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EXPOSE
DES
TRAVAUX SCIENTIFIQUES
EXPOSE
DES
TRAVAUX SCIENTIFIQUES
DU
Dr J. BABINSKI
PARIS
MASSON & C,c, ÉDITEURS
LIBRAIRES DE LA ÇA DÉ MIE DE MÉDECINE E
120, ROUt.r.VAftD SAIKT-GHKtAÏX (6.)
1913
AVERTISSEMENT
L'exposé de mes travaux scientifiques est divisé en deux parties,
consacrées l'une à mes recherches d'histologie normale, de physiologie
et de pathologie expérimentale, l'autre el mes études de clinique et
d'anatomie pathologique.
Celle deuxième partie est subdivisée en sections se rapportant aux
affections des muscles, des nerfs, de la moelle, des méninges, de l'en-
céphale et de l'appareil vestibulaire, des glandes à sécrétion interne,
de l'appareil cardio-vasculaire, et à l'hystérie.
Chacune de ces sections comprend les chapitres de pathologie au
développement desquels j'ai plus ou moins participé.
Certains phénomènes que je décris pourraient être rattachés à plu-
sieurs de mes subdivisions ; je me suis ejjorcé de les situer à la place
qui leur convient le mieux et d'éviter les redites.
La longueur des divers chapitres n'est pas nécessairement propor-
tionnée à l'importance que j'attribue à chacun d'eux : telle notion essen-
tielle peut être clairement énoncée en quelques lignes ; telle autre, d'un
' intérêt accessoire, exige, pour être bien expliquée, une description
détaillée.
A l'index bibliographique (p. 21g) j'ai donné la liste de mes publica-
6 AVERTISSEMENT
lions par ordre chronologique : quelques-unes concernent des faits qui
n'ont pas trouvé place dans les chapitres que j'ai traités; il m'a paru,
pour le moment, suffisant de les mentionner . Toutes sont numérotées ,
ce qui me permet, au moyen de chiffres intercalés dans le texte, d'en
donner l'indication précise.
Mes recherches consistent , pour la plupart, en études cliniques. Or,
le contrôle des faits est plus difficile dans celle branche de la biologie
que dans les autres, car il porte sur des phénomènes souvent transitoires,
dont on ne peul reproduire il volonté la démonstration et qu'il est géné-
ralement impossible de soumettre et l'expérimentation. De là l'importance
des vérifications apportées par d'autres observateurs .
Pour cette raison, j'indique les confirmations principales obtenues par
certains de mes travaux. Quelques-unes d'entre elles sont incorporées
dans mon exposé, mais la plupart en sont détachées et sont imprimées
en petits caractères typographiques.
PREMIÈRE PARTIE
PREMIÈRE PARTIE
HISTOLOGIE NORMALE ET PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE
FAISCEAUX NEURO-MUSCULAIRES
En 1886, j j'ai fait paraître dans les Bulletins de la Société de Biolo-
gie ( 1 7) une note où j'ai cherché à établir qu'à l'étal normal il existe dans
les muscles striés des faisceaux spéciaux constitués par des gaines
lamelleuses contenant de petites fibres musculaires et des tubes ner-
veux.
Trois ans plus tard, j'ai publié dans les Archives de Médecine expé-
rimentale (2 £ 1) un travail complémentaire sur ce sujet.
Voici la description que j'ai donnée de ces faisceaux neuro-muscu-
laires.
« Lorsqu'on examine, sur une coupe transversale assez étendue, des
muscles striés de l'homme, on observe par places. dans l'épaisseur du
tissu conjonctif qui sépare les faisceaux de fibres, de petits îlots plus
ou moins régulièrement arrondis, d'un diamètre variant de 100 à 200 (1-
environ, et constitués comme il suit : à la périphérie, une gaine de
tissu conjonctif fortement colorée en rouge par le picro-carmin. se
détachant nettement sur les parties avoisinantes, et présentant lastruc-
ture des gaines lamelleuses des nerfs ; elle est, en effet, tout à lait
10 HISTOLOGIE NORMALE ET PHYSIOLOGIE. PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE
semblable aux. gaines des petits troncs nerveux : qui sont contenus dans
les mêmes travées de tissu conjonctif, avec cette seule différence qu'elle
est généralement d'une épaisseur un peu plus grande. Dans l'espace
délimité par chacune de ces gaines, on voit un groupe de 3 à fibres
musculaires striées, d'un diamètre plus ou moins considérable, mais
de beaucoup inférieur à celui des fibres qui se trouvent dans toutes
les autres parties du muscle, et présentant généralement un plus grand
FIG. i. Faisceau nouro musculaire.
a,a. Fibres musculaires qui a-voisinent le faisceau neuro-muscu-
l,iier; b Gaine lamelleuse de ce faisceau. Dans l'espace délimi-
tée par cette gaine on voit : c. Les petites fibres musculaires;
nombre de noyaux que
ces dernières. Ces peti-
tes fibres musculaires
sont séparées les unes
des au très par des fibril-
les de tissu conjonctif et
de petites cellules fusi-
formes. Dans certains
de ces îlots on trouve
aussi entre les fibres
musculaires quelques
tubes nerveux (voir
fig. i). Dans d'autres
îlots la structure est un
peu plus complexe : de
la face interne de la
gaine se détachent des
Imelles de tissu conjonctif qui viennent subdiviser la cavité de la
gaine en deux ou trois zones secondaires, dont la principale est occu-
pée par de petites fibres musculaires ; dans une des zones accessoires
se trouve un tronc nerveux.
« On observe dans certains endroits une disposition qui n'est qu'une
variante de la précédente : le tronc nerveux et le groupe des fibres
musculaires, au lieu d'être logés dans une gaine unique cloisonnée,
sont contenus dans des gaines indépendantes.
FAISCEAUX \IEURO-MUSCULAIHES il
« Ces figures correspondent à des faisceaux musculaires, bien dis-
tincts des faisceaux voisins par la dimension des fibres et la gaine
conjonctive dont ils sont entourés. Selon toute vraisemblance les fais-
ceaux et les troncs nerveux dont ces groupes de petites fibres sont
accompagnés leur sont destinés. »
Ayant constaté pour la première fois la présence de ces faisceaux
sur des muscles atrophiés dans un cas d'amyotrophie consécutive à
une lésion de la moelle, j'avais pensé qu'il s'agissait d'une disposi-
tion pathologique, mais je me suis assuré depuis qu'ils existent à
l'état normal dans la plupart des muscles striés.
N'ayant pas trouvé mention de ces faits, je croyais être le premier
à les avoir observés. Des recherches bibliographiques faites ultérieu-
rement montrèrent qu'ils avaient été déjà constatés par d'autres, en
particulier par Golgi. Cependant mon travail n'a pas été, ce me
semble, sans utilité. Il a été le point de départ de mémoires divers
dont les auteurs ignoraient d'ailleurs les travaux antérieurs au mien
(voir en particulier : a) Pilliet, Gaines concentriques autour de corps
neuro-musculaires. Bullet. de la Soc. anal, de Paris, l8go, pp. 275-
276. Note sur des corps neuro-musculaires à enveloppe semblable
à celle des corpuscules de Pacini. C. R. Société de Biologie, 1890.
pp. 3 13-3 1 Il. b) Blocq et Marinesco, Sur la morphologie des faisceaux
neuro-musculaires. C. R. Société de Biologie, > 8go, p. 3g8). Il a
contribué tout au moins à établir que les faisceaux neuro-musculaires
constituent une disposition normale, ce qui n'était guère connu des
anatomo-patholojistes, pas plus à l'étranger qu'en France. Ces
faisceaux avaient été considérés par eux comme le résultat d'un
processus morbide; encore en 1888. c'est-à-dire deux ans après
ma communication à la Société de Biologie, Eichhorst pu-
bliait, dans Virchow's Archiv. (Bd. 112, S. 237). un article ayant
pour titre : « Neuritis fascians » où il commettait la même erreur.
12 HISTOLOGIE NORMALE ET PHYSIOLOGIE. PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE
DES MODIFICATIONS QUE PRÉSENTENT LES MUSCLES
APRÈS SECTION DES NERFS QUI S'Y RENDENT
D'un travail (8) que j'ai fait paraître sur ce sujet en ]88, j'extrais
les passages suivants :
« J'ai constaté, à la suite de la section du sciatique, chez le lapin,
une disposition particulière des fibres musculaires altérées, qui me
paraît propre à faire comprendre la nature des lésions qu'elles ont
subies.
« Des muscles de lapin adulte, six semaines après la section du nerf
qui leur correspond, m'ont paru un bon objet d'observation parce
qu'on peut y trouver, à tous leurs degrés, les altérations des fibres
musculaires. Pour voir la disposition que je vais indiquer, il suffit de
fixer les muscles, soit par le bichromate d'ammoniaque à 2 pour 100,
soit par l'acide chromique à 2 pour i ooo, de compléter le durcisse-
ment par la gomme et l'alcool et de pratiquer des coupes transver-
sales que l'on colore, soit par le picro-carmin, soit par l'hématoxyline.
Sur la plupart des fibres musculaires dépendant du nerf sciatique
sectionné, les champs de Cohnheim sont bien plus distincts qu'à l'état
normal ; ces champs ou polygones, qui correspondent à la coupe
transversale des cylindres primitifs, sont séparés les uns des autres par
un réseau émanant du protoplasma non différencié de la libre : ce
protoplasma en voie d'accroissement dissocie les cylindres primitifs.
A côté de celle disposition commune, on trouve des dispositions par-
ticulières à telle ou telle fibre, mais qui se rapportent toutes à la tu-
méfaction du protoplasma non différencié. Sur un ccrlain nombre de
fibres musculaires, il existe toute une couche protoplasmique par-
semée de noyaux qui sépare du sarcolemme la substance striée ; celle-
ci, dans certains faisceaux, est extrêmement réduite et le protoplasma
remplit presque à lui seul la gaine du sarcolemme. Sur d'autres fibres,
MODIFICATIONS DES MUSCLES APRÈS SECTION DE LEURS NERFS 13
c'est une disposition inverse qui s'observe : le protoplasma avec ses
noyaux en occupe le centre, et la substance striée, plus ou moins
réduite, accolée au sarcolemme, siège à la périphérie ; ces figures sont
tout à fait comparables à celles que présentent les fibres musculaires
en voie de développement. On voit donc que l'atrophie de la substance
contractile marche de pair avec la tuméfaction de la substance prolo-
plasmique en voie de développement
« Si l'on compare la fibre musculaire altérée à la fibre musculaire
normale, voici comment on peut comprendre le processus patholo-
gique : à l'état normal, la fibre musculaire est un élément très diffé-
rencié, dont la différenciation morphologique est en rapport avec la
différenciation fonctionnelle ; à la suite de la section du nerf, la fonc-
tion venant à être supprimée, la différenciation morphologique tend à
s'effacer, l'élément tend à revenir à l'état embryonnaire. »
Ce processus particulièrement net dans le muscle est en réalité,
on le sait aujourd'hui, un fait d'ordre général : tous les éléments dif-
férenciés repassent par l'état indifférent lorsque les circonstances les
obligent à s'adapter momentanément ou définitivement à de nouvelles
conditions d'existence.
Durante (Manuel d'histologie pathologiques de Corail et Ranvier, 1902, 1. Il,
p. 198), dans l'article consacré à l'anatomie pathologique du muscle, confirme les
résultats de mes,reclierches.
« Cette hyperplasie du sarcoplasme, dit-il, paraît bien être, en effet, le pro-
cessus primordial et essentiel de l'atrophie dite simple, mais ne saurait entrainer
qu'indirectement l'atrophie. »
A. Prenant et P. Bouin (Traité d'Ilistologie, 191 l, t. Il, p. 329) émettent la
même opinion. Voici ce qu'ils écrivent à ce sujet :
« Le caractère dominant de toute lésion musculaire a été exprimé par Durante.
Tandis qu'à l'état sain la portion trophique et non différenciée (sarcoplasme et
noyaux) est subordonnée à la partie fonctionnelle ou musculaire différenciée en
fibrilles, à l'état pathologique il y a inversion dans l'importance réciproque de ces
deux parties constituantes. La substance différenciée s'efface alors plus ou moins
complètement et, la cellule revenant à un état primitif, la portion trophique et
indifférente persiste seule.....
14 HISTOLOGIE NORMALE ET PHYSIOLOGIE. PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE
« La fibre musculaire, : 1 la suite de ces troubles d'innervation ou de nutrition,
reprend, en sens inverse, le chcmin de l'évolution embryonnaire et revient au point
de départ. »
DE LA CONTRACTILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES STRIÉS
APRÈS LA MORT
On enseigne, dans les traités de physiologie, que chez les animaux à
sang chaud la contractilité musculaire disparaît très vite après la mort,
que l'irritabilité des nerfs se perd toujours avant la contractilité directe
des muscles et que l'excitabilité disparait plus vite pour les courants
faradiques que pour les courants voltaïques. Chez la grenouille, la
diminution de l'excitabilité électrique des muscles, après la mort, serait
précédée d'une période d'augmentation. Enfin, d'après Jeanselme et
Lermoyez (Arch. de Physiologie, 1885), chez les cholériques, le mus-
cle, avant de mourir, passerait par une période que caractériserait
l'exagération de l'excitabilité idio-musculaire.
Voici les notions nouvelles qui résultent de mes recherches (52).
Chez l'homme, après la mort, les muscles ou tout au moins cer-
tains muscles, particulièrement ceux de la face, avant de perdre leur
contractilité électrique, passent par une phase dans laquelle, leur exci-
tabilité indirecte ayant disparu et leur excitabilité directe faradique
étant abolie ou affaiblie, ils se contractent lentement, paresseusement
sous l'action directe des courants voltaïques et présentent une inver-
sion de la formule normale de l'excitabilité voltaïque, PFC étant >
NFC et NOC > POC ; par conséquent, la contractilité électrique
de ces muscles subit après la mort des modifications qui, à une période
donnée, offrent une très grande analogie avec la réaction de dégéné-
rescence.
Chez le lapin, j'ai observé après la mort des modifications du même
ordre, mais bien moins nettes que chez l'homme.
DE LA PARALYSIE PVOCYAXIQUE 13
Quelle est la cause de ce phénomène ? Et d'abord, quelle est la cause
de la réaction de dégénérescence qui apparaît à la suite de certaines
lésions des nerfs ? On admet généralement que cette réaction, en par-
ticulier la modification qualitative de l'excitabilité galvanique (Erb,
Traité d'Électrothérapie, traduit par lueff, p. 181) est sous la dépen-
dance des modifications histo-chimiques se produisant dans les
muscles dont les nerfs sont dégénérés. Mais si l'on considère que les
caractères de la réaction de dégénérescence peuvent apparaître dans
certains muscles, ceux de la face, ainsi que je l'ai indiqué (Traité de
Médecine, t. X, p. 76), dès le troisième ou le quatrième jour après la
section du facial, c'est-à-dire à une période où, le bout périphérique
du nerf étant dégénéré, les fibres musculaires ne présentent que des
altérations morphologiques à peine appréciables, il y a lieu de penser
que cette réaction de dégénérescence tient, au moins pour une part, à
ce que le muscle est alors complètement soustrait à l'influence du
système nerveux et que l'excitation électrique ne porte que sur les
libres musculaires ; en d'autres termes, la réaction dite de dégé-
nérescence ne serait, en partie au moins, que la réaction propre des
fibres musculaires. On pourrait donc expliquer la réaction de dégé-
nérescence dans les muscles après la mort de la manière suivante :
les éléments histologiques succombant avec une rapidité d'autant plus
grande qu'ils sont d'un ordre plus élevé, cette réaction serait duc à la
persistance de l'excitabilité électrique propre des fibres musculaires
à une période où celle des filets nerveux inlra-musculaires est abolie.
DE LA PARALYSIE PYOCYANIQUE
(EN COIXAUO11AT10N 1\ EC CTIAlIIII\)
Voici les résultats de nos études sur ce sujet z) :
La paralysie est produite par l'inoculation des microbes ou l'injec-
tion de leurs produits solubles. 11 y a toujours une période d'incubation,
16 HISTOLOGIE NORMALE ET PHYSIOLOGIE. PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE
dont la durée varie de quinze jours à deux mois, et qui est en rapport
avec les doses, la virulence et peut-être aussi avec les prédispositions
individuelles.
Il n'est peut-être pas sans intérêt de faire remarquer à ce sujet que
certaines paralysies infectieuses observées chez l'homme, la paralysie
diphtérique entre autres, se développent, très souvent aussi, long-
temps après le début de la maladie.
Les membres postérieurs sont atteints les premiers. Cette paralysie
est de nature spasmodique ; les réflexes tendineux sont exagérés ; la
percussion des tendons, comme aussi celle des masses musculaires,
provoque une véritable trépidation, qui se propage parfois à tous les
membres. Ce spasme, qui disparaît quand l'animal est endormi par le
chloroforme, peut entraîner à sa suite des rétractions fibro-tendineuses
analogues à celles que Charcot a décrites chez l'homme, rétractions qui
ne disparaissent plus sous l'influence delà chloroformisation et qui ren-
dent définitive l'attitude anormale. Il n'y a pas d'amyotrophie. L'excita-
bilité électrique des nerfs et des muscles mis à nu est conservée. La
sensibilité à la piqûre est émousséc dans certains cas, mais elle ne nous
a jamais semblé complètement abolie. De plus, les lapins éprou-
vent parfois des douleurs vives, qui se traduisent par des cris per-
çants, lorsqu'on exerce des (raclions sur les membres ou quand on
comprime la paroi abdominale. On observe aussi de la rétention
d'urine dans les cas où les lapins sont paraplégiques. Le mode de ter-
minaison n'est pas toujours le même. Lorsque la paralysie est géné-
ralisée, la mort est la terminaison habituelle. Parfois ces paralysies
finissent par disparaître. '
Nos recherches anatomiques ont porté sur les muscles, les nerfs et
le système nerveux central des lapins paralysés, et cela aux diverses
périodes de la paralysie qui, dans deux cas, remontait à deux mois.
\ous avpns employé, dans ces examens, des méthodes variées et
pourtant les résultats ont toujours été absolument négatifs.
Une s'agit pas là, comme on le voit, d'une paralysie banale, niais
PARALYSIE DIPHTÉRIQUE 17
bien d'une affection ayant sa physionomie propre, au même titre que
la paralysie saturnine ou alcoolique de l'homme.
Nous ferons remarquer, au sujet de l'absence de lésions dans la
paralysie pyocyanique, que les recherches ultérieures entreprises sur
d'autres paralysies infectieuses (par exemple sur la paralysie expéri-
mentale observée par Gilbert et Lion consécutivement à l'inoculation
d'un microbe recueilli dans un cas d'endocardite infectieuse) ont donné
des résultats conformes à ceux que nous avons obtenus.
ARTHROPATHIES EXPÉRIMENTALES
(en collaboration avec CHARMA')
Nous avons observé sur plusieurs lapins atteints de la maladie pyo-
cyanique des arthropathies qui paraissent se développer de préférence
dans les membres paralysés. Ce ne sont pas des arthropathies ner-
veuses. Les lésions articulaires reconnaissent pour cause un agent
infectieux dont nous n'avons pu déterminer la nature avec certitude ;
il s'agit soit du microbe de la pyocyanine, soit d'un organisme qui
provoque une infection secondaire (25).
PARALYSIE DIPHTÉRIQUE
J'ai fait des recherches anatomo-pathologiques sur la paralysie diph-
térique expérimentale obtenue par Roux et Yersin au moyen de l'in-
jection des substances solubles du bacille diphtérique ; dans les cas
que j'ai étudiés, les nerfs correspondant aux muscles paralysés, exami-
nés depuis leur origine jusqu'à leur terminaison dans les plaques
motrices, se sont montrés tout à fait normaux.
« De ces faits me semblent découler des conséquences importantes.
BaBINSKI. 2
18 HISTOLOGIE NORMALE ET PHYSIOLOGIE. PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE
En effet, si d'une part on admet, ce qui est tout à fait légitime, que
la paralysie diphtérique est identique chez l'homme, quant à sa patho-
génie, à la paralysie diphtérique expérimentale, si d'autre part on se
rappelle que dans la paralysie diphtérique de l'homme on trouve des
altérations organiques des nerfs périphériques, on est amené à recon-
naître : i° que le poison diphtérique trouble profondément le fonction-
nement du nerf avant d'altérer sa disposition morphologique ; 2° que
les lésions de la névrite périaxile diphtérique ne peuvent être consi-
dérées comme la cause essentielle de la perturbation fonctionnelle, ce
qui, du reste, n'empêche pas de supposer que ces lésions, une fois
produites, n'exercent à leur tour une influence perturbatrice » (32).
VERTIGE VOLTAIQUE. LÉSIONS LABYRINTHIQUES
EXPÉRIMENTALES
Lorsqu'on applique les électrodes d'un appareil voltaïque aux tem-
pes ou aux apophyses mastoïdes, une de chaque côté, et que l'on fait
passer un courant électrique de quelques milliampères, on provoque,
l'état normal, entre autres phénomènes, une sensation de vertige,
des nausées, du nystagmus et une inclination latérale de la tête du
côté du pôle positif. C'est là le vertige voltaïque dont on doit la con-
naissance aux travaux de Breiier, de Ilitzig et de plusieurs autres
expérimentateurs.
Je vais indiquer les résultats de quelques-uns de mes travaux cor-
roborant des idées émises par d'autres que moi ou établissant des
notions nouvelles (67, 82, g2, cft, 167, 182, 200, 201).
1° A l'époque où j'ai publié mon premier travail sur le vertige vol-
taïque, en 19° 1, les physiologistes n'étaient pas d'accord sur le méca-
nisme de ce phénomène ; certains supposaient qu'il était dû à une
excitation du labyrinthe, d'autres pensaient qu'il dépendait d'une
irritation directe des centres nerveux.
VERTIGE YOLTAÏQUE. LÉSIONS LA13YR1NT111(UES EXPÉRIMENTALES 10
En montrant que les lésions auriculaires provoquent des perturba-
tions diverses du vertige voltaïque (voir p. 167) j'ai contribué à prou-
ver que le labyrinthe participe à ce phénomène qui peut, il est vrai,
se produire encore quand les deux labyrinthes sont détruits (Lewan-
dow-shy) .
2° Des expériences sur le pigeon m'ont permis de discerner l'action
de chacun des deux pôles. Je mets à nu chez un pigeon, à droite ou à
gauche, les canaux semi-circulaires et le vestibule, puis j'applique les
électrodes d'une pile, l'une immédiatement sur un point de l'appareil
labyrinthique dénudé, l'autre à un demi-centimètre environ en dehors
de cet appareil. En disposant l'expérience de cette manière, on soustrait
l'autre oreille à l'action du courant, ce qui est indispensable pour
atteindre le but visé. On constate alors de la manière la plus nette
que l'excitation d'une même partie du labyrinthe, à la fermeture du
courant, donne lieu tour à tour à deux mouvements en sens inverse
suivant que l'électrode en contact avec cette partie est positive ou
négative ; dans le premier cas, la tête s'incline du côté du labyrinthe
excité, et du côté opposé dans le second cas; c'est comme si la tête
était attirée par le pôle positif et repoussée par le pôle négatif. Il est à
noter que le mouvement produit par le pôle négatif est plus grand
et plus brusque. Ces recherches confirment celles qui ont été faites
par lIitzig.
3° Pendant le sommeil chloroformique, le vertige voltaïque est
aboli ; sa réapparition est une des manifestations du réveil.
Je dois ajouter que cette expérience a été pratiquée seulement sur
le pigeon, le lapin et le cobaye.
li" J'ai montré que, chez l'homme, le courant électrique, outre l'in-
clination connue depuis longtemps, provoque souvent une rotation de
la tête et parfois aussi du tronc.
Pour obtenir ce mouvement, voici les points où il convient de
placer les tampons. On les applique, l'un, 'celui qui est relié au pôle
négatif, derrière le maxillaire, l'autre, du côté opposé, au-dessus du
20 HISTOLOGIE NORMALE ET PHYSIOLOGIE. PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE
tragus. La tête exécute du côté du pôle positif une rotation qui com-
mence au moment de la fermeture du courant et continue ensuite à
s'effectuer avec lenteur. Ce mouvement est un phénomène physio-
logique, mais non constant ; il et plus ou moins prononcé suivant les
sujets ; il est tantôt pur, tantôt associé à l'inclination.
5° J'ai établi que chez l'homme, à l'état normal, une irrigation
de l'oreille avec de l'eau à la température de 15 à 20° pratiquée
suivant la méthode de Barany, en même temps qu'elle provoque
du nystagmus, trouble le vertige voltaïque comme le font parfois
les affections auriculaires, mais seulement d'une manière transitoire.
L'inclination ne peut être obtenue que du côté irrigué, ou bien elle
est plus prononcée de ce côté que de l'autre.
6° J'ai constaté, avec Vincent et Barré, qu'après la destruction d'un
labyrinthe chez le cobaye, en faisant passer un courant galvanique de
courte durée, la « rotation voltaïque conjuguée de la tête et des yeux» »
fait pour ainsi dire défaut quand le pôle positif se trouve du côté
lésé ; que, le courant étant inversé, on obtient une rotation conjuguée
du côté sain, égale ou supérieure à la normale ; la rotation voltaïque
conjuguée de la tête et des yeux devient unilatérale.
Nous avons vu que les résultats obtenus diffèrent des précédents
lorsqu'on fait passer le courant pendant un certain temps (de quelques
secondes à une minute) : la rotation voltaïque conjuguée, au lieu d'être
unilatérale ou à peu près, devient seulement prédominante du côté
sain ; le mouvement de rotation du côté lésé peut même être très mar-
qué, mais il s'effectue d'habitude lentement et progressivement, après
un temps perdu notable; à l'ouverture, le mouvement de retour est
faible et fait parfois défaut, contrairement à ce qu'on observe quand
le pôle positif est placé du côté sain.
Dans les expériences ci-dessus, les pattes du cobaye sont fortement
fixées sur la table d'opération. Si l'on débarrasse l'animal de ses
entraves, on observe quelques autres phénomènes. Lorsque le pôle
positif est appliqué du côté opéré, le passage d'un courant prolongé
RÉFLEXES TENDINEUX ET RÉFLEXES CUTANÉS 21
augmente les troubles provoqués par la destruction du labyrinthe
(incurvation du tronc, instabilité, mouvements de manège) ; l'ani-
mal s'enroule davantage et la tête se porte vers le flanc du côté de la
lésion en même temps qu'elle tourne vers le même côté autour
de son axe occipito-nasal. Lorsque le pôle positif est du côté sain, à
mesure qu'on augmente le nombre des milliampères, l'attitude anor-
male du cobaye s'atténue ; il reprend la rectitude et, à condition de
ne pas exagérer l'intensité du courant, on peut le voir se mettre à
courir droit devant lui, comme le ferait un cobaye dont les labyrinthes
sont sains. Ces données expliquent peut-être les résultats en apparence
contradictoires, tantôt utiles tantôt nuisibles, que l'on obtient en
électrisant avec des courants voltaïques les malades atteints de vertige
auriculaire ; elles méritent en tout cas d'être prises en considération
au point de vue thérapeutique.
Notons encore qu'à la suite d'une destruction labyrinthique, le
cobaye, placé sur le côté ou sur le dos, peut rester quelque temps
immobilisé dans une attitude cataleptoïde.
L'exactitude des faits que j'ai rapportés et la légitimité des con-
clusions que j'en ai déduites ont été en partie confirmées (voir
p. 175).
RÉFLEXES TENDINEUX ET RÉFLEXES CUTANÉS
Mes études sur les réflexes tendineux et les réflexes cutanés m'ont
conduit à établir quelques notions nouvelles en ce qui concerne leur
état normal, mais comme ces données, d'une importance secondaire
au point de vue de la physiologie pure, sont surtout intéressantes
dans leurs applications à la pathologie, j'en ferai l'exposé au cha-
pitre consacré à la description des troubles de la réflectivité (voir
pp. 27 et 37).
22 IIISTOLOGIE NORMALE ET PHYSIOLOGIE. PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE
RÉFLEXES PUPILLAIRES
De l'influence de l'obscuration sur le réflexe à la lumière; étude
comparative du réflexe à la lumière chez les oiseaux de jour et
les oiseaux de nuit.
Des expériences suggérées par des observations cliniques dont il
sera question plus loin (p. 61) m'ont permis d'observer quelques faits
nouveaux appartenant à la physiologie normale.
J'ai montré que l'obscuration renforce le réflexe à la lumière et
permet de créer artificiellement, chez l'homme normal, une inégalité
pupillaire transitoire. Voici les conditions dans lesquelles il faut se
placer pour mettre ce fait en évidence.
« Le sujet en observation, après qu'on lui a clos un oeil hermé-
tiquement, doit séjourner pendant une demi-heure environ dans un
endroit bien éclairé à la lumière du jour; puis on le fait passer dans
une pièce obscure et, en éclairant latéralement avec une bougie l'oeil
qui est resté ouvert, on détermine d'abord le degré de dilatation de sa
pupille ainsi que 1 intensité de son réflexe à la lumière ; cela fait, on
ferme cet oeil, on enlève le bandeau qui recouvre l'autre oeil et on
examine immédiatement la pupille de ce côté, en employant la même
technique que précédemment. Ce rapprochement permet de conclure
que, abstraction faite de la dilatation développée par l'obscurité et
perçue un instant seulement au moment même où on découvre l'oeil,
la pupille de l'oeil qui était resté bandé est plus petite que l'autre, ce
qui tient évidemment à ce que la lumière impressionuc d'une manière
plus active le centre du réflexe; déplus, les mouvements pupillaires
réflexes obtenus à l'aide du procédé usuel sont ordinairement plus
vifs de ce côté; on crée ainsi artificiellement une inégalité pupillaire
plus ou moins prononcée, suivant les sujets, suivant le degré de
RÉFLEXES PUPILLAIRES 23
clarté du jour où l'expérience est faite, et qui subsiste plus ou moins
longtemps. Généralement, quand on ouvre les deux yeux, l'équilibre
tend à se rétablir rapidement.
« Il y a lieu de rappeler que l'obscuration, qui renforce le réflexe à
la lumière, amène aussi la régénération du pourpre visuel (voir à ce
sujet l'ouvrage de Parinaud, La Vision, Octave Doin, 1898, pp. £ 8 et
suiv.), et dès lors on peut se demander s'il n'y a pas entre ces deux
phénomènes une relation de cause à effet; c'est, peut-être, parce que
la rétine soumise à l'obscuration a acquis des propriétés fluorescentes
que le réflexe à la lumière devient plus énergique. S'il en était ainsi,
il faudrait admettre que l'érytliropsine joue dans la production de ce
réflexe un rôle important » (122).
A l'appui de cette idée on peut invoquer l'état des pupilles dans
l'héméralopie, affection produite par une altération du pourpre (Pari-
naud) et dans laquelle le réflexe à la lumière est faible ou même aboli.
J'ai encore cherché à vérifier cette hypothèse en faisant appel à
l'anatomie et à la physiologie comparées. Les résultats de ces investi-
gations, outre qu'ils m ont fourni un argument en faveur de cette
conception, m'ont amené à constater ce qui, à ma connaissance,
n'avait jamais été signalé que, chez les oiseaux, le réflexe à la
lumière diffère notablement suivant l'espèce, qu'il est très intense et
vif chez la chouette dont la rétine contient beaucoup de pourpre, très
faible au contraire chez la poule dont la rétine est dépourvue d'éry
thropsinc.
DEUXIÈME PARTIE
DEUXIÈME PARTIE
CLINIQUE ET ANATOMIE PATHOLOGIQUE
1. - SÉMIOLOGIE
RÉFLEXES TENDINEUX ET RÉFLEXES OSSEUX
Les réflexes tendineux el osseux font partie du groupe des phéno-
mènes objectifs que la volonté est incapable de modifier. Pour- celle
raison d'une part, d'autre part à cause de la fréquence des affections
capables d'y apporter des troubles et de la valeur des renseignements
que fournit leur recherche, ils méritent toute l'attention des clini-
ciens.
Dans une leçon sur les réflexes osso-tendineux (197), je me suis
exprimé en ces termes :
« La main, munie du marteau percuteur, interroge le système ner-
veux qui, par l'intermédiaire de ces réflexes, répond avec netteté aux
questions posées. Précieuses sont les révélations que l'on obtient ainsi
de lui : il fait part des dégâts que sa texture a subis, désigne les dépar-
tements où ils se sont produits, parfois même, comme un géomètre,
il en précise le siège et l'étendue, et il met en garde contre les dangers
graves qui le menacent. Un pareil entretien, d'où le mensonge et
l'erreur sont exclus, pour qui connaît ce langage, peut en quelques
28 8 SÉMIOLOGIE
instants dévoiler des secrets qu'il eût été impossible de surprendre
autrement.
« Apprendre à bien connaître les réflexes osso-tendineux, puis s'as-
treindre à les explorer systématiquement et avec méthode ne constitue
donc pas une minutie; telle particularité qui, à première vue, semble
un détail sans importance, acquiert parfois un intérêt majeur. »
Cela dit, je dois montrer dans quelle mesure j'ai contribué à établir
les notions que l'on possède aujourd'hui sur ce sujet.
J'ai perfectionné les méthodes d'exploration. Dans la leçon que
je viens de rappeler, la technique à employer pour l'investigation des
divers réflexes tendineux et les attitudes qui me semblent les plus favo-
rables à la recherche de chacun d'eux ont été indiquées d'une manière
très détaillée. En procédant conformément aux règles ainsi tracées,
et en examinant systématiquement un grand nombre de sujets
exempts de toute affection du système nerveux, j'ai pu redresser des
erreurs courantes, préciser certains points, contribuer à déterminer
parmi les caractères des réflexes tendineux ceux qui sont constants,
ceux qui sont variables, et fixer mieux qu'on ne l'avait fait avant, moi
les limites de l'état normal, ce qui est essentiel pour le neurologiste.
On admettait autrefois que le réflexe achilléen était inconstant à
l'état physiologique et pour ce motif sans doute les cliniciens y atta-
chaient peu d'importance. Eulenbourg, par exemple, déclarait que ce
réflexe faisait défaut 80 fois sur too. Pour Berger, qui entreprit des
recherches sur 14og individus normaux, le réflexe achilléen manque-
rait bien plus rarement que ne l'avait dit Eulenbourg ; il serait cepen-
dant absent dans 20 pour 100 des cas.
Ces conclusions résultaient d'examens pratiqués dans de mauvaises
conditions.
La position qui convient le mieux pour cette exploration est celle
que j'ai indiquée : le sujet se met à genoux sur une chaise; mais si,
pour quelque motif, il ne peut se' placer dans cette attitude, s'il est
incapable de quitter le lit, il faut l'examiner couché sur le côté, la
RÉFLEXES TENDINEUX ET RÉFLEXES OSSEUX 29
jambe légèrement fléchie sur la cuisse, l'extrémité du pied soutenue
par la main gauche de l'observateur.
En recherchant ainsi le réflexe achilléen, j'ai constaté qu'il ne
manque pour ainsi dire jamais chez les sujets dont le système nerveux
' est intact. On verra dans la suite les conséquences cliniques de cette
donnée et leur importance.
Mes conclusions ont été confirmées par nombre de neurologistes.
C'est ainsi qu'Oppenheim écrit (Lehrb. der Nervenkr. 5 A. Bd. I,
S. m, 12) :
« J'estime que la méthode de beaucoup la meilleure pour recher-
cher le réflexe achilléen est celle que Babinski a proposée... Depuis
que j'opère d'après cette technique, je n'ai trouvé ce réflexe absent
chez les sujets normaux que très exceptionnellement... Je considère
l'absence du réflexe achilléen comme signe d'un état pathologique. »
Telle est également l'opinion de Flatau (neural. Centralblalt, 190,
p. ro54. Ueber das Fehlen des Achillesplunomeu).
Je suis arrivé aussi à déterminer quelques positions favorables à
l'exploration des réflexes osso-tendineux des membres supérieurs.
Pour le réflexe du triceps brachial ou d'extension de l'avant-bras,
on fait porter le membre supérieur en dehors et en arrière ; on le
soutient de la main gauche au niveau du pli du coude, le bras du sujet
formant un angle obtus avec l'avant-bras. La position suivante me
semble encore préférable : l'attitude du membre supérieur est analogue
à la précédente, mais au lieu de soutenir le pli du coude, l'observa-
teur, assis, fait appliquer à plal sur sa cuisse la main du sujet. Il est
à noter que, dans ces conditions, l'avant-bras étant immobilisé ne peut
s'étendre et que la secousse musculaire seule est susceptible d'être
observée.
On obtient encore une extension de l'avant-bras en percutant celui-
ci le long du tiers inférieur du cubitus.
Pour le réflexe de flexion de l'avant-bras ou réflexe de l'extrémité
inférieure du radius, l'avant-bras, légèrement fléchi sur le bras, est
30 SÉMIOLOGIE
placé en demi-pronation et soutenu à sa partie inférieure par la main
gauche de l'observateur. On percute le radius à son extrémité infé-
rieure et on provoque ainsi la contraclion de tous les muscles qui
fléchissent l'avant-bras ; parfois cette excitation donne lieu également
à une flexion de la main et des doigts.
On obtient aussi la flexion de l'avant-bras par la percussion du
tendon du biceps, mais le mouvement de flexion est généralement
moins prononcé, peut-être parce que la contraction se limite, d'ha-
bitude, au seul muscle biceps. On provoque encore, pas toujours il est
vrai, la flexion de l'avant-bras en percutant l'extrémité inférieure de
l'humérus et di érentes parties de l'avant-bras, sauf le tiers inférieur
de la région cubitale dont il vient d'être question à propos du réflexe
d'extension.
Pour le réflexe de pronation, le membre supérieur est placé dans la
même position que pour la recherche du réflexe de flexion. Il faut per-
cuter, à l'extrémité inférieure de l'avant-bras, soit la partie antéro-
interne du radius, soit la partie postérieure du euhilus ; d'où le nom
de réflexe cubito-pronaleur proposé par Marie et Barré.
En employant ces procédés, j'ai pu établir que les réflexes de
flexion de l'avant-bras, d'extension du bras et de pronation sont
constants, points sur lesquels les auteurs étaient jusque-là restés dans
le vague.
J'ai insisté sur la symétrie parfaite des réflexes tendineux à l'état
physiologique, d'où cette conséquence que l'asymétrie dénote une
perturbation. Mais comment savoir si cette asymétrie est liée à de la
surréflectivité d'un côté ou à de la subréflectivité de l'autre ? Cela est
généralement assez simple : si les réflexes sont forts des deux côtés,
on a tout lieu d'admettre que du côté où ils sont les plus forts il y
a exagération, et inversement, quand les réflexes sont faibles des deux
côtés, que du côté où ils sont les plus faibles il y a affaiblissement.
Abstraction faite du degré d'intensité des réflexes. on peut aisé-
ment arriver à savoir si leur inégalité tient à de la subréflectivité ou
RÉFLEXES TENDINEUX ET RÉFLEXES OSSEUX 31
a de la surréllectivité lorsqu'il existe des troubles fonctionnels unilaté-
raux. Il va sans dire qu'en pareil cas les réflexes du côté malade
doivent être considérés comme affaiblis ou exagérés suivant qu'ils
sont moins forts ou plus forts que ceux du côté sain.
A côté de leurs caractères constants, les réflexes tendineux en ont
de variables. Leur intensité présente de très grandes différences indi-
viduelles. Mais quelles sont les frontières de l'état physiologique ?
Quel est le degré à partir duquel on est en droit de dire que les réflexes
sont au-dessous ou au-dessus de la normale, en admettant qu'il y ait
symétrie ? *
Cette question, en ce qui concerne la subréllectivité, ne se pose que
rarement, car en pareil cas la symétrie parfaite est exceptionnelle. Il
en est tout autrement pour l'exagération des réflexes tendineux qui,
souvent, dans maintes affections spinales, sont égaux et très forts des
deux côtés.
J'ai indiqué le moyen de résoudre le problème, au moins dans un
grand nombre de cas. Voici ce que j'ai écrit à ce sujet :
« Outre l'impression que l'on peut avoir au jugé, il est un carac-
tère général, un criterium de l'exagération des réflexes tendineux que
j'énoncerai de la manière suivante : il y a surréjlectivité lorsque, le
sujet ne contractant pas volontairement ses muscles, l'excitation d'un
tendon détermine dans le groupe musculaire correspondant une série de
contractions réflexes rythmées.
« Ce caractère, dont l'absence il est vrai ne permet pas d'exclure
l'idée de surréflectivité, est particulièrement apparent dans le phéno-
mène que les cliniciens appellent « épilepsie spinale » et qu'on observe
le plus souvent au pied. On le désigne alors sous la dénomination de
« clonus du pied », de « trépidation épileptoïde du pied ». On recherche
ce signe en procédant ainsi : tenant la jambe immobile dans la main
gauche et saisissant l'extrémité du pied avec la main droite, l'obser-
vateur fléchit brusquement le pied sur la jambe sans l'abandonner. Il
y a trépidation épileptoïde quand cette impulsion détermine une suc-
32 SÉMIOLOGIE
cession rapide de flexions et d'extensions, donnant à la main qui sou-
tient et accompagne le pied la sensation d'un rythme parfait.
« Ce phénomène peut être facilement distingué de la fausse trépi-
dation, simple tremblement, dont les oscillations ne sont pas aussi
régulières et sur laquelle je reviendrai en traitant de l'hystérie.
« Le clonus du pied- cela ressort de ce qui précède - ne constitue
un criterium de sunél1ectivité que lorsqu'il remplit la condition sui-
vante : le clonus doit être obtenu en l'absence de toute contraction
volontaire des muscles de la jambe ; alors seulement on a le droit de
considérer la trépidation comme parfaite et dénotant un état patholo-
gique. Sinon, on peut avoir affaire à une trépidation que j'appelle
fruste, phénomène banal qu'on observe chez des sujets dont il y a
tout lieu de considérer le système nerveux comme absolument sain.
« Pour s'en convaincre, il suffit de choisir quelques individus ne
présentant aucun signe d'affection nerveuse, ayant simplement des
réflexes tendineux forts, et chez lesquels le soulèvement du pied, sans
nul artifice préalable, n'a pas provoqué de trépidation ; qu'on imite
alors les sujets en expérience à étendre le pied sur la jambe et à résis-
ter un peu au mouvement de flexion que l'expérimentateur cherche
à lui imprimer pour faire apparaître l'épilepsie spinale ; en procédant
de cette façon on obtiendra, dans un assez grand nombre de cas, une
trépidation identique dans sa forme à celle qui dépend d'un état patho-
logique. Je ferai remarquer que le phénomène ne se manifeste pas tou-
jours dès que la contraction volontaire se produit, il faut que celle-ci
s'opère avec une certaine mesure ; si elle est trop forte ou trop faible,
le clonus fait défaut. 11 en résulte qu'un individu, chez qui l'expé-
rience est pratiquée pour la première fois, a besoin de tâtonner en
quelque sorte avant d'opposer le degré de résistance nécessaire ; il y
arrive plus facilement après plusieurs essais, et la trépidation qu'on
observe alors se rapproche davantage de l'épilepsie parfaite. Quoi qu'il
en soit, dans ces divers cas, il est extrêmement facile de reconnaître
qu'il s'agit d'épilepsie fruste; on a affaire, en effet, à des gens se prû-
RÉFLEXES TENDINEUX ET RÉFLEXES OSSEUX 33
tant à ces recherches, mettant quand on les y invite leurs muscles
dans le relâchement, état dans lequel la trépidation épileptoïde ne
peut plus être provoquée.
« Mais admettons qu'un de ces sujets, après s'être exercé et avoir
été pour ainsi dire dressé, se propose de simuler l'épilepsie spinale.
Y aura-t-il quelque moyen de reconnaître la nature fruste de sa trépi-
dation Assurément, car il est très difficile ou même impossible de
maintenir volontairement pendant plusieurs minutes consécutives
les muscles au degré nécessaire de contraction et, par conséquent, la
trépidation ne présentera pas le même degré de constance que dans
l'épilepsie spinale parfaite. J'ajoute que les contractions volontaires
gênent plutôt qu'elles ne facilitent la manifestation de la trépidation
parfaite, ce qui constitue encore un moyen de la discerner de la trépi-
dation fruste.
« Il n'en est pas moins vrai que, si l'on n'y prête pas une attention
suffisante, si, comme beaucoup de médecins le font, on se contente
d'une exploration rapide, on est très exposé à confondre les deux
variétés d'épilepsie spinale. Et pourtant, il est essentiel de les distin-
guer puisque, je le répète, la trépidation épileptoïde parfaite est un
phénomène pathologique et que la fruste peut exister à l'état physio-
logique.
« Il est à retenir que la trépidation épileptoïde fruste se rencontre
assez communément chez les tuberculeux ne présentant, du reste, au-
cun signe d'affection organique du système nerveux. »
Les données ci-dessus exposées sur le réflexe achilléen et les réflexes
tendineux du membre supérieur m'ont permis d'établir quelques no-
tions nouvelles en neuropathologie.
J'ai montré que l'absence du réflexe achilléen constitue un signe
de grande valeur pour le diagnostic de la névrite et du tabes, qu'il est
une manifestation plus précoce de cette dernière affection que le signe
de Westphal, ce qui aujourd'hui est unanimement admis. Dans les
BABINSKI. 3
31 SÉMIOLOGIE
chapitres « Sciatique » et « Tabes » (pp. 77 et go) je reviendrai sur
cette question pour donner à cet égard des détails complémentaires
qui, là, seront mieux à leur place.
J'ai dit plus haut qu'à l'état normal la percussion de l'extrémité
inférieure du radius, outre la flexion de l'avant-bras sur le bras,
phénomène constant, provoque parfois une flexion de la main et
des doigts ; mais ce dernier mouvement, chez l'individu sain, a une
intensité généralement inférieure et en tout cas jamais supérieure à
celle de la flexion de l'avant-bras sur le bras. Or, la diminution ou
l'abolition du réflexe de flexion de l'avant-bras, état pathologique,
peut avoir cette conséquence que la percussion de l'extrémité infé-
rieure du radius détermine une flexion de la main et des doigts l'em-
portant en intensité sur la flexion de l'avant-bras ou se produisant
alors que celle-ci fait défaut. C'est ce phénomène que j'ai décrit sous
la dénomination d'inversion du réflexe du radius ; il est lié dans la
grande majorité des cas à une lésion spinale atteignant le cinquième
segment cervical et respectant le huitième. Cette inversion se manifeste
dans toute sa netteté quand il existe au-dessus du huitième segment,
ce qui est très commun en pareil cas, une perturbation de la voie
pyramidale faisant apparaître ou exagérant le réflexe de flexion de
la main et des doigts.
Dans les faits de ce genre on peut encore, d'après l'état des réflexes
intermédiaires, réflexe de pronation et réflexe d'extension de l'avant-
bras, déterminer la longueur de la lésion. S'ils sont tous deux abolis,
la lésion occupe les cinquième, sixième et septième segments cervi-
caux. Si le réflexe de pronation est seul aboli, le septième segment est
respecté, tandis que le cinquième et le sixième sont atteints.
On peut imaginer aisément d'autres combinaisons.
Le sens du mouvement qu'un segment de membre exécute à la suite
d'une percussion osso-tendineuse peut être interverti quand il y a de
l'irréflectivité partielle. C'est ainsi que le choc sur le tendon du triceps
brachial, lorsque le réflexe d'extension de l'avant-bras est aboli ou
RÉFLEXES TENDINEUX ET RÉFLEXES OSSEUX 35
affaibli, peut être suivi d'une flexion de l'avant-bras sur le bras. C'est
là le réflexe paradoxal du coude dont je crois avoir pénétré le méca-
nisme. A l'état normal, la percussion de l'extrémité inférieure de
l'humérus détermine, comme je l'ai indiqué, une flexion de l'avant-
bras, sauf quand elle est pratiquée au niveau du tendon du triceps,
les effets de l'excitation de ce tendon l'emportant alors sur ceux qui
résultent de l'ébranlement de l'os sous-jacent. A l'état pathologique,
lorsque le réflexe d'extension est aboli ou affaibli, le mouvement réflexe
de flexion apparaît, même quand le choc porte sur le tendon tricipital.
J'ai montré que le réflexe paradoxal est un signe fréquent dans le
tabes, ce qui s'explique aisément avec les données ci-dessus,' quand
on sait que les lésions radiculaires tabétiques suivent d'habitude dans
leur évolution une marche ascendante.
Il résulte de ce qui précède que mes observations sur les réflexes
tendineux du membre supérieur, dont la recherche était d'habitude
négligée, ont apporté des éléments nouveaux pour la localisation des
affections de la moelle cervicale et de ses racines.
J'ai démontré enfin que l'hystérie est incapable de modifier l'état
des réflexes tendineux, contrairement à ce qui était admis autrefois.
C'est là une notion que je me contente d'indiquer pour l'instant,
devant y revenir ultérieurement et en montrer toute la portée (voir
p. 195).
Je citerai plus loin (p. gi) les travaux confirmatifs des miens sur les réflexes
tendineux dans le tabes.
En ce qui concerne l'hystérie, je me contenterai de noter ici que, dans une dis
cussion qui a eu lieu sur ce sujet à la Société de Neurologie de Paris (séance du
9 avril 1908), il ne s'est plus trouvé personne pour soutenir que cette névrose fût
capable de produire de la surréflectivité ou de l'irréflectivité tendineuse.
Les confirmations relatives à mes travaux sur l'inversion du réflexe du radius
sont nombreuses.
II. Claude et E. Veller rapportent (Revue neurologique, 1910, t. 20, p. 601)
une observation intitulée : « Syringomyélie cervicale. Inversion du réflexe du
radius ».
36 SÉMIOLOGIE
« Le malade que nous présentons, écrivent-ils, est atteint de syringomyélie
cervicale; on trouve chez lui, avec une grande netteté, le phénomène de l'inver-
sion du réflexe du radius, tout récemment signalé et décrit par M. Babinski »....
« Ce cas rentre dans la catégorie des faits sur lesquels M. Babinski s'est appuyé
pour indiquer la valeur sémiologique de l'inversion du réflexe du radius. » ..... « Il
ne paraît pas douteux que le 5° segment en particulier est atteint par ce foyer. »
Souques el Chauvet, sous ce titre : « Inversion du réflexe du radius. Fractures
spontanées et parfois signe de Babinski dans un cas de paralysie infantile avec
reprise tardive» (Revue neurologique, tgt t, t. XXII, p. t4r, publient un travail
duquel j'extrais le passage suivant : « Cette inversion du réflexe du radius con-
firme donc l'hypothèse de M. Babinski qui pense que cette inversion est condi-
tionnée par une lésion de Cn avec intégrité complète de CI. Si, dans notre cas,
cette inversion n'est qu'un argument de plus pour la localisation des lésions polio-
myélitiques antérieures, sa parfaite concordance avec les autres signes de locali-
sation montre sa valeur sémiologique topographique pour les cas où l'on trouve ce
signe plus ou moins isolé. »
Souques et Barré (Revue neurologique, ign, t. XXII, p. in5) relatent un nou-
veau fait du même ordre dans une communication intitulée : « Note sur l'in-
version du réflexe du radius et sur le réflexe cubito-fléchisseur des doigts. »
E. Moniz, de Lisbonne, publie une observation (Revue neurologique, 1012,
t. XXIII, p. t33 ayant pour titre : « Inversion du réflexe du radius dans un cas
de syringomyélie » et écrit : « Ce cas de syringomyélie, dont je donne le résumé,
est digne d'être enregistré pour venir continuer les investigations de M. Babinski
sur la valeur sémiologique de l'inversion du réflexe radial. »
Souques et Duhem (Revue neurologique, ! f)t2, 1. XXIII, p. Cr3S) rapportent un
cas d' « inversion du réflexe du radius et réaction de dégénérescence dans les
muscles biceps et long supinateur ». Leur travail se termine par cette phrase :
« Cette observation confirme en définitive la valeur topographique de l'inversion
du réflexe du radius. »
Goltard Soderbergh (Neurologisches Centralblall, 1912, p. Il 16) confirme aussi
les résultats de mes recherches dans un article intitulé : « Ueber Babinski's l'in-
version du réflexe du radius. » Il revient encore sur cette question dans un travail
fait en collaboration avec Akerblon ayant pour titre : « Rûckenmarlageschw. der
h6chsten Cervikalsegmenle (Jlill. a. d. Grenzgeb. d. Med. u. Chir., XXV, IIeft 1).
