourriture, à quoi bon la vie avec ses tristesses et ses per-

pétuels recommencements ? Ce sont des êtres timorés, peureux, désolés

qui, même lorsqu'on veut les réaliinenler, trichent et se laissent mourir

(Mathieu).

L'hypocondriaque est un nosophobe; il a étudié les traités de méde-

cine et s'est fait il son usage personnel une pathologie digestive. Il se

croit toujours menacé d'accidents funestes, mais au contraire du mélan-

colique, il ne veut pas mourir, s'alimente malheureusement d'une façon

trop fantaisiste et personnelle et se trouve bientôt inanitié.

Enfin, il y a toute la foule des douleurs et des obsédés, des aliénés

sitiophobes, qui ne mangent point parce qu'ils ont un estomac fragile,

pas d'estomac du tout, une boule dans l'oesophage. parce qu'ils n'existent

plus, ou parce qu'ils sont immortels, immatériels. Certains paralytiques

généraux au début présentent de tels troubles, mais fugaces et instables.

Enfin, les abouliques, les déments cessent de s'alimenter comme ils

cessent toute autre fonction.

Déviations du goût. C'est encore parmi les aliénés que l'on trou-

vera des perversions telles que la géophagie. la coprophagie, etc. A un

degré plus léger, ces perversions se retrouvent chez les chloro-ané-

rniques, chez les femmes enceintes (désir du vinaigre, du poivre, etc).

Acorie. Perte de la sensation de satiété; on cesse de manger par

raison.

Exagérations de la faim. Certains individus sont de grands

mangeurs : d'autre part, la gloutonnerie des idiots et de certains aliénés,

des paralytiques généraux notamment, est de notion courante. Certaines

faims seraient d'origine bulbaire1 : diabète, goitre exophtalmique, anémie

pernicieuse (boulimies).

La faim peut être modifiée encore dans sa qualité; elle peut être dou-

loureuse, nauséeuse, phobique, etc.

Faim douloureuse (Mathieu)*. Elle est tardive et liée, à des

crampes douloureuses du pylore, trahissant la présence de liquide hyper-

acide encore dans l'estomac. L'ingestion d'aliments calme ses tiraille-

ments. X

Faim phobique. C'est une faim angoissante, cérébrale et non

bulbaire, survenant chez des sujets tarés au point de vue nerveux. Le

1. I.iioi'oi.n Un : Essai sur la faim, Arc/¡. clén. (le néd., p. 115, '1 no;).

2. M ITBIEU et Roux : L'inanition clic : - les dyspeptiques et les nerveux, Masson, 1905.

[F. MOUTIER.]

1004 . TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.

malade éprouve en même temps que le besoin de nourriture, un. malaise

effrayant avec sensation de mort imminente. Aussi( les poches de ces

malades renferment-elles toute une série-de provisions; le remède en

effet est simple, il suffit de manger. Insistons en passant sur cette forme;

car elle peut déterminer les malheureux qui en sont atteints à com-

mettre des actes délictueux : vol d'un pain chez un boulanger, etc.

Faim nauséeuse. La nausée remplace la sensation d'appétit qu'il

est fréquent d'éprouver vers 4 ou 5 heures de l'après-midi; en même

temps se produit une légère sensation ' de vertige avec salivation, et

quelquefois même vomissement pituiteux du type oesophagien, caracté-

risé par le rejet de gorgées claires d'un liquide incolore et filant. Là

-encore l'alimentation répare tout le mal. Il s'agit seulement, en effet,

de simple hyperacidité gastrique dans l'immense majorité des cas.

Faim défaillante (Benda-Ewald-Mathieu). Chaque'jour à la même

heure revient la crise, caractérisée par du vertige, de la pâleur, des

sueurs, une tendance syncopale. « Ces accidents disparaissent lorsqu'on

remplace les grands repas espacés par de petits repas plus rapprochés. »

(Mathieu et Roux.) )

Faim valle. Ce n'est qu'une faim phobique.

Tics et phobies. Aérophagie. (Bouverét-Mathieu). Nous

isolons ce tic à cause de sa fréquence et de son intérêt diagnostique. Le

malade atteint est un dyspeptique banal. Immédiatement après le repas.

il éprouve une grande pesanteur, une gêne épigastrique intense, une

tension bientôt soulagée par de nombreuses et sonores éructations.

Tous ces dyspeptiques tendent à attribuer le moindre petit malaise

après le repas à quelque fermentation anormale. Ils font alors des efforts

désespérés pour se débarrasser du gaz qui les tracasse. En ce faisant, ils

réussissent par leurs mouvements de déglutition à introduire de Pair dans

leur estomac; la tension s'en accroît encore, et leurs efforts redoublent.

Finalement éclatent soit des rots en série, soit une éructation unique

mais prolongée. Le gaz rejeté est inodore, c'est de l'air. De fait, la

grande flatulence des anciens auteurs n'existe point, et à partir de cinq

ou six rots en salve, on peut affirmer qu'il s'agit d'aérophagie et non de

fermentations (Mathieu). Il existe du reste des degrés dans l'aérophagie,

il y a loin de l'aérophagie simple post-prandiale, au grand hoquet, suite

d'éructations sonores, bruyantes, venant par crises à grand fracas. L'aéro-

phagie peut enfin être un tic continu, déterminant une tympanite abdo-

minale considérable. .

Quelquefois l'air peut rester dans l'oesophage et accompagner une

pituite; d'autre part, il y a lien de distinguer le tic simple du dyspep-

tique, de l'aérophagie de l'hystérique liée à un véritable spasme clonique

du pharynx. Certains malades ont des crises d'aérophagie nocturne, sur-

venant pendant le sommeil : ils se réveillent soudain ballonnés, élreints

parfois d'une sensation d'angoisse prononcée que soulage bientôt l'exoné-

ration accoutumée.

TROUBLES PSYCHIQUES. 1005

Quoi qu'il en soit, les malades prennent les habitudes les plus

étranges pour s'exonérer : frictions des côtes, de l'épigastre, etc.

Parfois même, ils présentent de véritables points réflexes, dont le

simple attouchement détermine la salve (rot il déclenchement de

Mathieu). Ajoutons que des névropathes vivant avec des aérophages

légitimes, prennent parfois un tic d'imitation qui consiste il simuler le

rot gastrique par un bruit laryngé ou faux rot laryngé. Dans ce cas. le

larynx ne subit pas l'ascension témoignant de la déglutition de l'air.

Le traitement est simple : faire comprendre au malade qu'il a un tic

et qucl lic, le mener devant une glace ou lui faire tàter son larynx, le

faire se rendre compte de l'ascension de cet organe et la lui expliquer.

Un bon moyen pour empêcher l'aérophagie, est de consciller au malade,

quand il sent venir sa crise, de se maintenir la bouche grande ouverte

par un bouchon, un manche de couteau, etc. Seulement il faut bien lui

expliquer ce que l'on attend de celte manoeuvre.

Du reste, si le petit dyspeptique est assez facile à convaincre, certains

dégénérés atteints alors d'une véritable phobie des. gaz ne se laisseront

pas aisément guérir.

Rumination. Mérycisme. La rumination est le retour à volonté

des aliments dans la bouche, pour leur faire subir une seconde mastica-

tion. C'est un acte simple qui s'apprend facilement, que présentent beau-

coup d'idiots et un certain nombre de dégénérés supérieurs. C'est un acte

agréable en soi. On ne peut ruminer les aliments introduits il la sonde.

Le mérycisme doit être nettement différencié de la rumination

(Mathieu). Il consiste en une régurgitation exagérée que le dyspeptique

facilite autant qu'il est en son pouvoir parce qu'elle le soulage sans lui

être agréable. Les malades finissent non seulement par aider il la régur-

gitation, mais encore par la provoquer, et le mérycisme devient une

obsession et un tic. Le retour des aliments s'accompagne souvent de pe-

santeur, quelquefois de nausées, toujours d'éructations. Il se produit une

tension des grands droits avec antipéristaltisnie gastrique et imuobili-

sation de la cage thoracique. Si ce besoin est contrarié, le sujet éprouve

une souffrance comparable il celle de tout liqueur qui ne peut satisfaire il

son impulsion.

Tics divers. Nous n'insisterons pas sur les tics de déglutition, de

sputation, de mâchonnement, etc., qu'il est si fréquent d'observer. Le

voile du palais peut prendre part il ces secousses diverses. Quand ses

mouvements sont associés à des mouvements de la face, le diagnostic est

aisé; mais si le voile présentait isolément des secousses cloniques, il

pourrait être bien difficile de distinguer le tic d'un spasme du voile lié

à des lésions cérébelleuses ou but))aires.

Certains malades ont la manie d'avaler leurs cheveux, d'où, dans leur

estomac, la production de ces ér¡ag¡'opilel> ou trichobezoars, pelotes feu-

trées parfois énormes, pouvant nécessiter alors une intervention chirur-

gicale.

[F. MOUTIER.]

1006 TROUBLES NERVEUX. DE L'APPAREIL DIGESTIF, . "

Enfin, certains névropathes arrivent à faire entendre dans leur tube

digestif des bruits extraordinaires dont la pathogénie est encore obscure.

Il n'est pas d'ailleurs jusqu'au sondage qui ne devienne une manie, et

l'oesophage des tubards finit par avoir un besoin constant du passage de

l'instrument.

Obsessions. Les phobies et obsessions digestives sont innombra-

bles ; elles peuvent porter sur chaque temps de la digestion : déglutition,

élaboration, défécation. Le malade a peur de s'étouffer en avalant, il

craint les parasites intestinaux. Les selles le préoccupent : il en retire

l'été du sable intestinal (akènes de fraises), il a peur de n'en point avoir,

mais il. craint d'en avoir trop; il a honte de manger, etc.

En terminant cet exposé diagnostique des troubles nerveux et digestifs

qui se mêlent et s'enchaînent, il convient de rappeler la haute impor-

tance de l'état des voies digestives dans les états morbides de l'esprit. La

constipation suffit en effet, entre autres causes d'intoxication, pour ra-

mener ou accroître les délires, les accès dé manie ou de mélancolie,

d'irascibilité, les troubles génitaux, les cauchemars, les obsessions, etc.

On a décrit enfin les hallucinations calmes et tristes des dilatés (Bou-

chard) et la tendance au suicide si fréquente chez les dyspeptiques.

" THÉRAPEUTIQUE

La plupart des malades atteints d'affections digestives sont des névro-

pathes, soit parce qu'ils l'étaient avant de souffrir, soit parce qu'ils le

sont devenus depuis. Il est cependant de très importantes distinctions à

retenir (A. Mathieu) pour conduire de façon profitable les traitements

divers; ces traitements seront en effet bien différents selon l'état mental.

Dans tout traitement, il existe, en effet, trois choses à considérer, la

lésion (s'il en existe une) et nous ne nous y attarderons pas ici, le

symptôme, l'état névropathique. Or, ce qu'il faut bien savoir, c'est que

le nerveux faiblement touché, le névropathe simple, le neurasthénique

du type du surmené banal sont parfaitement éducables; la persuasion

peut agir sur eux. Les neurasthéniques héréditaires, les phobiques, les

dégénérés sont déjà beaucoup moins maniables et demeurent à peu près

hors de la portée de nos méthodes psychothérapiques. Chez les hystéri-

ques, chez les suggestionnés, chez les simulateurs, la suggestion, l'inti-

midation, la séquestration médicale réussiront en général suffisamment.

Vis-à-vis des aliénés enfin, nous sommes complètement impuissants et les

médications doivent être très surveillées chez ces malades. Chez eux en

effet, tout devient matière à obsession, toute habitude est bientôt mala-

die. Il ne faut donc pas abuser de la morphine, de la cocaïne, des hypno-

tiques.

Il vaut mieux changer fréquemment d'analgésique en présence d'ac-

coutumances rapides, plutôt que d'augmenter sans cesse les doses du

THÉRAPEUTIQUE.' ' 1007

même produit. Il faut également limiter l'emploi des médications les

plus anodines, car bientôt, à tout propos et hors de propos, le malade

même guéri renouvelle l'absorption du médicament ou la manoeuvre

thérapeutique. Tels sont les alcalinomanes qui arrivent il ingérer, sou-

vent sans grand dommage du reste, des quantités considérables de bicar-

bonate de soude. Tels sont les tubards sur lesquels nous avons insisté

déjà. Il ne faut pas abuser de la soude, pas plus qu'il ne faut abuser des

lavages d'intestin. En dehors d'indications précises, ils fout à la longue

beaucoup plus de mal que de bien.

Enfin, les neurasthéniques et hystériques du tuhe digestif sont plus

que tous autres des esprits propres à la germination de l'idée fixe. L'on

aura souvent quelque difficulté à la dépister; il faudra toujours la détruire

si l'on veut retirer quelques succès de la thérapeutique. C'est ainsi qu'un

malade déglutit de Pair parce qu'il croit par ses contorsions expulser

des gaz; c'est ainsi que tel autre se force à vomir, parce qu'un jour un

vomissement sporadique le soulagea. Un troisième patient ne peut dé-

glutir, parce qu'il vit au voisinage d'une malheureuse atteinte de cancer

du cardia, etc. On pourrait citer d'innombrables exemples, ceux-là sont

typiques.

11 convient en terminant d'insister sur un principe fondamental, l' iso-

lement du malade. Nous l'avons déjà dit, supprimer l'entourage, c'est

supprimer sinon la maladie, du moins une cause occasionnelle au début.

sans cesse favorisante et aggravante ensuite. Le médecin doit ètre très

sévère sur ce point, et prévenir soigneusement la famille de ce qu'il

compte faire; il est préférable de ne pas assumer la direction d'un traite-

ment. si l'un ne peut, au point de vue très particulier de l'isolement, le

diriger à sa «mise. Cet isolement sera absolu.

Le malade ne reverra sa famille qu'en cas de progrès sensibles, ou

mieux de guérison. Autrement, il survient généralement une rechute

après chaque entretien familial ou même après chaque lettre. Cet isole-

ment sera combiné au repos absolu : le lit, pas de lectures, point de

bruit, souvent peu de lumière.

Telles sont les règles principales qu'il faut suivre toujours dans le trai-

tement des névrosés de l'appareil digestif, en dehors des indications

spéciales concernant l'hystérie, la neurasthénie ou les maladies plus

spéciales comme le tabès.

11 nous reste à dire un mot des opérations; l'intervention chirurgicale

peut avoir ses indications précises dans les maladies organiques, il n'en

est pas de même dans les cas qui nous occupent. On pourrait être tenté

de l'aire opérer les gastropathes chez lesquels les sensations douloureuses

sont un obstacle à l'alimentation; il peut être utile aussi de simuler par

une incision superficielle sous chloroforme une laparotomie chez quel-

que vésauique qui se croit atteint d'un cancer ou dévoré par un animal

mystérieux. Mais, à coté de ces cas, il en est d'autres placés sur les

limites de notre cadre : ce sont, par exemple, des malades atteints d'un

[F. MOUTIER]

1008 TROUBLES NERVEUX DE L'APPAREIL DIGESTIF.

ulcère; le diagnostic en a été affirmé par des hématémèses, des crises

paroxystiques il horaire particulier, etc. Ils n'ont plus de gastrorragies,

ils n'ont plus de grandes crises douloureuses; mais ils souffrent tout le

temps. Or, aucune maladie organique de l'estomac ne détermine une

douleur ainsi continue. Celui qui sent toujours son estomac est un névro-

pathe (Mathieu), il s'agit en un mot d'une véritable topalgie. Ces ma-

lades sont les premiers à réclamer une intervention; devrons-nous les y

encourager ? Si la maladie, cause déterminante de certaines crises et

cause occasionnelle des autres, peut être influencée directement par l'opé-

ration, nous la conseillerons; mais si elle vise uniquement il détruire

des douleurs d'ordre surtout psychique, nous la déconseillerons. Trop

souvent en effet, ces malades sont des hypocondriaques, et, après

une sedation passagère souvent il peine marquée, leurs douleurs recom-

mencent et se poursuivent tout au long du nycthefuere.

GATISME

par le D' MOUTIER

Le gâtisme est l'incontinence ano-vésicale. Il convient de comprendre

également sous ce terme l'incontinence anale seule ou l'incontinence vési-

cale seule, à condition cependant que celle-ci ne demeure pas absolu-

ment isolée, mais s'accompagne parfois d'émission de matières fécales. Il

importe, en effet. d'éliminer l'incontinence d'urine essentielle.

Le syndrome étudié se présente chez deux catégories de malades bien

différentes. Tantôt il se rencontre au cours de maladies organiques pures,

sans phénomènes démentiels, tantôt il fait partie du tableau clinique

d'une psychopathie.

Gâtisme et maladies non démentielles. Le conta est à

coup sur le syndrome clinique le plus fréquemment accompagné de

gâtisme. Nous n'insisterons pas sur le coma lui-même, étudié ailleurs;

mais il convient ici de montrer la diversité des troubles sphinctériens

que l'on peut observer au cours de son évolution. Au début, il y a géné-

ralement rétention d'urine et constipation. Parl'ois même la rétention

urinaire demeurera constante, et il faudra sans relâche sonder une

vessie rebelle à toute évacuation spontanée. En général cependant, les

matières sont émises spontanément au bout de quelques heures ou de

quelques jours, et l'incontinence urinaire s'installe. Celle-ci est variablc

en sa manière d'être. Quelquefois, la vessie se remplit et s'évacue par

intermittences réglées comme chez un être normal (incontinence miction-

nelle) ; le plus souvent il y a incontinence par regorgement, ou inconti-

nence vraie. Dans celle-ci, la vessie est vide; dans celle-là, elle est

pleine; dans les deux cas, l'urine coule sans cesse et goutte il goutte.

Il est assez fréquent de voir l'incontinence vraie succéder à Pincontienee

par regorgement.

Le gâtisme peut également se rencontrer dans des états plus ou moins

voisins dn coma, dans certains sommeils morbides tels qu'en peuvent

déterminer les tumeurs cérébrales, les méningites, les trypanosomiases,

1 hystérie. On l'observe encore, parfois persistant, parfois épisodique,

dans un certain nombre d'affections diverses de /'( ? (;(' cél'éúJ'o-spil1(/l. Sa

valeur séinéiologiquc est à la vérité insuffisante pour permettre de façon

précise un diagnostic de. localisation. (Voir troubles digestifs : sphincter

anal). Chez les vieillards lacunaires et chez ceux qui présentent des ! n.ry;e eumn.. ' 04

, [F. MOUTIER.]

1010 ' GATISME.

foyers de ramollissement, le gâtisme est très fréquent dès que l'éten-

due ou le nombre des lésions oblige les malades à garder le lit. Les

altérations médullaires s'accompagnent plutôt de rétention si la lésion

est élevée, cervicale ou dorsale supérieure; il y aura plutôt incontinence

si elle est inférieure. Cependant, il n'est point rare d'observer consécu-

tivement aux lésions du renflement lombaire ou de la queue de cheval

de la rétention qui, plus lard, fera place au relâchement des sphinc-

ters. Enfin, d'une façon générale, il y a incontinence lors des sections

complètes de la moelle, rétention dans le cas contraire. Il convient

cependant de tenir compte des dégénérescences tardives des nerfs;

celles-ci peuvent secondairement déterminer la suppression du tonus

sphinctéricil.

Dans les paraplégies flasques, et nous insisterons spécialement sur les

accidents des méningo-myélites aiguës, il y a gâtisme absolu et précoce.

Rappelons qu'il n'existe de troubles des sphincters ni dans la maladie de

Landry, ni dans les poliomyélites antérieures aiguës. Ces troubles peu-

vent, mais très rarement, s'observer au cours des polynévrites aiguës,

surtout dans les polynévrites avec troubles vésaniques (syndrome de

Korsakow).

Le gâtisme peut exister encore au cours des maladies aiguës les plus

diverses; il coïncide généralement avec le délire.

Diagnostic du syndrome « gâtisme ». Le gâtisme se rencontre

avec une fréquence toute particulière chez le vieillard. Ce dernier est

souvent en effet Ill'CI111(IIIC ou diabétique, atteint de ramollissement céré-

bral, ou présente, connue nous le verrons plus loin, des troubles vésani-

ques. Quelque multiples que puissent être ces causes, il convient de ne

pas confondre le gâtisme avec les accidents qui pourraient le simuler.

Ces troubles sont nombreux à la vérité. Les maladies' de la prostate, les

cystistes importunent le vieillard par les mictions répétées qu'elles dé-

terminent, et fréquemment quelques gouttes d'urine s'échappent et souil-

lent le linge du malade. Dans la syphilis de la moelle,- il existe souvent

des mictions impérieuses que l'on ne peut toujours satisfaire à temps;

mais, dans aucun de ces cas, on ne doit parler de gâtisme :

Chez le vieillard enfin, il n'est point rare de rencontrer de la diarrhée

par cancer de l'intestin ou par entéro-colile chronique. Dans de tels cas,

il arrive assez souvent que le malade ne puisse retenir ses matières, et

que la cachexie spécifique d'origine digestive l'oblige a demeurer au lit.

L'examen de l'appareil intestinal doit être pratiqué avec soin chez tout

vieillard gâteux, mais non paralytique

Gâtisme et psychopathies. Le gâtisme est fréquent dans

la paralysie générale, où il traduit la déchéance de l'individu. Parfois,

dû à l'indifférence et il la malpropreté du paralytique, il dépend en d'au-

tres cas de ses idées délirantes, 'soit que le malade se soulage en se

trompant d'emplacement, soit qu'il satisfasse il quelque illusion soma-

tique de mégalomane.

GATISME. 10B 1

Dans les tumeurs cérébrales, on rencontre parfois de l'affaiblisse-

ment de l'intelligence, de l'enfantillage (Brissaud) avec négligence des

soins de propreté, ignorance et oubli. Mais le gâtisme appartient surtout

aux états vésaniques. Il est souvent involontaire, mais parfois aussi volon-

taire. Dans la démence sénile, il dépend de la déchéance intellectuelle

et morale; les malades sont profondément atteints, ont assez souvent de

1'j "Tosses lésions cérébrales amenant des iclus parfois répétés. Le gâtisme

est, dans ces cas, normal et persistant. Mais, chez le vieillard, nous

attirons de nouveau l'attention sur ce point, ce n'est pas seulement dans

les états de démence que l'on voit s'installer le gâtisme ; la simple pré-

sence des lacunes de désintégration (Pierre Marie) dans les noyaux gris

centraux et peut-être aussi dans quelques gros faisceaux de la substance

blanche du cerveau (corps calleux, etc.) suffit a déterminer le gâtisme.

Le gâtisme est le plus souvent épisodique dans la confusion mentale

et dans les délires. Il lient il des causes diverses, soit que le malade

éprouve une impulsion irraisonnée pour les actes de l'exonération, soit

qu'il veuille satisfaire aux ordres émis par les voix impérieuses que ses

hallucinations lui font entendre.

Le syndrome étudié peut encore survenir sous d'autres influences. Lin

certain nombre de mélancoliques gâtent par inertie, par aboulie; les

mène-t-on aux cabinets, leurs fonctions s'y accomplissent normalement,

mais ils ne sauraient y aller d'eux-mêmes. Enfin, c'est par distraction ou

par véritable anestltésio (pie gâtent les maniaques. Le trouble est ici

irréfléchi : dans d'autres cas, au contraire, il sera conscient et volon-

taire.

C'est ainsi que dans le délire des négations, le gâtisme surviendra

parce que le malade se déclarera incapable de prendre le vase. Certains

persécutés croient, en se souillant, échapper à leurs ennemis ou se

venger; nombre d'idiots salissent pour le plaisir de faire mal. Il n'est

pas exceptionnel enfin d'avoir affaire ê't quelque simulateur résolu.

Barbouillage. Un certain nombre de malades ne sont pas seule-

ment incontinents, mais encore se salissent les mains et se barbouillent

d'innomable façon. Certains, a vrai dire, ne gâchent ainsi que par mala-

dresse.

Beaucoup de gâteux par ramollissement cérébral roulent constamment

entre leurs doigts, leurs couvertures, leurs draps, les alexes qui les gar-

nissent. C'est ainsi que peu il peu se barbouillent les lacunaires dl'l>-

1)),(111,1 : et les imbéciles.

D'autres déments mangent leurs excréments, et celte seatophagie n'est

pas exceptionnelle dans un grand nombre d'états, dans la paralysie géné-

rale par exemple. Enfin, des idées diverses de grandeur, (l'humilité, le

désir d'être désagréable aux infirmiers, aux surveillants, inspirent il un

certain nombre de délirants ou de minus halH'ns le besoin de se souiller

ainsi.

Le gâtisme n'a de valeur pronostique que tout à fait générale, il est

, [F. MOUTIER.J

lOt'2 ` ! GATISME.

l'indice d'une profonde anesthésie psychique on organique, d'une, dé-

chéance irrémédiable de la mentalité. Il est de plus un danger pour l'in-

dividu qu'il expose il toutes sortes d'infections, dont il détermine et

aggrave les escarres. On peut dans certains cas, par persuasion, s'efforcer

d'arrêter le gâtisme en raisonnant le dément et cherchant, il détruire

l'idée fixe. En d'autres cas, on peut pallier, au moins en partie, au gâtisme

de l'idiot en l'obligeant à des évacuations à heure fixe. Mais. i) n'est guère

possible le plus souvent que de donner des soins d'hygiène et de pro-

preté. Il importe de faciliter l'écoulement des urines par des matelas

spéciaux, et de veiller il ce que le malade soit changé aussi souvent qu'il ii

peut en être besoin. Ces considérations donnent au médecin le devoir

d'exercer sur qui soigne le malade une rigoureuse surveillance; la pré-

vention et la guérison des accidents cutanés sont il ce prix.

SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN

par le Dr ANDRE LÉRI

La main présente des déformations extrêmement variées au cours de

maladies purement locales, au cours de maladies neuro-musculaires ou

ostéo-articulaires à détermination locale occasionnelle ou constante, au

cours de maladies générales. Ces déformations peuvent n'être qu'un sym-

ptôme accidentel sans grande valeur diagnostique pendant l'évolution

d'une de ces affections, elles peuvent constituer dans l'ensemble d'un

tableau morbide une indication qui met l'observateur sur la voie du

diagnostic ou limite le nombre des diagnostics différentiels, elles peuvent

être enfin par elles-mêmes suffisamment pathognomoniques pour qu'on

puisse faire le diagnostic par le seul examen de la main. On comprend

donc la grande importance pratique de leur étude.

Les déformations de la main peuvent être dues à un trouble local du

développement embryonnaire ou foetal on à une dystrophie générale

congénitale.

Elles peuvent être représentées par des difformités, presque toujours

acquises, dues soit à un trouble vaso-moteur ou trophique prédominant

sur les parties molles, soit à une maladie dystrophique ou inflammatoire

essentiellement osseuse ou ostéo-articulaire. Quand les altérations portent

sur le squelette, elles peuvent consister en une simple hypertrophie de

l'ensemble ou de certaines parties des mains, hypertrophie systématisée

pour ainsi dire, toujours identique sous l'influence d'une cause déter-

minée, changement de volume total ou partiel plutôt que changement de

l'orme; elles peuvent au contraire être tout à fait irrégulières, vraiment

déformantes, variables dans une même maladie, déterminant des anoma-

lies de l'orme et de direction des différents segments. Portant à la fois

sur le squelette et les parties molles, certains troubles trophiques peu-

vent déterminer de véritables mutilations.

D'autres déformations tiennent non plus il une difformité, mais à une

atlitude vicieuse, d'origine congénitale on acquise, de la main sur

Pavant-bras ou des doigts sur la main.

Enfin certaines déformations de la main sont caractérisées par des

mouvements anormaux dont elles sonl le plus souvent la conséquence.

Ces différentes déformations ne conservent pas toujours la simplicité

[A LÉRI.]

1014 . SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN.

clinique qui en permettrait un diagnostic immédiat : des dystrophies

ostéo-articulaires s'accompagnent plus ou moins tardivement de paraly-

sies, de contractures ou de rétractions secondaires, des attitudes vicieuses

déterminent des troubles trophiques, des changements de direction et

de volume dans les os et dans les articulations, etc. Malgré la fréquence

relative de ces déformations complexes, il est souvent facile en clinique.

jusqu'à une période plus ou moins tardive, de distinguer s'il s'agit d'un

trouble du développement congénital (difformité tératologique locale on

dystrophie générale), d'une difformité par altération ostéo-articulairc

hypertrophiante ou déformante ou par dystrophie des parties molles,

d'une attitude vicieuse, ou de mouvements anormaux. Aussi est-ce dans

l'ordre suivant que nous passerons en revue les principales déformations

que l'on peut observer au niveau de la main :

1. Troubles du développement (embryonnaire ou foetal) :

A) Trouble local : difformité tératologique :

a) Par défaut : arrêt, atrophie :

Ectromélie : ecti-omèles, hémimèles, phocomèles.

Ectrodactylic.

lr) Par excès : hypertrophie, liyperaccroissement :

Polydactylie. Syndactylie. Mégalodactylie.

Hypertrophie congénitale.

H) Dystrophie générale : achondroplasie, dolichosténoméfic.

II. Difformités, généralement acquises :

A) Difformités ostéo-articulaires : '

a) Alfections systématisées qui hyperl/'opltienlla main ou les doigts :

ACIIOJ1ÉGALIE; gigantisme, 0stéo-carllropatlric hypertrophiante pneumique.

Clrirornégalie. Doiyts hippocratiques. Cyanose.

h) Affections irrégulières qui déforment la main ou les doigts :

Rhumatisme chronique : déformant, goutteux, sénile. Nodosités d'IIcberdcn :

nodosités de Bouchard ; rétraction de l'aponévrose palmaire; camptodact'lie.

Goutte.

Rachitisme.

Arthropathies nerveuses (syringomyélie, tabès).

Ostéomalacic.

Dactylites : tuberculeuse (spina ventosa), syphilitique, lépreuse, ])Iellnoli',I-iqiie.

B) Difformités des parties molles : '

Main succulente. Myxoedème. OEdèmes des hystériques. ErythromH-

lalgie. -- Névrome plexiforme de la main.

C) Affections mutilantes :

Main de Morvan : syringomyélie, lèpre. Maladie de Raynaud. Sckhv-

rlr.rmir. : sclérodactylie. Acrospbaeèlc par congélation. S¡lilla vellln,111

tuberculeux, spina ventosa syphilitique. ! < ! . Attitudes vicieuses : paralysies, atrophie, contracture, accessoirement

rétraction :

A) De la main sur l'avant-bras : Mains-botes :

Congénitale : par malformation osseuse; paralytique; spasmodique.

Acquise : paralytique; spasmodique.

TROUBLES DU DEVELOPPEMENT. 1015

B)Des.doigtssur la- main : Griffes : . ,

Griffe radiale ; griffe cubitale; griffe -.médiane ; main d'Aran-Duchenne.

IV. - Mouvements anormaux : , '

Maladie de Parldnson. Athélose : hémi-athétose, - athétose double.

Tétanie. = Crampes. - ' . z

I. TROUBLES DU DÉVELOPPEMENT

A. DIFFORMITÉS TÉRATOLOGIQUES -

Les monstruosités des membres ou tératomélies par défaut sont

représentées par les diverses variétés de l'ectromélie : l'ectromélie vraie,

absence complète ou presque complète d'un ou plusieurs membres, l'Iaé-

rnimélie, absence des segments terminaux seuls (avant-bras et main), les

segments ba-

saux (bras) su-

hsistant, la.p7ao- -

çoraélie (cpwx'r¡ ,.

phoque), absen-

ce des segments

basaux, le seg-

ment terminal,

la main pour

le membre su-

périeur, étant

directement

suspendu au

tronc (Yoir ar-

ticle : SÉIIÉIO-

LOGIE DU PIED,

iig. 1). Chez les

premiers il peut

s'agir parfois

d'amputations

congénitales, chez les derniers il s'agit bien d'arrêts localisés du dévelop-

pement, de monstruosités véritables.

L'ectrodactylie est l'absence plus ou moins complète d'un ou plusieurs s

doigts ; elle peut porter sur les doigts extrêmes ou sur ceux du milieu ;

dans ce dernier cas elle détermine une variété de «pince de homard».

La polydactylie est l'augmentation du nombre des doigts ; la forme la

plus fréquente est l'existence d'un 6° doigt à la fois aux mains et aux

pieds; les doigts surnuméraires sont plus bu moins complètement déve-

loppés, contenant ou non un squelette osseux. .

La mégalodactylie (fig. 1) est l'hypertrophie d'un ou plusieurs

doigts ; elle peut se faire ou non la fois en longueur et en largeur ;

tA. ZJ3HI .]

Fit. 1. Mégalodactylie. Il 3· hypertrophie de l'index et du

médius ci,' en même temps, des métacarpiens correspondants.

1Ô16 6 SÉMÉIOLOGIE DE LÀ MAIN.

elle est plus rarement congénitale qu'acquise ; dans ce dernier cas il s'agit

de chiromégalie.

. La syndactylie est là fusion plus ou moins complète de deux ou plu-

sieurs doigts voisins; l'union des doigts peut se faire uniquement par des

parties molles ou par des ponts osseux. La polydactylie et la syndactylie

coexistent parfois ; la soudure d'un doigt surnuméraire à un doigt.normal

peut déterminer la formation d'un doigt eh battoir où la palpation ou la

Radiographie dissocie deux squelettes digitaux. .

D'ailleurs les différentes monstruosités coexistent et s'entremêlent

fréquemment ; elles sont souvent héréditaires et- familiales ; elles ont été

considérées comme des signes. physiques de;la dégénérescence.

- Des hypertrophies des membres peuvent ;être congénitales : elles se

présentent sous la forme d'hémihypertrophie partielle ou d'hémihyper-

trophie totale, c'est-à-dire portent sur un membre (plutôt un membre

inférieur qu'un membre supérieur) ou sur les denx membres d'un même

côté (Geoffroy Saint-Hilaire,- Moebius, Trélat et Monod, Duplay, Moncliet,

etc.) : la main ou le pied y participent, mais souvent moins que les seg-

ments proximaux. A titre exceptionnel, on peut ne trouver qu'une hyper-

trophie limitée, à une main par exemple (cas. d'Apert, Iconogr. delà

Salpêtr. 1905). Ces hypertrophies globales semblent dues à un dévelop-

pement exagéré du système osseux, du tissu musculaire et surtout de

l'appareil vasculaire ; elles s'accompagnent volontiers de troubles tro-

phiques cutanés et de nævi vasculaires, quelquefois de dilatations vei-

neuses, d'augmentation des pulsations artérielles,- d'élévation de la

température locale.

1 L'atrophie d'un- membre congénitale est plus souvent la conséquence

d'une sclérose cérébrale que d'un véritable arrêt de développement pri-

mitif ; elle relève plutôt de la pathologie intra-utérine que de la térato-

logie proprement dite. '

Avec les difformités tératologiques nous devrions décrire les mains-

botes congénitales par malformation osseuse : il nous paraît plus utile

d'en faire plus loin le diagnostic avec les autres variétés de mains-botes

congénitales, paralytiques ou spasmodiques.

B. DYSTROPHIES CONGÉNITALES

Achondroplasie. - La main de l'achondroplasique est tout à fait

spéciale (Pierre Marie) : elle est petite, réduite dans toutes ses dimen-

sions, mais charnue, « carrée». Les doigts sont presque égaux en lon-

gueur, notamment l'index et le médius d'une part, l'annulaire et

l'auriculaire d'autre part; l'annulaire est souvent sur un plan postérieur

au médius et à l'auriculaire et en partie recouvert par eux. Les doigts,

réunis au niveau de la première phalange, s'écartent les uns des autres

au niveau des deux dernières; cette disposition s'applique à tous les doigts

ou seulement au médius et à l'annulaire ; elle donne à la main l'aspect de

main en trident tout à fait caractéristique de l'achondroplasie. Cette

DIFFORMITÉS ACQUISES. : 1017 T

main est assez pathogno1nonique . pour permettre de faire un. diag-

nostic qui sera complété par le nanisme, le volume excessif de la tête,' la

micromélie, l'intellect infantile ou puéril, etc. v . '

Dolichosténtimélie. Marfan a décrit sous ce nom une déformation

congénitale-- exceptionnelle des quatre membres, surtout des mains,

caractérisée par l'allongement des os avec amincissement et rétraction

tendineuse, sans paralysie ni modification de l'excitabilité électrique : on

observe une main en araignée. .

Il. DIFFORMITÉS ACQUISES

A) DANS LES AFFECTIONS OSSEUSES SYSTÉMATISÉES, IiYPERTROPHL1\TES -- -

Acromégalie (Pierre Marie). Le développement exagéré dé la

main est souvent le premier signe de l'acromégalie, il reste d'ordinaire

l'un des plus prononcés : il débute dans l'adolescence ou l'âge adulte.

L'excès de développement

peut se faire surtout en

largeur ou à la fois en

largeur et en longueur.

Le plus souvent la main

s'accroît « en large » ; elle

prend la forme de main

en battoir (fig. 2) ; elle est

épaisse, étalée, courtaude,

massive, cubique. L'hy-

pertrophieporte également

sur tous les tissus, os,

muscles,- tissu cellulo-adi-

peux, peau; il n'y a pas

d'oedème.- Les éminences

thénar et hvnothénar sont

augmentées de volume ; les sillons de la main, lès plis interphalan-

giens sont plus profonds que normalement, la main paraît « capitonnée » .

Les doigts sont gros, souvent énormes, aussi larges à leurs extrémités

qu'à leur base, « en saucisson », mais sans déformation articulaire, sans

déviation. La déformation s'atténue à partir du poignet; elle est peu

marquée ou nulle au niveau des avant-bras et des bras.

Quelquefois, surtout dans les cas d'acromégalie précoce, la main et

les doigts s'accroissent proportionnellement en longueur et en largeur ;

elle parait par suite moins déformée que dans le cas précédent, c'est

simplement une main « géante » .

L'excès de développement de la tète (faciès acromégalique), de la

langue, des pieds, la céphalée, l'aménorrhée, la cyphose cervico-dorsale,

les troubles visuels (hémianopsie 1]iteniporale), la glycosurie. les défor-

- [A. LÉRI.]

Fig. 2. 4c)'fM) ! e<y< ? f ! . Mains en battoir, épaisses, '

courtes et massives.

1M8

SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN..

mations du crâne constatables à l'examen radioscopique (épaississement

irrégulier, développement excessif des sinus frontaux et de la selle tur-

cique,) etc., complètent ou confirment le diagnostic.

Gigantisme. La main du géant est régulièrement développée dans

toutes ses dimensions (fig. 3); c'est le « type en long » de la main de

l'acromégale, celui qui, nous l'avons dit, s'observe dans l'acromégalie pré-

coce ; mais on peut aussi constater le « type en large » des acromégaliques.

01 ! -observe d'ailleurs tous les intermédiaires cliniques entre le géant

infantile dont le développement excessif est très précoce, au début de

l'adolescence, et se fait alors que les épiphyses ne se sont pas soudées,

le géant -ac2,o ? ? ,iégale dont le développement se fait un peu plus

tard, la maladie em-

piétant sur l'âge adulte,

les épiphyses étant plus

ou moins complètement

soudées (le géant in-

fantile « s'acroméga-

lise » quand les épi-

physes se soudent), et

Y acromégalique vrai

dont le développement

se fait plus tard encore,

dans l'âge adulte, quand

les épiphyses sont sou-

dées . II y a pour certains

auteurs (Brissaud et

Meige, Launois et Roy,

etc.) des relations nettes entre le gigantisme et l'acromégalie, l'une et

l'autre relevant peut-être des lésions de l'hypophyse survenues à un âge

différent Brissaud a prétendu que « l'acromégalie est le gigantisme de

l'adulte, le gigantisme est l'acromégalie dé l'adolescent ». Pour Pierre

Marie pourtant, l'acromégalie. a tous les droits, que le gigantisme n'a

pas, à être considérée comme une entité morbide bien classée.

Dans l'ostéa-arthropathie hypertrophiante pneumique,

affection décrite par Pierre Marie, les mains sont grosses, en pattes (fig. 4),

les doigts sont élargis avec une phalangette renflée, huileuse, « en battant

de cloche », en spatule; les ongles minces, striés longitudinalement

et friables, sont élargis et convexes en tout sens, ils ont une forme

« en verre de montre » et donnent aux doigts vus de profil un aspect

« en bec de perroquet ». Les phalangettes sont souvent en hyperexten-

sion. La déformation des doigts est d'ordinaire la première en date. Plus

tard le poignet se déforme, il devient énorme en tous sens, à la fois

élargi et épaissi, de sorte que l'extrémité inférieure de l'avant-bras est

souvent plus volumineuse que son extrémité supérieure; Le métacarpe

est peu déformé,, sauf un léger élargissement au niveau des têtes des

fjg. 3. Gigantisme. PeuL-nh'0 ncromégalie Truste ( ? )

« avec type en long-» de la main.

: DIFFORMITÉS ACQUISES.

lOi 9

métacarpiens..La-main est toute différente de la main de l'acromégalique.

Les pieds présentent des déformations analogues; les os longs de

l'avant-bras- et de la jambe sont aussi hypertrophiés, surtout à leur extré-

mité, les mouve-

ments sont gênés,

les articles sont

douloureux.

L'affection est

secondaire à une

infection de l'1p-

pareil pleuro-pul-

monaire troublant

l'hématose, surtout

à une affection sup-

purante, point de

départ de toxines :

la dilatation bron-

chique et la pleu-

résie.purulente sont

les maladies que

l'on retrouve le plus

souvent dans l'étio-

logie, les bronchites chroniques, la tuberculose pulmonaire, s'observent

souvent. Gilbert et Fournier ont signalé aussi la cirrhose hypertrophiquc

hiliaire, Bamberger les affections cardiaques, d'autres auteurs la pyélo-

' néphrite, la dysenterie, etc... : il est probable qu'on a confondu' sou-

vent Fostéo - arthropa -

thie véritable avec le

doigt hippocratique.

Bien qu'elles ne cons-

iituent pas des entités

cliniques, mais de sim-

ples symptômes, cer-

taines difformités des

mains doivent être rap-

prochées des hypertro-

phies osseuses systéma-

tisées dont nous venons

de décrire les aspects.

La chiromégalie sy-

ringomyélique (fig. 5),

décrite par Charcot et

Brissaud, ressemble à l'acromégalie : elle est caractérisée comme cette

affection. par une hypertrophie des mains et surtout des doigts qui sont

gros, arrondis ou « en massue » .Cette hypertrophie est souvent asymétrique .

IA..LÉRI.]

Fig. 4. OStéO-a7'thl'Opalhze fZY1Je1'tl'ophianle pneumique,

Mains en pattes; doigts épais, spatules; 'ongles en bec de perro-

quet. Épaississement de l'extrémité inférieure de l'avant-liras.

I'ig. 5. - Chiromégalie ches un syringomyélique. - Les 2°,

5° et 4° doigts de la main gauche sont hypertrophiés ; ils

scmblel1{ appartenir it unc autre main que le 5°' doigt.

1020 SÉMIOLOGIE DE LA MAIN.

il n'est pas rare qu'elle porte exclusivement sur un ou plusieurs doigts

d'une .main, et le contraste est alors frappant entre les gros doigts chiro-

mégaliques et les doigts voisins normaux. Les troubles scnsitifs et tro-

phiques de la syringomyélie, l'absence d'hypertrophie de la face et de la

langue, distinguent en tout cas la chiromégalie de l'acromégalie.

Le doigt hippocratique ressemble à première vue à celui de l'ostéo-ar-

thropathie hypertrophiante pneumique. Il a une forme « en massue »,

« en tète de serpent », due à une hypertrophie apparente ou réelle de la

pulpe et à une incurvation longitudinale excessive de l'ongle, en griffe,

telle qu'il semble soulevé à sa racine et abaissé vers son bord libre.

L'ongle hippocratique peut être observé indépendamment de toute défor-

mation de la phalangette, ainsi que le démontre la radiographie. On le

remarque surtout dans la tuberculose pulmonaire, on le trouverait aussi

dans nombre d'affections provoquant au niveau du doigt un trouble de la

circulation, d'origine soit générale, soit locale (Bezançon et de -long).

La cyanose congénitale ou maladie bleue provoque souvent un élargis-

sement en spatule ou en baguette de tambour des extrémités digitales; la

phalangette semble y participer généralement, quelquefois il y aurait

simple hypertrophie de la pulpe (Yedel).

Sans doute y a-t-il des intermédiaires nombreux entre ces différentes

déformations constatables au cours des maladies cardiaques et pulmonaires

qui troublent l'hématose : augmentation de la pulpe, augmentation de la

phalangette, incurvation antéro-postérieure des ongles hippocratiques,

incurvation totale en verre de montre, peut-être aussi ostéo-arthropathic

hypertrophiante; dans ces cas intermédiaires le diagnostic n'est pas tou-

jours aisé.

B) Dans les affections OSTGO- : 1RTICUL : 11RES irréguuères, déformantes

Dans le rhumatisme chronique déformant les déformations

des mains, qui sont les plus caractéristiques et presque toujours

les plus précoces, dépendent à la lois d'arthrites des articulations

métacarpo-phalangiennes et intcrphalangicnnes, de périarthrites et de

synovites, d'ostéites productives, de contractures secondaires des muscles

et de subluxations. On voit et on sent à la palpation le gonflement des.

épiphyses articulaires, les ostéophytes et les bourrelets osseux qui les

entourent, l'épaississement des synoviales, la tension des cordes tendi-

neuses, ces différents éléments étant essentiellement variables et pro-

duisant suivant les cas, et dans le même cas suivant les articulations, des

déformations très différentes.

Charcot a ramené ces déformations des mains à deux types principaux.

le type de flexion et le type d'extension. Dans le type de flexion (fig. 6).

tous les segments de la main sont fléchis les uns sur les autres, à l'excep-

tion des phalangines qui sont étendues ou même hyperétcndues sur les pha-

langes, et la main est plus ou moins fléchie sur l'avant-bras. Dans le type

DIFFORMITÉS ACQUISES. :

10'il

d'extension, tous les segments sont étendus les : uns sur les autres, à

l'exception des phalangines qui sont fléchies sud es phalanges, et la main

est aussi plus ou moins fléchie sur l'avant-bras. Mais il y a de nombreuses

variantes dans ces deux types; c'est ainsi que toutes les articulations

peuvent être fléchies les unes sur les autres, que les phalangettes peu-

vent être en extension en même temps que les .'phalangines, etc. De plus,

Vidal, Besnier, JuhcI-llénoy ont décrit un type rectiligne ou linéaire

caractérisé par l'extension complète des doigts avec demi-flexion des

doigts sur le métacarpe. Dans foutes ces variétés, l'ensemble des doigts

est généralement dévié en masse vers le bord cubital, « en coup de vent»,

et les phalangines sont parfois déviées en sens inverse vers le bord

radial. Lnlin sur

une même main la

déformation des dif-

férents doigts peut t

être analogue ou

tout à fait dissem-

blable. Les articula-

tions du pouce sont

en flexion ou en

extension.. ' :

La main peut être

non seulement en

flexion, mais en

pronation exagérée,

ce qui lui donne un

aspect en « nageoire

de phoques (de

Saint-Germain). Les différentes extrémités articulaires présentent à un

degré plus ou moins accusé des hypertrophies ou nouures et des suùluxa-

tions : aussi les. têtes articulaires sont souvent très saillantes; entre la

saillie du poignet et la saillie des têtes métacarpiennes la face dorsale de

la main est souvent concave. Les nouures et la raideur peuvent parfois

exister seules, sans altitudes vicieuses.

Toutes ces déformai ions sont généralement symétriques et plus ou

moins simultanées aux deux mains; Charcot a pourtant décrit une forme

pendant un temps très prolongé ou même pendant toute l'existence. Ces

arthropathies sont presque toujours douloureuses au début et pendant

plus ou moins longtemps.

Sur ces mains de rhumatisants, la peau semble lopins souvent adhérer

aux os par suite d'une atrophie en masse des muscles et du tissu sous-

cutané; cette peau est sèche, lisse ou couverte d'une fine desquamation,

dure, privée de rides, fortement pigmentée, parfois violacée, toujours

froide, privée de poils, privée de sueur et de sécrétion sébacée, hypoesthé-

[A. LÉRL]

Fig. fi. /1hztllwlisllle chronique. Type de flexion : les pha-

langes et les phalangettes sont lléclrics, les phalangines sont

hyperétendues.

1022

SÉMÉIOLOGIE DE LA MIN.

sique ou anesthésique : les ongles sont cannelés, durs, irréguliers, hyper-

trophiés ou incurvés, souvent fragiles et cassants.

Les mains du rhumatisme déformant sont souvent assez typiques pour

que le diagnostic puisse se faire à première vue par le simple examen

des mains, elles sont vraiment pathognomoniques. Mais les autres articu-

lations ne restent pourtant pas indemnes et leur examen peut confirmer

le diagnostic; les pieds se prennent d'ordinaire en même temps que les

mains, les autres articulations des membres, coudes, épaules, genoux

sont atteints plus tardivement.

L 'examen radiographique

montre dans le rhumatisme

déformant une hypertrophie

des extrémités osseuses, un

empâtement général sans li-

mitation précise, surtout une.

disparition de la bande claire

que donnent normalement les

cartilages articulaires, et un

tassement, une soudure des

os voisins.

Dans le rhumatisme gout-

teux, qui peut présenter les

mêmes déformations des

mains à l'examen clinique,

mais dont les déterminations

étiologiques sont différentes

(l'arthritisme au lieu du froid

humide d'après J. Teissier et

Roque), l'épreuve radiogra-

phique révèle des lésions

d'une autre nature : il n'y a ni disparition du cartilage, ni déformation et

pénétration réciproque des têtes articulaires, mais apparition de taches

blanches résultant de la formation d'ostéophytesuratiques, très perméables

aux rayons X (Potain et Serbanesco, J. Teissier, Barjon et Destot, etc.).

Laforme de rhumatisme sénile (fig. 7) décrite parP. Marie etA.Leri('),

intéresse tout spécialement les mains. Elle est caractérisée essentiellement

par une saillie dorsale des articulations métacarpo-phalangiennes de

l'index et du médius, parfois aussi de l'annulaire; mais toujours l'annu-

laire est moins atteint que le médius et le médius que l'index. L'articu-

lation métacarpo-phalangienne de ce dernier doigt fait aussi saillie sur le

bord radial. Le pouce est très saillant au niveau de son articulation avec

le métacarpe; il a une forme en croissant à concavité dorsale, de sorte

1. P. Marie et A. Liini. he rapport du Pr Teissier sur « les formes cliniques du

rhumatisme chronique u. Congrès de médecine. Liège, 1905.

Fig. 7. Rhumatisme chronique sénile. -Saillie

des articulations métacarpo-phalangiennes du pouce,

de l'imlcx et du médius. Cette déformation est un

peu anormale, ce n'est pas celle qu'on observe le

plus souvent ; d'ordinaire le pouce est en croissant.

DIFFORMITÉS ACQUISES.

1025

que son bord externe continué avec celui du premier, métacarpien prend

la forme d'un S très allongé. " .'

La main typique ..du rhumatisme sénile; s'observe à partir de 55 ou

60 ans, surtout chez des hommes, fréquemment chez des sujets qui par

profession ( corr9yem;s,.tanneurs, blanchisseuses, etc.) ont eu fréquem-

ment les mains dans l'eau. " -

Déjà par la palpation attentive on peut s'assurer que ces déformations

sont dues au gonflement ides têtes articulaires et surtout à une' subluxa-

tion des phalanges en avant : l'épreuve radiographique rend ces consta-

tations bien plus nettes; elle .montre en même temps, associées, les

altérations articu-

laires du rhumatisme -

déformant et en partie

celles du rhumatisme

goutteux (J. Teissier).

Une variété spé-

ciale du rhumatisme

chronique dyscrasi-

que, arthritique, est

représentée par les no-

dosités d'Heberden

(fil. 8) : cesontdepe-

tites nodosités fusi-

formes, dures, qu'on

observe souvent chez

. des gens âgés, de cha-

que côté de l'articula-

lion de la phalangette,

avec la phalangine

a un ou plusieurs doigts. Il articulation est élargie, aeiormee, l extrémité

du doigt un peu déviée, mais non douloureuse, sans craquements ni frois-

sements, sans ankylose. Ces nodules sont osseux et non uratiques, non

perméables aux rayons X; ils sont formés par l'accroissement anormal

de petites nodosités normales ; les cartilages voisins ne sont pas altérés.

Les nodosités de Bouchard se produisent de la même façon, mais aux

côtés des articulations des phalanges avec les phalangines (fig. 8) ; il

s'agirait, d'après Bouchard, d'une forme spéciale de rhumatisme chro-

nique dû à l'auto-intoxication acide par dilatation de l'estomac.

Aux différentes variétés du rhumatisme chronique ostéo-articulairc se

joint souvent une forme de rhumatisme fibreux qui peut aussi être isolée,

la rétraction de l'aponévrose palmaire, maladie de Duchenne (fig. 9). Au

début on ne constate que de petites indurations, des callosités, très adhé-

rentes à la peau, au niveau de la première phalange des doigts, surtout des

trois derniers doigts. Ces callosités augmentent de nombre et de volume,

se rejoignent et forment de vraies cordes fibreuses au-devant des deux

[A. LERL]

Fig.. 8. Nodosités d'Heberdett. Saillies nodulaires très

nettes sur les côtés des articulations entre les 2e et 5° pha-

langes, on constate également dans ce cas des nodosités entre

les 1" et 2° phalanges [nodosités de Boitchdî-d) (collection

Demaselino).

'1024

SEMEtOLOGIE DE LA MAIN.

premières phalanges et de la; paume jusqu'au sillon médian de la peau.

La paume est excavée, bourrelée de sillons et de mamelons irréguliers,

durs, souvent comme cornés; en général les brides sont longitudinales,

plus ou moins noueuses,

traversées de plis emboîtes

les uns dans les autres, en

arcades semi-lunaires il

convexité supérieure; les

doigts sont fléchis au ni-

veau des deux premières

articulations, l'articulation

de la phalangette demeu-

rant indemne. La rétrac-

tion ne peut être vaincue ;

la traction, la pression

sont douloureuses, et plus

tard la paume est dou-

loureuse spontanément. La

flexion des doigts peut être

telle qu'ils s'appliquent et

s'incrustent pour ainsi

dire dans la paume de la

main. La flexion forcée des trois derniers doigts avec liberté relative ou

absolue du pouce et de l'index donne parfois la main une attitude en

. pince de homard qui n'est pas sans analogie avec celle de certains

syringomyéliques..

La camptodactylie, décrite par Lanùouzycomme une autre manifesta-

tion de l'arthri-

tisme, est une

flexion perma-

nente du petit

doigt, souvent

de l'annulaire,

rarement des

autres doigts,

au niveau de

l'articulation

de la première

avec la seconde

phalange et par-

fois aussi au

niveau de l'arti-

culation de la seconde phalange avec la troisième. La première phalange

demeure libre, l'aponévrose palmaire reste saine.

. Dans la goutte chronique, les mains sont généralement très déformées

Fig. 9. Rétraction de l'aponévrose palmaire A

droite la rétraction a entraîné la flexion des deux der-

niers doigts et commence à"Iléchir le médius; à gauche

rétraction au début, tirant la peau de la paume vers le

poignet et formant des replis indurés.

Fig. 10. Goutte., ' Déformation de la main, flexion des doigls,

tophus sur l'articulation phalango-phalanginicnnc de l'index droit, de

l'index et du médius gauche.

¡

DIFFORMITÉS ACQUISES. 1

(fig. 10). Les déformations peuvent tenir à deux causes, les tophus et les

lésions articulaires ; ces deux variétés de déformations qui se trouvent

associées ou isolées, parfois elles coexistent avec des déformations du

rhumatisme chronique, notamment la déviation cubitale des doigts.

Les tophus sont des amas uratiques, de volume très variable, dissé-

minés irrégulièrement dans le tissu cellulaire sous-cutané et dans la peau,

mobiles sur les parties profondes; plus ou moins mous au début, ils

sont durs ensuite, sauf s'ils tendent à s'abeéder. On les trouve près ou

loin des jointures, la paume des mains notamment et sur les doigts.

Les déformations goutteuses proprement dites des doigts tiennent à

une lésion exclusivement limitée aux extrémités osseuses ou étendue il la

fois aux diaphyscs et aux épiphyses. Dans le premier cas les doigts sont

monitiforlnes et d'aspect très spécial, dans le deuxième cas ils sont uni-

formément épais et en baguettes de tambour; les déformations peuvent

donner aux mains une conformation tout à fait bizarre, difforme et irré-

gulièrc, « en botte de panais » Elle s'accompagnent souvent

de subtuxations ou de luxations véritables, d'ankyloses, de rétractions

tendineuses et d'atrophies musculaires.

Quand il y a des tophus ou des déformations de la diaphyse des pha-

langes, le diagnostic avec le rhumatisme chronique est aisé; quand les

déformations sont limitées aux jointures, il est souvent plus difficile.

La symétrie ordinairc du rhumatisme, l'asymétrie de la goutte ne sont

pas des caractères constants. Dans les cas douteux, la radiographie

peut rendre de grands services; elle montre, dans la goutte, d'une

part la conservation et l'intégrité des interlignes articulaires, les

dépôts uratiques étant perméables aux rayons de Rontgen, d'autre part

l'existence de taches blanchâtres disséminées sur les os aux points où

des dépôts d'urates très perméables ont remplacé dans la constitution

de ces os les phosphates très peu perméables. (Potain et Serbanesco,

.1. Teissier.)

Dans le rachitisme, la déformation des mains portc d'ordinaire uni-

quement sur le poignet, les petits os étant pourtant parfois plus gonflés

qu'il l'état normal (Guersant). La « notaire » du poignet est très carac-

téristique : produite par le gonflement de l'extrémité inférieure du radius

et du cubitus, elle donne lieu a une tuméfaction arrondie et circulaire,

en bracelet, sur une hauteur de ou 4 4 centimètres; le gonflement est

régulier et généralement symétrique, sans aucun signe d'inflammation :

les mouvements ne sont pas limités, ils sont au contraire souvent plus

lâches (laassowitr). Le gonflement peut être limité au radius seul, et la

main se trouve déjetée en varus. Dans le rachitisme infantile, de beau-

coup le plus commun, des incurvations des os longs, un chapelet costal,

un thorax en carène ou cn sablier, un front olympien ou un crâne nati-

',il ventre bombé, etc., complètent le tableau morbide. Le rachi-

tisme tardif ou des adolescents est au contraire souvent mouosympto-

matiquc, il peut être réduit il une nouure du poignet ou à un poignet

PHATIQUE NEUROI.. 65

[A. LÉRI.]

102(i -SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN.

varus. Exceptionnellement le rachitisme peut être foetal et les altérations

sont alors congénitales.

Certaines arthropathies nerveuses, des tabétiques et surtout des

syringomyéliques, peuvent aussi s'observer au poignet. La comme ailleurs,

elles se caractérisent par un gonflement rapide ou brusque, parfois consi-

dérable, de l'article, par une laxité extrême, souvent par une dislocation

complète avec intégrité remarquable des mouvements fonctionnels, sans

attitude vicieuse par atropine ou contracture musculaire, sans signes

d'arthrite, rougeur, chaleur ou douleur, sans craquements fins, mais

parfois avec de gros craquements et avec présence de corps étrangers

articulaires.

Dans l'ostéomalacie, les mains participent au ramollissement général

du squelette; les doigts peuvent prendre une forme spéciale qui serait

due aux ellorts que font les malades pour se soulever dans leur lit (Le

Dentu) : les doigts se tassent et se raccourcissent, leur extrémité s'épaissil

et s'élargit en battant de cloche, en raquette, en même temps qu'elle se

renverse en arrière.

Le spina ventosa est une affection tuberculeuse qui détermine des

déformations très spéciales. Les premières phalanges on les métacarpiens

sont en général atteints; 1 os est frappé dans sa diaphyse, il l'inverse de

la plupart des ostéites tuberculeuses; il ce niveau le doigt est gonflé.

fusiforme, comme soufflé, la peau est tendue, amincie, pâle au début.

plus tard violacée et luisante. L'af1l'clion peut persister un temps très

long sans modifications, elfe se termine quelquefois par résolution, beau-

coup plus ordinairement par suppuration qui entraîne des séquestres

osseux et détermine parfois des mutilations des doigts, des ankyloses,

des décollements épiphysaires. des luxations. Le doigt peut s'allonger ou

diminuer par irritation ou destruction du périoste et des cartilages; le

spina. ventosa d'un métacarpien peut provoquer de la même façon un

« doigt rentrant », « en lorgnette » ou un doigt « repoussé». (Lanne-

longue.)

La dactylite syphilitique ou spina ventosa syphilitique se présente sous

une forme analogue, un gonflement fusiforme d'un ou de plusieurs doigts.

La première phalange est aussi le plus souvent atteinte, mais la tumé-

faction peut embrasser plusieurs segments de doigt; elle peut être due

il l'infiltration gomineuse soit des parties molles, soit du squelette; elle

est dure et résistante, ou mollasse et même fluctuante; elle présente

toujours une coloration violacée spéciale et est douloureuse surtout la

nuit. Elle se termine par résolution ou par ulcération et nécrose plus ou

moins mutilante.

Dans la lèpre, les doigts peuvent présenter momentanément l'aspect

du spina ventosa : le spina leprosa est le prélude de mutilations impor-

tantes et rapides.

La dactylite blennorragique, pselHlo-phleguHJ\1eIISe (Fol1l'niel'). déter-

mine un gonflement uniquement pé¡'Ùll'tÙ'ulim'e au niveau d'une ou plu-

"' DIFFORMITÉS ACQUISES.

1027

sieurs phalanges : les doigts prennent une forme « en fuseau », en rave

ou « en radis ». Tardivement la dactylite peut passer à l'état chronique

et déterminer toutes les déformations du rhumatisme chronique progressif,

ainsi que des troubles trophiques intenses (amyotrophies, chute des poils

et des ongles, cornes cutanées, etc.). Elle n'est pas mutilante.

Nous n'insistons pas sur toutes les variétés d'arthrites inflammatoires

aiguës ou tuberculeuses, qui ne diffèrent en rien à la main de ce qu'elles

sont partout ailleurs.

C) Dans LES affections dystrophiques DES parties molles.

La main succulente, décrite dans la syringomyélie par Pierre Marie

et llarinesco (fig. 11 ), est due à la fois à l'atrophie musculaire et à des

troubles trophiques de la peau et du tissu sous-cutané. Par suite de l'amyo-

trophie, les bords cubital et radial sont concaves au lieu d'être convexes, et

la maiu est déjetée vers le bord cubital. Par suite d'une hyperplasie sous-

cutanée et d'un processus vaso-moteur, la face dorsale est tuméfiée, comme

« potelée », les tendons extenseurs ont moins de relief, les veines sont

comme voilées, mais il n'y a pas d'oedème véritable, la pression n'y laisse

pas de godet. Les doigts sont fusiformes, allongés, ou courts et boudinés;

leur attache manque de souplesse, leur ligne d'insertion s'arrondit brus-

quement à cause de la boursouflure de la peau interdigitale.

La tuméfaction de la main peut s'arrêter aux doigts ou se continuer

sur la première phalange; le tégument de la troisième phalange est lui-

sant et comme collé aux os (glossy skin) ; la striation longitudinale des

ongles est exagérée. A la face palmaire, l'atrophie de l'éminence hypothé-

nar et presque toujours de l'éminence thénar donne à la main l'aspect

[A. LÉRI.]

Fig. Il. - Main succulente de la syringomyélie. Main potelée, sans rides, sans dépres-

sions, épaissie, sans oedème.

1028 SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN :

simien ; assez souvent la main prend l'attitude de la main de prédicateur.

Cette main est toujours froide et sèche, rouge violacée et marbrée en

hiver.

La radiographie ne montre pas de lésion nette des os, mais une légère

hypertrophie de la tète des deuxième et troisième métacarpiens et surtout

la distension et le relâchement des ligaments des articulations métacarpe-

phalangiennes et radio-carpienne, ce qui explique la déviation cubitale

de la main et la possibilité de mouvements anormaux.

Cette main succulente est tout à fait spéciale à la syringomyélie pour

Pierre Marie et Marincsco ; pour Gilbert et Carnier, Dc,jerine, llirallié, on

pourrait l'observer dans des cas divers, hémiplégie, atrophie musculaire

Aran-Duchenne, myopathie, etc.

Dans le myxoedème congénital ou acquis, les mains sont épaisses, en

bêche, les doigts gros et boudinés; mais l'étatde la main n'est qu'un des

éléments accessoires du tableau morbide, et le faciès InYXoedématm : 'est

bien plus caractéristique. . tJ ? .

On admet généralement aujourd'hui que les oedèmes blancs ou bleus

des hystériques ne sont nullement un symptôme d'un entité clinique ; ils

sont toujours provoqués par des manoeuvres artificielles, toujours volon-

taires quoique la volonté chez ces sujets soit plus ou moins consciente

d'elle-même. Si ces oedèmes sont plus fréquents à la main, c'est parce

que la congestion qui les détermine est plus facile à provoquer à la main

qu'ailleurs par la simple application d'un lien circulaire sur l'avani-lras

ou le bras; ils présentent la coloration et les troubles vaso-moteurs et

thermiques des oedèmes par compression veineuse. Certains sont provo-

flués de façon dilférente et présentent les caractères des oedèmes inflam-

matoires.

L'oedème aigu des extrémités, violacé, douloureux, circonscrit, inter-

mittent ou paroxystique, donne à l'érytlaromélalgie un aspect très parti-

culier. '.

Une variété intéressante de la neurofibromatose ou maladie de Hel'Idin-

ghausen, le névrome plexi forme, peut se développera la main sous lune

de ses trois variétés, bien indiquées par Pierre Marie, tumeur, repli

cutané, éléphantiasis. Cette dernière forme peut être aisément confondue

avec toutes les variétés d'oedème, mais son développement congénital,

son irrégularité de distribution, l'absence de godet et la sensation plus

ou moins nette il la palpation de cordons durs enchevêtrés, la rugosité, la

pigmentation et la pilosité fréquente de la peau, la coïncidence des deux

grands signes ordinaires de la neurofibromatose, grains de iiiolluseilli, et

taches pigmentaires, rendront le diagnostic facile pour peu (pion y

pense (').

1. Un cas de ce genre, que nous avons observé dans le service du Il Pierre Marie,

avait été considéré par les uns comme un oedème congénital, par les autres comme une

affection inflammatoire de la main qui lui avait valu une intervention opératoire.

DIFFORMITÉS ACQUISES.

Dans l'adipose douloureuse ou maladie de Dercum, même généralisée,

il est remarquable que les extrémités, mains et pieds, ne participent pas

il l'adiposité générale, et l'on voit une main de dimension normale, par-

fois petite, à l'extrémité d'un bras et d'un avant-bras à aspect parfois

pseudo-éléphantiasique ; la limite se fait nettement en bourrelet, au niveau

du poignet en bracelet. -

D) Dans LES affections mutilantes.

La main de Morvan (fig. 12) caractérise la «parésie analgésique

avec panaris des extrémités supérieures » à laquelle on a donné le nom

de maladie de Morvan. En réalité, on n'admet plus guère que la maladie

de Morvan soit une

entité clinique; les

cas doivent en être

répartis entre deux

maladies à troubles

sensitifs objectifs

tout particulière -

ment accentués, la

syringomyélie et la

lèpre. C'est précisé-

ment parce qu'ils

sont indolents que

les panaris, dont la

cause est une infec-

tion d'origine ex-

terne comme pour

les panaris vulgaires,

sont spécialement

graves ; c est aussi parce que ces panaris se développent sur un terrain ou

les troubles trophiques sont très intenses. Les phalangettes d'abord atteintes

baignent dans le pus, le pus gagne le long des gaines les phalangines et

les phalanges, souvent la paume de la main : les abcès s'ouvrent à l'exté-

rieur par de larges ulcérations, ils se propagent en profondeur jusqu'aux

articulations et aux os, les os se nécrosent, des séquestres se forment et

s'éliminent. ; après un temps plus ou moins long, les fistules finissent

par se fermer. Il reste une main privée d'un ou plusieurs doigts en partie

ou en totalité, les sections sont boursouflées et inégales, les portions res-

tantes, tant des doigts que delà main, sont grosses, épaisses, irrégulières,

couvertes d'une peau sèche, écailleuse, insensible, souvent parcourue de

cicatrices saillantes, les ongles sont atrophiés; tel est le type de la main

de Morvan, main fréquente, mais nullement constante tant s'en faut,

dessyringoniyéliqucs et des lépreux. Exceptionnellement un traumatisme

de troncs nerveux, une névrite périphérique autre que la névrite

. (A. LERl.l

Fig. 12. Main de Morvan chez un sY1'lIlgo ? yéIÙ¡ue. Main

, ll1util¡'e par des panaris analgésiques des 21 et 5e doigts gauches;

doigts lioursuullus. boudinés, inégaux.

1050 SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN.

lépreuse, une paralysie radiculaire du plexus brachial peuvent provoquer

une altération très analogue. -

Nalbandofl (') a rapporté une observation de syringomyélie où les trou-

bles trophiques de la main avaient pris une allure très différente; on

constatait à la radioscopie l'absence presque complète des deux phalanges

du pouce qui avaient disparu par résorption simple, sans ulcération, et

l'on pouvait transpercer le doigt sans résistance et sans douleur.

La sclérodermie peut être plus ou moins généralisée d'emblée, elle peut

être progressive. Dans le premier cas elle envahit les mains comme la face.

le tronc et les membres inférieurs, les doigts sont immobilisés, indurés,

parfois momentanément épaissis (sclérodermie oedémateuse), puis effilés.

Dans le deuxième cas elle débute très fréquemment par les extrémités

et surtout par les doigts ; c'est la sclérodactylie décrite par Bail. Les

extrémités des doigts sont d'abord dures, violacées, douloureuses, puis

de petites ulcérations se forment parfois au niveau des articulations, elles

guérissent après un certain temps en laissant une cicatrice blanche indé-

lébile. Les doigts se fléchissent alors, les troisièmes phalanges sur les

deuxièmes, plus tard les deuxièmes phalanges sur les premières, les

doigts déformés s'immobilisent , les déformations rappellent plus ou moins

celles du rhumatisme noueux : mais il y a réfraction des tissus périarti-

culaires, et notamment des tendons, sans ankylose osseuse. Rarement

il y a au contraire une laxité anormale des jointures. Les doigts immo-

bilisés s'indurent et s'effilent, la peau mince, lisse, luisante, dure.

adhère aux os, les ongles sont en grande partie détruits ; les os eux-mêmes

diminuent de volume, une portion plus ou moins considérable d'un ou

plusieurs doigts disparait par résorption, mais généralement sans ulcéra-

tion profonde, sans suppuration, sans nécrose, sans élimination de la

la phalangette (2 ; exceptionnellement pourtant leur phalangette se spha-

cèle et sort il travers une ulcération ou une fistule. Ces lésions sont à peu

près symétriques, elles envahissent, le reste des mains, la face dorsale

s'indure, de petites taches lilas apparaissent sur les paumes, des bulles,

des ulcérations plus ou moins tenaces. Puis les avant-bras sont atteints il

leur tour, les bras, la face et plus ou moins toute la surface cutanée. La

peau prend souvent une teinte brunâtre plus ou moins foncée qui rappelle

celle de la maladie d'Addison.

En dehors de ces sclérodermies généralisées ou progressives, on peut

constater des sclérodermies localisés au niveau d'un ou plusieurs doigts

(sclérodermie annulaire d'un doigt, dans un cas de Miraull).

La gangrène symétrique des extrémités ou maladie de Raynaud

débute par une période plus ou moins prolongée d'asphyxie locale qui

ne peut être distinguée de la période de début de la sell"J'odaclylie :

les doigts, surtout à leur extrémité, ont une coloration blanc bleuâtre

1. Nalbakdoff. Soc. de ncvrol. de OloscoTC, 18 ! ).

2. Dans un cas M. Ilallopcau n'a plus trouvé, pour représenter le squelette du ? doigt.

qu'un débris atrophié de la 2° phalange libre au milieu des parties molles.

DIFFORMITÉS ACQUISES. 1051

ou violacée ou noirâtre, ils sont très douloureux spontanément, par accès,

mais insensibles à la piqûre; ils sont froids, les veines qui en partent

dessinent des marbrures livides le long des mains et des avant-bras.

A la période suivante, la maladie de Raynaud se distingue tout lait

de la sclérodactylie ; cette période se caractérise par la production de

phlyctènes, le harelaeriai2e»ient ou la formation d'escharc s. Les phlyctènes

se développent il l'extrémité des phalangettes, petites, isolées ou mul-

tiples : elles se rompent ou se dessèchent; rompues, elles laissent écouler

un liquide séro-purulcut et forment une légère excoriation ; desséchées,

elles brunissent, puis se détachent par plaques, laissant des ulcérations

superficielles ; dans les deux cas, il se forme des cicatrices irrégulières,

blanches, saillantes ou déprimées. Des poussées successives se produisent

aux mêmes doigts ou aux doigts voisins. A la longue ils prennent un

aspect flétri, rétracté, comme chagriné. L'état parcheminé peut survenir

d'emblée, sans phlyctènes, le bout du doigt jaunit, se ratatine, se raccor-

nit, se « momifie » ; après quelques jours des pellicules épaisses et dures

s'en détachent.

S'il y a gangrène d'emblée, les téguments deviennent noirâtres au

nivcau de la phalangette ; un cercle inflammatoire, puis un sillon d'éli-

mination limitent la zone de sphacèle; du pus parait dans le sillon et sous

le bord libre de l'ongle ; enfin une eschare se détache, généralement peu

épaisse, de 1 -il 2 millimètres ; il se constitue alors assez rapidement une

cicatrice blanche, irrégulière, dure, ou bien des croûtes se forment et

tombent en laissant il plusieurs reprises une nouvelle ulcération. Dans un

certain nombre de cas, assez rares d'ailleurs, la gangrène s'étend jusqu'à

l'os, la phalangette se nécrose et s'élimine, l'ongle se recourbe et se

recroqueville.

La maladie de Raynaud n'est pas toujours limitée aux mains : elle

atteint souvent aussi les pieds, mais moins souvent que la gangrène

sénile, parfois le nez, les oreilles, les joues.

A la suite d'exposition au froid, il peut survenir un acrosphacèle par

congélation tout il fait analogue à la maladie de Raynaud ; les doigts se

durcissent, se raccornissent, se momifient, un sillon d'élimination se

forme et de vastes escarres sèches, noires, tombent en entraînant parfois

la totalité d'une phalangette, d'une phalangine, même d'un doigt complet.

Cet acrosphacèle est d'autant plus à rapprocher de la maladie de Raynaud

que Etienne (') a constaté la diminution des battements de la radiale et

que le froid détermine sans doute la gangrène par l'intermédiaire de

lésions nerveuses et vasculaires qu'il produirait directement.

Nous avons déjà parlé des formes mutilantes de la tuberculose et de la

syphilis des mains et des doigts : leur mode de début et leurs suppura-

lions prolongées empêcheront de les confondre avec les affections muti-

lantes que nous venons d'envisager.

Il. EïlEXKK. Archives de médecine, 26 décembre 1905.

[A. LÉRI.]

10;;2 SIs111;10LOCIG D L : 1 MAI\..

III. ATTITUDES VICIEUSES

Dans la détermination des attitudes vicieuses de la main s'associent

il un degré variable suivant les cas des atrophies musculaires, des para-

lysies, des contractures, secondairement des rétractions et des déforma-

tions osseuses. 11 est souvent difficile de se rendre compte si c'est

J"amyotrophie, la paralysie ou la contracture qui a été la cause originelle

de l'attitude vicieuse, ou même parfois si ce n'est pas une altération non

musculaire, une lésion osseuse ou fibreuse ; une déformation très ana-

logue peut résulter de causes tout à fait dissemblables : nous donnerons

les principaux éléments du diagnostic.

Les principales attitudes vicieuses sont des déviations de la main sur

lavant-bras ou mains-botes et des déviations des doigts sur la main ou

griffes. " -

A) Déviations DE la main sur. L'AYAXT-nRAS : MAINS-HOTES.

Les mains-botes se divisent, comme les pieds-bots, en équines ou

palmaires, talus ou dorsales, valgus ou radiales, varns ou cubitales; les

variétés palmaire, cuhito-palmaire et surtout radio-palmaire sont les plus

fréquentes.

Les mains-botes sont congénitales ou acquises : les formes acquises

sont paralytiques ou spasmodiques. les formes congénitales peuvent être

paralytiques, spasmodiques ou dues il une malformation osseuse.

Les mains-botes congénitales avec malformation osseuse sonl

très rares, alors que les pieds-bots de même nature sont très fréquents;

le squelette peut être complet, mais présenter des vices de conformation

ou des rapports anormaux des surfaces articulaires : le plus souvent le

squelette est incomplet et c'est l'absence d'un ou plusieurs os qui déter-

mine la déformation : c'est l'absence totale ou partielle du radius que

l'on constate le plus fréquemment. Il existe en général d'autres malfor-

mations, et nous aurions dû décrire cette main-bote au chapitre des

troubles du développement de la main si nous n'avions cru préférable de

donner ici ses caractères différentiels avec les autres mains-botes. La

main-bote congénitale par déformation osseuse est fréquemment S ! IIIU>-

ll'ique nwe déviation égale des deux cotés, elle est irréductible, il n'y a

ni amyotrophie marquée, ni troubles trophiques et vaso-moteurs, mais.

contrairement au pied-bot de même nature, elle est généralement impo-

tente.

La main-bote congénitale paralytique s'observe quelquefois, notam-

ment après des traumatismes obstétricaux du plexus brachial ou de

différents nerfs ; la main-bote paralytique est plus fréquemment infantile

que congénitale, elle résulte alors une paralysie infantile : elle peut

prendre des altitudes variées. Elle est, en général unilatérale, 011 aSYJ//é-

trique et parfois dissemblable des deux côtés, elle s'accompagne souvent

. , . ATTITUDES VICIEUSES. '1055

d'atrophie musculaire, de troubles vaso-moteurs et trophiques, elle est

froide et violacée, le tissu graisseux sous-cutané est développé, les liga-

ments sont relâchés et les articulations flottantes ; la déviation est facile-

ment réductible, au moins pendant longtemps, jusqu'à l'apparition des

contractures et rétractions secondaires ; la main est impotente ; les

réflexes tendineux sont diminués ou abolis. '.

La main-bote congénitale spasmodique (fig. 13) est plus fréquente;

elle s'observe dans les diverses va-

riétés d'atrophie et de sclérose cé-

rébrale, d'encéphalite foetale et in-

fantile, d'hémiplégie et de diplégie

cérébrale infantile, de syndrome de

Little chez les prématurés, les hé-

rédo-syphilitiques, après un accou-

chement laborieux ou une maladie

de la mère, etc. Elle est beaucoup

moins fréquente que le pied-bot de

même nature, elle ne se rencontre

guère sans coexistence du pied-bot,

alors que le pied-bot spasmodique

est au contraire fréquemment isolé,

dans les paraplégies spasmodiques

familiales et dans certains syndromes

de Little par exemple..

La déviation de la main peut être

extrême, généralement cubito-pal-

maire; la main peut s'appliquer

presque en son entier sur la face

antérieure de l'avant-bras, les doigts

sont étendus ou fléchis. Cette défor-

mation est bilatérale ou unilatérale ; il y a de la raideur des articula-

tions, les muscles sont durs, la réduction est difficile ou impossible ;

on ne constate de troubles trophiques et vaso-moteurs importants que

dans l'hémiplégie spasmodique infantile; la main est impotente; les

réflexes tendineux sont exagérés. ,

Les mains-botes acquises sont paralytiques ou spasmodiques e) ;

1. Madelung a décrit sous le nom de « subluxalion spontanée des poignets » une

variété de main-bote acquise, survenant de 15 à 25 ans, dont un trouble de l'ossifica-

tion serait la cause déterminante. Par suite de la mollesse anormale de l'extrémité

inférieure du radius, cette épiphyse serait entraînée en avant par l'action prépondé-

rante des fléchisseurs sur les extenseurs; le relâchement des ligaments serait une

cause prédisposante. Le poignet est' fléchi, en avant et tombant; les extrémités infé-

rieures du radius et du cubitus font saillie sur la face dorsale; le poignet est épaissi,

les mouvements sont limités, l'articulation est douloureuse. Nous ne parlons pas des.

mains-botes par ankylose ou cicatrice vicieuse qui sont plus du domaine de la chirurgie

que de la médecine..

[A. LÉRI.]

Fig. 15. Hémiplégie et paraplégie céré-

brales infantiles. Main-bote congé-

nitale spasmodique (déformation très pro-

noncée) avec pied-bot.

'J054 . ' SÉMIOLOGIE DELA MAIN.. V -1 - -

leurs caractères différentiels sont les mêmes que pour les déformations

congénitales. On observe la main-bote paraly-

tique à la suite de certaines paralysies infan-

tiles (`) (6g. 14) ou de paralysies spinales aiguës

de l'adulte, à la période flaccide des hémiplé-

gies, à une période très- tardive des myopathies

progressives, à une : période également tardive

dès atrophies musculaires progressives myélo-

pathiques, quand, à la paralysie des muscles des

mains qui déterminé la main d'Aran-Duchenne

se joint la paralysie des muscles des avant-bras

qui provoque là « main de squelette » ou « de

cadavre ».

Dans la plupart de ces cas; tous les muscles

sont également paralysés ; il y a une main-bote

totale : ; ces mains sont généralement flasques et

ballantes ; il s'agit plutôt de « mains paraly-

tiques » que de mains-botes paralytiques.

-, La localisation de l'atrophie .ou de la paralysie

soit sur les extenseurs, soit sur les fléchisseurs

de la main peut déterminer une main-bote para-

lytique partielle par simple prépondérance des

antagonistes; z

mais cette

attitude est

en général

passagère, soit que ces antagonistes

s'atrophient ou se paralysent à leur

tour, soit qu'ils se contracturent et se'

rétractent, la main-bote paralytique

devenant alors spasmodique. La forme

la plus remarquable est la a main dé

prédicateur » (fig. 15), qui été dé-

crite par Charcot ,et Joffroy dans la

pachyméningite cervicale hypertro-

phique, qui peut s'observer exception-,

nellement dans la paralysie infantile

(Seelgmüller, Dejerine), mais que l'on

constate surtout dans la syringomyélie.

La main est dans l'extension forcée sur

l'avanl-bms avec un certain degré de

supination. Cette altitude est due à 1 atrophie ou à la paralysie des muscles.

1 . Il est.rare de constater chez l'adulte la persistance d'une paralysie infantile au

membre supérieur ; quand la lésion de la moelle est assez intense pour déterminer

lllïg. 14. - Atrophie du mem-

bré supérieur droit il la

' suite d'une paralysie in-

fantile.. Main-bote para-

lytique, flasque.

Fig. 15. ? Main de prédicateur (main

gauche). Syringomyélie il forme spas-

modique.. ,

ATTITUDES. VICIEUSES.

'I 035

innervés par le cubital et le médian, fléchisseurs et pronateurs, interos-

seux et lombricaux, avec intégrité des muscles innervés par le radial,

extenseurs et supinateurs. Suivant le degré variable d'atrophie, de

paralysie ou de contracture de ces muscles, les doigts peuvent prendre .

une attitude variable : le plus souvent ils sont fléchis dans leurs deux

dernières phalanges et étendus dans la première, parfois ils sont fléchis

dans les trois phalanges ; dans la forme spasmodique de la syringomyélie

décrite par Pierre Marie et Guillain, les deux ou le plus souvent les trois

derniers doigts seuls sont fléchis et contractures, le pouce et l'index sont

relativement indemnes et restent étendus plus ou moins complètement ; ' -

il en résulte une main « en pince de

homard» (fig. 16).

Certaines variétés de mains fléchies

du rhumatisme chronique sont dues

au contraire à l'atrophie des exten-

seurs et à la prédominance d'action

des fléchisseurs.

La main-bote spasmodique s'ob-

serve dans l'hémiplégie spasmodique

organique ou hystérique. Dans l'hé-

miplégie organique, elle est rarement

primitive (contractures précoces),

généralement consécutive à une pé-

riode de flaccidité. Dans l'hémiplégie

hystérique, elle est presque toujours

spasmodique d'emblée; l'hémiplégie

hystérique flasque reste flasque, elle

est beaucoup plus rare que la forme

spasmodique. ' .

La main contracturée des hémi-

plégiques organiques se présente

comme un poing fermé ; la main -est

en légère flexion sur Pavant-bras et les doigts en flexion plus ou moins

forte au niveau des phalangines et des phalangettes, les phalanges res-

tant généralement en extension. La main conserve la même attitude quand

l'avant-hras est en demirflexion sur le bras, position la plus ordinaire, ou

quand il est en extension, position plus rare. Cette flexion des doigts est

due à la contracture des fléchisseurs superficiel et profond, car en exa-

gérant passivement, la flexion de la main on peut dans certains cas voir les

doigts s'étendre et le poing s'ouvrir, alors qu'au contraire en étendant pas-

sivement le poignet on voit les doigts se fléchir plus fortement dans la main.

une paralysie permanente du hras, elle est trop haut placée pour ne pas déterminer le

plus souvent la mort de l'enfant. L'arrêt du développement osseux caractérise généra-

lement cette forme de main-bote paralytique. D -

Fig. 16. Main eu pince de homard chez

un syringomyélique (c'est la main droite

du malade ci-dessus). Flexion des 5 der-

niers doigts, extension des deux premiers.

. En même temps panaris analgésique de

l'index.

1056 SEMIOLOGIE DE LA MAIN.

La main-bote spasmodique est toujours relativement faible dans l'hé-

miplégie de l'adulte si on la compare aux déformations tout à fait exces-

sives que l'on observe souvent dans l'hémiplégie cérébrale infantile.

La main-bote de l'hémiplégie hystérique ressemble absolument à celle

de l'hémiplégie organique; elle est pourtant souvent plus prononcée, il

n'est pas rare aussi que les phalangettes restent étendues alors que les

phalanges et les phalangines sont lléchies ; enfin alors que la contracture

hémiplégique persiste dans le sommeil naturel ou dans le sommeil chlo-

roforrniclne, la contracture hystérique cède et la main s'étend, à l'excep-

tion des cas où il s'est fait des rétractions fibreuses.

B) Déviations des DOIGTS sur la main : GRIFFES.

La paralysie ou l'atrophie des muscles innervés par un des nerfs

moteurs des doigts ou la contracture de leurs antagonistes détermine

une «griffe»; chaque grille est désignée par le nom du nerf atteint ;

on a ainsi une griffe radiale, une griffe cubitale, une griffe médiane ;

chacune d'elles est totale ou partielle. Le domaine musculaire de plu-

sieurs nerfs moteurs peut être atteint en même temps totalement ou

partiellement, soit que plusieurs nerfs soient frappes simultanément dans

leur trajet périphérique, soif que l'origine centrale commune de plusieurs

.nerfs soit lésée; il en résulte de nouvelles variétés multiples dégriffés,

la grillé des interosseux, la main d'Aran-Duc)¡enne, etc.

La griffe radiale est caractérisée par la paralysie des extenseurs

des doigts et du poignet. Dans la griffe complète, la main est tombante

et ne peut être spontanément relevée. Les doigts sont fléchis dans leur

trois phalanges, mais ils peuvent être volontairement étendus dans

leurs seconde et troisième phalanges, par suite de l'intégrité des inter-

osseux, lorsque l'observateur étend passivement la main et la première

phalange. Les doigts peuvent être plus complètement fléchis et le poing

'fermé, à la condition qu'on relève passivement le poignet de façon à

écarter normalement les insertions supérieures et inférieures des muscles

fléchisseurs. La main, appliquée à plat, ne peul être portée ni vers le côté

radial par suite de la paralysie du premier radial, ni vers le côté cubital

par suite de la paralysie du cubital postérieur. Le pouce ne peut être porté

en dehors par suite de la paralysie de son long abducteur. Si l'on fait

fléchir l'avant-bras en s'opposant au mouvement, on ne sent plus sur

son bord externe la corde tendue du long supinateur. Sur le dos du poi-

gnet apparaît plus ou moins tardivement une tumeur dorsale du carpe.

tuméfaction indolente due il un trouble vaso-moteur ou à une synovite

hyperliopliique.

Le type de la griffe radiale complète se trouve dans les lésiotts trautna-

tiques du nerf radial, section, ecrasementou, plus souvent, compression

(paralysies dücs ct fit/o°c ? ) ; encore le long supinatcurcst-il indemne dans

quelques cas rares où le traumatisme a porté au-dessous de l'émergence

ATTITUDES VICIEUSES. : 1057 7

du rameau nerveux du long supinateur. Dans les traumatismes graves

seulement ou dans les névrites radiales, on observe des troubles sensitifs

dans le territoire cutané du radial (partie postérieure- et externe de la main

et des doigts, sauf les deux dernières phalanges de l'index et du médius).

La griffe radiale est la forme de beaucoup la plus coimnunedespamlysies

saturnines; elle présente alors quelques caractères particuliers; l'exten-

seur commun des doigts étant pris avant les extenseurs propres de l'index

et de l'auriculaire, le médius et l'index sont tombants avant le 2e et le 5e

doigts, et pendant un certain temps le malade « fait les cornes » ; le long-

abducteur du pouce restant très longtemps intact, le pouce et la main

peuvent être portes en an-

duction ; enfin le long supi-

nateur est presque toujours

respecté et l'on peut sentir

sa corde contractée durant

la flexion active de l'avant-

bras ; la paralysie est gé-

néralement bilatérale et cu-

rable.

Dans toute autre polyné-

vrite toxique ou infectieuse

que la névrite saturnine, la

paralysie n'est presque ja-

mais limitée au domaine du

nerf radial.

Dans le tabes on observe . -

parfois une paralysie radiale passagère, prenant le long supinateur, due .

peut-être à une névrite.

Des lésions du plexus brachial ou de ses racines produisent exception-

nellement une paralysie radiale. Il en est de même de certaines lésions

médullaires ou méningées, paralysie infantile, atrophie musculaire pro-

gressive au début, pachyméningite cervicale, etc....

La griffe cubitale (fig. 17) comporte la paralysie des interosseux,

des muscles hypothénar, de l'adducteur du pouce et d'une partie du court

fléchisseur, des deux lombricaux internes et des deux faisceaux internes

du fléchisseur commun profond des doigts, du cubital antérieur. Le petit

doigt et l'annulaire sont fortement étendus dans leur première phalange

et fléchis dans leurs deux dernières, l'éminence hypothénar .est atro-

phiée, les espaces interosseux sont déprimés, les doigts écartés ne peu-

vent être rapprochés; le pouce ne peut être opposé au petit doigt; la main

est légèrement déviée vers le bord radial et ne peut être portée en adduc- .

tion. Il y a souvent de l'hypo ou de l'anesthésie sur la partie interne de

la paume et du dos de la main, sur le petit doigt, la face interne de l'an-

nulaire et la partie interne du dos de la première phalange du médius..

Le type de la griffe cubitale s ? observe dans les lésions traumatiques du

IA. LÉRI ]

Fig. 17. - Grille de la main à la suite d'une lésion

traumatique du poignet. C'est une grille cubitale

légèrement modifiée.

! 058 SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN.

nerf cubital, section, écrasement ou compression, surtout au poignet ou

dans la gouttière olécrÙnienne; les paralysies par compression sont quel-

quefois professionnelles, chez les ouvriers qui s'appuient sur la face interne

du coude ou dont l'instrument appuie sur renunencehypothenar (menui-

siers, cordonniers, tailleurs de diamants ou de cristaux, verriers, etc.).

La même griffe peut s'observer dans certaines névrites toxiques ou

infectieuses, notamment dans la lèpre où le nerf cubital est fortement

hypertrophié, rarement dans la syphilis, dans la fièvre typho ! d la

grippe, dans l'alcoolisme. -

La griffe médiane amène la paralysie de tous les muscles antérieurs

de l'avant-bras et de l'élllinence thénar, sauf le cubital antérieur et les

deux faisceaux internes du fléchisseur profond, l'adducteur du pouce etune

partie du court fléchisseur. L'éminence thénar est atrophiée, le pouce se

porte en arrière, tourne sur son axe et se met sur le même plan' que les

autres doigts, son opposition est impossible : c'est la « main de singe ».

Les premières et deuxièmes phalanges de l'index et du médius sont

étendues et ne peuvent être fléchies ensemble; la flexion de la première

phalange n'est possible qu'après l'extension des deux dernières sous

l'action des interosseux. La deuxième phalange de l'annulaire et de l'auri-

culaire est étendue alors que la première et la troisième sont demi-fléchies.

La flexion de la main sur l'avant-bras n'est possible qu'avec une forte

adduction sous l'action du cubital antérieur; la pronation de la main est

très limitée et due seulement au long supinateur. Des troubles sensitifs

peuvent intéresser le territoire cutané des deux tiers externes- de la

paume de la main, de la face palmaire des trois premiers doigts et de la

moitié externe du quatrième, du dos des deux dernières phalanges de

l'index et du médius et de la moitié externe de celles de l'annulaire.

La grille médiane s'observe plus ou moins complète dans les tralllll : 1-

tismes du nerf, section ou compression, et dans de rares névrites toxiques

ou infectieuses. La main de singe marque habituellement le dchutdn

l'amyotrophie spinale Aran-Duchenne.

La main d'Aran-Duchenneest constituée par l'association d'atro-

phie ou de paralysie des muscles de la main dans le domaine a la

fois du médian et du cubital : c'est une main de singe avec «rifle des in-

1('rossl'lIx et généralement, atrophie de l'hypothénar. L'eminencethenar est

atrophiée et l'opposition du pouce impossible; les espaces interosseux sont

déprimés, l'adduction des doigts impossible; les premières phalanges

des doigts sont étendues, les deux dernières sont fléchies et ne peuvent

être étendues (cela pour tous les doigts et non seulement pour les deux

dernierscommedans la grifl'l' enhitale pure).

La main d'Aran-nnebenue est un syndrome dont la cause peut se

trouver dans des lésions médullaires portant sur l'origine des W paire cer-

vicale et )"' paire dorsale (d'où partent la plus grande partie des fibres

du médian et du cubital), dans certaines lésions nél'1'iliques et dans des

atrophies myopathiques.

ATTITUDES VICIEUSES.

10 ! 1

La main d'Aran-Duchcnne d'origine médullaire est constante et

presque toujours bilatérale dans la poliomyélite antérieure chronique (')

et dans la sclérose latérale amyotrophique : dans la première, les réflexes

tendincux' sont diminués ou abolis, dans la seconde ils sont toujours

exagérés. Certaines formes de méningo-myélile syphilitique produisent

un syndrome tout il fait analogue a la première de ces affections; l'atteinte

secondaire des faisceaux pyramidaux peut amener une exagération des

réflexes et une extension des orteils; le tableau clinique simule alors une

sclérose latérale amyotrophique à évolution lente (Raymond, A. Léri).

Dans le labes on a signalé maintes fois une amyotrophie à type Aran-

Duchenne : il est fort vraisemblable qu'elle est due plus souvent à la

propagation aux cornes antérieures

du processus de rnéningo-myélitc

postérieure syphilitique, qui consti-

tue le tabès, qu'à une névrite asso-

ciée.

La main d'Aran-Duchenne est

très fréquente dans la syringomyélie

(fin. 18) : elle est souvent unilatérale.

Dans cette maladie l'Intégrité extrê-

mement prolongée des muscles exten-

seurs du poignet donne souvent à la

main d'Aran-Duchenne l'attitude, de

prédicateur que nous avons signalée.

La dissociation de la sensibilité, la

cypho-scoliose distingueront la syrin-

gomyélie.

La main d'Aran-Duchenne s'observe

aussi dans l'hémalomyélie, exccp-

tionnellement dans les compressions

et hémisections de la moelle et

dans la paralysie mlantlle. L atrophie .musculaire type Ltiarcot-jiane et

la névrite interstIticHehypertrophiquc de Gombautt, Dejerine et Sottas.

lICCt1011S qui s'accompagnent de lésions médullaires, amènent parfois'

aussi la production de celte même main.

Toutes les lésions portant sur les nerfs médian et cubital ou leurs

racines peuvent produire ramyotropilic de la main type Aran-

Duchenne.

Les lésions des racines médullaires portant sur la 8e cervicale et la

J "0 dorsale peuvent être une pachyméningite et notamment une pachy-

méningite cervicale hypel'l1'ophir¡ue, une tumeur méningée, un mal de

1. Nous avons dit il l'article ce Atropines musculaires » que, à noire sens comme à

celui de Pierre Marie, l'existence d'une poliomyélite antérieure chronique, en tant

qu'entité morbide cliniquement bien individualisée et anatomiquement bien systema-

tisée, ne devait être encore admise que sous certaines réserves.

IA. LÉRI]

Fig. 18. Mains d'A1'an-Dllchcllllc chez

un sy1'illgomyéliqllc (collection Damas-

chine).

1040 SÉMÉIOLOGIE DE LA MAIN. -

Pott, une fracture ou une luxation du rachis ; sur le plexus brachial peu-

vent porter des paralysies traumatiques ou obstétricales; sur les troncs

du médian ou du cubital, des traumatismes, des compressions profes-

sionnelles, des névrites infectieuses (lèpre, pneumonie, etc.) ou toxiques

(arsénicisme;- alcoolisme exceptionnellement en dehors de la paralysie

des extenseurs du pied, saturnisme exceptionnellement en dehors de la

paralysie radiale, -etc.). Les douleurs pseudo-névralgiques spéciales, une

.déformation fréquente du rachis dénotent la pachyméningite cervicale

hypertrophique ; comme dans la syringomyélie, on observe souvent l'atti-

tude de prédicateur. Dans toutes les lésions portant sur la 1"e racine

dorsale ou la partie inférieure du plexus brachial,, on observe des trou-

bles de sensibilité et. surtout des troubles oculo-pupillaircs, myosis,

rétrécissement de la fente palpébrale, souvent enfoncement du globe

oculaire (Mme Dejerine-Ilmnpl : e).

Enfin, cette même déformation de.la main peut s'observer il une

période généralement tardive des- myopathies facio-scapulo-huméralc

(type Landouzy-Dejerine) ou scapulo-humérale (type Erb).

IV. MOUVEMENTS ANORMAUX

Quelques variétés de mains sont caractérisées non seulement par leur

attitude, mais par leurs mouvements anormaux.

Dans la paralysie agitante les mains participent à la rigidité muscu-

laire : les doigts sont fléchis dans leur première phalange et étendus

dans leur deuxième et troisième, parfois hyperétendus ; ils se touchent

l'un l'autre sans pouvoir -s'écarter, et lâchée palmaire du pouce est. de

même appliquée énergiquement sur la face palmaire de l'index; il y a

une sorte de', main en cône : La main participe aussi au tremblement

général'; en outre elle présente souvent des mouvements spéciaux, lents

et continus, de très faible amplitude, mouvements de flexion et d'exten-

sion légère des doigts, d'abduction et d'adduction légère du pouce, pen-

'dant lesquels le pouce ne quitte pas la face antérieure de l'index : le

malade a ainsi l'air de constamment « rouler une cigarette ». Très

exceptionnellement les.'parkinsoniens ont le poing fermé.

Les mouvements athétosiques de la main s'observent dans deux condi-

tions très différentes : dans l'hémi-athétose post-hémiplégique et dans

l'athétose double. ' .

L'hémi-athétose post-hémiplégique est bien plus fréquente à la suite

des hémiplégies cérébrales infantiles qu'à la suite des hémiplégies de

l'adulte, elle est aussi souvent bien plus prononcée. La main et les doigts

sont animés de mouvements lents, irréguliers et arythmiques, de

faible amplitude, jusqu'à un certain point « ondulés », mouvements

de « reptation », de « tentacules de poulpe ». L'attitude coutumière de

MOUVEMENTS ANORMAUX.

ton

la main est très spéciale, elle est en pronation forcée, la paume en avant,

à demi fléchie sur le poignet, les doigts étendus et écartés en éventail,

étalés en patte de canard; cette attitude varie d'ailleurs d'un moment à

l'autre par suite des mouvements de la main et des mouvements isolés de

chaque doigt; elle est surtout caractéristique par le fait qu'elle ne rentre

aucunement dans la série des atti-

tudes qu'on donne normalement il la

main. Ces mouvements sont inter-

rompus de temps en temps par des

spasmes. Ils augmentent ou dimi-

nuent suivant les moments; ils sont

exagérés par l'émotion, calmés par

la distraction : ils cessent dans le

sommeil. Dans lhénii-athélosc post-

hémiplégique infantile on observe

d'ordinaire une atrophie plus ou

moins prononcée des membres at-

teints et notamment de la main;

souvent les mouvements sont si-

multanément choréiques il la racine

des membres et athétosiques il leur

extrémité.

Dans l'athétose double (fig. 19),

affection très ordinairement congeni-

tale, on observe souvent aussi la pro-

nation de la main, mais d'ordinaire

moins forcée ; les mouvements^ont

beaucoup plus variés, plus irrégu-

liers, moins lents, sans avoir aucu-

nement la brusquerie des tuouve-

ments choréiques. A ces mouvements

athétosiques, toujours bilatéraux et

non accompagnés de paralysie, sejoint

une rigidité musculaire générale,

des altérations prononcées de Va parole et des troubles profonds de 1 in-

telligence qui donnent au malade un caractère tout il fait particulier.

Dans les accès de contracture douloureuse de la tétanie, les mains

prennent, dès le début, des attitudes variées et changeantes. L'une des

plus caractéristiques est la « main de l'crccozccheico » : pouce en adduc-

tion forcée, doigts il demi-nechis avec les phalanges étendues, paume

creusée par le rapprochement de ses bords. De très nombreuses variétés

s'observent : « main de scribe », index en flexion forcée, poing fermé,

pronation forcée. La contracture s'étend généralement aux autres

segments du membre. L'ensemble du tableau clinique est très caracté-

ristique.

P ! I.\TlQUE : OEt; ! lIH.. titi

[A. LÉRI.] .

Fig. 19. - Athétose double. - )luu\'cll1clIls

spéciaux des mains.

SEMEIOLOGIE DU PIED

par le Dr ANDRÉ LÉRI

. Nous suivrons pour la description des diverses déformations du pied

le plan que nous avons adopté pour celles de la main. Les- détails que

nous avons donnés sur certains troubles de la main nous permettront

d'être bref sur les troubles similaires du pied. Nous noterons pourtant

que, d'une façon générale, les diverses variétés de déformations ont une

fréquence et- une importance très

différentes à la main et au pied.

I. TROUBLES

DU DÉVELOPPEMENT

A. DIFFORMITÉS TÉRATOLOGIQUES

Les diverses variétés d'ectromélie

(fig..1), d'ectrodactylie, de polydac-

tylie, de syndactylie sont semblables à

la main et au pied : elles jportent souvent

symétriquement sur les membres.

Aux membres inférieurs, on observe

parfois aussi la symélie, soudure ou

fusion des deux membres : les symé-

liens sont divisés (Geoffroy Saint-Hilaire) *)

eh : synièles, chez lesquels les deux

membres inférieurs sont soudés à

l'exception des pieds; urodèles (oupa.,

queue), chez qui les deux membres sou-

dés se terminent par un seul pied, sou-

vent très incomplet; sirénomèles, chez

lesquels il y a à la fois symélie et ectro-

mélie, les pieds manquant complètement.

Les hypertrophies et les atrophies congénitales portent plus souvent

sur les membres inférieurs que sur les supérieurs et sont souvent plus

prononcés ; leurs causes sont les mêmes. On observe exceptionnellement

Fig. 1. = Phocomélie. La cuisse

gauche fait à peu près . entièrement

défaut ; il y a d'autres malformations

tératologiques : raccourcissement des

deux jambes, ectrodactylie (4 orteils à

gauche, 3 à droite). '

DIFFORMITÉS ACQUISES.

1045

une macroclccclylie ou une 11tac1'opodie congénitale et unilatérale (acro-

mégalie partielle de Virchow).

Les pieds-bots congénitaux sont infiniment plus fréquents que les

mains-botes et sont dus très souvent à un trouble de développement, du

squelette : nous y reviendrons. '

B. DYSTROPHIES CONGÉNITALES

Chez les achondroplasiques les pieds sont gros et courts, mais il n'a

pas été signalé de forme spéciale du pied analogue à celle de la main.

Les pieds participent, à un moindre degré que les mains, à l'allonge-

ment et à l'amincissement des os dans la dolieliosténoiiiélie de Marfan.

' ? DIFFORMITÉS ACQUISES

il) D.11S LES AFFECTIONS OSSEUSES SYSTÉMATISÉES, liIPERTROPltl : 1\TES.

Dans l'acromégalie, les pieds comme les mainS sont éla1'f)is el e'paissis,

camards, sans augmentation notable de

longueur. L'hypertrophie porte égale-

ment sur tous les tissus, squelette et

parties molles. De profonds sillons sé-

parent des bourrelets saillants. Les or-

teils sont volumineux, sans être défor-

més, ni déviés; les ongles sont courts,

plats et larges, généralement striés lon-

gitudinalement. La déformation s'arrête

généralement au cou-de-pied; elle est

en tous cas toujours relativement minime

au cou-de-pied et au genou, à la jambe

et à la cuisse.

Le pied des géants est semblable à

celui des acromégaliques, mais souvent

développé à la fois en longueur et en

largeur.

Dans l'ostéo-arthropathie hypertro-

phiante pneumique, les phalangettes

des orteils sont épaissies, en battant de

cloche, surtout celle du gros orteil, le

métatarse et le tarse sont relativement

mucmnes, les malléoles sont au contraire très épaissies, ueuoruanies, ue

sorte que le cou-de-pied forme un gros bourrelet circulaire, que la partie

inférieure de la jambe est plus volumineuse que la partie moyenne et que

le pied a l'aspect spécial du gros « pied d'éléphant » (lia. 2). Le tibia est

plus ou moins épaissi, surtout à ses extrémités, le fémur l'est beaucoup

moins. L'articulation tibio-tarsienne est peu mobile et douloureuse.

[A. LÉRI.]

Fig. 2. - Osléo-a1'lhropalhie hycr-

11'ophianle ]Jncll1/11qlte. Pied massif,

hypertrophie de l'extrémité inférieure

de la jambe et, il un moindre degré,

de son extrémité supérieure.

10 a Sl.)11;10t.OGli : DU PIED.

13) Dans les affections OS'fi : 0- : 11t'l'ICUL : IIItI : S irrégulières, déformantes.

Dans le rhumatisme chronique déformant, les pieds sont souvent

portés dans leur ensemble soit en dedans, soit en dehors, l'articulation

tibio-tarsienne est parfois ankyloséc, le pied est gros, court, saillant au

niveau du tarse. Les orteils sont déviés vers le bord externe, de telle

façon que l'articulation niétaearpo-phalangienne du gros orteil forme une

saillie angulaire où se trouve parfois un durillon et une bourse séreuse.

Le gros orteil est parfois très déformé isolément, il est porté en haut et en

dehors et recouvre les doigts voisins, ou plus rarement il est porté en bas

et en dedans et est recouvert par le 2C orteil : c'est l'ltallux vctlrps

(fig. 5). Le petit orteil peut présenter la même déviation latérale vers

l'axe du pied. D'autres fois le gros orteil est relevé, en extension perma-

nente, avec ou sans les autres orteils. "

Parfois un orteil, le 2c ou le 5e surtout, est étendu dans sa première

phalange et fléchi à angle droit dans sa deuxième phalange, « en mar-

teutt » ? l'orteil en marteau n'est d'ailleurs pas toujours rhumatismal, il

est souvent congénital. Les orteils sont quelquefois en Z, comme les

doigts, fléchis dans la deuxième phalange et étendus dans la première

et la troisième. La peau du pied du rhumatisant chronique est sèche,

rude, écailleuse, mate, parfois lisse et luisante.

Le rhumatisme chronique blennorragique prend au pied une marche

assez spéciale : c'est la gaine du tendon d'Achille au niveau de son inser-

tion au calcanumn, « l'articulation du talon (Bicord), qui est la première

épaissie et douloureuse : c est la lalalgie blennorragique.

L'articulation tibio-tarsienne et les articulations du métatarse se pren-

nent ensuite : le pied s'étale, s'aplatit et s'ankylose plus ou moins, il se

fait une sorte de pied plat douloureux; ce pied est souvent dévié en to-

talité sur son bord externe. Les articulations phalangiennes sont envahies

plus tardivement encore, des nodosités et des bosselures y apparaissent;

les orteils se déforment et se dévient : l'aspect devient semblable il celui

du rhumatisme chronique déformant, le pied reste très longtemps dou-

loureux.

La crise typique de la goutte articulaire aiguë porte sur le gros orteil.

Son début brusque au milieu de la nuit, l'intensité extrême des douleurs

siégeant au niveau de l'articulation metatarso-pbatangicnne du pouce,

contusives, continues à paroxysmes lancinants, dilacérants, spontanées

et exagérées par la pression, le gonflement rouge violacé, « pivoine »,

chaud, luisant, tendu comme par un abcès, sont des caractères tout il

fait pathognomoniques. La crise douloureuse cède généralement au bout

de peu de jours, avec ou sans participation d'autres jointures, mais la

raideur, la douleur a la pression, l'eeclènle persistent souvent beaucoup

plus longtemps.

La goutte chronique se révèle aux pieds comme aux mains par des

DIFFORMITÉS ACQUISES.

1045

déformations articulaires et par des dépôts d'urates dans le tissu sous-

cutané et la peau, près ou loin'des articulations. Les tophus se localisent

souvent à la plante des pieds ou au talon; ils caractérisent nette-

ment la goutte. En l'absence de tophus le diagnostic peut être hésitant,

car les déformations ne sont guère aussi typiques qu'elles le sont sou-

vent aux mains : la radiographie pourra rendre des services en montrant

l'intégrité des inter-

lignes articulaires

et l'existence de

taches blanches au

niveau des os.

Dans le rachitis-

me, la saillie des

malléoles détermine

une nouure caracté-

ristique au niveau

du cou-de-pied; le

« dopple joint » qui

en résulte est d'au-

tant plus apparent

que le tibia est sou-

vent incurvé ainsi

que le fémur; la dé-

viation tibiale peut

être antérieure et

ressemeler au uma

en lame de sabre, « tibia Lannelongue » de la syphilis osseuse, mais elle

est fréquemment aussi latérale ou irrégulière, symétrique ou asymétrique

aux deux extrémités. Les petits os du pied sont souvent plus gonflés qu'à

l'état normal.

L'arthropathie nerveuse, presque exclusivement tabétique, de l'arti-

culation tibio-tarsienne détermine un gonflement souvent énorme du

cou-de-pied, ressemblant à la. fois à la nouure du rachitisme et à la

déformation de l'ostéo-arthropathie hypertrophiante ; mais elle n'est pas

accompagnée des autres déformations osseuses que l'on observe dans ces

maladies. De plus son début brusque et non douloureux, sa tuméfaction

excessive, son irrégularité, ses saillies osseuses inégales et parfois mo-

biles, sa laxité, sa dislocation, ses gros craquements donnent à cette

arthropathie des caractères spéciaux.

Le « pied tabétique » (Charcot et Féré) (fig. 4) est essentiellement une

ostéo-arthropathie du tarse et du métatarse. Ses caractères sont : une tumé-

faction du dos du pied surtout marquée au niveau des articulations tarso-

métatarsiennes ; un affaissement de la voûte plantaire, tel que celle-ci

devient plate ou même convexe (exceptionnellement une cambrure exa-

gérée, en « pied de Chinoise » ) un épaississement du bord interne qui

rA. LÉRI.]

Fig. 5. -Rhumatismc goutteux. Orteils en marteau, lnillux valgus.

1046

SÉMÉIOLOGIE DU PIED.

est arrondi et quelquefois saillant au niveau de l'apophyse du scaphoïde

et du premier cunéiforme ; un raccourcissement du pied qui, joint aux

caraçtères précédents, donne au pied un aspect- « cubique» ; souvent une

déviation totale du métatarse en dehors ; une immobilité relative des.diF-

férents segments les uns sur les autres. L'empreinte du pied tabétique

présente' une forme spéciale en rapport avec ces déformations (J. Teissier

et Couturier) : retrécissement

de la plante, continuité de

l'empreinte du gros orteil avec

celle du métatarse, déviation

angulaire du gros orteil en

dehors.

C) Dans LES affections DYSTRO-

PHIQUES DES PARTIES MOLLES.

. Le pied participe dans le

myxoedème à l'infiltration gé-

nérale du tégument et du tissu

sous-cutané; les pieds sont

élargis, épaissis, pachydermi-

ques; la peau, est sèche et

squameuse, les ongles cassants,

atrophiés, striés longitudinale-

ment.

Les oedèmes dits hystériques

portent moins souvent sur le pied que sur la main, ce qui se conçoit,

étant donné leur mode de production artificiel. Tous les autres oedèmes

portent plus volontiers sur les pieds que sur les mains : les oedèmes

blancs, mous, indolores, surtout vespéraux et malléolaires au début, des

néphritiques; les oedèmes rouges, durs, sensibles des cardiaques; les

oedèmes pâles, mous, indolores des cachectiques ; les oedèmes blancs,

durs, douloureux des phlébitiques, etc.. 1.1

Les oedèmes segmentaires des membres inférieurs de Debove, Mathieu,

Joffroy, le trophoedème congénital deMeige portent surtout sur les mem-

bres inférieurs; ils sont souvent héréditaires; ils sont blancs, durs,

accompagnés souvent d'autres troubles trophiques et doivent être rappro-

chés de certaines hypertrophies congénitales des membres.

L'éléphantiasis des pays chauds, comme le pseudo-éléphanliasis ou

oedème chronique suite d'érysipèle, de' phlébite, etc., prennent surtout

la jambe et le pied et donnent aux membres inférieurs un aspect spécial.

L'oedème aigu, violacé et douloureux de l'é1 : ylhromélalgie porte plus-

souvent sur les pieds que sur les mains ou débute par les pieds.

. Nous ne pouvons insister ici sur le diagnostic de ces différents oedè-

mes ; leurs caractères aigu ou chronique, congénital ou acquis, dur ou

Fig. 4. Pied tabétique : cubique, épais, plat

et court, saillie du tarse et du métatarse.

DIFFORMITÉS ACQUISES. 1047

mou, blanc, bleu ou rouge, les symptômes associés ou les signes des

maladies causales permettront en général de faire assez facilement ce

diagnostic.

D) Dans LES affections mutilantes.

17 Les mutilations produites par la sclérodermie, par la maladie de Ray-

naud peuvent s'observer, quoique plus rarement, aux pieds comme aux

mains : elles se présentent avec des caractères tout à fait analogues et

ne méritent pas une description distincte.

La gangrène sénile est au contraire plus fréquente au niveau des

orteils que des doigts. C'est une gangrène sèche, noire, momifiante,

mutilante; elle diffère de la maladie de Raynaud par son siège unilatéral,

son étendue souvent plus vaste et plus extensive; en effet, si les orteils

sont souvent atteints les uns 'après les autres, le pied tout entier, la

jambe, la cuisse même peuvent se sphacéler, soit d'emblée, soit secon-

dairement il des mutilations plus limitées, spontanées ou opératoires.

Celle gangrène a souvent été précédée de crises de claudication inter-

mittente ; on peut constater la diminution ou la suppression des batte-

ments artériels au-dessus du foyer.

La gangrène diabétique peut être superficielle ou profonde; profonde,

elle est tout à fait analogue à la gangrène sénile, car elle relève comme

elle d'une oblitération artérielle. Comme la gangrène sénile, elle est

presque toujours sèche, elle peut devenir humide quand à la nécrose

simple se surajoute l'invasion du foyer par des germes saprogènes ou

pyogènes. -

La forme gangreneuse de l'ergotisme ressemble tout à fait à la gan-

grène symétrique ou à la gangrène sénile; son étiologie spéciale, son

caractère souvent épidérnique, la coïncidence chez le même malade ou

chez d'autres sujets de formes convulsives, des signes généraux d'intoxi-

cation permettront de penser à la gangrène ergotinique.

Les gangrènes massives et symétriques d'origine névritique, décrites

par Pitres et Vaillard, ont d'emblée une étendue plus grande que la plupart

des gangrènes précédentes, des signes de névrite les accompagnent, et les

précèdent.

L'rrïnlrrrrrt est une maladie des pays chauds, spéciale à la race nègre,

caractérisée par l'amputation spontanée du 5e orteil de l'un ou des deux

pieds, parfois du 4e et rarement du 5e. Elle débute par un sillon cutané

indolent et non ulcéré qui se creuse de plus en plus profondément :

l'orteil, gonflé, ovoïde, de plus en plus finement pédicule, finit par

tomberai ! bout de plusieurs années. Jamais l'affection ne s'étend ni au

au reste du pied, ni aux doigts.

La congélation peut, amener le sphacèle des orteils comme des doigts.

La lèpre, la tuberculose, la syphilis peuvent provoquer des mutila-

tions du pied très analogues à celles qu'elles déterminent parfois au

niveau des mains.

[A. LÉRL]

1048 SÉ)11 : 101,OG11 DU PIED.

Le mal perforant est plantaire dans la grande majorité des cas, alors

qu'on ne l'observe qu'exceptionnellement aux mains ou à toute autre

partie du corps. Il siège surtout aux trois principaux points d'appui de la

plante : l'articulation uietatarso-phatangienne du pouce,' celle du petit

orteil et le talon. Par l'ulcération à bords épais, taillés il pic ou en gra-

dins, il fond irrégulier et iorocntem, nnesthésique, souvent précédée

d'un durillon, peuvent s'éliminer de petits fragments d'os nécrosé, mais

les véritables mutilations, les amputations des orteils, sont plus rares.

Les tabétiques, les diabétiques, ceux qui ont subi un traumatisme grave

des nerfs du pied, une gelure, etc., sont le plus volontiers atteints de

maux perforants. '

\

Iii. ATTITUDES VICIEUSES

Il

Irnüfwstinguer les altitudes vicieuses du pied sur la jamhe ou pieds-

bots, qui peuvent être varus ou en adduction, valgus ou en abduction.

équin ou en extension, talus ou en flexion, et mixtes; les attitudes

vicieuses du métatarse et du tarse ou pieds-creux et pieds-plats; les

attitudes vicieuses des orteils ou griffes.

Très souvent ces diverses attitudes vicieuses sont combinées sur un

même pied : par exemple le pied-bot varus équin se complique souvent

de pied creux avec grille des orteils : le pied-bot talus est presque tou-

jours un pied-creux, le valgus est presque toujours un pied-plat, etc.

Pour la commodité de la description, il importe cependant de les étudier

séparément; nous indiquerons chemin l'aisant leurs combinaisons cli-

niques principales.

A. PIEDS-BOTS

a) Variétés cliniques. Les pieds-bots sont congénitaux ou acquis;

dans les deux cas la forme la plus fréquente est le varus équin; dans

les deux cas ils peuvent être paralytiques ou spasmodiques.

Il existe, en outre, une variété de pied-bot congénital très fréquente,

c'est le pied-bot congénital avec malformation osseuse (fig. 5); elle

mérite d'être étudiée d'abord. Que la malformation des os du tarse soit

primitive ou consécutive à une altération nerveuse ou il une attitude

vicieuse intra-utérine (différentes théories pathogéniques ayant été émises),

on peut dire qu'il s'agit d'un trouble du développement : à cet égard, ce

pied-hot aurait dû entrer dans notre classe des difformités teratotogiqucs.

si nous n'avions cru utile d'en donner ici les caractères particuliers qui

le différencient des pieds-bols paralytiques ou spasmodiques.

Le pied-bot congénital avec malformation osseuse estunilaléral ou

plus souvent bilatéral et symétrique avec déviation égale des deux côtés :

il se présente comme une malformation isolée ou s'accompagne fré-

ATTITUDES VICIEUSES.

1049

quemment d'autres malformations et de troubles du développement;

mais les muscles de la jambe et du pied sont intacts, contrairement aux

autres pieds-bots, ce qui constitue une excellente condition de succès

pour les interventions chirurgicales; il est irréductible et ne s'accom-

pagne pas d'impotence, ou seulement d'une impotence modérée; il n'y a

pas de troubles trophiques ou vaso-moteurs.

La, variété de beaucoup la plusfréquente est le varus équin; excep-

tionnellement on observe des pieits-I)ots

valgus, talus ou équins directs.

Qu'ils soient congénitaux ou acquis,

les pieds-bots paralytiques et les pieds-

bols spasmodiques présentent souvent

certaines similitudes : la même déforma-

tion peut être produite, on le conçoit,

par la paralysie ou l'atrophie d'un muscle

ou d'un groupe de muscles ou par la

contracture du muscle ou du groupe de

muscles antagoniste. Il existe pourtant

des caractères généraux différentiels en

rapport avec la paralysie ou la contrac-

ture et sans rapport avec les muscles at-

teints : ils sont semblables à ceux que

nous avons indiqués pour les mains-

botes. ..

Les pieds-bots paralytiques sont sou-

vent unilatéraux ; quand ils sont bilaté-

raux, ils sont d'ordinaire asymétriques :

les muscles sont atrophiés, petits à l'in-

spection, mous à la palpation, ne durcis-

sant pas par les efforts de contraction;

l'articulation est plus ou moins lâche,

ballante, ses mouvements sont excessifs,

au moins dans une direction donnée, ses ligaments paraissent allongés;

la déformation est facilement réductible, mais se reproduit aussitôt, et

l'impotence est grande.

Il y a des troubles trophiques et vaso-moteurs de la jambe et du pied,

la peau est froide, violacée, le membre est atrophié, le tissu adipeux

sous-cutané souvent anormalement développé efface les saillies. Les

réflexes tendineux, rotuliens et achilléens, sont diminués ou abolis.

Les pieds-bots spasmodiques sont unilatéraux ouïe plus souvent bila-

léraux et plus ou moins symétriques; les muscles sont saillants et durs,

les tendons forment des cordes tendues : la déformation est difficilement .

réductible, l'impotence est grande. Le plus souvent il n'y a pas de trou-

bles trophiques ou vaso-moteurs marqués ; les réflexes tendineux sont

exagérés et l'on constate souvent du clonus du pied.

' [A. LÉRI.]

Fig. 5. Pied-bot congénital avec

malformation osseuse. En même

temps malformation de la main qui

n'a que 4 doigts sans pouce (ectro-

dactylic).

1050 SÉMÉIOLOGIE DU PIED..

Les caractères différentiels de ces pieds-bols n'ont pas toujours en

clinique une netteté absolue : ainsi, la plupart sont assez souvent, réduc-

tibles au début, mais plus tard les rétractions tendineuses et les défor-

mations osseuses, les atrophies des muscles relâchés ou les hypertro-

phies et contractures des muscles continuellement tendus rendent les

corrections difficiles ou impossibles dans les pieds-bots paralytiques

ou spasmodiques ; les troubles vaso-moteurs et trophiques peuvent faire

leur apparition dans les deux variétés ou n'exister ni dans l'une ni dans

l'autre. Très souvent, c'est moins par l'examen du pied que par les signes

associés de la maladie, dont le pied-bot n'est qu'un symptôme, qu'on fera

le diagnostic de sa nature, paralytique ou spasmodique, diagnostic

capital pour la direction du traitement.

Les pieds-bots, paralytiques ou spasmodiques, prennent les attitudes

les plus variées suivant les muscles paralysés ou contractures qui les dé-

terminent.

La paralysie de tous les muscles du pied produit un pied ballant,

souple, lâche, obéissant à la pesanteur, équin quand il est pendant, mais

très facilement et indéfiniment réductible, facile il contenir aussi par

une chaussure à contrefort solide qui supprime l'action de l'articulation

tibio-tarsienne en maintenant le pied fléchi à angle droit : c'est le pied-

bot total, il s'agit d'un pied paralytique plutôt que d'un pied-bot

paralytique. '

En dehors de ce cas. la paralysie ou l'atrophie isolée de certains

muscles d'une part, la contracture de ces mêmes muscles d'autre part,

provoquent des déviations diamétralement opposées : ces déviations

sont en rapport avec la fonction physiologique de ces muscles.

Les principaux muscles fléchisseurs du pied sur la jambe sentiejannxcr

antérieur et l'extenseur commun des orteils : le jambier antérieur fléchit

le pied en le portant en dedans, l'extenseur commun en le portant

en dehors.

Si le jambier antérieur est seul paralysé, il y a un léger équin valgus,

la flexion ne peut plus se faire sans que le pied soit préalablement porté

en abduction; si l'extenseur commun est seul paralysé, y a un léger

équin varus, la flexion ne peut plus se faire sans que le pied soit d'abord

mis en adduction; si les deux muscles sont simultanément paralysés, la

flexion ne peut plus se l'aire, il y a un pied-bol équin paralytique. Si le

jambier antérieur est seul contracture, il y a un pied-bol talus varus

spasmodique; si l'extenseur commun est seul contracture, il y a un pied-

bol talus valgus; si les deux muscles sont contractures simultalémenl,

il y a un pied-bol talus direct.

Les principaux muscles extenseurs du pied sur la jambe sont le triceps

sural et le long péronier latéral. Le triceps sural étend surtout l'arnerc-

pied ; il le porte aussi en adduction et en rotation interne, en varus. Le

long péronier étend surtout il le porte aussi en adduction

et en rotation externe, en valgus. De plus, le long péronier latéral

ATTITUDES VICIEUSES. )05 !

exagère la concavité de la voûte plantaire, cambre le pied; le long

fléchisseur commun des orteils contribue aussi accessoirement à cambrer

le pied; il a pour rôle principal de fléchir énergiquement les deux

dernières phalanges et faiblement les premières et de porter légèrement

le pied en rotation interne.

Si le triceps sural est seul paralysé, il y a flexion de J'arrière-pied avec

extension de l'avant-pied, talus pied-creux direct paralytique; si le

fléchisseur commun est paralysé en même temps, il y a un talus pied

creux valgus. Si le long péronier latéral est seul paralysé, il y a un pied

plat varus qui devient pied-plat valgus dans la position debout par

glissement de l'astragale sur le calcanemu : si le fléchisseur commun est

paralysé en même temps, il y a un talus pied-plat, direct; si l'extenseur

commun est aussi paralysé, le jatubier antérieur agit seul, il y a talus

pied-plat varus. Si le triceps et le long péronier sont paralysés simulta-

nément, le pied est fléchi parle jambier antérieur et courbé par le fléchis-

seur commun, il y a un talus pied-creux varus.

Si le triceps sural est seul contracture, il y a un pied-bot équin val'us :

si le long péronier est seul contracture, il y a un pied-creux valgus : si

les deux muscles sont contractures simultanément, il se produit un pied-

bol équin direct.

Les principaux muscles rotateurs du pied sont le jambier postérieur

et le court péronier latéral. Le jambier postérieur porte le pied en

adduction et rotation interne, le court péronier en abduction et rotation

externe. La paralysie isolée de ces muscles ne déterminerait pas de

déformation accentuée, à cause de l'action compensatrice de certains

muscles fléchisseurs ou extenseurs. La contracture isolée du jambier

postérieur détermine un varus direct, celle du court péronier un valgus

direct.

On voit donc que les variétés de déformations, pieds-bols avec ou sans

pieds-creux ou pieds-plats, sont extrêmement nombreuses; par l'étude

attentive de chacune d'elles on peut savoir quels sont les muscles para-

lysés ou contractures; par les caractères généraux des pieds-bots para-

lytiques et des pieds-bols spasmodiques, on peut diagnostiquer s'il s agit

d'une paralysie ou d'une atrophie de certains muscles ou d'une contrac-

ture de leurs antagonistes, les deux lésions déterminant une déformation

à peu près analogue il première vue. Ceci est vrai au moins dans les lore-

miers temps, avant que l'atrophie ou la contracture secondaire, les retrac-

tions fibreuses ou les déformations osseuses aient modifié l'aspect clinique.

Les cas typiques s'observent dans les lésions traumatiques des muscles

ou des nerfs.

b) Variétés étiologiques. \ous passerons en revue les principales

variétés de pieds-bots que l'on observe dans les maladies nerveuses

congénitales ou acquises, myopathiques. nevritiques, myetopathiques.

cérébrales ou fonctionnelles : aucune variété n'est palhognoinonique.

Le pied-bot congénital paralytique est très rare ; il est total

{.A. LÉRI]

'1052

SÉMIOLOGIE DU PIED.

ou partiel,. Il peut être dù à une' paralysie spinale congénitale qui est

très exceptionnelle. Parfois il est dû à un spina-bifida : le plus sou-

vent la tumeur rachidienne, médiane» arrondie ou elliptique, molle,

fluctuante ou rénitente, d'ordinaire partiellement ou totalement réduc-

tible par la pression, ne laissera, pas de doute sur la cause de la para-

lysie des membres inférieurs et du.pied-hot; cette paralysie s'accompagne

fréquemment de troubles . sensitifs et trophiques et d'incontinence des

réservoirs; ces symptômes,. ainsi que l'existence d'une hypertrichose

localisée au niveau de la scissure ra-

chidienne, faciliteront le diagnostic

dans les cas de spina-hifida latent, où

la tumeur fait défaut.

Le pied-bot congénital spas-

modique est beaucoup plus fré-

quent. Il est unilatéral dans l'hémi-

plégie cérébrale infantile ; il est

généralement alors en varus équin par

la contracture prédominante du triceps

sural, exceptionnellement en talus

varus; il y a des troubles trophiques

et vasomoteurs très accusés, un arrêt

du développement de tout le membre

inférieur et du membre supérieur du

même côté.

. Il est bilatéral dans les paraplégies

. spasmodiques familiales, les mala-

dies de Little, les diplégies céré-

brales infantiles. Dans la première

variété (fig. 6), les membres inférieurs

sont contracturés à l'exclusion des

membres supérieurs; dans les deux

autres variétés la rigidité spasmodique

est étendue aux quatre membres. Des troubles intellectuels prononces,

idiotie, imbécillité, des attaques épileptiques, des mouvements choréo-

athétosiques, une tendance progressive plutôt que régressive distingue-

raient théoriquement les diplégies infantiles de la maladie de Little pro-

prement dite : mais, en réalité, il existe entre ces formes des intermédiaires

nombreux, et ces affections méritent d'autant plus d'être réunies sous le

nom de « syndrome de Little » que dans presque tous les cas de soi-disant

maladie de Little on trouve une lésion cérébrale (') et non seulement,.

4. Les lésions cérébrales grossières, les hémorragies surtout, ne sont pas rares aux

autopsies d'enfants nés avant terme ou après un accouchement laborieux (Couvelaüc)

ou dont les mères' ont été atteintes de maladies infectieuses au cours de la grossesse

(Charrin et Léri) : or, ce sont ces conditions étiologiques qui produisent en général le

syndrome de Little. ' ,

Fig. 6 : - Pied-bot congénital spasmo-

dique dans la maladie de Little. - .

ATTITUDES VICIEUSES.

1055

comme on le croyait, une agénésie médullaire du faisceau pyramidal. La

paraplégie spasmodique familiale n'est elle-même pas absolument diffé-

rente : la contracture envahit souvent secondairement les membres supé-

rieurs et les troubles intellectuels ne sont pas rares. Dans tous ces cas, le

pied-bot est généralement un varus équin spasmodique; la jambe est

contracturée en demi-flexion sur la cuisse et la cuisse sur le bassin, les

cuisses sont en adduction forcée, les genoux se touchent et souvent se

croisent. Les troubles trophiques et vaso-moteurs sont presque toujours

beaucoup moins accusés que dans l'hémiplégie spasmodique.

Le pied-bot acquis paralytique s'observe dans un grand nombre

d'affections : a) cérébrales, b) médullaires, c) névritiques, d) myopathi-

ques, e) fonctionnelles.

a) Dans l'hémiplégie cérébrale, à la période de flaccidité, on observe

un pied immobile et hallant, équin par son propre poids, soit quand il

est pendant, soit au lit : c'est un pied-bot total ou un pied paralytique.

b) Parmi les affections médullaires, certains pieds-bots ont un aspect

particulier : tels le pied-bot tabétique, décrit par Joffroy, et le pied de

Friedreich. ,

Le pied-bot tabétique (Hg. 7) est un pied-bot équin varus, avec

enroulement du

bord interne du pied

et flexion des or-

teils, il est d'ordi-

nairc bilatéral. Tout

à fait réductible au

début, il serait dû,

d'après Joffroy, à la

flaccidité et à l'ato-

nie de l'ensemble

des muscles de la

jambe et à l'allon-

gement des liga-'

ments et tendons

antérieurs, sousl'in-

fluence du poids des

couvertures. Plus tard il devient irréductible par les rétractions muscu-

laires et aponévroliqucs, mais'il ne devient pas spasmodique, les muscles

antéro-externes de la jambe et ceux du mollet restant mous et flasques.

Le gros orteil est fortement fléchi dans ses deux jointures par la rétrac-

tion des tendons des muscles thénar et des muscles abducteurs, obliques

et transverses du gros orteil; les autres orteils sont généralement flécliis

modérément dans leur première phalange et fortement dans les deux

autres par la' rétraction de l'aponévrose plantaire; très exceptionnelle-

ment ils sont fortement étendus dans la 'l rc phalange et fléchis dans les

deux autres par la rétraction du muscle pédieux.

- [A. LÉRI.]

Fig. 7. -. Pieds-bols tabétiques de Joffroy (collection Charcot).

Enroulement du pied sur son bord interne.

1054

SÉMÉIOLOGIE DU PIED.

Le jambier antérieur est quelquefois moins atrophié que les autres

muscles et il y a parfois momentanément, au début, une flexion du pied

avec adduction et rotation interne, un talus varus plus ou moins prononcé.

Le pied de Friedreich (fig. 8) est un pied creux varus équin avec

grillé : il est court, « lassé » d'avant en arrière, l'avant-pied est large;

il est en extension modérée et en rotation interne et adduction légères;

il est fortement « cambré », creux a sa face plantaire, saillant à sa face

dorsale; les orteils sont en extension dans leur première phalange el

en flexion dans les autres ; l'extension de la première phalange du gros

orteil est toujours plus accentuée que celle des autres orteils, parfois il

tel point que cet orteil semble s'implanter sur le dos de l'avant-pied.

Cette déformation est généralement bilatérale : exceptionnellement, elle

peut être modifiée par la suppression de la griffe. Elle présente les carac-

tères généraux des pieds-bots paralytiques; elle est facilement réduc-

tible et s'atténue spontanément dans la position debout; les muscles sont

amaigris et mous, notamment les muscles antéro-externes de la jambe;

les réflexes tendineux sont diminués ou abolis.

Le « pied de Friedreich » s'observe presque constamment et précoce-

ment dans la maladie de Freidreich, exceptionnellement dans certaines

myopathies ou dans des affections variées de la voie pyramidale (Cestan).

On observe un pied très analogue dans la névrite interstitielle /¡ype1'll'o-

phique de Gombault, Dejerine et Sottas, affection qui s'accompagne

toujours de lésion médullaire : on y retrouve le tassement du pied,

le pied-bot équin varus modéré, le pied-creux, la grille des orteils avec

extension de la première phalange, surtout au pouce, et flexion des

autres phalanges.

Dans l'atrophie musculaire Charcot-Marie, qui est aussi une myélo-

névrite, le pied est moins déformé; il est en équin direct, parfois eu

Fig..8. Pieds de Friedreich. Pied-bot paralytique, hyperextension des orteils, surtout

du gros orteil, pied cambré et creux.