En ce qui concerne le réflexe paradoxal du coude auquel on a donné aussi le
nom d'inversion du réflexe tricipital, C. Lian signale ce symptôme chez un
tabétique (Revue neurologique, 1912, t. XXIII, p. lt3G) et écrit ceci : « Notre obser-
vation vient donc s'ajouter aux observations de M. Babinski et à celle de MM. Deje-
rine et Jumentié pour montrer que l'inversion du réflexe tricipital peut s'observer
chez les labéliques, en l'absence de toute hémiplégie ou de toute sclérose combinée. »
RÉFLEXES CUTANÉS 37
RÉFLEXES CUTANÉS
Phénomène des orteils.
J'ai montré qu'à t'étal normal, sauf dans la période qui s'étend
approximativement de la naissance jusqu'au moment où la marche
devient correcte, l'excitation de la plante du pied, quandclledétermine,
Fixe 2. Étal normal. Flexion des orteils provoquée
par excitation de la plante du pied.
ce qui est la règle, un mouvement réflexe des orteils, provoque tou-
jours une flexion (voir fig. 2).
11 est des individus normaux chez lesquels, à la suite de l'excitation
de la plante du pied, les orteils restent immobiles, au moins en appa-
rence, mais et c'est là un point essentiel - jamais ils n'exécutent
de mouvement d'extension.
Or, en cas de perturbation du système pyramidal, l'excitation de la
38 SÉMIOLOGIE
plante du pied provoque ordinairement l'extension des orteils, en
particulier du gros orteil.
C'est là le phénomène des orteils ou du gros orteil que j'ai fait con-
naître en 1896 à la Société de Biologie (43). J'en ai donné une des-
cription plus complète au Congrès de Neurologie de Bruxelles en
1897, et ensuite dans une leçon publiée en 1898 par la Semaine Médi-
Fig. 3. - Phénomène des orteils.
cale (48). On a pris l'habitude de l'appeler, tant en France qu'à l'étran-
ger, « signe de Babinski » (voir fig. 3).
Etant donnée l'importance que tous les neurologistes attachent à ce
phénomène, je dois entrer dans quelques développements. A cette
fin, je ferai d'abord quelques extraits du dernier travail que je viens
de rappeler.
« En général, ce n'est pas seulement par le sens du mouvement
que le réflexe normal diffère du réflexe pathologique ; le plus souvent
l'extension est exécutée avec plus de lenteur que la flexion ; de plus,
la flexion est d'habitude plus forte quand on excite la partie interne de
la plante du pied que lorsque l'excitation porte sur la partie externe,
et c'est l'inverse pour ce qui concerne l'extension ; enfin, tandis que
RÉFLEXES CUTANÉS 39
la flexion prédomine généralement dans les deux ou trois derniers
orteils, c'est dans le premier ou les deux premiers orteils que l'exten-
sion est ordinairement le plus prononcée.
« Le phénomène des orteils peut se présenter sous des formes
frustes, c'est-à-dire que le réflexe plantaire peut revêtir des caractères
en partie pathologiques, en partie physiologiques. En voici des
exemples : chez certains sujets, l'excitation de la plante du pied
provoque l'extension du gros orteil ou des deux premiers orteils
et donne lieu en même temps à une flexion des derniers orteils ;
chez d'autres, les orteils s'étendent quand on excite la partie externe
de la plante du pied et se fléchissent lorsque c'est la partie interne du
pied qui est excitée ; chez d'autres encore, le réflexe plantaire,
quelle que soit la partie de la plante du pied qui est excitée, se mani-
feste tantôt par de la flexion, tantôt par de l'extension des orteils ;
dans ce dernier cas, ce sont généralement les premières excitations qui
donnent lieu à de la flexion.
« Cela dit, je vais vous faire connaître la technique qu'il faut
employer pour bien observer le mouvement réflexe des orteils. Il
importe que les muscles du pied et de la jambe ne soient pas en état
de contraction, et pour obtenir ce résultat il est bon de ne pas pré-
venir le sujet de l'expérience qu'on se propose de pratiquer et de lui
faire fermer les yeux. La jambe doit être légèrement fléchie sur la
cuisse et le pied reposera sur le lit par son bord externe ou bien sera
privé de tout appui, la jambe étant relevée et soutenue par l'expéri-
mentateur. Le membre inférieur étant placé dans cette attitude, on
attendra pour procéder à l'excitation que les muscles paraissent bien
relâchés.
« Il n'est pas indifférent d'exciter légèrement ou énergiquement, de
chatouiller simplement ou de piquer la plante du pied. Ce dernier
mode d'excitation est nécessaire chez certains sujets pour faire appa-
raître un mouvement réflexe des orteils ; mais, par contre, il donne
lieu chez d'autres individus à des mouvements si vifs des divers
40 SÉMIOLOGIE
segments du membre inférieur qu'il est difficile de les analyser ; en
pareille conjoncture, le sens du mouvement des orteils peut être
impossible à déterminer et, lorsqu'onleperçoit, ilestencorepermis do
se demander s'il s'agit bien d'un mouvement réflexe ou d'un mouve-
mement volontaire, question importante à résoudre car il est à peine
besoin de faire remarquer que si, à l'état normal, le réflexe cutané
plantaire ne se manifeste jamais par une extension des orteils, ce mou-
vement pourrait être exécuté, consécutivement à la piqûre de la plante
du pied, par un acte de la volonté ; il faut, dans des cas de ce genre,
renouveler l'excitation en la pratiquant superficiellement.
« Il y a encore une cause d'erreur que je crois utile de vous
signaler. Les orteils suivent nécessairement le pied dans le mouvement
de flexion qu'il exécute sur la jambe à la suite de l'excitation de la
plante ; si donc le mouvement de flexion sur le métatarse fait défaut,
ainsi que cela a lieu parfois, les orteils, entraînés passiv ement vers la
partie antérieure de la jambe, peuvent donner à un observateur inat-
tentif l'illusion qu'ils exécutent un mouvement d'extension sur le méta-
tarse. Pour éviter cette confusion, il faut avoir soin d'examiner
la région de l'articulation métatarso-phalangienne du gros orteil, afin
de voir comment se comportent la phalange et le métatarse l'une par
rapport à l'autre.
« En m'appuyant sur ces quelques faits et sur d'autres beaucoup
plus nombreux que j'ai recueillis depuis que ce signe a attiré mon
attention, je vais passer en revue, d'une manière méthodique, les affec-
tions dans lesquelles on peut observer le phénomène des orteils.
« C'est d'abord l'hémiplégie due à une lésion organique de l'encé-
phale, quelle qu'en soit la cause, qu'il s'agisse d'hémorragie, de
ramollissement ou de néoplasme, que l'on ait affaire à une hémiplégie
de l'adulte ou à une hémiplégie infantile.
« Chez les sujets que je vous ai montrés il s'agissait d'hémiplégie de
date ancienne avec contracture et exagération des réflexes tendineux.
RÉFLEXES CUTANÉS S 41
Mais j'ai constaté aussi ce phénomène dans plusieurs cas d'hémiplégie
récente, flasque, où les réflexes tendineux étaient normaux, affaiblis
ou même abolis du côté paralysé. C'est ainsi que, chez la deuxième
malade que je vous ai présentée, je l'ai observé dès le premier examen
qui avait été pratiqué vingt-quatre heures après le début de l'hémi-
plégie ; les réflexes tendineux étaient alors à peu près de même intensité
des deux côtés. Chez une autre femme, atteinte d'hémiplégie orga-
nique, soumise à mon examen une heure après l'ictus apoplectique,
le phénomène des orteils était dès ce moment très manifeste et les
réflexes tendineux du côté de l'hémiplégie étaient très faibles. L'exten-
sion des orteils m'a même paru ordinairement plus marquée dans
l'hémiplégie récente que dans l'hémiplégie ancienne.
« J'ai constaté aussi l'existence de ce signe chez deux sujets présen-
tant une hémiplégie ancienne, flasque, avec abolition des réflexes rotu-
liens. L'un d'eux était atteint d'hémiplégie gauche remontant à trois
ans ; la paralysie était flasque au membre inférieur; le membre supé-
rieur gauche était légèrement contracture ; les réflexes rotuliens et les
réflexes du tendon d'Achille faisaient défaut des deux côtés ; le réflexe
du triceps brachial était normal à droite, exagéré à gauche ; le malade
avait eu quelques douleurs lancinantes et sa pupille droite était plus
petite que la gauche. Il est vraisemblable qu'il s'agissait d'une asso-
ciation de lésions radiculaires postérieures et d'une lésion organique
de l'hémisphère droit avec dégénération secondaire. Le second sujet
était une femme atteinte manifestement de tabes caractérisé par des
douleurs fulgurantes, des troubles vésicaux, le signe de Robertson,
l'absence bilatérale des réflexes rotuliens et achilléen et du réflexe du
triceps brachial ; elle avait été frappée brusquement d'une hémiplégie
gauche. Le phénomène des orteils existait dès le début de la paralysie
et, trois mois plus tard, la paralysie étant toujours flasque et les
réflexes tendineux faisant défaut à ce moment comme auparavant,
l'excitation de la plante du pied provoquait, ainsi qu'au premier jour,
l'extension des orteils.
42 SÉMIOLOGIE
« L'intensité du phénomène des orteils n'est pas proportionnée à
celle de la paralysie ; ce signe est très marqué dans certains cas où
l'hémiplégie est légère et où la motilité volontaire des orteils
n'est pas très affaiblie; par contre, il peut être fort peu accusé et même
faire défaut dans des cas où la paralysie est très prononcée.
« Généralement, du côté opposé à la paralysie, le réflexe cutané
plantaire est normal ; parfois pourtant j'ai constaté de ce côté le signe
des orteils, moins accentué toutefois qu'au pied paralysé.
« Chez une femme, atteinte d'hémiplégie spasmodique datant de
plusieurs années, j'ai noté le curieux fait suivant : l'excitation de la
plante du pied paralysé donnait lieu de ce côté à une extension des
orteils ; l'excitation de la plante du pied normal provoquait, outre une
flexion des orteils de ce pied, une flexion des orteils du pied paralysé.
« J'ai vu le phénomène des orteils dans quelques cas de méningo-
encéphalito diffuse ; il y avait en môme temps une grande faiblesse des
membres inférieurs et les réflexes tendineux étaient exagérés ; la
malade que je vous ai présentée en dernier lieu fait exception à cette
règle car, ainsi que vous l'avez vu, chez elle les membres inférieurs
ne sont que très peu affaiblis et les réflexes tendineux sont abolis ; il
s'agit là, il est vrai, d'une méningo-encéphalite diffuse associée au
tabes.
« Dans un cas d'épilepsie partielle, j'ai eu l'occasion de constater
ce phénomène : il s'agissait d'un homme, sujet à des crises d'épilepsie
jacksonienne, chez lequel les mouvements convulsifs occupaient le
côté gauche du corps. Ayant examiné le malade immédiatement après
une crise, j'ai vu que l'excitation de la plante du pied donnait lieu à
de l'extension des orteils à gauche; hors des crises, le réflexe cutané
plantaire était normal et le côté gauche ne présentait aucun trouble
de motilité. '
« J'ai également observé le signe des orteils chez un individu atteint
de méningite cérébro-spinale et chez une femme qui avait ingéré de la
strychnine à dose toxique ; tous deux présentaient aux membres infé-
RÉFLEXES CUTANÉS 43
rieurs de la contracture, de l'exagération des réflexes tendineux et
de la trépidation épileptoïde du pied. Le sujet empoisonné par la
strychnine guérit rapidement et, quarante-huit heures environ après
le début des troubles morbides, le réflexe cutané plantaire était rede-
venu normal.
« Dans les paralysies spinales spasmodiques, quelle qu'en soit la
cause, qu'il s'agisse de lésion traumatique, de compression de la
moelle par mal de Pott, de méningomyélite, de myélite transverse,
de sclérose en plaques, de syringomyélie, de sclérose latérale amyo-
trophique, on observe souvent le phénomène des orteils, et il est géné-
ralement plus prononcé dans les cas de ce genre que dans l'hémiplégie
d'origine cérébrale.
« Ce signe peut exister aussi dans certaines paraplégies flasques avec
affaiblissement ou abolition des réflexes tendineux. Je l'ai constaté,
du côté de la paralysie, dans un cas d'hémiplégie spinale avec anes-
thésic croisée due à une hémi-section traumatique de la moelle, à la
partie moyenne de la région dorsale, quinze heures après l'accident;
le côté paralysé était flasque et les réflexes tendineux y étaient abolis.
« Enfin, j'ai noté le phénomène des orteils dans plusieurs cas de
maladie de Friedreich.
« Si l'on jette un coup d'oeil d'ensemble sur les faits que je viens
de vous énumérer, en cherchant à déterminer la cause du phénomène
des orteils, on s'aperçoit immédiatement que cette inversion dans la
forme du réflexe cutané plantaire est liée à des affections diverses de
l'encéphale ou de la moelle. Or, ces affections, à tant d'égards si
différentes, ayant pour caractère commun de donner naissance toujours
ou parfois, suivant l'espèce dont il s'agit, à une perturbation dans le
fonctionnement du système pyramidal, c'est de cette perturbation que
l'on est amené à faire dépendre le phénomène qui nous occupe.
« Mes observations montrent que le phénomène des orteils peut être
44 SÉMIOLOGIE -
déterminé par une perturbation dans le système pyramidal, quelles
qu'en soient la durée, l'intensité et l'étendue. Je l'ai constaté, en effet,
dans des hémiplégies très anciennes ainsi que dans des hémiplégies
toutes récentes, dans des cas où les fibres nerveuses du faisceau pyra-
midal étaient détruites et dans d'autres (sclérose en plaques. par
exemple) où l'altération n'était que superficielle, où les cylindres-axes
de ce faisceau étaient conservés, sur des sujets chez lesquels les lésions
du faisceau pyramidal devaient être très étendues et sur d'autres chez
lesquels ces lésions étaient très limitées.
« Il faut donc bien remarquer que ce signe, s'il révèle l'existence
d'une perturbation dans le système pyramidal, n'en dénote pas la
gravité. Il peut exister dans des cas de paralysie très légère, de para-
lysie curable, et disparaître après la guérison ; il peut se manifester
d'une façon passagère dans l'épilepsie partielle, dans l'empoisonne-
ment par la strychnine. Il semble même qu'il puisse parfois constituer
le seul indice de cette perturbation. Par contre, il peut faire complè-
tement défaut chez des malades dont le système pyramidal est profon-
dément altéré. Il y a là un contraste qui conduit à se demander s'il
n'y a que certaines parties du système pyramidal dont l'altération
puisse produire le phénomène des orteils ; mais nous ne sommes pas
en mesure d'être précis à cet égard.
« Il résulte de tout ce qui précède que le phénomène des orteils a un
lien avec l'exagération des réflexes tendineux et l'épilepsie spinale qui
sont souvent sous la dépendance d'une lésion du système pyramidal,
mais que ce lien n'est pas, tant s'en faut, indissoluble. Aussi observe-
t-on fréquemment la réunion de ces signes chez un même sujet et
c'est ce que vous avez pu constater sur la plupart des malades que je
vous ai présentés. Néanmoins, ils peuvent exister l'un sans l'autre; en
ellet, le phénomène des orteils fait parfois défaut dans un membre
atteint de paralysie spasmodique avec exagération des réflexes ten-
dineux et trépidation épileptoïde du pied, tandis qu'inversement on
observe très nettement ce signe dans des cas où, malgré l'existence
RÉFLEXES CUTANÉS s 45
d'une lésion du système pyramidal, les réflexes tendineux sont nor-
maux, affaiblis ou abolis, soit parce que la lésion est de fraîche date,
soit parce qu'elle s'associe à des altérations des racines postérieures.
« L'importance du phénomène des orteils au point de vue du dia-
gnostic ressort de l'exposé des faits dont je vous ai entretenus, et je ne
saurais m'y arrêter davantage sans m'exposer à des répétitions.
« Je désire seulement vous faire remarquer que sa valeur sémiolo-
gique est surtout grande dans les cas où les réflexes tendineux ne
renseignent pas sur l'état du système pyramidal. C'est ainsi que,
dans l'hémiplégie organique récente, les réflexes tendineux sont géné-
ralement normaux ou affaiblis et l'on s'accorde à dire qu'il est souvent
impossible de la distinguer, lorsqu'elle est à sa première période,
de l'hémiplégie hystérique ; dans un cas de ce genre l'existence du
signe des orteils est particulièrement précieuse, car elle permet d'écarter
l'hypothèse d'hystérie. Il en est de même pour la paraplégie au début.
Les réflexes tendineux étant ordinairement abolis lorsqu'une lésion du
système pyramidal s'associe à une altération des racines postérieures,
la présence du phénomène des orteils dans un cas de tabes sera un
indice important puisqu'il révélera dans le système pyramidal l'exis-
tence d'un trouble qui, sans ce signe, aurait pu être méconnu.
« Au commencement de cette leçon je vous ai dit que je m'occupe-
rai seulement du réflexe cutané plantaire chez l'adulte. Toutefois, avant
de terminer, je veux vous dire un mot de ce réflexe chez le nouveau-né.
Le chatouillement de la plante du pied provoque normalement chez le
nouveau-né l'extension des orteils. Or, si l'on considère qu'à lanaissance
le système pyramidal n'est pas encore développé, on trouvera dans ce
fait une confirmation de l'idée que le phénomène des orteils est en
relation avec un trouble dans le fonctionnement du système pyra-
midal. »
Je n'ai rien à retrancher de ce que j'ai écrit il y a quinze ans et si
les travaux publiés de toutes parts, depuis cette époque, ont donné
46 SÉMIOLOGIE
du poids aux notions que j'ai établies, ils ne les ont guère éten-
dues.
Je mentionnerai toutefois quelques points relatifs au signe des orteils,
sur lesquels j'ai appelé l'attention ultérieurement.
J'ai observé ce signe (53) dans l'épilepsie dite idiopathique ou
essentielle, au moment de la crise et après la crise, pendant un laps
de temps plus ou moins long, chez des individus dont le réflexe
cutané plantaire était normal hors des crises. Le phénomène des
orteils est alors tantôt unilatéral, tantôt bilatéral; il est parfois accom-
pagné de surréflectivité tendineuse avec trépidation épileptoïde du
pied et de l'abolition du réflexe anal. Sa présence, pendant une crise.
chez un sujet dont le réflexe plantaire est normal hors des crises,
permet d'écarter l'hypothèse d'attaque hystérique.
Je l'ai constaté assez souvent dans la paralysie infantile spinale
(Revue neurologique, 1910, 11, p. Goi), et d'autres neurologistes
l'ont également observé en pareil cas. Sa présence confirme ce que
l'anatomie pathologique avait déjà montré, à savoir que les lésions de
la poliomyélite antérieure aiguë peuvent ne pas rester cantonnées dans
les cornes antérieures de la moelle et envahir les cordons latéraux ; sa
fréquence prouve que, dans cette affection, l'envahissement de la sub-
stance blanche est chose assez commune.
J'ai indiqué quelques moyens qui permettraient de distinguer le
phénomène des orteils légitime d'une extension volontaire des orteils,
dans les cas exceptionnels où l'on pourrait avoir quelque doute à cet
égard.
« A la vérité, ai-je fait remarquer (Revue neurologique, igo6,
p. 283), un simulateur ou un hystérique serait en mesure d'induire
en erreur un médecin inexpérimenté, car il est évidemment possible
d'étendre le gros orteil volontairement et d'exécuter ce mouvement à
la suite d'une excitation de la plante du pied. Mais, en y prêtant l'at-
tention nécessaire, un neurologiste sera à même de reconnaître la
fraude. En répétant l'expérience plusieurs fois, dans des conditions
RÉFLEXES CUTANÉS 47
variées, il sera ordinairement frappé par quelque irrégularité et, par l'
là, mis en garde : il constatera, par exemple, qu'un attouchement exces-
sivement léger aura été suivi d'une extension très forte, parfois môme
que le mouvement aura précédé l'attouchement ; par contre, quand
l'attention du sujet aura été détournée, une excitation forte ne sera
pas suivie d'extension, ou bien la durée du temps perdu sera mani-
festement trop longue. Voici un autre moyen de dépister la simula-
tion ou la suggestion : tandis que l'extension réflexe du gros orteil
s'accompagne de divers autres mouvements réflexes tels qu'une flexion
brusque de la cuisse sur le bassin, une contraction du tenseur du fascia
lata, l'extension volontaire du gros orteil s'opérera d'une manière indé-
pendante ou ne sera pas associée intimement à ces divers autres mou-
vements. »
Le phénomène des orteils ne dénote pas, comme certains l'ont
pensé, une abolition du réflexe cutané plantaire normal; celui-ci peut
être simplement masqué. En voici des preuves :
a. On a vu plus haut que dans certains cas de lésions de la voie
.pyramidale on peut obtenir alternativement de l'extension ou de la
flexion du gros orteil, suivant qu'on excite la région plantaire à sa
partie externe ou à sa partie interne, ce qui montre déjà que ces deux
réflexes ne sont pas incompatibles.
b. Dans un travail (106) paru en igo4, et relatif aux perturbations
des réflexes cutanés dans les affections du système pyramidal, j'ai fait
observer que chez quelques malades, tandis que l'excitation de la
plante du pied détermine de l'extension des orteils, ceux-ci se flé-
chissent très nettement quand on excite la peau de la partie supé-
rieure de la cuisse (ce qu'avait déjà vu Remak) ou de la partie
inférieure de l'abdomen.
c. Des expériences d'Ozorio de Almeida, confirmées par moi,
ont montré que, chez des sujets présentant le signe des orteils, une
compression du membre inférieur avec une bande élastique peut ame-
48 SÉMIOLOGIE
ner transitoirement la réapparition du mouvement réflexe de flexion
des orteils.
On a décrit sous des dénominations nouvelles des phénomènes
réflexes qui ne sont en grande partie que des variantes du signe des
orteils. Cette remarque s'applique, par exemple, au réflexe antagoniste
de Schaefer.
J'ai écrit à ce sujet (56) :
« Schaefer, dans le n" 22 de l'année 18c, du Neurologisches
Cenlralblatl, appelle l'attention sur un phénomène réflexe dont voici
la description : *.
« Lorsque l'on presse énergiquement le tendon d'Achille, dans son
tiers moyen ou son tiers supérieur, entre le pouce et l'index, on pro-
voque chez l'individu sain une sensation de douleur légère et en même
temps une très faible extension du pied et parfois aussi une flexion des
orteils. Or, dans certains cas pathologiques, chez des malades atteints
d'hémiplégie cérébrale organique, la même manoeuvre donne lieu à
une sensation douloureuse plus intense et en outre à une flexion du
pied ainsi qu'à une extension des orteils du côté paralysé. Ce réflexe
pathologique qui, au point de vue du diagnostic, a ceci d'important
qu'il peut permettre de déceler l'existence d'une affection grave de
l'encéphale, se distinguerait des autres réflexes tendineux parce que
la réaction, au lieu de s'opérer dans le muscle dont le tendon est
excité, se manifesterait dans les antagonistes; d'où la dénomination
de réflexe antagoniste que Schaefer propose de donner à ce phéno-
mène.
« Schaefer n'a sans doute pas eu connaissance de mon travail sur
le « phénomène des orteils », non plus que des diverses publications
qui ont paru sur ce sujet en France et à l'étranger; autrement il eût
été frappé de la similitude des résultats obtenus par son procédé et par
le chatouillement de la plante du pied, et alors il eût été vraisembla-
blement conduit à se demander si la flexion du pied et l'extension des
RÉFLEXES CUTANÉS 49
orteils qu'il obtient sont sous la dépendance de la pression du tendon
d'Achille, ou bien si elles ne sont pas simplement dues à l'excitation
de la peau.
« C'est le problème que je me suis posé, et voici comment j'ai pro-
cédé pour le résoudre.
« J'ai examiné plusieurs hémiplégiques présentant le phénomène
des orteils. En pratiquant la manoeuvre décrite par Schaefer, j'ai obtenu
comme lui la flexion du pied et l'extension des orteils. Puis, je me suis
contenté de pincer exclusivement la peau dans le voisinage du tendon
d'Achille ou encore en d'autres parties du membre inférieur, et j'ai
constaté les mêmes mouvements réflexes. Les membres de la Société
peuvent vérifier le fait sur les malades atteints d'hémiplégie organique
que j'ai fait venir à la séance.
« Rien n'autorise donc à soutenir que le réflexe de Schaefer soit un Il
réflexe tendineux antagoniste. Il y a tout lieu d'admettre qu'il s'agit
simplement d'un réflexe cutané. »
En somme l'extension des orteils provoquée par ce procédé n'est
pas autre chose que le phénomène des orteils. Quant à la flexion du
pied, si elle ne constitue pas, comme le croyait Schaefer, un réflexe
tendineux, elle doit être dissociée de l'extension réflexe des orteils ;
elle dérive sans doute de l'exagération des réflexes de défense.
Il est permis de faire une critique analogue du signe qu'Oppenheim
a décrit sous la dénomination d' « Unterschenkelsreflex ». Voici en
quoi il consiste : tandis que l'excitation des téguments de la partie
interne de la jambe, provoquée par le frottement avec le manche d'un
marteau à percussion, ne détermine, à l'état normal, aucun réflexe
ou seulement une flexion des quatre petits orteils, cette excitation,
dans les cas où il y a une lésion de la voie pyramidale, produit une
contraction des muscles extenseur propre du gros orteil, jambier anté-
rieur, extenseur commun des orteils et parfois des muscles péroniers.
En ce qui regarde la contraction du jambier antérieur, il s'agit, il
est vrai, d'un phénomène différent du signe des orteils, et la flexion du
BABINSKI. 4
sn SÉMIOLOGIE
pied ainsi obtenue peut être considérée, ici encore, comme résultant
de l'exagération des réflexes de défense. Mais pour ce qui concerne
l'extenseur propre du gros orteil et l'extenseur commun des orteils, il
est évident qu'on a affaire simplement au phénomène des orteils. C'est
d'ailleurs une remarque qui a été faite par plusieurs auteurs, et en par-
ticulier par K. Yoshimura, de Tokio (voir : Ueber das Babinski'sche
phaenomen, Aus der medicinischen Facultiit der Kaiserlich Japanischen
Univasitiit zu Tokio, Bd. VIII, IIeft 2, igo8, S. 220). Voici le pas-
sage relatif à ce sujet :
« J'ai souvent recherché ce réflexe et je me suis convaincu que ce
phénomène considéré par lui (par Oppenheim) comme un réflexe
particulier n'est autre chose qu'une modalité du phénomène de
Babinski qui peut aussi être provoqué par une excitation de la jambe,
et que ce n'est pas la surface interne de la jambe mais plutôt sa sur-
face externe ou encore mieux sa surface postérieure dont l'excitation
est propre à provoquer ce réflexe. »
Ci-dessous, je donne une liste des principaux travaux confirmant les miens.
J'arrête cet index à l'année igo3, car à partir de cette époque la valeur du phéno-
mène des orteils est unanimement admise ; il n'y a presque pas une observation
clinique relative à une affection du système nerveux dans laquelle sa présence ou
son absence ne soit expressément mentionnée.
io Phénomène des orteils, par Van Gehuchten (Journal de Neurologie, 1898,
nos des 5 avril, 20 juin et 5 juillet).
2° Phénomène des orteils ou réflexe de Babinski, par Glorieux (Journal de n'eu-
rologie, 1898, p. 482).
3° Beobachtung ùber Zehenrcllexe, par Schüler (Neurol. Cenlralblatl, n° r 3,
18g9)
4° An investigation upon the plantar reflex, with reference to flic signilicance
ofits variations under palhological conditions including an enduiry inlo flic cetio-
logy of acquired per cavus, by James Collier (Brain, part. LXXXV, r8yg).
5° Sul fenomeno di Babinski, p. Giovani Boeri (Rifornta medica, nos 146, 14,
1 ! ¡8, Anno XV, 1899, Palermo).
G° The Plantar Hellex and Babinski's sign. Their Diagnostic value in spinal
Disease, byF.-W. Langdon (The Cincinnali Lancel-Clinic, 1 ebruary 17, 1 (Joo).
7" Contribution to the Sludy of the Plantar Rellex, based upon seven hundred
RÉFLEXES CUTANÉS : ,1 1
Examinations made with special Reference to the Babinski Phenomcnon, by
G. L. Walton and W. E. Paul (Journal of nervous and mental Disease, June,
1900).
8° Ueber den normalen Grosszellenreflex bei Kindern, von Fritz Passini
(lViener klin. Wochenschrift, 1900, n° 4t).
9" Contribution à l'étude du phénomène des orteils, signe de Babinski, par
J. Charuel (Thèse, Nancy, 1900).
10° l'rzyczynek do kwestji objawu paluchowego Babinskiego oparty na zbadaniu
przeszlo tysiaca osobnikow chorych i zdrowych. Witold Chodzko (Rzecz odczylana
na IX zjezdzie Lekarzy i Przyrodnikow polslricla w Krakowié).
i io Valeur sémiologique du phénomène des orteils ou «signe de Babinski »,
par A. Charpentier (Revue internationale de médecine et de chirurgie, 22 septembre
1900).
120 Réflexes cutanés et réflexes tendineux, par Van Gehuchten (Congrès inter-
national de médecine de Paris, igloo, section de Neurologie, p. 170).
13° Ueber das Babinski'sche Zehenphanomen, par Guglielmo de Pastrowich
(Monatschrift sur Psychiatrie und Neurologie, t. VIII, p. 37°, novembre igoo).
1 l¡° Remarques sur le réflexe plantaire et en particulier sur le signe de Babin-
ski, par lsl : ridâe(Journal of Americ. Med. Assoc., ig et 26 janvier 19°1).
r5° Contribution à l'étude du réflexe plantaire normal basé sur t5G cas, par
Morton Prince (Boston Med. Journal, 24 janvier 1901).
16o The Babinski Reflex, by Van Epps (Journal of nerv. and mental Disease,
April 1901).
170 Osservazioni sui Riflessi Cutané ! e Tendinesi, p. Ettore Tedeschi (Gazella
degli Ospedali e délie Cliniche, n° 60, Anno 1901, Milano).
18° El reflejo plantar di Babinski y la Ilemiplegia organica. Lucas Ayarraga-
ray (Servicio del Asilo de iliendigos, Buenos-Ayres).
ig, Rillesso plantare, fenomeno di Babinski e reflesso antagonisto di Schaefer,
p. cl Dott. V. Capriati (Annali di Nevrologia, Anno XIX, trot, Napoli).
30° Ueber das Zehenphanomen Babinski's. Ein Bcitrag zur Lehre von den Fus-
sohlenrcllexen, von Ilermann Schneider (Berl. klin. jJ'ochenschr., 1901, n° 37).
2t. Sur la valeur diagnostique du réflexe plantaire de Babinski p. Schoenborn
(Son. de Ileidelberg, in ,1 ! linch. med. TT7ocheii., 31 décembre 1901).
22° Contribution à l'étude du réflexe de Babinski, par Crocq (Journal de Neu-
rologie, n° 1, 1901).
23° Erfahrungen ùber don Babinski'schen Reflex, von Dr. August Hamburger
(Neurologisclies Centralblait, igoi, p. 698 et 1902, p. 151).
24° Untcrsucltung u. diagn. Vcrwerthung der Hautrenexe, von Boettinger.
Vortrag bebalten im Allonaer tirztliche Verein am 27 nov. igoi (Miinch. med.
I l'ocls., 4 lob. igo2).
52 SÉMIOLOGIE
25° Contribution à l'étude du phénomène des orteils dans l'épilepsie, par Jean
Esmenard (Thèse, Paris, 1902).
26° Bemerkungen zur Klinischen Beobachtug der Haut u. Sehnenrellexe der
unteren Kdrperhâlfte, von Dr. Schônborn (Deutsche Zeilscitrifif. Nervenheilkunde,
XXI, 1902).
270 Ueber das Zehenphanomen Babinski's, von Imura( ! \'eurologin, Juni, 1902).
280 The differential Diagnosis of functional and organic Paralysis, by Thomas
Buzzard (The British Médical Journal, 18 novembre, 1902).
29° Algo acera del sintoma di Babinski. Dr. Gayarre (Academia Medico-Quirur-
gica espanola, 12 de Mayo de 1902).
3o° Le signe de Babinski immédiatement consécutif aux ictus cérébraux, par
Brissaud (Société de Neurologie de Paris, séance du 4 décembre igo2, in Revue
neurologique, 1902, p. r y5).
31° Beitrag zur klinischen Bedeutung und Patitogenese des Babinski'schen
Reflex, von Dr. Specht (Monatschrift f. Psychiatrie u. Neurologie, Bd. XII,
Ileft 2).
32° Il fenomeno di Babinski negli alienati, per il Dr. Edoardo Audenino (Gior-
nale délia Reale Accademia di llledicina di Torino, vol. IX, Anno LXVI, fasci-
coli 7-8).
33° Étude sur le phénomène des orteils (signe de Babinski), par G. Marinesco
(Revue neurologique, 3o mai 1903).
34° Le signe de Babinski comme signe précurseur des lésions du système pyra-
midal, par Peppo Acchiotte, de Constantinople (Congrès de Madrid, avril 1903).
35° Zur Lehre von den Hautreflexen an den Unterextremitâten (insbesondere
des Babinski'schen Réflexes), von Goldflam (Neurologisches Ceniralblait, 1903,
p. 1109).
De l'abduction des orteils (signe de l'éventail).
Ce signe, que j'ai fait connaître en igo3, est un complément du
signe du gros orteil. Voici ce que j'ai écrit à ce sujet dans mon pre-
mier travail (97).
« L'excitation de la plante du pied provoque parfois, entre autres
mouvements réflexes, une abduction plus ou moins marquée d'un ou
de plusieurs orteils, qui a déjà été incidemment signalée par certains
auteurs sans qu'ils y aient attaché une valeur sémiologique quel-
conque (voir fig. fi).
RÉFLEXES CUTANÉS 53
« Mon attention a été attirée aussi, depuis assez longtemps, sur ce
phénomène que j'ai observé à l'état normal ainsi qu'à l'état patholo-
gique. Mais il est rare chez les sujets sains, et quand il existe il est
peu prononcé, tandis que chez les malades atteints d'une perturba-
tion du système pyramidal il est bien plus commun, sans l'être toute-
fois autant que l'extension du gros orteil, et il est parfois très marqué.
11 m'a paru surtout très développé dans les paralysies spasmodiques
congénitales accompagnées d'athétose.
J'ajoute à cela que chez le nouveau-né,
dont, le système pyramidal n'est pas encore
constitué, le chatouillement de la plante
du pied donne lieu généralement à une
abduction des orteils en même temps qu'à
une extension du gros orteil.
« Ce fait seul qu'il peut exister à l'état
normal m'empêche d'attribuer à ce phé-
nomène l'importance fondamentale qui
appartient à l'extension du gros orteil,
caractéristique d'une perturbation du
système pyramidal ; néanmoins, quand
il est très accentué, il me paraît avoir une
FiG. 4. - Abduction réflexe
des orteils.
certaine signification. Récemment, dans
un cas de paraplégie crurale consécutive à un traumatisme, quiavaitété
l'objet d'une expertise médico-légale, l'absence de tout signe objectif
classique d'affection organique du système nerveux avait conduit les
médecins chargés de l'examen à émettre l'avis qu'il s'agissait d'hysté-
rie ou de simulation ; ayant observé chez ce malade une abduction très
nette des orteils, j'ai émis une opinion contraire et, environ trois
semaines après ma première consultation, un deuxième examen me
permettait de constater une extension des orteils qui jusque-là avait
fait défaut et venait confirmer ma manière de voir.
« J'estime donc que l'abduction des orteils, dans les conditions que
54 SÉMIOLOGIE
je viens de spécifier, constitue, à l'appui du diagnostic de perturbation
du système pyramidal, un signe de probabilité qui peut être précieux
dans certains cas douteux. ))
FIG. 5. - Abduction associée des orteils.
Dans une deuxième note parue quelques mois plus tard (102), je
disais :
« J'ai montré dans une précédente communication que l'abduction
réflexe provoquée par une excitation de la plante du pied constitue,
quand elle est bien marquée, une présomption de perturbation du sys-
tème pyramidal.
« Des faits plus récemment observés me conduisent à admettre que
RÉFLEXES CUTANÉS 55
cette perturbation peut occasionner aussi une abduction associée des
orteils. Pour constater ce phénomène, voici Comment il faut procé-
der : le sujet en observation doit se coucher sur le dos ; puis, après
avoir croisé les bras sur la poitrine, exécuter des mouvements alter-
natifs de flexion et d'extension du tronc sur le bassin, comme pour la
recherche du « mouvement combiné de flexion du tronc et de la
cuisse ». Pendant l'exécution de ces actes on voit les orteils s'écarter
les uns des autres (voir fig. 5).
« L'abduction associée des orteils me parait avoir une signification
clinique de même ordre que l'abduction réflexe ; mais il faut remar-
quer que, si ces deux espèces de mouvements coexistent parfois, ils
peuvent aussi exister l'un en l'absence de l'autre.
« L'abduction associée est un phénomène assez rare qui m'a semblé
plus commun dans l'hémiplégie de l'enfant que dans celle de l'adulte,
plus fréquent dans l'hémiparésie que dans l'hémiplégie.
« Notre collègue Dupré propose de donner à l'abduction des
orteils, qu'elle soit d'origine réflexe ou qu'elle se manifeste comme
un mouvement associé, la dénomination de signe de l'éventail. C'est
une expression imagée qui mérite d'être retenue ; mais, comme il peut
y avoir intérêt à spécifier les conditions dans lesquelles ce signe se
produit, il est peut-être préférable de se contenter des termes abduc-
tion des orteils auxquels on ajoutera, suivant les circonstances, les
mots réflexe, ou associée, ou réflexe et associée.
« J'ai observé l'abduction associée des orteils du côté droit chez une
malade atteinte d'un spasme fonctionnel du membre supérieur droit, qui
se manifestait en particulier par une crampe des écrivains ; cette femme
présentait en même temps à droite le phénomène de la flexion combinée
de la cuisse et du tronc. Ce fait me suggère une idée analogue à celle
que j'ai émise sur la pathogénie du torticolis dit mental, à savoir que le
spasme fonctionnel est peut-être, du moins dans certains cas, sous la
dépendance d'une perturbation du système pyramidal ; mais ce n'est
encore qu'une hypothèse qui a besoin de vérification » (voir p. 177).
."0 SÉMIOLOGIE
Postérieurement, dans une communication avec présentation de
malades sur les « formes latentes des affections du système pyramidal »
j'ai écrit ceci :
« Cette présentation me donnant une occasion de vous entretenir de
nouveau du signe de l'éventail sur la valeur clinique duquel on n'est
pas encore fixé, je crois bon de dire que ce phénomène, quand il est
bien caractérisé, me semble dénoter presque sûrement une perturba-
tion du système pyramidal ; si j'en juge par les observations que
j'ai faites depuis que je le recherche, il me paraît plus commun dans
l'hémiplégie infantile que dans l'hémiplégie de l'adulte, plus commun
aussi dans l'hémiparésie que dans l'hémiplégie et enfin plus commun
dans' les paralysies d'origine spinale que dans celles qui dépendent
d'une affection cérébrale. »
Il n'existe pas, du moins à ma connaissance. de travail confirmatif
consacré spécialement à l'étude de ce signe. Mais, dans maintes obser-
vations ayant trait à des affections organiques du système nerveux
central atteignant la voie pyramidale, sa présence est signalée, et je ne
sache pas que sa valeur ait été contestée.
Réflexes de défense.
Quoique les réflexes de défense, particulièrement lorsqu'ils sont
exagérés, puissent être provoqués non seulement par l'excitation de
la peau mais aussi par la compression des parties profondes ou par
des tractions, il me semble légitime de les étudier dans ce chapitre.
C'est là un sujet sur lequel j'ai fourni quelques données nouvelles
et qui est, depuis peu, à l'ordre du jour.
A. - J'ai montré en 1900, comme j'ai eu l'occasion de le rappe-
ler (voir p. 4g, que, dans l'hémiplégie organique, le pincement de la
peau, au voisinage du tendon d'Achille ou encore dans d'autres par-
RÉFLEXES CUTANÉS 57
ties du membre inférieur, peut provoquer une flexion réflexe du pied,
du côté paralysé.
J'ai signalé un autre moyen de reconnaître l'exagération des
réflexes de défense : le sujet étant assis et ses pieds reposant sur le
parquet, on excite les téguments de la cuisse ou de la jambe par la
faradisation. Quand les réflexes de défense sont exagérés, on constate
d'habitude que la cuisse se fléchit sur le bassin, que le pied se déta-
che du plancher et se maintient quelque temps dans cette attitude.
Lorsqu'on électrise des sujets normaux, en se plaçant dans les con-
ditions que je viens d'indiquer, le pied reste généralement fixé au
sol; exceptionnellement on observe aussi une flexion de la cuisse,
mais alors on a l'impression qu'il ne s'agit pas d'un phénomène
réflexe, car cette flexion fait partie d'un ensemble de mouvements
manifestement volontaires (106).
B. J'ai attiré l'attention sur ce point que l'exagération des
réflexes de défense peut exister, comme le phénomène des orteils,
dans des cas où les réflexes tendineux sont affaiblis ou abolis et que,
parfois même, elle est très prononcée (voir p. 67)' C'est ce que
l'on observe, par exemple, dans la maladie de Friedreich, comme je
l'ai montré avec Vincent et Jarkowski (188). Mais il est à remar-
quer que dans cette dernière affection les réflexes de défense se
comportent d'une manière particulière : ils sont très brusques et
peuvent en général être provoqués par l'excitation d'une partie
quelconque de la peau y compris le cuir chevelu, tandis que dans les
paraplégies dues à un foyer de sclérose ou à une compression de la
moelle ces réflexes se manifestent par des mouvements plus lents et
la zone réflexogène occupe seulement les territoires cutanés innervés
par des segments médullaires sous-jacents à la lésion.
C. Chez un sujet présentant un syndrome de Brown-Séquard
par coup de couteau, j'ai constaté avec Jarkowski et Jumentié
(180) que les réflexes de défense, exagérés des deux côtés, se
produisaient le plus facilement du côté opposé à la lésion ; le malade
58 SÉMIOLOGIE
avait du reste remarqué que les excitations du côté anesthésié provo-
quaient des mouvements involontaires. Nous avons noté le même
fait dans un cas de syndrome de Brown-Séquard dû à une lésion
syphilitique de la moelle. Chez un 'autre malade, atteint d'un syn-
drome de Brown-Séquard par coup de couteau, j'ai observé avec
Chauvet etJarhowslci (202), au début de l'affection, une disposition diffé-
rant en partie, au point de vue des réflexes de défense, de celle qui
vient d'être indiquée : le pincement des téguments du côté de la para-
lysie, en un point quelconque depuis le pied jusqu'à la partie infé-
rieure de la joue, déteiminait du même côté une sorte de tremblement
du quadriceps crural et du côté de l'anesthésie un retrait énergique de
tout le membre inférieur ; le pincement du côté de l'anesthésie ne pro-
voquait aucune réaction homo ou contra-latérale.
D. J ai étudié les réflexes de défense dans leurs relations avec la
contracture (voir p. 67) et comme moyen de localiser les compres-
sions de la moelle (voir p. io5).
RÉFLEXES PUPILLAIRES
De l'abolition des réflexes pupillaires dans ses relations
avec la syphilis.
EN collaboration avec A. Charpentier.
Dans un premier travail présenté au mois de juillet 1899 à la
Société de Dermatologie (5/)), j'ai cherché à établir, avec Charpen-
tier, que « l'abolition des réflexes pupillaires et plus particulière-
ment du réflexe à la lumière, lorsqu'elle est permanente, lorsqu'elle
est l'expression d'une lésion limitée à l'appareil des réflexes pupillai-
res, c'est-à-dire qu'elle n'est liée à aucune altération du globe oculaire
et du nerf optique et n'est pas associée à une paralysie de la troisième
RÉFLEXES PUPILLAIRES ;,9
paire, constitue un signe de syphilis acquise ou de syphilis héréditaire
presque, sinon tout à fait, pathognomonique ».
Nous sommes revenus sur cette question en mai igoi dans une
communication à la Société médicale des Hôpitaux (7{¡).
Entre temps, j'avais examiné avec Nageotte plusieurs sujets
présentant le signe d'Argyll et n'ayant, sauf ce trouble, aucun
symptôme d'affection organique du système nerveux. Nous avons eu
recours au cytodiagnostic qui venait d'être introduit dans la clinique
par Widal, Sicard et Ravaut, et chez tous les malades en question
nous avons constaté une lymphocytose des plus nettes dans le liquide
céphalo-rachidien, ce qui venait à l'appui de l'idée que nous avions
émise sur les relations entre les troubles pupillaires et la syphilis (75).
Nous arrivions à cetle conclusion que l'abolition du réflexe à la
lumière, dans les conditions ci-dessus précisées, dénote presque
sûrement une lésion du système nerveux central d'origine syphi-
litique, et que le sujet chez qui on la constate est un candidat à la
syphilis cérébro-spinale, au tabes et à la paralysie générale. Nous fai-
sions ressortir que ce trouble, n'apportant aucune gêne dans la vision,
n'est guère susceptible de frapper l'attention du malade et qu'il doit
être recherché systématiquement chez tout individu qui se présente à
l'examen du médecin.
La constatation de ce signe, disions-nous, a une importance pra-
tique très grande, car il décèle l'existence d'un état souvent précur-
seur de troubles fort graves et constitue une indication thérapeutique
impérieuse. En effet, si la cure spécifique peut exercer une influence
favorable sur les lésions du système nerveux d'origine syphilitique,
elle doit être surtout efficace quand ces lésions sont à leur début et
que les éléments nerveux ne sont pas encore profondément altérés.
Les résultats de nos recherches ont été confirmés par un grand nombre de neu-
rologistes el de syphiligraphes.
Aoefnn a l'un des premiers apporté des faits à l'appui de la thèse que nous avons
soutenue. Des obsenations d'abolition des réflexes pupillaires dans la syphilis
60 SÉMIOLOGIE
héréditaire ont été relatées par lui dans un mémoire intitulé : « On pupillary
anomalies in paralysed and non paralysed idiot children and their relation to
hereditary syphilis » (The Journal of Mental Science, July 1900).
Erb dit que ce signe lui paraît indiquer que le système nerveux central est tou-
ché par la syphilis (Zur Fruhdiagnoseder Tabès, J11 ünchener medizinische TV ochen-
schrift, 1900, p. 990).
Pour Ilarris le phénomène d'Argyll Robertson est un signe presque certain de
syphilis (SigniGcation de la pupille d'Argyll Robertson, Brit. med. Journal, 29
septembre 1900).
Parinaud et Antonelli ont déclaré qu'ils partageaient notre opinion. Il en est de
même de Gaucher (Bulletins et Mémoires de la Société des Hôpitaux de Paris, 1 go i,
pp. 5o2 et 5o4).
Cestan et Dupuy-Dutemps, dans une Revue générale intitulée : « Le signe pupil-
laire d'Argyll Robertson ; sa valeur sémiologique ; ses relations avec la syphilis »
(Gazelle des Hôpitaux, 1901, pp. 143ti et suiv.), écrivent : « ... grâce aux travaux
de Babinski, la valeur pratique du signe d'Argyll est définitivement mise en
lumière : sa présence chez un malade doit faire soupçonner la syphilis, doit faire
craindre l'évolution d'un tabes ou d'une paralysie générale progressive, doit faire
instituer sans retard un traitement iodo-mercuriel intensif... ».
Dufour, dans un mémoire sur « les relations entre les troubles pupillaires, la
syphilis et certaines maladies nerveuses (tabes, paralysie générale progressive) », in
Bulletins de la Société médicale, igo2, p. 563, écrit : « C'est à M. Babinski que
revient le très grand mérite de nous avoir indiqué les rapports qui unissent la
syphilis et le signe d'Argyll Robertson. Les observations de cet auteur ont été
confirmées un certain nombre de fois. Nous avons apporté ici une contribution
qui peut avoir son intérêt, étant donné le milieu indifférent où nous avons puisé
nos documents. »
Widal et Lemierre ont publié sur cette question dans les Bulletins de la Société
médicale (1902, pp. 825 et suiv.), un travail ayant pour titre : « Le signe d'Argyll
Robertson et la lymphocytose du liquide céphalo-rachidien » et dont voici la con-
clusion :
« En résumé, chez cinq malades sur six, le signe d'Argyll existait à l'état isolé.
Chez le sixième on constatait de plus l'abolition des réflexes rotuliens. Dans les
six cas nous avons trouvé une lymphocytose nette du liquide céphalo-rachidien.
Chez deux de ces malades, on notait des accidents certains de syphilis ; chez un
troisième, on retrouvait les stigmates d'un chancre mou ; chez les trois autres, on
ne notait aucun accident spécifique. Le signe d'Argyll, comme l'a montré
M. Babinski, est cependant tellement lié à la syphilis, que nous avons tenu à
considérer tous ces malades comme atteints de syphilis méconnue et que nous les
avons soumis sans distinction au traitement spécifique intensif.
RÉFLEXES PUPILLAIRES 61
« L'exploration méningée, en montrant la constance de la lymphocytose chez
ces six sujets, prouve bien, grâce à ce symptôme anatomique, que le signe d'Ar-
gyll, même isolé, décèle une altération organique des centres nerveux venant irri-
ter les méninges. »
Milian (voir : La syphilis du système nerveux, igio, Octave Doin, éditeur,
p. 2g) écrit : « L'importance du signe d'Argyll Robertson est considérable. Ce
signe est, comme l'a montré Babinski, un véritable stigmate de syphilis et non
pas seulement, comme on l'indiquait jadis, un simple signe de tabes ou de para-
lysie générale. Tous les auteurs qui se sont occupés de la question ont confirmé
l'opinion de cet auteur. »
Il me paraît inutile de faire d'autres citations. L'idée que j'ai émise avec
Charpentier n'est aujourd'hui contestée par personne. On a publié, il est vrai,
quelques faits exceptionnels où l'absence du réflexe à la lumière a été constatée
chez des sujets qu'il y avait de bonnes raisons de considérer comme non syphi-
litiques. Parmi ces faits il en est qui ne réalisent pas les conditions que nous
avons fixées, car l'abolition du réflexe s'accompagnait d'une paralysie plus ou
moins complète de la 3" paire. Mais en admettant qu'il y en ait de légitimes, ils
ne sont pas en opposition avec notre opinion; en effet, comme on l'a vu, nous
avions seulement la prétention d'énoncer une règle très générale.
De la pseudo-abolition du réflexe des pupilles à la lumière.
Pour donner une idée exacte du phénomène auquel j'ai donné cette
dénomination, je ne crois pouvoir mieux faire que de citer des extraits
du travail où je l'ai décrit (122).
« En raison del'imporlance fondamentale qui s'attache à l'étude des
troubles pupillaires, j'estime qu'on ne saurait trop chercher à préciser
les conditions capables de modifier l'état des pupilles ; aussi j'espère
que la Société trouvera de l'intérêt à la relation de quelques faits
nouveaux concernant ce sujet.