ATTITUDES VICIEUSES.

1055

équin varus, rarement en valgus; il est moins creux et la griffe est

moins accusée. 0 n

Dans la paralysie infantile, poliomyélite aiguë de l'enfance, on

peut observer un pied-bot total, pied ballant paralytique, ou des pieds-

bots partiels divers. Parmi ceux-ci, le plus fréquent est l'équin varus

{Rg. 9) /parfois l'équin direct, par prédominance de la paralysie sur les

muscles innervés par le sciatique poplité

externe, muscles antéro-externes de la

jambe, péroniers latéraux et pédieux.

Le jambier antérieur peut être seul plus

ou moins complètement respecté, il y

a production d'un équin varus pied-

creux. Rarement on observe un talus

pied-creux direct par paralysie du tri-

ceps sural.

Dans la poliomyélite aiguë de l'adulte,

on observe aussi le plus souvent soit le varus équin, soit l'équin direct.

Dans les différentes formes du syndrome amyot1'ophie Amen-

Duchenne (poliomyélite antérieure chronique, méningo-myélile syphili-

tique amyotrophique, syringomyélie, sclérose latérale amyotrophique),

on constate rarement et tardivement des atrophies musculaires assez

.accusées des membres inférieurs pour produire un pied-bot équin; le

fait est particulièrement exceptionnel pour la syringomyélie.

Dans les myélites transverses, diffuses ou disséminées, dans les

.9ectiolîs complètes de la moelle, on peut observer des pieds-bots para-

lytiques totaux.

c) Dans toutes les altérations des nerfs et de leurs racines, dans les

compressions ou destructions de la queue de cheval, dans les para-

lysies radiculaires et les compressions du plexus lombo-sacré, dans les

'.név1'ites traumatiques par section ou compression du sciatique, dans

{A. LÉ RI.]

Fig. 9 et 10. Deux variétés fréquentes de déformation des pieds dans la paralysie

infantile portant sur les membres inférieurs. "

A) Double pied-bot équin varus très prononcé.

B) Atrophie à la fois des pieds et de la totalité des membres inférieurs (cul-de-jatte)

(collection Damaschino).

1056 SÉMÉIOLOGIE DU PIED.

les névrites infectieuses de la lèpre, du béribéri, de la puerpéralité, de

la phlébite, etc., dans les névrites toxiques : alcoolique, arsenicale, satur-

nine à type inférieur, etc., on observe le plus souvent un pied-bot équin

direct ou équin varus par paralysie de tous les muscles innervés par le

sciatique }J'lplifé externe. Parfois dans ces différents cas on peut constater

un équin varus pied-creux par intégrité relative ou complète du jambier

antérieur, plus rarement un léger équin valgus avec perle des mouve-

ments de flexion du pied sauf après adduction préalable par paralysie

isolée du jambier antérieur.

d) Dans les myopathies progressives on observe ou un pied-bot total

ou le plus souvent un pied-bot équin, généralement peu prononcé parce

que les muscles postérieurs de la jambe sont presque toujours touchés à

un certain degré en même temps que les muscles aniéro-ealorncs, rare-

ment avec grillé parce que les muscles de la plante sont ordinairement

respectés.

e) Le pied-bot paralytique est rare dans l'hystérie : c'est un pied

équin ou varus équin. '*

Le pied-bot acquis spasmodique s'observe dans cerlaiues a(l'ec-

tions a) cérébrales, b) médullaires, c) fonctionnelles.

o) Dans l'hémiplégie cérébrale de l'adulte avec contracture, le pied

est en extension modérée sur la jambe, en équin ou varus équin; la

jambe et la cuisse sont aussi presque toujours en extension, rarement en

flexion; les orteils sont modérément fléchis, rarement en flexion très

forte. L'equinisme du pied est une des principales causes déterminantes

de la démarche hélicopode, « en fauchant » ; la flexion forte des orteils

est un obstacle important pour la marche. Les déformations sont presque

toujours beaucoup moins prononcées que dans l'hémiplégie cérébrale

infantile.

ú) Dans toutes les paraplégies spasmodiques d'origine médullaire,

par traumatisme de la moelle, section incomplète, écrasement ou com-

pression, par myélite Iransverse, par méningite ou )1J('.ningo-myélite

syphilitique, par sclérose en plaques, par cancer médullaire, méningé ou

vertébral, par mal de Poil surtout, on peut observer des pieds-bols dont

la principale variété est le pied équin ou varus équin.

c) Le pied-bot hystérique est presque toujours spasmodique, il est

aussi le plus souvent varus équin, il ne s'accompagne pas d'exagération

des réflexes tendineux comme tous les pieds-bots spasmodiques orga-

niques ; le malade marche « en draguant » et non en fauchant (Charcol).

IL PIEDS-CREUX

Les pieds-creux sont caractérisés par la cambrure exagérée du pied.

Ils sont congénitaux ou acquis; ils sont rarement simples, presque

toujours ils sont combinés à diverses variétés de pieds-bots dont nous

avons déjà parlé, ou à une griffe des orteils.

Une forme spéciale de pied-creux congénital est la griffe pied-

.ATTITUDES VICIEUSES.

1.057

creux de Duchenne (de Boulogne) ; elle se révélerait dans la deuxième

enfance et serait caractérisée par la griffe des orteils par atrophie des in-

lernsseux (extension de la première phalange avec flexion des deux

autres), par la cambrure exagérée du

pied, souvent par un certain degré

d'équinisme. "

Les pieds-créux acquis sont ,

toujours combinés à un certain degré

de pied-bot : les principaux sont le.

talus pied-creux et le pied-creux valgus.

Comme nous l'avons dit, le Lctlzsspied-

creux (fig. 1 1 ) est dû- une paralysie

du triceps sural seul (talus pied-creux

direct), ou du triceps et du long péro-

nier latéral (talus pied-creux varus),

ou du triceps et du fléchisseur coin-

mun des orteils (talus pied-creux val-

gus). Le pied-creux valgus est dû à la

contracture du long péronier.

C. PIEDS-PLATS

Les pieds-plats sont caractérisés par

un affaissement de la voûte plantaire.

Ils sont simples ou combinés à un certain degré de pied-bot. Ils sont

congénitaux ou acquis.

Les pieds-plats congénitaux ne se révèlent qu'à Page de la

marche, parce que normalement le pied de l'enfant est plat; la voûte

plantaire ne se forme que quand il marche. Le pied-plat congénital est

simple ou plus ou moins valgus.

Le pied-plat congénital n'est pas forcément pathologique; bien ? des

sujets, notamment dans les campagnes où l'on marche sans chaussures,

conservent des pieds-plats pendant toute' leur existence sans en éprouver

aucune gêne; les pieds-plats ne sont nullement toujours douloureux; ils

peuvent pourtant devenir douloureux, mais la plupart des pieds-plats

valgus douloureux sont acquis.

Nous avons donné les causes d'un certain nombre de pieds-plats

acquis avec pieds-bots paralytiques : nous rappellerons que la paralysie

du long péronier latéral détermine un pied-plat varus, qui devient valgus

quand sujet est debout ou marche (par suite du glissement de l'astragale

sur le calcanéum) ; si à la paralysie du long péronier se joint celle du flé-

chisseur commun des orteils, il y a un talus pied-plat direct; si à la

paralysie de ces muscles se joint celle de l'extenseur commun, le taltis

pied-plat devient varus.

La forme la plus importante de pied-plat est. le pied-plat valgus dou-

loureux ou tarsalgie des adolescents. : c'est une affection, presque spé-

PItATIQUG NEUIIOl. 67

, , [A. LÉRL]

Fig. 11. Talus pied-creux il la suit.(

d'une ancienne paralysie infantile (paru

lysie alruphiquc surtout du triceps sural]

1058 SÉMIOLOGIE DU PIED.

ciale à l'adolescence, caractérisée par l'affaissement de la voûte plantaire,

sa rotation en dehors et l'apparition de douleurs vives qui siègent surtout

dans l'articulation médio-tarsienne et qui déterminent une contracture

des muscles voisins, notamment des péroniers latéraux et des extenseurs

du pied. Il est d'ordinaire bilatéral. Il parait en rapport étiologique avec

le rhumatisme, le rhumatisme blennorrhagique, le rachitisme (le genll

valgum et la scoliose sont fréquents) : il importe de le distinguer du

« pied tabétique » que nous avons décrit, qui est dû à une ostéo-arlhro-

pathie spéciale, qui est aussi plat, mais qui est « cubique » et n'est pas

douloureux. La pathogénie du pied-plat douloureux est discutée : il

serait dû soit à une arthrite (Gosselin), soit à une paralysie du long

péronier (Duchenne), soit à une contracture des muscles du pied

(« crampe du pied » de soit à un relâchement ligamenteux (Le

Fort et filiaux).

D. GRIFFES

Il y a deux variétés de griffes des orteils :

1° La griffe avec extension des premières phalanges et flexion des

deux autres. Elle est due à la paralysie ou à l'atrophie des interosseux

dont le rôle physiologique est de fléchir les premières phalanges et

d'étendre les 2e et 5e. Les mouvements d'abduction et d'adduction des

orteils sont aussi abolis, mais ils sont très minimes il l'état normal en

dehors de l'abduction du pouce. Les espaces interosseux présentent une

dépression sur la face dorsale du pied. L'abducteur et, le court fléchisseur

du gros orteil participent généralement il l'atrophie, de sorte que, sur la

face plantaire, l'éminence thénar est aplatie.

Cette griffe se rencontre dans la « griffe. pied-creux » congénitale de

Duchenne, dans le pied de la maladie de Friedreich et de la névrite

interstitielle hypertrophique, dans quelques rares myopathies ou chez

quelques rares parkinsoniens, etc. ;

2° La griffe avec flexion des premières phalanges et extension des

deux autres. Elle est due à la paralysie de l'extenseur commun des

orteils et de l'extenseur propre du gros orteil, sans paralysie des inter-

osseux ; elle peut être due à la contracture des interosseux. Elle ne s'ac-

compagne pas de pied-creux, mais le plus souvent d'un certain degré de

pied-bot équin. On observe sa forme paralytique dans certaines para-

lysies, la paralysie alcoolique en particulier, sa forme spasmodique dans

des cas rares d'hémiplégie avec contracture, de l'adulte ou plus souvent

de l'enfant.

IV. MOUVEMENTS ANORMAUX

Les mouvements anormaux sont hien moins caractéristiques aux pieds

qu'aux mains, ce qui se conçoit, étant données la moindre variété, la

MOUVEMENTS ANORMAUX. 101»9

moindre étendue, la moindre délicatesse des mouvements que l'on peut

constater au niveau des pieds.

Dans la paralysie agitante on ne voit guère de mouvements des

orteils, mais de petits mouvements trémulents d'extension et de flexion

se font dans l'articulation tibio-tarsienne, « mouvements de pédale » ;

quand dans la position assise la pointe du pied touche le sol, le talon fait

entendre une succession de chocs rythmiques et rapides. Ces mouvements

se produisent au repos comme d'une façon générale le tremblement des

parkinsoniens ; ils peuvent pourtant être exagérés ou même provoqués

par le redressement brusque de la pointe du pied : il en résulte un

« faux clonus » du pied. Les pieds du parkinsonien sont souvent raides,

étendus, en équin ou en varus équin surtout après un séjour prolongé

au lit; on constate seulement un peu d'équinisme quand le sujet reste

couché depuis longtemps; exceptionnellement la rigidité musculaire est

assez prononcée pour déterminer un pied-creux équin avec griffe des

interosseux (Dejerine).

Dans l'héitîiathélose post-hérniplégique, surtout infantile, on observe

aux pieds comme aux mains des mouvements lents et irréguliers de

reptation, d'extension, de flexion, d'adduction et d'abduction des orteils

et du pied.

Dans l'athétose double, les mouvements sont moins accentués aux

pieds qu'aux mains : il y a pourtant des mouvements lents, arythmiques

et inégaux, de circumduction du pied, d'extension et de flexion des

orteils.

Dans les accès de contractures de la tétanie, le pied se porte en varus

équin, il se creuse en long et se cambre, les orteils se fléchissent,

surtout le pouce qui se porte sous les orteils voisins : le pied de la

tétanie reproduit l'attitude de la main. Les déformations ne sont sud

d'ailleurs uniformes, elles peuvent être très variées.

[il. LERI.]

ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE

- par le Dr MOUTIER

L'Anthropométrie est l'étude des dimensions du corps humain. Elle

emploie deux méthodes' qui se combinent; dans l'une on exprime des

mensurations directes, telles que nous les relevons sur le. sujet, -l'autre

traduit les variations des formes par des rapports numériques établis

entre les chiffres précédents. ... '

Ce chapitre est essentiellement clinique. Nous ne nous occuperons

que des mensurations les plus connues dont la valeur fait ses preuves :

de même notre instrumentation sera simple, et ne comprendra poinl

les appareils'usités seulement dans les laboratoires spéciaux. Noire tech-

nique sera limitée ; il ne s'agit point, en effet, d'établir un type moyen ou

dé chercher les proportions d'un canon scientifique ou artistique. Mais

avant d'en venir à l'étude des mesures à relever, il importe de mettre ,

celui qui veut traduire en chiffres une déformation ou- une anomalie, en

garde contre certaines tendances.

Les dimensions que l'on peut noter sont innombrables, un petit

nombre seulement sont utiles ou pour mieux dire utilisables ; c'est 'il

l'opérateur de savoir choisir celles qui, par elles-mêmes ou par leur

valeur dans l'établissement d'un indice, mettront en relief les points

intéressants. Mesurer est peu de chose en effet; lire ses mensurations,

comme on lit une coupe, est beaucoup plus important et plus délicat.

Enfin, le clinicien, par cela même que d'ordinaire il opérera sur des

anormaux, se heurtera bien souvent à de grosses difficultés. Telle me-

sure sera imprenable; dans tel autre cas, il lui faudra imaginer quelque

hauteur nouvelle à relever. L'essentiel, en tout cas, est d'indiquer soi-

gneusement ses points de repère; autrement on aura fait oeuvre inutili-

sable. Comment comparer, en effet, des séries dans lesquelles on ignore

si le D. ant.-post. maximum de la tête a été pris -avec pour point de

repère l'ophryon ou la glabelle ?

On devra toujours, en outre, s'efforcer dans la mesure du possible de

développer l'enseignement à rétirer des chiffres relevés, et ne point se

contenter d'aligner une colonne de mensurations prises un peu comme

l'on a pu, incoordonnées, sans conclusions.

Nous ajouterons encore un conseil important; un chiffre en soi ne

ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. -1061

signifie rien, el cela parce que les variations individuelles sont en

somme considérables. De même un indice en soi n'a pas une très grande

valeur si l'on ne cherche avec soin quelle est la mesure dont l'augmenl

ou l'amoindrissement a fait varier cet indice par rapport a la normale.

D'un autre côté, quand on compare la mesure relevée sur le sujet exa-

miné aux moyennes, aux normales indiquées, il faut avoir présente il

l'esprit la notion suivante : les moyennes sont établies avec des séries

dont les chiffres extrêmes sont parfois fort éloignés; et tel cas qui parait

très anormal peut l'être bien peu en conséquence. Aussi faut-il intro-

duire dans toutes moyennes des sériations par taille, par âge, parallèle-

ment, il (elle ou lelle autre variation de diamètres différents, en un mot

lenir pour importants le détail des rapports, et non comparer un chiffre

isolé aune moyenne, donnée en gros pour ainsi dire.

D'ailleurs, dès que l'on aura relevé, fût-ce une seule bailleur ou un

diamètre unique, on se rendra compte de toutes ces petites difficultés. z

Ce sont, ces points de technique, et d'interprétation que nous allons nous

efforcer d'exposer clairement.

Instruments d'anthropométrie. Parmi les instruments d'anthro-

pométrie, les uns sont d'un usage courant, d'autres sont plus spéciaux.

Règle générale, on devra toujours s'assurer de temps à autre que les gra-

duations demeurent exactes, Ics alllarcils étant, sujets il se fausser pour

diverses causes. a

Le ruban métrique sera de (il verni, c'est le meilleur; il s'écaille

avec l'usage, mais il s'allonge moins que les autres; c'est un instrument

facile remplacer. On le vérifiera souvent sur un mètre étalon en bois.

Un aura en outre une équerre triangulaire dont le plus long côté aura

une trentaine de centimètres, et un crayon derniographique.

Le compas d'épaisseur est un des instruments principaux pour la

tète : on se procurera le compas de Broca dont la tige droite transversale

est. graduée de 0 il )0 centimètres. On tiendra chaque branche courbe

en main, comme une plume à écrire; on aura quelque avantagea s'habi-

tuer il la manier en la serrant du pouce et du médius, l'index, doigt ittcli-

cate1l1', cherchant et fixant le point de repère, en assurant l'équilibre de

l'instrument.

On se servira de la vis de pression selon l'indication fournie plus

.loin (Voir D. ,lnt.-llost. de la tête). Les mesures doivent être exprimées

en millimètres. "

Le compas-glissière est utilisable pour les mesures dont les points

extrêmes ne sont point séparés par une courbe trop saillante; ses branches

s'écartent non plus selon un arc de circonférence, mais selon des lignes

parallèles. On se sert, des pointes si l'on précise la distance de saillies.

1'1 du talon des branches, si l'on mesure l'écartcment d'os arrondis ou

plus ou moins parallèles (arcades zygomatiques, branches du maxillaire

inférieur, par exemple.) .

La glissière anthropométrique permet de relever les dimensions des

[F. JI1OUTIER]

1062 ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE.

membres, des diamètres transverses du thorax, du bassin, etc. On en

trouve dans le commerce un modèle commode de 80 centimètres de

long, divisé en deux parties se raccordant à vis. Nous recommanderons

seulement de faire, graduer les tiges indicatrices mobiles, ce qui peut

être utile en certains cas.

On peut encore avoir besoin de lames de plomb peu épaisses, longues

de GO centimètres; nous reviendrons plus loin sur leur emploi. Enfin,

nous n'insisterons pas ici sur l'usage des goniomètres, instruments dont

l'exposé sortirait de noire cadre, mais dont nous dirons cependant un

mot plus loin à propos du prognathisme et de l'angle facial de Camper.

Ajoutons pour terminer ce paragraphe que l'on peut tirer parti de la

méthode des projections, notant ainsi facilement la distance qui sépare

la projection verticale de deux points sur un plan horizontal.

Termes employés. - Il j a en anthropométrie, une terminologie

assez complexe; nous ne citerons et n'expliquerons les points de repère

qu'au sur et il mesure de leur emploi. Nous dirons cependant de suite

(pic ces points de repère sont, au point de vue scientifique, de valeur très

inégale; les uns ont une valeur absolue, ce sont les interlignes articu-

laires par exemple; d'autres, comme t'ecartemcnt des commissures

labiales, la hauteur du nombril, le diamètre transverse maximum du

crâne donnent moins de certitude soit parce qu'en plaçant différemment

le malade, on peut les altérer, soit parce que en eux-mêmes, ils ne

dépendent pas d'un substratum anatomique toujours identique.

Tue hauteur, un diamètre, une circonférence n'ont pas besoin d'être

définis. Seul, l'indice, dont le débutant a parfois quelque mal à saisir et

le calcul et la valeur, demande une explication.

Vu chiffre en soi. nous le répétons à dessein, est peu de chose : des : )

comparaison il un nuire se retire la notion des changements survenus.

Or, on a pris, mmwnlllllllll('llelrl('17f, l'habitude de rapporter un chiffre il

l'unité, et de chercher combien de l'ois ou de fractions de l'ois plutôt,

l'autre chiffre serait contenu en lui dans ces conditions. Pour éviter les

décimales, on fait le chiffre, étalon égal à 100 et non it 1. Chercher le

rapport centésimal d'un chiffre a un autre, c'est encore chercher le re-

port de ce chiffre par rapport il l'autre - I 110.

Un exemple simplifiera celle démonstration.

L'indice réphalique est le rapport centésimal du D. transverse

maximum au Il. aIlL-posl, maximum; c'est, en parlant autrement, Il !

rapport du transverse it t'ant.-post. = 100. Soit un Il. transverse

maximum de 152 millimètres, un D. an ? post. maximum de 185 milli-

mètres, l'indice céphalique sera le rapport, de 152 à 185 = 100.

Dans l'établissement d'un indice, à pari de très rares exceptions, c'est

le plus petit chiffre qui sert de dividende; el. le calcul s'établira selon la

formule suivante, en reprenant notre exemple.

i r - i r IMXIOC .H. ?

Indice ('('1' 1 : 1 /(111(' = 15 ? 1.111..

lo3

ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. 10671

Ce chiffre : 2. Hi. qui est l'indice, n'est qu'une valeur fictive; il n'im-

plique ni centimètres, ni millimètres. Il veut dire simplement que si

l'on rait le diamètre antéro-postéricur de cette tète = 100, le transverse

ne sera égal qu'au 82.10 centièmes de cette quantité. Et. c'est unique-

ment pour simplifier le calcul que l'on multiplie le numérateur par 100;

on aurait aussi bien pu écrire.

. ,. 152 )'

Indice céphaliquo = rnr= 0,8210.

loi)

Il est évidemment plus simple de manier des unités que des dix-mil-

lièllus; on pourrait d'ailleurs, après coup et par convention toujours,

l'aire avancer la virgule de deux chiffres vers la droite. Cela reviendrait

exactement au même.

On nomme le quotient la caractéristique de l'indice, les deux termes

sont les décimales de cet indice.

Nous étudions ici simplement 1 anthropométrie sur le vivant, ou, d'une

façon plus générale, sur le corps intact, vivant ou mort. Les moyennes

que nous donnerons s'appliqueront donc, dans la mesure du possible, au

squelette revêtu des parties molles; s'il en était autrement, une mention

spéciale le signalerait. Enfin, nous avons dû mettre après chaque chiffre

le nom de l'auteur, l'anthropométrie n'étant pas encore une science imper-

sonnelle.

Examen du sujet. Il vaudra mieux commencer une série complète

de mensurations par celles qui nécessitent la nudité de l'individu. Il faut

souvent beaucoup de patience avec les vieillards, les femmes, les pusil-

lanimes, les inférieurs que le moindre instrument effraie, ou pour les-

quels le déshabillage est un tourment; nous n'avons pas il insister sur

ces poinls. D'un autre côté, il serait plus logique de commencer l'étude

suivante par l'examen du corps, mais en clinique, ce que le médecin

désire mensurer le plus souvent est la tète : nous commencerons donc

parlacepitatometrie.

Chaque fois que nous le pourrons, nous ferons suivre l'exposé tech-

nique d'une mesure, de l'examen des circonstances pathologiques où sa

recherche et l'élude de ses variations sont le plus utiles il pratiquer.

Céphalométrie. La céphaloméll'ie est l'étude des dimensions

de la tête, par opposition il la cl'lÎnio1nétl'ie qui mesure son squelette.

Pour pratiquer cet examen, on placera le sujet sur un siège de hauteur

telle que l'on puisse commodément manoeuvrer. L'éclairage sera favo-

rahlc. 11 relira deux fois chaque mesure. L'idéal sérail de répéter les

opérations à quelques jours d'intervalle, alors que l'on aurait oublié la

première série de chiffres.

Le compas glissière ne sera point trop serré tout d'abord; quand on

sera parvenu à la dimension cherchée, on serrera la vis de pression.

maintenant ainsi au degré voulu l'écartemeut des deux branches et l'on

appliquera celles-ci aux extrémités du diamètre étudié. En forçant très

légèrement, l'on doit pouvoir faire franchir au compas serré cette plus

[F. MOUTIER.]

1064 ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE.

grande largeur-, et si la mensuration est bien faite, on perçoit, surtout

par les doigts, un certain degré de frottement des branches aux extré-

mités du D. maximum. C'est une vérification utile et simple.

On pourra marquer certains points de repère .sur la peau; quant aux

cheveux, ils gênent plus ou moins, il faut se défier des erreurs faciles à

commettre dont ils seraient responsables. ? .

D. Antéro-postérieur maximum. -,Ce diamètre est des plus impor-

tantes. Il a, en avant, un point de repère précis.

- Nous mesurerons un, D. ant.-post. glabellaire et non .pas un ophryo-

postérieùr. L'ophryon (op'J;, sourcil) est l'ancien point sus-nasal; il se

trouve au milieu d'une tangente à l'arc des sourcils, il coïncide encore

en général avec le milieu du D. frontal minimum. Mais le D. ophryo-

postérieur n'est pas un antéro-postérieur maximum. Nous prendrons

comme point de repère la glabelle située au-dessus du nasion ou point,

nasal, c'est-à-dire de la suture naso-frontale qu'apprécie aisément l'ongle.

D'ordinaire renflement placé entre les crêtes sourcilières, immédiate-

ment au-dessus du point nasal, la glabelle peut n'être qu'une surface

plane, un méplat quelquefois. En tout cas, de la glabelle comme point.

fixe, en restant soigneusement dans le plan sagittal, on cherchera le

point le plus éloigné du crâne,. dans la région occipitale par conséquent.

Mais il est admis que si ce point devait tomber au sommet d'une protu-

bérance occipitale externe ou inion (tvtov-nucrue) très développée, on

doit reporter la mesure à la base de cette protubérance. D'ailleurs, en

général, le maximum est au-dessus.

Le D. antéro-postérieur maximum- est en général plus allongé chez les

hommes grands que chez les individus de faible taille ; il est oblique chez

les plagiocéphales : le nom l'indique. Il est plus allongé chez les

scaphocéphales (r.yo;-hat.eau) dont la déformation relève d'une synostose

totale et précoce de la suture sagittale. Enfin, les microcéphales sont

généralement dolichocéphales (GG) ? r05-lonb). -

La mesure étudiée est tellement variable (Parisiens : II. 180 à 190;

F. 170 à 180) que seules les variations de l'indice céphalique doivent

être interprétées, du moins en général.

D. transverse maximum. - Ce D. n'a pas de point fixe ; il peut

tomber n'importe où. On placera le shranches du compas d'épaisseur au-

dessus des conduits auditifs, et en tâtonnant, l'oeil fixé sur la tige

graduée, on élèvera, on avancera ou reculera l'instrument jusqu'à ce que

l'on ait un maximum. Une petite difficulté : rester toujours dans un plan

frontal, autrement on aurait un D. oblique et non transverse..

Dimensions moyennes (Papillault. II. 1-nit.; - F. = 14S mm).

Ce D. est comme le précédent, très variable ; il est accru dans la trigone-

céphalie que produit la soudure de la suture médio-frontale ; il est très

petit chez les scaphocéphales, considérable chez les hydrocéphales.

Enfin il peut être à des niveaux très différents. En général placé sur

les pariétaux, il est abaissé chez les infantiles. Mastoïdien et accru en

ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. lOlï'3

même temps, il traduit ' un faible développement encéphalique.

D. ant.-post. métôpique de Broca. « Lorsqu'on vient de mesurer

l'amtéro-posé ? ie2c° maximum, sans changer de place la branche de

l'instrument qui touche le point maximum postérieur, on détache l'autre

de la glahelle, et on la relève jusqu'au niveau du métopion ou point

intermédiaire aux deux bosses frontales... » (Topinard). Comparé au D.

ant.-post. glabellaire, le D. métôpique 'montre le retrait du front, très

faible en général chez les Parisiens (Broca, I : I. - J .12). Chez la femme

il a fréquemment une légère saillie (Broca, F. = -+- 0.24).

, Le D. métôpique est en raison inverse de la taille : en d'autres termes

il est relativement plus grand chez l'enfant. 11 est faible chez le géant,

surtout chez le géant infantile, mais il est à noter que chez ces malades,

il peut être augmenté par un ressaut occipital post-lambdoïdien. Chez les

trigonocéphales, la partie moyenne du front est saillante, mais les bosses

frontales sont nulles, et les parties latérales de l'os sont fuyantes.

D. frontal minimum. On prendra ce D. en plaçant les branches du

compas d'épaisseur sur les crêtes frontales, faciles à sentir sous la peau

immédiatement, au-dessus -des apophyses orbitaires externes qui dépen-

dent de la face au point de vue anthropologique. On fera ouvrir la bouche

du sujet, de façon que le muscle temporal s'efface le plus possible, et

réduise au minimum la différence entre le D. sur le vivant et le D sur

l'os sec. - .....

Broca donne pour ce D (crâne) =11 ? 100 millimètres ; F. 95.2; il a ! )7.6 millimètres pour Hovelacque et Hervé, '104.6 sur le vivant pour

Papillault chez l'homme, 101 chez la femme. Le frontal minimum est

très faible chez les trigonocéphales ; il est réduit également chez les acro-

céphales qui ont un front vertical et étroit. Associé à la plagiocéphalie,

l'acrocéphalie donne le crâne réi11fornie... ' .

Il est logique de constater un D. frontal minimum exagéré chez les

hydrocéphales, faihle chez les microcéphales.. Ceux-ci présentent en

même temps fréquemment de la trigonocéphalie (synostoses coronale et

sagittale). ..

D. sus-auriculaire. 11 se prend au-dessus du trou auditif sur le

bord supérieur de la racine horizontale de l'arcade zygomatique.Le point

sus-auriculaire correspond à une dépression très nette qui. se trouve

à peu près au point où,, suivie d'avant en arrière, l'arcade zygomatique

rencontre le cartilage de l'oreille. (Manouvrier). Sur le vivant, le repé-

rage de cette fossette détermine une douleur légère, mais exquisément

localisée, dont nous n'avons su préciser la cause (filet nerveux constant ? ).

Nous étudierons aux indices la valeur de ce Di

. Hauteur verticale auriculaire. Cette hauteur du. crâne se prend

du vertex au centre du trou auditif. Elle s'obtient par différence entre la

distance du vertex au sol et la distance du trou auditif au- sol (vpir plus

loin). On peut la prendre encore au moyen du compas-glissière dont on

retiré le couteau mobile. Se réglant sur la ligne des yeux (Manouvrier),

. - [F. MOUTIER.]

- 1066 . ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. -

on met la branche supérieure bien horizontale sur le vertex et l'on fait

glisser l'ongle sur la branche graduée, placée aux côtés de la tête, jusqu'à

ce que l'on atteigne le milieu ou tragus de sa pointe. Cette hauteur est

assez approximative. Nous en verrons plus tard la valeur moyenne. Elle

est exagérée dans l'oxycéphalie (synostose pariéto-occipitale) et amoindrie

sur les crânes de type infantile. Dans l'hydrocéphalie, la largeur de la

tête est accrue aux dépens de la hauteur.

- D. bizygomatique. - Nous rapprochons l'étude de ce D. de celle des

autres D. crâniens; car, en réalité, ses variations traduisent le plus sou-

vent celles de la base du crâne. On le prendra soit avec le compas d'épais-

seur, dont on placera les deux branches au sommet de la courbure des

arcades zygomatiques, soit avec les talons du compas-glissière. Broca lui

assigne en moyenne sur le crâne : ' H. 1,5 millimètres; F. 125.5. Papil-

lault a noté 155 et 120.

L'arcade zygomatique est relevée chez les hydrocéphales. Le 1) est

accru, bien que faiblement, chez les géants où il contribue à marquer la

déchéance du crâne par rapport à la face.

D. bimastoldien. C'est à dessein que nous plaçons, à la fin de cette

partie de notre étude, le D. bimastoïdien, condamné par certains auteurs,

et repris par quelques-uns. On peut avoir intérêt à le comparer d'autres

D. transverses; en tout cas, les points extrêmes manquent un peu de

précision. Le compas d'épaisseur sera appliqué à la base de l'apophyse,

malheureusement très variable d'individu à individu, et non à son

sommet. (D. H. =1 2 ; = F =1 ` . Papillault). On peut adopter comme

point de repère horizontal le trou auditif.

Indices craniens. - Le calcul et l'étude des indices sont, en

céphalométrie la mise en oeuvre des mesures que nous venons de relever.

Indice céphalique. Cet indice est le principal ; il traduit la varia-

tion des dimensions longitudinales et transversales de la tête. C'est le

rapport centésimal du D. transverse maximum au D. ant.-post. maximum

(D. glabellaire), c'est-à-dire du transverse à l'ant ? post.='100.

Cet indice ne présente pas de différences sexuelles.; nous rappellerons

en outre que la saillie plus forte de la glabelle justifie la dolichocéphalic

ou, en tout cas, la faiblesse relative de l'indice des sujets de forte taille.

Suivant le chiffre obtenu, on classe comme suit les. sujets examinés.

(Broca).

ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE.

1067

diminuer de deux unités les indices obtenus à l'aide des mensurations sur

le vivant. Dans ce -cas, en effet, il faut tenir compte de l'épaisseur des

chairs et surtout du muscle temporal (D. transverse max.).

Indice transverso-frontal. (I. frontal de Broca). C'est le rapport

centésimal du. D. frontal, minimum au D. transverse maximum. Broca

donne 68,8 sur le crâne, et Papillault 68,6 (IL) et 69.5 (F.) sur le sujet

revêtu de parties molles. Il est intéressant à considérer quand on veut,

mettre en évidence les variations relatives du crâne antérieur et du crâne

postérieur. Nous signalerons particulièrement qu'il est plus grand chez

les hommes de stature élevée que chez les sujets de faible dimension.

Indice frontal minimum-bimastoïdien = 100. - C'est le rapport du

[F. MOUTIER.]

Fig. 2.

I.'ig'. ig. 5..

l'ig. 1 et 2. Points de repère céphaliques (tracé imité de Duplay, Rochard et Uemoulin).

Fig. 5. Points de repère dorsaux (tracé imité de Duplay, Rochard et Demoulin).

1068

.u\TFIItOPOlII;TRIr CLINIQUE.

frontal à l'un des D., de la base du crâne. En moyenne de 79.8, il révèle

les variations de développement relatif de la hase et de la partie anté-

rieure du crâne. Comparé au précédent,

son étude est instructive, il montre que

parallèlement à l'accroissement de la

taille, les D. transverses du crâne subis-

sent des. allongements inégaux, le frontal

minimum augmente plus que les D.

de la voûte, mais moins que ceux

. de la base.

Indice fronto-zygomatique. -

Nous parlons ici de l'indice de Ma-

nouvrier, rapport du frontal mini-

mum au bizygomatique='100. Il

ne faut point le confondre avec le

fronto-zygomatique de Topinard on

JJlstèpl1amen (frontal maxïmum-bïzygomatïque = '1 UO. L indice de Jnpi-

nard est de 90,7 (crânes parisiens H) et de z1, 7 (id. F.). L'indice frontal

minimum-hizygomatique = '100 est de 77.56 en moyenne. Ces indices

présentent de l'intérêt, soit. dans, les cas où il y a élargissement de la

Fiv. 4. Points, de repère du tronc et des

membres; points de repère ventraux (dessin

original J.

Légende commune aux 4 figures.

(en partie d'après les schémas remis aux

voyageurs par le laboratoire d'Anthropologie

du Muséum).

1. Ophryon. 2. Inion. .3. Glnbelle.-

4. llélupion. - 5. Point .de repère du II.

sus-auricutairc. G. Point mentonnier.

' 7. Point alvolaire.-8. Gonion.-9.llastoïln.

10. Vertex. 1-l.Nasion. AIL Taille de-

lout. - 1 : Hauteur de l'articulation de

l'épaule. Il. Hauteur de la hanche.

TT'. D. Transverse maximum. CC'. D. au-

lero-poslérieur maximum. FF'. Frontnl

maximum. 00'. D. Liauricutaire. ZZ'. n.

bizygomatique. MM'. D. angulaire de la

mâchoire. EE'. D. des épaules. II'. D. du

hassin. - E.T. Longueur du bras. JK. Lon-

gueur de t'avant-bras. KG. Longueur de

la main. DG' X 2. Grande envergure.

JI'L. Longueur de la cuisse. LN. Longueur.

de la jambe au sommet de la malléole interne.

. t1 : \TIIItOP01LÉTItIE CLINIQUE. ' -1060

base du crâne ou accroissement de la face, soit dans les cas d'anomalie

de la voûte (hydrocéphalie : 1. dé-Topiiiard 128).' ,. , 1 . 1

Indice bimastoïdien bizygomâtiqu : e.=100. Il complète les données

précédentes; nous, n'insisterons pas. Chez l'homme 1= 97.0; chez la

femme 1= 9.7.6 (Pahill2ul.t : ) . ? ? '

Indice sus-auriculo-transverse maximums C'est le rapport du D.

sus-auriculaire au D. transverse maximum = 100. L'indice obtenu peut

renseigner sur le développement relatif de la voûte. et de la base. Broca

donne comme moyennes (crânes de Parisiens) : Il'- 8 ? 1; ? F.= 80. 4

Indices verticaux. Ils représentent l'aplatissement dé la tète ou

l'oxycéphalie ; on peut calculer l'indice. z

ou plus simplement l'indice hauteur-longueur ="100,.et l'indice hauteur-

largeur = 100. Les résultats obtenus sont tout à. fait différents chez

l'homme et chez la femme. Les modifications de la taille les influencent

fort peu. ' '

1070 , ' ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. -

repère, l'ongle marque la limite. On y place alors les branches du com-

' pas d'épaisseur; on note le chiffre et l'on serre la vis du compas. La

lame est alors portée sur le papier ; et comme son élasticité la fait se

redresser légèrement, on redonne la longueur voulue, grâce au compas ;

il ne reste plus qu'à suivre au crayon la concavité de plomb.

Ce sont dans les cas spéciaux seulement que les résultats obtenus

présentent de l'intérêt : maladie de Paget, hydrocéphalie par exemple.

Dans l'hydrocéphalie, on cite des observations où la circonférence hori-

zontale maxima a mesuré 910 millimètres au lieu de la normale 545 mil-

limètres ; des crânes de microcéphales adultes mesuraient 549 milli-

mètres seulement (Hovelacque et Hervé)...

Diamètres de la face. -1\Tous rappellerons que le diamètre bizy-

r/o ? xa.ti jzie déjà étudié plus haut, oscille chez l'homme autour de '155 mil-

limètres, chez la femme autour de 126.

Nous avons à mesurer sur la face un certain nombre de diamètres

placés dans le plan sagittal; toutes ces dimensions doivent se prendre

avec le compas-glissière. Nous avons déjà cherché plus haut la hauteur

ophryo-nasale, nous n'y reviendrons point (moyenne = 16 millimètres).

H. ophryo-mentonnière. -.Cette hauteur se mesure de l'ophryon au

point mentonnier. L'ophryon est le milieu d'une ligne passant tangentiel-

lement au bord supérieur des sourcils. Le point mentonnier se trouve

sur le prolongement vertical de l'intervalle séparant l'une de l'autre les

deux incisives médianes inférieures; il se trouve à la partie à la fois la

plus inférieure et la plus antérieure du bord maxillaire. Il convient, parti-

culièrement de repérer ces points au crayon dermographique. Les dimrn-

sions moyennes de cette hauteur sont de 136 millimètres chez l'homme,

de 124 chez la femme.

Indice facial total. C'est le rapport de la hauteur ophryo-menlon-

nière au diamètre bizygomatique = 100. Papillault a trouvé chez des

Parisiens adultes, II. il 00. 7 et F = 98.7. Cet indice est intéressant à

. étudier chez les géants, les infantiles, les acromégaliques. En le calculant

d'après quelques chiffres relevés dans Launois et Roy, nous l'avons trouvé

de 106.45 en moyenne chez les géants infantiles. Le D. bizygomalique

varie peu ou point relativement aux dimensions verticales de la face qui

s'accroissent surtout dans leur partie sous-nasale.

H. ophryo-alvéolaire. Le compas-glissière est appliqué de profil

et l'on se sert de ses branches obtuses. De l'ophryon en haut, on descend

en relevant la lèvre supérieure au point alvéolaire ; pour repérer ce point,

correspondant à l'intervalle des incisives médianes supérieures en leur

point d'implantation, il conviendra de ne point tenir compte, le cas

échéant, d'une saillie anormale de gencives malades. On pourra de même

mesurer la distance naso-alvéolairc.

ANTHROPOMETRIE CLINIQUE. 1071

Maxillaire inférieur. - L'étude de la mandibule est intéressante

chaque fois qu'il y a accroissement du crâne ou de la face : géants

acromégaliques,.etc. Les dents ne sont pas influencées par la taille; tout

se passe dans la hauteur sous-naso-alvéolaire et symphysienne. De plus,

l'étude du diamètre higoniaque montre en général que ce D. comparé à

ceux de la base, varie peu; enfin, la longueur gonio-mentonnière rensei-

ancra suffisamment sur le prognathisme. Les points de repère de ces

différentes mesures nous sont déjà connus ; le gonion se trouve au côté

externe de l'angle de la mâchoire inférieure. Il sera bon de noter si son

déjettement possible en dehors semble dépendre d'un développement

anormal des muscles masticateurs.

fOi2 . ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. -

, ' L'opération se résume alors en une addition de logarithmes, et l'on

saura une fois pour toutes que le logarithme de - . 1 z=1,6'1979. Le

volume moyen serait de. 1560 cent, environ.

Mensuration du tronc et des membres : - Bien que ces mensura-

tions soient multiples, le clinicien les pratiquera moins souvent que les

précédentes. Leur appréciation est plus complexe ; elles sont plus déli-

rates' à prendre aussi ; et, ;du reste, les cas où elles seront nécessaires

ou seulement utiles, sont rares... 11 s'agira le plus' ordinairement de ma-

lades de Paget, d'acromégaliques, d'infantiles, de nains, d'idiots, de

dystrophiques en un mot. Par cela même que nous nous occupons de

. pathologie, les sujets présenteront souvent des anomalies dont la présence

rendra difficile, sinon impossible, tel ou tel temps de nos recherches.

Ici plus que jamais, il-ne faut point craindre de faire et rcl'aire les me-

sures ; un écart de plusieurs centimètres peut survenir facilement entre

'les mains d'un non professionnel. Ici, plus que jamais encore, il faudra

préciser les repères qu'indiquerait insuffisamment le nom même du

diamètre ou de la hauteur. Le bras, par exemple, est mesuré par les uns

de l'acromion à l'épicondyle* par les autres de l'acromion à l'interstice

huméro-radial.

Enfin il est inutile, pour un cas unique, d'encombrer une observation

de toutes les mensurations possibles, ni même peut-être de toutes celles

que nous indiquerons. '

Si, encore une fois, tant d'observations anthropométriques prises par

des médecins sont inutilisables, c'est que l'on n'y sait point dégager

l'important du superflu; c'est que souvent, chose louable en soi, telle ou

telle malformation a obligé l'expérimentateur à improviser un diamètre,

il noter une hauteur nouvelle, mais faute d'indications précises sur les

repères choisis, on ne peut tirer de tout cela le parti désirable.

Enfin, certaines mesures se verraient tellement- entachées d'inexacti-

tude chez le vieillard cyphotique, chez un choréique dont l'instabilité ne

permet pas d'appliquer un instrument, chez un scoliotique ou un malade

atteint de genu valgum, qu'il vaudrait mieux ne point les relever.

Instrumentation. - lous n'avons plus à employer ici le compas-glis-

sière. Le ruban métrique, dont les dimensions facilement s'exagèrent

sous l'influence de la transpiration fréquente du sujet chez l'adulte

l'été, chez nombre d'enfants en toute saison sci-virt uniquement il

prendre les circonférences. La glissière anthropométrique nous servira

souvent, mais avant tout nous aurons employer la toise. C'est un instru-

ment simple : tige de 2 mètres de haut, sur laquelle un. curseur glisse,

facilement et permet de repérer au-dessus du. sol la projection, sur la

surface verticale du double mètre,. du point considéré. Il convient, eu

effet, de mesurer toutes ou à peu près toutes les hauteurs en distances au

sol=0, et cela pour les raisons suivantes. Les mensurations 'effectuées

sur le vivant ne donnent pas la longueur réelle de l'os, mais Jbien la Ion-

ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. 1075

gucur, les proportions des formes et des masses musculaires qui entou-

rent la charpente osseuse. Dans ces conditions, prises à compter du sol,

toutes les mesures se trouvent plus exactement proportionnelles entre

elles et à la taille totale ; l'établissement d'un canon en sera plus facile.

Cependant, nous conseillons absolument de vérifier les mesures du

membre supérieur au compas-glissière, en prenant pour 0 l'acromion, et

même d'indiquer en outre, segment par segment, les mesures absolues

des membres.

D'une façon générale, on trouve facilement la dimension d'un segment

donné en retranchant de son niveau supérieur, la hauteur à sa limite la

plus basse. Par exemple, si l'on veut, avoir la dimension de l'avant-bras.

on retranchera de la taille il l'interstice huméro-radial, la taille au poi-

gnet ; la différence donne la longueur cherchée.

Enfin pour les membres et pour le tronc comme pour la tète, un

chiffre isolé a peu de valeur. Il faut établir des rapports; et le principal

d'entre eux est le rapport d'une mesure donnée à la taille parce que

de toutes les hauteurs de l'homme, la taille est celle qui varie le plus.

Ces remarques sommaires étant présentes à l'esprit, procédons a l'exa-

men du sujet.

On peut l'examiner debout ou couché; dans ce dernier cas, il faudrait

une toise un peu spéciale. Admettons que l'examen se fasse debout. Le

malade est bien éclairé face a la toise, ou placé au côté de cet instrument

dont le bon fonctionnement et la verticalité sont vérifiés. On procédera

rapidement; c'est que, en effet, la fatigue agit vite et peut modifier beau-

coup certains rapports. On commencera donc par marquer, au crayon

d'aniline, tous les points de repère; puis on procédera aux mesures en

ne déplaçant le malade devant la toise que le moins possible. '

Chaque chiffre sera écrit par un secrétaire et appelé par lui, pour

éviter toute erreur. Enfin, on aura soin de faire asseoir le malade afin de

prendre la hauteur du pied, de façon il alléger la voûte plantaire. Nous ne

saurions trop insister sur la nécessité absolue de marquer d'avance les

points de repère. Il faut aller vite et pour le malade nu, maussade

souvent et pour l'observateur qui doit viser il l'exactitude la plus grande,

Mensurations à effectuer. On relèvera la hauteur des points sui-

vants au-dessus du sol; l'ordre ci-dessous est commode.

Vertex.

Centre de chaque conduit auditif.

l'oint mentonnier (bord intérieur de

la mandibule).

Fourchette sternale.

Acromion de chaque côté (bord

externe).

Coude de chaque côté (iuteriignehu-

méro-radial).

Poignet de chaque cote (apophyse sty-

loïde du radius.

Pratique neurol.

Médius, extrémité de chaque coté.

Centre des mamelons de chaque coté.

Centre de l'ombilic.

Bord supérieur du pubis.

Epine iliaque ant. sup. de chaque côté.

Bord supérieur de chacun des grands

trochanters.

Articulation des genoux (interligne).

Vertex assis.

Apophyse épineuse de la 7° cervicale.

Bord inférieur des malléoles internes.

68

[F. MOUTIER.]

1074 ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE.

Les diamètres suivants sont à noter.

131-acromial.

131-lmméral.

Bi-mamelonnaire (femme, petite fille).

Anl. post. du thorax.

Transverse du thorax.

Bi-crétal iliaquu.

Di-épineux iliaque.

, Bi-trochanlérien.

Grande envergure.

Longueur du pied.

Quant- aux circonférences, on pourra se contenter de prendre celles

-qui, dans le cas donne, présentent seules de l'intérêt. En général, les

plus importantes sont : -

Circonférence du cou son lieu moyen :

thoracique sus-mammaire (au repos le spécifier) ;

mamelonnaire ;

minima de la taille (immédiatement au-dessus des crêtes

iliaques) ; .

de la hanche (au niveau des Irochanlers) ; .

du bras en son milieu (là où, l'avant-bras étant fléchi niais le

muscle au repos, la masse musculaire est le plus saillante.

Le malade ne doit pas faire de biceps) ;

du poignet, au-dessus des styloïdes;

de la cuisse partie moyenne ;

maxima du mollet;

minima de la jambe, au-dessus des malléoles.

Avant d'aborder l'étude des principaux rapports, nous indiquerons

brièvement le mode de repérage de certains points insuffisamment décrits

dans les pages précédentes. ,

Le vertex est le point culminant de la tête; sa hauteur représente la

taille; on l'obtient en abaissant l'équerre directement sur la tête du

sujet, dont le conduit auditif et le plan sous-nasal doivent être sur un

même plan horizontal.

L'acromion doit être soigneusement repéré; on marquera au crayon

gras son bord externe, tranchant. Quant à l'interligne Itlllnéro-mdial,

il est facile à trouver en faisant exécuter au radius quelques mouvements

de pronation et de supination. On marquera avec soin encore l'extrémité,

inférieure de l'apophyse styloïde du radius, au niveau de laquelle le

doigt s'enfonce dans la dépression articulaire du poignet. Le bras devra

pendre naturellement le long du corps, soigneusement étendu. La main

tombe verticalement le long de la cuisse, dans une position intermédiaire

à la pronation et à la supination. Pour mesurer la grande envergure, on

peut additionner le D. hiacromial (glissière anthropométrique) et la lon-

gueur des bras. On peut encore mesurer au ruban métrique (défectueux)

ou à la glissière soigneusement tenue parallèle a l'axe du membre le

segment compris entre la fourchette sternale en son milieu et l'extrémité

du médius. Le bras doit être horizontal, le pouce redressé au maximum,

en érection.

Le D. bicrêlal iliaque se mesure du sommet d'une crête iliaque à

l'autre, sur la lèvre externe de la crête.

ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. 1075

Quant au D. bitrochantérien, il convient de le considérer comme un

]). maximum et de le mesurer, en serrant un peu les téguments cepen-

dant, à la face externe du trochanter, au point le plus excentrique de

cette surface.

L'interligne du genou doit être marqué sur la face externe, mais on

le sent fréquemment de façon plus nette à la face interne de l'articulation.

Ajoutons qu'il est quelquefois plus facile de noter, sur le mur au

moyen de l'équerre ou autrement, la projection de certains points

sommet de la crête iliaque, bout du médius et de mesurer directe-

ment ensuite au ruban, le malade étant écarté, soit le D. Liurêtal, soit la

grande envergure.

Enfin, la longueur du pied se prend avec le compas-glissière du point

le plus reculé du talon il l'extrémité supérieure du gros orteil quel-

quefois au deuxième, puisque c'est une longueur maxima sans clé/mi-

mer la pulpe de l'orteil. Le pied ne doit pas supporter le poids du corps.

Mensuration de la taille. Le sujet ayant la tète appuyée contre le

mur, on abaisse sur le vertex la toise, en prenant la précaution d'orienter

l'organe céphalique connue il a été dit un peu plus haut. Les talons

doivent être au mur, les pieds d'équerre. Si l'une quelconque de ces

conditions n'avait pu être remplie, on le signalerait. On pourrait, du

reste, caler la tête avec des doubles de linge, par exemple.

Pour prendre la taille assis, le sujet sera placé sur un tabouret de

50 centimètres, les yeux Ù l'horizon, les pieds légèrement avancés pour

qu'il n'y ait point tendance à s'appuyer et s'incliner en avant. On devra

veiller à ce que le bas du dos s'applique correctement contre le mur.

On se déliera de rallongement momentané que l'extension volontaire

peut amener dans la taille : on surveillera également l'affaissement de

l'asthénique. Il y a là de grosses causes de variations. Couché, le sujet

peut gagner 17 millimètres et plus; une fatigue passagère, une séance

prolongée peuvent raccourcir la taille, affaisser le thorax, de même

que le décubitus atténuera les courbures.

La taille moyenne de l'homme est en France de 1 m. (i4; la femme

présente de 10 à 12 centimètres de moins. Rapportée à la taille, voici

ce que donne la hauteur du tronc mesuré en projection entre la 7° côte et

le sommet du sacrum, soit avec la glissière, soit avec la toise sur le sujet

assis, et appliqué autant que possible contre la pièce verticale de la toise.

TRONC A TAILLE =100 (FHHË)

J 07G ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE.

De l'examen de ces chiffres, on conclut que la proportion du tronc il la

taille diminue à mesure que la taille augmente. Nous ajouterons, pour

préciser le sens et l'intérêt des recherches il faire, que le segment cervical

est plus développé chez l'homme grand que chez le petit. Ce dernier

l'emporte pour le segment dorsal, et la femme se comporte comme

l'individu de faible stature. Le segment lombaire varie peu, mais est

absolument et relativement plus grand chez la femme que chez l'homme.

Indice thoracique. C'est le rapport du D. transverse pris au niveau

du D. antéro-postérieur à ce 11='100. De l'extrémité inférieure du

sternum (abstraction faite de l'appendice xyphoïde) au point horizonta-

lement opposé sommet de l'apophyse épineuse se prend le D. an-

téro-hostérieur. Le transverse tombe donc à peu près constamment à la

hauteur de la 7e côte. Il faut bien spécifier la façon dont on a pris la

mesure; car ces points ne donnent pas toujours un D. maximum et

quelques auteurs prennent le maximum.

Quoi qu'il en soit, le thorax sera en position indifférente. On pourra

établir une moyenne entre les mesures prises les bras abaissés et les

bras élevés, la main placée sur la tète.

L'indice est de 112 chez l'homme et de 115 chez la femme (Weis-

gerber). Le D. antéro-postérieur est exagéré chez les cyphotiques malgré

le renfoncement du sternum, par suite du redressement des apophyses

épineuses.

Rapportés il la taille = 1 UI), les D. thoraciques donnent, d'après

Topinard : .

.ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE. 1077 7

Rapportés à la taille = 100, les diamètres nous donnent (Bertillon),

chez des hommes : .

)078 ANTHROPOMÉTRIE CLINIQUE.

H convient de noter le poids du sujet.

On peut suivre au ruban métrique les courbures rachidiennes, et la

radioscopie montrera parfois si certains points de repère douteux corres-

pondent ou non aux vrais interlignes articulaires.

Des mensurations répétées permettront de suivre l'évolution d'une

scoliose : on pourra au besoin employer le procédé d'OEldcr, dessiner au

crayon dermograptiique les contours formés par les apophyses épi-

neuses et les omoplates, puis mettre le sujet derrière un quadrillé de lils,

et le photographier. On comprend que de telles photographies, convena-

blelllcnt faites, donnent un graphique appréciable de l'évolution d'une

courbure vertébrale.

GIGANTISME - INFANTILISME - NANISME

. par le Dr MOUTIER

Gigantisme, infantilisme, nanisme sont loin d'être des entités morbi-

des ; ce sont des complexus ayant une valeur symptomatique différente

selon les cas, et ce chapitre s'efforcera de mettre le praticien en mesure

de ranger dans le groupe qu'il convient le géant, l'infantile ou le nain

offerts à son examen. L'exposé didactique de ces syndromes se compli-

que du fait que des dystrophies voisines peuvent réaliser des aspects dis-

semblables, : ainsi, par exemple, l'infantilisme peut se rencontrer aussi

bien chez des géants que chez des nains, le gigantisme chez des infanti-

les comme chez des adultes portant leur âge, le nanisme s'observe chez

des êtres dont là singularité réside tantôt en l'aspect foetal qu'ils présen-

tent, tantôt en leur aspect sénile et rabougri.

. ` . GIGANTISME

Le gigantisme est un syndrome morbide caractérisé par une éléva-

tion anormale de la taille relativement aux sujets de race et d'âge

voisins, par une croissance prolongée du squelette el des malforma-

tions osseuses, enfin par des anomalies psychiques.

. 11 importe de se tenir strictement aux termes d'une telle définition,

sous peine de se perdre en des discussions ici déplacées. On ne doit pas

en effet juger de la grandeur par un nombre de centimètres, une limite

entre-le normal et l'anormal étant- impossible à fixer. Il est évident cepen-

dant qu'aux environs de 2 mètres la taille commence à s'écarter du type

morphologique de la variété européenne. Enfin, si Brissaud et Meige,

Launois et Roy insistent sur le gigantisme, maladie univoque, essentiel-

lement évolutive, allant de l'infantilisme à l'acromégalie, on devrait ad-

mettre, avec Pierre Marie, qu'il peut y avoir des gigantismes d'ordres

divers à côté du gigantisme acromégalique, et notamment un géantisme

essentiel, non pathologique, caractérisé uniquement par une taille élevée.

Les fonctions génitales seraient normales en ce cas on a d'ailleurs signalé

des infantiles de haute taille sans tare sexuelle. Sans entrer plus avant

dans le débat encore pendant, rappelons seulement avec Pierre Marie que

[F. MOUTIER.

1080 GIGANTISME. INFANTILISME. NANISME.

plus on examine de géants, plus on rencontre d'acromégales. D'un autre

coté, il est un gigantisme indépendant il coup sur de l'acromégalie, c'est

le gigantisme eunuchoïde, le gigantisme des castrats.

Nous ne pouvons insister sur les théories pathogéniques en présence

et sur t'anatomie pathologique des syndromes. Qu'il nous suffise de signa-

ler l'évolution fréquente de l'infantilisme géant vers l'acromégalie. Chez

tout géant doivent donc se rechercher avec soin les signes de cette der-

nière maladie.

Gigantisme avec infantilisme. Le gigantisme avec infanti-

lisme on gigantisme infantile est le gigantisme observé chez les sujets

adultes dont les épiphyses ne sont pas soudées. (Launois et Roy.)

Il est caractérisé d'une façon générale par la persistance de tous les

caractères somatiques et psychiques de l'enfant. Il y a pllé1'ilisme post-

p2cbé°al, pourrait-on dire, en faisant allusion il l'époque habituelle de la

puberté, puisque celle-ci manque de fait le, plus souvent. Le gigantisme

commence d'ailleurs à évoluer avant la puberté. Celte circonstance esl

d'accord avec les lois de Godin : cet auteur a montré, en effet, qu'avant la

crise sexuelle la croissance se faisait surtout en longueur, pour s'cirec-

tuer en épaisseur, pendant et après la puberté.

Gigantisme. Les malades considérés présentent à étudier divers

groupes de symptômes, mais ce sont, avant tout des géants. Leur taille

est variable, dépasse souvent 2 mètres. L'évolution est active vers la

vingtième année surtout, mais se poursuit bien au delà, jusqu'à la mort

de l'individu souvent. Kilo se produit par poussées coupées d'intervalles

où la taille demeure stationnai re. Le tronc reste il peu près normal

(Papillault). L'anomalie de croissance porte principalement sur les

membres inférieurs : ceux-ci s'allongent proportionnellement plus que

les membres supérieurs, et les avant-bras et les jambes plus que les

bras et les cuisses. La main elle pied sont relativement moins développés

que les segments voisins des membres respectifs. Il est fréquent de

constater un genu valYll1n, et. l'on a l'occasion de le voir évoluer si l'on

suit les malades pendant plusieurs années. Ce n'est pas que ces malades

vivent longtemps : peu dépassent trente ans. Ils meurent plus ou moins

vite, asthéniques, cachectiques, souvent tuberculeux, quelquefois empor-

tés très rapidement. S'ils avaient eu quelque vigueur athlétique vers leur

vingtième année, quelque intelligence, seulement normale même, tout

cela s'efface bientôt dans un très réel épuisement de toutes les facultés.

L'examen complet d'un géant infantile comprend un certain nombre

de mensurations; les plus intéressantes portent sur les membres, surtout

les membres inférieurs.

.Nous recommanderons également de prendre le contour de la main et

du pied. Il va de soi que toutes les mesures capables, comparées avec les

chiffres éventuels recueillis auparavant, de décider une évolution pinson

moins nette vers l'acromégalie, seront il recueillir encore. Enfin, l'examen

du géant serait, incomplet sans radiographie des articulations.

' GIGANTISME. 1051

Infantilisme. Le type clinique étudié se rencontre surtout chez

l'iiomme. Nous serons brefs sur le groupement des signes qui en font un

infantile, devant revenir plus loin sur ce point. Les poils sont rares, les

muscles faibles. La verge est petite; les testicules sont extrêmement peu

développés. Le ventre proémine et le bassin est large. Le visage est

imberbe, enfantin, peu intelligent, souvent hébété ou riant d'un air

stéréotypé. D'ailleurs, les idées sont mobiles, les liassions futiles, pue-

riles en un mot. L'appétit sexuel est encore dormant; les hommes sont

impuissants et les femmes stériles, non réglées le plus souvent.

Acromégalisation. 11 convient de rechercher sur tout géant infan-

tile les caractères propres à l'acromégalie. Ils peuvent être effacés; néan-

moins, cet examen portera principalement sur la forme et les dimensions

des mains et des pieds, sur le profil du maxillaire inférieur, la l'orme

normale ou le défaut de rectitude de la colonne vertébrale. La radiogra-

phie du crâne sera, comme nous aurons l'occasion de le redire, spéciale-

ment profitable. Enfin, les viscères seront soigneusement examinés en

dirigeant les recherches dans le sens indiqué plus loin.

Gigantisme eunuchoïde. Il s'agit ici d'un gigantisme infan-

tile pur. n'évoluant jamais vers l'acromégalie. Il est directement en

rapport avec l'insuffisance des glandes génitales, ou plutôt avec leur

suppression totale. Nous reverrons d'ailleurs les castrats à propos de l'in-

l'anlilisnlc. Les géants eunuchoïdes sont par leur voix, leur peau nue et

pale, leur pnerilisme psychique, de grands enfants. L'accroissement de

leur taille porte surtout sur les membres inférieurs, absolument comme

dans le groupe précédent. On en trouve des types parfaits chez les cas-

trats des harems et aussi chez les S/copl : -7/s, ces fanatiques religieux qui,

par chasteté, suppriment leurs organes sexuels. Répétons encore avant

d'aller plus loin qu'après soudure de leurs épiphyses, les géants eunu-

choides ne s'acromégalisent pas.

Gigantisme avec acromégalie. C'est l'acromégalo-gigan-

tisnie de Erissand et Meige. On sait que l'acromégalie est une hyper-

trophie singulière non congénitale des extrémités supérieures, inf'é-

)')frr ? << ? <7//</)<(P.arIc).On rencontre fréquemment un tel

syndrome associé au gigantisme. Aussi, pour Brissaud et Meige, 1Cl'Oml"-

galie et gigantisme ne font-ils qu'un; pour P. Marie, l'acromégalie est

seulement le principal l'acteur du gigantisme. Pour les premiers auteurs.

selon une formule célèbre, le gigantisme est l'acromégalie de l'ado-

le·sccetl : l'acromégalie, le gigantisme de l'adulte. Il est plus précis de

dire avec Launois et Roy que le gigantisme aeromégalique est l'acromé-

galie chez- un géant, après soudure, retardée ou non, des épiphyses.

Quoi qu'il en .oi ? ke·aisté à coup sur deux types cliniques différents,

et nous ne chercherons pas plus longtemps dans quelle mesure ils sont

réductibles l'un à l'autre. Il suffit de se rappeler que fréquemment le

type infantile s'acromegalise et que fréquemment encore le syndrome

acromegalique coïncide avec le gigantisme. Nous avons exposé prece-

[F. MOUTIER.]

1082

GIGANTISME. .INFANTILISME. NANISME.

demment les caractères de l'infantilisme gigantesque, voyons maintenant

les signes de l'acromégalo-gigantisme. - Le malade examiné a générale-

ment été l'objet de la curiosité sinon des médecins, du moins des foules

dans quelque établissement forain. C'est un géant, ou du moins c'en fut

un. Car un des symptômes de l'acromégalie est la scoliose, partant l'af-

faissement de la taille, et le géant de la veille peut ainsi, par télescopage,

devenir en hauteur absolue un homme semblable à ses voisins. Donc, non

seulement legéantacromegale cesse de croître, mais encore l'incurvation

du tronc. amène une diminution métrique.

Le développement de la face et des extrémités caractérise essentielle-

l'ig. 1. Gigantisme et acromégalie :

Jean-Pierre Mazas, géant de Montastruc

(Brissaud et II. neige).

Fig. 2. Gigantisme et acromegalic

(Brissaud et Il. Meige).

GIGANTISME. 1085

ment l'acromégalie. Il existe quelques caractères secondaires remarqua-

bles par leur fréquence élevée : ce sont la cypho-scotiose dorsale, la

céphalée, et, chez la femme, les troubles de la menstruation. La face pré-

sente un aspect disgracieux, repoussant. Son maximum de développe-

ment se prononce dans le sens vertical, et. dans ce visage ovalaire allongé,

les yeux sont enfouis sous un front bas et saillant. Les os mataires sont

proéminents, le liez est gros, les lèvres épaisses, la langue énorme, et

le menton de galoche accuse par son prognathisme l'allongement et la

pesanteur du profil. Les paupières sont lourdes sur les yeux sans expres-

sion. La peau sèche, épaisse et foncée, descend de la tète sur la région

cervicale où la soulève parfois la saillie d'un larynx accru. Enfin, les poils

sont épais et durs.

Les extrémités sont énormes. Ce sont des mains en battoir, en

bêche (spaclc-lil : e), aux téguments épais, capitonnés, aux doigts « en

saucisson » que terminent des ongles petits et striés. Les pieds sont

camards, les orteils et les ongles conformes au type précédemment décrit

au membre supérieur. P. Marie a signalé deux variétés : tantôt les mains

sont allongées, tantôt elles frappent surtout par leurs dimensions trans-

versaies. Le premier type, type en long, se voit surtout chez t'acromega-

tique jeune, adolescent; nous l'observerons donc de préférence chez les

géants acromegaics. Le second type, type en large ou cubique, se voit

quand l'acromégalie débute plus tardivement.

Nous avons déjà fait allusion aux déformations du tronc. Elles con-

sistent, avant tout en une scoliose cervico-dorsale; le thorax est projeté

en avant à sa partie inférieure, et voilà réalisée la double bosse du Poli-

chinelle classique (P. Marie). La voix grave et caverneuse de l'acromégale

contribue encore à parfaire la ressemblance. Ajoutons, pour en finir avec

rcxamen somatique. que les os sont assez fragiles, et les fractures maintes

fois signalées dans l'histoire de tous ces pauvres gens.

L'aboutissant naturel du gigantisme acromëgaiiqueestia mort. Celle-ci

survient plus implacablement et surtout plus rapidement que chez les

aeromégaliqucs simples, c'est-à-dire plus âgés. Il ne faudrait malheureu-

sement pas croire que cette évolution est dépourvue de souffrances. Loin

de là, l'acromégale géant souffre, et de façons diverses et nombreuses.

Son intelligence est souvent obtuse ; néanmoins, il assiste à une déchéance

progressive de toutes ses fonctions, à une déformation implacable de ses

formes. Il n'est pas sans en éprouver un ressentiment ou du moins une

gène, dont l'effet, le pins simple et le plus banal est de le soustraire il la

curiosité médicale, de rendre tout examen délicat et souvent fort insuf-

fisant.

Le malade souffre. Une céphalée constante le tourmente, il présente

même parfois le syndrome des tumeurs cérébrales. Les crises épilepti-

formes, les troubles visuels sont remarquablement fréquents (tumeurs

de l'hypophyse agissant sur le chiasma), et l'hémianopsie bitemporale

(perte de la vision dans les moitiés nasales de la rétine) est fréclucl-

[F. MOUTIER]

1084 GIGANTISME. INFANTILISME, NANISME. '

ment, signalée ; on peut même rencontrer la cécité complète. Un autre

symptôme habituel est la polyurie et la glycosurie. On constate parl'ois

seulement de la glycosurie alimentaire. L'appétit est développé parallè-

lement ; la boulimie est notée dans la plupart des cas rapportés.

La céphalée n'est pas le seul élément douloureux qui harcèle l'acromé-

galique géant. Il éprouve d'autres souffrances, et celles-ci présentent

tantôt des caractères rhumatismaux ou névralgiques, tantôt simulent les

fulgurations du tab.es, parfois encore se bornent à des engourdissements,

au phénomène du doigt mort. En somme, la mort atteint un cachecti-

que, elle est parfois précédée de crises convulsives mal définies à ce

jour.

Fig. 3. Une femme acromégalique typique (profil).

Dans le coin de droite, la même à 20 ans, avant le début de l'affection (d'après Launois).

GIGANTISME. 1 UXJ

L'examen de racromégalique demande il être conduit avec méthode.

EII dehors des renseignements ordinaires et des descriptions usuelles, il

convient de recueillir un certain nombre de mensurations. Les plus inté-

ressantes sont il la face les diamètres bimalaire et bixygomatiqne, le

bigoniaque, la hauteur totale de la face et la hauteur ophryo-alvéolaire.

On apprécie de cette façon les variations du maxillaire inférieur. On

notera également le prognathisme et le ressaut lambdoïdien que le palper

décèle à la voûte postérieure du crâne. Les diamètres de cette voûte

varient peu, si ce n'est le frontal minimum. L'analyse des diamètres de

la base du crâne révèle au contraire un élargissement notable de celle-ci.

On mesurera enfin les membres, on relèvera le contour des mains et des

pieds. L'hypertrophie éventuelle de l'os hyoïde et du larynx sera recher-

chée avec soin.

Toute observation serait incomplète encore sans l'examen radiogra-

phique. Cette recherche montre la soudure des épiphyses, et, au crâne.

ce que l'on peut appeler le syndrome de Béclère, c'est-à-dire l'inégale

épaisseur des parois du crâne, le ressaut lambdoïdien, la dilatation des

sinus frontaux et surtout l'agrandissement de la selle irrneicluc. L'au-

topsie doit enfin être conduite avec un soin particulier. On examinera

tout spécialement les glandes il sécrétion interne, le corps thyroïde, le

thymus, les surrénales, le pancréas, les glandes génitales, et surtout

l'hypophyse logée dans une cavité considérablement élargie. Le volume,

le poids, les prolongements éventuels de l'hypophyse, ses rapports avec

le tuber cinereum, regardé par quelques auteurs comme un centre glyco-

surique, seront, recherchés. 11 peut exister encore une splanchnomégalie

plus ou moins uniforme.

Diagnostic du gigantisme acromégalique. Le diagnostic est en

général très simple. La maladie de Paget débute après quarante ans et

atteint surtout les diaphyses. Les os s'épaississent et s'incurvent. Les

jambes arquées supportent un tronc courbé en avant; les tibias, les cla-

vicules, les radius sont spécialement atteints. Enfin, au-dessus de la face

normale, la voûte du crâne augmente démesurément le volume. Les

extrémités sont indemnes.

Elles le sont également dans la leonliasis ossea, hyperostose dilluse

de la face signalée souvent il la suite de suppurations auriculaires ou

lacrymales. L' osf¡¡o-a 1'1 Ii l'Olla 1 hie hypertrophiante pneu III ique de Pierre

Marie rappelle de bien loin seulement l'acromégalie. 11 y a, en effet,

hypertrophie aL'ee déformation des mains et des pieds, élargissement de

la phalangette osseuse, incurvation de l'ongle en « bec de perroquet B,

bombement, étalé en « verre de montre ». De plus, la face est absolu-

ment indemne et il existe une cyphose dorsale inférieure. On constate

soit une lésion cardiaque ou vasculaire congénitale ou acquise (ané-

vrisme), soit le plus habituellement quelque affection pulmonaire chro-

nique. Il peut être utile de connaître enfin l'existence d'une syringo-

myél ie à à forme pseudo-acromégalique, caractérisée par l'hypertrophie

[F. MOUTIER.-}

108C GIGANTISME. .INFANTILISME. NANISME.

des deux bras ou d'un seul. Cette hypertrophie est irrégulière; il coexiste

d'ordinaire des troubles trophiques variables.

Traitement. Nous en dirons peu de chose ; les opothérapies hypo-

physaire, thyroïdienne, ovarienne, etc., ont été essayées. On n'a guère

enregistré de résultats appréciables. Seul le traitement chirurgical

compterait à son actif quelques succès définitifs.

Gigantisme transitoire de la puberté. Il s'agit ta d'un

gigantisme tout relatif. A t'age ingrat (Brissaud), à la suite d'une fièvre

typhoïde parfois, on voit croître et se développer chez les adolescents

les membres inférieurs surtout. Ces jambes « en peuplier », ces membres

d' « éctiassicrs », sont des phénomènes tout à fait passagers; mais par-

fois, ainsi que le fait remarquer Brissaud, ces jeunes gens présentent

également pendant quelque temps un syndrome acromégalique transi-

toire. Ils ont de grands pieds, de larges mains, un nez considérable, une

voix souvent grave et indécise. Bientôt ces petits ridicules s'atténuent

et la croissance nivelle les défectuosités passagères.

Gigantisme dû à l'hérédo-syphilis. On a considéré la

syphilis comme pouvant déterminer une dystrophie gigantesque. Ce syn-

drome se distinguerait par la présence des stigmates d'Hutchinson, du

tibia en fourreau de sabre, du front olympien, d'accidents spécifiques

éventuels. Il est en tout cas fort rare de l'observer ?

INFANTILISME

L'infantilisme est un état morbide remarquable par l'absence des

caractères sexuels secondaires, et la persistance, à un rifle donné, d'un

syndrome physique et mental plus jeune, caractéristique de l'enfant

ou de l'adolescent. Lasegue a créé le mot; Lorain, llrouarclel, Brissaud et

Meige ont parfait les descriptions premières.

Sont infantiles tous ceux chez lesquels l'évolution puhérate a fait

défaut, quelle qu'en soit la cause (P. Marie). C'esl, laisser comprendre

qu l'égal du gigantisme l'infantilisme n'est qu'un syndrome. L'étio-

logie en est multiple, et les aboutissants divers : nains ou géants peuvent

être infantiles, nous le verrons plus loin.

Il est cependant une description d'ensemble, convenant approximati-

vement à tous ces types. Nous l'ébaucherons tout d'abord, nous confor-

mant à la synthèse de Meige et de P. Marie.

L'infantile masculin est ordinairement de faible taille, et ce raccour-

cissement porte surtout sur les membres inférieurs. L'hahitus général

est celui d'un individu jeune, mais ce peut être d'un adolescent, ce

peut, être d'un enfant. La face est arrondie, joufflue; les lèvres sont

charnues, le nez peu développé. La dentition est retardée, l'implantation

des dents souvent défectueuse. On ne sent pas le corps thyroïde au

palper d'un cou d'ailleurs arrondi, sans grande saillie du larynx. Les

membres sont potelés, effilés de la racine aux extrémités; les attaches

INFANTILISME. 1087

en sont peu fines et plutôt épaisses. Le torse est arrondi, sans relief, et

domine un ventre un peu gros, un peu saillant, comme l'ont les enfants.

La radioscopie montre un retard en la soudure des épiphyses.

Les poils sont. rares et clairsemés. Ils peuvent manquer complètement

ou n'exister qu'au pubis. En ce dernier cas, ils affectent la disposition

féminine, et ne gagnent pas l'ombilic en remontant la ligne blanche.

Les testicules et la verge sont rudimentaires. L'ectopie n'est pas oxcep-

tiul11ll'lI ? quelque hernie t'accompagne fréquemment. La région pubienne

est bombée comme chez la femme. Enfin ces hommes ont une voix jeune

et ténorisante, et non ennuchonde. Le son de voix légendaire est dû, en

réalité, d'après Krauss, au défaut d'ouverture de l'angle du cartilage

thyroïde.

Au point de vue mental, ces êtres sont plutôt des minus habens, Leurs

mouvements sont, lents et maladroits. Ce sont des gamins légers et pleur-

nichards. aux peurs enfantines, aux passions futiles, aux colères et aux

joies également passagères, également irraisonnées. De l'enfant, ils ont

les élans de confiance et les bouderies déconcertantes. Influençables sans

pouvoir réagir, ils sont plus faibles que méchants. Leur sens moral est

souvent nul. Ils prennent facilement l'allure efféminée, et beaucoup sont

des professionnels de la pédérastie. Ils sont du reste généralement

impuissants.

Nous ne signalerons de l'infantilisme féminin que les caractères par-

ticuliers ne rentrant pas dans le cadre précédent. Le torse est cylin-

drique, et la taille ne se dessine point. Le périmètre du bassin est à peu

près égal il celui des épaules. Les règles ne sont jamais venues le plus

souvent, et la vulve regarde en avant comme chez les fillettes. Les grandes

lèvres sont peu saillantes, et les poils y sont très clairsemés. Les aisselles

sont glabres, les seins indiqués seulement par le mamelon. La voix est

grêle, l'intelligence et les préoccupations sont d'une enfant, d'une grande

enfant qui aime encore à jouer à la poupée. La figure se fane vite, et

prend de bonne heure un aspect vieillot, fréquent chez les infantiles

âgés. Cet liabilus tardif ne doit pas être confondu avec le sénilisme pré-

coce de certains dégénérés, nous aurons l'occasion d'y revenir.

Il n'y a pas à proprement parler d'évolution de l'infantilisme. Les

infantiles atteignent pourtant rarement un âge avancé. Leur circulation

se fait ma); ils luttent difficilement contre la tuberculose. Beaucoup

aussi, obsédés de leur impuissance, font de l'hypocondrie génitale et

se suicident. '

Infantilisme gigantesque. L'esquisse précédente a rapide-

ment établi le syndrome infantilisme. En réalité, les infantiles sont nom-

1]rcux, et même fort dissemblables d'un groupe au groupe voisin. Nous

avons étudié déjà l'infantilisme à propos du gigantisme. Rappelons seu-

lement que le géant infantile présente le type de l'adolescent et qu'il

convient de rechercher systématiquement chez lui les signes d'une acromé-

galie commençante. Le pronostic de cette forme est fatal à l'heure actuelle.

[F. MOUTIER.] ]

1088 GIGANTISME. INFANTILISME. NANISME. -

Infantilisme eunuchoïde. Dans cette classe peuvent encore

se rencontrer des géants (voir plus haut). Souvent cependant, la taille

est. normale, mais dans ce cas même, il est donné d'observer une dys-

harmonie de l'organisme, et les dimensions des membres inférieurs

l'emportent relativement au tronc.

Le syndrome infantile est un peu différent selon que l'émasculation a

été pratiquée avant, ou après la puberté. Avant la puberté, le corps de-

meure beaucoup plus grêle, la voix plus aigre. Le système pileux ne

prend aucun développement, et ni la prostate, ni les vésicules séminales

ne croissent. L'impuissance génitale est complète. Les castrats posl-

pubéraux peuvent présenter encore quelques attributs sexuels. 11 peut

se déceler des poils, clairsemés d'ailleurs. Des érections parfois accom-

pagnées de jouissance et d'éjaeulalion prostatique sont possibles, mais

le fait est exceptionnel.

Le plus souvent, le faciès est glabre; les joues bouffies encadrent un

double menton. Le corps est gras, sans reliefs musculaires. La figure est

molle, sans expression, l'esprit sans désirs. Il faut noter cependant que

l'obésité n'est point fatale; elle est fonction à un certain point de l'état

du castrat, et celui-ci peut être fort maigre s'il peine à un dur labeur

musculaire. D'un autre côté, les eunuques ne sont pas a priori envieux,

égoïstes et. cruels. Comme les enfants, ils sont susceptibles d'attache-

ment et de dévouement. Leurs haines ne sont bien souvent que la contre-

partie des railleries coutumières, et leur envie égoïste le résultat d'une

neurasthénie sexuelle facile il comprendre.

Il existe parfois un eWl1lchislIIe familial, soit par atrophie lesiicii-

laire familiale (Debove) soit par hernie des ovaires Il va

sans dire que l'hérédité s'exerce en semblable cas par voie collaté-

rale.

Infantilisme type Lorain. Il se rapproche au plus près du

schéma exposé. L'infantile de Lorain est à 25 ou 50 ans un adolescent.

L'ossification précoce a immobilisé et fixé d'une façon immuable, la taille

de ce petit homme qui présente en tout son être une juvénilité persis-

tante. Le corps est maigre et élancé, la face allongée et fixe. La tète est

plutôt petite, ainsi que le tronc. Les membres sont au contraire rctati-

vement longs. Les os et les muscles, le bassin et les épaules se dessinent

assez bien. Les parties sexuelles sont glabres, mais bien conformées. Les

organes naturellement, petits. II n'y a en somme aucune difformité dans

l'ensemble de cet individu.

Les causes de cet infantilisme sont fort nombreuses; et on a pu l'al-

tribuer un pcu à tout ce qui provoque une dystrophie. En fait, il semble

être le plus souvent anangioplasique (Brissaud), c'est-à-dire sous tin-

llenc;e directe d'une insuffisance circulatoire. Mais les cachexies frappant

l'organisme en pleine évolution, les intoxications endo ou exogènes, le

défaut des glandes vasculaires sanguines peuvent être incriminés

encore. Nous devons donc nous borner peu près il une énuniéralion.

INFANTILISME. 1059

L'insuffisance vasculaire se rencontre tout spécialement chez la

femme. Il peut s'agir d'un rétrécissement mitral, d'atrésie de l'artère

pulmonaire. P. Marie a vu, chez un infantile de sexe masculin, l'aorte

se rétrécir au niveau des artères spermatiques. On a rencontré parfois un

défaut de sécrétion pancréatique : l'infantile

présente des selles graisseuses que l'opothé-

rapie appropriée fait disparaître. On a vu en

même temps, dans un cas heureux, la taille

s'accroître et la puberté se manifester. Les

capsules surrénales, les testicules et les ovai-

res, l'hypophyse (tuberculose) sont éventuelle-

ment un obstacle à notre évolution normale

quand leurs fonctions sont insuffisantes. On a

incriminé également le brightisme et l'hépa-

tisme, l'alcoolisme, l' infeclio n paludéenne. Les

végétations adénoïdes et le poltisme réalisent

encore (P. Marie eLLéri) les conditions favora-

bles à l'arrêt du développement. Il est probable

que cette liste s'allongera encore. Dans ces dif-

férents cas, répétons-le, l'infantile se rapproche

plus ou moins du type Lorain, il s'en écarte au

contraire dans la dystrophie thyroïdienne.

Infantilisme type Brissaud. Bris-

saud a montré que les idiots myxoedémateux

décrits par Bourneville présentaient un syn-

drome infantile. Mais au lieu de conserver à

l'âge d'homme le faciès de l'adolescent, ils

cessent encore plus tôt leur évolution et mon-

trent un type foetal, c'est-à-dire difforme et

presque repoussant. Ils s'écartent donc beau-

coup des autres groupements établis dans ce

chapitre.

Ce sont des êtres gros et gras, à formes arron-

dies, de taille beaucoup moins élevée que les

précédents. Ils atteignent rarement un mètre,

tout au moins en dehors des influences thérapeutiques. Chez eux tout est

vraiment enfantin en effet : et si au lieu d'être congénital, le myxoedème

est tardif, l'individu subit une régression véritable, et retourne en l'état

du nourrisson.

La forme générale est arrondie : le tronc est cylindrique, le ventre

gros, et, au contraire du type Lorain, les membres sont relativement

courts, bien que les épiphyses ne soient pas soudées (llertogh). Le

visage pâle et bouffi est caractéristique du facies lunaire. Les pau-

pières de cette tête plutôt volumineuse sont gonflées et cachent à demi

des yeux sans expression.- Les cheveux sont roux, durs et cassants. En

Pit.%TIQUE ¡¡EUR01-, 09

. [F. MOUTIER.1

Fig. 4. Infantilisme du type

Lorain. Femme de 50 ans

(d'après Il, Meige).

1090 GIGANTISME. INFANTILISME. NANISME.

somme, la ligure prend facilement un aspect vieillot auquel se prêtent

les rides précoces et le teint cireux. La seconde dentition tarde à venir

ou ne vient jamais (Marfan et Guinon). Le larynx est à peine saillant, et le

palper le plus attentif ne découvre pas trace du corps thyroïde. Les organes

génitaux sont rudimentaires et leurs fonctions nulles. Quant aux caractères

sexuels secondaires, ils dépendent de t'age du malade au début de

son affection. Il n'en existe aucun si le myxoedème a été précoce. Il peut

en exister plus ou moins si le myxoedèrne a été retardé dans son appa-

rition. L'ossification est incomplète; et ces pauvres êtres sont au dernier

degré de l'échelle intellectuelle. Ils mènent une vie purement végétative.

On voit que cette forme se distingue facilement des syndromes précé-

dents.

Féminisme. Masculisme. Hermaphrodisme. -

Le syndrome infantile présente parfois des signes accessoires. C'est ainsi

que l'infantile montre assez fréquemment quelques-uns des caractères

du sexe opposé. Cela n'a rien de bien surprenant, puisque le foetus et

même l'enfant ne se spécialisent pas encore et possèdent à la fois les

caractères secondaires de l'un et de l'autre genre. Chez l'infantile, les

hommes ont l'allure molle et efféminée; les seins se développent parfois

et les hanches s'élargissent. La peau est fine et particulièrement glabre,

délicatement veinée. Beaucoup de ces individus sont invertis. De même,

mais plus rarement, la femme a un son de voix plus grave; le mamelon

est seul à marquer la place du sein. Le ventre ne s'accuse pas et le

bassin est étroit. Il y a quelquefois une obésité diffuse. Enfin la vulve est

peu développée, le mont de Vénus aplati, et le triangle pubien prolonge

jusqu'à l'ombilic son revêtement pileux. Les traits sont épais, même en

dehors du myxoedènte. Il ne faudrait pas prendre en effet pour ce der-

nier le syndrome complexe infantilisme-masculisme-ohésité.

Il peut y avoir enfin des hermaphrodites à type infantile. Rappelons

sans insister sur les caractères sexuels secondaires, que ces soi-disant

androgynes sont ordinairement ou bien des hypospades s'il s'agit de

sujets du sexe masculin, ou bien des femmes à clitoris anormalement

développé s'il s'agit d'individus du sexe féminin.

Sénilisme. Nous passerons rapidement encore sur le sénilisll1c,

gérodermie génito-distrophique de Rummo. S'agit-il ici de dystrophie

génitale ou d'insuffisance thyroïdienne ? On l'ignore encore. Les individus

types sont de faible hauteur; leur faciès est anguleux, ridé, sénile. La

peau est couleur de cire vieillie; elle est glabre et flasque. Les cheveux

sont raides et la canitie les attend de façon précoce. Il ne faut point

d'ailleurs abuser du terme « sénilisme ». Un certain nombre d'individus

présentent, en effet, des traits vieillots sans avoir auparavant moulin

le faciès infantile, tandis que certains infantiles acquièrent secondaire-

ment l'aspect de « petits vieux ». Les premiers sont de « faux séniles ».

Ce sont des cachectiques, des rabougris de toute catégorie, des dégénérés :

en un mot.

NANISME. 1091

Traitement de l'infantilisme. L'opothérapie est à peu près la

seule ressource dont nous disposions. Tel ou tel organe est choisir selon

le diagnostic étiologique; mais le corps thyroïde est certainement celui

que ou aura le plus souvent, occasion de prescrire. On administrera

l'iodothyrine, la glande fraîche de mouton ou quelqu'une des nombreuses

marques de poudre de glande desséchée.

NANISME-

De tous les groupes dystrophiques étudiés, celui-ci est à coup sur le

plus disparate. Des affections tout à l'ait différentes provoquent le nanisme

ou l'accompagnent; la plupart, il est vrai, sont des maladies classées et

dûment rcemnucs. Nous écarterons naturellement de notre étude les

nanisnics accidentels, comme en peuvent produire certaines fractures,

par exemple.

Le nain représente exceptionnellement un raccourcissement limité à

la taille. D'autres modifications se reconnaissent, souvent nombreuses.

L'allure générale et le faciès sont du reste éminemment variables, bien

que souvent le nain ait plutôt un type vieillot, un air précocement sénile.

Il serait inexact enfin de parler de l'intelligence et de l'esprit du nain

opposés à la sottise du géant, infantile habituel : cette différence peut

exister parfois, mais n'est pas une règle absolue, loin de là.

Nanisme myxoedémateux. Le nanisme est spécialement

réalisé dans le, 111'\(e(li'111C congénital et infantile, dans l'icliotie //i;/a'oe-

rléattulertse de Bourneville. Brissaud a repris l'étude de ces faits, et les a

décrits sous le nom d'infantilisme myxoe,zélllalenx. Ce simple exposé

suffit il laisser entendre que les nains sont ici des idiots présentant un

.aspect infantile, l'cetal même, pourrait-on dire il plus juste titre. Cet

aspect est dû aux membres boudinés, à la face bouffie, à la très petite

taille, il l'inertie presque absolue. Souvent ces dystrophiqucs sont des

infantiles vieillots et rabougris, particulièrement impressionnants par un

mélange de jeunesse extrême et de sénilité prononcée.

L'évolution vitale de ces arriérés est longue. L'arrêt de développement

débute après le sevrage; et ces idiots, propres et doux, éduquables à un

certain degré, vivent parfois jusqu'à 40 ans. L'arrêt trophique peut sur-

venir dans le jeune âge : en ce cas, on se trouve en présence d'infantiles

proprement dits, reconnaissables encore au syndrome mvxoedemateux.

Quoi qu'il en soit, sous les cheveux roux, gros et rudes, cassants, se

développe un crâne volumineux en arrière, rétréci en avant. Le front est

bas, étroit, comprimé latéralement : la fontanelle antérieure est remar-

rluallle par sa persistance indéfinie. Le. nez est camus, la langue énorme,

Les lèvres sont, grosses, les dents mauvaises. La région cervicale est sou-

vent chargée de masses tipomateuses. Le ventre proémine fortement; et

l'aspect bizarre de ces pauvres êtres est encore augmenté par des incur-

vation8 éventuelles du rachis, par l'épaisseur et la brièveté de membres,

. [F. MOUTIER ]

1092

GIGANTISME. INFANTILISME. ? NANISME.

parfois difformes, par l'infiltration pachydermique du tégument.

Il n'y a ni poils, ni sexualité. Lès organes génitaux sont réduits au

minimum, le corps thyroïde ne peut se révéler, au palper lé plus minu-

tieux, la puberté n'apparaît point. Ces nains ne sont pas des vicieux.

Ils ne. présentent pas de surdité, com-

prennent quelques phrases, ont un certain

degré de mémoire, sont parfois suscepti-

bles de manifester quelques sentiments

affectifs et ne se masturbent point.

Le traitement thyroïdien fait parfois

merveille; niais il réussit mieux chez les

infantiles proprement dits, chez les dys-

thyroïdiens de Hertoghe, que chez les

idiots de Bourneville.

Quoi qu'il en soit, les éléments actifs

agissent à la fois sur l'intelligence, sur

la puberté dont ils peuvent provoquer

l'apparition, sur l'infiltration des tégu-

ments'et. sur la taille. Ce dernier gain est

particulièrement sensible, lorsque, l'on

songe qu'à 20 ans, le nain inyxoedéma-

teux ne dépasse guère 0 m. 85.

Nanisme achondroplasique.

L'achondroplasique est toujours et essen-

tiellement un nain. Sa taille oscille entre

0 m. 90 et 1 m. 40; il convient de noter

aussitôt que la tête et le tronc sont nor-

maux en hauteur sinon en proportions,

et que seule la brièveté des membres

détermine le raccourcissement de la taille.

L'achondroplasie, maladie parfois fa-

miliale, est donc caractérisée par de la

micromélie; celle-ci est .1'hizomélique

(Pierre Marie), c'est-à-dire prédomine à

la racine-du membre. Le corps réduit est

surmonté d'une tête aux diamètres énor-

mes ; souvent cependant, l'expression de

la physionomie est normale. Il en résulte,

étant donné que ces petits hommes attei-

gnent facilement l'âge adulte, un type de nain tout à fait saisissant et

facile à reconnaître (Hommes bassets). '

Il convient d'insister sur les différents caractères déjà mentionnés.

L'extrémité des doigts affleure le grand trochanter. L'avant -bras se place

normalement en pronation, le bras légèrement écarté du tronc. Les

mains sont petites, charnues, carrées, Les doigts sont égaux, et quand

Fig. 5. - Infantile myxoedémateux

de 21 ans (d'après llcrtoyle). Taille

1 m. 17. «

NANISME.

1093

on les maintient, accolés, l'annulaire s'écarte du médius, donnant ainsi

à la main l'aspect dit en trident (P. Marie). L'annulaire est en même

temps sur un plan un peu postérieur aux -

autres doigts. -

Les mêmes caractères se retrouvent d'une

façon générale au membre inférieur ; P. Ma-

rie a montré que le péroné remonte au

niveau de l'articulation du genou. Ajoutons

que, par suite de la rbizomélie, les indices

radio-huméral et fémoro-tibial sont géné-

ralement élevés.

La macrocéphalie est considérable. La

tète présente un périmètre inouï, plus de

60 centimètres parfois. Il en résulte un z

indice céphalique considérable, souvent

égal à 100. Une telle hyperbrachycéphalie

est tout à fait caractéristique. Cette voûte

crânienne énorme est d'ailleurs parfaite-

ment ossifiée. La

face est normale,

petite, mais les

traits sont nets et

agréables.

Le tronc pré-

sente peu de par-

ticularités intéres-

santes : le dos est

plat, et la région

lombaire montre

une ensellure exa-

gérée. Quant au

bassin, il est uni-

formément rétréci (Porak). Les accouchements

nécessitent toujours des interventions spéciales;

mais -il est des femmes achondroplases qui ont

supporté plusieurs opérations césariennes.

. 11 est peu de chose à dire enfin des organes

génitaux, des muscles, de l'intelligence. Ceux-là

sont normaux, celle-ci est parfois d'une moyenne

satisfaisante, mais souvent tout à fait pué-

rile. -

La radiographie montre des os rectilignes ou

présentant une brusque coudure juxta-épiphy-

saire. Ces epiphyses sont d'ailleurs énormes. Les omoplates sont rapetis-

sées, le crâne est très épaissi. Il n'est rien d'anonnti aux clavicules, aux

[F. MOUTIER.]

fig. 7. Achondroplasie

(d'après Porak).

Fig. 6. Achoildroplasie

(d'après Pierre Marie).

1094 GIGANTISME.- INFANTILISME. -.NA11S111;. - .

. 1 .

côtes, aux vertèbres. Quant aux cartilages,

. ils sont parfois ossifiés, parfois non ossifiés.

Histologiquement, on constaterait une

« sclérose du cartilage jugal avec insuffisance

de la multiplication, de la sériation et de

l'ossification des cellules cartilagineuses ».

Il n'existe aucun traitement .

Nanisme rachitique. - Le nanisme

est fréquent chez les rachitiques. On se

trouve en présence de nains mal conformés,

ou plutôt déformés, dont le 'gros ventre et

la tête carrée figurent une « gourde» mons-

trueuse (Comby). Les individus des groupes

- précédemment étudiés ne présentaient nul-

lement les déformations que l'on rencontre

ici; leur corps n'avait point l'aspect tour-

menté des malheureux rachitiques. La tète,

carrée, présente des bosses frontales déve-

loppées, des pariétaux souvent saillants. Les

dents apparaissent fort tard et se rangent

péniblement. Au tronc s'exagèrent toutes les

courbures. Le sternum se creuse en enton-

noir ; une dépression cupulifonne déprime

les hypocondres. Des nouures dessinent le

chapelet coslal hien connu. En même temps.

le ventre s'étale au-dessus d'un bassin que

modifient les courbures cvphoticlilcs ou sco-

liotiques des vertèbres. Aux membres, les

fractures ne sont point rares; elles se conso-

lident à angle de grande ouverture, et du reste, sans iracture nécessaire,

jambes et bras pré-

sentent des courbu-

res à grand rayon.

Aux poignets, aux

genoux, des épais-

sissements se décè-

lent encore; et les

jamhes s'écartent ou

s'accolent en figures

fantasques, en K,

en 0, en 1, enD, etc.

Ces nains sont

intelligents, mais ils

ont l'air chétif, souf-

freteux. Un grand

Fig. 8. Achondroplasie

(d'après Baldwyn). .

1-'iê. 9. Mains en trident dans l'achondroplasie

. (d'après P. Marie).

NANISME. <10 ! i : ,

nombre frappe par l'expression sénile des traits. Ils peuvent, vivre jusqu'à

un âge avancé, mais beaucoup succombent tuberculeux, ou victimes de

complications cardio-pnlrnonuires diverses, que facilitent ou aggravent

les malformations thoraciques.

Nanisme par dysplasie périostale. Cette anomalie de

l'ossification périostale a été décrite par Durante; elle s'accompagne par-

fois de diminution de la taille. Les membres sont courts et boudinés. La

face est normale, la voûte crânienne mal ossifiée, hap-recée. Les dia-

physes sont fragiles, raréfiées. Aussi les os sont-ils extrêmement friables,

et les fractures très fréquentes. Soulignons l'intégrité de la face qui

acquiert une certaine importance pour le diagnostic différentiel du

syndrome.

Nanisme chez les arriérés. Nous avons eu déjà l'occasion

d'étudier l'infantilisme et le nanisme des myxoedématl'ux, La taille est

souvent anormale chez d'autres idiots, notamment chez les mongoliens.

De tels êtres sont faciles à reconnaître grâce au repli cutané (épicanthus)

qui bride l'angle interne de l'oeil. De diagnostic également l'acile sont

l'idiot simiesque, aux traits durs et accentués, à la mâchoire inférieure

accusée, aux arcades orbitaires saillantes, aux oreilles détachées, ou

l'idiot négroïde que caractérisent un nez épaté, des lèvres charnues, etc.

Le nanisme est épisodique, bien entendu, chez tous ces êtres dégénérés.

Des malformations diverses se rencontrent d'ordinaire chez la plupart

d'entre eux.

Nanisme dans l'hérédo-syphilis. Il n'est pas exceptionnel.

Fournier a montré l'importance de la recherche et de la constatation des

différents stigmates de la spirillose : lésions osseuses, triade de Hutcbiu-

son, cicatrices cutanées. Ces nains syphilitiques sont tout particulière-

ment chétifs, étriqués, rabougris, séniles. Leur crâne est souvent

déformé; il convient toutefois de noter que les déformations natiforme

ou olympienne n'ont pas de valeur spécifique, et se rencontrent également

dans le rachitisme et dans l'hérédo-syphilis.

Nanismes dystrophiques divers. Nous avons signalé au

paragraphe de l'infantilisme type Lorain les principales causes des

dystrophies. Il suffira de s'y reporter, en notant simplement que ces

infantiles sont fréquemment des nains plus ou moins prononcés. Il con-

vient de remarquer que l'insuffisance lesticulaire ou ovarienne peut pro-

duire le nanisme et quelquefois aussi le gigantisme. On est peu fixé

encore sur la raison d'être de semblables variations. L'opothérapie peut

donner quelques succès.

Nanisme essentiel. Existe-t-il des nains chez lesquels la fai-

blesse de la taille est physiologique et ne peut être imputée ni au rachi-

tisme, ni au myaolùmc, ni il l'achondroplasie. ni il Dieredo-syphuts,

pour ne citer que les quatre grandes causes du nanisme ? Poucet et

Leriche le pensent et décrivent des nains bien proportionnés, sans tare

pathologique, descendant de parents très souvent de taille peu élevée

. MOUTIER.]

>;. [Fe MOJTIER.]

10% GIGANTISME. INFANTILISME. NANISME.

eux aussi. Ce seraient de vrais pygmées, des achondroplases ethniques,

disent, les auteurs lyonnais. En d'autres termes, ce seraient des nains il

rapprocher des achondroplasiques mais présentant une ossification

normale du cartilage jugal. Nous signalons simplement ce cadre; de

nouvelles observations montreront quelle extension il convient de lui

donner.

Nanisme par anomalie des membres inférieurs. Dans

de tels cas, le tronc et les membres supérieurs, la tête sont d'un homme

normal. Le raccourcissement de la taille dépend uniquement d'un trouble

téralologique des membres inférieurs désigné sous le nom de phocomélie.

STIGMATES DE DÉGÉNÉRESCENCE

- par le Dr MOUTIER

Nous entendrons par « stigmates de dégénérescence » les signes phy-

siques ou mentaux, le plus souvent héréditaires et 1'éve1'sifs, par les-

quels un individu donné diffère de la moyenne des individus de même

race et de même niveau social, dans des conditions générales de milieu

aussi semblables que possible.

11 va de soi qu'au mot « stigmate » ne s'attache aucun sens infamant,

et que si la dégénérescence traduit l'amoindrissement individuel, elle

est aussi la rançon de tout progrès. A ce point de vue, déficit ou exagé-

ration, tout ce qui s'écarte de la moyenne dégénère. Se perfectionner en

effet, c'est se compliquer; c'est par conséquent déchoir, La dégénéres-

cence est en somme l'aléa de l'évolution générale.

Les signes que nous allons étudier sont très variables en intensité et

en valeur. Nous les diviserons en stigmates anatomiques, obstétricaux,

physiologiques et mentaux, et suivrons, pour l'exposé des signes anato-

miques, la classification de Mayet, du moins en ses grandes lignes. Nous

avons également puisé de précieux renseignements dans les travaux de

Lombrôso, Séglas et Féré, Dallemagne, Galippe, etc. Nous croyons

inutile, au point de' vue pratique, d'insister longuement sur l'étiologie de'

la déchéance; en dehors des causes générales, sociales et naturelles,

l'alcoolisme des procréateurs, la tuberculose, la syphilis, tout ce qui est

appauvrissement et surmenage, joue ici un rôle considérable.

Stigmates anatomiques. Un coup d'oeil permet au praticien

d'apprécier la virilité, l'accentuation du type, de même que quelques

réponses donnent une certaine idée de la vivacité de l'entendement. Il va

de soi que d'emblée, la taille^ du sujet devra retenir l'attention. (Voir

Gigantisme, INFANTILISME, Nanisme.)

Une des premières choses que l'on doive apprécier est l'asyrnél1'ie.

Elle peut être totale ou ne porter que sur certains membres, sur la

face, etc. Il ne faut pas oublier, du reste, que nous sommes tous légère-

ment asymétriques, et que normalement (Liebreich), le malaire droit,

plus proéminent, est sur un plan antérieur au malaire gauche. De même,

l'oeil gauche est sur un plan postérieur à l'oeil droit; il est aussi plus

allongé, plus oblique en dehors et en arrière. .

[F. MOUTIER.]

- J098 - STIGMATES DE DEGENERESCENCE.

Des asymétries, les unes sont congénitales, les autres acquises; c'est

ainsi qu'au niveau de la tète, certains aplatissements, certaines conca-

vités d'une moitié du squelette peuvent dépendre de lésions de l'oeil, de

l'oreille, ou de torticolis congénitaux ou du moins précoces.

Tête. Il faut examiner à. ce niveau, les anomalies de la forme et

du volume, l'état des sutures et des fontanelles. Celles-ci peuvent ne pas

être comhlées (dyostose-cléicl.o-crâniéazne). Au contraire, la précocité des

soudures crée les anomalies de la forme. S'agit-il d'une synostose pré-

coce interpariétale ? On aura un crâne en carène de bateau, en d'autres

termes de la scaphocéphalie. La trigonocéphale se caractérise par un

rétrécissement frontal lié à la soudure métopique,. ce qui détermine un

élargissement des régions occipito-pariétales. D'autres synostoses déter-'

minent la plagiocéphalie, l'ac1'o- et l'oxcéplzalie. (V. Anthropométrie

clinique.) La micro- et Y hydrocéphalie .sont encore des types nets de

dégénérescence.

OEil. Nous nous c'ontenterons d'une simple énumération.

Asymétrie, différences de volume de l'oeil, de largeur de la fente pal-

pébrale, épicanthus (oeil mongolien), brièveté des paupières, troisième

paupière (membrane nictitante). Coloboma palpébral, orhitaire.

Absence d'iris, variations dans sa coloration, dans sa forme. Pupilles

inégales (assez fréquent pour qu'il soit utile d'y bien songer en exami-

nant un malade), imperforées, à ouvertures multiples. Coloboma irien.

Astigmatisme, myopie, hypermétropie. Cataracte congénitale, ectopie

congénitale du cristallin.

Rétinite pigmentaire. Coloboma du fond de l'oeil. Décoloration de la

choroïde. Persistance de l'artère centrale de la rétine. -

Oreille. Les stigmates sont ici des plus fréquents et des plus

importants. Ils sont ordinairement du type régressif, et leur présence

donne à l'individu un caractère simien souvent prononcé.

.. Asymétrie. Anomalies d'implantation, de volume, d'écartement

(oreilles en anse). .

Hélix : exagéré ou- incomplet. Dans ce dernier cas, l'oreille peut n'être

pas ourlée.

Anthélix : dépression ou proéminence exagérées.

Tragus : double, conique.

Antitragus : absent. -

Lobule : absent, petit, palmé, complètement flottant (à ce point de

vue, nous croyons qu'il faudrait tenir compte du port de certaines

boucles d'oreilles pesantes, propres à tirailler, allonger l'organe).

Les saillies supplémentaires jouent un rôle propondérant dans la mor-

phologie anormale de l'oreille. Ce sont elles qui lui donnent son aspect

le plus bestial. Nous citerons surtout le tubercule de Daa°wiaz, placé sur

l'hélix à l'union de ses courbes horizontale et descendante. Blaiiiville

a insisté sur l'asymétrie par inégalité des parties correspondantes. On

appelle oreille de Motel, ces organes déplissés où la région de l'hélix est

STIGMATES DE DÉGÉNÉRESCENCE. 1 om¡

amincie, effilée. L'oreille de Wildermulh présente une saillie de l'an-

thélix dominant l'hélix; le lobule manque dans le type complet, ce qui

donne il l'oreille un aspect tronqué bien spécial. Enfin, Slithl a décrit

plusieurs groupes d'anomalie dont les principales portent sur les variétés

ou l'absence de la bifurcation de l'authelix (mira furcata).

Prognathisme. Peut être supérieur ou inférieur; c'est un bon

signe de dégénérescence. Il est remarquablement héréditaire. On peut

également rencontrer l'apophyse 1(>/lI1l1'ienne d'Albrecht qui, du bord

inférieur de l'angle du maxillaire inférieur, se dirige en bas et en

dehors. Le prognathisme peut être acquis (acromegalie) ou seulement

apparent (implantation vicieuse des dents) ( ? Axtiihopométhie CLI-

nique).

Dents. Leurs viciations sont extrêmement fréquentes. Les points

suivants sont à étudier : évolution retardée ou avancée, volume (micro-

Il1f1C1'o(lolltlS111(') : amorphisme (canines ayant l'aspect d'incisives), dvs-

trophies (llulcbinson, etc), vulnérabilité (structure, érosion, friabilité).

Direction, implantation.

Cruet a signalé chez les idiots une anomalie vraie de l'articulation.

Elle consiste en ce que les molaires étant au contact, les mâchoires fer-

mées. les incisives et les canines n'arrivent pas à se joindre.

Nez. Absence complète, absence de la cloison. Rétrécissement.

Déviation. Asymétrie.

Il convient de tenir compte des lésions traumatiques si fréquentes :

chutes des enfants et des épiloptiques.

Face et cavité buccale. Zygomas saillants. Lèvres épaisses, sail-

lantes. 1'\'(,I'sl'es. Atrésie ou illalmrl'oralioll de l'orifice buccal.

ft- l3cc-Ilc-liiwrc et ses variétés. Voûte ogivale.

Voile du palais divisé, luette bifide.

Anomalies gingivales : tubercules, saillies papillaires (M"le Cornclia

de Lauze).

Langue asymétrique, énorme, petite. bifide, fissurée, de motilité anor-

male. La langue peut parfois se loger presque complètement dans le

naso-pharyl1\. : il y aurait intérêt il rechercher cette bizarrerie dont, à

notre connaissance, il n'a été publié qu'un cas il ce jour.

Rachis. Spina hifida. On sait que celte malformation embryonnaire

peut être assez fruste, et se révéler seulement par un faible entonnoir,

une fistule, de l'hypertrichose localisée il la région lombaire.

Scolioses. Il semble y avoir hérédité d'une certaine tendance à la

fragilité de l'architecture rachidienne (scolioses de l'adolescence,

cyphosl' I\('réd 0- tl'a uma t iq ue) .

Thorax. Les anomalies de forme en sont très nombreuses : thorax

en gouttière (Fere et Schmid), en entonnoir (Ebstein), en proue (P. Marie)

ou en carène, thorax paralytique congénital caractérisé « par son péri-

mètre Ihoracique plus petit que la moitié de la taille, l'augmentation

apparente de la longueur de la poitrine, augmentation liée à l'accroisse-

[r.MûtrrjM] ]

1100 STIGMATES DE DÉGÉNÉRESCENCE. ' ~

ment des espaces intercostaux », par Tétroitessc du sternum et l'insuf-

fisance respiratoire qui l'accompagnent. ,

Asymétries : un certain degré d'inégalité est habituel. Dans tous ces

cas, il est indispensable d'examiner le coeur et les voies respiratoires

supérieures dont les malformations congénitales entraînent corrélative-

ment des modifications thoraciques.

Anomalies musculaires : la plus banale est l'absence du grand pectoral.

Membres. Les monstruosités y sont tout spécialement fréquentes.

Nous ne saurions y insister ^ici, étant donné que la tératologie tout

entière rentre dans les manifestations de la dégénérescence.

Signalons cependant les anomalies des doigts, l'absence des segments

osseux, les hyperostoses, les apophyses ou canaux anormaux, les raccour-

cissements, les hypertrophies localisées (souvent accompagnées de

naevi), les rapports métriques anormaux entre l'envergure et la taille, la

jambe et l'avant-bras, etc. (Y. Anthropométrie clinique), les anomalies

des aponévroses (Féré), du nombre et des insertions des muscles.

Organes génitaux. Les anomalies ont ici un intérêt social, puisque

leurs combinaisons peuvent réaliser le syndrome hermaphrodite et

aboutir des erreurs sur la qualité sexuelle.

. En réalité, il n'y a que du pseudo-hermaphrodisme, aucun individu

n'étant à la fois de l'un et de l'autre sexe, et les sujets envisagés ont

toujours tel ou tel appétit vénérien plutôt que tel autre. Ils peuvent être,

il est vrai, invertis-nés, et présenter les tendances et goûts féminins

alors qu'ils sont mâles hypospades ot cryptorchides par exemple.

Hommes. Anorchidie, crypto.; micro., macrorchidie.' Pénis absent,

verge double, palmée, tordue. Phimosis. Verge en battant de cloche

(Marandon de Montyel) : il ne faudrait pas confondre cette anomalie avec

une viciation de forme due à l'onanisme, il s'agit ici d'une réelle hyper-

trophie du gland . .. '

Hypospadias. Epispadias.

Exstrophie vésicale.

Femmes. Yagin absent, cloisonné, atrésié, imperforé. Clitoris

absent, nul, anomalies du .capuchon. Petites et grandes lèvres réduites

ou hypertrophiées (en dehors des variations ethnologiques : tablier),

absentes.

Mamelles; Gynécomastie. Polythélie. Polylnastiè. La polythélic est

très fréquente dans l'un et l'autre sexe, mais on prend souvent les ma-

melons supplémentaires pour des « grains de beauté ».

Anus. Imperforation. Cloaque.

Peau. Phanèrés. Anomalies de la coloration, molluscum, nawi

(rechercher le syndrome caractéristique de la maladie de leClvl1l1g11al1SCl1 ;

nsevi, fibromes sous-cutanés, névromes, molluscum penduillm, infériorité

psychique). Ichtyose.

Albinisme, canitie, vitiligo. Des canities partielles sont parfois hérédi-

taires.

STIGMATES DE DÉGÉNÉRESCENCE. 1101

Aspect lanugineux, atrichose, hypertricliose, cheveux friables. Tour-

billon du vertex double, triple, ou simple mais de siège anormal.

Ongles absents, minces, cassants. Noter si les ongles sont rongés

(onychophagie), si les poils sont arrachés (trichotillolnanie).

Rides précoces. Cela peut tenir à des causes pathologiques légitimes,

mais être aussi témoin d'une sénescence hâtive anormale.

Ride zygoinatiquc (Oltolenghi) : se voit au milieu de chaque joue avant

25 ans.

Os. - Hypertrophies de tout un segment. Exostoses localisées.

Viscères. Monstruosités incompatibles avec la vie ou du moins avec

la vie lui âge avancé. Inversion.

Exslrophies. Malformations cardiaques. Agénésies nerveuses (voir plus

loin). Notre regretté maître Du Castel attira maintes fois notre attention

sur le fait suivant : les individus atteints d'ulcères dits variqueux pré-

sentent rarement de grosses varices, mais rapportent fréquemment que

leurs parents étaient porteurs d'énormes dilatations veineuses. Il y a là

évidemment hérédité d'une fragilité spéciale d'un système, c'est-à-dire

un signe de dégénérescence. ? Stigmates obstétricaux. On pourrait les définir avec Larger

« tout ce qui, dans la conception, la grossesse et l'accouchement,

s'écarte du type physiologique ». Il importerait d'ajouter, nous semble-

te à condition que de tels écarts ne soient point sous la dépendance

de maladies ou de difformités acquises. Or, en obstétrique tout parti-

culièrement, il est parfois difficile de déterminer l'étiologie des phéno-

mènes. Nous nous contenterons donc simplement de reproduire la classi-

fication de Larger.

f Anomalies de la conception. Stérilité, gémellité, grossesse ecto-

|pique.

Anomalies de la grossesse. Placenta : multilobé, adhérences,

pi. 17raLVia, hémorragies.

Membranes : hydramnios, rupture prématurée, non-rupture.

Cordon : insertion Yl'Iamenteusc, brièveté, allongement.

Anomalies de l'accouchement. Avortement et accouchement pré-

maturés, grossesse prolongée, procidence, toutes les présentations et

positions autres que 01G A. (Ceci n'aurait guère de valeur que chez les

primipares, Hâtons-nous d'ajouter que cette manière d'entendre les

stigmates obstétricaux est fort compréhensive et non admise par beau-

coup).

Stigmates physiologiques. Toute classification est arbi-

traire, et ce paragraphe nous obligera, pour être clair et suffisamment

complet . à quelques redites. '

Troubles de la motilité. Ils sont nombreux et leur étiologie est

pour beaucoup encore, fort obscure. D'un côté, se classent de petits acci-

dents comme, le retard de la marche, le strabisme et le nystagmus, la

mobilité anormale du pavillon de l'oreille, des peaussiers, des orteils,

· [F. MOUTIER.]

z102 STIGMATES DE DÉGÉNÉRESCENCE.

puis des phénomènes d'un ordre plus élevé comme Tambidextérité et

le mancinisme qui se voient tout particulièrement chez les épileptiques

et les criminels. , ..

Troubles du langage ? Signalons toute la gamme des troubles de la

parole : mutité, balbutiement, nasonnement, bégaiement, zézaie-

ment, etc. A, coté des altérations du langage parlé se placent les altéra-

tions du langage écrit. Nous n'envisageons naturellement pas ici l'écri-

ture des individus atteints de maladies acquises. Il s'agit seulement des

caractères, des stigmates qui donnent à l'écriture un cachet indéniable

d'anomalie. Sans vouloir faire de graphologie, signalons seulement l'im-

possibilité de garder une direction régulière (marges croissantes ou

diminuées, lignes ascendantes, plongeantes, chevauchantes, etc.), l'em-

pâtement des traits, l'exagération et l'enjolivement futiles ou pompeux des

caractères, surtout des majuscules, la saleté du tracé. Ce sont là quelques

caractères élémentaires que jamais une écriture normale ne présentera.

Il faut tenir grand compté, pour toute appréciation de ces stigmates, de

là culture du sujet examiné.

Troubles sensoriels. Surdi-mutité, hyperacousie. Astigmatisme,

myopie, hypermétropie, rétrécissement du champ visuel, daltonisme.

Goût, odorat frustes.

Chez quantité de gens, les appréciations sensorielles sont rudimcu-

taires. S'agit-il ici d'un stigmate à proprement parler, ou d'un défaut

d'éducation ? Le milieu dictera la réponse.

Troubles sensitifs. Anesthésie. llypoesthésie, hyperesthésie (notam-

ment des os de la face, Schaikewitsch). Analgésie. Extension des cercles

de Weber. Appréciation fruste des notions de poids, de température, de

résistance. , ' ,

Troubfes intellectuels. Lenteur ou insuffisance des réactions et

des réponses aux tests concernant l'attention, l'association des idées, la

mémoire, etc. Il faut ici se garder de parler trop vite de dégénérescence :

toutes les épreuves de psychologie expérimentale étant en général diffi-

ciles, voire disproportionnées avec l'état cérébral de l'immense majorité.

Maladies nerveuses congénitales, évolutives, familiales. Ce sont

là des stigmates de dégénérescence au premier chef. Nous ne savons

rien d'ailleurs sur les causes qui déterminent l'apparition du plus grand

nombre d'entre elles. ,

Maladie de Little. -

Amyotrophie Charcot-Marie, maladie de Friedreich, hérédo-ataxic

cérébelleuse de Pierre Marie, névrite interstitielle hypertrophique progres-

sive de l'enfance de Dejerine et Sottas. '

Myopathies. Maladie de Thomsen. Paralysies périodiques familiales.

Myoclonies. Aptitude convulsivante (Joffroy), certaines chorées, athétose

double. Epilepsie, incontinence d'urine. Tremblement héréditaire.

Stigmates mentaux. Les décrire tous dépasserait, et de beau-

coup, les limites de cet exposé. Ce qu'il importe de mettre en relief,

S'l'1111 : 1'l'I : S Ill; 1)I : G1 : \I : IiI,SCI : \CI : . 110°

c est que la dégénérescence constitue avant, tout une base, un terrain sur

lesquels au gré des infections bactériennes et des épreuves morales, s'éla-

borent les démences et psychopathies diverses. Certains troublés per-

mettent de prévoir ce qu'est le fond mental de l'individu : ce sont ces

anomalies et non les délires évolutifs qui sont les stigmates il proprement

parler.

Viciations de l'équilibre individuel. Les dégénérés sont des ins-

tables et des excentriques, des émotifs, des déséquilibrés en un mot. A

côté du déficit global de l'idiot et de l'imbécile, il y a place pour une

gamme infinie de tares il la base desquelles se placent les tics, les obses-

sions, les manies, les impulsions mentales. Chez certains, l'instinct

même de la personnalité est détruit (suicide). Chez d'autres, ce sont le

jugement, le sens moral, la mémoire, l'intclligence, la volonté, l'atten-

tion, l'émolivité qui sont atteints. Parfois, chez les plus inférieurs,

subsiste et même s'hypertrophie, on ne sait pourquoi, une faculté men-

tale, la mémoire le plus souvent.

D'autres individus présentent des anomalies diverses : gloutonnerie,

scatophagie, excès sexuels, inversions sexuelles. Le tatouage lui-même

traduit un état mental tout particulier chez celui qui subit volontairement

cette mutilation.

Viciations de l'aptitude sociale. La plupart des troubles précé-

dents ne facilitent guère les relations sociales du dégénéré. Il en est de

plus accusés encore à cet égard, rencontrés parfois chez des individus d'in-

telligence assez élevée. Certains ont perdu tout sentiment altruiste : il y a

loin encore, il est vrai, de la misanthropie au meurtre. Mais pour certains

amoraux la distance est vite franchie. Les moindres de ces tarés sont

paresseux, menteurs. La plupart finissent dans les asiles d'aliénés.

Inaptitude à la vie. Avec Mayet nous décrirons sous ce tenue

la déchéance finale des plus dégénérés. Elle se traduit par l'extinction de

l'individu et de la famille. La vie est courte, la descendance rare, et

bientôt supprimée par les avortements répétés, la morti-natalité ou la

mort en bas âge. A ce propos, il est utile de rappeler que la consangui-

nité n'a, en soi, ni valeur dirimante, ni valeur améliorante. Ses effets

sont ceux de l'hérédité; elle fixe également ce qui est bien et ce qui est

mal chez les conjoints.

En résumé, les stigmates de dégénérescence sont d'une multiplicité

telle qu'il est à peu près impossible que les sujets les plus normaux n'en

possèdent pas un ou plusieurs. Le tout est de savoir apprécier l'importance

de ces stigmates et de comprendre leur valeur. Celle-ci dérive avant tout

de l'accumulation des tares et du danger qu'elle révèle, menaçant pour

l'individu et pour la société.

[F. MOUTIER.]

STIGMATES DE LA SYPHILIS

par le Dr CROUZON

L'importance de la syphilis dans l'étiologie des maladies nerveuses

nous amène à rechercher ici comment cette syphilis peut être dépistée

chez un malade que l'on soupçonne atteint d'une lésion nerveuse spéci-

fique. Nous envisagerons successivement la recherche de la syphilis

acquise, puis celle de la syphilis héréditaires

SYPHILIS ACQUISE W

La syphilis acquise pourra se reconnaître de deux façons : ou bien

par l'interrogatoire du malade, ou par l'examen direct. Si le malade est

de bonne foi et s'il est éclairé et instruit, son interrogatoire pourra,

dans un certain nombre de cas, donner des renseignements suffisants.

Quelquefois, la syphilis a été ignorée, a passé inaperçue par suite du peu

d'importance des lésions, par suite de l'ignorance ou de l'indifférence du

sujet : c'est dans ces cas que la recherche des stigmates sera importante.

1° Interrogatoire du malade. On pourra penser qu'il s'agit de

syphilis quand le malade aura eu la notion du chancre.

1° Cette lésion a en général une incubation de 15 à 50 jours après le

contact suspect, dans certains cas cette notion sera suffisante pour per-

mettre le diagnostic;

` ? ° La lésion est souvent unique, cependant la multiplicité du chancre

syphilitique n'est plus un fait contesté et dans bon nombre d'observations

on a trouvé 2, 5, 4 et même beaucoup plus de chancres syphilitiques

simultanés (Queyrat) ;

5° Le malade se rappellera que cette lésion était volumineuse, suré-

levée, que c'était un gros boulon siégeant le plus souvent à la verge;

4° Cette lésion est accompagnée de ganglions rarement suppures;

5° C'est une lésion d'assez longue durée : 5, 4, 5 semaines;

Ou A la suite de cette lésion, après une seconde incubation de 45 jours,

est apparue la roséole et quelquefois un cortège de troubles secondaires :

céphalée nocturne, iritis, éruption papuleuse, plaques muqueuses de

la bouche et de l'anus, alopécie.

Chez la femme, la notion de ces accidents et surtout de l'accident initial

est le plus souvent absente. La syphilis se révèle dans la vie génitale de

la femme par la multiplicité des fausses couches et la polymorlalité

infantile.

STIGMATES DE LA SYPHILIS. 1105

2° Examen direct. La recherche des traces du chancre peut quel-

quefois donner des résultats intéressants. Si le plus souvent il laisse

une cicatrice nulle ou maculeuse ou légèrement pigmentaire, il est des

cas où pendant des mois et des années après la cicatrisation on trouve le

vestige d'une induration cartilagineuse de la forme d'un pois ou quel-

quefois de la forme d'une noisette.

On peut retrouver les adénopathies : c'est surtout à la région cervicale

postérieure, au niveau de l'aine, au niveau des aisselles que l'on consta-

tera l'existence des adénopathies secondaires ou secondo-tertiaires, sous

forme de petits ganglions durs roulant sous le doigt.

Examen de la peau. Les lésions de la peau peuvent, dans certains

cas, coexister avec des lésions nerveuses à une période avancée de la

maladie, de nombreux cas ont été mentionnés. Nous nous contenterons

de rappeler les faits de Gaucher et Babonneix, de Verney ( Thèse de

Nancy, 1887); de Charbonneau (Thèse de Paris, 1891); d'Anglade

(Thèse de 1891) ; de Sérieux et Farnarier (Revue de Médecine, 1900), etc.

Les lésions de la peau : roséole, syphilides papuleuses, papulo-

squameuses, papulo-vésiculeuses, pustulo-croitteuses, psoriasiformes ou

tuberculeuses laissent en général peu de cicatrices; cependant, dans

quelques cas, elles peuvent se reconnaitre après quelques mois ou quel-

ques années, mais ce sont surtout les syphilides tuberculeuses ou ulcé-

reuses qui laissent derrière elles des vestiges dont nous allons donner

les caractères spécifiques.

Les cicatrices sont suspectes de syphilis :

1° Quand elles seront étendues;

2° Quand elles ont la pigmentation brune ou noire :

5° Quand elles présentent une des formes suivantes : ,

A) La forme arrondie, l'orbicularité parfaite qui est synonyme de

syphilis.

Il) La configuration arciforme en demi-lune, en arc de cercle. z

C) La forme polycyclique dans laquelle la cicatrice est constituée par

une série d'arcs de cercles réunis bout à bout.

D) La forme serpigineuse à contours festonnés, sinueux, géogra-

phiques.

E) La disposition en baguettes ou criblures en coup de plomb.

F) Toutes ces cicatrices sont caractérisées non seulement par leur

étendue, par leur pigmentation et par leur forme, mais encore par

l'atrophie cicatricielle, l'aspect déprimé et gaufré qui se trouve au

centre de la zone pigmentée.

4° Dans certains cas, c'est une localisation particulière de la cicatrice

qui est suspecte : cicatrices de la gorge, cicatrices du voile du palais et

du pharynx, etc.

Stigmates muqueux. Enfin la syphilis pigmentaire du cou qui

est caractérisée par son siège si spécial, par un réseau ntaculeuv circons-

crivant des zones décolorées et presque pathognomoniques de la syphilis

PRATIQUE : \EUII01.. 70

[0. CROUZON]

1100 STIGMATES DE LA SYPHILIS.

et ne s'est guère rencontrée que dans quelques observations exception-

nelles de tuberculose. L'alopécie pourra être la signature de la syphilis :

quand elle est localisée en certains points, quand elle siège aux sourcils,

quand il y a aspect clairsemé des sourcils, disparition de la queue des

sourcils (signe de l'omnibus de Fournier).

Il est rare que des plaques muqueuses s'observent en dehors de la

période secondaire de la syphilis, cependant on peut observer quelquefois

des plaques muqueuses 5 ans, 10 ans, 15 ans et même plus après le

début de la maladie, mais l'examen des muqueuses peut donner des ren-

seignements plus intéressants. On peut constater les cicatrices du

pharynx, une perforation du voile du palais (dans sa portion membra-

neuse) ou de la voûte palatine. »

Plus important est encore le stigmate de la leucoplasie. Celle leuco-

plasie est caractérisée par des îlots d'inégales dimensions d'un blanc

laiteux occupant la muqueuse de. la langue, la muqueuse delà face interne

des joues au niveau des points de contact dentaire, quelquefois formant

de simples stries blanches, linéaires en toile d'araignée accompagnée

de fissures qui peuvent être dans la suite le point de départ, du cancer.

Cette leucoplasie est considérée par certains auteurs (Landouzy, Gaucher)

comme un témoignage certain de syphilis; dans tous les cas, elle est un

indice qui doit conduire à rechercher cette maladie.

Le vitiligo est aussi souvent un indice de syphilis : on sait qu'il est

caractérisé par des zones d'achromie entourées par des zones d'hyper-

chromie. Suivant Pierre Marie et Crouzon, il est révélateur de syphilis et

particulièrement de syphilis nerveuse.

La glossite exfoiialrice marginée a été considérée aussi comme une

affection qui se plait sur le terrain syphilitique et qui porte à rechercher

cette affection.

L'examen du malade suspect de syphilis devra porter également sur le

nez; on constatera quelquefois des malformations désignées sous le nom

d'effondrement basai du nez est de nez en lorgnette.

Sur les yeux on pourra constater l'existence d'inégalité pupillaire,

d'Irrégularité des pupilles par vestiges d'iritis ancienne.

Sur les os, l'existence d'exostoses et de periostoses du tibia, du

crâne, etc., est aussi un bon signe.

L'examen des viscères pourra, dans certains cas. être instructif : le

foie avec ses bosselures, sa tuméfaction avec conservation relative de

l'état général pourra faire penser au foie syphilitique.

Certaines néphrites aiguës survenant en dehors de toute scarlatine, en

dehors de dégénérescence amvloïde, en dehors de suppuration tubercu-

leuse doivent être rapportées à la syphilis quand on voit la quantité (ral-

bumine s'élever à 8, 10, 20 grammes par litre.

D'autre part, l'existence de phlébites multiples indolentes, super-

ficielles sans embolie est encore la signature de l'infection syphili-

tique.

STIGMATES DE LA SYPHILIS. 1107

Enfin, la fumeur du testicule indolent, à bosselures met énatementsur

la piste de la maladie. z

Il nous reste il mentionner les stigmates du système nerveux qui sont

caractéristiques de la maladie.

Tout d'abord le signe de Robertson, c'est-à-dire l'abolition du réflexe

lumineux avec conservation du réflexe a l'accommodation a été considéré,

pariiabinski et Charpentier comme un stigmate de cette affection.

L'association du signe de Robertson à l'inégalité pupillaire, à l'aortite

chronique et à la lymphocytose du liquide céphalorachidien constitue le

syndrome de Babinski caractéristique de la syphilis (Vaquez).

La paralysie du moteur oculaire commun survenant subitement, est

également un stigmate de syphilis : en effet, si la paralysie de la 6e paire,

est l'apanage du diabète, on peut dire que celle de la 5" survenant en

dehors de toute cause appréciable est celui de la syphilis.

L'hémiplégie survenant chez un sujet âgé de moins de 40 ans qui n'est

pas cardiaque est presque à coup sûr syphilitique (Pierre Marie).

La lymphocytose du liquide céphalo-rachidien en dehors de la tuber-

culose et de quelques rares processus de méningite subaiguë ou chro-

nique, est un signe de syphilis. '

L'apoplexie de l'adulte est également souvent liée à la syphilis.

Enfin nous avons écarté le tabès et la paralysie générale qui sont consi-

dérés par la majorité des auteurs comme des accidents syphilitiques.

Nous nous contenterons de rappeler les arguments de Fournier ; fré-

quence extrême des antécédents syphilitiques chez ces malades : nombre

considérable des sujets syphilitiques qui deviennent paralytiques géné-

raux ou tabétiques ; rareté extrême de la paralvsie générale chez les fem-

mes en dehors du milieu fréquenté par la syphilis ; rareté de la paralysie

générale chez les ecclésiastiques, etc.

Tilles sont les manifestations multiples que peut laisser derrière elle

la syphilis et qui pourront éclairer sur le diagnostic étiologique. Nous

ne voulons pas cependant terminer sans signaler l'existence d'accidents

syphilitiques tertiaires, de gommes chancriformes qui peuvent fré-

quemment être pris pour des accidents initiaux de la syphilis et faire

rejeter par conséquent toute influence étiologique à cette maladie dans

une affection du système nerveux. Il est nécessaire d'avoir toujours ces

faits présents à l'esprit pour se garder de semblables erreurs. ,

SYPHILIS HÉRÉDITAIRE

Une enquête sur l'hérédo-syphilis doit, suivant Fournier, porter sur la

famille. tout d'abord sur les ascendants et même sur les parents de ces

ascendants. On peut en effet incriminer la syphilis de seconde génération.

D'autre part, l'enquête portera sur les collatéraux. Le signe le plus

caractéristique c'est la polymortalité infantile caractérisée par les avor-

[O. CROUZON ]

1108 STIGMATES DE LA SYPHILIS.

tcments, les accouchements avant terme, les naissances à terme d'enfants

morts-nés ou par des morts d'enfants dans les premières semaines ou

dans les premiers mois, morts souvent très rapides et même subites.

Enfin l'enquête sur les collatéraux survivants pourra permettre de

retrouver sur eux quelques stigmates d'hérédo-syphilis.

L'enquête sur le malade portera sur ses antécédents, sur la recherche

des maladies de l'enfance, s'il a eu des érosions, des maladies de gorge,

des maux d'yeux, des écoulements d'oreilles, des douleurs osseuses, des

convulsions, si son développement a été difficile et ce n'est qu'après avoir

acquis ces renseignements qu'on pourra procéder à l'examen direct du

malade.

A une époque rapprochée de la naissance, la tare hérédo-syphititiquc

s'accuse par une chétivité : l'enfant ne fait que dépérir et succombe peu

de temps après, ou bien il se développe normalement puis tout à coup se

met à dépérir rapidement, ou après une période normale il dépérit graduel-

lement et meurt, c'est là le processus qui explique la polymortalité in-

fantile chez les syphilitiques. Quoi qu'il en soit. l'enfant, à cette période,

a l'aspect sénile. A un âge plus avancé, la tare héréditaire n'a plus d'ex-

pression aussi accentuée, il s'agit simplement d'enfant malingre et

débile. ..

Le développement physique peut subir des retads et des imperfections :

la marche et les dents sont retardées, la croissance est pénible et l'en-

semble clinique se traduit par le mot infantilisme ; quelquefois la réduc-

tion de la taille et l'exiguïté des formes vont jusqu'au nanisme.

Quelquefois le rachitisme peut être une expression fréquente de la

syphilis héréditaire; il y a donc, suivant Fournier, une tendance à revenir

à l'opinion de Parrot qui rattachait le rachitisme à la syphilis.

Quelquefois enfin des exostoses de développement ou exostoses ostéo-

géniques peuvent être également un stigmate de syphilis.

Stigmates cutanés ou muqueux. Les stigmates cutanés ou

muqueux dans l'hérédo-syphilis IH' sont pas spéciaux par leur caractère il

l'hérédosyphilis, nous ne mentionnerons que les cicatrices péri-buc-

chales si communes chez les enfants hérédo-syphilitiques du premier âge

qu'on appelle stigmates de Fournier et qui sont caractérisés par l'aspecl

fripé et irrité de la peau au niveau des commissures et du menton,

aspect produit par un lacis de sillons cicatriciels sur la muqueuse labiale,

ou perpendiculaires au grand axe des lèvres, cicatrices d'anciennes

rhagades.

D'autre part, les cicatrices tombo-fessières ou stigmates de Parrot sont

les vestiges de ces syphilides si communes dans l'enfance; ces cicatrices

sont des taches blanchâtres à contours indécis qui sont tout Ù fait frustes

et doivent être bien recherchées pour être vues, ce caractère atténué

et effacé est un témoin de leur ancienneté. '

Stigmates testiculaires. - Ce sont, ou bien une atrophie scléro-

tique de l'organe consistant dans un testicule petit, dur et irrégulier,

STIGMATES DE LA SYPHILIS. 110'J

vestige du sarcocèle syphilitique, ou bien c'est le testicule infantile.

Stigmates osseux. Quelquefois l'enfant a eu dans la jambe des s

douleurs osseuses, nocturmes et persistantes; quelquefois on a pu obser-

ver des fractures spontanées quand on examine l'enfant ou l'adulte, on

constate alors des lésions osseuses caractérisées par une exostose et

hyperoslose dans la croissance des os longs : tibias, fémurs, cubitus.

Ces hyperostoses peuvent produire l'aspect du tibia en lame de sabre

hyperostosé ou quelquefois, suivant Lannelongue, la maladie de Pagel.

Enfin, l'hérédo-syphilis peut produire des lésions rachitiques ou pseudo-

rachitiques ou enfin même une déformation connue sous le nom de

thorax en entonnoir (Gaucher et Crouzon).

Stigmates articulaires. La syphilis peut produire des hy-

darthroses chroniques et même des arthropathies déformantes ou même

le rhumatisme déformant. -

Stigmates nerveux. Nous nous attacherons plus particulière-

ment aux stigmates nerveux de t liérédo-syphilis. Fournier signale les

convulsions comme un signe de méningite syphilitique de l'enfance ; on a

signalé également quelques signes d'incontinence d'urine par hérédo-

syphilis. Nous ne nous arrêterons pas sur les troubles des réflexes pupil-

laires déjà décrits dans la syphilis acquise ni sur les troubles des réflexes

rotuliens. L hérédo-syphitis peut produire également des arrêts de déve-

loppement intellectuel à tous les degrés.