« Examinant une jeune femme sujette à des crises d'épilepsie et
recherchant chez elle, d'une manière systématique, comme j'ai l'habi-
tude de le faire chez tous mes malades, les divers signes objectifs qui
peuvent se manifester dans les affections organiques du système
62 SÉMIOLOGIE
nerveux, je fus frappé par ce fait que les pupilles, explorées immédia-
tement après l'entrée de cette femme dans une pièce sombre et suivant
la méthode dont j'ai coutume de faire usage', étaient dilatées et ne
réagissaient pas du tout à la lumière. Après avoir laissé la malade
pendant quelques minutes dans l'obscurité, pratiquant une nouvelle
exploration, je constatai celle fois que l'excitation lumineuse provo-
quait une contraction pupillaire faible, mais nette.
« Ces deux examens successifs donnaient donc des résultats en appa-
rence contradictoires, et je pensai qu'il serait intéressant de con-
naître la raison de leur dissemblance; pour atteindre ce but, je fis,
pendant une dizaine de jours consécutifs, des observations et des expé-
riences qui m'ont renseigné, au moins en partie. Je dois, en effet,
déclarer d'abord que la contractilité pupillaire chez celte malade est
soumise à des fluctuations quotidiennes dont je ne suis pas arrivé à
pénétrer toutes les causes, mais il en est une que je suis sûr d'avoir
déterminée. Je puis dire que la lumière tend à épuiser le réflexe de la
pupille et que l'obscuration, au contraire, le renforce. C'est pourquoi
lorsque l'examen est pratiqué dans une pièce obscure, le réflexe, faible
ou nul au moment où le sujet pénètre dans cette pièce, devient plus
fort après que la malade y a séjourné quelque temps. C'est aussi pour
cette raison que généralement, par les jours clairs, le réflexe est plus
faible que par les jours sombres. Je ferai remarquer que l'épuisement
complet du réflexe n'apparaît parfois qu'après deux ou trois excita-
tions suivies encore d'une réaction pupillaire.
« Un excellent moyen de mettre en évidence l'influence de l'obscu-
ration consiste, après avoir constaté la faiblesse ou l'absence du réflexe,
à fermer hermétiquement avec un bandeau les yeux de la malade et
i. Voici en quoi consiste cette méthode : l'examen est pratiqué dans un endroit sombre ;
on place une bougie, une allumette-bougie ou un rat-de-cave latéralement, à un décimètre
environ de l'oeil à examiner et un peu en avant du plan des yeux; on interpose la main, qui
joue le rôle d'écran, entre l'oeil et la lumière, puis, après avoir recommandé au sujet en
obsenation de fixer un objet éloigné, on retire brusquement la main ; or, dans ces condi-
tions, à l'état normal, la pupille se contracte très nettement à ce moment.
RÉFLEXES PUPILLAIRES fi3
à les laisser ainsi pendant vingt à trente minutes ; immédiatement
après qu'on a enlevé le bandeau, le réflexe à la lumière est à peu près
aussi fort que cliez les individus normaux. L'expérience est encore
plus Intéressante et plus convaincante si l'on pratique seulement l'occlu-
sion d'un oeil, l'autre oeil restant exposé à la lumière du jour ; on con-
state, après le délai indiqué, que la pupille de l'oeil qui a été fermé
réagit normalement, tandis que l'autre pupille réagit faiblement ou
ne réagit pas.
« Voilà donc une malade dont le réflexe à la lumière est très affaibli
ou fait même complètement défaut certains jours quand, pour le
rechercher, on se place dans les conditions qui ont été spécifiées.
Je viens de dire que l'obscuration le fait redevenir normal, mais je
dois ajouter immédiatement qu'il n'est pas nécessaire d'employer ce
moyen pour s'assurer qu'il ne s'agit pas là d'une véritable abolition
de ce réflexe. En effet, si au lieu de faire usage d'une bougie on se
sert d'une lumière beaucoup plus vive, ou si au lieu de laisser la
bougie latéralement on la porte devant l'oeil, de manière à faire
pénétrer dans les centres une quantité bien plus grande de lumière,
tout en faisant fixer à la malade un objet éloigné afin d'éditer
l'intervention de l'accommodation, on voit que les pupilles se
contractent ; le réflexe consensuel est aussi conservé, ce qui tient
sans doute à la grande quantité de lumière utilisée généralement
dans cette exploration. Quoi qu'il en soit, il s'agit là d'une disposi-
tion anormale, d'une perturbation que l'on pourrait dénommer, pour
fixer les idées, une pseudo-abolilion du réflexe à la lumière. Je dirai
encore, pour compléter la description de ce trouble, que les pupilles
de cette malade réagissent à la convergence et à l'accommodation.
« Si l'on n'est pas prévenu de la possibilité de confondre la pseudo-
abolition avec l'abolition vraie du réflexe à la lumière, on risque de
commettre cette erreur, grave au point de vue pratique. Je suis per-
64 SÉMIOLOGIE
suadé qu'on s'y est parfois laissé prendre et peut-être a-t-on là l'expli-
cation des prétendues disparitions et réapparitions successives du signe
d'Argyll Robertson, signalées par quelques observateurs et que pour
ma part j'ai toujours mises en doute, sans pourtant les nier. Mais si
l'attention est attirée sur cette cause d'erreur, il est très simple de
l'éviter : en effet, quand il s'agit d'une véritable abolition du réflexe
des pupilles à la lumière, le trouble subsiste quelle que soit l'inten-
sité de la source lumineuse, il subsiste aussi malgré l'emploi de l'ob-
scuration, quelque prolongée qu'elle soit, et le réflexe consensuel est
également aboli. »
Depuis, j'ai observé un certain nombre de faits analogues. Mais je
ne suis pas arrivé à déterminer la cause de celte perturbation ; on ne
peut faire à cet égard que des hypothèses. En ce qui concerne la
raison pour laquelle l'obscuration renforce le réflexe à la lumière, je
renvoie le lecteur à la page 22.
TROUBLES DE LA CONTRACTILITÉ ÉLECTRIQUE
Excitabilité faradique latente.
(EN collaboration avec Delherm et Jarkowski)
La contractilité faradique du muscle dégénéré peut être affaiblie
ou abolie et, dans ce dernier cas, en faisant agir les courants induits
à leur maximum d'intensité « en monopolaire ou en bipolaire», on
n'obtient pas de contraction musculaire.
Or parfois, l'excitabilité faradique n'est abolie qu'en apparence;
elle est latente, et il est possible de la faire apparaître par le pro-
cédé suivant :
On excite avec deux tampons reliés à un appareil faradique les
muscles dont on se propose d'explorer la contractilité et, pendant
CONTRACTURE I : 61«i
cetle exploration, on fait traverser la région examinée par un courant
galvanique constant d'une intensité de 10, 15, 3o milliampères.
Dans certains cas, on constate que les muscles, ne réagissant pas à
des courants faradiques aussi forts que l'appareil peut les fournir
quand la faradisation est employée seule, se contractent très nettement
avec des courants beaucoup moins intenses si l'on procède comme
nous venons de l'indiquer.
Le phénomène se produit avec son maximum de netteté lorsque
le pôle négatif du galvanique et celui du faradique sont tous deux
« distaux ». '
Cette réaction pourrait être considérée comme un échelon entre
la subexcitabilité et l'inexcitabilité faradique; elle semble constituer
le stade ultime de la contractilité faradique.
Sans doute, il y a bien longtemps qu'on a songé à utiliser, soit en
physiologie, soit en thérapeutique, l'action simultanée des deux cou-
rants, mais il ne semble pas que l'attention ait été attirée sur le point
que nous venons d'exposer et qui peut être important en électrodia-
gnostic.
Il y a tout lieu d'admettre, en effet, d'une façon générale, que l'exci-
tabilité faradique latente dénote une perturbation musculaire moins
profonde que l'abolition de l'excitabilité faradique. C'est donc un
caractère qui, selon toute vraisemblance, présente de la valeur au
point de vue du pronostic ; il y aura lieu de le rechercher systéma-
tiquement, en particulier dans les cas où la réaction de dégénérescence
obtenue par les procédés habituels semble complète (190).
CONTRACTURE,
En l'étudiant dans ses rapports avec les réflexes tendineux et les
réflexes de défense, je suis arrivé à distinguer par des caractères
intrinsèques diverses espèces ou variétés de contracture et a montrer
que chacune d'elles doit a\oir un mécanisme propre.
J3ABll\KI. )
66 SÉMIOLOGIE
A. Il était admis autrefois que la contracture hystérique, consi-
déiée en soi (voir pp. 116 et igti), pouvait avoir un aspect symplo-
maticluc identique à celui de la contracture dépendant d'une affection
organique de la voie pyramidale; on pensait d'ailleurs que les fais-
ceaux pyramidaux étaient irrités dans la contracture hystérique et
qu'ils étaient même susceptibles de subir à la longue des altérations
matérielles.
J'ai établi que c'était là une erreur, que la contracture hystérique
pure no s'accompagne d'aucune modification des réflexes (voir p. 196),
que par sa nature elle diffère essentiellement de la contracture orga-
nique et qu'elle peut être assimilée à une contraction musculaire voli-
tionnelle.
B. J'ai montré que, dans le groupe des contractures liées à une
perturbation de la voie pyramidale, il était nécessaire de faire une sub-
division, et de distinguer deux formes de rigidité musculaire, qui
souvent, il est vrai, s'associent l'une à l'autre (,94).
a) L'une de ces formes est constituée par la contracture vulgaire
en relation, comme on le sait depuis longtemps, avec l'exagération
des réflexes tendineux ; on peut l'appeler contracture lendino-réjlexe.
Cette relation me conduisit à penser que dans cette forme de
contiacture la rigidité musculaire pourrait être supprimée par une
opération sur les racines postérieures qui ferait disparaître la sur-
réflectivité tendineuse.
En igo6, à l'occasion d'une discussion à la Société de Neurologie
sur les injections intra-nerveuses d'alcool, je me suis exprimé en ces
termes :
« Je m'étais souvent demandé, en présence de malades atteints de
paraplégie avec contracture intense chez lesquels, la force musculaire
paraissant absolument conservée, l'impotence était liée à l'état spas-
modique, s'il ne serait pas légitime de chercher à supprimer le spasme
par une intervention chirurgicale portant sur les racines postérieures
de la moelle, mais la crainte d'accidents m'avait toujours empêché de
CONTRACTURE' 67
mettre celle idée à exécution » (Revue neurologique, 1906, p. (¡7(j).
Deux ans plus tard, en 19°8, Foerster eut le mérite de passer de l'idée
à la réalisation et de fixer la technique de l'opération qui porte actuel-
lement son nom. Elle consiste à sectionner quelques-unes des racines
postérieures de la région lombo-sacrée.
« En décembre 1912, Foerster écrivait que la résection des racines
postérieures a été pratiquée jusqu'à celte date dans 159 cas; sur ce
nombre, il y eut ifi morts, soit une mortalité de 8,8 pour 100. Sur
ces 169 cas opérés, 88 concernaient des enfants atteints de maladie de
Little, il y eut 6 morts. Dans la plupart des cas guéris, les résultats
furent très bons » (G. Guillain, in « Médication des troubles de la
motilité », p. 408, chez .1.-B. Baillière et fils).
b) La deuxième forme de contracture liée à une perturbation de la
voie pyramidale a été déterminée par moi. Elle se différencie princi-
palement de la précédente par les traits suivants : elle est indépen-
dante de l'état des réflexes tendineux qui sont tantôt forts, tantôt nor-
maux, tantôt affaiblis ou abolis ; mais elle a des liens avec les réflexes
cutanés de défense qui sont toujours exagérés. J'ai proposé de la
dénommer, par opposition à la contracture tendino-réflexe, contmc-
lure cutanéo- réflexe.
La contracture cutanéo-réflexe peut occuper les membres supé-
rieurs, mais c'est aux membres inférieurs qu'on l'a observée le plus
souvent ; je reviendrai sur cette question dans le chapitre : « Paraplégie
spasmodique en flexion » (voir p. 86).
C'est aussi à la suite de ce chapitre que je donnerai l'indication des
travaux confirmatifs des miens.
C. Enfin, j'ai attiré l'attention sur une variété de contracture,
observée dans la syringomyélie et qui, imputable à une affection orga-
nique de la moelle, doit cependant être distinguée aussi bien de la
contracture tendino-réflexe que de la contracture cutanéo-réflexe, car
elle se développe sans qu'il y ait de surréllectivité tendineuse ou cuta-
née.
08 SÉMIOLOGIE
Elle paraît due à une irritation des cellules des cornes antérieures
de la moelle produite par la néoformation liomateuse (1 DD)'
CRAMPES
J'ai lait quelques observations nouvelles sur le phénomène de la
crampe musculaire ( : 3 ?
J'ai montré que dans certains états morbides il est souvent possible,
par l'application d'un courant faradique à interruptions fréquentes,
d'une intensité plus ou moins grande, parfois très faible, de faire
apparaître une crampe qui subsiste pendant 20, 3o, 5o secondes
ou plus longtemps encore après que l'électrisation est suspendue.
Les crampes ainsi obtenues par la faradisation sont, du reste, sem-
blables à celles qui se développent spontanément; comme ces der-
nières, elles sont douloureuses; pendant leur durée le muscle est
contracté au maximum : ce sont principalement les jumeaux de la
jambe, et souvent ces muscles seuls, qui sont susceptibles d'en être
le siège; enfin, il est possible de hâter leur disparition en étendant
la jambe sur la cuisse et en fléchissant le pied sur la jambe.
Ordinairement, le muscle, après avoir été mis ainsi en état de con-
traction une ou plusieurs fois successivement, perd pendant quelque
temps cette propriété. -
Les crampes sont, comme on le sait, un des symptômes les plus
communs du choléra : d'habitude, dans les formes graves de cette
maladie et dans sa période d'état, elles se développent spontanément,
ou il suffit d'une cause excitatrice des plus minimes, d'une percus-
sion légère des muscles, d'un attouchement superficiel des téguments,
d'un simple mouvement volontaire du malade, pour les faire ilaiti c.
Mais il n'en est pas toujours ainsi; en particulier dans les formes
bénignes, de même que dans la période de décroissance de la maladie, les
crampes spontanées ou déterminées par les moyens précédemment
C1"l'oUlelli'OS1'1C DU LIQUIDE Cl : l'IlALO-tiACI11U11 : N cil
mentionnés peuvent faire défaut. Or, l'électrisation avec les courants
induits les a presque toujours provoquées chez les malades que j'ai
examinés, à ce point de vue, dans le service de cholériques de l'Hôtel-
Dieu dont j'étais chargé pendant l'épidémie de 1892.
Dès lors, il est permis de se demander si, dans un cas douteux, les
crampes provoquées par la faradisation ne constituent pas un signe
qu'il y aurait lieu de prendre en considération au point de vue du
diagnostic.
Il s'en faut, d'ailleurs, qu'il soit pathognomonique du choléra.
Il y aurait déjà tout lieu d'admettre, à priori, qu'il peut être observé
dans les divers états pathologiques qui comprennent les crampes
spontanées parmi leurs manifestations symptomatiques : dans les affec-
tions cholériformes, le choléra herniaire, par exemple, dans la période
algide de certaines maladies, dans quelques intoxications. En fait, je
l'ai constaté chez des saturnins, des alcooliques, des malades atteints
de névrite périphérique, des tabétiques.
J ajoute que j'ai eu l'occasion d'observer quelques individus, ne
présentant aucun signe d'intoxication, aucune manifestation objective
d'affection organique du système nerveux, qui depuis denombreuses
années étaient sujets à des crampes spontanées ; celles-ci survenaient
à la suite d'une marche de très courte durée, et constituaient une
infirmité fort gênante. On peut désigner un tel état sous la déno-
mination de maladie des crampes.
Cl'fODUIC\05'f1C DU LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN
A. .l'ai mis en pratique, avec Nageotte, le cytodiagnostic du
liquide céphalo-rachidien et fourni une statistique portant sur 120
cas pris parmi les affections nerveuses les plus variées (75). Nous avons
été les premiers à confirmer les résultats des recherches de Widal,.
70 SÉMIOLOGIE
Sicard. Rayant. Monod, et nous avons fait quelques observations nou-
velles. Voici des extraits de noire article.
« Si bien des problèmes relatifs au cytodiagnostic restent encore
sans solution, dès maintenant on peut dire que dans certains cas
la ponction lombaire apporte au diagnostic un élément très impor-
tant et que parfois elle permet de découvrir et d'étudier des formes
pathologiques que sans elle on n'aurait pas pu soupçonner. Nous
ne voulons pour preuve de cette assertion que le cas suivant : un
homme de l.o ans vient à la Pitié consulter pour des céphalalgies très
pénibles dont le début remonte au 15 décembre dernier, c'est-à-dire
à 5 mois ; cet homme n'a pas de fièvre, mais il est manifestement
affaibli; on sent qu'il est sérieusement malade; pourtant, il a con-
tinué jusqu'à ce jour à remplir ses fonctions d'inspecteur de police ;
il présente une paralysie de la sixième paire à droite et un peu de
congestion papillaire et d'exophtalmie; à part ces signes, l'examen
objectif est absolument négatif et, en particulier, il n'existe aucune
ébauche du signe de Kernig. Quel diagnostic porter ? La ponction
lombaire donne issue à un jet de liquide louche dans lequel, sans
aucune centrifugation, on constate la présence de polynucléaires en
très grande abondance, c'est du pus délayé dans du liquide
céphalo-rachidien et du coup s'impose le diagnostic de méningite
cérébro-spinale à forme ambulatoire. Sicard et Brécy ont attiré tout
récemment l'attention de la Société médicale des Hôpitaux sur ces
cas si curieux : notre observation, remarquable par la longue durée
des accidents, fera d'ailleurs l'objet d'un travail spécial; aujourd'hui
nous nous bornons à la signaler comme l'un des cas les plus intéres-
sants que nous ayons rencontré au cours de nos recherches.
« En résumé, sur 120 cas, nous avons trouvé une fois des polynu
cléaires, 56 fois des lymphocytes en grande abondance, 3 fois une
très légère lymphocytose, et 60 fois un liquide normal. Sur les 56
résultats nettement positifs, au point de vue de la lymphocytose, nous
CY'l'ODIt\(NOS1'1( : DU LIQUIDE C) ? PHALO-)iA( : HiD)EK 71
trouvons, dans 5o cas, des états morbides que nous considérons comme
le résultat de la syphilis diffuse : tabes. paralysie générale, signe de
Robertson, soit isolé (voir p. 58), soit associé à une hémiplégie, une
paraplégie, une atrophie musculaire progressive, une atrophie papil-
laire ayant l'aspect de l'atrophie tabétique. Et il faut remarquer que
dans aucun des 6 cas de lymphocytose nette qui restent, le diagnostic
clinique n'est suffisamment établi pour exclure la possibilité d'un
tabcs ou d'une paralysie générale ; dans 2 cas même, ces diagnostics
sont presque probables.
« Il semble donc que la lymphocytose permanente, lorsqu'elle n'est
pas en rapport avec la tuberculose méningée, décèle habituellement
la syphilis diffuse. »
B. J'ai -rapporté avec Gendron (i 8g) quelques faits établissant
qu'un ramollissement de l'écorce cérébrale peut s'accompagner d'une
leucocytose abondante du liquide céphalo-rachidien. Les observations
sur lesquelles notre travail est fondé étaient au nombre de trois ; dans
2 de ces cas, le diagnostic fut vérifié à l'autopsie.
« Les faits que nous avons constatés, écrivions-nous, doivent être
rapprochés de ceux qui ont été publiés par Widal et Lemierre ; Widal,
Lemierre et Boidin ; Chauffard : Caussade et "\-Villette; Mosny etPinard :
Claude et Verdun.
« Mais, tandis que dans les cas étudiés par ces auteurs la polynu-
cléose paraissait liée soit à des raptus congestifs survenant au cours
d'une syphilis des centres nerveux, à la suite d'un ictus dans la para-
lysie générale et le tabes (Widal), soit à un paroxysme d'hypertension
artérielle au cours de l'urémie convulsive (Chauffard), soit à une
hémorragie cérébrale (Mosny, Claude), dans nos observations I et III
la polynucléose semblait sous la dépendance d'un ramollissement t
cortical. On peut même l'affirmer pour l'observation I où le diagnostic
a été vérifié l'autopsie.
« De plus, l'élude comparative de nos observations et de celles de
Mosny et Pinard, de Claude et Verdun nous montre que, dans les
7-2 SEMIOLOGIE u
lésions cérébrales en foyer qui s'accompagnent de leucocytose, à la
polynucléoso du début peut succéder une lymphocytose qui disparaît
rapidement, le liquide céphalo-rachidien redevenant normal.
« La lymphocytose faisant suite à la polynucléose a été signalée, il
est vrai, dans les deux observations de Widal et Lemierre, mais elle
fut différente par son évolution de celle que nous avons observée. Elle
avait précédé la polynucléose, avait été masquée pendant quelques
jours par celle-ci, et s'était ensuite rétablie définitivement. Dans un
cas, elle était liée à la paralysie générale, dans l'autre, au tabes.
« Il est à remarquer enfin que, dans aucun de nos cas, la syphilis
ne semble être en cause ; d'ailleurs la lymphocytose constatée dans
l'observation III, par sa rapide disparition, se distingue de celle qu'on
observe dans la syphilis des centres nerveux. Notons encore que, dans
toutes nos observations, la quantité d'albumine contenue dans le
liquide céphalo-rachidien était très faible.
« Quoi qu'il en soit, dans des cas semblables aux nôtres, une ponc-
tion unique. pratiquée à la période où la leucocytose consiste en lym-
phocytose, pourrait conduire à faire dépendre de la syphilis une lésion
nerveuse qui n'a aucun lien avec cette infection. C'est là une cause
d'erreur qu'il est bon de connaître et de savoir éviter. »
II. AFFECTIONS DES MUSCLES
MYOPATHIE PRIMITIVE
A. Corrélation entre la prédisposition de certains muscles
à la myopathie et la rapidité de leur développement.
(EN collaboration avec O\1\OIP
Dans ce travail (21) nous rappelons d'abord qu'en ce qui concerne
la localisation de l'amyotrophie, les diverses formes de la myopathie
(la paralysie pscudo-hypertrophique avec ou sans hypertrophie, la
forme infantile de Duchenne, la forme juvénile d'Erb, etc.) ne diffè-
rent les unes des autres que par la prédominance et le début de
l'amyotrophie dans telle ou telle région. Mais quelle que soit la forme
que l'on considère, lorsqu'une région est envahie, ce sont toujours
ou presque toujours les mêmes muscles qui sont atteints et les mêmes
muscles qui sont respectés.
On peut, à ce point de vue, diviser les muscles en trois catégories :
la catégorie des muscles prédisposés à la myopathie, celle des muscles
réfractaires , celle enfin des muscles intermédiaires.
C'est ainsi, par exemple, qu'à l'avant-bras le long supinateur est un
muscle prédisposé, que les fléchisseurs des doigts sont des muscles
réfractaires. et que le rond pronateur et les radiaux sont intermédiai-
res. A la face, l'orbiculairc des yeux cl, l'orbiculairc des lèvres sont
7'1 AFFECTIONS DES MUSCLES
prédisposés, les muscles moteurs du pavillon de l'oreille et les masti-
cateurs sont réfractaires. Aux membres inférieurs, le triceps crural
est prédisposé, le triceps sural est réfractaire.
Nous montrons dans ce travail que l'anatomie de développement
permet de comprendre la prédominance de la myopathie dans certains
muscles. Voici les résultats de cette étude. Quelle que soit la région
que l'on examine, on constate, sur des foetus de cinq mois environ, des
différences histologiques très manifestes entre les divers muscles. Les
muscles prédisposés sont ceux dont le développement est le plus
avancé : dans les fibres qui les composent, la substance striée est très
abondante, les champs de Cohnheim peu apparents, les noyaux rélé-
gués à la périphérie sous le sarcolemme. Dans les muscles réfractai-
res, on observe une disposition inverse : la substance striée est moins
abondante, les champs de Cohnheim très apparents et il existe beau-
coup de noyaux à la partie centrale des fibres. Ainsi, le long supina-
leur, les muscles orbiculaires des lèvres et des yeux, le triceps crural
sont très avancés dans leur développement; au contraire, les flé-
chisseurs des doigts, les masticateurs, les muscles moteurs du pavillon
de l'oreille, le triceps sural sont relativement peu développés.
Ces recherches conduisent donc à établir une loi de corrélation
entre le degré de prédisposition des muscles à la myopathie et le degré
de rapidité de leur développement ; elles montrent qu'il existe pour
le système musculaire, comme pour le système nerveux central.
un lien entre l'anatomie pathologique et l'anatomie de développement.
As,%adouroff, dans une note présentée à la Société de Biologie (séance du
G octobre 18S8) et suggérée, dit l'auteur, par le mémoire de Babinski et Ona-
noff, a exposé les résultats de ses études sur la distribution relative des mus-
cles blancs et des muscles rouges du lapin. Cet auteur, en montrant que les
muscles blancs du lapin adulte correspondent aux muscles les plus avancés dans
leur développement chez l'embryon humain, a corroboré d'une façon indirecte les
conclusions de notre travail.
MYOPATHIE PRIMITIVE 7.'i
B. Excitabilité idio-musculaire et réflexes tendineux dans la
myopathie progressive primitive.
(EN COLLABORATION A\EC .1. J-RKON -1,I)
Nous avons établi que, dans la myopathie progressive primitive,
la diminution ou l'abolition de la contractilité idio-musculaire coïn-
cide avec la subréflectivité ou l'irréflectivité tendineuse, que ces phé-
nomènes sont connexes. qu'ils ont la même origine et que l'abolition
des réflexes tendineux dépend, dans l'espèce, d'une altération propre de
la fibre musculaire.
De plus. nous avons fait remarquer que l'abolition des réflexes ten-
dineux et de l'excitabilité idio-musculaire peut s'observer dans des
groupes musculaires qui ont conservé l'excitabilité volitionnelle et
l'excitabilité électrique. Il est donc permis de dire qu'il y a là une dis-
sociation des divers modes de l'excitabilité musculaire (181).
III. - AFFECTIONS DES NERFS
NÉVRITES
Dans le Traité île Médecine de Charcot-Bouchard j'ai publié un arti-
cle de 200 pages environ sur les Névrites.
C'est la première fois que ce sujet a été exposé d'une manière mé-
thodique ci détaillée dans un ouvrage de pathologie. J'ai dû compul-
ser de nombreux documents, les soumettre à la critique, les coor-
donner et constituer un ensemble avec ces matériaux épars.
Je ne fais que signaler ce travail qui n'est pas, à proprement parler,
une oeuvre originale. Toutefois, je citerai les conclusions du chapitre
« Introduction à l'étude des névrites d'origine interne ». Il contient,
sur les relations entre les lésions de la périphérie et des centres, des
idées qui étaient en partie nouvelles à l'époque où elles furent émises.
« Ce terme, névrite périphérique, ne doit pas impliquer l'idée que
les lésions des nerfs sont primitives, qu'elles sont l'origine de tous
les troubles symptomatiques observés et que le système nerveux
central ne présente aucune modification. Il signifie simplement que
les altérations anatomiques du système nerveux, perceptibles par nos
moyens d'investigation, sont exclusivement localisées dans les nerfs
ou y sont bien plus accusées que dans le système nerveux central. Il y
a tout lieu d'admettre, et ce n'est pas là du reste une simple hypo-
thèse, que bien des agonis qui déterminent des névrites provoquent à
- NÉVRITE SCIATIQUE 71
la lois une perturbation du système nerveux cenlral et du système
nerveux périphérique ; que parfois même ils exercent en même temps,
d'une façon directe, leur action pathogène sur d'autres systèmes ana-
toriques ; que les troubles fonctionnels qu'ils occasionnent sont cau-
sés non seulement par des lésions histologiquement perceptibles mais
aussi par des modifications de nature dynamique ; et qu'en définitive
les lésions des nerfs ne peuvent être considérées comme constituant
tout le substratum anatomique de l'affection, dont elles représentent
seulement les altérations les plus apparentes » (voir à ce sujet
p. 126).
\I ? RT'fl; SCIATIQUE
Scoliose sciatique.
J'ai fait paraître, il y a 25 ans, un travail inspiré par mon maître
Charcot sur la scoliose sciatique (20). J'en ai relaté cinq observations ;
le caractère essentiel de la déformation décrite consiste en une incli-
naison du tronc du côté opposé à la sciatique, sans soulèvement du
pied du côté malade; de là, une attitude toute spéciale qui distingue
cette scoliose des diverses déformations provoquées par d'autres affec-
tions, la coxalgie, par exemple, et qui peut servir, dans un cas dou-
teux, à établir le diagnostic de sciatique.
Celle donnée est devenue classique. Brissaud a appelé ce mode de déformation
« scoliose croisée » par opposition à un autre mode de déformation qu'il a observe
aussi dans la sciatique, « scoliose homologue », où le tronc est incliné du côté ma-
lade.
Abolition du réflexe achilléen dans la sciatique.
Ce signe, objet d'un travail (7)6) publié en 1896, avait été, il est
vrai. mentionné déjà par Slernberg dan- ! deux obsci valions, mais il
76 Affections des neRfS
n'avait pas retenu l'attention des cliniciens qui considéraient le réflexe
achilléen comme inconstant à l'état normal (voir p. 28) ; il n'était pas
signalé dans les traités classiques.
Je l'ai constaté non seulement dans des cas de sciatique intense, avec
amyotrophie notable, correspondant à la forme que l'on désigne sous la
dénomination de sciatique névrite, mais aussi chez des malades atteints
de la forme légère de cette affection, que l'on appelle sciatique névral-
gie, épithète qui n'implique pas, du reste, l'idée que, dans les cas de
ce genre, il n'y ait pas lésion du nerf.
« Ce signe, comme en général tous les signes objectifs, me paraît
avoir une grande valeur diagnostique ; sa présence indique l'existence
d'une altération organique du nerf, et elle suffit pour écarter l'hypo-
thèse de simulation ; elle peut aider à distinguer la sciatique vraie
de la sciatique hystérique qui n'est pas une véritable névralgie,
qui n'a pas le nerf pour siège, mais qui consiste en une douleur
de nature psychique, et dans laquelle, si j'en juge d'après les
faits que j'ai observés jusqu'à présent, le signe en question fait
défaut. »
Cette notion, confirmée d'abord par Janot (Contribution à l'étude de la sciatique
et en particulier des modifications du réflexe du tendon d'Achille. Thèse, Tou-
louse, 1897), puis par Forestier (Le réflexe du tendon d'Achille dans la sciatique.
Soc. médico-chirurgicale, séance du 27 février 18aa), est aujourd'hui admise par
tous les neurologiste".
Radiothérapie.
En igo8, j'ai rapporté l'histoire d'un malade, atteint de spon-
dylose et de douleurs très vives particulièrement sur le trajet des
deux sciatiques, et liant l'état s'est très notablement amélioré à la suite
de la radiothérapie (1/19)- Voici un résumé de cette observation. Depuis
deux ans le malade souffre aux chevilles, aux genoux, aux hanches,
à la région vertébrale et il éprouve des douleurs très vives sur le trajet de
NÉVRITE RADIALE' 19
deux sciatiques ; son tronc est fléchi et sa colonne vertébrale est rigide ;
il ne peut marcher qu'en s'aidant de deux cannes. Aucune médica-
tion ne l'a soulagé. On le soumet à la radiothérapie ; dès la deuxième
séance les douleurs s'atténuent; après la huitième le malade peut
marcher sans canne. L'amélioration s'accentue progressivement ; la
rigidité de la colonne vertébrale subsiste, il est vrai, mais la taille se
redresse, les douleurs sur le trajet des sciatiques disparaissent complète-
ment et, plusieurs mois après le début de la cure, le malade peut fran-
chir sans appui une distance d'un kilomètre.
« Y a-t-il, disais-je, entre la radiothérapie d'une part, la spondylose
et les douleurs névralgiques liées vraisemblablement à cette spondy-
lose, d'autre part, une relation de cause à effet ? Je ne suis pas en
droit de l'affirmer, mais je suis porté à le croire, et j'ai pensé que ce
fait méritait d'être rapporté. »
En avril igi i , j'ai fait paraitre avec Charpentier et Delherm (IJ9)
un travail basé sur quatre observations semblant bien établir que la
radiothérapie a une action curative sur la sciatique accompagnée ou
non de scoliose.
Ces résultats ont été confirmés par d'autres obsenateurs.
Zimmern et Cottenot, dans un article ayant pour titre : « Quelques cas de scia-
tique guéris par la radiothérapie » (Ballet, officiel de la Société française d'Électro-
thérapie el de Radiologie médicale, juin 1012), écrivent :
« Nous rapportons huit observations de sciatique traitée par la radiothérapie
appliquée sur les racines rachidiennes dans la région lombo-sacrée ; les résultats
que nous axons obtenus confirment pleinement les heureux effets de cette théra-
peutique déjà signalés par Babinski et par Freud. Systématiquement, nous ne
nous sommes adressés qu'à des cas gra\es, à des sciatiques névrites, a\cc dispari-
tion ou diminution nette du réflexe achilléen. »
NÉVRITE RADIALE
.l'ai décrit (98) une forme spéciale de névrite radiale caractérisée
par les symptômes suivants : douleurs, qui sans être exclusivement
SO AFFECTIONS DES NERFS
localisées à la partie postérieure du bras, prédominent dans cetle
région ; légère atrophie et diminution de la contractilité électrique du
triceps brachial ; abolition du réflexe du tendon de ce muscle.
Cette affection a été souvent méconnue, sans doute parce qu'ordi-
nairement on néglige de rechercher l'état du réflexe du triceps bi a-
chial, et qu'en présence d'un malade qui se plaint de douleurs au bras
on se contente du diagnostic vague de rhumatisme.
Cette variété de lésion du nerf radial peut être mise en opposition avec
la paralysie radiale par compression qui est très commune et bien
connue. Tandis que dans celle-ci la paralysie siège à l'avant-bras et
se manifeste par une impotence musculaire ne s'accompagnant pas de
douleurs, dans celle-là les troubles occupent le bras, se manifestent
par des douleurs et n'atteignent pas la motilité d'une manière bien
appréciable.
PARALYSIE FACIALE
On admet généralement que, dans les paralysies liées à des lésions
des nerfs moteurs, l'excitabilité électrique de ces nerfs ne peut être
exagérée que pendant les premiers jours qui suivent le début de l'al-
fection.
Exprimée d'une manière aussi absolue, cette opinion est inexacte,
ainsi que le prouvent des faits que j'ai observés (121).
Ces faits établissent qu'une lésion intéressant le nerf facial dans
son trajet ou à son origine peut déterminer, dans sa partie péri-
phérique, une surexcitahililé électrique durable et associée à la
paralysie.
Ils montrent qu'une paralysie faciale n'est pas nécessairement béni-
gne et ne doit pas infailliblement guérir dans un délai de quelques
semaines quand la réaction de dégénérescence fait défaut; ils four-
nissent ainsi une donnée nouvelle d'une certaine importance au point
de vue pratique. -
IIÉMISPASME FACIAL PÉRIPHÉRIQUE 81
HÉMISPASME FACIAL PÉRIPHÉRIQUE
BrissaudetMeigeont cherché à établir qu'il y a lieu de distinguer les
spasmes de la face d'avec les tics, que l'hémispasme facial présente
des caractères cliniques spéciaux que la volonté ne peut reproduire et
qui sont étrangers à la symptomatologie des tics, affection psychique.
J'ai vérifié l'exactitude de ces idées.
De plus, j'ai observé de nouveaux signes (117) appartenant en
propre à l'hémispasme facial et accentuant encore la distinction faite
par Meige et Brissaud ; je vais les indiquer.
Les contractions de l'hémispasme facial sont déformantes. Pour bien
faire comprendre ma pensée, il faut que je précise le sens que, dans
l'espèce, j'attribue à ce mot ; il est évident, en effet, que toute con-
traction musculaire modifie, dans une certaine mesure, la forme de la
région où elle se produit et, si l'on veut, la déforme; mais les défor-
mations produites par des contractions volontaires sont normales, ce
sont des changements de forme plutôt que des déformations ; il me
semble naturel de réserver ce mot à des modifications de forme anor-
males. Or, c'est ce que l'on constate dans l'hémispasme facial ; on
observe une déformation du nez dont la pointe se porte du côté malade
et dont le bord antérieur l'orme une courbure à concavité tournée du
même côté ; outre cette incurvation du nez, on note encore une autre
déformation se produisant pendant le spasme : c'est une fossette irré-
gulière qui apparaît au menton du côté malade (voir fig. 6 et 8).
Ces contractions s'associent les unes aux autres d'une manière con-
tradictoire. On voit, par exemple, le muscle peaucier se contracter en
même temps que la commissure labiale se porte en haut et en arrière,
ou encore on observe une association de ce dernier mouvement à un
mouvement du pavillon de l'oreille en haut et en arrière ; mais l'as-
sociation la plus singulière est la suivante : en même temps que le
1 BABINSKI. 6
82 AFFECTIONS DES NERFS
muscle orbiculaire de l'oeil fonctionne et que l'oeil se ferme, la partie
interne du muscle frontal se contracte et la peau de cette région se
porte de bas en haut ; c'est là une variété de synergie que l'on peut
qualifier de paradoxale (voir fig. 8), car elle est l'opposé des modes
de syncinésie propres aux mouvements normaux qu'elle ne saurait
qu'entraver.
J'ajoute que Y incurvation du ne ? la fossette mentonnière, la synergie
paradoxale peuvent être à l'état normal reproduites avec exactitude
par l'électrisation du nerf facial.
En ce qui concerne le mécanisme de l'hémispasme facial, mon opi-
nion diffère de celle de Brissaud.
Dans ses Leçons sur les maladies nerveuses (1895, p. 206), cet
auteur s'était exprimé ainsi :
« Le spasme facial chez le plus grand nombre des malades a un
point de départ oculaire. La contraction débute par 1 orbiculaire des
paupières, phénomène purement réflexe : la cornée, la sclérotique, la
muqueuse palpébrale reçoivent des fibres sensitives du trijumeau qui
transmettent au noyau de ce nerf les impressions reçues ; celui-ci les
communique à son tour au noyau de la VIle paire qui envoie la
décharge au muscle orbiculaire qu'il commande. Voilà donc l'arc
réflexe établi. On peut admettre, en principe, que toute irritation por-
tant sur un point quelconque de la voie centripète de cet arc pourra
produire un spasme oculaire. »
Voici ce que j'ai écrit :
« J'avoue n'être pas convaincu, tant s'en faut, de la réalité de ce
mécanisme. Il est bien entendu que j'ai ici en vue exclusivement
l'hémispasme facial caractérisé cliniquement par les divers signes que
j'ai cherché à mettre en relief, et qui est marqué par ce trait essentiel
de pouvoir être exactement reproduit par l'électrisation des branches
du nerf facial. Or, à priori, il me paraît déjà difficile d'admettre
qu'une excitation d'un nerf sensitif puisse produire un effet identique
FJG, 6.
Fig. 7
FIG. 8.
FIG. 9.
FIG. 6. Femme atteinte d'hémispasme facial droit. Phase tonique de la crise;
on voit l'incurvation du nez et la fossette mentonnière.
FiG. 7, 8, 9. - Homme atteint d'hémispasme facial gauche.
7. - Etat de repos entre deux crises.
8. Phase clonique de la crise; on constate l'incurvation du nez, la fossette men-
tonnière, le spasme du peaucicr avec déviation de la commissure labiale en haut et en arrière,
l'occlusion de l'oeil associée à une contraction du frontal qui se manifeste par des plis cutanés
à la partie supéro-interne du sourcil gauche.
g. Contraction volontaire du côté droit de la face. On ne trouve sur cette figure
aucun des caractères qui sont relevés sur la fig. 8.
84 AFFECTIONS DES NERFS
à celui qui résulte de l'électrisation d'un nerf moteur ; je ne sache pas
qu'expérimentalement, chez l'animal, on soit en mesure d'obtenir une
pareille réaction. De plus, il ne me semble pas prouvé qu'en pathologie
humaine il y ait des observations établissant ce fait : aussi bien, jusqu'à
présent les neurologistes ne se sont-ils guère attachés à analyser
avec précision les caractères du spasme facial, et il est possible que
les mouvements convulsifs ne soient pas identiques dans l'hémispasme
et dans le tic douloureux; il s'agit peut-être, au moins dans bien des
cas de cette dernière affection, de mouvements d'un tout autre ordre.
« Je ne crois pas non plus qu'une lésion du système nerveux sié-
geantau-dessusdu noyau du facial, telle qu'une lésion corticale, puisse
produire un hémispasme facial identique à celui dont je m'occupe.
« Si les idées que j'expose se confirment, cette notion nouvelle sera
établie que l'hémispasme facial, marqué par les caractères intrinsèques
que j'ai énumérés et analysés, ne peut être engendré que par une per-
turbation directe du nerf facial ou de son noyau d'origine. 11 serait
alors rationnel d'appliquer à cette modalité d'hémispasme facial l'épi-
thète « périphérique » dont on se sert pour désigner la variété d'hémi-
paralysie de la face liée à une lésion de ces mêmes organes. D'ailleurs,
je suis porté à croire qu'il y a une certaine parenté entre la paralysie
faciale périphérique et l'hémispasme facial périphérique, et qu'une
même cause peut, suivant son degré d'intensité, donner naissance à
l'une ou à l'autre de ces affections ; j'ajoute, à l'appui de cette opi-
nion, qu'on peut voir, dans la paralysie faciale périphérique, succéder
à la paralysie musculaire un état spasmodique ayant de grandes ana-
logies avec l'hémispasme primitif. »
Mes observations sur l'hémispasme facial on[ été confirmées par beaucoup de
neurologistes et quelques-uns d'entre eux ont accepté ma manière de oir en ce
qui concerne la pathogénie de cette affection.
Ernest Dupre et JuIcsLomaire, rapportant un fait d'hémispasme facial (Revue
neurologique, mo5, p. 1227), écrivent : « Le spasme offre les caractères cliniques
qui le dillërencienL du tic et des contractures et notamment ceux récemment mis
IIÉIISPAS1E FAC1AL PÉRIPHÉRIQUE 8,'i
en lumière par Meige et Babinski : trémulations fibrillaires, incurvation de la pointe
du nez, élévation du sourcil, synergie paradoxale du frontal el du sourcillier,
fossette mentonnière. »
Abadie et Dupuy-Dulemps (Revue neurologique, tgoG, p. 196) relatent une
observation d' « hémispasme facial guéri par une injection profonde d'alcool ». Les
crises de spasme, disent ces auteurs, présentaient, entre autres symptômes, « les
caractères indiqués par M. Babinski : la déformation (incubation du nez et forma-
tion d'une fossette mentionnière irrégulière du côté malade) et la synergie para-
doxale (contraction de l'orbiculaire et élévation de la partie interne du sourcil)».
Dcleni analyse (Revue neurologique, 1906, p. 10Z12) un travail de C. Negro sur
« l'IIémispasme facial comme équivalent de la paralysie faciale périphérique» »
(Gazella degli Ospedali délie Cliniche, 1906, an. XXYII, n° 108, p. i 139). A pro-
pos de la parenté que Negro cherche à établir entre la paralysie périphérique et
l'hémispasme facial périphélique, Deleni écrit : « Il y a, on le voit, pour MM. Negro
et Babinski, identité d'appréciation des faits. »
Raymond, F. Lévy et Baudouin font une communication ayant pour litre :
«Origine périphérique du spasme facial» (Revue neurologique, 1906, p. 779) et
admettent mon opinion sur l'origine de l'hémispasme. Dans la discussion qui suit
cette présentation, Meige, tout en maintenant quelcs irritations d'origine sensitive
peuvent provoquer cette affection,dit : « \I. Babinski croit que l'hémispasme facial
est toujours d'origine périphérique. C'est l'opinion que Ment de défendre M. Lévy.
Je suis convaincu également que telle est la pathogénie du plus grand nombre
des spasmes de la face... »
Houchaud, de Lille (Revue neurologique, 1908, p. go3), rapporte un cas d'hé-
mispasme facial dans lequel il a constaté tous les signes que j'ai décrits.
Meige, dans un travail intitulé : « Les convulsions de la face. Une forme cli-
nique de convulsion faciale bilatérale et médiane» (Revue neurologique, 1910,
t. XX, p. 438), écrit ceci : « D'autres caractères bien mis en valeur par
M. Babinski facilitent encore la distinction du spasme facial, notamment l'incur-
va/ion du ne : , l'existence d'une fossette mentonnière et parfois des mouvements du
pavillon de l'oreille du côté où siège le spasme ; enfin la contraction simultanée du
muscle frontal et de l'orbiculaire des paupières au moment de l'occlusion des yeux
(synergie paradoxale). »
Jaroszynski (Société de Neurologie et de Psychiatrie de Varsovie, séance du 20
mai 191 1) présente un malade atteint d'hémispasme facial, ayant des contractions
déformantes et de la synergie paradoxale.
André Thomas (Revue neurologique, 191 1, t. XXI, p. 5o8) écrit : « Il n'est pas
douteux que, suivant l'opinion exprimée par M. Babinski, l'hémispasme ne recon-
naisse pour origine une lésion périphérique du nerf facial, sur un point quelconque
de son trajet, depuis son noyau d'origine jusqu'à sa terminaison. »
IV. - AFFECTIONS DE LA MOELLE
PARAPLÉGIE SPASMODIQUE EN FLEXION
Les notions que l'on possédait sur ce sujet étaient rudimentaires
avant la publication de mes travaux. Il y a des ouvrages de neurologie
de date toute récente où il n'est même pas question de cette forme de
paraplégie. Charcot, à propos de la compression lente de la moelle
épinière. la mentionne incidemment. Voici ce qu'il en dit (OEuvres
complètes, Vol. II, p. 126).
« Je me bornerai à vous faire remarquer que l'intensité de la con-
tracture permanente des membres, et surtout de la contracture avec
flexion, est en général plus prononcée dans la myélite par compression
lente que dans la myélite spontanée. Il en est de même de l'exaltation
des propriétés réflexes de la moelle. Il ne faudrait pas néanmoins
chercher dans cette différence, dont la raison, d'ailleurs, nous échappe
entièrement, un caractère diagnostic absolu. »
En rapprochant la paraplégie spasmodique en flexion de la para-
plégie en extension avec contracture, décrite par Erb sous la dénomi-
mation de paraplégie spastique spinale et sous celle de tabes dorsal
spasmodique par Charcot, j'ai fait connaître quelques caractères dis-
tinctifs de ces deux types cliniques. Dans la paraplégie spastique spi-
nale, on constate, comme l'a indiqué Erb, outre la raideur musculaire
déterminant une attitude en extension, une simple parésie, c'est-à-dire
PARAPLÉGIE SPASMODIQUE EN FLEXION 87
un affaiblissement peu prononcé de la motilité volontaire et une exagé-
ration constante des réflexes tendineux avec trépidation épileptoïde du
pied. Ce syndrome constitué par la réunion de trois signes cardinaux
est un « Symptomentrias » disait autrefois Erb ; il l'appelle un « Quar-
tett » depuis que j'ai décrit le phénomène des orteils qui s'associe à
cette triade symptomatique. Ajoutons encore que ce syndrome peut
s'accompagner, d'une manière intermittente, de secousses involontaires
des muscles des membres inférieurs, se répétant avec rapidité, mais
n'ayant pas pour effet de fléchir les segments des membres les uns sur
les autres. De plus, je ferai remarquer que les réflexes de défense,
souvent plus forts, il est vrai, qu'à l'état normal, ne sont pas néces-
sairement exagérés.
Considérons maintenant la paraplégie spasmodique en flexion.
Dans ce type, contrairement à ce qui a lieu dans le précédent, la
motilité volontaire est profondément troublée et chez beaucoup de
malades elle est complètement ou presque complètement abolie.
La contracture en flexion est sujette à des variations fréquentes qui
résultent de contractions intermittentes involontaires, souvent dou-
loureuses, des membres inférieurs. Ces contractions provoquent des
mouvements alternatifs de flexion et d'extension, mais c'est l'action
des fléchisseurs qui prédomine ; il y a du reste des raisons de pen-
ser que c'est pour ce motif due l'attitude en flexion s'accentue progres-
sivement et tend à devenir permanente. Si j'ajoute que ces contractions
sont lentes, on reconnaîtra qu'elles diffèrent totalement des secousses
qui peuvent agiter les muscles dans le tabes dorsal spasmodique.
Dans la plupart des cas, on constate, au moins à une certaine
période, de la surréflectivité tendineuse, mais celle-ci n'est pas
constante ; elle peut faire défaut depuis le début jusqu'àla fin. Parfois
même les réflexes tendineux sont très affaiblis ou abolis. Les réflexes
cutanés de défense sont, au contraire, toujours exagérés et c'est peut-être
là le caractère le plus essentiel de cette forme de paraplégie. Le lien
qui unit ces deux phénomènes est comparable à celui qui rattache
88 AFFECTIONS DE LA MOELLE
l'exagération des réflexes tendineux à la paraplégie spastique spinale.
C'est un point que j'ai déjà cherché à mettre en évidence dans le chapitre
« Contracture » (p. 65) et sur lequel je n'ai plus besoin d'insister.
La paraplégie spasmodique en flexion, ordinairement précédée par
de la paraplégie en extension, dépend comme celle-ci de lésions
du système nerveux central intéressant le système pyramidal, ce que
démontre du reste pendant la vie la présence habituelle du phénomène
des orteils.
Déterminée le plus souvent soit par une sclérose spinale diffuse,
soit par une compression de la moelle ou du bulbe, elle semble liée,
particulièrement quand la contracture en flexion est très prononcée, à
une lésion non destructive de la voie pyramidale. Dès mon premier
travail sur cette question (51) j'ai montré que les dégénérations
secondaires peuvent manquer ou être très légères.
En résumé, la paraplégie spasmodique en flexion, dont j'ai tracé
les principaux caractères, sans représenter une espèce nosologiquc
puisqu'elle peut être liée à des processus anatomiques variés, constitue
un type clinique qu'il est permis d'opposer à la paraplégie spastique
spinale.
J'ai fait remarduer-c'est là un point de terminologie d'une impor-
tance secondaire, mais ayant toutefois un cerlain intérêt - que l'épi-
thète « spasmodique » ne convient guère à la paraplégie du « tabes
dorsal spasmodique » où la contracture a une stabilité relative, car
le mot spasme a été appliqué à des affections telles que le torticolis
dit mental où la raideur musculaire est instable. Le qualificatif « spas-
modique » s'adapte au contraire bien mieux à la paraplégie en flexion,
dans laquelle, comme on l'a vu, la raideur est sujette à des variations
fréquentes résultant de contractions intermittentes, involontaires.
Depuis ma deuxième publication sur ce sujet (177), plusieurs travaux confir-
matifs ont paru.
Souques, dans la séance du 12 janvier igi2 de la Société de Neurologie
(Revue neurologique, igii, p. 13G), a fait les rcmaïques suivantes :
TABES 89
« J'ai eu l'occasion de voir deux malades atteints de paraplégie spasmodique en
flexion, qui pourraient bien appartenir au type clinique que vient de signaler
M. Babinski.
« Je ne saurais dire s'ils présentaient la dissociation des réflexes caractérisée par
l'exaltation des cutanés et la diminution des tendineux. Je puis dire simplement
que les réflexes tendineux n'étaient pas exagérés et qu'ils paraissaient même affai-
blis. »
Dans la séance du 6 mars (Revue neurologique, tg t t, p. 376), Souques rapporte
un cas nouveau dans une communication ayant pour titre : « Paraplégie spasmo-
dique organique, avec contracture en flexion et exagération des réflexes cutanés de
défense. »
Claude (Sur la paraplégie avec contracture en flexion. Revue neurologique, 191 1 ,
p. a4g) rappelle un fait anatomo-clinique qu'il a observé, rentrant dans le type
que j'ai décrit. L'auteur attire l'attention sur ce point que les faisceaux pyramidaux
dans la région dorsale ne sont que légèrement atteints.
G. EtienneetE. Gelma (Nouvelle Iconographie de la Salpétrière, n° 5, septembre-
octobre 1911) rapportent sous le titre « Paraplégie spastique spinale en flexion »
une observation qui, disent-ils, « est un type de paraplégie avec contracture en
flexion tel qu'il a été décrit par Babinski».
C. Lian et J. Rolland relatent un fait du même ordre dans un travail inti-
tulé : « Paraplégie spasmodique avec contracture en flexion (type cutanéo-réflexe
de Babinski) dans un mal de Pott » (Revue neurologique, 1 1 t. I, p. 843).
Klippel etllonier-Vinard (Revue neurologique, 1912, t. II, p. 13g) publient une
observation analogue aux miennes, comme le titre seul l'indique : « Paraplégie
avec contracture en flexion et exaltation des réflexes de défense. »
Coyon et Barré présentent un nouveau cas (Société de Neurologie, 5 déc. 1912)
sous le titre « Paraplégie « type Babinski » au cours de la maladie de Reckling-
hausen». La paraplégie en flexion avec réflexes tendineux très faibles avait fait
suite à une paraplégie spasmodique classique. - L'autopsie montra qu'il y avait
compression très légère de la moelle par un névrome, et l'examen des coupes per-
mit de constater l'extrême légèreté des lésions médullaires.
TABES
Anatomie pathologique.
Je signale une étude anatomique faite en collaboration avec
Nageotte et intitulée : « Note sur un cas de tabes à systématisation
exceptionnelle » (120).
90 AFFECTIONS DE LA MOELLE
Dans le fait que nous avons rapporté, la topographie des lésions
était exactement l'inverse de celle qu'on observe habituellement : les
lésions radiculaires frappaient les voies longues de préférence aux
voies courtes, contrairement à ce qui se passe dans l'immense majo-
rité des cas. Quelle est la raison de cette anomalie ? Est-elle la consé-
quence d'une disposition individuelle en vertu de laquelle les fibres de
la zone radiculaire moyenne ont été moins sensibles que d'ordinaire à
l'action du poison syphilitique ; ou bien résulte-t-elle de ce que le virus a
présenté des qualités spéciales qui l'ont rendu plus nocif pour la zone
radiculaire postérieure, par suite de propriétés électives anormales P
C'est une question que nous n'avons pu résoudre. Il semble que celte
systématisation, exceptionnelle dans le tabes, soit plus fréquente
dans les lésions dues à la pellagre, si l'on s'en rapporte aux figures
de Tuczek.
Etudes cliniques.
, A. Réflexe achilléen. '
L'abolition du réflexe achilléen avait été notée autrefois déjà dans
quelques observations de tabes, mais on n'y avait pas attaché de
valeur parce que l'on considérait l'absence de ce réflexe comme assez
commune à l'état normal. Dans les traites classiques de pathologie, il
n'était question, en ce qui concerne l'irréllectivilc tendineuse, que de
l'abolition du réflexe rotulien. Or, m'étant assuré que le réflexe achil-
léen est pour ainsi dire constant chez l'individu sain, j'ai pu tirer
parti de son absence et montrer qu'il s'agit là d'un trouble très fré-
quent dans le tabes (50,78). J'ai même établi que dans la hiérarchie des
irréflectivitcs tendineuses, le signe de Weslphal n'occupe pas le premier
rang qui est tenu par l'abolition du réflexe achilléen. Ce symptôme
précède généralement l'abolition du réflexe rotulien et il a une valeur
prépondérante pour le diagnostic du tabès à son début ; cela se conçoit
TABES 91
d'ailleurs quand on sait que les lésions tabétiques suivent d'habitude
une marche ascendante et débutent par les racines les plus infé-
rieures.
On observe aussi, comme je l'ai indiqué, une abolition croisée
des deux réflexes rotulien et achilléen : il n'est pas rare de trouver
d'un côté le réflexe achilléen aboli et le réflexe rotulien conservé,
tandis qu'inversement de l'autre côté le réflexe achilléen existe et le
réflexe rotulien est aboli.
Les résultats de mes travaux ne tardèrent pas à être vérifiés et parmi les pre-
mières publications sur ce sujet, consécutives aux miennes, je mentionnerai celles
de Charles K. Mills (Some points of special interest in the study of the deep réflexes
of the lower extremities. foiirizal of nervous and mental diseases, 18gg, March), de
Van Gehuchten (Un cas de tabes incipiens avec exagération des réflexes rotuliens
et abolition du réflexe du tendon d'Achille des deux côtés. Journal de Neurologie,
1899, p. 85), de Max Biro (Ueber Stbrungen des Achillessehnenreflexes bei Tabes
und Ischias. Dellische Zeilschrift f. Neruenheilkunde, 1901, p. 168), de Schônborn
(Bemerkungen Zur klinischen Beobachtung der Haut-und Sehnenreflexe der unte-
ren Kôrperhâlfte. Deutsche Zeitschrift f Neruenheilkunde, 1902, xxt).
Au début cependant, quelques neurologistes n'admirent mon opinion qu'en
partie. C'est ainsi que Dejerine, dans son article sur la « Sémiologie du système
nerveux» (Traité de Pathologie générale, publié par Ch. Bouchard, 1901, p. 1002)
écrit : « L'abolition du réflexe du tendon d'Achille est également très précoce dans
le tabes (Babinski). Il n'est pas prouvé cependant qu'elle précède d'ordinaire
celle du réflexe patellaire. »
D'autres, au contraire, acceptèrent sans restriction ma manière de voir. Goldflam,
dans un article intitulé « Ueber das Erstsymptom und die Bedeutun, der Achi-
lessehnenreflexe bei Tabes (Neurologisches Cenlralblatt, 1902, p. 92), écrit : « On
peut conclure avec Babinski que dans le tabes le réflexe achilléen est troublé plus
souvent que le réflexe du genou et généralement avant que celui-ci ne le soit.
Les perturbations du réflexe achilléen constituent donc un signe de grande valeur
et pement contribuer à reconnaître le tabes dans sa phase initiale, encore avant
l'apparition du signe de Westphal. »
A. F. Hertz et W. Johnson, dans un mémoire ayant pour titre : « The Tendo-
Achillis-Jerks » (Gfty's lloshilal Reports, vol. LXV, pp. 48 et Cig) fournissent une
statistique concluante. Ils ont eu l'occasion d'observer dans le Neurological Oul-
Patient Département, du 20 avril 1910 au 19 juillet igi 36 cas de tabès. Ils ont
constaté l'abolition bilatérale du réflexe achilléen chez tous ces malades, sauf dans
92 AFFECTIONS DU LA MOELLE
un cas où le trouble n'était qu'unilatéral. Or, dans 8 de ces observations, le
réflexe rotulien existait des deux côtés.
Il serait inutile de multiplier les citations. Mes idées sont admises maintenant
sans réserves, tant en France qu'à l'étranger; elles constituent une notion clas-
sique.
B. Réflexes tendineux des membres supérieurs.
L'état de ces réflexes, dans le tabes, a été l'objet d'un travail de
Fraenkel (Revue neurologique, i go i, p. 245). D'après cet auteur, leur
abolition précéderait habituellement l'irrélleclibilité des membres
inférieurs et constituerait un signe précoce de tabès. J'ai mon-
tré que cette allégation est inexacte. L'erreur a probablement pour
cause des fautes de technique dans l'exploration des réflexes des
membres thoraciques. En les recherchant suivant les procédés que
j'ai indiqués (p. 29), on constate dans un grand nombre de cas
leur présence, alors que les réflexes des membres pelviens sont
déjà abolis : le fait inverse est excessivement rare. Il n'en est
pas moins vrai qu'à une certaine phase de la maladie les réflexes
des membres supérieurs s'affaiblissent et disparaissent à leur tour
chez beaucoup de sujets. Ordinairement, ainsi que,je l'ai fait ressortir,
les troubles suivent une marche ascendante, le réflexe d'extension
de l'avant-bras étant le plus souvent atteint avant le réflexe de flexion.
En pareil cas, la percussion du tendon du triceps brachial provoque
généralement ce que j'ai appelé « le réflexe paradoxal du coude »
(p. 34).
C. - Du champ visuel et de la vision centrale dans l'atrophie
tabétique des nerfs optiques.
J'ai fait avec J. Chaillous une étude sur ce sujet (i32). En voici
les conclusions :
TABES 93
« i° Il n'existe pas, dans l'atrophie tabétique du nerf optique, une
forme de rétrécissement du champ visuel particulière à cette affection.
« 2° Dans la grande majorité des cas, le champ visuel pour le blanc
est irrégulièrement rétréci et l'affaiblissement de la vision va de pair
avec la limitation du champ visuel.
« 3" On observe aussi des cas où le rétrécissement concentrique
s'accompagne d'une bonne acuité visuelle et parfois d'une conserva-
tion parfaite de la vision centrale.
« Il' Le scotome central est très rare dans l'atrophie tabétique. Quand
il existe, il est dù le plus souvent à une lésion surajoutée. Dans la
majorité des cas, il s'agit d'une névrite rétrobulbaire consécutive à
l'intoxication alcoolique et nicotinique. Par suite delà disparition pro-
gressive d'un secteur du champ visuel, la vision centrale peut être
abolie, tandis que persiste une grande partie du champ visuel péri-
phérique. Il s'agit là d'un pseudo-scotome central qu'il ne faut pas
confondre avec un scotome central vrai. »
D. Cytodiagnostic.
La cytologie du liquide céphalo-rachidien dans le tabes et la para-
lysie générale a été l'objet d'une étude faite en collaboration avec
Nageotte. Nous avons été les premiers à confirmer les résultats aux-
quels étaient arrivés Widal, Sicard et Ravaut, et nous y avons ajouté
quelques données nouvelles. J'ai déjà eu l'occasion de traiter ailleurs
cette question (p. 69) sur laquelle je ne crois pas devoir insister ici.
E. Ostéopathies, Arthropathies tabétiques.
Autrefois déjà on avait émis l'idée que les ostéopathies et les arthro-
pathies qu'on observe chez les tabétiques ne sont pas nécessairement
des troubles trophiques liés aux altérations nerveuses du tabès, mais
94 AFFECTIONS DE LA MOELLE
cette conception, énoncée d'ailleurs avec beaucoup de réserves, avait
été presque unanimement écartée. Il m'a semblé, au contraire, qu'elle
devait être prise en sérieuse considération. J'ai attiré l'attention sur ce
point à l'occasion de la présentation d'un malade atteint de tabes
fruste avec arthropathie (Société de Neurologie, séance du 6 mai i gog).
« Les signes objectifs du tabes, disais-je, sont ici réduits au
minimum, puisque, outre la lymphocytose, on ne constate qu'une
abolition des réflexes achilléens. J'avoue que j'ai quelque peine
à admettre que 1 arthropathie de ce malade, qui pourtant présente
tous les caractères appartenant aux lésions articulaires de l'ataxie,
soit un trouble trophique dépendant des altérations nerveuses
du tabes. N'est-elle pas le résultat d'une action directe du virus syphi-
litique sur les extrémités osseuses ? a »
Je citais aussi l'observation d'un sujet syphilitique chez qui s'était
produite une fracture de l'extrémité inférieure du fémur droit ayant
tous les caractères des fractures tabétiques : elle s'était faite pour ainsi
dire spontanément sans du'il y eut de traumatisme, avait été presque
indolore et s'était consolidée avec un cal énorme. Or, chez ce malade,
sujet il est vrai à quelques douleurs lancinantes, il n'existait aucun
signe objectif de tabes et le liquide céphalo-rachidien examiné très
soigneusement au point de vue cytologique s'était montré normal.
Sans contester les relations étroites unissant les ostéopathies et les
arthropathies dites « tabétiques » avec le tabes, je disais qu'il ne me
paraissait pas prouvé qu'elles fussent sous la dépendance de lésions
du système nerveux. Il y a peut-être là un rapport analogue à celui
qui existe entre l'aortite et le tabes. Cette idée n'a d'ailleurs été énon-
cée par moi qu'à titre d'hypothèse méritant d'être contrôlée.
Un de mes élèves, Barré, a fait un travail important sur ce sujet
(Les osléo-arthropalhies du tabes. Étude critique et conception nou-
velle. Thèse, Paris, 1912). Une des conclusions de son étude est
« qu'il existerait des cas assez nombreux d'arthropathies à type tabé-
tique en l'absence de tout signe de tabes, chez des syphilitiques».
TABES ! J1)
La question que j'ai posée n'est pas encore définitivement résolue ;
elle nécessite de nouvelles investigations.
F. Crises gastriques tabétiques.
Les crises gastriques du tabes ont-elles des caractères intrinsèques
permettant d'en établir le diagnostic, abstraction faite des signes con-
comitants qui décèlent l'existence de lésions radiculaires ? On peut
en douter, comme je l'ai fait remarquer. Dans une discussion sur
cette question à la Société de Neurologie (Séance du 3o décembre 1911),
j'ai dit ceci : « J'ai eu l'occasion d'observer une femme qui depuis
. longtemps était sujette à des accès de douleurs gastriques très
violentes accompagnées de vomissements ; pendant la crise qui durait
de 24 à 4s heures, toute ingestion d'aliments étaitimpossible en raison
de l'intolérance de l'estomac et, après la crise, les fonctions gastriques
redevenaient immédiatement normales. Je croyais bien, d'apiès la
description qui m'était tracée, avoir affaire à une crise gastrique tabé-
tique ; mais je ne trouvais chez cette femme aucun autre signe de
tabes ; elle m'affirmait n'avoir jamais eu la syphilis : enfin, la recherche
de la réaction de `Vassermann dans le sang et dans le liquide céphalo-
rachidien donna un résultat négatif, et il en fut de même du cyto-
diagnostic ; j'ajoute qu'à la suite d'un traitement par le sous-nitrate de
bismuth les troubles disparurent. Il est infiniment probable que, malgré
1 identité apparente de ces crises avec les crises tabétiques, le tabes
n'était pas en cause. »
Ultérieurement, j'ai relaté avec St. Chauvet et G. Durand un fait ana-
logue (202). Le malade, qui ne présentait d'ailleurs aucun signe de tabes,
était depuis six ans sujet à des crises gastriques identiques au point de
vue symptomatique à celles du tabes. Elles étaient séparées par des
intervalles de santé parfaite (pas de douleurs, pas de troubles dyspepti-
ques) et, à aucun moment, le malade n'avait eu d'hématémèse ou de
96 AFFECTIONS DE LA MOELLE
mélaena. Le malade étant mort de granulie, l'examen anatomique
décela l'existence d'un petit ulcus juxta-pylorique.
Duhot et Leroy (Société de médecine du département du Nord, 25 avril igi3,
in Semaine médicale, p. 5Go) ont relaté, en le rapprochant de la dernière observa-
tion que j'ai rapportée, un cas de « crises gastriques tabétiformes au cours d'un
ulco-cancer de la petite courbure ». J'extrais ce passage : « Les crises commencent
subitement et finissent de même ; le malade se sent subitement soulagé et reprend
sa respiration normale. Les accès se produisent aussi bien à jeun qu'à la fin des
repas. Il y a intolérance absolue au moment des crises et le malade fait des efforts
de vomissements à vide. Entre les accès, au contraire, le malade absorbe sans au-
cun malaise les mets les plus indigestes. »
G. Tabes conjugal et tabes hérédo-syphilitique.
Tabes et syphilis.
On considérait autrefois le tabes conjugal comme une rareté. Cela
tenait, d'une part, à l'absence de recherches systématiques sur ce point,
d'autre part, à ce que les formes frustes du tabes, dont mes études
sémiologiques ont contribué à faciliter le diagnostic, étaient souvent
méconnues jadis. Depuis longtemps j'ai pris l'habitude, quand je suis
consulté par un tabétique, de demander à examiner son conjoint,
celui-ci affirmerait-il n'éprouver aucun malaise. En procédant ainsi,
je me suis assuré que le tabes conjugal est chose fréquente (58). A la
même série de faits appartiennent, d'ailleurs, ceux où l'un des con-
joints étant tabétique, l'autre est atteint de paralysie générale. Afin
de réunir ces deux modes d'association morbide sous un même titre,
on peut se servir de l'expression plus compréhensive de « méningite
syphilitique conjugale ».
J'ai soutenu aussi que le tabès hérédo-syphilitique, qui paraissait
exceptionnel sans doute pour des raisons semblables à celles que je
viens de donner au sujet du tabes conjugal, est plus commun qu'on
ne le pensait généralement (83).
TABES 97
Du même ordre d'idées font partie mes recherches, en collaboration
avec Barré, sur la syphilis familiale (172). En voici le point de
départ : « Si l'on considère que la méningite chronique syphilitique
est rare par rapport à la fréquence de la syphilis, il y a tout lieu de penser
que les cas de méningite chronique spécifique conjugale sont excep-
tionnels relativement au nombre de cas de syphilis conjugale. Or
puisque, d'une façon absolue, la méningite chronique conjugale n'est
pas une rareté, il est permis de supposer que la syphilis conjugale est
chose assez commune. C'est au moins une hypothèse qu'il était légi-
time d'émettre et qu'on peut contrôler aujourd'hui bien plus aisément
qu'autrefois, grâce à la méthode de Wassermann. » Dans la plupart
des faits que nous avons rapportés, il s'agit de conjoints dont l'un est
atteint de tabes ou de paralysie générale et dont l'autre, ne présentant
aucun signe objectif d'affection organique, aucune manifestation de
syphilis, a, dans le sang, des anticorps dont une réaction de Wasser-
mann positive décèle l'existence. Nous avons relaté aussi des cas où
cette même réaction s'observe chez un enfant en apparence d'une
parfaite santé, mais issu d'un père ou d'une mère tabétique.
Demanche et Detré (Tribune médicale, 9 juillet 1910), poursui-
vant les mêmes recherches dans les services de Queyrat et de Dufour,
ont fait des constatations semblables aux nôtres. Dans il\ familles
où les parents étaient certainement syphilitiques, ils ont trouvé, chez
des enfants en apparence absolument sains, 8 fois la réaction de
Wassermann positive, et 6 fois cette réaction négative.
Mes observations surlaméningite syphilitique conjugale et la ménin-
gite syphilitique familiale, jointes à mes études sur l'abolition du
réflexe à la lumière (p. 58) et à des considérations diverses, relatives
à l'association non exceptionnelle de tabès et de lésions syphilitiques
(63), à l'impossibilité de trouver un fait avéré de chancre syphilitique
se développant chez un tabétique, etc., m'ont conduit depuis long-
temps à être de ceux leur nombre était autrefois très faible qui
soutenaient que la syphilis est vraisemblablement une condition sine
l3auwssi. 7
98 - AFFECTIONS DE LA MOELLE
quâ non du tabes. Aujourd'hui, c'est une notion banale. En effet, les
idées de Fournier sur les liens qui unissent le tabes et la paralysie
générale à la syphilis ne sont plus contestées par personne; les restric-
tions qu'il avait faites, très légitimes du reste au début, ne semblent
même plus justifiées, et l'on n'en doit attacher que plus d'importance
à l'oeuvre du grand syphiligraphe français.
H. Évolution. Pronostic. Traitement.
Depuis une dizaine d'années, les neurologistes ont été frappés par
l'atténuation apparente de la gravité du tabes. A l'occasion d'une
communication de Brissaud sur ce sujet, à la Société de Neurologie,
je fus amené à exposer les résultats de mes observations :
« Je considère aussi le labes, ai-je dit, comme une affection moins
grave qu'on ne le pensait autrefois. Il est juste pourtant de rappeler
que Charcot, il y a longtemps, a attiré l'attention sur la bénignité de
certaines formes de cette maladie, et moi-même, il y a déjà quinze ans,
j'ai communiqué une note sur ce sujet à la Société de Biologie (18).
Mais, ce qui semblait alors une exception me paraît aujourd'hui chose
assez commune. Je connais des malades présentant des signes carac-
téristiques de tabes, dont l'état est à peu près stationnaire depuis des
années ou s'est même amélioré, et qui n'ont jamais cessé de mener
une existence active ; ce sont, pour une part, des médecins, des
officiers, des hommes d'affaires astreints à une vie fatigante.
« Il y a lieu de se demander si le tabes est devenu réellement une
affection moins grave et, dans ce cas, de rechercher la cause qui en
a atténué la gravité, ou bien si cette bénignité n'est que relative et ne
lient pas seulement à ce que nous savons mieux reconnaître mainte-
nant les formes frustes du tabes.
« Selon moi, il y a une part de vérité dans chacune de ces deux
hypothèses.
TABES S M
« Notre attention est dirigée, plus que par le passé, sur les formes
atténuées ; en outre, la sémiologie a incontestablement fait des progrès
et nous dépistons la maladie, non seulement dans des cas où l'on en
attribuait les symptômes à toute autre cause qu'à une lésion nerveuse,
mais même chez des gens qui ne s'imaginaient pas être malades.
« Les formes frustes du tabes sont certainement bien plus communes
que les formes graves. Ainsi que je l'ai dit au dernier Congrès de Neu-
rologie (Congrès de Médecine de i goo, Section de Neurologie.
Comptes rendus, p. zo4, je vois chaque année dans mon service, à
l'Hôpital de la Pitié : de 200 à 3oo tabétiques et sur ce nombre il n'y a
pas plus d'une vingtaine de sujets franchement ataxiques. La maladie
de Duchenne, étant décelée mieux qu'autrefois dans ses formes atté-
nuées, doit sembler relativement moins grave.
« Mais, de plus, je crois que le traitement anti-syphilitique, que l'on
fait suivre généralement aux tabétiques depuis que l'idée d'une rela-
tion étroite entre le tabes et la syphilis s'est imposée à la plupart des
esprits, a réellement diminué le nombre des cas graves. Je sais fort
bien, et je l'ai moi-même fait remarquer, qu'il est très difficile, pour
plusieurs raisons, d'apprécier dans chaque cas pris en particulier la
valeur du traitement mis en oeuvre ; je n'ignore pas que le tabes peut
rester indéfiniment bénin en l'absence de tout traitement, comme aussi
devenir des plus graves malgré la médication anti-syphilitique la plus
active, si bien qu'en choisissant les cas, on pourrait presque soutenir,
comme on l'a fait du reste, que la cure mercurielle, loin d'atténuer le
mal, l'aggrave. Pour se former à cet égard une opinion fondée, il est
indispensable d'avoir observé un très grand nombre de faits et de com-
parer en bloc les tabétiques qui se sont abstenus de tout traitement
hydrargyrique à ceux qui en ont fait usage. Or, en procédant ainsi, je
suis arrivé à cette conviction que la cure antisyphilitique et plus par-
ticulièrement la cure mercurielle longtemps poursuivie est efficace,
que, pour le moins, elle enraye dans une certaine mesure l'évolution
du tabes. »
100 AFFECTIONS DE LA MOELLE
J'ai été, je le rappelle, un des premiers le premier en France, je
crois à préconiser contre le tabes le traitement hydrargyrique
aussi prolongé que possible.
Ma manière de voir, combattue autrefois par la plupart des méde-
cins, est actuellement admise par la majorité d'entre eux.
Maurice Faure, de Lamalou, dans un article intitulé : « Opinions sur le traite-
ment mercuriel du tabes » (Bulletins el Mémoires de la Société de médecine de
Paris, séances du 25 janvier et du 14 février igo8), exposant l'historique de la ques-
tion, après avoir rappelé l'opposilion faite au traitement hydargyrique dans le
tabes, écrit : « Un seul neurologiste français, Babinski, est d'un avis tout à fait
opposé. Avant que Leredde ait formulé l'opinion qui a eu tant de retentissement,
il pratiquait le traitement mercuriel des tabétiques et affirmait en avoir de bons
résultats.
« Malgré cette presque unanimité des principaux neurologistes contre l'opinion
admise par Babinski, Leredde, Lemoine, c'est cette opinion qui a prévalu, c'est
elle qui d'année en année a gagné du terrain au point que, actuellement, on ne
voit pour ainsi dire plus un tabétique qui ne fasse un traitement mercuriel mé-
thodique. »
DES PSEUDO-TABES
A. Sur une forme de pseudo-tabes (Névrite optique rétro-
bulbaire infectieuse et troubles dans les réflexes tendineux).
Ce travail est fondé sur l'observation d'une malade atteinte de trou-
bles oculaires se manifestant en partie par une décoloration des papil-
les semblable à celle qu'on voit dans le tabes, par une perturbation
des réflexes pupillaires, par une abolition unilatérale du réflexe acliil-
léen et une abolition bilatérale du réflexe rotulien. La distinction
d'avec le vrai tabes peut être établie au moyen des caractères suivants.
i° Tandis que dans les troubles pupillaires propres au tabes, quand
ils sont unilatéraux, le réflexe direct et le réflexe consensuel sont abo-
lis du même côté, cliez la malade dont il s'agit, d'un côté, le réflexe
SCLÉROSE EN PLAQUES 101
direct étant aboli le réflexe consensuel est conservé, de l'autre côté,
c'est la disposition inverse qu'on observe. 2° On constate, ce qui n'a
jamais été noté dans l'atrophie tabétique du nerf optique, une acuité
visuelle normale et une absence de dyschromatopsie contrastant avec
l'existence d'une sclérose papillaire. 3° Enfin, l'évolution de l'affection,
l'atténuation notable des troubles visuels sont en opposition avec le
diagnostic de tabes.
Ce fait se distingue du pseudo-tabes alcoolique où on ne voit guère
une décoloration papillaire coïncider avec une acuité normale, où il
a un scotome central avec une dyschromatopsie semblable à celle du
tabcs. et où les troubles oculaires sont bilatéraux et symétriques (62).
B. Pseudo-tabes spondylosique.
J'ai observé plusieurs faits paraissant montrer que la spondylose
peut provoquer dcs douleurs lancinantes, abolir les réflexes tendineux
et réaliser ainsi un tableau symptomatique ayant des ressemblances
avec celui du tabes. Il est vraisemblable que ces troubles sont sous
la dépendance d'une lésion des nerfs causée par l'inflammation verté-
brale au niveau des trous de conjugaison. Il m'a paru légitime d'appli-
quer aux faits de ce genre la dénomination de « pseudo-tabes spon-
dylosique » (96).
J'ai déjà eu l'occasion de dire (p. 78) que, dans un cas de spon-
dylose accompagnée de douleurs névralgiques, j'ai constaté une très
notable atténuation de tous les symptômes à la suite de pratiques
radiothérapiques .
SCLÉROSE EN PLAQUES
Les études anatomiques et cliniques sur la sclérose en plaques, qui
ont fait l'objet de ma Thèse de Doctoral, m'ont conduit à soumettre
102 AFFECTIONS DE LA MOELLE
à la critique certains points controversés et à observer quelques faits
FIG. IO.
\ et B. - Tubes à myéline nor-
maux de la moelle Lis sur une
coupe longitudinale. a. Cy-
lindre-axe. b. Gaine de myé-
line. a'. Cylindre-axe dénudé
par suite d'une cassure de la
gaine de myéline.
C. Sclérose en plaques. Tube à
myéline altéré vu sur une coupe
longitudinale.- a. Cylindre-a\e.
ce. Cellules qui entourent le
cylindre-axe. d. Noyau de ces
cellules. e. Protoplasma de
ces cellules. /. Boules de
myéline.
Grossissement de i 000 diamètres.
nouveaux (i3).
A. Dans mes investigations histolo-
giques, j'ai fait usage de la méthode de
Weigcrt. J'ai cherché à déterminer la
nature du processus qui aboutit à la dispa-
rition des gaines de myéline. Voici un
passage de ma thèse relatif à cette ques-
tion :
« Sur une coupe longitudinale passant
par une plaque de sclérose, on peut voir
dans les points de transition, entre les
parties saines et les parties malades, des
granulations noirâtres disposées sous
forme de boyaux longitudinaux faisant
suite aux tubes nerveux normaux et
paraissant des tubes en voie de destruc-
tion. Ce sont ces points de transition qu'il
faut examiner à de forts grossissements
pour constater la nature des lésions. On
voit alors, lorsque la coupe a été traitée
par le procédé de 'Yeigert et colorée par
l'liématoxyline de Ranvicr (voir fig. 10),
des tubes nerveux en voie d'altération
différant complètement des tubes nor-
maux ; les gaines de myéline ont disparu,
les c lindres-axes subsistent et tout autour
d'eux sont groupées de grosses cellules
accolées les unes aux autres ; ces cellules
présentent un gros noyau avec nucléole
et leur protoplasma est rempli de gouttelettes do volume variable,
d'une couleur noirâtre, qui ne sont autre chose, comme leur réaction
SCLÉROSE EN PLAOUES
103
l'indique. que des fragments de myéline. Au premier abord ces
gouttelettes ressemblent aux noyaux, mais, pour peu qu'on y prête
attention, on voit que la couleur n'est pas la même,
que le contour des noyaux est plus régulier, enfin
que ceux-ci présentent un nucléole dans leur intérieur
et que, par conséquent, la distinction entre ces deux
éléments est facile à faire. On trouve par places des
tubes qu'on peut suivre sur une assez grande lon-
gueur et qui, normaux d'un côté, sont de l'autre en
voie d'altération. On peut voir ainsi un même cylin-
dre-axe entouré dans une partie de son parcours d'une
gaine de myéline et en d'autres parties de cellules
chargées de gouttes de myéline (voir fig. Il).
« On voit nettement que la disparition des gaines
do myéline coïncide avec l'apparition des cellules
chargées de myéline, que ces deux phénomènes sont
connexes et que la destruction des gaines résulte de
l'absorption de la myéline par le protoplasma de ces
cellules. Ce sont ces cellules remplies de myéline
que Hibbert a décrites, mais cet auteur n'a pas mon-
tré le lien véritable qui existe entre leur présence et la
destruction des gaines.
« Quelle est la provenance de ces cellules ? Se déve-
loppent-elles au dépens du protoplasma myélinique ?
Sont-elles des cellules de la névroglie en voie de
multiplication ou bien des cellules migralrices ? On
peut admettre qu'elles ont à la fois ces trois origines.
« Mais l'activité du protoplasma myélinique qui
joue le rôle essentiel dans la destruction de la myéline
Inc. Il. - Sclé-
rose en plaques.
Tube à myéline
qui, normal
d'un cùté, est en
Noie d'altération
du cùté opposé.
- a, 6, c, d, e, f,
comme sur la li-
gure précédente.
ce . Cellules
sans myéline.
dans le bout périphérique d'un nerf sectionné, en admettant qu'elle
intervienne ici, ne paraît être qu'accessoire. Les cellules de la névro-
glie et les cellules migratrices jouent vraisemblablement ici un rôle
104 AFFECTIONS DE LA MOELLE
prépondérant. Il est à remarquer que la fragmentation de la gaine de
myéline ne se présente pas sous le même aspect que dans le bout péri-
phérique d'un nerf sectionné. Elle ressemble bien plus à celle qu'on
peut observer dans le bout central du nerf au voisinage de la section. »
Comme on le voit, le problème de l'origine des corps granuleux,
phagocytes de la moelle, qui d'ailleurs n'est pas encore résolu, a été
posé ici avec netteté.
B. J'ai été amené à discuter, à propos de la sclérose en plaques,
la question controversée de la régénération des tubes nerveux de la
moelle.
« La régénération des tubes nerveux de la moelle chez l'homme,
disais-je, est encore loin d'être démontrée. Il nous paraît, certes,
très vraisemblable que, lorsque les cylindres-axes sont interrompus
sur un point de leur parcours, la portion de ces filaments qui reste
fixée à leur centre trophique bourgeonne et tend à la régénération de
la même façon que dans les nerfs périphériques. Ce qui nous paraît
douteux, c'est que la régénération puisse aboutir au retour des fonc-
tions. Nous avons analysé l'observation qui semble la plus favorable
à cette hypothèse et elle ne nous a pas paru tout à fait démonstrative.
« Ainsi, en admettant même que cette régénération complète soit
possible, il n'en est pas moins très légitime de soutenir qu'elle doit
être tout à fait exceptionnelle et, en pratique, on peut n'en pas tenir
compte. »
C. Au point de vue clinique, les conclusions principales de ma
thèse sont les suivantes :
« L'hémiplégie dans la sclérose en plaques n'est pas toujours consé-
cutive à une attaque apoplectiforme; elle peut se développer pro-
gressivement. L'hémiplégie constitue parfois dans la sclérose en pla-
ques, pendant un temps plus ou moins long, le trait le plus saillant du
tableau symptomatique et l'on pourrait être tenté de le rapporter à
une lésion cérébrale en foyer.
« Des plaques de sclérose disséminées dans la moelle peuvent,
COMPRESSION DE LA MOELLE. TUMEURS ] : '\TRA-RACI/lDIEOEES 105
lorsque les cylindres-axes sont détruits, se manifester cliniquement
par les symptômes qu'on observe dans la myélite circonscrite destruc-
tive (paralysie et anesthésie des membres inférieurs, troubles dans
les fonctions de la vessie et du rectum, escarres). Il y a peut-être
lieu de désigner une pareille affection sous le nom de sclérose en pla-
ques à forme destructive.
« La sclérose en plaques, dont la marche est d'habitude éninem-
ment chronique, peut présenter une évolution aiguë ; on peut dire,
dans ces cas, qu'on a affaire à une forme aiguë de la sclérose en pla-
ques. »
COMPRESSION DE LA MOELLE. TUMEURS
INT Rr1-IAGHIDIrITNrS
Localisation.
Dans les compressions de la moelle, la topographie de l'anesthésie
permet généralement de déterminer le siège de la lésion, ce qui est
d'un grand intérêt quand il s'agit d'une tumeur susceptible d'être
extraite. -
Cependant, on est parfois conduit ainsi à localiser la néoplasie soit
trop bas, soit trop haut.
De plus, l'anesthésie donne seulement le moyen de connaître la
place occupée par l'extrémité supérieure du néoplasme et ne renseigne
pas sur la situation de son extrémité inférieure.
Aussi est-il bon de posséder d'autres éléments de localisation.
L'état des réflexes tendineux, par exemple l'inversion du réflexe du
radius que j'ai décrite (p. 34), donne parfois à cet égard des indica-
tions intéressantes. Mais dans les cas où la lésion siège à la région dor-
sale, on ne peut tirer aucun parti de l'examen des réflexes tendineux.
Il en est autrement des réflexes de défense qui fournissent des don-
nées précieuses, ainsi que j'ai cherché à l'établir avec Jarkowski (171).
106 AFFECTIONS DE LA MOELLE
La hauteur du territoire cutané dont l'excitation peut provoquer ces
réflexes n'est pas la même dans tous les cas. Or, le niveau auquel ce
territoire s'élève sur le tronc permet de reconnaître la limite inférieure
d'une compression de la moelle. Tel est le résultat auquel nous ont
conduit nos observations.
Je dois dire que, pour bien apprécier le signe que nous étudions,
il faut éviter plusieurs causes d'erreur.
Il est essentiel en particulier de savoir que les téguments des mem-
bres inférieurs sont généralement très excitables, que la peau de l'ab-
domen et du tronc l'est beaucoup moins ; nous avons observé des
sujets atteints d'une lésion spinale siégeant certainement à la partie
supérieure de la moelle dorsale et chez lesquels l'excitation de l'ab-
domen restait ordinairement sans effet, tandis que celle des membres
inférieurs était constamment suivie de mouvements réflexes. C'est
pourquoi nous estimons que dans le problème de la localisation il ne
faut tenir compte que des cas où la zone des mouvements réflexes de
défense dépasse les membres inférieurs et occupe une partie plus ou
moins étendue du tronc.
Mais dans les faits que nous retenons, il est encore nécessaire, étant
donné que l'excitabilité cutanée n'a pas toujours la même intensité, de
renouveler les examens plusieurs fois et en variant les conditions de
l'expérience. D'habitude, nous cherchons à délimiter le domaine des
réflexes de défense en pratiquant des excitations successives d'abord
de bas en haut, puis de haut en bas, et en guettant le moment où ces
réflexes disparaissent ou apparaissent. Il est bon que ces recherches
soient faites dans le calme le plus absolu et que le malade soit à l'abri
de toute cause capable de provoquer des mouvements automatiques.
Ajoutons que la détermination du niveau atteint par la surréflecil-
vité cutanée est facilitée quand l'impotence est complète, parce qu'il
n'y a plus alors de mouvements volilionnels pouvant, troubler l'ap-
précialion du phénomène.
Voici les conclusions auxquelles nons sommes arrivés :
COMPRESSION DE LA .MOELLE. TUMEURS 1NTRA-RACHIDIE\NES 107
i° Tandis que la topographie de l'anesthésie donne ordinairement
le moyen de reconnaître la limite supérieure d'une compression spi-
nale, la limite inférieure de cette compression peut être généralement
fixée parla hauteur à laquelle s'élève le territoire des réflexes de défense.
2° Ces deux données, quand elles sont bien nettes, permettent le
plus souvent de déterminer, par leur association, la longueur sur
laquelle la moelle est comprimée; elles constituent l'une pour l'autre
un mutuel contrôle et par leur réunion rendent la localisation plus
certaine et plus précise. -
3° Dans un syndrome de compression, lorsque l'écart entre la
frontière de l'anesthésie et celle des réflexes de défense est considé-
rable, l'hypothèse d'une compression par tumeur extra-dure-mérienne
(tumeurs qui peuvent acquérir une grande longueur) ou par pachy-
méningite est la plus vraisemblable; quand, au contraire, les deux
frontières se confondent ou sont très rapprochées, il est extrêmement
probable qu'il s'agit d'une tumeur intra-dure-mérienne (tumeurs
généralement courtes).
Traitement chirurgical. Laminectomie.
J'ai publié, le premier en France, avec P. Lecène et F. Bourlot, une
observation de néoplasie intra-rachidienne où l'opération fut suivie de
guérison (186). Il s'agissait d'une femme de 62 ans chez laquelle s'étaient t
installés progressivement des troubles de sensibilité consistant en
douleurs et anesthésie, des troubles vésicaux et une paraplégie crurale
presque totale. Nous pûmes reconnaître 1 existence d'une compression
de la moelle, probablement par tumeur, et en déterminer avec préci-
sion le siège, au niveau de D.XI et de D.XII, en nous fondant sur
les limites qu'atteignaient au tronc l'anesthésie et l'exagération des
réflexes de défense. Une laminectomie fut pratiquée et le néoplasme
qui s'était développé aux dépens des méninges molles fut aisément
108 AFFECTIONS DE LA MOELLE
extrait. L'examen histologique montra que c'était un fibro-sarcome.
Tous les troubles régressèrent petit à petit à la suite de l'intervention
et finirent par disparaître. Il y a maintenant deux ans que la malade
est complètement guérie.
J'ai rapporté ensuite une nouvelle observation de ce genre avec
Th. de Martel et J. Jumentié (192). Le malade était un homme de
60 ans atteint aussi de paraplégie crurale avec troubles de sensibi-
lité et troubles vésicaux. Comme dans le cas précédent, il fut pos-
sible de porter le diagnostic de compression spinale et de localiser
celle-ci au niveau de D.IV et de D.V. Une laminectomie pratiquée
dans la région ainsi délimitée permit d'extraire une tumeur, dévelop-
pée aux dépens des méninges molles, et qui consistait en un fibro-
myxo-sarcome. L'opération fut suivie d'une amélioration qui aboutit
graduellement à une guérison complète.
RADIOTHÉRAPIE DANS LES AFFECTIONS SPINALES
J'ai relaté, en i go6, l'observation d'un enfant de 15 ans atteint d'une
contracture généralisée due à une compression de la moelle cervicale,
contracture rapidement améliorée, puis guérie à la suite de l'emploi des
rayons X (128).
Voici un extrait de mon travail sur ce cas :
« En résumé, un sujet, après un grand traumatisme, est atteint de
troubles de motilité qui occupent d'abord exclusivement les mem-
bres supérieur et inférieur du côté gauche ainsi que le cou, en s'as-
sociant à un peu de thermo-anesthésie du côté opposé et à de la
thermo-asymétrie ; les troubles de motilité envahissent ensuite tout le
tronc, ainsi que le côté droit du corps, et s'accompagnent d'une per-
tmbation sphinctérienne. Les troubles de sensibilité disparaissent
spontanément, mais les troubles de motilité s'accentuent progressi-
vement... ? rendant le malade absolument impotent, incapable de
RADIOTHERAPIE DANS LES AFFECTIONS SPINALES 109
mouvoir ses jambes, de se mettre sur son séant, de tourner la tête, de
porter les aliments à sa bouche.
« L'état des réflexes tendineux et des réflexes cutanés, l'amyotro-
phie du membre gauche, la thermo-asymétrie et la thermo-anesthésie
permettent d'affirmer l'existence d'une affection organique de la moelle
cervicale..... Vraisemblablement, l'hémiplégie du début est liée à un
épanchement sanguin, et il est permis de supposer que les phénomènes
qui se sont développés à partir du troisième mois sont sous la dépen-
dance d'un nouvel épanchement ou d'une pachyméningite ; mais, à
cet égard, on ne peut pas porter de diagnostic précis. Il est impos-
sible aussi de dire si les faisceaux pyramidaux sont dégénérés ou sim-
plement comprimés, le signe des orteils décelant seulement une per-
turbation et non pas nécessairement une dégénération de ces faisceaux.
En ce qui concerne l'amyotrophie, elle a été probablement causée par
une altération des racines motrices.
« Les troubles de motilité, qui pendant six mois n'ont fait que
s'accentuer, s'atténuent sensiblement quelques jours après que l'on a
commencé à faire agir les rayons X sur la région cervicale (il s'agis-
sait en l'espèce d'une radiographie pratiquée en vue du diagnostic). Huit
jours environ après la première séance radiographique, le membre
supérieur droit peut se mouvoir suffisamment pour que le malade soit
en mesure de s'alimenter sans aide. Il est alors soumis systématique-
ment à des pratiques de radiothérapie.
« Son état continue à s'améliorer ; la contracture cède peu à peu
dans les diverses parties du corps et aujourd'hui, quarante-cinq jours
après que les rayons ont été employés pour la première fois, le malade
a recouvré intégralement l'usage du membre supérieur droit et en
partie celui du membre supérieur gauche, il remue la tête et le tronc
avec assez d'aisance, il est capable de marcher sans appui et de fran-
chir sans se reposer une distance d'une vingtaine de mètres ; la marche,
il est vrai, est encore lente, pénible, et l'état des réflexes dénote la
persistance d'une perturbation du système pyramidal.
110 AFFECTIONS DE LA MOELLE
« Y a-t-il coïncidence purement fortuite de l'usage des rayons X
et de l'amélioration, ou bien existe-t-il entre ces deux termes une
relation de cause à effet ? C'est là que réside tout l'intérêt de cette
observation, d'une grande importance pratique si la seconde hypothèse
se vérifiait. La question ne saurait être résolue pour le moment, mais,
en faveur de l'idée que les rayons X ont joué un rôle thérapeutique, on
peut faire valoir que l'état du malade, qui jusqu'alors n'avait fait
qu'empirer, a commencé à s'améliorer immédiatement après les deux
premières radiographies et que cette amélioration a été insolite par sa
rapidité. Je ne me rappelle pas avoir vu des troubles de motilité, liés à
une compression spinale et ayant atteint un semblable degré d'inten-
sité, se modifier spontanément d'une pareille façon. Je suis porté à
penser que les rayons X ont exercé sur l'épanchement hémorragique
ou sur la pachyméningite présumée une action résolutive. »
La guérison se compléta ultérieurement.
Quelque temps avant la publication de ce fait, Raymond et
Gramagna avaient rapporté chacun une observation de syringo-
myélie traitée avec succès par les rayons X.
Plusieurs mois après, j'ai relaté (133) un cas de paraplégie liée à
une tumeur intra-rachidienne (une laminectomie pratiquée plus tard
a décelé l'existence d'une tumeur comprimant la moelle, confor-
mément à l'hypothèse qui avait été émise), où les troubles de moti-
lité rétrocédèrent rapidement à la suite de l'emploi des rayons X ;
mais l'amélioration ne fut que transitoire.
Ces quelques observations ont été le point de départ des tentatives
de radiothérapie dans diverses affections de la moelle (tabes, sclé-
rose en plaques, etc.). A vrai dire, abstraction faite de la syringo-
myélie, dans les myélopathies à proprement parler l'efficacité de la
méthode n'est pas encore nettement établie.
V. - AFFECTIONS DES MÉNINGES
MÉNINGITES
A. Méningite cérébro-spinale subaiguë à polynucléaires.
Ponctions lombaires. Guérison.
Il s'agit d'une observation de méningite cérébro-spinale ayant pré-
senté, après un début aigu, une allure subaiguë ou chronique. Une
première rachicentèse, pratiquée environ trois mois après le début de
l'affection, donna issue à un liquide louche contenant un grand nom-
bre de polynucléaires. La ponction lombaire répétée plusieurs fois fut
chaque fois suivie d'une amélioration notable, et on obtint enfin une
guérison définitive.
« Les ponctions lombaires peuvent donc donner des résultats
remarquables, non seulement dans la forme aiguë de la ménin-
gite ainsi que cela ressort de nombreuses observations, en particulier
de celles de notre collègue Netter, mais aussi quand l'affection a une
évolution subaiguë ou chronique. »
Un autre fait intéressant. c'est que « malgré la durée et l'intensité
de cette méningite, les racines de la moelle, qui sont restées plusieurs
mois en contact avec un liquide purulent, n'ont subi aucune modifi-
cation apparente, car je n'ai jamais constaté chez la malade de signe
décelant une lésion radiculaire ; les réflexes tendineux, en particulier,
ont toujours été normaux» » (8fi).
112 AFFECTIONS DES MENINGES
B. Méningite hémorragique fibrineuse. Paraplégie spasmodique.
Ponctions lombaires. Traitement mercuriel. Guérison.
Quelques extraits de cette observation en feront connaître les parti-
cularités les plus intéressantes.
A la première ponction on recueille un « liquide jaune ver-
dâtre se prenant en masse très peu de temps après la rachicentèse pour
former un caillot fibrineux dense, consistant et très peu rétractile ;
la dissociation de ce caillot permet d'y constater la présence de lym-
phocytes » (c'est la deuxième observation de ce genre ; la première a
été publiée par Froin).
« Quel était le degré des lésions spinales ? L'évolution de la mala-
die, la guérison, aujourd'hui presque complète, semblent indiquer
que les altérations n'étaient pas très profondes, que les éléments
nerveux essentiels étaient plutôt irrités que détruits. Mais déjà, dès le
début, malgré l'intensité des troubles fonctionnels, et je dirais même
en raison de l'intensité de certains de ces troubles, on pouvait sup-
poser qu'il en était ainsi. C'était l'opinion que j'avais émise en me
fondant sur des observations faites autrefois et dont j'avais tiré cette
conclusion que la paraplégie crurale qui se caractérise par une con-
tracture très forte des membres inférieurs, accompagnée de douleurs
et de mouvements spasmodiques, est généralement liée à une irritation
non destructive des faisceaux pyramidaux, sans dégénération descen-
dante secondaire. C'est donc là un nouveau fait à l'appui de l'idée que
j'ai soutenue (p. 88).
« Pour terminer, je veux attirer particulièrement l'attention de la
Société sur l'efficacité do la thérapeutique dans ce cas. Je n'insisterai
pas sur l'utilité des lavages de la vessie qui ont été longtemps prati-
qués ; c'est là une notion courante. Le mercure a peut-être exercé une
MÉNINGITES 113
action favorable sur la maladie, mais ce n'est pas rigoureusement
démontré. Je puis au contraire affirmer que les ponctions lombaires
ont joué un rôle curatif des plus nets. Il faut d'abord remarquer la
différence notable qui distingue les liquides recueillis à 2fi heures
d'intervalle : celui de la première ponction renferme une grande
quantité de fibrine, celui de la deuxième n'en contient presque plus.
« D'autre part, les troubles fonctionnels ont diminué d'une manière
très appréciable immédiatement à la suite de chaque opération et,
par conséquent, l'efficacité de la rachicentèse est indiscutable.
« S'il s'agissait d'un cas de méningite aiguë vulgaire qui, comme
on le sait fort bien actuellement, est susceptible d'être heureusement
influencée par ce mode de traitement, ce fait serait banal, mais il n'en
est pas ainsi. On avait affaire, en effet, à une forme anatomique parti-
culière de méningite et l'aspect symptomatique de ce cas n'était pas
celui qui appartient à la méningite aiguë ordinaire ; on était en pré-
sence d'une paraplégie spasmodique que l'on aurait pu attribuer à
une lésion siégeant exclusivement dans la moelle, et, sans la ponction,
l'existence même de la méningite aurait bien pu être méconnue. Cette
particularité augmente singulièrement l'intérêt du résultat obtenu par
la rachicentèse, que je considère comme une arme thérapeutique
puissante et dont on n'a pas encore établi toute la portée » (99).
C. Méningite cervicale hypertrophique.
(EN collaboration avec J. Jumentié ET J..TARA011'SAI)
Voici les conclusions de ce travail (198).
10 Les lésions méningées observées rentrent dans ce que l'on a
décrit sous le nom de pachyméningite cervicale hypertrophique, mais
nous ferons remarquer que dans ce cas ce terme est impropre ; les
lésions de la pachyméninge passent en effet au second plan et celles
13ABINSKI. 8
: 111. AFFECTIONS DES MÉNINGES
de l'arachnoïde prédominent au point que l'on pourrait dire qu'il s'agit
surtout d'arachnitis ; il nous paraît préférable de désigner ces lésions
sous le nom de méningite cervicale hypertrophique.
2° La compression, qui semblait très forte, n'avait cependant pas
amené de lésions profondes de la moelle; il n'existait pas, en effet, de
dégénérescence de ses faisceaux longs, et l'examen clinique avait
montré que la sensibilité était conservée.
3° Les racines, quoique plus altérées que la moelle (état clair, dégé-
nérescence ascendante du faisceau de Burdach), ont fait preuve d'une
tolérance très grande, puisque la sensibilité objective était presque
normale, et que, dans les groupes musculaires atrophiés, il n'y avait
ni abolition complète des réflexes, ni réaction de dégénérescence.
110 Enfin, nous avons constaté au membre supérieur des mouve-
ments réflexes de défense que nous avons pu utiliser pour la locali-
sation de la lésion.
HÉMORRAGIE MÉNINGÉE
. J'ai publié avec Jumentié un travail sur ce sujet (195). Voici les
quelques points que nous avons cru intéressants de signaler.
io En nous fondant sur des examens cliniques et anatomiques,
nous avons été conduits à penser que la syphilis est une cause assez
commune des lésions vasculaires pie-mériennes qui provoquent l'hé-
morragie méningée. '
2° Nous avons observé un cas d'hémorragie méningée à rechute, ce
qui constitue une rareté.
3° Chez un malade qui, entre autres troubles, présentait des accès
d'épilepsie jacksonienne à droite, la nécropsie a décelé, sous la dure-
mère qui paraissait saine, la présence d'un vaste caillot sanguin de 3 à
si millimètres d'épaisseur, situé sur la face externe de l'hémisphère
gauche, à sa partie moyenne, au niveau de la région motrice qu'il com-
HÉMORRAGIE MÉNINGÉE 115
primait fortement; il s'agit là d'une variété d'hémorragie méningée que
l'on pourrait dénommer hémorragie méningée à forme jacksonienne.
N'y aurait-il pas lieu, disions-nous, de pratiquer une craniectomie
dans des cas de ce genre ? Dans l'espèce, l'évolution très rapide de
l'affection est la cause qui nous a empêchés d'avoir recours à ce mode
de traitement. Mais il est permis de penser qu'une pareille interven-
tion pourrait être efficace.