Stigmates dystrophiques de l'hérédo-syphilis. Ces

stigmates ont été décrits par Ed, Fournier dans sa thèse (Paris, 1898) :

il les divise en dystrophies totales, dystrophies partielles, dystrophies du

développement intellectuel et dystrophies de prédisposition.

1° Les dystrophies totales se traduisent par les modifications dans

l'habitus, le visage et la constitution que nous commenterons.

2° Dystrophies partielles. Au premier rang de ces dystrophies

partielles il faut citer les malformations crâniennes du front, c'est la

proéminence en masse, l'aspect bombé qui constitue un front olympien ;

ce peut être le front à bosselures latérales, chaque bosselure étant située

de chaque côte de la ligne médiane, ou encore le front en carène bossue

par les saillies médianes qui suivent le trajet de la suture médiofrontale

ou quelquefois c'est le crâne natiforme qui est spécifique de l'hérédo-

syphilis, suivant Fournier. C'est un crâne qui représente assez exacte-

ment la forme des fesses : il est. renflé à la partie supéro-postérieure en

deux moitiés globuleuses qui sont séparées par une rigole médiane

antéro-postéricurequc l'on peut comparer au pli Intrafessicr.

L'asymétrie crânienne, les synostoses du crâne, t'acrocéphalie, la

(10111'IIOI'.tl)Il,lIIC, la scapbocépbatic. la microcéphatic ont été également

signalées comme des stigmates d hérédo-syphilis. .

Plus importante est l'hydrocéphalie : elle constitue un phénomène

d'observation assez commune et Fournier en a rassemblé 170 exemples.

Suivant lui, l'influence hérédo-syphililique peut se traduire par l'hydro-

[O. CROUZON.]

1110 STIGMATES DE LA SYPHILIS.

céphalie et constitue même un élément important de l'étiologie de cette

affection.

Conséquemment l'hydrocéphalie peut être considérée comme un stig-

mate d'ilérédo-sypinlis. -

Enfin, on peut voir quelquefois associé à l'hydrocéphalie, quelquefois

indépendant d'elle, un autre stigmate décrit par A. Fournier ; c'est la

circulation crânienne collatérale : ce développement exagéré du système

veineux est surtout marqué sur le trajet de la veine temporale superfi-

cielle, sur le trajet des veines frontales. Ce signe s'observe avec une no-

table fréquence dans l'hérédo-syphilis et peut-être même plus fréquem-

ment que dans n'importe quelle autre maladie.

Stigmates faciaux. On constate ces stigmates sur le nez, la

bouche, les mâchoires et le pavillon de l'oreille.

Sur le nez, on peut trouver la trace de malformations natives peu

caractéristiques : ce sont l'élargissement et l'aplatissement de la base du

nez. quelquefois le nez camard. Mais plus caractéristiques sont les mal-

formations qui sont consécutives à des lésions nasales dont les symptômes

fonctionnels ont été le coryza chronique, jetage nasal, épistaxis, ozène

et expulsion des fragments osseux. L'effondrement du nez peut se pro-

duire sous deux aspects particuliers, ou bien c'est l'effondrement de la

base du nez, des os propres du nez, il y a alors une excavation qui rem-

place la racine et la pointe du cartilage, delà cloison, le segment inférieur

du nez se fait alors, en rentrant dans le segment supérieur, il y a alors

enchâssement, télescopage du nez en lorgnette.

On a signalé encore d'autres malformations hérédo-syphilitiques aussi ca-

ractéristiques : le bec-de-lièvre, les malformations diverses des maxillaires.

Le pavillon de l'oreille peut, lui aussi, présenter des stigmates d'hérédo-

syphilis : ce sont les malformations connues sous le nom d'oreilles géantes

ou oreilles infantiles, ou oreilles rondes, oreilles en plat à barbe, oreilles

de faunes, etc.

Ces anomalies ne sont pas spéciales il la syphilis, ce sont des malforma-

tions de dégénérescence qui peuvent mettre quelquefois sur une piste

utile il suivre pour la découverte de rhél'l;do-syphilis.

Triade d'J/utcltinson, Le triade lrIlutchinson se compose de trois

sortes de lésions : stigmates auriculaires, stigmates oculaires, stigmates

dentaires.

Stigmates auriculaires. C'est le souvenir ou quelquefois la persis-

tance d'écoulements d'oreilles. D'autre part, la présence de cicatrices du

tympan ou de perforation de cette membrane, la destruction complète ou

incomplète de la chaîne des osselets; enfin la persistance de troubles

auditifs.

Ces troubles sont caractérisés par leur brusquerie d'apparition, leur

progression rapide et leur intensité habituelle. Quelquefois ces troubles

auditifs aboutissent il la surdi-mutité.

Stigmates oculaires. Les stigmates oculaires tiennent le premier-

STIGMATES DE LA SYPIIILIS

rang dans la sémiologie de l'hérédo-syphilis tardt\ ? E-P<7Ûier). Le

malade a eu le plus souvent dans l'enfance des maux d'yeux longs et

terribles pourtant sans douleurs ayant souvent intéressé les deux yeux :

ce sont le plus souvent des lésions d'iritis, d'irido-choroïdite, kératite

interstitielles; d'autre part, le strabisme convergent peut être une mani-

festation de l'hérédité ; enfin, ce sont les stigmates cornéens, les reli-

quats de la kératite interstitielle caractérisées par les opacités profondes

avec absence de méplats et des surfaces et persistance d'un fin réseau

musculaire.

D'autre part, des stigmates iriens, déformation de cet orifice.

Enfin il existe des stigmates du fond de l'oeil, foyers atrophiques ou

scléreux de chorio-rétinitc ou dépôts pigmentaires chorio-rétiniens qui

sont, suivant E. Fournier, des stigmates rudimentaires.

Un certain nombre de troubles fonctionnels sont en rapport avec ces

stigmates : c'est l'amblyopie, l'héméralopie, la myopie, etc. Enfin il

peut exister aussi un certain nombre de malformations oculaires : mal-

formation des orbites, des paupières, etc.

Stigmates dentaires. Les stigmates dentaires sont des plus impor-

tants, le plus souvent il y a eu un retard dans l'évolution du système den-

taire : au lieu de percer ses premières dents vers 6 ou 8 mois, l'enfant

les perce vers 10 mois, un an, 15 mois et plus tard : d'autre part, l'examen

des dents permet de trouver 4 stigmates de l'hérédo-syphilis.

1° C'est l'atrophie cuspidienne de la première grosse molaire : cette

lésion consiste dans un état atrophique, une sorte d'usure et de quasi-

destruction du sommet de la dent, alors que là encore la dent se pré-

sente normale, bien constituée, il semble qu'on voie une dent plus petite

sortir d'une dent plus grande et cette dent plus petite est irrégulière,

hérissée d'éminences rugueuses :

2" On peut constater des dystrophies cuspidiennes multiples systéma-

tisées d'une façon homologue pour une même série de dents sur tout un

groupe d'incisives ou de canines par exemple. Ce sont des érosions coro-

naires en cupules, en sillons, donnant l'aspect de dents en gradins ou en

nappes, ou bien ce sont des érosions cuspidiennes portant sur l'extrémité

libre, donnant l'aspect de dents à sommet laminé, ou de dents à sommet

élimé, ou de dents en clous de girolle.

Enfin la dystrophie dentaire la plus célèbre est la dent d'IIutchinson :

c'est une érosion en échancrure semi-lunaire ou échancrure en croissant

ou échancrure en coup. Cette échancrure occupe le bord libre de la dent.

quelquefois il existe, en dehors, un aspect, en tournevis ou une direction

oblique convergente. Cette malformation dentaire siège au niveau des

incisives médianes supérieures de seconde dentition, elle est le plus

souvent symétrique. Enfin celle lésion n'apparaît qu'à un certain âge;

chez les sujets jeunes, l'échancrure n'existe pas au delà de l'adolescence,

et vers 50 ans l'échancrure disparait complètement.

En dehors de ces stigmates très importants, on peut encore signaler

' [O. CROUZON.]

! il 2 STIGMATES DE LA SYPHILIS.

d'autres malformations dentaires qui consistent soit dans l'exiguïté de

taille de la dent, soit dans la persistance des dents de lait. Nous n'insis-

terons pas sur les autres malformations dentaires, sur la vulnérabilité,

sur les autres stigmates provenant de l'espacement anormal des dents, de

la désorientation des dents, de l'absence de certaines dents onde l'engre-

nage vicieux des arcades dentaires. -

Enfin, l'hérédo-syphilis peut produire un certain nombre de dystrophies,

de malformations, de monstruosités, elle peut produire le géantisme ou

le nanisme; elle peut être la cause de l'ichthyose, elle peut entrer pour

une part dans les dystrophies cardio-vasculaires (rétrécissement mitral,

persistance du trou de Botal, etc.). Elle peut causer également des ectasies

veineuses non seulement crâniennes, mais disséminées sur la surface du

tégument cutané. Enfin, elle peut produire un certain nombre de mal-

formations tératologiques qui n'ont rien de caractéristique.;

Il se peut qu'un malade hérédo-svphilitidue ne présente aucun des

stigmates que nous venons de mentionner ; quelquefois un seul stigmate

mettra sur la voie du diagnostic, ce sera, par exemple, les lésions den-

taires, il faudra donc faire la part des stigmates causant véritablement

la syphilis et des stigmates simplement dystrophiques. Les stigmates

dystrophiques n'impliquent pas la syphilis chez les sujets qui les por-

tent, elles dénoncent une tare héréditaire, mais ces sujets peuvent être

indemnes de syphilis puisqu'on a observé la syphilis acquise chez des

sujets présentant ces stigmates.

Pour conclure, il faut attacher, suivant Fournier, une importance ca-

pitale et pathognomonique pour l'hérédo-syphilis aux signes suivants : le

crâne natiforme, fia dent d'Ilutchinson, le tibia en lame de sabre et, la

dent en tournevis.

RÉACTION DE WASSERMANN

Le séro-diagnostic de la syphilis, par la méthode de Wasscrmauu. est,

de l'opinion de la plupart des cliniciens, capable de donner les plus pré-

cieux renseignements dans les cas douteux : elle se rencontre en (,n'et

non seulement dans les cas de syphilis récente, mais dans les cas de

syphilis très ancienne.

Nous ne pouvons entrer ici dans l'exposé de la technique de ce séro-

diagnostic, nous nous contenterons d'indiquer les résultats des recherches

pratiquées dans les maladies du système nerveux.

La réaction de Wassermann se rencontre presque toujours chez les

tabétiques et les paralytiques généraux, même ont été traites

d'une façon intensive.

Elle se rencontre également dans les cas de syphilis cérébro-spinale

avérée.

STIGMATES DE LA SYPHILIS. 1115

Mais on l'a rencontrée aussi dans un certain nombre de maladies du

système nerveux où la syphilis ne pouvait être que soupçonnée : la

réaction de Wassermann a apporté une preuve de syphilis.

Les recherches de M. Joltrain, sur les malades de l'hospice de Bicèire,

ont apporté des éclaircissements sur beaucoup de points.

Les lacunaires que M. Pierre Marie considérait pour une partie comme

syphilitiques ont eu une réaction positive fois sur 11.

Chez les hémiplégiques vulgaires, Joltrain a rencontré 8 réactions

positives sur 15.

Dans la sclérose en plaques, la réaction a été positive dans les trois cas

observés. Et ce résultat a d'autant plus d'intérêt que M. Pierre Marie a

montré cliniquement l'origine syphilitique de certaines scléroses en

plaques. De même, la réaction était positive dans deux cas d'hydro-

céphalie et dans un cas de paralysie pscudo-bulbail'c.

Nous ne saurions mieux donner une idée de l'intérêt comparatif de ces

recherches qu'en reproduisant ci-dessous le tableau de M. Joltrain.

TRAITEMENT DE LA SYPHILIS DU NEVRAXE

par Georges GUILLAIN

Les accidents nerveux d'origine syphilitique doivent être traités d'une

façon précoce. La médication mercurielle et indurée donne en effet des

résultats très favorables dans les lésions récentes, mais elle n'agit pas ou

fort peu sur les lésions anciennes, sur les dégénérations secondaires. *

Dans la syphilis nerveuse dont les accidents sont souvent menaçants,

le traitement doit être pratiqué, en principe, d'une façon intensive. Peut-

être y a-t-il dans certaines formes de myélite syphilitique un correctif à

faire à ce principe.

La mercurialisation par les pilules ou par les potions ne doit pas être

conseillée pour traiter la syphilis nerveuse. Il faut avoir recours aux

frictions mercurielles, et principalement aux injections.

Le traitement par les frictions sera préconisé lorsque le malade est

éloigné d'un médecin ou manifeste une pusillanimité telle qu'il refuse

les injections. On prescrira alors des frictions cutanées d'onguent mer-

curiel double la dose de 4 ou 5 grammes par jour; ces frictions

seront faites dans les plis de flexion des membres, alternativement dans

l'un ou l'autre d'entre eux, durant vingt jours consécutifs; on inter-

rompra alors le traitement durant dix jours et on fera une nouvelle série

de vingt frictions. Ce même traitement pourra èlre conseillé de nouveau

à des intervalles plus ou moins éloignés pendant plusieurs années; cela

dépendra de la forme clinique et de l'évolution du cas observé.

Le traitement le meilleur de la syphilis nerveuse est le traitement par

les injections; on connaît ainsi la dose exacte de mercure introduite dans

1 économie. On emploie soit les sels solubles de mercure, soit les sels

insolubles. Les sels solubles sont injectés il petites doses ctadesinter-

valles de temps rapprochés, les sels insolubles sont injectés il des

intervalles de temps plus ou moins longs, ce qui est un avantage pour

les malades, mais il convient d'ajouter que l'intoxication mercurielle

paraît plus fréquente avec ces derniers. Les sels solubles seront injectés

quotidiennement pendant vingt jours, les sels insolubles seront injectés

une fois par semaine durant cinq semaines. Les injections doivent d'ail-

leurs être renouvelées pendant plus ou moins longtemps.

- TRAITEMENT DE LA SYPHILIS DU KÉVRAXF. 1115

Préparations de sels mercuriels solubles. On emploie surtout le

biioduré de mercure, le benzoate de mercure, le sublimé.

Biiodure de mercure : .

1116 TRAITEMENT DE LA SYPHILIS DU NÉVRAXE.

Cyanure de mercure. Les solutions de cyanure ou d'oxycyanure

de mercure sont employées spécialement pour les injections intra-

veineuses, elles ne coagulent pas le sang.

TRAITEMENT DE LA SYPHILIS DU NÉVRAXE. 1117 7

stitué, mais il semble qu'il puisse enrayer l'affection et éviter le dévelop-

pement de lésions nouvelles. Chez les paralytiques généraux les résultats

du traitement sont le plus souvent négatifs et môme la maladie peut

être aggravée. Toutefois il est difficile de se prononcer exactement sur

ce sujet, car le traitement est très fréquemment commencé il une période

beaucoup trop tardive, alors que les lésions sont déjà anciennes et très

accentuées. Il parait cependant bien certain que les syphilis soignées

au début d'une façon intensive et pendant plusieurs années ont moins

de chance d'être suivies plus tard du tabès ou de la paralysie générale.

Le traitement des manifestations nerveuses de la syphilis chez les

enfants se fera par les frictions mercurielles, la liqueur de Yan Swieten

et les injections de sels solubles. Les doses des médicaments employés

varieront suivant l'âge de l'enfant et suivant la forme clinique de la

syphilis.

Des recherches récentes sont poursuivies sur le traitement de la

syphilis du névraxe et des affections parasyphilltiqucs par le dioxydiami-

doarsénohenzol (préparation 000 d'Erlich). Les résultats acquis dans les

cas de lésions nerveuses syphilitiques me paraissent trop incertains pour

pouvoir déjà spécifier avec précision les indications et les contre-indi-

cations de cette méthode.

[G. GUILLAIN.] 1

PERCUSSION ET AUSCULTATION

DES CENTRES NERVEUX

par le Dr F. MOUTIER

Ces différentes méthodes d'exploration sont encore peu précises, et les

données actuelles ne permettent pas de porter un jugement définitif sur

leur valeur. ? '.

La pression demande il être distinguée de la percussion. Elle suffit

parfois, notamment au niveau du rachis, à déceler une zone, une apo-

physe douloureuses. La douleur éveillée peut être extrêmement violente.

On se souviendra que des points peu sensibles à tout autre mode d'explo-

ration se révèlent soudain lorsque l'on promène au long des vertèbres

une éponge chaude. Ce procédé s'utilise souvent dans le diagnostic du

mal de Pott. Signalons, au niveau de la base du crâne, la sensibilité

de la voûte pharyngienne à la pression, dans les cas de tumeur de la

fosse cérébrale moyenne.

La percussion s'emploie principalement au niveau du crâne. Nous pos-

sédons à ce sujet quelques données fournies par les travaux de Mori et de

Paoli, Mac Ewen, Gilles de la Tourettc et Chipault, Bruns, Koplik. Ces

auteurs ont également étudié l'homme sain et le cerveau malade. Il

convient de ne pas oublier la valeur des termes : un son est de tonalité

d'autant plus grave qu'il est plus sonore, plus prolongé. Chez l'enfant

normal, le son est beaucoup moins mat que chez l'adulte, et la sonorité

est plus forte au niveau des frontaux et pariétaux qu'au niveau de l'oc-

cipital, ce qui correspond à des épaisseurs plus faibles des premiers de

ces os. Il faut du reste apprécier surtout la résistance au doigt, l'élas-

ticité du choc, et percuter en veillant il l'occlusion de la bouche du sujet.

Duret conseille de placer la bouche en position moyenne, correspondant

à la prononciation du son ou. 11 est préférable enfin de percuter direc-

tement et de négliger le plessirnèi,re et le marteau.

La percussion est parfois douloureuse : cette sensibilité peut être loca-

lisée et répondre à quelque lésion sous-,jacente, ou être diffuse et témoi-

gner d'un degré variable d'hypertension inlra-cranienne. Bechterew a

signalé la sensibilité spéciale de l'apophyse zygomatique dans les tumeurs

de la base.

PERCUSSION ET AUSCULTATION DES CENTRES NKRYEUX. 1119

En d'autres cas, on constate soit des variations de la sonorité, soit la

production de sons anormaux. Chez l'enfant rachitique, la sonorité du

ptérion et de la bosse temporale augmente, traduisant, dit-on, un agran-

dissement du ventricule latéral par l'accumulation du liquide céphalo-

rachidien. En effet, la zone sonore n'est de règle au niveau des parié-

taux qu'a partir de deux ans : à ce moment, toute dilatation vcntricuhure

par un excès de liquide exagère la sonorité (signe de Mac Ewcn'l. Le

malade doit être assis la tête rigoureusement droite, autrement les pres-

sions ne se répartiraient pas également dans les ventricules. On constate

la sonorité cherchée dans la méningite tuberculeuse au début, dans les

tumeurs du cervelet et du plancher du 4e ventricule avec compression

des veines de Galion et hydropisie 'elltl'IC1111111'e ? 11 contraire, dans la

méningite cérébro-spinale et d'une façon générale dans tous les cas où

du liquide s'interpose entre le crâne et le cerveau, on constate de la

matite aux points considérés.

Chez l'adulte, l'augmentation de la sonorité témoigne surtout d'un

amincissement de la paroi, « c'est plutôt un signe d'altération de l'os

qu'un signe de localisation des tumeurs » (Duret). La matité peut èlre

plus considérable à son tour et indiquer alors une épaisseur anormale

des parois, indice utile à connaître avant l'intervention chirurgicale. 11

peut s'agir dans de tels cas d'hyperostoses localisées ou de ces crânes

plus ou moins uniformément épaissis tels qu'on présentent arriérés,

idiots, épilclotiqucs, hérédd-syphililiques.

Enfin il peut se produire un son inexistant normalement, son 1 ! Jlllpa-

nique, bruit de pot fêlé. Le tympanisme se rencontre parfois au-dessus

dune trépanation, le bruit de pot fêlé au niveau d'une fracture, de

sutures disjointes par de l'hypertension céphalo-rachidienne. Ajoutons

que certains auteurs ont conseillé d appuyer un stéthoscope au niveau du

bregma et de pratiquer ainsi, afin de mieux recueillir les sons. une sorte

de percussion auscullatoirc.

L'auscultation, fournit peu de résultats chez l'enfant. En appuyant

légèrement le stéthoscope au niveau des fontanelles, on peut entendre un

souffle doux, systolillue, signalé spécialement dans l'hydrocéphalie, dans

l'anémie, le rachitisme. 11 manquerait dans les méningites. Chez

l'adulte, les anéuismes des artères de la base de l'encéphale, les tumeurs

richement vascularisées, les néoplasies comprimant quelque vaisseau

sanguin, déterminent des souffles continus ou non, d'intensité très

variable parfois chez le même individu. La compression de la carotide

peut en diminuer la tonalité (Duret). Enfin, il ne faudrait pas se laisser

induire en erreur par ce l'ait que, chez les anémiques, le souffle caroti-

dien se prolonge souvent à l'intérieur du crâne (Oppenheim, d'après

Duret).

Ludion a préconisé récemment l'emploi du phonendoscope pour recon-

naître les localisations vertébrales de l' « arilrnlis deformans ».

[F. MOUTIER]

LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN

PONCTION LOMBAIRE ET SÉMÉIOLOGIE DU LIQUIDE

CÉPHALO-RACHIDIEN

par le D' CROUZON

PONCTION LOMBAIRE '

La ponction lombaire est une ponction des méninges rachidiennes au

niveau de la région lombaire, dont le but est l'extraction d'une petite

quantité de liquide céphalo-rachidien comme moyen thérapeutique ou

comme moyen de diagnostic. ,

Technique de la ponction lombaire ? Avant de pratiquer

une ponction lombaire, on se préoccupera d'avoir une aiguille, des tubes

destinés à recueillir le liquide céphalo-rachidien, et enfin tous les objets

nécessaires à assurer l'asepsie et l'anesthésie de la peau du malade.

1° L'aiguille sera une aiguille en platine iridié, longue de 8 à 10

centimètres, fine; l'aiguille de Tuffier mesure 1 millimètre de diamètre

externe et G/10 de millimètres de diamètre interne.

Les aiguilles en platine iridié sont préférables aux aiguilles en acier,

car, même après un long usage, elles glissent bien dans la peau. L'ai-

guille devra avoir un biseau court, de façon que ce biseau soit tout

entier à l'intérieur de l'enveloppe arachnoïdienne.

Enfin, il est de la plus haute importance que cette aiguille soit munie

d'un fil rigide en laiton, qui permettra de s'assurer, comme nous le

montrerons plus loin, de la perméabilité de l'aiguille.

Cette aiguille sera rendue aseptique par l'ébullition dans l'eau, pen-

dant dix minutes. Toutefois, il sera préférable d'avoir, dans un labora-

toire, des aiguilles stérilisées à l'autoclave, dans des tubes à essai : on

aura ainsi, à sa disposition, des aiguilles toujours prêtes.

2° Attitude du malade. Le malade sera placé, soit dans le décu-

bitus latéral, soit dans la position assise.

Le décubitus latéral s'impose dans les cas de méningite, chez les

comateux. Sicard le préfère chez tous 'les malades. Dans ce cas, le

sujet est mis dans la position en chien de fusil, on lui fait fléchir les

LIQUIDE I;IPII1L0-R : 1CIIIDIG\. 1121 I

genoux et rapprocher la tête de ses genoux, en cherchant à lui faire faire

« le gros dos ».

Pour la position assise, on pourra le faire mettre sur le bord de

son lit, ou sur un escabeau, ou enfin sur une chaise dont le dossier

soit placé latéralement ; on recommandera au malade de baisser la

tète en avant, de croiser ses bras, et de poser ses coudes sur ses

genoux.

5" Recherche des points de repère. La ponction lombaire sera

pratiquée dans l'espace situé entre la 4e et la 5e lombaire ; or, une ligne

transversale unissant les deux crêtes iliaques passe au niveau de l'apo-

physe épineuse de la quatrième lombaire. On prendra donc comme

point de repère les deux crêtes iliaques, on cherchera, sur la ligne

transversale qui les unit, une crête saillante (4e lombaire), et le doigt de

la main gauche marquera l'interstice sous-jacent. C'est à ce niveau que

t sera pratiquée la ponction.

4" Asepsie et anesthésie de la peau. - La région lombaire, autour

du point choisi, sera savonnée, lavée au sublimé, à l'alcool et à l'éther,

ou plus simplement nettoyée à la teinture d'iode et, après avoir fait cette

toilette de la peau, on pourra placer sur la région lombo-iliaque une

large compresse stérilisée, un champ opératoire, au centre duquel on

aura fait une fenêtre; ce champ opératoire permettra à l'opérateur, dont

les mains auront été aseptisées, de prendre de nouveau le repère des

crêtes iliaques sans se contaminer les mains.

L'ancsthésie de la peau pourra être obtenue par la simple application

d'un tampon d'éther; on se servira le plus souvent du chlorure d'éthyle.

Brissaud, Grenet et Rathery ont cherché à réaliser l'anesthésie des

plans profonds, en injectant une solution de cocaïne ou de stovaïne au

centième. Avec la cocaïne, il faut quatre à cinq minutes avant d'obtenir

une anesthésie; avec la stovaïne, l'anesthésie est presque immédiate.

5" Ponction du canal rachidien. On prendra l'aiguille de la main

droite, entre le pouce et le médius, à la façon d'une plume à écrire,

l'index étant appliqué sur le pavillon, et destiné à diriger l'aiguille.

L'aiguille sera enfoncée dans l'interstice marqué par l'index de la

main gauche, sur le côté interne de ce doigt, à un demi centimètre

environ de la ligne médiane, ou même, suivant Aubourg, au niveau de la

ligne médiane.

L'aiguille sera dirigée légèrement en haut et en dedans, elle sera

enfoncée doucement, et si l'aiguille pique bien, avec l'anesthésie au

chlorure d'éthyle le malade ne devra pas sentir la ponction. L'aiguille

traversera la masse musculaire et arrivera au ligament jaune qui présentera

une consistance un peu plus rude, mais facile à vaincre.

Le passage à travers ce ligament jaune donne une sensation spéciale

qui ne trompe pas, analogue à celle que l'on percevrait en piquant une

peau de tambour; cette sensation étant perçue, on pourra affirmer que

l'aiguille est dans le canal rachidien.

PRATIQUE 1(I- : UI\OL" 71 I

[O. CROUZON.]

'il 22 LIQUIDE CÉPIIALO-nACIIlDIEN.

L'aiguille sera entrée à ce moment de 4 à 6 centimètres chez l'adulte,

de 1 /2 à 5 5 chez l'enfant.

6" Écoulement du liquide. Le liquide s'écoule normalement goutte

à goutte, on enlève le fil conducteur qui a été laissé en place à l'intérieur

de l'aiguille, l'écoulement devient alors un peu plus rapide, le liquide

est recueilli dans des tubes effilés, destinés il la centrifugation; on

recueille, en général, trois centimètres cubes de liquide.

7° Incidents au cours de la ponction. A) L'aiguille est dans le

canal rachidien et l'écoulement du liquide ne se produit pas; c'est ici

qu'apparaît l'utilité du fil; nous avons vu que le fil devait être laissé à

l'intérieur de l'aiguille pendant la ponction, sans que, toutefois, il

dépasse le nivcau de l'aiguille ; si l'écoulement ne se produit pas, on

poussera légèrement le fil en avant, de façon à lui faire dépasser le

niveau de l'aiguille et à libérer ainsi l'orifice des débris cartilagineux

ou ligamenteux qui pourraient s'y trouver et l'obstruer. J

Si ce procédé ne réussit pas, on retirera et on poussera alternative-

ment l'aiguille de quelques millimètres, de façon à rechercher le point

optimum de l'enveloppe arachnoïdienne.

Mais, malgré ces manoeuvres, il arrive, de temps en temps, que le

liquide céphalo-rachidien ne s'écoule pas, et cet échec s'observe dans un

cas sur dix environ, d'après Sicard, et dans une proportion semblable,

dans une série de soixante ponctions lombaires que nous avons pratiquées

dans le service de M. Babinski.

Certains de ces cas peuvent être dus à l'existence d'une disposition

anatomique anormale; on a signalé, dans d'autres cas, l'existence de pus

collecté dans les méninges spinales, qui pouvait rendre impossible l'écou-

lement du liquide céphalo-rachidien (cas de Furbringer). '

B) L'aiguille pourra buter contre une lame vertébrale. Dans ce cas, il

faudra légèrement modifier la direction de l'aiguille pour trouver l'in-

terstice par tâtonnement.

C) Il peut s'écouler une petite quantité de sang au début de la

ponction.

Quelques gouttes de sang s'écoulent, puis sont suivies de gouttes san-

guinolentes plus claires, enfin le liquide céphalo-rachidien s'écoule lim-

pide. On le recueillera seulement alors cc moment, et on recomman-

dera au malade de ne pas faire d'effort pour éviter le retour de quelques

gouttes de sang qui viendraient souiller le liquide céphalo-rachidien.

D) Le malade pourra se plaindre d'une douleur vive au niveau du

pied, d'une crampe violente au niveau de la jambe.

Il s'agit, en ce cas, d'une piqûre d'une racine de la queue de cheval;

celle douleur est passagère, mais, dans certains cas, on pourra la faire

disparaître en changeant très légèrement l'aiguille de place.

8° La ponction est terminée. On retirera brusquement l'aiguille,

on nettoiera la région au sublimé ou à l'alcool, on pourra y appliquer un

peu de collodion ou une goutte de teinture d'iode.

LIQUIDE CI : PHALO-RACIIIDIEIV. 1125

9° Accidents de la ponction lombaire. On peut observer des acci-

dents immédiats et des accidents consécutifs.

A) Les accidents immédiats sont rares : ce peuvent être des vertiges,

des syncopes, Milian a apporté un exemple d'ictus apoplectique survenu

au cours d'une ponction lombaire; mais des accidents plus graves ont

été rapportés; on a observé, en Allemagne, plusieurs cas de mort immé-

diate au cours de la ponction lombaire.

Furbringer, sur 87 ponctions lombaires, a observé cas de mort

subite : 2 fois chez des urémiques, et 3 fois chez des individus atteints

de tumeur cérébrale. Lichteim, Gumprecht, Martin ont observé des cas

analogues. De Lapcrsonne et Cerise ont eu un cas de mort après ponction

lombaire dans un cas de tumeur cérébrale. Toutefois, cette complication

est rare. Jean Nunet et Lavoix ont fait le total des cas publiés jusqu'en

1909 et en comptent 34.

B) Accidents tardifs. Le plus important des accidents tardifs est

la céphalée; le mal de tête est assez fréquent après la ponction lombaire.

Milian a même dit qu'il était constant, mais il n'atteint une intensité

considérable que dans des cas exceptionnels; quelquefois, des vomisse-

ments s'y adjoignent, la température peut s'élever à 58° ou 39° ; on a

alors un tableau qui simule absolument la méningite; et Milian rapporte

un cas dont nous avons été personnellement témoin, où ce syndrome mé-

ningitique a duré huit jours. Nageotte (Société médic. des llôpit., 7 juin

1901), rapporte un cas semblable où la ponction lombaire, chez un

épileptique, provoqua la céphalée, des nausées et des vertiges pendant

huit jours après la soustraction d'un centimètre de liquide.

Ces accidents étaient attribués autrefois à la piqûre des méninges, ou

à la soustraction d'une quantité de liquide. Sicard pense qu'il y a ouver-

ture des méninges en un point déterminé ; que cette ouverture permet

l'écoulement du liquide céphalo-rachidien dans le tissu cellulaire sous-

cutané ; et c'est cette prolongation de l'écoulement qui produit la céphalée.

L'antipyrine a peu d'effet sur cette céphalée ; pour l'éviter on conseillera

au malade le repos, ou on le mettra la tête en bas, sorte de position de

Trendelenburg ; cette position évitera, suivant Sicard, l'écoulement du

liquide céphalo-rachidien par les pertuis restés ouverts.

Mais, d'autre part, Assépow, dans des recherches expérimentales sur

des chiens, a constaté que la ponction lombaire provoquait une hyperé-

mie des méninges et pouvait augmenter une hémorragie cérébrale déjà

existante.

Enfin, on a signalé des modifications des réflexes tendineux : diminu-

tion, après la ponction, des réflexes rotuliens (Pita et Abasie). ou enfin

l'apparition d'un clonus du pied. D'autre part, Mongourd, de Bordeaux

(Société Biologie, 1q0), a signalé une légère augmentation des réflexes

après la ponction lombaire. Quoi qu'il en soit, ces accidents sont des

plus rares. Ségua a signalé aussi, chez le cobaye, la diminution des mou-

vements réflexes à la suite de la soustraction du liquide.

i

. [O. CROUZON.

H24 LIQUIDE CÉPIIALO-RACHIDIEN.

On a signalé enfin (Henneberg) des hémorragies de la queue de

cheval à la suite d'une ponction lombaire.

Résultats de la ponction lombaire. Pression. Le

liquide s'écoule en général goutte à goutte, c'est là l'écoulement normal,

mais il peut se faire que le liquide s'écoule en jet, ou très rapidement;

dans ces cas, il y a augmentation de la pression; cette pression peut être

mesurée à l'aide d'un manomètre, plusieurs instruments ont été con-

struits dans ce but, l'un sur les indications de Kroenig, de Berlin, un

second plus récemment sur celles de Frank Eve par Allen et Hamburger :

l'instrument consiste en une aiguille à ponction lombaire à laquelle est

adapté un tube de verre gradué, d'un côté et de l'autre, un tube permet-

tant au liquide de s'écouler dans le tube à essai.

La pression calculée suivant l'appareil de Frank Eve est normalement

de 5 à 8 pouces.

Calculée par rapport à une colonne d'eau, elle est chez un adulte couché

de 120 millimètres. Quand il est assis, elle s'élève à 330 ou 350 d'après

Kroenig.

Parisot a construit un manomètre double. '

En pratique, on peut souvent se passer du manomètre et l'on appré-

ciera la pression du liquide d'après l'écoulement, à condition que l'ai-

guille ait été bien nettoyée et bien ramonée au trocart.

La pression du liquide céphalo-rachidien a pu être étudiée dans

diverses maladies. Dans l'épilepsie, Nageotte et Jamais (Société mé-

dicale des Hôpitaux, i 7 janvier 1902) ont constaté que le liquide s'écoule

avec rapidité chez la plupart des malades; chez plus de la moitié d'entre

eux il se produit un jet continu pendant toute la durée de l'écoulement.

Ces faits ont été confirmés aussi par Biro. Dorméa l'a étudiée dans

l'épilepsie expérimentale sur des chiens; il a trouvé la pression augmentée

pendant l'accès épileptique.

La pression a été trouvée encore augmentée dans les méningites en

général (Quincke, Falkenheim, Naunya), dans l'urémie, dans l'hyd1'o-

céphalie. Cependant une pression normale a été rencontrée, dans ces

mêmes maladies, et on ne peut tirer aucun argument de l'absence de

cette augmentation de pression.

Quantité du liquide céphalo-rachidien. La quantité de liquide

céphalo-rachidien que l'on retire par une ponction lombaire sera variable

suivant qu'on pratique cette ponction lombaire dans un but diagnostique

ou dans un but thérapeutique; comme nous le verrons, cette quantité

se a de 5 centimètres cubes dans une ponction lombaire pour un cyto-

diagnostic. Dans une ponction lombaire thérapeutique, la quantité pourra

être beaucoup plus considérable ; dans ce but, il est important de con-

naître la quantité normale de liquide céphalo-rachidien que Magendie

déclarait être de 62 grammes, Cotugno de 125 à 155. Cette quantité peut

du reste varier suivant les sujets; elle semble plus considérable chez, les

vieillards, suivant certains auteurs, d'après Mya au contraire, elle attelli-

LIQUIDE CÉPIiALO-RACfiIDIEN. H21

drait son maximum vers la deuxième ou troisième année de la vie; puis

irait graduellement en diminuant.

Aspect du liquide. Le liquide céphalo-rachidien normal est clair

comme de l'eau de roche, comparable au liquide du kyste hydatique

(Milian), sa mobilité est très grande; agité, il retombe plus vite et mouille

moins que l'eau. Il devient trouble ou purulent dans les méningites

cérébro-spinales, reste au contraire limpide dans la méningite tubercu-

leuse, enfin, il peut être rosé ou rouge dans les hémorragies du névraxc.

On observe quelquefois un syndrome de méningite puriforme aseptique

avec intégrité des polynucléaires (Widal et A. Brissaud), Widal, Lemierre

et Boivin. Dans certains cas, cet état du liquide était dû à la syphilis des

centres nerveux. La valeur de cette coloration est telle, que le mot

chromo-diagnostic a été créé pour désigner les éléments de diagnostic

qui peuvent être tirés de cet aspect.

Chromo-diagnostic. Tuffier et Miliau, pour apprécier la valeur

exacte du symptôme, ont insisté sur la technique à appliquer à cette

étude. Il faut en effet éviter les causes d'erreur suivantes : l'aiguille en

traversant les tissus a piqué une veine de la peau ou des muscles, dans

ce cas le début seul de l'écoulement est teinté.

10 En recueillant le liquide dans trois tubes successifs, .on verrait que

le premier tube est le plus teinté, que le second n'a plus qu'une teinte

très minime et que le troisième est absolument limpide;

2° Un autre caractère permet de reconnaître le sang qui ne vient pas

de la cavité arachnoïdienne; en effet, dans les hémorragies intra-rachi-

diennes, le liquide sanguinolent obtenu n'est pas coagulable, les globules

rouges se déposent au fond du tube sous l'action de la pesanteur, mais

sans formation de caillot. Le sang venant directement des vaisseaux au

moment de la ponction coagule immédiatement : un caillot se dépose au

fond du tube si l'hémorragie est suffisante; si elle est peu abondante,

on trouvera seulement quelques flocons fibrineux nageant dans le liquide;

3° Il peut se faire que le sang s'écoule mêlé de liquide céphalo-rachi-

dien quand une aiguille à biseau longue se trouve à la fois dans une cavité

arachnoïdienne et dans une veine. Dans ce cas, il suffira d'imprimer des

mouvements de va-et-vient à l'aiguille pour que l'écoulement de sang

diminue.

Ainsi donc, nous avons trois procédés : procédé des trois tubes avec

différence de coloration, non coagulabilité du liquide, disparition de

l'écoulement rosé par les mouvements de va-et-vient qui nous permettront

de conclure à l'origine arachnoïdienne du sang.

Variations de coloration du liquide céphalo-rachidien hémorra-

gique. A) Teinte sanglante rouge cerise. Elle s'observe dans les

grandes hémorragies : hémorragie cérébrale, fracture du crâne ; cet

aspect est pathognomonique. La numération des hématies montre

9 2t10 000 hématies par millimètre cube environ (Milian), ces hématies

disparaissent rapidement et on voit apparaître le plus souvent la lym-

[O.CROUZON.]

))2fi LIQUIDE CL'l'IIALO-I; : 1CIIIDII\.

phocylose qui est l'indice de terminaison du processus et résorption.

B) On peut constater une couleur rosée ou couleur chair (Milian).

A cette coloration correspond environ 10000 hématies par millimètre

cube. Elle répond aux petites hémorragies ou aux hémorragies an-

anciennes dont une partie est déjà résorbée.

C) Coloration jaunâtre du liquide céphalo-rachidien (xantlwrromie .)

Cette coloration jaunâtre a pu être observée par Tuffier et Milian au

décours d'une hémorragie du liquide céphalo-rachidien dans une frac-

ture du crâne ; on peut observer donc cette teinte jaune du liquide dans

les hémorragies; la première explication qui avait été admise par Bard

et Sicard était que cette xanthochromie était due à l'hémoglobine, du

sang épanché y subissant une coloration pigmentaire spéciale. Il semble.

d'après les travaux de Gilbert et Herscher et ceux de Tuffier et lflilian,

que ce sérum soit coloré en jaune par un pigment : serochrome, plus

ou moins abondant suivant les sujets et qui est le témoin de la cholémie;

on conçoit alors que si une hémorragie du névraxe se produit au-dessus

du caillot, persistera un sérum qui par serochromie teintera le liquide

en jaune. Milian et Chiray ont rapporté une observation de méningite

il pneumoccoques qui démontre que cette xanthochromie n'est nullement

pathognomonique de l'hémorragie arachnoïdienne.

Coagulation du liquide céphalo-rachidien. Babinski a observé un

cas où la ponction lombaire retirait un liquide légèrement hémorra-

gique, prenant en masse : il s'agissait d'une véritable méningite fibri-

neusc hémorragique. Cestan et Ravaut ont observé un cas analogue, une

coagulation en masse associée à la xanthochronlie dans une pachyrnénin-

gomyélite du cône terminal. Ils ont fait le relevé des observations ana-

logues connues et n'en ont trouvé (pie dix.

Derrien, Mestrezat et Roger, Sicard et Descomps ont observé des cas

analogues avec xantoclrromie et hémalo-lymphocylose.

Densité du liquide céphalo-rachidien. La densité est variable sui-

vant les différents auteurs : .

Acbard et Locper l'évaluent 1,00 ? 1 ,004 ; Toison et Lenoble I,(101;

Marc Séc à 1 ,00(i et Lheriticr à 9,002; Widal et Sicard lui ont trouvé une

valeur de 1,004 à 1012 chez les tabetiqucs et les paralytiques généraux.

La composition chimique du liquide céphalo-rachidien est la suivante

d'après Ch. Robin : 4V-

LIQUIDE CÉI'lIALO-R : lCIlIDIGV. , 1127

On a pu voir cette composition chimique varier dans certaines con-

ditions. La teneur en albumine qui est très légère, suivant Robin, et aussi

suivant Marchand et Méhu, qui est même même nulle d'après Arthus et.

Schmid, peut être augmentée dans certaines affections des centres nerveux

suivant Sicard, Quincke, etc.

A l'état normal, le liquide céphalo-rachidien contient une substance

réductrice de la liqueur de Fehling. Grimberg et Coulot, Rossi, puis

Launois et Boulu ont montré que cette substance était le glucose, dont la

teneur normale est de 0,40 et 0,50 pour 1000, c'est-à-dire le tiers de la

quantité de glucose renfermé dans le sérum. De plus, Launois et Boulu ont t

constaté que, dans le diabète, la quantité de sucre était 3 ou 4 fois plus

grande qu'à l'état normal.

On a pu voir le glucose dans le liquide céphalo-rachidien des diabé-

tiques (Achard et toper, Widal et Sicard). Widal a pu voir le sucre

baisser proportionnellement après un régime, à la fois dans les urines et

dans le liquide céphalo-rachidien.

L'urée a été trouvée en forte proportion dans le liquide céphalo-rachidien

des urémiques (Comso). Dans le liquide céphalo-rachidien l'azote total

égale l'azote de l'albumine augmentant dans les maladies parallèlement

à l'augmentation de l'albumine; l'azote résidual varie peu, Comso ne l'a

trouvé augmentée considérablement que dans deux cas d'urémie.

Le liquide céphalo-rachidien n'est pas toxique.

Cryoscopie. Le point cryoscopique du liquide céphalo-rachidien

est de 0.72 à 0.78 suivant Widal, Sicard et Bavant (Soc. Biologie,

20 août 1900), alors que le sérum sanguin a un point cryoscopique de

0.5G. Ce. point cryoscopique baisse du reste dans la méningite tuber-

culeuse et dans la méningite cérébro-spinale.

Méthode cryoscopique de Bard. -Bard a proposé un procédé clinique

de détermination de l'isotonicité du liquide céphalo-rachidien, à l'état

normal; le liquide céphalo-rachidien a un degré cryoscopique inférieur à

celui du sang, c'est-à-dire qu'il est hypertonique. Une goutte de sang

de l'individu mélangé à une petite quantité de son liquide céphalo-rachi-

dien lui donne une coloration inégale d'un aspect trouble. Au microscope,

les globules rouges sont intacts et après centrifugation le liquide est inco-

lore ; au contraire, un liquide hypertonique a un aspect limpide, d'un

beau rouge, et les globules rouges sont dissous; après centrifugation le

liquide est jaune, on peut donc, par ce procédé, apprécier si un liquide

est hyper ou hypotonique ; mais on ne peut pas mesurer le degré exact de

l'isotonie; cependant en ajoutant au liquide céphalo-rachidien, goutte à

goutte, une certaine quantité d'eau distillée on ramène le liquide céphalo-

rachidien à une teneur moins élevée et on peut le rendre isotonique au

sang, le laquage se produira; on pourra donc calculer d'après le nom-

bre de gouttes d'eau distillée qu'on aura dû ajouter pour arriver à l'iso-

tonie l'écart de tonicité entre le liquide céphalo-rachidien et le sang.

Perméabilité méningée. A l'état normal, la méninge rachidienne

[0. CROUZON.]

1128 LIQUIDE CLPIiAT.O-RAClIIDIC1.

n'est pas perméable aux substances ingérées ou injectées dans l'organisme ;

par exemple l'iodure de potassium, le bleu de méthylène. Pour mesurer

la perméabilité de l'iodure de potassium on fera ingérer au malade deux

grammes d'iodure et on les cherchera dans le liquide céphalo-rachidien

par le réactif classique, à l'amidon; on voitapparaitre une coloration bleue

due à l'action de l'iode sur l'amidon, s'il y a de l'iodure dans le liquide

céphalo-rachidien.

Le passage du bleu est plus facile encore à constater : après avoir injecté

un centimètre cube d'une solution de bleu de méthylène dans la fesse, on

recherchera l'apparition de la coloration bleue dans le liquide céphalo-

rachidien. Cette recherche se fera directement ou en versant dans le liquide

céphalo-rachidien une quantité de chloroforme, que l'on mélangera à ce

liquide; le bleu sera pris par le chloroforme qui mettra en évidence la

coloration. Par la chaleur seule on pourra quelquefois mettre en évi-

dence non plus le hleu, mais le chromogène.

La perméabilité méningée n'existe donc pas à l'état normal, elle exis-

tera au cours de certaines méningites tuberculeuses; dans certains cas

d'urémie nerveuse.

La perméabilité à l'égard du mercure a été constatée au cours de l'hy-

drargyrisme chronique par Raymond et Sicard. L'imperméabilité a été

constatée au contraire au cours du traitement hydrargyrique prolongé

par Launay et Lelioiix chez six tabétiques auxquels on faisait une injection

hebdomadaire de calomel de cinq centigrammes.

CYTO-DIAGNOSTIC ,-

Le liquide est recueilli dans un tube à. essai effilé comme nous l'avons

dit à propos de la technique de la ponction lombaire. Dans la plupart des

cas, on recueille deux tubes : l'un servira pour le cyto-diagnostic, l'autre

pour l'examen bactériologique. Pour faire le il suffira

de recueillir centimètres cubes dans le tube à centrifuger.

1° On place ce tube dans un centrifugeur, celui de Krauss par exemple,

à main, à eau ou dans un centrifugeur électrique; on fera la centnfu-

gation pendant dix minutes au minimum ;

2° Le tube sera alors renversé, on en jettera le contenu qui pourra du

reste servir ensuite à des examens chimiques, on égouttera ce tube, en le

reversant et en essuyant les hords avec du papier filtré ;

3° On recueillera le culot de la façon suivante : on fera usage d'une

pipette dont i'extremite-nnernent effilée soit un véritable tube capillaire-

L'extrémité fine de cette pipette devra être sectionnée perpendicutai-

rement il la lumière et non en biseau. Avec une pipette ainsi construite,

que chacun pourra du reste confectionner dans son laboratoire extcm-

poranément, on pourra très aisément recueillir le culot qui montera dans

le tube par capillarité. Pour cela il suffira, le tube étant tenu renversé.

LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN. 1120

d'introduire la pipette, de l'appliquer au fond du tube; le liquide du culot

montera de lui-même et on recueillera le culot tout entier en promenant

doucement la fine extrémité de la pipette le long des parois du fond du

tube. Le liquide monte alors dans le tube capillaire sur une hauteur d'un

centimètre au minimum.

4° Le liquide recueilli dans la pipette sera déposé sur deux lames de la

façon suivante : on déposera sur chacune d'elles le liquide, de façon à ne

former sur chacune qu'une goutte, qui en s'étalant aura les dimensions

d'une pièce de cinquante centimes au maximum.

5° On porte les deux lames à l'étuve à 37 degrés pour les faire sécher,

ou on les laisse exposées à l'air pendant quelques heures. 1

6° On fixe les préparations en les plaçant pendant 20 minutes au mi-

nimum dans un mélange à parties égales d'alcool et d'éther (on pourra se

servir également de tout autre liquide fixateur du sang).

7° On colorera les lames, avec deux colorations différentes. A. L'une par

une coloration simple, le bleu de Unna étendu de moitié d'eau; on laisse

la lame dans le mélange pendant 5 à 5 minutes, on décolore par l'alcool

absolu jusqu'à ce que l'alcool renversé s'égoutte clair. Avec cette colo-

ration, les globules rouges seront teintés en vert clair, les noyaux des

globules blancs apparaîtront en bleu foncé.

B. La deuxième lame sera soumise à une double coloration, on la plon-

gera tout d'abord dans une solution d'éosine à l'eau à 1 ? pendant cinq

minutes, on la lavera à l'eau courante, on la plongera ensuite dans une

solution d'hématéine ou d'hérnatoxyline pendant cinq minutes aussi, on

lave ensuite à l'eau de fontaine pour assurer le virage de l'hématoxyline

et on passe à l'alcool absolu; avec cette coloration, les globules rouges et

le protoplasma des globules blancs sont colorés en rouge par l'éosine, les

noyaux des globules blancs sont colorés en bleu par l'hématoxyline.

Après le passage à l'alcool de l'une et l'autre lame, on pourra les éclair-

cir au xylol, les monter au baume ou il l'huile de cèdre.

On peut encore faire le cyto-diagnostic par la méthode d'Alzheimer

qui consiste à ajouter de l'alcool goutte il goutte au liquide cépha ! o-ra-

chidien, à centrifuger, à durcir le culot par l'alcool absolu, à l'inclure

dans la colloïdine et à le couper.

Résultats généraux du cyto-diagnostic. A l'état normal le liquide

céphalo-rachidien ne renferme que quatre à cinq lymphocytes (petits

mononucléaires) par champ de microscope. A l'état pathologique, on

pourra rencontrer des globules rouges dans les hémorragies du névraxc.

Dans les processus inflammatoires méningés on rencontrera dans le liquide

céphalo-rachidien une abondance de polynucléaires ou de lymphocytes.

Les polynucléaires sont plutôt l'indice d'un processus méningé aigu.

Les lymphocytes sont l'indice d'un processus méningé subaigu ou chro-

nique.

En effet, alors que les polynucléaires ont pourbut de phagocyter les micro-

bes, de jouer le rôle de microphages, les mononucléaires sont l'indice d'un

[0. CROUZON.]

1150 LIQUIDE CÉPIIALO-RACIIDIEN.

processus qui se termine; aussi les lymphocytes peuvent-ils succéder aux

polynucléaires, ils digèrent les gros éléments cellulaires tels que les hé-

maties ou les polynucléaires, et quelquefois ils parviennent aussi à détruire

le bacille de la tuberculose.

Ainsi donc, devant un processus microbien méningé, on verra appa-

raître les polynucléaires, sauf dans les cas de tuberculose; les lymphocytes

se trouveront dans la tuberculose et dans tous les processus méningés

chroniques.

On pourrait se demander quel est le mécanisme intime de laproduction

de cette lymphocytose ou de cette polynucléose ; le mécanisme a été étudié

dans la méningite tuberculeuse et dans la paralysie générale par Anglade

et Chevreaux; les lymphocytes proviennent, d'après eux, des vaisseaux

piemériens et aussi de l'épithélium ventriculaire. '

Il convient, de plus, de faire toutes réserves sur le cyto-diagnostic du

liquide céphalo-rachidien retiré après la mort (Villa..., el, Tixier). A

RECHERCHES CHIMICIUES SUR LE LICIUIDE

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LE LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN .

Recherche des albumines. La recherche de l'albumine dans le

liquide céphalo-rachidien se fait par ébullition. A l'état normal t'ébuiii-

tion provoque une légère opalescence. Mais la précipitation il froid de

la globuline par une solution saturée de sulfate de magnésie empêche la

production de cette opalescence. Au contraire, la même réaction chez les

paralytiques généraux provoque un trouble très prononcé. Cette recher-

che avait été l'aile antérieurement par Widal, Sicard, René Monod qui

avaient trouvé la quantité d'albumine augmentée au cours de processus

aigus méningés. Mais cette étude a surtout été faite chez les paralytiques

généraux et les tabétiques. Widal, Sicard et Itavaut (son. Neurologie,

2 avril 190), ont publié une série d'observations de paralytiques géné-

raux, de tabétiques, de méningo-myélites et de myélites syphilitiques

où ils ont constaté cette réaction de l'albumine. Guillain et Parant dans la

même séance de la Société de Neurologie ont constaté la même réaction

seize fois sur seize paralytiques généraux examinés.

Vingt observations de psychoses diverses examinées comparativement 1

n'ont pas montré celle réaction. Les auteurs montrent que la réaction de

l'albumine est parallèle à la lymphocytose. Cependant, on trouve l'alhu-

mine même dans le liquide céphalo-rachidien privé d'éléments cellulaires

par centrifugation.

Recherche de la choline. La choline dans le liquide cuhllalo-ra-

chidien peut être recherchée ctiniquementde la façon suivante. On prend

dix centimètres cubes de liquide céphalo-rachidien qu'on place dans une

éprouvette stérile. On les acidulé par l'acide on évapore

il siccité ; on épuise le résidu par l'alcool absolu. On a alors du chlorhy-

drate de choline. On ajoute ensuite une ou deux gouttes d'une solution

dans l'alcool absolu de chlorure de platine. On obtient un précipité de

LIQUIDE ( : Ll'IIALO-lt.1C111DfG\. 1151

chlorure double de platine et de choline, chloroplatinate de choline. H

est nécessaire, pour ne pas avoir de cause d'erreur, d'employer l'alcool

absolu : sans quoi, on pourrait être induit en erreur par la présence de

cristaux de chlorure. Cette recherche de la choline est donc assez simple.

Elle a été faite tout d'abord par 1-loti et Ally Burton.

Cette substance ne se rencontre pas dans le liquide céphalo-rachidien

normal. Elle ne se rencontre pas dans l'hystérie. Elle a été constatée dans

le liquide cérébro-spinal des tabétiques, scléroses combinées, scléroses

en plaques par Mott et Ally Burton. Elle a constaté dans le liquide

céphalo-rachidien des épileptiques et des maladies organiques par

Denalh. Enfin, S. A. K. Wilson, d'Edimbourg, a communiqué à la Société

de Neurologie du 14 avril 1cJ(1 ! ses recherches sur la choline faites dans

le service de Pierre Marie. Il a pu constater la présence de la choline

dans huit cas sur 12 de tabes. Il l'a trouvé, aussi dans l'épilepsie, dans

les tumeurs cérébrales, dans l'hématomyélie. Il montre qu'il y a corré-

lution entre l'apparition de la choline et l'apparition des corps granu-

leux. Mais la choline n'a pas de rapport apparent avec la lymphocytose.

La lymphocytose dénote un processus méningilique, la choline, un pro-

cessus parenchymateux. Cependant, M. Pierre Marie a fait remarquer

que cette présence de choline n'est pas exactement en rapport avec

l'intensité de la dégénération nerveuse : elle est presque constante chez

les tabétiques anciens, et elle n'est pas plus abondante dans les cas de

désorganisation myélinique rapide.

Liquide céphalo-rachidien dans les ictères chroniques. Gilbert

et Castaigne (Presse médicale, 5 novembre 1900) ont pratiqué la ponc-

tion lombaire chez 18 ictériques. Dans trois cas, ils ont pu, par les

réactions classiques de Gmelin et de Pettenkoll'er constater la présence

de pigments et de sels biliaires, Ces éléments disparurent après la gué-

rison et la cessation des accidents. Le passage de ces pigments et sels

biliaires dans le liquide céphalo-rachidien est mal expliqué par ces

auteurs. Plus tard, Widal, Sicard et Ravaut ont constaté un pigment

dérivé dans le liquide céphalo-rachidien d'un ictère chronique. Ils pen-

sent qu'il s'agit d'un pigment dérivé de la toile ou du sérum sanguin,

car les réactions chimiques n'étaient pas positives.

Enfin Bard, de Genève, a pu dans un épanchement hémorrhagique du

liquide céphalo-rachidien constater la transformation de l'hémoglobine

en pigment biliaire avec réaction nette de Gmelin et de Pettcnkoner.

Recherche des chlorures dans le liquide céphalo-rachidien.

Le chiffre des chlorures dans le liquide céphalo-rachidien an cours des

maladies des enfants a été étudié par Domenico Crisofi. Ce chiffre a été

trouvé augmenté dans les cas de broncho-pneumonie aiguë et diminué

dans les méningites.

Toxicité du liquide céplznlo-rachidien. Elle a été étudiée dans

l'épilepsie par Dide et Sacquépée et paraît augmentée après les attaques

convulsives. Elle est également, augmentée dans l'urémie (Castagne).

[0 CROUZON.]

1152 . LtQUIDECËPHALO-RAMHDOEN.

' EXAMEN BACTÉRIOLOGIQUE

Nous ne pouvons entrer ici dans les détails de la technique bactério-

scopique du liquide céphalo-rachidien. Elle ne diffère en rien de celle

des autres humeurs de l'organisme.

Séro-diagnoslic. La réaction de Wassermann, comme la réaction

de Porges, peuvent être faites pour le diagnostic de la syphilis avec le

liquide céphalo-rachidien.

Les résultats généraux de la ponction lombaire sont basés sur les re-

cherches de nombreux auteurs que nous retrouverons pour la plupart

dans les résultats particuliers que nous allons maintenant étudier.

ÉTUDE DU LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN DANS LES MALADIES NERVEUSES

Le liquide céphalo-rachidien, dans les maladies nerveuses chroniques

qui sont le principal objet de cet ouvrage, doit être étudié d'une façon

pratique, surtout au point de vue du cyto-diagnostic.

Liquide céphalo-rachidien dans le tabes. Le cyto-diagnostic du

tabes a été fait par René Monod, Widal, Sicard et Ravaut.

La lymphocytose leur a semblé dans le tabes presque constante, mais

leurs statistiques portaient sur un petit nombre de cas à cette époque,

elles ont été confirmées dans l'important travail de Babinski et Nageotte.

Quelques objections présentées par Déjerine, Armand Delille et Camus

ont provoqué des examens systématiques dont les résultats ont été com-

muniqués il la séance du 5 mars 1905, de la Société de Neurologie. Ces

résultats furent les suivants : Brissaud et Bruandet eurent huit cas posi-

tifs sur huit malades, Souques trois positifs sur trois. Babinski rapporte

dix cas positifs; Ballet et Delherm sur huit cas trouve des résultats

positifs cinq fois. Pierre Marie et Crouzon, dans vingt cas, ont une

lymphocytose très nette, sauf dans un cas où elle était discrète. Froin,

dans sept cas, trouve la lymphocytose dans tous les cas, Gombaud et

lIMIb1'Orl, dans onze cas, ne trouvent qu'un résultat négatif; Milian constate

aussi la lymphocytose dans le tahes; tous ces résultats s'opposent de la

façon la plus nette aux constatations d'Armand Delille et Camus. Les

examens ont été du reste pratiqués à des époques variables du tahes;

Vaquez l'a trouvé dans des tabès frustes; Pierre Marie et Crouzon, Gom-

haut et llalbron avaient choisi des tabétiques de dates et de formes

les plus variables.

Depuis lors, ces résultats ont été confirmés à l'étranger par Erb,

Schoenbol'l1, Campbell, etc On peut donc dire aujourd'hui que dans le

tabès la lymphocytose est la règle, l'absence de lymphocytose l'exception.

Toutefois, on peut observer des poussées de polynucléose comme dans

les deux cas de Vaillant et Tixier.

Liquide céphalo-rachidien dans la paralysie générale. - La consta-

tation de la lymphocytose dans la paralysie générale a été faite par René

LIQUIDE CPHALO-RACHIDIF

Monod, Widal, Sicard et Ravaut dans leurs comiruri Jti le cyto-

diagnostic du tabès; après eux, Séglas, Nageotte et"jo1fronfirment la

présence de la lymphocytose; Mercié et Jamais, Belin et Bauer font les

mêmes constatations.

Ainsi donc, ici encore la lymphocytose est la règle. Cependant, la lym-

phocytose a été absente dans un certain nombre d'observations, celles

d'Achard et Grenet, d.'Ardin-Delteil. Dupré, sur 25 cas, n'a trouvé qu'une

seule exception à la règle; mais à côté de la règle il existe des cas, où à

côté de la lymphocytose, on a pu constater de la polynucléose, Widal et

Lemierre ont constaté cette lymphocytose au cours des poussées conges-

tives de la paralysie générale. On a constaté aussi d'autres faits anormaux

dans le liquide céphalo-rachidien ; Belin et Bauer ont constaté en dehors

d'une polynucléose un liquide louche pendant plus de trois mois; ces

faits peuvent être rapprochés des suppurations méningées constatées à

l'autopsie de paralytiques généraux.

Enfin, dans le tabes, comme dans la paralysie générale, la réaction de

Wassermmn a été trouvée dans le liquide céphalo-rachidien (Charrier,

Marie et Levaditi).

Liquide céphalo-rachidien dans les maladies mentales. Les

études faites sur ce point ont été négatives et s'opposent très nette-

ment aux résultats obtenus dans la paralysie générale. Dans l'épilepsie,

dans la manie, dans la paranoïa, chez les persécutés hypocondriaques,

dans la démence sénile, dans la démence organique par ramollissement

cérébral, dans la mélancolie avec délire, les résultats ont été nuls d'après

les travaux de Nageotte et Jamet, de Séglas et Nageotte, de Dupré et

Devaux, de Duflos ; ils ont été confirmés par Nissl, en Allemagne, la seule

affection qui fasse exception à la règle, est, semble-t-il dans certains cas

la démence précoce : Camus et Lhermitte, dans six cas sur vingt, ont

trouvé une lymphocytose avérée chez des malades arrivés à la phase ter-

minale.

Liquide céphalo-rachidien dans le zona. 1° Cytodiagnostic,

L'étude cytologique du zona a donné lieu à de nombreux travaux. Bris-

saud et Sicard, Achard et Loeper, Dopter, Hirtz et Salomon, Follet et Sac-

quépée, Achard et Froin, Griffon, Widal et Le Sourd, etc..., ont constaté

la lymphocytose dans la moitié environ des cas de zona. Il s'agit donc

dans ces cas d'une réaction méningée subaiguë, qui permettra d'appré-

cier l'origine centrale méningo-médullaire de certains zonas et de les

distinguer des zonas périphériques.

Un point intéressant de ce cyto-diagnostic est la persistance d'une lym-

phocytose qui a été constatée tout d'abord par Chauffard et Froin au trente-

et.-unième jour et au vingtième jour de zona et même chez un autre

malade après six mois et demi, Achard et Grenet ont cité un l'ait du même

genre. Enfin Brandès (de Bordeaux) a même cité deux cas de lymphocy-

tose persistant onze mois après et dix ans après. Chauffard et Froin font

ressortir un autre point intéressant : les lymphocytes de la période avancée.

[O. CROUZON.}

1154 LIQUIDE CÉPHALO-RACllIDlEN.

dans le zona sont plus petits que ceux du début, il y aurait donc une micro-

lymphocytose de la période avancée;

2° Examen bactériologique. Achard, Loeper et Laubry ont étudié

le zona au point de vue bactériologique. Dans dix-sept cas, ils ont trouvé

neuf fois des cultures positives, dont cinq fois des bacilles, qui, dans un

cas, pouvait être rangés dans le groupe des coli-bacilles, une fois le strep-

tocoque, deux fois le staphylocoque, une fois le bacille pyocyanique.

Dopter a trouvé dans un diplo-bacille ne prenant pas le Gram, se rap-

prochant d'un de ceux d'Achard et Lceper, mais liquéfiant la gélatine.

Ces résultats sont donc des plus vagues et ne peuvent être considérés

que comme des constatations d'attente.

Examen du liquide céphalo-rachidien dans les hémorragies du

névraxe. Nous avons vu plus haut la technique du chromo-diagnostic

indiquée par Tuffier et Milian [procédé des trois tubes, absence de varia-

tions dans la coloration malgré le déplacement de l'aiguille, absence de

coagulation du sang]. Il semble donc, d'après Tuffier et Milian que la

teinte sanguinolente du liquide céphalo-rachidien conserve toute sa valeur.

Toutefois, Sicard n'admet pas la valeur pathognomonique de cette teinte

sanguinolente. Suivant Sicard, la coloration jaune verdâtre a encore une

très grande valeur; en dehors des affections nerveuses, cette teinte n'a a

été observé que dans l'urémie, et très exceptionnellement dans la ménin-

gite purulente et dans la méningite tuberculeuse. Cette coloration paraît

dùe à un pigment spécial dérivé de l'hémoglobine, telle est. l'opinion de

Bard en ce qui concerne cette coloration jaunâtre. Dans d'autres cas, le

liquide céphalo-rachidieu n'est pas rouge en apparence, mais il est histo-

logiquement hémorragique comme dans le cas de Dupré et Sébileau.

Sabrazès et Muratet (de Bordeaux) ont pu constater la présence de volumi-

neuses cellules rondes, ovalaires, polyédriques, en raquette, isolées, sou-

dées ou agminées, pourvues d'un noyau oval souvent marginal et riche en

nucléoles; le protoplasma exubérant de ces cellules a englobé des héll1a -,

ties, parfois au point d'en être littéralement bourré, il peut contenir aussi

des granulations ou des morceaux d'hématoïdine, des débris leucocytaires,

des vacuoles. Ces cellules sont donc hémato-macrophages ; elles sont

symptomatiques de l'hémorragie méningo-encéphatique ; les auteurs fai-

sant l'autopsie de la malade observée par eux ont pu constater un ramol-

lissement hémorragique avec corps granuleux dont l'apparence était

tout à fait la même que celle des cellules hémato-macrophages du liquide

céphalo-rachidien.

Nous venons de voir les divers aspects que peut revêtir t'épanchcmcnt

hémorragique dans le liquide cél>halo-racliüen; quelle est la significa-

tion de cette hémorragie du liquide céphalo-rachidien ? : elle est le témoin

d'une hémorragie sous-arachnoïdienne, qui peut être elle-même primi-

tive, soit d'origine alcoolique, par rupture spontanée des vaisseaux, soit

d'origine traumatique, chez l'adulte ou chez l'enfant; mais elle peut aussi

être le témoin d'une hémorragie cérébro-méningée, c'est-à-dire d'une

LIQUIDE CÉI)HALO-1 ? CIIIDIELN. 1 t35

hémorragie encéphalique, ayant fait issue soit dans les ventricules, soit

dans les méninges de la convexité.

Enfin, elle peut s'observer au cours des hémorragies cérébrales, sans

inondation ventriculaire, ni inondation méningée d'après Crouzon; il

existe en effet, au cours des hémorragies cérébrales, des hémorragies

pie mériennes siégeant au niveau de la moelle, de la surface du cervelet,

et de la surface même du cerveau, qui ne sont nullement dues à une

inondation méningée, elles sont secondaires à une hémorragie cérébrale,

mais sans rapport direct avec elle ; l'aspect hémorragique du liquide

pourra donc être causé par elle, aussi Crouzon pense que la couleur

sanglante du liquide céphalo-rachidien n'est pas nécessairement imputable

il l'inondation méningée et peut être le signe d'une hémorragie cérébrale

à topographie normale. Des faits analogues ont été observés depuis par

Faure-Beaulieu et Fage et confirment cette manière de voir.

Examen du liquide céphalo-rachidien dans les méningites.

1) Méningites tuberculeuses. La ponction lombaire dans la méningite

tuberculeuse a été faite d'abord par Widal, Sicard et Ravaut qui ont

constaté la présence des lymphocytes dans le liquide céphalo-rachidien.

Il nous suffira de mentionner les travaux confirmatifs de Guinon et Simon,

de Variât de Tarruelle. Faisans a observé la lymphocytose dans une mé-

ningite tuberculeuse avec aphasie et hémiplégie, Souques et Quiserne

l'ont trouvée dans une méningite tuberculeuse à forme hémiplégique.

Cependant quelques auteurs ont relevé des exceptions à cette loi;

Guinon et Pineau, sur leur statistique de seize cas ont trouvé une fois la

polynucléose à trois ponctions successives chez le même malade. Marcou-

Mutzner a cité aussi des cas de polynucléose. Orgel Maister a trouvé des cas

analogues. Enfin Josué et Salomon, Sicard nous ont mis en garde contre le

cyto-diagnostic du liquide céphalo-rachidien pris sur le cadavre. Tel liquide

renfermant des lymphocytes sur le vivant, renfermait sur le cadavre par-

ties égales à peu près de mononucléaires et de polynucléaires.

Enfin on a pu observer des cas de méningite tuberculeuse avec gué-

rison, dans ces cas, la lymphocytose avait été un appoint au diagnostic :

on a pu voir disparaître cette lymphocytose au moment de la guérison

comme dans un cas de Rocaz. Enfin, elle peut apparaître tardivement :

Laedrich l'a vue survenir au 20" jour.

Enfin on peut observer dans certains cas, à une première ponction, la

polynucléose du liquide céphalo-rachidien, mais peu après des ponctions

faites à plusieurs reprises montrent invariablement l'apparition de la

lymphocytose.

L'examen bactériologique du liquide sur sang gélose de neZm1\On et

Griffon permet de compléter le diagnostic par la constatation du bacille

de Koch.

Il) Méningite cérébro-spinale. Dans la méningite cérébro-spinale

on constate la présence de polynucléaires. Un point plus particulier de. la

cytologie de la méningite consiste dans la disparition progressive, au

[0. CROUZON.J

1150 LIQUIDE CÉI'UALO-RACllIDIEV..

moment de la convalescence des polynucléaires qui sont remplacés par

des lymphocytes; s'il y a reprise de la méningite cérébro-spinale, on voit

les polynucléaires réapparaître de nouveau. Tels sont les faits qui res-

sortent des observations de Labbé et Castaigne, de Griffon et Gandy, d'A-

chard, de Sicard et Brécy.

Un autre point curieux de la cytologie des méningites cérébro-spinales

est le suivant, on a pu constater la présence des polynucléaires à la ponc-

tion lombaire de malades qui présentaient des signes très discrets de

méningite cérébro-spinale et qui vaquaient cependant à leurs occupations.

Il s'agissait vraisemblablement de méningite cérébro-spinale fruste, et

c'est par analogie avec les méningites cérébro-spinales avérées que la

ponction lombaire a permis de poser un diagnostic ferme.

Pinault, Apert et Griffon ont constaté des faits anale gués.

Sicard et Descomps considèrent comme des signes de. guérison la substi-

tution des polynucléaires sains aux polynucléaires avariés, l'apparition de

cellules endothéliales, de mononucléaires, la diminution de l'albumine.

C'est donc la ponction lombaire qui est le véritable critérium de dia-

gnostic de la méningite cérébro-spinale ; et c'est à lui que Chauffard et

Froin ont demandé la différenciation de la méningite cérébro-spinale et

de l'hémorragie méningée.

On a constaté encore dans les méningites cérébro-spinales quelquefois

la présence d'hémorragie méningée (Achard et Grenet).

L'examen bactériologique complète le diagnostic.

Enfin, Vincent et Bellolonl décrit une réaction pl'écipitante déterminée

par le sérum spécifique sur le liquide céplralo-rachidien centrifugé qui

constitue, en l'absence de culture, un moyen pratique de diagnostic.

Cyto-diagnostic dans la paralysie infantile. Dans la paralysie infan-

tile, la réaction méningée a été variable. Raymond et Sicard ont observé

des cas de polynucléose du liquide céphalo-rachidien au cours d'une évo-

lution de symptômes rappelant la paralysie infantile, il s'agissait donc

alors de méningite cérébro-spinale. '

Triboulet et Lippmann ont observé un cas analogue; d'autre part

Guinon et Paris, Brissaud et Londe, Achard et Grenet ont observé des

cas de lymphocytose au cours de la paralysie infantile. Widal a observé

trois cas négatifs, mais dans ces cas la paralysie infantile était éteinte.

Il semble donc que dans un certain nombre de cas, le syndrome de la

paralysie infantile soit créé par la méningite cérébro-spinale, que dans

un deuxième groupe de faits, la paralysie infantile s'accompagne de réac-

tion méningée lymphocytique, enfin que dans un certain nombre de cas

il n'y ait pas eu de réaction méningée du tout ou qu'elle ait disparu.

Cyto-diagnostic dans les tumeurs cérébrales. La statistique de

Babinski et Nageotte comporte sept cas de tumeur cérébrale sans réac-

tion méningée. Gombaut et Ilalbron ont observé, dans un cas de tumeur

cérébrale, d'abord de la polynucléose, puis de la lymphocytose rachi-

dienne. Depuis lors Achard et Laubry ont publié un cas d'endothéliomedu

LIQUIDE cuvLO-t ? cmu : v. 1137 i

cervelet avec lymphocytose légère. Dufour a observé aussi des lympho-

cytes dans un sarcome du cerveau avec méningite sarcomateuse.

Laper et Crouzon ont constaté la sarcouiatose du liquide céphalo-rachi-

dicn dans un cas de sarcome cérébral. Widal et Abrami ont trouvé des

cellules néoplasiques du liquide céphalo-raclridien au cours de cancer

du cerveau.

Cyto-diagnostic dans la sclérose en plaques. Carrière de Lille

a examiné trois cas, a trouvé un nombre considérable d'éléments cellu-

laire avec prédominance des lymphocytes.

Cyto-diagnostic dans la pachyméningite cervicale hypertrophique.

Widal et Le Sourd ont constaté la présence d'éléments monol1llclél'S,

lymphocytes, tandis que dans le mal de Poil, il n'y avait pas de lym-

phocytes.

Cyto-diagnostic dans la maladie de Friedreich. Barjon et Cade

y ont trouvé un liquide très pauvre en éléments cellulaires, présentant

quelques lymphocytes.

Cyto-diagnostic dans le ramollissement cérébral. Nageotte et

Jarnet y ont trouvé une lymphocytose très légère, bien inférieure à celle

du tabès et de la paralysie générale.

Cytologie dans la méningite chronique alcoolique. On y constate

la présence de très nombreux éléments lymphocytiqucs.

4 Cytologie de l'épilepsie essentielle. Absolument négatif.

Cytologie dans la névralgie du trijumeau. Pitres a observé dans

ses trois cas de la lymphocytose du liquide céphalo-rachidien.

Cyto-diagnostic dans un cas d'hémiatrophie faciale progressive.

Claude et Sérary y ont trouvé la lymphocytose.

Cytologie dans la paralysie agitante : la chorée chronique, le deli-

rium tremens, la myopathie progressive, le méningisme, l'hémiplégie.

Dans tous ces cas le cyto-diagnostic est négatif, d'après Widal, Sicard

et Bavant.

Dans les méningo-myélites Sicard et Monod ont trouvé la Iymphocy-,

tose quand l'origine était syphilitique.

Dans un cas de méningo-myélite d'autre nature, il y avait à la fois :

lymphocytose et polynucléose.

Cyto-diagnostic dans les maladies infectieuses. Le cyto-diagnos-

tic a surtout été fait dans les maladies de l'enfance. Ce sont surtout les

travaux de Nobecourt et de Voisin, qui ont fixe la cytologie du liquide

céphalo-rachidien dans les affections broncho-pulmonaires. Leurs recher-

ches ont surtout porte sur ces affections compliquées de symptômes ménin-

gés. Dans la moitié des cas environ, alors même que le liquide était clair

et limpide on a trouvé les lymphocytes., Quelquefois même on a constaté

des polynucléaires. Le liquide est en général plus abondant dans les cas

de symptômes méningés. Ces résultats ont fait l'objet des recherches de

Floracini de Rome qui a trouvé aussi une légère leucocytose dans les

maladies à détermination méningée.

Pratique nedroi.. , ,'l

[O. CROUZON ]

1158 . LIQUIDE CLP11AL0=RACF11Uf1s1T : '

Dans la scarlatine, Dufour et Gùon (Soc. médicale des Hôpitaux

31 mars 1995), ont constaté la leucocytose au cours des quelques trou-

bles nerveux passagers qui se rencontrent dans la scarlatine.

Au cours de la variole, malgré l'intensité des phénomènes nerveux

observés parfois (céphalée-vomissements-rachialgie), Thaw a constaté

exceptionnellement une lymphocytose discrète du liquide céphalo-rachi-

dien. --

Dans le tétanos, Hélion et Legros ont deux fois examiné le liquide

céphalo-rachidien, ont constaté l'absence d'éléments figurés, et ont montré

l'utilité de ce signe, pour le diagnostic d'avec la' méningite cérébro-

spinale.

La ponction lombaire et le cyto-diagnostic ont permis de déceler

des méningites latentes chez des pneumoniques. On a constaté une

méningite lTmphocytique dans les oreillons (Chauffard et. Boidin),

au cours d'une paralysie faciale ourlienne (Dopter), dans les pro-

cessus méningés subaigus du rhumatisme (Jean-Lépine) dans le té-

tanos, etc.

Le liquide céphalo-rachidien dans le coup de chaleur était normal dans

les cas bénins; dans les cas graves, il était trouble, albumineux teinté,

présentait au début une légère polynucléose suivie de lymphocytose.

On a constaté la lymphocytose dans le purpura exanthématique, dans la

lèpre, Emile Weil et Tanon ont trouvé un liquide céphalo-rachidien normal.

Dans les herpès génitaux, Ravaut et Darré ont trouvé la lymphocytose

21 fois sur 26. ' .

Dans les dermatoses huileuses, Milian et Chiray ont constaté une ]ym-

phocytose discrète mais certaine et qui témoignait de la participation

du système nerveux.

. Enfin, Hartmann (de Vienne) a pu reconnaître un cysticerque céré-

bral par la ponction lombaire, .

Cyto-diagnostic dans la syphilis. 1° Cyto-diagnostic dans la-

syphilis nerveuse. L'existence d'une lymphocytose dans le tabes et la

paralysie générale, affections dont la nature syphilitique est incontestable,

a eu pour conséquence l'étude du liquide céphalo-rachidien dans les cas

de manifestations nerveuses syphilitiques. '

Widal et Le Sourd ont constaté la lymphocytose dans un cas d'hémi-

plégie syphilitique-; plus tard Widal et Lemierre ont observé la lympho-

cytose douze fois sur treize dans l'hémiplégie syphilitique. Et en plus,

dans deux cas, il existait de la polynucléose superposée à de la lympho-

cytose. Valette dans sa thèse (Paris, 1904) a confirmé les recherches

précédentes. ,

Dans la méningite syphilitique, Widal et Le Sourd (Soc. médic. des

Hôpitaux, 17 janvier 1902) ont constaté de la lymphocytose, Brissaud et

Brécy (Soc. rnédic. des Hôpitaux, 14 mars 1902) ont observé un cas

analogue.

Dans un cas de syphilis médullaire probable, Sabrazès, Muratet et

LIQUIDE CII'll : lLO-11 : 1GIIIDII : \. 9139

Bannes (Soc. de Biologie, 5 décembre 1905, Archives générales de méde-

cine, 1904) ont observé une lymphocytose énorme et en plus la présence

d'une cellule nerveuse dont ils attribuent l'origine à un foyer de mortifi-

cation médullaire.

A côté de ces grands accidents de la syphilis nerveuse, les petits acci-

dents de la syphilis nerveuse ont aussi présenté de la lymphocytose : tel

est le cas de lymphocytose arachnoïdienne avec mydriase paralytique et

troubles de la sensibilité d'Achard et Grenet (Société de Neurologie,

5 mars 1905).

Tel est encore la paralysie faciale de la période secondaire de Thibierge

et Ravaut (Soc. médic. des Hôpitaux, 21 novembre l ! ->0`).

Le signe d'Argyll-Robertson qui est, comme l'ont montré Babinski et

Charpentier, un signe de syphilis acquise ou héréditaire a été particuliè-

rement étudié aussi au point de vue du cyto-diagnostic. Babinski et

Nageotte, Widal et Lemierre, Déchy, Vaquez ont constaté la lymphocytose.

La syphilis oculaire elle-même a été étudiée à ce même point de vue par

le professeur De Lapersonne : on l'a constatée dans la névrite optique ré-

cente, elle était absente dans la névrite optique ancienne, on l'a constatée

dans la chorio-rétinite et dans l'iritis syphilitique. Ces résultats mon-

trent l'utilité de la ponction lombaire au point de vue du diagnostic de la

syphilis oculaire; en effet, en dehors de la syphilis, le cyto-diagnostic

n'a été positif que dans un cas de névrite oedémateuse symptomatique

d'une méningite tuberculeuse.

Enfin Bavant a constaté la lymphocytose chez certains hérédo-syphili-

tiques et l'a toujours trouvée liée à des troubles nerveux.

2° Cyto-diagnostic dans la syphilis, sans accidents nerveux.

L'existence de la lymphocytose au cours d'accidents nerveux de la syphilis

ont amené Milian, Crouzon et Paris à rechercher dans le service du profes-

seur Fournier s'ils pouvaient surprendre le début de ces accidents, par

l'examen du liquide céphalo-rachidien. Dans ce but, ils ont examiné des

malades il la période secondaire, présentant de la céphalée et se sont de-

mandé si celte céphalée ne pouvait pas être une première manifestation

de la syphilis nerveuse. Sur huit syphilitiques examinés; deux ont pré-

senté la réaction leucocytaire en même temps que de l'hypertension du

liquide céphalo-rachidien, cette constatation présenta un très grand inté-

rêt parce que c'est la première où on constata la lymphocytose dans la

syphilis sans accidents nerveux, elle eut d'autre part un intérêt diagnos-

tique au point de vue de la céphalée, puisque à côté de la céphalée osseuse

et de la céphalée hystérique des syphilitiques, elle a permis de recon-

naître l'existence d'une céphalée méningitique. De plus elle a posé la

question de l'avenir de ces céphalées méningitiques qui peuvent être le

premier symptôme d'un tabès ou d'une paralysie générale il longue

échéance ; hypothèse admise d'ailleurs par Cette communication

de Milian, Crouzon el Paris fut confirmée par une communication de

Widal qui, faisant l'historique des recherches antérieures jusque-là néga-

[0. CROUZON.] ]

1140 LtflUll)l : Cl : l't1.1L0-RelCIIIDIG\.

tives, fit connaître qu'il avait trouvé une lymphocytose discrète dans deux

cas de syphilis en période secondaire. Thibierge et Bayant ont constaté

plus tard un cas analogue dans une syphilis de dix-huit mois avec cépha-

lée. Puis viennent les travaux remarquables de Ravaut (Annales de Der-

matologie, janvier et juillet 1905, Soc. médic. des Hôpitaux, ! ) octobre

1905) qui a montré que sur 54 syphilitiques en période secondaire, sans

accidents, ou avec accidents cutanés superficiels (roséole, plaques mu-

queuses), sept seulement présentent la réaction méningée . Au contraire.

sur cinquante-cinq atteints de syphilides papuleuses, miliaires, psoria-

siformes, pigmentâmes, la réaction méningée existait quarante et une

fois; des examens répétés montrent que les réactions augmentent ou

diminuent parallèlement à la lésion cutanée. Ainsi donc la lymphocytose

varie proportionnellement aux lésions cutanées profondes.

Enfin, nous avons mentionné plus haut les cas du liquide céphalo-ra-

chidien puriforme au cours de la syphilis des centres nerveux.

Cyto-diagnostic dans les affections oculaires. Nous avons vu plus

haut à propos de la syphilis nerveuse que le cyto-diagnostic n'avait été

positif que dans les cas de syphilis oculaire et dans une névrite sympto-

matique d'une méningite tuberculeuse, il nous suffira donc de dire que

le cyto-diagnostic a été négatif dans un cas de tumeur cérébrale, dans un

cas de migraine ophtalmoplégique, etc.-

Cyto-diagnostic dans les fractures et les traumatismes du crâne.

La valeur de la ponction lombaire dans les fractures du crâne a été

mise en relief par Tuffier et Milian. Tuffier et Milian admettent que la

présence du sang au cours des traumatismes du crâne y suffit pour faire

admettre le diagnostic de fracture et la clarté du liquide écarte complète-

ment ce diagnostic. Cette valeur a été admise par Demoulin, par Poirier,

par Paul Reynier, etc....

Tesson a publié un cas où la ponction lombaire hémorragique au

quatrième jour était claire au huitième jour. Par conséquent, même en

présence d'un liquide clair, il ne faut pas se hâter de conclure l'absence

de fracture. De plus, l'autopsie du malade montra un épanchement san-

guin par contusions recouvrant presque toute la face externe de 1 honi-

sphère cérébral. La contusion peut donc, comme la fracture, provoquer

l'état hémorragique du liquide céphalo-rachidien. C'est là l'opinion de

de Piochard, de Guinard, etc.

Nous savons d'autre pari que l'hémorragie cérébrale peut provoquer

aussi la teinte rosée du liquide céphalo-rachidien.

Enfin Sainlon et Ferrand ont montré par une observation que la teinte

hémorragique du liquide avait disparu quatre jours après la fracture.

Ce fait est donc à rapprocher de celui de Tesson. De plus ces auteurs ont

pu constater une méningite cérébro-spinale surajoutée à la fracture.

Marcel Boulier, Guégain dans leurs thèses ont montré que la teinte

hémorragique du liquide céphalo-rachidien ne saurait être considérée

comme pathognomonique. C'est là la conclusion à laquelle il faut s'arrêter.

LIQUIDE CI ? t'll1L0-1B1CII1DIE\'. 1 HI

La teinte hémorragique du liquide ne permet donc pas de faire le diagnos-

tic de fracture du crâne sur un sujet plongé dans le coma. Ce signe n'a

de valeur qu'en présence d'un commémoratif bien précis d'un trauma-

tisme portant sur le crâne; et encore il peut s'agir d'un épanchement par

contusion cérébrale.

PONCTION LOMBAIRE THÉRAPEUTIQUE

Nous avons vu que la quantité retirée par la ponction lombaire pour

l'examen du liquide céphalo-rachidien était de 5 ce. environ. Dans cer-

tains cas, la ponction lombaire est employée dans un but thérapeutique,

c'est du reste la l'origine de la méthode. Quincke l'avait employé tout

d'abord dans ce but. Les quantités soustraites sont beaucoup plus con-

sidérables, allant jusqu'à 50 c. c. En Allemagne, on est allé jusqu'à 90

et 100 c. c. L'effet de cette évacuation est très heureux dans un grand

nombre d'affections que nous allons rapidement passer en revue.

Ponction lombaire thérapeutique dans la méningite cérébro-spi-

nale. A côté des bains chauds, la ponction lombaire a été indiquée

comme le traitement de choix, tout d'abord, par Koplik, de New-York ;

par Babinski, par Lenhartz, de Hambourg, par d'autres auteurs : Blanat

(Thèse Paris, 1902), Netter,- Pellagot, Orlandi, Haynaud, Donath,

Raczynski. Chaque ponction doit retirer 20 à 50 c. c. environ de liquide.

Une ponction en général n'est pas suffisante, il faut répéter ces ponctions

à des intervalles variables; certains les répètent tous les 8 ou 10 jours,

même plus fréquemment. La répétition sera d'autant plus nécessaire

que la méningite sera plus aiguë.

Babinski a pu obtenir le même résultat curatif dans les méningites

subaiguës et dans un cas de méningite fibreuse hémorragique.

Ponction lombaire thérapeutique dans la méningite tuberculeuse.

La ponction lombaire a été étudiée et pratiquée pour la première fois

en France, par Marfan, dans la méningite tuberculeuse. Elle sera prati-

quée dans les mêmes conditions que pour la méningite cérébro-spinale.

Ces résultats seront cependant moins favorables étant donné l'allure

fatale de la maladie. Cependant, des améliorations passagères ont été

signalées dans un certain nombre de cas. Nous rappellerons le cas de

Faisans (Soc. Médie, des llôpil., 28 juin 1901). Un malade aphasique

retrouva la parole quelques heures après l'évacuation de 10 c. c. de

liquide céphalo-rachidien.

Ponction lombaire contre l'urémie. La ponction lombaire a été

pratiquée chez les urémiqucs pour la première fois en France, par Pierre

Marie et Guillain (Soc. Médie, des Ilùpif., mai 1901). Ils observèrent une

amélioration remarquable d'une céphalée bri;blique à la suite d'une

ponction lombaire. Ces auteurs rappellent les cas antérieurs de Seegel-

ken. de 13ra : ;ch. de Noike. Legendre, Chantemesse ont observé des cas

avec soulagement passager.

[0. CROUZON.]

1142 LIQUIDE CÎ;P(1 : 1T.0-R : 1CIIIDIE\.

Vigouroux a observé la guérison d'un délire hallucinatoire brigblique

par deux ponctions lombaires de J5 et 50 c. c.

Seiffert a observé le bon effet de la ponction lombaire dans les urémies

par néphrite scarlalineuse. Mac Oeil. Ilelme ont aussi observé des

résultats favorables. Mais, à côté de ces résultats heureux, il faut signaler

les cas où le résultat a été nul : Quincke. Furhinger, Licllteim, Von

Leiden, Stadelman, Raun, etc

Audebert et Fournier la considèrent comme un bon moyen de traite-

ment des convulsions éclamptiques. ' .

Quoi qu'il en soit, les résultats ne sont nullement de nature à faire

rejeter ce moyen thérapeutique qui pourra donc être utile dans bien des

cas.

Ponction lombaire dans les comas. -La ponction lombaire peut être

appliquée dans un certain nombre de cas comme thérapeutique du coma

(cas de lirmnig, ) ! )iodes). Le malade peut reprendre connaissance sous

l'influence de la ponction lombaire, comme nous l'avons vu dans le cas

de Faisans.

Ponction lombaire dans les céphalées en général. Nous aurons

surtout en vue ici les céphalées de la syphilis, et de la chlorose. Pierre

Marie et Guillain ont observé un cas de céphalée syphilitique améliorée

par la ponction.

Lenllarti, dans les chloroses très accentuées, lorsqu'il existe de fortes

céphalalgies, a vu souvent de fortes pressions du liquide céphalo-rachi-

dien. Dans dix cas sur vingt, la ponction lombaire a déterminé une ces-

sation immédiate de la céphalalgie. La ponction lombaire a été plus

spécialement pratiquée contre la céphalée dans la méningite tuberculeuse

dans les tumeurs cérébrales, par Carrière Hbodes. Celte étude est faite

à propos de chacune de ces affections.

Ponction lombaire dans les tumeurs cérébrales. L'heureux effet

de la décompression dans les tumeurs cérébrales a été mentionné par

Babinski. Antérieurement, Chipault avait obtenu des succès qu'il rcfatés

dans le Congrès de Chirurgie de 1890. Depuis la connaissance de la

ponction lombaire, la décompression par intervention chirurgicale a été

remplacée par le racbicentèse. Une des observations les plus démonstra-

tives à ce point de vue, est celle de Widal et Digne : dans un cas de

tumeur du cervelet, une première ponction lombaire fait disparaître les

vomissements, l'exophtalmic, le nvstagmus et l'asthénie musculaire.

Une autre ponction fil. sortir le malade de létal comateux. Trocmé (Thès ! '

de Paris, 1 ! IOD) a résumé l'état de la question.

Ponction lombaire dans les névrites optiques et particulièrement

dans l'oedème papillaire. La ponction lombaire a amélioré l'oedème

papillaire et la névrite optique consécutive dans de nombreuses observa-

tions : nous citerons les cas cle lillrull;rrdt, de Ioldsclv'icler, de Fraenkel,

d'llllpenln'irn, de Fleisclnnann ; plus récemment, Abadie (de Bordeaux) a

relaté un cas d'amélioration (f oedètue papillaire après ponction lombaire.

' t.Ifll.IDf; ( : Ia'11 : 1L0-R : 11;1111)II\. 1 145

Babinski et Chaillous ont rapporté huit cas de guérison ou d'améliora-

lion de névrites optiques d'origine intra-cranienne. Cette ponction pya-

cuatrice sera, comme celle que l'on pratique dans la méningite cerebro-

spinale, assez abondante et l'on devra arriver il trente ou quarante

centimètres cubes pour obtenir un résultat.

Ponction lombaire dans les troubles auriculaires. Babinski a

remarqué que le vertige voltaïque pouvait être influencé par la ponction

lombaire. On sait que ce vertige vollaïque est caractérisé par l'inclinaison

de la tête sous l'influence d'un courant galvanique. La ponction lombaire

diminue la résistance à ce vertige wllaïdue.

Les variations de ce vertige suivant les troubles auriculaires ont amené

Babinski il rechercher si la ponction lombaire qui influe sur le vertige

influait aussi sur les troubles auriculaires. Il a pu obtenir des améliora-

lions dans les bourdonnements d'oreille, el dans le vertige de Meniere et

une amélioration de la surdité. D'après Lumineau cette efficacité serait

surtout rencontrée dans les labyrinthites, les otites cicatricielles, les

otites sèches, Mignon, dans une thèse de Bordeaux (i')05-)')04), admet

aussi que la ponction lombaire agit sur les affections labyrinfhiques con-

sécutives il une exagération de pression du liquide de l'oreille interne.

Elle provoque la disparition ou l'atténuation des vertiges ou des bruits

subjectifs.

Ponction lombaire thérapeutique dans les troubles psychiques et

l'hydrocéphalie. Groler, et quelques autres auteurs ont obtenu de

bons résultats de la ponction lombaire dans l'hydrocéphalie des jeunes

sujets. Molli a observé la guérison d'un cas de stupeur IYP¡"II1aniaquc par

deux ponctions lombaires à quatre jours d'intervalle.

Ponction lombaire dans les traumatismes crâniens et rachidiens.

La ponction lombaire a été employée non seulement comme moyen de

diagnostic des fractures du crâne, mais encore comme moyen de traite-

ment. Dans un article de I;t l'rcsse Jlc·clicalc tlu >t) avril i ! )(1 ? , ticrcllarcl

relate deux observations, dans l'une, il y eut disparition de la céphalée

après deux ponctions, dans l'autre guérison après huit pondions.

C'est là également l'opinion de Cllinanl (Journal de médecine illleme,

1910).

La ponction lombaire a pu être appliquée au traitement, des trauma-

tismes rachidiens Plallelail'l'. AlbertinDans le cas d'Albertin, il y eut

amélioration considérable d'une paraplégie consécutive à un traumatisme

de la portion lombaire de la colonne vertébrale. Leliquide retiré était, séro-

Ill'matilJue et vraisernhlabll'II1l'nl fOl'lllait un l"panchellll'nl. intra-rachidien,

Il est certain que la ponction ne peut ([n'améliorer des cas analogues.

Ponction lombaire thérapeutique dans diverses affections ner-

veuses. La ponction lombaire a été pratiquée dans un but thérapeu-

tique. Dans les crises gastriques du tabès, par Debove (Soc, médit, des

tlypit., 19 avril 1001), trente centimètres cubes de liquide enlevés

guérirent une crise gastrique instantanément.

10. CROUZON ]

1144 LIQUIDE ctt>it : r,o-tcittnit;v..

Castaighe a observé un cas analogue.

Méry et Courcoux ont guéri un méningisme hystérique par la ponction

lombaire (Soc. zuéclic. des Ilôpil., 20 juillet 1901).

Abadie, de Bordeaux, a guéri des douleurs névralgiques consécutives

à un cas de zona, par ponction lombaire.

Ponctions accidentelles et écoulement prolongé du liquide céphalo-

rachidien. On peut observer des écoulements de liquide céphalo-

rachidien par le nez, par l'oreille ou par le pharynx au cours des fractures

de la base du crâne. Enfin, il peut exister des écoulements de liquide

céphalo-rachidien par le nez ou par le pharynx sans qu'il y eut de trau-

matisme crânien par élargissement des trous préexistant de la lame

criblée, liée à une tumeur ou il l'hydrocéphalie (Vigouroux). D'autre part,

il peut exister des écoulements de liquide céphalo-rachidien à la suite de

plaie pénétrante du rachis. Les cas les plus remarquables sont ceux de

Babinski, Sicarcl, Vo11ur11Lcr, Frendcnthal, Saint-Clair Thomson, Guido

Noccioli, etc. Vigouroux y consacré une étude intéressante et très com-

plète (Presse médicale, 1909). Nous n'étudierons pas ici ces écoulements

de liquide cérébro-spinal au point de vue de la pathologie et au point de

vue de la pathogénie, Nous ne les étudierons qu'au point de vue de la

quantité et de la qualité du liquide recueilli.

1° Quantité : L'écoulement du liquide peut atteindre des quantités

considérables. ,

Dans les cas de l31llrolll. de Verneuil, de Routier et de Tillaux, il

s'agissait de un il deux litres de liquide en vingt-quatre heures.

Dans le cas de Guido-Noccioli, il s'écoula 80 grammes en une nuit et

1000 grammes environ en vingt-quatre heures.

Dans un cas de Vigouroux où le liquide s'écoulait par les fosses nasales

d'un débile, la quantité était de 800 centimètres cubes par vingt-quatre

heures.

Enfin, dans un cas du docteur Giss (de 'fhiol1Yille) publié par Mathieu

sur lequel Demoulin fil un rapport à la Société de Chirurgie, il se fil il la

suite d'une plaie pénétrante du rachis un écoulement de deux il trois

litres de liquide céphalo-rachidien par jour; puis cet écoulement diminua,

et atteignit la quantité de deux il trois cents grammes par vingt-quatre

heures. Au total, au bout de cinq semaines, la quantité de liquide perdu

était de trente litres.

2° Caractères différentiels du liquide céphalo-rachidien. Dia-

gnostic d'avec Thydrorrhée zcusule el l'écoulezrtez7l du liquide de Colugno.

Les véritables caractères différentiels sont les suivants :

1° Le liquide céphalo-rachidien a un pouvoir réducteur très marqué.

Comme l'a montré Launois, de Lyon, la substance réductrice est le

lycose;

2° Sicard a indiqué comme- caractère différentiel la réaction à l'ioclure.

L'iodure de potassium ingéré se retrouve dans l'hydrorrhée nasale, ne se

retrouve pas dans le liquide céphalo-rachidien.

LIQUIDE CÉPII.LO-RACIIIDII ? Il;) ! i INJECTIONS SOUS ARACHNOIDIENNES

La ponction lombaire peut non seulement être elle-même une méthode

thérapeutique, elle peut également être le premier temps de l'injection

intra-rachidienne d'un liquide modificateur. La plus répandue de ces

injections sous-arachnoïdiennes est l'injection de cocaïne ou de stovaïne,

raclii-cocaïnisation ou rachi-slovaïnisatiûn. L'idée en appartient à Corning

et à Bicr, et c'est Tuffier qui appliqua le premier en France cette méthode

en chirurgie. Nous ne pouvons ici apprécier les avantages et les inconvé-

nients de cette pratique.

Nous pouvons toutefois insister sur ce fait que la cocaïne qui, par sa

toxicité, avait donné lieu à des accidents, a été remplacée par la stovaïne.

et, d'autre part, les troubles consécutifs à l'injection, qui étaient dus

pour une part à la réaction méningée, résultant du contact de la solution

avec les méninges, ont été très atténués par l'adjonction à la solution

de stovaïne du chlorure de sodium qui produit l'isotomie ou par la dilu-

tion de cette solution dans le liquide céphalo-rachidien lui-même retiré,

puis réinjecté (Guinard, Ravaut, Aubourg).

Celte méthode des injections sous-arachnoïdiennes a été l'objet de

nombre;' 5 tentatives d'application en thérapeutique médicale (Sicard) (').

Les douleurs du tabès, la sciatique, le lumbago, ont été traitées par

l'injection de cocaïne (Pierre Marie et Guillain, Achard). Mais les inconvé-

nients de cette méthode dépassent les avantages qui sont du reste passa-

(1el's.

8'erS'

Nous devons signaler également les autres applications des injections

sous-arachnoïdiennes : la (ihrolvsine injectée dans le liquide céphalo-

rachidien des labétiques (Lhermilte et Fernand Lévy), la stovo-cocaïne

dans l'eau distillée stérilisée alcoolisée (Sicard et Descomps), le biiodure

de mercure à la dose de 2 à 5 milligrammes (Sicard, Ducros) mais les

résultais ont été si minimes que ces méthodes ne sont point entrées dans

la pratique.

L'injection intra-rachidienne de collargol et d'éleelrargol a été tentée

dans les méningites aiguës. Mais cette méthode qui a obtenu cependant

quelques succès (\Vida) et l3amond, etc.), a fait place aujourd hui dans

la méningite cérébro-spinale ail traitement spécifique par le sérum anti-

méningococciqne préparé en Amérique par Flexner, en Allemagne par

Jochniann (sérum de Merck, Wassermann et Kolle), et en France par

Doper. On injecte en général 20 ou 50 centimètres cubes de sérum, et on

les injections tant que la température n'a pas baissé ou tant qu y y

a des microbes dans le liquide céphalo-rachidien. On injecte ce liquidé

dans la cavité cérébro-spinale, après soustraction d'une quantité de

1. 81( : .\11\1, Tf¡¿'se de Pl/fis, 11)00. Les injections sous-aiaelmoïdiennes et le liquide

céphalo-rachidien.

[O. CROUZON ]

1140 LIQUIDE CLIli,1,0-1(ACIIIDIEY. -

liquide céphalo-rachidien, au moins égale à celle du sérum qui doit être

injecté.

Ce traitement a donné les résultats les plus remarquables (Dopter, Nette ?

Gardner). La mortalité qui, sans sérum, était de 50 il 80 pour 100 suivant

les épidémies et les localités, est tombée dans les cas traités parle sérum

à. 25 pour 100, 18 pour 100, 14 pour 100. Et le sérum agit non seule-

ment en diminuant la mortalité, mais encore en abrégeant la durée de

la maladie, et en diminuant la fréquence des complications.

Les injections intra-arachnodiennes dans le tétanos ont été également

pratiquées. On semble aujourd'hui reconnaître quelque avantage pour la

sédation des contractures douloureuses aux injections de sulfate de

magnésie (lartignon, ci, Doury).

Ces mêmes injections de sulfate de magnésie ont eu une action séda-

tive remarquable sur les mouvements de la chorée de Sydenham

(Marinesco).

INJECTIONS ÉPIDURALES

Si les injections sous-arachnoïdiennes ont été abandonnées dans le

traitement d'un certain nombre d'affections douloureuses du système

nerveux, il reste néanmoins une méthode analogue encore utilisée aujour-

d'hui, c'est celle des injections épidurales (Sicard, Cathelin).

Cette méthode a.pour but d'introduire un médicament dans l'espace

épidural du canal sacré, région qui communique avec le tissu ccllulo-adi-

peux, du canal, le cône durai, les racines sacro-coccygiennes, le muni

terminal et les veines qui siègent dans le canal sacré. Cette région est

fermée en bas par la double membrane obturatrice sacrée postéro-infé-

ricure. On peut se servir d'une aiguille plus courte et plus fine que celle

que l'on utilise pour la ponction lombaire. Le malade est placé en position

génupectorale ou en décubitus latéral. On prend comme points de repère

les deux tubercules sacrés postéro-internes et le sommet de la dernière

apophyse épineuse sacrée. Ces trois points constituent un triangle. Le

.lieu d'élection de la ponction correspond à peu près à la moitié de la

hauteur de ce triangle, On enfonce l'aiguille obliquement à 20 degrés sur

l'horizontale jusqu'à ce qu'on ait perforé la membrane obturatrice; puis

on abaisse ensuite le pavillon et on pousse l'aiguille horizontalement ou

obliquement en haut vers le canal sacré.

La solution injectée peut être une solution de cocaïne ou de stovaïne, cl

toutes les douleurs des membres inférieurs et en particulier la scialique.

peuvent être calmées par cette méthode.

L'injection épidurale de sérum physiologique a donné également de

bons résultats dans l'incontinence d'urine infantile (Cathelin).

Enfin cette méthode a pu permettre l'introduction de sels mercuriels

solubles dans le traitement de la syphilis médullaire.

SYNDROMES VENTRICULAIRES

par le Dr Gabriel DELAMARE

Si la méthode anatomo-eliniflue ne nous permet pas encore de tracer

une semiotiquc définitive des affections épendymaires, elle nous montre

du moins qu'à côté des accidents immédiats, consécutifs à l'inondation

des ventricules par les hémorragies cérébrales ou choroïdiennes (syn-

drome hémorragique) el de ceux, beaucoup moins brusques, qui résul-

tent de l'envahissement des mêmes cavités par les tumeurs autochtones

ou voisines (syndrome néoplasique), il existe un comph'xus morbide par

quoi se révèlent les epcndymo-chorokntes toxi-infectienses. à plus ou

moins gros épanchements (syndrome inflammatoire).

SYNDROME INFLAMMATOIRE

Encore qu'il soit assez généralement ignoré et souvent méconnu. le

syndrome inflammatoire mérite une description détaillée à cause de son

importance au double point de vue théorique et pratique (thérapeutique).

Schématiquement, il est constitué par : a) des signes nerveux (céré-

1]rau, cérébelleux, pédonculaires, protubéranliels et bulbaires); b) des

symptômes toxi-infectieux; c) des modifications du liquide venlriculaire.

Signes nerveux. Déterminés en grande partie tout au moins par

1 hypertension ventriculaire, les signes cérébraux sont nombreux et

variés, mais de fréquence et, par suite, de valeur inégales : les plus

constants sont, sans contredit, la céphalée, les vomissements, la stase

papillaire et la somnolence.

Généralement intense, parfois atroce, la céphalée apparaît de bonne

heure; elle est diffuse, i'ronto-occililalc, rarement, localisée ou unilaté-

rale (Keen); quelquefois continue (Tillgren), elle présente, le plus sou-

vent. des intermittences; ses paroxysmes ne sont pas vespéraux comme

ceux de la céphalalgie syphilitique dont l'origine épendymaire, admise

par Ravaut et Ponselle, demande confirmai ion. Elle s'atténue ou dispa-

rait sous l'influence des ponctions évacuatrices et, dans certains cas.

s accompagne de vertiges (Par)oes-Weber).

Les vomissements surviennent sans grandes nausées et sont plutôt

espacés qu'incessants : ils ne se compliquent pas forcément de constipa-

is. DDLAT1ARE.]

1148 SYNDROMES VENTRICULAIRES.

tion; lorsqu'elle existe, celle-ci est légère et, souvent, elle ne tarde pas

à être remplacée par de la diarrhée.

La stase papillaire bilatérale est ordinairement précoce et capable de

conduire assez vite à une cécité parfois irrémédiable. Dans certains cas,

on trouve de la névrite optique (Beck). Souvent aussi, les pupilles sont

inégales, les réflexes lumineux, faibles ou nuls ; la mydriase (Lecène et

Bourgeois), l'hémianopsie biternporale due il la compression du chiasma

par le plancher du troisième ventricule (Finkelburg), l'exophtalinie, les

ecchymoses palpébrales (von Beck), sont très rares.

La somnolence, contrairement à celle de la maladie du sommeil, n'est

pas uniquement diurne et n'alterne pas avec un délire et une agitation

exclusivement nocturnes. S'il survient, par hasard, une bouffée délirante,

elle se montre aussi bien pendant le jour que pendant la nuit. La torpeur

s'installe assez tut et va progressivement jusqu'au coma dont le caractère

le plus remarquable est sa durée parfois très longue : au début, les

malades ne sont pas sans présenter quelques analogies avec les neuras-

théniques dont ils ont l'apathie et l'asthénie, la fatigue continuelle

(Quincke, Loepel') ; plus tard, ils tombent dans un état d'hébétude complet

troublé seulement par quelques cris chez l'enfant, par quelques accès

délirants chez l'adulte. Lorsque cette torpeur profonde, cette obnubilation

intellectuelle absolue ont été précédés d'affaiblissement de la mémoire

(kohols), de dysarthrie (Moequin), de paraphasie (Cllotzeu), d'aphasie

(Knapp), elles peuvent, un moment, en imposer pour une stupeur,

démentielle d'origine curéhru-malaciclue. "

A côté des signes fondamentaux qui viennent d'être décrits, prennent

place, à titre accessoire et bien plus contingent, les convulsions généra-

lisées ou partielles, rarement subintrantes (Lecène) ci plutôt tardives que

précoces, la rigidité télaniforme des quatre membres avec paroxysmes

toniques, le trismus, la raideur de la nuque (von Beck). L'opistholonos

(Tillgren), le signe de Kcrnig, le tremblement (Mocquin, Tillgren), sont

exceptionnels ainsi que l'himiplébic (llayo Ioh.on). Il est difficile de

faire étal des réflexes tendineux, car ils peuvent être normaux, abolis ou

exagérés. Goldscbeiber, cependant, a vu des réflexes rotuliens abolis

réapparaitre après la ponction lombaire. Les réflexes cutanés ne semblent

pas, en général, modifiés et, à part l'hyperesthésie tégumentaire signalée

par von Beck, la sensibilité objective n'est généralement pas modifiée.

Les sphincters sont presque toujours intacts et, comme troubles vaso-

moteurs, on ne peut que signaler les syncopes et les accès de cyanose

enregistrés par Tillgren. En somme, si la céphalée, les vomissements, la

stase papillaire et la somnolence constituent les éléments positifs majeurs

du syndrome cérébral, l'absence habituelle de rétraction du ventre, de

paralysie motrice des membres, de parésie vaso-motrice, sphinctérienne

et sensitive en représentent les éléments négatifs essentiels.

A maintes reprises, on a noté des troubles de l'équilibre et de la

marche qui devenait ébrieuse, titubante et pouvait même légitimer le

SYNDROMES VENTRICULAIHES. 1149

diagnostic d'ataxie cérébelleuse (Parkes-Weber, Finkelburg, l'eurath,

Oppenheim).

Les signes pédonculaires sont le ptosis, la diplopie par paralysie de la

troisième paire (Mocquin), le nystagmus (Parkes-Weber). Contrairement

aux troubles cérébraux, ils paraissent résulter indifféremment de l'hyper-

tension ventriculaire ou des lésions nucléaires. La même réflexion s'ap-

plique aux manifestations bulbo-protubérantielles.

Comme signes protubérantiels, on peut citer la névralgie légère du

trijumeau (von Beck), le strabisme divergent par paralysie de la sixième

paire, la parésie masticatrice ou faciale et surtout la surdité avec ou sans

troubles labyrinthiques engendrée par les altérations de la huitième

paire.

Les signes bulbaires sont à la fois beaucoup plus nombreux et beau-

coup plus significatifs. Au premier rang, il convient de placer les troubles

de la respiration et du pouls qui ne font pour ainsi dire jamais défaut.

La respiration s'accélère (Ilanot et Joffroy) ou se ralentit et devient sterto-

reuse (Lecène); il y a des phases d'apnée (Tillgren, Merle), du Cheync-

Stokes (Mocquin).

Le pouls devient irrégulier, foetal et surtout s'accélère. Lecène compte

150 pulsations; avec Merle, nous observons chez le chien, un pouls

fémoral qui atteint 150 et ne tarde pas à devenir incomptable. Von Beck.

au contraire, enregistre du ralentissement, mais il suffit de retirer 40 ce.

de liquide ventriculaire pour que, de 54, le pouls revienne à 80.

Plus contingentes sont la polyurie (Picliler, llarinesco, Imper et Gou-

raud), la polydipsie (llayem), la glycosurie et l'albuminurie (Mocquin).

La mort subite a été observée par Kratter et Bôhmig, Ilensen, Bressler et

nous-mêmes. Cette symptomatologie se diversifiera encore si la relation

actuellement entrevue entre les épendymites hémorragiques d'une part

et la myélite bulbaire de Leyden ou l'encéphalite de Wernicke d'autre

part, se trouve confirmée; si l'on peut préciser les rapports qui, parfois,

semblent unir la paralysie asthénique d'Erb-Goldflamm aux anomalies

de l'aqueduc de Sylvius ou du quatrième ventricule et ceux qui paraissent

rattacher les plaques de sclérose hériventriculaire il l'existence d'une

épcndymitc chronique.

Symptômes toxi-infectieux. Ils se réduisent à l'amaigrissement

et à la fièvre. L'amaigrissement est tardif, toujours plus marqué chez

l'enfant que chez l'adulte et ne prend des proportions considérables que

dans certaines formes chroniques, d'origine méningococciques (degré)

ou tuberculeuses (Delamare et Merle), qui, seules, méritent l'épithète de

cachectisantes. Chez un malade de Pierre Marie, Widal et Gougerot, où la

tuberculose épendymaire se greffa sur une méningococcie chronique à

symptômes intermittents, la fonte du panniculc adipeux et des masses

musculaires, la sécheresse et la pigmentation de la peau ne commencèrent

qu'au bout de deux ans.

La fièvre est rarement intense, et l'on compte les cas où elle atteint 59°

[G. DELAMARE.]

1150 SYNDROMES VENTRICULAIHES.

ou 39°,5 (Rilliet, von Ileclc, Axhausen) ; en règle très générale, elle ne

dépasse pas 38° aussi bien chez l'homme que chez l'animal, quelque

soit le microbe en cause (Delamare et Merle). Elle n'est pas obligatoire et,

souvent, à la fin de la maladie, elle est remplacée par de l'hypothermie.

Modifications du liquide ventriculaire. Elles sont d'ordre phv-

sique, chimique et cytologique.

Qu'il reste clair et limpide (épendymite séreuse), ou qu'il devienne

hémorragique, séro-purulent ou purulent, le liquide ventriculaire aug-

mente de façon considérable surtout chez les enfants où l'on en peut

recueillir 100, 150 et même 200 ce. (d'Astros).

Ordinairement faible dans les épanchements séreux, la teneur en albu-

mine et en fibrine est considérable dans les exsudais sanglants ou suppu-

res. De même, les leucocytes et les globules rouges l'ont défaut ou sont

très rares dans les épendymites séreuses subaiguës et surtout chroniques

alors qu'ils abondent dans les épendymites séro-purulentcs ou suppura-

tives. Les microbes échappent souvent il l'examen cytologique des frottis

et réclament, pour être décelés, la culture ou l'inoculation. Plus on s'é-

loigne du début des accidents, plus on a naturellement de chances de tomber

sur un produit stérile, ce qui, bien entendu, ne prouve rien contre l'ori-

gine infectieuse probable. La formule leucocytaire, très propre à renseigner

sur la réalité du processus inflammatoire, est peu susceptible de rensei-

gner d'une façon précise sur la nature de l'infection parce que les mono-

nucléaires se rencontrent nombreux dans les suppurations ventriculaires

les plus banales, alors que les polynucléaires sont loin de faire défaut dans

la tuberculose (Delamare et Merle). Si ces modifications cytologiques

ne sont appréciables que par la ponction ventriculaire, les modifications

physiques (accroissement de quantité et de pression) peuvent être

soupçonnées non seulement par la clinique (signes d'hypertension intra-

cranienne) mais encore par la [jonction lombaire. Deux éventualités sont,

à cet égard, possibles : il y a ou il n'y a pas d'hypertension rachidienne.

Dans le premier cas. l'évacuation du liquide céphalo-rachidien amène une

amélioration des symptômes d'hypertension crânienne et permet dépenser

que les cavités ventriculaires communiquent librement avec les espaces

arachnoidiens ; il s'agit à peu près sûrement de méningo-l'pendYl1lite,

Dans le second cas, la ponction lombaire n'améliore pas ou aggrave,

lorsqu'elle est répétée, les signes d'hypertension cérébrale ; on peut en

inférer que les ventricules ne communiquent plus avec les espaces

arachnoïdiens; l'épendvmite a des chances pour être pure ou très prédo-

111111Vtlte- ceci se déduisant, bien entendu, des résultats négatifs ou non

fournis par l'examen Gylologi(J1w et bactériologique du liquide rachidien.

Dans la crainte d'exagérer la différence déjà anormale des pressions intra-

et extra-ventriculaires, il faut renoncer définitivement à la ponction de

Quincke et recourir à la ponction ventriculaire qui n'est contre-indiquée

qu'en cas de tuberculose avérée et généralisée.

Évolution, durée. L'évolution du syndrome inflammatoire est plus

SYNDROMES VENTRICULAIRES. 1151

souvent subaiguë ou chronique que franchement aiguë; presque tou-

jours elle est irrégulière, intermittente. Ses formes les plus rapides

durent volontiers 4 ou 6 semaines (Ilanot et Joffroy, Mocquin, Merle),

tandis que les plus longues se prolongent pendant 4 ou G mois (Rilliet,

Parkes-Weber) ou davantage (2 et même 3 ans). Si la mort lente consé-

cutive aux progrès insensibles du coma semble la terminaison la plus

habituelle, la mort subite, le passage il la chronicité ou même la gué-

rison spontanée n'ont rien d'inouï. Nettement indiqué par Rilliet et

Huismann, le passage à la chronicité détermine, chez l'enfant, une

idiotie amaurotique, compliquée souvent de surdi-mutité et caractérisée

par des déformations crâniennes considérables (cràne en tour).

Comparaison avec la maladie du sommeil, les syndromes néopla-

siques et hémorragiques. A part quelques différences secondaires.

le syndrome inflammatoire ressemble étrangement au tableau clinique

de la maladie du sommeil qui, à côté de lésions méningo-encéphaliques

disséminées et variables, comporte une trypanosomiase ventriculaire

constante. Ne trouve-t-on pas dans celle-ci, à côté de la somnolence

diurne alternant avec le délire vespéral, une céphalée prolongée et assez

violente, une fièvre irrégulière et peu élevée, une accélération du pouls

et de la respiration qui persiste dans les périodes d'apyrexie, un ptosis

fréquent ?

Abstraction faite de sa grande prédilection pour les enfants, de l'hy-

pcrtlrerlnic d'ailleurs contingente, de la durée relativement brève de ses

formes aiguës et subaiguës, il est identique au syndrome néoplasique

(épithélioluas épendymo-choroïdicns, tumeurs juxta puis intra-ventri-

culaires).

Par contre, le syndrome inflammatoire diffère sensiblement du svn-

drome hémorragique des ventricules latéraux et du 4'' ventricule. Dans

l'ingravescent apupiexy de Broadbent, l'ictus initial de l'hémorragie

cérébrale ordinaire est bien remplacé par de la céphalée, des vertiges,

des nausées, mais il y a constamment une hémiplégie; le coma est pro-

agressif. accompagné ou non de convulsions mais il est rapide et aboutit

en quelques jours à la mort. Presque tous les auteurs insistent sur 1 exils-

tence, fréquente dans, l'inondation ventriculaire, des convulsions par-

iielles ou généralisées et sur la précocité des contractures; suivant

Pierre Marie, ces contractures précoces seraient d'ailleurs souvent rem-

placées par une simple raideur.

Lorsque l'hémorragie envahit le 4e ventricule, la scène est encore plus

brutalement, dramatique : des convulsions généralisées surviennent de

suite et précèdent de peu la mort qui est souvent très rapide sinon

presque subite. Lorsque la survie se prolonge un peu, le malade tombe

vile dans un coma apoplectique profond avec contractures, convulsions,

vomissements, respiration de Clreyne-Stol : es : contrairement à ce qui

arrive dans le syndrome inflammatoire, il y a du myosis et l'hypothermie

initiale est remplacée par une hyperthermie terminale, excessive.

[G DEL.1MARE,}

1152 " SYNDROMES VENTRICULAIRES.

Le syndrome inflammatoire que nous venons d'étudier dans sa forme

la plus générale présente un certain nombre de variétés résultant de la

localisation des lésions causales au niveau des ventricules cérébraux, de

l'aqueduc de Sylvius ou dû 4c ventricule, de l'âge du malade (nourrisson

ou adulte), de la prédominance ou de l'absence de certains symptômes

(hyperthermie, contractures, somnolence), de la nature du parasite mor-

bifique. Dans le dessein de serrer de plus près la réalité clinique, nous

allons, maintenant, passer en revue les diverses modalités hydrocé-

phaloïde, pseudo-suppurative, pseudo-méningitique, pseudo-tumorale,

comateuse de l'épendymite cérébrale, les principaux types de l'épen-

dymite sylvienne et rhomboïdale; nous rechercherons s'il existe un

syndrome clinique de l'épendymite médullaire et, après avoir consacré

quelques lignes à la physiologie pathologique, nous aborderons le trai-

tement des toi-infections ventriculaires.

ÉPENDYMITES CÉRÉBRALES ,

Épendymite hydrocéphaloïde des nourrissons et des jeunes en-

fants. Le début est insidieux et souvent séparé de l'infection causale

par un intervalle de quelques mois : peu il peu le crâne augmente de

volume, les sutures se distendent, les fontanelles bombent et battent.

La fièvre est minime ou fugace, l'état général médiocre; l'enfant maigrit,

s'affaiblit et se met à vomir. Parfois, il manifeste une certaine agitation

et pousse quelques cris, mais, le plus souvent, il ne tarde pas à tomber

dans un état de somnolence continuelle. Il peut avoir des convulsions.

La rigidité de la nuque et des membres, le signe de Kernig l'ont ordinai-

rement défaut, mais, de bonne heure, l'examen du fond de l'oeil révèle

l'existence d'une stase papillaire ou d'une névrite optique bilatérales.

Assez lente dans son évolution, l'épendymite hydrocéphaloïde se ter-

mine habituellement par un coma mortel; toutefois il lui arrive de passer

à la chronicité et de se compliquer de déformations crâniennes (oxycé-

phalic, crâne en tour), de cécité, de surdi-mutité, d'idiotie (').

Les symptômes cliniques imposent le diagnostic d'hydrocéphalie. La

ponction lombaire, suivant qu'elle fournit un résultat négatif ou positif

autorise à parler d'hydrocéphalie apparemment Idiopathique ou associée

à une méningite. Ce diagnostic d'hydrocéphalie est confirmé lorsque la

ponction ventriculaire donne issue il un liquide clair; il est infirmé,

lorsqu'elle donne issue à un liquide sanglant (hémocéphalie) ou purulent

(pyocéphalie ou cmpyèllie cérébral).

Hydrocéphalie. Si le liquide clair, de densité peu élevée, pauvre

en albumine, contient. quelques leucocytes et des microbes (bacilles de

Pfeincr, d'Eberth, colibacilles, bacilles de Koch, pneumocoques ou

1. Malgré la cécité, cetle idiotie épendymogenc se distingue aisément de l'idiotie

amaurotirfue de Sachs qui est familiale, s'observe presque uniquement ehux les Juifs et

comporte de l'h')1lcracousie.

SYNDROMES VENTRICULAIRES. 1153

méningocoques), on est en droit d'affirmer l'existence d'une hydrocé-

phalie épendymogène, consécutive à l'irritation septique des parois ven-

triculaires ou, ce qui revient au même, celle d'une épendymite séreuse,

toxi-infectieusc.

Si le liquide est très abondant et dénué, comme cela arrive fréquem-

ment dans les cas subaigus et surtout chroniques, d'éléments figurés,

l'origine infectieuse n'est plus soupçonnable que par les circonstances

étiologiques (méningite, otite moyenne, bronchopneumonie, coqueluche,

rhinite, oreillons, gastro-entérite, typhoïde, syphilis).

On pensera comme de juste à la syphilis héréditaire, si l'enfant pré-

sente la triade d'lIutcliinson : en l'absence de commémoratifs précis ou

de stigmates cliniques nets, on ne manquera pas d'utiliser la réaction de

Wassermann.

Il faut, par contre, renoncer à démontrer la provenance épendymaire

et à établir une distinction clinique entre cette hydrocéphalie et les autres

hydrocéphalies internes consécutives aux méningites, aux compressions

de la veine de Galion et à ses thromboses, il la phlébite oblitérante des

sinus dure-mériens, aux processus tératologiques. Ceci est uniquement

du ressort de l'anatomie, voire de l'histologie pathologique.

Hémocéphalie. Lorsque le liquide ventriculaire est, malgré les

pressentiments cliniques, rose, rouge ou ocreux et qu'il ne s'agit pas

d'une faute de technique, on peut éliminer l'hypothèse d'une hémorragie

ventriculaire d'origine cérébrale, épendymaire ou choroïdienne à cause

de la lenteur évolutive du syndrome et grâce à la présence, à côté des

hématies et des débris hémoglobiques, de nombreux leucocytes poly et

mononucléaires (Delamare et Merle).

Rare en clinique humaine où l'on ne rencontre guère que des épen-

dymites histoloriiquement hémorragiques, tuberculeuses, syphilitiques,

méningococciques. l'épendyniite hémorragique est fréquente en patho-

logie expérimentale et s'obtient aisément par l'injection ventriculaire de

tuherculine (Cruchet et Verger) ou par l'inoculation ventriculaire de

staphylocoques, de pyocyaniques (Delamare et Merle).

Pyocéphalie. Quand le liquide ventriculaire est ambré, jaune, vis-

queux, louche et qu'il tient en suspension des flocons fibrino-purulents

ou quand il est, ce qui arrive bien plus rarement, .tout à fait purulent,

épais, homogène ou grumeleux, cilrin ou verdâtre, le diagnostic d'em-

pycme hydrocéphaloïde ne fait pas de doute; il faut préciser si la suppu-

ration ventriculaire est primitive ou secondaire et quel en est l'agent :

les épendymites primitives dont l'indiscutable réalité est démontrée par

l'expérimentation (inoculation carotidienne de cultures microbiennes)

étant très rares en pathologie humaine, on pensera de préférence à la

possibilité d'une variété secondaire, résultant, exceptionnellement, de l'ou-

verture d'un abcès cérébral clans la cavité ventriculaires et, fréquemment,

de la propagation d'une infection méningée à travers les trous de Luschka

et de Magendie, le long des vaisseaux, des gaines péri-vasculaires ou à

)) 73

t KAThJI'L : m. : uno ? 73

[G. DELAMARE }

H54 - SYNDROMES VENTRICULAIRES.

travers le stroma conjonctif des toiles choroïdienncs. Il est, à ce propos,

important de savoir qu'une épendymite secondaire peut survivre à la

méningite causale et, de ce chef, acquérir toute l'importance patholo-

gique d'une détermination autonome, primitive.

Pour l'agent pathogène, il peut être très variable, car les germes les

plus divers ont été signalés et, sans avoir la prétention d'être complet,

on doit citer le streptocoque, le staphylocoque, le pneumocoque, le

méningocoque, le pyocyanique, le bacille de Koch.

Toutefois, on ne perdra pas de vue que le meningocoque est très cer-

tainement le microbe qui a le plus de tendance à se cantonner dans

les ventricules et à y cultiver alors qu'il a, depuis longtemps, ahan-

donné les espaces araclrnoltlieus (Cushing et Sladen, Fischer).

Épendymite pseudo-suppurative, à type clinique d'abcès cérébral.

L'invasion est assez brutale pour légitimer l'expression d'apoplexie

ventriculaire, séreuse. Un jeune sujet atteint d'otorrhec ou de fracture

infectée du frontal présente une ascension brusque de sa température

qui monte à 3H degrés ou 59°, 5; le pouls se ralentit (54) ou s'accélère

(120). La céphalée est vive, diffuse et s'accompagne, mais inconstal\1mcnl,

de vomissements, de raideur de la nuque, de convulsions généralisées

ou partielles et, plus rarement, d'hyperesthesie cutanée, d'hémiplégie,

d'aphasie. La stase papillaire ou la neuroretinite sont constantes. Le

patient ne tarde pas à tomber dans le coma. "

Étant données les circonstances étiologiques, l'intensité de la fièvre,

la gravité des accidents, on ne manque pas de porter le diagnostic d'abcès

cérébral. On trépane. Devant l'intégrité des méninges, on ponctionne,

à tout hasard, les ventricules et l'on évacue un liquide clair et abondant.

Les accidents disparaissent comme par enchantement el, après une, deux

ou trois ponctions, le malade qui semblait voué à une mort prochaine

guérit rapidement et définitivement (Mayo Ilohson, liyron Bromwell. von

Beck, Lecène et Bourgeois, Broca).

L'intégrité des méninges, vérifiée au cours de l'intervention, élimine

l'hypothèse de méningite séreuse, macroscopique, cI. les effets remar-

quables de la ponction ventriculaire cadrent mieux avec l'idée dune

épendymite séreuse, selltiduc qu'avec celle d'une méningite liislolobiclue.

On ne peut s'empêcher d'insister sur le singulier paradoxe clinique qui

veut que certaines épendymites séreuses se manifestent, sous les appa-

rences d'un abcès cérébral alors que certaines 1"pendYlIlites suppurées se

manifestent sous les traits d'une hydrocéphalie.

Épendymite pseudo-méningitique. L'apparition des phénomènes

morbides est beaucoup moins dramatique que dans la forme précédente, :

la fièvre ne dépasse pas 58 degrés ou 58",5; le pouls s'accélère, bat

130 fois à la seconde, alors que la respiration se ralentit et devient même

stertoreuse. 11 y a de la céphalée, des vomissements, plus rarement de la

constipation. La raideur de la nuque, le signe de Kel'l11g existent. Les

convulsions sont fréquentes et généralisées. La stase papillaire peut se

SYNDROMES VENTRICULAIRES. 1155

compliquer de mydriase, d'inégalité pupillaire et de paralysie irienne.

L'évolution est plus longue, plus irrégulière que celle d'une méningite;

elle conduit à un coma mortel ou se prolonge pendant trois ou quatre

mois et aboutit à une idiotie complète.

Ce tableau clinique ne diffère de celui d'une méningite que par des

nuances à peine saisissables et d'ailleurs contingentes, telles que l'ab-

sence habituelle de constipation, de rétraction du ventre, de troubles

vaso-moteurs. L'absence d'éruptions cutanées n'a pas une valeur très

générale, car les exanthèmes et l'herpès ne se rencontrent guère que

dans la méningite cérébro-spinale épidémique. L'insignifiance de la

fièvre est moins propre que l'examen du fond de l'oeil à distinguer l'épen-

dymite pseudo-méningée de la méningite tuberculeuse : la stase papil-

laire est en effet inconstante et tardive dans celle-ci, constante et préma-

turée dans celle-là. L'extrême lenteur de la marche, son irrégularité, la

conservation de l'état général sont, par contre, des indices nullement

négligeables. Malgré tout, l'hésitation est d'autant plus naturelle que les

épendymites pures sont infiniment plus rares que les méningo-éper.-

dymites. Pratiquement, l'idéal sera donc moins de tendre à une diffé-

renciation absolue qu tâcher de suspecter la possibilité dune déter-

mination ventriculaire et à vérifier cette supposition par l'ophtalmoscopie

et par la cytologie du liquide céphalo-rachidien.

Ce type clinique qui parait résulter plutôt des épendymites séreuses

que des épendymites séro-purulentcs, a un grand intérêt théorique en

ce sens qu'il conduit à attribuer une base anatomique précise à des

syndromes tels que le méningisme ou les pseudo-méningites (Donath);

mais il est bien évident que la solution du problème qui se pose au lit

du malade, ne peut être trouvée clnal l'autopsie et grâce à l'examen

microscopique, seul capable d'éliminer l'hypothèse de méningite histo-

logique qui, en pareil cas, se présente naturellement à l'esprit.

* Ependymite à forme clinique de tumeur cérébrale.- Le syndrome

pseudo-tumoral est tantôt généralisé, tantôt, partiel.

Dans les formes généralisées, on trouve une céphalée diffuse et inter-

mittente, des vomissements qui surviennent sans efforts et dont la fré-

quence augmente progressivement , des modifications du pouls qui devient

irrégulier ou très accéléré, de la névrite optique bilatérale avec. parfois,

du nystagmus, des vertiges, de l'afaxie. Les convulsions peuvent n'appa-

['nitre qu'au lI1olTl : 'nl de la terminaisou fatale c'est-à-dire cinq ou six mois

/après les premiers symptômes. 11 est probable que ce tableau clinique

encore très rudimentaire ne manquera pas de se diversifier lorsque le

démembrement, à peine ébauché, des méningites séreuses el des hydro-

céphalies internes permettra de lui attribuer, en toute connaissance de

cause, quelques-uns des innombrables signes accessoires de 1 hyperten-

sion intra-cranienne.

Dans les formes unilatérales, il arrive que la céphalée se localise à l'une

des moitiés du crâne et que la percussion du côté malade semble plus

- lG. DELAMARE.}

1151J

SYNDROMES VENTRICULAIRES.

douloureuse que celle du cote sain. Les convulsions sont tranche ment

unilatérales ou prédominent d'un côté; on enregistre également une

hémiplégie compliquée d'aphasie ondes différences appréciables dans les

réflexes tendineux droits et gauches. Enfin, l'hypertension de l'un des ven-

tricules latéraux peut, on devine aisément pourquoi, n'être pas décelable

par la ponction lombaire et, c'est en pareille occurrence que la ponction

de Quinckc est inutile et devient nuisible, sa répétition ne faisant qu'exa-

gérer les différences de la pression intra-vcntriculaire et arachnoïdienne.

11 est à peu près impossible de distinguer avec les seules ressources

de, l'analyse symptomatique ces variétés apyrétiques des vraies tumeurs

cérébrales. A peine, si leur prédilection pour les enfants, leur évolution

moins régulièrement, moins fatalement progressive et cachcctisante que

celle des néoplasmes pourraient, à la rigueur, faire naître un soupçon.

Il y aurait lieu de rechercher si la radioscopie ne pourrait pas fournir

quelques renseignements utiles à ce sujet. ~

Lorsqu'on se trouve en présence de ce syndrome, on a beaucoup de

chances pour avoir affaire à une épendymite séreuse car ce sont les

épendymites séreuses subaiguës ou chroniques, apyrétiques, généralisées

ou partielles (oblitérantes, unilatérales) qui le réalisent le plus nettement.

Toutefois, il convient de ne pas ignorer que les épendymites suppurées

peuvent donner naissance à un tableau clinique assez semblable. Le

début, il est vrai, a été précédé par une broncho-pneumonie, un abcès

cérébral, une méningite; avant d'être à la normale ou en hypothermie,

le malade a présenté une légère ascension fébrile (37U ? ou 58") ; la stase

papillaire et les convulsions sont plus inconstantes, mais le délire et les

troubles bulbaires sont plus fréquents, révolution un peu plus rapide.

Pour ce qui est du diagnostic étiologique, on ne manquera pas de

penser à la possibilité de la syphilis et surtout à celle des cysticerques

et de la tuberculose chronique, typique qui, sans être les seules causes

du syndrome pseudo-tumoral, sont parmi les plus fréquentes et les mieux

définies.

Souvent latents quand ils sont intra-cérébraux, les cysticerques engen-

drent, lorsqu'ils pénètrent dans les ventricules, une épendymite chro-

nique d'emblée, à gros épanchement séreux qui se manifeste par un

syndrome très analogue il celui que nous venons d'étudier. C'est ainsi

qu'en se localisant au ventricule latéral gauche (Verdun etiversenc), les

cysticerques ont pu produire une céphalée continue mais sujette à des

exaspérations paroxystiques, d'abord localisée à l'occiput puis au verlex;

de la constipation suivie, de diarrhée; des vomissements cérébraux; de la `

diminution de l'acuité visuelle avec pholophobie et diplopie; des crises

éplleptiformes avec perle de connaissance et raideur de la nuque ('); de

la torpeur; un sommeil irrésistible et quelques idées de suicide. L'évo-

lution se poursuivit pendant deux ans et comporta une rémission de plu-

1. Ce symptôme n'est donc pas nécessairement d'origine méningée.

SYNDROMES VENTRICULAIRES. 1 157 î

sieurs mois durant laquelle les troubles visuels furent seuls il persister.