Peu de temps après notre communication, Maurice Chiray et Jacques Roland
publièrent (Soc. méd., juin 1912) une observation montrant que nos prévisions
étaient justes. Elle est intitulée « Hémorragie méningée sous-arachnoïdienne non
traumatique, à « forme jacksonienne». Craniectomie. Guérison».
J'extrais de ce travail les passages suivants :
« Dans la séance du 3 mai 1912, MM. Babinski et Jumentié présentaient deux
cas d'hémorragie méningée dont l'un, rapidement mortel, s'est manifesté, entre
autres symptômes, par des crises typiques d'épilepsie jacksonienne; etles auteurs
se demandaient si des faits de ce genre, encore peu connus, et pour lesquels ils
proposent la dénomination d'hémorragie méningée à forme jacksonienne, ne seraient
pas justiciables d'une intervention chirurgicale.
« Nous avons observé, le mois dernier, dans le service de notre maître le
P' Debove, un fait analogue. Dans ce cas, les symptômes de localisation étaient
si nets que nous nous sommes crus autorisés à tenter une intervention chirurgi-
cale. Nous avons eu la bonne fortune, grâce à cette intervention qui a été prati-
quée par M. Tuilier, d'assister à une disparition rapide des accidents, et nous vous
présentons, aujourd'hui, notre malade complètement guéri. »
VI ? AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE ET DE L'APPAREIL
VESTIBULAIRE
HÉMIPLÉGIE ORGANIQUE
Diagnostic.
On admettait autrefois que l'hémiplégie organique, à considérer
uniquement les troubles de motilité qui la constituent, ne présente
aucun trait qui lui appartienne d'une manière exclusive et que l'hysté-
rie est capable d'engendrer une paralysie ayant le même aspect symp-
tomatique. C'est surtout, pensait-on, en tenant compte des circons-
tances dans lesquelles l'affection s'est développée et de l'état général du
malade qu'il est possible d'arriver à discerner les deux espèces d'hé-
miplégie. La fréquence des erreurs de diagnostic commises à cette
époque faisait apparaître l'insuffisance de ces moyens.
Estimant que pour bien connaître la nature d'une paralysie il est
essentiel d'envisager les diverses formes de l'activité musculaire, les
diverses modalités du mouvement et de rechercher les perturbations
que chacune d'elles peut présenter, je me proposai de soumettre
l'hémiplégie organique à une analyse méthodique, avec l'espoir de
découvrir ainsi des caractères intrinsèques qui permettraient d'en dis-
tinguer plus sûrement la nature (5g). Je vais passer en revue les
résultats de mes investigations.
HÉMIPLÉGIE ORGANIQUE 117
Modifications des réflexes tendineux.
On savait depuis longtemps que les réflexes tendineux sont troublés
dans l'hémiplégie organique ; ce qui m'appartient, c'est d'avoir établi
que ce caractère fait défaut,dans l'hémiplégie hystérique. Je dévelop-
perai ce point ultérieurement (voir p. ig5).
Phénomène des orteils.
Je renvoie le lecteur à la « Sémiologie » où cette question a déjà
été traitée d'une manière complète (p. 37). Je me contenterai de
rappeler que ce signe apparaît d'habitude immédiatement après l'ictus
et que, généralement, les lésions radiculaires tabétiques, quand elles
viennent s'ajouter aux lésions pyramidales, paraissent ne pas le mo-
difier.
Hypotonicité musculaire.
L'hypotonicité musculaire était un phénomène connu. J'ai mon-
tré qu'elle fait défaut dans l'hémiplégie hystérique et j'ai indiqué
quelques moyens de la déceler dans l'hémiplégie organique.
a) A la face, l'hypotonicité musculaire qui provoque un abaissement
de la commissure labiale se reconnaît de la manière suivante : on con-
state le relâchement des muscles en saisissant, entre les doigts, les lèvres
et la joue et en leur imprimant des mouvements passifs. On distingue
ainsi l'asymétrie faciale due à l'affaiblissement de la tonicité de celle
qui dépend d'une contracture ou d'une contraction musculaire.
b) Voici un moyen de mettre en évidence l'hypotonicité dans les
muscles du membre supérieur :
118
AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
Lorsqu'on imprime à l'avant-bras placé en supination un mouve-
ment passif de flexion sur le bras et qu'on cherche à appliquer ainsi
ces deux segments du membre supérieur l'un sur l'autre, on constate,
FIG. 12. -Hémiplégie droite organique au' cinquième jour.
Flexion exagérée de l'avant-bras à droite.
en comparant les
deux côtés, que le
degré de flexion est
plus grand du côté
paralysé (voir fig. 12).
C'est là un signe que
j'ai désigné sous la
dénomination de fle-
xion exagérée de
l'avant-bras. Je dois
faire remarquer tou-
tefois que, même chez
des sujets sains, il
peut y avoir à cet
égard une légère dif1'é-
rence entre les deux
côtés; en pareil cas,
le degré de flexion
est généralement plus
prononcé du côté le
plus faible, du côté
gauche. Ce phéno-
mène n'a donc de
valeur que s'il est tiès net et sa signification est plus grande dans
l'hémiplégie droite que dans l'hémiplégie gauche. C'est principa-
lement dans les cas d'hémiplégie récente, flasque, sans exagération
ou avec affaiblissement des réflexes tendineux, qu'on l'observe ; mais
je l'ai constaté aussi, ce qui peut paraître surprenant, dans quelques
cas d'hémiplégie ancienne avec exagération des réflexes tendineux.
HÉMIPLÉGIE ORGANIQUE
119
Signe du peaucier.
Ce signe consiste en ce que,1 dans certains mouvements auxquels le
peaucier participe,
la contraction de ce
muscle est plus
énergique du côté
sain que du côté
paralysé ; il est par-
ticulièrement appa-
rent tantôt quand le
malade ouvre la
bouche toutegrande
(voir fig. 13), tantôt
quand il fléchit for-
tement la tête, lut-
tant contre une
résistance que l'ob-
servateur oppose à
ce mouvement. J'a-
joute que tous les
hémiplégiques ne
présentent pas ce
signe. J'ai désigné
d'abord ce phéno-
FIG. 13. Hémiplégie gauche organique un an après son
début. Contraction du peaucier du cou à droite.
mène sous la déno-
mination de spasme associé du peaucier, que j'ai abandonnée ensuite;
je crois, en effet, qu'il ne s'agit pas d'un spasme du côté normal,
mais plutôt d'une parésie du peaucier du côté malade, laquelle appa-
raît dans les mouvements synergiques où les peauciers entrent en
120 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
jeu et se manifeste par la prédominance d'action du muscle du côté
normal ; j'ai proposé d'appeler simplement ce trouble le signe du
peaucier. Il peut exister aussi dans la paralysie faciale périphérique,
le peaucier étant innervé par le facial.
J'ai observé quelques sujets atteints d'hémiplégie organique chez
lesquels les fibres du peaucier étaient, à l'ouverture de la bouche, plus
apparentes du côté paralysé que du côté sain; il s'agissait probable-
ment, dans ces cas, d'un véritable spasme ; du reste, chez ces ma-
lades, on constatait en même temps, du côté de l'hémiplégie, un
abaissement de la commissure, d'origine manifestement spasmodique;
ces faits me paraissent exceptionnels.
Mouvement combiné de flexion de la cuisse et du tronc.
Lorsque, étendu sur un plan résistant horizontal, sur un plancher
par exemple, dans le décubitus dorsal, les bras croisés sur la poitrine,
le malade fait un effort pour se mettre sur son séant, du côté paralysé
la cuisse exécute un mouvement de flexion sur le bassin et le talon se
détache du sol, tandis que du côté opposé le membre inférieur reste
immobile ou ne se soulève que plus tardivement el moins haut
(voir fig. 14) ; en même temps, l'épaule du côté normal se porte en
avant.
Le mouvement que je viens de décrire se reproduit et peut être plus
ou moins accentué que dans l'acte précédent quand le sujet, après
s'être mis sur son séant, les bras toujours croisés sur la poitrine,
porte le tronc en arrière pour reprendre la position primitive.
C'est surtout lorsque le malade se 1 enverse avec brusquerie que le
mouvement est prononcé.
On observe ce signe chez la plupart des sujets atteints d'hémiplégie
organique.
Quel en est le mécanisme ? P
HÉMIPLÉGIE ORGANIQUE 121
Pour comprendre l'interprétation que je propose, il faut d'abord
analyser l'acte qui consiste à se mettre sur son séant. Le mouvement
essentiel de cet acte est absolument conscient, c'est l'inclination en
avant du bassin et de la colonne vertébrale ; mais cette inclination ne
peut s'opérer d'une manière normale que si les fémurs ont été préala-
blement immobilisés. En effet, si on réfléchit au mode d'action du
psoas-iliaque qui, suivant qu'il prend son point d'appui à son inser-
FiG. 14. Hémiplégie gauche organique un an après son début. - Flexion
combinée de la cuisse et du tronc à gauche.
tion supérieure ou à son insertion inférieure, fléchit la cuisse sur le
bassin ou bien incline en avant le bassin et la colonne vertébrale, on
conçoit qu'un défaut d'immobilisation de la cuisse dans l'acte en ques-
tion doive entraver l'inclination du tronc en avant et entraîner une
flexion de la cuisse sur le bassin. Cette immobilisation de la cuisse est
obtenue par la mise en activité inconsciente ou sub-consciente des
muscles qui étendent la cuisse sur le bassin.
Je suppose que c'est la parésie de ces muscles qui cause le phéno-
mène dont nous nous occupons. Du reste, la réalité de cette parésie est
incontestable car, lorsque le malade, se trouvant couché sur le dos,
122 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
cherche à maintenir ses membres inférieurs appliqués aussi étroite-
ment que possible contre le sol, on arrive plus facilement du côté de
la paralysie que du côté sain à soulever la jambe par une traction de
bas en haut.
Ce phénomène, que j'ai appelé d'abord mouvement associé de flexion
de la caisse, dépendant, si mon interprétation est juste, d'un méca-
nisme bien différent de celui qui appartient aux diverses variétés de
mouvements associés déjà décrits dans l'hémiplégie ((v8), peut être
désigné de préférence sous la dénomination de flexion combinée de la
cuisse et du tronc qui exprime simplement et avec précision le mou-
vement en question.
Il est facile de comprendre pourquoi le mouvement de flexion de la
cuisse se reproduit lorsque le malade, après s'être mis sur son séant,
cherche à reprendre sa position primitive. Ce serait, en effet, une
erreur de croire que, dans cet acte, le sujet se borne à faire con-
tracter les muscles qui inclinent le tronc en arrière. S'il en était ainsi,
la partie supérieure du tronc, entraînée par la pesanteur, viendrait
heurter contre le sol. L'extension du tronc doit être modérée par la
contraction des fléchisseurs qui ne se relâchent que progressivement,
et cette contraction des fléchisseurs, pour être efficace, nécessite une
immobilisation préalable de la cuisse. De part et d'autre, les condi-
tions sont donc semblables.
Je dois faire remarquer qu'à l'état normal l'immobilisation de la
cuisse paraît être plus ou moins parfaite suivant les sujets, ce qui,
sans doute, est une des raisons pour lesquelles tous les individus ne se
mettent pas sur leur séant avec la même facilité; tandis que chez les
uns, pendant cet acte, les cuisses restent appliquées sur le sol, chez
les autres, elles exécutent un mouvement plus ou moins marqué de
flexion sur le bassin ; mais, chez des sujets normaux, quand ce dernier
mouvement se produit, il est à peu près égal à droite et à gauche.
Néanmoins, comme à l'état normal il peut y avoir entre les deux côtés
de légères différences, le mouvement de flexion combiné de la cuisse
HÉMIPLÉGIE ORGANIQUE 123
et du tronc ne peut être considéré comme pathologique que lorsque,
se produisant d'un seul côté, il est très net, ou que, bilatéral, il est
bien plus apparent d'un côté que de l'autre.
Le mouvement de flexion combinée de la cuisse et du tronc impli-
que naturellement que les muscles qui l'exécutent fonctionnent, au
moins dans une certaine mesure ; aussi, pourrait-on prévoir théori-
quement qu'il doit faire défaut quand la paralysie est complète ; c'est
ce que l'observation confirme. En effet, ce phénomène apparaît
d'ordinaire, quelque temps seulement après le début de l'hémi-
plégie, lorsque les troubles se sont atténués. Dans la première phase
de l'hémiplégie, l'impotence du côté paralysé étant complète, ou bien
le malade en état de prostration profonde est incapable de faire le
moindre effort, ou bien, comprenant l'ordre donné et cherchant à se
mettre sur son séant, il exécute un mouvement de rotation autour
d'un axe longitudinal passant par le côté paralysé ; ce mouvement
me paraît être le résultat de l'action, limitée à un côté du corps, des
muscles qui inclinent le tronc en avant.
Griffe de la main.
Anciennement déjà, la griffe de la main avait été décrite dans l'hémi-
plégie organique avec contracture. Voici les observations faites par moi
sur ce point : si l'on glisse sa main entre les doigts et la paume de la
main du malade, et si l'on cherche porter celle-ci dans l'extension, on
éprouve une résistance qui donne l'impression d'un obstacle doué
d'élasticité et parfois animé d'une légère trépidation ; de plus, pendant
que la main s'étend sur l'avant-bras, les phalanges se fléchissent les
unes sur les autres et sur les métacarpiens et viennent serrer la main
de l'observateur. Il résulte de ces diverses perceptions une sensation
d'ensemble que l'on a très nettement à l'examen de la plupart des
malades atteints d'hémiplégie organique avec contracture, à condition
que la paralysie du membre supérieur soit assez marquée : jamais
124 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
je n'ai perçu cette sensation dans l'hémiplégie hystérique avec con-
tracture et je la considère comme un signe tout à fait caractéristique.
Signe de la pronation.
Dans l'hémiplégie organique, avantmême que la contracture se soit
établie, il n'est pas rare que, du côté paralysé, la main se trouve en
pronation et qu'elle reprenne cette attitude lorsque, après l'avoir
portée en supination par un mouvement passif, on l'abandonne à
elle-même. C'est là un signe qui peut aider à distinguer l'hémi-
plégie organique de l'hémiplégie hystérique.
Voici un bon moyen de mettre en évidence ce phénomène : on
recommande au malade de laisser inertes les membres supérieurs,
puis on place les avant-bras en supination ; on les soutient par leur
face dorsale au niveau du poignet et on leur imprime plusieurs
secousses successives ; on voit alors la main du côté de l'hémiplégie
se porter en pronation (i3g).
Interversion des deux modes de balancement du bras.
Ce phénomène, commun dans l'hémiplégie, est surtout apparent
quand, les mouvements volontaires du bras étant abolis ou très affai-
blis, ceux du membre inférieur sont suffisamment conservés pour que
la marche reste possible. C'est pour ce motif que je l'ai décrit au cha-
pitre « Monoplégie brachiale » auquel je renvoie le lecteur (p. 128).
Parallélisme entre les divers troubles de la motilité volontaire.
Considérons, par exemple, les troubles de motilité à la face. Si les
mouvements unilatéraux sont très affaiblis, l'impotence apparaît aussi
avec netteté, du côté de l'hémiplégie, pendant l'exécution des divers
mouvements bilatéraux synergiques (il est évident que ce parallé-
lisme n'est pas parfait, chacun de ces divers troubles pouvant être
HÉMIPLÉGIE ORGANIQUE 123
un peu plus saillant que l'autre). Dans l'hémiplégie hystérique, au
contraire, il peut arriver que les deux côtés de la face fonctionnent à
peu près de la même façon dans l'acte de parler ou dans celui de siffler,
tandis que les mouvements unilatéraux sont abolis d'un côté : la
paralysie est « systématique » (34, 35, 38). Si l'on envisage les
troubles de motilité du bras dans l'hémiplégie ou la monoplégie
organique, on constate que les mouvements actifs accessoires sont
abolis en même temps que les mouvements actifs essentiels (voir
p. 13o). Dans la paralysie hystérique, l'abolition de ceux-ci pourrait
coïncider avec la conservation de ceux-là.
Fixité des troubles de motilité.
Il va sans dire que l'hémiplégie organique subit une évolution,
qu'elle peut rétrocéder et guérir et que, lorsqu'elle devient incu-
rable, elle passe préalablement par des phases diverses. Mais, d'une
façon générale, c'est graduellement que se produisent les modifica-
tions dans sa physionomie. Quand on considère, dans un laps de
temps relativement court, les troubles de motilité de cette espèce, on
est en droit de dire qu'ils ont de la fixité. A la vérité, c'est là un fait
banal qui s'applique à toutes les paralysies organiques et sur lequel il
n'y aurait pas lieu d'attirer l'attention s'il ne contrastait avec ce
qu'on observe dans les paralysies hystériques. Voici, par exemple,
deux sujets atteints, l'un d'hémiplégie organique, l'autre d'hémiplégie
hystérique et qui tous deux paraissent dans l'impossibilité de faire exé-
cuter un mouvement quelconque aux divers segments du membre
supérieur paralysé. Faites l'expérience suivante : saisissez le bras para-
lysé, soulevez-le et abandonnez-le ensuite à lui-même, répétez plu-
sieurs fois de suite cette opération et cherchez en même temps, par des
questions posées au malade, à détourner son attention de ce que vous
faites. Vous constaterez alors que chez le premier malade le bras para-
126 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
lysé retombera immédiatement comme un corps inerte aussitôt que
vous aurez cessé de le soutenir, et ce phénomène se reproduira chaque
fois que vous renouvellerez la tentative. Chez l'hystérique, vous obser-
verez généralement le même fait dans la plupart des expériences que
vous ferez, mais pour peu que vous apportiez de la patience dans votre
examen, il arrivera un moment où le membre soulevé conservera
plus ou moins longtemps, après avoir été privé de votre appui, l'atti-
tude que vous lui aurez imprimée ; la paralysie aura transitoirement
disparu. Cette variabilité, qui fait toujours défaut dans l'hémiplégie
organique, présente une grande importance diagnostique.
Tels sont les caractères intrinsèques de l'hémiplégie organique que
mes études m'ont conduit à déterminer. Tous n'ont pas une égale
valeur et si quelques-uns d'entre eux sont pathognomoniques, il en
est d'autres, tels que le signe du peaucier, le signe de la pronation,
le mouvement combiné de flexion de la cuisse qui pourraient être re-
produits jusqu'à un certain point par un acte de la volonté. Quoi
qu'il en soit, dans la grande majorité des cas d'hémiplégie organique,
grâce aux signes intrinsèques, le diagnostic peut aujourd'hui être
établi avec certitude.
La plupart de ces données sont admises sans conteste. Dans tous les traités de
médecine, on en trouve l'exposé (voir : a. Traité de médecine Brouardel, Gilbert,
t. VIII, pp. 4.87, 51o. Hémiplégie, par Pierre Marie; b. Traité de médecine Charcot,
Bouchard, Brissaud, t. IX, p. 51. Hémiplégie, par Brissaud et Souques).
Amyotrophie.
Dans l'hémiplégie d'origine cérébrale il se développe parfois une
atrophie des muscles paralysés qui, d'après les idées autrefois admises,
serait toujours précédée d'une altération organique des cellules ner-
veuses des cornes antérieures de la moelle.
J'ai montré (i4) qu'une lésion cérébrale accompagnée de dégéné-
HÉMIPLÉGIE ORGANIQUE 127
ration descendante peut provoquer une atrophie musculaire très pro-
noncée et ayant les caractères histologiques que l'on assigne à l'atro-
phie musculaire consécutive à la section des nerfs ou à la destruction
des cornes antérieures de la moelle, sans que les cellules des cornes
antérieures soient détruites ou atrophiées, sans que les nerfs moteurs,
au moins dans la plus grande partie de leur parcours, présentent la
moindre trace de dégénération.
Les mêmes faits ont été observés ultérieurement par Quincke,
Eiscnlohr, Borgherini, Roth et Mouratoti, Darkschewitsch qui ont
ainsi confirmé les résultats de mes recherches.
Plus tard, Dejerine a publié des observations d'amyotrophie dans
l'hémiplégie avec intégrité des cornes antérieures et altération des
nerfs moteurs à leur périphérie. Elles servent en quelque sorte d'inter-
médiaire entre les faits anciennement connus et ceux sur lesquels j'ai
appelé l'attention. De ce rapprochement, il est permis de tirer quel-
ques déductions d'ordre plus général.
« Ces trois groupes (26) font évidemment partie d'une même série
caractérisée par des lésions plus ou moins accentuées de l'appareil neuro-
musculaire et appréciables, soit dans la totalité de cet appareil, soit
à sa périphérie seulement, quoique sa partie centrale constitue tou-
jours le siège primitif du désordre. On conçoit ainsi la parenté qui peut
exister entre les troubles cellulaires organiques et dynamiques. Il est
impossible, ce me semble, de douter que l'amyotrophie, dans tous ces
cas, ne reconnaisse pour cause une perturbation centrale. Mes obser-
vations ont montré qu'une atrophie musculaire peut résulter d'une
modification dans l'état dynamique des cellules nerveuses. Les obser-
vations ultérieures de Dejerine ont établi, de la même manière, selon
moi du moins, car l'auteur n'en tire pas lui-même cette conséquence,
qu'une névrite périphérique en apparence peut dériver d'un trouble
dynamique des centres nerveux. »
Joffroy et Achard, dans un article intitulé : ce Contribution à l'étude de l'atro-
128 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
phie musculaire chez les hémiplégiques» (Arch. de Dléd. exp. 1er nov. 1891), ont
adopté complètement mon opinion.
MONOPLÉGIE BRACHIALE ORGANIQUE
Mouvements actifs et mouvements passifs. Balancement actif
et balancement passif du bras.
(Interversion des deux modes de balancement du bras.)
La monoplégie brachiale organique se manifeste, à moins que le
bras malade ne soit atteint d'une rigidité qui l'immobilise, par certains
caractères spéciaux que j'ai fait connaître (157) et dont voici la
description.
a) Dans la marche, le côté sain présente l'allure habituelle :
lorsque le membre inférieur se porte en avant, on voit le bras se por-
ter en arrière et vice versa ; du côté paralysé, il en est tout autrement :
le bras se meut très peu et parfois la cuisse et le bras se portent simul-
tanément en avant; le malade, vu du côté atteint, semble aller l'am-
ble ; en réalité, le mouvement en avant du bras n'est que la consé-
quence d'une propulsion exercée par la cuisse. ,
b) Lorsque, étant debout, le malade tourne sur lui-même avec
une certaine brusquerie, les membres supérieurs s'écartent du tronc ;
mais du côté atteint le mouvement est bien plus étendu ; de plus, le
bras paralysé se déplace et oscille encore alors que le bras sain est
déjà revenu au repos.
c) Le malade étant assis ou debout, si, après lui avoir recom-
mandé de laisser inerte le membre sain, je lui soulève les deux bras
et les abandonne ensuite à eux-mêmes, je constate ceci : du côté sain,
le membre supérieur vient heurter le tronc, rebondit une fois ou
deux, puis reste immobile ; du côté paralysé, le membre supérieur
exécute des oscillations plus nombreuses et ne revient que plus tardi-
vement au repos.
MONOPLÉGIE BRACHIALE ORGANIQUE 129
d) Le malade étant assis ou debout, si, après avoir attiré ses
bras en avant, je laisse reposer ses mains sur les miennes et cesse de
les tenir, le membre supérieur garde généralement du côté sain
l'attitude que je lui ai donnée, tandis que du côté malade la main
glisse sur la mienne et se porte en arrière.
C'est dans la monoplégie d'origine cérébrale que j'ai observé pour
la première fois ces phénomènes, mais on peut les constater aussi
dans la monoplégie liée à une lésion de la moelle ou à une névrite.
Pour interpréter ces faits, il faut d'abord remarquer que les mouve-
ments du corps et des segments qui le composent peuvent être divisés
en deux catégories, suivant qu'ils sont d'origine interne ou d'origine
externe, c'est-à-dire provoqués ou non par l'activité de l'appareil neuro-
musculaire.
Les mouvements de la première catégorie sont qualifiés d'actifs ;
on appelle passifs ceux de la deuxième.
Les mouvements actifs, si on les envisage dans les actes volition-
nels tant soit peu compliqués, peuvent eux-mêmes être subdivisés en
essentiels et accessoires. Dans la marche, par exemple, les mouve-
ments des membres inférieurs et du tronc constituent les mouvements
essentiels ; on doit considérer comme accessoires les mouvements
des membres supérieurs qui, sans être d'ailleurs indispensables à
l'accomplissement de l'acte, s'associent généralement aux précédents
et consistent en un balancement du bras en sens inverse du mouve-
ment de va-et-vient de la cuisse.
Je ferai observer ensuite que, si les mouvements spontanés manifes-
tent dans ce qu'elle a de plus caractéristique l'activité musculaire, celle-
ci entre encore en jeu dans les mouvements passifs qui sont plus ou
moins modifiés par son intervention. Par exemple, je soulève le bras,
puis je le laisse retomber comme inerte, lui faisant exécuter ainsi
un mouvement passif; si, comme cela arrive souvent, le membre
supérieur, après être retombé, reste immédiatement appliqué le long
du corps, sans avoir oscillé, je puis affirmer que l'activité musculaire
BA81\SKI. 9
130 AFFECTIONS DE L'ENCEPHALE
est intervenue, car, en vertu des lois de la mécanique, le membre
supérieur, s'il avait été complètement inerte, aurait dû, avant que son
mouvement se soit arrêté, avoir subi des oscillations à la manière d'un
pendule. A l'état normal l'activité musculaire trouble presque toujours
les mouvements passifs et les empêche d'apparaître dans leur pureté.
Cela posé, il est facile d'expliquer les faits sur lesquels j'ai appelé
l'attention.
Il est naturel que le balancement du bras, mouvement accessoire
faisant habituellement partie de l'acte de la marche, manque dans la
monoplégie brachiale organique qui doit frapper tous les mouvements
actifs, essentiels ou accessoires.
L'augmentation de l'étendue des mouvements passifs, l'augmenta-
tion du nombre des oscillations du bras paralysé dans les expé-
riences b et c, la rétro pulsion de la main paralysée dans l'expérience d,
sont dues à ce que la paralysie libère les mouvements passifs des
entraves qui leur sont mises à l'état normal par l'activité musculaire.
En résumé, dans laparalysic organique, l'abolition des mouvements
actifs, l'affranchissement et l'exagération des mouvements passifs
sont des phénomènes connexes.
Pour exprimer brièvement ce qu'il y a de plus manifeste, au point
de vue clinique, dans cette perturbation, on peut dire que, dans la
monoplégie brachiale organique, le balancement actif du bras est dimi-
nué ou aboli, et que le balancement passif est exagéré; ou encore qu'il
y a une interversion des deux modes de balancement du bras.
TUMEURS INTRA-CRANIENNES. OEDÈME CÉRÉBRAL
Diagnostic.
A. J'ai attiré l'attention sur ce fait que les signes considérés
comme les plus caractéristiques des néoplasmes intra-crâniens : la
TUMEURS INTRA-CRANIENNES. OEDÈME CÉRÉBRAL 13l
céphalée, les vomissements, la stase papillaire peuvent faire dé-
faut, même à une période avancée de l'affection. J'ai publié (127)
l'observation anatomo-clinique d'un sujet qui, atteint d'une tumeur
cérébrale dont le poids dépassait 3oo grammes, n'avait jamais eu,
pendant le cours de la maladie d'une durée de 2 ans et demi envi-
ron, ni douleurs de tête, ni nausées ; quant à la stase papillaire, elle
n'était apparue que près de 2 ans après le début. L'absence de ces
symptômes ne permet donc pas d'écarter l'idée de néoplasie intra-
crânienne.
C'est une donnée qui n'est pas courante puisque, tout récemment, au
Congrès international de Londres, IIorsley a insisté sur ce point, très
important à connaître, dit-il, car on est exposé, quand on l'ignore,
à commettre des erreurs de diagnostic dont les conséquences peuvent
être graves.
B. J'ai observé avec Clunet (i51) un fait d'hémiplégie homo-
latérale : la paralysie occupait le côté droit du corps et la nécropsie
a décelé la présence de trois tumeurs méningées refoulant l'hémisphère
cérébral droit ; à gauche, il n'y avait pas de tumeur. Cette obser-
vation est à joindre à quelques cas analogues antérieurement
publiés.
Ce qui en constitue surtout l'intérêt, c'est qu'elle nous a permis
d'émettre une opinion probable sur le mécanisme de l'hémiplégie
homolatérale. Nous avons constaté que l'hémisphère droit était d'un
tiers plus volumineux que l'hémisphère gauche, qu'il était distendu
par de l'oedème; nous avons vu, sur une coupe horizontale de l'encé-
phale passant par la capsule interne, la scissure inter-hémisphérique
fortement repoussée à gauche. L'hémisphère gauche était donc mani-
festement comprimé par l'hémisphère droit augmenté de volume, et
c'est à cette compression qu'il y a lieu d'attribuer les troubles de
motilité du côté droit.
C. J'ai montré que l'hémiplégie liée à une compression de
l'encéphale peut avoir des caractères permettant de la distinguer de
132 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
l'hémiplégie vulgaire accompagnée de dégénération secondaire,
et d'en reconnaître la nature (127). La paralysie, en pareil cas,
même après plusieurs mois de durée, ne s'accompagne pas néces-
sairement d'exagération des réflexes tendineux ; parfois, elle est
dépourvue de tous les signes objectifs qui appartiennent à l'hémi-
plégie organique commune, et elle est alors susceptible d'être confon-
due avec une hémiplégie hystérique. Pour mettre ce trait en évidence,
on pourrait lui donner la dénomination d' « hémiplégie pseudo-hysté-
rique ».
Cette forme d'hémiplégie, quand elle est associée à d'autres signes
rendant acceptable l'hypothèse de tumeur cérébrale, constitue un argu-
ment de grande valeur à l'appui de cette idée.
Pouvant conduire à un diagnostic précoce do néoplasme inlra-crû-
nien et dénotant l'existence d'une lésion qui comprime simplement
l'encéphale sans provoquer de dégénération secondaire, elle fournit
des données fort précieuses sur l'opportunité d'une intervention
chirurgicale.
Vincent (Revue neurologique. 1908, p. 4 lis) a rapporté un fait ana-
logue : il s'agissait d'un cas d'hémiplégie causée par une tumeur de la
dure-mère siégeant dans la région rolandique du côté opposé ; les
réflexes tendineux et cutanés du côté droit étaient égaux à ceux du
côté gauche.
D. - Les symptômes cérébelleux que j'ai décrits (voir pp. 136-157)
facilitent le diagnostic des tumeurs intéressant le cervelet. Quand ils
sont unilatéraux, ils permettent de déterminer le côlé où siège la
lésion ; dans un grand nombre de publications, il est expressément
noté que l'hémiadiadococinésie a fourni à cet égard des indications
précises (voir p. I ( I ).
Ces symptômes servent au diagnostic des tumeurs ponto-cérébel-
leuses qui se manifestent aussi parfois, à cause des altérations du
nerf acoustique fréquentes en pareil cas, par des troubles du vertige
voltaïque que j'ai fait connaître (voir p. 167).
TUMEURS INTRA-CRANIENNES. OEDÈME CÉRÉBRAL 133
Traitement.
Médication hydrargyrique.
Dans plusieurs observations (127), j'ai noté que le traitement
hydrargyrique peut exercer une action favorable sur des tumeurs
non syphilitiques ; mais cette influence n'est que passagère et les
troubles, après avoir rétrocédé, reparaissent. C'est là une donnée dont
le clinicien doit tenir compte; sinon, il court le risque de commettre
des erreurs de pronostic et de différer une opération urgente.
Rachicentèse.
J'ai rapporté avec Chaillous un certain nombre de faits (i36, 137)
contribuant à établir l'action curative de la rachicentèse sur la névrite
optique due à un épanchement intra-crânien post-traumatique ou
d'origine inflammatoire ; on peut constater alors, à la suite de l'inter-
vention, la régression rapide de la stase papillaire. Mais dans les cas
de névrite optique consécutive à une tumeur, la ponction lombaire
ne saurait guère être que palliative.
Craniectomie.
Je me crois autorisé à dire que j'ai contribué au développement de
la chirurgie cérébrale en France. La craniectomie, malgré les travaux
parus à l'étranger sur ce sujet. ceux de I-Iorsley en particulier, malgré
les tentatives déjà anciennes de Lucas-Championnière, n'avait guère
été en laveur ici auprès des neurologistes jusque dans ces derniers
temps ; ce n'est que depuis peu qu'un revirement s'est produit.
134 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
Dans plusieurs notes, dont la première date de plus de dix ans
(68, Gg, 16/i, 16g, 170, 173, 193), je me suis efforcé de faire ressortir
l'action remarquable que la craniectomie est à même d'exercer sur
l'oedème cérébral. J'ai-insisté sur l'utilité de la craniectomie décom-
pressive et sur la possibilité d'obtenir parfois la disparition de la cépha-
lée, de la stase papillaire et des autres troubles que l'oedème cérébral
avait provoqués, grâce à la simple résection d'une partie de la
voûte crânienne sans incision de la dure-mère.
Je terminais ainsi une communication sur ce sujet à l'Académie
de Médecine (170).
« En résumé, les services que peut rendre la craniectomie décom-
pressive l'emportent notablement sur les dangers qu'elle fait courir;
il est essentiel d'en connaître les indications et de se mettre en mesure
de la pratiquer en temps opportun pour en tirer tous les bénéfices
qu'elle est capable de donner. Ces notions, en raison de leur impor-
tance pratique, doivent devenir familières à tous les cliniciens. »
Georges Bouché, dans un rapport sur la craniectomie décompressive présenté
au VIle Congrès belge de Neurologie et de Psychiatrie (Journal de Neurologie,
igm, n° 19), cite les conclusions précédentes et déclare partager ma manière de
'011'.
Segond, à l'occasion d'une discussion à la Société de Chirurgie sur la trépana-
tion décompressive (Bulletins et mémoires de la Société de Chirurgie, 1911, p. 414),
s'est exprimé ainsi :
« Comme lIorsley, Babinski et de Martel, j'estime, en effet, que dans nombre
de cas de tumeur cérébrale, il faut être beaucoup plus réservé que Tuilier dans la
recherche du néoplasme, qu'il est dangereux d'inciser toujours la dure-mère
d'emblée, qu'il faut, en un mot, procéder presque toujours eu deux temps et
qu'enfin, la trépanation simplement décompressive est, en maintes circonstances,
une merveilleuse opération palliative. »
AFFECTIONS DU CERVELET
Les connexions anatomiques et fonctionnelles qui unissent le cer-
velet au labyrinthe non acoustique expliquent la parenté étroite que
SYNDROME CÉRÉBELLEUX . 13.'i
la symptomatologie des affections cérébelleuses présente avec celle des
affections labyrinthiques. Cette relation a été mise en évidence,
comme on le sait, par les mémorables expériences de Flourens.
Sauf le tremblement, la parole scandée, les troubles de l'écriture
qui, du reste, ont été surtout étudiés dans la sclérose en plaques, et
« l'ataxie cérébelleuse », phénomène mal défini, les caractères cli-
niques que l'on assigne, dans les traités classiques, aux affections du
cervelet, appartiennent aussi aux affections de l'appareil vestibulaire.
Il en est ainsi des attitudes forcées, des mouvements forcés, de la
latéropulsion, de l'écartement des jambes, de la titubation ébrieuse,
des vertiges, du nystagmus. Certains de ces troubles sont peut-être
même particuliers aux lésions vestibulaires et il est incontestable, pour
le moins, que très souvent, dans les maladies du cervelet, leur présence
ou leur intensité tient pour une part à ce que le nerf vestibulaire
ou les noyaux auxquels il se rend sont intéressés.
Sans doute, ces divers symptômes ne sont pas absolument iden-
tiques suivant que leur origine est labyrinthique ou cérébelleuse, mais
les différences ne sont pas assez tranchées pour qu'on puisse, en se
fondant sur elles, établir entre ces deux ordres de faits une ligne de
démarcation nette.
Mes investigations m'ont conduit à découvrir et à analyser plusieurs
phénomènes qu'on est en droit de considérer tout en faisant quel-
ques réserves sur certains points - comme appartenant en propre
à la symptomatologie des affections du cervelet. Ce sont : l'asynergie,
l'adiadococinésie, la catalepsie cérébelleuse. J'y ajoute les mouvements
démesurés, signe que j'ai contribué à établir.
Depuis 18gg, j'ai publié sur ces divers sujets plusieurs mémoires
(55, 7o, 72, 80, 81, 85, 126, 161, 178). Tout récemment, dans un
rapport, en collaboration avec Tournay, sur les Symptômes des mala-
dies du cervelet, présenté au Congrès international de Londres (207),
j'ai réuni les documents épars relatifs à ces questions.
Mes travaux ont apporté, j'espère le montrer, des notions
136 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
nouvelles sur la pathologie du cervelet et peuvent être considérés en
même temps comme une contribution à la physiologie de cet organe.
Je vais passer en revue les phénomènes que je viens de signaler, en
m'efforçant d'en donner une idée nette. Est-il besoin de prévenir le lec-
teur qu'ils ne sont pas constants Leur présence ou leur absence, leur
intensité et leur durée dépendent sans doute du siège et de l'intensité
des lésions cérébelleuses, et, quand celles-ci s'associent à des altéra-
tions occupant d'autres régions du névraxe, des modes divers de ces
associations.
Mouvements démesurés. Hypermétrie.
L'observation des mouvements démesurés peut être faite à l'occa-
sion d'actes accomplis spontanément. Mais c'est dans certains actes
commandés que le trouble apparaît généralement avec le plus de
netteté.
On ordonne, par exemple, au malade de porter l'extrémité de l'in-
dex (droit ou gauche) au bout de son nez : tandis qu'un sujet sain
arrive aisément, quelle que soit la vitesse du mouvement, à appliquer
sans choc l'extrémité du doigt juste sur le bout du nez et à le main-
tenir à cette place, le cérébelleux qui présente ce trouble n'y parvient
pas ; son doigt, après avoir suivi dans sa course la direction voulue
et avoir touché au but, ne s'y arrête pas, mais le dépasse : il heurte
violemment le nez, glisse ou ricoche, et de là, va en dehors et en
arrière, vers la joue et l'oreille.
Le malade étant assis, on lui dit de mettre sa main en pronation,
la paume appliquée sur le genou du même côté, puis on lui com-
mande de retourner sa main par un mouvement de supination, de
telle façon que par sa face dorsale elle vienne se poser exactement à la
même place sur le genou. Ce mouvement, simple et facile pour un
sujet normal, n'est pas accompli correctement : la main est en-
SYNDROME CÉRÉBELLEUX 137
traînée en dedans de la cuisse et, de plus, le mouvement de supination
est plus ample qu'il ne conviendrait, le bord cubital de la main attei-
gnant un niveau plus élevé que le bord radial.
Après avoir abaissé une ligne verticale à la droite d'une feuille de
papier, on invite le malade à tracer, de gauche à droite, des lignes
horizontales partant d'un point quelconque, mais devant s'arrêterexac-
tement à la verticale : la main franchit la limite fixée. On peut faire
répéter cet exercice de droite à gauche, mouvement moins
habituel.
Dans le premier temps de la marche, laquelle ne peut générale-
ment s'effectuer sans aide, la flexion de la cuisse sur le bassin est bien
plus prononcée qu'à l'état normal (voir fig. 15), ce qui a pour consé-
quence un soulèvement excessif du pied; dans le deuxième temps, le
bruit produit par la plante du pied venant s'appliquer violemment
sur le sol dénote l'extension démesurée de la cuisse.
La flexion démesurée de la cuisse sur le bassin peut encore être
constatée de la manière suivante : si le malade, étant couché sur
le dos, cherche à placer le talon d'un côté sur le genou de l'autre
côté, il le porte au delà du but, sur la cuisse ; ce n'est parfois qu'après
plusieurs mouvements alternatifs et excessifs de haut en bas et de bas
en haut que le point visé est atteint.
Il est facile d'imaginer d'autres exercices permettant de mettre en
évidence le trouble qui nous occupe.
Pour bien constater cette perturbation dans les mouvements, il faut
demander au cérébelleux de les exécuter avec rapidité, car elle peut
faire défaut ou être très peu apparente quand les mêmes exercices
sont effectués lentement. Et si, dans bien des cas, les mouvements
spontanés ne sont pas démesurés, c'est précisément parce que les
malades, qui se surveillent, les accomplissent avec lenteur. Parfois,
dans l'exécution des actes commandés, afin de ne pas dépasser le but,
ils usent de l'artifice suivant : ils visent sur la trajectoire du mou-
vement un point situé en deçà du but ; mais, dans les premiers
138 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
essais, ils commettent des erreurs d'évaluation et ce n'est qu'après
bien des tentatives qu'ils atteignent avec quelque précision la limite
fixée.
Leur sensibilité, dans tous ses modes, étant conservée, ils ont une
notion très nette des erreurs qu'ils commettent même quand leurs
yeux sont fermés. Du reste, l'occlusion des yeux et c'est là un
point capital n'accentue pas le phénomène en question. Un autre
caractère, non moins important, complète la description du mouve-
ment démesuré cérébelleux. Ce mouvement conserve, d'une manière
générale, son orientation, sa direction intentionnelle; le pied ou la
main ne dévie pas de la route qu'il doit suivre ; il va à peu près en
ligne droite vers le but, et ce n'est qu'après l'avoir dépassé qu'il décrit
quelques oscillations en sens divers, cherchant à se fixer sur le point
visé.
Dans le tabes, on peut observer aussi des mouvements brusques et
sans mesure, mais ils se distinguent de ceux qui dépendent d'une
affection cérébelleuse :
Avant d'arriver au but, le pied ou la main s'écarte plus ou moins du
chemin qu'il devrait parcourir ; l'occlusion des yeux accentue notable-
ment cette désorientation, dont le malade ne se rend compte que
d'une manière imparfaite ; enfin, le degré de vitesse n'a pas la même
influence que chez le cérébelleux sur la qualité du mouvement qui,
tout en étant exécuté avec lenteur, peut être nettement démesuré,
surtout quand les yeux sont fermés.
Voici l'interprétation que j'ai donnée des mouvements démesurés
cérébelleux :
« Et d'abord, à l'état normal, comment un sujet procèdc-t-il pour
exécuter un mouvement avec mesure et pour l'arrêter au moment
voulu ? P
« On peut admettre que pour les actes les plus ordinaires, ceux aux-
quels il est habitué, il est capable de régler, de doser la quantité
SYNDROME CÉRÉBELLEUX 139
d'énergie à fournir et d'imprimer à sa main, par exemple, l'impulsion
exactement nécessaire pour obtenir le résultat cherché, ce qui implique
l'intervention d'un mécanisme régulateur. Mais supposons que son
impulsion ait été excessive, ce qui peut avoir lieu surtout dans les
actes dont il n'est pas coutumier et dans les mouvements rapides : pour
en annihiler ou en restreindre les effets, il mettra en jeu les muscles
antagonistes de ceux dont la contraction a produit le mouvement
qu'il faut arrêter. Ce sera là une action frénatrice.
« Les mouvements démesurés me semblent résulter d'impulsions
excessives dont les effets ne peuvent être corrigés, faute d'une action
frénatrice suffisante et, comme ces mouvements s'observent dans les
affections cérébelleuses, je suis amené à dire que le cervelet est un
régulateur des mouvements et qu'il peut en particulier agir comme
frein. Cette dernière propriété serait liée à la faculté que posséderait
le cervelet d'exercer une action excito-motrice de renfort, ayant pour
conséquence une réduction de la durée du temps perdu entre l'incita-
tion volitionnelle et le début de la contraction musculaire. Je rappelle
à ce propos que les divers troubles de motilité d'origine cérébelleuse
peuvent se développer en l'absence de tout affaiblissement muscu-
laire et que c'est même alors qu'ils sont le plus manifestes. »
L'existence de mouvements démesurés cérébelleux a été notée il y
a plus de 3o ans par Huppert (Archiv. ftir Psychiatrie und Nervenkr.,
VII, 1878). On avait affaire à un malade dont les mouvements des
membres supérieurs et inférieurs manquaient de mesure (Masslosig-
keit), ce qui rendait difficile l'exécution de certains actes. Mais il s'agit
là d'un fait isolé et non d'une étude d'ensemble sur ce trouble. Du
reste, cette observation, qui n'est parvenue à ma connaissance qu'après
ma première publication sur ce sujet, paraît avoir échappé à l'atten-
tion des neurologistes car, sauf dans le travail de IIuppert, je n'ai
trouvé de description des mouvements démesurés dans aucun ouvrage
traitant des symptômes cérébelleux chez l'homme.
Les physiologistes les ont observés chez les animaux. Luciani, qui
140 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
les a bien étudiés, a donné à ce trouble la dénomination de « dysmé-
trie ». Dans les cas cliniques, dit-il, c'est un phénomène extrêmement
rare.
André Thomas, qui, après Luciani, a constaté la dysmétrie dans
ses expériences, ne la signale pas dans son exposé du syndrome céré-
belleux chez l'homme (Le cervelet, Etude anatomique, clinique et phy-
siologique, Thèse, Paris, 1897)' Il note bien l'existence de mouve-
ments brusques chez quelques-uns de ses malades. Mais brusquerie et
manque de mesure sont deux qualités différentes; un mouvement
peut, en effet, être à la fois brusque et, en quelque sorte, rigoureuse-
ment dosé, d'une précision parfaite.
En résumé, abstraction faite du cas isolé d'IIuppert, la description
précise et la mise en valeur des mouvements démesurés ou hypermé-
trie terme que je préfère à celui de dysmétrie dans les affections
cérébelleuses chez l'homme datent de mes travaux.
Ce symptôme a été constaté et étudié par plusieurs neurologistes qui ont con-
firmé les résultats de mes observations.
André Thomas (Revue neurologique, 15 novembre 1909), observant a\ec Jumen-
tié un malade qui rappelait cliniquement les cas antérieurs d'atrophie olivo-ponto-
cérébelleuse, a fait une analyse soignée des mouvements démesurés -et a décrit
leurs caractères au cours de certaines épreuves.
Süderberglr (Nord. med. Archiv. LU, 12, 1909), dans un cas de fibro-sarcome
de l'angle ponto-cérébelleux droit, signale, entre autres symptômes, des mou-
vements démesurés dans les membres du côté droit.
Souques (Société de Neurologie, 3 juin igog), chez un malade atteint d'une
tumeur de l'angle ponto-cérébelleux gauche, note que, lorsque le malade porte
son index gauche au bout de son nez, « le mouvement est incoordonné, brusque
et démesuré, l'index dépassant le but et frappant la joue ». \u membre inférieur,
il y a aussi de l'hypermélric.
Dejerine et T3audouin (Société de Neurologie, 5 juillet 19 r) publient un cas incon-
testable de syndrome cérébelleux où « les mouvements démesurés, la dysmétrie,
sont le symptôme le plus net ».
Enriquez, Gutmann et Chauvet (Société de Neurologie, 5 décembre igi2) notent
que les mouvements sont franchement démesuiés chez un malade atteint de lésion
bulbo-protubérantielle avec syndrome cérébelleux.
SYNDROME CÉRÉBELLEUX 141
Adiadococinésie.
L'adiadococinésie est l'abolition ou l'amoindrissement de la faculté
d'exécuter rapidement des mouvements volontaires successifs. C'est
la perte même de cette faculté qui nous en fait concevoir l'existence.
Un sujet sain est capable d'exécuter une succession rapide de mou-
vements élémentaires, par exemple, de porter avec vitesse la main
alternativement en pronation et en supination.
Or, chez le cérébelleux, voici ce que l'on peut constater. Sa force
musculaire est intacte; il exécute aussi promptement qu'un individu
normal chacun des mouvements élémentaires de pronation et de supi-
nation ; mais il accomplit deux ou trois fois moins vite qu'un sujet
sain l'acte complet constitué par la succession de ces deux mouve-
ments. Le phénomène devient surtout manifeste quand on fait répéter
ce même acte un grand nombre de fois.
Pour dénommer la fonction qui est ainsi troublée, j'ai proposé un
néologisme dérivé de deux mots grecs, dont l'un signifie « successif »
et l'autre « mouvement ». Le mot diadococinésie est synonyme de
mouvements successifs et par extension peut désigner la fonction qui
permet l'accomplissement de ces mouvements.
Quant au terme « adiadococinésie » proposé par Bruns et couram-
ment employé dans les observations, il exprime par l'addition de 1' « a »
privatif la perte ou l'altération de cette fonction.
Pour éviter tout malentendu, j'ai pris soin, dès l'origine, de faire
ressortir que ce trouble ne peut être considéré comme réalisé que
lorsqu'il se manifeste chez un sujet en mesure d'exécuter avec prompti-
tude les mouvements élémentaires, car il va sans dire qu'un indi-
vidu incapable de faire rapidement un mouvement isolé, soit de pro-
nation, soit de supination, ne peut à fortiori accomplir une succession
rapide de ces deux mouvements.
142 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
Jusqu'à présent l'adiadococinésie a été observée surtout aux
membres supérieurs. Elle est tantôt bilatérale, tantôt unilatérale ; dans
ce dernier cas. elle dépend d'une lésion occupant le même côté ;
c'est là une donnée importante au point de vue du diagnostic.
Comment expliquer l'adiadococinésie ? Voici l'interprétation que
j'en ai donnée dans mon premier travail sur ce sujet :
« Afin de comprendre l'adiadococinésie, il est nécessaire d'analyser
la diadococinésie. Pour que des mouvements alternatifs de pronation
et de supination se succèdent avec rapidité, il est indispensable que
chacun de ces mouvements successifs soit bien réglé, ne dépasse
pas la mesure, et que le temps perdu entre les deux mouvements suc-
cessifs soit réduit au minimum. Ces conditions se réalisent grâce à
une action régulatrice combinée à l'action excito-motrice dont il vient
d'être question (action excito-motrice de renfort ayant pour consé-
quence une réduction de la durée du temps perdu entre l'incitation
volitionnelle et le début de la contraction). L'adiadococinésie serait
la conséquence d'une perturbation dans ce mécanisme. »
Il serait permis de dire que les lésions cérébelleuses peuvent, sans
diminuer l'énergie musculaire, provoquer en quelque sorte de l'inertie
que traduiraient la difficulté dans la mise en train et l'impossibilité
d'arrêter le mouvement à temps.
L'adiadococinésie a été vérifiée par nombre de neurologistes. Il m'est impossible
de mentionner toutes les confirmations; je me contenterai d'en indiquer quel-
ques-unes.
Macfie Campbell et Crouzon (Revue neurologique, 1902, p. 1 186) ont recherché
ce symptôme, dans le service de Pierre Marie, chez sept malades atteints de sclérose
en plaques et chez un malade porteur d'une lésion cérébelleuse survenue à la suite
d'un traumatisme occipital. Voici les résultats obtenus par ces auteurs :
ce Quatre malades atteints de sclérose en plaques ne pouvaient faire les mouve-
ments isolés brusques de supination et de pronation, et à fortiori il leur était im-
possible de faire une succession rapide de ces mouvements. Nous ne pouvions donc
tirer aucune valeur de ce symptôme chez ces quatre malades. Trois autres malades,
au contraire, ont exécuté les mouvements isolés brusques d'une manière parfaite,
SYNDROME CÉRÉBELLEUX 143
mais n'ont pu accomplir la même succession rapide des mowementsde supination
et de pronation. Le symptôme existait donc chez eux dans toute sa pureté. »
Oppenheim signale l'adiadococinésie du côté droit dans l'observation XII de son
Traité des tumeurs cérébrales publié en 1907. La lésion occupait l'hémisphère céré-
belleux droit. 11 l'a constatée encore, entre autres symptômes, dans un cas de
tumeur occupant le vermis et l'hémisphère cérébelleux droit au voisinage du
vermis et intéressant aussi un peu l'hémisphère gauche. Elle était bilatérale,
mais plus prononcée à droite. Après extraction de la tumeur, tous les troubles, y
compris l'adiadococinésie, régressèrent et disparurent (Berlin. klin. 1Vochen-
schr., 1912, n° 5o).