La mort, fut précédée d'un coma qui dura huit heures et s'accompagna

de résolution complète, des membres, de cyanose, de refroidissement

des extrémités, de dyspnée. Le pouls battait 44 fois à la seconde; la

température était légèrement abaissée (50°, 8).

D'autres fois, on a observé, à côté des signes cardinaux qui viennent,

d'être passés en revue, de la paraphasie, des vertiges, une démarche

hésitante.

Les placards de tuberculose typique chronique peuvent donner lieu

à un complexus symptomatique assez semblable : dans un cas pur, ayant

évolué pendant deux ans, la seule particularité, en dehors de la céphalée

continue, des vomissements intermittents et de l'amaurose, tenait à

l'existence d'accès d'aphasie, accompagnés de tremblement de la

moitié droite du visage et de pertes de connaissance avec rougeur puis

pâleur livide de la face, ralentissement du pouls, trismus, opisthotonos,

convulsions cloniques du bras droit, convulsions oculaires et suivis de

cyanose, d'arrêts respiratoires, de troubles du pouls qui devenait petit

et rapide.

La difficulté extrême du diagnostic étiologique tient à ce que rien, ni

dans l'état local, ni dans l'état général n'autorise à suspecter la tuber-

culose : les viscères sont ou paraissent intacts, l'amaigrissement est,

tardif, la température manque. Anatomiquement même, l'hésitation peut

subsister si, en l'absence d'inoculation, les bacilles de Koch sont trop

rares pour être décelés dans les cellules géantes.

Épendymo-choroïdite comateuse. Si presque toutes les ependv-

mites comportent de la torpeur et se terminent par le coma, on doit

réserver 1 epithetc de comateuse il la variété fruste, presque apyréliquc

bien décrite par Loepcr, dans laquelle font complètement défaut les

troubles moteurs convulsifs ou paralytiques et la stase papillaire. dans

laquelle la céphalée initiale est suivie d'une somnolence considérable

qui aboutit il un coma prolongé.

Ce coma ependymo-cboroïdicn se distingue du coma méningitique

par sa durée, plus longue, l'absence de paralysies, de troubles vaso-

moteurs,, de température, du coma apoplectique, compliqué d oedème

papillaire et d'hémorragies rétiniennes, par sa prédilection pour les

enfants et les sujets encore jeunes, par son début insidieux, son intensité

moindre, l'hypothermie qui est terminale au lieu d'être initiale. En

dehors même des coininénioratifs, sa durée et l'absence d'odeur de

l'haleine suffisent à ne pas le confondre avec les comas alcoolique et

diabétique. L'absence de vomissements, de lividité faciale, de sueurs

et de grand refroidissement des extrémités permet d'éliminer l'empoi-

sonnement par les champignons. L'état des pupilles qui sont intactes,

inégales ou paresseuses, le différencie du coma belladone où la mydriase

est énorme, des comas opiacé et uremique, dans lesquels le myosis est

extrême.

. [G DELAnfARE] }

1158 SYNDROMES VENTRICULAIRES.

La forme comateuse reconnue, on pensera naturellement à la possibi-

lité d'une épendymo-choroïdile tuberculeuse, aiguë de l'adulte, puisque

c'est chez les tuberculeux qu'elle a été aperçue par Andral, Gintrac,

Fournél et bien décrite par Laper. Il est à peine besoin d'ajouter qu'il

n'y a là qu'une indication, nullement un axiome permettant d'écrire :

forme somnolente = tuberculose. Pour le croire, il faudrait ignorer que

cet état peut être réalisé par des épendymites banales, et ne pas connaitre

les formes hydrocéphaloïde et pseudo-tumorale de la tuberculose épen-

dymaire. Nous avons, pour notre compte, observé une tuberculose

typique, chronique de l'épendyme qui se termina par la mort subite,

sans somnolence ni coma avant-coureurs. jt

ÉPENDYMITES DE L'AQUEDUC DU SYLVIUS ET DU 4' VENTRICULE

Les symptômes sont les troubles pedoncutaircs, protubérantiels et

bulbaires que nous avons décrits comme éléments constituants du syn-

drome inflammatoire. ]1 est à remarquer que les modifications du pouls

et de la respiration prédominent dans les épendymites cérébro-bulbaires,

aiguës tandis que la polymie et la glycosurie s'observent plutôt dans les

épendymites uniquement bulbaires et chroniques.

La difficulté du diagnostic ne tient, pas ici il l'imprécision des signes

mais à la difficulté de les rattacher clillirlucluent au processus anato-

nnidae dont ils dérivent. Pour y parvenir, il faut y penser systématique-

ment, et surtout ne pas se contenter du diagnostic commode, mais peu

précis, de polyurie essentielle, de glycosurie nerveuse, etc.

Une autre cause d'erreur résulte de ce que la poly"rie et la glycosurie

notamment peuvent relever aussi bien d'un processus néoplasique que

d'un processus inflammatoire, d'une cpendymite banale que d'une épen-

dymite il cysticerques. En règle générale, la présence de symptômes

bulbaires ne doit pas orienter la recherche étiologique dans le sens de la

tuberculose, car il semble que les toxines du bacille de Koch respectent

fréquemment, sans doute il cause de leur dilfusibililé nulle ou minime,

les noyaux du plancher de la fosse rhomboïdale. ..

ÉPENDYMITES MÉDULLAIRES

Certaines paraplégies et certains syndromes syringomyetiqucs relèvent-

ils d'une épendyniilc médullaire ? Les abcès de la moelle déterminant

une paraplégie spasmodique avec perle de la sensibilité objective, dou-

leurs violentes dans les lombes 1'1 les membres inférieurs, paralysie des

sphincters ano-vesicaux, on a le droit de supposer que les épendymites

médullaires, purulentes (Zenker, Delamare et Merle), qui détruisent

l'épithéliuni et ahcèdeut la substance blanche sont susceptibles de donner

naissance il un comptexus clinique analogue.

La paraplégie de la dourine s'explique évidemment par les multiples

SYNDROMES VENTRICULAIRES. 1159

foyers de ramollissement médullaire trouvés à l'autopsie, mais il y aurait

lieu de rechercher si cette myélomalacie n'est pas, dans une certaine

mesure au moins, conditionnée par la trypanosomiase du canal épendy-

maire.

La paraplégie, signalée par Jou'roy et Achard, dans un cas d'épendymite

médullaire chronique, de cause indéterminée, peut s'expliquer par les

lacunes concomitantes et les lésions épendymaires observées ressemblent

trop aux altérations banales, quasi physiologiques du canal central de la

moelle humaine pour qu'il soit possible de leur attribuer, sans hésitation,

une conséquence clinique aussi importante. Il est, par contre, possible

d'affirmer que certains syndromes syringomyéliques sont véritablement

l'expression clinique, tardive d'une hydromyélie toxi-infectieuse, lente,

congénitale ou acquise dont les lésions sont analogues, sinon identiques

celles des épendymites séreuses, chroniques.

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE

Une expérience de Vulpian, répétée avec un résultat identique par Cossy.

montre que les parois ventriculaires sont inexcilables. Il s'en suit que les

irritations épendymaires sont latentes ou bien qu'elles doivent, à la

manière des irritations méningées, emprunter leurs expressions sympto-

matiques il la souffrance des centres nerveux voisins et, par conséquent,

présenter une physionomie- clinique différente suivant qu'elles sont céré-

branles, bulbo-prolubéranlielles ou médullaires. Les fonctions des centres

sous-corticaux étant très obscures, celles des centres .bulbaires étant

relativement bien connues, il y a donc beaucoup de chances pour que le

syndrome des épendymites bulbaires soit plus caractéristique que celui

des épendymites cérébrales.

L'hypothèse de la latence obligatoire étant inconciliable avec un

certain nombre de faits analonio-cliniques bien observés (épendymites

pures de Rilliet, Parkes Weber, locquin, épendymites prédominantes de

Beck, épcndymo-ctioroidites de Loeper. épendymite séropurulente,

lI1éningoco('cique de Cushing et Sladen, Fischer, Merle), on est conduit

à accepter l'idée de la symptomatologie d'emprunt.

Celle symptomatologie d'emprunt ne peut être que toxique et méca-

nique : toxique, elle résulte de la diffusion des poisons ventriculaires qui

traversent t'épithéhum épendymaire et vont adultérer les centres nerveux

contigus; mécanique, elle résulte de la compression exercée sur les

mêmes centres par 1'('I)aiielieiiieiii liquide. L'existence de. symptômes

d'ordre toxique est probable il cause de la facilité avec laquelle les poisons

(acide chlorhydrique dilué, urine stérilisée), les pigments (carmin), les

microbes (staphylocoque, pyocyanique). introduits directement dans la

cavité du ventricule latéral, franchissent l'épithétium, passent dans les

gaines périvasculaires et arrivent au contact, des noyaux nerveux. (Leur

progression descendante explique comment une épendymite primitive-

[G. DELAMARE.

1160 SYNDROMES VENTRICULAIRES.

ment cérébrale devient successivement sylvienne, rhomboïdale et même

médullaire; elle montre que le canal central sert surtout à diffuser les

produits morbifiques dans toute la hauteur du névraxe.)

La symptomatologie toxique est démontrée parla réaction fébrile passa-

gère mais vive que suscite l'injection ventriculaire de tuberculine, par

l'hyperthermie légère et l'amaigrissement que déterminent certaines

infections ventriculaires spontanées, et plus encore par l'existence d'alté-

rations considérables des noyaux bulbaires constatées dans certaines

épendymites expérimentales (Delamare et Merle).

L'existence de la symptomatologie mécanique est mise en évidence

par la disparition de certains signes cérébraux (céphalée, convulsions)

et bulbaires (bradycardie), sous l'influence de la soustraction du liquide

ventriculaire. Dans le même sens, plaident également les expériences de

Duret et de Sicard ; la dilatation brusque des ventricules par l'injection

directe, rapide d'une quantité d'eau supérieure à ') 00 grammes provoque

le ralentissement du pouls, des irrégularités respiratoires et un coma

rapidement mortel (Duret) ; la dilatation des ventricules consécutive il

l'injection sous-arachnoïdiennede sérum détermine un ralentissement et

des intermittences du pouls et de la respiration ; le chien en expérience

présente une somnolence et une parésie du train de derrière qui dispa-

raissent si l'on suspend l'injection avant d'atteindre la dose mortelle

(250 à 550 centimètres d'eau salée) (Sicard).

Il est vrai que la dilatation des mêmes cavités avec une quantité de

paraffine ou de vaseline, égale au tiers du poids de l'encéphale, ne produit

aucun effet appréciable chez le cobaye (Bruandet) et ne détermine, chez

le chien, qu'une légère rigidité spasmodique (Armand Delille). Mais quelles

conclusions en tirer si ce n'est que les centres nerveux périépendymaircs

s'accommodent mieux d'une compression lente que dune compression

brusque et possèdent une tolérance inversement proportionnelle au degré

de perfection cérébrale du sujet en expérience.

Est-il bien nécessaire d'ajouter que la résistance à la compression len-

tement exercée par des corps chimiquement inoffensifs n'implique en

aucune manière une résistance analogue vis-a-vis des liquides virulents

ou toxiques ? En fin de compte, l'introduction de paraffine ou de vaseline

dans les cavités cérébrales du cobaye et du chien n'est guère propre qu'il

mettre en lumière l'insignifiance des facteurs mécaniques, lents dans la

pathologie ventriculaire de ces animaux; elle ne légitime pas, bien

entendu, l'extension de ces données aux cerveaux, beaucoup plus per-

fectionnés, du singe et de l'homme et ne prouve ricn contre les faits posi-

tifs, humains ou expérimentaux, précédemment signalés.

Nous sommes donc en droit de penser que si certains troubles lml-

baires proviennent d'altérations nucléaires toxiques, la majorité des

signes bulbaires et la presque totalité des signes cérébraux proviennent

des effets purement mécaniques de l'hypertension venlriculaire ou, ce

qui revient au même, que si certaines épendymites bulbaires, sèches

SYNDROMES VENTRICULAIRES. Util

peuvent avoir une histoire clinique, les épendymites cérébrales restent

frustes ou latentes quand elles ne comportent pas un gros éllancllenleni.

Peut-on objecter que la relation génétique entre l'épanchement et

l'inflammation épendymo-choroïdienne n'est pas toujours bien établie ?

Nous ne le croyons pas, car, grâce il l'anatomie pathologique, nous possé-

dons un certain nombre d'observations complètes dans lesquelles J'hydro-

céphalie, 1 hémocéphalie ou la pyodphalie 'ne peuvent provenir que de

l'inflammation épendymaire. Le mécanisme productif de l'héinocéphalie

et de la pyocéphalie epcndymogencs est évident; celui de l'hydrocé-

phalie ependymogenc est, il faut le reconnaître, beaucoup plus incertain.

Ilésulte-t-elle d'une hypersécrétion de l'épendyme irrité ? Nous n'en

savons positivement rien, car nous ignorons si 1'¡;pithélill\l1 ventriculaire

prend une part quelconque à l'élaboration du liquide céphalo-rachidien.

L'hydropisie de certains culs-de-sac glanduliforines devenus kystiques

est néanmoins un argument favorable à cette hypothèse. Dans les cas.

d'ailleurs assez rares, où les plexus choroïdes participent de façon impor-

tante il l'inflammation, l'intervention de leur revêtement est admissible,

puisque ce revêtement présente les indices histologiques d'une activité

secrétoire, excitahle par 1'¡"lher et la muscarine sillon par la pilocarpine.

L'hydropisie est-elle, pour une part, l'effet de la congestion active ou pas-

sive, de la gainite' ? C'est possible, mais non certain, car il y a des conges-

tions et des gainites sans hydropisies et inversement. Dans les cas qui

passent à la chronicité et s'accompagnent de sclérose n]éninu-cérélrale,

le rôle respectif des granulations, de la pachyependymite, des scléroses

périveineuses, choroïdienne et méningée, est. encore plus difficile à définir

et à préciser, presque toutes ces altérations pouvant se rencontrer

dans des épendymites sèches ou manquer dans des épendymites liquides.

Un seul fait est certain, c'est l'action sur le développement et la topo-

graphie de t'epanchemeut des adhérences, des symphyses, des kystes qui

oblitèrent, les trous de Mouro. l'aqueduc de svlvius, le 4" ventricule.

Les conséquences de la fermeture des trous de Magendie et de Luschka

par un processus épendymaire, méningé ou mixte, sont plus discutables,

les attatonustcs affirmant l'inconstance physiologique de ces foramina.

" Ces difficultés, analogues du reste à celles que soulève le mécanisme

de la majorité des hydrocéphalies internes et, plus particulièrement,

celui de l'hydrocéphalie tueningitiqne.n'otent rien il l'hydrocéphalie

épendymogène de son incontestable réalité et de son très réel intérêt. La

valeur nosologique et pratique du concept en question apparaît évidente

si l'on réfléchit qu'il est capable de fournir une base anatomique il des

syndromes de tneningisme ou dl pSl'llllo-lIll'lIingite et que. faute de le

connaître, des chirurgiens de la plus haute valeur ont classé dans la mé-

ningile séreuse des faits où l'intégrité des méninges était aussi certaine

que t infection des ventricules était évidente !

En tout étal de cause, il semble bien qu'on ait le droit de parler d'hy-

drocephahc cpcndytuogene et de préférer cette expression au terme

[G. DELAMARE.]

1162 SYNDROMES VENTRICULAIRES.

vague d'hydrocéphalie idiopathique, essentielle ou inflammatoire, à celui

de méningite ventriculaire, séreuse, qui prête à confusion et consacre

une hérésie anatomique, lorsqu'il ne s'applique pas exclusivement il

l'inflammation hydropigène de la partie conjonctive des toiles choroï-

diennes.

- - TRAITEMENT

Les indications thérapeutiques découlent naturellement de la nature

de l'infection, de sa limitation plus ou moins exacte à la cavité ventricu-

laire et de l'importance plus ou moins considérable de l'épanchement.

Ainsi, par exemple, l'abstention doit être la règle en présence d'une

meningo-ependymitc tuberculeuse aiguë, d'une épendymite chronique

associée à un processus teratotogiquc alors que le traitement mercuriel

intensif doit être appliqué sans retard aux épendymites séreuses des

hél'l'.do-syphi Ii ti 1111es, '

Pour les 11ll"ningo-épendYlnites à meuiugocoqucs, la ponctionetl'injec-

tion ventriculaire du sérum de Flexner sont indiquées lorsque la ponc-

tion de Quincke et t'injection arachnoïdienne n'ont eu aucun effet utile.

Ce sérum perdant toute son efficacité lorsqu'il n'est pas mis au contact

direct du germe à détruire, il est, en effet, bien évident que l'inoculation

\ lombaire n'a et ne peut avoir aucune action bienfaisante si, comme il

arrive quelquefois, le diplocoque de Weiselwlbaum se cantonne exclusi-

vement dans les ventricules. On a d'ailleurs tout lieu de penser que si le

canal central diffuse les poisons, il peut aussi diffuser les anticorps, les

antitoxines et l'on conçoit que la sérothérapie ventriculaire de la menin-

gococcie (Cushing et Sladen, Fischer) ne soit qu'un cas particulier d'une

méthode plus générale, susceptible de nombreuses applications dans les

formes graves du tétanos (Pickerell. Choupin), de la diphtérie, de la rage.

Abstraction faite de la nature de l'agent causal, qu'il soit connu ou

inconnu, il convient, en règle, très générale, de renoncer il la ponction

lombaire dès qu'elle ne procure pas d'amélioration nette ou lorsque

l'absence d'hypertension rachidienne et d'éléments figurés démontre

l'absence de communication entre le ventricule infecté et les espaces

araelmoïdieiis. La ponction lombaire est inutile et peut devenir nuisible

car elle exagère la différence des pressions intra- et extra-ventriodaires.

II faut alors, sans s'attarder à la trépanation décoinpressive dont l'action

n'est qu'indirecte, recourir il la ponction ventriculaire qui, seule, esl

capable d'évacuer rapidement l'excès de liquide seplique ou toxique.

Dans certains cas, il est indispensable de la renouveler deux et même

trois fois. Les merveilleuses guérisons obtenues dans des circonstances

presque désespérées (forme pselldo-suppuraliye de t'ependymite séreuse)

prouvent assez la haute valeur de cette méthode, seule vraiment ration-

m'lie en présence de l'infection grave d'une cavité close, chirurgicale-

ment accessible. A l'employer, on n'a rien à perdre, tout à gagner.

RADIOLOGIE

par le D'André LÉRI (1)

La neurologie a parfois trouvé dans la découverte de Rontgen un pré-

cieux moyen d'investigation, susceptible non de suppléer au diagnostic

clinique, mais de lui faire suite en le complétant.

Les applications neurologiques des rayons X faites jusqu'à ce jour sont

de deux ordres : dans certains cas les rayons ont été employés pour

contribuer il établir un diagnostic, cas de radiographie ou de radioscopie,

dans d'autres cas, jusqu'ici plus rares, ils ont constitué une thérapeu-

tique. On envisage dans le premier groupe de ces faits les rayons qui,

après avoir traversé une partie du corps, viennent impressionner une

plaque photographique ou un écran, dans le second groupe les rayons

qui, au contraire, sont arrêtés ou absorbés par les tissus irradiés.

1

t I. RADIODIAGNOSTIC

t (Emploi des rayons X en clinique neurologique).

A. GÉNÉRALITÉS

, 1" Classification des cas justiciables du radiodiagnostic.

La moelle et le cerveau sont des organes de faible densité, clairs,

inclns dans un étui osseux compact ; ils sont tels que les modifications

même considérables de la densité du contenu restent toujours cachées

par l'opacité du contenant. Aussi les applications du radiodiagnostic il

l'élude des lésions directes du système nerveux central se trouveront

limitées : soit aux cas où la boite osseuse opaque se trouvera déformée

ou partiellement épaissie ou raréfiée (traumatismes, hyperostoses ou

destructions osseuses), soit aux cas où dans cette boîte opaque aura péné-

tré un corps étranger plus dense encore (balle de revolver, lame de cou-

tean, etc.).

Beaucoup plus fréquemment la radiologie ne sera applicable qu'il des

altérations secondaires du tronc ou des extrémités : ces modifications

pourront être dues soit il une maladie du système nerveux central ou

périphérique, soit à des affections dyslrophiautes diverses généralement

classées par les auteurs, il tort, ou à raison, parmi les maladies du sys-

tème nerveux, affections dont l'origine est en réalité peu connue, sou-

vent sans doute autotoxique.

I. Nous tenons : 1 remercier notre ami le D' Gaston Legros, ancien interne des hôpi-

taux, chef dn laboratoire de radiographie de l'hôpital Tenon, dont la grande compétence

en radiologie nous a été très précieuse pour la rédaction de cet article.

[A. LÉRI.

1164 . RADIOLOGIE.

Parmi les premières de ces altérations, on doit compter les arl.liro-

pathies et ostéopathies tabétiques et syringomyéliques, les atrophies

osseuses de la paralysie infantile et des scléroses cérébrales infantiles,

les déformations des névrites et des myopathies. ,

Parmi les secondes dé ces affections, il faut placer, d'une part les

déformations plus ou moins systématisées de l'acromégalie, de la maladie

de Paget, de l'ostéo-arthropathie hypertrophiante pneumique, de l'achon-

droplasie et de la dyschondroplasie, de la dysostose cléido-cranienne

héréditaire, d'autre part les ostéopathies diffuses ou irrégulièrement

disséminées du rachitisme, de l'ostéomalacie, etc.

2° Utilité relative de la radioscopie et de la radiographie.

La radioscopie est surtout applicable aux cas où, comme dans le tho-

rax par exemple, des organes compacts comme le coeur, l'aorte, font

une tache opaque sur un fond relativement transparent comme le pou-

mon, Dans les applications neurologiques, il ne s'agit presque jamais

de cas semblables, exception faite des rares cas où dès corps étrangers

métalliques ont pénétré dans l'encéphale ou la moelle : la radioscopie

peut être alors fort utile.

Dans toutes les autres circonstances, que l'on ait à rechercher des alté-

rations du crâne ou du rachis, ou que l'on ait à constater les déforma-

tions trophiqucs des os du tronc, de la face ou des extrémités, les rayons

X ont surtout à mettre en évidence des lésions fines de la structure

osseuse, des raréfactions, des hyperplasies ; la radioscopie, étant donné

le pouvoir éclairant faible de l'écran, n'est pas favorable à la mise en

évidence de ces altérations ; la plaque, sensible, au contraire, les accuse,

car elle additionne les impressions reçues en plusieurs secondes de pose,

ce que l'oeil ne saurait faire ; la radiographie est donc leprocédé-de choix.

La radioscopie reste, bien entendu, utilisable pdur la constatation

facile et rapide d'une. fracture spontanée, d'une pseudarthrose, etc.;

elle peut préparer et préciser la radiographie qui sera prise ensuite,

car elle permet l'examen de grandes étendues de régions ou de grands

segments de membres; elle élimine donc les clichés trop grands,

c'est-à-dire donnant des images déformées ou voilées, déformées pour

les régions éloignées du point d'incidence du rayon normal, voilées par

les rayons secondaires qui prennent naissance au contact des corps irra-

diés ; enfin elle est un excellent moyen de mensuration d'un raccourcis-

sement osseux et d'appréciation de son évolution. Pour le reste, la

radioscopie est inférieure à la radiographie : celle-ci donne ce que

celle-là ne peut donner.

3° Instrumentation. - Technique.

L'instrumentation et la technique de la radiographie n'offrent rien de

spécial et ne sauraient être envisagées ici. Les règles générales qui

RADIODIAGNOSTIC. H 65

doivent être observées pour l'obtention de bonnes épreuves sont plus

essentielles ici encore que dans hien d'autres circonstances de la pra-

tique médicale ou chirurgicate. Par exemple, une certaine dislocation des

travées d'un radius ou d'un tibia doit pouvoir permettre d'affirmer un

diagnostic de maladie de Paget douteux, un élargissement de la selle

turcique ou une destruction des apophyses clinoïdes sont un signe im-

portant de tumeur hypophysaire : on peut déduire de ces deux exemples

l'importance de radiographies nettes, à détails fins, prises en positions

correctes et identiques, toujours comparables entre elles.

De nombreux et récents perfectionnements des appareils et. surtout

des ampoules employées permettent actuellement la radiographie

rapide ou instantanée, c'est-à-dire une diminution considérable des

temps de pose pouvant, descendre jusqu'à trois quarts de seconde pour

le cliché d'un thorax. Cette technique est utile et peut même être né-

cessaire pour la radiographie du coeur('), du poumon ; elle supprime les

mouvements respiratoires et donne des radiogrammes fouillés, d'une

précision et d'une clarté exceptionnelles ; enfin des malades nerveux,

des agités, des alcooliques, des dyspnéiques, ne peuvent guère être

radiographiés que par ce procédé. Ces dernières raisons d'ordre général

peuvent rendre la radiographie instantanée précieuse en neurologie, mais

en dehors d'elles et pour l'étude des os, des vertèbres, du crâne, il n'y

a pas d'avantage sensible à délaisser les procédés ordinaires. La méthode

de pose doit même être préférée à la radiographie rapide ou instantanée

si l'on veut faire varier la qualité des rayons employés en vue des détails

cherchés, pour la mise en évidence de la structure du tissu osseux, des

muscles, des tendons, des bourses séreuses même, par exemple.

La stéréoradiographie doit être mentionnée dans cet exposé rapide.

La stéréoradiographie ou radiographie stéréoscopique sera particulière-

ment apte à donner une image précise et vivante. Elle permet de voir

l'e squelette et les lésions, ou, s'il y a lieu, le corps étranger, connue

reconstitués en perspective; on peut juger de la superposition des plans

et des distances qui les séparent : ainsi on peut apprécier, par exemple,

la situation relative des différents fragments dans un foyer de fracture

ou bien l'aspect exact d'une extrémité osseuse luxée. Une stéréoradio-

graphie est double et se compose de deux vues de l'objet examiné,

prises de deux points un peu distants de l'espace (5 centimètres en

général) : ces deux vues représenteront la vision de l'oeil droit et celle

de l'oeil gauche et leur réunion donnera dans le stereosconc la sensation

du relief.

1. Les perfec ! ionncments de la radiographie instantanée ont permis récemment, en

Allemagne et dans certains laboratoires français privilégiés, d'obtenir, au moyen de

bobines puissantes et encore fort dispendieuses, des cinématograpliies radiographiques

des mouvements viscéraux, des cinématographies des mouvements du coeur notamment :

on conçoit que l'emploi de ces appareils sera sans doute précieux pour l'étude de la

physiologie normale et pathologique de certains organes.

[A. LÉRI.]

1166 RADIOLOGIE.

B. L'ASPECT RADIOGRAPHIQUE a '

DANS LES DIFFÉRENTES AFFECTIONS NERVEUSES t

Nous passerons rapidement en revue les applications radiographiques

dans l'étude des affections suivantes :

1° Traumatismes de la moelle et du cerveau avec ou sans pénétration

de corps étrangers; .4

2° Déformations pathologiques du crâne et du rachis : '

5° Déformations trophiques osseuses et articulaires des extrémités, con-

sécutives à des affections du système nerveux central ou périphérique;

4° Affections osseuses dystrophiantes, soit systématisées, soit diffuses

et irrégulières.

1° TRAUMATISMES DE (LA MOELLE ET DU CERVEAU

Lorsqu'on suppose qu'un corps étranger a pénétré dans la

moelle ou dans le cerveau, la radiographie ou la radioscopie donnent les

renseignements les plus précis si le corps étranger es)' particulièrement

opaque aux rayons X, si c'est notamment un corps métallique, ce qui est

généralement le cas, car il s'agit presque toujours de balles de revolver,

de lames de couteau, de pointes de stylets ou de fleurets, etc.

Pour le crâne deux cas peuvent se présenter : '10 ou bien on ignore si z

le corps étranger s'est enfoncé et est resté dans les tissus, la radiographie

tranche la question en révélant ou non sa présence ; 2" ou bien il s'agit

non plus d'indiquer la présence douteuse, mais bien de préciser le siège

d'un corps étranger certain :

1" Dans le premier cas la radiographie permet d'affirmer que les

troubles cérébraux qui auront pu se produire sont dus soit il la présence

du corps étranger dans le crâne, soit il l'existence d'une hémorragie mé-

ningée ou cérébrale, ou sont simplement attribuables il une contusion ou

une commotion de l'encéphale. Quelquefois même la radiographie per-

mettra de préciser un de ces derniers diagnostics en révélant un trait de

fracture au lieu du corps étranger métallique recherché;

2° S'il s'agit de préciser le siège exact du corps vulnérant dans le

crâne et d'en rendre ainsi possible l'extraction, différentes méthodes

peuvent, être utilisées.

Le principe des dispositifs les plus fréquemment employés est celui

du compas il trois branches des sculpteurs : il faut. en appliquant les

trois branches d'un compas sur trois points osseux saillants et faciles à

repérer de la région envisagée, indiquer avec une quatrième branche

mobile la situation du corps étranger dans l'espace. On doit pour chaque

recherche : 1" prendre deux épreuves radiographiques du corps étranger

ou relever il l'écran sur le blessé les points d'entrée et de sortie du rayon

normal de l'ampoule [tassant par le, corps étranger suivant deux inci-

dences successives variant de 40 degrés il 90 degrés; 2° régler le' compas

en reconstituant matériellement dans l'espace par des fils les deux

RADIODIAGNOSTIC. 1 167

rayons incidents et leur intersection : celle-ci répond à la situation du

corps étranger dans le crâne pour les points de repère choisis. Ce pro-

cédé, plus ou moins modifié, est employé dans les appareils de Ht'IIIY et

Contremoulins, Mackenzic, Davidson, Guilloz, Leduc, etc.

Ces appareils, et surtout le premier, sont en général coûteux, délicats à

manier et demandent des opérations minutieuses et très longues. Aussi

Tuffier a-t-il préconisé un appareil beaucoup plus simple. Celui-ci se

compose d'une bande métallique souple qui s'applique et se moule sur

le crâne. On détermine radioscoliduernent les points d'entrée et de sor-

tie de deux rayons normaux perpendiculaires entre eux qui passent tous

deux par le projectile; on marque ces points d'entrée et de sortie sur

la bande souple ; on marque également sur le crâne la position exacte

de la lame métallique par de légères pointes de l'eu. On enlève alors sans

la déformer la laine métallique munie de ses quatre marques et on tend.

entre les quatre points marqués, deux fils; leur entre-croisement repré-

sente la situation exacte du corps étranger, une fois la bande métallique

remise en place. L'appareil est enlevé, une aiguille indicatrice v est

introduite et sa genouillère fixée de manière que la pointe affleure exac-

tement la croisée des fils; on enlève alors ces derniers devenus inutiles,

et l'appareil stérilisé est prêt à servir au cours de l'opération. A ce mo-

ment le chirurgien réappliquera l'appareil exactement sur le sujet en

superposant ses contours aux traces du thermocautère, et l'aiguille indi-

catrice enfoncée dans sa genouillère conduira vers le projectile au niveau

duquel sa pointe s'arrêtera. La simplicité de l'appareil et de la méthode

de repérage sont séduisantes, mais la bande métallique flexible par prin-

cipe [tout facilement se déformer, d'où des causes d'erreur et de fausses

directions possibles; la mobilité des téguments, la profondeur du siège du

corps étranger sont encore susceptibles d'accentuer les écarts il craindre.

Perches a décrit un autre mode de recherche sous le nom de ponction

des corps étrangers; il est basé sur l'innocuité des piqûres viscérales par

des aiguilles très fines et consiste à prendre le contact avec le corps

étranger au moyen d'une aiguille à acupuncture longue et mince sous le

contrôle de la radioscopie et sur la table d'opération; on procède séance

tenante il l'extraction. Ce procédé est considéré par Loison (') comme un

procédé de choix; il considère les piqûres par aiguilles fines comme

complètement inoffensives même pour le cerveau, les vaisseaux et les

nerfs, et éviterait ainsi il la fois les techniques difficiles du repérage et

les fausses routes opératoires.

Pour ce qui concerne le rachis. il peut être bien plus difficile d'affir-

mer a priori que le corps étranger qui a traversé les tissus superficiels a

bien pénétré dans la cavité rachidienne. Ces tissus sont en dlet plus

épais, ont un pouvoir d'arrêt plus considérable, et d'autre part la para-

plégie brusque, signe habituel en cas de pénétration dans la moelle, peut

1. Loison. Les rayons de 11(jifleii. Dois, 1905.

[4. LERL

1168 RADIOLOGIE.

cependant faire défaut pour une lésion médullaire partielle ou exister

sans que le corps étranger ait pénétré dans la colonne vertébrale; on

peut en effet observer une paraplégie brusque, ou bien dans le cas de

fracture ou de luxation vertébrale, ou bien à la suite d'une hémorragie

soit d'une vertèbre non luxée ou fracturée (hélllt1torachis), soit de la mé-

ninge (hémorragie méningée), soit de la moelle elle-même (hématomyé-

lie), ou bien à la suite d'un simple choc médullaire, d'une commotion ou

d'une contusion médullaire.

La symptomatologie n'est pas toujours assez dissemblable dans ces

différents cas pour permettre d'en faire le diagnostic clinique; la radio-

graphie lui viendra puissamment en aide en révélant : 1° la présence ou

l'absence du corps étranger dans la plaie; 2° sa situation en hauteur;

5" jusqu'à un certain point sa situation en profondeur. Mais, étant donnés

le diamètre relativement considérable du tronc et le diamètre très

restreint de la cavité rachidienne, il ne faudra pas compter sur la radio-

graphie, sauf en des cas très exceptionnels, [tour juger si l'agent vulné-

rant a ou non louché la moelle et si la paraplégie résulte ou non d'une

section ou d'un écrasement médullaire. Que le corps étranger ait pénétré

ou non dans le rachis, la radiographie montrera parfois, avec une net-

teté plus ou moins grande, une fracture ou une luxation vertébrale qui

feront le diagnostic cherché, mais elle ne révélera jamais les hémorra-

gies de la moelle, de ses enveloppes ou du rachis dont l'élimination

serait nécessaire pour aboutir au diagnostic, si important au point de vue

pronostique ou thérapeutique, de contusion ou de commotion médul-

laire, voire même de paraplégie névropathique.

Les traumatismes du crâne ou du rachis peuvent encore se produire

de façons très différentes sans action de corps étrangers, péné-

trants ou non : tels sont les chutes et les coups portant directement ou

indirectement sur la tète ou le dos, chutes sur les pieds, sur les genoux,

sur le siège. Le seul renseignement, souvent essentiel, il est vrai, que

pourra alors fournir le radiodiagnostic consistera dans la révélation d'une

fracture du crâne, d'une fracture ou d'une luxation du rachis. Cependant

les fractures et les luxations légères, incomplètes ou partielles, n'appa-

raissent souvent pas avec netteté sur la plaque sensible : telles sont les

fractures de la table interne ou les fissures du crâne, les fractures de la

base sans déplacement, les luxations antéro-postéricurcs du rachis avec

ou sans bascule de vertèbres et compression de la moelle, les arrache-

ments de fragments osseux d'un corps vertébral ou d'une apophyse

venant comprimer la moelle ou les racines, etc. ; or c'est dans ces cas

précisément que la symptomatologie du début, serait souvent assez fruste

pour que le diagnostic ait besoin d'un contrôle radiographique.

Il nous faut dire un mot encore des troubles traumatiques

tardifs, ceux-ci particulièrement importants pour le neurologisle, car

ils surviennent souvent à une période où le traumatisme est oublié et

où le malade n'a plus aucune raison pour s'adresser directement au chi-

RADIODIAGNOSTIC. Il 611 i

rurgien. Nous voulons parler, pour le crâne, soit des signes de compres-

sion inira-crttnienne, soit des monoplégies ou des hémiplégies, soit sur-

tout des crises épilepliformes, généralisées ou jacksonniennes, qui

peuvent survenir plusieurs semaines, plusieurs mois ou plusieurs années

après un traumatisme souvent d'apparence bénigne; pour le rachis, des

paraplégies tardives.

Dans ces différents cas, il pourra s'agir d'accidents purement névro-

pathiques ou de maladies définies de la moelle ou du cerveau dans l'appa-

rition desquelles le traumatisme aura joué un rôle nul ou tout au plus le

rote de cause occasionnelle, paralysie générale, tabès, sclérose en

plaques, etc. ; la radiographie n'a rien à voir avec ces affections.

Il pourra s'agir de la détermination locale au niveau d'un traumatisme

ancien d'une maladie générale, tuberculose, syphilis, tumeur, etc., détcr-

mination sans doute appelée par le traumatisme : nous dirons plus loin

les aspects radiographiques que peuvent produire ces lésions quand elles

tsiègent sur les os du crâne ou du rachis.

f Enfin parfois il s'agira de troubles cérébraux ou médullaires, dépen-

dant bien réellement du traumatisme préalable. ' ? Les troubles cérébraux, et tout spécialement les crises d'épilepsie

jacksonnienne, résulteront souvent alors de la saillie interne d'un cal

exubérant ou d'adhérences méningées au crâne et au cerveau : si le trait

de fracture a été préalablement reconnu par la clinique ou par la radio-

graphie et si son siège correspond il la localisation des convulsions, le

diagnostic causal est rendu des plus faciles; mais, même au cas où la

lésion osseuse ancienne aurait été méconnue, la radiographie peut par-

fois révéler une opacité plus ou moins nette, plus ou moins linéaire,

bien ou mal limitée, qui permettra le diagnostic : et ce diagnostic sera

d'autant plus important qu'une trépanation osseuse simple, bien locali-

sce, relativement bénigne, amènera la suspension de crises parfois par-

ticulièrement répétées et tenaces.

Les paraplégies tardives dues à l'action directe d'un traumatisme

sonl beaucoup plus rares : elles paraissent être en jeu notamment dans

certains cas exceptionnels de cyphose heredo-traumatique de Pierre Marie

et Astie. Elles nous paraissent avoir même pathogénie que les troubles

cérébraux post-trauma1.iques tardifs, à savoir la production de cals

osseux exubérants et de compression nerveuse : mais ces cals se pro-

duisent dans le rachis non seulement sur les os, mais aussi sur les liga-

ments. Nous avons en effet constaté sur une colonne vertébrale de cy-

phose heredo-traumatique. outre l'ossification du ligament vertébral

antérieur dans la concavité de la courbure cyphotique, l'existence de

nodules osseux intra-rachidiens partant des ligaments jaunes antérieu-

rement déchirés ('). Nous avons pu nous assurer, avec le concours de

1. A. UHI. Autopsie d'un cas de cyphose hé1'édo-lraumatiqlle, Soc. rnécl. chs Irôpil.

22 juillet 100 t, Anatomie, pathologique et pathogénie des ankylose» vertébrales. Con-

grès de médecine. Liège, 190ô.

PHATIQUE KEUROL. 7-i

[A. LÉRI.]

1170 RADIOLOGIE.

notre ami G. Legros, que ces 'néo-ossifictions, et notamment les bour-

geons osseux saillants dans la cavité rachidienne, apparaissent sur une

radiographie de la colonne vertébrale isolée; nous ne savons s'il en

pourrait être de même sur le vivant : il serait intéressant, et pour le

diagnostic et pour le traitement, de s'en assurer dans les observations

ultérieures, ces nodules osseux pouvant très vraisemblablement détermi-

ner un certain nombre de paraplégies traumatiques tardives par com-

pression de la moelle.

2 ? DÉFORMATIONS PATHOLOGIQUES DU CRANE ET DU RACHIS

Le crâne et le rachis peuvent présenter des lésions localisées d'une

maladie générale, comme la tuberculose ou la syphilis, ou d'un processus

néoplasique, ostéome, ostéo-sarcome, cancers secondaires. Le crâne peut

aussi être le siège de déformations d'ensemble; le rachis, de déformations,

de déviations ou d'ankyloses.

a) Crâne. Les lésions localisées, infectieuses ou néoplasiques,

du crâne, ne donnent dans la plupart des cas aucune image radiogra-

phique précise. Pourtant la tuberculose du crâne détermine quelquefois

des lésions par défaut, des trous ou des enfoncements plus ou moins pro-

fonds, qui apparaissent sur la radiographie sous forme de taches claires,

étendues, irrégulières, interrompant plus ou moins la continuité du con-

tour. La syphilis du crâne peut déterminer, à côté d'usures osseuses, de

pertes de substances, d'ostéoporose diffuse, des néoformations, des pro-

cessus hyperostosiques et des exostoses, des dépôts de couches osseuses

sous-périostiques plus ou moins concentriques, en bulbe d'oignon : la

juxtaposition de ces lésions par défaut et par excès donne parfois des

images radiographiques très .caractéristiques (h'. Ii-rause.).

Les ostéomes et ostéo-sarcomes des os du crâne, soit de la voûte, soit

parfois de la base, peuvent produire des opacités étendues, à contour

plus ou moins diffus; les tumeurs secondaires des os, et notamment les

sarcomes partis de la méninge et ayant ultérieurement envahi l'os, provo-

quent au contraire plus fréquemment des transparences anormales mal

délimitées (Mills, de Martel, etc.).

Les tumeurs du cerveau ou des méninges qui n'envahissent pas les

os du crâne ne produisent presque jamais de modifications de l'image

radiographique : parfois cependant on a pu constater la dépression des

lamelles osseuses qui forment la base sous la poussée de l'hypertension

intra-cranienne, l'abaissement de l'ethmoïde, l'extension de la distance

du nasion à la selle turcique, l'agrandissement de la selle turcique elle-

même en dehors de toute tumeur de l'hypophyse. Exceptionnellement,

dans une tumeur purement intra-cranielinc, on a observé des atrophies

et des usures osseuses décelables sur la plaque photographique, ou une

.véritable disjonction de certaines sutures qui peuvent s'écarter de plu-

sieurs. millimètres, cela surtout chez de jeunes sujets (Oppel1heim et

RADIODIAGNOSTIC. 1171 1

Krause). Plus exceptionnellement encore, la radiographie a montré la

tumeur intra-cranienne elle-même quand elle présentait des caractères

particuliers de calcification ou d'ossification : c'est ainsi que Schuner a

pu voir l'image d'un anévrisme calcifié de la carotide interne.

Nous ne parlons pas ici des altérations spéciales déterminées par

les tumeurs de l'hypophyse : nous les envisagerons à propos de l'acru-

111éallC.

Des déformations d'ensemble du crâne s'observent dans l'acro-

mégalie, dans la dysostose cléido-cranienne, dans l'achondroplasie : nous

les décrirons plus loin avec les affections osseuses dystrophiantes systé-

matisées.

Nous signalerons seulement ici une déformation très spéciale, excep-

tionnelle, l'oxycéphalie ou crâne en tour, signalée par Hirschberg,

étudiée par Merle, par Hirschberg et Grunmach. La forme caractéristique

du crâne serait due à une synostose prématurée et totale des sutures

crâniennes chez l'enfant avec, semble-t-il, hydrocéphalie et lésions de la

dure-mère. 11 y aurait en outre par places des épaississements des os du

crâne et des exostoses et. chez une malade de Hirschberg. une dilatation

considérable de la selle turcique. Cet ensemble de lésions donnerait il

l'image radiographique un aspect qui permettrait un diagnostic très

précoce.

b) Rachis. Les lésions localisées, infectieuses ou néoplasiques,

du rachis produisent bien moins souvent encore que celles du crâne des

.modifications de l'image radiographique. ,

. La tuberculose vertébrale est exceptionnellement en foyers assez

étendus et assez profonds pour que la radiographie montre une caverne

sous forme d'une lacune dans l'os, Le mal de Pott ne se révèle géné-

ralement sur la plaque sensible que par les déviations qu'il détermine,

dues à des luxations ou à des effondrements osseux : dans ces cas, le

radiodiagnostic est trop tardif pour avoir une valeur quelconque, surtout

étant donné que. même à cette période, il ne montre que la déformation

osseuse sans en révéler la nature. Dans quelques cas un volumineux abcès

par congestion peut apparaître sur la plaque ; mais à ce moment l'abcès

est, généralement trop volumineux déjà pour que le diagnostic clinique

n ait encore pu être fait. La constatation de certaines déformations ao1'-

tiques dans le mal de Pott sera parfois plus intéressante.

Les déterminations de la syphilis sur le rachis paraissent très excep-

1 ionllelles; Leyden a décrit une forme ulcéreuse analogue au mat de

l'oit tuberculeux et une forme ostéophytiqut, plus ou moins semblable

au rhumatisme vertébral : peut-être la constatation radiographique de

volumineux ostéophytes pourrait-elle parfois permettre de faire ce

diagnostic, mais nous manquons actuellement complètement de notions

sur ce sujet.

Nous n'avons non plus aucune notion sur l'aspect radiographique des

tumeurs, primitives ou secondaires, du rachis.

. [A.LÉFL]

1 1 72 RADIOLOGIE.

Les déviations de la colonne vertébrale sont latérales (scolioses) ou

antéro-postérieures (cyphoses et lordoses). Leur élude radiologique a été

peu faite et ne parait pas présenter un notable intérêt au point de vue

du diagnostic.

On considère généralement les scolioses dites essentielles de l'adoles-

cence comme reconnaissant pour cause une dystrophie primitivement

musculaire.

Pourtant c'est en se basant sur l'élude radiographique d'adolescents

scoliotiques que Max Jiohne a établi sa théorie de la scoliose par rnalfor-

mation vertébrale. Cette scoliose, d'après lui, reconnaît uniquement

comme cause une anomalie de développement de la septième cervicale ou

de la première lombaire. Ces vertèbres, assez fréquemment, se développent

suivant le type des vertèbres dorsales voisines et présentent des rôles

accessoires; le développement, symétrique des deux côtés de la vertèbre

suivant ce type ne modifie pas la direction normale de la colonne verté-

brale, le développement anormal unilatéral ou asymétrique entraine une

déformation cervico-dorsatc ou 101llho-dorsale avec déviation compensa-

trice.

La paralysie infantile frappant une zone [tins ou moins étendue des

muscles spinaux est une cause évidente d'un grand nombre de scolioses.

cause déjà signalée pal' lIuchcl11H' de lloulognc; il semble qu'en général

la paralysie infantile portant, sur un des côtés du thorax amène une

scoliose il convexité dirigée vers le côté sain. la paralysie infantile

portant sur un des côtés de la région S11C1'O-1O1171);111'(' une scoliose il

direction inverse. Il est d'ailleurs impossible de généraliser, les lésions

osseuses atrophiques unilatérales des corps vertébraux peuvent jouer un

rôle comme l'atrophie musculaire : ici encore la radiologie peut à la fois

préciser le diagnostic et éclairer la pathogénie.

L'étude radiographique des scolioses, quand elle sera plus approfondie,

pourra peut-être, à notre sens, donner quelques indications intéressantes

sur l'évolution de l'all'ection, sur son pronostic et aussi sur son traitement.

L'examen anatomique d'un certain nombre de colonnes scoliotiques nous

a en effet permis d'établir que c'est par des neoformations osseuses que

le rachis tend à se consolider, que ces néoformations se trouvent sur les

bords des disques intervertébraux et aussi dans les espaces intercostaux

et costo-vertebraux, luais cela toujours du côté concave, e'cst-à-dire du

côté où la colonne tend à glisser, qu'elles sont ainsi toujours situées de

façon à limiter autant que possible la déformation ('). Peut-être pour-

rait-on voir sur les radiographies ces lIéo('ol'lualiol1s osseuses et cela,

on le conçoit, pourrait avoir un certain intérêt pour la direction du traite-

ment.

La colonne vertébrale présente encore des déviations et des anky-

1. A. Lkiu. Pathogénie des ankyloses et spécialement des ankyloses vertébrales. Rapport

au Congrès de l'Avancement des Sciences, Lyon, 190G.

RADIODIAGNOSTIC.

Il 73

loses, avec ou sans déformations, dans deux affections longtemps con-

fondues, le rhumatisme vertébral et la spondylose rhizomélique qui a

été isolée par Pierre Marie. La spondylose rhizomélique est plutôt une

maladie de la première moitié de la vie. elle est généralement infec-

tieuse, surtout blennorragique, parfois tuberculeuse, elle n'ankylose

guère que le rachis et les articulations de la racine des membres. Le

rhumatisme vertébral est généralement plus tardif, il est surtout d'origine

Iliathésiqw', il ne prend que rarement la colonne vertébrale, et seule-

ment alors que les petites articulations des extrémités sont déjà déformées.

Nous avons cherché il établir la différenciation anatomique et pathoge-

nique de ces deux affections (') : nous avons constaté que le rhumatisme

vertébral présente des déformations et des ankyloses ir régulières, avec

hyperostoses et ostéophytes multiples (rhumatisme vertébral ostéophyti-

que de J. 'l'cissier) ; la spondylose est au contraire une ankylose régulière

de toutes les articulations vertébrales par ossification sur place, sans

saillie, des fibres ligamenteuses, processus de consolidation d'une ostéo-

pathie primitivement raréfiante, d'une ostéomalacic relative.

M. le D'' Béclère a montré, en radiographiant deux de nos malades, que

ces caractères différentiels pouvaient apparaître sur l'épreuve et servir

ainsi au diagnostic. Il a constaté les caractères suivants : .

1. Rhumatisme vertébral chronique.

a) Colonne vertébrale.

Déformation du corps des vertèbres

JM' par élargissement de l'extrémité

**[ supérieure et par exagération de la

jji cannelure circulaire.

, Disques intervertébraux manifeste-

ment plus transparents que les

corps,

l'as ou ;1 peine de bande verticale

opaque correspondant aux liga-

nients.

I) l3ctssiu.

Pas de déformation notable.

Pas de transparence anormale des

fosses iliaques osseuses.

2. Spondylose rhizomélique.

a) Colonne vertébrale.

Pas de déformation des corps verté-

braux presque cylindriques.

Disques non plus transparents que les

corps.

risques et corps recouverts par une

large bande à bords parallèles; en

dehors de cette bande dépassent

les parties les plus externes des

corps vertébraux remarquables par

leur transparence anormale; les

apopbvses présentent une remar-

quable transparence.

hl Bassin.

I Déformation (en bassin ostéomala-

cique, en coeur de carte à jouer).

Transparence anormale des fosses

iliaques osseuses.

I. A. Léiu. La spondylose rhizomélique. Revue de Médecine, août, septembre el octo-

bre 1809. PIERRE Marie et A. Léri. Anatomie pathologique el palhogénic de la spon-

dylose rhizomélique, NOIl1', iconographie, de la Salpélrière. 1906, n" l.

[x.r.Eni] 1

1 1 74 RADIOLOGIE.

3" DÉFORMATIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES

CONSÉCUTIVES A DES AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX

CENTRAL OU PÉRIPHÉRIQUE

Les arthropathies tabétiques donnent plusieurs variétés d'images ra-

diographiques. 11 semble qu'on puisse actuellement dans le tabès trophique

dissocier du groupe ancien des arthropathies deux ordres de faits. cet;)

notamment, grâce aux documents radiographiques de lilrert(') et de

Dupré et 1)evau(r).

Ces auteurs ont d'abord étudié des cas de tabès avec arthropathies où

la déformation et la disparition des surfaces articulaires coïncide avec

une hyperplasie exubérante des parties osseuses juxta-articulaires, l'arti-

culation pouvant disparaître du milieu des néoformations désordonnées.

Ils ont ensuite attiré l'attention sur un autre mode non décrit de pro-

ductions osseuses. Celles-ci se constitueraient dans les tissus périarti-

culaires par des néoformations ostéolihreuses de la capsule et de la

synoviale tendant à se développer, puis à se réunir : il y aurait dans ces

cas une intégrité relative des épiphyses. On pourrait, donc peut-être

distinguer, à côté de l'arthropathie tabétique classique, une pé1'iarJAro-

patine d'origine plus fibreuse qu'osseuse. ™

Dans les ostéopathies tabétiques proprement dites, nous envisagerons

surtout ici les lésions constituées par des fractures spontanées ou des

processus localisés d'ostéite apparaissant chez des sujets non plus à une

période avancée du tabès, non plus même il la période préataxique. mais

bien comme symptôme tout à fait initial de l"afïection(3) : l'appareil

osseux est ici le premier touché et. cette lésion précède parfois de long-

temps tout autre symptôme préataxique. parfois tout signe pupillaire.

c'est essentiellement dans ces cas que le radiodiagnostic peut être utile.

L'os spontanément fracturé est alors le plus souvent le siège d'une

raréfaction osseuse parfois susceptible d'entraîner la résorption de por-

tions considérables de l'os. Ce processus, comparable il celui de l'ostéite

raréfiante des vieillards, se caractérise par une réduction considérable des

principes inorganiques de l'os au profit des principes organiques (24

pour 100 au lieu de 66 pour 100. d'après llegnard) : l'os apparaît donc

sur la plaque sensible avec une transparence anormale. Les fractures dans

ce cas ont en conséquence des cals très peu denses ou même transparents

et en même temps exubérants et irréguliers. Aussi faut-il, comme le

remarque Destot, lorsqu'il existe des ossifications anormales en même

temps qu'une destruction du squelette appréciable à la radiographie,

soupçonner le tabes et le rechercher avec soin.

A côté de ces cas de fractures prr'-tab("ti(f11es, il faut placer certains cas

1. Gikeiit. Nouvelle Iconographie de la Salpélrière, n" 2. 1 ! rllll.

'2. Duphé et Dkvaux. Société de Neurologie, H juillet 1000.

3. Stefani, Gazette des Hôpitaux, 25 février 1908.

RADIODIAGNOSTIC. 1175

encore peu connus d'ostéite limitée récidivante, précédant de longtemps

tout symptôme de tabès et simulant une ostéite tuberculeuse, par exemple.

Dans un cas de Gangolphe et Stefani, il s'agissait d'une tuméfaction d'un

;)C orteil ayant toutes les apparences d'un spina veutosa : récidive et

même aspect clinique six mois après sur le 1° métatarsien ; récidive nou-

velle l'annéc suivante sur te'2''ortcit : ace moment.et [tour la première fois,

le malade présenta de l'inégalité pupillaire et de l'ataxie. On conçoit la

difficulté du diagnostic dans ces cas. Stefani signale de même une forme

articulaire 1J\'l"labl;tiqup ayant l'aspect clinique de l'hydarthrose, un début

brusque, et présentant un oedème blanc et dur spécial des tissus periar-

ticutaires avec apparition rapide de mouvements anormaux dans la join-

ture. Dans tons ces cas, la radiographie, susceptible de montrer et de

suivre l'évolution des lésions d'ostéite raréfiante, des cals anormaux et

des déformations articulaires, est évidemment précieuse.

. Les ostéopathies tabétiques semblent être d'ordinaire un mélange en

proportions variables de troubles trophiques dus les uns il des lésions

médullaires, les autres il des lésions névritiques, D'après Destot ('), en

effet, ces deux ordres de lésions donneraient des aspects radiographiques

différents, la myélite se traduirait surtout par un processus atrnphiqm,

la névrite par des néoformations osseuses. Aussi, alors que dans le tabès

il y a à la fois atrophie et rénovation osseuse, dans la syringo.myélie (ar-

thropattues et ostéopathies) il aurait à peu [très exclusivement une

résorption du squelette.

Dans les névrites, au contraire, notamment les névrites alcooliques et

diabétiques, il y aurait des néoformations osseuses prenant leur origine

dans le périoste, les tissus périarticulaires. les ligaments, les 'muscles, etc.

Achard et Luollolcl Lévi ont particulièrement étudié (s) les résultats

fournis par la radiographie dans la paralysie infantile. La faiblesse du

développement des os dans le sens de la largeur et de l'épaisseur y est

frappante : le squelette est par contre plus voisin de la normale au point

de vue de la longueur, surtout si l'on tient compte des raccourcissements

par déformations et rétractions tendineuses; mais les os sont unis, arron-

dis, il peu près dépourvus de dépressions el de saillies, en un mot sans

modelé; enfin l'épaisseur du tissu compact est moins grande, l'os devient

transparent. Il existe, en somme, un processus modifiant la configuration

extérieure de l'os connue sa structure dans le sens atrophique, et si l'on

compare les radiographies il celles d'un sujet normal du même âge, deux

termes peuvent caractériser le squelette de la paralysie infantile : ce. sont

des os clairs el grêles.

Dans certains cas d'hémiplégie organique, quelques auteurs, notam-

ment Dejerine et Ttléottari (3), ont parfois constaté par la radiographie

t. 1)¡ ? ToT, Société médicale des Hôpitaux de Lt/oM. 17 mai 1900. : 1. 1\ Cil ,\11 el Lkvi. Nouvelle Iconographie de la Salpèlrière, 1897. ? Ilar.rtar e[ TnF : on : rt. Socit·(r· rlo l31ologie, 13 ! IS.

[A. LÉRl.]

H7Cf ( - - jazz RADIOLOGIE.

1170 ( " y : ·' : ? s3 ? " RADIûWGIE.

une pÓ'1 ? } ? quée de la substance osseuse du côté paralysé.-

Certaines déformations osseuses communes dans les myopathies (apla-

tissement du crâne, aplatissement du thorax, taille de guêpe, etc.),

doivent faire penser que le'tissu osseux prend une certaine part dans ces

affections il la dégénérescence diffuse qui atteint essentiellement le tissu

musculaire. Pierre Marie et Crouzon (') et d'autres auteurs ont pu s'assurer

qu'il- existe en effet chez- certains myopathiques une gracilité extrême

des os et une diminution de leur densité décelables par la radiographie,

qui expliquent certaines fractures plus ou moins complètement sponta-

nées. Des radiographies publiées récemment par Landouzy et Lortat-Ja-

cob (2) dénotent une translucidité accentuée plus qu'une diminution de

volume des os.

L'atrophie numérique de Klippel est intéressante il rapprocher, au

point de vue radiographique, des types précédents d'atrophie myélopa-

(chique ou myopathique; elle montre une aplasie osseuse, caractérisée par

le moindre développement et la transparence excessive; l'os du segment

atteint est réduit dans toutes ses dimensions et plus clair que l'os symé-

trique normal. ...

On a signalé de même dans la sclérodermie (Nicolas et Favre) un pro-

cessus de résorption et de raréfaction osseuses, remarquable au niveau

des mains du sujet. Dans un cas de psoriasis al'tl/1'opathique, Belot ci

Chaperon ont trouvé des lésions du même type susceptibles d'amener en

certains points une disparition totale des articulations phalangiennes, les

phalanges extrêmes semblant se continuer sans l'intermédiaire d'articu-

lations.

4° AFFECTIONS OSSEUSES DYSTROPHIANTES

Les affections osseuses dystrophiantes ne sont pas toutes dues à une

lésion du système nerveux; la plupart même semblent être dues il des

auto-intoxications, que le trouble trophique résulte des déchets toxiques

de la nutrition'générale (rachitisme, etc.), ou qu'il soit lié à l'altération

d'une glande vasculaire sanguine destructive de poisons (acromégalie,

ostéomalacie, etc.) ; quelquefois l'intoxication serait d'origine exogène,

peut-être parfois loxinique (ostéoarthropathie hypertrophiante pneumi-

que, etc.). Quelle que soit la cause de ces affections dystrophiantes, c'est,

à tort ou à raison, parmi les maladies du système nerveux que les auteurs

ont pris coutume de les ranger : c'est il cet usage que nous nous confor-

mons en signalant ici leurs aspects radiographiques.

Certaines de ces affections sont nettement systématisées, c'est-à-dire

frappent d'une façon constante certains os et, certaines parties de ces os

il l'exclusion des autres : telles sont l'acromégalie, l'achondroplasie, la

dysostose cléido-cranienne, la maladie de Paget, etc. Les autres peuvent

atteindre tous les os et toutes les parties de ces os, soit d'une façon di/=

1. P. Mark et C¡wczox. Revue Neurologique, 1005.

2. LAFDouzY et Lortat-Jacoii. Presse médicale, 22 lévrier 1909.

1 - RADIODIAGNOSTEC. 1 il'7

fuse et générale, soit dluie façon irrégulière, isolée ou irrégulièrement

disséminée : tels sont le rachitisme, l'ostéomalacie, jusqu'à un certain

point l'affection niai connue dite exostoses osléogéniques. etc.

Pour la plupart d'entre elles,, d'ailleurs, le radiodiagnostic ne fait que

confirmer un diagnostic clinique .facile : il s'agit de déformations portant

principalement sur les os des membres ou de la tête, et ces déformations.

.sont assez caractéristiques par elles-mêmes. Une exception doit seulement

ètreilfaite pour l'acromégalie. affection dans laquelle l'aspect radiogra-

phique tout spécial du crâne, dû au développement d'une tumeur hypo-

physaire, doit. aujourd'hui permettre de poser un diagnostic d'une façon

ferme dansées cas cliniquement les plus frustes. . ..

Acromégalie. Les rayons R(111tgetl montrent dans les cas dou-

teux ou au début de cette affection des lésions bien spéciales et qui ne

peuvent être mises en évidence par aucun autre moyen d'investigation.

Oppenheim a signalé, dès 1899, des essais de radiographie de la selle

turcique chez un acromégale, mais les mémoires de Béclère (') sont par-

ticulièrement précis et importants sur ce sujet. Posant en principe l'uti-

lité constante de la radiographie du crâne. chez les malades suspects de

1 umeur'hypophysaire, . il démontra l'existence de l'élargissement de

la selle turcique chez un géant de Launois' et Roy, et indiqua la technique

il suivre 'dans la . recherche de cette déformation. Von -Rntersl : i précisa : certaines particularités de cet élargissement;; qui porte surtout, d'après : lui, 'sur la partie postérieure : celle-ci s'agrandit et s'excaye dans le sens

vertical. Schiiller montra l'usure, l'atrophie, parfois la destruction irré-

guliere de la selle. Enfin des distinctions un peu subtiles lurent propo-

sées ''par d'autres auteurs suivant les aspects présentés par la selle, sa

partie postérieure ou son orifice supérieur : l'appréciation de ces diffé-

rences légères peut être difficile même sur les radiographies les plus

nettes et il n'est pas absolument établi qu'elles aient, au point de vue de

la précision du diagnostic et de l'évolution de la tumeur hypophysaire, la

valeur qu'on a voulu leur attribuer.

L'augmentation du volume de l'hypophyse une fois mise en évidence

par la radiographie, sa nature de l'hypertrophie n'est d'ailleurs pas pré-

cisée ; il peut s'agir d'un néoplasme ou d'une autre lésion : hypertrophie

simple, syphilis, tuberculose, etc. -

D'autres lésions osseuses spéciales de l'acromégalie peuvent être déce-

lées par la radiographie du crâne, ce sont l'épaississement irrégulier des

parois, le développement exagéré en hauteur et en profondeur des

sinus frontaux ou des sinus maxillaires, parfois l'exagération du ressaut

post-laml]do'idieu (Papillault)'- .. -

Aux membres, les métacarpiens, les métatarsiens et surtout lés pha-

langes apparaissent déformés, et celles-ci, grossies, irrégulières, moins

opaques, sont couvertes d'ostéophytes; les interlignes articulaires enfin

. ) . . .

1. Société médicale des Hôpitaux, 5 décembre 1902. - Presse médicale, 1905, p. 845.

.. IA. LÉBI.1

1178

RADIOLOGIE..

Ces deux jambes sont également déformées, mais : dans le Rachitisme il y a des incurvation ?

sans grosse modification de la structure osseuse, avec seulement épaississemellt de la couche

compacte le long du bord concave; dans la maladie de Paget, l'os est entièrement

" ouateux n, la couche compacte est mal délimitée vers le centre, vers la moelle osseuse, elle

est mal délimitée aussi vers la périphérie parce que la couche immédiatement sous-periostcc

est devenue presque transparente; il en résulte un double contour (radiographies prises sur

le vivant, clichés du D teg'I'os1, .

Fig. 1 et 2. Jambes : A) d'un nachitique, B) d'un Par/étique.

RADIODIAGNOSTIC. 1179

sont agrandis au niveau du carpe, du métacarpe et des phalanges.

Brissaud et Meige ont soutenu qu'il n'y avait dans la différence des

lésions de l'acromégalie et du gigantisme que l'effet d'une différence

d'âge : l'acromégalie serait le gigantisme de l'adulte, le gigantisme sérail

t'acromégalie de l'enfant ou de l'adolescent ; la dissemblance des lésions

dépendrait uniquement de ce que, les cartilages de conjugaison seraient

ou non préalablement soudés. Le géant devenant adulte peut d'ailleurs

s' « acromégaliser ».

Launois et Roy se sont appuyés [tour défendre cette théorie sur la

radiographie du crâne de certains malades : ils ont en effet constaté que

certains géants, non atteints de déformations acromégaliques des extré-

mités, présentaient pourtant sur l'image radiographique un élargissement

de la selle turcique ; ils en ont conclu que le gigantisme serait, comme

l'acromégalie, un syndrome hypophysaire.

Les géants sont donc acromégales ou non : d'après certains auteurs il

existerait un gigantisme physiologique, d'après d'autres le gigantisme

serait toujours pathologique.-

Le nanisme au contraire parait pouvoir être parfois physiologique : il

existe des nains qui sont simplement des sujets normaux, mais très petits,

des hommes ordinaires en miniature : ils sont très exceptionnels -.presque

tous les nains sont des achondroplasiques, des rachitiques ou des

lIlyxoedémaleux, Dans certains cas douteux assez rares, l'examen radio-

graphique peut servir il ce diagnostic étiologique.

L'arrêt de développement du système osseux est caractérisé dans le

myxoedème par la persislarzee de l'état cartilagineux des épiphyses et des

cartilages de conjugaison, par des diaphyses courtes, des points d'ossili-

cation à apparition tardive ; ces troubles sont précocement décelables par

les rayons de Rontgen. Ceux-ci permettent également de surveiller et de

suivre les effets d'un traitement thyroïdien ; par suite de l'ossification

tardive des cartilages diaphyso-épiphysaires, les nains myoedémateux peu-

vent grandir il un oit la croissance est terminée chez les sujets normaux

ou chez les nains des autres variétés, achondroplasiques ou rachitiques.

Les nains achondroplasiques se reconnaissent cliniquement au volume

relativement considérable de leur tète, au raccourcissement excessif sur-

tout du segment rhizomélique des membres (cuisses et bras), il la défor-

mation des mains en trident, etc. L'examen radiographique montre la

sclérose ou l'ossification des cartilages de conjugaison, la déformation des

os longs des membres qui sont épais, non fragiles et non fracturés, parfois

angulairement coudés dans la région jnxta-épiphysaire, enfin le volume exa-

géré de la tète qui est bien ossifiée. Porak a signalé aussi une atrophie de

la base du crâne et du trou occipital, un faible développement du bassin dans

tons les sens avec proéminence du sacrum dans l'aire du détroit supérieur.

Raymond et Claude (') ont décrit, une forme de dyschondropldsie avec

1. et Claude. Société de Biologie, z15 février 1908.

1 [A. LÉRL

1180

RADIOLOGIE.

arthropathie et miel'omélie". non congénitale, mais secondaire ; à une

polyarthrite, et présentant des analo-

gies à la fois cliniques et radiologi-

ques avec l'achondroplasie vraie.

La radiographie montre chez les

rachitiques : au niveau du crâne

une mauvaise ossification ; au niveau

du bassin un aplatissement antéro-

postérieur ; au niveau des membres

des os grêles, fréquemment fracturés.

incurvés à grand rayon dans leur dia-

physe, généralement- plus courts et

plus minces dans la partie moyenne

dès diaphyses, plus élargis à leurs

extrémités et parfois extrêmement dé-

formés au niveau des épiphyses. Au

point de vue de la disposition des travées osseuses, nos recherches per-

Fig. 3. - - . A) Fémur ogléomalaciqllc.

Aspect alvéolaire très spécial. Cet

. aspect est suri oui frappant quand on le

- compare à celui des deux autres fémurs

ci-contre :

Pis. 4. B) Fémur rachitique,

RADIODIAGNOSTIC. 1181

sonnelles avec G. Legros nous ont montré une disposition assez régulière-

ment conservée malgré les courbures de l'os et parfois des déformations

des extrémités; if y a un épaississement marqué de la couche compacte

du côté concave et au contraire un peu d'ostéite raréfiante avec quelques

fines travées irré1111ères du côté convexe; l'os est le plus souvent-petit

et- déformé, mais d'aspect général normal.

. Notons enfin que pour les os profondément situés (fémur, par exemple)

la radiographie donne; parfois un résultat inattendu en révélant une

courbure anormale auparavant peu appréciable. Il en est ainsi notam-

ment dans les cas de lésion d'un seul os, relativement assez fréquents dans

le rachitisme tardif ou des adolescents.

On a ici dans la radioscopie un moyen rapide et pratique de mesurer un

raccourcissement osseux et d'en suivre l'évolution, nous en empruntons

la description à Wullyamoz e) : on emploie le châssis de Béclèrequi donne

le rayon normal et on place l'ampoule de façon à ce que ce rayon passe

par l'extrémité de l'os à mesurer, on marque sur la peau au crayon der-

Congrès de l'avancement des Sciences, l3eims, 1907.

[A. zar.7

Fig. 5. C) Tête de. fémur de maladie de Pagel.

1182 RADIOLOGIE.

niographique muni d'un index métallique les limites inférieures et supé-

rieures de l'os déformé, puis, s'il y a lieu, de l'os normal symétrique, on

note ensuite et l'on compare les mensurations obtenues.

Nous avons entrepris en collaboration avec G. Legros, et après L. Levi et

fonde (') et Iludelo et Ileitz, l'étude radiologique de la maladie de Paget,

nous basant tout d'abord sur la radiographie d'os secs provenant de la

riche collection du musée 1)ulytren. Les nombreuses radiographies que

nous avons prises d'os atteints de maladie de Paget, et parallèlement d'os

ostéomalaeiques, rachitiques et syphilitiques, nous ont permis d'observer

tout d'abord d'une manière constante, dans la première de ces affections,

un aspect spécial déjà signalé par les auteurs que nous avons cités. Cet

aspect, due l'on peut retrouver sur le vivant au niveau d'os quelquefois

peu atteints, d'autres fois très déformés, ne se retrouve que dans la seule

maladie de Pagel. Sa mise en évidence sur le vivant a donc une valeur

toute spéciale si l'on considère qu'elle peut être facile même sur un os

ne présentant encore que des déformations relativement peu accentuées.

L'examen des os dans la maladie de Pagel montre à la périphérie une

condensation ou une raréfaction parfois extrêmement accentuée de la

couche compacte avec un rebord tout il l'ait imprécis, au centre un fouillis

de fibrilles enchevêtrées en amas d'épaisseur variable qui donnent a l'os

un aspect « ouaté » tout à fait spécial. Cette dernière disposition, par

son irrégularité, montre sur la radiographie osseuse un fond (acheté el

des contours imprécis, le fond [tins ou moins clair ou foncé étant con-

stitué par des amas [tins ou moins épais de fibrilles anastomosées entre

elles : l'aspect ouaté est plus ou moins diffus et uniforme.

Plus limité, le processus reste localisé il la partie centrale de l'os ou se

propage il la périphérie; il gagne parfois en longueur une épiphyse dans

laquelle on retrouve encore au milieu de l'aspect floconneux un souvenir

de la structure normale. Dans ces cas limités surtout, la radiographie

peut donner d'intéressants renseignements en révélant des lésions frustes

ou initiales ctiniquement, mais déjà caractéristiques sur la plaque sen-

sible.

M. Héclèrc a insisté sur l'existence dans la maladie de Paget, dans

un certain nombre de cas au moins, d'une calcification très étendue des

artères des membres atteints, calcification décelable par la radiographie

et qui a peut-être une, importance dans la pathogénie de l'affection.

L'ostéomalacie, débutant par une cyphose ou une scoliose irrégulière

ou [tins rarement, par des déformai ions caractéristiques des membres, a

été bien étudiée au point de vue radiotogique. Les os infléchis, tordus el

repliés parfois sur eux-mêmes il la manière d'anses intestinales sont aussi

caractéristiques dans ces cas extrêmes par leurs contours lions que par

leur transparence; celle-ci peut aller jusqu'à la disparition presque

complète de la silhouette osseuse sur les radiographies.

1. L. Lévi cL Lundi : . Nouvelle Iconographie delà Salpélrière, 18\17, p. 200; lletu ? u

l'llhmz. rOOI (idem); G. L" : I;¡ : Os et A. Lr;m. Nouvelle Iconographie, 1\10 ! I,

IiADIOG\111'l'lf : . 1185

Nous avons étudié des os secs présentant des lésions beaucoup moins

accentuées, plus intéressants par conséquent au point de vue du dia-

gnostic radiographique précoce. Dans les formes les [tins habituelles

on trouve la couche compacte conservée sur une partie importante de la

hauteur de la diaphyse; au contraire, les épiphyses sont extrêmement

claires, il semble que la couche compacte disparaisse brusquement à

leur niveau et on ne trouve plus à leur centre que des traces de la struc-

ture normale et il leur périphérie que des contours flous et comme

estompés, l'os, en un mot, possède des contours dÙt¡J ! I ! lsaires précis

et des contours ë¡II'¡Jltysai1'es vagues.

Au centre de la diaphyse l'aspect est des plus caractéristique, cette

partie n'est [tins constituée de façon homogène par de fines travées

obliques, mais elle est claire et cloisonnée, alvéolaire. Les cloisons

épaisses, opaques, en général transversales par rapport au grand axe de

l'os, en réunissent complètement ou incomplètement les deux faces, et

limitent entre elles des alvéoles clairs de grandes dimensions, irregu-

liers et semblant plus ou moins communicants entre eux.

« L'ostéomalacie, écrit Bouchard, arrivée il son développement extrême

est une maladie rare, mais ses formes ébauchées sont fréquentes; à coté

de ces cas extrêmes où la spoliation calcaire amène l'incurvation des os.

il est un grand nombre de cas où la proportion des phosphates calcaires

diminue dans les os. non sans diminuer leur solidité, mais sans que leur

apparence physique soit sensiblement modifiée ; le vice de nutrition du

tissu osseux peut rester latent, il n'aboutit pas aux déformations et sou-

vent ne provoque pas les douleurs, mais il se révèle quelque jour par

une fracture que ne semble pas expliquer suffisamment la violence mo-

dérée de la cause vulnérante. » terrier (') a apporté il l'appui de cette

conception un certain nombre de cas d ostéocie ». ( : est-il-dire d'allè-

gemcnt du tissu osseux, entraînant une diminution du poids spécifique

du corps assez considérable pour que certains sujets deviennent plus

légers ([ne l'eau. L'ostéocie serait, d'après Lerrier. une osteomataoie

fruste. Ces faits appellent des confirmations et des recherches nouvelles,

mais il est permis de penser que ces squelettes décalcifiés présentent

déjà des modifications appréciables à la radiographie et peut-être des

lésions du type caractéristique que nous avons décrit.

Les exostoses ost8ogéniques multiples apparaissent en tous points de

la longueur des os. mais surtout au voisinage des épiphyses : on les trouve

(Tailleurs aussi sur les os plats. Certains auteurs les ont considérées

comme cartilagineuses (« exostoses cartilagineuses » (IC ·1)llvlll.lllll);IIlOlIS

avons pu constater radiographiquement dans deux cas. avec Pierre Marie

et Fanre-IIP : 1111wII (s), qu'elles étaient bien constituées par de l'os véri-

table, os spongieux, sans coque compacte, il travées irrégulières, mais

1. Fo- : mu : n..Irclrincs générales de Médecine, 1901, n° 18.

2. Pu-uni'. MAillE, .\, Lérr et I.wnl : -Br : .w.u.u, Société médicale des Hôpitaux, 7 juil-

let 1905.

[A. LBRI] ]

Il X4 HADIOLOGIE.

tendant pourtant à rayonner à partir d'un poinl d'illlplantation. Il 11 peul

Ure intéressant, an point de vue thérapeutique, de s'assurer dans les

difïercnts cas, par la radiographie, si ces exostoses sont osseuses ou car-

tilagineuses, ou peut-être si elles ne passent pas parrois au début par une

phase CMl'tl1y111Cllsl'.

II. RADIOTHÉRAPIE '

(Emploi des rayons X en thérapeutique neurologique.)

Les recherches de Labeau sur la moelle en voie de développement oui

montré la résistance de la cellule nerveuse jeune aux rayons de Hôntgen.

Un long fraitoncntdc liéclère, entrepris après trépanation chez un ado-

lescent porlellr d'un osteosarcome de l'occipital, montra, par des irradia-

tions répétées laites directement au travers du tégument cutané par

la brèche osseuse, la remarquable innocuité des rayons pour l'encéphale.

Enfin des recherches expérimentales multiples sur le cerveau du lapin et

du chien avec ou sans trépanation préalable ont confirme ces faits. Ces

observations rendaient légitimes la multiplication des tentatives théra-

peutiqucs sur le système nerveux central.

Elles ont été laites avec un certain succès dans la syringomyélie, les

paraplégies, la sclérose en plaques, le tahes, etc. Les tumeurs de l'hypo-

physe ont. dans quelques observations, fourni des résultats très nette-

ment encourageants.

Enfin le goitre exophtalmique et, parmi les affections du système ner-

veux périphérique, les névralgies et les névrites semblent avoir quelque

peu benencie de cette méthode.

Ces premiers résultais autorisent des essais nouveaux, quelques-uns

légitiment de grandes espérances; nous exposerons simplement les faits

qui semblent acquis. .

A -- GÉNÉRALITÉS

La méconnaissance de l'utilité des mesures exactes en radiothérapie a

déterminé autrefois des accidents fréquents entre les mains d'opérateurs

peu prévenus, (les accidents sont actuellement presque toujours évita-

Irlcs. L'évaluation des mesures exactes comporte (') : : 1" la connaissance de

la quantité de rayons tombant d'une distance donnée sur un point pen-

dant un temps donné : celte quantité est fonction de l'énergie électrique

génératrice; " la connaissance de la qualité des rayons employés, ils

peuvent être pins ou moins pénétrants, et un pouvoir pénétrant faible

donne lieu des absorptions supcrncieNes considérables : cette qualité

est fonction du degré de raréfaction des ampoules : : )0 la notion des

1. G. Ln : ai;o. Cancers et radiothérapie. Gaelle des Hôpitaux. ? janvier 1905.

RADIOTHÉRAPIE. 91 tta

temps respectifs consacrés à l'absorption des rayons et des intervalles de

repos ménagés entre ces temps.

Avec Béclère, nous rappellerons « que l'action de la radiothérapie

« doit s'exercer en respectant l'intégrité des téguments pour, des quan-

« tités de rayons maxima employés dans le minimum de temps, et que.

« d'autre part, les fractions du rayonnement de Rontgen successivement

« absorbées par les diverses couches de tissus qu'il traverse vont

« toujours décroissant de la superficie vers la profondeur ». Il s'ensuit

qu'à la dose maxima compatible avec l'intégrité de la peau correspond

toujours pour les tissus sous-cutanés une dose moindre, d'autant plus

faible qu'ils sont situés plus profondément.

Cet écart est d'ailleurs susceptible d'être diminué et réduit (Béclère) (')

par éloignement, du foyer d'émission, par l'emploi de rayons très péné-

trants et par interposition sur le rayonnement d'une lame d'aluminium

agissant la manière d'un filtre et éliminant les radiations les moins

agissant Ù la manière d'un filtre et éliminant les radiations tes moins

pénétrantes. Enfin un précieux moyen d'accentuer et de multiplier les

doses profondes sans qu'il y ait superposition des doses superficielles,

c'est-à-dire sans porter atteinte à l'intégrité de la peau, est le suivant : il

consiste à diriger le rayonnement par des portes (Ventrée cutanées

variables de façon que les rayons convergent vers un centre commun,

la lésion à irradier : par exemple, on irradie l'hypophyse par les

diverses zones temporo-1'rontales et par la bouche, on irradie la moelle

par chacune des gouttières vertébrales (méthode dite des « feux croisés »).

On arrive ainsi à donner au point à traiter, l'hypophyse ou une hauteur

de la moelle, par exemple, la moitié de la dose que reçoit la peau; grâce à

l'heureuse sensibilité de certaines tumeurs sarcomateuses ou gliomateuses

aux rayons de Rontgen, ces doses sont destructives pour les éléments cel-

lulaires déviés du type normal et. inoffensives pour les éléments normaux.

La radiothérapie est, bien entendu, susceptible de déterminer ici comme

ailleurs des accidents de radiodermite dans les cas d'applications trop

intenses d'emblée ou trop répétées ; il est actuellement facile d'éviter ces

accidents à la l'ois par la mesure exacte des doses, par le système des ir-

radiations à porte d'entrée cutanée variable et. enfin par la filtration des

l'ayons. Mais existe-t-il au point de vue de la sensibilité du tissu nerveux

des inconvénients aU ribuables à des applications radiothérapiq ucs réglées 1

Il semble bien établi actuellement que non, si l'on s'en tient aux doses

thérapeutiques usuelles; de nombreuses observations en l'oni,foi.

Un autre danger, indirect celui-là, doit cependant étresignalé, c'est celui

de doses fortes .appliquées sur une tumeur volumineuse distante ou non

du système nerveux central. C'est ainsi que l'on a pu employer dans deux

intéressantes observations rapportées par Martini l'expression un peu

forcée de « ])(l/>apléyies radiolhérapiques ». Il s'agissait dans les deux

cas de sarcomes volumineux, l'un de la cage thoracique, l'autre du cou;

i

z. Mclère. Société médicale des Hôpitaux, 1'3 lévrier 1909.

Pratique sn : moi.. "5

[A. LÉRI.

1186 RADIOLOGIE.

la radiothérapie faite à doses massives détermina après la deuxième séance,

en même temps que la disparition de la tumeur, une paraplégie complète

avec troubles sphinctériens bientôt suivie de mort, sans que l'autopsie

montrât de métastases rachidienncs comme le diagnostic en avait tout

d'abord été porté. On peut estimer qu'il s'agissait dans ces cas d'une

toxémie par résorption trop rapide des néoplasmes traités, et ces faits

doivent faire proscrire les traitements trop intensifs de grosses tumeurs

du type sarcome, particulièrement susceptihle de fonte rapide sous

l'influence des rayons de Rontgen.

B. - TRAITEMENT DE DIVERSES AFFECTIONS NERVEUSES (')

Syringomyélie. Un fait actuellement bien connu est la sensibilité

toute spéciale des cellules néoplasiques à l'action destructive des rayons

de Rontgen ; il semble que cette action s'exerce éleetivement sur les cel-

lules déviées du type normal; celles-ci disparaissent dans les cas les plus

favorables d'une manière rapide sans lésion des cellules qui les entou-

rent,sans réaction même des tissus qui les recouvrent, absolument à la

manière d'une lésion spécifique sous l'influence du mercure ou de l'iodure.

C'est dans une action de ce genre qu'il faut chercher l'interprétation des

remarquables résultats obtenus par la radiothérapie sur certains gliomes

de la moelle épinière donnant les symptômes de la syringomyélie. Ray-

mond, Oberthur et Delherm, Beaujard et Lhermitte, Delherm, Cramegna.

Ranzoni, Lambeau, de Nobcle, llolrnren et Olaf, Laquerrière ont rapporté

des cas personnels remarquables et concordants ; en l'absence de toute

autre médication l'évolution progressive de l'affection est arrêtée, la sen-

sibilité reparait ou redevient normale, l'anesthésie tactile et l'anesthésie

douloureuse disparaissent avant l'anesthésie thermique (Beaujard), les

troubles de la motricité rétrocèdent et les muscles récupèrent les

mouvements volontaires jusqu'aux mouvements fins de l'écriture ou de

la couture, les troubles trophiques eux-mêmes rétrocèdent, (panaris, sco-

liose, etc.). Ces résultats semblent persister et rester acquis après plu-

sieurs années, ils sont d'autant plus nets que le traitement est inter-

venu d'une manière plus précoce et avant la destruction par le néo-

plasme des éléments nerveux qu'il comprime; ainsi chez deux malades

de Labeau qui étaient atteints depuis quinze ans, on n'obtint qu'une atté-

nuation passagère des douleurs, sans modification de la sensibilité objec-

tive ni de la motricité; Dcsplats n'a observé que trois résultats négatifs.

De semblables tentatives ont été faites dans les paraplégies, la sclérose

en plaques, le tabès. Les paraplégies spasmodiques ont été parmi les

premières affections médullaires traitées, sur l'initiative de Habinslu.

par la radiothérapie. Dans un premier cas particulièrement heureux.

I. Le présent article était imprimé quand ont paru les rapports de Beatlj;ll,(l el de

Marinesco sur « la Radiothérapie dans les maladies de la moelle épinière » (Congrès de

Physiothérapie, Paris, 1910); nous avons pu pourtant leur emprunter encore quelque*

renseignements intéressants.

RADIOTHÉRAPIE. 1187

l'affection d'origine traumatique (enfant de 1 ans. victime d'un accident

d'automobile) se modifia à la suite de radiographies multiples; la contra ?

ture généralisée du cou, du tronc et des quatre membres se modifia en quel-

ques jours et disparut en trois mois, il en fut de même de l'épilepsie

spinale, le phénomène des orteils redevintnormalC). Dans un deuxième

cas, chez une femme atteinte de paraplégie spasmodique avec abolition à

peu près complète des mouvements volitionnels, Babinski (2) observa,

il la suite de pratiques radiographiques, une modification telle que quel-

ques semaines après le début du traitement la malade fut en état de se

tenir debout et de faire quelques pas; cette amélioration, il est vrai, ne

fut que transitoire ; une laminectomie faite ultérieurement montra que,

conformément au diagnostic qui avait été porté, il s'agissait d'une

tumeur intra-rachidienne (communication orale). D'autres cas du même

genre ont été améliorés nettement, ceux-ci après traitement systémati-

que, et ces résultats sont assez favorables pour indiquer parfois la radio-

thérapie quand on a à traiter une paraplégie spasmodique. Beaujard,

Delherm ont obtenu des résultats parfois favorables dans des paraplégies

spasmodiques : les meilleurs résultats ont été observés dans des cas de

paraplégies spasmodiques dépendant probablement de plaques médullaires

de sclérose. P. Lereboullet et Beaujard ont obtenu une amélioration mani-

feste dans un cas de paraplégie Masque avec rétraction douloureuse des^.

membres inférieurs due à une ancienne paralysie infantile.

Dans la sclérose en plaques, les résultats sont souvent favorables,

mais moins nettement que dans la syringomyélie. Trois cas de Mari-

nesco avec résultats variables montrent ce que l'on peut parfois obte-

nir. Dans un premier cas, il se produisit chez un homme de 29 ans

une amélioration notable de la plupart des troubles de la motilité, le

tremblement des membres supérieurs disparut presque complètement, le

malade put porter un verre d'eau a sa bouche et même écrire; la force

musculaire augmenta, la marche s'améliora, mais dune façon moins sen-

sigle ; 1 séances de rayons de Rontgen avaient été faites. Dans une seconde

observation, chez une jeune femme de 25 ans, les progrès furent sen-

siblés; mais un peu moins nets ; ils lurent nuls dans un troisième cas

(évolution très avancée). Duhain, Raymond, et Beaujard ont obtenu dans

plusieurs cas de sclérose en plaques une amélioration très notahle de la

motilité. En revanche Belot, l3tu jon n'ont eu que des insuccès.

Les compressions médullaires du mal de Poil peuvent être heureuse-

ment influencées, surtout quand elles relèvent de la paehyméningite. Les

symptômes douloureux subissent des modifications accentuées allant,

de l'espacement et de la diminution de l'intensité des crises jusqu'à

1. Babinski. Contracture généralisée due à une compression de la moelle cervicale,

très améliorée a la suite de l'usage des rayons X (Soc. méd. des Hôpitaux de Paris,

séance du 50 novembre 1906). ? . 13 : vwsm. De la radiothérapie dans les paralysies spasmodiques spinales (Soc. méd.

des Hôpitaux de Paris, 1" mars 1907).

[A. LÉRI ]

1188 Q8 ' . RACIOLOGIE, .

leur disparition complète, les troubles paraplégiques . s'atténuent aussi.

Les douleurs fulgurantes du tabes ont été très rarement modifiées

par la radiothérapie médullaire (Labeau, Delherm, Aubourg), mais la

radiothérapie épigastrique a parfois atténué des crises gastriques (Zim-

mern, Laquerrière).

' Un cas très intéressant de spondylose rhizomélique soumis au même

-traitement a été rapporté par M. Babinski. Le malade, atteint depuis

sept ans de douleurs articulaires et de douleurs névralgiques, était depuis

deux ans dans l'impossibilité de faire usage de ses jambes, son tronc était

fléchi et sa colonne vertébrale rigide avec limitation accentuée des mou-

vements d'adduction de l'articulation coxo-fémorale. Ce malade vit, à la

suite du traitement, s'atténuer les douleurs et la flexion du tronc, 1; !

marche redevint possible malgré la rigidité persistante de la colonne

vertébrale. Delherm, Beaujard, Laquerrière, à côté d'insuccès, ont

obtenu quelques bons résultats dans d'autres cas de spondylose.

On a pu de même tenter d'appliquer la radiothérapie au traitement de

certaines affections de l'encéphale et notamment aux; affections de l'hy-

pophyse. Nous avons éliminé au début de cette étude la question de Li

nocivité des rayons de Rôntgenpourlecerveau; il subsistait une difficulié,

celle de la profondeur des régions à traiter et des obstacles osseux qui

s'opposent à la pénétration des rayons. Cette profondeur, évaluable,

comme l'a montré M. Béclère, à une distance maxima exceptionnelle

de 10 centimètres, permet cependant des irradiations effectives et actives

tout en respectant l'intégrité de la peau. M. Béclère s'efforça de rendre

encore le traitement plus actif en profondeur par l'emploi d'i1'1'itation.

convergentes dirigées de points variables de la région fronto-temporale ;

celle-ci, représentant à peu près un quart de sphère ayant pour centre l'hy-

pophyse, pouvait être divisée en cinq .zones et chacune recevait isolément

le maximum d'irradiation compatible avec l'intégrité de la peau; seules

ainsi s'additionnaient les doses profondément données à l'hypophyse.

Cramegna '), d'autre part, en même temps qùe M. Béclère (2), employait

la voie buccale, avantageuse par les faibles obstacles opposés au passage

des rayons. Ces deux procédés d'ailleurs sont susceptibles de se combiner

et de faire parvenir à l'hypophyse une totalité de radiations plus forte.

Uramegna, chez sa malade, réussit par deux fois à sept mois d'intervalle

à faire rétrograder les phénomènes de compression : la céphalée dispa-

rut, la vue s'améliora et l'examen ophthalmoscopiquc montra des veines

et des artères papillaires revenues à peu près à l'état normal. Il n'obtint

toutefois qu'un résultat passager et l'affection reprit son évolution malgré

un nouvel essai de traitement.

La malade de Béclère, âgée de 16 ans, atteinte de gigantisme

avec céphalée et troubles visuels graves, récupéra partiellement la

vision de l'oeil droit complètement abolie et celle 'de l'oeil gauche très

1. GPA3f13GNA. Remee Neurologique, 15 janvier 1909.

2. BiïCLÈiiE. Société médicale des Hôpitaux, 12 février 1909.

11 : 1111()'flll;lt : lt'll ? Il ? \1

compromise. Les céphalées disparurent également par 1 LI irradiations.

C'est en relatant ces premiers résultats que Béclère revendique pour

la radiothérapie cette l'orme d'infantilisme génital, associée ou non à des

lésions du squelette avec adipose et lésions de la peau, qui rappelle le

tuyxoedeme et que certains auteurs considèrent comme liée à un étal,

pathologique de la sécrétion hypophysaire.

Récemment, Fernandez Sal1Z semble avoir obtenu un résultat assez

remarquable en irradiant une tumeur du cervelet il travers une brèche

osseuse faite par trépanation.

Goitre exophtalmique Beck ('), Schmidl : et Rolland, notamment,

dans une. vingtaine de cas de cette affection, ont enregistré de très heu-

reux résultats : la fréquence du pouls diminue, le tremblement des mains

et les autres symptômes nerveux s'améliorent rapidement, par contre le

volume du cou, l'exophtalmie sont peu modifiés. Les résultats sont

d'autant plus favorables que le traitement est plus précoce. D'après

d'autres auteurs, c'est la tachycardie et l'exophtalmie qui seraient par-

ticulièrement influencées; le goitre, en somme, ne subit qu'exception-

nellement une modification. Il faut signaler, enfin. dans les essais qui ont

été faits de radiothérapie du goitre simple, l'apparition, sous l'influence

de doses fortes, de symptômes passagers de thyroïdisme. Ces phénomènes

semblent liés Ù une hyperi"mie du corps thyroïde parallèle à l'l7yperémi(`

de la peau et disparaissant avec cette dernière.

Névralgies et névrites. Indépendamment des névralgies sympto-

matiqucs liées à une compression du système nerveux périphérique par

une tumeur sensible aux rayons de Rontgen (masses ganglionnaires,

sarcomes, squirrhes) et des douleurs viscérales des tabétiques qui sont

parfois très heureusement influencées, la névralgie du trijumeau a fourni i

il la radiothérapie de très beaux succès dont le plus typique a été relaie

par Béclère (*). Son malade avait subi successivement l'enlèvement de toutes

les dents de la mâchoire supérieure gauche, la section de la branche

sous-orbitaire du trijumeau, l'enlèvement du ganglion de Casser, du

ganglion cervical supérieur du grand sympathique; chacune de ces

interventions n'avait donné qu'une trêve de quelques mois et la guérison

complète fut obtenue et se maintint pendant 4 ans à la suite de 4 séances

de radiothérapie. Quelqu'exceptionnel que soit évidemment un semblable

résultat, il n'en doit pas moins être enregistré et autorise indiscutable-

ment la radiothérapie avant toute intervention chirurgicale. Babinski,

avccDethermet Charpentier, a vu plusieurs cas de sciatiques graves

favorablement influencées par les rayons X (').

1. l3rch. Berlin. MM. Woch., 15 mai 1905.

2. Société médicale des //<t<nu;f, mai 1904.

71. La radiumthérapie doit être ici mentionnée comme susceptible d'agir activement

sur les douleurs névralgiques en général (Touchard, etc.) ; elle aurait même, d'après

Raymond, l3arcal et Delamarre, réalisé des sédations remarquables dans des cas de don-

leurs fulgurantes, douleurs en ceinture et crises gastriques du tabès.

[d. LÉRL]

1190 RADIOLOGIE.

La radiothérapie des maladies nerveuses, encore mal connue et

imprécise dans ses indications et la pathogénie de son action, possède

cependant déjà à son actif de remarquables succès obtenus peut-être

précisément dans les affections les plus rebelles jusqu'ici à toute autre

thérapeutique : il semble donc qu'on soit en droit de lui faire un large

crédit, en raison des résultats déjà acquis, de l'innocuité des rayons

maniés par des mains autorisées, et souvent du caractère difficilement

curable des affections auxquelles justement on l'oppose.

APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ

. AU DIAGNOSTIC ET AU TRAITEMENT

DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX

par E. HUET '

Chef dit Service d'Élcclrothérapie

de la Clinique des .Maladies du système nerveux a ta la Salpètiiére.

L'électricité est souvent employée soit pour le diagnostic, soit pour

le traitement des maladies du système nerveux. Les modes d'application

de l'électricité sont assez nombreux; suivant les cas, en effet, on utilise

les courants faradiques, les courants galvaniques, l'électrisation statique.

les courants dits de haute fréquence et les rayons de Roentgen ou

rayons X. On utilise encore, mais plus rarement, les courants dits ondu-

latoires et les courants sinusoïdaux. Parmi ces divers modes d'application

de l'électricité, nous nous occuperons surtout des courants galvaniques

et des courants faradiques qui sont le plus souvent mis en usage dans la

pratique courante et qui peuvent être facilement employés par tout

médecin.

COURANTS GALVANIQUES

Les courants galvaniques ou voltaïques ont été ainsi appelés des

noms de Galvani et de Volta, à qui nous sommes redevables de la pile

électrique. On les appelle parfois aussi courants continus : dans bien

des cas, cette dernière dénomination laisse à désirer, car on applique

souvent ces courants en les interrompant, ou encore en les soumettant à

de brusques renversements de direction. Nous les appellerons courants

galvaniques, dénomination qui a le plus généralement prévalu.

On peut demander le courant galvanique à une machine dynainivèleir-

trique ou à un secteur urbain qui débitent du courant considéré l('mnuuul("

continu au point de vue industriel, bien que ce courant ne puisse èta"

considéré comme rigoureusement continu au point de vue ali-sskllnuaan.

Mais il vaut mieux se servir d'accumulateurs ou de piles. On pr ? ff¡ ? NI(;.lJ.

les accumulateurs pour des cliniques ou pour des inst<d ! a<n)s< ? <jr'<t't5M

rapiques dans lesquelles on peut avoir à soumettre on même temps

te...eMM

1102

APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

plusieurs personnes aux applications des courants galvaniques. Si une

seule prise de courant suffit, il vaut mieux, au point de vue de l'éco-

nomie et de la facilité de l'entretien, la demander à des piles; celles du

genre Leclanché (zinc, charbon, bioxyde de manganèse et chlorhydrate

d'ammoniaque ou chlorure de zinc) conviennent très bien en ce cas :

pour le cabinet d'élcctrotliérapie on choisira ces piles d'assez grande

.surface, en donnant la préférence aux piles il sac et à zinc circulaire. Si

même on n'a pas à faire un grand nombre d'applications du courant

électrique, on peut se contenter pour le cabinet, des appareils transpor-

tables qui servent aussi pour les applications au lit des malades. Les

piles au bisulfate de mercure sont celles il préférer pour ce genre d'appa-

reils ; on peut les maintenir facilement en bon état et en attendre un bon

fonctionnement. '

11 est très important, .pour les applications du courant galvanique,

d'avoir toujours présente a la mémoire une loi simple qui régit le cou-

rant, la loi d'Ohm. Elle peut s'exprimer ainsi : l'intensité d'un courant

est directement proportionnelle à la force électro-motrice qui le produit

, l'ig. 1. - Batterie transportais de piles au hisnll'all' de mercure.

COURANT.S GALVANIQUES.' " 1105

1 ..

et inversement proportionnelle à la résistance qu'il rencontre; elle se

formule par la notation :

Ces éléments du courant peuvent être évalués en les rapportant à des

unités de mesure universellement adoptées. .

L'unité de mesure d'intensité, Y Ampère, est une valeur trop forte en

électrothérapie où on n'utilise que de faibles intensités; on prend alors

comme unité courante la. millième. partie de l'ampère, c'est-à-dire le

milliampère, que l'on peut écrire en abrégé m. A.

On évalue en volts la -force électro-motrice, qui engendre le courant,

ou bien encore la différence de potentiel qui existe entre deux, points et

qui donne lieu à un courant' quand ces deux points sont convenablement

réunis.

La résistance est mesurée en ohms.

De toutes ces valeurs, la plus importante à connaître pour le courant

galvanique, au point de

vue médical, est l'in-

tensité. On l'évalue à

l'aide d'un galvano-

mètre gradué en unités

de mesure, ou 111,illiwn-

pè1'emètTe. L'intensité

étant la même, dans

tous les points d'un

circuit, le milliampère-

mètre peut être inter-

calé en un point quel-

conque de ce circuit.

Lemilliampèremètre

doit être convenable-

ment choisi suivant les

applications que l'on se

, propose de faire. En

électrodiagnostic, il est

parfois utile de pouvoir évaluer des fractions de milliampère (demis,

quarts et même des dixièmes). En électrothérapie, on doit pouvoir

mesurer des intensités portées souvent à 25, 50 parfois 100 m. A., plus,

rarement davantage. Un galvanomètre possédant une seule graduation ne

permettrait pas de faire de semblables mesures; pour mesurer des

fractions de m. A. il faut un galvanomètre ayant une assez grande sensi-

bilité ; pour mesurer jusqu'à 50 ou 100 m. A., il faut un galvanomètre

d'une sensibilité beaucoup moindre. Avec un seul instrument on peut

cependant effectuer toutes les mesures désirables à la condition de le ,

- [E. HUET.]

Fig. 2 ? llilliampi;rèmëtre.

11 9 ! k APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

munir de shunts. Le galvanomètre qui nous parait convenir le mieux à

l'ensemble des applications que l'on peut avoir à faire, serait un galva-

nomètre divisé pour mesurer 5 ni. A. et possédant deux shunts permet-

tant de mesurer l'un jusqu'à 25 m. A., le second jusqu'à 125 ni. A. Dans

la pratique courante, cependant, un galvanomètre avec un seul shunt

permettant de mesurer d'une part 25 m. A. et d'autre part 125 m. A.

peut suffire. On peut.choisir d'autres combinaisons pour le galvano-

mètre ; on peut prendre par exemple des shunts multipliant par 10 au

lieu de multiplier par 5; dans ces conditions, avec le dernier galvano-

mètre dont il a été question, on aurait un instrument permettant de

mesurer 25 m. A. sans le shunt et 250 m. A. avec le shunt. Nous n'insis-

terons pas davantage sur les combinaisons rccolllll1aJlClablcs pour le

choix du miniampcrcmctrc, ce sont les applications que l'on se propose

de faire qui guideront ce sujet.

Le vol/mètre, qui consiste en un galvanomètre disposé pour mesurer

en volts la différence de potentiel existant entre deux points du circuit

parcouru par le courant, est moins indispensable que le miHIampere-

mètre; nous le considérons cependant comme un instrument très' utile.

Sa place est rigoureusement déterminée par la position des points dont

on veut connaître la différence de potentiel; il doit, en effet, être placé

l'ig. 5. - Voltmètre.

COURANTS GAL1'9\IOULS. 11a

en dérivation entre ces deux points. C'est la différence de potentiel

entre les points d'application du courant sur le corps qu'il importe le

plus généralement de connaître. Dans la pratique, on ne peut pas placer

le voltmètre directement en dérivation entre ces deux points ; le milliam-

péremètre, en effet, se trouverait rejeté du côté de la source d'électricité,

entre celle-ci et la dérivation établie pour le voltmètre, il ne mesurerait

pas seulement l'intensité du courant traversant le corps, mais la somme

des deux courants passant l'un par le circuit où se trouve le corps, et

l'autre par le circuit dérivé du voltmètre. La place du milliampèremètre,

indifférente quand il n'y a qu'un seul circuit, ne l'est plus quand il existe

aussi un circuit dérivé ; elle doit être dans la partie du circuit où l'on

veut connaître l'intensité du courant, c'est-à-dire, pour le cas présent.

dans la partie du circuit qui se rend au corps. La dérivation se rendant

au voltmètre est prise alors d'une part entre la source d'électricité et

à .

le nnilliampèrenièlre, et d'autre part entre la source d électricité et le

corps. Le schéma ci-contre indique quelles doivent être les places

respectives du voltmètre et du milliampèremètre. 11 en résulte bien une

certaine erreur dans la mesure de la différence de potentiel existant au

niveau des électrodes appliquées sur le corps; mais, comme la résistance

dumiltiampèrcmètrecst généralement faible par rapport à celle du

corps. l'erreur n'est que minime, et peut être négligée. Un voltmètre

permettant de mesurer jusqu'à 7a volts est suffisant pour la plupart des

cas. Il doit avoir la plus grande résistance possible; néanmoins l'évalua-

tion de la différence de potentiel au niveau des électrodes serait toujours

entachée d'une certaine erreur, si on la faisait à circuit ouvert ; pour

remédier Ù cet inconvénient, il faut laisser le voltmètre en circuit, et,

le courant passant par le corps et le voltmètre, lire la valeur des volts en

même temps qu'on lit la valeur de l'intensité sur le miniampèren)ètre.

La mesure des résistances est plus compliquée que celle de l'intensité

ou celle de la différence de potentiel. La mesure de la résistance du corps,

[F.. HUET.]

Fig. 4, - Sdh : ma .k la dispositiOl ! à donner an voltmètre et au milliampèremclre.

Il % APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

en particulier, présente d'assez grandes difficultés en raison des varia-

tions que celte résistance snbit sous l'influence du passage du courant,

et en raison de la polarisation produite du côté des électrodes et du côté

du corps. On peut cependant en prendre une notion relative, lorsque l'on

connaît l'intensité du courant qui traverse le corps, et la différence de

potentiel au niveau des électrodes. La loi d'Ohm permet de connaître

,. ]11' ln ET l '¡ "

cette résistance au moyen de la formule R ^= . La valeur en ohms ainsi

obtenue ne donne qu'une notion approximative de la résistance du corps;

'pour en avoir une notion plus exacte, il faudrait effectuer certaines cor-

rections, comme par exemple retrancher la résistance des électrodes

(et aussi la résistance du millialllpèremètre avec le procédé de mesure

des volts dont nous avons parlé) ; il faudrait encore pouvoir corriger

l'erreur provenant de la force contre-(qectl'o-moll'iee de polarisation des

électrodes et du corps. De plus, il faut savoir que la résistance du corps

ainsi évaluée est celle qui existe au moment de la lecture des volts et des

milliampères, mais qu'elle peut être différente aux moments qui précè-

dent ou aux moments qui suivent.

La résistance du corps, dans la plupart des applications de l'éleciro-

thérapie et de l'électro-diagnostic, est généralement assez élevée, auei- v

gnant facilement 1000 ohms ou davantage. Parl'ois même, sur certaines

régions du corps et dans certaines conditions, elle est beaucoup plus

élevée, atteint plusieurs milliers d'ohms et peut dépasser 10000 ohms,

Un raison de cette grande résistance du corps, les piles de la batterie

doivent être réunies en tension (reliées les unes aux autres par leurs

potes de non) contraire). Pour répondre à la généralité des besoins de

l'électrothérapie et de l'électrodiagnostic, il faut pouvoir disposer d'un

assez grand nombre de volts, une soixantaine au moins; il faudra donc,

avoir une trentaine d'éléments si l'on se sert d'accumulateurs, une qua-

rantaine de piles, si l'on se sert de piles Leelanché ou de piles au bisul-

fate de mercure.

Le courant galvanique peut être appliqué, soit en le laissant passer d une

façon continue, soit en le soumettant à des fluctuations rapides, c'est-à-

dire en le rendant intermittent par des interruptions et des rétablissements

brusques dans la même direction ou avec renversements de direction.

. Dans le premier cas, le nom de courant galvanique continu peut lui

convenir; il met en jeu les effets de l'état permanent du courant. Nous

appellerons galvanisation continue ce mode d'application du courant

galvanique. Nous appellerons galvanisation par interruptions simples,

ou galvanisation par courants intermittents, ou plus simplement encore

galvanisation interrompue, les applications du courant galvanique

interrompu et rétabli sans changer de direction, et galvanisation aller-

native les applications de ce courant avec renversements brusques de

sa direction, c'est-à-dire avec ce qu'on a encore appelé des alternatives

voltiennes.

COURANTS GALVANIQUES.

1197 î

COURANT GALVANIQUE CONTINU

Lorsqu'on applique la galvanisation continue proprement dite, on

recherche généralement l'action du courant galvanique dans son état

permanent. Faisant partir l'intensité de zéro, on l'élève plus ou moins

lentement et progressivement jusqu'à une certaine valeur, on l'y main-

tient un temps plus ou moins long, puis on la ramène graduellement à

zéro.

Avant de parler des effets de ce courant continu, il nous importe de

savoir comment graduer le courant galvanique et aussi comment le faire

pénétrer dans le corps.

Pour graduer le courant galvanique, on a plusieurs procédés à sa dis-

position : le collecteur d'éléments, le rhéostat en tension, le rhéostat en

dérivation et le réducteur de potentiel.

Dans le premier procédé, on fait entrer dans le circuit, à l'aide du

collecteur d'éléments, un nombre graduellement croissant de piles ou

d'accumulateurs. On augmente ainsi progressivement la force électro-

motrice prise sur la batterie. L'intensité du courant augmente en consé-

quence. Quand elle a atteint la valeur voulue, il faut, si l'on veut la

maintenir constante, surveiller le nuilliampèrelnètre. Généralement, en

effet, elle continue à croître sous l'influence de la diminution de la

résistance de la peau produite par le passage du courant. On la ramène il

la valeur proposée en diminuant le nombre des éléments mis en circuit.

Quand l'application doit prendre fin, on ramène graduellement le collec-

teur en arrière jusqu'au moment où il ne reste plus d'éléments intercalés

dans le circuit.

Dans le second procédé, avec le rhéostat en tension, on ne fait plus

varier la force électro-motrice prise sur la batterie, mais, conservant

pendant toute la durée de l'application, un nombre fixe d'éléments, on

fait varier la résistance opposée au courant. Au début, cette résistance

doit être aussi élevée que possible ; en la faisant diminuer progressive-

ment, l'intensité du courant s'élève peu à peu. Quand celle-ci a atteint

la valeur voulue, il convient, comme précédemment, de surveiller le

milliampèremètre pour la maintenir constante; si elle tend à monter, on

[E HUET.]

5 5 - Collecteur d'éléments.

1198 APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

l'abaisse en manoeuvrant le rhéostat

de manière à augmenter sa résistance.

Pour terminer l'application, on ramène

l'intensité graduellement à zéro en

augmentant progressivement la résis-

tance du rhéostat.

Les rhéostats qu'on peut employer

dans ce mode de graduation du cou-

rant sont assez nombreux. On se sert

le plus généralement de rhéostats à

liquide parmi lesquels nous citerons

plus particulièrement ceux de Bcrgo-

nié, de Bordier et de Guilloz.

. Les deux procédés de graduation

du courant dont il vient d'être ques-

tion présentent chacun leurs incon-

vénients propres. Avec le collecteur

d'éléments le passage d'un élément à

l'autre fait varier l'intensité d'une

façon brusque et avec une valeur

d'autant plus accentuée que la force

électromotrice des éléments de la bat-

terie est plus élevée et que la résis-

tance opposée dans le circuit du cou-

rant est plus faible. Avec le rhéostat

en tension, pour certains modèles

Fig. 6. Rhéostat de Bergonié.

Fie-. 7. - Rhéostat de Guilloz.

COURANTS GALVANIQUES. 1199

surtout, le courant s'établit parfois assez brusquement, atteignant au

moment du début une intensité plus on moins élevée ; de même il cesse

brusquement, tombant tout à coup d'une certaine valeur de l'intensité à

zéro. Ces inconvénients du rhéostat en tension sont d'autant plus pro-

noncés que d'une part la force électro-motrice totale de la batterie est

plus élevée, et que d'autre part le maximum de résistance opposée par

le rhéostat au début ou à la fin de l'application est plus faible.

On peut remédier aux inconvénients de ces deux procédés de gra-

duation du courant galvanique en les combinant l'un avec l'autre. Pour le

collecteur d'éléments, par exemple, en intercalant dans le circuit une

résistance plus ou moins élevée, on diminue d'une façon proportionnelle

les lluctuations d'intensité qui existent au moment du passage d'un

élément à l'autre. Pour le rhéostat en tension, on diminue les fluctuations

de l'intensité existant au début et à la fin de l'application si, au lieu de

prendre la force électromotrice totale de la batterie, on en prend seu-

lement une fraction, les trois quarts, la moitié, ou seulement le quart,

par exemple.

Nous ne parlerons pas du procédé de graduation au moyen d'un rhéostat

placé en dérivation, procédé qui fait débiter une grande quantité d'élec-

tricité dans le circuit du rhéostat quand on veut de faibles courants dans

le circuit du corps et qui, pour cette raison, épuiserait rapidement les bat-

teries de piles. (Dans d'autres applications du courant galvanique, dans la

recherche des effets de l'état variable du courant pour l'électro-diagnostic,

par exemple, ce procédé associé à celui du collecteur d'éléments peut être

parfois utile.) .

f Le procédé de graduation avec le réducteur de potentiel se rapproche

du précédent, mais il a sur lui l'avantage de laisser toujours le courant

fermé sur une résistance assez élevée. Dans un premier circuit se trouve

placé un conducteur assez long dont la résistance est fixe et assez grande,

de a00 à 1500 ohms par exemple. Sur ce circuit on prend en dérivation

le courant destiné au corps. Lorsque la résistance entre les deux points

de cette dérivation est faible, la différence de potentiel entre ces deux

points est également faible; elle augmente graduellement si l'on fait

croître progressivement la résistance comprise entre les deux points où

la dérivation est établie; elle atteint son maximum quand la dérivation

est prise aux deux extrémités de la résistance, et elle correspond alors, à

peu de chose près, à la différence de potentiel existant aux deux bornes

de la source. Par ce procédé, on peut. graduer d'une façon régulière et

très sensible, par dixièmes de milliampère ou par fractions plus faibles

encore, l'intensité du courant qui traverse le corps. C'est le procédé

auquel nous donnons la préférence; il convient tout particulièrement au

cas où l'on prend le courant sur une dynamo ou sur un secteur il courant

continu; il est applicable encore avec une batterie d'accumulateurs ou

avec une batterie de piles d'assez grande capacité. Il ne convient guère

pour les appareils transportables; par lui-même le réducteur de potentiel

[E. HlTET.]

il 200 APPLICATIONS, DE L'ÉLECTRICITÉ.

constitue déjà un appareil plus ou moins lourd et encombrant : de plus,

il nécessite une source d'électricité pouvant débiter sans se polariser

sensiblement une assez grande quantité d'électricité; ce n'est généra-

lement pas le cas pour les appareils transportables, ou, si cette, condition 1

est suffisamment réalisée, le réducteur de potentiel en use trop rapi-

dement les piles. Avec les appareils transportables le mode le plus simple

de graduation du courant est le collecteur d'éléments auquel on associe ? ig. 8. I. Repré-

sentation schémati-

que e du réducteur

de potentiel ;

A C, circuit résistant

du réducteur de

potentiel, traversé

d'une façon continue

par le courant pro-

venant de la batte-

ric ; - BB'B", po-

sitions différentes

données à la bran-

che de dérivationTll.

pour augmenter l'in-

tensité du courant

traversant le corps ;

- AB, AB', AU",

portions variables du

circuit résistant du

réducteur de potentiel sur lesquelles sont prises en dérivation le courant allant au corps

II. Représentation schématique du rhéostat en dérivation. R, entre les deux points ;1, et et

' 1 ? En il' résistance qu'il est utile souvent d'ajouter en tension entre la batterie et les

dérivations.

. .. Fig. 9. - Modèle courant de réducteur de potentiel.

COURANTS GALVANIQUES. 1201

ou non, suivant les cas, une résistance ou un rhéostat placé en tension

dans le circuit.

Pour faire pénétrer le courant dans le corps, les conducteurs doivent

être reliés à celui-ci d'une manière convenable, et l'on se sert de pièces

intermédiaires appelées électrodes, constituées par une matière bonne

conductrice, métal ou charbon. Dans quelques conditions particulières

(dans l'électrolyse par exemple) le métal ou le charbon sont mis direc-

tement en contact avec le corps. Il n'en est pas ainsi dans la plupart des

applications du courant galvanique au traitement et au diagnostic des

maladies nerveuses. Comme les électrodes sont habituellement placées

sur la peau, la résistance opposée au passage du courant serait très

grande avec des électrodes nues, par le fait de la grande résistance élec-

trique de l'épiderme, qui se montre d'autant plus élevée que cet épiderme

est plus sec. De plus, comme le courant ne s'établirait guère que par des

points où la conductibilité est meilleure, c'est-à-dire au niveau des ori-

lices glandulaires, la densité du courant serait très forte en ces points et

il s'y développerait, au contact direct du métal ou du charbon, des actions

électrolytiques intenses produisant de vives douleurs et des effets caus-

tiques avec formation d'escarres. On obvie à ces inconvénients en recou-

vrant le métal ou le charbon de l'électrode avec une substance spongieuse

suffisamment épaisse et capable de retenir dans ses mailles un liquide

bon conducteur dont on l'a imbibée (eau simple, solution de chlorure de

sodium, ou autre). En somme, ce liquide constitue l'intermédiaire con-

duisant le courant : il a de plus l'avantage, en humectant l'épiderme, de

le rendre meilleur conducteur, et il permet d'obtenir une conductibilité

suffisamment bonne sous toute la surface de l'électrode.

Dans certains cas, on peut constituer l'électrode, établissant le contact

avec le corps, par un hain dans le liquide duquel on fait plonger la pièce

de métal ou de charbon attachée au conducteur. On prend soin, en pareil

cas, de ne pas mettre ce métal ou ce charbon directement en contact

avec la peau ; on choisit aussi le vase ou la baignoire en substance mau-

vaise conductrice (verre, porcelaine, tôle émaillée, bois, marbre, etc.).

Il faut éviter de choisir pour la constitution des électrodes des métaux

facilement attaquables par les produits de l'électrolyse, comme le cuivre,

le zinc : les oxydes et les sels formés à la surface du métal ont 1 Ïncon-

vénient d'élever dans des proportions souvent considérables la résistance

de l'électrode; de plus les composés électrolytiques formés par l'attaque

du métal peuvent être entraînés vers la peau et avoir des actions nocives.

Les métaux inattaquables ou peu attaquables, comme le platine et l'or,

ont l'inconvénient d'être d'un prix élevé; on peut en conserver les avan-

tages, sans tomher dans ce dernier inconvénient, en prenant des métaux

attaquables recouverts d'une mince couche d'un métal inattaquable : le

enivre platiné, par exemple, constitue de bonnes électrodes; on peut lui

reprocher seulement de n'être pas toujours suffisamment malléable pour

bien s'adapter aux contours de la surface qu'il doit recouvrir.

Pratique NEUROL. 76

[E HUET] ]

1202 ' APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

L'étain a l'avantage d'être très malléable ; pour cette raison il est

souvent employé; il est moins attaquable que le cuivre et les produits

dus à son électrolyse ne sont pas nuisibles. On peut lui reprocher le

défaut d'augmenter la résistance de l'électrode; ce défaut cependant ne

se développe qu'après un usage assez prolongé comme électrode positive;

il est très atténué si l'électrode qu'il forme est tour à tour employée

connue électrode posi-

tive et comme électrode

négative.

Le charbon est inat-

taquable et constitue

de très bonnes électro-

des de petites dimen-

sions. Pour les électro-

des plus grandes il ne

peut être employé que

si leur forme n'a pas

besoin d'être modifiée

pour épouser les con-

tours des parties sur

lesquelles on les ap-

plique.

Le revêtement de

l'électrode peut être

constitué par des com-

presses de toile, de

coton ou de tarlatane

interposées , entre le

métal ou le charbon et

la peau du corps. Il

peut être formé aussi

par de la ouate hydro-

phile; mais celle-ci a

l'inconvénient de laisser écouler trop abondamment le liquide de l'élec-

trode quand elle se trouve pressée un peu fortement. On recouvre sou-

vent encore le métal ou le charbon des électrodes avec de la peau de

chamois; une seule épaisseur de peau n'est pas suffisante; le métal ou le

charbon se trouvent ainsi trop rapprochés de la peau du corps exposée

alors au développement facile de brûlures électrolytiques. Cet inconvé-

nient peut être écarté avec plusieurs épaisseurs de peau ou par l'interpo-

sition d'autres substances spongieuses, telles que de l'amadou ou du

feutre. Les électrodes auxquelles nous donnons la préférence, .quand

il s'agit d'électrodes en forme de plaques, sont constituées par un feutre

épais d'un centimètre environ, hien fixé à la' plaque de métal, le tout

recouvert d'un tissu hydrophile ou de peau de chamois. Il importe que

1' i. 90. - I : Icctroles en l'orme de ]ihucs(etuin, l'entre et

peau de chamois). Divers modèles d'électrodes en charbon

avec revêtement spongieux.

? t2 ? éoURA ? 1TS GALVANIQUES. 1205 0 5

le revêtement spongieux déborde les bords du métal de plusieurs milli-

mètres, sinon celui-ci pourrait se trouver trop rapproché de la peau du

corps ou même prendre contact avec elle, ce qui pourrait produire des

escarres.

On a encore employé comme revêtement des électrodes de l'amiante

ou de la terre glaise enveloppée dans de la toile ou de la tarlatane. La

terre glaise présente

certains avantages,

pour les grandes élec-

trodes principalement,

elle retient bien le li-

quide dont elle est im-

bibée et elle s'applique

intimement à là surface

de la région sur laquelle

elle est placée. Elle a

l'inconvénient de né-

cessiter pour la confec-

tion des électrodes des

manipulations assez

longues et assez com-

pliquées qui doivent

être souvent renouve-

lnes. -

Le liquide dont on

imbibe les électrodes est le plus habituellement de l'eau de fontaine,

modérément chaude. Par les substances salines que l'eau ordinaire

contient toujours, en plus ou moins grandes proportions, sa conduc-

tibilité est suffisante. Parfois on emploie de l'eau salée ou de l'eau

légèrement acidulée; ces liquides ont l'inconvénient de rendre les

applications du courant galvanique plus douloureuses; ils ont encore

l'inconvénient d'oxyder rapidement le métal des électrodes ou les pièces

métalliques qui les relient aux conducteurs, d'où une augmentation sou-

vent considérable de la résistance des électrodes. Leur usage habituel

n'est donc pas à recommander. On peut cependant y avoir recours si, la

résistance du corps étant très élevée, la source d'électricité dont on

dispose se montre insuffisante pour fournir l'intensité voulue. En aug-

mentant non seulement la conductibilité des électrodes, mais encore la

conductibilité de l'épidémie, ces solutions, meilleures conductrices que

l'eau ordinaire, permettent souvent d'arriver à l'intensité cherchée.

Dimensions ET positions A donner aux électrodes.

. Les électrodes peuvent affecter des formes et des dimensions très

différentes suivant les applications que l'on' se propose de faire. Nous

[E. HUET.]

Fig. l 1 . - Électrodes en charbon rccomcrles de plusieurs

doubles de peau de 'chamois, les unes on forme de tampon,

les autres de forme olivaire.

1204

APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

devons tenir compte tout spécialement de la dimension des électrodes;

d'elle, en effet,. dépend en grande partie la densité du courant, facteur

très important en électrothérapie.

Par densité électrique d'un courant, on entend le rapport de l'inten-

site de ce courant à la section du conducteur qu'il traverse. Cette densité

est un nombre abstrait puisqu'elle est exprimée par un rapport. Nous

pouvons cependant nous faire une idée de ce qu'elle est au niveau de la

surface d'application d'une électrode en disant qu'elle est représentée

par le nombre de, milliampères qui passe par centimètre carré d'électrode.

Nous avons à nous demander encore ce que devient cette densité dans

la profondeur du corps pour un point ou pour un organe déterminé. La

réponse serait facile s'il s'agissait d'un conducteur homogène et de sec-

tion connue; mais le corps est composé de tissus différents qui ne pré-

sentent pas tous la même résistance électrique, et l'on sait que les lignes

de flux du courant suivent de préférence les voies de plus faible résis-

tance ; il en résulte que la densité du courant n'est sans doute pas régu-

lièrement répartie dans la profondeur du corps. On comprend néanmoins

que cette densité, dépendant déjà des dimensions des électrodes, doit

dépendre heaucoup aussi de la position relative donnée aux deux élec-

trodes.

Nous admettrons les trois propositions suivantes : .

La plus grande densité se trouve sous les électrodes et dans leur

voisinage immédiat. Lorsque les électrodes sont de dimensions iné-

gales, la plus grande densité se trouve sous la plus petite électrode.

Dans l'espace compris entre les deux électrodes, le maximum de densité

se trouve sur le plus court chemin qui les réunit.

Fig. 12 (d'après Erb). Schémas de la distribution et de la densité du courant dans le Irnnc.

selon les dimensions des électrodes. A. Densité du courant avec deux électrodes d'égales

dimensions; leurs densités sout les mêmes; B. Densité du courant avec des électrodes

de grandeurs différentes : l'anode est double de la cathode ; la densité de la cathode est

double de celle de l'anode. -

COURANTS.' GALVANIQUES.

1205

Les deux premières propositions sont évidemment exactes; la troisième

peut l'être souvent aussi, mais elle est passible de certaines réserves

en raison des différences de conductibilité des divers tissus.

Les quelques figures que nous reproduisons ici, en les empruntant au

Traité d'.B7ec<ro</ ! e ? Y'e d'Erb, représentent schématiquement la dispo-

sition de la densité entre. des électrodes de mêmes dimensions et des

électrodes de dimensions différentes, suivant les diverses positions

qu'elles peuvent occuper. Elles donnent une idée des dimensions et des

positions respectives qu'il convient de faire prendre aux électrodes pour

atteindre dans les meilleures conditions possibles un organe déterminé

d'après la situation qu'il occupe.

'1 °. Pour localiser le courant sur un point situé superficiellement ou

peu éloigné de la surface du corps, on prendra deux électrodes de

dimensions inégales, on placera la plus petite électrode aussi près que

possible du point à atteindre, et l'autre plus grande en un point assez

éloigné. C'est ce procédé que nous utiliserons généralement en électro-

diagnostic pour localiser l'excitation électrique sur les nerfs et sur les

muscles. On l'utilise également en électrothérapie.

2° Pour localiser le courant sur une étendue plus grande mais

encore peu éloignée de la peau, par exemple sur des muscles gros ou

larges, comme le deltoïde, les fessiers, le vaste interne de la cuisse,

les jumeaux, etc., on choisira deux électrodes égales, de dimensions

moyennes, et on les placera plus ou moins rapprochées l'une de l'autre

sur l'espace à électriser, de façon que les lignes qui les réunissent le

plus directement au-dessous de la peau traversent cet espace.

5° Pour atteindre avec le courant des parties plus ou moins étendues

situées dans la profondeur du corps, par exemple la moelle épinière, il

[E. HUET.-\

Fig. 15 (d'après Erb). Schémas de la distribution et de la densité du courant relativement

à sa direction dans le corps. - A, quand il est dirigé transversalement à travers le corps;

B, quand on applique les électrodes sur la même surface, l'une près de l'autre. Les lignes

de llux inertes sont ponctuées. La zone de la plus grande densité est ombrée.

12011 APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

convient de prendre deux grandes électrodes et de les appliquer aussi

éloignées que possible l'une de l'autre en comprenant entre elles les

parties à atteindre. Si elles étaient rapprochées, la plus grande partie du

courant resterait dans le voisinage de la peau (A. fig. 1 ! ) ; éloignées, au

contraire, un plus grand nombre de lignes de flux pénètrent dans la

profondeur (B. fig. 14).

4° Pour localiser le courant sur un point déterminé situé dans la

profondeur des organes, on prendra deux électrodes assez grandes que

l'on placera diamétralement en face l'une de

l'autre de manière que le point à atteindre se

trouve sur le trajet réunissant directement les

deux électrodes. On emploiera ce procédé

pour atteindre un point limité de la moelle

épinière ou un point situé dans la profondeur

du cerveau. On l'emploiera encore pour sou-

mettre à l'action du courant une articulation,

comme le genou, l'épaule, etc.

Les considérations qui précèdent ne s'adres-

sent pas seulement au courant galvanique con-

tinu, elles peuvent valoir aussi pour les appli-

cations des courants galvaniques interrompus,

des courants faradiques, etc.

A d'autres points de vue encore il importe

de tenir compte de la densité du courant. On

en tiendra compte, par exemple, pour éviter les

brûlures de la peau. Si l'on doit employer des courants de forte intensité

et que l'on prenne de petites électrodes, la densité du courant est très

grande sur la peau et les actions chimiques s'y développent avec une

ng. 14 (d'après Erb). Schémas de la distribution et de la densité du courant relativement

à sa pénétration dans la profondeur (ici dans la moelle épinière). A, quand les deux

électrodes sont rapprochées; B, quand elles sont très éloignées l'une de l'autre.

F)g. 15 (d'après Erb).Schéma

de la meilleure application

des électrodes pour amener

un foyer pathologique situé

dans la profondeur de l'hémi-

sphère cérébral gauche dans

la zone des lignes de flux

les plus denses et les plus

actives.

COURANT GALVANIQUE CONTINU. 1207

énergie suffisante pour provoquer la formation d'escarres; avec de

grandes électrodes, au contraire, la densité est beaucoup plus faible,

les courants sont répartis sur une surface plus étendue et l'escarrilica-

tion est évitée.

Action DES courants galvaniques continus.

Effets DE l'état permanent DU courant.

Le courant galvanique passant d'une façon continue développe des

effets thermiques, mécaniques, chimiques et physiologiques.

Les effets thermiques dans les applications du courant galvanique au

traitement des maladies nerveuses sont insignifiants en raison des faibles

intensités données au courant et en raison de la grande masse du con-

ducteur formé par le corps.

Les effets mécaniques sont également minimes dans ces applications

éicctrothérapiques. On peut leur rapporter la cataphorèse, c'est-à-dire le

transport de particules, principalement de particules liquides entraînées

par le courant. Les phénomènes de cataphorèse sont d'ailleurs assez

discutés; on leur attribue actuellement une importance beaucoup moins

grande qu'autrefois où l'on confondait avec eux des phénomènes de

transport des ions que nous allons retrouver dans les effets suivants.

Les effets d'ordre chimique sont beaucoup plus importants que les

précédents. Le corps est composé de tissus divers, contenant des

substances liquides, colloïdes et électrolytes. Ces derniers sont en pré-

pondérance et parmi eux les solutions de chlorure de sodium occupent

une part très prédominante. Les autres substances minérales dissoutes

dans les liquides de l'organisme sont aussi pour la plupart des sels de

sodium, sulfates, carbonates, phosphates. Les sels de potassium, de

calcium, de magnésium, etc., sont en proportions beaucoup plus faibles.

L'on sait que. dans une solution électrolytique traversée par un courant

continu, les ions de l'électrolyte sont entraînés par le courant; ceux qui

sont chargés positivement, les ions électro-positifs, se portent au pôle

négatif ou cathode, d'où leur nom de cathions; ceux qui sont chargés

négativement, les ions électro-négatifs, se portent au pôle positif ou

anode, ce sont les anions. Au contact de l'anode et de la cathode les ions

perdent leur charge et obéissent à leurs affinités chimiques. Ne considé-

rant que les ions et Ci, de beaucoup les plus nombreux dans les

tissus et les liquides de l'organisme, nous voyons que du coté du pôle

négatif l'ion sodium \a, soit qu'il sorte du corps, soit qu'il provienne

de la sueur ou des liquides qui imbibent l'électrode, se porte sur le

inétal ou le charbon qui constitue la cathode; à son contact il perd sa

charge positive, obéit aux affinités chimiques du sodium, \a, décompose

l'eau pour former de la soude, Nao, et mettre de l'hydrogène, 11, en

liberté. Du côté du pôle positif c'est l'ion chlore CI, qui se porte sur le

[E. HUET]

1208 APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

métal; à son contact il perd sa charge négative, devient Cl, décompose

l'eau pour former de l'acide chlorhydrique IIC1 et mettre l'hydroxyle

OU en liberté. Si les électrodes sont en matière inattaquable, platine ou

charbon, il ne se produit pas d'actions secondaires, et, si le métal ou le

charbon ne sont pas suffisamment éloignés des téguments, les substances

formées de la façon que nous venons de voir produisent l'escarrification

des tissus, agissant suivant leurs propriétés, comme un acide au pôle

positif, comme une base caustique au pôle négatif. On évite ces effets

caustiques, comme nous l'avons indiqué déjà, en éloignant suffisamment

le métal ou le charbon de la surface de la peau avec des revêtements

spongieux plus ou moins épais et humectés de liquide et en ayant soin

de ne pas employer une trop grande densité de courant. 1

Lorsque le métal des électrodes est attaquable par les produits de

l'électrolyse, les phénomènes sont plus complexes. A l'action des bases

ou des acides, formés au niveau des électrodes, s'ajoute ou se substitue

l'action des substances chimiques formées secondairement par l'attaque

du métal de l'électrode. Dans certaines applications électrothérapiques,

on utilise les effets caustiques ainsi développés au niveau des métaux

inattaquables, ou les effets dus aux produits secondaires prenant nais-

sance au contact des métaux attaquables; nous n'avons pas à y insister

pour les applications de la pratique neurologique (').

Il n'a été question jusqu'alors du transport des ions que dans le sens

où ils sortent du corps; leur transport se fait aussi en sens opposé. Sous

chaque électrode, en effet, il se produit un double courant ionique. A la

cathode les cations descendent le courant et sortent du corps, tandis que

les anions remontent le courant et pénètrent dans le corps. A l'anode,

les effets inverses se produisent, les anions remontent le courant, sortent

du corps, tandis que les cations descendent le courant et pénètrent dans

le corps. Ces phénomènes de transport des ions sont utilisables dans la

pratique neurologique; ils permettent d'introduire localement des médi-

caments par la peau.

On a longtemps discuté sur la réalité de l'introduction électrolytique

des substances médicamenteuses à travers la peau, la rapportant soit

simplement à l'absorption cutanée, soit encore il la cataplrorèse.

Cette pénétration des ions dans le corps sous l'influence du passage

du courant est bien démontrée aujourd'hui, après les expériences de

Leduc sur l'introduction des ions colorés et sur l'introduction de sub-

1. Les effets de l'électrolyse au niveau des électrodes produisent des phénomènes

que l'on a appelés polarisation; ils développent une force électro-motrice dont la

direction est opposée il celle du courant qui leur a donné naissance. Cette force contre-

electro-motrice de polarisation est parfois très gênante en électrothérapie et surtout en

électrodiagnostic. On peut remédier ces inconvénients en employant des électrodes

particulièrement constituées pour supprimer la polarisation. Ces électrodes impolari-

sables sont surtout employées dans les recherches physiologiques, beaucoup plus rare-

ment dans les applications etcctrotherapiqucs.

COURANT GALVANIQUE CONTINU. 1209

stances toxiques. Avec les ions colorés on peut constater facilement leur

pénétration dans les orifices et les canalicules glandulaires; avec des

électrodes imbibées de substances toxiques, en plaçant en même temps

deux animaux en série sur le trajet du courant, on ne détermine des

effets d'intoxication que sur l'animal porteur de l'électrode dans laquelle

le transport de l'ion toxique se fait vers le corps ; l'autre animal reste

indemne, bien qu'il soit porteur d'une électrode identique, mais disposée

de manière que l'ion toxique chemine en s'éloignant du corps.

Pour faire pénétrer une substance médicamenteuse à travers la peau,

en un point déterminé, il suffit d'orienter convenablement le courant

après avoir appliqué sur ce point une électrode contenant une solution

d'un composé de cette substance ; l'autre électrode est simplement

imbibée avec de l'eau ordinaire ou avec une solution de chlorure de

sodium ou de potassium. Lorsque c'est un anion qui constitue la partie

active de la substance à introduire, par exemple l'iode d'un iodure

alcalin, ou l'acide salicylique du salicylate de soude, l'électrode imbibée

de cette substance doit correspondre à la cathode. Lorsque c'est un cation

que l'on veut faire pénétrer, comme le lithium du carbonate de lithine,

ou comme la quinine du chlorhydrate de quinine, l'électrode active doit

correspondre à l'anode. Nous verrons qu'on a traité avec succès des

névralgies rebelles, soit par l'introduction de l'ion salicylique, soit par

l'introduction de l'ion quinine.