Italo Ilossi (Nom. Icon. de la Salpétrière, 1907, p. 66) mentionne l'adiadoco-
sinésie dans un cas d'atrophie parenchymateuse du cervelet à localisation corticale.
Le fait est d'autant plus intéressant qu'il s'agit ici d'une affection cérébelleuse tout
à fait pure.
Siemerling (Berlin. klin. 11'ochensclea., 1908, nOS 13 et l4) constate ce symptôme
plusieurs fois et, entre autres, du côté gauche chez un sujet porteur d'un kyste de
l'hémisphère gauche du cervelet.
Ilomburger et Brodnitz (J/ ! «e : 7. ausdea Grevzgebielen der nodicinischen Chirur-
gie, Bd. XIX, S. igi, 1908) notent ce trouble chez un malade atteint de tumeur
cérébelleuse.
Gierliclr( ! \'eurol. Centralbfatt, 1908, p. 65 1) a observé, entre autres symptômes,
l'adiadococinésie à droite chez un sujet, à l'autopsie duquel il trouva un sarcome du
vermis inférieur comprimant les hémisphères cérébelleux, surtout du côté droit.
Raimiste (Neurol. Cenlralblatt, 1908, p. 762) a noté le phénomène à gauche
dans une observation de tumeur de l'hémisphère cérébelleux gauche.
Flatau (Neurol. Centralblatt, 1909, p. 3gg) rapporte un fait de néoplasme
comprimant le côté gauche du cervelet et ayant donné lieu à de l'adiadococinésie
dans le membre supérieur gauche.
Marburg (Nearol. Centralblati, l 9 10, p. 570) trouve de l'adiadococinésie à
gauche, dans un cas de tumeur de l'angle ponto-cérébelleux gauche.
Schwartz (Neurol. Ceittralblait, 19l1, p. 3g2), Davidenkow et Rose (Id., 1912,
p. 527), Jumentié (Thèse, Paris igii), E. Moniz (Nous. Icon. de la Salpétrière,
ttJt2, n° 6) la notent dans des faits de même ordre.
Dejerine et Beaudouin (Société de Neurologie, 6 juillet 1 \) II), dans un cas de
syndrome cérébelleux, trouvent de l'adiadococinésie très nette des deux côtés.
Dans diverses études d'ensemble, le symptôme est signalé.
Stewart et Holmes (Brain, XXVII, igo/i, p. 522) l'ont recherché soigneusement
dans beaucoup d'observations de tumeurs et l'ont constaté dans un certain
nombre d'entre elles. D'après eux, « il semble survenir également dans les tumeurs
intra-cérébelleuses et extra-cérébelleuses ».
l'il AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
1\leczko\\ski (Neurol. Centralblatt, igio, p. 557) la compte parmi les symptômes
cérébelleux « pro pes ».
Bing (Rev. suisse de Médecine, 2g décembre igi r) écrit ceci : « Sur huit cas de
lésion en foyer du cervelet, la recherche de cette « adiadococinésie » nous a donné
six fois un résultat positif. »
André Thomas (Revue neurologique, r5 novembre igog) a analysé l'adiadococi-
nésie chez un malade atteint -vraisemblablement d'atrophie cérébelleuse, où le
trouble était très net au membre supérieur gauche.
Max Rothmann, de lierlin, (The symploms of cerebellar disease and ilieli- signifi-
cance, p. 77. Congrès international de médecine de Londres, ig 13) s'exprime ainsi
à ce sujet : Il Il existe deux nouveaux signes qui correspondent à une perturbation
du centre cortical de l'extrémité supérieure et qui résultent d'un trouble dans
les réflexes des antagonistes. En première ligne, l'adiadococinésie établie par
Babinski, consistant dans l'impossibilité d'exécuter successivement avec rapidité
des mouvements antagonistes comme la pronation et la supination, la flexion et
l'extension ; c'est un symptôme très commun. Il n'est pas invraisemblable que,
par une observation précise des divers mouvements antagonistes parmi lesquels
les uns sont conservés, les autres profondément troublés, il devienne possible de
faire des localisations plus fines dans le domaine de la région cérébelleuse bra-
chiale. »
Asynergie.
Pour se former une idée précise de 1 asynergie, il est bon de l'étudier
dans sa forme la plus caractérisée chez un malade rendu, par la gravité
du mal, incapable de marcher sans soutien et qui d'ailleurs possède une
vigueur musculaire normale et n'a pas de troubles de sensibilité. Après
l'avoir fait mettre debout, que l'on place deux aides à ses côtés, l'un à
sa gauche, l'autre à sa droite, avec mission de soutenir seulement la par-
tie supérieure de son corps sans lui imprimer de mouvements, et
qu'on l'invite à se déplacer. On constate alors qu'il est arrêté dès le
premier pas : le pied se trouve porté en avant, tandis que le tronc,
étendu sur le bassin, ne suit pas le mouvement du membre inférieur
(voir fig. 15); il est en même temps un peu entraîné en arrière,
ce qui peut être la conséquence du mouvement démesuré de flexion
exécuté par la cuisse. On peut remédier en partie à ce trouble en pre-
SYNDROME CÉRÉBELLEUX
in
nant le malade parties mains, après s'être placé devant lui, et en l'atti-
rant légèrement au moment où il fléchit la cuisse. Il est aussi en état
de marcher, sans l'aide d'autrui, s'il a devant lui, de distance en dis-
tance, des points fixes qu'il puisse saisir avec les mains, comme par
exemple, les barres de lits d'une salle d'hôpital. Il faut remarquer
que le pied suit à peu près
sans dévier le chemin qu'il
prendrait à l'état normal, et
que les pas se succèdent avec
une certaine régularité. Ce qui
est surtout caractéristique dans
ce syndrome, c'est le fait que,
dans les tentatives de déam-
bulation, le tronc reste comme
inerte, tandis que les membres
inférieurs fonctionnent.
Je donne également l'épi-
tlièle d'asynergiques à d'autres
phénomènes qui, sans avoir,
il est vrai, des traits aussi
originaux que celui dont je
viens de m'occuper, sont di-
gnes d'être signalés.
FiG. n. - Attitude du malade pendant la
marche, soutenu par deux aides.
Considérons encore le ma-
lade dans la station debout, mais immobile et abandonné à lui-même, ce
qui est possible, car, lorsqu'il est debout, il parvient après des efforts
à trouver l'équilibre et sans être soutenu peut rester plus ou moins
longtemps dans cette attitude. S'il cherche alors à porter la tête en
arrière et à courber le tronc dans le même sens, en forme d'arc, les
membres inférieurs restent presque immobiles (voir fig. 16) et n exé-
cutent pas ou n'exécutent que d'une façon très imparfaite les mou-
vements de flexion de la jambe sur le pied et de la cuisse sur la
BABINSIiI. Io
116
AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
jambe, qu'un individu normal accomplit dans cet acte afin de main-
tenir son équilibre (voir fig. 17).
Lorsque le malade, après s'être couché à plat sur le dos et avoir
croisé les bras sur la poitrine, fait des efforts pour se mettre sur son
séant, il n'y réussit pas ; de plus, les cuisses se fléchissent fortement
FJG. 16. -ltlitmlc du malade
dans la station debout, cher
chant à porter la tète ci
arrière et i courl)er le tronc
dans le même sens en forme
d'arc.
1 sur le bassin et les talons s'élèvent nota-
blement au-dessus du sol (voir fig. 18),
contrairement à ce qu'on observe chez un
sujet normal et vigoureux.
Voici un autre symptôme que je classe
également dans l'asynergie. Le malade étant
assis, on l'invite à porter la pointe du pied
vers un point situé à 60 centimètres au-
dessus du sol : au début de l'acte, la cuisse
se fléchit sur le bassin et la jambe ne s'étend
que légèrement sur la cuisse ; puis l'exten-
sion de la jambe devient plus énergique et
la pointe du pied arrive au but, lancée avec
une certaine brusquerie. Quand le malade
cherche ensuite à reprendre la position ! primitive, on voit d'abord la jambe se iléchir
, sur la cuisse, tandis que celle-ci ne se meut
; que légèrement ; puis, lorsque la jambe est
en demi-flexion, la cuisse s'étend brusque-
ment sur le bassin et le pied vient poser à
plat sur le sol. Cette dernière variété d'asynergie peut être constatée
aussi dans un exercice que l'on l'ait faire au malade couché à plat sur
le dos, et qui consiste à porter le talon en arrière aussi près que
possible de la fesse et à le ramener ensuite à son point de départ.
Lorsque je décrivis, en 18gg, l'asynergie cérébelleuse chez le
malade qui m'a servi de type, j'en rapportai un deuxième cas.
Voici un extrait de l'observation : « La déambulation sans aide est im-
SYNDROME CÉRÉBELLEUX
147
possible. Quand la malade est soutenue des deux côtés et qu'elle
cherche à marcher, le membre inférieur exécute les mouvements
élémentaires d'une manière presque normale, mais la partie supé-
rieure du corps reste en arrière, et il faut que les aides la tirent en
avant. »
Conormément au diagnostic qui avait été porté, on put constater,
à la necropsie, qu une tumeur de la gros-
seur d'un oeuf de poule s'était creusée une
loge par refoulement, en majeure partie
aux dépens du cervelet.
Ultérieurement, j'ai montré que les
troubles asynergiques tels que je les avais
observés aux membres inférieurs peuvent
être localisés d'un côté (côté lésé). Dans
un travail intitulé « IIémiasynergie et hé-
mitrcmblement d'origine cérébello-pro-
tuhéraniielle (ï2), j'ai noté de l'asyner-
gie au membre inférieur droit chez un
sujet à l'autopsie duquel on découvrit
une tumeur remplissant l'espace compris,
à droite, entre le bulbe, la face inférieure
du cervelet et la protubérance, l'angle
ponto-cérébelleux, dirait-on aujourd'hui.
L'hémiasynergie se retrouve dans le
syndrome que j'ai décrit avec J. Nageotte
Fie. y. - Attitude d'un sujet
sain dans la station debout, cher-
chant à porter la tète en arrière
et à courber le tronc dans le
même sens en forme d'arc.
(voir p. 158) sous le titre : « Ilémiasy-
nergie, latéropulsion et myosis bulbaires avec hémianesthésie et liémi-
plégie croisées ». L'hémiasynergie siégeait du côté de la lésion.
Il va sans dire que l'asynergie, comme les autres signes dont on
dispose, peut manquer, que, lorsqu'elle existe, elle n'atteint pas tou-
jours le même degré de développement et qu'elle peut être très nette
ou fruste.
148 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
Quand elle est bien caractérisée, qu'elle soit bilatérale ou unilatérale,
elle diffère de tous les troubles de locomotion déjà connus. Elle se dis-
tingue en particulier de l'ataxie des tabétiques dans laquelle les mou-
vements concourant à un acte ne subissent pas une pareille décom-
position ; contrairement aussi à à ce qu'on observe dans l'asynergie
pure, les mouvements ataxiques dans le tabes sont, je le rappelle,
mal orientés et notablement influencés par l'occlusion des yeux.
A propos d'ataxie, j'ai fait remarquer qne l'expression d' « ataxie
cérébelleuse » couramment employée a été prise dans des acceptions
Fie. 18. Attitude du malade sur le dos faisant effort pour se mettre sur son séant.
diverses, qu'elle a sans doute été appliquée le plus ordinairement à
des cas où se mêlaient, en proportions variées, tremblement, hyper-
métrie, asynergie, et dont l'analyse n'avait pas été faite. Si une anec-
tion cérébelleuse peut réaliser le tableau symptomatique de l'ataxie
tabétique, cela doit être tout à fait exceptionnellement.
Les troubles dont je viens de donner la description, ayant un cachet
qui leur est propre, méritent une dénomination particulière. Le terme
asynergie que j'ai choisi avait été, il est vrai, employé par Duchenne
de Boulogne pour désigner la titubation de l'ataxie locomotrice et
l'opposer à la titubation vertigineuse ; mais ce mot pris dans cette
acception n'a pas été consacré par l'usage et il est même tombé en
désuétude.
SYNDROME CÉRÉBELLEUX il9
Je l'ai repris. Il sert à grouper les faits que j'ai décrits et il s'accorde
avec ma manière de concevoir leur mécanisme. J'en ai donné l'expli-
cation suivante :
« Envisageons, pour commencer, la démarche dite asynergique. Si
l'on appelle synergie la faculté d'accomplir simultanément les divers
mouvements qui constituent un acte, le phénomène que nous venons
de décrire peut être considéré comme l'effet d'une absence de synergie,
d'une asynergie : il faut l'attribuer à l'impossibilité où se trouve le
malade d'associer, dans l'acte de la marche, comme à l'état normal, la
translation du tronc à la flexion de la cuisse. L'immobilité de la partie
supérieure du corps, pendant quele membreinférieur seporte en avant,
ne saurait, en effet. être attribuée à une paralysie des muscles qui dans
la marche impriment au tronc une propulsion puisque, la force mus-
culaire étant conservée, les mouvements élémentaires peuvent s'accom-
plir. L'interprétation de ce trouble de déambulation me paraît donc
légitime. Elle semble encore mieux fondée quand on considère l'atti-
tude spéciale du malade cherchant à courber le tronc en arrière.
Cette épreuve est comme le complément de la précédente. Dans
l'une, c'est la partie supérieure du corps qui ne se déplace pas alors
que la partie inférieure se meut : dans l'autre, c'est la partie infé-
rieure qui reste immobile, tandis que la partie supérieure fonctionne.
N'est-il pas rationnel de soutenir que la perturbation de ces deux actes
dérive d'une même cause : l'impossibilité d'associer les deux ordres
principaux de mouvements qui les composent ? P
« Passons au mouvement combiné de flexion de la cuisse et du
bassin. C'est un phénomène que j'avais observé déjà dans l'hémiplégie
organique du côté de la paralysie, et je rappelle l'explication que j'en
avais donnée en citant un passage de mon travail sur ce sujet » (voir
p. 121).
Dans les cas que nous considérons ici, on ne peut donner la même
interprétation et, comme dans l'hémiplégie, attribuer le mouvement
combiné à la parésie des muscles extenseurs de la cuisse. « Nous
Ia0 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
avons bien spécifié, en effet, qu'il s'agit de malades dont les muscles
ont toute leur vigueur. Nous sommes donc obligés de faire intervenir
un autre facteur qui, croyons-nous, consiste précisément dans un
défaut d'association motrice ; l'acte qui nous occupe est exécuté
d'une manière imparfaite parce que le malade n'associe pas ou associe
mal le mouvement d'extension de la cuisse sur le bassin au mouve-
ment de flexion du tronc. C'est donc encore l'asynergie qui est en jeu.
« Porter la pointe du pied vers un endroit déterminé est un acte
qui, chez un individu sain, s'accomplit de telle façon que les divers
mouvements de flexion et d'extension de la cuisse sur le bassin, de la
jambe sur la cuisse et du pied sur la jambe sont exécutés simul-
tanément et en quelque sorte fondus les uns avec les autres. Ici, au
contraire, ils s'opèrent séparément ; au début, la cuisse se fléchit
énergiquement, tandis que le fonctionnement de la jambe est d'abord
nul ou très faible ; le mouvement de la jambe commence seulement
ou ne devient très apparent que lorsque celui de la cuisse est terminé :
en un mot, la flexion de la cuisse sur le bassin et l'extension de la jambe
sur la cuisse ne sont pas synchrones. N'y a-t-il pas lieu de penser que
ce défaut de synchronisme est dû à une perturbation de la synergie ? »
Quoi qu'il en soit, en admettant même que l'on critique ma façon
de comprendre ces faits, leur réalité me semble à l'abri de toute con-
testation.
L'asynergie unilatérale est relatée dans les observations d'un assez grand nom-
bre de neurologistes.
Vigouroux et Laignel-Lavastine (Société de Neurologie, 6 février 1\)02), chez un
sujet à l'autopsie duquel fut trouvée une lésion de l'hémisphère cérébelleux droit,
décrivent avec précision les troubles asynergiques qui occupaient la jambe droite.
Raymond et Cestan (Revue neurologique, t')02, p. 463) ont constaté de l'as)ner-
gie la jambe droite dans un cas d'endothéliome épithélioïde du noyau rouge, à
gauche.
Selon eux, c'est sans doute à cause de l'entrecroisement du pédoncule cérébel-
leux au-dessous de ce noyau que les troubles de la motilité siégeaient du côté
opposé à la lésion.
SYNDROME CËHÉXKLLEUX loi
Pelnar (Casopis Ces. Lek., igo4, p. i r), ayant constaté chez un malade de
l'hémiasynergie et de l'hémitremblement à droite, trouve à l'autopsie une tumeur
(tubercule) dans l'hémisphère cérébelleux droit.
Laigncl-Lavastine (No[1v. Icon. de la Salpêtrière, XIX, 1906, p. 53\)) public une
observation « d'hémiasynergie droite par hémorragie dans la substance blanche de
l'hémisphère du même côté, avec dégénérescence homolatérale partielle de l'olive
cérébelleuse, des pédoncules cérébelleux supérieur et inférieur et de l'olive bulbaire
du côté opposé, sans dégénérescence médullaire».
L'hémiasynergie de la jambe droite figure dans les faits précités de Soderbcrgh
et de Souques.
Souques (Société de Neurologie, 6 juillet 1\)11) obsena « un malade atteint
d'hémiplégie gauche et d'hémiasynergie droite. L'hémiasynergie était modérée et
n'entravait pas notablement l'usage des membres. A l'autopsie (outre un foyer de
ramollissement dans l'hémisphère cérébral droit qui avait causé l'hémiplégie gau-
che) on trouva dans l'hémisphère cérébelleux droit un second foyer qui avait déter-
miné l'hémiasynergie ».
Si les observations d'hémiasynergie sont assez communes, il faut reconnaître
que l'asynergie bilatérale, la « grande asynergie», celle qui se manifeste dans les
actes complexes nécessitant notamment la coopération de la partie supérieure et
de la partie inférieure du corps, se rencontre plus rarement. Quelques auteurs
cependant en ont relaté des exemples très nets.
Dans une observation clinique de Scherb (1\'o[1v. Icon. de la Salpêtrière, ego5,
n° 1), le malade présente la forme la plus développée de l'asynergie. Sa démarche
et l'attitude de ses membres sont calquées sur la description que j'en ai donnée.
Cassirer et Schmiedcn (Miinch. Med. IVoch., igio, n° 17) notent entre autres
signes une asynergie prononcée chez une femme de 23 ans qui avait subi un
traumatisme crânien. Soupçonnant une tumeur intéressant principalement le
vermis, ils firent une opération qui permit l'ablation d'un kyste du cervelet. La
guérison s'ensuivit.
Dejerine et Baudouin, dans le cas précisé, notent que « en même temps que le
sujet marche, le haut du corps tend à s'incliner en arrière, si bien que par mo-
ments le malade part en arrière et tomberait comme une masse si l'on n'était prêt
à le retenir. 11 y a donc une dissociation entre les mouvements du tronc et des
jambes qui rentre dans la grande asynergie décrite par M. Babinski... »
Voici une intéressante observation de Gôtt ayant trait à « l'asynergie cérébel-
leuse dans le changement du regard ».
Un enfant de 12 ans et demi, atteint de maladie de Friedreich, présentait un
phénomène particulier. Quand il voulait regarder les personnes ou les objets laté-
ralement situés, il tournait vers eux d'abord le visage, et seulement ensuite les
yeux, en position conjuguée normale. Le retard était mesurable et pour une tor-
152 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
sion du visage de 5o degrés, se montait à t,li ? 8 seconde. L'examen permit d'écar-
ter le diagnostic d'affection labyrinthique.
Gall mit alors ce trouble en parallèle avec un autre phénomène qui chez le
malade était très prononcé : l'enfant avait une démarche cérébelleuse très caracté-
ristique. « Si l'on essayait d'analyser celle-ci, l'on pouvait facilement démêler, comme
caractère essentiel, que la partie supérieure du corps se trouvait constamment
dans une autre phase de la marche que les jambes. Quand le tronc était déjà pen-
ché en avant, qu'il avait donc accompli déjà de son côté le mouvement en avant,
les jambes étaient encore en arrière et se trouvaient seulement au commencement
dupas; ainsi le malade était à chaque instant en danger de tomber. L'on voit à
quoi cela tient : il s'agit dans la marche, comme dans notre phénomène, du même
trouble dans la coopération de deux ou plusieurs groupes musculaires entrant en
action à l'occasion d'un mouvement compliqué, donc d'un trouble de coordina-
tion, ou comme Babinski l'a pertinemment nommé, de « l'asynergie cérébel-
leuse »... Je comprends donc ce phénomène de retard des mouvements des yeux
sur ceux de la tête, au sens de Babinski, comme un symptôme cérébelleux».
Gôtt, dans un deuxième cas, observa ce retard chez un enfant de 5 ans, atteint
vraisemblablement d'aplasie ou d'atrophie du cervelet.
Rothmann (loco citato) signale l'asynergie comme un symptôme aujourd'hui
classique.
F. X. Dercum, de Philadelphie, dans un travail intitulé : Diagnosis and Loca-
lisation of Brain Abscess (Rchrintecl front the Journal of the american Médical Asso-
ciation, septembre, 216, 1912, vol. LXI, pp. 10 et Il) écrit : «... Babinski a appelé
l'attention sur quelques symptômes qu'on peut observer dans les lésions cérébel-
leuses. Ces symptômes sont très importants et doivent être recherchés, selon moi,
quand on soupçonne un abcès cérébelleux. Parmi ceux-ci l'asynergie... Ce symp-
tôme, quand il est cantonné dans un côté du corps, est appelé hémiasynergie et
il est homolatéral, c'est-à-dire qu'il se trouve du même côté que la lésion... »
Catalepsie cérébelleuse.
Le phénomène auquel j'ai donné la dénomination de catalepsie
cérébelleuse et que l'on peut observer dans les affections de l'appareil
cérébelleux est caractérisé par la faculté que présentent les muscles
en état de contraction volontaire de se maintenir longtemps immobi-
les, comme s'ils étaient figés, sans être pourtant contracturés, dans
SYNDROME CÉRÉBELLEUX
153
certaines positions où se trouve réalisé l'équilibre volitionnel. (On
verra plus loin ce que j'entends par cette dernière expression.)
L'attitude dans laquelle la catalepsie apparaît de la manière la plus
frappante est la suivante : le sujet est couché sur le dos, les cuisses flé-
chies sur le bassin, les jambes légèrement fléchies sur les cuisses, les pieds
FIG, 19. Catalepsie cérébelleuse. Pose de
15 seconde ?
Cette photographie montre que, chez ce malade,
atteint d'asynergie dans sa forme la plus
caractérisée, la fonction de l'équilibre voli-
tionnel statique s'accomplit d'une manière
parfaite.
FiG. 20. Ataxie. Pose de 15 secondes.
Cette photographie met en évidence l'insta-
bilité des membres inférieurs.
écartés l'un de l'autre (voir fig. ig). Quand le malade, après s'être mis
sur le dos, cherche à prendre cette attitude, ses membres inférieurs et
son tronc exécutent pour commencer de grandes oscillations en divers
sens, particulièrement de gauche à droite et de droite à gauche, mais
au bout de quelques instants le corps et les membres deviennent
fixes. Cette fixité est remarquable par sa perfection, elle est supé-
rieure à celle qu'un homme normal est en mesure de réaliser ; c'est
presque une fixité de cire, de mannequin, qui n'est troublée par
aucune secousse musculaire, contrairement à ce qui se voit chez les
154 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
sujets les plus vigoureux que j'ai fait placer dans la même position ;
elle subsiste longtemps, plusieurs minutes, et le malade n'accuse
presque aucune sensation de fatigue, à l'inverse de ce qui a lieu chez
les sujets témoins.
La méthode graphique fournit sur cet état des données complé-
FiG. 21. Sujet normal. Ilomme vigoureux de 2tel ans.
Fic. axa. - Asynergie cérébelleuse.
Sur les hg. 21 et 22, le trace d'en haut correspond aux oscillations du pied, celui du
milieu est l'inscription des vibrations musculaires, celui d'en bas est le graphique du
temps.
mentaircs. J'ai vu avec Haillon. en comparant des sujets normaux à
un malade atteint de catalepsie cérébelleuse type, que chez celui-ci le
tracé est rectiligne, que chez ceux-là il présente au contraire de nom-
breux crochets (voir fig. 21 et 22).
Cette fixité peut être considérée comme la manifestation d'une
SYNDROME CÉRÉBELLEUX' 155
propriété nouvelle créée par la maladie, ou tout au moins comme
l'exaltation d'une propriété physiologique.
Il ressort de ce qui précède que le phénomène auquel j'ai donné le
nom de catalepsie cérébelleuse se présente, dans son état de pureté,
sous un aspect saisissant.
A en juger par mes propres observations, la catalepsie pure, par-
faite, est très rare ; il est probable qu'elle nécessite, pour se développer
ainsi, la réalisation d'un ensemble de conditions dont la réunion est
exceptionnelle. L'association d'un affaiblissement musculaire à la per-
turbation cérébelleuse, par exemple, est une entrave à la production
de la catalepsie parfaite.
S'il est rare de rencontrer la catalepsie cérébelleuse parfaite, il est
assez commun d'observer des cérébelleux atteints de titubation,
d'asynergie, dont la marche est, par suite, très difficile, et qui, placés
dans l'attitude requise, conservent une fixité équivalente à la normale.
A défaut de la véritable catalepsie, cette stabilité seule suffit à distin-
guer le cérébelleux d'avec un tabétique. Celui-ci placé dans la même
attitude se comporte tout différemment : ses membres oscillent dans
tous les sens et il lui est impossible de conserver l'immobilité (voir
fig. 20). Il n'est pas nécessaire pour cela que l'incoordination et les
troubles de sensibilité profonde soient très accusés. On constate cette
instabilité chez des tabétiques encore capables de marcher, et qui, les
yeux fermés, en ont déjà une notion très nette ; ils savent dans quelle
direction leurs membres se déplacent, mais ils sont incapables de les
immobiliser quelque effort qu'ils fassent, que leurs yeux soient ouverts
ou fermés.
J'ai cherché à faire ressortir dans le passage suivant, que j'extrais
d'un de mes articles, (161) les conséquences qui semblent découler
de ces faits.
« On admet que le cervelet joue un rôle essentiel dans l'équilibra-
tion et que les lésions cérébelleuses troublent cette fonction.
156 6 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
« Cela est incontestable, mais il résulte de mes observations que
cette notion a besoin d'être précisée davantage car, exprimée comme
elle l'a été jusqu'à présent, elle n'est pas à l'abri de la critique.
« Le mot équilibre a plusieurs acceptions. Dans le langage courant,
il signifie « qu'un corps se tient debout sans pencher d'aucun côté »
(Littré).
« En employant ce terme dans ce sens, on dit avec raison qu'un
cérébelleux titubant, asynergiquc, n'est pas capable de rester en équi-
libre.
« Mais ce vocable a aussi une autre signification : « étal d'un corps
maintenu au repos sous t'influence deplusieurs forces qui se contre-ba-
lancent exactement » (Littré). En le comprenant ainsi, on est autorisé
à dire qu'un malade atteint de catalepsie cérébelleuse présente une
exaltation de l'équilibration. Or, comme ce malade (dont l'observa-
tion détaillée a été relatée dans ce travail) est à la fois asynergique et
cataleptique, on est en droit de soutenir, suivant le point de vue
auquel on se place, que sa faculté d'équilibration est amoindrie ou
augmentée.
« Cela m'amène à faire remarquer que l'équilibre doit être envisagé
sous deux modes, suivant que le corps se trouve dans un état d'immo-
bilité active, ou bien qu'il est en mouvement, qu'il se déplace. Dans
le premier cas l'équilibre peut être qualifié de statique et dans le
second de cinétique. De plus, comme dans ces deux cas la réalisa-
tion de l'équilibre nécessite l'intervention d'un acte de la volonté,
j'appelle volitionnelles ces deux variétés d'équilibre ou d'équilibration.
Le choix de ces expressions pourrait être aisément critiqué, mais il ne
s'agit là que d'une affaire de convention et il suffit de s'entendre.
« A l'état normal, l'équilibre volitionncl cinétique est réalisé plus
facilement que l'équilibre volitionnel statique ; il est plus facile, en
effet, de marcher que de rester debout sans tituber, bien plus difficile
de se tenir immobile sur une jambe que de sauter à cloche-pied.
« Dans les affections cérébelleuses, l'équilibre volitionnel cinétique
SYNDROME CÉRÉBELLEUX 157
peut être profondément troublé alors que l'équilibre volitionnel sta-
tique est conservé ou même exalté.
« 11 ressort de ce qui précède que, d'une part, les observateurs
devront à l'avenir envisager séparément chacun de ces deux modes de
l'équilibre et que, d'autre part, les données classiques sur les troubles
de l'équilibration dans les affections du cervelet ne sont inattaquables
que pour ce qui concerne l'équilibre volitionnel cinétique. »
Dupré et Devaux (voir Latron, Thèse, Paris, igi i) ont constaté un état catalep-
toide léger des membres supérieurs associé à un défaut d'équilibration dans la
marche chez un malade atteint d'abcès du cervelet.
Léopold-Lévi (Société anatomique, 18g4, p. 166) a publié autrefois une observa-
tion analogue d'abcès du cervelet.
Stewart et IIolmes (Brain, XXVII, tgo4> p. 522) dans des cas de tumeurs
unilatérales intracérébelleuses ont noté ceci : du côté de la lésion, le bras étendu
horizontalement peut se maintenir longtemps dans cette position et rester remar-
quablement fixe ; le bras du côté sain, placé dans la même attitude, ne conserve
pas une pareille fixité.
Italo Rossi (1\rorru. Icon. de la Salpêtrière, 190, p. 66), dans le fait précité
d'atrophie parenchymateuse, a constaté la catalepsie cérébelleuse.
F. Sanz (Arc/¡. esp. de Neurol. Psiqu. y Fisiol., I, 33, igio) consacre une
étude à la catalepsie cérébelleuse et rapporte un cas où il existait une attitude
cataleptique singulière des quatre membres ; ceux-ci, quelle que fût la position
dans laquelle on les plaçât, demeuraient longtemps complètement fixes. Une opéra-
tion ayant été pratiquée, on découvrit un abcès dans l'hémisphère cérébelleux
droit. Malheureusement des phénomènes méningés compliquaient le tableau cli-
nique ; aussi cette observation ne peut-elle être considérée sans réserve comme
un exemple typique de catalepsie cérébelleuse.
Lewandowsl : y (Handbuch der Neurologie, Berlin, igog, Bd. I, S. 8 ! ¡2) écrit que,
d'après son expérience, « il n'y a aucun doute qu'une série de cérébelleux montrent
cet état cataleptoide ». Il y voit « un très frappant écart » entre l'ataxie cérébel-
leuse et l'ataxie radiculaire. -
Bing (Revue suisse de Médecine, 2g décembre I\) 1 [) signale ce symptôme dans
son rapporl. Il le considère comme «un phénomène cérébelleux d'ordre secon-
daire n'élant pas « un composant essentiel du syndrome cérébelleux ».
Dercum (loco citalo, p. 1 1) mentionne la catalepsie cérébelleuse.
Il en est de même de Rothmann (loco citato, p. 82). Il écrit : « Il faut ajouter
(aux autres symptômes cérébelleux) la catalepsie, c'est-à-dire la faculté des céré-
belleux de conserver longtemps des attitudes une fois prises... »
158 AFFECTIONS DE L'ENCEPHALE
AFFECTIONS DU BULBE
Hémiasynergie, latéropulsion et myosis bulbaires avec hémianesthésie
et hémiplégie croisées.
(EN COLLABORATION AVEC ! V 1Gfi01'TE)
Nous avons décrit un syndrome lié à une lésion bulbaire unilatérale
dont les traits cliniques essentiels sont : de l'asynergie, de la latéro-
pulsion et du myosis du côté de la lésion, de l'anesthésie et de la para-
lysie ou de la parésie du côté opposé. (A l'époque où nous avons
observé les malades qui font le sujet de ce travail, mon attention
n'avait pas été encore attirée par les mouvements démesurés et l'adia-
dococinésie ; aussi, ces phénomènes n'ont-ils pas été recherchés.)
Dans les traités classiques (voir le traité Charcot-Bouchard) ce
syndrome est désigné sous la dénomination de : « syndrome de
Babinski-Nageotte ».
Notre description était basée sur l'étude de trois cas, dont l'un est
d'un intérêt prépondérant, car il a été suivi d'un examen anatomique
minutieux. Avant d'indiquer les résultats des recherches histologi-
ques, je dois donner quelques renseignements complémentaires surles
symptômes constatés chez ce malade.
Il fut pris, en pleine santé, de vertiges, de troubles graves de la
motilité et d'une gêne dans la déglutition. L'examen pratiqué quelques
jours après le début de l'affection décèle les troubles suivants. On
constate de l'hémiparésie à droite avec signe des orteils et mouve-
ment combiné de flexion de la cuisse et du tronc; de l'hémiancsthésie
occupant tout le côté droit du corps jusqu'au cou, prédominant à la
jambe et à la partie inférieure de la cuisse et intéressant la sensibilité
au tact et à la température. Le sens musculaire est normal à droite et
SYNDROMES BULBAIRES 159
à gauche. A la face, la sensibilité est diminuée des deux côtés. Le
malade ne peut marcher sans être soutenu ; il est sans cesse entraîné à
gauche. Dans la déambulation, les membres inférieurs sont écartés
l'un de l'autre ; les mouvements élémentaires du membre inférieur
gauche sont brusques et le pied gauche vient s'appliquer sur le sol
d'une manière bruyante (il s'agissait probablement de mouvements
démesurés) ; les mouvements du membre inférieur droit présentent
aussi ces caractères, mais d'une manière bien moins prononcée. On
note de l'hémiasynergieau membre inférieur gauche, apparente quand
le malade, placé dans le décubitus dorsal, après avoir fléchi la cuisse
sur le bassin et la jambe sur la cuisse, remet le membre dans sa posi-
tion primitive. Les mouvements du membre inférieur droit sont exé-
cutés presque synergiquemenl. Ceux des membres supérieurs sont
correctement accomplis, mais avec un léger tremblement. Il y a un
peu de nystagmus, surtout dans le sens latéral. Les pupilles se
contractent à la lumière, mais elles sont inégales; la gauche, sans
être très petite, est sensiblement plus étroite que la droite. Le malade
meurt par syncope cinq jours après son entrée à l'hôpital.
Etude anatomique. A l'oeil nu, on constate que le tronc basi-
laire et les artérioles qui en partent sont obstrués par une thrombose
récente ; le tronc basilaire présente en outre des parois extrêmement
épaissies.
Le bulbe, le cervelet, la protubérance, les ganglions de la base
sont examinés en coupes sériées, par la méthode de Marchi. Des cou-
pes de la moelle sont pratiquées au niveau de chaque paire radicu-
laire (méthode de Marchi). De plus, la moelle et l'écorce cérébrale
sont examinées sur des coupes colorées à l'hématoxyline, et par la
méthode de Weigert pour la myéline.
L'examen microscopique a montré : i° des lésions diffuses, por-
tant sur l'élément mésodermique et occupant toute l'étendue de la
cavité sous-arachnoïdienne (moelle et cerveau) ; 2° des lésions locali-
sées, véritables foyers de nécrose et de ramollissement qui sont sousla
FIG. 23. rt. 24.
ric. a5.
Fig. 26.
SYNDROMES BULBAIRES 161
dépendance d'altérations vasculaires ; ces foyers sont au nombre de
FlG.2.
Explication des figures 20, 24, 2.'), 20, 27.
23, all, a5, 26. Coupes du Bulbe.
27. Coupe de la Protubérance.
CAn. Corne antérieure. - FCC. Faisceau central de la calotte. FCd. Faisceau cérébelleux : direct.
FD. Faisceau cérébelleux descendant (f. de Marchi). Flp Faisceau longitudinal postérieur.
F,I ? F3F,. Foyers de ramollissement. - In. Nerf intermédiaire de \Vri.lxrg. NC. Noyau
cunéiforme du bulbe ND. Noyau de Deiters. NG. Noyau grêle du bulbe. NV. Noyau de
la 5' paire NXH. Noyau de la 12e paire. OG Fibres olivo-cérébelleuses. puni. Pédon-
cule cérébelleux moyen. - PCS. Pédoncule cérébelleux supérieur. V. Nerf trijumeau. VII.
Nerf facial. VIII. Nerf acoustique. IX.. Nerf glosso-pharyngien. X Nerf pneumogas-
trique.
quatre et siègent dans le côté gauche du bulbe ; 3° des lésions parenchy-
mateuses systématisées, consécutives aux lésions localisées (voir fig.
23, 24, 25, 26, 27).
Babinski. il I
162 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
Ces trois sortes de lésions offrent chacune un intérêt particulier ;
nous allons les examiner successivement.
i° Les tissus mésodermiques du système nerveux tout entier sont
envahis par un vaste syphilome diffus, caractérisé essentiellement par
des altérations typiques des vaisseaux.
2° Les lésions en foyer qui sont cantonnées dans le côté gauche ont
intéressé en les altérant d'une manière plus ou moins profonde :
a) l'olive à gauche et la voie olivo-ciliaire des deux côtés ; la bilatéra-
lité de cette dernière lésion (toutes les autres sont unilatérales) tient
à ce qu'un des foyers interrompt à la fois les fibres olivaires gauches
avant leur entre-croisement et les fibres olivaires droites après leur
décussation; b) le faisceau cérébelleux descendant qui proviendrait
en partie du noyau de Deiters, en partie du cervelet ; s'il existe une
voie ascendante de la moelle au noyau de Deiters (Probst), cette voie est
également sectionnée ; c) les fibres du ruban de Reil, surtout dans la
partie postérieure de la couche interolivaire ; d) les voies ascendantes
latérales de la moelle (faisceau de Gowers), le faisceau cérébelleux
direct étant probablement intact ; e) le faisceau longitudinal posté-
rieur ; f) les nerfs mixtes sur une certaine étendue ; g) la pyramide
qui n'est que légèrement atteinte.
Nous avons cherché à déterminer, dans la mesure du possible, les
rapports unissant symptômes et lésions.
La gêne dans la déglutition et l'hémiparésie droite s'expliquent
par les altérations des nerfs mixtes et par celles de la pyramide
gauche.
La prédominance de l'anesthésie au membre inférieur peut être
attribuée à ce que les lésions du ruban de Reil sont plus prononcées
dans la partie postérieure de la couche interolivaire, région où siègent les
fibres nerveuses provenant du noyau grêle auquel aboutissent les fibres
longues des racines postérieures correspondant aux membres infé-
rieurs.
Le rétrécissement de la pupille gauche semble dû à l'altération du
SYNDROMES BULBAIRES 163
faisceau longitudinal postérieur par lequel passent vraisemblablement
les fibres descendantes établissant la communication entre le centre
irido-dilatateur supérieur et le centre cilio-spinal.
Nous avons émis l'hypothèse que le nystagmus et la latéropulsion
sont ici sous la dépendance de l'altération du faisceau cérébelleux
descendant (les lésions du faisceau longitudinal postérieur pourraient
aussi être incriminées dans la production du nystagmus).
Le tremblement bilatéral des membres supérieurs est peut-être
dû aux lésions des systèmes olivaires, qui étaient intéressés des deux
côtés.
Quant à l'asynergie, qui occupait presque uniquement le côté gau-
che, il serait légitime de la rattacher, principalement au moins, à la
lésion du faisceau cérébelleux descendant, mais il est permis aussi de
supposer que les altérations du faisceau de Gowers (et peut-être
aussi celles de la voie olivo-ciliaire) ont participé à son développe-
ment.
Les faits que nous venons de relater, quoique l'hypothèse inter-
vienne à tout instant dans les interprétations qu'on peut en donner,
constituent une contribution à l'étude des localisations des fonctions
bulbaires et cérébelleuses.
3° La recherche des lésions parenchymateuses systématisées, con-
sécutives aux lésions localisées, nous a permis de constater des faits
intéressants au point de vue anatomique.
Au-dessous des foyers, dans la région de la substance réticulée qui
avoisine le ruban de Reil et le faisceau longitudinal postérieur, il
existe des faisceaux longitudinaux de fibres dégénérées que l'on peut
suivre jusque dans les régions inférieures de la moelle ; elles forment
un faisceau qui coiffe la corne antérieure et qui, à un certain niveau,
est nettement distinct du faisceau pyramidal direct également dégé-
néré : c'est le faisceau cérébelleux descendant.
Au-dessus des foyers, on aperçoit des fibres dégénérées qui remon-
tent jusqu'au noyau de Deiters; ce sont probablement des fibres du
161 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
faisceau cérébelleux descendant qui ont subi la dégénérescence ré-
trograde.
Nous avons vu les lésions du ruban de Reil se terminer dans le
noyau externe et dans le noyau médian de la couche optique.
Enfin, et c'est là le point le plus important, nous avons pu suivre
les fibres olivaires dans toute leur étendue jusqu'à leur terminai-
son. Les fibres émanant des deux olives bulbaires, sectionnées en
grand nombre par un foyer unique, forment par leur dégénérescence
des boules beaucoup plus petites que les fibres des autres faisceaux.
Elles constituent d'abord les fibres pré-, inter- et rétro-trigéminales,
puis vont se grouper à la partie profonde des corps restiformes avec
lesquels elles pénètrent dans le cervelet. Bientôt elles traversent en
réseaux les corps restiformes et vont se grouper dans leur angle
postérieur. Elles montent ainsi jusqu'à la partie supérieure du corps
ciliaire et se recourbent pour descendre entre l'embolus et l'olive,
ainsi qu'à la face. interne de la moitié postérieure de l'olive où elles
prennent part au plexus intraciliaire. Un certain nombre d'entre elles
se dirigent directement dans la toison pendant leur trajet ascendant.
Ces fibres se terminent dans l'embolus et l'olive cérébelleuse, et ne se
rendent pas à l'écorce, comme on l'avait supposé. A la dénomination
de fibres olivo-cérébelleuses, il convient donc de substituer celle
d'olivo-ciliaires qui indique leur origine dans l'olive bulbaire et leur
terminaison dans le corps ciliaire.
Thermo-asymétrie et vaso-asymétrie d'origine bulbaire.
J'ai observé des faits montrant qu'une lésion bulbaire peut, sans
atteindre la motilité volontaire, produire des troubles vaso-moteurs
et thermiques à forme unilatérale (118, 13o). A la vérité, ces troubles
ne sont pas exceptionnels dans les allections du système nerveux
central et il n'est pas rare de les constater dans l'hémiplégie organique,
SYNDROMES BULBAIRES 165
à laquelle ils semblent alors liés ; mais, dans les cas que nous avons
en vue, il en est autrement puisqu'il n'y a pas de perturbation de la
motilité volitionnelle.
Dans mes observations, les phénomènes en question étaient asso-
ciés à de l'hémianesthésie à forme syringomyélique. Du côté de
l'anesthésie, les malades éprouvaient une sensation de froid et les
veines du membre supérieur, particulièrement celles du dos de la
main, étaient moins apparentes. J'ajoute que du côté opposé, c'est-
à-dire du côté de la lésion, existait le syndrome oculo-palpébral de
Claude Bernard-Hutchinson. Dans un de ces cas, où les troubles
avaient rapidement régressé, j'ai pu les faire reparaître en immer-
geant, pendant quelques minutes, les mains du malade dans de l'eau
froide : à leur sortie de l'eau, elles restaient environ quatre ou cinq
minutes aussi froides l'une que l'autre, et les veines sous-cutanées
étaient effacées des deux côtés, puis la main gauche (côté de la lésion)
s'échauffait, ses veines se dilataient, tandis qu'à droite le refroidisse-
ment de la main et l'aplatissement des veines duraient plusieurs
heures.
Je m'étais demandé si chez le sujet en question il s'agissait d'hyper-
thermie et de vaso-dilatation du côté de la lésion, ou d'hypothermie
et de vaso-constriction de l'autre côté, et voici ce que j'ai écrit sur
ce point :
« J'avoue que j'incline vers la seconde hypothèse pour les motifs
suivants : a) le malade s'est toujours plaint d'éprouver une sensation
anormale à droite ; dès le début il a eu de ce côté une impression
de froid ; le côté gauche ne lui a jamais semblé plus chaud qu'il ne
devait l'être ; b) lorsque, cinq jours après l'ictus, la symétrie ther-
mique s'est complètement rétablie, ce n'est pas le côté gauche dont
la température s'est abaissée, mais le côté droit qui s'est échauffé et
c'est de ce côté que les veines en se dilatant ont présenté une modi-
fication dans leur volume ; c) enfin, l'immersion des mains dans
l'eau froide a provoqué une réfrigération d'une durée de quelques
166 AFFECTIONS DE L'ENCÉPHALE
minutes seulement à gauche et de plusieurs heures à droite ; or, il me
parait difficile de ne pas considérer comme pathologique une vaso-
constriction réflexe aussi prolongée. Néanmoins, comme ces divers
arguments n'ont peut-être pas une valeur absolument décisive, je ne
me crois pas en droit d'émettre à ce sujet une opinion ferme et je me
contente, jusqu'à nouvel ordre, de constater qu'une lésion bulbaire
unilatérale est capable de provoquer une asymétrie vasomotrice et
thermique. »
Voici les notions nouvelles qui résultent de cette étude :
Une lésion bulbaire peut, sans engendrer de paralysie de la moti-
lité volontaire, provoquer des troubles vaso-moteurs et thermiques à
forme hémiplégique. Je leur donne les noms de vaso-asymétrie et de
thermo-asymétrie.
La vaso-asymétrie et la thermo-asymétrie d'origine bulbaire, parfois
très manifestes pour le malade et le médecin, peuvent aussi être légères
et avoir besoin d'être recherchées avec soin. Elles sont susceptibles
d'être mises en évidence par l'immersion des mains dans l'eau froide,
qui les accentue notablement.
Hémianesthésie bulbaire à forme syringomyélique.
J'ai constaté avec Nageotte (i 18) qu'une lésion bulbaire peut don-
ner naissance à une hémianesthésie avec dissociation des divers modes
de la sensibilité, identique à la dissociation syringomyélique.
De nouveaux faits publiés par moi (i3o) et par d'autres auteurs
(voir Rossolimo, G. J., Thermoanâsthesieund Analgésie aïs Symptôme
von IIerderhrankung des Ilirnstammes. Deealsclae Zeilscler. f. Nerven- ! teille Bd. 23, S. 2/)3) m'ont permis de reconnaître que non seule-
ment celle disposition est possible, mais qu'elle correspond à une
règle. En effet, si les lésions bulbaires ou protubéranlielles sont capa-
bles d'engendrer une anesthésie caractérisée par des troubles de la sensi-
AFFECTIONS DE L'APPAREIL VESTIBULAIRE 167
bilité profonde avec conservation de la sensibilité thermique (voir Brault
et Cl. Vincent, Un cas de syndrome protubérantiel avec hémianes-
thésie dissociée de forme anormale. Rev. neur., 1912, t. XXIV,
p. 1), ce que j'avais mis en doute, il n'en est pas moins vrai qu'elles
provoquent rarement ce mode de dissociation, et qu'elles détermi-
nent dans la majorité des cas une hémianesthésie à forme syrin-
gomyélique.
AFFECTIONS DE L'APPAREIL VESTIBULAIRE
Diagnostic.
Troubles du vertige voltaïque.
Depuis quelques années le diagnostic des affections de l'appareil
vestibulaire a acquis une sûreté et une précision qui lui manquaient
autrefois, alors qu'il reposait seulement sur l'appréciation de troubles
fonctionnels.
Aujourd'hui on le fonde principalement sur les modifications que
subissent à l'état pathologique les réactions objectives provoquées par
des excitants divers : épreuves giratoires (Mach, Egger), caloriques
(Barany) et voltaïques.
Les notions que l'on possède sur les perturbations du vertige
voltaïque chez l'homme, et dont l'exposé va suivre, sont dues à mes
travaux, sauf en ce qui concerne l'abolition du mouvement d'inclina-
tion observé par Ewald et Pollack chez les sourds-muets, dans une
proportion de 3o pour 100.
Parmi ces perturbations les unes, d'ordre subjectif, sont déjà inté-
ressantes : les autres, d'ordre objectif, ont beaucoup plus d'importance.
Voyons d'abord les premières ; elles portent sur les sensations de dé-
placement, de rotation, qui peuvent être exagérées, affaiblies ou abolies.
Tandis qu'à l'état normal, avec un courant peu intense, de i à 3
168 AFFECTIONS DE L'APPAREIL VESTIBULAIRE
milliampères, ces phénomènes sont généralement très tolérables et
disparaissent dès que l'électrisation est terminée, un courant semblable,
de quelques secondes de durée, peut en cas de trouble labyrinthique
provoquer des sensations anormales fort désagréables, susceptibles de
se prolonger pendant des heures. A ce propos, je dois faire remarquer
que l'irrigation de l'oreille pratiquée pour la recherche du réflexe calo-
rique est capable de donner lieu à des effets non moins pénibles que
ceux de l'électrisation. Par contre, les affections destructives du laby-
rinthe ont pour conséquence une diminution ou une abolition de la
sensation de vertige, permettant parfois aux malades de supporter,
sans en être incommodés, des courants de 10, 15 milliampères et
même d'une intensité encore plus grande.
Passons aux phénomènes objectifs.
La résistance au courant voltaïque ou plus exactement à l'exci-
tation provoquée par ce courant-est ordinairement exagérée et, dans
les affections bilatérales, c'est là le caractère le plus saillant; le degré
de cette résistance est plus ou moins élevé; parfois, malgré un cou-
rant atteignant 15 ou 20 milliampères, l'inclination de la tête fait
totalement défaut, au lieu qu'à l'état normal elle est généralement
perceptible avec un courant de 1 à 2 milliampères.
Cette augmentation de résistance peut s'observer aussi dans des cas
de tumeur intra-crânienne accompagnée d'oedème cérébral et d'hyper-
tension du liquide céphalo-rachidien ; mais elle n'est pas constante,
tant s'en faut.
Très souvent, l'inclination et la rotation sont remplacées par un mou-
vement de la tête en arrière. Parfois, bien plus rarement, la tête se
porte en avant.
Dans certains cas, pendant le passage du courant, on voit la tête
exécuter des mouvements alternatifs d'inclination à gauche et à droite;
c'est là un phénomène auquel s'applique fort bien la dénomination de
« nystagmus céphalique ».
Dans les affections vestibulaires qui siègent exclusivement ou pré-
AFFECTIONS DE L'APPAREIL VESTIBULAIRE 169
dominent d'un côté, on observe communément un trouble que j'ai
appelé « l'inclination unilatérale » et qui présente des modalités
variées. Tantôt, quel que soit le sens du courant, la tête s'incline du
côté de l'oreille malade ; en pareil cas, à l'ouverture du courant, la
tête reprend immédiatement sa position primitive ou bien exécute
d'abord un mouvement brusque qui augmente encore l'inclination
provoquée par le passage du courant. Tantôt la tête s'incline, comme
à l'état normal, du côté du pôle positif, mais le mouvement est plus
étendu d'un côté que de l'autre. Parfois la tête s'incline du côté malade
lorsque le pôle positif occupe ce côté et, quand on intervertit le sens
du courant, au lieu de s'incliner, elle se porte en arrière. D'autres fois
enfin, l'inclination paraît se faire exclusivement du côté sain, comme
dans les expériences de Weill, Vincent et Barré (destruction complète
du labyrinthe chez le cobaye).
La rotation de la tête subit fréquemment aussi des modifications.
Elle peut être exclusivement unilatérale, quel que soit le sens du cou-
rant, et s'opérer du même côté que l'inclination ou du côté opposé.
Enfin, le nystagmus provoqué à l'état physiologique par le courant
électrique peut manquer.
Telles sont les principales variétés du vertige voltaïque à l'état
pathologique.
Chacune d'elles doit dénoter soit le degré d'intensité des lésions,
soit leur situation dans telle ou telle partie de l'appareil vestibulaire.
Sur ce dernier point, je ne suis pas en mesure d'apporter beaucoup
de précision. Mais ce que je crois pouvoir affirmer, c'est que les divers
phénomènes dont j'ai fait l'exposé expriment tous un trouble de l'appa-
reil en question et que quelques-uns de ces signes permettent parfois
de reconnaître des perturbations encore très légères. En voici une
preuve : un vertige voltaïque anormal, caractérisé par de l'inclination
unilatérale ou de la rotation unilatérale, peut redevenir normal immé-
diatement après évacuation de quelques centimètres cubes de liquide
céphalo-rachidien.
170 AFFECTIONS DE L'APPAREIL VESTIBULAIRE
Les modifications du vertige voltaïque s'associent très souvent à
celles du réflexe calorique mais, et c'est là un point essentiel,
elles ne sont pas nécessairement liées les unes aux autres. J'ai
observé bien des malades atteints de lésion auriculaire dont le réflexe
calorique était normal et chez lesquels l'exploration électrique avait
révélé l'existence d'une altération vestibulaire.
Par contre, on peut constater un reste de vertige voltaïque, une
conservation du nystagmus électrique chez des malades qui n'ont plus
trace de nystagmus calorique.
La sémiologie des affections de l'oreille a été enrichie par l'acquisi-
sition des divers signes que je viens de décrire puisque, comme on
l'a vu, ils permettent de déceler des altérations même superficielles du
labyrinthe postérieur. Ils fournissent d'importants éléments d'appré-
ciation lorsqu'il s'agit de différencier une affection auriculaire vraie
d'un trouble imaginaire ayant la suggestion pour cause ou encore
quand on soupçonne la simulation, ce qui a lieu très souvent dans
les expertises relatives aux accidents du travail. Ils peuvent contribuer
à établir le diagnostic d'une affection organique du système nerveux
central et comptent parmi les manifestations objectives précoces
des tumeurs ponto-cérébelleuses. Ils sont donc précieux pour les
auristes, les médecins experts et les neurologistes.
Si l'exactitude des conclusions auxquelles je suis arrivé a été contestée par quel-
ques-uns, elle a été en revanche confirmée par de nombreux observateurs : par
Cros (Thèse, Toulouse, i go i), par Gellé (Tribune médicale, 27 mars 1901), par
Napieralski (Le vertige voltaïque dans les otopathies. Bulletin de Laryngologie,
iyo2).
Dans son Traité d'Électrothérapie clinique, paru en y6 (Masson et Cie, édi-
teurs), Zimmern consacre un chapitre à la description du vertige voltaïque et le
termine ainsi :
« En résumé, la recherche du vertige voltaïque permet :
« 1° De découvrir une lésion auriculaire qui, en l'absence de signes fonction-
nels, passerait inaperçue, ou de dépister une lésion organique ne donnant lieu qu'à
des troubles subjectifs insignifiants ;
AFFECTIONS DE L'APPAREIL VESTIBULAIRE 171
« 2° De différencier une lésion auriculaire d'un trouble psychique : dans le pre-
mier cas seul, la formule du vertige normal sera modifiée ;
« 3° Il peut être enfin un signe objectif décelant l'existence d'une augmenta-
tion de pression du liquide céphalo-rachidien, symptomatique d'un néoplasme
Intracrânien. »
Les perturbations du vertige voltaïque sont d'ailleurs décrites dans la plupart
des ouvrages modernes d'électro-diagnostic et d'otologie.
Ludwig Mann (Ueber Schwindel und Gleichgewichtsstôrungen nach Commotio
cerebri und ihren Nachweis durch eine galvanische Reaktion. Medicinische Iflinik,
26 mai 1907) a publié un travail très documenté sur 1' « Inclination unilatérale»,
dont les conclusions sont conformes aux miennes.
Après avoir fait remarquer que les troubles fonctionnels dus à une lésion de
l'appareil statique sont accessibles à la simulation et qu'il y a là pour les médecins
experts une source de difficultés, il s'exprime ainsi :
« Il est par conséquent, aux points de vue pratique et théorique, de la plus
haute importance de se mettre en quête d'un moyen qui permette de déterminer,
d'une façon tout à fait objective, un trouble dans les fonctions statiques de l'ap-
pareil labyrinthique.
« J'estime qu'il existe une réaction galvanique qui permet d'atteindre le but
visé; elle a été indiquée il y a peu d'années par Babinski et on l'appelle en
France : «Phénomène auriculaire de Babinski », mais chez nous, elle semble
encore peu connue. »
Je dois ajouter que Mann, qui ne semble connaître que ma première publica-
tion sur ce sujet, celle de 1901, me prête à tort l'idée qu'une lésion auriculaire
sans participation de l'appareil vestibulaire peut provoquer l'inclination unilatérale.
Voici, extraite de mon article sur le traitement du vertige auriculaire paru en
190/i, une phrase, entre autres, qui ne laisse aucun doute sur mon opinion :
« ... j'ai cru pouvoir déduire de mes observations que les modifications sus-indi-
quées constituent des signes précieux au point de vue du diagnostic différentiel
de la surdité hystérique et de la surdité labyrinthique qui, autrement, ne peuvent
être distinguées par aucun caractère objectif. »
J'attire l'attention sur deux observations rapportées l'une par Alfred Gallais
(Syndrome agoraphobique d'origine vestibulaire. Revue neurologique, 1912, t. XXIII,
p. 3o6), l'autre par Dejerine et Quercy (Un cas de syndrome d'Avellis avec trou-
bles de l'appareil vestibulaire et hémianesthésie alterne dissociée. Revue neurolo-
gique, igi2, t. XXIV, p. 635). Elles confirment en particulier ce fait important
sur lequel j'ai insisté à savoir que les troubles du vertige voltaïque peuvent déce-
ler l'existence d'une lésion de l'appareil vestibulaire, alors que les réactions obte-
nues par la méthode de Barany sont normales.
En ce qui concerne les réactions électriques, voici les points que je relève dans
172 AFFECTIONS DE L'APPAREIL VESTIBULAIRE
la première observation, contrôlée par Courtade, Zimmern et Cottenot. Un cou-
rant galvanique de 5 ma., le pôle + étant à droite, fait dévier très nettement la
tête à droite et la déviation s'accompagne de rotation ; le sens du courant étant
renversé, le malade éprouve une sensation vertigineuse plus forte que précédem-
ment, mais il ne se produit ni mouvement d'inclination, ni latéropulsion. On
prélève par une rachicentèse 10 centimètres cubes de liquide céphalo-rachidien ;
trois jours après, le vertige voltaïque est normal, l'inclination et la rotation sont
bilatérales ; de plus, les vertiges sont moins pénibles. Quant au réflexe calorique,
il a toujours été normal.
Dans la deuxième observation, où le réflexe de Barany n'a subi non plus aucune
perturbation, Bourguignon, examinant le malade au point de vue électrique,
entre autres particularités, a noté ceci :
« Avec le courant continu, l'électrode positive étant à droite, le seuil du ver-
tige apparaît à 10 ma. La tête s'incline à droite et en arrière. Pendant que le
courant passe, la déviation de la tête persiste et on constate un nystagmus dont la
secousse rapide se fait vers la gauche, et la secousse lente vers la droite. Si l'on
refait la même expérience, le pôle positif étant à gauche, on n'obtient aucune incli-
naison ni déviation de la tête. Mais, pendant que le courant passe, on cons-
tate un nystagmus orienté de la même façon que lorsque le pôle positif était à
droite. »
Désorientation et déséquilibration spontanées et provoquées.
Mouvements réactionnels et contre-réactionnels.
(En collaboration avec G.-A. Weill)
Faire exécuter certains exercices pour rendre manifestes des pertur-
bations de l'appareil vestibulaire n'est pas chose nouvelle. Ce mode
d'examen a été appliqué par Stein à la recherche des troubles « spon-
tanés », à celle des troubles « provoqués » par Barany, Buys, Gèze.
Nous avons imaginé un procédé permettant de rendre ces troubles
encore plus apparents. Il consiste à faire exécuter au sujet en obser-
vation, alternativement, six pas en avant, six pas en arrière, cinq fois
dans chaque sens sans interruption. Les déviations partielles qui peu-
vent se produire, à chaque trajet, s'additionnent ainsi.
De plus, dans l'étude des troubles provoqués, nous avons employé,
AFFECTIONS DE L'APPAREIL VESTIBULAIRE 173
entre autres moyens d'excitation, l'électrisation voltaïque avec un
dispositif permettant au sujet qu'on examine de marcher pendant le
passage du courant.
Après avoir déterminé les phénomènes que l'on observe à l'état
normal, nous avons recherché les modifications que peuvent leur faire
subir les affections de l'appareil vestibulaire.
Nous avons fait connaître les résultats que nous avons obtenus
(ZO4, 206) et nous nous croyons dès maintenant autorisés à dire que
ce mode d'investigation apporte au diagnostic des lésions de l'appa-
reil vestibulaire des données précieuses. Mais, comme il s'agit là de
travaux tout récents encore à l'étude, je me contente de les signaler.
Traitement.
Les troubles liés aux lésions labyrinthiques sont susceptibles de s'at-
ténuer et même de disparaître sous l'influence d'une ponction lom-
baire. Voici comment j'ai été conduit à concevoir ce mode de traite-
ment dont j'ai démontré l'efficacité. La recherche du vertige voltaïque
pratiquée sur des malades nullement atteints, d'ailleurs, d'affections
auriculaires, et que je soumettais à la rachicentèse dans un but thé-
rapeutique ou en vue du cytodiagnostic, m'avait montré que d'ordi-
naire la résistance à l'excitation électrique diminuait après l'opération.
Il y avait lieu d'en conclure que la ponction lombaire exerce une
action sur le labyrinthe. Du reste, cette action ne me paraissait pas
surprenante, la pression du liquide labyrinthique devant être subor-
donnée en partie à celle du liquide céphalo-rachidien. Dès lors, il
était tout naturel de se demander si la ponction lombaire ne serait
pas capable d'agir favorablement sur des troubles ayant des lésions
labyrinthiques pour cause. J'estimai qu'il y avait là une application
thérapeutique à tenter.
Je m'y suis cru d'autant plus autorisé que les moyens employés
174 AFFECTIONS DE L'APPAREIL VESTIBULAIRE
d'ordinaire contre les troubles en question sont généralement ineffi-
caces et que, faite avec précaution, la rachicentèse n'est nullement dan-
gereuse.
J'ai traité ainsi un grand nombre de sujets atteints de vertiges,
d'affaiblissement de l'ouïe ou de bourdonnements d'oreille. Chez beau-
coup d'entre eux, une seule ponction a été pratiquée, mais plusieurs
en ont subi deux, trois et même davantage, à des intervalles plus ou
moins longs. La quantité de liquide extraite chaque fois a été de 5 à 20 o
centimètres cubes.
L'influence de cette intervention sur les troubles qui sont liés aux
perturbations de l'appareil vestibulaire est généralement manifeste. Il
n'est pas rare que les caractères objectifs du vertige voltaïque changent
immédiatement après l'opération : la résistance diminue souvent d'une
manière encore plus marquée que chez les sujets dont le labyrinthe
est sain ; l'intensité du courant nécessaire pour déterminer de l'in-
clination peut tomber par exemple de 10 milliampères à 5 ou à 4 ; ',
j'ajoute que chez d'autres malades, dont les altérations labyrinthiques
sont, sans doute, très intenses, la résistance ne se modifie en rien. De
plus, on peut voir le retour à l'état normal ou à un état voisin de la
normale d'un vertige voltaïque caractérisé par une inclination ou une
rotation unilatérale. Ce phénomène, qui s'observe sans qu'il soit fait
appel au témoignage du malade, ce qui exclut l'idée de suggestion, est
particulièrement instructif; outre qu'il montre jusqu'à l'évidence
l'action de la ponction sur les troubles labyrinthiques, il prouve que
l'inclination et la rotation unilatérales peuvent être liées à des lésions
labyrinthiques superficielles et, ce qui est un corollaire de la propo-
sition précédente, que, pour l'exploration du labyrinthe, l'électrisa-
tion est une méthode d'une grande finesse.
Quant aux troubles fonctionnels, ils peuvent également s'atténuer
aussitôt ; quelques sujets m'ont déclaré séance tenante qu'ils se sen-
taient plus à l'aise et que leur tête était plus libre. Bien qu'on soit,
à priori, tenté de voir là l'effet d'une suggestion, il est admissible
AFFECTIONS DE L'APPAREIL VESTIBULAIRE 173
que les troubles subjectifs s'atténuent immédiatement à l'instar des
troubles objectifs. D'ordinaire, ces effets salutaires se font sentir
seulement après quelques jours, quelques semaines ou plus tardive-
ment encore. Ils ne sont pas constants, mais il est exceptionnel que
les sensations vertigineuses ne diminuent pas, au moins quelque peu,
ne serait-ce que d'une manière transitoire. Parfois, et ceci n'est pas
rare, l'amélioration, pouvant aller jusqu'à la disparition complète du
vertige, dure fort longtemps et même indéfiniment ; je connais nombre
de malades qui, après avoir été atteints, durant des mois, de vertiges
auriculaires, en ont été débarrassés à la suite d'une ou de plusieurs
ponctions lombaires, et dont la guérison date actuellement de plus de
cinq ans.
La rachicentèse a une action bien moindre sur les troubles dépen-
dant des lésions du labyrinthe antérieur : bourdonnements, diminu-
tion de l'ouïe, surdité ; les cas où une amélioration a été obtenue sont
exceptionnels (93, io5).
Lumineau (De la ponction lombaire dans le traitement des troubles auditifs.
Thèse, Paris, ego3), écrit dans ses conclusions :
« La ponction lombaire s'est montrée l'agent thérapeutique le plus efficace
contre les labyrinthites et tous les phénomènes de labyrinthisme.
« Dans les otites sèches, elle agit favorablement presque toujours sur les ver-
tiges, fait très souvent disparaître les bourdonnements et améliore parfois l'au-
dition. »
Mignon (Thèse, Bordeaux, igo3. Contribution à l'étude du traitement des
affections auriculaires par la ponction lombaire) rapporte quatre observations
personnelles dans lesquelles il y a eu, après la ponction, atténuation ou dispari-
tion des vertiges et des bourdonnements, sans que la fonction auditive ait été
notablement influencée. Il s'agissait delabyrinthite suppurée, de commotion laby-
rinthique, de syphilis cérébrale avec paralysie faciale et acoustique, de maladie de
Ménière.
Chauffard et Boidin (Gazette des Hôpitaux, 21 juin 1904, p. 728) écrivent :
« Nous avons été à même de vérifier l'action bienfaisante de la ponction lombaire
dans un cas de vertige labyrinthique, caractérisé par des bruits subjectifs avec
état vertigineux constant, se compliquant de grands ictus. La malade avait déjà eu
cinq de ces chutes précédées d'un aura auditif. La soustraction de 15 centimètres
176 AFFECTIONS DE L'APPAREIL VESTIBULAIRE
cubes de liquide céphalo-rachidien suffit à produire une amélioration très grande.
L'état vertigineux, les ictus disparurent, les bruits subjectifs diminuèrent beau-
coup. »
E. Lombard et H. Caboche (Congrès international d'Otologie de Bordeaux,
9 août igo4) rapportent sept cas d'otosclérose traitée par la ponction lombaire.
Les vertiges, disent ces auteurs, semblent bien être plus influencés que le bour-
donnement et la surdité et ils ajoutent : « Dans tous les cas d'amélioration des
vertiges et des bourdonnements, les malades accusent une sensation de légèreté
de la tète, comme si leur tête était dégagée. »
Trétrop, d'Anvers (Annales des maladies de l'oreille, déc. 19,)4, p. 55 Résul-
tats personnels du traitement des vertiges, des bourdonnements et de la surdité
par la méthode de Babinski), écrit : « Les vertiges ont été régulièrement influen-
cés et ont généralement complètement disparu ; les bourdonnements ont suivi
une marche analogue. Quant la surdité, dans trois cas, j'ai obtenu à n'en pas
douter un résultat inespéré » (sur quinze malades).....
« Les vertiges sont les symptômes qui sont le plus favorablement influencés,
puis viennent les bourdonnements, et en dernier lieu la surdité. »
Helsmoortel (Ponction lombaire dans les affections de l'oreille. Société médico-
chirurgicale d'Anvers, déc. igo5) communique trois observations, deux d'oto-
sclérose, une d'otite moyenne cicatricielle, dans lesquelles il a obtenu par la
ponction lombaire la disparition des vertiges, la diminution des bruits subjectifs
et l'amélioration de Fouie.
Godts (Quelques considérations générales sur la ponction lombaire, etc. Archi-
ves médicales belges, mars 1906, p. 169) relate deux cas d'otosclérose avec vertiges
tenaces que la rachicentèse a fait disparaître. ,
Weill, Barré et Gastinel (Société de Laryngologie,Otologie et Rhinologie de .Parts,
9 juillet 1909) présentent trois malades vertigineux qui ont été débarrassés de
leurs vertiges par la ponction lombaire. L'un de ces malades, atteint aussi
d'amblyopie, a obtenu une amélioration immédiate de la vision.
Guisez (La pratique olo-rlvino-larngolociclue, Baillère, tgog) dit à propos de la
rachicentèse : « Nous l'avons employée systématiquement chez douze malades.
Dans quatre cas, nous avons vu les vertiges disparaître ; dans cinq cas, il y a
eu amélioration notoire ; dans un cas, aggravation ; dans deux autres, résultat
nul. »
Barany (Handbuch der Neurologie, Bd. III. S. 8/), 848) écrit : « Depuis trois
ans que j'ai entrepris de contrôler les faits publiés par Babinski, je n'ai eu l'occa-
sion d'employer que dans dix cas la ponction lombaire contre le vertige. Avant et
après la ponction, j'ai toujours examiné aussi minutieusement que possible le
fonctionnement de l'appareil vestibulaire...
« Dans huit cas sur dix j'ai obtenu une guérison complète ou presque complète
TORTICOLIS SPASMODIQUE. - TORTICOLIS « MENTAL » 177
du vertige et des nausées. Six de mes dix malades avaient des lésions de l'oreille
interne (région cochléaire) ; dans deux cas, on devait penser à l'artério-sclérose ;
dans l'un de ces cas le vertige disparut, pendant un an, après la ponction et une
autre dut être faite ; le deuxième ne fut pas modifié d'une manière certaine. Deux
cas, de cause inconnue, furent favorablement influencés. Ces deux derniers étaient
vraisemblablement des cas de méningite séreuse de la fosse cérébelleuse. Dans
tous les cas que je considère comme guéris, j'ai constaté, après la ponction lom-
baire, une forte diminution des sensations de vertige. Tandis qu'avant la ponction
les malades souffraient de vertiges intenses et de nausées à l'occasion du
moindre nystagmus expérimental, il n'y avait plus, après l'opération, aucun
vertige ni aucune nausée, même avec le nystagmus le plus accentué. Dans
quelques cas, on pouvait encore déclencher le nystagmus par les mouvements
rapides de la tête, mais les malades n'en paraissaient plus vraiment gênés. »
J. J. Putnam (« The Babinski 's Treatment of aurai vertigo by lumbar punc-
ture ». The Journal of nervous and mental Disease, sept. igi i, p. 5/)o) présente un
travail sur le traitement du vertige auriculaire parla ponction lombaire; il s'appuie
pour confirmer l'efficacité de ce traitement sur les observations de 16 cas étudiés
depuis cinq ans par leur C. J. Blake et par lui-même.
TORTICOLIS SPASMODIQUE. TORTICOLIS « MENTAL »
Pathogénie.
La plupart des neurologistes ont admis la manière de voir de
Brissaud sur la pathogénie du torticolis spasmodique qui, d'après
cet auteur, serait d'origine mentale.
J'ai observé des faits qui semblent en opposition avec cette idée.
En février igoo, j'ai présenté à la Société de Neurologie (57) un
malade atteint d'un hémispasme occupant le côté gauche ; au membre
inférieur les troubles étaient légers ; ils étaient au contraire très mar-
qués au membre supérieur et à la région cervicale. Le spasme du cou
siégeait principalement dans le trapèze et le sterno-mastoïdien ; par
la forme des mouvements qu'il provoquait, par leur mode de succes-
sion, par les attitudes qu'il déterminait, il reproduisait exactement le
tableau symptomatique du torticolis dit mental. Or, tandis que le
BABINSKI. 12 a
178 TORTICOLIS SPASMODIQUE. - TORTICOLIS « MENTAL »
réflexe cutané plantaire était normal à droite, on constatait à gauche
le signe des orteils. A moins de supposer la coexistence fortuite de
deux affections bien différentes, on est conduit à admettre que le
torticolis dépendait dans l'espèce d'une perturbation organique des
centres nerveux, dont le signe des orteils était le témoignage. C'est
l'opinion qui m'avait paru la plus vraisemblable.
En igoi, j'ai rapporté une observation analogue à la précédente (76).
Il s'agissait d'un spasme du cou prédominant dans le sterno-mastoïdien
et associé à un spasme du membre supérieur gauche. La tête, à peu
près constamment en rotation à gauche, était à tout instant agitée par
des contractions spasmodiques des muscles cervicaux qui accentuaient
la rotation et donnaient lieu à un soulèvement du menton. Le malade
avait été amené, en quelque sorte automatiquement, à soutenir sa tête
avec la main, comme cela est la règle dans le torticolis dit mental.
Ce qui faisait sortir ce fait de la banalité, c'est qu'au membre supérieur
gauche le réflexe du triceps brachial était manifestement exagéré.
Cette surréflectivité tendineuse est contraire à l'hypothèse d'un trouble
mental et cadre avec celle d'une affection organique.
Depuis, j'ai eu l'occasion d'observer plusieurs autres sujets chez
lesquels à un torticolis « mental » était associée l'extension réflexe du
gros orteil ou le signe de l'éventail.
Ces nouvelles observations ont fortifié dans mon esprit l'opinion
que j'ai émise sur la pathogénie du torticolis spasmodique. Mais, je
tiens à le faire remarquer, si je suis très porté à croire que celle affec-
tion est liée à une perturbation organique des centres nerveux, je pense
que les lésions dont elle dépend doivent être, au moins dans la majo-
rité des cas, superficielles; autrement, il serait difficile de comprendre la
rapidité avec laquelle elle est susceptible de s'atténuer et de disparaître.
La perturbation organique présumée siège-t-elle dans le système
pyramidal, comme paraissent l'indiquer les modifications des réflexes
tendineux et du réflexe cutané plantaire ? Je l'avais pensé d'abord ; mais,
sur ce point, il y a lieu de faire des réserves. Il serait permis de sup-
TORTICOLIS SPASMODIQUE. - TORTICOLIS « MENTAL » 179
poser qu'elle occupe une région des centres nerveux avoisinant ces
faisceaux, par exemple le corps opto-strié. Le phénomène des orteils
ou l'exagération des réflexes tendineux apparaissant au cours du torti-
colis « mental » signifierait que la lésion n'est pas restée cantonnée
dans cette région et qu'elle a intéressé les fibres de la voie pyramidale.
Destarac (Revue neurologique, 1 go l, p. 5g 1 et Nouvelle Iconographie de la Salpê-
trière, igos, n° 5. Le syndrome du torticolis spasmodique), se fondant sur deux
faits qu'il a soigneusement étudiés, cherche à établir un lien entre le torticolis
mental et la maladie de Friedreich ; c'est là une conception nouvelle que je n'ai
pas à envisager ici. Mais ce que j'ai à faire ressortir c'est que dans sa première
observation, se rapportant une jeune fille atteinte d'« un torticolis clonique d'abord,
tonique ensuite, rappelant les récentes descriptions du torticolis mental et, comme
lui, corrigé par le signe du doigt», le signe des orteils était très net des deux côtés.
Cestan et Guillain (Revue de Médecine, octobre J goo, p. 8 t 5) ont constaté un tor-
ticolis spasmodique chez trois malades atteintes de paraplégie spasmodique familiale.
« Il nous a paru intéressant, disent ces auteurs, de signaler, chez nos spasmodiques,
ce torticolis spasmodique semblable au torticolis mental et de conclure, sinon à
leur identité complète au point de vue de la pathogénie, du moins à leur ressem-
blance parfaite au point de vue de la clinique. Nous voyons donc qu'en présence
d'un torticolis mental, l'attention doit être attirée vers la possibilité d'une altéra-
tion de la voie pyramidale. »
Beduschi et Bossi ont publié sur « la Pathogénie du Torticolis dit mental » un
travail analysé dans la Revue neurologique (igo-li, p. 178). Ils relatent l'observa-
tion d'une malade atteinte d'un torticolis spasmodique ayant les caractères clini-
ques du torticolis mental et dont les réflexes tendineux étaient exagérés surtout à
gauche. Ils concluent que le torticolis dit mental n'est pas l'expression d'un trouble
psychique, mais celle d'une irritation encore indéterminée dans sa nature et qui a
son siège dans la zone motrice de l'écorce.
Ces travaux, comme on le voit, viennent à l'appui de ma thèse.
Traitement.
La section de la branche externe du spinal, dans le torticolis spas-
modique, après avoir été souvent pratiquée, a été ensuite déconseillée
par la plupart des neurologistes qui l'ont considérée comme irration-
nelle et incapable d'être réellement efficace.
180 TORTICOLIS SPASMODIQUE. TORTICOLIS « MENTAL »
J'ai rapporté, en 1907, une observation établissant que cette opéra-
tion peut être utile (r 43) ; en voici un résumé :
Une femme atteinte d'un spasme du cou, se manifestant principa-
lement par des mouvements involontaires de rotation de la tête de
gauche à droite, est traitée sans succès par la gymnastique, la réédu-
cation motrice et divers autres moyens médicaux. Cinq mois après le
début de la maladie, tourmentée sans cesse par des mouvements spas-
modiques qui la mettent dans l'impossibilité de se livrer à un travail
quelconque, elle paraît absolument désespérée. La section du spinal
a pour résultat d'amener immédiatement une atténuation très notable
des mouvements involontaires de rotation, atténuation qui s'accen-
tue encore dans la suite.
Il est à remarquer que quatre ans après l'opération, époque où la
malade a été revue pour la dernière fois, l'amélioration, équivalant
presque à une guérison, s'était maintenue malgré la régénération du
sterno-mastoïdien et du trapèze.
J'ai observé ultérieurement un cas analogue.
A ce propos, j'attire l'attention sur ce fait qu'à l'atrophie du sterno-
mastoïdien et du trapèze, consécutive à la section du spinal, succède
assez rapidement une régénération; ces muscles, comparés à ceux
des membres inférieurs ou des membres supérieurs, paraissent sou-
mis à un régime privilégié leur conférant une aptitude plus grande à
régénérer (17/i).
CHORÉE DE SYDENIIAM
Pathogénie.
J'ai communiqué, en i go5, à la Société de Neurologie (n5) une
note intitulée : « De la flexion combinée de la cuisse et du tronc dans
la chorée de Sydenham ». Voici ce que j'ai écrit :
« J'ai observé, chez un assez grand nombre de sujets atteints de cho-
CHORÉE DE SYDENHAM 181
rée de Sydenham, la flexion combinée de la cuisse et du tronc. Je l'ai
constatée dans certains cas où la chorée était à peu près également
marquée des deux côtés; parfois alors le phénomène se manifeste d'un
côté quand le malade passe de la position horizontale à la position
assise, et du côté opposé lorsque le malade exécute le mouvement
inverse. Mais c'est surtout dans des cas de chorée prédominant nota-
blement d'un côté du corps, dans des cas d'hémichorée, que j'ai eu
l'occasion d'observer cette flexion avec le plus de netteté, et elle se pro-
duit du côté où prédominent les mouvements involontaires. Généra-
lement ce phénomène s'atténue et disparaît en même temps que les
mouvements choréiques ; il est par conséquent étroitement lié à la
maladie. Or, si l'on se rappelle que ce trouble constitue un des signes
objectifs les plus communs de l'hémiplégie organique, qu'il fait défaut
dans les paralysies psychiques, on peut admettre qu'il permet de
distinguer, dans certains cas, la chorée de Sydenham de la chorée
hystérique, et on possède là un signe qui, sans avoir une valeur déci-
sive, vient à l'appui de l'opinion que la chorée est une affection orga-
nique intéressant le système pyramidal. »
En 1906, A. Charpentier présentait à la Société de Neurologie (Revue neurologi-
que, 1906, p. 1 176) un enfant de 12 ans atteint de chorée de Sydenham chez qui on
constatait le signe des orteils. « Ce fait, disait-il, est rapprocher des observations
de chorée où M. Babinski a trouvé le mouvement combiné de flexion de la cuisse
et du bassin et prouve que dans la chorée de Sydenham il existe une perturbation
du système pyramidal. »
En igog, dans trois communications successives, l'une en collaboration avec
Tinel (Revue neurologique, 1909, pp. G38, 80o et 1060)etdontladernièreestintitulée :
« Chorée de Sydenham : maladie organique », Thomas développe la même idée.
Chez 10 enfants atteints de chorée de Sydenham, il a observé des signes de lésions
du système nerveux (troubles du tonus, flexion combinée de la cuisse et du tronc,
modifications des réflexes tendineux, signe des orteils, etc.) ; de plus, ayantprati-
qué la rachicentèse chez quatre malades, il a constaté deux fois une lymphocy-
tose discrète.
Thomas rappelle que la lymphocytose a été trouvée plusieurs fois par Sicard et
Babonneix chez des choréiques fébricitants, et par Claude dans un cas de chorée
persistante.
182 CHORÉE DE SYDENHAM
JumentiéetChenet(Reuueneuro ! ot</g, igog,p. g ! ¡5) relatent également un fait
de chorée de Sydenham avec troubles organiques (surréflectivité tendineuse, phéno-
mène des orteils, etc.).
D'autres observations analogues ont été publiées.
D'une revue générale de Brelet ayant pour titre : « Étiologie et Pathogénie
dela chorée de Sydenham » (Gazette des Hôpitaux, igi3, p. go3) j'extrais ce
passage :
« Les recherches de Babinski, d'André Thomas, ont profondément modifié nos
idées sur la nature de cette maladie, car il résulte de leurs travaux qu'on trouve
assez souvent chez les choréiques les signes cliniques propres aux affections orga-
niques du système nerveux. D'autres arguments peuvent encore être invoqués en
faveur de la théorie qui fait de la chorée une maladie organique du système ner-
veux ; cette théorie a été adoptée et soutenue par Hutinet et Babonneix (Les
maladies des enfants, t. V.), Iirajllé et Cassard (Gazette médicale de\'anles, 25 mars
et 1"" avrillgll), M"0 Gatow-Gatowski (Thèse, Paris, igio), Grenet et Loubet,
(Revue neurologique, t déc. igi2. Thèse de Loubet, Toulouse, mai 1912.
Article de Grenet in Monde médical, 25 avril 1913). »
Traitement.
J'ai appelé l'attention sur l'influence heureuse que la scopolamine
semble parfois exercer sur la chorée de Sydenham (i31).
VII. - AFFECTIONS DES GLANDES A SÉCRETION
INTERNE
SYNDROME HYPOPHYSA1HE ADIPOSE-GéNITAL
On appelle syndrome hypophysaire adiposo-génital ou dystrophie
adiposo-génitale, ou encore « syndrome de Frôhlich » l'association
d'une adiposité généralisée à un arrêt de développement des organes
génitaux externes et internes, association dépendant en l'espèce d'une
perturbation dans le fonctionnement du corps pituitaire. Ajoutons
que ce syndrome, quand il est pur, ne comporte ni acromégalie, ni
gigantisme. Il est déterminé le plus souvent par une tumeur de la
région hypophysaire et ce sont les symptômes caractéristiques d'une
néoplasie occupant ce siège, tels que les phénomènes oculaires spé-
ciaux, qui permettent, du vivant du malade, de rapporter à leur véri-
table cause l'adiposité et les troubles génitaux.
Le travail de Frôhlich date de 1 po 1. Outre ce mémoire, il en a
été publié un grand nombre dans lesquels le sujet qui nous occupe a
été traité d'une manière plus ou moins approfondie.
Tous, sauf celui de Pechlcrantz sur lequel je reviendrai, sont pos-
térieurs à une communication que j'ai faite à la Société de Neurolo-
gie le 7 juin i goo, et qui a pour titre : « Tumeur du corps pituitaire
sans acromégalie et avec arrêt de développement des organes génitaux »
(61). Le titre de mon travail joint aux deux photographies qui y sont
181
AFFECTIONS DES GLANDES A SÉCRÉTION INTERNE
annexées (voir fig. 28, 2g) et sur lesquelles la surcharge adipeuse et
l'aspect infantile du pubis sont manifestes, montrent déjà que tous
les symptômes cardinaux du syndrome adiposo-génital ont été expres-
sément notés par moi.
Î c. a8.
l'IG. 29,
Les lignes suivantes, extraites de ma communication, pourront à cet
égard fixer le lecteur d'une manière encore plus précise.
« Il s'agit d'une jeune fille de 17 ans que j'ai observée il y a dix
ans. Elle se plaignait de douleurs de tête qui, ayant apparu environ
trois ans auparavant, avaient petit à petit augmenté d'intensité et
atteint un haut degré de violence. Depuis plusieurs mois elle était
sujette à des crises épileptiformes, et sa vue s'était notablement affaiblie.
SYNDROME HYPOPHYSAIRE ADIPOSO-GÉNITAL 183
« Après avoir fait déshabiller la malade, on est frappé par la sur-
charge adipeuse du corps et par l'aspect infantile des organes génitaux
qui contraste avec la taille, d'une hauteur moyenne; du reste la malade
n'est pas réglée. L'intelligence paraît normale, mais la mémoire a
beaucoup diminué depuis quelque temps. Il n'y a pas de troubles
paralytiques. Les réflexes tendineux sont exagérés et ily a de la trépida-
tion épileptoïde du pied. A l'examen ophtalmoscopique, on constate de
FIG. 30. 3o. FJG. 31. 31
l'oedème papillaire bilatéral. Tels sontles caractères objectifs qui furent
notés.
« La malade succomba peu de temps après le premier examen. La
nécropsie décela l'existence d'une tumeur qui occupait la selle tur-
cique, adhérait au corps pituitaire et englobait le tuber cinereum (voir
fig. 3o, 31). Ce néoplasme a été examiné histologiquement par
Onanoff, qui a fait de cette étude l'objet de sa thèse (Thèse, Paris,
18g2). Il s'agit, d'après Onanoff, d'un épithelioma, du type mal-
pighien, développé aux dépens de l'épithelium de la glande pituitaire, en
186 AFFECTIONS DES GLANDES A SÉCRÉTION INTERNE
pleine évolution hyperplasique, avec dégénérescence myxomateuse
du stroma conjonctif.
« Les ovaires et l'utérus sont très petits ; d'après leurs dimensions,
ils sembleraient appartenir à une fillette de 8 à 10 ans.
« Cette observation est intéressante à deux points de vue : d'une
part, l'absence d'acromégalie, de gigantisme contraste avec l'existence
d'une grosse tumeur du corps pituitaire ; mais, pour que ce fait fût
très instructif, il serait nécessaire de savoir dans quelle mesure la
glande a été altérée. D'autre part, la coexistence de l'infantilisme,
caractérisé par l'arrêt de développement des organes génitaux, et de la
lésion pituitaire mérite aussi d'être remarquée. Il est vrai que, l'examen
du corps thyroïde n'ayant pu être pratiqué, on pourrait supposer que
cette glande était altérée et que l'infantilisme était sous la dépendance
de cette lésion présumée. Il me semble toutefois que l'idée d'une rela-
tion de cause à effet entre la tumeur du corps pituitaire et l'infanti-
lisme est très soutenable. On sait que les lésions de l'hypophyse, quand
elles apparaissent chez l'adulte, peuvent amener des troubles des
organes génitaux, la suppression des règles, l'atrophie de l'utérus ; il
est donc bien naturel qu'une semblable lésion, quand elle débute chez
l'enfant, produise un arrêt de développement des organes génitaux. »
Il est par conséquent impossible d'attribuer à Frôhlich la paternité
de ce syndrome que j'ai décrit avant lui, sans, à la vérité, donner à
l'ensemble des troubles qui le constituent le nom de syndrome,
détail sans importance.
Mon travail serait le premier sur ce sujet, n'était celui de
Pechkrantz. Cet auteur, en effet, a publié dans le Neurologisches Cen-
lralblatt (I8gg, pp. 2o3 et suiv.) un article intitulé : Zur Casuistik der
Hypophysis Tumoren (Sarcoma angiomatodes hypophyseos cerebri).
Il rapporte l'observation d'un jeune homme de 17 ans qui présentait
un aspect féminin ; parmi les symptômes constatés il mentionne le
développement du pannicule adipeux ainsi que l'état infantile de
l'appareil sexuel, et se dit enclin à établir une relation entre les troubles
MALADIE DE BASEDOW 187
de la nutrition, l'hypoplasie des organes génitaux et les anomalies de
structure de l'hypophyse. Les principaux caractères du syndrome
sont donc indiqués ; mais ils ne le sont que d'une manière incidente,
parmi d'autres faits bien différents, et rien ne signale l'existence de ce
type morbide dans le titre donné par Pechkrantz à son mémoire.
On reconnaîtra, je pense, que mon travail, s'il est le deuxième en
date, est le premier dans lequel ont été mis en évidence les traits
essentiels du syndrome hypophysaire adiposo-génital.
MALADIE DE BASEDOW
J'ai traité par le salicylate de soude plusieurs malades atteints de
goitre exophtalmique et cette méthode, employée déjà avec succès par
Chibret, de Clermont-Ferrand, m'a donné des résultats satisfaisants.
Entre autres faits, voici une observation résumée que j'extrais de
mon travail (71) publié en igoi :
« Il s'agit d'une jeune femme de 28 ans, chez laquelle l'affection,
ayant débuté vers le milieu de 1898, avait augmenté progressivement à
partir de cette époque et cela avec une très grande rapidité depuis le
milieu de janvier 18gg. Au commencement de février, je constatais
un goitre pulsatile très marqué, une exophtalmie bilatérale fort appa-
rente, du tremblement des membres supérieurs et une augmentation
du nombre des pulsations qui s'élevaient au chiffre de i 4o à la minute ;
la malade s'était notablement affaiblie et avait maigri.
« Le traitement salicylé fut institué (de 3 à 4 grammes par jour)
et continué pendant plusieurs mois, avec des interruptions.
« En octobre iSgg je revis cette femme ; son état s'était transformé,
elle se sentait bien plus forte, les pulsations n'étaient plus qu'au nombre
de 80 à la minute, le goitre et le tremblement avaient disparu,
l'exophtalmie avait diminué, et le poids s'était accru de plusieurs
livres.
188 AFFECTIONS DES GLANDES A SÉCRÉTION INTERNE
« A un nouvel examen pratiqué à la fin de igoo, la guérison du
goitre, du tremblement et de la tachycardie s'était maintenue ;
l'exophtalmie avait complètement disparu. »
Comme on le voit, la médication doit durer plusieurs mois, ce qui
est en général sans inconvénient, lorsque les reins fonctionnent
normalement. J'ajoute que l'efficacité de cette cure est loin d'être
constante et que parfois les troubles, après avoir rétrocédé, reparaissent.
Quoiqu'il en soit, la connaissance d'un moyen capable, dans certains
cas, d'atténuer et même de guérir la maladie de Basedow constitue
une acquisition précieuse pour la thérapeutique.
Ces faits ont été vérifiés par de nombreux médecins : par Terson père (Arch. m<M.,
Toulouse, 1902), par Joussement qui, dans son travail sur « le traitement du
goitre exophtalmique » (Thèse, Paris, igo4), rapporte des observations qui lui
sont personnelles, ou qu'il tient de Launois et de Guinon.
Sergent (Soc. méd., ego7, p. 1280), dans une communication intitulée : « t1
propos d'un cas de syndrome de Basedow consécutif à une crise de rhumatisme
articulaire aigu prolongé », écrit : ... « Il est permis de penser que si le salicylate
de soude, administré pendant longtemps, exerce une influence heureuse sur cet
état pathologique, c'est parce que celui-ci présente des affinités plus ou moins
étroites avec le rhumatisme aigu. »
H. Vincent (Soc. méd., 1907, p. 1286), dans une communication ayant pour
titre : « Rapports de la maladie de Basedow avec le rhumatisme aigu exprime la
même idée. « Il n'est pas jusqu'à la thérapeutique spéciale, dit-il, dont est
parfois justiciable le goitre exophtalmique, qui ne vienne apporter une nouvelle
confirmation de l'étroite relation existant entre cette maladie et le rhumatisme.
Chibret et Babinski ont recommandé le salicylate de soude dans le traitement de la
maladie de Basedow. Chez quelques malades de Babinski les effets ont été remar-
quables. Je puis confirmer les résultats favorables donnés par cette médication. »
VIII. AFFECTIONS DE L'APPAREIL CARDIO-VASCULAIRE
ANÉVRISME DE L'AORTE
Anévrisme de l'Aorte et Troubles pupillaires.
Les troubles pupillaires, en particulier l'inégalité des pupilles, qu'il
n'est pas rare d'observer dans l'anévrisme de l'aorte, étaient attribués
autrefois à une irritation ou à une paralysie du nerf sympathique
résultant d'une compression de ce nerf par la poche anévrismale. Sans
contester qu'il puisse en être ainsi dans certains cas, j'ai montré que
le mécanisme de ces perturbations est d'habitude bien différent (78).
Recherchant le réflexe à la lumière dans des cas d'ectasie aortique
avec inégalité pupillaire, j'avais constaté qu'il était très affaibli ou
aboli, ce qu'une lésion du sympathique, quelle qu'en soit la nature
et l'intensité, ne saurait expliquer. Dans les faits en question, les
troubles pupillaires étant permanents, n'étant liés à aucune lésion
des globes oculaires et n'étant pas associés à une paralysie de la
3e paire, réalisaient les conditions requises (voir p. 58) pour être
légitimement attribués à une lésion syphilitique des centres ner-
veux. J'ajoute que j'avais noté aussi, dans quelques-unes de mes
observations, une abolition des réflexes achilléens, ce qui venait à
l'appui de l'hypothèse d'affection organique du système nerveux.
J'émettais l'idée que dans les faits étudiés par moi les troubles de la
pupille n'étaient nullement sous la dépendance de l'anévrisme, que
190 AFFECTIONS DE L'APPAREIL CARDIO-vASCULA1RE
cependant il ne s'agissait pas là d'une coïncidence fortuite, que les
lésions aortiques et les perturbations pupillaires étaient liées par des
relations d'ordre étiologique et que c'était la syphilis qui les ratta-
chait les unes aux autres.
J'extrais de mon travail sur cette question le passage suivant :
« Je rappellerai que la coïncidence entre le tabes confirmé et l'in-
suffisance aortique a été fréquemment signalée ; mais, dans les faits
de ce genre, le diagnostic d'ataxie s'imposait, et il n'y avait aucune
raison pour songer à une compression du sympathique par une aorte
dilatée. Dans les observations que je viens de rapporter, il en est tout
autrement ; la lésion organique du système nerveux eût fort bien pu être
méconnue, ce qui me conduit à me demander s'il n'en a pas été ainsi
dans d'autres cas d'anévrisme aortique accompagné de troubles
pupillaires, et je voudrais savoir jusqu'à quel point est fondée la
notion classique qui fait dépendre ces troubles d'une compression
nerveuse. N'a-t-on pas été amené à cette idée par des considérations
théoriques, en rapprochant les phénomènes pupillaires des phéno-
mènes laryngés qui sont dus à la compression du récurrent ? P
« Pour résoudre cette question, il faut de nouvelles observations ;
j'invite donc mes collèguesà examiner, chez les aortiques qui se présen-
teront à eux, l'état du réflexe à la lumière, et à faire connaître à la
Société les résultats de leurs recherches » ( 8).
Trois semaines après ma communication, Vaquez publia dans les Bulletins de la
Société médicale des Hôpitaux, 1902. pp. 79 et 80, un travail qu'il voulut bien
intituler : « Syndrome de Babinski (Association des troubles de la pupille avec
les lésions de l'aorte). »
En voici quelques extraits :
« M. Babinski nous a rendu le très grand service de mettre de l'ordre et de l'unité
dans ces constatations disparates...
« Nos trois observations représentent un type différent des divers stades de la
maladie ; dans la troisième, les symptômes se réduisent exclusivement à la lésion
valvulaire aortique et à l'inégalité pupillaire avec perte des réflexes à l'accommoda-
tion et à la lumière. Chose curieuse, c'est dans ce dernier cas que la syphilis est le
plus indubitable.
ANEVRISME DE L'AORTE 191
« Si la lésion aortique ne se montrait qu'au cours du tabes confirmé, peut-être
aurions-nous hésité à donner à leur association avec les troubles de la pupille le
nom de syndrome de Babinski, mais comme il peut arriver qu'ils constituent à eux £
seuls toute la maladie, et cela pendant un temps très long, il nous a paru légi-
time de donner à cette association la dénomination sus-indiquée, en raison de l'in-
térêt pathogénique, diagnostique et thérapeutique qu'elle présente.
« En effet, en dehors des cas où la coincidence peut être fortuite, comme celui
d'une lésion valvulaire aortique d'origine rhumatismale évoluant au cours d'un
labes, la réunion des symptômes dont nous parlons devra faire suspecter la syphilis
comme cause étiologique commune, puisqu'il semble acquis que le signe d'Argyll
Robertson est fonction de syphilis.
« Enfin, et pour les raisons précédemment indiquées, il sera désormais néces-
saire ou tout au moins légitime de soumettre au traitement spécifique les sujets
atteints de lésions aortiques chez lesquels, en dehors de toute autre condition étio-
logique que l'on puisse invoquer, l'existence simultanée de troubles pupillaires
montrera la réalité de l'infection syphilitique. »
J. Chaillous a publié en juillet 1902 dans les Annales d'oculislique un mémoiie
intitulé : «Des troubles pupillaires chez les malades atteints de dilatation aortique. »
J'en extrais le passage suivant :
« Cette opinion (opinion de Babinski) est tout à fait opposée à l'opinion clas-
sique répandue dans tous les traités, dans toutes les thèses, et qui met sous la dé-
pendance directe de l'anévrisme de l'aorte les troubles pupillaires qui coïncident avec
lui......
« \TOUS croyons donc pouvoir conclure : le plus souvent les symptômes pupillaires
qui coincident avec les anévrismes de la crosse aortique se rattachent à la cause
même qui a produit cet anévrisme, c'est-à-dire à la syphilis. Ces conclusions n'ont
pas seulement un intérêt théorique. L'examen des pupilles fait d'une façon systé-
matique chez tout malade, et en particulier chez tout malade atteint de lésions
vasculaires, de dilatation aortique, démontrera la nécessité d'une thérapeutique
qui pourra, dans certains cas tout au moins, être plus efficace que celle suivie
jusqu'à présent. »
Renon, dans une leçon clinique (Archives générales de médecine, 4 avril igo5)
intitulée : et Rétrécissement mitral, aortite, coronarite et tabes chez une syphili-
tique », s'exprime ainsi :
« Il existe donc des anévrismes de l'aorte avec des troubles pupillaires tabéti-
ques. On peut en conclure que, dans ces conditions, les troubles pupillaires ne
sont pas liés à l'anévrisme, mais à la cause commune du tabes et de l'aortite, à
la syphilis. Voilà pourquoi ce syndrome justement dénommé syndrome de
Babinski a une si grande importance. »
192 AFFECTIONS DE L'APPAREIL CAliUlO-VASCULA1R
Paul Vautier, dans un travail (Thèse, Paris, igo5) inspiré par P. E. Launois et et
intitulé : « Le syndrome de Babinski », rapporte un grand nombre d'observations
confirmatives de mon opinion.
Edgard Hirtz et Paul Braun (Bulletins de la Société médicale, 19 II, t. XXXI,
p. 37), dans un article intitulé «Note sur dix cas d'aortite syphilitique écrivent :
« M. Vaquez a insisté avec raison sur l'association fréquente de l'insuffisance aor-
tique et du signe d'Argyll (syndrome de Babinski), le signe d'Argyll permettant
d'affirmer la syphilis. »
Grégoire Odobesco, de Bucarest, accepte aussi mes idées et les expose dans un
travail qui a pour titre : « Les troubles pupillaires dans les anévrismes de l'aorte
(Syndrome de Babinski) » (Revista Siiiiiielor Médicale Anul. VIII, n° 3, Martie,
1912).
CYANOSE
J'ai rapporté avec li"e Toufesco deux observations de cyanose des
rétines chez des sujets atteints de rétrécissement de l'artère pulmonaire
(1og, 112). Ces faits sont très rares : des recherches bibliographiques
nous ont montré qu'il a été publié seulement onze observations ana-
logues.
Dans l'un de nos cas, il s'agissait d'un enfant présentant, outre une
cyanose des rétines, de la cyanose généralisée, liée à une malformation
congénitale du coeur avec hyperglobulie. Dans l'autre, on constatait
une cyanose des rétines, légère mais nette, chez un malade atteint
de rétrécissement de l'artère pulmonaire, sans cyanose généralisée; ce
dernier caractère est, selon nous, particulièrement digne d'attention.
Il est probable que le nombre des cas signalés de cyanose des
rétines deviendrait plus grand si l'on soumettait systématiquement à
l'examen ophtalmoscopique tout malade atteint de cyanose généra-
lisée, et, d'une façon générale, tout malade porteur d'une affection
cardio-vasculaire. Notre deuxième observation prouve que la cyanose
des rétines peut exister sans cyanose généralisée, et l'importance de ce
trouble local est considérable, car il traduit une perturbation dans la
circulation du système nerveux central.
IX. - HYSTERIE. - PITHIATISME E
Pour préciser mon rôle dans l'évolution qu'a subie la notion d'hys-
térie, il me faut avant tout rappeler ce qu'étaient les opinions régnantes
sur ce sujet il y a une vingtaine d'années, à l'époque où parut mon
premier travail de revision.
L'hystérie était généralement conçue comme un état névropathique
défiant toute définition, sorte de Protée, apparaissant parfois sous des
aspects qui lui sont propres, mais susceptible aussi de prendre les traits
d'affections diverses, voire do maladies organiques.
On la disait capable de produire des troubles de motilité indiscer-
nables, à considérer seulement leurs caractères intrinsèques, de ceux
que déterminent des altérations cérébrales ou médullaires.
On la croyait en état de donner naissance à des lésions superficielles
ou profondes et à des troubles de toutes sortes : à des érythèmes, des
pillyctènes, des bulles, des hémorragies, des ulcérations et même à des
gangrènes de la peau, à de l'oedème sous-cutané à des paralysies
laryngées, du spasme glottique, de l'oedème de la glotte, des conges-
tions pulmonaires, des hémoptysies, à des ulcérations gastriques,
des hématémèses, du méloena, à de l'anurie, des hématuries, de
l'albuminurie, - à de l'angine de poitrine, de la tachycardie et de la
bradycardic, à une hyperthermie, parfois très élevée.
13.w;mssr. là z
194 ' HYSTÉRIE, - P1TI11AT1SII;
L'hystérie occuperait ainsi un domaine extrêmement vaste, dont les
limites ne sauraient être fixées.