Il convient de remarquer, cependant, que les ions ainsi introduits à

travers la peau ne doivent pas pénétrer très profondément dans les tissus,

même avec la position la plus favorable donnée aux électrodes, en les

plaçant, par exemple, en face l'une de l'autre dans une situation diamé-

tralement opposée. Il est très vraisemblable d'admettre, en effet, que les

ions qui ont pénétré dans la peau se trouvent bientôt entraînés dans la

circulation générale par les vaisseaux sanguins ou par les vaisseaux lym-

phatiques. Par suite, on ne peut guère espérer agir directement avec ces

ions que sur des organes superficiellement situés.

L'épiderme présente un très grand obstacle il la pénétration des ions;

leur introduction se fait surtout par les orifices et les canalicules glandu-

laires, ainsi que le montrent les expériences faites avec les ions colorés.

C'est aussi, suivant toute évidence, la principale voie suivie par le cou-

rant galvanique pour pénétrer dans le corps.

Les phénomènes ioniques dont nous venons de parler sont ceux qui

se passent surtout au niveau des électrodes, à l'entrée et à la sortie du

courant. Nous devons nous demander encore quels sont les phénomènes

qui se passent dans la profondeur des tissus, sur l'espace interpolaire

parcouru par les lignes de flux du courant.

On sait que, lorsque deux électrolytes de composition différente sont

contigus,le passage d'un courant continu produit entre eux des échanges

d'ions conformément aux lois de transport des ions. Ces échanges sont

encore plus actifs si les électrolytes sont séparés par des membranes per-

fB.HUET]

z1 `310 APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

méables. De pareils échanges d'ions se produisent encore entre diverses

parties d'un même électrolyte, séparées par des membranes.

Ces diverses conditions se trouvent réalisées par les tissus de l'orga-

nisme. Sous l'action du courant galvanique continu, il doit y avoir

échange d'ions entre éléments d'un même tissu et entre éléments de

tissus différents ; c'est sans doute là une des raisons des effets physiolo-

giques et des effets thérapeutiques de ce courant. Ces phénomènes d'élec

trolyse interpolaire, dans l'intimité des tissus, se trouvent manifestés !

par ce que l'on a appelé la polarisation interne; celle-ci, de même que

la polarisation externe, au niveau des électrodes, développe une force

électro-motrice de direction opposée à celle du courant qui la produit.

On peut constater expérimentalement cette force électro-motrice de la

polarisation interne, on peut même la mesurer. M. Weiss a constaté

qu'elle pouvait atteindre 0.4 à 0,5 de volt, avec les courants utilisés

communément en électrothérapie. 1

Quand les courants sont très intenses, l'électrolyse interpolaire peut

présenter de graves inconvénients et être assez considérable pour amener

la désorganisation et la mort des tissus. En soumettant des muscles de

grenouille à des courants galvaniques, même faibles, M. Weiss a constaté

que les fibres musculaires étaient profondément altérées et qu'ensuite

elles s'atrophiaient définitivement. Dans ces conditions, la densité du

courant était très élevée en raison des faibles dimensions des muscles de

grenouille. Chez l'homme, dont les muscles sont beaucoup plus volumi-

neux, on peut employer sans inconvénient des intensités plus grandes;

il est cependant des limites qu'il convient de ne pas dépasser; l'observa-

tion d'accidents survenus avec des courants continus industriels montre

que les muscles de l'homme peuvent être également détruits et s'atro-

phier définitivement après le passage de courants trop intenses.

Les effets physiologiques produits par le passage du courant galva-

nique sont de différents ordres et se manifestent sur les nerfs moteurs

et sur les muscles, sur les nerfs sensitifs, sur les nerfs vaso-moteurs et

sur les organes glandulaires. Nous aurons aussi à parler des effets élec-

trotoniques et des effets dits catalytiques,

Sur les nerfs moteurs et sur les muscles, le courant galvanique, dans

son état permanent, ne parait guère produire directement des effets

d'excitation. Avec de forts courants, cependant, on peut voir les muscles

mis en état de contraction soutenue plus ou moins prononcée ; c'est ce

que Hemak a appelé les contractions galvano-loniqucs. Il y a lieu de

croire que ces effets d'excitation des organes moteurs sont en grande

partie dus il l'action sur les nerfs moteurs ou sur les muscles des pro-

duits de l'électrolyse interne. Ils ne s'observent qu'avec de forts cou-

rants. Il convient de remarquer, cependant, qu'ils sont produits plus

facilement lorsqu'on arrive à l'état permanent du courant en élevant

rapidement son intensité, que si on élève celle-ci lentement et graduel-

lement.

.COURANT GALVANIQUE CONTINU. 211

On observe encore sur les nerfs moteurs des effets du courant gaha-

nique constant ayant comme conséquence de modifier l'excitabilité de

ces nerfs; c'est ce que l'on a appelé effets électrotoniques.

L'électrotonus a été mis en évidence par les recherches des physiolo-

gistes. Il consiste non seulement dans des modifications de l'excitabilité

des nerfs, mais encore dans des modifications de la conductibilité de

J'influx nerveux et dans des modifications de l'état électrique des nerfs;

on les observe facilement sur un nerf dénudé et isolé, parcouru par un

courant continu dans les conditions réalisables en physiologie. Ces modi-

fications sont différentes suivant la direction descendante ou ascen-

dante du courant. Le courant descendant est celui qui suit la direction

de l'influx nerveux moteur; il est réalisé lorsque le pôle positif est placé

du côté des centres nerveux et le pôle négatif du côté de la périphérie.

Le courant ascendant est celui qui répond aux conditions inverses.

Comme les modifications produites par l'électrotonus'paraissent dépendre

des actions polaires, il est plus simple de considérer ce qui se passe à

chaque pôle.

Pendant le passage du courant, l'excitabilité du nerf est augmentée au

niveau du pôle négatif et dans son voisinage ; elle est diminuée au con-

traire au niveau du pôle positif. On a appelé ces effets catélectrotonus et

onë/fc'ooHMs. Après l'ouverture du courant ces effets s'inversent; il y

a diminution de l'excitabilité à la place du pôle négatif et augmentation

à la place du pôle positif; mais ensuite on constate pendant plus ou

moins longtemps de l'augmentation de l'excitabilité à la place des deux

pôles. Les effets sur la conductibilité du nerf sont semblables.

Chez l'homme, dans les conditions des applications électrothérapiques,

les manifestations électrotoniques sont plus difficiles ' à saisir, et les

recherches faites dans ce but ont donné des résultats contradictoires.

Tandis qu'Eulenburg a trouvé les mêmes modifications de l'excitabilité

que celles observées dans les recherches physiologiques, Erb a trouvé

des modifications inverses. Cela tient sans doute, comme le fait remar-

quer Erb, aux conditions dans lesquelles on opère chez l'homme; on ne

peut faire agir, en effet, le courant produisant l'électrotonus et explorer

l'excitabilité du nerf qu'à travers les téguments et les tissus interposés.

Dans ces conditions interviennent ce qu'llelmholtz a appelé les pôles vir-

lnels; l'existence de ceux-ci s'explique par la façon dont le nerf est par-

couru par le courant; la figure 16 fait comprendre comment de chaque

côté de la zone correspondant à la polarité de l'électrode se trouvent des

zones correspondant à des pôles de nom contraire. Au niveau de ces

pôles virtuels, les modifications électrotoniques se trouvent être l'inverse

de celles qui sont produites par le pôle de l'électrode. En localisant

l'exploration de l'excitabilité du nerf au niveau même de l'électrode élec-

trotonisante de manière à éviter de tomber dans la sphère d'action des

pôles virtuels, Erb a retrouvé, comme Eulenburg, les mêmes manifesta-

tions qu'en physiologie. Des recherches ultérieures n'ont pas cependant

[E. HUET.] ]

1212. " . APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITE. z

abouti à des résultats bien certains, et la question de l'électrotonus chez

l'homme reste assez obscure. , .

- On est porté généralement à admettre qu'en faisant agir le pôle positif

on p.out, nar le fait de l'anélectrotonus. diminuer l'excitabilité des nerfs,

tandis qu'en fai-

sant agir le pôle

négatif on aug-

mente leur excita-

bilité par le fait

du catélectroto-

nus. Dans le trai-

tement des névral-

gies, par exemple,

on a remarqué que

souvent le pôle po-

sitif se montrait

plus etiteace que le pôle négatif. Ces résultats, cependant, ne sont pas

constants, parfois le pôle. négatif a produit les mêmes, effets que le pôle

positif; on pourrait l'expliquer, même en admettant la réalité des modi-

fications électrotoniques précédemment exposées, soit par l'action de

pôles virtuels, soit par les actions secondaires qui se développent après

la suppression du courant. -

. Les nerfs sensitifs seraient donc soumis, comme les nerfs moteurs,

aux modifications de l'électrotonus. Ils diffèrent des nerfs moteurs en ce

sens qu ils paraissent davan-

tage excités par le courant

galvanique dans son état per-

manent. En effet, le courant,

pendant son passage continu,

non seulement provoque au

niveau des points d'applica-

tion des électrodes des sen-

sations particulières de pi-

cotement mélangées à des

sensations de cuisson ou de

brûlure, mais encore il pro-

voque dans la sphère de dis-

tribution périphérique d'un

nerf soumis à son action des

sensations d'engourdissement

et de fourmillement. Il con-

vient sans, doute de faire intervenir dans la production de ces sensations

non seulement l'action directe du courant, mais encore les effets résul-

tant des produits de l'électrolyse.

Les nerfs vaso-moteurs sont aussi excités par le courant galvanique

Il

Fit. 16 (d'après Erb). Représentation schématique de l'action

polaire primaire et secondaire (ou virtuelle); en -j- anode pri-

maire ; en cathodes virtuelles.

Fig. 17 (d'après Erb). Représentation schématique

de la différence de densité au pôle différent (-) et

. au pôle virtuel. A l'anode virtuelle ( ? ) la densité

n'est que la moitié de ce qu'elle est à la cathode (-). ).

ÉTATS DU COURANT GALVANIQUE 1 : 115

passant d'une manière continue. Sous les électrodes, au début de l'appli-

cation, les petits vaisseaux de la peau se resserrent, la peau est anémiée

et présente une coloration blanchâtre ; cet état est d'ailleurs de courte

durée, bientôt les vaisseaux cutanés se dilatent et la peau prend une colo-

ration rouge fortement prononcée qui, le plus souvent, s'accentue encore

après la cessation du courant. Cette dilatation des vaisseaux se produit

plus rapidement avec des courants forts qu'avec des courants faibles.

Le courant galvanique continu agit encore sur les organes glmulu-

laires et provoque leur sécrétion. La galvanisation de la corde du tym-

par. par exemple, provoque la sécrétion de la glande sous-maxillaire. Le

même effet est produit par la galvanisation de la glande elle-même. Pen-

dant les applications du courant galvanique à la face ou au cou, on

observe souvent une augmentation de la sécrétion salivaire ; la cause en

est vraisemblablement complexe, due non seulement il l'excitation des

nerfs sécréteurs, mais aussi à une action réflexe consécutive il l'excita-

tion des nerfs du goût. Des sensations gustatives, en effet, sont facile-

ment produites par le passage du courant galvanique continu, même

avec de faibles intensités.

A ces divers effets du courant galvanique continu, nous pourrions

ajouter les effets appelés par Remak effets catalytiques. C'est une expres-

sion vague par laquelle on entend les effets encore mal connus et mal

définis produits sur la nutrition intime des tissus par l'action directe ou

indirecte du courant apportant des modifications dans les circulations

sanguine et lymphatique, dans les phénomènes d'osmose, dans la consti-

tution moléculaire des éléments de l'organisme, etc.

COURANT GALVANIQUE DANS SES ÉTATS VARIABLES

(Excitations de fermeture et d'ouverture.)

Au lieu d'appliquer le courant galvanique en le laissant passer d'une

manière continue, développant les effets de l'état permanent dont il vient

d'être parlé, on peut l'appliquer en le soumettant à des interruptions et

a des rétablissements brusques développant les effets de ses états variables.

Supposons que par l'un des procédés de graduation du courant, dont il

a été déjà question, nous ayons établi au niveau des électrodes appliquées

sur le corps une différence de potentiel plus ou moins élevée, et qu'au

moyen d'un appareil approprié, un interrupteur placé dans le circuit,

nous ayons empêché le courant dépasser. (Un des meilleurs interrupteurs

que l'on puisse employer dans ce but est la clef de Morse.) Agissons

maintenant sur l'interrupteur pour fermer le circuit, en appuyant sur la

clef de Morse par exemple, le courant s'établit et atteint presque immé-

diatement une certaine intensité en rapport avec la dillérence de poten-

tiel existant au niveau des électrodes et avec la résistance opposée par le

corps. Le courant passe par la période d'état variable de fermeture. Si

[E HUENT ]

z1214 APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

nous maintenons l'interrupteur de manière que le courant continue il

passer, nous avons affaire à une période d'étal permanent du courant.

Puis, si nous agissons

sur l'interrupteur de ma-

nière à interrompre le

courant, à ouvrir le cir-

cuit, l'intensité retombe

presque immédiatement

à zéro, c'est la période

d'état variable d'ouver-

ture. Nous pouvons

représenter schematiqnement par la courue de la ligure 'la 1 onde gal-

panique que nous venons défaire passer ainsi par le corps. N.

Le courant galvanique, au moment de ses états variables, a la ]>ro-i

prieté d'exciter les nerfs et les muscles. Sur le muscle cette excitation;*

lorsqu'elle est suffisante, c'est-à-dire lorsque l'intensité du courant est

suffisamment élevée, se manifeste par la contraction du muscle. Sur un;

nerf moteur, cette excitation se traduit par la contraction des muscles

animés par ce nerf. Sur un nerf sensitif cette excitation éveille des sen-,

sations, soit de sensibilité générale, soit de sensibilité spéciale, suivant ! c,

la nature du nerf excité.

L'excitation n'est pas tont il fait la même au moment de l'état variable

de fermeture et au moment de l'état variable d'ouverture. Elle est aussi

en rapport avec la direction du courant, différente suivant que le courant

est ascendant ou descendant, autrement dit encore suivant que l'excita-

tion est produite au niveau du pôle négatif ou au niveau du pote positif.

Il est très important, aussi bien pour tetcctro-dia-mostic que pour les

applications thérapeutiques, de bien connaitre ces propriétés du courait

galvanique dans ses étals variables...

effets des états V : 11tL11tLES de fermeture et d'ouverture sur les nerfs

MOTEURS ET sm LES MUSCLES.

Pour le moment, nous nous occuperons seulement de l'excitation des

nerfs moteurs et des muscles, et nous exposerons les résultats obtenus

avec la méthode d'excitation polaire. Dans cette méthode, l'une des

électrodes est large, de façon que la densité du courant y soit faible,

c'est Y électrode neutre ou indifférente. On la place assez loin des nerfs

et des muscles que l'on veut exciter, le plus généralement sur la ligne

médiane (par exemple sur l'une des régions suivantes : slernale, cervi-

cale postérieure, dorsale, lombaire ou sacrée), de manière que, si l'on

doit agir sur l'un et l'autre côté, on le fasse dans des conditions symé-

triques et comparables. L'autre électrode est beaucoup plus petite, de

dimensions appropriées il l'organe que l'on veut exciter, de façon que le

courant 1 aborde dans les conditions de densité les plus favorables ; c'est

Fig. 18. - Schéma de l'onde galvanique AF, période

d'état variable de fermeture; 1<'0, période d'état penna-

lIellt; OB, période d'état variable d'ouverture.

ÉTATS VARIABLES DU COURANT GALVANIQUE.

1215

Y électrode active, différente ou exploratrice. Suivant que l'on met en

rapport cette électrode avec le pôle négatif ou avec le pote positif (nous

verrons plus loin comment il convient de le faire), on peut différencier

les actions de chacun de ces pôles. Il y a lieu de considérer les effets

produits avec l'un et l'autre pôle au moment de la fermeture du courant,

pendant la durée de passage du courant en état permanent, puis au

moment de l'ouverture.

Sur les nerfs moteurs, l'excitation produite peut être résumée par le

tableau suivant, indiquant les contractions obtenues sur les muscles

correspondant au nerf excité.

9` ? IG APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ. *

obtient seulement une contraction des muscles avec le pôle négatif et au

moment de la fermeture, NFC ('). Aucune excitation ne se manifeste avec

le pôle négatif pendant le passage du courant ni au moment de l'ouver-

ture ; aucune excitation avec le pôle positif ni au moment de la ferme-

ture, ni pendant le passage du courant, ni au moment de l'ouverture.

2° Avec des courants que nous appellerons moyens (de 1 m. A. par

exemple à plusieurs m. A., 5, 4, 5 ou davantage, suivant le nerf con-

sidéré) l'excitation produite avec le pôle N, au moment de la fermeture,.

1\lû, devient plus forte; aucune autre excitation n'est encore manifeste,-

avec ce pôle, soit pendant le passage du courant, soit au moment de

l'ouverture. Mais l'excitation avec le pôle P commence à être efficace,,

généralement d'abord au moment de la fermeture, PFC; puis bientôt

aussi au moment de l'ouverture, POC. Quelquefois, avec ce pôle P, l'exci-

tation au moment de l'ouverture apparaît avec un courant de même,

intensité que l'excitation au moment de la fermeture, 110(- : = Fl'C; quel-;

quefois même l'excitation produite au pôle P, au moment de l'ouverture,

apparaît avec un courant plus faible qu'au moment de la fermeture,

sites plus fortes, qu'en le réglant ave le collecteur d'éléments ou avec le réducteur de

potentiel.

z1. Pour abréger l'écriture et le langage, on a pris l'habitude de traduire les résultats

de l'excitation électrique par une notation spéciale, en désignant simplement par leurs

initiales les noms des potes, les mots fermeture et ouverture, et les mots contraction'

ou secousse (ou encore sensation pour les organes de la sensibilité). Le pôle négatif ou

cathode est généralement représenté par Ka, ou simplement K, ou \; le poie positif ou

anode par An, ou A, ou P; la fermeture par F ou S (Sc1¡[ie,SIIIIY); l'ouverture par 0;

la contraction par C ou Z (Xuckung) ou S ; on la représente aussi par Te quand elle

devient une contraction tétanique. Celte notation a d'abord été adoptée en Allemagne;

M. Vigoureux avait proposé de l'accepter en lui conservant l'écriture allemande, ce qui

aurait eu l'avantage de donner des formules uniformes, malgré la diversité des langues.

Malheureusement, cette proposition n'a pas prévalu; il semble au contraire que l'on se

soit efforcé à multipier les façons d'écrire ces notations; sans les reproduire toutes.

nous citerons les quelques exemples suivants : ..

ÉTATS. VARIABLES DU COURANT GALVANIQUE. 1217

POC > PFC. Pendant la durée de passage du courant, aucune excitation

ne se manifeste avec le pôle P. " , .

L'apparition de POC en même temps que PFC, ou avant PFC, est plus

fréquente sur certains nerfs que sur d'autres; elle est très fréquente sur.

le nerf radial, assez 'fréquente sur le nerf sciatique poplité externe, le

nerf médian et le nerf cubital, plus rare ou exceptionnelle sur d'autres,

tels que le nerf facial, -le nerf l ! 1usculo-cutané et. la branche externe du

nerf spinal. Elle paraît dépendre plutôt des conditions qui favorisent

l'action secondaire du courant de polarisation que d'une façon spéciale

de réagir du nerf. Toutes les conditions, en effet, ;qui augmentent la

polarisation des électrodes et des tissus. (courants de forte intensité, pas-

sage prolongé du courant, excitations répétées avec la .même direction du

courant), de même que les conditions qui facilitent l'écoulement du cou-

rant secondaire de polarisation (exploration avec la double clef, par

exemple) développent l'excitation produite l'ouverture du courant prin-

PfUTI.JCE HUROL. t 77

[B. HUET.]

Ivig. 19. - Méthode polaire. Électrode neutre sur la nuque. E)cctrode exploratrice '

sur l'élévateur de l'aile du nez et de iatcvre supérieure.

1 ? 11gv

APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.-

cipal. A la chute de l'intensité qui se produit au moment de PO, s'ajoute

la variation d'intensité due au courant de polarisation, et cette dernière

correspond à une fermeture de pôle N, puisque la direction du courant

de polarisation est inverse de la direction du courant principal. (Nous

sommes tout porté à croire que c'est cette fermeture du courant secon-

daire de polarisation qui joue le principal rôle dans la production des

excitations d'ouverture.)

5" Avec des courants forts (variant suivant les cas entre 5, 10,

15 mjlliampères ou davantage), l'excitation produite avec le pôle N, au

moment de la fermeture du courant, croit encore et se prolonge plus ou

moins pendant le passage du courant, 1FCC ou NFCCC devenant NFTe;

au moment de l'ouverture, on peut voir apparaître une légère excitation,

10c; celle-ci n'apparaît souvent qu'avec des courants très forts et n'est

pas facile à constater, car la tétanisation produite pendant le passage du

courant se prolonge généralement jusqu'au moment de l'ouverture, et on

Fig. 20.. Méthode polaire. Électrode neutre au-devant du sternum;

électrode exploratrice sur le biceps.

, EXPLORATION DE L'EXCITABILITÉ GALVANIQUE. 1219

observe alors, au lieu d'une contraction, la cessation de la tétanisation du

muscle. Au pôle P, les excitations produites augmentent aussi avec l'in-

tensité du courant; à la fermeture, cependant, la contraction obtenue

PFC ou PFCC reste, plus petite, pour un courant de même intensité, que

la contraction à NF; il est rare de la voir devenir tétanique et se pro-

longer pendant le passage du courant, même avec des intensités élevées

et difficiles à supporter. Les contractions à l'ouverture, POC, augmentent

également, mais deviennent rarement durables et tétaniques, en dehors

de certains cas pathologiques.

En sommé, les réactions normales produites par l'excitation des nerfs

uvec les courants galvaniques peuvent être résumées de la. façon suivante :

Sur les muscles les réactions galvaniques normales correspondent sen-

siblement à celles des nerfs moteurs; elles ne s'en distinguent que par

de faibles divergences : la différence entre l'action du pôle négatif et

celle du pôle positif est souvent moins accusée que pour les nerfs; NFTe

est plus difficile à obtenir; les excitations se produisent surtout à la fer-

meture du courant; elles sont généralement plus faibles et même font

souvent défaut à l'ouverture; NOC s'obtient rarement, POC s'observe

plus facilement, mais reste en général inférieur à PFC.

Applications A l'électao-diagnostic des effets DE l'état variable

' du courait galvanique

Pour procéder à l'exploration de l'excitabilité galvanique des nerfs et

des muscles, on emploie généralement la méthode polaire dont il a été

déjà parlé. Une électrode d'assez grandes dimensions est placée loin des

régions à examiner et de préférence sur la ligne médiane du corps e);

1. Lorsque l'électrode indifférente est placée sur l'une des régions suivantes, ster-

nale, dorsale, lombaire ou sacrée, il y a avantage à la maintenir au moyen d'une ceinture

élastique avec interposition d'une serviette ou de compresses; lorsqu'elle est placée sur

la nuque, il est facile de la faire maintenir avec un anneau attaché à un lac pendant

au-devant du tronc et tenu par le patient lui-même'. (Voir iig. 19 et 20).

Dans le cas où l'exploration nécessite une intensité de courant assez élevée, il vaut

mieux placer cetle électrode sur les autres régions que sur la nuque.

[E HOET.]

1220'è.\ ; APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ. '

une électrode plus petite, de forme et de dimensions appropriées, sert à

provoquer l'excitation des nerfs ou des muscles. Cette dernière, électrode

différente ou exploratrice ('), doit être placée en des points déterminés,

dits points d'élection, au niveau desquels l'excitabilité du nerf ou du

1. L'électrode différente est généralement constituée par un tampon de charbon

recouvert de substances spongieuses. Pour l'examen des nerfs superficiellement placés

et pour l'examen des petits muscles comme ceux des mains et de la face, il convient de

prendre une petite électrode de 1 cent. de diamètre par exemple. Pour les nerfs cl

muscles des membres et du tronc, il y a avantage à se servir d'une électrode plus

grande; on emploie habituellement une électrode de 2,5 cent. ou de 5,5 cent. de dia-

mètre. Il est très important que l'électrode soit bien placée au niveau des points d'élec-

tion, un faible éloignement de ceux-ci nécessite souvent des courants heauconp plus

forts pour obtenir le seuil de l'excitation; de plus, quand l'électrode n'est pas suffisam-

ment placée sur les points d'élection, on peut avoir, même sur des muscles normaux, de

l'inversion polaire par l'action de pèles virtuels.

Fie. 21 (d'après Erb).

Points moteurs de la tête

et du cou. -1. 1. Muscle-

frontal; - 2. Nerf

facial (branche stipe- ·

rieure) ; 5. Muscle

sourcilicr ; - 4. Orhi-

culaire des paupières ;

- 5. 5. Muscles du nez ;

z 6. 6. Zygomatiques;

- j. 7. Orbiculairé des

lèvres; - 7' Brandir

moyenne du nerf fa-

rial ; - 8'. Masséter :

9. Muscle de la

houppe du menton ;

10. Carré du menton ;

- l 1. Triangulaire c ! cç

lèvres; - '12, Nerf

grand hypoglosse ; -

13. Branche inférieure

du nerf facial ;

14. Muscles sus-hyoï-

diens ; - 15. Muscles

sous-hyoïdiens; -

16. Muscle omo-Imnï-

dieu; - 17. Serf Il ?

racique antérieur cl

muscle grand pectoral :

18. Région des

circonvolutions cen-

trales ; 19. Terni-

sième circonvolution frontale et insula ; 20. Muscle temporal ; 21. Branche temporn-

faciale au-devant de l'oreille; 22. Nerf facial (tronc); 23. Nerf auriculaire postérieur :

24. Branches faciales moyennes; 25. Branche faciale inférieure; -26. Muscle splénius :

- 27. Sterno-cléido-mastoïdien; 28. Branche externe du nerf spinal; 29. Muscle

angulaire de l'omoplate; 50. Muscle trapèze; 51. Nerf dorsal de l'épaule; 52. nerf

axillaire. 53. Nerf du grand dentelé; 54. Plexus brachial; 55. Point d'Erb (muscles

deltoïde, biceps, brachial antérieur et long supinateur) ; - 56. Nerf phrenique.

EXPLORATION DE L'1 : \CI1' : 1BILIT GALVANIQUE. 1221

muscle que l'on examine est à son maximum (Voir fig. 21, 22 et 2).

On recherche alors les diverses manifestations de l'excitabilité du

nerf ou du muscle sur lequel l'électrode est appliquée en établissant des

courants que l'on interrompt et que l'on rétablit tour à tour et dont on

rait varier convenablement l'intensité.

[E. HUET.]

A FiG. 22 (d'après Erb). B

1. Points moteurs'du membre supérieur (face antérieure). 1. Triceps brachial (longue por-

lion); 2. Triceps (vaste interne); 5. Nerf cubital; 4. Muscle cubital antérieur;

5. Fléchisseur commun profond des doigts; 6. Fléchisseur superficiel des doigts (médius

et annulaire); 7. Fléchisseur superficiel (index et auriculaire); 8. Nerf cubital :

9. Palmaire cutané; 10. Adducteur du petit doigt; 11. Court fléchisseur du petit

doigt : 12. Opposant du petit doigt; 15. Lombricam : -14, Deltoïde (partie antérieure) : -

15. Nerf museulo-culanc, 16. Biceps; 1 ï. Brachial antérieur. 18. Nerf médian ;

19. Long supinateur; 20. Rond pronateur; 21. Palmaires; 22. Fléchisseur super-

ficiel des doigts; 23. Long fléchisseur du pouce; - 24. Nerf médian; 25. Court

abducteur du pouce; 26. Opposant; 27. Court fléchisseur du pouce; 28. Adduc-

teur du pouce.

11. Points moteurs du membre supérieur (face postérieure). -1. Deltoïde (partie postérieure) ;

2. Nerf radial; 5. Brachial antérieur; 4. Long supinateur : 5. Muscle premier

radial; - tL Muscle second radial ; - 7. Extenseur commun des doigts; - 8. Extenseur

propre de l'index : 9. Long abducteur du pouce; 10. Court extenseur du pouce;

IL Muscles iulerosseux dorsaux (I et II); -12. Triceps brachial (longue portion); z 15. Tri-

ceps brachial (vaste externe); - 14. Muscle cubital postérieur; 15. Court supinateur;-

16. Extenseur du petit doigt; z 17. Extenseur de l'index; 18. Long extenseur du pouce;

19. Adducteur du petit doigt; 20. Muscles interosseux dorsaux (III et IV).

1222

APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

. Tous les interrupteurs ne conviennent pas également pour cet examen.

Il importe que les fermetures et les ouvertures du courant soient faites

d'une manière franche et nette. La clef de Morse, ou les pédales agissant

d'une façon analogue, constituent à ce point de vue les meilleurs intcr-

rupteurs. Il convient aussi d'avoir à sa disposition un rcnverscur de cou-

rant qui permet de changer la direction du courant et de pratiquer

l'examen avec l'un et l'autre pôle sans que l'on ait à changer la disposi-

tion des fils conducteurs.

Le pôle négatif étant celui qui dans l'état normal produit le plus faci-

lement l'excitation, on commence habituellement l'examen avec ce pôle.

Fin. 25 (d'après Erb).

A. Points moteurs de la cuisse (face antérieure). 1. Nerf crural; - 2. Nerf obturateur;

5. Muscle, pectiné; 4. Grand adducteur; 5. Muscle crural; 0. Vaste interne;

7. Tenseur du fascia lala; 8. Couturier; 9. Triceps fémoral (point commun);

10. Droit antérieur; 11. Vaste externe.

B. Points moteurs du membre inférieur (face postérieure). -1. \erf sciatique;- 2. Biceps fé-

moral (longue portion); 5. Biceps fémoral (courte portion); 4. Nerf sciatique poplité

externe (nerf péronier); 5. Jumeau externe; 6. Soléaire : 7. Long fléchisseur du

gros orteil ; 8. Grand fessier ; 9. Grand adducteur ; 10. Demi-tendineux ; z 11. Demi-

membraneux; 12. Nerf sciatique poplité interne (nerf tibia)); 13. Jumeau interne; -

14. Soléaire; 15. Fléchisseur commun des orteils; 16. Nerf tibial postérieur.

C. Points moteurs de la jambe (face anti;ro-estcrne). 1. Jambier antérieur; 2 Extenseur

commun des'orteils ; - 3. Court péronier latéral; 4. Long extenseur du gros orteil;

5. Interosseux; 6. Nerf péronier (sciatique poplité externe); 7. Jumeau externe,

8. Long péronier latéral ; 9. Soléaire; 10. Long fléchisseur du gros orteil; - 11. l'é-

dieux ; - 12. Adducteur du petit orteil.

EXPLORATION DE L'EXCITABILITÉ GALVAMOUE. 1225

En produisant des fermetures avec des courants faibles que l'on augmente

ou que l'on diminue, suivant l'effet obtenu, on recherche avec. quelle

intensité l'excitation la plus faible se manifeste; c'est le seuil de l'excita-

tion à la fermeture avec le pôle négatif. Renversant alors le courant, on

recherche de la même façon le seuil de l'excitation à la fermeture avec le

pôle positif. En comparant les valeurs des intensités nécessaires pour

obtenir les seuils d excitation, on

se rend compte de l'action propre

de chaque pôle dans la produc-

tion des excitations de fermeture.

Au moment où l'on vient de

renverser le courant pour pro-

céder, à l'examen avec le pôle

positif, après avoir obtenu le

seuil de l'excitation avec le pôle

négatif, il peut arriver qu'on

obtienne aussi à la fermeture

avec le pôle positif des contrac-

tions des muscles sans que l'on

n'ait cependant rien changé à la

force électro-motrice prise à la

source du courant. Il ne faudrait

pas en conclure, avant d'avoir lu l'intensité du courant sur le milliampè-.

rcmètre, que l'action du pôle positif est égale ou supérieure à celle du

pôle négatif. En effet, par suite de la polarisation produite pendant t

l'examen avec le pôle négatif, l'intensité du courant est généralement

plus forte au moment des premières fermetures qui suivent le renver-

sement ('). C'est pourquoi, dans la comparaison de l'action réciproque,

des deux pôles (2), il convient de prendre comme terme les valeurs

des intensités.

Très souvent dans un examen électrodiagnostique on peut se contenter

de rechercher les seuils des excitations ' de fermeture à la cathode et à

l'anode. Si l'on veut faire un examen plus complet, on déterminera aussi

à quel moment, c'est-à-dire avec quelles intensités, apparaissent les

wl. Pour diminuer dans une' certaine mesure les inconvénients de la polarisation, il

importe de laisser le courant fermé le moins longtemps possible. C'est pourquoi dans les

examens de l'excitabilité galvanique pratiqués avec la clef de Morse ou les appareils

analogues, il vaut mieux donner à l'interrupteur la disposition dans laquelle le cou-

rant est ouvert dans la position de repos et fermé dans la position d'abaissement de la

clef.

2. D'après Dabois (de Berne) la .notation des volts serait plus importante que celle

des milliampères pour prendre notion des valeurs de l'excitation. Pour nous, nous

croyons préférable de tenir avant tout compte de l'intensité. Mais, quand les appareils

que l'on a a sa disposition le permettent, est facile de noter en môme temps la valeur

des milliampères et la valeur des volts; c'est la façon de faire que nous adoptons pour

les examens minutieux. '

[E HUET.]

Fic;. 24. - Interrupteurs. '

A, clef de Morse. - B, Pédale interruptrice

à deux directions.

1 . i

1924 . APPLICATIONS -DE L'ÉLECTRICITÉ.

manifestations des excitations d'ouverture avec L'anode et parfois aussi

avec la cathode. On pourra encore recherchera quel moment les contrac-

tions produites deviennent tétaniques.

Si l'on associe deux clefs de Morse.de la façon indiquée sur le schéma

ci-dessous (lig. 20) on

constitue un appareil

qui facilite beaucoup

l'examen de l'excita-

bilité galvanique en

agissant à la fois

comme interrupteur

et comme renver-

s'eur (1). Dans la si-

tuation de repos,

comme le montre la

figure, les deux clefs

et par suite les deux électrodes appliquées sur le corps sont en rapport

avec le même pôle de la batterie (le pôle négatif sur la figure), par

conséquent le courant ne passe pas. Si l'on abaisse l'une des clefs,

celle-ci vient prendre contact avec l'autre pôle (le pôle positif), l'élec

trode en rapport avec elle correspond alors à l'anode tandis que l'autre

électrode conserve ses connexions avec la cathode, le courant se trouve-

. ainsi fermé. Si on

laisse la. clef ré-

venir à sa situation

première, le cou-

rant est de nou-

veau ouvert. Sui-

vant qu'on abaisse

l'une ou l'autre

clef on met l'élec-

trode exploratrice

en rapport avec le

pôle positif ou avec

le pôle négatif,

tandis que l'autre

électrode se trouve

en rapport avec

le pote contraire.

Avec la double clef, non seulement l'exploration de l'excitabilité gal-

vanique se trouve facilitée, mais encore elle peut être faite d'une façon

1. Cette association de deux clefs de Morse se trouve réalisée sur une même plan-

chette dans la clef de Courtade. Au lieu de clefs de Morse on peut, comme je l'ai fait

faire, associer d'une façon analogue deux pédales; avec celles-ci, les connexions sont

plus simples il établir et les contacts sont mieux assurés.

I'ic. `1 ? - tcnvcrscar.

ric. 20. Association de deux clefs de Morse formant, un appareil

interrupteur-inverseur et permettant en E l'exploration alternative-

ment avec le pôle négatif et le pôle positif.

]-"XIILOiIATIOiN DE L'EXCITABILITÉ GALVANIQUE.'

1225

plus rigoureuse. Lorsqu'on l'empluie il y a avantage Ù abaisser alternati-

vement l'une et l'autre clef de façon à rendre l'électrode exploratrice

leur à tour cathode et anode. On évite ainsi dans -une grande mesure les

inconvénients de la polarisation, et on arrive facilement à pratiquer l'ex-

ploration en obtenant avec chaque pote une intensité semblable pour une

même force électro-motrice.

La double clef permet encore dans bien des cas de simplifier l'examen

et de le rendre plus rapide. Dans un grand nombre d'examens pratiqués .

eu vue de l'èleetro-diagnostie il importe surtout de comparer l'action de

la cathode avec l'action de l'anode. On comprend que le procédé d'explo-

ration, qui vient d'être indiqué par la double clef et qui consiste à

faire agir alternativement l'un et l'autre pote dans des conditions

assez rigoureusement semblables, facilite beaucoup cette comparaison

sans qu'il soit nécessaire de rechercher les seuils mêmes de l'excitation.

Assez souvent, ce-

pendant, à la compa-

raison de l'action de

l'un et l'autre pôle,

('est-a-direàl'examen

de l'excitabilité galya-

nique au point de vue

qualitatif, il y a lieu

d'ajouter l'examen de

l'excitabilité gai va-

nique au point de vue

quantitatif. Dans bien

des cas on pourra se

contenter -de déter-

miner le seuil le plus

nas de 1 excitation en notant avec quel pote u est omenu. Lorsque ou

veut un examen plus complet ou détermine, comme il a été dit plus

haut, les seuils de l'excitation avec l'un et l'autre pôle à la fermeture.

Si l'on veut un examen plus complet encore, on recherche les seuils

de l'excitation à l'ouverture. Enfin, on peut rechercher aussi, comme

nous l'avons dit précédemment il propos de l'exploration avec la clef

simple, il quel moment les contractions provoquées par l'excitation

deviennent tétaniques.

Il convient de remarquer qu'avec la clef double les contractions pro-

duites à l'ouverture du courant s'obtiennent plus facilement, et qu'elles

sont plus fortes qu'avec la clef simple. Le courant provenant de la pola-

risation des électrodes et du corps se trouve fermé dans la double clef

sur un circuit de faible résistance, autrement dit, se trouve mis en court

circuit selon l'expression adoptée. 11 importe d'en tenir compte dans

l'appréciation des résultats de l'examen (') ,

1 . Avec la double clef de Mergier, basée sur un dispositif différent de celui réalisé

[E. HUET.]

FIG. 27. -Clef de Courtade et clef de fluet.

.... 1 - Il

1226

APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

Au lieu d'employer la double clef, on pourrait pratiquer l'exploration

de l'excitabilité galvanique, de la façon qui vient d'être dite, avec d'autres

genres de renverseurs à la condition de choisir un renverseur qui permette

de faire des fermetures et des ouvertures du courant franches], et

nettes.. .

On peut encore employer, pour pratiquer l'exploration de l'excitabilité

galvanique, le métronome, surtout celui disposé pour faire non seulement

des interruptions simples, mais aussi des interruptions avec inversion du

courant.

dans l'association. de deux clefs de Morse, le courant de polarisation ne se trouve pas

mis en' court circuit, et les secousses d'ouverture sont obtenues avec les mêmes valeurs

que dans l'exploration avec les interrupteurs simples. Il en est de même dans l'explora-

tion pratiquée avec le métronome inverseur.

Voir à ce sujet : Manuel de diagnostic médical de DEDOVE et Aciurd, t. II, p. 45,

et Société française d'eleclrolhél'apie, novembre 1895, ou Archives d'électricité médi-

cale, décembre 1895. '

ro.. 28. - Métronome inverseur

COURANTS GALVANIQUES INTERROMPUS EN THÉRAPEUTIQUE. 1227

Applications A la thérapeutique des actions de l'état 'A11(ABf.I :

DU COUTANT galvanique

Pour appliquer au traitement des maladies nerveuses les actions de

l'état variable du courant galvanique, on se servira des appareils dont il

vient d'être question, interrupteurs simples, interrupteurs et renverseurs,

t métronome.

.. Au point de vue thérapeutique le courant galvanique peut être appli-

que en l'interrompant simplement à intervalles plus ou moins rapprochés

sans changer sa direction. C'est ce que nous appellerons galvanisation

interrompue ou galvanisation avec interruptions simples. Ici, le choix

de l'interrupteur a moins d'importance que lorsqu'il s'agit de l'examen

de l'excitabilité. Nous donnons cependant encore la préférence à la clef

de Morse, à la pédale, ou à la clef double en ne faisant agir que l'une des

clefs (').

Dans certains cas, on laisse passer le courant un temps assez long dans

l'intervalle des interruptions. Il convient alors de donner à l'interrupteur

la disposition qui laisse passer librement le courant dans sa situation de

,. repos et qui l'interrompt quand on le fait manoeuvrer.

t Dans d'autres cas, on répète fréquemment les interruptions du cou-

rant en ne laissant le circuit fermé qu'un temps assez court. Il est préfé-

rable alors de choisir la disposition qui ferme le courant en agissant sur

l'interrupteur et le laisse ouvert en situation de repos. Dans ces condi-

tions, il y a souvent avantage à employer le métronome interrupteur.

Au lieu d'interrompre simplement le courant de l'une ou l'autre des

façons qui viennent d'être dites, on l'interrompt, parfois, en changeant sa

direction à chaque interruption. C'est ce qu'on a appelédectrisation avec

alternatives vol tiennes : nous l'appellerons habituellement, pour simpli-

fier le langage, galvanisation alternative. En pareil cas, on agit avec un

renverseur de courant. La clef double est particulièrement appropriée

pour ce genre d'éleetrisalion ; elle permet, en abaissant alternativement

1 une et l'autre clef, de faire les excitations avec alternatives volliennes

dans de très bonnes conditions. Le métronome inverseur convient très

bien aussi à ce genre d'excitations. -

COtlltA\1' GALVANIQUE LABILE

On appelle galvanisation labile un mode d'éleelrisation dans lequel

on fait glisser l'électrode active sur les téguments au lieu de la laisser

I. On pourrait encore se servir pour les applications thérapeutiques d'un manche

interrupteur. Nous n'en avons pas parlé il propos de l'exploration de l'excitabilité, parce

que ce manche, se trouvant attaché ;1 l'électrode, ne peut pas être toujours maintenu

suffisamment immobile, pendant les manoeuvres d'interruption et qu'il rend l'examen

moins précis, soit qu'il se déplace légèrement, soit qu'il communique des mouvements

à la peau et aux tissus sous-jacents.

. [E. HUET

122S 8 . APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

en place comme dans les modes d'électrisation précédents. Dans ce

genre d'électrisation, on applique habituellement une large électrode,

qui est maintenue en place, sur un point assez éloigné, très souvent sur

la ligne médiane du corps et notamment sur la colonne vertébrale à une

hauteur qui correspond à l'origine des nerfs de la région à électriser.

L'autre électrode constituée, soit par une des électrodes ordinaires dont

il a été déjà parlé, soit de préférence par un rouleau mobile autour d'un

axe, affectant la forme d'un cylindre, d'une sphère, d'une ellipsoïde ou

d'un disque, est promenée de haut en bas et de bas en haut sur la peau

suivant la direction des nerfs et des muscles. Si, en même temps, on suit

des yeux l'aiguille du galvanomètre, on la voit, alors même que l'électrode

mobile ne quitte pas la peau, indiquer des fluctuations plus ou moins

grandes d'intensité provenant des variations de résistance des régions de

la peau rencontrées par l'électrode. On voit aussi, lorsque l'intensité est

suffisamment élevée, des excitations se manifester du côté des nerfs et des

muscles et se traduire par des contractions musculaires plus ou moins

soutenues. En somme, dans ce genre d'électrisation on associe aux effets

d'un courant galvanique qui passe d'une façon continue, mais dont

l'intensité subit des variations continuelles, des effets se rapprochant

des excitations de l'état variable du courant et dus aux fluctuations de

l'intensité.

COURANTS FARADIQUES >

\

Les courants faradiques ont été appelés aussi courants interrompus,

courants intermittents, courants induits. La première dénomination doit

être préférée; elle évite toute confusion avec d'autres courants appliqués

d'une façon interrompue, tels par exemple les courants galvaniques

interrompus. .

Les appareils fournissant ces courants sont de deux ordres : les appa-

reils magnéto-faradiques et les appareils volta-faradiques. Les ondes

électriques produites par ces appareils diffèrent notablement comme

qualités physiques; il en résulte que leurs effets physiologiques ne sont

pas absolument semblables. Dans la pratique courante, pour l'électro-dia-

gnostic surtout, on n'emploie guère que les appareils volta-faradiques;

de ceux-là seuls nous nous occuperons en les appelant simplement

appareils faradiques. Il en existe un certain nombre de variétés ayant

pour commune origine la bobine de Huhlllkorfl'. On peut les considérer

comme des transformateurs donnant, au lieu d'un courant de bas voltage

circulant dans un circuit primaire, un courant de voltage beaucoup plus

élevé produit dans un circuit secondaire.

Parmi ces variétés d'appareils faradiques nous donnerons la préférence

à ceux dont la bobine induite est mohile sur la bobine inductrice. Cette

disposition permet de graduer l'énergie du courant en engainant plus ou

moins les deux bobines l'une dans l'autre; elle permet aussi de se servir

COURANTS FARADIQUES. 1 : W

de bobines induites formées par des fils plus ou moins gros. Générale-

ment, avec un chariot faradique sont fournies deux bobines induites.

L'une est constituée par un fil fin, de très grande longueur, dont l'en-

roulement comporte un très grand nombre de tours. Cette bobine fournit

un courant induit de voltage élevé, un courant de tension, comme on

dit parfois, mais dont l'intensité est relativement faible en raison de la

forte résistance due à la grande longueur et à la faible section du fil.

L'autre bobine est constituée par un gros lil, relativement peu long et

dont l'enroulement forme beaucoup moins de tours que dans la bobine

précédente; elle donne un courant induit de voltage beaucoup plus

faible, mais, par suite de la faible résistance de son fil, le courant qu'elle

peut débiter atteint une intensité relativement assez grande, lorsqu'il est

fermé sur un circuit extérieur assez peu résistant : on le dit courant de

quantité par opposition avec le courant de tension de la bobine à fil fin

Parfois, avec le chariot faradique, le constructeur fournit une troisième

bobine dite à lil moyen; elle constitue un intermédiaire entre les deux

autres, mais elle se rapproche beaucoup plus par les qualités et les pro-

priétés de son courant de la bobine à gros fil que de la bobine à fil fin.

Le courant inducteur de bas voltage est généralement fourni par des

accumulateurs au nombre de un ou deux, ou par des piles, piles Leclan-

ché, piles au bichromate, piles au bisulfate de mercure, etc., au nombre

de une à trois suivant les appareils. Il convient que ces piles soient

d'assez grandes dimensions et puissent débiter un courant suffisamment

constant. Pour les appareils portatifs il y a avantage il .se servir de piles

sèches.

Le courant inducteur circulant dans le primaire ne détermine des

effets d'induction dans le circuit secondaire que lorsqu'il se trouve

soumis à des variations de flux. Celles-ci sont produites par rétablisse-

ment et la disparition du courant primaire et sont renforcées dans la

plupart de ces appareils, faradiques par l'aimantation et la désaimanta-

lion d'un noyau de fer doux compris dans l'axe de la bobine inductrice.

La fermeture et la rupture du courant inducteur peuvent être faites avec

un interrupteur manoeuvré à la main placé sur l'appareil. Le plus habi-

tuellement elles sont produites par un dispositif qui établit et interrompt

automatiquement le courant. L'interrupteur le plus simple est constitué

par un ressort métallique qui en vibrant vient fermer et rompre le cou-

rant ; son mouvement est entretenu par l'aimantation et la désaimantation

du faisceau de doux de la bobine inductrice : interrupteur de Necf et

interrupteur de Rul]ml : orli. Cet interrupteur fonctionne bien, mais il ne

donne que des courants faradiques à intermittences rapides. Lorsque le

ressort est bien tendu, la fréquence des interruptions peut atteindre aU

par seconde; lorsqu'il est moins tendu, les interruptions sont moins

nombreuses, mais elles restent toujours assez fréquentes. Dans les appli-

cations des courants faradiques au traitement ou il l'électro-diagnostic, il

y a souvent avantage à employer des courants à intermittences plus

[E. HUET.

1250

APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

rares, réduites parfois au nombre de 1 il 5 par seconde. D'autres genres

d'interrupteurs donnent cette fréquence. Le meilleur appareil pour une

. installation fixe est, à notre avis,, le grand chariot de Gaine-Tripier. Un

pendule, dont le mouvement est entretenu par le courant primaire,

permet d'avoir des interruptions rares, ne dépassant pas une à deux par

seconde; en inclinant de plus en plus le pendule, on augmente le nombrc

des interruptions et on peut les rendre assez fréquentes, fréquentes ou

très fréquentes;' de plus, cet appareil est généralement muni aussi de

l'interrupteur vibrant. Dans un autre appareil de Caille, les interruptions

sont produites par une palette de fer doux qui oscille verticalement au

devant de ! 'é ! ectro-aimant de la bobine inductrice et peut donner ainsi

depuis des intermittences rares jusqu'à des intermittences fréquentes.

Ce dernier modèle de chariot a été mis sous unc forme réduite dans une

boîte avec deux piles sèches et constitue ainsi un hon appareil portatif.

Qualités physiques et propriétés physiologiques de l'onde faradique

Au moment de la fermeture du courant dans le circuit primaire, il se

produit dans le circuit secondaire une onde induite, qui, conformément

aux lois de Lcnz et de Max Well, a une direction inverse de celle du cou-

rant qui lui donne naissance. Pendant l'état permanent du courant pri-

maire, il n'existe aucun courant dans le circuit secondaire. Au moment

de l'ouverture du courant, primaire, il se produit dans le circuit secon-

daire une nouvelle onde induite qui a la même direction que le courant

primaire. Ces effets d'induction sont représentés schéinaliqiieincnl sur la

ligure 51.

¡'IG. 2(}. - Chariot de Gaine-Tripier.

COURANTS FARADIQUES.

1251

Les deux ondes induites, l'une à la fermeture, l'autre à l'ouverture du

courant primaire, sont égales en quantité, mais elles diffèrent l'une de

l'autre en ce sens que l'onde induite à la fermeture a une durée plus

longue et une tension moindre que l'onde induite à l'ouverture. De ces

qualités^ physiques différentes des deux ondes découlent des propriétés

physiologiques différentes, qu'il est facile de constater, en établissant

les fermetures et les ouvertures du courant inducteur avec l'interrupteur

manoeuvré à la main. L'on voit ainsi que l'onde induite d'ouverture

provoque facilement la contraction des muscles ou l'excitation des nerfs,

tandis que l'onde. induite de fermeture, avec une même énergie des cou-

rants, reste inefficace; il faut augmenter beaucoup l'énergie du courant

pour voir cette excitation apparaître avec cette dernière onde. Ces pro-

priétés physiologi-

ques différentes des

deux ondes induites

permettent de donner

une polarité aux bor-

nes de la bobine se-

condaire, bien que

les courants induits

y soient alternatifs et

que, par conséquent,

la polarité des bornes

change à la fermeture

et à l'ouverture du

courant primaire. On

ne tient pas compte

des courants induits

de fermeture dont

Faction excitante est

nulle ou très faible, et on ne considère aux bornes de la bobine

secondaire que la polarité qui correspond aux courants induits d'ou-

verture. --

Le courant faradique excite les nerfs et les muscles en raison de l'état-

variable de ses ondes. Si l'on excite un muscle avec des chocs faradiques

isolés, .en faisant agir sur ce muscle des ondes induites d'ouverture assez

rares et d'énergie convenable, on peut remarquer, en inscrivant la

courbe de la contraction, musculaire, que la contraction ne commence pas

au moment même où l'onde induite est produite; il s'écoule entre ce

moment et le début de la contraction un certain temps variant, suivant

la nature des muscles, de quelques millièmes à un centième de seconde;

c'est la période d'excitation latente; puis, la contraction commence, la

courbe s'élève progressivement pour atteindre un maximum en trois à

quatre centièmes de seconde, c'est la période d'énergie croissante;

alors commence la décontraction, la courbe descend progressivement pour

[E. HUET.]

. Fis. 30. Chariot faradique transportable.

z) 3 1)

APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

atteindre la ligne de repos, c'est la période d'énergie décroissante, qui i

dure de trois à cinq centièmes de seconde. Si l'on produit une nouvelle

excitation du muscle après qu'il a terminé sa décontraction et qu'il est

revenu à l'état de repos, les mêmes phénomènes se reproduisent : période

d'excitation latente, période d'énergie croissante et période d'énergie

décroissante, et ainsi de même tant qu'on renouvelle les excitations dans

les mêmes conditions. On provoque ainsi des contractions isolées et

successives des muscles. Les mêmes résultats sont obtenus lorsqu'au lieu

d'exciter directement les muscles on excite dans les mêmes conditions

le nerf qui les anime. ' .

Lorsqu'on augmente la fréquence des interruptions produisant le

courant induit, des résultats un peu différents sont obtenus et ils varient

suivant les conditions dans lesquelles s'effectue l'excitation du muscle on

du nerf. Si la fréquence des ondes induites est un peu augmentée, de

façon qu'une nouvelle excitation se trouve produite lorsque le muscle est

dans la période d'énergie décroissante, celui-ci, après le temps perdu

correspondant à la période d'excitation latente, entre de nouveau en

contraction avant d'être revenu à l'état de repos; il recommence une

période d'énergie croissante, en atteint le maximum, puis recommence

sa décontraction. Mais une nouvelle excitation lui arrivant avant que la

décontraction ne soit terminée, il entre de nouveau en contraction et ainsi

de même tant que les excitations sont renouvelées. On voit que, dans ces

conditions, les secousses musculaires se rapprochent, elles tendent à se

fusionner d'autant plus que les excitations sont elles-mêmes plus 1 ? 11'-

FIG, 3J, , ,

FiG. 5'2.

FiG. ol. Onde faradique. Représentation schématique des ondes du courant inducteur ou

courant primaire, P, et du courant induit ou courant secondaire, S. F A période d'étal

variable de fermeture du courant primaire, à laquelle correspond l'onde induite de ferme-

ture F' A' de sens inverse : A 0 période d'état permanent du courant primaire pendant

laquelle il n'y a pas d'induction dans le. secondaire; 0 B période d'état variable d'ouver-

ture du courant primaire a laquelle correspond l'onde induite d'ouverture 0' B' de rnèmr

sens que. le courant inducteur.-

rcc. 32. Contraction musculaire. 31 Courbe du myographe ; S Temps en 'l/l00e de se-

conde ; E Signal de Dépretz; A B Période d'excitation latente ou temps perdu : -

B C Période d'énergie croissante; CD Pério ie d'énergie décroissante.

EXPLORATION ET TRAITEMENT FARADIQUE.

125

prociiees ; dans l'intervalle de ces excitations successivement répétées, le

muscle n'atteint pas l'état de repos, il reste en état de tétanos incomplet.

Si la fréquence des ondes induites est plus grande, et telle qu'une

nouvelle excitation

atteigne le muscle e

dans sa période

d'énergie croissante

ou vers la fin de cette

période, le muscle ne

peut commencer sa

décontraction, ses se-

cousses se fusionnent

complètement et il est

en état de tétanos

complet.

Au point de vue

de la pratique, il im-

porte de tenir compte

des effets différents

des courants faradi-

ques suivant leurs

fréquences, et l'on

peut t distinguer les

courants avec inter-

ruptions rares ou es-

pacées produisant des

secousses isolées des

muscles, les courants

avec interruptions

semi-fréquentes, pro-

duisant le tétanos in-

complet des muscles,

ce tétanos étant d'autant plus développé que les interruptions sont plus

nombreuses, et les courants avec interruptions fréquentes produisant

iatetanisation complète.

Applications des courants faradiques A LGLECTRO-DL1G\OSTIC

et au traitement f

Pour exciter les nerfs moteurs et les muscles striés avec les courants

faradiques, on prendra le courant fourni par unc bobine induite à gros fil

ou il fil moyen. Les électrodes seront les mêmes que celles dont il a été

parlé à propos des courants galvaniques. Elles seront bien mouillées, le plus

habituellement avec de l'eau ordinaire, par exception avec de l'eau salée

P3LTIQUE NEUROL. 7 ? ^

[E. li UET. J

Fie. 35. - Secousses musculaires. M Myographe ; 'E Excita-

tions électriques : S Temps en secondes; I. Secousses

musculaires espacées; II. Secousses musculaires plus rap-

prochées, tétanos incomplet; III. Fusionnement des se-

cousses, tétanos complet.

1254 . APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ. ?

si l'appareil qu'on emploie est trop faible et ne fournit pas un courant

d'une énergie suffisante.

Pour graduer les courants faradiques, divers procédés sont à notre

disposition. Avec les appareils à chariot, dans lesquels l'une des bobines

est mobile, on règle l'énergie du courant en rapprochant plus ou moins

la bobine induite de la bobine inductrice; l'énergie est au maximum

quand la première recouvre complètement la seconde. On ne possède

pas, comme pour les courants galvaniques, des moyens de mesures per-

mettant d'estimer, en unités de mesures électriques, la valeur des cou-

rants faradiques. Les instruments, du nom de faradimètres, avec lesquels

on a cherché à le faire, sont d'un maniement délicat qui les rend peu utili-

sables dans la pratique. Ils ne font connaître d'ailleurs que l'intensité

moyenne du courant, et la valeur d'excitation de celui-ci dépend encore

d'autres facteurs, par exemple de la fréquence des ondes faradiques, de

leur forme qui varie suivant la self-induction et suivant le coefficient

d'induction mutuelle des bobines, etc. C'est pourquoi on se contente

généralement d'estimer la valeur d'excitation du courant faradique on

mesurant en centimètres ou en millimètres l'écartement des deux bobines.

Ainsi l'on procède le plus souvent aux recherches d'électro-diagnostic en

notant l'écartement des bobines avec lequel apparaît le seuil de l'excita-

tion des nerfs ou des muscles (').

Lorsqu'on emploie des appareils faradiques dans lesquels les deux x

bobines sont fixes, l'une recouvrant complètement l'autre, on augmente

ou diminue l'énergie des courants à l'aide d'un cylindre métallique creux

placé dans l'intérieur de la bobine primaire et recouvrant le faisceau de

fer doux. Dans ce cylindre se développent des courants de Foucault. On

augmente l'énergie des courants en retirant plus ou moins ce cylindre;

les courants sont d'autant plus forts que le noyau de fer doux est plus

découvert. On diminue, au contraire, l'énergie des courants en enfonçai !

plus ou moins le cylindre métallique. Ce mode de graduation est impar-

fait et peu pratique, surtout pour l'électro-diagnostic. On peut le rem-

placer par un autre dans lequel on emploie le rhéostat en tension de la

façon que nous avons vue déjà pour les courants galvaniques. Pour

apprécier le degré d'excitabilité d'un nerf ou d'un muscle, on note la

résistance qu'il est nécessaire d'opposer au courant pour obtenir le seuil

1. Ce mode d'évaluation de l'excitaliililé faradique ne permet pas de comparer direc-

tement les uns aux autres les résultats obtenus avec des appareils différents. Cependant

lorsque l'examen porte la fois sur des nerfs et muscles normaux et sur des nerfs et

muscles dont l'excitabilité est altérée, on pourra juger par comparaison du degré de ces

altérations, 11 la condition de tenir compte du degré d'excitabilité propre que les divers

nerfs et muscles présentent dans l'état normal pour les courants faradiques comme

pour les courants galvaniques.

Quant aux résultats obtenus avec un même appareil, ils peuvent être facilement

comparés lorsqu'on a soin de se placer dans des conditions suffisamment rigoureuses :

choix d'une bobine induite convenablement appropriée, valeur bien déterminée et

constante du courant inducteur, même fréquence des interruptions, etc.

EXPLORATION ET TRAITEMENT FARADIQUE. 1255

de l'excitation. Le procédé du rhéostat en tension est quelquefois

employé avec des chariots à bobines mobiles; on laisse alors les deux

bobines fixes, l'une engainant complètement l'autre; mais généralement

on préfère le procédé précédemment exposé dans lequel on règle le

courant en écartant plus ou moins les bobines.

Dans l'application des courants faradiques, pour exciter les nerfs

moteurs ou les muscles en vue du traitement ou en vue de l'électro-

diagnostic, on emploie habituellement la méthode polaire dont il a été

parlé déjà il propos des courants galvaniques. Avec des courants fara-

diques il intermittences rares, donnant lieu à des chocs faradiques

espacés, on peut laisser passer le courant librement; il ne se produit que

des contractions isolées des muscles, séparées par des intervalles de repos

plus ou moins longs. Avec des courants à intermittences fréquentes, ou

même seulement à intermittences assez fréquentes, produisant une téta-

nisation plus ou moins complète des muscles, il y aurait inconvénient a

les laisser agir d'une façon trop prolongée; en provoquant des contrac-

tions tétaniques trop longtemps soutenues, on risquerait de surmener et

d'épuiser les muscles et de produire des effets nuisibles. On évite ces

inconvénients en rythmant les excitations au moyen d'un interrupteur

(clef de Morse, pédale, manche interrupteur ou métronome) placé sur le

trajet d'un des conducteurs partant de la bobine secondaire. A l'aide de

cet interrupteur, on ne laisse le courant exciter les nerfs ou les muscles

qu'un temps assez court, une, deux ou (rois secondes par exemple : puis

on suspend le passage du courant de façon à laisser les muscles à l'état

de repos un temps sensiblement égal ou même plus prolongé; et l'on

continue, en renouvelant et suspendant de la même façon les excitations

un nombre de fois plus ou moins grand, suivant les indications que l'on

se propose de remplir.

On se sert parfois aussi d'onduleurs de courants pour rythmer les

excitations faradiques tétanisantes dans les applications thérapeutiques.

Ces appareils ont l'avantage de provoquer chaque série d'excitations avec

des courants dont l'énergie va graduellement en croissant, atteint un

maximum plus ou moins élevé et décroit ensuite graduellement. Les

contractions ainsi produites se rapprochent davantage des contractions

physiologiques que les contractions produites en rythmant simplement

les courants avec les interrupteurs ordinaires. Cependant ces appareils

assez compliqués ne sont pas indispensables, et dans la pratique courante

on peut faire de bonne thérapeutique faradique en rythmant les excita-

tions avec des interrupteurs simples.

Pour les courants faradiques l'orientation des potes a beaucoup moins

d'importance que pour les courants galvaniques. Néanmoins le pôle consi-

déré comme pôle négatif se montre généralement un peu plus excitant

que l'autre pote. Il y a des cas, cependant, où le pôle positif est préfé-

soit qu'il excite davantage le nerf ou le muscle soumis il son

action, soit qu'il permette de mieux localiser l'excitation en produisant.

[E. HUET ]

1256 . APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

moins d'excitations de voisinage. Aussi, au point de vue pratique, peut-il

être utile d'employer la double clef pour rechercher le pote donnant la

meilleure excitation et pour l'utiliser ensuite dans l'application du

traitement.

La méthode labile, dont il a été parlé déjà à propos de la galvanisation,

peut être employée aussi pour la faradisation. Au lieu de laisser en place

au niveau du point d'élection l'électrode excitatrice, on la promène le

long du nerf ou du muscle en la faisant glisser ou en la faisant rouler si

l'on se sert d'un rouleau. Avec les courants faradiques à intermittences

espacées, on voit que l'excitation est plus ou moins efficace suivant les

points où se trouve l'électrode; elle est la plus développée lorsque l'élec-

trode passe sur les points d'élection. Il en est de même avec les courants

à intermittences semi-fréquentes et à intermittences fréquentes. On peut

employer l'électrisation labile pour rythmer les excitations sans recourir

à un interrupteur. Après avoir fait rouler l'électrode tout le long du nerf

ou du muscle, on la soulève et on la tient éloignée le temps que l'on veut

suspendre l'excitation; on la replace alors sur la peau pour la faire rouler

de nouveau plus ou moins rapidement, la soulever ensuite, la replacer et

ainsi de même tant que l'on veut continuer l'éleetrisation. ,

Au lieu de la méthode polaire, il y a parfois avantage pour la faradisa-

tion des nerfs moteurs, aussi bien au point de vue de l'lleetro-ùiagi1¡)stic

qu'au point de vue du traitement, à employer la méthode bipolaire. Les

deux pôles de la bobine induite sont reliés à deux électrodes semblables,

de forme et de dimensions appropriées ; électrodes en forme de tampons

ou en forme d'olives. Ces deux électrodes, mouillées avec de l'eau ordi-

naire ou avec de l'eau salée, sont placées assez près l'une de l'autre sur

le nerf ou le muscle au niveau des points d'élection, et l'on fait passer le

courant en le graduant convenablement de la même façon que dans la

méthode polaire. Si l'on provoque des contractions isolées des muscles,

on peut tenir les électrodes en place en laissant passer le courant libre-

ment. Si l'on provoque des contractions avec tétanos plus ou moins

complet, il faut, comme dans la méthode polaire, rythmer les excitations

avec le métronome ou avec un interrupteur tel qu'une clef simple ou

une clef double. Cette dernière a l'avantage de permettre de chercher

facilement et rapidement l'orientation du courant donnant la meilleure

excitation.

La méthode de faradisation bipolaire a été très employée par Dl1chcl1llc

de Boulogne. Au point de vue du traitement, elle est dans certains cas

préférable à la méthode polaire; au point de vue de l'èleelt'o-diaglloslic

elle peut être aussi très ulile pour compléter un examen pratiqué avec

la méthode polaire. Elle permet de localiser davantage l'excitation et elle

doit être employée surtout lorsque l'excitabilité des nerfs ou des muscles

est fortement diminuée. Dans ces conditions, il faut mettre en jeu des

courants forts qui souvent excitent dans le voisinage ou à distance des

nerfs et des muscles restés sains ou peu altérés ; les contractions Illllsl'l1-

EXPLORATION ET TRAITEMENT FARADIQUE.

1257

laires ainsi produites prédominent sur les contractions des muscles que

l'on cherche à obtenir; elles masquent celles-ci et dans les recherches

électro-diagnostiques ne permettent pas de les reconnaître convenable-

ment ; dans les applications thérapeutiques, ces excitations il distance ont

l'inconvénient de faire contracter des muscles qu'il y aurait avantage il

ne pas exciter. Localisant davantage l'excitation, la méthode bipolaire

permet d'éviter ou de diminuer ces excitations il distance.

Les courants faradiques peuvent être utilisés aussi pour exciter les

nerfs de la sensibilité générale. Dans ce but on emploie souvent la

méthode polaire; l'électrode indifférente est une électrode humide :

fait Ire est une électrode métallique que l'on applique directement sur la

peau. Il convient pour ces applications que la peau soit bien sèche; au

besoin on peut l'assécher avec de la poudre de talc, d'amidon ou cle Ivco-

pode. Dans ces conditions, la résistance au passage du courant est très

grande et il faut prendre le courant de la bobine à lil fin. L'électrode

excitatrice peut être un pinceau de fils métalliques ou un rouleau de

métal. On la promène plus ou moins rapidement sur la peau en prenant

un courant a intermittences fréquentes et d'énergie suffisante. Elle pro-

duit des sensations de picotement mélangées de sensations de brûlure

assez désagréables dès que le courant est un lieu fort, et les sensations

deviennent rapidement douloureuses lorsqu'on augmente la force du

courant. Au moment où commencent les premières excitations, on

observe souvent de la vaso-constrielion, la peau est anémiée et blanche;

cet effet est très fugitif et fait rapidement place à de la vaso-difatation, la

peau rougit et reste rouge tissez longtemps. Lorsque les courants sont

suffisamment faibles et que la peau est bien sèche, les excitations sensi-

tives peuvent être seules en jeu. Avec des courants un peu plus forts, il

s'y ajoute des excitations des nerfs moteurs et des muscles, surtout

lorsque l'électrode excitatrice se trouve à la hauteur des points électro-

moteurs ; avec des courants encore plus forts, l'excitation se diffuse z

[E HUET ]

Fic.. : 'iL - Méthode hipoiairc localisée, - Excitation de la partie externe du triceps hrachial

- avec 2 tampons de 10 enie; - Il. Excitation du biceps brachial avec deux grosses .olives ;

jttjjjjjc- III. Excitation de l'opposant du pouce avec deux petites olives.

p .

1238 APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ.

davantage aux nerfs moteurs et aux muscles et plus particulièrement à

ceux qui se trouvent dans le trajet interpolairc.

L'excitation des nerfs sensitifs, pratiquée comme il vient d'être dit, est

surtout faite en vue du traitement. Pratiquée en vue del'électro-diagnostic,

elle peut être faite aussi avec la méthode polaire. Dans ce cas, l'électrode

active est constituée par un ou plusieurs fils métalliques nus sur une

certaine hauteur ou bien engainés dans une substance isolante et nus

seulement à leur extrémité, comme dans l'électrode d'Erb.Pour l'électro-

diagnostic il y a souvent lieu d'employer des courants assez forts afin

de rechercher si l'anesthésie est complète ou pour déterminer le degré

d'hypoesthésie qui existe. Ces courants forts peuvent agir sur les nerfs

moteurs et sur les muscles, soit au niveau de l'électrode, soit à distance

dans l'espace interpolaire et les sensations accompagnant l'excitation des

muscles peuvent gêner pour estimer l'état de la sensibilité cutanée.

Aussi est-il préférable d'employer la méthode bipolaire. L'électrode dont

on se sert habituellement est constituée par deux fils métalliques nus sur

une petite hauteur et fixés dans un manche qui les isole l'un de l'autre ;

ces fils sont reliés à deux bornes auxquelles on attache les conducteurs

venant de la bobine à fil fin.

On peut encore employer dans le même but le râteau de Tripier construit

sur le même principe, mais dans lequel chaque pôle de la bobine fara-

dique se trouve en rapport avec plusieurs fils. Le râteau de Tripier sert

aussi au traitement; on le promène sur la peau sans qu'il y ait à employer

une électrode mouillée, puisque les deux pôles de la bobine aboutissent

a ce râteau. ».

ce COURANTS GALVANO-FARADIQUES \ k

On a associé, au point de vue du traitement, les deux courants et on a

appelé cette association des courants l'un à l'autre courants galvano-fara-

diques, courants combinés, ou encore courants de De AVatteville du nom

de l'auteur qui a le premier employé cette combinaison.

On associe les deux courants en série, et, pour cela, on relie la bobine

faradique et la batterie galvanique par deux potes de nom contraire. Les

pôles restant libres, l'un à la bobine, l'autre à la batterie, sont reliés aux

électrodes appliquées sur le corps. Cette association des deux courants

peut être faite simplement de la façon qui vient d'être indiquée; mais

pour la rendre plus facile dans les applications thérapeutiques, il y a

avantage à se servir du combinateur de De Walteville qui permet par le

jeu d'une manette de prendre le courant faradique seul, ou le courant

galvanique, ou la réunion des deux courants.

Dans les applications du courant galvano-faradique, il faut distinguer

deux genres un peu différents, suivant que le courant faradique est à

intermittences espacées ou à intermittences fréquentes. Dans le premier

cas, lorsque le courant faradique est à intermittences espacées, on règle

COURANTS GALVANO-FARADIQUES.

1259

d'abord le courant galvanique de façon à lui donner l'intensité que l'on

se propose de faire agir dans son passage à l'état continu; on règle

ensuite le courant faradique de façon que les chocs faradiques en exci-

tant le nerf ou le muscle produisent des contractions musculaires avec

une énergie modérée. On laisse alors passer librement les deux courants.

A l'action du courant galvanique dans son état continu, effets ioniques et

électrotoniques, se trouve ajoutée l'action des chocs faradiques espacés;

cette dernière est plus forte due si le courant faradique était employé

seul non seulement en raison de la forme de l'onde galvano-faradique

représentée schématiquement sur la figure 55, mais encore en raison des

effets électrotoniques dus au courant galvanique et en raison de la dimi-

nution de la résistance de la peau, produite par le passage de ce même

«courant.

1 Lorsque le courant faradique est à intermittences fréquentes, on ne

doit plus laisser passer lihrement pendant un temps prolongé le courant

gaivano-faradique ; il convient de le rythmer de la façon déjà dite pour le

courant faradique seul. Au moyen d'un interrupteur on fait passer le

courant un temps déterminé, de une à quelques secondes; on interrompt

ensuite son passage pendant un temps égal ou plus long, et on renou-

velle les mêmes manoeuvres un nombre de fois plus ou moins répété,

suivant le temps que l'on veut faire agir ce courant galvano-faradique

rythmé. A chaque passage du courant on détermine ainsi avec le courant

galvanique une excitation de fermeture suivie de l'action du courant

dans son étal continu puis une excitation d'ouverture; aux effets pro-

duits par le courant galvanique s'ajoutent les excitations du courant

faradique produisant, lorsque l'énergie est suffisante, des contractions

musculaires avec tétanisation plus ou moins complète suivant la fré-

quence des intermittences. Comme dans le cas précédent, les excitations

faradiques se montrent plus fortes que les excitations produites par le

courant faradique seul, résultat explicable par les mêmes raisons. Pour

E HUET.]

Flj. 50.

FIG. 35.

Pc. 55 et 3(\' Onde galvano-faradique. G Courant galvanique e; F Courant fara-

i ifique e'; I. Courant galvanique et courant faradique en tension e - e'; II. Courant

t galvanique et courant faradique en opposition c r'. .

1240 . ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

régler convenablement le courant galvano-faradique dans ce dernier

genre d'application, on procède de la même façon que dans le premier.

Au lieu d'être faite en série, l'association des deux courants pourrait,

être faite en opposition c'est-à-dire en reliant la bobine faradique et la

batterie galvanique par les pôles de même nom. Il vaut mieux ne pas

employer ce mode d'association des deux courants. Si l'on considère la

forme de l'onde faradique en pareil cas (fig. 56), on voit que la tension

de l'onde faradique d'ouverture se trouve diminuée par son opposition

avec le courant galvanique, et que par conséquent son action excitante

doit se trouver diminuée. En pratique cependant, cette diminution est

moins prononcée qu'on pourrait le penser au premier abord, sans doute

en raison de la diminution de la résistance de la peau produite par le

passage du courant galvanique, vraisemblablement aussi par suite des

effets électrotoniques de ce même courant.

Pratiquement le courant galvano-faradique est employé dans certaines

conditions pour exciter les nerfs moteurs et les muscles striés. Il pré-

sente surtout des avantages pour exciter les muscles à fibres lisses. On

sait que ces muscles se montrent peu excitables par les courants sa ra-

diques ; lorsque ceux-ci sont employés seuls, les muscles lisses ne sont

guère excités que par des courants de bobine à fil fin ; avec le courant

galvano-faradique ils deviennent aussi assez facilement excitables nar des

courants de bobine à gros fil,

DE L'EXCITABILITÉ FARADIQUE ET GALVANIQUE

DANS LES ÉTATS PATHOLOGIQUES

.

Dans les affections du système nerveux et dans les affections de l'appa-

reil moteur, l'excitabilité faradique et l'excitabilité galvanique des nerfs et

des muscles se comportent différemment suivant les cas : ou elles

restent normales; ou elles se trouvent modifiées seulement en plus ou en

moins, simples altérations quantitatives; ou elles sont modifiées aussi en

qualité et présentent des altérations complexes constituant par leurs

groupements des syndromes comme celui de la réaction de dégénéres-

cence. L'étude de ces réactions des nerfs et des muscles est très impor-

tante au point de vue du diagnostic et du pronostic. à

CONSERVATION DES RÉACTIONS NORMALES

L'excitabilité électrique reste généralement normale dans les névroses,

la neurasthénie et l'hystérie, alors même qu'elles donnent lieu à des

troubles moteurs plus ou moins accentués. Il en est de même dans un

certain nombre d'affections du système nerveux central, particulièrement

dans celles qui atteignent plus spécialement les neurones moteurs cen-

traux. Il en est parfois de même dans les altérations du système nerveux

périphérique, lorsque ces altérations sont légères.

AUGMENTATION DE L'EXCITABILITÉ. 1241

ALTÉRATIONS SIMPLEMENT QUANTITATIVES

L'excitabilité électrique peut être modifiée seulement en quantité et

rester normale en qualité. Le plus souvent les altérations simplement

quantitatives se comportent de la même façon pour l'excitabilité faradique

et pour l'excitabilité galvanique. Parfois elles se montrent un peu diffé-

rentes, et l'excitabilité faradique se trouve plus modifiée que l'excitabilité

galvanique ou inversement.

Les modifications quantitatives de l'excitabilité électrique se pro-

duisent dans deux sens différents qui doivent être étudiés séparément :

ou bien l'excitabilité est plus grande, ou au contraire elle est plus

faible que dans l'état normal. ;

Augmentation simple DE l'excitabilité électrique ? -

. L'augmentation de l'excitabilité électrique se reconnaît pour les cou-

iants faradiques lorsque le seuil de l'excitation apparaît avec des cou-

rants plus faibles que dans l'état normal. En fait, il n'est pas toujours

facile de la reconnaître si elle n'est que peu prononcée. Elle est parfois

plus apparente que réelle, lorsque par exemple la résistance de la peau

se trouve notablement diminuée ('). Lorsque l'augmentation de l'excita-

bilité faradique ne porte que sur un côté du corps, l'autre côté restant

normal, il est facile de s'assurer de son existence réelle par un examen

comparatif portant non seulement sur l'excitabilité mais encore sur la

résistance. Lorsque le degré de l'excitabilité faradique ne peut être déter-

miné que par comparaison avec des sujets différents C) ou par compa-

raison avec le degré d'excitabilité de nerfs ou muscles différents de

la même personne, l'augmentation de l'excitabilité peut rester incertaine

si elle n'est que légère; le doute n'existe plus si cette augmentation est

très accentuée.

L'augmentation de l'excitabilité galvanique se reconnaît également

lorsque le seuil de l'excitation se montre avec des courants dont l'inten-

sité est plus faible que dans l'état normal. De même que pour l'excitabi-

lité faradique, l'augmentation de l'excitabilité galvanique n'est bien nette

que lorsqu'elle est assez accentuée, si un examen comparatif d'un côté à

1 autre n'est pas applicable.

1. Des anomalies dans la disposition des nerfs, ou encore des modifications acciden-

telles dans leur situation, ayant pour effet de les rapprocher de la peau, les rendent

plus accessibles à l'excitation et peuvent donner lieu aussi il une augmentation plus

apparente que réelle de l'excitabilité.

2. 11 importe de retenir, pour la comparaison de l'excitabilité des nerfs et des muscles

chez des personnes différentes, que cette excitabilité varie dans de certaines limites,

d'une personne à l'autre pour un mème nerf ou un même muscle, conditions qui

contribuent il rendre difficile la constatation de l'hyperexcitabilité quand elle est peu

prononcée.

[E. HUET.]

1242 " ÉLECTRO-DIAGNOSTIC. y

L'augmentation simple de l'excitabilité électrique, faradique et galva-

Li -

nique, peut s'observer dans des affections du système nerveux central,

encéphale et moelle, surtout à leur début ou à des périodes peu avancées.

On l'a constatée dans des paralysies cérébrales récentes, dans la paralysie

générale progressive, dans des cas de tumeur cérébrale. On l'a rencon-

trée encore dans des méningites spinales, dans des myélites aiguës et

subaiguës, parfois dans des cas de tabès dorsal. L'augmentation simple

de l'excitabilité électrique s'oberve parfois aussi au début des poliomyé-

lites antérieures subaiguës ou chroniques et dans la sclérose latérale

amyotrophique, lorsque les altérations ne sont pas encore assez accen-

tuées pour donner lieu à de la réaction de dégénérescence; parfois, aussi,

dans le cours de ces maladies, elle se montre sur des muscles paraissant

encore indemnes de paralysie et d'atrophie, c'est souvent un indice de

leurs altérations prochaines.

Dans les paralysies périphériques on trouve quelquefois, au début, de

l'augmentation simple de l'excitabilité électrique; il en est ainsi, par

exemple, dans certaines paralysies faciales; celles-ci peuvent rester

légères, mais assez souvent elles évoluent vers une forme plus grave, et la

simple hyperexcitabilité électrique fait bientôt place aux altérations plus

complexes constituant la réaction de dégénérescence.

Dans des paralysies toxiques, notamment dans des paralysies ducs à

l'intoxication par le sulfure de carbone, l'augmentation de l'excitabilité

électrique peut s'observer aux périodes initiales, plus tard elle se trouve

remplacée soit par de la diminution simple de l'excitabilité, soit pages

manifestations de réaction de dégénérescence.

Dans la tétanie, l'augmentation de l'excitabilité électrique est souvent

très prononcée, au point que la formule d'excitation, sans présenter d'al-

térations qualitatives proprement dites, montre certaines particularités

assez importantes pour le diagnostic. L'hyperexcitabilité est générale-

ment plus accusée sur les nerfs que sur les muscles; elle existe pour les

courants faradiques et pour les courants galvaniques, mais elle est sou-

vent plus accentuée pour ces derniers. Les divers éléments de la formule

de l'excitabilité galvanique conservent leur rang respectif : la première

NFC apparait souvent avec une intensité extrêmement faible ; PFC et POC

apparaissent également beaucoup plus tôt que dans l'état normal; de

plus les contractions deviennent facilement tétaniques, d'abord à \h puis

à PF et même à PO; la présence de POTe, qui ne se rencontre pas dans

l'état normal, est intéressante à constater dans ces cas, et il y a intérêt à

la rechercher pour l'électro-diagnostic.

Chez des animaux éthyroïdés on a constaté aussi de l'augmentation de

l'excitabilité faradique et galvanique, principalement sur les nerfs, parti-

cularités qui méritent d'être rapprochées de l'hyperexcitabilité trouvée

dans la tétanie.

Richard Geigel a attiré l'attention, en 1895, sur des manifestations

d'hyperexcitabilité galvanique que l'on détermine artificiellement sur des

DIMINUTION DE L'EXCITABILITÉ. 1243

nerfs en soumettant ceux-ci, en même temps que les vaisseaux qui les

accompagnent, à la compression digitale, ou en produisant la compression

du membre entier avec la bande d'Esmarch. L'augmentation de l'excita-

bilité ne se manifeste que pour les excitations d'ouverture et elle est telle

que non seulement POC s'obtient plus facilement, mais encore que NOC,

assez rarement constatable dans l'état normal, devient souvent très mani-

feste. R. Geigel a donné à ces modifications de l'excitabilité galvanique

des nerfs observées dans ces conditions le nom de réaction de compres-

sion. On a étendu la compréhension de cette réaction aux divers cas où on

observe de l'augmentation des secousses d'ouverture et on l'a modifiée en

lui donnant par erreur le nom de réaction de Ricli. Nous ne croyons pas

que cette hyperexcitabilité galvanique des nerfs pour les excitations d'ou-

verture dans la réaction de Geigel dépende de la compression même des

nerfs; elle nous parait dépendre surtout de l'arrêt ou du ralentissement

de la circulation favorisant le développement des courants de polarisa-

tion dont on connaît le rôle dans les excitations d'ouverture. Avec les

courants faradiques qui ne produisent guère de polarisation des tissus,

l'hyperexcitabilité des nerfs ne se montre pas dans ces conditions.

Diminution simple DE l'excitabilité électrique

La diminution simple de l'excitabilité électrique se rencontre plus sou-

vent que augmentation. On la reconnaît avec les courants faradiques et

galvaniques, lorsque le seuil de l'excitation n'apparaît qu'avec des courants

plus forts que dans l'état normal. Lorsque l'hypo-excitabilité est peu pro-

noncée, on éprouve la même difficulté pour la reconnaître que pour

reconnaître l'hyperexcitabilité. Quand elle est suffisamment prononcée

elfe devient bien manifeste ('). Dans certains cas elle peut être extrême et

aboutir à l'aholition de l'excitabilité.

La diminution simple de l'excitabilité existe généralement à la fois sur

les nerfs et sur les muscles pour les courants faradiques et pour les cou-

rants galvaniques. Parfois, cependant, elle est plus prononcée sur les

muscles que sur les nerfs ou inversement; elle peut aussi, dans certains

cas, être plus marquée avec un genre de courants qu'avec l'autre.

Dans les affections du système nerveux central qui atteignent plus par-

ticulièrement les neurones centraux, on peut rencontrer de la diminution

simple de l'excitabilité électrique, surtout il des périodes déjà assez avan-

1. Lorsqu'on explore l'excitabilité électrique des nerfs et des muscles, il est très

important de faire mettre dans le relâchement les muscles sur lesquels l'excitation doit

produire des contractions. Il faut donc donner au membre ou à la partie du corps que

l'on examine une position telle que ces muscles soient en état de relâchement; il tau u

aussi veiller à ce que les patients ne tiennent pas ces muscles en état de contraction

volontaire. Pour exciter des muscles contractés il faut, en effet, des courants plus

forts que pour exciter des muscles en état de repos; et en omettant les précautions

que nous venons de dire, on s'exposerait il prendre pour réelle une hypo-excitabilité qui

ne serait qu'artificielle-.

[E. HUET.]

J 214 ? ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

cécs de leur évolution. Ainsi on aura occasion de l'observer dans des pa-

ralysies cérébrales anciennes, clans les myélites, dans le tabes, dans la

sclérose en plaques, dans des paralysies par compression de la moelle.

L'excitabilité électrique n'est pas nécessairement diminuée dans ces

divers cas; elle peut rester sensiblement normale, on même être aug-

mentée, comme nous l'avons vu pour les périodes initiales.

Dans les atrophies musculaires qu'on observe parfois dans les hémi-

plégies cérébrales, l'excitabilité électrique est souvent peu altérée; elle

peut, en effet, rester normale ou elle se ni on Ire simplement diminuée.

Dans les atrophies musculaires qui dépendent de lésions des cornes anté-

rieures de la moelle, l'excitabilité électrique est généralement plus altérée,

non seulement elle est plus ou moins diminuée mais encore elle montre

les modifications qualitatives qui caractérisent la réaction de dégénéres-

cence ; parfois, cependant, la réaction de dégénérescence, est peu appa-

rente, et on constate surtout la diminution des réactions électriques, toit

que les altérations qualitatives de l'excitabilité aient disparu au moment

de l'examen, soit que, par suite de la lenteur du processus d'atrophie, les

libres nerveuses et les fibres musculaires se trouvent détruites lentement

et séparément, de sorte que les manifestations de la réaction de dégéné-

rescence sont masquées par les réactions des libres nerveuses et muscu-

laires encore peu atteintes.

Dans les processus aigus portant sur les cornes antérieures de la

moelle, la poliomyélite antérieure aiguë, par exemple, on peut ne trouver

à la période initiale que de la diminution simple des réactions électriques

sur certains muscles, alors que d'autres présentent de la réaction de dé-

générescence. On en peut, conclure que les cellules des neurones corres-

pondant aux premiers de ces muscles n'ont été que peu atteintes ; ces

muscles ne s'atrophient pas ou ne s'atrophient que peu, et ils récupèrent

plus ou moins rapidement leurs fonctions. A des périodes éloignées du

début de ces affections on peut aussi ne plus trouver que de la Cllllllllll-

tion des réactions électriques lorsque, par suite de l'évolution de la réac-

tion de dégénérescence, les modifications qualitatives de l'excitabilité

électrique ont disparu; celte diminution est parfois très prononcée et

peut aller jusqua l'abolition lorsque l'atrophie est très grande.

Parmi les paralysies périphériques il en est qui ne donnent lieu, le plus

généralement, qu'a de la diminution simple de l'excitabilité électrique,

telles sont les paralysies ducs à de la compression passagère et modérée

des nerfs, la paralysie radiale par exemple dans la grande majorité des

cas. Souvent même cette diminution n'est bien manifeste que pour' les

excitations portées sur le nerf au-dessus du point qui a été comprimé.

alors que les excitations du nerf portées au-dessous, ou les excitations

des muscles, donnent lieu à des réactions peu diminuées ou même sensi-

blement normales. Le nerf parait avoir conservé son excitabilité tandis

qu'il a perdu sa conductibilité au niveau des parties lésées. Dans certains

cas, cependant, ces paralysies par compression dépendent de lésions suf-

DIMINUTION DE L'ESClTADlLITIt 1245

lisamment prononcées pour entraîner de la réaction de dégénérescence ;

le pronostic est alors plus sérieux, la réparation se produit encore le plus

souvent, mais la durée de la paralysie est beaucoup plus longue que

dans les cas avec simple diminution de l'excitabilité électrique.

Des paralysies périphériques par névrites toxiques ou infectieuses

peuvent aussi ne donner lieu qu'à de la diminution simple des réactions

électriques;. en est ainsi dans certains cas de paralysie par intoxication

smfo-carbonéc, dans des paralysies alcooliques, dans certaines formes de

paralysies diphtériques, etc.; le pronostic de ces paralysies est générale-

ment assez hénin. Dans d'autres cas les mêmes genres de paralysies s'ac-

compagnent de réaction de dégénérescence ; leur pronostic est plus grave

et se trouve conditionné par le degré de la réaction de dégénérescence,

ainsi que nous le verrons plus loin; parfois la réparation des lésions reste

incomplète; d'autres fois elle est complète, mais elle se produit après un

temps beaucoup plus long que s'il n'a existé que de la simple hypo-exci-

tabililé électrique. Il arrive d'ailleurs que dans des névrites périphériques

comme celles dont il vient d'être question on rencontre sur le même ma-

lade de la diminution simple de l'excitabilité électrique sur certains ter-

ritoires nerveux et de la réaction de dégénérescence sur d'autres nerfs et

muscles; il en découle la même signification pronostique que celle que nous

venons de voir, assez bénigne pour les territoires nerveux avec simple

diminution de l'excitabilité, plus grave pour les autres où la réparation

ne se fait que plus lentement et peut même rester incomplète.

La diminution simple de l'excitabilité électrique s'observe aussi dans

des névrites périphériques à une période tardive de leur évolution, alors

qu'elles ont présenté antérieurement de la réaction de dégénérescence,

Cette lyho-ecit,hilitls peut persister assez longtemps après que la gué-

rison semble ohtenue et que la motilité volontaire est bien revenue; elle

peut être aussi en rapport avec une réparation incomplète; ou bien elle

est due à l'absence complète de réparation, et alors la diminution de l'ex-

citabilité peut aller jusqu'à l'abolition. Ces derniers cas sont plus rares

dans les polynévrites que dans les poliomyélites.

La diminution simple de l'excitabilité électrique se rencontre encore

dans les affections primitives des muscles. On l'observe dans les diverses

formes de myopathies, proportionnelle au degré des altérations muscu-

laires. Quand celles-ci ne sont pas encore très prononcées, la diminution

de l'excitabilité est parfois plus marquée par la diminution d'amplitude

des contractions que par les changements dans l'apparition du seuil de

l'excitation. Les mêmes particularités peuvent se rencontrer dans cer-

laines formes de myopathie, alors que les altérations musculaires sem-

1)1(,iit déjà assez accentuées; il en est notamment ainsi parfois dans des

myopathies donnant lieu à des rétractions rnucalo-teudineuses très pro-

noncées.

Dans les atrophies musculaires par simple impotence fonctionnelle

et dans les atrophies musculaires réflexes articulaires ou aharticulaires,

W HUET.]

1246 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

c'est aussi la diminution simple de l'excitabilité électrique que l'on

constate habituellement.

Dans les myosites comme celles qui compliquent certaines fractures,

notamment dans les myosites des fléchisseurs des doigts, observées plus

particulièrement chez les enfants dans des fractures du coude (syndrome

de l'ollcrnanu), la diminution simple de l'excitabilité électrique est souvent

très prononcée.

ALTÉRATIONS COMPLEXES DES RÉACTIONS ÉLECTRIQUES

CONSTITUANT LES SYNDROMES DE DÉGÉNÉRESCENCE

Des modifications pathologiques de l'excitabilité électrique sont plus

complexes que celles qui viennent d'être exposées. Parmi elles on doit

donner une place prépondérante, en raison de la signification qu'elles ont

souvent pour le diagnostic et le pronostic, il celles qui constituent la

réaction de dégénérescence ou, pour mieux dire, les syndromes de dégé-

nérescence. Ces altérations de l'excitabilité électrique, suivant leur manière

de se grouper et suivant leurs caractères particuliers, constituent des

formes diverses auxquelles on pourra sans doute donner dans l'avenir

une signification plus précise que celle que nous leur connaissons; dès

maintenant on leur connaît une signification générale très importante

permettant souvent de préciser le diagnostic quand on la rapproche des

autres constatations fournies par l'examen des malades. Au point de vue

clinique nous aurons à distinguer la manière dont se comporte la réaction

de dégénérescence dans les processus aigus et dans les processus

chroniques. ' .

Pour abréger l'écriture et le langage, nous nous conformerons à un

usage généralement admis qui consiste à désigner la réaction de dégéné-

rescence par les initiales des mots qui entrent dans sa dénomination;

tantôt on écrit RD et tantôt DU; nous adopterons cette dernière

abréviation.

Réaction de dégénérescence dans les PROCESSUS AIGrs. t

Lorsqu'elle se développe dans des affections qui suivent un processus

aigu, la Ull affecte soit la forme appelée complète, soit seulement la

forme partielle.

La DU n'est bien caractérisée qu'un certain temps après le début de

l'affection ou après l'établissement de la lésion qui la produit. Ce n'est

qu'après une dizaine de jours, parfois même une vingtaine, que ses carac-

tères essentiels se montrent bien apparents. Les altérations des réactions

électriques qui la font reconnaître sont alors nettement accusées et per-

sistent pendant longtemps, plusieurs semaines an moins, plusieurs mois

le plus souvent, parfois plusieurs .années, subissant cependant peu ;'1 peu

diverses modifications qu'il est important de connaître.

RÉACTIONS DE DÉGÉNÉRESCENCE. 1247

La DR ne reste donc pas immuable pendant toute la durée de l'affection

qui lui a donné naissance; elle suit une certaine évolution dans laquelle

nous aurons à distinguer une période de début, une période d'état et une

période de déclin.

Laissant de côté pour l'instant la période initiale, sur laquelle nous

reviendrons plus loin, nous nous occuperons dès maintenant de la période

d'état. Les altérations des réactions électriques qui caractérisent alors

la DR sont les unes quantitatives, les autres qualitatives.

Dans la forme complète de la DR, les altérations quantitatives de l'exci-

tabilité électrique peuvent être distinguées des simples altérations quan-

titatives étudiées précédemment, parce qu'elles ne sont pas les mêmes

pour l'excitabilité faradique et pour l'excitabilité galvanique et parce

qu'elles se comportent différemment sur le nerf et sur le muscle. Sur le

nerf, en effet, l'excitabilité est abolie aussi bien pour les courants galva-

niques que pour les courants faradiques. Sur le muscle, l'excitabilité

faradique est abolie aussi, mais l'excitabilité galvanique est conservée;

au début elle est même augmentée; plus- tard, elle se montre plus ou

moins diminuée, mais reste longtemps présente; dans les cas graves,

elle finit par disparaître, mais cette abolition ne s'observe qu'après de

longs mois, souvent même après plusieurs années.

Les altérations qualitatives de l'excitabilité électrique sont encore plus

importantes à constater, car elles sont plus particulièrement caractéris-

tiques. Dans la forme complète de la 1)Il, elles ne se montrent que pour

l'excitabilité galvanique du muscle, puisque c'est la seule excitabilité qui

soit conservée. Elles sont de deux ordres portant, d'une part, sur la forme

de la contraction musculaire, et, d'autre part, sur la formule polaire de

l'excitation. La contraction, au lieu d'être vive et rapide comme dans

l'état normal, devient lente et traînante ; elle met un certain temps à se dé-

veloppcr, persiste un moment à son maximum de développement, puis ne

disparaît que lentement ('). Cette lenteur de la contraction, très prononcée

;t la période d'état de la DU dans les processus aigus, est à elle seule très

caractéristique, au point que quelques auteurs ont été tentés de négliger

les altérations de la formule polaire, qui se montrent parfois plus incon-

stantes et plus variables. Ces altérations de la formule polaire sont cepen-

dant très importantes aussi; elles constituent un caractère de plus de la

DR et elles sont généralement bien accusées dans les processus aigus.

La formule polaire de l'excitation se trouve inversée; au lieu que l'exci-

1. La lenteur de la contraction des muscles dégénérés est telle qu'elle peut donner

lieu a un phénomène intéressant qu'on a appelé phénomène de la double contraction.

Si on excite avec des courants galvaniques des muscles dégénérés (les extenseurs des

doigts par exemple), alors que les muscles antagonistes sont normaux (fléchisseurs des

doigts) et que les courants soient assez forts pour exciter il distance ces derniers, on

voit d'abord apparaître le mouvement produit par la contraction vive et brève des mus-

des normaux (flexion des doigts) auquel succède le mouvement lent produit par les

muscles dégénérés (extension des doigts) dont la contraction met plus de temps à se

développer et se montre plus durable. - . -

[E. HUET 1

- 1248 . ' ÉLECTRO-DIAGNOSTIC. '

tation de fermeture à la cathode apparaisse la première et se montre plus

forte que l'excitation de fermeture à l'anode (NFC> PFC), on voit l'exci-

tation de fermeture à l'anode prédominer sur l'excitation de fermeture

à la cathode (PFC > NFC) ('). Parfois l'inversion polaire est moins accusée,

il y a seulement équivalence polaire (NFC = PFC). Parfois même, mais

plus rarement, la contraction reste prédominante à la cathode (NFC PFC)

alors que la DR se trouve bien caractérisée encore par les autres

caractères, lenteur des contractions et altérations quantitatives de

l'excitabilité. L'absence d'inversion polaire et l'équivalence polaire

se voient plutôt dans les formes partielles de DR que dans la forme

complète (2).

Aux altérations quantitatives et qualitatives de l'excitabilité électrique

qui viennent d'être exposées et qui ont été longtemps tes seules recher-

chées pour reconnaître la DR, il convient d'ajouter les modifications de

l'excitabilité signalées tout particulièrement depuis une quinzaine

d'années sous les dénominations de déplacement des points moteurs,

réaction de dégénérescence à distance, ou modifications de l'excitabilité

longitudinale. Pour les rechercher, on ne place plus, comme précédem-

ment, l'électrode exploratrice au niveau des points d'élection, mais on la

place loin de ceux-ci, généralement sur la partie inférieure du muscle,

ou sur ses terminaisons tendineuses, ou même plus has encore, de sorte

que le muscle compris dans l'espace interpolaire se trouve parcouru

longitudinalement par le courant excitateur. Lorsqu'il existe de la DR,

on voit que l'excitation longitudinale produite de cette façon est plus

forte que dans l'état normal, et que souvent elle prédomine sur l'excitation

produite au niveau du point moteur; de plus, elle se montre aussi altérée

qualitativement,' les contractions,' en effet, sont lentes, mais l'excitation

1. Il faut éviter de prendre pour l'inversion polaire de la DR une inversion que l'on

pourrait appeler artificielle et qui se rencontre assez souvent sur certains muscles, même

à l'état normal. On observe surtout cette inversion (PFC > INFC) lorsque l'électrode

excitatrice n'est pas exactement placée sur le point d'élection ; elle est plus apparente

que réelle, et on peut l'expliquer par l'action du pote virtuel, alors que PF semble agir

au niveau de l'électrode excitatrice pour produire PFC, c'est la \F du pèle virtuel qui

agit en réalité au niveau du nerf ou au niveau du muscle. On évite cette erreur en

poursuivant l'exploration ; il suffit souvent de déplacer légèrement l'électrode excita-

trice pour retrouver l'excitation normale NFC > PFC; de plus, on peut remarquer

qu'avec l'inversion artificielle, la contraction n'est généralement pas modifiée dans sa

forme et qu'elle reste vive.

Cette inversion artificielle peut s'observer 1, l'étal normal sur un assez grand nombre

de muscles, mais elle est plus fréquente sur certains d'entre eux; ainsi on la rencontre

assez facilement au membre supérieur sur le deltoïde, le vaste externe du triceps,

le long supinateur, le 1er interosseux dorsal et l'adducteur du petit doigt; au membre

inférieur sur les fessiers, le vaste interne, le vaste externe, le long péronier, les

jumeaux, etc.

2. On voit parfois, dans ces formes de réaction de dégénérescence, la contraction

rester assez vive et prédominer à la fermeture de la cathode au seuil de l'excitation,

tandis qu'avec des courants plus forts les contractions se montrent lentes et que PFC

devient égale ou supérieure à NFC.

RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE. 12f

de la cathode reste habituellement plus forte que l'excitation de l'anode,

NFC>PFC(').

Cet état de la réaction longitudinale n'est pas seulement, comme on l'a

dit parfois, une manifestation éloignée de la DR; il apparaît au contraire

de bonne heure, en même temps que les altérations de l'excitabilité au

niveau des points d'élection, et il se prolonge pendant toute la durée de

révolution de la DR. Il est très important de le rechercher, surtout

lorsque les autres manifestations de la DR restent assez mal caractérisées,

aiusi qu'on l'observe parfois, mais plutôt dans les formes partielles de la

DR que dans la forme complète.

La DR partielle peut affecter un certain nombre de formes plus ou

moins différentes qu'il ne nous paraît pas nécessaire d'étudier ici dans

leurs détails. D'une façon générale, on peut dire que la DR partielle

diffère de la DU complète, surtout par des altérations quantitatives moins

prononcées de l'excitabilité électrique.

Sur le nerf, l'excitabilité n'est pas abolie, mais elle est le plus souvent

diminuée, à des degrés divers suivant les cas. La diminution de l'excita-

bilité du nerf porte sur l'excitabilité faradique et sur l'excitabilité gatva-

nique ; cette dernière n'est généralement pas altérée en qualité, les

contractions produites par l'excitation du nerf restent en effet vives (2) et

sont conformes à la formule polaire normale, \l'CP1C. Sur le muscle,

l'excitabilité faradique n'est pas non plus aholie mais, comme sur le nerf,

elle est plus ou moins diminuée. L'excitabilité galvanique du muscle se

comporte habituellement comme dans la DR complète, augmentée au

début de la période d'étal, diminuée plus tard; elle est, de plus, altérée

qualitativement, les contractions obtenues sont lentes, et le plus souvent

la formule polaire est modifiée, soit qu'il y ait inversion complète,

NFC Cl'IFC, soit qu'il y ait équivalence, NFC = PFC; parfois, cependant,

la formule polaire n'est pas sensiblement modifiée et NFC reste prédomi-

nante sur PFC.

1. Dans certains cas de DU, l'excitation longitudinale est parfois plus forte à l'anode

qu'à la cathode ; cette inversion est exceptionnelle et n'a pas jusqu'alors de signification

particulière reconnue.

2. Lorsqu'on explore l'excitabilité d'un nerf dans le territoire duquel existe de. la

DU. on observe parfois des contractions lentes produites par l'excitation galvanique sur

un on plusieurs muscles tributaires de ce nerf. On commettrait souvent une erreur en

rapportant ces contractions lentes il l'excitation du nerf : on peut les observer alors

même que le nerf est inexcitable, Elles s'expliquent par une excitation directe du

muscle distance et. s'observent surtout dans la période où les muscles présentent de

l'hyperexcilabilité galvanique. On évitera cette erreur en remarquant que les cnntrac-

lions lentes ne s'observent que sur des muscles assez voisins du point où porte l'excita-

tion, alors que d'autres muscles du même territoire nerveux, mais plus éloignés, restent

mexcilables. Exemple : en excitant la branche inférieure du nerf facial en étal de

dégénérescence, on observe fréquemment l'excitation avec contractions lentes du trian-

gulaire des lèvres, alors que les muscles du menton et l'orbiculaire des lèvres restent

Dexotes, si on a le soin de ne pas prendre des courants trop forts, auquel cas ils

seraient excités eux-mêmes a distance.

l'n.\TIQvE [- : t'nOL, 70

[E HUET] ]

1250 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

La lenteur de la contraction provoquée par l'excitation galvanique du

muscle est donc aussi la manifestation la plus importante de la DR par-

tielle dans les processus aigus. Elle existe habituellement pour les exci-

tations avec l'un et l'autre pôle ; dans des formes atténuées de DR on voit

parfois la lenteur de la contraction manifeste seulement à l'excitation avec

le pôle positif, tandis que la contraction reste assez vive pour l'excitation

avec le pôle négatif.

Les modifications de l'excitabilité longitudinale se rencontrent dans la

DR partielle comme dans la DR complète ; et nous avons déjà dit combien

il était important de les rechercher; elles permettent parfois, en effet, de

reconnaître une DR mal définie par ses autres caractères.

Nous devons revenir maintenant sur l'évolution de la DR qu'il est im-

portant de connaître pour les applications cliniques.

Période initiale de la DR. Avant d'aboutir à la période d'état, dont

nous venons d'exposer les principales manifestations, la DU passe par une

période initiale qu'on a bien étudiée expérimentalement, en produisant

des lésions plus ou moins prononcées des nerfs et qu'on peut observer

en clinique dans certains cas, par exemple à la suite de lésions trauma-

tiques des nerfs, dans des névrites (plus particulièrement dans la para-

lysie faciale) et dans des affections aiguës portant sur les cornes antérieures

de la moelle. Les modifications de l'excitabilité électrique dans la période

initiale de la DR présentent d'ailleurs quelques différences d'un cas à

l'autre, suivant la nature et l'intensité des lésions qui la déterminent.

Comme type, on peut prendre la DR causée par une lésion grave d'un

nerf, section, écrasement ou élongation.

En suivant les modifications qui se produisent dans l'excitabilité du

nerf au-dessous de la lésion, on constate que l'excitabilité faradique est

d'abord conservée; elle est même augmentée au début pendant un jour

ou deux, puis elle diminue progressivement pour disparaître le sixième

ou septième jour, quand la DR doit être complète. L'excitabilité galvanique

du nerf se comporte sensiblement de même, augmentée les premiers

jours, elle diminue ensuite progressivement pour disparaître au bout de

quelques jours. Du côté des muscles, l'excitabilité faradique ne présente

généralement pas d'augmentation, elle montre de bonne heure de la

diminution qui s'accroit assez rapidement et aboutit bientôt à l'abolition.

L'excitabilité galvanique des muscles commence aussi par diminuer;

mais elle ne continue pas dans ce sens; bientôt en effet, au bout d'une

semaine environ, elle se relève et ne tarde pas à se montrer augmentée.

Lorsque l'on constate de pareilles altérations quantitatives dans l'excita-

bilité du nerf et dans l'excitabilité des muscles, on peut prévoir l'établis-

sement de la DR; mais celle-ci ne se trouve bien caractérisée que lorsque

se montrent les altérations qualitatives de l'excitabilité galvanique des

muscles. On peut alors considérer la DR comme entrée dans sa période

d'état; c'est généralement dans le cours de la deuxième semaine, après

la lésion, qu'apparaissent les altérations qualitatives de l'excitabilité

RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE. 1251

galvanique des muscles ; parfois cependant elles tardent un peu plus et

ne deviennent bien apparentes que dans le cours de la troisième semaine,

rarement davantage ; il est fréquent de les voir apparaître ainsi tardive-

ment dans la paralysie faciale.

Période d'état de la DR. Par période d'état de la DR nous enten-

dons le temps pendant lequel celle-ci se montre avec les modifications

quantitatives et qualitatives qui la caractérisent de la façon que nous

avons dite plus haut. Celte période est de longue durée ; elle se prolonge

au moins plusieurs mois, le plus souvent elle dépasse l'année; on peut la

voir même s'étendre sur plusieurs années. Ainsi comprise la période

d'état de la DR pourrait se subdiviser elle-même en trois périodes. La

première correspond au temps pendant lequel l'excitabilité galvanique

des muscles est augmentée ; sa durée est souvent assez courte, de quelques

jours à quelques semaines, c'est généralement le cas sur les territoires

nerveux des membres et du tronc ; parfois elle se prolonge davantage, il

en est très souvent ainsi sur le territoire du nerf facial où l'on peut la

voir persister d'assez longs mois ('). La deuxième correspond au temps

pendant lequel l'excitabilité galvanique des muscles est peu altérée en

quantité, elle n'est plus augmentée mais elle est encore peu diminuée;

sa durée est variable suivant les cas ; on pourrait d'ailleurs réunir cette

période à la précédente en estimant que la durée de ces deux périodes

réunies varie en moyenne de quelques semaines à quelques mois. Enfin

la DR continuant son évolution, on voit l'excitabilité galvanique des

muscles diminuer plus ou moins rapidement dans des proportions

notables, parfois très prononcées, les altérations qualitatives caractérisant

la DU restant encore bien nettes; cette dernière partie de la période d'état

de la DR est assez longue et se prolonge souvent de nombreux mois.

Période terminale de la DR. A la période d'état de la DR succède

1. A cette période de la DU on observe assez souvent, en excitant les muscles, des

modifications de l'excitabilité galvanique portant aussi sur les secousses d'ouverture.

Celles-ci sont obtenues plus facilement que dans l'état normal, non seulement il PO,

mais encore à \\1 : on peut voir même, contrairement à ce qui existe dans l'état

normal. N0C>POC. Cette inversion des contractions d'ouverture s'observe plus parti-

culièrement quand il y a aussi inversion des contractions de fermeture, PFC> NFC.

On a voulu il tort l'aire rentrer ces modifications des secousses d'ouverture dans la

réaction que l'on a appelée par erreur réaction de Rich et que l'on aurait dû appeler

réaction de Richard ( : elle réaction diffère complètement des modifications des

secousses d'ouverture observées dans la DR. Dans la réaction de Richard Geigel, il existe

bien de l'augmentation des secousses d'ouverture, mais elle s'observe dans l'excitation

du nerf et non dans l'excitation des muscles ; elle est produite dans des conditions bien

déterminées, compression des nerfs et des vaisseaux avec arrêt plus ou moins pro-

nonce de la circulation : elle n'est que passagère et disparait dès que l'on cesse la

compression. Dans la DII, l'augmentation des secousses d'ouverture s'observe dans

des muscles et non dans l'excitation du nerf; les contractions ainsi obtenues

sont aussi modifiées dans leur forme et se montrent plus ou moins lentes; enfin ces

altérations de l'excitabilité d'ouverture se montrent plus ou moins durables, se prolon-

gent des jours, des semaines, parfois des mois : elles paraissent sous la dépendance de

1 l'yperexcitabilite galvanique des muscles existant à cette période de la DU.

[E. HUET ]

1252 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

une période terminale ou de déclin, que l'on doit envisager d'une façon

différente suivant que les lésions originelles, causes de la DR, abou-

tissent à la réparation ou suivant qu'elles laissent une destruction

définitive.

Dans le premier cas, lorsque les lésions se réparent, on constate que

les altérations de l'excitabilité électrique, qui caractérisent la DR, s'atté-

nuent peu peu, et quand la DR était complète on voit une DR partielle

lui succéder. L'excitabilité faradique et l'excitabilité galvanique du nerf,

qui étaient abolies, reparaissent d'abord et augmentent peu à peu, mais

elles restent longtemps, souvent même très longtemps, plus ou moins

diminuées. L'excitabilité galvanique des muscles à cette période de la DR

est habituellement assez diminuée ; ses altérations qualitatives, lenteur

des contractions, modifications de l'excitabilité polaire, prédominance de

l'excitabilité longitudinale sur l'excitabilité au point d'élection, persistent

encore un certain temps, mais elles s'atténuent peu à peu, les contractions

deviennent manifestement moins lentes, puis elles se montrent tissez

vives et finalement reprennent une vivacité sensiblement normale;

l'inversion polaire s'atténue également, au lieu que PFC prédomine sur

NFC elle lui devient égale puis inférieure comme dans l'état normal.

En même temps que l'excitabilité galvanique des muscles reprend ses

caractères normaux, au niveau du point d'élection, l'excitabilité longitu-

dinale se modifie aussi et se rapproche de l'état normal, elle perd sa

prédominance, et les contractions auxquelles elle donne lieu redeviennent

vives. Il importe d'ailleurs de savoir que, dans les cas où la DR aboutit

à la réparation, la motilité volontaire reparaît bien avant la disparition

de la DR; on voit souvent la motilité volontaire assez bien revenue, alors

que persistent encore les altérations qualitatives de la Dit; plus tard,

quand celles-ci ont aussi disparu, la motilité volontaire est souvent

redevenue bonne, alors que l'excitabilité faradique et l'excitabilité

galvanique se montrent encore assez diminuées, parfois même très

diminuées non seulement sur le nerf, mais aussi sur les muscles, souvent

plus diminuées dans l'excitation des muscles que dans l'excitation du

nerf, et, à ce moment, l'excitabilité galvanique est souvent plus diminuée

que l'excitabilité faradique.

Lorsque les lésions qui ont donné lieu à la DR ne se réparent pas et

restent définitives, l'excitabilité galvanique des muscles, la seule qui

persistait, continue à s'affaiblir de plus en plus, au point que les altéra-

tions qualitatives de la DR deviennent moins apparentes, PFC conserve

généralement un certain temps encore la prédominance sur NFC, niais

les contractions sont tellement faibles que leur lenteur devient moins

appréciable; puis les contractions disparaissent à NF et plus tard elles

disparaissent aussi à PF, même avec les courants les plus forts qu'on

puisse faire supporter, 25 ou 50 m. A, ou même davantage. L'excita-

hilité longitudinale persiste plus longtemps que l'excitabilité au point

d'élection, mais elle devient de plus en plus faible et elle finit par dispa-

RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE. 1255

raitre à son tour. Il est des cas, cependant, où plusieurs années après

son apparition la DR est encore reconnaissable par les altérations de

l'excitabilité longitudinale et par des traces d'altérations qualitatives de

l'excitabilité au point d'élection.

La DR partielle, d'emblée lorsque les lésions qui lui donnent lieu ne

sont pas très intenses, suit aussi une évolution comparable en beaucoup

de points à celle de la DR complète. A une période assez rapprochée de

son début l'excitabilité galvanique des muscles est souvent augmentée,

pendant un certain temps, ce qui forme contraste avec l'excitabilité

faradique des muscles et avec l'excitabilité faradique et galvanique du

nerl' conservées niais plus ou moins diminuées. Les lésions qui donnent

lieu il cette DU partielle dans les processus aigus aboutissent généra-

lement à une réparation plus ou moins complète, par conséquent les

altérations qualitatives de l'excitabilité galvanique des muscles qui

caractérisent aussi cette DR disparaissent quand la réparation est assez

avancée, ce qui se produit beaucoup plus rapidement que dans les cas de

DR complète, en quelques mois le plus généralement. La diminution de

l'excitabilité faradique et galvanique du nerf et des muscles persiste

souvent assez longtemps aussi après le retour de la motilité volontaire

et elle est souvent plus marquée sur les muscles que sur le nerf.

f 11 est des cas, cependant, où la DR partielle, développée avec un

processus aigu ou subaigu, n'aboutit pas à la réparation. On la voit

persister longtemps, augmentant souvent en gravité et linissant par se

transformer en DR complète. On observe plus particulièrement cette

évolution de la DR dans les affections nerveuses à marche progressive,

comme la sclérose latérale ainyolrophique, certaines myélites ou méningo-

myélites, la syringomyélie, etc. y

Des syndromes de dégénérescence dans les processus chroniques

Dans les maladies du système nerveux qui portent sur les neurones

moteurs périphériques et se développent en suivant un processus chro-

nique, l'excitabilité électrique est souvent altérée dans le sens de la

réaction de la dégénérescence. Mais, par suite de la longue durée du

processus, du développement lent des lésions et de leur progression

graduelle, l'excitabilité électrique ne se trouve modifiée que peu à peu et

ne laisse pas toujours reconnaître facilement les altérations caracté-

ristiques de la DR qui se montrent si nettes dans les processus aigus. Le

plus souvent, cependant, on trouve des traces plus ou moins marquées

de ces altérations dans une partie au moins des territoires nerveux atteints

par la maladie, ou bien si on n'en a pas trouvé à un premier examen on

en peut trouver il un examen ultérieur pratiqué quelques semaines ou

quelques mois après. Il y a donc intérêt dans ces cas à renouveler de

temps à autre l'exploration électrique.

Considérons seulement pour l'instant un muscle ou un groupe de

[E HUET]

1254 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

muscles atteints. Au début de leur envahissement on constate parfois une

augmentation de l'excitabilité électrique par leur excitation directe et par

leur excitation indirecte avec les courants faradiques et avec les courants

galvaniques. Cette augmentation de l'excitabilité électrique fait place plus

ou moins rapidement à de l'hypoexcitabilité, et de plus on peut constater

assez souvent la présence d'une DR partielle caractérisée de la façon

déjà dite. A mesure que les lésions progressent l'hypoexcitabilité s'accentue,

la DR partielle peut faire place à de la DR complète; souvent alors

les altérations qualitatives de l'excitabilité galvanique se montrent moins '

nettes, les contractions musculaires produites étant devenues très faibles

leur lenteur n'est pas toujours très marquée, mais assez fréquemment il

existe de l'inversion ou de l'équivalence polaire. Plus tard enfin, l'hypo-

excitabilité aboutit à de l'inexcitabilité. Cette dernière se montre plus ou

moins rapidement suivant la nature de l'affection et suivant la marche

des lésions; dans certains cas elle peut déjà exister en quelques mois;

dans d'autres elle met beaucoup plus longtemps à s'établir. Parfois

même elle n'existe pas encore après de nombreuses années; on pourrait

citer comme exemples certains muscles plus ou moins atrophiés par le

fait de la poliomyélite antérieure chronique ou de la syringomyélie.

ou de l'atrophie Charcot-Marie; on peut voir, dans cette dernière maladie

en particulier, des muscles atteints depuis dix ans ou même davantage,

présenter encore des manifestions de DR partielle atténuées mais 1'1'1'011-

naissables ; dans des cas semblables j'ai rencontré l'excitabilité faradique

et l'excitabilité galvanique du nerf très diminuées mais non abolies,

l'excitabilité faradique des muscles abolie ou extrêmement diminuée tandis

que leur excitabilité galvanique était mieux conservée quoique fortement

diminuée, les contractions produites étaient peu lentes ou mêmeiasstv,

vives, mais l'inversion polaire était bien accusée.

Les manifestations de DR partielle ou complète ne sont d'ailleurs pas

toujours aussi appréciables qu'il vient d'être dit. dans les processus

chroniques. Les muscles, en effet, ne sont souvent pas altérés au même degré

dans leur totalité, ou dans leur plus grande partie ; les lésions, au con-

traire, les envahissent pour ainsi dire fibres par libres; de là il résulte

qu'au début les réactions des fibres musculaires altérées qui devraient

manifester de la DR se trouvent masquées par les réactions des fibres

restées saines; ces conditions ne permettent de constater que de l'hypo-

excitabilité simple plus ou moins marquée. Plus tard, quand les fibres

d'abord indemnes s'altèrent il leur tour, les fibres les premières atteintes

sont assez atrophiées pour être devenues à peu près inexcitables; delà

une très grande hypoexcitahilité clans l'ensemble du muscle ne permettant

pas de constater d'une façon bien nette les altérations qualitatives

caractérisant la DU.

Le plus souvent, cependant, lorsqu'on a à examiner les réactions

électriques dans les affections à processus chronique devant entraîner de

la DR, on peut constater l'existence de celle-ci sur un certain nombre

RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE AU POINT DE VUE DU DIAGNOSTIC. il

de muscles, quand la maladie n'est pas trop ancienne. Les muscles, en

effet, se trouvant altérés à des époques différentes, un certain nombre

d'entre eux peuvent être déjà assez peu excitables pour que la DR n'y soit

pas constatable à la période d'état ; mais, sur d'autres, le processus étant

moins avancé, les réactions électriques se trouvent encore suffisamment

développées pour que l'on puisse constater des manifestations de DR plus

ou moins accusées. Il peut arriver aussi que la DU, difficile à constater a

un moment, soit plus facilement reconnaissable quelques semaines ou

quelques mois après. Dans le processus chronique de la maladie, l'évo-

lution prend parfois à certains moments des allures plus actives, et sur

les muscles envahis à cette époque la DR se montre souvent plus

manifeste.

SIGNIFICATION DE LA RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE

AU POINT DE VUE DU DIAGNOSTIC

La DR a une grande valeur au point de vue du diagnostic. Elle indique

qu'il existe des lésions du neurone moteur périphérique. File ne permet

pas de reconnaître directement par elle-même, dans l'état actuel de

nos connaissances, si les lésions ont pour origine les cellules des neu-

rones moteurs (cornes antérieures de la moelle, noyaux du bulbe et de

l'isthme de l'encéphale), ou les racines nerveuses motrices qui en

partent, ou les fibres nerveuses dans les plexus, ou les nerfs dans leur

trajet périphérique. En quelque point, en eflet, que le, neurone soit

primitivement lésé, on voit apparaître les manifestations de la DR

£ de la façon que nous avons vue.

. Dans bien des cas, cependant, on peut arriver à reconnaître d'une

manière indirecte le siège originel de la lésion en étudiant la répartition

topographique de la DR. Lorsque celle-ci se trouve exactement limitée

à un ou plusieurs territoires nerveux périphériques, il est vraisemblable

d'admettre des lésions portant sur le nerf ou sur les nerfs correspon-

dants. Lorsqu'elle se trouve localisée dans un territoire d'innervation

radiculaire, le diagnostic se trouve orienté vers des lésions de racines

nerveuses répondant à cette topographie radiculaire. La conclusion

n'est cependant pas toujours aussi rigoureuse dans ce cas que dans le

précédent, parce que des lésions nucléaires peuvent donner lieu aussi à

des localisations affectant plus ou moins une topographie radiculaire :

il est rare, toutefois, que dans les lésions des cornes antérieures, la DR

soit exclusivement localisée à un territoire radiculaire, le plus souvent,

on trouve en même temps des muscles plus ou moins altérés dans

d'autres régions.

Le mode d'évolution de la DR fournit de son côté certains éléments de

diagnostic. En présence d'une DR bien constatée, il y a souvent lieu de

rechercher si l'âge de la DR correspond à l'âge que doivent avoir les

lésions, d'après leur origine supposée. Dans des cas d'accidents du tra-

[E. HUET.]

g 56 ... ' - ' Li;);GTRO-D1AGOSTIG : . .

vail, par exemple, il'est.parfois très important de pouvoir élucider cette

question. La connaissance des caractères que présente la DR, à ses

diverses périodes, est de nature à éclaircir ce point du diagnostic.

, A d'autres points de vue, la DR donne encore des indications pré-

cieuses. Dans un examen des réactions électriques, on peut trouver sur

certains muscles de la DR à sa période d'état et,sur d'autres muscles de

la- DR à une période plus -avancée : on est en droit de conclure que l'on

se trouve en présence soit d'une affection à évolution progressive,

comme on l'observe dans certaines affections de la moelle, soit d'une

affection procédant par étapes successives, ainsi qu'on le voit dans des

névrites toxiques, telles que la paralysie saturnine dans certaines de

ses formes. En rapprochant ces données de l'électro-diagnostic des

autres données fournies par l'examen clinique, on peut souvent formuler

un diagnostic précis.

Puisque la DR est une expression symptomatique de lésions des neu-

rones moteurs périphériques, il est facile de voir dans quelles affections

du système nerveux elle doit se rencontrer et dans quelles autres affec-

tions elle doit manquer. -

Dans les maladies de l'encéphale elle fait habituellement défaut; ainsi

on ne la rencontre pas. dans les paralysies cérébrales par hémorragies,

par ramollissements ou par tumeurs. Dans ce dernier genre de paralysies,

cependant, si la DR fait toujours défaut au niveau des membres, elle

peut exister sur le territoire des nerfs craniens, lorsque ceux-ci se

trouvent irrités ou comprimés par la tumeur en quelque point de leur

trajet.

Dans les lésions de la protubérance et du bulbe, la DR fait défaut

également du côté des membres paralysés, mais elle peut exister sur

des nerfs craniens, même dans des cas d'hémorragie ou de ramollis-

sement, si les noyaux moteurs de ces nerfs ou les fibres radiculaires qui

en partent se trouvent intéressés par le foyer de la lésion. En pareil cas,

la localisation périphérique de la DR contribue à faire localiser le siège

de la lésion centrale.

La DR se rencontre aussi dans les lésions des noyaux bulbaires qui

donnent lieu à la paralysie lal)io-glosso-laryiigée; elle n'est pas toujours

facile à reconnaître dans ces cas, et, le plus souvent, elle présente les

caractères et les allures que nous lui avons vu affecter dans les processus

chroniques.

La. DR se rencontre dans les maladies de la moelle qui atteignent les

cornes antérieures, soit directement, poliomyélite antérieure aiguë,

sclérose latérale amyotrophique, poliomyélite antérieure chronique, soit

par extension de voisinage, hématomyélie, syringomyélie. Elle se ren-

contre encore lorsque les racines antérieures des nerfs se trouvent

atteintes, comme dans les radiculites produites par la méningite cérébro-

spinale, dans les irritations ou les compressions produites par les pachy-

méningites, les tumeurs, les fractures et les luxations de la colonne

RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE .AU POT ^W'Du'DIAGN0^C. 12o7

% ? <y

vertébrale. La DR, au contraire, fait déf ? St m s cas où les

cornes antérieures et les racines antérieures se trouvent indemnes ou

suffisamment épargnées, dans un grand nombre de compressions de la

moelle, dans les myélites diffuses et non systématisées, telles que les

myélites transverses et la sclérose en plaques et dans les myélites

systématisées qui ne portent que sur les cornes postérieures et sur les

faisceaux des cordons blancs, telles le tabès (*), l'ataxie cérébelleuse, la

maladie de Little.

11 y aurait intérêt à rechercher comment la DR se comporte dans les

maladies de la moelle suivant leur nature; nous ne donnerons sur ce

point que les principales indications.

Dans la poliomyélite antérieure aiguë (paralysie infantile et paralysie

spinale antérieure de l'adulte), la DR se présenté avec ses caractères

d'acuité bien accusés. En rapport avec le degré des lésions, elle se

montre complète dans la sphère de distribution des cellules des neurones

profondément lésées, partielle seulement sur les muscles correspondant

à des cellules moins altérées; elle fait défaut sur les muscles qui, bien

que momentanément paralysés, répondent à des cellules peu touchées.

(Dans les radiculites occasionnées par la méningite cérébro-spinale, la

DU affecte souvent des allures assez semblables ; elle suit un processus

aigu; suivant le degré des lésions radiculaires elle est complète ou

seulement partielle, ou bien il n'existe que de l'hypoexcitabilité simple;

la DR aboutit souvent aune meilleure réparation que dans la poliomyélite ;

la réparation cependant peut être incomplète, soit en raison du degré des

lésions des racines, soit par suite de lésions nucléaires concomitantes).

Dans la sclérose latérale amyotrophique, la DR n'apparaît souvent

qu'un certain temps après le début de la maladie, tantôt avec les carac-

tères de la DR des processus aigus, tantôt avec des caractères plus

effacés, comme dans les processus chroniques; elle procède aussi par

étapes successives, apparaissant sur de nouveaux muscles ou sur de

nouveaux territoires nerveux, à intervalles plus ou moins éloignés, de

sorte qu'au moment d'un examen, on la trouve à des périodes différentes

de son évolution suivant les régions et les muscles examinés.

Dans la poliomyélite antérieure chronique, les manifestations de DR

ne sont pas toujours facilement reconnaissables en raison du développe-

ment lent des altérations nucléaires et neuro-musculaires ; très souvent,

cependant, on constate la présence d'une DR plus ou moins caractérisée

sur des muscles en voie d'atrophie, alors que sur d'autres muscles plus

altérés la DR se montre très avancée dans son évolulion ou même a fait

place à de l'inexcitabilité complète.

Dans les lésions des nerfs, médicales ou chirurgicales, la DR s'observe

1. Dans certains cas de tabes on rencontre des atrophies musculaires plus ou moins

localisées, accompagnées de DR ; celle-ci est en rapport dans ces cas soit avec des lésions

étendues aux cellules des cornes antérieures, soit avec des lésions de racines nerveuses,

soit avec des lésions de nerfs périphériques.

' [E. HUET.]

1258 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

communément dès que les altérations nerveuses sont un peu prononcées.

On la rencontre habituellement dans les lésions des nerfs résultant de

traumatismes : section, piqûre, écrasement, contusion, compression,

élongation. La DR se développe encore lorsque les nerfs se trouvent

irrités ou comprimés par des lésions de voisinage, tumeurs, fractures,

cicatrices, foyers de suppuration, injections irritantes (éther, alcool,

cocaïne, huile camphrée, etc.) pénétrant dans le nerf ou seulement

l'avoisinant. Les brûlures, les gelures peuvent donner lieu à des lésions

des nerfs entraînant de la DR. Le froid agit encore en provoquant des

névrites avec DR, paralysies dites a frigorie et paralysies rhumatismales.

Dans la plupart de ces cas, la DR est celle des processus aigus, tantôt

complète, tantôt partielle, suivant la gravité des lésions nerveuses; dans

quelques autres, elle allecte les allures de la DR des processus chroniques

ou des processus subaigus : alors elle peut être partielle d'abord, coni-

plète ensuite, comme dans les cas ûe compressions ou d'irritations persis-

tantes et progressives.

Les névrites toxiques, névrites alcooliques, saturnines, arsenicales,

hydrargyriques, sulfo-carhonées, etc., entraînent généralement de la DR

suivant le plus habituellement un processus aigu, plus rarement un

processus subaigu ou chronique. La DR prend dans ces cas la ferme

partielle ou la forme complète, suivant la gravité des lésions. Dans

quelques cas de paralysies toxiques la DR fait défaut; elle manque, par

exemple, dans des paralysies sulfo-carbonées légères, mais elle se

rencontre dans des cas plus graves. Dans la plupart de ces paralysies

toxiques, la DR se localise plus particulièrement sur certains territoires

nerveux ou sur certains groupes musculaires, faisant défaut ou ne se

manifestant que sous une forme plus atténuée sur d'autres muscles qui

sont cependant plus ou moins affaiblis. La nature de l'intoxication déter-

mine souvent une localisation plus particulière de la 111t; ainsi elle siège

plus spécialement sur les extenseurs des doigts dans les névrites satur-

nines, sur les extenseurs des orteils et sur le quadriceps fémoral dans

les névrites alcooliques.

Dans les névrites infectieuses, la DR est habituelle, paralysies consé-

cutives à la diphtérie, à certaines angines, la lièvre typhoïde, aux lièvres

éruptives, variole, scarlatine, rougeole, aux oreillons, au typhus eianthé-

matique, à la pneumonie, névrites tuberculeuses, syphilitiques, gonococ-

ciennes, névrites de la lèpre, du béribéri, etc. Parfois cependant la DU

peut manquer ou n'être que peu accusée et peu étendue; c'est ce qu'on

observe, par exemple, clans certaines formes de paralysies diphtériques,

alors que dans d'autres, la DR est bien prononcée; les premières sont,

généralement légères et elles guérissent beaucoup plus rapidement que

les dernières.

Les névrites toxiques et infectieuses se montrent parfois très étendues

et se développent avec un cortège de symptômes aigus, telles certaines

polynévrites alcooliques, tuberculeuses, grippales, ou encore des polyné-

RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE AU POINT DE VUE DU DIAGNOSTIC. 1259

vrites d'étiologie assez mal déterminée, attribuables souvent à des auto-

intoxications. Leur diagnostic avec d'autres affections du système ner-

veux comme la poliomyélite antérieure aiguë, ou les radiculites de la

méningite cérébro-spinale, n'est pas toujours facile; parfois la topographie

de la DR fournit un élément assez important pour ce diagnostic. Mais

il n'en est pas toujours ainsi; souvent, en effet, dans ces polynévrites, la

DR ne se trouve pas régulièrement répartie dans tous les territoires

nerveux périphériques atteints, et les autres conditions cliniques et étio-

logiques doivent intervenir pour permettre d'établir le diagnostic.

Les névrites dyscrasiques, comme celles observées dans le diabète,

déterminent le plus souvent de la DR plus ou moins prononcée. Celle-ci

peut faire défaut dans les formes légères de ces paralysies.

Dans les affections primitives des muscles, il est de règle que la DR

fasse défaut. Ainsi on ne l'observe pas dans les diverses formes de la

myopathie, paralysie pseudo-hypertrophique, myopathie facio-scapulo-

humérale du type Landouzy-Dejerine, myopathie scapulo-humérale du

type Erb, atrophie musculaire du type Leyden-Mobius, etc. Dans ces

diverses myopathies, les altérations de l'excitabilité sont surtout quan-

titatives. Dans quelques cas, cependant, on a signalé des altérations de

l'excitabilité électrique ressemblant plus ou moins aux altérations de la

DR soit par une lenteur plus ou moins accusée des contractions mus-

culaires, soit par des modifications de la formule polaire de l'excitation.

Dans les paralysies et atrophies musculaires réflexes d'origine articu-

laire ou on n'observe pas la DR.

Dans les troubles moteurs des névroses, hystérie, neurasthénie, chorée,

myoclonies, la DR fait défaut. Dans les quelques cas de paralysies ou

d'atrophies musculaires observées chez des hystériques où la DR a été

signalée, il semble qu'il s'agissait d'associations pathologiques. Person-

nellement, toutes les fois que j'ai rencontré la DR chez des hystériques,

des associations morbides, telles que hématomyélies, névrites ou autres

affections comportant la DR dans leur symptomatologie habituelle, étaient

reconnaissables.

SIGNIFICATION DE LA RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE

AU POINT DE VUE DU PRONOSTIC .

La DR fournit souvent d'importantes indications pour le pronostic. Ace

point de vue, cependant, la signification de la DR n'est pas absolue. La DR

complète, en effet, n'indique pas toujours un pronostic plus grave que

la DR partielle; et réciproquement la DR partielle ne correspond pas tou-

jours il un pronostic plus favorable que la DR complète. La valeur pronos-

tique de la DR n'est que relative; elle est subordonnée à la cause et à la

nature des lésions. Avec une lésion curable par sa nature, la guérison

peut se produire malgré la présence de la DR complète. On l'observe, par

exemple, dans les lésions traumatiques des nerfs, si le bout périphérique

[E. HUET.]

1200 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

du nerf a conservé ses rapports avec le bout central ; mais, en pareil cas,

on peut prévoir une guérison tardive, n'apparaissant qu'après de longs

mois, souvent même une ou plusieurs années. La DR partielle, avec de

semblables lésions, indique une guérison possible en un temps beaucoup

plus court, de quelques mois à une année : et l'absence de DR permet de

compter sur une guérison beaucoup plus rapide encore.

Lorsque la DR est sous la dépendance d'une cause qui persiste et

qui peut continuer à se développer, le pronostic doit être très réservé. La

présence d'une Dit seulement partielle ne permet pas de conclure il

une guérison certaine et plus ou moins rapide; elle indique des lésions

moins accentuées qu'une DU complète, mais avec la persistance et le

développement de la cause originelle, on peut voir la lésion des neurones

s'aggraver et la DR partielle remplacée par une DR complète, par exemple

dans certains cas de compression des nerfs, notamment dans les com-

pressions produites par des tumeurs. L'électrodiagnostic, en pareils cas,

peut fournir cependant encore d'importantes indications en le répétant il

plusieurs semaines ou à plusieurs mois d'intervalle ; une DR complète

succédant à une DR partielle indique une aggravation des lésions; au

contraire une DR partielle remplaçant une DR complète indique une

rétrocession des altérations nerveuses.

Dans les affections nerveuses d'ordre plus spécialement médical on

doit faire valoir des considérations analogues. Dans les affections il marche

progressive, comme la sclérose 1;U ? rale muyotropliiyne, la syringomyélie,

la poliomyélite antérieure chronique, etc., la DR partielle indique seu-

lement des altérations nerveuses moins accentuées que la DR complète,

mais elle ne permet pas de préjuger de l'avenir, puisque le plus souvent les

lésions continuent à se développer, ou que, pour le moins, elles restent

définitivement acquises, ainsi qu'on l'observe parfois dans des syringo-

myélies s arrêtant plus ou moins longtemps dans leur évolution.

S'il s'agit d'affections dont la cause n'est que transitoire, l'absence ou

la présence de la DR d'une part, le degré de la DR d'autre part, ont. une

signification importante pour le pronostic. Dans ces cas encore, il y a

lieu de tenir compte de la nature de la maladie et du siège originel des

altérations; ainsi à égalité de développement de la DR le pronostic est

souvent plus grave lorsque les altérations portent primitivement sur les

cellules des neurones que lorsqu'elles portent seulement sur leurs pro-

longements périphériques. Il suffira pour donner quelques exemples, de

passer rapidement en revue la valeur pronostique de la DR dans la

poliomyélite antérieure aiguë, dans les radiculites et dans les polYI1l;-

vrites.

Dans la poliomyélite antérieure aiguë, la présence de la DR complète

indique des altérations graves, ne permettant pas d'espérer une bonne

réparation des neurones et des muscles; une amélioration n'est pas com-

plètemcnt impossible mais la réparation reste toujours très imparfaite et

ne se produit que lentement après de nombreux mois, souvent plusieurs

RÉACTION DE DÉGÉNÉRESCENCE AU POINT DE VUE DU PRONOSTIC. 1201 1

années; la DR seulement partielle indique des lésions moins graves,

aboutissant après un temps assez long, plusieurs mois au moins, souvenl

une année, parfois davantage, à une réparation meilleure, bien qu'incom-

plète assez souvent; de simples altérations quantitatives, sans DU, indi-

quent des lésions légères ou des troubles passagers, disparaissant assez

rapidement et ne laissant guère de traces après quelques semaines.

Dans la polynévrite, le pronostic de la DR complète est souvent moins

grave; la réparation, en effet, peut se faire beaucoup mieux que dans les

poliomyélites, mais elle nécessite aussi un temps assez long, atteignant

une année ou davantage ; parfois aussi la réparation n'est que très impar-

faite et la présence de la DR complète oblige à un pronostic assez réservé

dans les premiers temps ; plus tard seulement, au bout de quelques mois,

suivant la façon dont évolue la DR dans le sens soit de la non-réparation,

soit au contraire d'une réparation plus ou moins accentuée, le pronostic

peut être posé plus sûrement. La DR partielle dans les polynévrites

indique des altérations généralement curables, dont la durée peut être

prévue d'après le degré de la DR partielle ; plusieurs mois au moins sont

nécessaires, même dans les cas les plus favorables, pour que la guérison

se produise. Quand la DR fait défaut et qu'il n'existe que de simples

altérations quantitatives de l'excitabilité électrique, la réparation est

^beaucoup plus rapide et peut être bonne en quelques semaines.

... Dans les radiculites, la signification pronostique de la DR tient pour

ainsi dire l'intermédiaire entre sa signification dans les poliomyélites et

sa signification dans les polynévrites. Même avec de la DR complète la

réparation se fait généralement mieux que dans les poliomyélites ; elle

n'est cependant pas toujours totale ; souvent elle se montre moins bonne

que dans les polynévrites, soit en raison de lésions concomitantes des

cellules des neurones, soit par le fait d'altérations produites secondaire-

ment sur ces cellules, l'une et l'autre de ces conditions paraissant plus

fréquentes dans les radiculites que dans es polynévrites.

La signification pronostique de la DR est donc subordonnée au diag-

nostic : elle ne peut être établie avec quelque certitude que lorsqu'on a

reconnu la nature de la maladie et lorsque la cause qui a donné lieu à la

DR n'est plus persistante et n'est plus active. De plus, pour poser le pro-

nostic, il importe d'attendre que les altérations de l'excitabilité électrique

aient eu le temps de se produire; dans les jours qui suivent une lésion

nerveuse ou l'invasion d'une maladie atteignant les neurones, on

peut prévoir le développement de la DR par les modifications quantita-

tives de l'excitabilité électrique, mais on ne la reconnaîtra d'une façon

positive et on ne pourra juger de sa forme et de son degré qu'après

deux il trois semaines. C'est à partir de ce moment seulement qu'on

pourra tirer les conclusions qu'elle comporte au point de vue du pronos-

tic ('). Ainsi, pour prendre un exemple souvent cité, dans les paralysies

1. Dans certains cas de lésions des neurones moteurs périphériques susceptibles d'en-

traîner de la DR avec processus aigu, on observe de bonne heure, dès les premières

[E. HUET.] ]

t262 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

faciales dites a frigore ou rhumatismales, et dans les paralysies faciales

d'origine infectieuse, la DR complète indique une paralysie grave, qui

ne guérira certainement pas avant six mois, un an ou même davantage,

qui, peut-être aussi, ne guérira pas complètement et qui expose au déve-

loppement d'une contracture secondaire plus ou moins prononcée. La

DR partielle indique une paralysie de moyenne intensité devant guérir

vraisemblablement dans l'espace de six mois à un an, et dans laquelle la

contracture secondaire peut être souvent évitée. L'absence de DR indique

une paralysie légère, devant guérir rapidement en quelques semaines

et n'exposant pas à de la contracture secondaire. Le même pronostic ne

saurait être établi pour des paralysies faciales dont la cause peut être

persistante, comme les paralysies faciales d'origine otitique, les paralysies

faciales par compression produites par des tumeurs de la parotide, de la

base du crâne ou de l'encéphale, etc. ; si la cause a cessé d'agir le même

pronostic peut se vérifier ; si au contraire, la cause persiste et continue

son action nocive, une paralysie légère peut faire place il une paralysie de

moyenne intensité, ou celle-ci à une paralysie plus grave.

RÉACTION MYOTONIQUE f

La réaction myotonique (My R) constitue un autre syndrome électrique

présentant sous quelques rapports, de légères ressemblances avec la DR;

mais elle en diffère par de nombreux caractères et par sa signification.

Certaines altérations de l'excitabilité électrique avaient été signalées déjà

dans des observations de maladie de Thomsen (myotonie congénitale),

mais la réaction myotonique n'est bien connue que depuis 1885, époque

à laquelle Erb a groupé et mis en relief ses divers caractères.

Les caractères les plus importants de la réaction myotonique sont

fournis, comme dans la réaction de dégénérescence, par les altérations

de l'excitabilité des muscles. Les contractions provoquées par l'excitation

électrique des muscles deviennent, en effet, facilement toniques et plus

ou moins persistantes : elles se prolongent au delà de l'excitation pendant

un temps variable souvent assez long. De plus, dans certaines conditions,

les contractions ainsi provoquées ne sont pas régulièrement soutenues,

mais elles se trouvent soumises à des oscillations alternativement crois-

santes et décroissantes; ces contractions ondulatoires des muscles ne

semaines parfois, une grande diminution de l'excitabilité galvanique des muscles associée

il une grande diminution ou à l'abolition de l'excitabilité faradique; en même temps les

modifications qualitatives de l'excitabilité galvanique des muscles sont atténuées, la le»-

teur des contractions n'est pas très prononcée et l'inversion polaire peut. être peu accusée.

J'ai observé cette forme de DR non seulement dans des lésions de nerfs périphériques mais

encore dans des lésions des racines nerveuses et dans des lésions des cornes antérieures;

elle comporte une signification pronostique plus favorable que la forme commune de la

DR dans laquelle, il cette période, l'excitabilité galvanique des muscles est bien conservée

en quantité, souvent même augmentée, avec altérations qualitatives très prononcées ; la

motilité volontaire reparaît en général plus tel et finalement la réparation est plus rapide

et souvent plus complète.

RÉACTION MYOTONIQUE. 1265

sont pas constantes, mais, quand elles existent, elles constituent un

caractère assez important de cette réaction.

Dans la réaction myotonique les modifications de l'excitabilité électrique

ne se comportant pas exactement de la même façon sm les nerfs et sur

les muscles, il convient, pour prendre une idée plus complète de cette

réaction, de passer en revue les modifications de l'excitabilité électrique

des nerfs et les modifications de l'excitabilité électrique des muscles ; il

y a aussi intérêt à considérer par comparaison les modifications de l'exci-

tabilité mécanique des nerfs et des muscles.

Nerfs. L'excitabilité électrique des nerfs est relativement peu

modifiée. Leur excitabilité faradique reste sensiblement normale en

quantité. Avec des chocs faradiques isolés elle reste aussi sensiblement

normale en qualité, si forts que soient les courants. Avec des courants

tétanisants (courants à intermittences fréquentes) le tétanos musculaire

ne persiste pas au delà de l'excitation, lorsqu'il s'agit des excitations

minimales; en augmentant l'énergie des courants on voit la contraction

persister un temps appréciable après l'interruption du courant excitateur.

L'excitabilité galvanique des nerfs reste de même sensiblement normale

en quantité et n'est que peu altérée en qualité ; c'est tout au plus si on

observe un peu de retard dans l'apparition de N F Te; cependant, en

sommant les excitations par la répétition fréquente des fermetures du

courant, ou encore avec des courants labiles, on peut observer aussi la

persistance des contractions.

Muscles. Dans l'excitation directe des muscles les modifications

caractéristiques de l'excitabilité électrique apparaissent avec tout leur

développement. L'excitabilité faradique des muscles est souvent aug-

mentée et elle est modifiée dans ses qualités. Avec les chocs faradiques

isolés et avec les excitations minimales des courants tétanisants, les

contractions restent sensiblement normales. Avec des courants tétani-

sants plus forts la persistance des contractions apparaît ; au moment où

on interrompt le courant excitateur, le muscle ne revient pas immédiate-

ment à l'état de repos, il ne se décontracté que lentement, et sa

décontraction n'est complète qu'après un temps variable, de quelques

secondes à une minute ou davantage, suivant les cas. Lorsque les courants

tétanisants sont forts et un peu prolongés, la contraction tétanique du

muscle n'est pas toujours continue et régulière, mais elle s'accompagne

parfois de mouvements ondulatoires plus ou moins fréquents non seule-

ment pendant le temps de l'excitation, mais encore pendant la dècoutiac-

tion lente qui la suit.

Eu renouvelant convenablement avec les courants faradiques les

excitations du muscle, on voit la répétition des excitations produire le*

mêmes effets que la répétition des mouvements volontaires : le spasme

myotonique diminue peu il peu et finit même par disparaître, de sorte

que la contraction ne persiste plus au delà de l'excitation et la décontrac-

tion s'effectue rapidement.

ff R ! 'rE1\

J2H4 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

Pour observer ce résultat il faut, si l'on emploie des courants fara-

diques tétanisants (courants à intermittences fréquentes) prendre des

courants d'énergie modérée et répéter des excitations assez courtes, de

quelques secondes de durée seulement, en laissant entre chaque excita-

tion un intervalle de repos de quelques secondes également. On peut

observer le même résultat avec des courants à intermittences semi-fré-

quentes ne provoquant dans l'état normal qu'un tétanos incomplet. Dans

le cas de réaction myotonique, si l'on prolonge quelque temps l'excitation,

on voit se produire d'abord un spasme myotonique avec tétanisation plus

complète qu'elle ne le serait dans l'état normal, puis le spasme rnyoto-

nique se résout peu à peu, la tétanisation du muscle devient moins

complète, et les secousses plus ou moins fusionnées prennent l'étendue

qu'elles auraient dans l'état normal. On observe encore un effet sem-

blable avec des courants il intermittences assez peu fréquentes qui, dans

l'état normal, provoquent des secousses musculaires rapprochées mais

distinctes les unes des autres; dans le cas de réaction myotonique, on

voit souvent ces courants produire au début de l'excitation une tétanisa-

tion incomplète, puis celle-ci se résout peu à peu et les contractions

deviennent distinctes et séparées les unes des autres comme elles

l'auraient été dans l'état normal dès le début de l'excitation.

L'excitabilité galvanique des muscles est généralement un peu

augmentée; des courants de faible intensité, un quart, un demi, un

milliampère, provoquent souvent des contractions et l'excitation s'étend

facilement aux muscles voisins. Au point de vue qualitatif, l'action de

l'anode devient souvent égale ou un peu supérieure à celle de la cathode,

rappelant ainsi ce qu'on observe dans la réaction de dégénérescence.

Cette action prédominante de. l'anode n'existe pas toujours, cependant,

pour les excitations minimales; elle est souvent plus manifeste et

plus constante, avec les excitations un peu plus fortes, pour la produc-

tion des contractions toniques et persistantes.

Les contractions se trouvent, en effet, modifiées dans leur forme : au

seuil de l'excitation, les contractions restent quelquefois assez brèves,

mais avec des courants un peu plus intenses les contractions deviennent

bientôt toniques, surtout à la fermeture de l'anode, et persistent, meute

après l'ouverture du courant, un temps variable de quelques secondes il

une demi-minute, ou même davantage. La lenteur et la tonicité des

contractions sont généralement les plus accentuées dans le voisinage de

l'électrode excitatrice, sur les faisceaux musculaires exposés à la plus

forte densité du courant. La répétition des excitations de fermeture, avec

les courants galvaniques, produit les mêmes effets que la répétition des

excitations avec les courants faradiques, c'est-à-dire la diminution pro-

gressive, parfois même la disparition de la lenteur et de la tonicité des

contractions qui redeviennent brèves et sans persistance, si les courants

ont une intensité modérée.

On a dit que dans la réaction myotonique les courants galvaniques

RÉACTION troTOwnrt;. 9s

provoquaient seulement des secousses de fermeture et ne provoquaient

pas de secousses d'ouverture. Cette règle n'est pas absolue; avec des

courants suffisamment intenses, les secousses d'ouverture apparaissent

aussi, surtout avec l'anode et elles se montrent également toniques et un

peu persistantes.

Enfin, avec les courants galvaniques, des courants stables, d'intensité

assez élevée, peuvent provoquer des contractions musculaires rythmiques

et ondulatoires, surtout lorsque les muscles sont parcourus par le courant

dans le sens de leur longueur, c'est-à-dire lorsque l'électrode exploratrice

est appliquée sur le tendon terminal des muscles, ou à l'extrémité des

membres, à la paume de la main ou sur le dos du pied par exemple; on

voit apparaître alors des contractions toniques, irrégulièrement soutenues,

avec oscillations rythmiques qui donnent lieu à des soulèvements ondula-

toires des muscles paraissant suivre une direction déterminée et aller de

la cathode -il l'anode.

Les contractions rythmiques ondulatoires, ainsi provoquées, semblent

d'ailleurs moins constantes que les autres manifestations de la réaction

myotonique. Elles sont parfois difficiles à faire apparaître, car elles ne se

montrent souvent qu'avec des courants assez intenses et assez prolongés

qui ne sont pas toujours suffisamment supportés, en raison des douleurs

qu'ils provoquent. On peut parfois faciliter l'apparition de ces contrac-

tions ondulatoires au moyen de certains artifices : en augmentant et

diminuant à plusieurs reprises l'intensité du courant; en renversant le

sens du courant plusieurs fois et à intervalles rapprochés ; en faisant

glisser les électrodes sur la région ou elles sont appliquées, en répétant

fréquemment l'examen.

Parallèlement aux modifications de l'excitabilité électrique, il existe des

modifications de l'excitabilité mécanique des nerfs et des muscles. Sur

les nerfs, cette excitabilité est plutôt diminuée ; sur les muscles elle est au

contraire augmentée et elle se trouve plus ou moins modifiée dans sa

qualité. Les contractions provoquées par l'excitation mécanique des

muscles se montrent lentes et plus ou moins durables; suivant l'intensité

de l'excitation et aussi suivant l'état des muscles, elles restent localisées

aux faisceaux musculaires percutés ou s'étendent il la totalité du muscle.

La persistance de la contraction varie, suivant les cas, de quelques

secondes à une demi-minute, une minute ou davantage; parfois, pendant

que le muscle opère sa décontraction lente on le voit agité de petits mou-

vements irrégullcrs analogues aux mouvements ondulatoires dont il a été

question à propos des modifications de l'excitabilité électrique. Les

contractions réflexes provoquées par la percussion des tendons sont, au

contraire, généralement vives et sans persistance.

Les modifications de l'excitabilité électrique et mécanique des muscles

dans la réaction myotonique paraissent avoir une origine 111y'01)at11111r1C et

dépendre d'altérations des fibres musculaires. Elles constituent des signes

objectifs important ? pour le diagnostic de la maladie de Thomsen et elles

I HATIQUK \EUItOI..

80

[E. HUET.]

1266 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

permettent d'écarter, quand elles existent, tout soupçon de simulation.

Il convient de se rappeler, quand on recherche la réaction myotonique,

que les troubles de l'excitabilité électrique et mécanique, ainsi que

d'ailleurs les troubles de la motilité volontaire, ne sont pas toujours

également développés en tout temps dans la maladie de Thomscn et qu'ils

peuvent n'apparaitre que d'une façon intermittente, sous l'influence du

froid par exemple. Il faut se rappeler aussi que, pendant l'exploration

électrique, sous l'influence de la répétition des excitations, divers carac-

tères de la réaction myotonique peuvent être atténués; quelques-uns

même peuvent disparaître complètement d'une façon transitoire.

Avec E. Remak on pourrait admettre comme réaction myotonique

incomplète la tendance à l'apparition de la persistance des contractions

aussi bien à NF qu'à PF, avec de faibles courants galvaniques, réaction qui

a été signalée par Eulenburg dans la paramyotonie familiale congénitale

(rigidité transitoire des muscles produite sous l'influence du froid). Cette

interprétation paraît d'autant plus vraisemblable que Delprat a rencontré

dans une même famille, en même temps que des membres atteints de

paramyotonie, d'autres membres atteints de myotonie vraie avec réaction

myotonique complète.

Il ne faut pas considérer comme des manifestations de la réaction

myotonique la persistance des contractions tétaniques que l'on observe

parfois, en dehors même de tout état pathologique, avec des excitations

faradiques fortes, surtout lorsqu'elles sont douloureuses (Erb,). Dans cer-

taines conditions pathologiques, notamment dans des névrites, les con-

tractions tétaniques persistantes produites par de forts courants faradiques,

deviennent très prononcées; divers caractères permettent de les distin-

guer en général des contractions toniques lentes et persistantes de la

réaction myotonique; en effet, dans ces cas, l'excitabilité faradique des

nerfs et des muscles est habituellement diminuée, parfois dans des pro-

portions très grandes ; des courants tétanisants (c'est-à-dire des courants

forts et avec intermittences fréquentes) provoquent seuls ces contractions

tétaniques persistantes; elles sont douloureuses et pendant leur durée le

muscle est très dur, comme contracture et en état de crampe véritable;

les courants avec intermittences assez peu -fréquentes (ZI à 15 par seconde)

ne provoquent pas l'apparition d'un spasme myotonique, suivi bientôt du

retour graduel et progressif des muscles aux conditions de l'excitabilité

normale.

Bien que la réaction myotonique paraisse plus spécialement sous la

dépendance de la maladie de Thomsen, il convient de signaler qu"(dle a

été constatée par Talma, avec tous ses caractères, dans des cas qu il a

décrits sous le nom de myotonie acquise, présentant les mêmes troubles

de la motilité volontaire que la maladie de Thomscn, mais s'en distin-

guant par leur apparition à une époque plus ou moins avancée de la vie

et aussi par leur curabilité.

Dans des troubles de l'appareil musculaire décrits par Schllltzc sous le

RÉACTION MYASTHÉNIQUE. 1267

nom de myokymie (mouvements ondulatoires spontanés des muscles),

des altérations de l'excitabilité électrique des muscles, rappelant quel-

ques-unes des manifestations de la réaction myotonique, ont été constatées,

mais nombre de caractères de la réaction myotonique faisaient défaut.

A la réaction myotonique on pourrait opposer la réaction neurotonique,

ainsi nommée par Marina et E. Remak, qui ont signalé des modifications

de l'excitabilité électrique rappelant par quelques caractères la réaction

myotonique; elles s'en distinguaient par le fait qu'elles se montraient

surtout à l'occasion de l'excitation des nerfs au lieu de dépendre princi-

palement de l'excitation des muscles. La réaction neurotonique reste

encore assez peu définie par ses divers caractères et surtout par les con-

ditions pathologiques dans lesquelles elle se rencontre. (Marina l'a cons-

tatée chez deux hystériques et E. Remak chez un malade présentant des

troubles des mouvements et de l'atrophie musculaire probablement d'ori-

gine myélopathique.)

RÉACTION MYASTHÉNIQUE

Sous le nom de réaction myasthénique Jolly a signalé des troubles de

l'excitabilité électrique observés dans un genre d'affections qu'il a appelées

myasthénie pseudo-paralytique. Ces troubles ont été rencontrés dans les

affections particulièrement étudiées par Erb et Goldflam auxquelles on

donne souvent le nom de paralysie bulbaire asthénique. Il existe dans ces

cas de la parésie plus ou moins prononcée avec fatigabilité rapide des

muscles donnant lieu à un épuisement plus ou moins complet de la moti-

lité volontaire. Les territoires d'innervation bulbaire sont généralement

plus spécialement atteints; les mêmes troubles peuvent exister aussi et

parfois même prédominent dans des territoires d'innervation spinale.

Les modifications de l'excitabilité électrique dans la réaction myastlié-

nique consistent essentiellement en l'épuisement plus ou moins rapide et

plus ou moins complet de cette excitabilité. On les obtient surtout avec

les courants faradiques. Si l'on soumet un nerf ou un muscle à l'excita-

tion d'un courant faradique à intermittences fréquentes, courant tétani-

sant, en prolongeant convenablement cette excitation, on voit la contrac-

tion musculaire s'affaiblir rapidement et graduellement et disparaître

même complètement. Si on augmente alors l'énergie dn courant la

contraction reparait d'abord, mais faible, puis elle continue a s'affaiblir

pour disparaître de nouveau. Si, au lieu d'une excitation tétanisantes

soutenue, on emploie des excitations tétanisantes rythmées, séparées par

des intervalles de repos de quelques secondes, l'épuisement de la contrac-

tion se produit moins rapidement; avec des excitations suffisamment

énergiques, assez prolongées, et plus ou moins répétées, l'épuisement de

la contraction finit cependant par apparaître, au début de chaque

excitation le muscle se contracte, mais le tétanos ne se maintient pas

comme dans l'état normal, il va en s'affaiblissant pendant la durée de

i

. [E. HUET.]

1268 . ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

l'excitation; avec la répétition des excitations la tétanisation musculaire

s'affaiblit de plus en plus et peut même disparaître complètement (') :

. Lorsqu'on a obtenu l'épuisement de l'excitabilité d'un nerf de la façon

qui vient d'être dite il suffit souvent de déplacer l'électrode excitatrice et

de la reporter sur un autre point du nerf pour voir reparaître l'excita-

bilité ; en prolongeant convenablement l'excitation, ou en répétant suffi-

samment les excitations, l'excitabilité s'épuise de nouveau. De même,

lorsqu'on a obtenu l'épuisement d'un muscle excité directement, si l'on

reporte l'électrode excitatrice sur un autre muscle du même territoire

nerveux, on constate la présence de l'excitabilité de ce muscle; généra-

lement aussi on en peut provoquer l'épuisement en prolongeant ou en

répétant les excitations.

Par un repos suffisamment prolongé les nerfs et les muscles, sur les-

quels s'est montré l'épuisement de l'excitabilité, redeviennent excitables.

En renouvelant alors leur excitation on provoque de nouveau l'épuise-

ment de leur excitabilité.

Avec les courants faradiques à intermittences espacées (chocs fara-

diques isolés) l'excitabilité des nerfs et l'excitabilité des muscles ne se

montre guère altérée et on n'obtient pas habituellement d'une façon

appréciable l'épuisement de la contractilité musculaire.

·1. Il ne faudrait pas prendre pour de la réaction myasthénique des troubles de

l'excitabilité électrique qu'on observe parfois dans certaines conditions, notamment

dans des atrophies musculaires plus ou moins prononcées, suites de poliomyélites on de

polynévrites. En pareils cas, il s'agit de muscles dont l'atrophie n'est pas complète et

dont l'excitabilité faradique est conservée, ou a reparu après avoir été momentanément

abolie. Celte excitabilité, toutefois, reste plus ou moins diminuée, et nécessite, pour

être mise en jeu, des courants assez forts. Si l'on excite un nerf animant ces muscles

plus ou moins atrophiés, il peut arriver qu'un muscle voisin de ce nerf se trouve plus

excitable et qu'en se contractant il éloigne l'électrode, excitatrice du nerf excité, dimi-

nuant ainsi l'excitation de ce nerf ou même la faisant cesser complètement. On voit

dans ces conditions les muscles animés par le nerf entrer en contraction au moment

où on établit l'excitation, et aussitôt après leur contraction diminue ou disparait; si,

après avoir interrompu le courant excitateur on le rétablit, les mêmes phénomènes se

reproduisent, et ainsi de même tant qu'on renouvelle les excitations. Lorsqu'au lieu

d'exciter un nerf on excite un muscle, on constate parfois des troubles semblables de

l'excitabilité électrique. En se contractant, le muscle se gonfle et éloigne ainsi l'élec-

trode des rameaux nerveux qui le pénètrent généralement par sa face profonde;

comme c'est au niveau de ces rameaux nerveux que se produit surtout l'excitation fara-

dique du muscle, on comprend ' que des effets semblables il ceux que nous venons de

voir pour l'excitation môme des nerfs puissent se manifester. Il ne s'agit pas en pareil

cas d'uu épuisement de la contraction musculaire comme dans la réaction myasthé-

nique, mais d'un affaiblissement de l'excitation produit par l'éloigncment de l'électrode

des points qui doivent être excités, éloignement faible, mais suffisant dans les condi-

tions actuelles de diminution de l'excitabilité pour produire la diminution ou la cessa-

tion de l'excitation efficace. Dans ces cas, on diminue ou l'on fait même disparaître les

troubles observés en modifiant convenablement les conditions de l'exploration, en ayant

soin, par exemple, de bien placer l'électrode aux points d'élection où l'excitation est la

meilleure, en ayant, soin aussi d'appuyer fortement l'électrode. Enfin, en augmentant

l'énergie du courant excitateur, on peut voir encore diminuer ou disparaître les troubles

dont il s'agit.

NERFS SENSITIFS ET SENSORIELS. 1'I : li'l'IGI, 'UI'l' : IlyUl ? 12Glt

Il en est de même pour les excitations galvaniques de fermeture même

fréquemment répétées; cependant j'ai vu dans un cas de paralysie asthé-

nique grave des excitations galvaniques assez fréquemment réitérées pro-

duire l'épuisement des contractions avec la cathode et avec l'anode; cet

épuisement n'était pas complet, la contractilité musculaire s'affaiblissait

assez rapidement et graduellement, mais elle ne disparaissait pas

complètement.

La réaction myasthénique se rencontre fréquemment dans les para-

lysies asthéniques bulbaires ou hulbo-spinales. Lorsqu'elle est très déve-

loppée l'épuisement de la contractilité musculaire avec les excitations

faradiques suffisamment prolongées peut être complet ; d'autres fois il est

moins complet, les contractions musculaires s'affaiblissent plus ou moins

vite et diminuent graduellement mais ne disparaissent pas tout à fait.

Il convient de rappeler aussi que cette réaction n'est pas constante

dans toutes les paralysies asthéniques; on l'a vue manquer dans des cas

où le syndrome d'Erb-Goldllcun était bien accusé.

Par contre, la réaction d'épuisement a été rencontrée, plus ou moins

prononcée, dans d'autres affections, telles que des paralysies cérébrales

(1 ? enedil;t), des cas de maladie de Basedow, de poliocncéphalites, de

poliomyélites, de paralysies hystériques, de neurasthénies (raumatiques.

On peut la développer artificiellement chez des personnes normales, soit

en anémiant un membre avec la bande d'Esmarch, soit en arrêtant la

circulation veineuse, comme dans la méthode de Bier (Marinesco).

NERFS SENSITIFS ET SENSORIELS - VERTIGE VOLTÀIQUE

Nerfs sensitifs de la peau et nerfs de la sensibilité générale. Le

courant électrique, galvanique et faradique, impressionne comme nous

l'avons déjà vu la sensibilité de la peau, et met en jeu l'excitabilité des

nerfs sensitifs. Avec un courant galvanique, suffisamment intense, on

perçoit normalement, au niveau des points d'application des électrodes,

une sensation de picotement et de chaleur, qui devient une sensation de

brûlure et de douleur souvent très vive lorsque l'intensité et la densité

du courant sont un peu élevées. Cette sensation se produit non seule-

ment à la fermeture du courant, niais elle persiste plus ou moins accusée

pendant la durée de son passage. On l'a rapportée pour une partie à l'ac-

tion des produits acides ou basiques mis en liberté par l'électrolyse, et

pour une partie aussi à l'action propre du courant électrique. Lorsque le

courant atteint le tronc ou un rameau d'un nerf sensitif on d'un neri

contenant des mets sensitifs, la sensation de picotement ou de fourmille-

nient se produit aussi il la périphérie dans la sphère de distribution du

nerf; elle est plus marquée, au moment des états variables du courant, à

la fermeture et a l'ouverture, mais se fait sentir aussi, lorsque le courant

est suffisamment intense, pendant le passage du courant. En dirigeant

leurs recherches sur des personnes analysant suffisamment leurs sensa-

LI : , HLET.7

1270 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

tions, et surtout en opérant sur eux-mêmes, les physiologistes ont trouvé

pour les nerfs sensitifs une formule d'excitation assez semblable à celle

des nerfs moteurs. Ils ont vu ainsi que les effets d'excitation des nerfs

sensitifs se produisent d'ahord à la fermeture : la première sensation est

perçue à NF et elle est de courte durée ; puis, si le courant est plus

fort, la sensation (picotements, fourmillements de direction excentrique)

devient durable tout en diminuant peu à peu pendant NI); puis apparaît

une sensation analogue, courte et plus faible à PO; plus tard se

montre il PF une sensation faible, ne se convertissant en sensation

durable pendant PI) qu'avec des courants plus forts ; enfin, avec des

courants forts, lorsqu'on a attendu suffisamment pour que la sensation

de ND ait disparu après avoir diminué progressivement (') on voit appa-

raître à NO une sensation faible mais bien nette.

Dans la pratique il est généralement très difficile d'examiner la sensi-

bilité en recherchant la manière dont se comporte la formule d'excitation

polaire par suite de la difficulté d'obtenir des patients une analyse suffi-

sante de leurs sensations. Il est souvent très difficile aussi d'obtenir une

distinction suffisante entre les sensations produites sous les électrodes et

les sensations produites dans la sphère de distribution du nerf. Le plus

souvent on doit se contenter de constater si la sensibilité galvanique est

augmentée ou diminuée ou si elle reste peu près normale. '

L'excitation faradique de la peau, avec des électrodes humides et des

courants suffisamment énergiques, provoque à chaque choc du couvant

induit une sensation brève et rapide de picotement dont le degré est en

rapport avec l'intensité et la tension du courant. Lorsque les intermit-

tences du courant sont rapides, la sensation devient continue, constric-

tive, désagréable et bientôt douloureuse. Si l'excitation porte au niveau

d'un tronc ou d'un rameau nerveux, la sensation se propage dans la sphère

de distribution du nerf. Dans tous ces cas elle est plus forte avec le pôle

négatif qu'avec le pôle positif. Mais, en général, dans l'exploration élec-

trique de la sensibilité cutanée on n'emploie pas des électrodes humides,

qui étendent facilement l'excitation aux parties profondes; on se sert

plutôt d'électrodes métalliques qui localisent davantage l'excitation à la

surface soit avec la méthode polaire, soit avec la méthode bipolaire, ainsi

qu'il a été dit précédemment (p. 1257).

L'exploration électrique ne peut donner connaissance des différents

modes de la sensibilité cutanée; le tact et la sensibilité à la température

doivent être explorés par des procédés spéciaux; la sensibilité électrique

se comporte, généralement de la même façon que la sensibilité à la dou-

leur. L'excitant électrique, dont il est facile de graduer l'énergie par les

1. Les sensations provoquées par le courant diminuent, en effet, progressivement

'pendant le passage du courant, et cela permet, dans les applications thérapeutiques, en

élevant plus on moins lentement et graduellement l'intensité, de faire agir de forts

courants qui n'auraient pas élé supportes si on les avait établis avec une semblable

intensité dès le début de l'application.

NERF OPTIQUE ET NERFS DU GOUT. 1271

procédés indiqués précédemment, peut donc être employé avec avantage

pour explorer la sensibilité à la douleur et rechercher si elle reste nor-

male ou si elle se trouve augmentée ou diminuée. Lorsque les troubles

portent sur un seul côté du corps l'examen est rendu facile par la compa-

raison avec le côté sain; il importe cependant de tenir compte, pour éta-

blir cette comparaison, de l'état de la résistance électrique. Lorsque les

troubles de la sensibilité portent sur les deux côtés du corps ils ne peu-

vent être estimés que par comparaison avec l'état de la sensibilité de per-

sonnes bien portantes ; des tables de cette sensibilité en diverses régions

du corps établies antérieurement avec le même appareil faciliteront beau-

coup cette comparaison; dans ces conditions encore il importe de tenir

compte de l'état de la résistance électrique.

¡ Dans l'examen de la sensibilité de la peau envers le courant électrique

on peut rechercher à quel moment le minimum de sensation commence : ' être perçu, puis à quel moment la sensation devient douloureuse. Il y

a parfois intérêt à explorer ainsi l'état de la sensibilité dans certaines

affections cérébrales et spinales, dans des compressions ou des sections

hémilaférales de la moelle, dans des névrites périphériques, dans l'hys-

térie et l'hystéro-neurasthénie, etc. Souvent le pinceau faradique a été

employé pour rechercher et déjouer la simulation; on peut être conduit

^dans ces cas il employer des courants assez forts et vivement douloureux.

On rencontre parfois une dissociation particulière de la sensibilité

électrique. Ainsi dans des cas de tabès, où le tact et la sensibilité à la

température étaient conservés, tandis qu'il existait de l'analgésie, on a

trouvé la sensibilité électrique conservée seulement en partie, la sensa-

tion produite par le courant était perçue, même avec des courants faibles,

à peu près comme dans l'état normal, mais à aucun moment cette sen-

sation ne devenait douloureuse, même avec des courants très forts.

Quelquefois la sensibilité envers les courants galvaniques se comporte

différemment de la sensibilité envers les courants faradiques, la première

étant conservée, parfois même plus ou moins exaltée, tandis que la se-

conde est plus ou moins diminuée. Ces particularités ont été rencontrées

dans des cas de tabes et dans des névrites.

Nerf optique et rétine. Nerfs du goût. Nerf olfactif. Le nerf optique

et la rétine assez peu sensibles aux courants faradiques sont au contraire

facilement impressionnés par les courants galvaniques, que ceux-ci soient

dirigés sur l'u'il à travers les paupières fermées ou qu'ils soient appliqués

dans son voisinage et parfois même à une distance assez grande. Sur

l'oeil ou dans son voisinage des courants de faible intensité, se comptant

par fractions de milliampères, suffisent souvent à provoquer des sensa-

tions lumineuses comparées par les patients à des éclairs, auxquelles

s'ajoutent souvent des sensations colorées. C'est particulièrement au

moment des états variables du courant ou à l'occasion de fluctuations

dans son intensité que se produisent ces sensations. On s'est efforcé de

déterminer comment celles-ci se comportaient aux divers moments de

[E HUET.]

-1 272K. v" < ? ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

V^riLfiNiSJ>^

l'onde galvanique en faisant agir plus spécialement Fini ou l'autre pôle.

On est arrivé à des résultats assez semblables comme formule d'excita-

tion polaire, mais différant souvent d'une personne il l'autre au point de

vue de la qualité des sensations lumineuses ou colorées. En passant de

la physiologie à la pathologie on a constaté, surtout dans les cas de lésions

de la rétine ou du nerf optique, des modifications dans les réactions com-

munément observées. De tous ces faits il ne se dégage pas jusqu'à pré-

sent pour les neurologistes de conclusions bien précises et bien définies

applicables d'une façon régulière à l'électro-diagnostic.

Les nerfs du goût sont aussi très facilement impressionnés par les con-

rants galvaniques non seulement quand ceux-ci sont directement appli-

qués sur la muqueuse linguale et buccale, mais encore quand ils sont

appliqués dans le voisinage, sur les joues par exemple, ou même à une

distance plus grande, sur le cou, la nuque et parfois sur la partie supé-

rieure du tronc. Les sensations gustatives se trouvent provoquées non

seulement par les états variables de fermeture et d'ouverture, mais aussi

par le passage du courant il l'état permanent. Du côté du pote positif on

observe une sensation acide, un goût métallique, du côté du pôle négatif

une sensation salée ou alcaline. Il n'est pas certain que ces sensations

soient exclusivement dues il l'action directe du courant sur les nerfs du

goùt; il semble très vraisemblable que les modifications de la salive dues

à l'électrolyse interviennent aussi dans leur production.

L'examen des sensations gustatives provoquées par le courant galva-

nique ne présente qu'un intérêt bien secondaire en électro-diagnostic.

Dans l'état actuel de nos connaissances il n'y a guère à tenir compte

que de la diminution ou de l'abolition de ces sensations; on les

observe principalement dans les cas de lésions du nerf lingual et du

trijumeau.

Les nerfs olfactifs se montrent au contraire peu sensibles envers les

courants électriques, et l'examen de leurs réactions ne présente guère

d'intérêt.

Nerf acoustique. Vertige Voltaïque. - Parmi les appareils senso-

riels, l'appareil auditif présente des réactions assez importantes il

connaître au point de vue électro-diagnostique. Ces réactions sont en

rapport les unes avec les fonctions d'audition, les autres avec les fonc-

tions d'équilibration.

Réactions auditives. Dans l'état normal le courant faradique impres-

sionne peu le nerf auditif. Dans certaines conditions pathologiques

ce courant provoque des sensations auditives, bruissements ou bourdon-

nements, qui semblent moins dues à l'excitation même du nerf auditif.

qu'à l'excitation des muscles de la chaîne des osselets; les bruits

produits par la contraction de ces muscles, trop faibles pour être

entendus par une oreille normale, se trouvent perçus par une oreille en

état d'hyperexcitabilité fonctionnelle.

Le courant galvanique donne difficilement aussi, dans l'état normal,

NERF ACOUSTIQUE. VERTIGE VOLTAÏQUE. 1275

des réactions auditives. Pour en obtenir il faut employer de forts

courants qui le plus souvent provoquent, à distance l'excitation du nerf

optique, des nerfs du goût et du nerf facial; de plus agissant sur

l'appareil d'équilibration ils provoquent en même temps des sensations

de vertige accompagnées de malaise plus ou moins prononcé et souvent

pénible. Dans certaines conditions pathologiques les sensations auditives

deviennent beaucoup plus faciles à provoquer; généralement elles

apparaissent d'abord avec le pôle négatif à la fermeture puis avec le

pôle positif à l'ouverture, restant plus fortes et plus prolongées à l\F

qu'à P 0; il est plus rare d'obtenir des sensations à PF et à NO, on pent

l'observer cependant et même voir P F prédominer sur N F.

Les réactions auditives provoquées par les courants galvaniques

paraissent dépendre de l'excitation même des terminaisons du nerf

acoustique. Pour les rechercher, de même que pour rechercher les

réactions provoquées par les courants faradiques, quand il en existe, il

convient d'employer la méthode polaire. L'électrode indifférente est

placée sur le sternum ou de préférence sur la partie supérieure du

dos. L'électrode exploratrice, représentée parmi petit tampon avec revê-

tement spongieux et bien mouillé, est placée sur le tragus au-devant de

1 oreille que l'on veut examiner; ou bien, représentée par une petite

olive recouverte de ouate hydrophile mouillée, elle est introduite dans 1

conduit auditif externe. '

Il peut arriver, en pratiquant l'examen de cette façon, que les réac-

tions auditives se produisent exclusivement, ou bien qu'elles prédo-

minent dans l'oreille opposée, phénomène que Brenner à appelé réaction

paradoxale de l'acoustique et que Erb a expliqué par Follet de pôles

virtuels agissant sur cette oreille. Généralement l'oreille sur laquelle se

produisent les sensations auditives dans la réaction paradoxale réagit

comme si l'électrode indifférente était appliquée sur. elle, le maximum

de la sensation perçue s'y manifeste donc lorsque l'électrode exploratrice

placée sur l'autre oreille correspond au pôle positif avec une ferme-

ture du courant, PF : souvent aussi une sensation auditive est

produite, mais plus faiblement, avec le pôle négatif au moment de

l'ouverture, NO.

Ainsi, lorsqu'on recherche comme nous venons de le dire les réactions

auditives, deux ordres de cas peuvent se présenter : ou il ne se mani-

feste pas de réactions auditives, ou il s'en produit.

Dans le premier cas, lorsqu'il ne se produit pas de sensations

auditives, on se trouve en présence soit d'une oreille normale, soit de

lésions légères si pour d'autres raisons l'examen olologique a montré

que l'oreille doit être malade, soit de simples troubles fonctionnels

comme dans la surdité hystérique, soit au contraire de lésions graves et

d'une dégénérescence complète du nerf.

Dans le second cas, lorsqu'il se produit plus ou moins facilement des

sensations auditives, on doit en rechercher la cause soil dans une

, [E. MUET.1

1274 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

conductibilité plus grande des tissus de l'oreille comme on l'observe

dans la furonculose du conduit auditif externe, ou dans l'otite moyenne

surtout avec épanchement, ou dans l'hyperémic de l'oreille interne

(labyrinthe), soit dans une irritabilité plus grande du nerf dépendant

d'une otite interne, ou d'une névrite du nerf acoustique, ou d'affections

augmentant la pression intra-cranienne comme les tumeurs de l'encé-

phale, les méningites, les traumatismes crâniens.

La présence de sensations auditives facilement obtenues entraîne le

plus souvent un pronostic assez sérieux ou grave; elle devient au

contraire assez favorable dans les otites anciennes, en montrant que le

nerf auditif n'est pas complètement dégénéré.

Vertige voltaïque. Les réactions électriques de l'appareil auditif en

rapport avec les fonctions d'équilibration constituent ce que l'on a appelé

le vertige voltaïque. On peut les rechercher avec la méthode polaire,

comme précédemment les réactions auditives. Mais en pratique, au point

de vue des indications qu'on en peut retirer, il est préférable de recher-

cher le vertige voltaïque en plaçant symétriquement les électrodes dans

le voisinage de l'une et l'autre oreille. On prendra, par exemple, deux

tampons humides, de dimensions moyennes, 3 à 4 centimètres de

diamètre, et on les placera respectivement sur chaque tempe, ou sur

chaque apophyse mastoïde, ou de préférence au-devant de chaque

oreille, à la hauteur ou un peu au-dessus du tragus, comme le fait

Babinski qui a particulièrement étudié les indications fournies par le

vertige voltaïque. Les électrodes seront tenues à la main, ou, ce qui

vaut mieux, fixées au moyen d'une bande élastique ou d'une bande de

crêpe.

On peut obtenir le vertige voltaïque en laissant passer librement, sans

interruptions, un courant galvanique dont on augmente graduellement

l'intensité. Dans ces conditions le mode de graduation du courant a une

influence appréciable sur le moment d'apparition du vertige; celui-ci

apparaît plus facilement avec le collecteur d'éléments, qui donne lieu à

des fluctuations d'intensité plus ou moins grandes en passant d'un

élément à l'autre, qu'avec le rhéostat ou le réducteur de potentiel qui

augmentent l'intensité par une progression beaucoup plus régulière.

Pour obtenir des résultats plus facilement comparables, il vaut mieux

rechercher le vertige voltaïque en provoquant de temps à autre des inter-

ruptions et des rétablissements du courant. On commence avec un cou-

rant faible, de 1 à 2 ni. t1. ; en restant cette intensité ou interrompt et on

rétablit le courant à plusieurs reprises; on élève ensuite l'intensité il 5 ou

4 m. A. et de nouveau on interrompt et rétablit plusieurs fois le courant;

puis, s'il y a lieu, on continue il élever le courant en augmentant succes-

sivement l'intensité de 1 ou 2 ni. A. et en faisant quelques interruptions

et rétablissements du courant après chaque augmentation. Dans l'état

normal, à un moment de l'examen ainsi poursuivi, le plus souvent avant

qu'on arrive à 6 ou 8 m. A., le patient accuse une sensation d'étourdis-

NERF ACOUSTIQUE. VERTIGE VOLTAÏQUE. 1275

sement et de vertige, et généralement il se sent entraîné vers l'électrode

qui correspond au pôle positif. Ce n'est d'abord qu'une sensation subjec-

tive ; niais, si on laisse passer le courant et surtout si on l'augmente un

peu, à la sensation subjective de vertige s'ajoutent des phénomènes

objectifs, il se produit une inclination et une rotation de la tête vers le

côté armé de l'électrode positive, et le patient se trouve exposé à perdre

complètement l'équilibre et à tomber, surtout lorsqu'il est debout. En

même temps on observe souvent du côté des yeux du nystagmus latéral.

Généralement les sensations subjectives de vertige et les phénomènes

objectifs d'inclination de la tète et du tronc apparaissent plus facilement

et se trouvent augmentés avec l'occlusion des yeux.

Après avoir recherché le vertige voltaïque avec une direction déter-

minée du courant, il convient de le rechercher de nouveau en donnant au

courant une direction inverse. En reprenant, pour commencer, de faibles

intensités, et en poursuivant l'examen de la même façon que précédem-

ment, il y a lieu d'observer non seulement à quelle intensité se reproduit

l'inclination de la tête, mais encore dans quel sens elle se fait.

Dans l'état pathologique le vertige voltaïque peut être modifié de deux

façons, en quantité et en qualité. En quantité, ou bien il apparaît plus

facilement, ou au contraire il s'obtient plus difficilement que dans l'état

normal. En qualité la sensation d'entraînement et l'inclination de la tête

au lieu de se produire régulièrement vers le côté du pôle positif, dans les

deux directions du courant, se produit constamment du même côté,

aussi bien lorsque celui-ci est en rapport avec le pôle négatif que lors-

qu'il est en rapport avec le pôle positif. Le vertige voltaïque se produit

de cette dernière façon dans les affections de l'oreille qui atteignent le

labyrinthe; dans ces cas il peut y avoir au point de vue quantitatif résis-

tance au voltaïque, mais l'entraînement se fait, pour l'une et

l'autre direction du courant, du côté de l'oreille malade si l'affection

est unilatérale, du côté de l'oreille la plus malade si l'affection est

bilatérale. Toutefois dans les cas où tous les organes labyrinthiques sont

détruits, ou lorsqu'il y a une dégénérescence complète du nerf acoustique,

le vertige voltaïque fait complètement défaut.

Il semble bien, en effet, actuellement que le vertige voltaïque est dû à

l'excitation des organes du labyrinthe, où se termine la branche vestibu-

laire de l'acoustique (nerf du sens de l'espace), et non à l'action du

courant électrique sur le cerveau ou sur le cervelet, comme on l'avait

cru autrefois.

Ce serait aussi par retentissement sur les organes du labyrinthe que

l'augmentation de pression du liquide céphalo-rachidien rendrait plus

grande la résistance au vertige voltaïque, comme on l'observe dans le cas

de tumeurs intracranienncs (Babinski et Cestan); souvent alors le vertige

n'apparaît qu'avec 12, 15 ou 20 m. A.

En rapprochant les renseignements fournis par l'examen des sensa-

tions auditives de ceux fournis par l'examen du vertige voltaïque on

[E. HUET] ]

1276 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

obtient des indications importantes sur l'état de l'appareil auditif. (') Ces

indications sont résumées dans le tableau ci-contre, page 1277 () :

RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE DU CORPS

La résistance électrique du corps humain se distingue de la résistance

des autres conducteurs par diverses particularités. Elle diffère sous de

nombreux rapports de la résistance des conducteurs métalliques; elle se

rapproche davantage de la résistance, des conducteurs électrolytiques.

mais elle en diffère cependant par suite de réactions produites par le

passage du courant. .

La résistance du corps ne se comporte d'ailleurs pas d'une faron iden-

tique pour les divers genres de courants; elle n'est pas exactement son-

blable avec les courants faradiques et avec les courants galvaniques; et

même pour ces derniers elle diffère notablement suivant que l'on consi-

dère le courant dans son état continu ou dans ses étals variables. Il ne

nous est pas possible d'aborder ici les diverses questions qu'entraîne

l'étude de la résistance électrique du corps ; nous devons cependant en

dire quelques mots en raison de quelques particularités qu'il importe de

connaître dans la pratique courante, en raison aussi des quelques appli-

cations que l'on a cherché à en tirer pour l'électro-diagnostic.

Résistance électrique du corps envers le courant galvanique con-

tinu. Si l'on établit, avec un faible voltage de manière à avoir une

intensité assez faible, un courant galvanique continu entre deux régions

du corps il l'aide de deux électrodes spongieuses, bien mouillées (3) et

placées sur un épidémie intact, on voit, au moment de l'établissement du

courant, l'aiguille du galvanomètre indiquer une certaine intensité. Celle-

ci est en rapport avec la résistance initiale opposée par le corps au cou-

rant électrique. mesure que le courant passe on voit l'intensité s'élever

plus ou moins rapidement, et pendant plus ou moins longtemps (de plu-

sieurs minutes généralement à un quart d'heure ou davantage) jusqu'à

un moment où l'intensité ne varie plus ; la résistance a alteint un mini-

mum relatif, passant pour arriver à ce minimum par une période de

chute de la résistance . Le minimum atteint n'est que relatif; en effet, si

on augmente alors le voltage et qu'on établisse de nouveau le courant,

l'intensité prend immédiatement une valeur qui correspond à une résis-

tance plus faible que celle du minimum relatif précédent. Si on laisse

passer le courant, l'intensité s'élève de nouveau graduellement et atteint

1. Roqiks. Etal, actuel de l'Eleclrodiagnostic dans les olopalhies, Archives d'électri-

cité médicale, 2;') juillet 'l 909.

2. 1'10(;1 ? 11, l : lccrrotlrérapie, Paris, t9C'\ "

5. Au lieu de mouiller les électrodes avec de l'eau ordinaire, il vaut mieux si

l'on veut se trouver dans des conditions plus rigoureusement comparables, les mouiller

avec une solution saline un titre défini, avec, une solution de chlorure de sodium a

1 pour 100 par exemple, ou mieux encore avec une solution de chlorure de potassium

également à 1 pour 100. ,

RÉSULTATS FOURNIS PAR L'EXAMEN DES RÉACTIONS ÉLECTRIQUES

- . DE L'APPAREIL AUDITIF - '

1278 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC...'

plus ou moins rapidement une valeur correspondant à un nouveau mini-

mum relatif de la résistance. Les mêmes phénomènes se reproduisent si

l'on augmente encore le voltage : nouvelle valeur de la résistance moindre

que celle du minimum relatif qui précède, nouvelle période de régime

décroissant de la résistance aboutissant à un nouveau minimum relatif et

ainsi de même tant que la résistance n'a pas atteint son minimum absolu.

La résistance initiale est d'autant plus faible, la chute de la résistance

est d'autant plus rapide et d'autant plus grande, le minimum relatif

atteint est d'autant plus bas que l'intensité donnée au courant est dès le

début plus élevée. Le minimum absolu est lui-même d'autant plus vite

obtenu que les intensités successives sont plus fortes.

Si, après que la résistance est arrivée à son minimum absolu, ou

seulement à un minimum relatif, on diminue le courant, la résistance

remonte dans des proportions d'autant plus grandes que la nouvelle

intensité donnée au courant est plus abaissée, mais le nouveau minimum

relatif de la résistance est plus faible que celui atteint précédemment

avec une pareille intensité.

C'est pour n'avoir pas tenu suffisamment compte de la manière dont ! a

résistance du corps se comporte envers les courants galvaniques que

nombre d'auteurs sont arrivés à des résultats très discordants'les uns

des autres. Ainsi, la résistance du corps est considérable pour ceux qui

ont particulièrement recherché sa valeur initiale, surtout lorsqu'ils l'ont

fait avec de faibles courants; pour Gaertner et Jolly, la résistance ainsi

recherchée varie entre 100000 et 400 000 unités Siemens ('); la résis-

tance du corps est beaucoup plus faible pour ceux qui l'ont mesurée

après le passage plus ou moins prolongé du courant, pour Remak et

Runge, elle serait habituellement comprise entre 1000 et 5000 unités

Siemens; elle se montre plus faible encore si les mesures sont faites

après le passage de forts courants. Pour D. d'Arman, dans les conditions

ordinaires de l'électro-diagnostic et de l'électrothérapie, la résistance

varie entre 800 et 50000 ohms; elle peut varier dans des limites beau-

coup plus étendues, entre 200 et 1 250000 ohms.

Un certain nombre de conditions influent sur l'état de la résistance

électrique du corps ; nous n'en citerons que les plus importantes.

Les dimensions des électrodes doivent être prises en considération.

Avec de grandes électrodes la résistance se montre plus faible qu'avec

de petites électrodes. Ce résultat ne dépend pas seulement de la section

du conducteur; il dépend aussi de conditions qui déterminent la péné-

tration du courant dans la peau.

Lorsque les électrodes sont de dimensions inégales il faut tenir compte

de l'orientation du courant. Généralement, la résistance est plus faible

quand l'électrode la plus grande est à l'anode. Ce résultat, cependant,

n'est pas constant, il peut être différent suivant la nature des ions con-

1. L'unité Siemens a une valeur très voisine de la valeur de l'ohm.

RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE DU CORPS. 1279 9

tenus dans les solutions dont sont imbibées les électrodes; avec des solu-

tions de sels de zinc, par exemple, le résultat peut être inverse.

Les interruptions et les renversements du courant ont une certaine

influence sur la résistance. L'influence des interruptions simples est peu

marquée, celle des renversements est beaucoup plus prononcée. Immé-

diatement après l'inversion du courant, l'intensité s'élève, non seulement

sous l'action du courant de polarisation qui s'ajoute au courant principal,

mais encore par le fait de la diminution de la résistance. Puis, suivant

la nature des ions entrant dans la composition des électrodes, ou bien

l'intensité diminue parce que la résistance augmente parfois dans des

proportions assez considérables, ou bien l'intensité continue à croître, la

résistance continuant elle-même à diminuer. L'augmentation secondaire

de la résistance après le renversement du courant s'observe notamment

avec des électrodes contenant des sels de zinc en contact avec la peau :

elle s'observe aussi avec des électrodes contenant des sels de cuivre, ou des

sels de manganèse, etc. La diminution secondaire de la résistance, après

le renversement, est plus fréquente que l'augmentation ; avec des électrodes

imbibées de chlorure de sodium elle est souvent assez prononcée.

Parmi les solutions ioniques, celles constituées avec le chlorure de

potassium ne modifient que peu la résistance dans les diverses directions

données au courant, aussi y a-t-il avantage à s'en servir dans les recher-

ches destinées il mesurer la résistance.

La concentration des solutions a aussi une notable influence sur la

résistance. Avec une concentration faible la résistance est généralement

plus grande qu'avec une concentration plus forte.

La pression des électrodes sur les points où elles sont appliquées entre

aussi en ligne de compte. En augmentant cette pression, dans certaines

limites toutefois de façon que les électrodes restent bien humectées, on

voit diminuer la résistance. La température des électrodes a encore

quelque influence, mais d'ordre très secondaire.

De nombreuses conditions doivent donc être prises en considération

lorsqu'on cherche à évaluer la résistance électrique du corps. Si l'on n'en,

tient pas suffisamment compte on arrive à des résultats très différents

qui ne peuvent pas être comparés les uns avec les autres .

Peut-on se contenter de rechercher la résistance initiale ? Il est difficile

de l'évaluer exactement; le passage du courant modifie rapidement la

résistance; pendant les manipulations nécessaires aux mesures, si courtes

soient-elles, la résistance se trouve déjà plus ou moins modifiée et elle

n'est évaluée que lorsqu'elle est entrée dans son régime décroissant, à

un moment variable et le plus souvent indéterminé de ce régime. De

plus, on sait que cette résistance, initiale se montre très différente sui-

vant qu'on opère avec des courants faibles, moyens ou forts.

Vaut-il mieux rechercher la valeur de la résistance au moment où elle

a atteint son minimum absolu ? La résistance se montre alors relativement

faible et les différences observées sont généralement peu prononcées.

[E HUET.]

1280 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

Mais, à moins d'employer des courants forts, souvent pénibles à supporter,

le minimum absolu est long à obtenir et le résultat cherché peut n'être

qu'approché. De plus, en se limitant à la recherche du minimum absolu

on néglige des indications importantes que peuvent fournir et la résis-

tance initiale et la manière dont la résistance se comporte pendant ses

régimes décroissants.

. La résistance ne se montre pas la même sur les diverses régions du

corps. Relativement faible sur la face et le cou, elle est plus forte sur le

tronc, plus forte encore sur les membres. Suivant les régions, la résis-

tance initiale se montre donc plus ou moins élevée; sa période de régime

décroissant est aussi plus ou moins longue et les minima relatifs sont

notablement différents suivant les points d'application des électrodes.

Sur la paume des mains et la plante des pieds la résistance se comporte

d'une manière notablement différente en ces points, la résistance initiale

est souvent moins élevée que sur d'autres régions, mais la résistance ne

présente pas un régime décroissant aussi accusé; elle reste au contraire

assez constante, parfois même elle augmente légèrement pendant le

passage du courant, et, dans tous les cas, la résistance finale s'y montre

assez forte.

Causes physiques et physiologiques de la résistance du corps et de

ses variations avec les courants galvaniques. Le siège principal de

la forte résistance opposée par le corps au courant électrique réside dans

1 épidémie. Si, après avoir évalué la résistance entre deux régions du

corps, on enlève l'épidémie a l'aide de vésicatoires, et si on évalue de

nouveau la résistance, on la trouve infiniment plus faible. On obtient

des résultats semblables sur le cadavre en évaluant la résistance avec ou

sans l'épiderme. Jolly a ainsi estimé que l'épiderme opposait au courant,

aux deux points d'application des électrodes, une résistance 500 fois pins

forte que l'ensemble des autres tissus, par conséquent 150 l'ois plus forte

pour chacune des régions de la peau en contact avec les électrodes.

\'ciss est arrivé au même résultat, en principe sinon numériquement,

en mesurant la résistance entre les deux épaules par un procédé permet-

tant d'éliminer la résistance de la peau tout en laissant celle-ci intacte; il

a trouvé une résistance de 40 ohms dans un cas, de 250 ohms dans un

autre. La résistance mesurée entre les deux mains, y compris la résis-

tance de la peau, variait de 1000 à 2000 ohms. Les tissus situés

au-dessous de la peau ont donc une conductibilité infiniment meilleure;

parmi ces tissus les muscles sont ceux qui ont la conductibilité la plus

grande : si l'on représente par 1 leur résistance, celle des autres tissus,

nerfs, tendons, cartilages, varie entre 1,5 et 2,5, celle des os est de li) à

20 fois plus considérable (Eckhard).

Les causes de la diminution de la résistance pendant le passage du

courant sont multiples : c'est tout d'abord l'humeetation de l'épiderme

par le liquide contenu dans les électrodes. Ce sont ensuite les phéno-

mènes de cataphorese et surtout les migrations des ions. Autrefois on ne

RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE DU CORPS. 1281

faisait guère intervenir que la cataphorèse; à l'anode l'épiderme est

pénétré par le liquide des électrodes, à la cathode il est pénétré par les

liquides contenus dans les tissus sous-jacents. Actuellement on attribue

le rôle le plus important à la migration des ions et surtout à la pénétra-

tion des ions des électrodes dans les canalicules glandulaires (Leduc) (').

Ces trois ordres de causes se font sentir non seulement sur le vivant mais

encore sur le cadavre; sur ce dernier, cependant, la diminution de la

résistance pendant le passage du courant est moins accusée. Sur le vivant,

en effet, interviennent d'autres causes d'ordre physiologique : pendant

le passage du courant, les vaisseaux sanguins subissent des modifications

dans leur calibre, comme en témoigne la rougeur qui se développe sur la

peau au-dessous des électrodes; il en résulte une meilleure conductibilité

due pour une partie à l'augmentation du contenu des vaisseaux, et pour

une autre partie à l'augmentation de la quantité des liquides organiques

dans les espaces cellulaires et intercellulaires des tissus. Mais on est loin

de s'accorder sur le rôle respectif de ces deux conditions; les uns, avec

Silva et Pescarolo, attribuent une action prépondérante à la seconde; les

autres, avec Vigouroux, placent en première ligne la dilatation même des

vaisseaux et l'augmentation de leur contenu.

On discute aussi sur les conditions qui entraînent dans l'état physiolo-

gique des différences de résistance entre les diverses régions du corps

d'un même individu ou entre les régions semblables chez des individus

différents. On a pensé que le nombre des orifices glandulaires s'ouvrant à

la surface de la peau jouait un rôle important pour les différences de

résistance entre les diverses régions ; mais, comme l'ont fait remarquer

Silva et Pescarolo, la résistance est relativement très faible aux joues où

on ne compte que 75 glandes sudoripares par centimètre carré, tandis

quelle est élevée au contraire à la paume des mains où on en compte 560

pour une même surface. L'épaisseur totale de l'épiderme ne parait jouer

qu'un rôle secondaire. Les conditions les plus importantes paraissent

dépendre de l'état de kératinisation des cellules superficielles de l'épi-

derme, de leur renouvellement plus ou moins rapide, et de l'épaisseur de

la couche cornée. Ces conditions jouent d'ailleurs, aussi, un rôle impor-

tant dans les divers états pathologiques.

Méthodes d'évaluation de la résistance électrique du corps avec

les courants galvaniques. -- Les procédés pour évaluer la résistance

en unités de mesure sont nombreux : tous sont sujets à des critiques et

aucun ne permet une mesure absolument rigoureuse de la résistance en

aucun ne permet une mesure absolument rigoureuse de la résistance en

raison de causes d'erreurs dont il est difficile de tenir suffisamment

compte; au premier rang de celles-ci se placent la polarisation des élec-

trodes et la polarisation des tissus.

Un procédé simple et le premier employé est la mesure par substi-

Intion. Après avoir noté à divers moments, pendant le passage du courant

1. Avec certains ions, et dans certaines conditions, la diminution de la résistance est

remplacée par une augmentation de résistance.

PHATIQUE 8t

[E HUET.]

1282 ) . ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

à travers le corps, les déviations d'un galvanomètre ou les intensités du

courant pour une force électro-motrice constante, on substitue au corps

une caisse de résistance étalonnée en ohms et on recherche quelles sont

les résistances qui correspondent aux déviations du galvanomètre ou aux

intensités du courant précédemment observées. Les résultats ainsi obtenus

ne sont qu'approximatifs et plus ou moins entachés d'erreur par le l'ait

de la polarisation du corps et des électrodes.

Les procédés de mesure avec le pont de TT'healslone, excellents pour

la mesure des résistances des conducteurs métalliques, laissent beaucoup

à désirer pour les mesures des résistances du corps où il existe dans

l'une des branches du pont des forces contre-électro-motrices provenant

de la polarisation des électrodes et du corps. Ils nécessitent une instru-

mentation délicate et complexe. En raison des grandes variations dans

les résistances du corps, résistances parfois très élevées, d'autres fois

beaucoup plus faibles, les conditions nécessaires pour obtenir une

approximation suffisante des valeurs de la résistance sont difficiles à réa -

liser et les erreurs dans le calcul de ces valeurs peuvent être assez élevées.

De plus le pont de Wheatstone ne permet pas de suivre bien rigoureu-

sement les régimes de décroissance de la résistance, car pendant les

manipulations nécessaires pour les mesures la branche de dérivation dans

laquelle se trouve le corps est parcourue par des courants sous des diffé-

rences de potentiel variables. Cependant le procédé de Weiss('), avec le

pont de Wheatstone, présente quelques avantages importants; il permet

notamment d'éliminer les erreurs dues à la polarisation des électrodes,

mais seulement dans quelques conditions qui ne s'étendent pas à toutes

les recherches que comporte l'étude de la résistance du corps.

Le procédé de mesure par le galvanomètre différentiel (procédé de

Slehl et Sano) C) ne permet pas non plus de suivre suffisamment les

régimes de décroissance de la résistance; comme le précédent il soumet

le corps à des courants sous des différences de potentiel variables.

Les procédés basés sur la loi d'Ohm ont été particulièrement employés

par Vigouroux et par d'Arrnan. Ils consistent à évaluer d'une part la

différence de potentiel au niveau des électrodes, à laide d'un voltmètre

en dérivation, et d'autre part l'intensité du courant traversant le corps.

On obtient la résistance par le calcul au moyen de la formule R = K En

laissant constamment le voltmètre en circuit et en lisant simultanément

la valeur des volts et les valeurs de l'intensité on évite, comme l'indiquent

les lois de Kirchoff, des erreurs dans l'évaluation des volts qu'entrai-

nerait le plus souvent, par suite des résistances trop faibles des volt-

mètres, la détermination des volts faite en laissant ouvert le circuit du

courant passant par le corps. Comme le voltage ne peut être estime

qu'aux points d'attache des fils sur les électrodes, il faut retrancher des

1. V iass. Archives d'électricité médicale, 15 juillet 1895, p. 275.

2. Sn'Et. et Saxo. Journal de neurologie et d'hypnologic de 13ru.cclles, fév. 189l>.

RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE DU CORPS. 1285

valeurs fournies par le calcul la résistance propre des électrodes; il en

faut retrancher généralement aussi la résistance du milliampèremètre

placé dans le circuit où se trouve le corps; il en faudrait retrancher

encore la résistance apparente due à la force contre-électro-motrice de

polarisation des électrodes et des tissus, mais cette dernière correction

est difficile à faire d'une façon suffisamment rigoureuse.

La méthode de Bergonié, appelée par son auteur méthode de l'ohm-

mètre médical, est basée aussi sur la loi d'Ohm. Avec un dispositif réa-

lisant un réducteur de potentiel on établit aussi rapidement que possible

un courant de 1 m. A. passant par le corps. Rompant alors le circuit

fermé sur le corps on fait passer le courant par un autre circuit qui com-

prend un voltmètre, faisant connaître la valeur correspondante des volts

et par suite la valeur correspondante de la résistance, I== Ex 1000.

Mais la valeur des volts ainsi évaluée, lorsque le circuit est ouvert sur le

corps, peut ne pas correspondre exactement à la différence de potentiel

qui existait lorsque ce circuit était fermé; de là des erreurs possibles,

plus ou moins prononcées, dans les évaluations de la résistance. De plus

dans cette méthode on se contente de rechercher une résistance plus ou

moins rapprochée de la résistance initiale, alors qu'au point de vue phy-

siologique comme au point de vue pathologique il y a intérêt à connaître

la marche suivie par le régime décroissant de la résistance.

Pour prendre une notion suffisante de la résistance du corps et en

retirer les indications qu'elle peut donner en clinique, nous croyons

important de chercher à se placer dans des conditions aussi comparables

que possible qui donnent une idée approximative de la résistance initiale

et permettent de suivre la chute de la résistance pendant son régime

décroissant jusqu'au moment où elle atteint son minimum relatif.

Les procédés suivants nous paraissent parmi les plus recommandables

bien qu'ils soient imparfaits aussi et qu'ils comportent des erreurs plus

ou moins grandes résultant surtout de la polarisation des électrodes et

du corps.

On choisira des électrodes de dimensions déterminées, inégales ou

égales. Avec des électrodes inégales, l'une grande, de 1 UU ? par exemple

(10e"' de côté) sera placée sur la poitrine, au-devant du sternum, ou sur

le dos; l'autre, plus petite, de 9cm2 par exemple (le côté) sera placée

sur la région de la peau dont on veut rechercher particulièrement la résis-

tance. La grande électrode sera l'anode, la petite la cathode.

Dans d'autres conditions il y a lieu de prendre des électrodes égales

(9 ? 2 ou 9 (j""=, par exemple) que l'on place sur deux points déterminés,

lorsqu'on veut connaître la résistance existant entre ces deux points.

Les électrodes doivent être imbibées d'une solution saline à titre défini ;

il y a avantage à choisir une solution de chlorure de potassium, à 1 0/0

par exemple, ainsi que l'a proposé Leduc. .

On établit un courant continu, soit avec un voltage constant, soit avec

une intensité constante. Si le courant est à voltage constant, 10 volts par

[E. HUET.l

'I28{ ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

exemple, on note l'intensité atteinte sur le galvanomètre au moment de

p

l'établissement du courant; la formule d'Ohm, Il = E@ 1 donnera la valeur

approximative de la résistance voisine de la résistance initiale. On suit

l'augmentation que subit, l'intensité pendant le passage du courant, et on

la note à intervalles assez rapproches d'abord (toutes les 15 secondes

par exemple) plus espacés ensuite (toutes les 50 ou 60 secondes),

jusqu'au moment où l'intensité ne varie plus, c'est-à-dire jusqu'au

moment où la résistance a atteint son minimum relatif. De nouveau le

calcul au moyen de la formule d'Ohm fournit les valeurs de la résistance

aux divers moments où l'intensité a été notée. De celte façon on suit la

chute de la résistance pendant tout son régime décroissant depuis la

résistance initiale jusqu'à son minimum relatif.

Il est un peu plus compliqué d'opérer avec un courant maintenu à

intensité constante ; mais ce procédé donne des résultats qui permettent

une comparaison plus rigoureuse d'un cas à un autre. 11 nécessite un

milliampèremètre et un voltmètre maintenus constamment en circuit, et

il est rendu assez facile par le réducteur de potentiel.

Comme intensité à maintenir constante il y a avantage à choisir habi-

tuellement 9 m. A. Les électrodes étant mises en place on établit

un courant qu'on amène aussi rapidement que possible avec le réducteur

de potentiel à 1 m. A., on note alors le nombre de volts indiqué parle

voltmètre ; puis l'intensité tend à augmenter, mais avec le réducteur on

la maintient constante; le voltage indiqué au voltmètre diminue et on le

note à intervalles plus ou moins espacés, toutes les 15 secondes d'abord,

toutes les 50 ou 60 secondes ensuite, jusqu'au moment où ce voltage ne

varie plus. Comme précédemment par le calcul avec la formule R= i.

ou dans le cas présent Il.=10011 E, on obtient les valeurs de la résis-

tance correspondant aux valeurs des volts notées et on peut suivre ainsi

les variations de la résistance depuis une valeur voisine de la résistance

initiale jusqu'à la valeur du minimum relatif.

Dans certains cas, on peut choisir des intensités plus élevées, par

exemple 2,5 m. A., ou 5 m. A, ou 10 m. A., mais celte dernière intensité

est souvent trop élevée.

Parfois, pendant l'exploration électro-diagnostique de l'excitabilité des

nerfs moteurs et des muscles, on a besoin de [«rendre une notion relative

de l'état de la résistance et de déterminer très approximativement dans

quelle mesure cette résistance diffère pour deux points symétriquement

placés d'un côté et de l'autre du corps. Il n'est pas nécessaire alors de

recourir à une opération aussi compliquée que celles dont il vient d'être

question. Il suffit le plus souvent, en utilisant l'électrode indifférente

déjà placée pour l'exploration électro-diagnostique, de rechercher avec

l'électrode exploratrice quelle intensité on obtient dans un temps déter-

miné (10, 15 ou 20 secondes par exemple) avec une. même force électro-

RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE DU CORPS. 1285

motrice sur l'un et l'autre point. La comparaison ainsi faite permettra de

voir s'il existe une différence entre la résistance de l'un et l'autre côté

et dans quel sens a lieu cette différence, si ces deux points, ou seulement

l'un d'eux, ne viennent pas d'être soumis précédemment au passage du

courant galvanique ; dans le cas contraire, cette comparaison pourrait

donner des résultats erronés, surtout si ces deux points n'ont pas été

soumis à des courants de même intensité et de même durée par suite

des modifications déjà apportées dans leur résistance.

Résistance du corps avec les courants faradiques. La résistance

du corps ne se comporte pas exactement de la même façon avec les cou-

rants faradiques qu'avec les courants galvaniques. Avec les premiers,

même lorsqu'ils sont à intermittences fréquences, la résistance ne se

trouve guère modifiée pendant le passage du courant; avec de forts

courants faradiques, cependant, on peut voir la résistance diminuer un

peu sous l'action du courant, mais la chute de la résistance est loin

d'atteindre en durée et en proportions ce qu'on observe avec les courants

galvaniques. De la manière différente dont la résistance se comporte

envers ces deux ordres de courants, il résulte que dans la pratique de

l'électrodiagnostic, quand on doit explorer les réactions des nerfs et des

muscles, il vaut mieux commencer par l'examen faradique, qui ne modifie

guère la résistance du corps, plutôt que par l'examen galvanique qui, au

contraire, modifie plus ou moins cette résistance.

Les courants alternatifs, lorsque leurs ondes sont égales et semblables

dans les deux sens, ont l'avantage de ne pas donner lieu à la polarisation

des électrodes et des tissus du corps. Les courants faradiques, qui sont

des courants alternatifs dont les ondes inverses sont égales en quantité,

ne participent pas complètement à ces avantages; par suite de la tension

plus grande de l'onde d'ouverture, l'intensité du courant qui traverse le

corps au moment où cette onde agit, est un peu plus forte qu'au moment

de l'onde de fermeture; il en résulte un peu de polarisation dans le sens

de l'onde d'ouverture, mais en somme cette polarisation est très faible.

Aussi, pour éviter dans l'évaluation de la résistance du corps les erreurs

dties à la polarisation, a-t-on cherché à se servir des courants alternatifs

et particulièrement des courants faradiques d'un emploi si fréquent'

dans la pratique médicale. Mais on n'a pas obtenu de résultats bien pré-

cis avec les divers procédés de mesure que l'on a essayés, ni avec l'élec-

trodynamomètre et la méthode de substitution, ni avec le pont de

Wheatstone dans lequel le galvanomètre est remplacé par le téléphone

suivant la méthode de Kohlrausch, ni avec le téléphone différentiel sui-

vant la méthode proposée par Bergonié. Dans ces deux dernières

méthodes, lorsque le courant traverse le corps, on n'obtient pas au télé-

phone un silence suffisant pour avoir une valeur suffisamment approchée

de la résistance. Aussi l'examen de la résistance du corps avec les courants

faradiques n'a-t-il pas été utilisé jusqu'alors en clinique.

Modifications de la résistance galvanique dans les états patholo-

; [E. HUET.]

1286 ÉLECTRO-DIAGNOSTIC.

giques. Après que Vigoureux eut signalé, il y aune trentaine d'années,

les modifications de la résistance électrique qu'il avait observées dans

l'hystérie et dans le goitre exophtalmique, on crut avoir trouvé des signes

importants pour l'électrodiagnostic et on rechercha l'état de la résistance

électrique dans un assez grand nombre d'états pathologiques.

Dans l'hystérie avec hémianesthésie Vigouroux avait trouvé une résis-

tance notablement plus élevée du côté anesthésique que de l'autre côté.

Mais, tandis qu'Estorc a constaté des modifications semblables, Silva et

Pescarolo. puis d'Arman ne les ont pas rencontrées d'une façon constante.

D'une façon générale il semblerait cependant que la résistance électrique

est plutôt augmentée dans l'hystérie. Suivant d'Arman cette augmenta-

tion serait beaucoup plus accentuée dans l'hystérie avec aliénation que

dans l'hystérie sans aliénation.

Dans la mélancolie (les étals de mélancolie anxieuse exceptés), on

observe généralement une augmentation souvent considérable -de. la

résistance électrique (Séglas, R. et A. Vigoureux, d'Arman).

Dans le goitre exophtalmique, au contraire, on observe habituellement

de la diminution de la résistance électrique, et Vigouroux avait pensé

qu'elle avait une valeur séméiologique presque égale à celle des autres

symptômes cardinaux de cette affection.

On a contesté cette opinion de Vigoureux en montrant que la diminu-

tion de la résistance électrique n'est pas constante dans la maladie de

Basedow. On s'est élevé aussi contre l'interprétation qu'il lui donnait en

attribuant une influence directe à l'étal du système 'a<SO-Il10tC111' sur la

diminution de la résistance dans cette maladie, et on a fait remarquer

que l'hyperhidrose si fréquente en pareils cas, un renouvellement plus

actif de l'épiderme, une kératinisation moindre deses cellules superficielles

étaient plutôt, sans doute, les causes efficientes de cette diminution de

la résistance.

Quelle que soit l'interprétation que reçoive ce phénomène on doit

reconnaître que, sans être constant, il constitue un symptôme fréquent

de la maladie de Basedow. Il peut y avoir intérêt à le rechercher en

observant suffisamment la façon dont se comporte la résistance. On cons-

tatera souvent qu'un courant même de force électro-motrice faible atteint

rapidement une intensité relativement élevée, la résistance initiale se

montre faible, la période de régime décroissant de la résistance est le

plus souvent très courte, et finalement le minimum relatif est assez sou-

vent inférieur au minimum relatif trouvé dans les mêmes conditions

d'exploration chez des personnes saines. Ces particularités se retrouvent

plus ou moins sur les diverses régions du corps ; elles sont généralement

moins accentuées sur les pieds et sur les mains; aussi les méthodes

consistant à explorer la résistance entre les deux mains plongées dans

l'eau ne sont-elles pas à recommander pour ce genre de recherches.

Dans la mélancolie l'augmentation de la résistance a été aussi contestée.

Spehl et Sano ne l'ont pas retrouvée en explorant la résistance entre les

RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE DU CORPS. 1287

deux mains plongées dans des bains. Dans d'autres conditions, notam-

ment de la nuque au sternum, ou d'un bras à l'autre, nous avons géné-

ralement constaté cette augmentation de la résistance se caractérisant par

une résistance initiale forte, une chute lente et prolongée de la résistance

et finalement un minimum relatif restant élevé.

Des modifications de la résistance électrique ont été signalées aussi

dans d'autres états pathologiques. On a constaté son augmentation dans

l'épilepsie et surtout l'épilepsie avec aliénation (Boccolari et Borsari,

d'Arman) dans la paralysie générale, dans la folie alcoolique et dans l'idiotie.

La résistance paraîtrait plutôt diminuée dans la manie, la mélancolie

anxieuse, la neurasthénie et la chorée. Dans des cas de tétanos, d'Arman ! 'a vue très diminuée.

Dubois a trouvé dans des cas d'hémiplégie cérébrale la résistance nota-

blement augmentée sur le côté paralysé surtout quand il existe de ce côté

un abaissement de température. Pour Silva et Pescarolo cette augmenta-

tion de la résistance n'est pas constante, même avec des troubles vaso-

moteurs accentués.

Dans la poliomyélite antérieure aiguë (paralysie infantile et paralysie

spinale de l'adulte), Vigouroux a constaté une augmentation considérable

de la résistance; d' Arman a trouvé également cette augmentation pour la

résistance initiale, mais avec chute rapide aboutissant à une différence

assez forte entre la résistance finale et la résistance initiale.

Dans les atrophies musculaires la résistance est augmentée (Frey et

Windscheid, Destot). Dans les myopathies, même avec atrophie, la

résistance resterait sensiblement normale (Silva et Pescarolo).

Dans les états cachectiques, notamment la cachexie carcinomateuse et

la cachexie sénile, la résistance est généralement augmentée (d'Arman).

La résistance s'est montrée augmentée dans le diabète (Poncin).

D'après Silva et Pescarolo, la résistance est augmentée dans la plupart

des étals fébriles, même lorsqu'il existe de la congestion intense des

téguments comme dans l'érysipèle, la rougeole, la scarlatine à la période

d'éruption. Ces auteurs rapportent cette augmentation de la résistance,

non seulement à l'élévation de la température, mais encore à la sécheresse

de l'épiderme et à la forte kératinisation de ses cellules superficielles.

Dans les fièvres paludéennes la résistance se montre augmentée jusqu'à la

période des sueurs ; elle est alors au contraire diminuée.

Dans la sclérodermie Eulenhurg a trouvé la résistance augmentée dans

les parties de la peau plus ou moins altérées, et plutôt diminuée dans les

parties épargnées ou légèrement atteintes. On a encore trouvé la résis-

tance augmentée dans le myxoedème (Tiemann) et dans l'éléphantiasis

(Pascheles).

Enfin l'ingestion de certains médicaments diminue la résistance de la

peau ; c'est le cas pour l'antipyrine et pour la pilocarpine; c'est le cas

aussi pour la quinine, surtout quand dans la fièvre elle abaisse la tempé-

rature (Silva et Pescarolo).

[E. HUET.]

1288

\

ÉLECTROTHERAPIE.

APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ AU TRAITEMENT

DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX

Pour exposer les applications de l'électricité au traitement des mala-

dies du système nerveux nous ne passerons pas en revue une par une

ces diverses maladies. Afin d'éviter de trop longs développements et des

répétitions nombreuses, nous réunirons par groupes ces maladies,

rapprochant les unes des autres celles qui sont susceptibles de considé-

rations analogues et peuvent recevoir les mêmes genres de traitement.

Les groupements auxquels nous nous arrêtons sont forcément artificiels,

et nombre de maladies du système nerveux s'étendent dans plusieurs

groupes; nous en tiendrons compte à l'occasion.

Nous établirons quatre groupes principaux. Dans le premier prennent

place les maladies qui portent plus particulièrement sur les neurones

moteurs centraux, soit dans l'encéphale, soit dans la moelle.

Dans le second se trouvent réunies les maladies qui portent plus parti-

culièrement sur les neurones moteurs périphériques, soit au niveau des

cellules de ces neurones dans le bulbe et dans la moelle, soit dans leurs

prolongements périphériques, racines nerveuses et nerfs. Dans ce second

groupe nous ferons entrer des maladies de l'appareil moteur atteignant

plus particulièrement les muscles.

Dans le troisième nous nous occuperons des maladies portant plus

particulièrement sur les neurones sensitifs, centraux et périphériques.

Dans le quatrième nous réunirons les névroses, hystérie et neurasthénie.

et des maladies qui n'auront pas eu place dans les groupements précé-

dents, comme la maladie de Basedow, la maladie de Parkinson, etc.

I. MALADIES DÉPENDANT DE LÉSIONS

PORTANT PLUS PARTICULIÈREMENT SUR LES NEURONES MOTEURS

CENTRAUX DANS L'ENCÉPHALE ET DANS LA MOELLE

Comme type des affections atteignant plus spécialement dans l'encé-

phale les neurones moteurs centraux nous prendrons les paralysies par

hémorragie cérébrale, l'hémiplégie cérébrale.

Faut-il intervenir par un traitement électrique dès le début d'une

hémiplégie cérébrale ? Quelques électro-thérapeutes conseillent d'appli-

quer de honne heure, par exemple après une ou deux semaines, quelque-

fois même après quelques jours seulement, des courants galvaniques

continus dirigés sur la tète. On place sur le front une large électrode

avec revêtement spongieux épais et bien humecté que l'on met généra-

lement en rapport avec le pôle négatif; une autre électrode semblable,

d'assez grandes dimensions également, en rapport avec l'autre pôle, est

HÉMIPLÉGIE CÉRÉBRALE. ? '- . . 1289

placée sur la nuque. Ou, comme l'ont indiqué d'autres auteurs, on place

les deux électrodes de chaque côté du crâne au niveau des apophyses

mastoïdes; ou encore l'une des électrodes au niveau d'une apophyse mas-

toïde et l'autre sur la tête du côté du foyer hémorragique et à la bailleur

correspondant au siège supposé de ce foyer. On établit lentement un

courant continu dont on élève peu à peu l'intensité jusqu'à 5 ou 10 m. A.

(il a même été conseillé de monter parfois jusqu'à 50, 40 ou 50 m. A. ;)

on laisse passer le courant pendant un temps variant de quelques minutes

il un quart d'heure, prolongé parfois jusqu'à une demi-heure, puis on

ramène lentement l'intensité à zéro. Il est très important, quand on

établit ou quand on fait cesser le courant, de faire varier son intensité

doucement et progressivement, en évitant toute fluctuation brusque; on

gradue donc de préférence le courant avec le réducteur de potentiel

ou avec le rhéostat de la façon que nous avons indiquée précédemment.

On a pensé agir de cette manière sur le foyer hémorragique, activer sa

résorption et faciliter la réparation des éléments nerveux comprimés ou

partiellement détruits. On ne met plus guère en doute aujourd'hui,

comme on l'a fait autrefois, la pénétration du courant galvanique dans

l'intérieur de l'encéphale à travers les enveloppes crâniennes ; mais son

action favorable sur la résorption du foyer hémorragique et sur la restau-

ration des lésions qu'il a entraînées est loin d'être démontrée. D'autre

part, en raison de l'action sur la circulation cérébrale, il n'est peut-être,

pas sans inconvénient d'employer le courant galvanique dirigé sur la tête

dans des conditions où les vaisseaux cérébraux sont devenus plus ou

moins fragiles. Aussi, croyons-nous préférable de s'abstenir généralement

de la galvanisation cérébrale dans l'hémiplégie organique, surtout avec

des courants forts et à une époque rapprochée du début. Si l'on veut

essayer ce qu'elle peut donner il convient d'agir avec prudence, en com-

mençant par des courants faibles, d'assez courte durée, et en évitant les

fluctuations brusques et quelque peu prononcées d'intensité.

Les lésions primitives de l'hémorragie cérébrale sont suivies habituel-

lement de lésions secondaires parmi lesquelles la dégénérescence descen-

dante du faisceau pyramidal prend un rôle important. Elle entraine un

état spasmodique plus ou moins accusé, depuis la simple exagération des

réflexes jusqu'à de la contracture parfois très prononcée. Cette sclérose

secondaire s'étend sur toute la longueur du faisceau pyramidal et elle s'y

montre plus ou moins intense suivant les cas. On a cherché à y remédier

par des applications de courants galvaniques continus dirigés sur la

moelle. On place une large électrode, de 100 à 200cl11" sur la région

cervico-dorsale et une autre électrode semblable sur la région lombaire;

on établit lentement et progressivement un courant galvanique continu

dont on élève l'intensité, à 5, 10 ou 15 m. A. Quelques auteurs conseil-

lent des courants plus forts, atteignant 20. 50 et même 40 m. A., mais

nous croyons préférable de ne pas dépasser 15 ou 20 m. A. et souvent

même de s'en tenir à des intensités plus faibles. La direction à donner

[E HUET.] ]

1290 ÉLECTROTHÉRAPIE.

au courant ne semble avoir qu'une importance secondaire; assez généra-

lement on choisit la direction ascendante, la cathode en haut et l'anode

en bas ; on laisse passer le courant de 5 à 20 minutes, puis on le ramène

progressivement à zéro. On peut aussi, comme l'indiqué Et-]) changer

plusieurs fois, pendant la même application, la direction du courant;

après l'avoir laissé passer quelques minutes, 5 minutes par exemple,

dans une première direction, on le ramène à zéro, on change sa direction

et on le rétablit en l'élevant de nouveau progressivement à la même in-

tensité que dans la direction précédente. Après une durée de passage

sensiblement égale à la première on ramène le courant à zéro, soit pour

terminer l'application, soit pour la continuer en opérant une ou deux

fois dans les mêmes conditions et en changeant chaque fois la direction

du courant. 11 n'est pas démontré que la galvanisation continue de la

moelle ait une bien grande influence sur la sclérose descendante du

faisceau pyramidal; mais elle est généralement bien supportée, elle ne

présente pas d'inconvénients et n'a pas de retentissement fâcheux sur la

contracture secondaire comme certains autres modes de ti-aiteiiienâé'lec-

trique dont il sera parlé plus loin.

Il convient de ne pas commencer la galvanisation de la moelle dès le

début de l'hémiplégie; il ne faut pas, d'autre part, attendre trop long-

temps, si l'on veut avoir quelques chances d'agir sur les dégénérescences

secondaires. Au bout de deux à trois semaines elle paraît devoir être sans

inconvénients. II n'est pas nécessaire de la renouveler tous les jours;

deux ou trois applications par semaine pendant quelques semaines sem-

blent suffisantes.

On pourrait combiner la galvanisation cérébrale à la galvanisation de la

moelle en plaçant une large électrode en rapport avec le pote négatif sur

le front ou sur la région temporo-mastoïdienne du côté de la lésion et

une autre large électrode en rapport avec le pote positif sur la colonne

vertébrale à la hauteur de la région dorso-lombaire ou de la région dor-

sale. En raison de l'action que ce mode d'électrisation peut avoir sur la

circulation cérébrale il importe d'agir avec prudence, de ne pas employer

des courants trop forts ni trop prolongés, d'en surveiller les effets et de

suspendre ces applications si elles se montrent tant soit peu défavorables.

On a souvent dans les hémiplégies dirigé le traitement électrique à la

périphérie sur les nerfs et les muscles paralysés. Les nerfs et les muscles

conservent, comme nous l'avons vu à l'éleelro-diagnostic, une bonne exci-

tabilité pour les courants faradiques et pour les courants galvaniques ;

leur excitabilité est même souvent augmentée dans une première période.

On a certainement abusé et on abuse parfois encore de ce traitement

périphérique dans les paralysies cérébrales. Il peut présenter, en effet, des

inconvénients graves surtout lorsqu'on emploie des courants faradiques

un peu forts, avec intermittences fréquentes, en leur faisant produire des

excitations un peu prolongées. Duchennc de Boulogne a signalé il y a

longtemps déjà ces inconvénients. Les excitations ainsi provoquées à la

HÉMIPLÉGIE CÉRÉBRALE. 1291

périphérie sur les nerfs et sur les muscles retentissent par action

réflexe sur les centres nerveux ; elles augmentent la contracture qui est

une manifestation secondaire fréquente dans l'hémiplégie, ou elles pro-

voquent son apparition lorsque la contracture n'est encore que latente.

Ces inconvénients sont moins à redouter lorsque les paralysies restent

flasques et qu'il n'y a pas exagération des réflexes.

On n'entreprendra donc qu'avec circonspection le traitement périphé-

rique dans les hémiplégies cérébrales. ne faut pas le commencer trop

tôt. Duchenne était d'avis d'attendre en moyenne six mois; nous croyons

que, suivant les cas, on peut le tenter après quelques semaines ou seule-

zonent après quelques mois.

Avec les courants faradiques on pourra provoquer des excitations assez

peu nombreuses et peu prolongées des muscles paralysés, en les faisant

porter de préférence sur les antagonistes des muscles déjà contracturés

ou menacés de contracture (en général aux membres supérieurs la con-

tracture porte plus particulièrement sur les fléchisseurs, aux membres

inférieurs sur les extenseurs). On pourra aussi diriger ces excitations sur

des muscles plus ou moins atrophiés (malgré une atrophie parfois assez

prononcée de certains muscles dans les paralysies cérébrales, leur excita-

bilité faradique est généralement bien conservée). On prendra comme

courant excitateur le courant d'une bobine à gros fil ou à fil moyen, de

préférence avec des intermittences espacées (chocs faradiques isolés).

Si l'on emploie des courants à intermittences fréquentes ou semi-fré-

quentes (courants donnant un tétanos complet ou incomplet), on ryth-

mera les excitations en les faisant courtes, de une à deux secondes de

durée, et en les séparant par des intervalles de repos au moins égaux ou

plus longs. On emploiera soit la méthode d'excitation polaire, soit la

méthode bipolaire, soit l'excitation avec le rouleau ainsi qu'il a été dit

précédemment; et on donnera au courant une énergie modérée en s'éloi-

gnant peu de l'énergie produisant le seuil de l'excitation. Sur chaque

muscle, ou sur un même groupe musculaire, l'électrisation ne sera pas

prolongée au delà de une à deux minutes. Il suffira de renouveler l'élec-

trisalion deux ou trois fois par semaine.

On a employé aussi dans les hémiplégies cérébrales le traitement fara-

dique avec le courant de la bobine à fil lin et des excitations faites avec

le pinceau ou avec un rouleau métallique. Ce mode de traitement doit

être dirigé avec grande prudence, il faut avoir soin de ne pas mettre en

action des courants trop forts, ni trop prolongés ; au pinceau ou au rou-

leau promené directement sur la peau on pourrait substituer un procédé

plus doux appelé main électrique par Duchenne de Boulogne. Une élec-

trode indifférente en rapport avec l'un des pôles de la bobine est placée,

sur le corps du malade; l'opérateur tient dans une main la seconde élec-

trode en rapport avec l'autre pôle de la bobine et promène son autre

main qui représente l'électrode excitatrice sur la peau des régions qu'il

veut soumettre à l'électrisation : il se rend compte par les sen-

[E. HUET.] ]

1292 ÉLECTROTHÉRAPIE.

sations qu'il éprouve lui-même de l'énergie des excitations pro-

duites.

Le traitement faradique conduit prudemment avec l'un ou l'autre des

procédés précédents amène parfois une amélioration assez grande et

assez rapide de la paralysie. Si cette amélioration fait défaut après

quelques séances d'électrisalion, ou si une fois obtenue elle cesse de

progresser, il y lieu de cesser ce mode de traitement soit pour l'ahan- -

donner définitivement, soit pour le reprendre et l'essayer de nouveau

après un repos plus ou moins prolongé. Dans tous les cas il faut surveiller

avec grand soin l'état des membres paralysés au point de vue de la spus-

modicité et arrêter le traitement si l'on voit quelque tendance à l'appa-

rition ou à l'augmentation de la contracture.

Les courants galvaniques ont été utilisés aussi pour le traitement

périphérique des paralysies cérébrales, le plus souvent sous la forme de

galvanisation continue; une grande électrode, généralement en rapport

avec le pôle positif, est placée sur la colonne vertébrale; l'autre électrode,

la cathode, est représentée par un bain dans lequel on fait plonger la

main ou le pied; l'intensité donnée au courant doit être assez faible

de 5 à 5 m. A., elle peut être élevée à 8 ou 10 m. A., rarement au delà.

Le courant est établi progressivement, sans secousses, et après l'avoir

laissé passer un temps moyen de 5 à 15 minutes on le ramène progres-

sivement il zéro.

. Le bain galvanique diffuse l'action du courant sur l'ensemble des nerfs

et muscles du membre soumis à l'électrisation. Il est souvent préférable

de le remplacer par l'application d'une électrode assez large, placée il

l'extrémité inférieure du membre et plutôt du côté des muscles les moins

menacés par la contracture, par exemple sur la face dorsale du poignet

et de la partie inférieure de l'avant-bras pour le membre supérieur,

sur la partie inférieure de la face antérieure et externe de la jambe pour

le membre inférieur.

Au lieu de la galvanisation continue on peut employer la galvanisation

labile en promenant l'électrode en forme de rouleau lentement et dou-

cement sur divers groupes musculaires, de préférence sur ceux les moins

menacés par la contracture, avec des intensités plutôt faillies, de 5 à

ni. A., pendant un temps variant de une demi-minute il 2 ou 5 minutes

sur chacun des groupes musculaires choisis.

Les excitations des nerfs et des muscles par les courants galvaniques

interrompus ou les courants galvaniques avec alternatives voltiennes ne

doivent être essayées qu'avec prudence, en s'en tenant à des courants

faibles, voisins de ceux qui produisent le seuil de l'excitation, et en

applications peu prolongées.

Le traitement par les courants galvaniques suivant l'un ou l'autre de

ces procédés ne sera répété que deux ou trois fois par semaine. A ce

traitement s'appliquent les remarques déjà faites à propos du traitement

faradique sur la durée totale qu'il convient de lui donner, sur les mena-

HÉMIPLÉGIE CÉRÉBRALE. 1295

céments avec lesquels il faut le diriger, et sur la surveillance à observer

du côté de la contracture.

Les courants galvaniques sont utilisables aussi pour le traitement de

certaines complications secondaires des hémiplégies cérébrales. Sous

l'inlluence de l'inaction fonctionnelle d'une part et de troubles trophiques

d'autre part, on voit assez souvent se développer des raideurs articulaires

avec manifestations d'arthrite sèche ou de péri-arthrite. L'articulation de

l'épaule, en particulier, est parmi les plus fréquemment atteintes. La

galvanisation continue jointe à des mouvements modérés de mobilisation

de l'articulation m'a donné des résultats satisfaisants en pareils cas.

Voici comment l'on peut procéder à cette électrisation : une large

électrode de 200 à 500 centimètres carrés, constituant l'anode, est placée

sur la région dorsale; la cathode est représentée par une électrode en

forme de croissant, dont les deux cornes sont arrondies; elle a une

longueur de 25 à 50 centimètres et une largeur de 7 à 8 ou 9 centimètres.

Cette électrode est placée sur l'épaule, sa concavité regardant d'abord en

bas et en. dehors et les deux cornes descendant l'une en avant sur le

deltoïde et la partie voisine du grand pectoral, l'autre en arrière sur le

deltoïde et la région sous-épineuse. Un courant continu est établi pendant

10 il 15 minutes avec une intensité relativement assez forte, 10, 15 ou

20 m. A., élevée même parfois à 25 ou 50 ni. A. Le courant ramené à

zéro, la même électrode est replacée sur l'épaule dans une autre posi-

tion, de manière à entourer l'épaule en dehors, la partie moyenne du

bord concave correspondant à la pointe de l'acromion, les deux cornes

. embrassant le deltoïde en avant et en arrière ; de nouveau un courant

continu est établi dans les mêmes conditions de durée et d'intensité que

précédemment. Malgré les intensités assez élevées qui ont été employées

je n'ai pas vu, dans les applications ainsi faites à l'épaule, de retentisse-

ment nuisible sur la contracture.

M. Vigoureux, et après lui quelques électrothérapeutes ont employé

l'électrisation statique dans le traitement des hémiplégies cérébrales. Ce

traitement consiste habituellement dans le bain statique pendant une

partie duquel on dirige, sur la colonne vertébrale et sur les membres

paralysés, des effluves ou la friction électrique et même des étincelles.

S'il est vrai, comme on tend à l'admettre aujourd'hui, que le bain

statique augmente la tension artérielle, l'électrisation statique devrait

être employée avec ménagement chez les hémiplégiques par hémorragie

cérébrale ou par ramollissement dû à la thrombose des vaisseaux; ces

inconvénients seraient moins à redouter dans le cas d'embolie cérébrale,

chez des sujets jeunes tout au moins. Avec l'électrisation statique il faut

surveiller aussi les efl'ets possibles du traitement sur la contracture,

surtout lorsqu'on emploie les étincelles et même les frictions un peu

énergiques.

Dans l'exposition précédente nous avons eu principalement en vue le

traitement électrique des hémiplégies par hémorragie cérébrale. Les

[E HUCT,]

1294 ÉLECTROTHÉRAPIE.

mêmes considérations pourront servir de guide pour le traitement à

appliquer aux hémiplégies par ramollissement, soit par thromhose, soit

par embolie, aux monoplégies d'origine cérébrale, et aux hémiplégies

par lésions de l'isthme de l'encéphale et du bulbe ; dans ces dernières,

aux manifestations symptomatiques dépendant des lésions des neurones

moteurs centraux s'ajoutent parfois des manifestations dépendant de

lésions de neurones périphériques, nucléaires, radiculaires. ou funicu-

laires, telles que paralysies des nerfs moteurs du globe oculaire, paralysie

faciale, etc. ; les indications relatives au traitement de ces dernières

seront données plus loin.

Les maladies portant plus particulièrement sur les neurones centraux,

dans la moelle épinière. dépendent soit de lésions en foyer (myélites

transverses, blessures ou compressions de la moelle), de lésions plus ou

moins disséminées (sclérose en plaques), de lésions systématisées. ,

Les lésions ne sont pas toujours étroitement limitées aux neurones

centraux, elles s'étendent parfois aussi aux cornes de la substance grise,

aux fibres radiculaires dans leur trajet intra-médullaire, aux racines

nerveuses intra-rachidiennes. Pour le moment nous aurons particulière-

ment en vue le traitement il appliquerais manifestations symptomatiques

dépendant des lésions des neurones centraux. "'0;

Les développements dans lesquels nous sommes entrés sur le trai-

tement des paralysies par lésions du cerveau et de l'encéphale peuvent

s'appliquer en grande partie au traitement des affections de la moelle

dont il est actuellement question. Le plus souvent il y a lieu d'attendri',

pour commencer le traitement électrique, qu'un certain temps se soit

écoulé depuis le début de la maladie : d'une façon générale, cependant,

on pourra attendre moins longtemps que pour le traitement des paralysies

cérébrales.

La galvanisation continue de la moelle constituera une première étape

du traitement. On la pratiquera comme il a été dit précédemment à l'aide

de deux grandes électrodes appliquées sur la colonne vertébrale, l'une en

haut et l'autre en bas. Dans le cas de lésions en foyer il y aura souvent

indication de placer l'une des électrodes, généralement la cathode, à la

hauteur de la colonne vertébrale qui correspond au siège de la lésion :

l'autre électrode sera placée, suivant les cas, au-dessus ou au-dessous;

parfois il y a avantage à placer cette dernière électrode sur la partie anté-

rieure du corps dans une position diamétralement opposée à celle de

l'électrode appliquée sur la colonne vertébrale.

Dans le traitement périphérique des paralysies médullaires nous don-

nerons d'abord la préférence au traitement par la galvanisation continue :

on pourra le combiner avec le traitement dirigé sur la moelle, en plaçant

l'une des électrodes il la hauteur de la lésion, s'il s'agit de lésions en

foyer, ou il diverses hauteurs sur la colonne vertébrale suivant les jours,

dans le cas de lésions disséminées ou systématisées; l'autre électrode

sera appliquée à la périphérie sur la partie inférieure du membre ou sur

MYÉLITES-SCLÉROSES MÉDULLAIRES. 'l')95

le segment de membre que l'on voudra particulièrement soumettre à

l'action du courant. Dans les affections médullaires il y a souvent lieu

d'électriser de la même façon les deux membres homologues; on peut le

faire séparément et successivement, ou bien simultanément en plaçant

une électrode sur chaque membre, et en reliant l'une et l'autre par un

conducteur bifurqué au même pôle de la source galvanique. Dans ces

conditions le courant se divise sur chaque membre et il y a lieu de donner

au courant une intensité plus forte que lorsqu'on électrise chaque

membre séparément. Le bain électrode constitue aussi un moyen pratique

d'électriser deux membres simultanément; on peut l'employer également

pour l'électrisation d'un seul membre. -

La galvanisation labile est utilisable dans les mêmes conditions que

pour le traitement des paralysies cérébrales. Suivant les cas on la fait

porter davantage sur certains muscles ou groupes musculaires.

Les excitations par courants galvaniques avec interruptions simples

ou avec alternatives voltiennes ne doivent être employées qu'avec ména-

gement.

Le traitement par les courants faradiques peut être appliqué suivant

les procédés indiqués à propos des paralysies cérébrales. Ce genre de

traitement doit être aussi employé avec prudence. Dans beaucoup de cas

de paralysies médullaires, la contracture est moins à redouter que dans

les paralysies cérébrales ; dans d'autres elle existe aussi et. parfois même

elle est une des principales manifestations symptomatiques. Il y a donc

lieu de surveiller attentivement les effets du traitement sur l'état spas-

modique et de suspendre le traitement si la contracture apparaît

lorsqu'elle n'existait pas, ou augmente quand elle était déjà développée.

L'électrisation statique a été appliquée aussi, dans les conditions déjà

dites, au traitement des affections par lésions des neurones centraux

intra-méduttaires.

Enfin, depuis quelques années on a appliqué, avec des succès parfois

encourageants, la radiothérapie à un certain nombre de ces affections,

notamment dans des scléroses en plaques et dans des cas de compres-

sion médullaire par tumeurs ou par pachyméningite. Il en a été parlé

dans une autre partie de cet ouvrage.

II. - MALADIES DÉPENDANT DE LÉSIONS PORTANT PLUS PARTICULIÈREMENT

SUR LES NEURONES MOTEURS PÉRIPHÉRIQUES

Les aflections atteignant plus particulièrement les neurones moteurs

périphériques bénéficient en général beaucoup plus d'un traitement par

l'électricité que les affections portant sur les neurones moteurs centraux.

Pour éviter des redites trop nombreuses nous ne passerons pas en

revue ces maladies suivant une classification nosographique rigoureuse,

mais nous rapprocherons les unes des autres celles qui sont susceptibles

d'être traitées par des procédés plus ou moins semblables.

[E. HUET.]

1296 ÉLECTROTHÉRAPIE.

En nous plaçant à ce point de vue nous réunirons dans un premier

groupement les affections, qui en suivant un processus aigu, atteignent

soit les cornes antérieures de la moelle comme les poliomyélites anté-

rieures aiguës, soit les racines nerveuses comme les radiculites dans la

méningite cérébro-spinale, soit les nerfs périphériques comme les poly-

névrites. Nous nous occuperons ensuite des névrites isolées et des para-

lysies limitées à un ou plusieurs nerfs ; puis des affections à processus

chronique (atrophies musculaires myélopathiques, etc) ; et enfin des

myopathies et des atrophies musculaires réflexes et par inaction.

Poliomyélite antérieure aiguë. Qu'elle se présente sous la forme

la plus fréquente de paralysie spinale infantile, ou sous la forme plus

rare de paralysie spinale antérieure des adolescents ou de l'adulte, la

poliomyélite antérieure aiguë comporte un traitement sensiblement

semblable.

Faut-il commencer le traitement de bonne heure, dès la période d'in-

vasion ? Quelques électrothérapeutes, s'appuyant sur l'évolution favorable

de plusieurs cas ainsi traités, conseillent d'agir de cette façon. Mais il ne

faut pas oublier que des poliomyélites antérieures aiguës, bien qu'assez

semblables en apparence au début et donnant lieu à des paralysies très

accusées et assez étendues, suivent spontanément une évolution notable-

ment différente; les unes aboutissent assez rapidement à une réparation

assez satisfaisante quoique le plus souvent incomplète; les autres au con-

traire donnent lieu à de grosses atrophies avec déformations plus ou moins

accentuées des membres. Nous partageons l'avis de ceux qui croient

aussi avantageux et peut-être plus prudent d'attendre quelque temps,

une ou deux semaines au moins, pour commencer le traitement élec-

trique. ? 4'

Auparavant il est important de pratiquer l'exploration des réactions

des nerfs et des muscles, qui renseignera, comme nous l'avons vu à

l'électrodiagnostic, sur l'étendue et la gravité des lésions et indiquera

dans une certaine mesure ce que l'on peut espérer du traitement. Dans

le cours de la première semaine, et souvent même dans le cours de la

deuxième, l'examen ne peut donner que des renseignements très approxi-

matifs ; la diminution plus ou moins prononcée ou l'abolition de l'excita-

bilité faradique permettent de soupçonner seulement la plus ou moins

grande gravité des lésions; mais vers la fin de la deuxième semaine, ou

dans le cours de la troisième, lorsque s'est écoulé le temps nécessaire

pour que la DR se développe avec ses caractères de la période d'état,

l'examen devient très démonstratif et peut fixer sur la répartition des

lésions, sur leur intensité et sur la marche qu'elles suivront selon toute

probabilité. Pendant le cours du traitement, d'ailleurs, il y a intérêt à

renouveler de temps il autre, à intervalles de quelques semaines au plus,

l'examen électl'Odiagnostiquc afin de suivre l'évolution des lésions et à

bien fixer les détails que comportent le diagnostic et le pronostic.

On peut commencer le traitement par la galvanisation continue delà

PARALYSIE INFANTILE. 1 U7

moelle. Si la paralysie est localisée sur les membres inférieurs, on place

une large cathode sur la colonne vertébrale au niveau de la région dorso-

lombaire et une large anode il la région dorsale supérieure, ou encore

sur la paroi abdominale. Si la paralysie est localisée sur les membres

supérieurs, on place la cathode sur la région cervico-dorsale de la

colonne vertébrale et l'anode sur la région dorso-lombaire ou au devant

de la poitrine sur la région sternale. On établit, lentement et sans

secousses, un courant continu avec une intensité de 5 à 15 m. A. Quelques

auteurs conseillent des intensités plus fortes; nous croyons préférable de

s'en tenir il des intensités faibles ou moyennes. La durée de chaque

nleclrisation peut être comprise entre 5 et 20 minutes, plus rarement une

demi-heure; il nous paraît suffisant de renouveler le traitement tous les

deux jours ou trois fois par semaine. Au lieu de pratiquer la galvanisa-

tion continue dans une seule direction, on peut la pratiquer en changeant

plusieurs fois la direction du courant après avoir ramené son intensité

à zéro; en pareils cas on laisse passer le courant dans chaque direction

pendant 5 ou minutes donnant à l'électrisation une durée totale de

10 minutes à une demi-heure. Ce dernier mode de traitement est uiili-

sable dans l'un ou l'autre des cas précédents, lorsque la paralysie est

localisée aux membres supérieurs ou aux membres inférieurs; il est par-

ticulièrement applicable lorsque la paralysie atteint à la fois membres

supérieurs et membres inférieurs ; dans ce cas il est plus simple de ne

pas placer une des électrodes sur la face antérieure du corps, mais de

placer les deux électrodes l'une sur la région cervico-dorsale, l'autre sur

la région dorso-lombaire. On peut cependant, si l'on veut soumettre

les deux renflements de la moelle, correspondant a l'origine des nerfs des

membres, il l'action d'un seul pote, le pote négatif par exemple, placer

l'anode sur la face antérieure du corps et la cathode successivement sur

la région cervico-dorsale et sur la région lombaire. On peut encore

opérer simultanément sur ces deux régions en appliquant sur chacune

d'elles une électrode reliée par un cordon bifurqué au même pôle de la

source galvanique.

Il y a généralement indication d'associer le traitement dirigé sur la

moelle au traitement dirigé il la périphérie sur les nerfs et muscles para-

lyses. On peut agir ainsi, soit dès le début du traitement, soit après

quelque temps de galvanisation localisée à la moelle. Dans la plupart des

cas de poliomyélite antérieure aiguë le traitement périphérique doit être

l'ait, d'abord avec le courant, galvanique, et on commence par le courant

galvanique continu. Si les troubles paralytiques sont assez étendus sur ! un des membres inférieurs, ou sur tous les deux, on se sert avec : \\',111-

lay, comme l'une des électrodes d'un bain dans lequel on fait plonger

suivant le cas un pied, ou les deux pieds : l'autre électrode, sous la forme

dune, large plaque, est appliquée sur la région dorso-lombaire de la

colonne vertébrale. Lorsque la paralysie porte sur les membres snpe-

rieurs on fait plonger dans le bain une main, ou les deux mains, cl l'autre.

l'11.ll'lf ! UE ? I'HOI., 2

[E. HUET .]

1 298 . ELECTROTHÉRAPIE.

électrode est placée sur la région cervico-dorsale. On fait passer pendant

10 à 20 minutes un courant continu auquel on donne une intensité de

a à 1.0 m. A., généralement avec l'anode sur la colonne vertébrale et la

cathode à la périphérie. On peut aussi établir successivement des direc-

1 ions différentes du courant, en ramenant le courant à zéro chaque fois

que l'on change sa direction, et en le laissant passer de 3 it 5 minutes

dans chaque direction.

Lorsque les troubles paralytiques sont moins diffus et se montrent pré-

dominants sur certains muscles ou groupes musculaires, au lieu du bain

électrode, il est souvent préférable d'employer une plaque électrode que

l'on place sur la partie inférieure, des muscles les plus atteints. Générale-

ment dans ce cas on donne au courant une intensité plus faible qu'avec

le bain électrode; et, suivant les indications fournies par l'état des mus-

('les on reporte, après avoir ramené lc courant à zéro, l'électrode sur

d'autres groupes musculaires soit sur le même membre, soit sur l'autre

membre. Sur chacune des régions choisies on prolonge le passage du

courant de façon que la durée totale de l'électrisation ne dépasse guère

20 à 50 minutes. Les séances de traitement peuvent n'être répétées que

tous les deux jours. Dans le cas où l'électrisation doit être étendue à plu-

sieurs membres, il peut y avoir avantage à faire des séances quotidiennes

pour soumettre à l'électrisation un jour les membres inférieurs et un

autre jour les membres supérieurs. *

A la galvanisation continue ainsi dirigée, il y a lieu d'ajouter, après

quelque temps, deux ou plusieurs semaines suivant les cas, des exci-

tations des muscles avec le courant galvanique interrompu. Ces exci-

tations peuvent être faites d'abord pendant l'application du courant alva-

nique continu soit avec le bain soit avec les plaques. Pendant cette

application on interrompt et on rétablit brusquement le courant de

15 à 00 fois à intervalles de quelques secondes. Au moment de ces

ouvertures et fermetures du courant il faut avoir soin d'abaisser t intcu-

sité de manière que les excitations ne soient pas trop fortes; on donne au

courant une intensité voisine de celle qui produit les contractions mini-

males des muscles, intensité qui il cette période de la poliomyélite peut

être comprise en moyenne entre 5 et 11. A. Après ces excitations on

laisse généralement passer quelques minutes encore le courant, à l'état

continu, en relevant son intensité à la valeur choisie pour la galvanisation

continue.

Après quelques semaines de ce traitement il y a lieu souvent d'insister

davantage sur les excitations des muscles, soit en continuant encore les

applications de courant galvanique continu, soit en les remplaçant par

des séances uniquement consacrées aux excitations musculaires. 1 ce

moment il y a généralement indication de localiser plus particulièrement

les excitations sur les muscles que l'électrodiagnoslic montre les plus

atteints, en évitant au contraire d'exciter, autant qu'il est possible, les

muscles restés sains ou peu atteints, pour ne pas augmenter les déloi-

PARALYSIE INFANTILE. 1299

mations qui résultent parfois de la prédominance d'action de ces

derniers. On procède habituellement à l'électrisation en employant la

méthode polaire : une grande électrode est appliquée sur la colonne

vertébrale, et avec une électrode d'assez petites dimensions en forme de

plaque ou de tampon on localise les excitations sur les muscles que l'on

se propose d'exciter, soit avec le courant galvanique simplement inter-

rompu, soit avec le courant galvanique interrompu et renversé. Il y a

avantage à agir par excitation longitudinale en plaçant l'électrode sur la

partie inférieure du muscle ou sur son tendon; on peut faire aussi

quelques excitations sur le corps du muscle, et d'autres au niveau de son

point d'élection. Lorsqu'on emploie la galvanisation simplement inter-

rompue c'est la cathode qu'il convient de faire agir dans l'excitation

longitudinale et le plus souvent, au contraire, l'anode dans l'excitation

au point d'élection. Dans la galvanisation interrompue et renversée, pro-

cédé auquel nous donnons habituellement la préférence, l'électrode

excitatrice est rendue alternativement cathode et anode au moyen de la

double clef ou du métronome inverseur. Qu'on agisse par la galvani-

sation simplement interrompue ou par la galvanisation alternative on

donne au courant une intensité suffisante pour produire des excitations

assez faibles. A une époque pas très éloignée encore du début de la

maladie une intensité de. à 5 m. A. se montre souvent suffisamment

active; plus tard l'intensité doit être plus élevée et atteindre 8 à l 0 m. A; -,

parfois davantage; nous évitons généralement de dépasser 15 m. A. Les

excitations ne doivent pas non plus être trop prolongées; sur chaque

muscle ou groupe musculaire soumis, à ce traitement on limitera l'élec-

trisation à une durée de 1 à 2 minutes en répétant les excitations à

intervalles de 1 à secondes. Lorsqu'on doit employer des intensités

un peu élevées, les excitations avec la méthode polaire se diffusent

parfois sur des muscles restés sains ou déjà bien réparés; il peut y avoir

avantage à employer dans ces cas la méthode bipolaire et à placer les deux

électrodes sur le muscle, l'une à sa partie supérieure, l'autre il sa partie

inférieure.

La galvanisation labile pourrait être employée aussi comme mode de

traitement dans les périodes de la poliomyélite auxquelles s'adressent les

excitations des muscles dont il vient, d'être question. On la localise sur

les muscles les plus atteints; mais dans le plus grand nombre des cas

nous lui préférons la galvanisation interrompue et surtout la galvanisation

alternative.

Le traitement pur les courants faradiques comporte beaucoup moins

d'Indications que le traitement par les courants galvaniques. Il est même

contre-indiqué pour les muscles présentant de la DR complète et même

de, la 1)11 partielle assez accentuée, tant que l'excitabilité faradique des

muscles est abolie ou fortement diminuée. Dans les poliomyélites légères,

le traitement faradique peut être employé de bonne heure; il vaut mieux

If' commencer avec des courants faradiques à intermittences espacées et

[E HUET.] 1

1500 ÉLECTROTHÉRAPIE. ,

des excitations modérées des muscles, soit par la méthode polaire, soit par

la méthode bipolaire. Un peu plus tard on peut employer, mais avec

ménagements, les courants faradiques à intermittences fréquentes, avec

excitations rythmées courtes et séparées les unes des autres par des

intervalles de repos de deux à trois secondes au moins. Dans les polio-

myélites plus graves, le courant faradique pourrait être employé aussi sur

des muscles peu atteints ne présentant pas de DR ou ne présentant que.

de la DR partielle légère; mais dans ces cas les efforts du traitement

doivent porter surtout sur les muscles plus profondément atteints et

avant que ceux-ci, soumis au traitement galvanique, se trouvent plus ou

moins réparés, les muscles peu atteints ont déjà acquis une bonne répa-

ration. De plus, il vaut mieux éviter, le plus souvent, de faire porter

l'excitation électrique sur les muscles peu atteints ou sains pour ne pas

développer leur prédominance d'action et augmenter les déformations

qui en résultent parfois.

A une époque plus ou moins éloignée de l'évolution des poliomyélites

graves lorsque les muscles ont acquis une réparation suffisante et ont

retrouvé plus ou moins de leur excitabilité faradique, le traitement

dique dirigé avec ménagements peut se trouver indiqué. On le commen-

cera avec les courants faradiques à intermittences espacées ; on n'em-

ploiera que plus tard les courants- à intermittences fréquentes avec

excitations rythmées. Dans ces cas il y à souvent avantage à employer les

courants galvano-faradiques, d'abord les courants dans lesquels le fan-

dique est à intermittences espacées et plus tard les courants avec fara-

dique à intermittences fréquentes.

L'électrisation statique avec le bain, friction sur la colonne vertébrale,

et étincelles immédiates ou médiates plus ou moins fortes dirigées sur

lés muscles a été employée aussi pour le traitement des poliomyélites

antérieures aiguës. Nous préférons à ce mode de traitement, dans la

grande majorité des cas, le traitement par les courants galvaniques et

accessoirement par les courants faradiques ou galvano-faradiques.

La direction générale du traitement peut être la suivante : au commcn-

cement le traitement sera appliqué sans interruption pendant plusieurs

mois, 5 à 6 mois en moyenne. On pourra le suspendre alors quelques

semaines pour le reprendre pendant quelques mois, le suspendre de

nouveau, le reprendre ensuite et ainsi de même pendant un temps assez

long; tant que l'on voit ou que l'on peut espérer des effets utiles de nez

traitement. A mesure que l'on s'éloigne davantage du début de la maladie

les périodes de repos du traitement électrique peuvent être plus prolon-

gées; dans ces intervalles de repos il convient souvent de continuer on

d'appliquer ' d'autres modes de traitement tels que massage, balnco-

thérapie, etc. Ainsi compris, le traitement électrique s'étend habituelle-

ment sur plusieurs années. Les résultats, sont très variables suivant les

cas : rarement très bons, sauf dans les cas de poliomyélite légère.

souvent médiocres, parfois peu satisfaisants; généralement cependant

' : '' . ' : POLYNÉVRITES, I u01 1

une amélioration plus ou moins accentuée accompagne le traitement. Les

cas les plus défavorables ne sont pas toujours ceux dans lesquels un très,

grand nombre de. muscles sont atteints ; avec, quelques muscles ou

groupes musculaires profondément altérés on observe parfois, sous l'in-

lluence de la prédominance d'action des muscles antagonistes, des défor-

mations contre lesquelles l'orthopédie reste souvent impuissante et qui

nécessitent des interventions chirurgicales plus ou moins heureuses sui-

vant les cas : anastomoses nrusculo-tendüeuses, sections de tendons,

srllnodèses; etc.. -

On-est appelé quelquefois tardivement à traiter lés atrophies muscu-

et les troubles moteurs laissés par des poliomyélites, qui n'ont pas

encore été traitées par l'électrisation, ou dans lesquelles le traitement

électrique incomplet ou mal dirigea été abandonné depuis longtemps.

Un certain nombre de ces cas peuvent bénéficier encore de l'électrisation.

Généralement en pareils cas les applications à faire consistent en excita-

tions plus ou moins localisées sur les muscles, que l'examen électro-

diagnostique montre plus particulièrement atteints,, avec les courants

galvaniques simplement interrompus ou avec les courants, galvaniques

interrompus et renversés. Parfois aussi la faradisation ou la galvano-

ihradisation peuvent être utiles. On appliquera ces modes de traitement

suivant les indications déjà données.

. Complications de la méningite cérébro-spinale. - Dans. la ménin-

gite cérébro-spinale on voit parfois se produire des complications occa-

sionnant des troubles moteurs qui ressemblent beaucoup à ceux de la

poliomyélite; il n'est même pas toujours facile de les distinguer les uns

des autres. Ces complications sont souvent dues à des lésions des racines

nerveuses; elles peuvent aussi dépendre de lésions concomitantes des

cellules des cornes antérieures. Qu'elles aient l'une ou l'autre de ces ori-

gines les complications de la méningite cérébro-spinale sont passibles du

même traitement. Il faut attendre que la période aiguë de la méningite

ait pris fin pour commencer le traitement électrique; ensuite celui-ci

pourra être dirigé de la manière que nous avons dite pour la poliomyélite.

Les résultats; du traitement sont souvent meilleurs dans les séquelles de

la méningite que dans la poliomyélite', alors même que les. lésions secon-

daires des nerfs périphériques et des muscles se sont montrées sensi-

hiement semblables à l'examen électro-diagnostique. La restauration des

nerfs et des muscles n'est cependant pas toujours complète et les compli-

cations de la méningite laissent parfois des atrophies plus ou moins pro-

noncées étendues suivant les cas à un plus ou moins grand nombre de

muscles.

- Polynévrites. Parmi les polynévrites il en est qui se développent

dune manière aiguë avec manifestations symptomatiques prédominant

dans la sphère motrice et qui affectent ainsi une ressemblance plus ou

moins grande avec les poliomyélites antérieures aiguës. Dans ces poly-

névrites, cependant, les troubles sensitifs. tels que douleurs sur le trajet

· [E HUET.]

1302 ÉLECTROTHÉRAPIE.

des nerfs et douleurs au niveau des muscles, sont généralement plus

accentués que ceux existant parfois aussi dans les poliomyélites. Le trai-

tement électrique qu'il convient d'appliquer il ce genre de polynévrites

est sensiblement le même que celui des poliomyélites. Ce traitement ne

doit pas être commencé de trop bonne heure; il faut attendre que les

phénomènes aigus de la période d'invasion soient en rétrocession; c'est

donc seulement après plusieurs semaines, lorsque les douleurs ont beau-

coup diminué sinon complètement disparu, que le traitement sera com-

mencé. La galvanisation continue spécialement localisée à la moelle ne

comporte pas dans ces cas d'indications particulières. Pour la galvani-

sation continue à diriger il la périphérie sur les nerfs et sur les muscles

nous croyons cependant qu'il y a avantage a placer l'une des électrodes

sur la colonne vertébrale. Pour la direction générale du traitement et les

détails sur les diverses applications qu'il comporte, nous renvoyons il er

que nous avons dit du traitement de la poliomyélite.

Les résultats obtenus dans ces polynévrites sont généralement bons ou

assez bons; ils ne. sont pas cependant toujours parfaits : dans ces cas

aussi un plus ou moins grand nombre de muscles peuvent rester plus ou

moins atrophiés, soit que dès le début les cellules de leurs neurones

moteurs périphériques aient été aussi lésées, comme dans les cas auxquels

on a donné le nom de cellulo-névritcs, soit que les lésions des nerfs

moteurs aient été primitivement intenses et aient entraîné consécuti-

vement des altérations des cellules motrices des cornes antérieures.

Dans certaines polynévrites, les troubles sensitifs, sensations d'engour-

dissement, de fourmillement, anesthésies, etc., prennent une assez

grande importance, il côté de troubles moteurs assez prononcés aussi

parfois, plus effacés d'autres fois. Les altérations des réactions électriques

sont souvent moins accentuées dans ces l'ormes de polynévrite que dans

les précédentes; elles ne sont parfois que simplement quantitatives,

d'autres fois elles montrent aussi de la DR, mais plus souvent partielle

que complète. Il en est fréquemment ainsi, par exemple, dans les poly-

névrites diphtériques. Le traitement électrique peut généralement être

commencé de bonne heure dans ces formes de polynévrites; il peut être

sensiblement le même que celui des poliomyélites ; la galvanisation con-

linue notamment est très utilisable en appliquant une des électrodes sur

la colonne vertébrale et l'autre sur les parties des membres où les

troubles moteurs et sensitifs sont prédominants; le bain électrode con-

vient très souvent dans ces cas. Les excitations des nerfs et des muscles

se montrent également utiles; elles peuvent être faites par la galvanisa-

tion simplement interrompue ou par la galvanisation alternative, mais il

y a souvent avantage il les faire par la faradisation ou par la galvano-farn-

disation.

L'électrisation statique employée seule, ou ajoutée aux modes de Irai-

ternent précédents, nous paraît assez recommandable dans ces cas. Au

bain statique on ajoutera Cfihfvation, et de préférence la friction élec-

PAH.\LYSJES 1'1;;HIJ>IIIJlIQ(]E. 171t);¡

trique plus ou moins généralisée quand elle est bien supportée, parfois

aussi l'excitation des muscles avec étincelles.

Les résultats de ces divers modes de traitement dans ces formes de

polynévrite se mollirent généralement bons et sont souvent assez rapides.

Paralysies par lésions des nerfs ou de leurs racines, lésions trauma-

tiques, névrites, etc. Dans la pratique on se trouve souvent en

présence de paralysies limitées au territoire périphérique d'un ou de

plusieurs nerfs ; d'autres fois, les paralysies sont distribuées suivant une

topographie indiquant qu'elles dépendent de lésions ou d'altérations des

plexus formés par les racines des nerfs, et parfois de lésions ou d'altéra-

tions des racines nerveuses dans leur partie comprise entre la moelle et

les plexus. La première indication à remplir dans le traitement de ces

divers genres de paralysies est de rechercher quelle a pu être leur cause.,

et, si celle-ci est persistante, d'y remédier lorsqu'il est possible (suppri-

mer, par exemple, la compression d'un nerf produite par les fragments

ou par le cal d'une fracture, suturer les deux bouts d'un nerf sec-

tionné, etc.).

Lorsque la cause de la paralysie a été supprimée, ou lorsqu'elle n'a agi

que d'une façon transitoire, la paralysie persiste néanmoins et peut se

prolonger pendant un temps parfois très long. Le traitement par l'élec-

trisation se trouve généralement indiqué. L'état des nerfs et des muscles

qu'ils animent reconnu par l'examen étectrodiagnostique doit servir de

guide dans les applications du traitement qu'il convient d'appliquer.

On peut se trouver en présence de nerfs et de muscles qui ont bien

conservé leur excitabilité électrique, faradique et galvanique, ou qui ne

montrent que de la simple diminution de leur excitabilité, sans DR. Ces

conditions sont assez fréquentes dans un assez grand nombre de paraly-

sies nerveuses périphériques; elles se rencontrent parfois aussi dans les

paralysies d'origine radiculaire, ou dans les paralysies des plexus; elles

sont habituelles dans les paralysies dues à une compression modérée et

transitoire des nerfs, la paralysie radiale du sommeil, par exemple,

(exceptionnellement on rencontre dans cette dernière variété des para-

lysies plus graves avec DU plus ou moins accentuée, comme on l'a observé

dans des cas d'ivresse profonde avec sommeil prolongé). Ces paralysies

sont habituellement légères et pourraient guérir spontanément. Le

traitement électrique balte la guérison et la produit en quelques jours

parfois, en quelques semaines plus généralement. Dans ces cas nous

conseillons surtout la faradisation, soit par la méthode localisée et bipo-

laire, soit par la méthode unipolaire, soit par la méthode labile. Dans ces

deux dernières conditions l'une des électrodes est placée vers la racine

du membre ou sur la colonne vertébrale, et électrode sert à exciter

les muscles. Il peut y avoir avantage parfois à remplacer la faradisation

par la galvano-faradisation. On peut commencer le traitement avec les

courants à intermittences espacées. mais bientôt, parfois même dès le

début du traitement, on peut employer les courants à intermittences fré-

[E MUET]

1Ô04 1 : ;U<;.cTHOTlIÉRAPIE.

quentes, en rythmant les excitations; celles-ci doivent être faites avec

des courants d'énergie modérée, et prolongées de 1. à 2 ou minutes sur

chaque muscle ou groupe musculaire soumis à l'électrisation. Les séances

de traitement seront renouvelées tous les jours ou tous les deux jours.

Dans un grand nombre d'autres cas de paralysies périphériques par

névrites localisées ou par lésions des nerfs, des plexus ou des racines

nerveuses, il existe de la DR plus ou moins prononcée : Le traitement élec-

trique se montre aussi très utile, mais la guérison est beaucoup plus

tardive; dans les cas les plus favorables elle n'est pas obtenue avant quel-

ques mois ; parfois elle n'est bien complète qu'après une ou plusieurs

années. Il est des cas aussi dans lesquels la guérison est très imparfaite

ou même fait défaut plus ou moins complètement.

. Lorsque la DR est complète, la direction du traitement peut être sensi-*

blement la même que celle exposée pour la poliomyélite. On commencera

par la galvanisation continue, en appliquant l'une des électrodes, l'anode

de préférence, sur la colonne vertébrale, ou à la racine du membre, sur

le trajet du nerf, et l'autre électrode, la cathode, à la périphérie soit

dans un bain, soit sur les muscles paralysés. Mêmes intensités du cou-

rant et même durée que dans le traitement de la poliomyélite. Parfois des

indications particulières résultent de la cause de la paralysie. Ainsi lors-

qu'une cicatrice dure et plus on moins exubérante est une cause qui

produit ou entretient la paralysie par la compression ou l'irritation d'un

nerf, on peut chercher à ramollir et à réduire la cicatrice par le courant

continu en la recouvrant avec la cathode de forme et de dimensions

appropriées; il y a avantage à faire intervenir alors l'action de certains

ions en imbibant la cathode soit avec unp solution de chlorure de sodium,

soit avec une solution d'iodurc de potassium.

A la galvanisation continue on ajoute bientôt des excitations des

muscles paralysés et plus ou moins atrophiés faites avec le courant gal-

vanique simplement interrompu ou avec le courant galvanique inter-

rompu et renversé. Plus tard, lorsque la réparation est suffisamment

avancée et que l'excitabilité faradique des nerfs et des muscles a reparu,

les courants faradiques ou galvano-faradiques peuvent être utilisés pour

l'excitation des muscles.

Lorsque la DRn'est que partielle, la galvano-faradisation et la faradisa-

lion peuvent. être employées plus tôt; mais, en général, il vaut mieux

aussi commencer le traitement avec les courants galvaniques continus,

puis avec les courants galvaniques interrompus et renversés.

Comme dans le traitement des poliomyélites il y a souvent avantage.

dans les cas où la réparation se fait lentement, à suspendre de temps il

autre le traitement électrique pour le reprendre de nouveau après des

intervalles de repos plus ou moins prolongés.

Ces considérations générales nous paraissent suffisantes pour indiquer

la conduite à tenir et la direction il donner au traitement dans la plupart

des paralysies périphériques funiculaires, réticulaires ou radieulaires;

, PARALYSIE FATALE., , l~>or>

elles sont applicables chez l'enfant comme chez l'adulte; elles sont appli-

nables.aussi aux paralysies ohstétricales qui, le plus souvent, portent sur

le membre supérieur et reconnaissent habituellement comme cause

J'élongation des racines du plexus brachial, soit en partie seulement, soit

en totalité. Dans ces cas de paralysies radiculaires les lésions ne sont pas

habituellement égales sur toutes les racines; l'électro-diagnostic permet

de le reconnaitre, et suivant les indications qu'il fournit, on pourra se

contenter d'appliquer sur certaines parties 'du membre paralysé le trai-

tement indiqué pour les paralysies légères, alors que pour d'autres parties

il faut appliquer le traitement convenant à des paralysies plus graves avec

DR partielle ou avec DR complète.

- Dans les paralysies périphériques de quelques nerfs, le traitement

comporte certaines particularités que nous devons indiquer brièvement.

Paralysies faciales. Au point de' vue du traitement, les paralysies

Faciales périphériques peuvent être divisées en deux grands groupes, les

paralysies' dans lesquelles les réactions électriques sont bien conservées

ou sont altérées seulement en quantité sans DR, et les paralysies dans

lesquelles existe de la DR soit partielle, soit complète. -

Les paralysies du premier groupe, celles qui ne présentent pas de DR,

sont des paralysies légères, dans lesquelles la réparation tend à se faire

spontanément; la réparation cependant est parfois traînante, et le traite-

ment électrique peut la rendre plus rapide. En pareil cas, le traitement

peut être fait.par des excitations faradiques des muscles, de préférence

avec des courants à intermitlences espacées; ces excitations doivent être

très modérées et assez peu prolongées-, une à deux minutes, par exemple,

sur chacun des principaux muscles paralysés. Il nous paraît bien suffit-

sant de renouveler le traitement deux ou trois fois par semaine. Il ne faut

pas oublier que dans les paralysies plus graves les manifestations de DR

ne se montrent souvent bien confirmées qu'après deux ou trois semaines,

parfois même quatre semaines; aussi convient-il d'agir prudemment avec

le traitement faradique, pour les raisons que nous verrons bientôt, et il

peut être préférable de commencer pendant les premières semaines le

traitement des paralysies faciales légères avec les courants galvaniques

comme s'il s'agissait de paralysies plus graves.

Dans les 'paralysies faciales avec DR, surtout : lorsque celle-ci est com- -

plète, on voit assez souvent, à la période de réparation, la paralysie rem-

placée peu à peu par de la contracture plus ou moins prononcée. Ce

mode de terminaison des paralysies faciales graves s'observe même dans

des paralysies abandonnées a elles-mêmes et n'ayant été soumises à aucun

traitement électrique; mais l'observation a montré depuis longtemps

qu'un traitement électrique mal dirigé, avec des courants trop intenses,

ou trop prolongés, augmente la contracture ou même provoque facilemenl 1

son apparition. Duchenne a déjà insisté tout particulièrement sur ce point :

et il conseillait de conduire avec prudence- le traitement électrique de la

. paralysie faciale. Nous croyons avec la plupart des électrothérapcutcs

(B-HUBT.]

150G s : > ÉLECTROTHÉRAPIE.. -

contemporains qu'au début des paralysies faciales avec DR il est préfé-

rable de ne pas employer le traitement faradique, même dans les para-

lysies avec DR partielle où l'excitabilité faradique n'est pas abolie; nous

déconseillons surtout le traitement avec les courants faradiques à inter-

mittences fréquentes et le traitement avec le pinceau faradique très sou-

vent employé encore par beaucoup de praticiens.

Le traitement galvanique sera fait d'abord avec le courant continu

seulement. Une large anode, sera appliquée sur la région dorsale supé-

rieure ou de préférence sur la nuque; la cathode, représentée par une

électrode de 5 il ! ¡. centimètres de diamètre, sera appliquée successive-

ment au-dessous et en arrière de l'oreille au niveau de l'émergence du

nerf facial par le trou stylo-mastoïdien; au-devant de l'oreille, à la hall-

teur du tragus, au niveau de la division du nerf facial en ses branches

principales; sur la tempe près de l'angle externe de l'oeil au niveau de

la branche frontale et des rameaux se rendant à l'orbiculaire des pau-

pières ; sur le muscle frontal ; au-dessous de l'oeil, au niveau du plexus

sous-orbitaire et des muscles orbiculaire inférieur des paupières et él( ?

vateurs de l'aile du nez et de la lèvre supérieure; sur la joue au niveau

du buccinateur, des zygomatiques et des rameaux nerveux se rendant à

l'orbiculaire des lèvres; il la partie inférieure de la joue sur la branche

inférieure du facial et sur le muscle triangulaire, des lèvres; enfin sur le

menton au niveau des muscles du menton et de la partie inférieure de

l'orbiculaire des lèvres. Sur chacun de ces points on fait passer pendant

une à deux minutes un courant continu de 3 il 5 m. A.

On peut employer aussi comme cathode la large électrode, utilisée par

Hergonié dans le traitement de la névralgie faciale. Cette électrode

échancrée en arrière au niveau de l'oreille, et en avant au niveau de l'oeil

et de la bouche, recouvre toute la moitié de la face envoyant en avant

trois prolongements l'un sur le front, le second sur la joue entre l'oeil et

la bouche, et le troisième sur le menton ; dans ces conditions on fait

passer pendant 10 à 12 minutes un courant de il 10 m. A., courant

faible étant donné la large surface, de l'électrode.

Après quelque ternps de ce traitement par la seule galvanisation con-

tinue, deux il trois semaines, par exemple, on fait en plus quelques exci-

tations des muscles avec le courant galvanique simplement interrompu

ou avec le courant galvanique interrompu et renversé. C'est à ce dernier

mode d'excitations, au moyen de la clef double, que nous donnons la

préférence; il permet de se rendre compte, en même temps qu'on

applique le traitement, de l'état de l'excitabilité galvanique des muscles.

A chaque séance d'éjectrisatiou nous croyons préférable de commencer

par les excitations des muscles. Celles-ci sont faites avec une petite élec-

(rode de 1 à 2 centimètres de diamètre sur les principaux muscles para-

lysés, frontal, orbiculaire des paupières, élévateurs de l'aile du nez et de

la lèvre supérieure, zygomatiques. orbiculaire des lèvres, muscles du

menton, triangulaire des lèvres. L'électrode excitatrice est placée sur les

PARALYSIE FACIALE. 1307

points où l'excitation des muscles est le plus facilement obtenue, points

qui ne correspondent plus toujours aux points d'élection normaux en

raison du déplacement de ces points. D'abord les excitations faites sur

chaque muscle sont peu nombreuses, de 15 il 20; dans la suite leur

nombre est augmenté, et porté raz0 ou 40, parfois même plus. Les inten-

sités doivent être faibles et en rapport avec l'état de l'excitabilité galva-

nique ; dans la période d'hyperexcitabilité une intensité de 1/2 il 1 m. A.

est souvent suffisante; dans la suite, l'intensité doit être augmentée,

atteindre 1 ou 2 m. A., puis être plus élevée encore quand survient de

l'hypoexcitabilité. On termine la séance par l'application du courant gal-

vanique continu suivant l'un ou l'autre des procédés déjà indiqués.

Dans les paralysies faciales avec DR la réparation ne se fait jamais

qu'assez lentement et le traitement doit être continué longtemps; il

parait suffisant d'en renouveler les applications tous les deux ou trois

jours ; des applications quotidiennes ne semblent pas être plus utiles.

Après quelques mois, lorsque la réparation tarde à se montrer, ou si elle

progresse lentement, il peut y avoir avantage à faire de temps à autre des

intervalles de repos de deux ou plusieurs semaines dans les applications

du traitement électrique.

A une période assez éloignée du début, lorsque l'excitabilité faradique

des muscles est, présente, les courants faradiques peuvent être employés

pour exciter les muscles ; ces excitations doivent toujours être très

modérées, peu prolongées et faites plutôt avec des courants à intermit-

tences espacées qu'avec des courants à intermittences fréquentes.

développement possible de la contracture secondaire. Celle-ci ne se

v développe que lorsque la période de réparation de la paralysie est com- ! mencée, et elle se montre surtout lorsque la réparation se fait inégalement

et incomplètement dans les divers territoires du nerf facial. Le plus

souvent elle commence dans le territoire moyen du facial sur les zygoma-

tiques et les élévateurs de l'aile du nez et de la lèvre supérieure avec le

retour de la tonicité et de la contractilité de ces muscles. On en est

averti par des signes subjectifs (sensation de raideur dans la joue

ressentie par le malade) et par des signes objectifs (redressement et

élévation de la commissure labiale du côté paralysé, accentuation du pli

naso-labial, secousses spasmodiques dans les muscles en état de contrac-

[lire., soit au repos, soit surtout à l'occasion des mouvements ou à l'occa-

sion d'excitations cutanées ou électriques) ; à ces signes s'ajoutent plus

tard des mouvements associés d'élévation de la commissure labiale lorsque

le malade cherche à fermer les yeux ou à plisser le front, ou inversement

des mouvements associés d-oc(-Itisloii des paupières lorsque le malade

ouvre la bouche. Dans ces conditions, il faut cesser d'abord tout traite-

ment électrique, même la galvanisation continue, sur les muscles atteints

ou menacés de contracture; il peut y avoir avantage il continuer l'élec-

trisation sur les muscles où la réparai ion est le moins avancée, par

[E. HUET] 1

1508 ' , ÉLECTROTHÉRAPIE. ,

exemple, dans le cas actuellement cité, sur le frontal, l'orbiculaire infé-

rieur des lèvres, les muscles du menton et le triangulaire des lèvres. Si

la contracture tend néanmoins ;t augmenter, il faut cesser tout traitement

électrique. Après un long intervalle de repos on peut essayer de reprendre

le traitement en le faisant porter seulement sur les muscles les moins

réparés qu'on excite soit avec les courants galvaniques, soit avec les cou-

rants faradiques ou les courants galvano-faradiques; si la contracture ne

parait pas diminuer et surtout si elle tend à augmenter, il faut arrêter

définitivement le traitement électrique.

Paralysies des nerfs moteurs du globe oculaire. Dans le traite-

ment de ces paralysies on peut se borner le plus souvent à des appiicn-

fions' de courants galvaniques continus. L'une des électrodes, l'anode géné-

ralement, est placée il la nuque sur la ligne médiane ou sur le côté opposé

à celui de la paralysie; la cathode, de forme et de dimensions appropriées.

est placée sur les paupières fermées, paupière supérieure, ou paupière

inférieure, ou l'une et l'autre paupière successivement suivant les cas.

Représentée par un tampon de 5 à 4 cm. de diamètre, la cathode peut

être placée aussi sur la tempe en arrière et en dehors de l'angle externe

de l'oeil. On utilise des courants d'assez faible intensité, de il 5111. A..

par exemple, et la durée totale de l'électrisation est le plus souvent de

à 15 minutes. ' .

On a cherché aussi à agir plus directement sur les muscles de l'oeil.

avec les courants faradiques ou avec les courants galvaniques interrompus,

en plaçant dans les culs-de-sac de la conjonctive près de l'insertion des

muscles, un petit tampon représenté par une petite boule recouverte de

ouate hydrophile. Ce mode de traitement est d'une application délicate

et nous paraît ne.devoir être tenté qu'exceptionnellement. 1

Paralysies du voile du palais. On a conseillé de traiter ces para-

lysies.avec les courants faradiques ou avec les courants galvaniques en

portant directement sur le voile du palais l'une des électrodes si on

emploie la méthode unipolaire ou les deux électrodes si on a recours à la

méthode bipolaire. En pratique, ces applications sont difficiles à faire est

nécessitent l'anesthésie préalable de la muqueuse de l'isthme du gosier.

Le plus souvent il vaut mieux agir, croyons-nous, d'une façon indirecte

au moyen du courant galvanique continu appliqué extérieurement.

L'une des électrodes, l'auode de 50 à 6(1 ? est placée sur un côté delà

nuque; l'autre électrode, plaque ou tampon de 15 à 50 ? est placée de

l'autre côté successivement sur la joue en dehors du nez, puis au-devant

de l'oreille, et en troisième lieu sur le cou au-dessous de l'angle du maxil-

laire inférieur; sur chacun de ces points on fait passer pendant quelques

minutes un courant galvanique continu avec une intensité, de 5 a

10 m. A. On agit ensuite de la même, façon sur l'autre côté.

Paralysies du larynx. Ces paralysies pourront être traitées aussi en

plaçant extérieurement les électrodes sur la peau : anode sur la nuque,

cathode successivement sur l'un et l'autre côté du larynx, et courant con-

ATROPHIES MUSCtt.AHOES \1 Ü : LOI'.\TfIHjrES. i : nl1

tinu de il li ou 10 m. A. Dans certains cas. it la galvanisation continue

on pourrait ajouter des secousses par courants galvaniques interrompus,

mais avec intensités plus faibles de 5 à 5 lu. : 1., et parfois des excitations

par courants faradiques modérés avec intermittences espacées ou avec

intermittences fréquentes en ayant soin de rythmer les excitations dans

ce dernier cas.

Paralysies de la langue. A ces paralysies on peut appliquer la

même direction du traitement que celle indiquée pour les paralysies du

larynx en plaçant l'une des électrodes, la cathode, sur la région sus-hyoï-

dienne. Les applications portées directement sur la langue sont égale-

ment possibles.

Affections à processus chronique portant sur les neurones moteurs

périphériques. Les paralysies et les atrophies musculaires qui résul-

tent de lésions des neurones moteurs périphériques et qui se développent

plus ou moins lentement, en suivant, un processus chronique, ont été

soumises souvent à des traitements par l'électricité. De nombreux modes

(l'électrisation ont été essayés. Les résultats obtenus ont été en général

peu satisfaisants dans ces affections qui suivent pour la plupart une évo-

lution progressive. Parfois le développement des lésions semble s'arrêter

pendant un temps plus ou moins prolongé, ou leur progression ne se

fait que très lentement; mais il est difficile de reconnaître la part qui.

dans cette évolution, revient au traitement ou il la marche naturelle de

la maladie. Le traitement électrique, cependant, discrètement appliqué,

peut être utile il plusieurs points de vue; il soutient le moral des malades

en leur faisant considérer que leur maladie n'est pas sans espoir de gué-

rison ou d'amélioration; il peut aussi agir directement sur l'état des

muscles incomplètement atrophiés en entretenant ou en stimulant le

développement de leurs fibres restées saines.

Comme type principal de ces affections nous pouvons considérer

\' atrophie musculaire mclopalhiqlce l'almur-Duclrelne. Les modes de

traitement que nous avons précédemment indiqués peuvent lui être

appliqués : galvanisation continue de la moelle soit seule, soit associée à

la galvanisation périphérique des muscles atrophiés, galvanisation tahiie

dirigée sur ces muscles, excitations modérées des muscles atrophiés ou

en voie d'atrophie, faites suivant l'étal de leur excitabilité électrique avec

les courants faradiques ou galvano-faradiques ou avec les courants gaha-

niques simplement interrompus ou interrompus et alternativement ren-

versés. L'électrisation statique avec frictions et étincelles le long de la

colonne vertébrale et sur les muscles atrophiés a été aussi employée. Ou

a encore essayé les courants de haute fréquence, et d'autres modes

il électrisation sur lesquels il ne nous parait pas nécessaire d'insister.

Quel que. soit le. mode de traitement électrique utilisé, il faut éviter les

courants trop forts, les séances trop prolongées et trop souvent répétées :

deux ou trois séances par semaine sont largement suffisantes. sl'.Ill'1'71-

temcnt aussi il convient de ne pas poursuivre le traitement électrique

[E HUEr 1

1 7t ! () ÉLECTROTHÉRAPIE.

d'une façon continue, mais de l'appliquer de temps il autre pendant

quelques semaines ou quelques mois, et de le suspendre pendant des

intervalles de repos plus ou moins prolongés.

Dans la sclérose latérale ccoroln'opl.ilze le processus morbide suit en

général une marche beaucoup plus rapide. On pourra essayer de mettre

en oeuvre dans cette maladie l'un ou l'autre des modes de traitement

électrique que nous venons de rappeler; lorsque les manifestations spas-

modiques sont assez accentuées, il faut écarter ou n'employer qu'avec

ménagement les modes d'électrisation qui pourraient augmenter la spas-

modicité.

La paralysie labio-glosso-Iaryngée se montre souvent comme expression

symptomatique de la sclérose latérale arnyotroplrique, soit il la fin, soit au

début. Dans ce cas on pourrait essayer la galvanisation continue de la

manière indiquée pour les paralysies du voile du palais, du larynx et de

la langue. On ne peut guère compter sur son efficacité, pas plus d'ailleurs

que sur l'efficacité des modes d'électrisation tentés contre les autres loca-

lisations de la paralysie et de l'atrophie; généralement l'évolution pro-

gressive continue sa marche et aboutit à une terminaison fatale, en

moyenne dans un espace de deux ans, parfois cependant d'une façon plus

lente.

Dans l'atrophie musculaire du type i.hc( ? COt,-1%(XY'2G, le traitement

électrique pourra se montrer plus utile; la marche de cette affection est

beaucoup plus lente et subit parfois des temps d'arrêt plus ou moins pro-

longés. Dans ces moments surtout on peut espérer voir l'électrisation

soutenir la nutrition et ramener dans la mesure possible le développe-

ment des parties des muscles qui n'ont pas été complètement atrophiées.

La syringomyélie entraîne souvent des atrophies musculaires par

extension des lésions aux cornes antérieures ou par compression de voi-

sinage. Les résultats des traitements empruntés aux divers modes d'élec-

trisation déjà indiqués ont été médiocres et souvent même il peu près

nuls. Depuis quelques années on a essayé dans la syringomyélie le trai-

tement par la radiothérapie; les résultats paraissent avoir été assez favo-

rables, davantage pour les troubles trophiques et sensitifs que pour les

troubles neuro-moteurs; l'état de spasmodicité, lorsqu'il existait, aurait

été cependant avantageusement modifié parfois, mais les atrophies mus-

culaires n'ont été guère influencées ; cela se conçoit facilement d'ailleurs

pour les cas où les cellules des neurones se trouvent déjà profondément

lésées.

Myopathies primitives (Dystrophies musculaires progressives).

Les diverses formes de la myopathie primitive, paralysie pseudo-hyper-

trophique de Duchenne, atrophie J'aeio-seapulo-huII\(\rale de Landouzy-

Dejerine, atrophie scapulo-humérale (l'I'.r'h, atrophie musculaire du type

Leyden-Mobius, paraissent dépendre d'une dystrophie primitive des

muscles et non de. lésions des neurones moteurs périphériques comme

les atrophiées musculaires mvétopathiques.

MYOPATHIES. [ : il i

L'électrisation est communément employée dans leur traitement; on

a signalé des cas où une grande amélioration, et même la guérison.

auraient été obtenues avec le traitement électrique, notamment avec les

courants sinusoïdaux et avec des courants polyphasés; il convient de

n'accueillir qu'avec réserves d'aussi bons résultats et de se rappeler que

des affections de nature différente peuvent donner lieu à des parésies

affectant, par leur localisation et par les déformations qu'elles produisent,

des ressemblances plus ou moins grandes avec les myopathies ; nous

pourrions citer comme exemples des polynévrites et certains cas de mal

de Pott. Les myopathies sont des affections qui par leur nature. suivent

une marche plus ou moins lente mais presque toujours progressive, et

l'on peut s'estimer heureux lorsque le traitement parait arrêter ou

retarder leur évolution.

Les traitements les plus recommandables semblent être ceux qui peu-

vent exciter la nutrition et le fonctionnement des muscles. Comme

ceux-ci conservent longtemps leur excitabilité électrique, faradique

et galvanique, plus ou moins diminuée seulement suivant les

cas, la faradisation ou la galvano-faradisation sont particuliè-

rement utilisables. Il faut éviter des courants trop forts et trop

prolongés qui, en fatiguant les muscles, risqueraient de produire des

effets plutôt nuisibles. Nous donnons souvent la préférence à la

galvano-faradisation. Une assez large électrode correspondant à l'anode,

est appliquée sur la colonne vertébrale; l'autre électrode, représentée par

un tampon de 5 il 4 centimètres de diamètre ou par un rouleau, sert il

porter l'électrisation sur les muscles les plus affaiblis.

La galvano-faradisation peut être faite avec courants faradiques à

intermittences espacées ou avec courants faradiques à intermittences

fréquentes. Dans le premier cas, les excitations sont plus douces et

ménagent davantage les muscles ; on donne au courant galvanique une

intensité comprise en moyenne entre 5 et 6 m. A. ; on donne, au cou-

rant faradique fourni par une bobine à gros fil ou à fil moyen, une

énergie modérée ne produisant que des contractions faibles ou assez fai-

hies sans provoquer de douleurs. Si l'on se sert de l'électrode en forme de

tampon, celle-ci est placée il demeure sur le muscle au niveau du point

d'élection ; si l'on se sert de l'électrode en forme de rouleau on peut

pratiquer l'électrisation suivant la méthode labile en promenant le rou-

leau sur toute la longueur du muscle. Pour la galvano-faradisation avec

courants faradiques à intermittences semi-fréquentes ou fréquentes, on

observe la même conduite au sujet de l'intensité il donner au courant

galvanique, et au sujet de l'énergie du courant faradique; mais que l'on

se serve de l'électrode tampon ou de l'électrode rouleau, il faut rythmer

les excitations, de la manière indiquée dans la première partie de cet

article; avec l'électrode tampon placée d'une façon stable au niveau du

point d'élection du muscle, les excitations sont rythmées au moyen d'un

interrupteur ou d'un métronome ; elles pourraient aussi être rythmées avec

[E. HUET.]

! 512 `3 ÉLECTROTHÉRAPIE.

un onduleur de courant si on dispose d'un semblable appareil; avec

l'électrode rouleau et la méthode labile d'électrisation, les excitations

sont rythmées en soulevant le rouleau lorsqu'il est arrivé à une extrémité

du muscle.

La durée de l'électrisation sur chaque muscle sera en moyenne de

si. il 7.) minutes; d'une façon générale, elle doit être, plus courte, avec la

galvano-faradisation à intermittences fréquentes, qu'avec la galvano-far;l-

disation à intermittences espacées. - .

Dans le traitement des myopathies il n'est pas nécessaire de renou-

veler l'électrisation tous les jours; deux ou trois séances de traitement

par semaine sont en général suffisantes.

La faradisation seule peut être employée au lieu de la galvano-faradi-

sation. Les procédés d'application sont les mêmes que ceux qui i

viennent d'être indiqués, avec cette différence que le courant galva-

nique est supprimé. ,

D'autres modes d'électrisation ont été employés dans le traitement des

myopathies. Nous nous contenterons de les indiquer brièvement. La gal-

vanisation continue, la galvanisation labile, la galvanisation interrompue

et la galvanisation alternative sont utilisables; pour leurs applications on

pourra prendre comme guide les indications données précédemment a

propos du traitement des poliomyélites antérieures aiguës.

L'électrisation statique a été aussi employée soit avec le bain statique

et excitations des muscles par étincelles médiates ou immédiates, soit

avec excitations des muscles par le wave current ou par les courants

statiques induits de Morton.

Nous rappellerons que les courants sinusoïdaux appliqués dans des

bains auraient donné dans quelques cas des résultats très favorables.

Les myopathies, qu'elles se développent dans l'enfance, dans l'adoles-

cence ou plus tard encore, ont une marche lente et une durée souvent

très longue. C'est en commençant le traitement électrique de bonne

heure, lorsque l'affaiblissement des muscles et leur atrophie ne sont pas

encore très prononcés, que l'on peut le plus espérer en retirer quelques

avantages..11 faut le continuer pendant longtemps, surtout s'il parait

avoir quelque efficacité, en procédant par séries de traitement de plu-

sieurs mois entrecoupées de séries de repos plus ou moins prolongé.

Pendant ces périodes de repos il y a souvent lieu de continuer. ou d'insli-

tuer d'autres genres de traitement, tels que massage, gymnastique, etc.

Atrophies musculaires réflexes d'origine articulaire. A la suite

de lésions ou d'irritations articulaires, on voit souvent se développer

des atrophies musculaires parfois très prononcées. En général ces afro-

phies frappent davantage les muscles extenseurs de l'articulation ; elles

ne, reconnaissent pas seulement pour Cause l'inaction fonctionnelle, niais

elles s'expliquent par une action réflexe portant sur les centres médul-

laires et entraînant des troubles dans la trophicité des muscles. L'électrt-

sation se montre' habituellement très efficace dans le traitement de ces

ATROPHIES MUSCULAIRES RÉFLEXES. 1510

atrophies musculaires. Lorsque toute irritation articulaire n'a pas encore

complètement disparu et lorsqu'il y a lieu de ne pas provoquer de contrac-

tions trop fortes ou trop répétées des muscles qui meuvent l'articulation,

on peut commencer le traitement par la seule galvanisation continue.

Une large anode est placée sur la colonne vertébrale à la hauteur des

racines des nerfs animant les muscles atrophiés, une large cathode est

placée sur ces muscles les recouvrant sur une assez grande surface ou

entourant leur partie inférieure, et l'on fait passer pendant un temps

variant de 10 à 50 minutes un courant continu dont l'intensité est habi-

tuellement comprise entre 5 et 10 m. A. et peut être portée avec de

larges électrodes jusqu'à 15 ni. A. Lefort et Yaltat ont traité avec succès

ce genre d'atrophies musculaires, en soumettant les muscles à une

électrisation prolongée pendant plusieurs heures avec des courants conti-

nus de faible intensité. On peut aussi soumettre les muscles atrophiés il

la galvanisation labile avec des courants d'une intensité moyenne de 5 à

li m. A. Lorsque l'état de l'articulation le permet, on peut à la galva-

nisation continue ajouter des excitations avec les courants galvaniques

simplement interrompus ou interrompus et renversés. Mais dans ces

conditions il est généralement préférable d'agir sur les muscles atrophiés

par la faradisation ou la galvano-faradisation. La faradisation et même la

galvano-faradisation peuvent être appliquées suivant la méthode bipo-

laire, mais nous préférons généralement le mode d'application par la

méthode polaire de la façon indiquée déjà pour le traitement des myo-

pathies. On peut sans inconvénient soumettre les muscles à des excita-

tions plus fortes que dans le traitement des myopathies, en évitant cepen-

dant toute exagération dans la durée et dans l'énergie des excitations.

L'électrisation pourrait être au besoin renouvelée tous les jours ; il suffit,

cependant, le plus souvent de la renouveler tous les deux jours.

, Les résultats fournis par le traitement électrique dans les atrophies

musculaires réflexes d'origine articulaire sont généralement bons et assez

rapides, surtout lorsque l'atrophie n'est pas trop ancienne. On voit assez

rapidement les muscles gagner en volume et en force. L'atrophie toutefois

ne disparait pas toujours complètement et avec elle persiste souvent une

diminution simple plus ou moins accusée des réactions faradiques et

galvaniques.

Le même traitement est applicable aux atrophies musculaires réflexes

il' origine abarliculaire ; il est applicable aussi aux atrophies muscll-

laires par inaction fonctionnelle comme celles qui résultent de IÏll1mo-

Iilisal.ion par un appareil de fracture, ou par des pansements assez long-

temps prolongés, etc.

l'it,iTIQUE llEUIIOI..

87. >-)

[E. HUET.]

ÉLECTROTHÉRAPIE.

\ £ ï Jd-Wr AFFECTIONS PORTANT PLUS PARTICULIEREMENT

SUR LES NEURONES SENSITIFS.

Nous nous occuperons plus spécialement ici du traitement électrique

des névralgies en prenant comme types la névralgie sciatique et la névral-

gie faciale. Nous dirons aussi quelques mots du traitement du tabes et

du traitement de la syringomyélie.

Névralgie sciatique. - La névralgie sciatique, comme les névralgies

en général, reconnaît des causes variées : le froid, des traumalismes, des

fatigues exagérées, un état diatbésiquc (rhumatisme, goutte, diabète), une

infection (blennorragie, syphilis, tuberculose, paludisme), des intoxica-

tions ; elle peut être symptomatique de lésions vertébrales (mal de Poil),

de lésions des méninges rachidiennes, de lésions des racines nerveuses,

de lésions des organes du bassin. Dans certaines de ces formes l'électri-

sation peut être le traitement principal; dans d'autres il n'est qu'un adju-

vant et doit être associé Ü d'autres traitements dont l'indication se trouve

fournie par la cause de la névralgie quand celle-ci a pu être reconnue.

Certaines névralgies sont dues il des névrites avec lésions s'étendant aussi

aux neurones moteurs; l'examen électro-diagnostique fait généralement

reconnaître dans ces cas de la DR plus ou moins accentuée dans le territoire

du nerf atteint, ou dans des territoires radiculaires; il en résulte au point

de vue du traitement des indications particulières dont il sera question

plus loin. Dans d'autres formes de névralgies l'examen anatomique ne

fait pas reconnaître de lésions appréciables des nerfs, ce sont des névral-

gies sine rnale1'ÙI. dans lesquelles les réactions du nerf et des muscles

ne présentent habituellement pas d'altérations.

Dans la névralgie sciatique la galvanisation continue est le traitement

électrique le plus généralement indiqué. On peut l'appliquer de la façon

suivante : une large électrode de 150 à 500 ou 400 cm2 est placée sur la

région lombaire il la hauteur de l'émergence des racines du nerf scia-

tique, elle est reliée au pôle négatif; l'anode est constituée par un bain

dans lequel on fait plonger le pied, ou les deux pieds si la sciatique est

double, de façon que l'eau s'élève, au-dessus des malléoles ou même

jusqu'au mollet. On établit lentement et progressivement, en évitant les

variations brusques d'intensité, un courant qu'on élève jusqu'à 20, 40.

fi0 m. A. ou même davantage, suivant la façon dont il est toléré ; il con-

vient cependant de ne pas dépasser généralement la densité de 1/2 m. A.

par centimètre carré d'électrode. La durée de l'électrisation doit être

assez longue, de 20 minutes à 1/2 heure; elle peut être prolongée

davantage et porlée à 5/4 d'heure ou 1 heure. En terminant on ramène

lentement et graduellement le courant à zéro.

Il est parfois préférable de pratiquer l'électrisation en laissant le

malade couché. Le bain électrode est alors remplacé par une large plaque,

correspondant à l'anode, de 150 il 500 cm\ placée sur la partie inférieure

, NÉVRALGIE SCIATIQUE. 1 ? ) : .

de la jambe ou sur le mollet. Si la sciatique est double on opère successi-

vement sur l'une et l'autre jambe, ou bien sur les deux jambes à la fois

en réunissant au même pôle de la batterie par un fil bifurqué les deux

plaques placées sur l'une et l'autre jambe. Pour le reste, intensité du

courant, durée de l'électrisation, manière d'établir et de faire cesser le

courant, on opère comme il vient d'être dit.

La galvanisation continue dans le traitement de la névralgie sciatique

peut être faite d'une manière un peu différente. Une large cathode est

placée comme précédemment sur la colonne vertébrale. L'anode, repré-

sentée par une plaque de 100 à 200 cnr, est placée successivement sur

les points où se font sentir plus particulièrement les douleurs, soit spon-

tanément, soit à la pression. Les principaux points douloureux dans la

sciatique se trouvent : au-dessous et en arrière de la malléole externe

(point malléolaire), vers le milieu du mollet, en arrière de la tète du Il

péroné (point péronicr), dans le creux poplité (point poplité), sur le

trajet du nerf sciatique à la cuisse (points fémoraux inférieur, moyen et

supérieur), au niveau de l'échancrure sciatique (point fessier ou ischia-

tique), en arrière du grand trochanter (point trochantérien), au niveau

de l'articulation sacro-iliaque (point sacro-iliaque), vers le milieu de la

crête iliaque (point iliaque). Suivant les cas les douleurs prédominent

davantage au niveau de certains de ces points ; c'est sur ceux-ci que l'on

place l'anode. Sur chacun des points choisis on fait passer pendant 10 il

20 minutes un courant galvanique continu avec une intensité d'au moins

une dizaine de m. A., portée souvent bien au delà en ne dépassant pas

toutefois habituellement la densité de 1/2 m. A. par d'électrode; le

courant est établi lentement et graduellement et. il est ramené de même

à zéro avant de porter l'électrode sur un autre point.

Au lieu de placer l'électrode supérieure sur la région lombaire de la

colonne, vertébrale, on la place quelquefois au niveau de l'échancrure scia-

lique, il la région fessière ou ischiatique ; elle s'y trouve maintenue par

le. poids du corps, que le malade soit couché ou qu'il soit assis. La posi-

tion de celle plaque sur la région lombaire nous parait en général pré-

l'oral]le.

La direction ascendante du courant que nous avons indiquée dans les

divers modes d'application précédents est celle qui est le plus habituel-

lement conseillée ; la direction inverse a été aussi employée, elle peut se

montrer également efficace et parfois même plus efficace.

Dans le traitement des névralgies il y a souvent avantage à répéter les

séances tous les jours, lorsque l'étal de la peau le permet. Il n'en est pas

toujours ainsi, surtout lorsqu'on emploie de fortes intensités, et l'on se

voit obligé à espacer les séances à intervalles de 2 ou 5 jours, il moins de

changer d'une séance il l'autre les points d'application des électrodes.

four ménager l'état de la peau, il convient d'ailleurs, après chaque appli-

cation, de saupoudrer avec de. la poudre de talc ou de la poudre d'amidon

les points où les électrodes ont été appliquées : souvent même il est bon

[E. HUET.]

1516 G ÉLECTROTHERAPIE.

d'enduire légèrement la peau de vaseline avant de la saupoudrer avec le

laïc ou l'amidon.

Lorsqu'il existe des excoriations de la peau, ou de simples éraflures

de l'épiderme, au niveau des points sur lesquels sont appliquées les

électrodes, le passage du courant devient très douloureux et il y peut

produire des escarres, surtout lorsqu'on emploie des intensités élevées.

Un recouvrant avec du collodion riciné les points excoriés il est facile, si

les excoriations ne sont pas trop nombreuses, de faire supporter sans

danger l'électrisation.

La galvanisation continue employée de l'une ou l'autre des manières

indiquées se montre souvent efficace dans le traitement des névralgies

sciatiques. L'amélioration est quelquefois très marquée après quelques

séances; d'autres fois elle ne s'accuse qu'après un temps plus long, au

bout de plusieurs semaines, et il n'est pas rare, de, la voir entrecoupée

par des retours de crises plus ou moins douloureuses. Le traitement par

la galvanisation continue échoue aussi dans un certain nombre de cas, et

lorsque l'amélioration tarde trop à se confirmer il y a lieu de cesser

l'électrisation ou de remplacer la galvanisation par un aulrejmoile de

traitement électrique. ^

On a traité avec succès des névralgies par la galvanisation avec intro-

duction d'ions médicamenteux. Bien que le nerf sciatique et ses princi-

pales branches se trouvent situés profondément et que les ions ne

pénètrent sans doute pas directement jusqu'à leur contact, on peut em-

ployer ce mode de traitement dans la névralgie sciatique. En agissant sur

des terminaisons du nerf, ou sur certaines de ses ramifications situées

plus superficiellement, les ions introduits par la galvanisation peuvent

produire des effets favorables. L'ion salicylique et l'ion quinine sont ceux

qui ont été plus spécialement mis en oeuvre dans ces cas. Pour faire agir

l'ion salicylique, l'électrode imbibée d'une solution de salicylate de soude

il 1 ou 2 pour 100 doit être mise en rapport avec le pôle négatif; pour

l'ion quinine l'électrode contenant une solution de chlorhydrate, de qui-

nine au même titre doit être en relation avec le pôle positif. Une grande

électrode, mouillée avec de l'eau ordinaire ou avec une solution de chic.

rure de sodium ou de chlorure de potassium, est placée sur la colonne

lombaire ; on lui donne la polarité contraire à celle de l'autre électrode

qui contient l'ion que l'on se propose de faire agir. Celle-ci est placée du

côté de la périphérie au niveau des régions les plus douloureuses sur un

seul point, ou le plus souvent sur plusieurs points successivement. On

établit, de la même façon que pour la galvanisation simple, un couranl

dont l'intensité se trouve comprise d'après la tolérance entre 10 et 50 on

ti0 m. A. et on le laisse passer de 10 à 20 ou 50 minutes suivant le

nombre des points à soumettre à l'électrisation. Après avoir ramené le

courant à zéro on reporte l'électrode sur un autre point et on rétablit

le courant comme précédemment. 1

Ce genre d'électrisation peut être répété tous les deux jours et même J

NÉVRALGIE SCIATIQUE. 1517 ï

tous les jours si l'état de la peau le permet. L'ion salicylique est très bien

supporté et altère peu la peau; l'ion quinine l'altère davantage : après le

passage du courant la peau reste longtemps rouge, puis elle prend une,

coloration brunâtre plus ou moins persistante, l'épidémie durcit, se sèche,

et finalement tombe en s'écaillant. Aussi avec l'ion quinine est-on sou-

vent obligé de mettre un intervalle de plusieurs jours entre deux électri-

sations, à moins de changer d'un jour à l'autre les points d'application de

l'électrode.

On a traité aussi la sciatique, comme d'autres névralgies, par la farta-

disafion. On emploie en pareil cas le courant de la bobine à fil fin et le

pinceau métallique que l'on promène sur les points douloureux et sur le

trajet du nerf. Ce genre de traitement est assez douloureux, d'autant plus

que l'on doit employer des courants assez forts; il a donné des succès,

mais il ne réussit pas toujours et il augmente parfois les douleurs de la

névralgie. En somme il n'est pas il conseiller habituellement pendant la

période aiguë d'une névralgie; on pourrait l'essayer lorsque les douleurs,

après avoir notablement diminué, se prolongent néanmoins dans une

période de déclin plus ou moins traînante.

Les névralgies, la sciatique en particulier, ont été traitées encore par

l'électrisation statique. Généralement le malade est placé sur le tabouret

isolant et l'on promène sur le trajet du nerf un excitateur en forme de

pointe émoussée de façon à produire des étincelles petites et très nom-

breuses; on peut encore pratiquer la friction électrique sur le trajet

du nerf. D'autres fois le malade est couché sur une chaise longue, non

isolée du sol, et les petites étincelles ou la friction électrique sont pro-

duites avec une électrode reliée a la machine statique par un conducteur

isolé, et tenue par l'opérateur ;t l'aide d'un manche isolant. Ce genre de

traitement nous paraît, comme le précédent, moins utilisable dans la

période aiguë des névralgies que dans leur période de déclin. L'électrisa-

hon statique est employée parfois avec des procédés plus doux, connue le

bain statique avec souffle ou effluvation; ce genre de traitement est appi-

cable avec quelques chances de succès dans des cas particuliers, par

exemple dans certaines névralgies des névropathes et des hystériques.

Les courants de haute fréquence ont été employés encore dans le trai-

tement de la scialique et des névralgies. Deux genres d'application sont

utilisables. Dans l'un, une des spires extrêmes du petit solénoïde, com-

pris entre les armatures externes des condensateurs, est reliée à une

électrode constituée par une fine toile métallique ou par une plaque avec

revêtement spongieux et mouillé. Cette électrode est appliquée au niveau

des points douloureux ou sur le trajet du nerf. Celle seule électrode peut

suffire, le courant se trouvant fermé sur le sol par le corps du malade

quand il n'est pas isolé. On peut aussi appliquer sur une autre partie du

trajet, du nerf, ou sur la colonne vertébrale au niveau de ses origines,

une seconde électrode reliée à l'une des spires de l'autre extrémité du

petit solénoïde. Dans un autre genre d'application ces courants sont portés

[E. HUET ]

1518 ÉL t C)TI 1 ÉIIAIIIE.

a une tension beaucoup plus élevée par l'influence d'un résonateur. Avec

un excitateur en forme de pinceau ou de balai métallique on dirige

j'cfuuvation de haute fréquence sur la colonne vertébrale au niveau de

l'origine du nerf et sur tout le trajet de celui-ci. On peut y ajouter ensuite

des excitations et une révulsion plus énergiques en promenant directe-

ment sur la peau, suivant le même trajet, le balai métallique ou une

électrode formée par une tige métallique, recouverte d'un manchon de

verre (électrode condensatrice). Ce dernier genre d'application des cou-

rants de haute fréquence nous a donné de bons résultats dans le Irai-

tement de névralgies sciatiques qui après avoir passé la période aiguë se

montraient plus ou moins persistantes, et parfois aussi dans le traite-

ment de névralgies récentes dont les symptômes ne présentaient pas une

grande acuité.

Enfin, la radiothérapie semble pouvoir intervenir en certains cas dans

le traitement des névralgies.

Dans les névralgies avec névrites, lorsque les neurones moteurs sont

atteints et qu'il existe de la DR plus ou moins accentuée, il y a lieu de

prendre aussi en considération le traitement de ces troubles de la sphère

motrice. Pendant la période aiguë de la névralgie le traitement ne

différera guère de ceux qui viennent d'être exposés ; on donnera généra-

lement la préférence au traitement par la galvanisation continue. Plus

tard, lorsque les douleurs de la névralgie auront disparu ou pour le

moins beaucoup diminué, il y aura lieu de chercher à remédier à 1 affadi-

blissement et à l'atrophie des muscles en portant sur ces derniers des

excitations comme il a été indiqué pour le traitement des lésions des

neurones moteurs périphériques.

Les indications précédentes, données plus spécialement pour le trai-

tement de la névralgie sciatique, seront suivies également pour le traite-

ment des autres névralgies soit aux membres inférieurs, névralgies

crurale, obturatrice, etc., soit aux membres supérieurs, névralgies des

divers nerfs du plexus brachial ; soit au tronc, névralgies intercostales, etc.

Parmi ces divers modes de traitement, la galvanisation continue est

d'une application simple et facile; elle convient tout particulièrement

dans la période aiguë des névralgies; les formes et les dimensions des

électrodes et les positions à leur donner se trouvent indiquées par les

conditions anatomiques des nerfs qui sont le siège de la névralgie,

parfois aussi par la localisation plus particulière des douleurs en certains

points des territoires nerveux atteints; généralement il y a avantagea j'l

choisir de larges électrodes, ce qui permet, tout en tenant compte de la

densité du courant, d'employer des intensités fortes ou assez fortes. La

direction la plus habituelle à donner au courant est la direction ascen-

dante (pôle négatif du côté central, pôle positif du côté, périphérique) : il

y a cependant des exceptions il celte règle, notamment lorsque l'on veut

ajouter à la galvanisation continue l'introduction de certains ions; la

polarité des électrodes se trouve alors déterminée par la nature des ions

NÉVRALGIE FACIALE. 1 : ; I ! I ! i

et par leur lieu d'introduction. Même en dehors de l'ionisation médica-

menteuse on peut voir l'application du pôle négatif' la périphérie donner

des résultats aussi favorables que l'application du pôle positif.

Névralgie faciale. Bien que les névralgies du trijumeau soient, au

point de vue de leur traitement, assimilables sous de nombreux rapports

aux névralgies des autres nerfs, elles présentent quelques particularités

qui nous engagent à en parler tout spécialement.

Comme dans les autres névralgies il faut tout d'abord répondre

aux indications causales si la cause est connue et si elle justifie un

traitement local ou général. C'est le cas, par exemple, pour les névral-

gies imputables au mauvais état des dents, à des sinusites ou il

des otites, ou encore au paludisme, il la syphilis, etc. Il arrive parfois,

que la névralgie persiste malgré le traitement dirigé contre la cause : ou

bien la cause a cessé d'agir, comme dans les névralgies a j'rigore ; ou la

cause n'est pas facilement saisissable et reste inconnue. Dans ces divers

cas, il y a lieu d'essayer le traitement par l'électricité; il se montre sou-

vent utile soit en atténuant les douleurs si intenses parfois de la névralgie,

soit en éloignant les crises, soit même en amenant une véritable guérison.

alors que d'autres médications, comme les calmants, l'opium, l'aconit.

ont échoué ou sont restées insuffisantes. L'électrisation permettra

souvent d'éviter des opérations, comme la résection de branches du tri-

jumeau, qui parfois ne sont que palliatives et sont suivies de récidives,

ou même des opérations plus graves comme la résection du ganglion de

(lasser. Depuis quelques années, les injections d'alcool ou de cocaïne

dans des branches du trijumeau, ou dans leur voisinage, ont été em-

ployées, souvent avec succès, dans le traitement des névralgies faciales;

mais leur technique est délicate, et il semble préférable de les réserver

pour les cas où le traitement électrique, d'une application beaucoup

plus facile, a échoué.

Des névralgies faciales légères et cerlaines névralgies des hystériques

ou des névropathes peuvent être traitées avec succès par l'électrisation

statique au moyen du souffle et des effluves, ou par l'eflluvation de haute

fréquence, ou par la faradisation avec le pinceau faradique. Ce dernier

mode de traitement est assez douloureux; il doit n'être employé qu'avec

ménagement, et dans certains cas il peut augmenter les douleurs et les

crises névralgiques. Il y a donc souvent avantage il employer aussi dans

les névralgies légères la galvanisation continue, qui est le traitement

électrique, de choix dans les névralgies plus graves. Celles-ci comprennent

plusieurs formes. Les unes ressemblent aux névralgies des autres nerfs;

il existe un état d'endolorissement ou d'engourdissement continu dans le

territoire, nerveux atteint, accompagné souvent d'ilypcrcstliésie avec

points douloureux il la pression; il s'y ajoute a intervalles irréguliers et

plus ou moins fréquents des douleurs paroxystiques parfois extrêmement

vives. Ces névralgies peuvent s'étendre sur la totalité du trijumeau ou

rester localisées a une de ses parties.

[E.HUET.]

1520 . ÉLECTROTUER.APOE.

Dans une autre forme, la névralgie épileptiforme de Trousseau, les

douleurs reviennent seulement par crises paroxystiques aiguës et plus

ou moins prolongées et font défaut dans l'intervalle ; lorsqu'il s'y ajoute

des secousses convulsives et spasmodiques des muscles faciaux on a

affaire au tic douloureux de la face.

Dans ces diverses formes de la névralgie faciale on a employé la galva-

nisation continue, souvent avec succès, surtout depuis que l'on suit la

pratique préconisée par Bergonié avec de fortes intensités et des séances

prolongées au lieu de s'en tenir à de faibles intensités et à des séances

courtes.

Pour employer de fortes intensités, Bergonié a conseillé une large élec-

trode recouvrant toute une moitié de la face, alors même que la névralgie,

est localisée à une seule branche du nerf trijumeau. Cette électrode, en

forme d'e, présente deux échancrures l'une au niveau de l'oeil, l'autre

au niveau de la bouche, et trois prolongements, l'un s'étendant sur le

front, l'autre sur la joue jusqu'au nez et le troisième sur le menton. Elle

est constituée par une lame de métal munie d'une borne et doublée d'un

revêtement spongieux épais, uniforme et homogène en feutre ou en ouate

hydrophile (le feutre, qui retient beaucoup mieux que la ouate l'eau qui

l'imbibe, nous parait préférable en le recouvrant lui-même d'une ou plu-

sieurs épaisseurs d'un tissu hydrophile). Au lieu d'étain il vaut mieux

prendre, pour métal de l'électrode, de l'aluminium ou du cuivre platiné,

comme l'a conseillé Bordier. L'électrode doit être bien mouillée avec de

l'eau ordinaire, puis suffisamment exprimée pour éviter"que l'eau en s'ac-

cumulànt dans les parties déclives ne donne au courant une densité plus

grande en ces points. Pour la même raison, lorsque l'on doit employer

de fortes intensités, il convient de faire étendre le malade sur un lit ou

sur une chaise longue, de façon que l'électrode se trouve dans un plan

horizontal; elle doit être bien appliquée sur toute la surface qu'elle

recouvre et fixée avec une bande élastique.

, L'électrode faciale est habituellement reliée au pôle positif; cette

règle cependant souffre des exceptions; dans certains cas, en effet, le

pôle négatif se montre aussi efficace, parfois même son action est plus

favorable. L'autre électrode, reliée à l'autre pôle, est placée sur une

région indifférente, généralement sur le dos; elle doit être d'assez

grandes dimensions, de 200 à 500 centimètres carrés, par exemple.

On a soin d'établir le courant doucement et d'élever lentement et

progressivement son intensité en évitant toute fluctuation brusque; le

réducteur de potentiel ou un bon rhéostat sont donc bien préférables au

collecteur d'éléments pour graduer le courant; si l'on doit se servir du

collecteur il est habituellement nécessaire de lui associer un rhéostat.

L'intensité du courant est élevée graduellement jusqu'au maximum qu'il "

est possible de faire supporter, 25, 50, 60 m. A ? Bergonié l'a même

portée jusqu'à 80 m. A. Dans les premières séances, toutefois, il convient

de rester à des intensités plus basses. Le passage du courant est prolonge

NÉVRALGIE FACIALE. t : n1 1

pendant 20 à 50 minutes, parfois davantage si l'état de la peau le permet.

Pour cesser l'électrisation on ramène lentement et graduellement le

courant à zéro. On conseille souvent de répéter l'électrisation tous les

jours dans le traitement de la névralgie faciale. Cette pratique n'est pas

toujours possible quand on fait intervenir de fortes intensités; pour

ménager l'état de la peau on se voit obligé à ne répéter les séances

d'électrisation que tous les deux jours et parfois même à espacer davan-

tage les séances.

L'électrisation quotidienne devient plus facilement applicable quand

on suit la pratique conseillée par Zinunern. Les conditions d'application

des électrodes sont les mêmes que dans la méthode de Bergonié; on met

seulement en jeu des intensités beaucoup plus faibles; 5, 10, 15 ou 20 ni. : 1., suivant la façon dont elles sont tolérées; mais on prolonge davantage

la durée de passage du courant, au moins une demi-heure, souvent trois

quarts d'heure ou une heure, parfois davantage.

L'électrisation ainsi appliquée par la méthode de Bergonié ou par la

méthode de Zimmern a donné de bons résultats dans le traitement des

névralgies faciales, meilleurs généralement dans les cas de névralgie

simple que dans les cas de névralgie, épileptiforme ou de tic douloureux.

Après la séance d'électrisation on constate souvent une accalmie dans

les crises douloureuses, et cette accalmie s'accentue et se prolonge, avec

la répétition du traitement. Dans les cas de névralgies graves il convient

de poursuivre le traitement jusqu'au moment où les douleurs ont disparu

complètement ou en grande partie : deux ou trois mois de traitement,

régulièrement soutenu sont souvent nécessaires; c'est ce que Zimmern a

appelé la période de cure active. On peut alors, si l'amélioration est

suffisante, suspendre momentanément l'électrisation; mais avant de

l'abandonner complètement il convient le plus habituellement de la conti-

nuer encore pendant plusieurs mois, avec des séances plus espacées, au

nombre de une il deux par semaine, période de soutien (Zimmern).

Lorsque la névralgie ne s'étend pas il tout le territoire du trijumeau on

peut, au lieu du masque facial de Bergonié, employer des électrodes plus

petites, de forme et de dimensions appropriées aux régions qui sont le

siège des douleurs. Guilloz a obtenu de bons résultats par ce procédé en

mettant enjeu de fortes intensités, atteignant la densité de 1 à I 1/2 m. A.

par centimètre carré; la durée de passage du courant était assez longue,

une demi-heure ou davantage tant qu'il n avait pas menaces d'escarrili-

calion de, la peau. Dans les observations que Cuilloz a publiées il a fait

agir tantôt le pôle positif, tantôt le pôle négatif, et il n'a pas remarqué

(le différence, d'action bien appréciable au profit de l'un ou l'autre pôle,

bien qu'en principe on préfère généralement l'anode comme électrode

active. Dans des névralgies légères on pourrait employer ce même pro-

cédé avec des densités plus faibles du courant.

1. ('<1 IH' a conseillé tout particulièrement, dans le traitement de la

névralgie faciale, la galvanisation avec introduction de l'ion salicylique ou

[E HUET ]

15'2'J ÉLECTROTHÉRAPIE.

de l'ion quinine. L'intensité du courant doit être assez forte, de 20

à 40 m. A. ou même davantage ; comme guide sur l'intensité à atteindre

on pourra se proposer, en dehors de la tolérance du patient, la densité

moyenne de 1/2 m. A. par centimètre carré. La durée de l'électrisation

doit être assez longue, 20 minutes au moins, et, lorsqu'il est possible,

une demi-heure ou davantage. Nous renvoyons il ce qui a été dit précé-

demment sur la polarité à donner à l'électrode et sur la tolérance de la

peau envers l'ion salicylique et envers l'ion quinine. Ce mode de trai-

tement est d'une application facile et peut être essayé soit primitivement,

soit après l'un ou l'autre des procédés précédents dans le cas où ils

n'auraient pas donné de résultats suffisants.

Le traitement par la radiothérapie a été appliqué aussi aux névralgies

faciales et dans quelques cas les résultats se sont montrés favorables.

Tabes dorsal. Les lésions du tabes portent surtout sur le système

neuro-sensitif, c'est pourquoi nous parlerons à cette place du traitement

du tabès, sans oublier toutefois que les lésions tabétiques s'étendent

parfois aussi au système neuro-moteur et au grand sympathique.

Le traitement par l'électricité a été souvent employé contre le tabes.

Les résultats obtenus sont restés généralement très imparfaits, parfois

même nuls. Pour les apprécier, d'ailleurs, il faut compter avec l'évolu-

tion naturelle de la maladie, très différente suivant les cas, et ne pas

oublier que certains tabès ont une évolution lente et présentent des

manifestations symptomatiques très atténuées, tandis que d'autres

montrent des troubles sensitifs et moteurs plus ou moins prononcés el

suivent une évolution relativement rapide.

On ne peut guère espérer guérir réellement le tabes par le traitement

électrique si on en distingue les cas que l'on a rangés dans la classe des

pseudo-labes ; ceux-ci, au contraire, reconnaissant généralement pour

origine des polynévrites, sont susceptibles de guérison, et le traitement

qui leur convient le mieux est celui des polynévrites dont il a été parlé

précédemment. On devra s'estimer heureux lorsque l'on pourra croire

avoir arrêté l'évolution d'un tabès véritable, et encore, nous le rap-

pelons, faudra-t-il compter avec l'évolution spontanée et naturelle de la

maladie. Il ne faut cependant pas écarter systématiquement l'électrisa-

tion du traitement du tabes, elle peut rendre des services appréciables'

en agissant parfois, sinon toujours, contre certaines manifestations

symptomatiques.

La galvanisation continue de la moelle a été souvent conseillée cl

employée contre le tabès. Deux larges électrodes sont appliquées sur la

colonne vertébrale, l'une il la région cervico-dorsale, l'autre à la région

dorso-lombaire; puis on établit un courant continu d'intensité et de durée

variables suivant les auteurs : l'intensité doit être assez faible pour les

uns : 5 à 10 m. A. ; moyenne pour d'autres, 15 il 20 m. A., ou plus forte

encore, 20 à 40 m..\. : la durée de passage, du courant varie également :

courte pour les uns, "> à 10 minutes; plus prolongée pour d'autres, nn

TARES DORSAL. ] 3271

quart d'heure, une demi-heure ou même davantage. Nous conseillons

volontiers des intensités moyennes de 10 il 50 m. A., et une durée de

10 minutes à une demi-heure, suivant la façon dont ces courants sont

tolérés. La direction du courant ne parait pas avoir d'importance parti-

culière; quelques-uns cependant ont donné la préférence aux courants

ascendants; on pourrait aussi établir dans la même séance plusieurs

directions successives du courant, comme il a été indiqué précédemment

pour la galvanisation de la moelle il propos des paralysies cérébrales ou

médullaires et des poliomyélites.

Dans le traitement du tabès on a conseillé aussi la galvanisation dite

du grand sympathique. Une grande électrode est placée sur la colonne

rervico-dorsale; une électrode plus petite, de 10 cm2 environ, en forme

de tampon, est placée il la partie supérieure du cou, entre le larynx et le

muscle sterno-cléido-mastoïdien ; courant de ai à 10 m. A. pendant

J minutes de chaque côté. La galvanisation du grand sympathique peut

être employée seule ; mais il vaut mieux l'associer il la galvanisation de

la moelle qui vient d'être indiquée.

Le traitement électrique a été dirigé aussi plus particulièrement contre

diverses manifestations symptomatiques du tabes.

Contre les douleurs fulgurantes, on a employé la galvanisation coup-

t i IUW. Une grande électrode, généralement l'anode, est placée, sur la

colonne vertébrale, au niveau de la région dorso-lombaire, ou de la

légion dorsale, ou encore de la région cervico-dorsale. L'autre électrode,

la cathode, est représentée par un bain, dans lequel on fait tremper les

pieds, ou les mains, suivant que l'on se propose d'agir sur les membres

inférieurs ou sur les membres supérieurs; courant de 10 à 50 m. A.,

pendant 10 il 20 minutes. Le bain peut être remplacé par des plaques

fixées sur les mollets, ou sur les cuisses, ou sur les avant-bras ; lorsque

l'on veut agir à la fois sur les deux côtés, un conducteur bifurqué

réunit le pôle négatif aux plaques placées sur l'un et l'autre côté; l'inten-

sité du courant est proportionnée à la surface des électrodes et à leur

nombre, et la durée de l'électrisation est comme précédemment de 10

;1 20 minutes.

On a employé aussi contre les douleurs fulgurantes la faradisation

pratiquée avec le pinceau faradique ou avec la main électrique en diri-

geant l'électrisation le long de la colonne vertébrale et sur les membres,

dans les régions qui sont plus particulièrement le siège des douleurs. Ce

mode de, traitement donne parfois de bons résultats, mais d'autres ibis

il exaspère les douleurs, et, dans ce cas ne doit pas être continué. On

pourra employer encore, dans les mêmes conditions, soit le bain statique

avec effluves et frictions dirigés sur la colonne vertébrale et sur les

membres, ou l'cfnuvation de haute fréquence.

Les mêmes modes de traitement sont applicables aux douleurs en

ceinture, aux crises viscérales, gastriques, vésicales ou rectales. La gal-

vanisation continue donne parfois de bons résultats en appliquant une

[E. HUET.]

1524 1 : ;LICTHOTIIIIL\PIE,

électrode sur la région dorsale ou dorso-tondtaire et l'autre électrode sur

la région épigastrique dans le cas de crises gastriques, et sur la région

hypogastrique dans le cas de crises vésicules ou rectales; si l'on veut 1

essayer l'effluvation et la friction statiques ou l ? f'I1l1vation de haute 1'1'1"-

([uence on les dirigera sur la colonne vertébrale, et sur les régions épi-

gastrique ou hypogastrique.

Dans ces dernières années, la radiothérapie a été employée, parfois

avec succès, contre les crises viscérales, en dirigeant les rayons sur le

creux épigastrique, et le plexus coelial}lIe dans les crises gastriques, cl

sur la colonne vertébrale au niveau des centres d'innervation correspon-

dants. On pourrait agir de même dans les cas de crises vésicales ou rec-

tales sur le plexus hypogastrique et sur la région dorso-lombaire de la

colonne vertébrale. De même, la radiothérapie a été utilisée contre les

douleurs fulgurantes des membres en dirigeant les rayons sur la colonne

vertébrale au niveau des racines nerveuses et des centres d'innervation

correspondant aux régions périphériques où se manifestent les douleurs.

Contre l'incoordination motrice on a cherché a agir moins sur les mus-

des eux-mêmes, dont la puissance et les réactions électriques sont en

général bien conservées pendant longtemps, que sur la sensibilité péri-

phérique, cutanée, musculaire et profonde. Pour cela, on peut utiliser

soit la faradisation avec le pinceau, soit la friction statique, soit la galva-

nisation labile, il la condition que ces modes d'électrisation soient bien

supportés et ne provoquent pas de crises de douleurs fulgurantes. Dans

le cas d'hypotonie musculaire il peut v avoir utilité à pratiquer la faradi-

sation ou la galvano-faradisation en la dirigeant plus particulièrement

sur les muscles où l'hypotonie domine.

Lorsqu'aux symptômes tabétiques habituels s'ajoutent des paralysies

plus ou moins localisées, avec atrophies musculaires et présence de la DIS

indiquant l'atteinte des neurones moteurs périphériques, il y a lieu d'ap-

pliquer le traitement déjà indiqué contre ce genre de lésions.

Les paralysies des nerfs moteurs des globes oculaires sont assez 1'1'1 ?

quentes dans le, tabès. Souvent elles ne sont que transitoires; il peut \

avoir avantage, cependant, il leur appliquer le traitement déjà indiqué'.

Contre certains troubles trophiques, les maux perforants en particu-

lier, le traitement électrique a été encore employé. Contre le mal perfo-

rant plantaire, Crocq a conseillé, après en avoir retiré de bons résultats,

la faradisation du nerf tibial postérieur. Nous-mêmes avons obtenu de

bons résultats avec l'effluvation de haute fréquence, de meilleurs encore

avec l'ionisation du chlorure de zinc (pour cette ionisation le pôle actif

doit être l'anode). Récemment, Oudin a cité un cas ayant résisté à de

nombreux traitements, rapidement guéri par de petites étincelles de

haute fréquence et de haute tension.

L'électrisation peut être employée aussi contre les troubles vésicaux.

rétention ou incontinence d'urine. Le plus souvent on pourra s'en tenir

à des applications externes des courants sans recourir à leur application

NÉVROSES ET AFFECTIONS DIVERSES. 9.'n ? : ,

interne intra-urétrale ou intra-vésicale. Avec les courants galvaniques,

par exemple, on placera une grande électrode positive sur la région

lorso-lombaire de la colonne vertébrale, une électrode négative de 5

à crn. de diamètre au-dessus du pubis ou sur le périnée, (plus particu-

lièrement au-dessus du pubis dans la rétention, et sur le périnée dans

l'incontinence). On fera agir pendant dix minutes ou un quart d'heure

un courant continu avec une intensité de a 'lui m. A. A l'action du cou-

rant continu il y a souvent avantage il ajouter quelques secousses de fer-

meture. Les courants faradiques ou galvano-faradiques sont aussi utili-

sables dans les mêmes conditions d'application.

' Lorsque les applications externes sont restées inefficaccs, on peut

essayer la faradisation pratiquée au moyen de sondes spéciales dans

l'intérieur de la vessie ou au niveau du col, la faradisation intra-vésicale

dirigée plus particulièrement contre la rétention, et la faradisation du col

vésical contre l'incontinence.

Syringomyélie. Nous avons déjà parlé de cette affection à propos

du traitement des troubles qu'elle entraîne par lésions des neurones

moteurs périphériques.

Les troubles dus aux lésions des neurones sensilifs, qu'il s'agisse de

perturbation de la sensibilité comme celle qui constitue la dissociation

syringomyélique de la sensibilité, ou qu'il s'agisse de troubles subjectifs

et de crises douloureuses parfois très pénibles et très intenses, parais-

sent n'avoir guère été modifiés par la galvanisation continue souvent

employée, comme nous l'avons dit dans le traitement de cette affection.

La radiothérapie, au contraire, parait s'être montrée assez efficace, et

actuellement elle est le mode de traitement le plus recommandable.

IV. - NÉVROSES ET AFFECTIONS DIVERSES, GOITRE EXOPHTALMIQUE,

' , PARALYSIE AGITANTE, ETC.

Hystérie. Les accidents pathologiques si nombreux et si variés

créés par l'hystérie constituent un vaste champ dans lequel le traitement

par l'électricité a récolté de multiples succès. Il en a été ainsi déjà au

milieu du XVIIIe siècle, époque dès laquelle on a commencé à appliquer au

traitement des maladies nerveuses l'électricité fournie par les machines

statiques que l'on venait d'inventer. 11 a continué à en être ainsi, sous des

formes plus variées, il mesure que les nouvelles découvertes et les

nouvelles inventions faites dans le domaine de l'électricité ont été appli-

quées en médecine. On sait que beaucoup d'accidents morbides

développés sous l'influence de l'hystérie peuvent simuler plus ou moins

nombre d'autres affections ; on sait aussi combien les accidents hystériques

sont susceptibles d'être influencés par la suggestion. Il est important de

se le rappeler lorsqu'on cherche il apprécier l'efficacité réelle et intrinsèque

d'un traitement électrique dans une affection déterminée.

[E HUET.]

17d6 6 f ? LECTlto']'l 1 1-lIl% PIE.

Pour l'hystérie il est incontestable que la suggestion joue le plus sou-

vent un très grand rôle dans l'action du traitement électrique; en dehors-

de la manière d'être que l'on connaît à l'hystérie, nombre de faits pour-

raient le démontrer. On a vu des accidents hystériques disparaître après

des applications électriques mal appropriées; on a vu aussi des troubles

hystériques disparaître sur des régions trop éloignées de celles soumises

au traitement électrique pour en subir l'influence directe; on a vu même

des manifestations hystériques guérir subitement ou très rapidement

après un simple simulacre d'électrisation. Il ne faut pas cependant se

baser sur de pareils faits pour se croire autorisé à appliquer au hasard

l'électricité dans le traitement de l'hystérie; tout en escomptant les effets

suggestifs de l'électrisation, il convient de se placer dans des conditions

rationnelles, ou dans des conditions que l'expérience a montrées les plu

favorables, pour créer la suggestion, la développer et la faire accepter par

les malades. ;

Le traitement électrique dans l'hystérie peut être envisagé comme trai-

tement général ou comme traitement symptomatique dirigé plus parti-

culièrement contre certaines manifestations de la névrose. 1

Comme traitement général l'électrisation statique se trouve plus parti-

culièrement indiquée. Il convient le plus habituellement de commencer

par le bain statique seul, en faisant donner à la machine statique un débit

faible ou très modéré, et en évitant toute excitation intempestive comme

celle qui résulterait d'une étincelle éclatant accidentellement; il importé,

en effet, de surmonter tout d'abord l'impressionnabilité souvent très

grande de ces malades et de les accoutumer peu a peu aux applications

que l'on se propose de leur faire supporter. La durée du premicr bain

statique sera généralement courte, de il z10 minutes; celle des bains

suivants est peu à peu augmentée et portée plus ou moins rapidement.

suivant la tolérance observée, à 15 ou 20 minutes, parfois une demi-

heure, rarement plus. En même temps il y a avantage à chercher à déve-

lopper la suggestion et pendant les instants consacrés au bain statique on

trouve facilement l'occasion de diriger la conversation dans le sens d'une

psychothérapie rationnelle. Le bain statique peut être répété tous lez

jours; il suffit souvent de ne le répéter que tous les deux jours, parfois

même seulement deux fois par semaine.

Lorsque les malades sont arrivés à bien supporter le bain, il y a géné-

ralement indication d'y adjoindre d'autres applications de l'électricité

statique, applications qui varient suivant l'étal des malades et suivant

les troubles prédominants; contre les algies on dispose du souffle, de

l'effluvation, parfois même des frictions; contre la céphalée le souffle

dirigé sur la tête ou la douche statique se trouvent indiqués; les mêmes

procédés sont utilisables contre l'insomnie lorsque le bain seul est resté

insuffisant; contre les spasmes et les contractures, le souffle, les effluves,

parfois la friction électrique peuvent donner de bons résultats. Contre

les troubles gastro-intestinaux, l'anorexie et la constipation, on utilise le

HYSTÉRIE. 1527 7

souffle, les effluves, et même les étincelles dirigées plus particulièrement

selon les cas sur la région de l'estomac ou sur l'abdomen en suivant le

trajet du gros intestin; en cas de dépression plus ou moins généralisée

ou de troubles parétiques on peut aussi recourir à l'ei'lluvation, à la

friction ou aux étincelles dirigées sur la colonne vertébrale ou sur les

membres.

Ainsi en appliquant 1 électrisation statique comme traitement général 1

on peut déjà répondre plus particulièrement il un certain nombre d'indi-

cations symptomatiques; lorsque celles-ci prennent une importance plus

grande il y a lieu souvent de s'en occuper tout spécialement et de faire

intervenir d'autres modes d'électrisation.

Dans les paralysies hystériques les réactions électriques sont, comme

nous l'avons vu, généralement bien conservées non seulement en qualité

mais aussi en quantité. Les courants faradiques se trouvent donc indiqués

pour exciter les nerfs et provoquer la contraction des muscles. Pour

habituer les malades à supporter la faradisation on peut commencer par

des excitations avec des courants faradiques il intermittences espacées,

mais il y a avantage à les remplacer bientôt par des courants à intermit-

tences fréquentes. En excitant les muscles isolément ou en groupe par

l'intermédiaire du nerf, soit par la méthode polaire, soit par la méthode

bi-polaire, on montre aux malades que leurs muscles ont conservé, le

pouvoir de se contracter. On a soin de rythmer plus ou moins régulière-

ment les excitations pour ne pas fatiguer les muscles, d'autant plus qu'il

y a lieu d'employer souvent des courants assez forts pour amener le

déplacement des parties sur lesquelles s'attachent les muscles et provoquer

des mouvements plus ou moins étendus. Il y a souvent avantage à com-

biner la faradisation avec la rééducation fonctionnelle des mouvements

et il provoquer ou compléter par l'excitation faradique les mouvements

que l'on demande aux malades de faire. De cette façon, et la suggestion

aidant, on voit guérir rapidement ou assez rapidement des paralysies

hystériques, surtout lorsqu'elles sont récentes. La guérison s'obtient en

général plus difficilement et peut même faire défaut dans les paralysies

plus anciennes.

Les anesthésies hystériques n'entraînent généralement pas de gène

bien accusée chez ces malades. On a montré d'ailleurs dans ces dernières

années combien ces anesthésies sont souvent artificielles et quel rôle

peut jouer le médecin dans leur production. Lorsqu'elles accompagnent

des paralysies elles disparaissent fréquemment en même temps que ces

dernières. Lorsqu'elles existent isolément il peut y avoir avantage il

rechercher leur disparition. L'éleclrisation statique avec le souffle, les

effluves, ou la friction conduisent parfois ce, résultat; d'autres fois il y

a lieu d'employer des procédés d'électrisation plus énergiques, tels que

la faradisalion avec le pinceau et le courant de la bobine à fil fin; pendant

qu'on augmente progressivement l'énergie du courant il arrive généra-

lement un moment où l'on reconnaît il un geste que la sensation est

[E HUET .]

1 : -d ÉLECTROTHÉRAPIE. E.

perçue; on en profite pour faire remarquer que la sensibilité n'est pas

complètement perdue et Ion continue quelque temps encore l'éleclri-

station, mais en diminuant le courant si la sensation paraît devenir trop

douloureuse. A la suite de Ulectrisation les autres modes de sensibilité,

mit souvent aussi reparu. Le retour de la sensibilité peut s'étendre bien

au delà des parties électrisées, tout un membre et même, la moitié du

corps dans les cas d'hémianesthésie ; s'il se montre plus localisé on fera

reparaître aussi la sensibilité sur d'autres régions en les soumettant

également à l'électrisation. La sensibilité ainsi revenue persiste parfois

d'une manière définitive; le plus souvent l'anesthésie reparaît après

quelques heures ou après quelques jours; mais, la suggestion aidant, elle

peut disparaître définitivement après quelques séances d'électrisation.

l1yperest/¡ésies, névralgies, iol)o(t(lies. L'électricité est encore

utilisable lorsque la sensibilité est altérée dans un sens inverse, exagérée

ou diversement pervertie, ce qui n'exclut d'ailleurs pas la présence

simultanée d'anesthésies plus ou moins étendues. Ou bien il s'agit de

zones d'hyperesthésie, dont quelques-unes sont parfois hystérogènes, ou

bien de douleurs se présentant sous la forme de névralgies, ou encore

de ces douleurs qu'on a classées sous la dénomination générique de

lopoalgies.

On aura recours alors soil il 1 éleclrisalion statique (bain accompagné

de souffle, d'efllnvation, parfois même de la friction électrique), soit à la

galvanisation continue, souvent avec des intensités faibles qui permet-

tront au besoin des séances assez prolongées, soit à la faradisation avec

le pinceau métallique. On emploiera, avec avantage le plus souvent, des

procédés doux, faciles à faire supporter et on évitera de heurter les pré-

ventions que les malades peuvent avoir contre tel ou tel mode d'électri-

sation. On comptera d'ailleurs beaucoup dans ces divers cas sur les

effets suggestifs de l'électricité, plus particulièrement lorsqu'il existe

des zones hystérogènes à la création desquelles, comme on le sait, la

suggestion directe, indirecte ou spontanée, a joué elle-même un très

grand rôle. '

Les contractures hystériques, assez faciles souvent à faire disparaître,

lorsqu'elles sont récentes, se montrent au contraire assez rebelles quand

elles sont plus anciennes. On a employé plus particulièrement contre

elles divers procédés d'électrisation. Le bain statique avec souffle,

effluves et friction, a assez souvent réussi, surtout dans les cas récents.

Les courants de haute fréquence semblent aussi assez recommandables

dans ces cas en employant l'el'f1mation du résonateur ou la friction avec

l'électrode condensatrice.

La galvanisation continue a donné aussi de bons résultats : on placera,

par exemple, une large anode sur les muscles qui sont le siège de la

contracture, et la cathode indifférente sur la colonne vertébrale ou vers la

racine du membre, et l'on fera passer, pendant un temps assez prolongé,

un courant faible, de quelques milliampères seulement.

HYSTÉRIE. 15-2'J

On peut encore employer la faradisation rythmée sur les muscles

antagonistes des muscles contractures, on bien exciter ces muscles anta-

gonistes avec des courants faradiques tétanisants et assez forts pendant

que l'on recommande aux malades de s'efforcer à faire un mouvement

dans le sens opposé à l'action des muscles contractures. Enfin, on a obtenu

parfois des résultats en excitant avec des courants faradiques assez forts

et assez prolongés les muscles contracturés, de façon à en produire la

fatigue.

Spasmes de l'oesophage. OEsophagisme. Les spasmes du pharynx

et de l'oesophage sont assez fréquents dans l'hystérie; peu prononcés,

ils n'ont pas de graves inconvénients; plus développés, ils sont non

seulement gênants, mais peuvent encore compromettre gravement

l'alimentation.

Contre ces spasmes, on a plus particulièrement employé la faradisa-

lion pratiquée avec le pinceau sur les parties antérieures et latérales du

cou, ou la galvanisation continue des pneumo-gastriques. Pour cette

dernière on opère de la manière suivante : une large électrode, en rap-

port avec le pôle négatif est placée sur la région épigastrique ; deux

autres électrodes, en forme de tampons de 5 centimètres de diamètre

environ, reliées l'une et l'autre au pôle positif, sont placées à la partie

inférieure du cou, entre les deux chefs du sterno-cléido-mastoïdien de

chaque côté; on fait passer pendant 10 à 20 minutes un courant continu

avec une intensité de à 1 m..1., pouvant être élevée jusqu'à 20

ou 50 mu. Cette électrisation est répétée tous les jours, si l'état de la

peau le permet; au besoin on change un peu les points d'application des

électrodes.

La faradisalion directe de l'oesophage a été aussi employée ; elle est

pratiquée au moyen d'un cathéter oesophagien, portant à l'extrémité

%. d'une tige isolante une boule métallique reliée à une borne extérieure

par un conducteur passant dans l'axe de la tige. L'autre électrode, con-

stituée par une plaque ordinaire, est placée sur le sternum ou sur la

colonne vertébrale.

On a traité encore l'rcsophagisme par le courant galvanique porté

directement dans l'oesophage à l'aide de sondes semblables à celles dont

il vient d'être parlé pour la faradisation. La sonde oesophagienne est

reliée au pôle négatif; l'anode est placée extérieurement sur le sternum

ou sur le rachis. Il vaut mieux dans le traitement des spasmes de l'aso-

phage ne pas mettre la boule métallique du cathéter directement en

contact avec la muqueuse, comme on le fait dans le traitement électro-

lytique des rétrécissements cicatriciels; il importe en effet d'éviter soi-

gneusement l'escarrilication de la muqueuse, qui pourrait être cause

dans la suite d'un rétrécissement cicatriciel ; on recouvrira donc la boule

du cathéter d'une couche assez épaisse et uniforme d'ouate hydrophile

enfermée elle-même dans une enveloppe en tarlatane ; dans ces condi-

tions on peut élever l'intensité jusqu'à 6 ou 8 m. A. et laisser passer le

PIIA1'IQUE M : ChOI.. 84

[E. HUET.]

1550 ÉLEcTROTJI]IIAPIE, -

courant pendant 10 il 15 minutes; avec l'électrode métallique nue, on

ne pourrait employer qu'une intensité beaucoup plus faible, 2 à il. A.

et pendant un temps beaucoup plus court.

- Quel que soit le mode de traitement employé, il importe, au moment

où le spasme oesophagien cède, de faire avaler une petite quantité de

liquide ou d'aliments demi-solides, pour montrer au malade que la

déglutition est redevenue possible. -

Les vomissements, et en particulier les vomissements de la grossesse.

pourront être traités par la galvanisation des 1)iieiiiiio-(rasti-l(ltles. Il y a

lieu plus particulièrement de recourir à ce mode de traitement lorsqu'on

se trouve en présence de vomissements incoercibles, qui compromettent

gravement la nutrition. La méthode préconisée par Apostoti pourra

donner de bons résultais.

On place sur la région épigastrique, comme nous venons de l'indiquer

pour le traitement de l'usoplabismc, une grande électrode de 100

il 150 centimètres carrés reliée au pôle négatif. Deux électrodes de 5 cen-

timètres de diamètre environ sont placées à la base du cou, entre les

deux chefs du sterno-cléido-mastoïdien de chaque côté, et sont reliées

par un fil bifurqué au pôle positif. Il est souvent préférable de n'em-

ployer qu'une seule électrode, qu'il est plus facile de bien maintenir sur

le trajet du pneumo-gastrique, et on la place sur le côté droit.

On établit d'abord pendant quelques, minutes un courant assez faible

de 2 à G ni. A. Puis, le courant continuant passer, on fait boire une

petite quantité d'aliments liquides ; s'il se produit des nausées, et des

menaces de vomissement, on augmente rapidement le courant et l'on

porte son intensité : t l0, 15 m. A. ou même davantage. Souvent les

nausées -disparaissent et l'on ramène le courant à une intensité plus

faible, entre 10 et m. A. On fait prendre de nouveau un peu de liquide

et l'on se tient prêt à relever l'intensité du courant, s'il survient des

nausées. En opérant ainsi plusieurs fois de suite, on arrive souvent il

faire conserver une notable quantité d'aliments liquides. S'il est néces-

saire, on renouvelle une ou deux fois l'électrisation dans la journée, puis

on espace davantage les séances de galvanisation, pour les cesser dès

que l'alimentation peut se faire suffisamment. Ce résultat est obtenu par-

fois après quelques séances; d'autres fois le traitement doit être continué

davantage, 8 jours, 10 jours, ou même plus; il est des cas aussi, où on

le voit échouer.. -

Lorsqu'il existe chez des hystériques une constipation prononcée et

rebelle aux antres traitements, on pourra recourir à 1'¡"lectrisation qui a

donné aussi de bons résultats en dehors de l'hystérie. L'électrisation sta-

tique (bain, effluves çt étincelles sur le trajet du gros intestin, en insis-

tant plus particulièrement sur-la fosse iliaque gauche) s'est montrée effi-

cace. La galvanisation est souvent plus active. On peut l'employer,

suivant la méthode de Donner, dans le traitement de l'cntéro-colite

muco-membrancuse; deux grosses électrodes (tampons bien recouverts

- , HYSTÉRIE. 1551

de ouate hydrophile) sont placées de chaque côté de l'abdomen, au

niveau des fosses iliaques : l'une des électrodes est reliée à l'un des

pôles de la batterie, et l'autre électrode il l'autre pote; on établit un cou-

rant assez intense, 40 il 00 ni. A., s'il est possible; au bout d'une

minute, on renverse brusquement le courant; l'intensité s'élève alors

d'une part sous l'influence des effets de la polarisation et d'autre part

en raison de la diminution de la résistance du corps produite par le renver-

sement; si la nouvelle intensité est mal supportée, on la diminue un peu.

et l'on continue l'électrisation pendant une dizaine de minutes, en

faisant il chaque minute un renversement du courant. Les renver-

sements brusques ainsi faits ne sont pas toujours bien tolérés, en

raison des secousses et des douleurs qu'ils provoquent. On fera supporter

plus facilement ce mode de traitement avec des intensités assez élevées

en diminuant plus ou moins le courant, le ramenant même au zéro, avant

chaque renversement. On le relève ensuite à la plus forte intensité

supportable. Dans ces conditions, on pourra prolonger davantage la durée

de l'électrisation et la porter il 15 ou 20 minutes.

La galvanisation peut être pratiquée par un autre procédé, au moyen de

deux grandes électrodes de 400 centimètres carrés placées l'une sur les

lombes, l'autre sur l'abdomen ; cette dernière est reliée de préférence

au pote positif. On établit progressivement un courant continu, qu'on

élève il de fortes intensités, dans les limites supportables. Avec ces

grandes électrodes munies d'un revêtement spongieux épais, et bien

uniformément humecté, on a élevé l'intensité jusqu'à 100 et même

150 m. A.; nous croyons habituellement suffisant de rester entre 50 et

100 m. A. La durée de l'électrisation sera en moyenne de ! 0 a 15 minutes.

On peut employer encore la galvano-faradisation. On se place dans les

conditions d'application des électrodes qui viennent d'être dites, et on

établit d'abord le courant galvanique continu, avec une forte intensité :

on met alors en jeu l'interrupteur du courant faradique réglé pour

donner des intermittences fréquentes et on gradue ce courant, de façon

que son action soit assez faible et ne produise que de légères trémulations

des muscles de l'abdomen. Delllcrm et Laquerrière conseillent d'employer

de préférence le courant de la bobine il fil fin. -

Connue précédemment, la durée de l'électrisation est en moyenne

de 10 à 15 minutes.

Nous n'insisterons pas sur d'autres procédés d'éleclrisalion indiqués

aussi pour le traitement de la constipation ; nous nous contenterons de

ceux qui viennent d'être exposés, et qui se sont montrés souvent efficaces.

L'aphonie hystérique disparait souvent sous l'influence de l'éleciri-

sation, surtout lorsqu'elle est récente. On pourra employer plus particu-

lièrcment l'élcctrisation statique, avec souffle ou même petites étin-

celles sur le lal'n1x. ou la faradisation au pinceau sur le cou, en avant

du larynx et de chaque côté, ou la faradisation bipolaire avec deux

petites électrodes placées de chaque côté du larynx.

[E HUET.j

1552 ÉLECTROTHÉRAPIE.

Neurasthénie. Sous le nom de neurasthénie on comprend souvent

des états variés et assez différents les uns des autres. Les états de neu-

rasthénie acquise, résultant de fatigues excessives, de surmenage phy-

sique et moral, d'intoxications ou d'auto-intoxications, seraient il

distinger des états de la neurasthénie constitutionnelle et héréditaire

dans lesquels on confond fréquemment d'ailleurs des états différents de

névropathie et de psychopathie. Nous ne pouvons entrer ici dans une

analyse détaillée de ces divers états, et nous devons nous contenter de

donner quelques indications générales sur le traitement par l'électricité

des états neurasthéniques et de quelques-unes de leurs manifestations

symptomatiques. ,

Les neurasthéniques ne sont pas pour beaucoup accessibles à la sug-

gestion au même litre, que les hystériques. La suggestion, cependant,

peut jouer aussi un rôle important dans les résultats du traitement, mais

le plus souvent d'une façon un peu particulière, venant dans une cer-

taine mesure des malades mêmes et résultant des idées qu'ils se font sur

l'efficacité du traitement qui leur est appliqué. Aussi y a-t-il lieu géné-

ralement, en même temps qu'on soumet les neurasthéniques il l'électri-

sation, de s'efforcer d'éveiller en eux l'espoir d'une guérison plus ou

moins prochaine, de les encourager et de soutenir leur volonté souvent

chancelante, et de chercher à redresser les fausses interprétations qu'ils

se font de leur maladie et de ses symptômes.

L'électrisation statique est un procédé de traitement souvent employé

dans la neurasthénie ; on lui doit un assez grand nombre de résultats

favorables. Il ne parait pas y avoir une grande différence d'action entre

le bain statique négatif et le bain positif; parfois, cependant, on conseille

d'employer plutôt ce dernier, quand on recherche des effets calmants, et

le premier, quand on recherche des effets excitants. Chez beaucoup de

neurasthéniques, timorés et émotifs, il convient de commencer par des

séances courtes, de iL -ci '1(,) minutes; on en augmente plus ou moins

rapidement la durée, jusqu'à 20 ou 50 minutes, rarement davantage.

Il vaut mieux, le plus habituellement, ne pas répéter l'électrisation

tous les jours et se contenter de deux à trois séances par semaine.

Au bain statique on ajoute, suivant les symptômes prédominants, des

applications appropriées de la l'ranl : liuisction, ainsi que nous l'indique-

rons plus loin.

Chez les neurasthéniques, qui présentent de l'hypertension artérielle,

au bain statique on préfère souvent des applications de courants de

haute fréquence dans le grand solénoïde ou sur le lit condensateur, en

leur donnant une durée moyenne de 10 a 15 minutes. Ces modes de

d'arsonvalisation abaissent, comme on le sait, la tension artérielle.

D'autres modes d'application des courants de haute fréquence élèvent au

contraire la tension artérielle; tel est le, résultat; de l'eflluvation et surtout

des étincelles dirigées sur la colonne vertébrale avec l'intermédiaire du

résonateur. Ces derniers modes d'application de la haute fréquence sont

NEURASTHÉNIE. 1555

à employer plutôt chez les neurasthéniques présentant de l'hypotension

artérielle.

La faradisation généralisée a été préconisée par Beard et Rockwell

dans le traitement de la neurasthénie. Le malade est assis sur un

tabouret, et les pieds reposent sur une large électrode humide, à laquelle

est, relié l'un des pûtes de la bobine, de préférence le pôle négatif,

d'après les auteurs américains. On pourrait aussi faire tremper les deux

pieds dans un hain électrode. Dans le cas où l'on voudrait pratiquer la

faradisation généralisée, en laissant le malade au lit. on appliquerait deux

larges électrodes humides sous les pieds, ou à la partie inférieure des

jambes, et on les relierait par un fil bifurqué au pôle négatif de la bobine.

L'électrode excitatrice, correspondant au pote positif, est représentée,

soit par la main de l'opérateur, connue dans le procédé de la main élec-

trique, soit par un rouleau métallique, soit par un rouleau avec revê-

tement spongieux, ou par un tampon humide assez large, 4 à li centi-

mètres de diamètre. Dans les deux premiers cas, main électrique et rou-

leau métallique, on prend la hohine à fil fin; dans les deux autres, on

prend de préférence la bobine à fil moyen. L'électrisation avec la main

se pratique surtout sur la tète; elle peut être employée aussi sur le reste

du corps, mais elle y est généralement remplacée par 1 électrisation avec

le rouleau ou avec le tampon.

On commence par la faradisalion de la tète avec un courant modéré :

la main est promenée légèrement sur le front et sur les tempes, puis sur

le sommet de la tète et sur la nuque. Augmentant alors la force du cou-

rant, on agit pendant quelque temps, de haut en bas, sur toute la lon-

gueur de la région rachidienne où, suivant les indications particulières,

on insiste davantage sur certains points. Ensuite, avec un courant plus

faible, on porte la faradisation sur le cou, principalement sur les parties

latérales, en suivant le trajet des cordons nerveux profonds, grand sym-

pathique, pneumo-gastrique, phrénique : on faradisc ensuite la région

antérieure de la poitrine, surtout la région précordiale : puis avec des

courants plus énergiques l'abdomen : on insiste plus spécialement, suivant

les cas, sur la région épigastrique ou sur les parois ahdominales eu

suivant le trajet du gros intestin ; puis on électrise les muscles postérieurs

du tronc et les quatre membres, en suivant le trajet des gros troncs

nerveux et des muscles de manière à faire contracter légèrement ceux-ci;

quelquefois on termine en électrisant de nouveau pendant quelque temps

la région rachidienne. La durée totale de la faradisation générale est de

10 à 20 minutes, en faisant varier d'ailleurs, suivant les indications spé-

ciales, la durée et l'intensité de l'excitation sur telle ou telle région.

D'après Dard et la faradisation généralisée aurait des effets

avantageux sur l'ensemble des phénomènes nutritifs; elle activerait la

circulation, augmentcrait l'appétit, stimulerait les fonctions digestives,

régulariserait le sommeil, combattrait les phénomènes de dépression ou

de faiblesse irritable du système nerveux.

[E HUET ]

1554 ÉLECTROTHÉRAPIE.

La galvanisation générale, également préconisée par l3carcl et Rock-

well, est un procédé d'électrisation analogue au précédent, dans lequel

les courants galvaniques remplacent les courants faradiques. Elle aurait

des effets semblables; mais la faradisation générale, d'une application

plus facile, lui est habituellement préférée.

Betton-Massey, considérant avec quelques auteurs que la neurasthénie

est la conséquence d'un mauvais fonctionnement du grand sympathique

et plus particulièrement du plexus solaire, a conseillé la galvanisation

employée de la façon suivante : une grande électrode, de 200 il 500 centi-

mètres carrés en rapport avec le pôle négatif, est placée sur la région

lombaire ; une électrode semblable, en rapport avec le pôle positif,

est placée sur l'abdomen, et l'on fait passer pendant un quart d'heure

environ, un courant galvanique continu auquel on donne une intensité

de ai0 il '150 m. A.

Nous nous contenterons d'exposer brièvement les procédés d'électri.

sation plus particulièrement utilisables contre les principales manifes-

tations symptomatiques de la neurasthénie.

Contre la céphalée, les vertiges, la dGl7ress.ioll intellectuelle et

l'insomnie, on ajoutera au bain statique la douche électrique ou le souffle

dirigé sur le front, sur la tète et sur la nuque. On pourra aussi pra-

tiquer la galvanisation cérébrale : une électrode de 15 il 20 centimètres

de longueur sur 6 il 7 centimètres de largeur esl appliquée sur le front

et elle est en rapport avec le pôle négatif; l'autre électrode de 100 il

150 centimètres carrés est appliquée sur la nuque ou sur la région cer-

vico-dorsale, et l'on fait passer un courant de il 20 ni. A. pendant un

temps variant de JO minutes à une demi-heure; on établit et l'on fait

cesser le courant progressivement, et pendant son passage, on évite avec

soin toute interruption.

Lorsque la céphalée est particulièrement prononcée, on pourrait,

comme l'a indiqué Leduc, mouiller la cathode frontale avec une solu-

tion de salicylate de soude.

Contre la rachialgie, el les douleurs sous forme de « plaque sacrée »,

on ajoutera au bain statique l'eflluvation et la friction électrique le long

de la colonne vertébrale en insistant sur la région lombaire et la région

sacrée; ou bien on emploiera l'ef'f1mation de haute fréquence et la friction

avec l'électrode condensatrice; ou bien encore, si on a recours à la fara-

disation, on emploiera le courant de tension avec le pinceau ou le rouleau

métallique. '

S'il existe des troubles cardiaques, tachycardie, palpitations, mani-

festations de fausse angine de poitrine, on agira avec le souffle statique

sur la région précordiale, ou bien avec la galvanisation continue en

plaçant une électrode au cou sur le trajet du pnemuo-gastrique gauche,

et l'autre électrode sur la région dorsale ou sur la région épigastrique,

courant de 5 10 ni. A. pendant 10 à 20 minutes.

Dans le cas de troubles dyspeptiques, avec ou sans distension ou dila-

GOITRE EXOPHTALMIQUE. 1 ?

talion de l'estomac, au bain statique on ajoutera des effluves et des

étincelles sur l'abdomen et la région épigastrique; ou bien on pourra

employer la galvanisation continue, électrodes sur la région dorso-lom-

haire et sur la région épigastrique, courant de 10 à 20 m. A. ou courant

plus intense comme dans la méthode de traitement de Betton-Massey.

Dans le cas de constipation on pourra employer des modes d'électrisation

analogues, ou agir comme il a été dit déjà pour le traitement de la consti-

pation chez les hystériques.

Contre l'asthénie musculaire on emploiera soit l'éleclrisation statique

avec friction et étincelles sur la colonne vertébrale, le tronc et les mem-

bres, ou les procédés indiqués au mode de traitement par la faradisation

générale; on pourra employer encore les bains hydro-électriques, fara-

diques ou sinusoïdaux.

L'impuissance génitale sera traitée soit par l'éleclrisation statique en

ajoutant au bain statique la friction et des étincelles sur la colonne verté-

brale plus spécialement sur la région dorso-lombaire, et la friction

électrique sur les 'cuisses en insistant plus particulièrement sur leurs

faces internes, soit par la friction et les étincelles de haute fréquence sur

les régions dorsale et lombaire. On pourra employer aussi les courants

galvaniques : large électrode, en rapport avec le pôle positif, sur la région

lombaire; électrode en forme de tampon de 5 Ü 4 centimètres de dia-

mètre, en rapport avec le pôle négatif, sur le périnée, sur les cordons

inguinaux au-dessous du canal inguinal, sur le pubis à la racine du pénis :

sur chacun de ces points courants de 5 il J 2 m. A. pendant quelques

minutes. On peut ajouter au traitement par la galvanisation des exci-

tations faradiques ou galvano-faradiques portant sur la région périnéale

au niveau des muscles bulbo-caverncux.

Goitre exophtalmique. (Maladie de Basedow. Maladie de Graves.)

Le goitre exophtalmique a été considéré pendant longtemps comme

une maladie nerveuse que l'on rapportait soit il des troubles bulbaires,

soit il des troubles dans les fonctions du grand sympathique. Actuelle-

ment on le rapporte plutôt à des troubles dans les fonctions du corps

thyroïde retentissant par un mécanisme d'auto-intoxication sur les fonc-

tions du bulbe et du grand sympathique. On rapporte quelquefois aussi

celle maladie il des troubles dans les fonctions des glandes parathyroï-

diennes. Sous l'influence de ces théories nouvelles on a été porté à

donner une moins grande importance il l'électrisation qui a été con-

sidérée pendant un temps comme le traitement principal du goitre

exophtalmique, et on l'a plus ou moins délaissée soit pour des traitements

médicaux, notamment pour l'opothérapie, soit pour des traitements chi-

rurgicaux s'adressant de diverses manières au corps thyroïde. Pendant un

moment on avait cru aussi trouver dans des interventions chirurgicales

sur le grand sympathique un mode de traitement, très efficace du goitre

exophtalmique; ces opérations sur le grand sympathique n'ont pas le

plus souvent répondu aux espérances que l'on avait fondées sur elles.

[L HUET] ]

J : ï5G ÉLECTROTHÉRAPIE.

L'électrisation employée seule ou associée à des traitements médicaux

(opothérapie, salicylate de soude, etc.) reste un mode de traitement

important du goitre exophtalmique, donnant souvent de bons résultats

et permettant d'éviter des interventions chirurgicales qui ne sont pas

toujours sans danger.

Les modes de traitement électrique employés contre le goitre exophtal-

mique ont été assez variés, pour la plupart ils sont pratiqués soit avec

les courants faradiques, soit avec les courants galvaniques, soit à la fois

avec ces deux genres de courants.

Vigouroux, qui s'est occupé tout particulièrement du traitement élec-

trique de la maladie de Basedow, donne la préférence à la faradisation.

Sa méthode de traitement se divise en quatre temps, faradisation caroti-

diennc ou du grand sympathique, faradisation oculaire et circum-orbi-

taire, faradisation du goitre, et faradisation précordiale.

Une large électrode de 50 il 100 centimètres carrés est appliquée sur

la nuque, ou sur la région cervico-dorsale; elle est reliée à la borne

positive d'une bobine à fil moyen dans les trois premiers temps, à la

borne négative dans le dernier; on prend un courant il intermittences

fréquentes.

Dans le premier temps, faradisation carotidienne appelée aussi faradi-

sation du grand sympathique, une petite électrode, en forme de bouton

de un centimètre de diamètre environ, ou en forme d'olive, est placée sur

le cou, au-dessous du maxillaire inférieur, entre l'os hyoïde et le bord

antérieur du ste1'l1()-cllido-mastoïdien. Cette électrode négative est

enfoncée profondément jusqu'à ce qu'on perçoive les pulsations de la

carotide. On établit alors un courant assez fort, tel qu'il produise des

contractions apparentes des fibres du peaucier, ou des contractions assez

fortes du stcrno-ctéido-mastodicn lorsqu'on déplace l'électrode en dehors

vers ce muscle. L'application est faite successivement des deux côtés el

dure pour chacun d'eux une minute et demie environ.

Dans le deuxième temps, faradisation oculaire et circmn-orhitaire, on

reporte la petite électrode sur le point moteur de l'orbiculaire des pau-

pières. On a eu soin auparavant d'écarter les bobines du chariot faradique

pour n'avoir pas un courant trop fort ; puis on gradue le courant de façon

il produire des contractions de l'orhiculairc. On passe ensuite légèrement

et plusieurs fois l'électrode, sur les paupières fermées. Enfin on la pro-

mène sur le pourtour de l'orbite de façon il obtenir des contractions de

l'orbiculaire, du sonrcilier et du frontal, en évitant d'exciter les nerfs sus

et sous-orbitaires. Il faut éviter aussi, pendant ces différentes manoeuvres,

de placer l'électrode sur un point situé à un centimètre environ en dehors

et au-dessous de la queue du sourcil, où l'excitation provoque la pro-

pulsion en avant du globe oculaire, vraisemblablement par l'excitation du

grand oblique. Celte faradisation est prolongée de une à deux minutes sur

un côté; ensuite on la fait de la même façon sur l'autre côté.

Dans le troisième temps, faradisation thyroïdienne, la petite électrode

GOITRE EXOPHTALMIQUE

est remplacée par une eleclrode-lampon de J il 11; centlm\\ ! ! I ! t}kÇ.l[¡ar1@,\-\

On l'applique d'abord immédiatement au-dessus de la fourh ? Kn

sur l'isthme du corps thyroïde; en ce point, si l'électrode n'est pas mise

en contact avec le sternum, les malades peuvent supporter habituelle-

ment une force de courant assez grande. On promène ensuite l'électrode

sur les deux lobes du corps thyroïde et l'on provoque des contractions

des muscles sterno-hyoïdien et stemo-thyroïdien en excitant leurs points

moteurs. Ce troisième temps dure de 5 à 5 minutes.

Dans un quatrième temps on pratique la faradisation précordiale avec-

la même électrode que dans le temps précédent ou avec une électrode un

peu plus grande. Le courant est au préalable renversé, dans la pratique

de Vigoureux, de façon que cette électrode corresponde il la borne posi-

tive de la bobine : elle est placée sur le troisième espace intercostal

gauche au voisinage du sternum et on laisse agir pendant deux à trois

minutes un courant assez faible pour provoquer tout au plus de légères

contractions du grand pectoral. Quelques électro-thérapeutes conseillent

de placer l'électrode plus bas et plus en dehors, dans l'espace intercostal

où l'on sent battre la pointe du coeur.

Les séances seront renouvelées tous les deux jours ; dans les cas graves

il peut y avoir avantage à les répéter chaque jour. La durée totale du

traitement doit être assez prolongée, six mois, un an ou davantage en

l'entrecoupant par des intervalles de repos. Après une première applica-

tion du traitement pendant quatre il six semaines, on le suspendra pen-

dant trois il quatre semaines, pour le recommencer pendant plusieurs

semaines, le suspendre de nouveau, et continuer de même en augmentant

de plus en plus les intervalles de repos.

Les courants galvaniques ont été employés souvent aussi dans le trai-

tement du goitre exophtalmique. Généralement, on les applique de la

façon suivante : une grande électrode, de 1110 cnr environ, est placée

sur la colonne cervico-clorsale; une autre électrode est placée au-devant

du cou, de manière qu'elle, recouvre bien tout le corps thyroïde; la forme

la plus appropriée à donner à cette électrode pour arriver à ce résultat.

est. celle d'un croissant il cornes émoussées auquel on donne, suivant

les dimensions du corps thyroïde, une longueur de 15 il 20 cm., sur

une largeur d'environ 6 cm. Habituellement, on met en rapport cette

dernière électrode avec le pote négatif et l'on fait passer un courant de

10 à 20 m. A. pendant un temps variant de un quart il une demi-heure; i

on a même conseillé des courants plus intenses atteignant 50 ou 40 lu. 1.,

parfois plus, si les malades peuvent les supporter. Certains électrn- ! l1l"rapeutcs se sont bien trouvés de mouiller cette électrode avec une

solution d'iodurc de potassium; on pourrait la mouiller encore avec une

solution de salicylate de soude.

Avec les courants galvaniques, surtout lorsqu'on emploie des courants

un peu intenses, on ne peut guère faire de séances que tous les deux

jours, et parfois il est nécessaire de faire un repos de plusieurs jours si

[E. HUET ]

1558 i ? cfl3ormrarlr.

la peau se trouve un peu irritée à la suite des séances précédentes.

Nous avons employé souvent la galvanisation d'une façon un peu dif1'L'-

rente en en retirant de bons résultats. Nous pratiquons suivant la mé-

thode de Vigoureux l'électrisation carotidienne, avec une électrode

olivaire, de dimensions moyennes, l'électrisation thyroïdienne, et l'élec-

trisation précordiale avec une électrode-tampon de 4 il G cm. de dia-

mètre ; mais au lieu de courants faradiques nous prenions des courants

galvaniques continus avec une intensité de il 10 m. A. pour la galvani-

sation carotidienne et une intensité de 10 à 15 ni. A. pour la galvanisa-

tion thyroïdienne et la galvanisation précordiale.

Lorsqu'il y a exophtalmie assez prononcée et que l'on veut chercher il

agir directement sur l'oeil, nous sommes d'avis d'ajouter au traitement

par la galvanisation l'électrisation oculaire avec les courants faradiques

suivant le procédé de Vigoureux, plutôt qu'avec les courants galvaniques.

On peut d'ailleurs associer le traitement faradique au traitement gal-

vanique de plusieurs façons. Ainsi à la galvanisation du goitre suivant le

premier procédé que nous avons indiqué, on pourrait ajouter la faradisa-

tion carotidienne et la faradisation oculaire ou seulement l'une ou l'autre.

On pourrait ajouter aussi la faradisation précordiale. Généralement nous

préférons, lorsque la galvanisation a été pratiquée sur le cou, employer

aussi la galvanisation sur la région précordiale. Nous nous sommes bien

trouvé parfois d'associer le traitement galvanique au traitement, fara-

dique en pratiquant la faradisation des trois premiers temps de la

méthode Vigouroux et en remplaçant dans le dernier temps la faradisa-

tion par la galvanisation précordiale.

Les résultats donnés par ces divers modes de traitement sont assez

souvent favorables. L'amélioration est parfois assez rapide surtout du

côté de l'état général et de quelques symptômes secondaires comme

l'irritabilité générale, l'agitation, l'insomnie, les crises diarrhéiques, la

dénutrition et l'amaigrissement. La disparition totale des symptômes

ne se produit que lentement lorsqu'elle est obtenue ; le plus souvent elle

n'est pas complète, bien que dans son ensemble, l'état des malades

puisse être redevenu très satisfaisant. Parmi les symptômes cardinaux,

le tremblement est souvent assez rapidement modifié. Les palpitations

et la tachycardie se trouvent souvent aussi assez diminuées, niais la dis-

parition complète de la tachycardie est plutôt rare, pendant long-

temps le pouls reste au-dessus de 80 elle plus souvent entre 00 et. 00.

parfois cependant on a vu le pouls revenir il la normale. Le goitre se

comporte différemment suivant les cas; lorsqu'il a apparu en même

temps que les autres symptômes, il diminue souvent assez vite sous

l'influence du traitement,; parfois il disparaît complètement; le plus

généralement le corps thyroïde reste plus volumineux que dans 1 état

normal; parfois aussi le goitre n'est que peu modifié alors que les autres

symptômes sont très atténués dans leur ensemble, il en est le plus sou-

vent ainsi dans les cas de goitre basedowiue. L'exophtaimie est un des

, NÉVROSES ET AFFECTIONS DIVERSES. 1559

symptômes les plus tenaces quand elle existe ; elle ne s'alténue en

général qu'assez lentement et rarement elle disparait complètement lors-

qu'elle a été assez prononcée.

Le traitement n'a pas toujours une influence aussi favorable et il est

des cas où il reste sans résultais appréciables. Lorsqu'un mode de trai-

tement a échoué, il convient souvent, avant d'abandonner le traitement

électrique, de rechercher si un autre mode d'électrisation, parmi ceux

indiqués, ne se montrera pas plus efficace. r

L'électrisation statique est généralement assez mal supportée par ce

genre de malades, souvent elle augmente l'agitation, elle augmente aussi

ou provoque l'insomnie. Il est cependant des exceptions à cette règle et

certains malades se sont bien trouvés de la 1'ranklinis,tion.

Depuis quelques années, la radiothérapie a été tentée contre le goitre

exophtalmique avec des résultais assez variables, favorables dans un assez

grand nombre de cas, médiocres ou nuls dans d'autres, aussi n'est-on

pas bien fixé encore sur la valeur de ce mode de traitement.

Paralysie agitante. Le traitement par l'électricité a été souvent

tenté dans la paralysie agitante ou maladie de Parkinson, mais sans

résultats bien appréciables. Parmi les malades de ce genre, .que j'ai eu

l'occasion de soumettre à l'électrisation je n'en ai pas vu retirer un béné-

lice durable des divers modes de traitement essayés, électrisation sta-

tique, haute fréquence, galvanisation et faradisation. Les quelques

améliorations observées n'ont été que transitoires, et m'ont paru plutôt

sous la dépendance d'effets suggestifs momentanés que sous l'influence

du traitement électrique même. '

Chorée. La Chorée de Sydenham est une affection qui guérit géné-

ralement par les moyens purement médicaux. On a conseillé parfois de

la traiter par l'électricité, soit par l'électrisation statique, bain statique.

douche et effluves le long de la colonne vertébrale, soit par la galvani-

sation de la moelle. Ces modes de traitement pourraient être appliqués

plus particulièrement dans les cas de chorée grave, ou dans les cas de

chorée qui se prolongent. Lorsque la chorée prend la forme de chorée

molle ou paralytique, l'électrisation peut devenir utile, soit que l'on agisse,

par la galvanisation de la moelle, soit que l'on agisse sur les muscles,

dont l'excitabilité électrique est généralement bien conservée, en les

excitant avec des courants faradiques rythmés ou avec des courants gal-

vano-faradiques.

Dans la chorée hystérique l'éicctrisaflon peut être utile, ne serait-ce

que connue procédé de traitement suggestif.

Myoclonies. Dans les diverses formes de myoclotties et dans la

maladie des tics, l'électrisation peut être un adjuvant des autres traite-

ments. C'est encore la galvanisation continue ou l'éleclrisation statique

qui se trouvent plus particulièrement indiquées.

Le spasme facial et le tic non douloureux de la, face sont souvent

rebelles aux divers modes de traitement, y compris l'électrisation. La

[E. HUET]

1540 0 ÉLECTROTHÉRAPIE.

franklinisation, bain et souffle, et la galvanisation continue suivant le

mode indiqué au traitement de la névralgie faciale sont, parmi les pro-

cédés d'électrisation, ceux qui paraissent les plus recommandables.

Torticolis. Le torticolis mental est également souvent rebelle aux

divers traitements. L'électrisation s'est montrée cependant parfois utile.

On pourra essayer les traitements suivants applicables aussi au torti-

colis rhumatismal. On agira par exemple par la galvanisation continue :

électrode négative sur la colonne vertébrale; électrode positive, plaque

ou rouleau, sur les muscles qui sont le siège de la contracture ou des

spasmes, courant continu faible et prolongé, de 5 (i ni. A. ou courants

plus forts de 15 à 20 m. A. On peut encore employer l'électrisation

statique, bain, effluves et friction, ou les courants de haute fréquence,

effluvation et frictions avec l'électrode condensatrice ou la faradisation

avec le pinceau. Parfois, dans le torticolis spasmodique, on se trouverai

bien d'agir sur les muscles antagonistes des muscles atteints en les exci-

tant avec des courants faradiques rythmés.

Crampes professionnelles. - Le fonctionnement fréquemment répété

ou prolongé de certains muscles produit chez des personnes prédisposées

à la névropathie des troubles fonctionnels se manifestant surtout sous la

forme de spasmes et de contractures. Ces troubles se développent plus

particulièrement à l'occasion des mouvements nécessités par des exercices

professionnels. Les variétés de ces crampes fonctionnelles ou profession-

nelles sont assez nombreuses : crampes des écrivains, des télégraphistes,

des couturières, des fleuristes, des pianistes, des violonistes, des dan-

seuses, etc. Ces troubles sont souvent graves en ce sens qu'ils entravent

plus ou moins complètement l'exercice de la profession et qu'ils sont

souvent rebelles aux divers modes de traitement. Lorsqu'ils ne sont pas

encore trop anciens ni très développés, le traitement électrique ,joint à un

repos suffisamment prolongé peut en amener la disparition; mais pour

éviter les récidives, il est nécessaire de ne laisser reprendre que lente-

ment et progressivement les exercices qui provoquaient l'apparition des

crampes et d'éviter tout surmenage.

Le bain statique avec souffle dirigé sur la colonne vertébrale et sur les

régions qui sont le siège des contractures a donné parfois des résultats

favorables.

On peut aussi employer la galvanisation continue avec électrode néga-

tive sur la nuque ou sur la région lombaire, électrode positive recouvrant

les muscles sur lesquels se produisent les spasmes, courants faibles de

quelques milli-ampères pendant une dizaine de minutes, ou la galvani-

sation labile avec l'électrode rouleau positive et également des courants

faibles et peu prolongés.

La faradisation légère des muscles, siège des spasmes, ou la faradi-

sation de leurs antagonistes ont été aussi employées, mais nous croyons

préférables les modes d'électrisation précédents.

Au traitement par l'électricité il y a d'ailleurs lieu d'ajouter le pins

NÉVROSES ET AFFECTIONS DIVERSES. 15 il

souvent une sorte de rééducation fonctionnelle par une gymnastique

appropriée.

Maladie de Raynaud. Cette maladie, appelée aussi asphyxie locale

des extrémités, se caractérise.par des crises débutant par un spasme des

vaso-moteurs suivi de leur paralysie : il s'y ajoute parfois des gangrènes

plus ou moins étendues, gangrènes symétriques des extrémités. Le siège

de ces troubles est le plus habituellement les doigts et les orteils, parfois

le nez et les oreilles. Leurs causes sont d'ordres divers : artério-sclérose

avec lésions cardiaques ou rénales, intoxications, infections, maladies

nerveuses ou de la nutrition. Parfois ces troubles précèdent ou accom-

pagnent la sclérodermie.

On pourra employer le traitement indiqué par Raynaud : galvanisation

de la moelle avec des courants descendants, le pôle positif sur la

5° cervicale, le pôle négatif sur la dernière vertèbre lombaire, intensité

de 15 à 20 m. A. pendant un quart d'heure.

On pourra encore, suivant les indications de Nothnagel, placer dans le

cas où les troubles portent sur les membres supérieurs le pôle négatif à

la nuque, le pôle positif sur le plexus brachial, avec intensité de à à

10 m. A. pendant 5 à 10 minutes. Pour agir sur les membres inférieurs

d'une façon analogue, on placerait une grande électrode négative sur la

région lombaire, une électrode positive assez grande sur la paroi abdomi-

nale daus la fosse iliaque. On pourrait encore se servir comme électrode

positive d'un bain, à la condition qu'il soit bien supporté, ce qui n'est pas

toujours pour ce genre de malades ; suivant les cas, on v ferait plonger

les pieds ou les mains en donnant au courant une intensité de 10 à

15 m. A. et une durée d'un quart d'heure. '

La faradisation avec le pinceau faradique a été aussi employée.

Nous avons obtenu de bons résultats, comme Denoyès et d'autres élec-

t rothérapeules, en employant la haute fréquence avec l'cfuuvation ou

avec la friction au moyen de l'électrode condensatrice.

[F.. HUET.]

HYDROTHÉRAPIE

par Georges GUILLAIN

Je renvoie aux ouvrages des spécialistes pour la description des appa'4

relis usités en hydrothérapie, pour la technique des nombreuses métho-

des employées, pour l'élude générale des contre-indications de ce traite-

ment tirées soit de l'âge, soit de l'état du système cardio-vasculairc. son

des lésions pulmonaires des malades. Je voudrais simplement indiquer

quelles sont les maladies du système nerveux qui paraissent bénéficier

des différentes modalités de l'hydrothérapie. 11 ne faut pas croire en effet,

il l'exemple de certains auteurs, que toutes les maladies du système ner-

veux, organiques ou fonctionnelles, nécessitent un traitement hydrothera-

pique; les indications thérapeutiques sont certes beaucoup plus limitées.

Je rappelle tout d'abord l'utilité des bains froids, des lotions froides

dans les maladies infectieuses avec lièvre, délire, troubles ataxo-adynann-

ques, principalement, dans les formes cliniques dites cérébrales de ces

maladies (lièvre typhoïde, rhumatisme articulaire aigu, pneumonie, fiè-

vres éruptives, etc.). Dans les cas demeningtte cérébro-spinale aiguë les

applications froides sur la tête et la colonne vertébrale (vessie de glace,

tubes réfrigérants) associées aux bains chauds à 55". 40" sont à con-

seiller ; dans les cas de méningite cérébro-spinale ameningocoque on fera

en même temps les injections intra-rachidiennes de sérum anliniéningo-

coccique.

Les états d'agitation observés en pathologie mentale, les accès d'excita-

tion maniaque sont favorablement influencés par les bains chauds à

54°, 50" prolongés pondant plusieurs heures; dans certains établisse-

ments spéciaux existent des installations permettant de maintenir les ma-

lades dans les bains pendant plusieurs jours, cette méthode est dite mé-

thode des bains permanents. Les bains tièdes prolongés améliorent parfois

les mélancoliques anxieux.

Pour combattre certaines insomnies on conseillera aux malades soit de

prendre le soir avant de. se coucher un bain chaud à 5,1 ? ai", 57" de 20

ou 50 minutes de durée, soit de prendre it la fin de l'après-midi une dou-

che chaude à 55" en jet brisé de une à deux minutes. Chez d'autres

malades le résultat sera meilleur avec des douches froides ou des bains

de piscine froids.

HYDROTHÉRAPIE. 1545

Les neurasthéniques constituent une catégorie de malades qui 1]éuéfi- ,

cient souvent des différents traitements hydrothérapiques. Aux neura-

sthéniques déprimés on conseillera la douche froide courte en pluie, en

jet plein ou en jet brisé, douche qui a des effets excitants toniques : on

pourra conseiller aussi l'usage du drap mouillé, des affusions froides le

matin. Chez quelques malades deux douches par jour peuvent être. utiles,

l'une froide tonique le matin. l'autre tiède sédative vers la fin de la jour-

née. Certains neurasthéniques obtiennent de meilleurs résultats avec l'hv-

drothérapie chaude (bains chauds, douches chaudes, enveloppements

chauds). Il faut d'ailleurs se rappeler, pour le traitement de la neurasthé-

nie, que bien souvent cet état morbide est symptomatique d'une lésion

organique ou d'un trouble fonctionnel viscéral.

On a coutume de conseiller aux hystériques les douches froides, le

drap mouillé, les bains de piscine. Ces procédés sont incontestablement

des adjuvants utiles à la psychothérapie, qui reste le traitement nécessaire

et rationnel du pithiatisme,

L'épilepsie, que je considère non pas comme une névrose mais connue

une affection créée soit par une lésion cérébrale soit par une intoxication

des centres nerveux, ne me paraît justiciable de l'hydrothérapie qu'au

point de vue de l'hygiène. Dans les états convulsifs infantiles les bains

tièdes répétés paraissent avoir une action sédative; dans certains états

choréiques les bains tièdes ou le drap mouillé froid sont des adjuvants

utiles au traitement général.

Dans les paralysies dépendant de lésions organiques les douches locales

chaudes et froides, associées au massage, à l'électrothérapie, peuvent avoir

des effets favorables pour faciliter la circulation sanguine, les échanges

nutritifs des tissus, la restauration fonctionnelle. Ce traitement d'ailleurs

ne sera jamais l'ait dans la phase aiguë d'une paralysie. Le massage sous

l'eau, les mouvements spontanés ou provoqués des membres paralysés

sous l'eau (bains kiuéto-thérapcutiqucs) sont des modalités thérapeutiques

à conseiller dans les cas d'hémiplégie, de paralysie.

Les contractures bénéficient, surtout de la chaleur (bains chauds, com-

presses locales chaudes, douches de vapeur).

A la phase aiguë des polynévrites sensitives les applications chaudes

soulagent les malades. Dans les névralgies la chaleur est spécialement à

recommander (compresses chaudes, enveloppements humides chauds,

douches de vapeur) : c'est dans le même but que l'on utilise les douches

d'air chaud, les bains 1)owsin généraux ou locaux. On a conseillé, pour

améliorer certaines névralgies, l'action successive du chaud et du froid,

par exemple une douche chaude à 40". 45" de une à deux minutes de

durée il laquelle succède une douche froide de quelques secondes.

Certaines céphalées sont améliorées par des bains chauds dérivatifs du

siège ou des membres inférieurs, en même temps que des compresses

froides sont maintenues sur le front ou sur la tète.

Pour les tabétiques il est assez difficile de poser des indications d'un

[G. GUILLAIN

1;, ¡ ¡, HYDROTHÉRAPIE.

traitement hydrothérapique rationnel. Je ne crois pas que l'hydrothérapie

ait une action thérapeutique quelconque dans le tabès, mais elle est à

recommander au point de vue hygiénique. Les bains simples chauds, les

lotions chaudes matinales suivies de frictions semblent convenir spécia-

tement à ces malades qui, d'ailleurs, supportent souvent fort mal l'eau

froide. Parfois les hains de siège, les douches locales périnéales sont

utiles aux tahetiqnes présentant des troubles vésicaux.

J'ajouterai, pour terminer, que le inli ou le bain quotidien doit être,

au point de vue de l'hygiène, une pratique normale chez tous les indivi-

dus, enfants ou adultes, nerveux ou non.

METHODES

1

D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX

TECHNIQUE

DES EXAMENS ANATOMO-PATHOLOGIQUES

par Georges GUILLAIN

Formolage des centres nerveux avant l'autopsie. Les

lésions cadavériques se développent dans les centres nerveux avec une

grande rapidité, surtout pendant les saisons chaudes de l'année et dans

les hôpitaux où les cadavres ne sont pas conservés à la glacière. Ces

lésions cadavériques sont une gêne très grande pour l'étude microsco-

pique et même macroscopique des centres nerveux. C'est pour obvier à ces

inconvénients primordiaux que le Professeur Pierre Marie a conseillé dans

son laboratoire de l31cètre une technique spéciale consistant à formuler

les centres nerveux le plus longtemps possible avant l'autopsie. Il suffit

pour cela, au moyen d'une seringue il laquelle est adaptée une longue

aiguille, d'injecter dans chaque orbite, par le trou optique ou la fente

sphénoïdale, environ 100 centimètres cubes d'une solution ainsi com-

posée :

I ? WI1 : 'l'111U1 ? S D'1 : 'l'UDI : DI : S l;l : \'l'ItI.S \F : lt\'IU\..

avec un scalpel, on incise les muscles temporaux. La calotte crânienne

peut être enlevée soit au moyen de la scie, soit au moyen d'un marteau

qui brise les os. Il faut scier ou briser les os juste au-dessus des points

de décollement de la peau du crâne. Que l'on scie les os ou qu'on les

brise, il est nécessaire de ne pas déployer une force trop grande pour

éviter toute lésion du cortex. La méthode de la scie, si l'on agit avec

douceur et lenteur, me parait la méthode de choix; elle est moins bru-

tale, moins inélégante que la méthode du marteau, donne une section

nette des os et permet, de plus, de conserver le crâne intact. Chez les

enfants, la méthode de la scie doit toujours être employée, car il existe

des adhérences puissantes entre la dure-mère et les os du crâne.

Lorsque la calotte crânienne est enlevée, on incise avec de petits

ciseaux mousses la dure-mère à droite et il gauche de la ligne médiane,

puis une nouvelle incision est faite perpendiculairement à la première,

pour diviser la dure-mère en deux parties, l'une antérieure et l'autre

postérieure, que l'on récline afin d'extraire facilement le cerveau. Peur

cette extraction, on soulève doucement, lentement et progressivement le

cerveau avec les doigts de la main gauche et l'on coupe successivement

avec un scalpel ou de petits ciseaux tenus de la main droite les nerfs de

la base du crâne; la protubérance est sectionnée transversalement il sa

partie moyenne au-dessus de l'émergence des racines du trijumeau. Un

dépose alors avec soin, dans un récipient, la masse céphalique compre-

nant les deux hémisphères, les pédoncules et la partie supérieure de la

protubérance annulaire.

Je crois préférable, suivant le procédé du Professeur Pierre Marie, de

sectionner la protubérance par sa partie moyenne avant d'extraire le

bulbe et le cervelet, car on évite ainsi des tiraillements sur l'encéphale

et en particulier sur les pédoncules. En effet, le cerveau étant préalable-

ment enlevé, il est facile d'inciser la tente du cervelet, de couper les der-

niers nerfs de la base du crâne et finalement de sectionner la moelle cer-

vicale au niveau de ses premiers segments. On obtient, ainsi, en un même

bloc, le cervelet, la partie inférieure de la protubérance, le bulbe ra-

chidien et la partie supérieure de la moelle cervicale.

Il est possible, et c'est là d'ailleurs une méthode souvent adoptée,

d'enlever en même temps les hémisphères, la protubérance, le bulbe cl

le cervelet. Dans ce cas, au lieu de faire une section transversale de la

protubérance, ainsi que je l'ai indiqué plus liaut, on incise d'emblée la

tente du cervelet le long du bord supérieur du rocher et l'on continue

l'extraction globale de la masse encéphalique.

Chez les foetus et les nouveau-nés, l'extraction du cerveau est diflicile

il cause de la mollesse des tissus. M. et Mme Dejcrine conseillent alors la

méthode suivante : « Après avoir incisé et rabattu 1'(;l'icrÙne, on incise

« au scalpel le périoste, la périphérie de chacune des plaques osseuses,

« sans intéresser les fontanelles ni la membrane suturale. On enlève ces

« plaques, parcelle par parcelle, et lorsque les deux os pariétaux, les

AUTOPSIE DES CENTRES NERVEUX. 1517 7

« deux frontaux et l'écaillé de l'occipital ont été ainsi enlevés, on plonge

« la tête dans une solution très faible de liqueur de Millier, puis avec des

« ciseaux on incise sous le liquide la dure-mère, soit eirculaireinent,

« soit en croix. Dans ces conditions, il devient facile d'extraire l'encé-

« phale qui flotte dans le liquide. Il faut avoir soin, en employant ce

« procédé, de ne pas léser la dure-mère en enlevant, les plaques osseuses,

« car la moindre ouverture donne issue à la matière cérébrale. »

Pour faire l'autopsie de la moellc épinière, le cadavre est mis dans le

décubitus ventral avec un billot, sous le sternum pour faire saillir la

colonne vertébrale. La peau est incisée depuis l'occipital jusqu'au coccyx,

les muscles des gouttières vertébrales sont disséqués soigneusement, les

lames vertébrales mises à nu sont ruginées, puis, avec le rachitome

maintenu hien au contact des apophyses épineuses et le marteau, on

sectionne à droite et à gauche les lames vertébrales sur toute la hauteur

du rachis. Il faut avoir soin de ne pas donner de coups de marteau trop

. puissants, car il est extrêmement facile de léser ainsi la moelle épinière

et de créer des altérations artificielles; je crois qu'un certain nombre

d'observations d'hétérotopies ou de myélomalacics de la moelle épinière

sont dues simplement à des coups de marteau. Lorsque les lames verté-

orales sont toutes sectionnées, on détermine par une section transversale

la rupture de la dernière vertèbre lombaire; il suffit alors d'exercer une

traction avec le crochet du rachitome ou la pince-davier de Farabeuf pour

enlever la série des apophyses épineuses et des lames vertébrales ; la

moelle est alors mise à nu. Dans le cas de lésions de la queue de cheval,

il est nécessaire de pratiquer très bas l'ouverture de la colonne pour avoir

tout le sac Il reste toujours sur la dure-mère des esquilles

osseuses, on les enlève avec un davier ou une pince à disséquer.

M. Cbavigny (Autopsie de la moelle épinière. Instrumentation spéciale.

Presse Médicale, '20 juillet l')04, p. 460), a préconisé un levier spécial

pour faire l'ablation de la colonne vertébrale après section des lames

vertébrales au rachitome courbe d'Amussat. Je n'ai pas eu l'occasion

d'employer le levier de M. Chavigny, mais d'après la description donnée

par cet auteur, l'instrument nie paraît très pratique.

La dure-mère contenant la moelle sera progressivement soulevée de

bas en haut avec une pince à disséquer, et l'on sectionnera successive-

ment,, avec de fins ciseaux, les racines rachidiennes. Les ganglions

rachidiens doivent être soigneusement disséqués dans les trous de conju-

gaison, après avoir enlevé les pédicules des vertèbres.

Pour extraire la moelle de foetus ou d'enfants nouveaux-nés, on procé-

dera avec la même technique, mais au lieu de rachitome, on peut se

servir d'un simple scalpel à forte lame.

Il est utile de repérer les racines rachidiennes. M. et Mme Dejerine

conseillent de choisir comme point de repère la première racine dorsale.

qui est facile à reconnaître il son volume et à ce que la seconde racine

dorsale qui lui succède est très grêle. Celte racine sera entourée d'un

[G GUILLAIN.]

1548 8 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.

fil et l'on aura ainsi une indication topographique exacte quand la moelle

sera durcie. M. et Mme Dejerine spécifient aussi que, pour éviter toute

erreur, « on peut aller à la recherche du premier nerf dorsal dans le

« creux sus-claviculaire, au niveau du point où il entre dans la consti-

« lutin du plexus brachial. Ce nerf est toujours facile à reconnaître,

« car il passe par-dessus la première côte. En le dénudant un peu et en

« exerçant sur lui une légère traction, on. s'assure aisément si la racine

« étiquetée première dorsale dans le canal rachidien correspond bien

« au premier nerf dorsal. »

Coupes macroscopiques de l'encéphale et de la moelle.

- - On laissera le cerveau et la moelle plusieurs jours dans le liquide fixa-

teur et durcissant, avant de pratiquer des coupes. Cette recommandation

s'applique surtout pour les cas où le formolage, avant l'autopsie, n'a pas

été pratiquée : il ne faut jamais faire de coupes macroscopiques sur un

cerveau ou une moelle à l'état frais, car on rend ainsi les pièces inutili-

sables pour un examen microscopique ultérieur.

Pour faciliter la fixation, la moelle, au bout de quelques jours passés

dans le liquide durcissant, sera divisée en plusieurs segments par quel-

ques coupes passant entre les racines rachidiennes.

Avant de séparer l'un de l'autre les deux hémisphères cérébraux, je

conseille, suivant l'usage du Professeur Pierre Marie, d'isoler les pédon-

cules en un fragment spécial. Avec un couteau à lame ovalaire, on

pratique une coupe horizontale passant au même niveau à droite et il

gauche par la région pédonculaire supérieure. Ainsi l'on peut ultérieure-

ment pratiquer des coupes microscopiques symétriques des deux pédon-

cules, comparer les zones de dégénérescence ou mesurer, par la méthode

que j'indique plus loin, les atrophies globales, qui sont loin d'être rares

dans cette région.

Les deux hémisphères cérébraux sont séparés l'un de l'autre par une

section du corps calleux. Si l'on a l'intention d'étudier les dégénéres-

cences du corps calleux, il est utile de faire la section le plus près pos-

sible de l'hémisphère sain.

Les lésions macroscopiques du cerveau, corticales ou centrales, doivent

toujours être dessinées sur un schéma.

On a proposé beaucoup de procédés pour couper le cerveau, mais le

point le plus important à noter est de ne pas faire d'emblée des coupes ma-

croscopiques telles que plus tard tout examen microscopique des dégé-

nérescences soit rendu impossible. C'est ainsi que les coupes de Pitres,

vertico-transversales, parallèles au sillon de Bolando, sont excellentes

pour les localisations des lésions dans le centre ovale, niais, par contre.

rendent très difficile l'étude des dégénérescences du faisceau pyramidal.

Les coupes horizontales de Flechsig et de Brissaud sont souvent

employées. La coupe de FIcchsig, se pratiquant de dehors en dedans,

passe par la tête du noyau caudé et par la partie moyenne de la couche

optique. La coupe de Brissaud se pratique de dedans en dehors, elle

AUTOPSIE DES CENTRES NERVEUX. 15113

passe par le milieu de la tète du noyau caudé et par le point de réunion

du tiers supérieur avec les deux tiers inférieurs de la couche optique;

cette coupe est oblique en bas et en arrière.

M. et Mme Dcjerine conseillent des coupes qu'ils décrivent ainsi : « A

(( 131cètre, nous avons l'habitude de prendre connue point de repère de

« la coupe de Flechsig le tubercule antérieur de la couche optique èt

« l'extrémité antérieure du pli cul7éo-liml]ique. Cette coupe est donc,

« comme dans le procédé de Brissaud, oblique en bas et en arrière, et

« de plus nous inclinons la lame du couteau légèrement en bas et en

« dehors. Nous obtenons, de celle manière, une coupe oblique par

« rapport il l'axe horizontal et il l'axe verlico-transversal. La capsule,

« interne est ainsi sectionnée dans sa plus grande étendue, le genou en

« est extrêmement accentué et la coupe intéresse les trois segments du

« noyau lenticulaire. Cette coupe, qui doit être pratiquée sans enlever la

« pie-mère, ne rend des services, de même que celle de Brissaud. qu'au

« point de vue macroscopique, car, comme elle passe très près de la

« partie supérieure de la région sous-optique, elle n'est pas à employer

« s'il s'agit d'une pièce que l'on veuille faire durcir et débiter au micro-

« tome en coupes sériées. Dans ce cas, il est de beaucoup préférable de

recourir à la coupe horizontale de Flechsig, mais en la pratiquant par

« la face interne de l'hémisphère et en faisant passer le couteau plus

« haut que ne le fait cet auteur, c'est-à-dirc par le tiers supérieur de la

« couche optique. On n'intéresse alors que deux des segments du noyau

.< lenticulaire, le genou de la capsule interne est certainement moins

« accentué que dans la coupe à direction oblique, mais on a le grand

x avantage de pouvoir, une fois la pièce durcie, la couper en série de

« haut en bas au microtome et de pouvoir ainsi étudier, dans toute sa

« hauteur, la zone de transition située entre la partie thalamique de la

« capsule interne et la région sous-thalainique. On peut, par conséquent,

« assister au mode de formation de tous les faisceaux de celte dernière

« région. »

Les coupes z1 pratiquer sur le cerveau dans les autopsies peuvent être

soit verticales, soit horizontales, soit obliques, suivant que l'on veut

étudier la dégénération de tels ou tels faisceaux <1 direction horizontale,

verticale, ou oblique, car l'étude des dégénérations secondaires doit se

faire surtout sur les coupes perpendiculaires à la direction des faisceaux.

Le fait important est de noter les points de repère des coupes macrosco-

piques que l'on fait, et d'inscrire les lésions trouvées sur des schémas.

Lorsqu'il existe une lésion corticale de la zone rolandique et que l'on

désire étudier les dégénérations secondaires du faisceau pyramidal, ce

qui est un cas fréquent en anatomie pathologique humaine, la méthode

qui parait la meilleure consiste il pratiquer sur le cerveau une coupe

veriico-trausversale passant en avant du genou du corps calleux, une

seconde coupe vertico-transversale passant en arrière du bourrelet du

corps calleux; sur le fragment moyen du cerveau on fait, dans le but de

. [G. GUILLAIN 1

1550 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.

faciliter le durcissement et la pénétration de liquides fixateurs et durcis-

sants, une ou plusieurs coupes horizontales, en notant avec soin les points

de repère de la face interne du cerveau (corps calleux, couche optique,

etc.), par lesquels passent ces différentes coupes.

MÉTHODES DE FIXATION

C'est immédiatement après l'autopsie qu'il faut mettre les centres

nerveux dans les liquides fixateurs et durcissants. Au fond du récipient

contenant le liquide fixateur, on déposera une couche épaisse d'ouate

hydrophile sur laquelle seront mis les fragments à durcir; ces fragments

devront être fréquemment retournés.

Les liquides fixateurs suivants sont d'un emploi fréquent dans les

études neurologiques : ' cf

Liquide de Müller.

, INCLUSIONS. 155t

de petits fragments (système nerveux central, ganglions, nerfs périphé-

riques). Ces petits fragments sont maintenus pendant un ou deux jours

dans de grandes quantités de liquide que l'on renouvelle quand il se

trouble, puis ils sont lavés à l'eau distillée et conservés dans l'alcool

il 80".

Formol. La solution suivante est souvent employée pour la fixation

du cerveau et de la moelle.

1552 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.

ou de bulbe, davantage pour les fragments plus volumineux. Sorties de

l'alcool absolu, les pièces sont.portées dans un mélange à parties égales

d'alcool absolu et d'éther où elles séjournent pendant un à cinq jours;

puis dans des solutions de celloïdine de plus en plus concentrées. La

durée de l'imprégnation par la celloïdine est de quelques jours pour les

petits fragments, d'une ou de plusieurs semaines pour les fragments plus

volumineux.

Solution faible de celloïdine.

INCLUSIONS. 1555

régulière avec le rasoir. On recommence la même manoeuvre pour chaque

coupe.

Inclusion à la paraffine. Les inclusions à la paraffine ne peuvent

être pratiquées que sur de petits fragments, elles sont utiles pour les

éludes de cytologie fine. Ces inclusions disloquent facilement le tissu

nerveux.

Voici le procédé qui, d'après Gombault et Philippe, donne le moins de

mécomptes pour l'anatomie pathologique du névraxe :

le Déshydratation (alcools progressivement concentrés, alcool absolu).

Comme durée : quelques heures ou une journée suivant le volume tou-

jours petit et le nombre de morceaux à inclure;

'2" Pénétration par l'huile de cèdre, pendant quelques heures, jusqu'à

ce que la pièce soit devenue transparente ;

50 Inclusion proprement dite (quelques heures) pratiquée à l'étuve il

paraffine (40 à 54 degrés).

a) Premier bain dans un mélange de paraffine molle (55 degrés il

40 degrés) dissoute dans l'huile de cèdre à saturation.

b) Deuxième bain dans un mélange de paraffine dure (45 degrés à

,il degrés). Ce bain devra être renouvelé deux ou trois fois dans le but

d'obtenir l'élimination complète de l'huile de cèdre;

4° Solidification. La pièce bien orientée est coulée avec sa paraffine

chaude dans un moule quelconque (boîte en carton ou métallique, etc.).

La prise se fait vite en hiver; en été on place la boite dans un peu d'eau

fraîche.

On obtient des résultats aussi bons en employant pour l'inclusion le

xylol au lieu de l'huile de cèdre.

Coupes sériées. Pour l'étude des dégénérations secondaires, il est

souvent nécessaire de débiter les fragments du névraxe en coupes micro-

scopiques sériées.

On découpe préalablement une série de feuilles de papier à filtre dont

la surface doit dépasser de 1 il 2 centimètres la surface des coupes

microscopiques; ces feuilles sont numérotées. Sur chacune de ces feuilles

numérotées et sur la face du papier qui contient le numéro d'ordre, on

recueille les coupes faites avec l'un quelconque des microtomes actuel-

lement en usage. Toutes les coupes obtenues sont mises les unes au-dessus

des au Ires suivant leur numéro d'ordre, elles sont ensuite colorées et

dans chaque série l'on monte un plus ou moins grand nombre ou la tota-

lité des coupes suivant les recherches poursuivies.

Procédé pour obtenir des coupes non fragiles. Les coupes

microscopiques, surtout quand elles ont un certain volume, sont diffici-

lement maniables il cause de leur fragilité; souvent elles sont altérées

lors des bains successifs nécessités pour les différentes colorations. Le

procédé suivant permet d'ohtenir des coupes possédant une certaine con-

sistance et dont le maniement est ainsi rendu facile.

1° Coupes. Les coupes sont recueillies dans l'alcool sur des feuilles

, [G GUILLAIN]

1554 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.

de papier closet très mince : ces feuilles de papier portent le numéro de

la coupe sériée écrit au crayon de mine ordinaire. Les coupes sont mises

les unes au-dessus des autres dans un récipient contenant une légère

quantité d'alcool.

2° Préparation des plaques de verre. Faire couper des plaques de

verre de 20 à 25 centimètres carrés. Les laver soigneusement à l'eau et

à l'alcool et les bien essuyer. (Le linge ayant servi à essuyer les verres

sortant de l'eau doit être remplacé pour les essuyer sortant de l'alcool.)

Préparer la solution suivante :

MÉTHODES DE COLORATION. 1555

usage fréquent et qui m'ont paru être spécialement utiles pour les exa-

mens anatomo-pathologiques habituels. C'est ainsi que l'on ne trouvera

pas ici les différentes méthodes de coloration de Golgi, les méthodes vitales

d Kin'IIeh et de lpellte, les colorations d'Apathy et de Bethe pour l'étude

des fibrilles primitives, les procédés de lleld et de Cox pour la coloration

de la substance achromatique des cellules nerveuses, les procédés de

Freud, Schmaus. Stroebe pour la coloration des cylindres-axes, etc.

Toutes ces méthodes sont certes très intéressantes au point de vue de

l'histologie normale du système nerveux de l'homme et de la série ani-

male, mais elles n'ont aujourd'hui qu'une importance secondaire au point

de vue des études d'anatomie pathologique humaine.

Coloration des cellules nerveuses, de la névroglie, du tissu con-

jonctif et des vaisseaux par les carmins. - Le picro-carmin alllI1W-

niacal de llanviel' est spécialement recommandable pour les colorations

du système nerveux. Il est préférable de faire les coupes sur des pièces

peu mordancees par les sels de chrome. On met les coupes dans un cris-

tallisoir contenant de l'eau distillée à laquelle on ajoute quelques gouttes

de picro-carmin jusqu à ce que la teinte devienne fleur de pêcher et on

laisse la coloration se poursuivre durant 24 heures à froid. Les cylindres-

axes sont rouges, la névroglie rouge moins foncé, les gaines de myéline

jaune clair, les cellules nerveuses ont leur protoplasma coloré en rouge,

leur noyau est moins foncé. Les plaques de sclérose névroglique ont une

coloration rouge qui les met facilement en évidence.

Les colorations au carmin borate et au carmin aluné de Grenacher, au

carmin lithine de Ul'lh ne donnent pas de résultais spécialement utiles sur

les coupes du système nerveux.

Le procédé de coloration en masse de Foret par le carmin est excel-

lent pour l'étude de la névroglie. De petits fragments du système nerveux

de 1/5 à li2 centimètre d'épaisseur sont fixés et mordancés dans le liquide

de llüllcr pendant 4 il 8 semaines, lavés pendant plusieurs jours à l'eau

distillée ou a l'eau courante jusqu ce que l'eau de lavage ne se colore

plus par les sels de chrome, puis colorés pendant 3 il semaines dans

des flacons contenant du picro-carmin de Ranvier à 1 pour 100. Les frag-

ments sont ensuite déshydratés par les alcools et inclus dans la celloïdine

ou la paraffine.

La méthode du picro-carmin en masse, après fixation par action com-

binée du sublimé et de l'acide osmique, est recommandée par A. Thomas

et G. Hauser pour l'élude des ganglions rachidiens chez les tabétiques.

« Cette méthode, l'ont remarquer ces auteurs, a l'avantage de bien colorer

« les gaines de myéline en noir et de permettre d'apprécier le degré

« d'atrophie des racines postérieures dans leur trajet extra et intragan-

« glionnaire. quelquefois même l'aspect histologique de la dégénéres-

« cence en voie dévolution (corps granuleux) : en outre les cellules et les

« capsules cellulaires, les noyaux sont bien colorés, le pigment est géné-

« ralemenl coloré intensivement en noir : enfin il existe quelquefois dans

[G. GUILLAIN.] ]

1556 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.

« le corps de la cellule des boules de graisse de dimensions variables qui

« sont également bien colorées. »

Thomas et Hauser conscillent les deux procédés suivants :

A) 1° Suspendre les ganglions fendus longitudinalement dans un

mélange de :

MÉTHODES DE COLORATION. 1557

lisoir contenant de l'eau distillée additionnée de quelques gouttes d'acide

acétique, puis dans l'eau ordinaire faiblement alcaline jusqu'à virage au

bleu, puis dans l'eau ordinaire.

Après coloration à l'hématoxyline, on peut faire une double coloration

avec une solution aqueuse d'éosine à 5 pour 100. De même on peut

colorer les coupes préalablement au picro-carmin et faire ensuite agir

l'hématoxyline, on obtient ainsi une triple coloration. Il faut, dans ce

dernier cas, colorer très peu de temps à l'hématoxyline, car la coloration

au picro-carmin serait modifiée.

Au lieu de l'hématoxyline à l'alun, on peut utiliser l'hématéine alunée

préparée dans les mêmes conditions.

Coloration par la fuchsine (procédé de Nissl). De petits fragments

de il 5 millimètres sont fixés pendant 48 heures dans l'alcool à 70 de-

grés, puis pendant 4 à 5 jours dans l'alcool absolu. Les coupes sont

colorées une à deux minutes par une solution saturée de fuchsine chauffée

jusqu'à dégagement de vapeurs ou pendant 24 heures à la température

du laboratoire. La décoloration se fait par l'alcool absolu pendant deux

minutes et par l'essence de girofle jusqu'à ce qu'il ne se dégage plus de

matières colorantes. Les coupes sont portées ensuite dans le xylol et

montées dans le baume de Canada.

Coloration par la fuchsine picriquée de Van Gieson. Les coupes

sont colorées pendant quelques secondes dans la solution suivante :

¡;jars MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.

différencialeur de substance colorante. Le liquide différencialeur a la

composition suivante :

MÉTHODES DE COLORATION. 1559 9

bleu polychrome de Lnna, la thionine, le bleu de toluidine. le rouge

Magenta conviennent fort bien.

Parmi les liquides diftérenciatcurs proposés, je citerai :

le L'alcool absolu;

2" L'alcool aniline ;

° 1.c liquide de Gothanl :

15GO MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.

heure dans l'alcool absolu). Eclaircir par le xylol phéniqué de Weigert :

, . - . METHODES DE COLORATION. 1501

tillée pendant quelques minutes, puis on les transporte dans cette solu-

tien : -

'131\2 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.

Méthode de Marchi. Les pièces sont fixées et mordancées il froid

dans le liquide de .Millier pendant quatre à six semaines. Le séjour à

l'utuve à 57 degrés active le durcissement, mais le durcissement à froid

est de beaucoup préférable.

On peut utiliser des fragments ayant séjourné pendant plusieurs mois

dans le liquide de \Iüller; on peut utiliser aussi des pièces fixées par le

formol, mais il faut dans ce dernier cas les laver à l'eau courante pen-

dant 24 ou 4K heures avant de les mettre dans le liquide de Millier.

Pour activer le durcissement qui est plus long dans le liquide de

llüller, on peut, après une autopsie, fixer pondant un ou deux jours dans

une solution de formol à l0 pour 10U les fragments que l'on mettra

ensuite dans le liquide de Miillcr. '

Les fragments qui sont traités par la méthode de Marchi doivent avoir

une très faible épaisseur. 4 à 5 5 millimètres au maximum, car l'acide

osmique ne pénètre pas très profondément. Au sortir du liquide de

.\Wller ces fragments sont mis dans le liquide suivant ..1

. MÉTHODES DE COLORATION. - 1505

Traitées par la méthode de Marchi, les gaines de myéline normales

sont colorées en jaune brun ; des corps granuleux de coloration noire

marquent la place des libres dégénérées. La méthode de Marchi est la

méthode de choix pour l'étude des dégénérations secondaires récentes

dans le système nerveux central.

Méthode d'Exner. Des fragments de cerveau ou de moelle, recueillis

immédiatement après la mort, ayant une épaisseur de 5/4 de centimètre

environ, sont rnis dans une solution d'acide osmique il 1 pour 100. Le

volume de cette solution doit être de 15 à 20 fois supérieur à celui des

pièces à fixer; on change le liquide dès qu'il prend une coloration noire.

Après cinq -il six jours les fragments sont lavés à l'eau distillée. Les

coupes sont faites sans inclusion ou après imprégnation extemporanée

par la celloïdine ; elles sont lavées, déshydratées, et montées

dans la glycérine. Les préparations se conservent très mal. Cette méthode

a élé surtout employée pour l'étude des fibres tangentielles de l'écorce

cérébrale.

r Méthode d'Azoulay. Fixation et durcissement par les bichromates.

Les coupes sont mises pendant quelques minutes dans une solution

d'acide osmique il pour 500 où elles prennent une coloration noire :

puis on les chaufle pendant cinq minutes dans une solution de tanin à

5 pour 100. Lavage soigneux des coupes pendant 24 heures pour les

débarrasser du tanin et de l'acide osmique. Les libres mvéliniqucs sont

colorées en noir, mais les fibres fines sont souvent mal colorées et la

coupe a fréquemment, une couleur brunâtre uniforme qui est une grande

gène pour l'interprétation des lésions. D'après Gombault et Philippe, ce

dernier inconvénient peut être évité en décolorant les préparations avec

le liquide de Pal ou l'eau de Javel diluée.

Méthode de Nageotte pour la coloration des fibres à myéline des

nerfs, de la moelle et du cerveau. L'avantage de celte méthode est

de pouvoir donner des coupes de nerfs, de moelle ou de l'encéphale le

lendemain de l'autopsie. -

Pour les nerfs, la moelle et les faisceaux blancs du cerveau, la fixation

peut être effectuée dans la solution de formol à 10 pour 100, mais

Nageotte a remarqué que les fibres les plus fines de l'écorce cérébrale

.sont altérées par cette solution et il préconise le fixateur suivant :

1504 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.

conseille de colorer sur lame. A cet effet, après avoir étalé la coupe sur

un porte-objet, on régoutte et on verse dessus quelques gouttes d'héllla-

téine ; puis on dispose la préparation dans une chambre humide il 1'('tttve.

pendant une demi-heure. Pour les coupes de moelle, on peut opérer plus

vile en chauffant la préparation sur un hec deBunsen jusqu'à production

de vapeurs; en une minute la coupe est saturée. La solution d'héma-

téine, que l'on reverse après coloration, peut resservir jusqu'à épuisement*

Après lavage à l'eau, la coupe est différenciée dans la solution décolo-

rante de Weigert (borax, 2 grammes; ferricyanure de potassium,

gr. 50; eau, 100 grammes), plus ou moins diluée, puis lavée et mon-

tée suivant les procédés habituels. Il est important de bien laver si l'on

ne veut pas voir la coloration s'affaiblir pendant le montage, il peut être

avantageux d'ajouter une trace d'ammoniaque à l'eau de lavage.

Méthode de Renaud pour obtenir des colorations rapides. Les

pièces sont fixées dans le mélange a parties égales des trois solutions

suivantes, ce mélange est fait au moment de les utiliser : Éj|

MÉTHODES DE COLORATION. 1505

de sublimé dont elles sont recouvertes, elles sont ensuite lavées à l'alcool

il 90° et passées dans l'eau distillée.

De minces tranches de tissu nerveux et les nerfs peuvent être, avant

l'inclusion, colorées par l'acide osmique (solution à 1/200).

Les différentes colorations sont possibles (hémaléine, picro-carmin,

couleurs d'aniline).

Pour différencier la myéline, Renaud recommande le procédé qui suit.

On met les coupes dans une solution d'alun de fer à 1/200 où elles séjour-

nent quelques heures : elles sont ensuite colorées dans une solution

aqueuse d'hématoxylinc à 1 pour 100 chauffée jusqu'à émission de

vapeurs. Après lavage elles sont passées dans le permanganate, puis

décolorées par l'acide oxalique, lavées et immergées dans une solution

très faible d'ammoniaque qui fait virer au bleu l'hématoxyline. Le mor-

dançage par l'alun de fer est utile, mais non indispensable. Les résultats

obtenus avec cette méthode sont semblables à ceux de la méthode de

Weigert-Pal.

Renaud préconise aussi la coloration au bleu polychrome. On mor-

dance les coupes pendant quelques heures dans la solution d'alun de

ter, on les colore pendant 15 ou 50 minutes dans le bleu polychrome de

Unna. Elles sont ensuite différenciées par un mélange à parties égales

d'alcool absolu et de xylol, lavées abondamment au xylol et montées au

baume.

La méthode de Renaud est à recommander quand on veut des résul-

tats rapides. D'après cet auteur, on peut obtenir des coupes en trois

jours.

Méthode de Weigert pour la coloration élective de la névroglie.

rl Fixation. Prendre de petits fragments de un demi-centimètre d'épais-

seur recueillis le plus lot possible, les fixer dans une solution de formol

il 10 pour 100.

` ? ° Mordancage. Mordancer les fragments pendant 5 à 8 jours à l'étuve

à 37" dans la solution suivante :

1566 MÉTHODES' D'ÉTUDE DES. CENTRES NERVEUX.

90 centimètres cubes de la solution I, à 10 centimètres cubes de la

solution II.

' MÉTHODES DE COLORATION.. 1567

Liquide d'Angladc : ` ,

1568 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.

A) Solution saturée il froid de sublimé; les coupes y séjournent deux

heures.

B) Fixateur OSI110-Chl'01110-aCCi.lfllC :

. MÉTHODES DE COLORATION. 15t;9

flacon bouché il l'nmri et contenant une certaine quantité de la solution

suivante :

1570 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.

chlorure d'or il 1 pour 100 dans 10 centimètres cubes de la solution

suivante :

MÉTHODES DE .COLORATION. 1571

6° Lavage dans l'eau distillée et immersion des coupes dans une solu-

tion de formol il 20 pour 100 pendant 24 heures. La solution de formol

doit être faite avec de l'eau courante (de source) et non avec de l'eau dis-

tillée, la première étant alcaline.

7° Lavage rapide à l'eau distillée.

8° Virage des coupes à l'aide de la solution suivante :

ici72 2 MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX.

3° On peut, après avoir employé la méthode de Bielschowsky, colorer

les noyaux et les fibres névrogliques en passant les coupes dans la solu-

tion de carmin aluné selon la formule de Ramier. -

lue" Il importe, pendant toutes les manipulations, de se scrvir exclusi-

vement d'instruments de verre pour manier les coupes.

Méthodes d'étude des nerfs périphériques. J'ai indiqué, au cours

de ce chapitre, la technique de différentes méthodes qui conviennent

fort bien à la coloration des nerfs périphériques inclus (méthodes de

Weigert, de Pal, de Marchi, picro-carmin, etc.); je désire seulement

préciser certains points de technique spéciaux à l'étude des nerfs péri-

phériques.

Les nerfs périphériques doivent être manipulés avec une extrême

précaution et, pendant la dissection, il faut éviter tout tiraillement qui

peut produire des lésions artificielles. Le nerf sera fixé par deux liga-

tures en extension.modérée, sur une allumette excavée; on peut aussi le

fixer sur un morceau de liège par deux petites pointes en bois traver-

sant la gainç conjonctive. Il ne faut pas se servir d'épingles, car les corps

métalliques précipitent certains fixateurs comme le sublimé ou l'acide

osmique. '

Différents fixateurs sont à recommander :

1° L'acide osmique à 1 pour 100. Des fragments de 1 centimètre de

longueur, environ, sont suspendus dans cette solution pendant vingt-

quatre ou quarante-huit heures à l'abri de la lumière. Lavage pendant

plusieurs heures. Inclusion 11 la paraffine ou au collodion. Montage des

coupes dans le baume après passage au xylol. Les libres à myéline appa-

raissent sous la forme de petits cercles noirs, le fond de la préparation

est gris.

2° Mélange, à parties égales, de liquide de lliiller et de formol.

5" Liquide de Bouin. - -

MÉTHODES DE COLORATION. 1575

1 pour 100 où le nerf séjourne pendant quelques heures. On peut faire

une coloration ultérieure au picro-carmin. On monte dans la glycérine.

M. et Mme Dejerine conseillent la méthode suivante pour l'examen des

nerfs, dans les cas de névrite périphérique :

« On prend, aussitôt que possible après la mort, les nerfs cutanés et

« musculaires dans les régions où on veut les étudier. II est préférable,

« au point de vue de la facilité de la dissociation, de ne pas prendre de

« nerfs d'un diamètre supérieur il celui d'une aiguille à tricoter d'une

« moyenne grosseur. La dissociation, pratiquée dans l'eau distillée et

« non dans la solution d'acide osmique dont les vapeurs sont trop

« irritantes est faite grossièrement, mais suffisamment pour que

« l'acide osmique puisse pénétrer dans toute l'épaisseur du nerf. Le

« tronc nerveux est placé ensuite, pendant vingt-quatre heures, dans

« une solution d'acide osmique à 1/200, contenu dans un flacon bien

« bouché. Au bout de ce temps, le nerf, qui a pris une coloration noire

« d'autant plus prononcée qu'il est moins altéré, est lavé à plusieurs

« reprises dans l'eau distillée, jusqu'à ce qu'il soit complètement

« débarrassé de l'acide osmique, ce qui se reconnaît au fait qu'il a

« perdu toute trace d'odeur de cet acide. Il est alors soumis à une nou-

« velle dissociation un peu plus complète, puis placé pendant vingt-

« quatre heures dans du picro-carmin à 1 pour 100. Au bout de ce

« temps, il est plongé dans de la glycérine picro-carminée et dissocié

« complètement, faisceau par faisceau, sur la lame porte-objet, dans

« quelques gouttes de ce liquide. On recouvre avec une lamelle que l'on

« borde avec du baume si l'on désire garder la préparation. Les nerfs

" traités par cette méthode peuvent être conservés pendant une quin-

« zaine de jours dans de la glycérine picro-carminée et fournir encore,

« au bout de ce temps, de très bonnes préparations, avantage qui n'est.

« pas à négliger, lorsqu'on doit examiner un grand nombre de nerfs. La

« même méthode est applicable à l'étude des racines spinales et de la

« plupart des nerfs crâniens. Les préparations ainsi obtenues se conser-

« vent très bien pendant plusieurs années (dix ans et même davantage),

« si on les tient dans l'obscurité. »

Durante pour la coloration des nerfs recommande les procédés sui-

vants :

A) Coloration par /' hématoxyline et le Van Gieson.

1" Coloration des coupes à l'hématoxyline alunée de Boehmer;

2" Lavage et coloration sur lames pendant quelques secondes avec :

1574 ' MÉTHODES D'ÉTUDE DES CENTRES NERVEUX

B) Méthode lente la safranine (Durante).

1° Mordancage des coupes pendant un quart ou une demi-heure dans

une solution de Il10lyùdate d'ammoniaque à pour 100. Lavage soigneux.

2° Coloration 24 heures dans la solution suivante :

MÉTHODE DE COLORATION. z1575

surfaces n'ont pas de valeur en eux-mêmes; ils dépendent de la région

examinée, du grossissement employé pour faire. la photographie; mais,

quels que soient les chiffres en eux-mêmes, deux régions, symétriques

peuvent toujours être comparées. Par cette méthode on peut dire très

facilement que telle région du névraxe examinée avec un grossissement

N offre une surface X, X étant une valeur indiquée par un chiffre concret

et partant comparable au chiffre Y indiquant la surface symétrique du

côté sain. , "

" On peut par cette méthode déterminer indirectement les connexions

de certaines régions du système nerveux entre elles.

[G. GVILLAWl

INDEX ALPHABÉTIQUE

A

Abcès cérébraux d'origine otique, 141.

. .. déterminés par des afléctions nasales,

151. -

Abducteur du gros orteil. du petit

orteil. Innervation, physiologie, 555.

Accessoire du long fléchisseur des or-

tells. Innervation, physiologie, 554.

Accommodation. Exploration, ? 25. -

TIIOUBLES, 96. Paralysie, ses causes.

Affections du globe, 96. Action de

substances médicamenteuses, infections,

intoxications, affections du système ner-

veux, 97. - CoKTnACTUr.H, 98.

Accouchement chez les paraplégiques,

512.

Achondroplasie. La main, 1017. Le

pied, 10 ia. Nanisme, itou2. Ra-

diodiagnostie, J 179.

Achromatopsie, 118.

Acorie. 1005.

Acoustique, Voy. Nerf auditif.

Acromégalie. La main, 1017. - Le pied,

1045. Radiographie. Selle turcique.

Parois du crâne. Sinus. Extrémités, 1'171.

Acroparesthésie, dysesthésie, 575.

Acrosphacèle par congélation, 1051,

1047.

Actes des aliénés, 252.

Acuité réliuicntce périphérique, 15.

visuelle centrale, exploration, 2.

Echelle typographique, 5. Difficultés

de la recherche, 4.

Adducteur du gros orteil. Innervation,

physiologie, 552. - du petit doigt. In-

nervation, physiologie, 555.

Adducteurs de la cuisse. Innervation,

physiologie, 544.

Adiadococinésie, 775.

Adipose douloureuse, douleurs généra-

lisées, a î 0. - Jlal : ulic de Dercum, 9` I ,

92 ? cotcs-cufrtnée des myollathiques,

678.

Aérophagie, 1004.

Agnosie, 501. tactile, visuelle,

226. lésions, diagnostic, 227.

Agoraphobie d'origine auriculaire, 146.

Aïnhum, l0lc7.

Pratique \EUROt..

Akinésie algère, douleurs, 570. 584.

Albumine dans le liquide céphalorachi-

dien, 1150.

Alcoolisme. Névrites et atrophie muscu-

laire, 725. Tremblement, 847.

Alexie. 221.

Algies centrales, 575, 585. et névral-

gies, 580.

Aliénés. Examen, 228. Troubles du

, langage, 250. Troubles de la mi-

mique, 252. Actes, 252. Dé-

mences, 254. - Amnésie, 255. Hal-

lucinations, 257. Idées délirantes,

240. Internement. Établissements

d'aliénés, 252. Placements volon-

taires, 255. Placements ordonnés

par l'autorité publique, 255. Dispo-

sitions communes à toutes les personnes

placées dans les établissements d'alié-

nés, 21G,- Certificat médical, z

Thérapeutique, 247. Alitement, no

restraint, hydrothérapie. 21ls. Médi-

caments hypnotiques, 249.- Isolement,

251.

Alitement des aliénés, 248.

Amauroses. Voy. Amblyopies.

Amblyopies et amauroses, 15. hysté-

riques, Amaurose bilatérale, unilatérale,

3 L - Amblyopie, hyperesthésie réti-

nienne, stigmates oculaires, 55. ré-

flexes ; dans les affections du système

utérin, dans les affections de la face,

par vers intestinaux, 56. par double

hémianopsie, 6.-nicolino-alcoolZque,

36. par le plomb, l'opium, la bella-

done, la quinine, le salicylate de soude,

57.- cliabétiquc,57.-wrétnicpte, 57.

ex anopsia, 57. héméralopique,

57.

Amnésie, 255. organique, rétro-

grade, antérograde, 23û. ? géné-

)'( ! <e, continue, 257.

Amyotrophie. C/)N)'L'o<- : Van'c. 504, Gala,

G ! ! 8. Début dans la seconde enfance.

Début par les muscles des pieds, 695.

Evolution lente, G4. Pied, 1054.

Traitement électrique, 1510. z

lVe/'(lnig-Hoffma/l11. Début dans la pre-

mière enfance. Affaiblissement des mem-

87

1578

INDEX ALPHABÉTIQUE.

' bres inférieurs et du dos. Évolution

rapide, 696. ,

Anarthrie, au. Type d'aphasie, des-

cription, 219.

Anatomie pathologique. Technique des

examens des centres nerveux, 1545.

Anconé. Innervation, physiologie, 552.

Anémie pernicieuse, ataxie,-761.

Anesthésie de l'oeil, origine oculaire, cé-

rébrale, névritique, 115. réflexe dans

les lésions de l'oreille, 145. du la-

rynx, 040.

Anesthésies fonctionnelles, diagnostic, : i56. hystériques, 552. Caractères,

intensité, allure, durée, z In-

fluence de la suggestion, 555. - To-

pographie. Type hémianesthésique ou

monoesthésique, 554. Type scgmen-

taire. Type insulaire, 555. - Traite-

ment électrique, 1327.

Anglade. Yoy, I\'éarocllic.. -

Angulaire de l'omoplate. Innervation,

physiologie, 572.

Anisocorie, 91.

Anorexie tabétique. - hystérique, 1001. 1 .

neurasthénique, 1002. des dé-

générés et aliénés, 1005.

Anosmie, 148.

Anthropométrie clinique, 1060. In-

struments, 1061. Termes employés,

1062. Examen du sujet, 1065.

Céphalométrie, 10G ? tlIensuration du

tronc et des membres, 1072. Mens-

ration de la taille, ] 075.

Anurie, 965.

Aortite, vertiges, 170.

Aphasie. Examen d'un aphasique. Com-

ment se fait la compréhension de la pa-

role, 210. Examen de la parole. 211. 1 .

de la lecture, 212. de l'écriture,

215. de la mimique, 214. de la

mémoire, 214. - de l'intelligence, 215.

de la motilité, 215. de la sensi-

bilité, 216. (Types d' -), 216. -

de iYcrniclre, ` 17. Anarthrie, 219.

de Broca, 219. Alexie, aphasies

chez les gauchers, 221.

Aphonie hystérique, traitement électrique

1551.

Apoplexie. Description clinique, 177.

et coma, I 77. - Diagnostic différentiel,

181. étiologique, 184. Traite-

ment, 187.

Appareil digestif. Troubles nerveux, 977.

Séméiologie des voies digestives sn-

périeures, 977. Séméiologie de l'es-

tomac, JS9.- Séméiologie de l'intestin

et du péritoine, 997. Syndromes as-

sociés, 1000. Troubles psychiques,

1001. Thérapeutique, 1008.

Appareil génital, troubles. Priapisme,

968. Spermatorrée, 969. Dysper-

matisme, 972. Onanisme, 975. Im-

puissance, 974.

oculaire, troubles nerveux, '1.. -

Troubles sensilifs, I'15.

urinaire, troubles de la sensibilité,

945. Troubles de la contractilité,

950. Infeclions urinaires, 960.

Polyurie, 965. Anurie, 9Ga. - Né-

vropathie urinaire, 906.

Apraxie idéo-motrice de Liepmann, 22'2.

idéatoire de Pick, 22a.- motrice de

Kleist, 225.

Aran-Duchenne (Svndrome -), 688,

698. (Maladie de -); existe-t-eUe ?

706. Main, 1059. - \'oy. : itroplrie

musculaire 111yélopathiqltp., Griffé.

Arborisations péricellulaires, coloration

de Ramon y Cajal, 1570.

Argyll-Robertson (Signe d' -), 74, 95.

Arriération intellectuelle, 269.

Arriérés. Nanisme, 109-5.

Arsenic. Intoxication, névrites et atrophie'

musculaire, 723.

Artériosclérose. Atrophie musculaire,

707. - cérébrale, vertiges, 170.

Arthropathies nerveuses, 931, 952.

du poignet, 1026. du cou-de-pied,

1045. tabéliques. Radiodiagnostic,

, 117 ! 4.

Articulation des mots, troubles, 198.

Articulations, lésions, atrophie muscu-

laire réllexe, 708, 711. ,

Asphyxie locale des extrémités. Traite-

ment électrique, 1541.

' Astasie-abasie, 781. 1.

Asymbolie, 501.

Asynergie cérébelleuse. Décomposition

des mouvements. Grande asynergie. Dé-

marche type, 769. Petite asynergie,

770. Signe de la flexion combinée

des cuisses et du bassin, 771. Syn-

drome cérébelleux de Habinski : mouve-

ments démesurés, adiadococinésie, 775.

- Catalepsie cérébelleuse. Exercice a la

liabinski, 775. ,

Ataxie, 754. du tabès, 759. dans

les pseudo-tabes par lésions médul-

laires, 760. - par lésions des nerfs

INDEX ALPHABÉTIQUE.

1579

périphériques, 762. dans les lésions

bulbo-protubérantielles. dans les lé-

sions du. cerveau, 763. par intoxica-

lion aiguë du système nerveux, 764.

1(ibyi-itithiqile, 765. héréditaire, in-

coordination, 777. spinale aiguë,

762.

Ataxiques (Rééducation des ), condi-

tions nécessaires,. 787. Technique,

exercices au lit, 789. Exercices de

marche, 791. Exercices du tronc,

. 795. Exercices des membrcs supé-

rieurs, 796.

Athérome cérébral, crises gastriques,

991.

.Athétose, 871. Description et variétés,

872. Diagnostic des mouvements

athétosiques avec les tics, 895. double,

872. Mouvements involontaires, rigi-

dité musculaire, troubles intellectuels,

875. Mouvements de la main, 1041.

des pieds, 1059.

Atrophie congénitale des membres, 1016,

1042. du névraxe, technique de

mensuration, 1.-174. - - hystérique,

726. musculaire dans les paraplé-

gies, 480,494. - musculaire Charcol-

Marie, Voy. Afnyotrophie. optique

dans les tumeurs cérébrales, 122.

Atrophies musculaires. Définition, 657.

Signes, 658. Diagnostic différentiel,

661. Formes cliniques, classification,

662. Tableau de classification, 66-lui.

Tableau des caractères et variétés

cliniques des atrophies musculaires, 752.

Traitement des atrophies de l'en-

fance, 727. - des- amyotrophies de

l'adulte, 728. des amyotrophies se-

condaires, 729. des amyotrophies

post-paralytiques, 750. Traitement

électrique, 1510.

ntéloathiques acquises à type

Duchenne-Aran, 685. Caractères.

Localisations aux petits muscles des

mains, 698. Griffe, 699, 1059.

Contractions fibrillaires. Réactions élec-

triques, 700. Réflexes, 701. Atro-

phie de la musculature viscérale, 702.

Variétés, 702. Traitement élec-

trique, 1509, 1310.

- - par inaction fonctionnelle, traite-

ment électrique, 1515.

- - primitives, progressÍ1les de l'en-

rance et de l'adolescence, 665. Caractère

héréditaire. Développement dans l'en-

fance, 665. Myopathies, 668. myope-

thies, G91. Atrophie musculaire myé-

lo-névritique, névrite interstitielle hyper-

trophique, 696.

Atrophies musculaires progressives de

l'adulte, atrophies myélopathiques de

type Duchenne-Aran, 698.

- - )'réflexes- d'origine articulaire, 708.

abarticulaire, 7H. - traitement élec-

trique, 1312.

secondaires. Consécutives à une

lésion locale. A des lésions vasculaires,

707. Consécutives à une paralysie. La

paralysie est d'origine médullaire, 711.

d'origine cérébrale, 715. d'ori-

gine périphérique, 71G : d'origine

fonctionnelle, 726.

Audi-mutité, 195, 196.

Auditif (Appareil). Résultats de l'examen

des réactions électriques, lu)77. Voy.

Nerf.

Audition colorée, z, '

Auscultation des centres nerveux, 1118.

Auto-accusation (Idées d' -), 241.

Automatisme ambulatoire, 192.

Autopsie des centres nerveux, 1545.

Avellis (Syndrome d' -), 472, 649.

Azoulay. Voy. Fibres à myéline.

B

Babinski (Syndrome cérébelleux de ), ),

775. Exercice à la -, 775.

Babinski-Nageotte (Syndrome de ), ),

phénomènes oculaires, 73, 472.

Bactériologie du liquide céphalorachi-

dien dans les maladies nerveuses, 1152.

Barbouillage et gâtisme, 1011.

Baresthésie, 291. Recherche, 292.

Séméiologie, 295.

Basedow. Voy. Goitre exophtalmique.

Bassin. Aplatissement chez les myopa-

thiques, 677.

Bégaiement, 202, 656.

Benedikt (Syndrome de -), 472. phé-

nomènes oculaires, 75.

Bergeron. Voy. Chorée électrique.

Béribéri. Atrophie musculaire, 722.

Besoins, sensations internes, cénesthésie,

378.,

Biceps. Innervation, physiologie, 524.

crural. Innervation, physiologie, 545.

Bielchowsky. Voy. Neurofibrilles.

Blésité, 202.

Bonnier (Syndrome de. z Hi7, 17 1, 504.

1580

INDEX ALPHABÉTIQUE.

Bouche. Examen, 976. Troubles de la

sensibilité, 977.

Bourdonnements d'oreille, 151.

Brachial antérieur. Innervation, physio-

logie, 525.

Brissaud, Voy. Infantilisme.

Brissaud-Sicard (Ilémispasme facial al-

terne de -), 472,

Broca (Aphasie de -), ` ? 19.

Brown-Séquard (Syndrome de -), 517,

490, 495.

.Buccinateur. Innervation, physiologie,

587.

Bulbe, lésions, hémianesthésie, 515.

Séméiologie. Symptômes bulbaires, 799.

Syndromes et maladies bulbaires.

Syndromes nucléaires purs, sans hémi-

plégie croisée, 802. Syndromes

mixtes, nucléaires et fasciculaires, avec

hémiplégie croisée, 804. Diagnostic

des affections bulbaires, 806. Réac-

tion de dégénérescence, 1250. '

Bulbo-protubérntielles. Lésions,ataxie,

763.

C

Cajal (Ramon y). Voy. Cylindraxes, Neu-

ro fibrilles.

Camptodactylie, 1024.

Canin. Innervation, physiologie, 586.

Capacité crânienne. I U î 1.

Carmin. Picro-carmin de Ranvier, colo-

ration en masse de Forel, 1555.

Carré crural. Innervation, physiologie,

54t. des lombes. Innervation, phy-

siologie, 568.- du menton, muscles de

la houppe du menton. Innervation, phy-

siologie, 587. prottalear. Innerva-

tion, physiologie, 529.

Catalepsie, 907.

Catatonie, 908.

Cécité congénitale pour les couleurs, re-

cherche et examen, '118. -corticale; 47,

Celloïdine, inclusions, 1551.

Cellules nerveuses, coloration au carmin,

1555. coloration élective, méthode

de Nissl, 1557.

Cénesthésie, 378.

Centres de réception corticaux de la sen-

sibilité générale, 277. moteurs cor-

licaux, 595, 594. du larynx,

1157. Centres moteurs bulbaires du

larynx, 658. nerveux. Percussion et

auscultation, IH8. Technique des

examens attulomo-lialhologiques. For-

molage avant l'aulopsie. Autopsie, 1;;\ ?

Coupes macroscopiques, 1548. Fixa-

tion, 1550. Inclusions, z

Coupes sériées, 1552. - Colorations,

1554. Mensuration des atrophies du

névraxe, 1574.

Céphalée. Caractères, 565. Séméio-

logie, 560, 597. organique, 3GO,-

(oncl ionuelle, 5G8. Ponction lombaire,

thérapeutique, 1 142.

Céphalométrie, 10G5. Diamètres cé-

phxliyues, 1065. Indices crâniens,

IOGG. - Circonférences. 1069. In-

dices de la face, 1070. - Capacité crâ-

nienne, 1071.

Céphalorachidien. Voy. Liquide cépha-

lorachidien.

Certificat médical pour le placement des

aliénés, 2C4.

Cerveau (Lésions du -) vertiges. 1 Li ! ).

(Affections du -). Troubles de la

sensibilité, 505. Ataxie cérébrale,

165. (Traumatismes du -). Pe-

cherche des corps étrangers par les

rayons X, '1 IGG. Coupes macrosco-

piques, l3 48.

Cervelet. Syndrome oculaire dans les tu-

meurs du -, 125. (Lésions du -), ),

Vertiges, 109. Syndrome cérébelleux,

776. Tremblement, 859. (Tumeurs

(lu -), Radiothérapie, 1189.

Cervical supérieur (Syndrome des lu-

sions médullaires), 514.

Cervico-dorsal (Syndrome des lésions

médullaires), 515.

Champ du regard, 19.

visuel, exploration, 9. Limites péri-

phériques, 10. Recherche des lacunes,

12. Lacunes, 58. Lacune centrale,

40. Lacunes périphériques, rétrécis-

sement concentrique, 41. Lacunes

périphériques irrégulières, 42. -Lacunes

périphériques binoculaires, homolaté-

rales, hémianopsie, 45. Lacunes inter-

médiaires, 58. Caractères dans

l'hémianolsie, 46.

Charcot-Marie. 1'oy. Amyolrophie Char-

col-Marie.

Chimie du liquide céphalorachidien. Ite-

cherche des albumines. de la cho-

line, 1150. des pigments biliaires,

des chlorures, 1151.

Chiromégalie syringomyélique, 1019.

Chlorures dans le liquide céphaluraclli-

dien, 1151.

INDEX ALPHABÉTIQUE.

1581

Choline dans le liquide céphalorachidien,

. Il ;'0,

Chorée chronique, SG2. - Evolution, 865,

de llzwlirp/lnn,diaânostic avec les tics.

894. - électrique de Bergeron, 867. -

Diagnostic avec les tics, 8Jla.-rle Dubtrri,

8GS. - Diagnostic avec les tics, 894. -

fibrillaire de Morvan, 8G8. ^ de Sy-

rlenlram, 854. Symptômes, 855.

Formes. Complications, 858. Évolu-

tion, 859. Diagnostic avec les tics,

894. Traitement électrique, 1559.

des adultes, 860. hystérique,

sn 1. variable, 861.

Chorées. Troubles de la sensibilité objec-

tive, 556. Description, 849. - Com-

plications, 85'1. - Formes. Evolution,

t ! 5. Diagnostic différentiel, 855. -

Diagnostic de la variété, 854. symplo-

maliques, 864.

Choriorétinite, 15.

Choroïdite, 15.

Chromo-diagnostic du liquide céphalo-

rachidien, 1125.

Circonférences crâniennes. Courbe an-

téro-postérieure,- transverse. hori-

xonhde maxima, 1069.

Claudication intermittente de la moelle,

577, 505. du cerveau, 578.

Clonus du pied, 452, 840. de la ro-

Iule, 454. de la main, 454.

Coagulation du liquidecéphalorachidien,

1127.

Collodion, inclusions, 1552.

Coloration (.Méthodes de), 1554. Pro-

cédés au carmin, 1555. llématusy-

line, 1550. Fuchsine, Nissl, 1557. -

Weigert, 1559. Pal, 1560. Wa-

gerl pour la névroglie, 1565. - Ramon

y Cajal pour les neurofibrilles, 15G8. -

Imprégnation de Bielschowsky, z1570

Étude des nerfs périphériques,

Il-) 72.

1572. .

Coma. Description clinique, 182. Dia-

gnostic différentiel, 185. Ponction

lombaire thérapeutique, 1142.

Compas de Weber, 285.

Compressions de la moelle, atrophies

musculaires, 713. Radiothérapie,

1187. des nerfs, atrophies muscu-

laires consécutives, 717. du plexus

brachial, atrophies secondaires, î17.-

des racines rachidiennes, 718.

Cône médullaire (Syndrome du ),516.

Conjonctive, exploration, 51.

Constipation des hystériques, traitement

électrique, 1550.

Contractions rttyosismiques dans l'hémi-

plégie, 465.

Contracture de l'accommodation. Voy.

Accommodation.

Contractures hystériques, traitement

t leclrirlue, 1328.

Convulsions déterminées par les lésions

de l'oreille,' 144. et crises convul-

sives. Définition, S 18. - Physiologie pa-

thologique, 819. Description : con-

vulsions toniques, 820. Convulsion

tonique, 821. Valeur séméiologique :

convulsions chez l'enfant, 825. chez

l'adulte, 826. Crise convulsive de

l'épilepsie, z Crise convulsive de

l'hystérie, 851.

Coordination. Physiologie normale et pa-

thologique, 750.

Coraco-brachial. Innervation, physiologie,

525.

Cornée, exploration, 51.

Couleurs. Voy. Vision des couleurs.

Coupes macroscopiques de l'encéphale et

de la moelle, 9 4S. sériées, procédé

pour obtenir des coupes non fragiles,

1555.

Courants faradiques, 1228. Courant

de tension, courant de quantité, 1229.

Qualités physiques et propriétés phy-

siologiques de l'onde faradique, 1250.

- Période d'excitation latente, période

d'énergie croissante, 1251. - Période

d'énergie décroissante, 1252. Appli-

cations à l'électrodiagnostic et au traite-

ment, 1235. - Graduation des courants,

1254. Excitations rythmées, ondula-

teurs des courants, 1255. - Méthode

bipolaire, 1256.

- galvaniques, 1191. Appareils,

119 ? - Unités de mesure, 4193. -

Disposition à donner au voltmètre et au

milliampèremètre, 1195. Mesure des

résistances, 1195. Applications à

l'électrodiagnostic de l'état variable,

1219. Applications à la thérapeutique

des actions de l'état variable, 1227.

galvaniques continus, collecteur d'élé-

ments, rhéostat en tension, 1197.

' Réducteur de potentiel, 1199. Électro-

des, 1201. Densité des courants,

1204. Localisation des courants,

1205. - - Effels de l'état permanent

du courant; effets thermiques, méca-

- J582 1)

INDEX ALPHABÉTIQUE.

niques, chimiques, 1207. Pénétration

des ions, 1208. Effets physiologiques

sur les nerfs moteurs et sur les muscles,

1210. Électrotonus, 1211. Effets

sur les nerfs sensitifs et vaso-moteurs,

1212. - Effets sur les organes glandu-

laires, effets catalytiques, 1215.

" Courant galvanique dans les états va-

riables. Excitations de fermeture et

d'ouverture, il 5. - lfets des états va-

riables de fermeture et d'ouverture sur

les nerfs moteurs et sur. les muscles,.

méthode d'excitation polaire, 1214.

Courants faibles, 1215. Courants

moyens, 1216. Courants forts, '12'[8.

- galvaniques labiles, '1227. - galvano-

faradiques, 1238.

Court fléchisseur du gros orteil. Innerva-

tion, physiologie, 555. dit petit

doigt. Innervation, physiologie, 536.-

du petit orteil plantaire. Inner-

vation, physiologie, 554. péronier

latéral. Innervation, physiologie, 549.

supinatc1lI" Innervation, physiologie,

531.

Couturier. Innervation, physiologie, 542.

Crampes des écrivains, 205. - Furme

spasmodique, 900. Forme paraly-

tique, 901. Crampes professionnelles

diverses, 905. - fonctionnelles el pro-

/e.M : OK71e/M. Définition, 899. Étude

clinique, 900. Diagnoslic avec les

tics, 894. Traitement, 906. Trai-

tement électrique, 1540.

Crâne (Fractures et traumatismes du z. ).

Cytodiagnostic, 1140. Ponction lom-

baire thérapeutique, '1 '145. - Recherche

des corps étrangers par les rayons X,

1166. Lésions localisées, applications

du radiodiagnostic, 1170. Déforma-

tions d'ensemble, 1171.

Craniométrie, 1065. ,

Crises convulsiues de l'épilepsie, 829.

de l'hystérie, 85'1. - liées à l'alhérome

cérébral, 991. - tabétiques, 992.

dans la sclérose en plaques. dans

l'oedème angioneurotique, 995. gas-

triques, 989. - gastriques tabéli-

ques. Ponction lombaire, thérapeutique,

1145.

Cryoscopie du liquide céphalo-rachidien,

9127. ,

Cubital antérieur. Innervation, physio-

logie, 527. postérieur. Innervation,

physiologie, 552.

Cyanose congénitale. Difformités des

mains, 1020. "

Cylindraxes myélinisés. Coloration de

Ramon y Cajal, 1570.

Cystite et pyélite, 960. Symptômes.

Traitement, 961.

Cytodiagnostic du liquide céphalorachi-

dien, '1'128, -Résultats généraux, 1129.

Tabès. Paralysie générale, 1152. Ma-

ladies mentales. Zona, '1.155 ? Hémor-

ragies du névraxe, l -154. - Méningites,

U155. - Paralysie infantile. Tumeurs

cérébrales, 1156. Autres maladies,

117.· - Syphilis, .1138.

D

Dactylite blecnorr·agique, 1020. sy-

philitique, 1026.

Daltonisme, 118.

Débilité mentale, 269. '

Défécation. Troubles révélant un état

mental, 998.

Défense (Idées de -) chez les aliénés,

242.

Déformations articulaires chez les 1ll'O-

patbiqucs, 677.

Dégénérés. Viciations de l'équilibre indi-

viduel. Viciations de l'aptitude sociale.

Inaptitude ).la vie, 1105. Voy. Stig-

mates. -

Dégénérescence (Altérations complexes

des réactions électriques constituant les

syndromes de -) 1 ? r·G. Voy. Réac-

tion de dégénérescence, Réactions élec-

triques.

Déglutition, troubles, 983.

Délires, Voy. Idées délirantes. lllrila-

bnliq7les ou palinflllostiq7le, 247.

Deltoïde, Innervation, physiologie, 522.

Démarches ataxo-cérébelleuses, 492. -

sautillaules, à petils pas, 405. Trou-

bles de la par contracture ou rigidité.

494. cérébelleuses, 767. aSY7lC¡'-

giques, 769.

Démences, 254.

Demi-tendineux, demi-membraneux. In-

nervation, physiologie, 545.

Dents, examen, 976. des nryopalhiqu. s.

678. d'Hldchinson, z1·1.

Dermatoses neu1'otl'ophiques, 915.

Déviations conjuguées, d'origine motrice,

79. d'origine sensorielle, 80. - Para-

lysies associées, 80. -- - de la tete CI

des yeux dans l'hémiplégie, 464.

INDEX ALPHABÉTIQUE.

lu83

-Diabète. Névrites et atrophie musculaire,

723. Ataxie, 761.

Diamètres céphaliques. Antéro-posté-

rieur maximum. - transverse maxi-

mum, 1064. - antéro-postërieur méto-

pique deBroca. sus-auriculaire. Hau-

teur. verticale auriculaire, 1065. bizy-

gamatique, bimastoïdien, 1066. de la

face. Hauteur ophryo-alvéolaire, 1071.

Maxillaire, Nez. Orbite, 1071.

Diapason de Rydel et S'afer, 295.

Diaphragme, névralgie, 391. - paraly-

sie, 629. Innervation, physiologie, 565.

Diarrhées paroxystiques, 997.

Difformités léralologiques des mains.

Ectrodactylie, Polydactylie, etc., 1015.

Hypertrophie et atrophie, 1016.

. tératologiques des pieds, 1042.

Digastrique. Innervation, physiologie,559.

Dilatateur des narines. Innervation phy-

o ! ogie, 585.

Diphtérie. Atrophie musculaire, 722.

Diplégies cérébrales infantiles, 509.

atrophies musculaires, 714. pied bol,

U 052.

Diplopie, recherche, 20 ? mensuration,

22. Dans le diagnostic des muscles

oculaires paralysies, 6U . Diplopie

croisée, homonyme, verticale, 62.

Doigts kippocratiques, z1020.

Dolichosténomélie, loti7, 1045.

Dorsal (Syndrome des lésions médul-

laires) 515..

Douleurs. Caractères généraux, siège,

irradiations, durée, intensité, modalité,

365. - Effets, causes, moyens de les

révéler. Valeur séméiologique, 564.

généralisées, 570. localisées.

Céphalalgie, 565. Migraine, 568.

Douleurs de la nuque, -du tronc, 569.

des membres ? des viscères, 570.

chez les hémiplégiques, 571.

Droit interne. Innervation, physiologie,

544. latéral de la tète. Innervation,

physiologie, 559.

Dubini Yoy. Chorée électrique.

Duchenne (Atrophie musculaire pseudo-

hypertrophique de -) 682 Syndrome

cérébelleux de -) 768.

Duchenne-Aran (Atrophies à type ), ),

688, 698. (Maladie de existence),

706. Voy. Atrophie musculaire, Griffe.

Dysarthries, 196, 198, 211.-d'origine

. parétique, 199. - d'origine spasmo-

dique, 201.

Dyschromatopsie, 118. -

Dysesthésies. Modalité. Siège. Séméiologie,

574. Dans les affections des extré-

mités,. 575. Dans les affections des

nerfs, 370. de la moelle.-du cerveau,

577. Dans les névroses et les psy-

choses,- 578.

Dyslalies fonctionnelles, 202.

Dyspermatisme, 972. Traitement,

973. '

Dysphonie spaslique, 655. nerveuse

chronique, 656.

Dyspnée, 940.

Dyspneumie, 198. '

Dystrophies musculaires progressives,

traitement. électrique, 1510.

E

Écoulement prolongé de liquide céphalo-

rachidien, 1144.

Écriture, troubles. L' - est impossible,

205.-L'-est POSSIBLE, maisincorrecte.

Troubles calligraphiques élémentaires,.

205. Troublespsychographiques,207.

troubles chez les aliénés, '25l.

Examen dans l'aphasie. spontanée,

215. avec les cubes, à la dictée,

copiée, chiffres, musique, dessin, 214.

Ectromélie et ectrodactylie, 1015, 1042.

Électricité. Application au diagnostic des

maladies du système nerveux, 1191.

Courants galvaniques, 1191. Courants

faradiques, 1228. Courants galvano-

faradiques, 1238. Application au trai-

tement des maladies du système nerveux.

Maladies de l'encéphale et de la moelle,

1288, - Maladies des neurones moteurs

périphériques, 1295.

Électrodes, 1201. Dimensions et dis-

positions à leur donner, 1205.

Électrodiagnostic, application des -effets

de l'état variable du courant galvanique,

1219. Points moteurs, 1220. Re-

cherche du seuil de l'excitation, inter-

rupteurs, 1225. Rcnverseurs, 1226.

Application des en'pts du courant

faradique, 1255. Excitabilité fara-

dique et galvanique dans les états patho-

logiques. Conservation des réactions nor-

males, 1` ? l0. - Altérations simplement

quantitatives. Augmentation simple de

l'excitabilité électrique, 1241. Dimi-

nution simple de l'excitabilité électrique,

1243. - Altérations complexes des

158Í

INDEX ALPHABETIQUE.

réactions électriques, réactions de dégé-

nérescence, 1246, 1247. Réaction

myotonique, z Réaction myas-

Ihénique, 1267. Exploration des nerfs

sensilifs et sensoriels, 1269. Vertige

voltaïquc, 1272. - Résistance électrique

du corps, 1276. ,

Électrothérapie. Lésions des neurones

violeurs centraux. Hémiplégie cérébrale,

1288. ? Maladies des neurones moteurs

périphériques, 1295. Poliomyélite,

1296. Polynévrites, '1501. Névrites,

z1505. Atrophies musculaires, z1310.

Affections des neurones sensilifs, Névral-

gies, 1514. -'1'abes,1522, Névroses,

1525.

Éléphantiasis des membres inférieurs,

1046.

Élévateur commun de l'aile du nez et de

la lèvre supérieure, élévateur propre de

la lèvre supérieure, innervation, physio-

logie, 586. ,

Encéphale (Affections del'-). Troubles

de la sensibilité, 505. radiothérapie,

1188. (Lésions de 1' -). Absence de

la réaction de dégénérescence, '12fi6.

Enfant. Valeur séméiologique des cowor.-

sions, ^853. Phénomène des orteils,

450. t- Paraplégies, 508.

Énormité (Idées d' -) chez les aliénés,

245.

Entéro-névrose, 1001.

Épendymites. Description, 1152.- Pny-

SIOLOGIE pathologique, 1159.- Traite-

ment, 1162.

cérébrales. Kpendymile hydrocc'hlta-

loïde des nourrissons et des jeunes en-

fants : Hydrocéphalie, hémocéphalie,

pyocéphalie, 1152, 9153. pseudo-

suppurative à type d'abcès cérébral.

pseudoméningilique, 1151·. - à forme

clinique de tumeur cérébrale, 1155.

I : pendymo-choroïdite comateuse, 1157.

- de l'aqueduc de Sylvius et du 1V° ven-

tricule, 1159. médullaires, l 159.

Épilepsie, troubles de la sensibilité objec-

tive, 550. Crises convulsives, z

Vomissements, 990. Paroxysmes in-

testinaux, 997. jacksonienne d'ori-

gine traumatique, application du radio-

diagnostic, '1'169.- partielle continue,

869.

Épileptiques (Myoclonies -), 869.

Épineux, intcrépineux. Innervation, phy-

siologie, 578, 579.

Erb (Myopathie juvénile d' -) GSS.

Ergotisme, alaxie, 760.

Erotiques (Idées -) chez les aliénés,

246. "

Érythromélalgie, 1028, 10 ! tG.

Escarres de décubitus, 924.

Estomac. Séméiologie. Crises paroxystiques

avec vomissement, 989. Troubles de

la motricité et de la sensibilité, 996.

Exner. Voy. Fibres à myéline.

Exophtalmie dans la maladie de Basedow,

107. Valeur séméiologique, '108.

bilatérale, unilatérale, 108. Signes

de Stclwag, de Graefc, de Rosenbach,

107. Modification de la sécrétion lacry-

male, paralysies oculaires, troubles de

la vue, 108.

Exostoses M/<'ofyc<H'</;feM ! M/</M, 1185.

Extenseur commun des doigts, - po-

pre du petit doigt. Innervation, physio-

logie, 55 ). commun des orteils, z

propre du gros orteil. Inncrv : tion,hhv-

siologie, 547. propre de l'index.

Innervation, physiologie, 555.

F

Facial, Yoy. Nerf facial.

Facies mynpalhique, 689.

Faim. \'iciations. Anorexie, -100 1 Exa-

gérations de la faim. Faim douloureuse.

phobique, 003. - nauséeuse.

défaillante. valle, 1004.

Familial (Caractère -) des myopathies,

665, 680.

Familiales (Maladies ), ), incoordination,

777. et dégénérescence, 1102.

Faux urinaÏ1'es, 967.

Féminisme, 1090.

Fibres h myéline. Coloration élective de

Weigert, 1559. .de Pal, 1560. de

Kulschitzky, 156L - de Marchi, 1562.

d'Exner, d'Azoulay, de Nageotte,

1565. de Renaud, 15G4 ? amyéli-

niques. Coloration de Ramon y Cajal.

I Ui9.

Fièvre et symptômes satellites, 954.

Causes, 93 : i. - Fièvre dans les mala-

dies nerveuses, 955, ! IaG.-Irslé7'Iq7cc,

inexistence, 958. typhoïde, atrophie

musculaire, 725.

Fixation des centres nerveux. Liquide de

Millier, liquide de Fol, 1350. -Formol,

liquide de Orth, liquide de Nageotte,

- 1551.

I\UI : \ 11.1'lltI.TIQUI : .

1585

Fléchisseur commun superficiel' des

doigts, profond des doigts, innerva-

tion, physiologie, 528.

Flexion combinée de la cuisse et du tronc

dans l'hémiplégie, 478. des cuisses

et du bassin et asynergie cérébelleuse,

771. b

Fol (Liquide de) Voy. Fixation.

Fond de l'oeil, exploration objective, ].le.

Forel. Voy. Carmin.

Formol comme fixateur, 1351.

Formolage des centres nerveux avant

l'autopsie, 1545.

Foville (Syndrome type -), phénomènes

oculaires, 71, 72, 472.

Friedreich (Maladie de), incoordination,

777. tremblement, 859. Pied,

1 054. Cytodiagnostic, 'Il 57.

Fuchsine. Coloration de de Van

Gieson, 1557.

G

Gangrène trouble trophique, J l 0.

sénile. Topographie segmentaire des

troubles de la sensibilité, 551. - sénile

des orteils, 1047. - symétrique des

extrémités, 1050, 1047. - - traite-

ment électrique, 1541.

Gastroxynsis de Rosbach, ! )fI3.

Gâtisme, et maladies non démentielles,

1900. - et psychopathies, 1010.

Génio-hyoïdien. Innervation, physiologie,

5ao.

Gerlier, Yoy. Vertige paralysant.

Gérodermie gènilo-di]strophiqucdc'Ram-

ino, 101)0.

Gieson (Van) 1'ov. Fuchsine.

Gigantisme. La main, 1018. - Le pied,

1045.-caractères, 1079.-avecinfan-

tilisme, IOSO. - eunuchoïde, 1081.-

avec acromégalie, 1081. - Diagnostic

du - acromégalique, 108). - Traite-

ment, 10811. - transitoire de la pu-

, berté, 1080. - dû 1'1 l'hérédo-syphilis,

108(i. - Radiographie, 1179. y

Globes oculaires, exploration de la moti-

lité extrinsèque, 1(i. - exploration de

la motilité intrinsèque, 22. - paralysies

des muscles moteurs, 58.

Glossy-skin, 111a.

Goitre exophtalmique. Exophtalmie, 107.

" - Signes oculaires, 107, 108. -

A Troubles de la sensibilité objective, 550.

m - Tremblement, 845. radiothérapie,

1189. - traitement électrique, il 5.

Gombault - Dejerine - Sottas. ( Névrite

interstitielle hypertrophique -), 69ü.

Goût (Déviations du ). Geophagie, copro-

phagie, 1005.

Goutte articulaire aiguë, localisation de

la crise douloureuse sur le gros orteil,

1054. - chronique. Déformation des

mains, 10` ? ! E. - Déformation des pieds,

zut.

Graefe (Signe de de), 107.

Grand cOI1 ! ]Jle : cus, petit complexus. In-

nervation, physiologie, 575, 574. -

dentelé. Innervation, physiologie, 504.

- dorsal. Innervation, physiologie, 571.

- droit antérieur de la télé, petit droit

antérieur de la tète. Innervation, physio-

logie, 560. - droit de l'abdomen. In-

nervation, physiologie, 566. - droit

postérieur de la tête, petit droit posté-

rieur de la tète. Innervation, physiolo-

gie, 574. - fessier. Innervation, physio-

logie, 558. - oblique de l'abdomen,

Petit oblique. Innervation, physiologie,

567. - oblique ou oblique inférieur de

la tète, petit oblique ou oblique supé-

rieur de la tète. Innervation, physiolo-

gie, 575. - pectoral, petit pectoral.

Innervation, physiologie, SOI. - rond,

innervation, physiologie, o25. - zygo-

malique, petit zygomatiljue, innerva-

tion, physiologie, 585, 586.

Grandeur (Idées de -) chez les aliénés,

245.

Graves. Voy. Goitre exophtalmique.

Griffe de Duchenne-Aran, rosi, 1058.

radiale, 1050. cubitale, 1057.

médiane, '108. - pied-creux, 1056.

- avec extension des premières pha-

langes et flexion des deux autres, -

avec flexion des premières phalanges,

1058.

H

Hallucinations et troubles auditifs, 146.

- périphériques ou centrales, z

de la vue, de l'ouïe, du goût, cénes-

thésiques, 258. motrices, 259.

Valeur séméiologique, 240.

Hématémèses nerveuses, 99). z

Hématomyélie, troubles de la sensibilité

à topographie radiculaire, 552. atro-

phie musculaire, 715.

Hématoxyline à l'alun, '135l\.

1 586

INDEX ALPHABÉTIQUE.

Hémiachromatopsie, 50.

Hémianesthésie bulbaire, 515. - cap-

. sulaire, 511. - cérébrale, 505.

Distribution, 506. - Caractères, 507.

- Valeur séméiologique. Variétés sui-

vant le siège des lésions, 509. - Diag-

nostic, 514. corticale ou sons-cor-

ticale, 509. hystérique, 554.

organique et fonctionnelle, diagnostic

différentiel, 557. pédonculaire, 514.

- p)'o<t<ë)'<7K<<c//<', 5)4. quadri-

géminale, 514. spinale, 516.

fltalctttticlztc, z11.

Hémianopsié, 45. homolalérale, 44.

- Signes pour la déceler, 45. - Carac-

tères du champ visuel, 46. - Persi-

- stance de la vision centrale, 47. -

double, 47. - hétérolatérale biles-

portale, binasale. 50. - par lésion cor-

ticale, 52. par lésion sous-corticale,

par lésion des ganglions centraux, 55.

par lésion de la bandelette, par lé-

sion du chiasma, 54. - par lésion du

nerf optique, 55. - par lésion orga-

nique, 55. - sans lésion organique, 57.

Hémiathétose, 875 - post-hémiplé-

unique. Mouvements de la main, 1040.

- Mouvements des pieds, 1059.

Hémiatrophie faciale, 929, 950.

Hémiplégie. Douleurs d'origine périphé-

risque. Douleurs d'origine centrale, 571.

- Caractères. Causes, 572. Exagé-

ration des réflexes d'un seul côté du

corps, 445. - phénomène des orteils,

45).

par lésion des centres nerveux chez

l'adulte ou le vieillard, 462. Diac.-

khstic de l'- avec les maladies qui

peuvent la simuler, 468. - Diagnostic

de la lésion, 469. de la localisation,

470. - Etiologie et valeur séméiolo-

gique, 475. MouvKMEXTsnMoctf'.s, 477.

- Flexion combinée de la cuisse et du

tronc, 478. - Signe du peaucier. 479.

- Signe de l'éventail. 480. Phéno-

mène de Stiunipell, 480.

Hémiplégies alternes, 471. ctjné-

braies, pied bot, 1055, 1056. -

atrophies consécutives, 71 IL - trai-

tement par l'électricité, 1288.

infantile, 475. - pil'(1 bot, 1052.

- atrophies musculaires, 714.

- corticale du larynx, 645. bulbaire

du larynx, 645. laryngée d'origine

périphérique, 646.

Hémiplégie double des vieillards lacu-

naires, 509.

;to;tO)'</MKe, d'origine névropalhi-

que, 474.

. organique. Radiographie des troubles

trophiques osseux, 1175.

Hémispasme facial alterne, 472.

facial hystérique, 895.

Hémorragie bulbaire, 805. -cérébrale.

lésions de l'oreille, '127. du laly-

rinthe, )5). du névraxe. examen

' du liquide céphalorachidien, 1135.

méningées, signe de Kernig, 484.

intestinales, 998.

Hémosialémèse, 988.

Héréditaires (Maladies ). incoordi-

nation, 777.

Hérédo-ataxie cérébelleuse, incoordina-

tion, 779.

Hérédo-syphilis gigantisme, 1 O,(fi.

Nanisme. 1095.

Hermaphrodisme, 1090.

Hippus. 01.

Hydrocéphalie, 1152. Ponction lom-

baire thérapeutique, 1145.

Hydrothérapie dans les états d'agitation,

les insomnies. 1;;1.2. -l'hystèrie. l'épi-

lepsie, les polynévrites, les névralgies,

)(;ta))es,t4.

Hyperacousie, 129.

Hypéresthésies cutanées dans les affec-

tions viscérales, ulill. hystériques,

556. réflexes dans les lésions dé

l'oreille, 145.

Hyperidrose, 958.

Hyperkératose, trouble trophique. si 1 ).

Hypérosmie, 'j.8. '

Hypersécrétion lacrymale, 1 15.

Hypertension artérielle. Hypotension.

959.

Hyperthermie, 954. ses causes. 955.

Hypertrichose, 927.

Hypertrophie congénitale des membres,

1010, '10l ? musculaire. Carac-

tères, 755. Diagnostic différentiel.

Variétés, 756. Hypertrophies muscu-

laires viscérales, 757. - - périphé-

riques, 758. physiologique fonction-

nclle, 758. ]11'Ùn'trophiquc, 741.

myotonique, 742. de causes

diverses, 745. d'origine vasculaire,

745. Tableau des caractères et va-

riétés cliniques des hypertrophies mus-

culaires, 749.

Hypoacoûsie, 1 ? 0.

INDEX ALPHABÉTIQUE.

1381

Hypocondrie. Idées hypocondriaques, 243.

Hypoesthésie du larynx, 640.

Hypophyse, affections, radiothérapie,

1188.

Hyposécrétion lacrymale, 1 114.

Hypothermie, 957.

Hypotonie, 909. -Valeur séméiologique,

- 11'1'1.

Hypnose, 191.

Hystérie, troubles de la sensibilité.

Anesthésies, JJ2. - Hypereslhésies,

556. - Atrophie musculaire, 726. -

Incoordination, 781. - Crises convul-

sives, 85'). - Tremblement, 843. -

Chorée, 861. Vomissements, 990. -

Paroxysmes intestinaux, 997. - Trou-

. bles intestinaux simulant une maladie

organique, 999. - OEdèmes, 1028,

1046. - Pied bot paralytique et spas-

modique, 1056. - Traitement élec-

trique, 1525. Voy. aussi Amblyopies.

1

Ichtyose, trouble trophique, 915.

Ictères chroniques. Liquide céphalora-

chidien, -1 [ : il .

Idées délirantes, 240, - d'anlo-acensa-

lion, - de persécution. 241. de

défense, 242. - de grandeur, - hypo-

chondriaques, 245. - de négation,

244. - d'énormité, - religieuses,

245. - érotiques, 246. - Délires

métaboliques, 247.

Idiotie. Parole. - mémoire, volonté, sensi-

bilité des idiots, z Imitation, tics,

mouvements, 267. - TitouDLE.3 PIIT-

SIQUES, 268. - Variétés,' 268. -

Diagnostic, 270. - Complications, 275.

complète, profonde, légère.

morale, 269. hémiplégique,

dilplégique, - épileptique, - ama1l-

l'otique. - mongolienne, - polysar-

cique, 270. - méningitique, - mé-

aci.ac/o-encéPhaligace, - porencépha-

tique, 271. - rnyxoedémateuse, -

microcéphalique, - lrd.rocéplzalirlue,

etc.. 272. - par simple arrêt de

développement, 272.

Imitation chez les idiots, 267.

Impuissance, 974. - Traitement, 975.

Inclusions à la celloïdine, 1551. - au

collodion, -1552. - la paraffine, 1355.

Incontinence d'urine. Étiologie, 955.

symptômes. Diagnostic. Traitement; 1

957. essentielle de l'enfance, 957.

- par atonie, 960. ano-1Jésicale,

gâtisme, ! 009... " .

Incoordination, 750. PATnoGEKiE, 751.

Séméiologir, 753.

- ataxique, 752, 754.' - Défaut de

mesure dans les mouvements. Exagéra-

tion des mouvements hors du contrôle

de la vue, 754. - Troubles de la mar-

che, 755. - Membres supérieurs, 757.

- Tronc, tète et face, 758.

- cérébelleuse, 753, 766. - Pas de

Romberg, trouble de la composition des

mouvements complexes, trouble de

l'équilibre, 766. - Titubation cérébel-

leuse, 767. - Asynergie cérébelleuse,

769.

- dans les maladies héréditaires ou /icmi-

liales, 777. - dans les névroses, 781.

Tableau des caractères et variétés

cliniques des incoordinations, 782. -

Traitement par la rééducation des mou-

vements, 785.

Indices crâniens, - céphalique, 1066.

- frontal minimum bimastoïdien,

1067. - (ronto-zygomatique, 10G8.

bimastoïdien, bizygomatiqlle, - sus-

- de la face, 1070. - thoracique,

pelvien, scapulaire, 1077.

Inégalité pupillaire 90. - - congé-

nitale, 91. - - variable, à bascule,

transitoire, 91.

infantilisme, 1086. gigantesque,

1087. - ennuchoïdc, - type Lorain,

1088. - type Brissaud, 1089. -

Traitement, 1091.

Infectieuses (Maladies). - Lymphocy-

tose rachidienne, 1157.

Infections urinaires, 960.

Injections d'alcool dans les troncs ner-

veux pour le traitement de la névralgie

faciale. Technique, 422. sous-arach-

ac.oïdienncs, ·1 145. - de cocaïne, de

collargol, de sérum audméningitique,

1145. - de sulfate de magnésie, 1146.

. épiduraies, 1 146.

Innervation cutanée, topographie radi-

culaire, 520. motrice des nerfs

. rachidiens, 605.

Insomnie, z. -. Causes, traitement,

195. - essentielle des veillards, 195.

Instabilité mentale, 269.

Intelligence. Examen dans l'aphasie,

215.

1588

INDEX ALPHABÉTIQUE.

Internement des aliénés. Loi du 50 juin

1858, 252. - Ordonnance du 18 dé-

cembre 1859 portant règlement sur les

établissements consacrés aux aliénés,

259. - Placements volontaires, place-

ments d'office, 265. - Certificat mé-

dical, 264.

Interrosseux. Innervation, physiologie,

557. - du pied. Innervation, physio-

logie, 555.

Intestin. Séméiologie. Paroxysmes dou-

lourez, 997. - Troubles de l'éva-

cuation intestinale, 997. - Syndromes

asssociés, 1000. - Troubles psychiques,

1001. - Thérapeutique. l00(i. *

Intoxications, vertiges, 174. - aiguës,

ataxie, 764. - Tremblement, 847.

Intransversaires du cou, du dos, des

lombes. Innervation, physiologie, 578.

Ischio-coccygien. sacro-coccygiens anté-

rieur et postérieur. Innervation, phy-

siologie, 579.

Isolement des aliénés, 251.

J

Jackson (Syndrome de -), (i0.

Jambier antérieur. Innervation, physio-

logie, 546. postérieur. Innervation,

physiologie, 551.

Jargonaphasie, 211.

Jumeaux pelviens. Innervation, physio-

logie, 540.

K

Kératite 7/i'llro-pamlytique, 116, 955.

Kernig (Signe de -). ). Recherche, 481.

- Valeur séméiologique, 482, 485.

Kleist (Apraxie motrice de -), 225.

Klippel (Atrophie numérique de -),

1l ili.

Kojewnikoff (Syndrome de -), 86 ! ).

Kulschitzky. Voy. Fibres il myéline.

L

Labyrinthe. Anémie, congestion, hémor-

ragie, 155. Inflammations, syphilis,

154. et 157. - (Lésions

du ), ), syndrome de Ménière, 1 GG.

Ataxie, 765. - (Affections du -). ).

Ponction lombaire, thérapeutique, 1145.

Labyrinthique (Syndrome 8'ifi.

Labyrinthites infectieuses, toxiques,

155.

Lacrymale. Yoy. Sécrétion lacrymale.

Lagophtalmie paralytique, 105.

Landouzy-Dejerine (Myopathie type ), ),

687.

Landry (Syndrome de ). 505.

Langage oral. Yoy, Parole.

Langue. Examen, on. - Troubles de la

sensibilité, 978. Troubles de la mo-

tilité, 979. Traitement électrique

des paralysies, 1509.

Larynx. Centres moteurs corticaux, 657.

centres moteurs hulhaires, G58 ?

Maladies, 036. TIIOVBLES seksitifs.

Ancsthesie, 040. llypoesthésie. l'a-

reslhésies, 1141. Névralgies. Troubles

réflexes, 642. Paralysies. Hémiplé-

gie corticale, 645. Hémiplégie bul-

haire, 645. Hémiplégie périphérique,

646. Hémiplégies bilatérales. asso-

ciées, 648. Syndrome d'Avellis.

de Schmidt. de Jackson. de Tapia,

649. SpASMEs, 649. Spasme glot-

tillue respiratoire par irritation directe,

li30. d'origine centrale. d'origine

périphérique, 11 : : Í'1. réflexe, 652.

Névroses. Spasme de la glotte des nour-

rissons. Toux nerveuse. Vertige laryngé.

655. Troubles laryngés dans les

névroses, 11J r4. - Slt : mne glottique pho-

nique, 655. Traitement électrique

des paralysies, 1508.

Lecture, examen dans l'aphasie. Lecture

des lettres, 212. des chiffres, de

l'heure, de la musique, des mots ; recon-

naissance des dessins, 215.

Lèpre. Topographie paraplégique des

troubles de la sensibilité, 549. Topo-

graphie segmentaire, 550. Topogra-

phie insulaire, 551. Atrophie, type

Duchenne-Aran, 704. Atrophie mus-

culaire, 722. troubles trophiques,

925, ! 12ü. - )Iutila tion des pieds, 1047.

Leucodermie, trouble trophique, 9)5.

Leyden (Vomissement périodique de ), ),

093.

Leyden-Moebius (Myopathie type ), ),

685.

Lhermitte. Voy. Neurofibrilles. Névroglie.

Liepmann (Apraxie ideo-motriee de),

.

Liquide céphalorachidieu. Séméiologie,

11 ` ? 0..lspcct,112 : ï. -1)cttsito, l ' : 1G.-

Coagulation, H 27. - Crvoscopie, 1127.

INDEX ALPHABÉTIQUE.

1589

- Cytodiagnostic, 1128. - Recherches

chimiques, 1150. - Examen bactério-

logique, 1152 - Écoulement prolongé,

1144. ZD

Little (Syndrome de -), 508. - pied

bot, 1052.

Localisations corticales motrices, 592,

597. - radiculaires motrices. 599.

Lombaire (Syndrome - des lésions mé-

dullaires), 515.

Lombricaux. Innervation, physiologie,

550. - du pied, Innervation, physio-

logie, 555. ,

Long du cou. Innervation, physiologie,

560. - extenseur du pouce. Innerva-

tion, physiologie, 555. flléchisseur

commun des orteils, propre du

gros orteil. Innervation, physiologie,

551. - - propre du pouce. Innerva-

tion, physiologie, 529. - péronier

latéral. Innervation, physiologie, 548.

supinaleur. Innervation, physio-

logie, 550.

M

Mac Ewen (Syndrome de -), ptosis, : )9.

Macropodie congénitale, 1045.

Main. Séméiologie, 1015. - TiOUI1,E.; nu

développement. Difformités tératologi-

ques, 1015. - Dystrophies congénitales,

1016. - Difformités acquises. - ostéo-

articulaires, 1017. - des parliez molles,

1027. - mutilantes, 1(I` ? 9. - Am-

TUvicieuses, 10a`3. - )IOUVE31ENTS

anormaux, 1040.

- (le J/or<'fUi, 1029. - de singe, Du-

chctzttc-Aruu, 699, 1055. - succulente

de la syringomélie, 1027.

Mains botes congénitales. - avec mal-

formation osseuse. - paralytiques. 1052.

- Spasmodiques, 1055. acquises,

paralytiques ou spasmodiques, 1055.

Mal de. zncr, vertige, 159. - vertige,

vomissements, 995. - des montagnes,

vertige, 15 ! ). - her/oranl buccal, 92L

977. - perforant plantaire, 925,

1047.

Marche. Troubles ataxo-spasmodiques,

W2. - Démarches sautillantes, a

petits pas, 495. Troubles par con-

tracture on rigidité, 494. - dans le

lll ! )('.1, 755.

Marchi. Voy. Fibj--és-a- myéline.

Marie (Névrite interstitielle hypertro-

phique, forme Pierre -), li9li.

Masculisme, 1090.

Masse commune des muscles spinaux.

lliocosizil, long dorsal, transversale épi-

neux. Innervation, physiologie, 575.

Masséter. Innervation, physiologie, 590.

Massues terminales, coloration de Ra-

mon y Cajal, 1570.

Mastication, troubles, 985.

Mégalodactylie, 1015, 1045.

Membres. Mensuration, 1072, 1075,

1077.

Mémoire. Examen dans l'aphasie. - en

général, 214. - optique, auditive,

gustative, 215. - chez les idiots, 266.

Ménière (Svndrome de ), )52, 166,

995.

Méningite cérébro-shirtale, signe de Ker-

nig, 485. - Traitement électrique de

ses complications. ]501. - ologène,

111. tuberculeuse, signe de Kernig,

z tuberculeuse du nourrisson,

somnolence, 190.

Méningites, lésions de l'oreille consé-

cutives, 120. - Examen du liquide

céphalorachiclien, 1155. - Ponction

lombaire thérapeutique, 1141.

Méningo-myélite syphilitique. Atrophie

musculaire, type Aran-Duchennc, 704.

Mensuration du tronc et des membres.

10 i v. - de la taille, 1075.

Mentales (Thérapeutique des affections

- ). 1'o ? Aliénés.

Méralgie pareslhésique, 594.

Mercuriel (Tremblement -), 848.

Mérycisme, lll00.

Métamérie spinale, 554. - Topographie

segmentaire des troubles de la sensi-

bilité, 550.

Métatarsalgie, 597.

Migraine, 568, 598. - ophtalmique, -

ophlalmoplégique, 598.

Millard-Gubler (Syndrome de -), phé-

nomènes oculaires, 71, 471.

Mimique. Examen dans l'aphasie. -

conventionnelle, 214. - descriptive,

214. - Troubles chez les aliénés, 252.

Moelle (Affections de la ). Troubles de

la sensibilité, 31 ;1. - (Tumeurs de la

- ), .i ! J7. - (Lésions de la ). nLlG-

nostic en hauteur, 515. Syndrome

cert·ical srrpér-iew·, 51-k. - cervico-

dorsal ou brachial-dorsal. lombaire.

INDEX ALPHABÉTIQUE.

- sucré, 515. du cône médullaire,

z'16. - de la queue de cheval, 517. '

THauu.ysxs; recherche des corps

étrangers par les rayons X, 1166.

(Lésions de la réaction de dégéné-

rescence, lu)56. - Maladies, Traite-

ment par l'électricité, 12 : alc,, 1296, 1510.

=-7 COUPES macroscopiques, 1548. -

technique de- mensuration des atro-

phies du névraxe, 1374.

Mongolisme. Idiotie mongolienne, 270.

Monoplégie brachiale, 621. - d'origine

hystérique. - par lésion cérébrale,

médullaire, radiculaire, 622. - ou

névritique, 625.

Morvan (Chorée fibrillaire de -), 868.

(Main de -), 1029.

Motilité. Examen de l'aphasie, 215. -

(Troubles de la -). ). Hémiplégie, 462.

- Paraplégie, 486.

Mouvements anormaux de la main,

1040. des pieds, 1058. - associés,

477. - dans l'hémiplégie, 476. - z

dans la paralysie faciale, 480 : - com-

pensateurs des vertiges, 155. - des

idiots, 267. - involontaires dans

l'hémiplégie, 464.

Moyen fessier. Innervation, physiologie,

559.

Müller (Liquide de -). Vo. Fixation.

Muscles (Lésions des -), réaction de

dégénérescence, 1259. - physiologie.

Séméiologie des paralysies musculaires

isolées, 521, de l'avant-bras, para-

lysies, 526. - de l'éminence ihénar. In-

nervation, physiologie, 534. - de l'é¡ni-

nence hypothénar. Innervation, physiolo-

gie, 555.-de l'épaule, 521. - de 1'oeil,

dynamométrie, 18. - paralysies, 61,

68. - de l'oreille externe. Innervation,

physiologie, 58'1. - de la cuisse, para-

lysies, 542. de la jambe, paralysies,

546. - de la main, paralysies, 534. -

des gouttières vertébrales, 575. - du

bassin, paralysies, 559. - du bras,

paralysies, 521, 524. du cou, 556.

- du pied, 552. du thorax, 561.

- de l'abdomen, 505. -dit clos, 571.

- de la nuque, 573. intercostaux.

Innervation, physiologie, 565. - in-

iransversaires, 578. épineux, 578.

- du coccyx, 579 : peauciers du

cou et de la tête, 579, des pau-

piètres, 582. dit nez, 584. - des

- lèvres, 585. masticateurs, 590.

pelvi-trochanlériens : Innervation, phy-

siologie, 540, 541.. w

Mutisme voulu dans les affections men-

tales, 197. - vésanique, 230;

Myasthénie bulbo-spinale, 814. .SïHp-

TOMES bulbaires, symptômes spinaux, 815.

- Réaction myasthénique. Diagnostic,

816. ' .

Myasthénies épisodiques, 813. Mala-

dies familiales.- Paralysie périodique,

814. Vertige paralysant, 814.

Myasthénique. S'ciy. Réaction myasthé-

nique...

Mydriase, ses causes. Affections du globe,

action de substances médicamenteuses,

infections, intoxications, maladies du

système nerveux. Importance relative

des diverses causes, 86, 87. - para-

lytique. - spastique, 84. pltysio,

logique, 88.

Myélites, atrophie musculaire, 715.

transverses chroniques, 501.

Myélopathies rtlrophiques progressives

de l'enfance- et de l'adolescence. Carac-

tères et Symptômes, 691. - Variétés,

695. - des vieillards, 510.

Mylo-hyoïdien. Innervation, physiologie,

z,

Myoclonies. Description, 865. - Ding-

Nos,rie, variétés, '866. Paramyoclonus.

Chorées électriques, 867. - Chorée

fibrillaire, 868. - Myoclonies épilep-

tiques. familiales, 869. - Myoclo-

nies dans les affections diverses, 869.

- llol : ymies, 870. - Traitement

électrique, 1359.

Myokymies, 870, 1267.

Myopathie hpent·opltiaztte, 738, 745.

- pseu(lo-hypei-12-ophique ou myosclé-

rotique de Duchenne, 682. - primi-

live. Traitement électrique, 1510. -

sénile, 510. - type Leyden-Moebius,

685. - type scapulo-huméral, variété

juvénile d'Erb, 685. - variété facio-

scapulo-ltztmérale de Landouzy et De-

jerine, 687. '

Myopathies, 505, 668. - Symptômes.

Absence de. contractions fibrillaires, hy-

pertrophie, 669. - Pseudo-hypertro-

phie, rétractions, 670. - Pas de réac-

tion de dégénérescence, 672. - État

des réflexes, 672. - Muscles de la

racine des membres, 675. Évolution

lente, 674. - Symptômes non muscu-

laires, 675.-Concomitance d'affections

INDEX ALPHABÉTIQUE.

familiales ou héréditaires, 680. Con-

, comilance de plusieurs types de myopa-

thie chez le même sujet, z

Variétés topographiques, 682. - Pied

hot, 1056. - RADIOGRAPHIE de l'atro-

phie osseuse, 11 76.

Myopsychies, 680.

Myosis, ses causes, 88. - spasmodique.

- spaslique, 84. - physiologique,

89. .

Myotonie congénitale, hypertrophie

musculaire, 758. - particularités cli-

niques, 742.

Myotonique. Voy. Réaction myotonique.

Myrtiforme. Innervation, physiologie, 585.

Myxoedème. Idiotie myxoedémateuse, 273.

- La main, 1028. Le pied, 1046.

- Nanisme, 1091. Radiodiagnostic,

1179.

. N

Naevi, (roubles trophiques, 917.

Nageotte. Vov. Fibres à myéline, Fixa-

lion..

Nanisme, m.mdéntateu2, 1091. -

- achondroplasique, 1092. rachi-

tique, 1094. - par dysplasie périostale.

- chez les arriérés. - dans l'hérédo-

syphilis. - dstroplriqzt.e. - essentiel,

1095. - par anomalies des membres

inférieurs, 1096. - R : 1DIOGR<IPIfIE, 1179.

Narcolepsie, 189.

Négation (Idées de -) chez les aliénés,

244.

Néphrite interstitielle, vertiges, 171.

Nerf acoustique, exploration électrique,

réactions auditives, 1272. - auditif,

origine, trajet et décussation de ses

libres, 124. - -, maladies. Effets des

lésions situées dans son trajet intracra-

nien, 156. - dans ses centres bul-

baires, 157. - dans ses centres céré-

braux, 159. - circonflexe, paralysie,

630. - crural, névralgie, 594. -

paralysie, 655. - cubital, paralysie,

652. - facial, paralysie, 625. -

glosso-pharyngien, paralysie, 627. - z

honteux interne, névralgie, 594. -

hypoglosse, paralysie, G29. - laby-

rinthique, lésion. Ataxie, 765. - maxil-

laire inférieur, névralgie, 587. -

Injection d'alcool, 422. - maxillaire

supérieur, névralgie, 587. - Injection

d'alcool, 425. - médian, paralysie,

652. - moteur oculaire commun, pa-

ralysie, 69. et parahsie de l'ac-

commodation, 97. - - - externe,

paralysie, 69. - olfactif, exploration

électriyue,1271.-oblnratezcr, névral-

gie, 594. ophtalmique, névralgie,

587. - Injections d'alcool, 423. z

optique, exploration, 2. - explo-

ration électrique, 4371. , lésions

dans les tumeurs cérébrales, 121.

pathétique, paralysie, 69. phrénique,

névralgie, 591. - -, paralysie, 629.

pneumogastrique, paralysie, 627.

radial, paralysie, 650. - sciatique,

névralgie, 595. -, paralysie, 654.

- spinal, paralysie, 628. h'ty'tfment,

lésions, phénomènes auriculaires, 128.

- -, névralgie, 586. - ? paralysie

de la branche motrice, 627 f

Nerfs, lésions, atrophies musculaires con-

sécutives, 716, 719. - brachiaux, né-

vralgies, 590. - cervicaux, névralgies, ? 88, 389. - coccygiens, névralgies,

595. - crâniens, paralysies, 625.

-, lésions, réaction de dégénérescence,

z)56. - de la sensibilité générale,

exploration électrique, z1269. - du

goût, exploration électrique, 1271.

intercostaux, névralgie, 595. - oculo-

gyres, 78. - périphériques (Lésions

des -). Troubles de la sensibilité, 547.

- Causes. Caractères, 548. ? réac-

tion de dégénérescence, 1257. - -

(Maladies des - -). Traitement par

l'électricité, z19.95, 1501, 1503. ,'

Fixation, coloration, étude, 1572.

rachidiens, territoires de distribution

cutanée, 3 ? 525.- Rapports de leurs

émergences avec les apophyses épi-

neuses, 527. , innervation motrice,

605. - Rapports entre leurs émergen-

ces médullaires et les apophyses épi-

neuses, 608. - sensitifs de la peau,

réactions électriques, 1269. - senso-

riels, exploration électrique, '1269.

spinaux, paralysies, 025.

Neurasthénie et fatigue de l'accommo-

dation, 98. - Vertiges, 172. Trou-

bles de la sensibilité objective, 556. -

Incoordination, z digestive, 1001.

- Traitement électrique, 1532.

Neurofibrilles. Coloration de liamon y

Cajal, 1368. - Imprégnation de Biel-

chowsky, 1570. - de Lhormitte, 1571.

Neurofibromatose généralisée et trou-

bles trophiques, 917.

1592

INDEX ALPHABÉTIQUE.

Névralgie cervico-occipitule, 388. - cer-

vico-brachiale, 589. - diaphragma-

tique, 39'1. - intercostale, 5,¡¡2. - du

plexus lombaire, 393. - de Horion,

597. - du larynx, 642. - faciale

déterminée par les lésions du nez, 151.

caractères, 386 ? lymphocytose

rachidienne, 1157. traitement élec-

trique, 1519. - Yoy. aussi Injections

d'alcool. rénale. Idiopathique, symp-

tomatique, 9 ! 5.- Symptômes, 9 ! 4.-

Traitement, 945. - scialique, 395. -

Traitement électrique, 1514. - uré-

trale, 950. - vésicale. Idiopathique,

945. - Symptomatique, 946. - Sym-

.ptômes, 947. - Diagnostic, 948.

Traitement, 949.

Névralgies et algies, 380. - Description

générale. Causes, 38'1. - Accès dou-

loureux, 3882. - Modalités, 585.

Localisations, 584. - Traitement. Médi-

caments antialgiques, antispasmodiques,

400. - Médicaments hypnotiques, anal-

gésiques, 411. - Médicaments hypno-

tiques directs, 415. - Liniments, gly-

cérolés, 418. - Révulsion, électricité,

420. - Air chaud, radiothérapie, hydro-

thérapie, injections d'eau ou d'air, 421.

- Injections intra-arachnoïdiennes ou

épidurales, injections d'alcool dans les

troncs nerveux, 422. Radiothérapie,

. 1189.

Névrite ascendante, atrophies consécu-

tives, 7'19. interstitielle hyperlro-

phique, 780. Forme Gombault-

Dejerine-Sottas et forme Pierre Marie,

696. - Hypertrophie des troncs ner-

veux, cypho-scoliose, signe d'Argyll,

697. - optique dans les tumeurs céré-

brales, 121.

Névrites. Atrophies secondaires, 719.

de type Aran-Duchenne, 706. - Radio-

diagnostic des troubles trophiques os-

seux, 1175. - Réaction de dégéné-

rescence, 1258. - Radiothérapie, 1189.

- Traitement électrique, 13ou. - in-

fectieuses ou toxiques, atrophie mus-

, culaire consécutive, 720.

Névroglie. Coloration au carmin, 1555.

Coloration élective, méthode de Weigel'l,

1565. - d'Anglade, 1566. de

Lh.ermitte, 1567.

Névrome plexi/brnce de la main, 1028.

Névropathie urinaire, 966. '

Névroses, phénomènes auriculaires, 128.

- vertiges,. 171. troubles de la sen-

sibilité, 3552. - troubles laryngés, 654.

incoordination, 781. traitement

électrique, .1325. -

Névroses du larynx, 652. 11'a1l111ati-

ques, tremblement, 847.

Nez, maladies, 147. - Troubles de l'odo-

rat, 148. - Troubles nerveux consé-

cutifs aux maladies du nez, 150.

Nissl. Voy. Cellule nerveuse.

Nodosités d' Hebenlen. - de Boucharrl"

1025.

Notion de position. - de mouvement ac-

tif. - de mouvement passif. - de ré-

sistance, de force et de poids, 298.

Nourrissons. Voy. Spasme de la glotte.

Noyau de (Jèiter. (Syndrome du -), ),

vertiges, 171, 804. - Yoy. Bonnier.

Noyaux bulbo-prolubéranliels, lésions.

Paralysies de la motilité oculaire, 73.

Nystagmus, 60. - horizontal, vertical,

oblique, rotatoire, '109. - Variétés

étiologiques. - congénital, acquis. -

des mineurs, dans les affections de

l'oreille, ho. - dans les maladies ner-

veuses, 11'1. - autres variétés, 112.

- spontané dans les lésions de l'oreille,

145. - expérimental provoqué, 144.

O

Obsessions digestives, 1006.

Obturateurs. Innervation, physiologie,

541. -

Occipito-frontal.- Innervation, physiolo-

gie, 582.

Odorat, troubles. Ilyperosmie, anosmie,

148. - Parosmie, 150. -

OEdème angioneurotique de Qnincke,

919. - crises gastriques, 995. - hys-

térique de la main, 1028. - du pied,

1046. - nerveux, 919. segiiieit-

taine des membres inférieurs, 1046.

OEil (Technique de l'examen du système

nerveux de 1' -), 2. - Troubles des

milieux transparents, '15. Insuffisance

de la musculature extrinsèque, 16. -

Déviation du globe, 16. - Limitation

du champ d'excursion, 18. - Explora-

tion de la motilité intrinsèque, 22.

(Valeur séméiologique des troubles ner-

veux de V 3a. Phénomènes

douloureux, anesthésie, 115, - Trou-

bles oculaires dans les tumeurs céré-

brales, 121. = Complications oculaires

INDEX ALPHABÉTIQUE.

- t595

et orbitaires des affections nasales, 151.

- Cytodiagnostic dans les affections

oculaires, 1l ! 0.

OEsophage, 985. - Spasmes, z

Troubles de la sensibilité, 987.

sophagisme, traitement électrique,

1320.

Oligurie, 9fiv.

Omo-hyoïdien. Innervation, physiologie,

558. '

Onanisme, 975.

Ongles. Troubles trophiques, 927.

Ophtalmie sympathique, 955.

Ophtalmoplégie intérieure, intrinsèque,

extérieure, extrinsèque, 74. - totale,

nucléaire progressive, 75. - Paralysie

du droit externe d'origine nucléaire,

76.

Ophtalmoscopie, 14.

Opposant du petit doigt. Innervation,

physiologie, 556. - du petit orteil. In-

nervation, physiologie, 554.

Orbiculaire des lèvres. Innervation, phy-

siologie, 588. - des paupières. Inner-

vation, physiologie, 585.

Oreille, maladies. Lésions congénitales ou

acquises au début de la vie, 126. - Lé-

sions déterminées par les méningites,

l ' : 1ü. - par l'hémorragie et le ramollis-

sement cérébral, par les tumeurs céré-

brales, 127. - par la sclérose en pla-

ques, le tabes, les lésions des nerfs, les

névroses, 128. - Étude générale des

niOUIlLES de l'ouïe, 12¡¡. - Maladies de

l'oreille interne et du nerf acoustique,

132. - Troubles nerveux déterminés

par les lésions de l'oreille, 19.- Pa-

ralysie faciale, 140. Complications

intracraniennes des otites, 14 1. - Trou-

bles nerveux d'origine otique sans lé-

sions organiques. Troubles réflexes, 142.

Troubles psychiques, 145.

interne, maladies, 152. Troubles

circulatoires, 155. - Inflammations,

syphilis, 13,i. - Labyrinthites, 155.

Orth (Liquide de). Voy. Fixation.

Os. Atrophie chez les myopalhiques, 075.

Ostéo - arthropathie hypertrophianlc·

lmell1niquc. La main, 1018. - Le pied,

1045.

Ostéomalacie. La main, 1026. - Radio-

diagnostic, 1180, 1182.

Ostéomes du crâne, radiodiagnostic, 1 170.

Ostéopathies labéliques. Radiodiagnostic,

11 7-lui.

l'tUTIQUE l'OEUIIOI..

Otites. Complicationsintracraniennes, 1 ! il .

Ouïe. (Troubles de l' -). ). Hyperacousie,

129. - Hypoacousie et surdité, 150. -

Paracousies, bourdonnements, loi.

Vertiges, 132.

Oxycéphalie, radiodiagnostic, 1171.

P

Pachyméningite cervicale hypertrophi-

que, atrophie musculaire type Duchenne-

Aran, 702. Cytodiagnostic, 1157.

Paget (Maladie de -). ). Radiodiagnostic,

1178, 1181, 1182.

Pal. Voy. Fibres à myéline.

Palmaire cutané. Innervation, physiolo-

gie, 555.

Panaris analgésique, 925.

Paracousies, 151.

Paraffine, inclusions, 1555.

Paralysie agitante, tremblement, 840.

- La main, 1040. Le pied, 909.-

Traitement électrique, 1559.

- cérébrale infantile, atrophies muscu-

laires, 715.

- de l'accommodation. Voy. Acconrtrto-

dation.

de l'orbiculaire des paupières. Voy.

Gndoplilalnaie. paralytique.

- de la branche motrice du trijumeau,

Ü 2'i.

- du moteur oculaire externe d'origine

auriculaire, 145.

- du nerf circonflexe, 030.

- du nerf radial, lia0.

- traitement électrique, 1050.

- du nerf cubital. - du nerf médian ,

652. - du nerf crural, (i ? - du

nerf sciatique, 654.

- du nerf glosso-pharyngien, 027.

- du nerf hypoglosse, 629.

- du nerf phrénique, 629.

dit nerf pneumogastrique, 027.

- du nerf spinal, 0`â.

faciale et lagophtatmie paralytique, 105.

- phénomènes auriculaires, 128.

d'origine otique, 140. - Signe de

Charles Bell, 480. - Autre mouvement

associé, 480. - Caractères, 023.

Pronostic de la réaction de dégénéres-

cence, 1262. - Traitement électrique,

1550. '

générale. Amyotrophie de type Aran-

Duchenne, 706. Tremblement, 859.

- Lymphocytose rachidienne, Il 32.

8 ?

- 1594.

INDEX ALPHABÉTIQUE-,

Paralysie labio-{Jlosso-li : l1'yngée, 800.

à inarche lente. Poliencéphalite infé-

rieure chronique, 805. à marche

rapide. Poliencéphaliteinférietire aiguë,

805. '

- périodique familiale, description cli-

nique, 519, 814. "

- pseudo-bulbaire. Voy. Pseudo-bul-

baire.

- spinale aiguë de l'adulte, atrophie

musculaire, 715. - spinale infantile,

atrophies musculaires, 712. - Défor-

mation des pieds, 1055. - Cytodiagnos-

tic, 1156. -

Paralysies d'origine médullaire, atro-

phies musculaires secondaires, 711.

d'origine cérébrale, atrophies muscu-

laires secondaires, 715. d'origine pé-

. rijihérique, atrophies consécutives, 71o.

- des muscles moteurs des globes ocu-

laires. Symptômes. Strabisme, 58. -

Diplopie. Mouvement apparent des ob-

jets, 59. - Vertige oculaire, orienta-

tion fausse, nystagmus, 60.- Diagnos-

Tlc des muscles paralysés, 61. - Dia-

gnostic de la paralysie d'un seul muscle,

gaz. - Diagnostic quand plusieurs mus-

cles sont paralysés, 67. - Vérification

du diagnostic, 68. - Diagnostic du

siège, 68. - Aspects cliniques suivant

le siège de la lésion. Paralysie d'un mus-

cle, 68. - Paralysie d'un filet nerveux,

paralysie d'un tronc nerveux, 69.

Paralysie d'origine pédonculo-protubé-

rantielle, 70. Paralysie par lésion

isolée des noyaux pédonculo-protuhéran-

tiels, 75. - Paralysie par lésion des

centres et voies supra-nucléaires, 77. -

Troubles moteurs oculaires associés. Dé-

viations conjuguées, 79. - Paralysies

associées, 80. - Aspects variables sui-

vant la cause. Traumatisme, compres-

sion, tumeurs cérébrales, méningites,

maladies du système nerveux, 81. -

Infections, intoxications, 82. - Traite-

ment électrique, 1508.

- des nerfs crâniens et des nerfs spi-

naux, 625.

- du larynx, 645.

hystériques. Traitement électrique,

1537.

intestinales, 998.

- isolées des muscles, séméiologie, 521.

radiculaires. Paralysies du plexus bra-

chial, 611. Type radiculaire supé-

rieur, 612. Type radiculaire inférieur

avec syndrome sympathique (Kluinpke),

614. Paralysie radiculaire totale,

615. Tvpes complexes ; 616. - Pa-

ralysies radiculaires traumatiques, 616.

- - obstétricales, 619. - - dans

les pachyméningites, dans les compres-

sions inirarachidiennes, 620 ? dans

la syphilis, 621. -- - du plexus -loin-

baire et du plexus sacré, 621. - ra-

diculaires sensitives du plexus bra-

chial, 557. - - des plexus lombaire

et sacré, 558.

Paramyoclonus multiplex, 867. - Dia-

gnostic avec les tics, 895.

Paraphasie, 211.

Paraplégie, phénomène des orteils, 452.

- Examen du malade. Description et

formes cliniques, 486. - Classification,

491. - Diagnostic différentiel du syn-

drome, 492. - Valeur séméiologique,

494. - Considérations générales, D'il.

- Pronostic et traitement, 512.

Diagnostic topographique, 515.

aiguë, 491, 502. ataxique, 762.

subaiguë, 762. chronique, 491 ?

croisée, 490. - de Erb, 499, 500. -

flasque, 489, 502. - fonctionnelle,

501, 506. - passagère, 505. - pério-

dique familiale, 505. - récidivante,

505. - sensitive, 518, 490. - spas-

modique, 489, 494. - Pied bot, 1056.

- radiothérapie, 1186. - spasmodique

familiale, 501, 508. - tardive d'ori-

gine traumatique. Application du ra-

diodiagnostic, 1169.

Paraplégies de l'adulte, 494. - spasmo-

diques, avec exagération des réflexes

sans contracture, atrophie musculaire

constante, 494. - avec contracture^

495. - d'origine traumatique. - avec

déformation rachidienne, 495. - avec

démarche ataxo-spasmodique, 498. -

avec troubles sphinctériens et trophi-

ques, 499. - Maladies familiales, 501'.

- spasmodiques fonctionnelles, 501.

- flasques d'origine traumatique. - à

évolution aiguë, 502. - à évolution

lente, 504. - récidivantes, 505. - as-

sociées à des crises douloureuses, 506.

- flasques fonctionnelles, 506.

- ,de l'enfant. Little. Spina bifida, 508.

Diplégies cérébrales. Paraplégie spa-

smodique familiale, 509.

- du vieillard. Double hémiplégie, 509.

INDEX ALPHABÉTIQUE.

1395

- Paraplégie myélopathique ? Myo-

pathie sénile; 51 L '

Paraplégies radiothérapiques, 1185.

Paresthésies du larynx, 641.

Parkinson (Maladie de). Voy. Paralysie

agitante. ?

Parole, troubles. Toute conversation est

impossible avec le malade ; la parole n'est

pas comprise, .194. - Le malade com-

prend, mais n'exprime pas sa pensée,

1l15. - Le malade ne veut pas parler,

197. La conversation est possirle,

mais le langage du malade est troublé;

troubles delà phonation et de l'articula-

tion, l 98. - Troubles du débit, 202.

Variations du timbre, 205. - Troubles

constitutifs de la formation des, mots ou

des phrases, 205. Compréhension

dans l'aphasie, 210. Examen dans

l'aphasie. Parole spontanée, 211. - ré-

pétée, chant, 212. - Troubles chez les

aliénés, 251. - Chez les idiots, 266.

Parosmie, 150. - '

Paupières, exploration, 32. - Troubles

de la motilité, 98. - Paralysie du rele-

veut de la paupière supérieure, 98. -

Paralysie de l'orbiculaire, 105. - Trou-

bles palpébraux dans la paralysie faciale

périphérique, 103. - dans la paralysie

du facial inférieur, 106.

Peau des zzopatltiques, 677.

Peaucier du cou. Innervation; physiologie,

580.

Pectiné. Innervation, physiologie, 544.

Pédieux. Innervation, physiologie, 552.

Pédoncules. Syndromes oculaires dans

les tumeurs des -, 125. Lésions,

hémianesthésie, 514. '

Pédonculo-protubérantielle. (Paralysies

oculaires d'origine -), 70, 75.

Percussion des centres nerveux, 1118.

Péritoine. Séméiologie, 997.

Péritonisme hystérique, 9951.

Perméabilité méningée, 1 '127.

Péronier antérieur. Innervation, physio-

logie, 548. -

Persécution (Idées de -), 21.

Petit dentelé postérieur et supérieur. -

- et inférieur. Innervation, physio-

logie,. 572, 575. fessier. Innervation,

physiologie, 540. - palmaire. Inner-

vation, physiologie, 527. - rond. In-

nervation, physiologie, 525.

Pharynx, 984.

Phénomène de Slrünzpell, 480,. - des

orteils, 4'47. Chez les enfants, 450.

- Dans l'hémiplégie, 451. - Dans les

paraplégies, etc., 452.

Phobies d'origine auriculaire, 146. -

de l'insomnie, '195 ? digestives, 1006.

Phonation, troubles, 198.

Pick (Apraxie idéatoire de -), 225.

Picro-carmin. Voy. Carmin.

Pied. Séméiologie. TROUBLES du D1`ELOP-

PEMENT. Difformités tératologiques, 1042.

Dystrophies congénitales, 1045. - Dif-

formités acquises. - ostéo-articulaires,

1043. - des parties molles, 1046. -

mutilantes, 1047. -ATTITUDES vicieuses,

z Mouvements anormaux, 1058.-

d'éléphant, 1045. de Friedreich, 1054.

Pieds bots congénitaux, avec malforma-

tion osseuse; ,'1 040. - paralytiques, 1049,

1051. spasmodiques, z. -

- acquis paralytiques dans les affec-

tions cérébrales, médullaires, 1055. -

dans les altérations des nerfs et de leurs

racines, 1055. - dans les myopathies,

les névroses, 1056. - acquis spasmo-

diques, 1056.

- creux congénitaux, 1056. - acquis,

1057. Pieds plats congénitaux. -

acquis. Pied plat valgus douloureux, 1057.

- tabétiques, 724, 1045, 1055.

Pigmentation, troubles, 915.

Plantaire grêle. Innervation, physiologie,

550.

Plexus brachial, topographie radiculaire

de l'innervation cutanée, 521. - Para-

lysies radiculaires sensitives : type su-

périeur, type inférieur, 357. Type

total, type complexe. Paralysies radicu-

laires sensitives pures, 358. Névral-

gies, 590. Paralysies radiculaires, 611.

- Lésions et compressions, atrophies

secondaires, 717. 7 . '

- lombaire, névralgie, 595. Paralysies

radiculaires, 621. - Lésions et com-

pressions, atrophies secondaires, 718.

- lombo-sacré. Paralysies radiculaires,

558. - Type total (lombo-sacré). -

Syndrome de la queue de cheval, 559.

- Diagnostic des paralysies radiculaires

et des lésions médullaires, 342. Com-

pression. Pied bot, 1055.

- sacré. Paralysies radiculaires, 621.

Lésions et compressions, atrophies se-

condaires, 718.

Pneumogastrique. Voy. Nerf pnewno-

gastrique. '

1596

INDEX ALPHABÉTIQUE.

Poils. Troubles trophiques, 927.

Poliencéphalite inférieure chroniqlle.-

aiguë, 805.

Poliomyélite, 505. - antérieure aiguë,

réaction de dégénérescence, 1257. -

Pronostic, 1261. - Traitement par

. l'électricité, 129G. - antérieure cIl1'o-

nique , réaction de dégénérescence, 1257 '.

- Polydactylie, 1015, 1042.

Polynévrites, 505. - Atrophies secon-

daires, 721. - Pseudo-tabes, 7G2. -

Réaction de dégénérescence, 1258. z

Pronostic, 1261. - Traitement par

l'électricité, 1501.

Polyurie, 965. - Diagnostic. Traitement,

964. 4

Ponction lombaire. Technique. Aiguille.

Attitude du malade, l 120. - Points de

repère. Asepsie et anesthésie de la peau,

1121. - Ecoulement du liquide. Inci-

dents, 1122. Accidents, 1125.

Résultats, 1124. - Thérapeutique dans

la méningite cérébro-spinale, tubercu-

leuse, contre l'urémie, 1141. Dans

les comas, céphalées, tumeurs cérébrales,

z. - Dans les troubles auriculaires,

dans les traumatismes crâniens et rachi-

diens, 1145.

Poplité. Innervation, physiologie, 550.

Pott. Radiothérapie des compressions mé-

dullaires, 1187.

Pression artérielle, troubles, 95J.

Priapisme, 968. - Traitement, 969.

Prognathisme, 1099.

Prosopalgie, 586.

Protubérance. Syndromes oculaires dans

les tumeurs de la z, 125. - Lésions,

hémianeslhésie, 514. - Réaction de

dégénérescence, 1256.

Pseudo-appendicite hystérique, 1000.

Pseudo-bulbaire (Paralysie -). Symp-

tômes, 807. - Evolution. Formes cli-

niques. Diagnostic, 811.

Pséudo-péritonite hystérique, 999.

Pseudo-tabes par lésions médullaires,

ataxie, 760. - par lésion des nerfs pé-

riphériques. - polynévritique, 762.

Traitement électrique, 1522.

Psoas iliaque, petit psoas. Innervation,

physiologie, 569.

Psychiatrie. Séméiologie psychiatrique,

228.

Psychiques. Voy. Troubles psychiques.

Psychoses et maladies de l'oreille, 146.

Troubles de la sensibilité objective, 558.

Ptérygoïdien interne, erlei-tie.'liiiier-

vation, physiologie, 590, 591.

Ptose gastrique. Vomissements paroxys-

tiques, 994.

Ptosis, mensuration, 52. - paralytique,

- isolé, 98. accompagné ou associé,

99. - diagnostic différentiel des ptosis.

Diagnostic du siège, 100. - Diagnostic

de la cause, 102. - traumatique cu-

raide, congénital, 102. m;/on;f/uc,

105.

Ptyalisme, 988. 1

Puberté. Gigantisme transitoire, 1087.

Pupille, Exploration de sa motilité, 25.

- Modifications des dimensions pupil-

laires, 82. - Dilatation pupillaire, my-

driase, z Rétrécissement pupillaire,

. myosis, 88. - Déformations pupillaires,

89. - Inégalité pupillaire, 90. - Mo-

bilité pupillaire, 91. - Troubles ré-

flexes, 91.

Pyélite, 900. - Pyélonéphrite, 901..

Pyramidal. Innervation, physiologie, 567.

- du bassin. Innervation, physiologie.

540. - du nez. Innervation, physio-

logie, 585.

Q

Quadriceps fémoral. Innervation, physio-

logie, 545.

Queue de cheval (Syndrome de la -),

559, 517. - Diagnostic des paralysies

radiculaires et des lésions médullaires,

542. - Compression. Pied bot, 1055.

R

Rachialgie, 599. '

Rachis. Traumatismes. Ponction lombaire

thérapeutique, 1145. - Recherche des

corps étrangers par les rayons X, 1167.

Déviations et ankyloses, radiodiagnos-

tic, ! 172.

Rachitisme. Déformation des mains, 1025.

- Déformation des pieds, 1045. - Na-

nisme, 1004. - Radiodiagnostic. l 178,

1180.

Rachistovaïnisation,' 1145.

Racines spinales, territoires de distribu-

tion cutanée, 525, 524, 524. - (Affec-

lions des -), troubles de la sensibilité,

556. - Lésions et compressions, atro-

phics secondaires, 718. - Traitement, t

électrique, 1505.

INDEX ALPHABÉTIQUE.

13 ! 17 Î

Radiaux externes. Innervation, physio-

logie. 550.

Radiculaire. 1'ov. Topographie radicu-

laire.

Radiculites. Causes, 544. Lésions.

Formes cliniques. Valeur séméiologique,

545. - Réaction de dégénérescence au

point de vue du pronostic, 12151.

Radiodiagnostic. Emploi des rayons \

en clinique neurologique. Généralités.

Classification des cas, 1165. - Radio-

scopie et radiographie. Instrumentation

et technique. ,11 ü5. - Aspect radioora-

i'iiique dans les différentes affections

nerveuses. - Traumatismes de la moelle

et du cerveau, 1111G. - Déformations

t pathologiques du crâne et du rachis,

i 171.- Déformations osseuses dans les

affections nerveuses, ] )7t.Afïcctions

osseuses dystrophiantes, 1 l7fi.

Radiothérapie. Emploi des rayons X en

thérapeutique neurologique. Généralités,

118-4. -- Traitement de diverses af1'ec-

tions nerveuses. Syringomyélie, paraplé-

gies spasmodiques, -118G.- Sclérose en

plaques, compressions médullaires, un.

- Spondylose rhizomélique, affections

de l'encéphale, affections de l'hypophyse,

1 188. - Tumeur du cervelet, goitre

exophtalmique, névralgies et névrites,

1189.

Ramollissement cérébral, lésions de

l'oreille, 127.

Ranvier. Voy. Carmin.

Raymond-Cestan (Syndrome de -), plié-

nomènes oculaires, 75, 472.

Raynaud. Voy. Gangrène symétrique.

Réaction de dégénérescence, J ' : 14G. -

Dans les processus aigus, 1240. Allé-

rations quantitatives et qualitatives, 1247.

- Déplacement des points moteurs,

1248. - Formes de la réaction par-

tielle, 1249. - Période initiale de la

IL D., 1250. l'ériode d'état, période

terminale, 1251. Syndromes de dé-

générescence dans les processus chro-

niques, 1255. Signification au

point de vue du diagnostic, 1255.

Lésions de l'encéphale, 1256. - Lésions

de la moelle, 1257. Lésions des

nerfs, 1258. - Lésions des muscles,

1250. Signification au point de

vue du pronostic, 1259.

(le Wassermann, l 113, 1152.

myasthénique, caractères, 1207.

Réaction ntlloloniqrtc, caractères, 1262.

- Excitabilité des nerfs, des muscles,

1265. - Réaction incomplète, 1266.

- neurotonique, 1267. ,

Réactions électriques. Conservation des

réactions normales, 1240. - Augmen-

tation simple de l'excitabilité, 1241. -

Diminution simple de l'excitabilité, 1245.

- Altérations complexes de l'excitabi-

lité, 1240. - de l'appareil auditif, ré-

sultats de l'examen, 1277.

Rééducation des mouvements. - Prin-

cipes généraux, 785. - Conditions né-

cessaires pour la rééducation des alaxi-

ques, 787. - Notions générales, 788.

- Technique, exercices au lit, 789.

Exercices de marche, 7 ! H. - Exercices

du tronc, 795. - Exercices des mem-

bres supérieurs, 796. - motrice des li-

qUC1l1'S, 895.

Réflexe abdominal, 454. - aclrilléeu,

452. - Abolition, 437. - anal, 455.

- antagoniste, de Sche/jer, 455. -

buccal, 455. - bulbo-cavernenx, 454.

- conlralaléral des adducteurs, 450.

- créniastérien, 455. - des orteils,

447. Recherche, 4H). Signe de

l'évenlail, 450. - du fascia Iota, 455.

- du poignet, 454. - épigaslrupic.

454. fessier, 455. nzarnellaire,

If;)3. - rnassélérin, ! t4. - palptébrctl,

45a.- pharyngé, 455. pilo-moleur,

455. - plantaire, 452.

pupillaire il la lumière. Recherche il

la lumière du jour, 25. - Recherche à

la lumière artificielle, 2H, 01. - con-

sensuel, 28, 95. - hénziannpique, 29,

04. - dans le passage de la vision loin-

taine -Il la vision rapprochée, 50, 95.

aux excitations cutanées, 50, 95.

- - l'occlusion des paupières, 50,

95. d'origine psychique, 51, 95.

- Troubles. Perte du réflexe lumineux,

91. - Réflexe consensuel, 95. - Perte

du réflexe hémiopique, du réflexe de

convergence, 94. - Ralentissement des

mouvements pupillaires, réaction mus-

culaire myotonique, réflexe paradoxal, 05.

- roll/lien, Position du malade pour assu-

rer le relâchement du triceps, 427.

Instrument percuteur. Point il percuter,

428. - Manoeuvre de Jendrassik. Con-

statation du réflexe. Causes d'erreur,

z Appréciation du réflexe, 450.

Abolition, ! a3(i. - Exagération, 444.

1598

INDEX ALPHABÉTIQUE.

Réflexe vaso-moteur d'origine cutanée,

, 455. ?

Réflexes. Nature et localisation, 457.

(Troubles des.-), 427.- Réflexes ten- : . dineux, . 427. Jftésultats fournis par

l'examen. Variations en dehors des con-

ditions morbides, 435. - Variations des

- - dans les maladies. Abolition partielle,

456. - Abolition généralisée, 441.

Exagération aux membres inférieurs,

444. - aux membres supérieurs. -

d'un seul -côté du corps. - générale,

445. - portant sur un seul membre,

447. - cutanés, 447. - Valeur sé-

méiologique, 455. - Exagération. Ab-

sence ou diminution, 456. Abolition

. localisée, 457. '

- à point de départ nasal, 153.

- dans l'hémiplégie, 464. - dans la pa-

raplégie spasmodique, 489. - dans les

paraplégies, 494, ! 95 : - dans la cho-

rée, 856.

Reichmann (Syndrome de -), 994.

Rein, névralgies, z3.

Religieuses (Idées -) chez les aliénés, 245.

Renaud. Voy. Fibres à myéline.

Résistance électrique du corps, 1276,

envers le courant galvanique continu,

1276.- Causes de ses variations, ". il-)80.

- Méthodes d'évaluation avec les cou-

rats galvaniques, 1281. avec les

courants faradiques, 1285. - modifia-

tions de la résistance dans les états pa-

thologiques, 1285. -

Respiration, troubles, 940.

Rétentions d'urine, étiologie, 950. -

Rétention aiguë. - chronique. - com-

plèle, z incomplète, 955.

Rétine, exploration, 2. - Exploration

électrique, 1271. - périphérique. Sen-

sibilité pour les formes, pour les cou-

leurs, 13. - pour la lumière, 14.

Rétinite, 15. ,

Rétraction de l'aponévrose palmaire,

1025, 1024.

Rhomboïde. Innervation, physiologie, 572.

Rhumatisme chronique blennorragique,

déformations des pieds, 1044. - chro-

nique déformant. Déformations des

mains, 1020 ? Déformations des pieds,

1044. goutteux, Déformations des

mains, 1022. - sénile. Déformations

des mains, 1022. vertébral chro-

- nique, radiodiagnostic, 1173.

Rire et pleurer sp,asncodiques, 808.

Risorius de Santoi-iiii. Innervation, phy-

siologie, 585. - '

Romberg (Signe de -), 756.

Rond pronateur. Innervation, physiologie,

527.

Rosbach (Gastroxynsis de -), 995.

Rosenbach (Signe de), 108.

Rumination, 1005.

S

Sacré (Syndrome des lésions médul-

laires), 515. - .

Saturnisme. Névrites et atrophie muscu-

laire, 725. Tremblement, 848.

Scalènes. Innervation, physiologie, 557.

Schmidt (Syndrome de -), 6mi.

Sciatique (Névralgie), 595. Traitement

électrique, 1514. -

Sclérodactylie, troublés trophiques, 914.

Sclérodermie, troubles trophiques, 914.

et sclérodactylie, 1050, 1047.

Sclérose combinée sénile, ataxie, 7G3.

en plaques, lésions de l'oreille, z

Atrophie musculaire typeAran-Duchenne,

705. - Tremblement, 858. - Crises

gastriques, 993. - Cytodiagnostic, 1137.

- Radiothérapie, 1187. - latérale

amyotrophique, atrophie musculaire

type Duchenne-Aran, 702. - Traite--

ment électrique, 1510.

Scoliose des myopalhiques, 676.

Scotomes centraux, 40. - pour les cou-

leurs, 7. - insulaires, 58.

Sécrétion lacrymale, troubles. Hypersé-

crétion, 113. - Hyposécrétion, sécré-

tions anormales, 114. sud orale,

troubles, 98.

Sénilisme, ·190. '

Sensations internes, cénesthésie, 578.

Sens des attitudes segmentaires, 299. -

musculaire, 297. - séméiologie, 301.- . Jo.

sléréognostique. Agnosie et asymbolie,

501. - Rapport de l'astéréoagnosie avec

les troubles de la sensibilité périphé-

rique, 302. - Recherche. Valeur sé-

méiologique, 303.

Sensibilité. Examen dans l'aphasie, 216.

- li la pression, 291. Voy. Pares-

thésie. - articulaire, 291. Cft<CHe

dans l'hémiplégie, 465. - des troncs

iierveux, 9·1. - douloureuse, 287.

électrique, 289.- gastrique, - mam-

maire, - testiculaire, - trachéale,

vésicale, 559.

INDEX ALPHABÉTIQUE.

1590 q

Sensibilité générale, 274. Anatomie et

physiologie des voies sensitives. Yoy.

Voies seusilioes. - musculaire, 290.

objective, troubles. Technique de leur

recherche, 281. - Sensibilités superfi-

cielles, 282. - Sensibilités profondes,

290. - Topographie des troubles objec-

tifs de la sensibilité, 504. - Troubles

dans les affections du système nerveux,

0 . - Affections de l'encéphale, 305.

- de la moelle, 515. - des racines

rachidiennes, 556. - des nerfs péri-

phériques, i'7. - dans les névroses,

552. - dans les psychoses, 558. -

dans les affections viscérales, 560.

- osseuse ou vibratoire, 294. - ]te-

cherche, 295. - Séméiologie, 29û.

- subjective, troubles. Recherche, 562.

- Douleurs, 36 ? Dysesthésies, 574.

- Besoins, sensations internes, cénes-

thésie, 578. - tactile, 285. - Degré

de la perception tactile, 285. Loca-

lisation de la perception tactile, 284. -

Interprétation de l'impression périphé-

rique. Cercles de sensations de Weber,

285. - Durée du temps nécessaire à la

perception d'une impression sensitive,

286.

thermique, 288.

Signe de l'éventail, 450, 480. - de

Charles Bell, 480. - de liernig. Voy.

Aet ? du peaucier, 419.

Solaires (Syndromes -), -1001.

Sommeil (Maladie du -), 189.

- morbide, 189. - dans les infections

et intoxications, 189. - dans les mé-

ningites, les tumeurs cérébrales, 190.

- dans l'hystérie, 191.

Somnambulisme, 10'1)

Somnolence, 189.

Sourcilier. Innervation, physiologie,

584.

Sous-clavier. Innervation, physiologie,

564. CI

Sous-épineux. Innervation, physiologie,

525. 5.

Sous-scapulaire. Innervation, physiolo-

gie, 525.

Spasmes. Diagnostic différentiel avec les

tics, 891. (le la face, 891, 892.

Traitement éleciriquc, 19. - cln la-

ryn.r, 649. - de la glotte des nour-

rissol/s, m15' - phoniques, 655. - puy-

loriques, 905.

Spermatorrhée, 969. - physiologique,

1)60. - pathologique, 970. - Itiagnos-

tic. Traitement, 971.

Sphincters, troubles, 999.

Spina leprosa, 1020. - ventosa. Défor-

mations des doigts, 10211.

Splénius. Innervation, physiologie, 575.

Spondylose r/i (;o)»f'71</i/e,radiodiagnostic,

1175. - radiothérapie, 1188.

Squelette. Troubles trophiques. Hyper-

trophie, 928. - Atrophies et déforma-

tions, 929.

Stelwag (Signe de), 107.

Stéréoagnosie, 502. dans l'hémiplégie, ! ruts.

Sterno-cléido-hyoïdien, - thyroïdien.

Innervation, physiologie, ¡j58.

mastoïdien. Innervation, physiologie,

556.

Stigmates de dégénérescence. - analo-

miques, 1097. Tète, oeit, oreille,

1098. - Prognathisme, dents, nez, face,

rachis, thorax, 1009. - Membres, or-

ganes génitaux, etc., 1100. -obstélri-

caux, I 101. - physiologiques. Trou-

bles de la motilité, du langage, de la

sensibilité, 110` ? .- mentaux, 1105.

- de la syphilis acquise, 1105. - cu-

tanés, - muqueux, 1105. - viscé-

raux, 1 100. - nerveux, 1 i 0 i . - de la

syphilis héréditaire, 1107. - cutanés,

muqueux, tesliculaires, tut08. - os-

seux, articulaires, nerveux. dvstrophi-

ques, 1109.

- oculaires de l'hystérie, 55.

Strabisme. Reconnaissance d'une dévia-

tion oculaire, 1 Ii. - Mensuration, 10.

- Strabisme apparent, 58. - non ha-

ralytique, 59. - paralytique, 59.

Stylo-hyoïdien. Innervation, physiologie,

559. 9. Il

Surcostaux, sous-costaux. Innerva lion,

physiologie, 564.

Surdi-mutité, 1 ! la.

Surdité, 150. verbale, 190. (He-

cherche), 211.

Sus-épineux,innervalion,plwsiologie,5 ? `-r.

Symélie, 1042.

Sympathique, lésions, phénomènes auri-

culaires, 128. - cervical et paralysie de

l'accommodation, 97.

Syndactylie, 101 Ii, 1042.

Syphilis, ataxie, 711 1. - Cytodiagnostic

dans la - nerveuse, I 158. Cyto-

diagnostic dans la-sans accidents ner-

veux, 'Il ? - Vol. Stigmates.

1400

INDEX ALPHABÉTIQUE.

Syphilis acquise. Interrogatoire du ma-

lade, 1104. - Examen direct, 1105.

- du labyrinthe, 154.

- du névraxe. 499. -1'n : ITCUev2, 1114.

- Sels mercuriels solubles, 111.

Sels mercuriels insolubles, I U 1 (i.

- héréditaire, 1107. Recherche, 1108.

Syringomyélie. Troubles de la sensibilité

à topographie radiculaire, 550, 32. -

Atrophie musculaire type Aran-Du-

chenne, 705. - Chiromégalie, 1019.

Main succulente, 1027. - Main de

Morvan, 1029. - Radiodiagnostic des

arthropathies, 1170. - radiothérapie,

1186. - Traitement électrique, lu-)10,

1525.

T

Tabes, lésions de l'oreille, 127. - Trou-

bles de la sensibilité à topographie ra

diculaire, 528, 529. - Amyotrophie de

type Aran-Duchenne, 705. - Névrites

et atrophie musculaire, 724. - Ataxie

tabétique, 7a ! ). - Hypotonie, 909. -

Mal perforant, 025. Arthropathies,

U1)1. - Crises gastriques, 992. - Crises

intestinales, 997. - Pied bot, 1055.

Lymphocytose rachidienne, H;)2. - Ar-

thropathies et ostéopathies, radiodiagnos-

lic, 1175. - Traitement électrique,

1522.

Tachycardie, 9441. - par intoxication.

- réflexe. - d'origine centrale. -

dans la maladie de Basedow. - essen-

tielle paroxystique, 942.

Taille. Mensuration, 1075. - de guêpe

chez les myopalhiques, 675, 6.76.

Talalgie Glcntorraiyuc, 1044. - des

adolescents, 1057.

Tapia (Syndrome de -), 649.

Temporal. Innervation, physiologie, 590.

Ténesme rectal, 998.

Tenseur du fascia lala. Innervation, phy-

siologie, 542.

Tétanie. Troubles de la sensibilité objec-

tive, 556. - signes, 995. La main,

101. - Le pied, 1059.

Tétraplégies, 490.

Thalamus, lésions, hémiinesthésie, 511.

Thomsen (Maladie de), hypertrophie

musculaire, 758. - particularités cli-

niques, 742. - Réaction lI1)'otoniqlH',

1265.

Thorax. Aplatissement chez les myopa-

thiques, U 75.

Thrombo-phlébite des sinus d'origine

otique, 141.

Thyro-hyoïdien. Innervation,physiologie,

559.

Tic douloureux de la face, 895.

Tics. Définition. Caractères généraux,

876. - Mouvement convulsif, habituel,

systématisé, 877. - intempestif, sans

- cause et sans but, involontaire, 878.

disparaissant pendant le sommeil. -

Début, évolution, 879. - Variétés.

Tics de la face, z du cou, 889.-

des membres, - du tronc, - de la

déglutition, - de la respiration, 891.

de la phonation, 891. - coordonnés

de Letulle, 895.- de Salaam, z

des idiots, 267. - digestifs. - de dé-

ylzcfiliora, de spulation, de mâchonne-

ment, z. - Diagnostic, 891. -

Traitement. Rééducation motrice des

tiqueurs, 895. - Gymnastique respira-

toire, 897. - Psychothérapie. Traite-

ment chirurgical, 898. - Traitement

électrique, 1559.

Tiqueur (Etat mental du -). ). Déséquilibre

mental, 881. - Insuffisance de la vo-

lonté, 882. - Emotivité, 885. - Con-

séquences, 88't. - Influence pathogé-

nique, 885.

Titubation cérébelleuse. Station, marche,

767. - Syndrome cérébelleux de Du-

chenne, 768.

Topoalgies. Caractères, 575. - séméio-

logie, 574, 583.

Topographie cérébrale, 592. cranio-

cérébrale, 597.

- insulaire des troubles de la sensibilité

dans les affections des nerfs, 351. -

dans l'hystérie, 355.

- médullaire motrice, 598.

- nwnopleyique des troubles de la sen-

sibililé, 549. - paraplégique des

troubles de la sensibilité par lésions des

nerfs, 549. - périphérique des trou-

bles de la motilité, 625. - des troubles

de la sensibilité, 548.

- radiculaire des troubles sensitifs dans

les affections médullaires, 319. - ra-

diculaire de l'innervation cutanée,

520. Plexus brachial, 521. Valeur

séméiologique des troubles sensitifs à

z, 522. - Racines spinales, innerva-

tion cutanée, 523, 525, 599.

INDEX ALPHABÉTIQUE.

1401 l

Topographie segmentaire des troubles de

la sensibilité dans les affections des

nerfs, 550. -- dans l'hystérie, 555.

Torticolis mental,- 888. - Traitement

électrique, 15 ! 40.

Toux gastrique, 996. - nerveuse, 655.

Transversaire du cou. Innervation. phy-

siolo-ie, 574.

Transverse de l'abdomen. - Innerva-

tion, physiologie, 568. - du nez. In-

nervation, physiologie, 584.

Trapèze. Innervation, physiologie, 570.

Tremblement oculaire. Voy. Nystagmus.

Tremblements. Siège. Intensité, z

Rythme. Influence des mouvements vo-

lontaires. Evolution. Graphique, 855.

Diagnostic différentiel, 856. - Diagnos-

tic de la cause, 857. - transitoires,

838.- permanents. dans la sclérose

en plaques, 858. - dans la maladie de

Friedreich, - la paralysie générale,

859. - la maladie de Parkinson, 840.

- sénile, 842. - dans la maladie de

Basedow. hystérique, 845. - dans

les névroses traumatiques. - essentiel,

846. - toxique, 847. - saturnin, mer-

curiel, 848.

Triangulaire des lèvres. Innervation,

physiologie, 587. - du sternum. In-

nervation, physiologie, 564.

Triceps brachial. Innervation, physio-

logie, 526. - sural. Innervation, phy-

siologie, 549.

Trijumeau. Voy. Nerf trijumeau, Né-

vralgie faciale.

Tronc. Mensuration, 1072, 1075. - In-

dice thoracique. Ceinture pelvienne.

Ceinture scapulaire, 1077.

Trophicité. Troubles trophiques, 'J12.

- Altérations du tégument, 915. -

Lésions ulcéreuses, 922. - Altérations

des phanères, 026. - Hypertrophie et

atrophie du squelette, 928. - Troubles

trophiques des articulations, 930.- des

muscles et tendons, 952. - des organes

des sens, 955.

Trophoedème de Meige, z

membres inférieurs, zig.

Troubles de la motilité d'origine radicu-

)aire, 6)1. topographie périphé-

rique, 625.

- psychiques d'origine auriculaire, 145.

- d'origine nasale, )55.

Trous de la base du crâne, injections

d'alcool, 4' : 12.

Tubercules quadrijumeaux, lésions, hé-

mianesthésie, 514.

Tuberculose. Névrites et atrophie mus-

culaire, 725.

Tumeurs bullaires, 805. - cérébrales,

troubles oculaires, 121, 12a. - lésions

de l'oreille, '127. - vertiges, 169. -

somnolence, 190. - Cytodiagnostic,

1 156. - Ponction lombaire thérapeu-

tique, 1145. radiodiagnostic, 1170.

Tympanite hystérique, 999.

U

Unverricht ()Ivoclonies familiales du

type -), S60.

Urémie. Ponction lombaire thérapeutique,

1141.

V

Vaisseaux. Lésions, atrophie musculaire

consécutive, 707.

Ventricules cérébraux. Syndromes ven-

l'ItICUL.IIRFS. Syndrome' inflammatoire,

signes nerveux, 1147. - Symptômes

toxi-infectieux, 1149. - Modifications

du liquide ventriculaire. Evolution, zou.

- Comparaison avec la maladie du

sommeil, les syndromes néoplasiques et

hémorragiques, 1151. - Ependymites,

115 : J.

Vertiges. Définition, 154. - Description

et variétés, 155. - Séméiologie. Ver-

tiges de cause évidente, 158. - La

cause du vertige n'est pas évidente, 164.

Traitement, 175.

- dans les lésions du cervelet et du cer-

veau, 16 ! ). - dans les névroses, 171.

- réflexes, 175. - des intoxications,

174. - avec vomissements paroxysti-

ques, 994.

- auriculaires, 152, 155. 1G4. - Ponc-

tion lombaire thérapeutique, 1145.

essentiels, 1G6. - de Ménière, 166,

9'1. - d'origine vestibulairc, 168.

visuel, - olfactif, 169. - stomacal,

175, 994. - laryngé, 174, 655.

- paralysant de Certier, 102, 165.

somnolence, 189, 814.

- vollaïque, 1269, 159, 1272. Re-

cherche, 1274. - physiologiques, 158.

Vertige rotatif. - de translation, -

du mal de mer, - du mal des mon-

tagnes, 159.

1 402

INDEX ALPHABÉTIQUE.

Vertiges provoqués. - galvanique, 159.

Applications au diagnostic, 161.

Vertige rotatoire, 162. - Vertige des

maladies infectieuses, 165.

Vessie, névralgies, 945.

Vestibule, lésions, vertiges, 168.

Vices de réfraction, correction, 5.

Vieillards. Hémiplégie, 462. - Paraplé-

- gies, 309, - Tremblement, 842.

gies, 509. Tremblement, 842.

Viscéralgies, 5 in. -

Viscères. Troubles des sensibilités viscé-

rales, 558. - (Affections des -), liy-

peresthésies cutanées, 560.

Vision. Diminution, Amblyopies et aman-

roses, 35. - Ohuttbilalions passagères

dans les tumeurs cérébrales, 121. -

- centrale, exploration. Vision centrale

pour les formes, 2. - - pour les cou-

leurs, 7. - pour la lumière, 9. Per-

sistance dans l'hémianopsie, 47. (les

couleurs, 7. - troubles. Cécité congéni-

tale pour les couleurs, 118. Troubles

acquis de la vision des couleurs, 119.

- périphérique, exploration. Champ

visuel, 9. '

Vitiligo et syphilis, hou

Voies cérébelleuses. Lésions, syndrome

cérébelleux, 776.

- digeslives supérieures. Examen de la

bouche, des dents, 97î(i. - de la langue,

977. - du voile du palais, 985. du

pharynx, 984. - de l'oesophage, 985.

- sensitives, anatomie et physiologie. -

Organes de réception. - Voies de con-

duction, 275. Centres de. réception

corticaux, 277. Nature des excitants.

278. - Organes périphériques. - Voies

de conduction des excitations périphéri-

ques, 279.

Voile du palais, 985. - Traitement

électrique des paralysies, 1508. z

Voix eunuchoïde, G5G.'

Volonté chez les idiots, 266.

Vomissement épileptique. /n ? Mn'f/ ! fe,

99U.- traitement électrique, 7a50. -

périodique. 993. - paroxystique des

ptosées, 994. - paroxystique avec ver-

tige, 994.

W

Wassermann (Réaction de ), llla,

1152.

Weber (Syndrome de), ptosis, 99, 471.

Weigert. Voy. Fibres il myéline. - Né-

vroglie.

Werding-Hoffmann (Amyotrophie ), ),

696.

Wernicke (Aphasie de -), 217.

Z

Zona trophonévrose, 91G. - Examen du

liquide céphalorachidien, M 55. - ol)h-

talmique, 955.

Zone corticale motrice, 595.

62590. - Imprimerie LAnutOE, 9, rue de Fleurus, il Paris.

MASSON ET C", EDITEURS

DIX-NEUVIEME ANNEE

REVUE

NEUROLOGIQUE

RECUEIL DE TRAVAUX ORIGINAUX,

D'ANALYSES ET DE BIBLIOGRAPHIE

concernant la NEUROLOGIE et la PSYCHIATRIE

Fondée en 1893

par E. BRISSAUD et Pierre MARIE

Professeurs à la Faculté de Médecine de Paris, Médecins des hôpitaux.

COMITÉ DE DIRECTION" :

J. BABINSKI Pierre MARIE - A. SOUQUES

RÉDACTEUR EN CHEF : '.

Henry MEIGE, Secrétaire général de la Société de Neurologie de Paris.

Secrétaires de la Rédaction : A. BAUER et E. FEINDEL.

La Revue Neurologique analyse tous les travaux français et étrangers touchant,

de près ou de loin, au système nerveux et à ses maladies (Anatomie, Histologie.

Physiologie technique, Anatomie et Physiologie pathologiques, Séméiologie, Patho-

logie, Clinique, Psychiatrie, Médecine légale, Thérapeutique) parus dans les publi-

cations récentes, revues et journaux périodiques, dans les livres, les monographies et

communications faites aux Sociétés Savantes et aux Congrès.

Outre ces analyses, elle publie dans chaque numéro un ou deux mémoires origi-

naux. Lorsque les travaux analysés sont illustrés par des figures (dessins ou pho-

tographies), la Revue Neurologique en fait exécuter des reproductions ou des

croquis schématiques.

La Revue Neurologique publie également les indications bibliographiques des

principaux travaux récemment parus sur une ou plusieurs questions concernant le

système nerveux et ses maladies. Ces indications sont méthodiquement réparties de

façon il former une série de fiches bibliographiques que les travailleurs peuvent

retirer du fascicule pour les ajouter à leurs notes personnelles ou intercaler dans un

fichier.

Grâce à la Revue Neurologique chacun peut trouver toujours et en très peu de

temps des renseignements bibliographiques et analytiques aussi exacts et aussi com-

plets que possible sur la question de neurologie qu'il se propose d'étudier.

La Revue Neurologique parait le n et le 3o de chaque mois dans le format

grand ion-8" et forme, chaque année, deux volumes d'environ 800 pages chacun conte-

nant environ 70 Mémoires originaux, 2.1°0 analyses et 6000 indications bibliographiques

cataloguées sur 600 liches. Elle publie en outre les comptes rendus officiels de la So-

ciété de Neurologie de Paris, et les comptes rendus analytiques de la Société

de Psychiatrie de Paris et du Congrès des Aliénistes et Neurologistes

de France et des Pays de langue française.

ABONNEMENT ANNUEL :

Paris et Départements 35 fr. 1

Union postale 38 fr.

MASSON ET C", ÉDITEURS

VINGT-QUATRIÈME ANNÉE 1

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

de la

SALP-ÊTRIÈRE

J.-M. CHARCOT

GILLES de la TOURETTE, Paul RICHER, Albert LONDE

FONDATEURS

ICONOGRAPHIE MÉDICALE

ET ARTISTIQUE

Direction : Paul RICHER Rédaction : Henry MEIGE

Fondée en 1888 par le professeur Charcot et publiée sous le patronage scientifique

de J. Babinski, G. Ballet, J. Dejerine, E. Dupré. A. Fournier, Grasset, Klippel,

Pierre Marie, Pitres, Raymond, Régis, Séglas, J.-A. Sicard, et de la Société

de Neurologie de Paris, la NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL-

PËTRIËRE est une publication dont l'utilité scientifique se double d'un intérêt

artistique. Elle réunit les mémoires originaux relatifs aux maladies nerveuses ou

mentales, ainsi que les travaux ayant trait aux affections cutanées ou syphilitiques

dans leurs rapports avec la neuropathologie.

La Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière est spécialement destinée

à faire connaitre des documents figurés dont l'utilité s'affirme chaque jour davantage :

dessins d'anatomie normale et pathologique, de micrographie, photographies clini-

ques, études morphologiques, ainsi que les oeuvres d'art ayant un intérêt médical. Dans

ce but, une place importante est réservée à l'illustration des articles publiés, dont les

dessins ou les photographies sont reproduits par les procédés les plus fidèles et les

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trière s'occupent exclusivement des maladies du système nerveux. Elles se complè-

tent l'une par l'autre, la première, sous la direction des créateurs de cette science,

en France, donnant l'ensemble de tout ce qui parait en Neurologie ; la seconde, choisis-

sant dans les affections neuropathologiques les cas les plus intéressants et les plus

typiques pour les décrire et les fixer par l'image, doublant ainsi l'utilité scientifique d'un

intérêt artistique. ' ' , ' .