Les causes auxquelles on rapportait les accidents hystériques
n'étaient pas moins variées et leur action, mal déterminée, était com-
prise diversement. Le rôle de la suggestion, incontesté d'ailleurs,
n'était pas apprécié par tous de la même manière. L'école de Nancy,
qui lui accordait plus d'importance que l'école de la Salpêtnère, allait
qui lui accordait plus d'importance que l'école de la Salpêtrière, allait
jusqu'à soutenir, ce que personne n'accepte plus maintenant, que sa
sphère d'action englobe des affections organiques. Elle admettait
cependant que les troubles hystériques peuvent se développer en l'ab-
sence de toute suggestion. L'émotion était unanimement considérée
comme un agent étiologique ayant la puissance de créer des désor-
dres hystériques sans que la conscience soit avertie de leur développe-
ment, sans que la volonté puisse intervenir pour y mettre obstacle.
On saisit aisément les conséquences, au point de vue médico-légal,
d'une pareille manière de voir.
Telle était l'hystérie traditionnelle, « la grande Névrose ». Cette
conception, autrefois déjà objet de critiques partielles et isolées,
n'avait cependant pas été profondément ébranlée.
La réflexion et l'observation attentives m'en éloignant peu à peu
m'ont conduit à lui en opposer une autre, sur certains points fonda-
mentaux, toute nouvelle.
L'étude comparative des paralysies hystériques et des paralysies
organiques avait d'abord fixé mon attention et, comme l'occasion s'est
déjà présentée pour moi de le dire, l'insuffisance des moyens dont on
disposait pour les distinguer m'avait frappé. On croyait, je le rap-
pelle, que ces deux espèces de paralysies étaient capables de se
manifester par les mêmes caractères intrinsèques ; on ne pouvait
donc chercher que dans les circonstances concomitantes le trait dis-
tinctif qu'elles ne possèdent pas en elles-mêmes. Par exemple, une
HYSTÉRIE. PiTfHATtSË 195
hémiplégie qui, survenant chez un sujet jeune, ni cardiaque, ni
syphilitique, s'accompagnait des « stigmates » de « la névrose »
(hémianesthésie, insensibilité du fond de la gorge, rétrécissement
du champ visuel, etc.), était généralement considérée comme hysté-
rique ; dans les conjonctures inverses on l'attribuait, au contraire,
à une lésion des centres nerveux.
Il y avait là un manque de précision et un défaut de logique. On
savait, en effet, depuis longtemps déjà que, d'une part, les manifesta-
tions variées de l'hystérie ne sont pas indissolublement liées auxdits
stigmates, que ceux-ci, d'autre part, peuvent s'associer à une paralysie
organique ; la présence ou l'absence d'une anesthésie sensitivo-sen-
sorielle ne saurait donc autoriser à affirmer ou à nier la nature hysté-
rique d'une paralysie ; de même, la présence ou l'absence de signes
soit d'une affection cardio-vasculaire, soit de la syphilis, ne donne
pas le droit d'admettre ou d'écarter l'idée d'une paralysie organique.
Dès lors la nécessité de soumettre les troubles paralytiques à une
analyse plus approfondie et de s'appliquer à trouver en eux-mêmes des
caractères différentiels m'apparaissait et s'imposait à mon esprit.
Des recherches méthodiques, dont les premiers résultats, déjà déci-
sifs, furent publiés en 1893, m'amenèrent à cette conclusion que dans
les paralysies et les contractures hystériques pures il n'existe aucune
perturbation des réflexes tendineux (4o). Cette donnée, qui parait
fort simple aujourd'hui où elle ne rencontre plus guère d'opposition,
a longtemps été contestée et, périodiquement, pendant des années,
elle a suscité des contradictions. Les objections reposaient invaria-
blement, d'ailleurs, sur des faits inexactement observés ou fausse-
ment interprétés, comme j'ai pu le démontrer toutes les fois que ai
été à même de les contrôler. En compulsant les Bulletins de la Société
de Neurologie de Paris, on trouve bien des cas de ce genre : ici, c'est
une hémiplégie prétendue hystérique accompagnée d'une exagération
unilatérale des réflexes tendineux ; là, une paraplégie, avec de la sur-
réflectivité aux membres inférieurs, de la trépidation épileptoïde du
196 HYSTÉRIE. P1TII1AT1SME
pied, que l'on rapporte également à l'hystérie. Mais, pour aucun de
ces faits, la vérification du diagnostic porté n'a été fournie ; générale-
ment, ceux qui avaient présenté de pareils malades venaient déclarer
ultérieurement que la marche de l'affection les contraignait d'aban-
donner leur première hypothèse et de reconnaître que, conformément
à mon opinion, il s'agissait de quelque affection organique. D'autres
fois, l'erreur avait une origine bien différente : chez tel malade, réel-
lement atteint d'une paralysie hystérique, on croyait à tort trouver
des réflexes tendineux très exagérés avec épilepsie spinale. La convic-
tion, si répandue jadis, que l'hystérie, comme les lésions du système
pyramidal, peut provoquer de la surréflectivité, tenait principale-
ment à ce que l'étude des réflexes tendineux à l'état normal avait été
négligée et que la gamme de leurs différences individuelles n'avait pas
été suffisamment fixée. En l'établissant avec précision, en distin-
guant (voir p. 31) la trépidation épileptoïde « parfaite », phénomène
pathologique, de la trépidation épileptoïde « fruste », phénomène
physiologique, observable, cela va sans dire, chez un individu atteint
de paralysie hystérique aussi bien que chez un sujet sain, j'ai fourni
le moyen d'éviter un écueil sur lequel autrefois on a si souvent donné.
L'hystérie n'a pas d'action appréciable sur les réflexes tendineux ;
elle n'est pas plus en mesure de les exagérer que de les affaiblir ou de
les abolir. Il en va de même des réflexes pupillaires et du réflexe
pharyngien. Ces données, qui résultent de nies investigations et qui
sont aujourdhui classiques, jointes à d'autres faits nouveaux, ont
sapé les fondements de l'ancien édifice de l'hystérie.
J'ai indiqué ailleurs (p. 1 6) toute une série do signes appartenant
aux paralysies organiques et faisant défaut dans les paralysies hysté-
riques. Il n'est pas nécessaire d'y revenir. De plus, dès 1892, j'avais
montré comment, en considérant uniquement les caractères des trou-
bles moteurs, on peut distinguer la paralysie faciale hystérique de la
paraly sie faciale organique (35, 38).
Ces travaux successifs, confirmés de toutes parts, ont entraîné a\ec
f15'S1'$131E. - l'11'llli\'l'1511 lUi
eux les premieis changements, du reste très importants, dans la doc-
trine traditionnelle de l'hystérie. 11 découle, en effet, de ce qui précède
que cet état n'est pas, tant s'en faut, capable « de tout faire » comme
on le disait jadis ; qu'il ne peut, en particulier, reproduire divers phé-
nomènes appartenant aux paralysies organiques dont ils constituent,
par conséquent, des attributs; que le diagnostic de ces deux espèces
do paralysies, au lieu de s'appuyer sur des caractères extrinsèques,
d'être ainsi arbitraire, livré au « flair » du médecin, est soumis à des
règles précises et, dans la grande majorité des cas, peut être porté
aec certitude, maintenant qu'il repose sur la recherche des caractères
intrinsèques.
Mais ce ne sont pas là les seules conséquences de ces données nou-
velles.
Logiquement, les résultats auxquels j'étais arrivé et que je viens
d'exposer devaient m'entraîner plus loin. Il devenait indispensable
de soumettre à une revision générale les troubles circulatoires, tro-
pliques et caloriques prétendus hystériques, car la notion de troubles
de cette nature semble avoir en partie pour origine des observations
faites sur des hémiplégies indûment rapportées à l'hystérie. Il n'est
pas rare, en effet, de voir, dans l'hémiplégie organique, des phéno-
mènes vaso-moteurs, de l'hypothermie du côté paralysé ; en pareil
cas, d'un diagnostic erroné d'hémiplégie hystérique on devait inévi-
tablement déduire que l'hystérie a la faculté de produire des troubles
circulatoires; de là à conclure qu'elle peut donner naissance à des
hémorragies el à des lésions cutanées diverses, il n'y a qu'un pas : et
alors, pourquoi n'y aurait-il pas aussi des hémorragies viscérales
'hystériques ? La fièvre hystérique semble aussi chose toute naturelle,
car si l'hystérie est apte à exercer une action perturbatrice sur les
centres des réflexes tendineux et les centres vaso-moteurs, il y a des
raisons de penser qu'elle peut aussi troubler dans leur fonctionne-
198 HYSTÉRIE. P1THIATISME
ment les centres régulateurs de la température. Toutes ces déduc-
tions, étant logiques et en apparence corroborées par des observa-
tions, ont été acceptées par les meilleurs esprits ; mais, ayant une
erreur à leur point de départ, elles étaient vaincs, entachées de nullité.
J'estimai donc qu'on devait faire table rase et se mettre, sans parti
pris, en quête de nouveaux faits relatifs à cette question.
Mes observations personnelles me firent de plus en plus douter de
l'authenticité des troubles que je viens d'énumérer : il ne me fut pas
donné d'en voir un seul exemple probant. Pendant des années, sans
cesse je réclamai de mes collègues la présentation de faits de ce genre
au cas où ils en constateraient. On crut d'abord en trouver, mais à
leur propos se renouvela ce qui s'était passé pour « la surréflectivité
tendineuse hystérique » : les événements prouvèrent bientôt qu'on
s'était mépris : ce fut tantôt un oedème qualifié au début d'hystérique
qui se révéla dans la suite en rapport avec une synovite tuberculeuse,
tantôt des phlyctènes attribuées également à l'hystérie, et que le malade
on le découvrait plus tard produisait volontairement par des
irritations artificielles. Aucune de ces observations ne put résister à un
examen rigoureux. Ceux qui s'obstinaient à rester fidèles à la vieille
doctrine conservaient l'espoir de rencontrer un jour ce que leurs
prédécesseurs affirmaient avoir vu, répétant que « les faits négatifs
ne sauraient prévaloir contre des faits positifs ». Quant à moi, je ne
cessais de soutenir que les documents anciens étaient suspects
et qu'il en fallait de nouveaux pour résoudre le problème posé.
Afin de donner à mon enquête toute l'ampleur désirable, je conseillai
à un de mes élèves, Icndicini Bono, de procéder à une information
sur ce sujet auprès d'un grand nombre de médecins chargés de
services hospitaliers à Paris. Aucun d'eux ne fut en mesure de
fournir un seul fait qui confirmât l'hypothèse de troubles circulatoires
ou trophiques d'origine hystérique. Il ne se trouva non plus per-
sonne pour s'en porter garant, lorsque leur réalité fut discutée en
if)0() à la Société de Neurologie de Paris.
HYSTÉRIE. - PITI111T15\IH : 199
Sans doute, on savait autrefois déjà que, parmi les cas publiés sous
ce titre, il en était de controuvés. G est ainsi qu'on avait reconnu la
nature fictive de certaines « fièvres hystériques ». Charcot lui-même
avait mis en garde contre les erreurs d'interprétation et les superche-
ries. Il n'en est pas moins vrai que l'éminent neurologiste admettait
l'existence des hémorragies, des lésions cutanées hystériques et qu'il
avait décrit sous la dénomination d'oedème bleu un trouble circulatoire
qu'il rattachait à la névrose.
Ce qui m'appartient, c'est d'avoir vu la nécessité de remettre sur le
chantier tout ce chapitre de pathologie et d'avoir établi, par une
inspection sévère des faits, qu'il n'en était pas un justifiant son main-
tien. De temps en temps surgit encore quelque contradicteur, mais
n'en est-il pas de même pour les vérités médicales le plus solidement
établies ? P
En résumé, autrefois, on attribuait à l'hystérie la faculté d'engen-
drer des phlyctènes, des ulcérations, des gangrènes superficielles,
des hémorragies cutanées et viscérales, de la fièvre; on lui prêtait
aussi le pouvoir de créer de l'albuminurie, de l'anurie. Tout cela était
enseigné dans les traités classiques et les communications sur ce
sujet abondaient. A partir de yogi, époque où a paru mon premier
travail d'ensemble sur la délimitation de l'hystérie, ces publications
sont devenues de plus en. plus rares ; on en chercherait vainement
une seule dans les Bulletins de la Société médicale des Hôpitaux de
Paris et de la Société de Neurologie de ces six dernières années.
Cette histoire n'est plus qu'une légende 1.
Les travaux que je viens de résumer ont eu pour effet de restituer à
des affections organiques, aujourd'hui bien connues, ce que l'hystérie
s'était indûment approprié ; de plus, ils ont contribué à la désencom-
I. Je fais abstraction pour le moment des troubles )aso-moteurs, superficiels, transitoires
(ér thèmes, dermographisme), qui seront plus loin l'objet d'une discussion (p. 201).
200 HYSTÉRIE. PITII IAT] S)IE
brer des produits de la supercherie. Ils ont une valeur pratique sur
laquelle nous reviendrons plus loin et constituent des acquisitions dont
l'importance n'est nullement subordonnée je tiens à le faire
remarquer - à l'opinion que l'on peut avoir sur les autres questions
dont nous allons maintenant aborder l'examen.
Le domaine de l'hystérie ainsi déblayé, il restait encore un grand
nombre de matériaux. Le reliquat était composé de troubles ayant
pour caractère commun l'absence de substratum anatomique, dans la
mesure du moins où les moyens d'investigation dont nous disposons
permettent de l'affirmer. Mais ce point de ressemblance ne suffit
pas pour les assimiler complètement. 1- a-t-il là un tout homogène aux
diverses parties duquel le terme « hystérique » puisse être appliqué ? Ne
s'agit-il pas au contraire d'un assemblage artificiel composé d'éléments
disparates ? Tel est le nouveau problème que je me posai.
De mes observations et expériences comparatives je retiens seule-
ment celles qui m'ont paru décisives et m'ont permis d'atteindre le
but visé.
Depuis longtemps, comme je l'ai rappelé plus haut, on connaissait
le rôle de la suggestion dans la genèse des troubles hystériques, et
celui de la psychothérapie dans leur traitement. Cependant, malgré
l'importance attribuée à ces agents, on s'accordait à dire que leur
influence ne s'étendait pas sur toutes les manifestations de l'hystérie.
Pouvait-on du reste avoir une autre opinion à l'époque où l'on faisait'
entrer des états organiques dans le cadre de cette névrose ? Il est 6%i-
dent qu'on courait à un échec inévitable lorsque, par exemple, on
s'acharnait à traiter par des procédés d'ordre psychique, la considé-
rant comme hystérique, une hémiplégie due à une hémorragie céré-
brale. Mais les progrès de la sémiologie ayant donné le moyen d'évi-
ter de pareilles erreurs et, l'intrusion d'accidents organiques dans
l'hystérie n'étant plus à redouter, je pensai qu'il y avait lieu de repren-
dre l'élude de la suggestion et de la contre-suggestion dans leurs rap-
ports avec les divers troubles que nous avons en we. Mes recherches
HYSTÉRIE. l'ITIIlATIS} ! E 2111
dirigées dans celle voie m'ont permis de diviser ces phénomènes en
deux groupes bien distincts : la suggestion produit les uns et n'a pas
d'action sur les autres. Toutefois, afin de prévenir un malentendu, il
me faut donner quelques éclaircissements complémentaires.
Au premier de ces groupes appartiennent : des crises convulsives,
des paralysies, des contractures variées, des tremblements, des mouve-
ments choréiques parfois irréguliers, mais généralement rythmés, des
troubles de la phonation, de la respiration. de la sensibilité (anes-
thésie, hyperesthésie). des troubles sensoriels, accidents ayant pour
caractère commun do pouvoir être reproduits par la suggestion expé-
rimentale qui, fait capital, est capable d'en déterminer la forme, l'in-
tensité et la durée. Ces accidents, soit dit en passant, peuvent être imi-
tés par un simulateur habile et éduqué, ce qui constitue une source
de difficultés dans les expertises médico-légales relatives à ce qu'on
appelle l' « hystéro-traumatisme ».
Ces troubles sont susceptibles aussi de disparaître, parfois instanta-
nément, sous la seule influence de la persuasion ou contre-suggestion.
On peut même dire que la psychothérapie les guérit presque imman-
quablement à moins qu'elle ne soit contre-balancée par une influence
opposée : soit une action contre-psychothérapique exercée involontaire-
ment par l'entourage du malade, soit. dans les cas d'associations
hystéro-organiques, par l'auto-suggestion qu'entretiennent les désor-
dres dus à la lésion. J'ajouterai incidemment que ces manifestations
peuvent encore être réfractaires au traitement chez un sujet atteint
d'une affection mentale telle que l'hébéphrénie.
Le deuxième groupe comprend d'une pari le dermographisme, qui
traduit une exagération des réflexes vaso-moteurs cutanés, et d'autre
part des réactions émotives anormalement intenses et prolongées :
tachycardie, érythèmes, hypersécrétion sudorale ou intestinale. La
suggestion n'est pas en mesure de les reproduire et la contre-
suggestion est sans action sur eux. On m'a objecté la possibilité
de provoquer chez certains sujets, presque au commandement,
202 HYSTÉRIE. PITH1ATISMF.
une accélération des battements cardiaques et des réactions vaso-
motrices qui seraient ainsi les effets d'une suggestion. Ce n'est pour-
tant qu'une apparence. En réalité, l'influence de la suggestion sur ces
désordres est très indirecte ; lorsqu'elle les fait naître, c'est par l'inter-
médiaire de l'émotion qu'elle peut occasionner. Elle n'en est pas mai-
tresse ; une fois qu'ils ont apparu. ils échappent à son influence ; elle
est incapable d'en déterminer la forme, l'intensité et la durée.
Ainsi donc, un caractère fondamental sépare ces deux groupes de
troubles. Voilà un nouveau point bien établi.
Cependant, malgré leurs différences, il serait possible qu'ils fussent
rattachés par quelque lien ; on aurait le droit de le soutenir s'il y
avait entre eux comme une attraction ; mais en fait il n'en est rien.
Ainsi que je l'ai montré par une étude comparative, le dermogra-
phisme et l'émotivité excessive s'observent aussi fréquemment chez
des individus d'ailleurs normaux que chez ceux qui présentent des
accidents du premier groupe : attaques de nerfs, contractures, etc. Il
n'y a donc aucune raison de réunir ces deux ordres de phénomènes
et de leur donner une dénomination commune. Ils doivent être com-
plètement dissociés et recevoir chacun un nom différent. Cette con-
clusion à laquelle je suis arrivé n'est nullement arbitraire, comme
certains l'ont prétendu ; elle est imposée par la logique.
Il serait évidemment irrationnel de continuer à appeler hystériques
les troubles que nous avons rangés dans le deuxième groupe ; du
reste, les termes : « dermographisme, troubles vaso-moteurs ou trou-
bles de la réflectivité vaso-motrice, troubles émotifs ou troubles de
l'émotivité » ne suffisent-ils pas à traduire les idées qui s'y atta-
chent ? .
Il y aurait même quelque avantage à abandonner l'usage du terme
hystérie qui, pris dans son sens étymologique, ne répond à aucun des
faits que nous envisageons. Si pourtant on veut le conserver, il est
légitime de le réserver au premier groupe qui comprend les troubles
impressionnants dont ce mot évoque presque automatiquement le sou-
HYSTÉRIE. P1TIIIATISME 203
venir (grandes attaques de nerfs, chorées épidémiques du moyen âge,
paralysies guéries « miraculeusement »).
J'ai proposé de le remplacer par le vocable « pithiatisme », de
TTStOu persuasion et ? irc guérissable, qui exprime l'un des caractères
fondamentaux de ces accidents : la possibilité de les guérir sous l'in-
fluence de la persuasion. C'est là un point de terminologie qui n'a
pas un intérêt capital et sur lequel je n'insiste pas.
Le démembrement de l'hystérie traditionnelle se trouve donc
accompli : les éléments hétérogènes, avec lesquels celle-ci avait été
constituée grâce à un assemblage artificiel, ont été séparés et chacun
d'eux a été mis à sa place naturelle.
L'hystérie, a dit Lasègue, n'a jamais été définie et ne le sera jamais.
En effet, comme il est impossible de donner une définition s'appliquant
à la ibis à divers objets de nature toute différente, il était impossible
autrefois de définir ce qu'on englobait sous ce titre. Aujourd'hui, il
n'en est plus de même. La délimitation du groupe des phénomènes
que l'on peut appeler indifféremment hystériques ou pithiatiques est
chose faite. Ils ont des caractères qui n'appartiennent qu'à eux, dont
tous les autres états morbides sont dépourvus, et qui par suite consti-
tuent les éléments de la définition de l'hystérie ; je l'ai énoncée de la
façon suivante :
« L'hystérie est un état pathologique se manifestant par des troubles
qu'il est possible de reproduire par suggestion, chez certains sujets,
avec une exactitude parfaite et qui sont susceptibles de disparaître sous
l'influence de la persuasion (contre-suggestion) seule'. » (19 1)
i. Je ferai remarquer que j'ai déjà exprime cette idée, en partie, il y a plus de vingt ans,
en 1890 (27). Voici du reste un extrait du travail dont je viens de donner l'indication, p. m i
et p. 12 :
« Lorsqu'on essaye, chez une hystérique (ce procédé réussit surtout si on est en présence
d'un sujet hypnotisé), à développer par la suggestion des symptômes dus par exemple à
°OU Ill'$TIsRII ? - l'l1'F11.11'1S\Ils'
Quelques auteurs ont critiqué celle définition, soutenant que la
persuasion ou contre-suggestion serait capable de guérir des troubles
névropathiques non hystériques, en particulier des symptômes neu-
rasthéniques. Il y a là une confusion évidente : on est d'accord pour
reconnaître que les phénomènes d'épuisement, caractères essentiels de
la neurasthénie, ne sont pas susceptibles de guérir sous l'influence de la
contre-suggestion seule; les symptômes qu'on fait disparaître au moyen
de ces pratiques ne sont que des accidents hystériques, pithiatiques,
greffés sur la neurasthénie. Du reste, il y a Niii-1 et un ans, en 1892,
j'ai insisté sur la fréquence des associations de ce genre (3G).
Je crois donc pouvoir dire que ma définition est adéquate : elle
convient à l'objet défini tout entier et ne convient qu'à lui seul.
Ce fait que la suggestion a le pouvoir de reproduire expérimenta-
lement d'une manière parfaite tous les troubles hystériques ne prouve
sans doute pas, à priori, que ceux-ci soient eux-même dus à la sugges-
tion. Cependant, je l'ai déjà dit précédemment, la possibilité de sa
participation à la production des accidents hystériques en appa-
rence spontanés n'a jamais été niée ; l'observation clinique l'établit
avec une telle évidence qu'une pareille vérité n'aurait pu passer
inaperçue. Mais dans quelle mesure la suggestion intervient-elle
alors ? P
quelque maladie organique du système nerveux, on obtient souvent une reproduction qui
peut paraître parfaite à un observateur peu attentif. Mais il n'y aura pas de méprise pour un
neuro-pathologiste exercé; l'hystérique, en effet, parviendra, dans ce cas, à présenter un
aspect symptomatique qui rappellera l'affection en question, soit grâce à la faculté d'imi-
tation que nous possédons tous à un degré plus ou moins accentué (mais la copie se distin-
guera aisément de l'original), soit en faisant éclore chez elle des manifestations hystériques
qui ne ressemblent que grossièrement aux phénomènes dont il s'agit. On cherche, par
exemple, à faire reproduire les signes cliniques de l'hémiplégie facialo périphérique en
montrant le malade au sujet hypnotisé ou en lui suggérant qu'une des commissures labiales
s'élève ou s'abaisse. On pourra obtenir ainsi, il est vrai, une déviation faciale due à une
contraction musculaire ou à une contracture, un spasme glosso-labié, mais ses caractères
seront faciles à distinguer do ceux qui appartiennent à la paralysie faciale. »
HYSTÉRIE. - PITHIATISME 20."
On ne le savait pas autrefois et l'on était loin de se rendre un compte
exact de ses divers modes d'action. Il en est un en particulier, la
suggestion médicale, longtemps méconnue, sur laquelle Bcrnheim a
attiré l'attention et dont j'ai montré toute l'importance. On peut bien
l'apprécier dans l'étude des prétendus stigmates hystériques qui se
développaient, disait-on, à l'insu des malades, à la manière d'un
trouble organique, sans représentation mentale préalable ; Bernheim
lui-même admettait la possibilité d'une hémianesthésie et d'une am-
hlyopic hystériques n'ayant pas la suggestion pour cause. Jadis, on
constatait chez la plupart des hystériques lesdits stigmates « perma-
nents » qui, suivant la croyance ancienne, donnaient aux accidents
transitoires un cachet d'authenticité. C'était une erreur ; elle tenait
à ce qu'on ignorait l'action inconsciente que, par ses questions et par
son attitude, le médecin peul avoir sur la genèse de ces désordres. Je
m'en suis assuré par l'étude systématique d'une série de malades
atteints d'accidents hystériques et qui jusque-là n'avaient été soumis
à aucun examen médical; j'ai exploré l'état de leur sensibilité et de
leur vision, avec la préoccupation constante d'éviter pendant mon
interrogatoire les réflexions, les gestes inopportuns qui auraient pu
troubler la spontanéité de leurs réponses; or, chez aucun de ces sujets,
dont le nombre s'élevait à plus de cent, je n'ai constaté ni hémianes-
thésie, ni rétrécissement du champ visuel, ni dyschromatopsie. Tout
commentaire serait superflu.
C'est la suggestion se manifestant par un besoin d'imitation qui
explique la contagiosité des phénomènes hystériques, en particulier
des attaques nerveuses ; elles se propageaient autrefois dans les salles
de malades sous forme d'épidémie, lorsqu'on n'en connaissait pas bien
le mécanisme.
La suggestion peut intervenir sous une forme différente dans les
associations hystéro-organiques : l'auto-suggcstion remplace l'hétéro-
suggestion ou s'y ajoute. On conçoit bien que des symptômes pro-
duits par une maladie tant suit peu tenace, sur lesquels se concentrent
206 IITSTLL31E. - PITII1AT1SME
l'attention et l'inquiétude de l'intéressé, fassent éclorc des troubles
qui sont du domaine de la suggestibilité.
Parfois, cette épine organique peut être minime ; c'est un trouble
passager, une légère douleur, un petit traumatisme, un froissement
musculaire qui, rencontrant un terrain favorable, sera le point de
départ d'un complexe travail d'auto-suggestion dans lequel l'analyse
psychologique aura bien de la peine à démêler le rôle joué par
les diverses causes qui ont pu y prendre part : les méditations du
sujet, toute son expérience antérieure et ses croyances, la sollicitude
maladroite de son entourage, enfin les examens médicaux avec leur
appareil impressionnant bien propre à éveiller l'attention du malade
et à diriger son imagination dans des voies souvent imprévues. Tous
ces éléments se mêlent, s'enchevêtrent, et de leur action combinée
résulte l'accident hystérique qui désormais subsiste seul tandis que
risque de passer inaperçu tout le travail d'auto- et d'hétéro-suggestion
qui l'a précédé et préparé.
Il est inutile d'insister davantage sur l'importance de la suggestion
dans la genèse des accidents hystériques. Mais je n'ai pas encore
prouvé qu'elle en soit la condition sine duâ non. D'autres agents,
l'émotion en particulier, ne peuvent-ils pas les engendrer, conformé-
ment à l'opinion unanimement admise autrefois ? p
Avant d'aborder cette question, il importe de la poser en termes
précis. Sans doute, il y a lieu de penser, à priori, que les ébranlements
physiques et surtout les secousses morales peuvent amoindrir la per-
sonnalité, affaiblir le sens critique, augmenter la suggestibilité et
jouer ainsi un rôle indirect dans le développement des troubles
pithiatiques; mais ces agents ne feraient alors que préparer le terrain
à la suggestion. Sont-ils capables, comme on l'a soutenu, de créer
par leurs propres forces, toute suggestion étant écartée, des phéno-
mènes hystériques ? En d'autres termes, une paraplégie, une mono-
plégie hystériques, par exemple, pourraient-elles apparaître sous lin-
HYSTÉRIE. PITII1AT1SME 207
lluence d'une émotion' sans aucune représentation mentale préalable,
automatiquement, à la manière d'une sécrétion sudorale, d'un flux
intestinal, d'un érythème Tel est le problème, capital pour qui veut
pénétrer la nature et le mécanisme de l'hystérie, qu'il fallait, selon
moi, soumettre de nouveau à l'étude, car la méthode dont on s'était
servi pour la résoudre est défectueuse. Voici en quoi elle consiste :
étant donné un malade atteint d'un accident hystérique, on tâche
d'établir par son interrogatoire et par celui de son entourage les cir-
constances dans lesquelles cet accident a pris naissance ; si parmi ces
circonstances on relève une émotion, on la considère comme une
cause de l'accident produit. Ce sont des observations de cet ordre
qui ont conduit à l'opinion classique sur le rôle de l'émotion dans
l'hystérie.
J'ai montré qu'en suivant une pareille voie, on ne saurait atteindre
la vérité ; en celte matière il faut tenir pour suspects les renseigne-
ments fournis par les malades, enclins, même quand ils sont
atteints d'une affection organique, à faire dépendre de quelque émo-
tion, ancienne ou récente, les troubles dont ils souffrent; de la meil-
leure foi ils peuvent induire en erreur. D'ailleurs, étant donné le
problème posé, il ne suffirait pas d'établir que l'éclosion d'un de ces
accidents aéré précédée d'un choc psychique ; il faudrait encore prouver
que la suggestion est restée étrangère à son développement. Or, celle-ci
1. Dans un travail fait en collaboration avec J. Dagnan-Bol1\eret. ayant pour titre
« Emotion et Hystérie » (I(J1), nous avons insisté sur la distinction qu'il y a lieu de faire
entre l'émotion choc et l'émotion lente..1 la première nous avons réservé le nom d'émo-
tion et nous avons appelé la seconde état affectif.
Nous avons défini l'émotion de la façon suivante : « Une modification brusque de l'affec-
tivité se produisant sous l'influence d'une représentation soudaine et qui rompt, pour un
temps généralement assez court, l'équilibre physiologique et l'équilibre psychique. »
Nous avons montré qu'il fallait opposer dans la vie affective les phénomènes diffus à ceux
qui sont systématisés. Le premier groupe comprend toutes les émotions proprement dites et
certains états affectifs comme la tristesse vague non motivée. Au second appartiennent les
états affectifs organisés dont les types principaux sont les sentiments d'espérance et de crainte,
ces états possédant le pouvoir d'entrer dans des complexus représentatifs et de leur donner
de la vie.
208 HYSTÉRIE Pl'11111T1S\Il.
implique l'idée d'une perturbation de la conscience, et tant qu'on la
subit on n'en a pas une notion nette.
La méthode dont on s'est servi, où les recherches se font au moyen
d'une rétrospection, ne peut conduire au but visé.
J'en ai adopté une autre qui procède d'une manière inverse : étant
donnée la présence ou l'absence de certaines conditions qui sont ou
semblent être propres au développement d'accidents nerveux, on se
met en quête de troubles hystériques : on peut dire que ces une
recherche par prospection. Il n'est pas fait appel au témoignage des
malades et à leurs interprétations. Cette méthode permet, si l'on varie
les observations, de discerner les causes supposées de l'hystérie, de
les dissocier et d'apprécier la valeur de chacune d'elles. Déjà je l'ai
appliquée à la critique des « stigmates », comparant, comme on
l'a vu, deux groupes d'hystériques, dont l'un avait été exposé et
l'autre soustrait à l'action de la suggestion médicale ; ce rapproche-
ment a montré que sans son intervention ces stigmates ne se déve-
loppaient pas ; la suggestion semble donc constituer pour leur genèse
une condition indispensable.
L'étude comparative de milieux hospitaliers, dans le passé et le
présent, ressortit aussi à cette méthode : autrefois, il n'était pas rare
d'observer dans une salle plusieurs malades à la fois en proie à des
contorsions, à des crises avec arc de cercle ; cela ne se voit plus jamais
maintenant. Et cependant le coeur humain n'est pas de nos jours plus
préservé des chocs moraux qu'il ne l'était jadis.
Pourquoi donc ce changement ? C'est qu'autrefois le médecin
« cultivait » inconsciemment l'hystérie ou du moins, n'en connaissant t
pas bien le mécanisme, ne prenail pas. comme il le fait actuellement,
les mesures propres à en faire disparaître les manifestations dès leur
apparition et à préserver les voisins de la contagion.
De ce qui précède ne semble-t-il pas se dégager que l'émotion, du
moins l'émotion seule. ne crée pas de crises hystériques ?
On pourrait faire des remarques analogues à propos des épidémies
H1'S1'RIE. - l'lTIll1'l'IS\lE 209
de chorée rythmée hystérique qui depuis longtemps ne se sont plus
reproduites.
La méthode par prospection trouve une application directe el four-
nit des données plus démonstratives sur le point qui nous occupe
dans les enquêtes faites auprès de personnes qui, fortuitement ou en
raison de leur profession, ont été en contact avec un grand nombre
d'individus placés dans des conjonctures où l'émotion semble
immanquable, et ont été à même de les observer au moment du
choc, avant la phase dite « de méditation » pendant laquelle la
suggestion entre en jeu si souvent. Voici, brièvement résumés, les
résultats de diverses recherches de ce genre dont les premières se
rapportent à des catastrophes frappant à la fois un grand nombre de
personnes.
Plusieurs médecins, ayant assisté à de grands accidents de chemin
de fer et soigné immédiatement les blessés, m'ont fait part de leurs
observations qui toutes étaient concordantes : aucun d'eux n'avait
constaté de troubles hystériques.
Les renseignements communiqués par Neri sur le tremblement
de terre de Messine sont également très instructifs. Quoique ses
investigations aient porté sur plus de deux mille sujets, il ne lui a
pas été donné, aussitôt après la catastrophe, d'en voir un seul atteint
de paralysie, de contracture ou de crises convulsives. Les études
qu'il fit ultérieurement, dans les quelques semaines qui suivirent le
désastre, à un moment où cependant la suggestion aurait déjà pu en-
trer en jeu et accentuer des phénomènes produits par la secousse
psychique, lui donnèrent les mêmes résultats. Il est à noter en parti-
culier que Neri examina soigneusement l'élat de la sensibilité et
mesura an périmètre le champ visuel de plus de 600 « rescapés » dont
quelques-uns souffraient de troubles nerveux divers constituant un
état morbide, une « névrose émotive»; il ne trouva pas un
seul cas d'lié 1111 an osiliésie ou de rétrécissement du champ visuel.
Pourtant on est bien en droit de penser que l'émotion, dans de pa-
13ABL\Sh.t. Ifl
210 Ill'S1'LNIE. - PITHIATISME
reilles circonstances, a dû atteindre son summum d'intensité et mani-
fester son action d'une manière éclatante.
J'ai eu l'idée de procéder à une information auprès des garçons
d'amphithéâtre des divers hôpitaux de Paris. Il est incontestable, en
effet, que la reconnaissance des morts par les parents est de nature à
déterminer chez ceux-ci une émotion profonde que le milieu où elle
s'effectue doit accentuer encore. Parmi ces enquêtes, qui toutes
d'ailleurs ont donné les mêmes résultats, je mentionnerai spéciale-
ment celle que j'ai faite, en compagnie de mon collègue Richardière,
à l'hôpital des Enfants Malades. Pendant une période de dix-huit
ans où près de 20000 décès y furent enregistrés, le garçon d'am-
phithéâtre a vu environ 10000 femmes venir reconnaître le corps
de leur enfant et assister à sa mise en bière ; on peut certes affirmer
qu'il a été le témoin d'émotions sincères. Or, cet homme, d'après
les renseignements très circonstanciés qu'il nous a fournis en ré-
ponse aux questions que nous lui avons posées, n'a pas \ 11 se déve-
lopper devant lui un seul trouble dont la nature hystérique fût avérée;
il se rappelle que cinq ou six fois seulement, dans sa longue carrière,
des femmes tombèrent comme en syncope et restèrent quelques
instants sans connaissance, mais jamais il n'a assisté à une crise con-
vulsive ; il affirme n'avoir pas constaté un seul cas de paralysie ou de
contracture.
Des enquêtes du même ordre ont été faites auprès de confrères, de
surveillantes, de garde-malades ayant eu maintes fois l'occasion
d'observer les effets des secousses morales les plus rives; elles ont
abouti au même résultat.
Ainsi, les recherches par prospection nous présentent sous un aspect
tout nouveau les relations de l'hystérie avec l'émotion; elles montrent
que l'émotion seule, quelle que soit son intensité, n'engendre pas de
troubles hystériques. On peut môme dire que si les émotions, en
affaiblissant le sens critique, peuvent préparer l'esprit à subir la sug-
gestion, elles l'excluent sur le moment et empêchent, lorsqu'elles
HYSTÉRIE. P1Î111ATISMË 21l
sont intenses, le développement des phénomènes pithiatiques ; c'est
pour ce motif que les émotions violentes les font même disparaître.
Quand une émotion sincère, profonde, secoue l'âme humaine, il n'y a
plus de place pour l'hystérie.
Ce qui précède permet de comprendre la variabilité des manifesta-
tions hystériques quant à leur forme et à leur fréquence suivant les
époques et les lieux, variabilité qu'on peut opposer à la fixité, à
1 invariabilité des autres maladies mentales. Cette mutabilité s'expli-
que quand on sait que les phénomènes hystériques sont un produit
de la suggestion. Si l'émotion, comme on le pensait autrefois, pouvait
les engendrer, elles devraient être de nos jours à peu près aussi
communes que par le passé, car les tristesses de la vie n'ont pas cessé
de provoquer des commotions morales.
Une nouvelle question se pose. Les états affectifs, que nous avons
distingués de l'émotion, peuvent-ils être assimilés à celle-ci, en ce qui
concerne leurs relations avec l'hystérie, ou en diffèrent-ils ?
Comme l'émotion, ils sont incapables à eux seuls de créer des
manifestations pithiatiques, mais, contrairement à l'émotion qui est
incompatible avec de pareils accidents, ils jouent dans la genèse de
certains d'entre eux un rôle accessoire, ainsi que nous allons cher-
cher à l'établir.
A ce propos, je dois dire qu mon interprétation des accidents
hystériques on a opposé l'argument suivant : des idées, de simples
idées ne peuvent avoir sur la conduite, sur la santé morale une
influence assez grande pour produire de pareils troubles.
Cette objection, d'ordre spéculatif, ne saurait prévaloir contre les
faits que j'ai rapportés, mais, même au point de vue théorique, elle ne
me parait pas fondée; j'ai cherché à la réfuter dans mon travail en
collaboration avec Dagnan-Bouvcrct.
Elle aurait quelque portée s'il s'agissait, par suggestion, d'entendre
l'inlluence d'une idée pure, abstraite, si tant est même que de pareilles
2)2 2 H1ST);R1E. - l'l'r1111'l'l\lE
idées répondent psychologiquement il une réalité quelconque. De
nombreux travaux, entre autres ceux de Hibot, ont montré que
toutes les idées, même les plus abstraites, possèdent un certain coef-
ficient affectif, si faible soit-il. De plus, dans les faits considérés ici, il
n'est pas question d'idées de ce genre; il s'agit d'idées qui enveloppent
un contenu affectif extrêmement riche dont la part n'est certes pas à
négliger. Souvent j'ai insisté sur ce point que le processus psychique de
suggestion participe de la simulation, dans une mesure d'ailleurs va-
riable avec les sujets, et suivant les circonstances au milieu desquelles
apparaissent les phénomènes hystériques. Ceux-ci, peut-on dire, sont
dus à une simulation inconsciente ou subconsciente, ou encore à une
sorte de demi-simulation. Tous ces termes, qui marquent bien le méca-
nisme sur lequel repose la pathogénie de l'accident pithiatique, per-
mettent de le rapprocher, au moins par l'un de ses aspects, de l'acte
volontaire. Cette comparaison me permettra de faire comprendre ma
pensée. Si l'on considère un acte volontaire, on voit qu'il est la réalisa-
tion d'une idée, d'un projet formé à l'avance et, en partie tout au moins,
le résultat d'une opération intellectuelle. Mais si l'on recherche les causes
qui ont l'ait adopter, pour la mettre à exécution, telle idée de préférence
à telle autre, on constate que ce choix a été déterminé par les senti-
ments qu'elle a suscités. Semblablement, l'hystérique saisit l'idée d'un
état pathologique et le réalise lorsque celte idée s'impose à lui par ses
éléments affectifs systématisés (voir la note de la p. 207), c'est-à-dire
lorsqu'elle éveille eliez le malade le désir de certains avantages, ou
des inquiétudes obsédantes, ou un besoin anormal d'étonner, d'attirer
l'attention, en un mot, les mobiles infiniment variés qui peuvent solli-
citer la volonté facile à influencer de ces sujets. Le rôle des éléments
all'ectifs systématisés apparaît dès lors clairement ; ils fixent l'idée et
lui donnent la puissance de réalisation plastique.
En résumé, l'émotion (émotion-choc) ne peut par elfe-même pro-
voquer l'apparition d'accidents hystériques, contrairement à ce qui
HYSTÉRIE. PITHIATISME 213
était autrefois admis sans conteste ; elle s'oppose même à leur déve-
loppement et n'est pas compatible avec eux. Ces accidents, pour appa-
raître, ont besoin de l'intervention d'une idée suggérée, soutenue, il
est vrai, par des états affectifs systématisés, idée dont ils ne sont que
l'expression.
Avant de terminer ce chapitre. je dois dire quelques mots de l'hyp-
notisme qui, selon moi, n'est qu'une dépendance de l'hystérie.
Quelques extraits d'un travail récent (175) exprimeront ma manière
de voir sur certains points essentiels de cette question et me donneront
l'occasion de compléter ce que j'ai dit sur les rapports entre l'hystérie
et la simulation.
« Les phénomènes hypnotiques, comme les phénomènes hystéri-
ques, résultent de la suggestion et disparaissent sous l'influence de la
contre-suggestion, de la persuasion.
« On comprend aisément que l'hypnotisme, étant un produit de
1 imagination, de la suggestion, se présente sous des aspects très divers.
« Le sommeil hypnotique ne crée pas la suggestibilité; il n'est
même pas démontré qu'il l'accroisse; il en constitue simplement une
manifestation'. »
« Les sujets hypnotisables et les hystériques sont susceptibles de
présenter des troubles (phénomènes hypnotiques, phénomènes hysté-
i. Je crois bon de rappeler quelques propositions traduisant des idées autrefois admises,
complètement ou partiellement, par la plupart des neurologistes et par moi-même, je le
confesse.
a. L'hypnotisation pourrait èlre opérée parfois contre le gré du sujet.
6. Le sujet hypnotisé ne se rappellerait plus, au réveil, ce qui aurait eu lieu pendant le
sommeil.
c. Dans l'état léthargique, il serait complètement inconscient.
d. Dans l'état somnambulique, sa propre volonté n'agirait plus et il accomplirait par
contrainte, pendant Hypnose, ou après son réveil, le» actes suggérés.
.l'ai soumis ces propositions à la critique et je crois avoir fourni des arguments établissant
qu'aucune d'elles ne peut tire maintenue aujourd'hui.
2H HYSTÉRIE. - P1TIIIAT1SME
f
riques) à la réalité desquels ils croient, mais seulement dans une cer
taine mesure ; leur sincérité connaît des limites
« Dans toutes sortes de circonstances, l'hystérique se comporte
comme s'il était en partie maître de sa maladie et si sa sincérité n'était
pas absolue : contrairement à l'épileptique, il n'a guère d'attaques que
dans des lieux déterminés ; il sort presque toujours, sans s'être con-
tusionné, des crises clowniques qui ont épouvanté l'entourage; en
proie à des hallucinations terrifiantes, il ne commet pas, à la manière
d'un alcoolique halluciné, des actes dangereux pour lui ; atteint
d'une anesthésie thermique en apparence très profonde, il ne sera pas,
comme un syringomyélique. exposé à se brûler ; un rétrécissement
du champ visuel, quelque prononcé fût-il, ne l'empêchera pas, ainsi
que cela a lieu dans les rétrécissements organiques, de circuler et
d'éviter tous les obstacles. Tout cela rapproche l'hystérie de la simu-
lation et j'ai l'habitude de dire que l'hystérique est en quelque sorte
un demi-simulateur.
« L'hypnotisme peut donner lieu à des réflexions analogues ; suggère-
t-on, par exemple, à un somnambule que la pièce où il se trouve et
l'escalier de sa maison sont la proie des flammes, il manifestera bien
de l'épouvante, mais il se gardera de sauter par la fenêtre, fùt-elle
à deux mètres au-dessus du sol. »
Comment donc faire la part du vrai et du faux ? C'est là un problème
difficile à résoudre puisque, comme on l'a vu (p. 201), tous les phé-
nomènes pithiatiques peuvent être simulés. Il faut avouer qu'il esl
impossible dans chaque cas particulier de déterminer avec certitude
le degré de sincérité du sujet en présence duquel on se trouve; les
circonstances seules permettent de se former sur ce point une opinion
probable. Je serais tenté de dire d'une manière générale que, sans
compter les faits relatifs à 1'llystéro-ti,auii-iatisme, les manifestations s
bruyantes, théâtrales, et l'hypnotisme fait partie de ce groupe, sont,
celles qu'il y a surtout lieu de suspecter, que les troubles discrets
HYSTERIE. - l'ITIIIATlS)IE ' 213
dont le sujet ne fait pas étalage sont au contraire ceux où sa bonne
foi parait le plus vraisemblable; il en est ainsi, en particulier, dans
l'hystérie associée où les phénomènes pithiatiques se greffent sourde-
ment sur les accidents organiques sans que le malade semble avoir
conscience de leur mécanisme. -
Mes travaux sur l'hystérie, outre l'intérêt spéculatif qu'ils peuvent
présenter, ont des conséquences thérapeutiques, médico-légales et
prophylactiques que je vais sommairement indiquer.
1° 11 est de toute évidence que posséder des moyens permettant de
discerner avec certitude les troubles hystériques des doubles organi-
ques est chose utile.
D'une part, en effet, un accident hystérique une fois reconnu et
combattu comme il convient ne tarde pas à disparaître, tandis qu'il
peut s'éterniser si sa nature est méconnue.
D'autre part, l'erreur qui consiste à prendre pour pithiatique une
affection organique expose à négliger le traitement qu'un tel état com-
porte.
De plus, dans les cas d'association, en déterminant exactement ce
qui revient à l'hystérie et à l'affection concomitante. on acquiert
le moyen de se conformer aux indications thérapeutiques posées par
chacune d'elles. '
2° La médecine légale a aussi tiré parti de mes recherches. Les don-
nées qui en résultent ont conduit experts et magistrats à mieux dépis-
ter la supercherie (oedèmes, ulcérations cutanées, etc., prétendus
hystériques), à apprécier plus exactement la valeur de l'hystérie
traumatique, enfin à reconnaître plus sùrement les troubles organi-
ques et 1 incapacité qu'ils entraînent.
Par suite, la loi su ries accidents du travail prèle moins aux divers abus
qu'elle avait d'abord suscités, en même temps que sont mieux saine-
31(i HYSTÉRIE. - PITII1AT1SME
gardés les intérêts légitimes de ceux qui ont droit à un dédommagement.
3° Depuis que l'on connaît toute la portée de la suggestion dans la
genèse des désordres hystériques, suggestion exercée soit par le milieu
familial, soit par le milieu hospitalier, soit par le médecin lui-même,
et que l'on en préserve ceux qui seraient susceptibles de subir ses effets,
les manifestations de l'hystérie sont devenues beaucoup moins fré-
quentes qu'elles ne l'étaient dans le passé.
(Voir il l'Index les n" 27, 3o,3/t, 35, 36, 38, tio, 5g, 77, 89, 100, 101, 10{"
t3 ! (, r35, 14 1 , 1/42, t4((, 1-/15, it,6, il(7, i/|8, ! 53, t5li, r55, 156, 158, 1G2,
175, 191, IgG.)
Neurologistes, cliniciens s'occupant de médecine générale et aliénistes ont pres-
que tous admis, au moins dans ce qu'elle a de fondamental, ma conception de
l'hystérie, du pithiatisme. Cela est pour ainsi dire de notoriété publique et il ne
me serait peut-être pas nécessaire de fournir de témoignage. Quelques citations
ne seront cependant pas inutiles : elles montreront la transformation qui sur
celle question s'est opérée dans les esprits.
Voici quelques extraits d'une communication de Brissaud au « Congrès interna-
tional de Rome des accidents du travail » et intitulée : « Les troubles nerveux post-
traumatiques » (Voir : Revue clinique médico-chirurgicale, ) ? juin tgog, n° 6).
« Ce n'est pas un effet de pure coïncidence si, depuis l'entrée en vigueur de la
loi de 1898, l'hystérie a fait l'objet de recherches si nombreuses. La revision de
l'oeuvre de Charcot est, en grande partie, une conséquence de cette loi. Or, c'est
un des plus actifs coJlaborateursde Charcot qui a démasqué« la grande simulatrice»
et fourni la preuve évidente qu'elle simulait mal. M. Babinski s'était, d'ailleurs,
bien rendu compte que la maladie avait changé avec le temps ; que l'hystérie d'au-
jourd'hui n'était plus celle d'autrefois, celle de la Salpêtrière, celle de Charcot;
qu'elle ne pouvait plus imiter les réactions spasmodiques authentiques et sincères,
comme la trépidation épileptoïde ; qu'elle ne savait plus faire que ce qu'on lui
enseignait : bref, que les seuls symptômes donl elle fût capable en dehors des
attaques de nerfs (ou des vapeurs, comme on disait jadis) se bornaient à cer-
tains phénomènes, en quelque sorte consentis d'avance, ceux qui peuvent être
provoqués par suggestion et supprimés par persuasion. Ces phénomènes, : \1. Babinski les appellc pitliiatidnes.
« Le pifltinlisme, tel serait le nom de l'hystérie nouvelle. Peu importe que ce nom
plaise ou déplaise. Il a une valeur incontestable : quiconque crée un mot est le
maître absolu de l'acceptai ion qu'il lui donne ; , et personne n'a songé 1 nier que
IlYSTlHOE. - PtTllt,\TJS\OE 211
ce mot - d'une formation étymologique irréprochable correspondit exactement
au sens visé par M. Babinski. Les phénomènes pithiatiques sonl donc bien définis.
Le seul point sur lequel l'opinion n'est pas absolument unanime est le suivant :
tous les symptômes de l'hystérie sont-ils pilhialiques ? A la Société de Neurologie
de Paris, deux ou trois voix se sont élevées contre celte formule catégoriquement
affirmative. Mais aucune discordance ne s'est manifestée sur la nature pithiatique
de la contracture, de la paralysie flasque, des anesthésies hystériques, qui sont
justement les stigmates fondamentaux de l'hystérie traumatique.
« Les contractures pithiatiqnes,toutcommeles paralysies proprement dites, sont
devenues faciles à reconnaître : jamais elles ne témoignent (par la trépidation épi-
leptoide vraie ou par le signe de l'orteil) de l'hyperexeitabilité des centres réflexes
de la moelle, telle que peut la produire la dégénérescence du faisceau pyramidal
«M. Babinski n'admet pas les troubles trophiques de l'hystérie, en dehors d'une
supercherie qui n'a rien de pithiatique. La Société de Neurologie, depuis que la
question est il l'ordre du jour, attend le fait probant qui permettra de conclut e
dans un sens contraire. Mais s'il n'existe pas encore un seul cas, scientifiquement
démontré, de trouble trophique imputable à l'hystérie, quelqu'un affirmera-t-il
que lous les autres troubles hystériques possèdent des caractères d'authenticité
excluant la simulation ? Bien loin de là. Le diagnostic différentiel de l'hystérie et
delà simulation est impossible. »
Dans sa leçon inaugurale, ayant pour sujet : « Stabilité et conditions de varia-
tion des espèces morbides » (La Presse Médicale, t janvier rgra). Chauffard
s'exprime sur l'hystérie en ces termes :
« Mais que d'autres variations, et de tout genre, l'on pourrait citer, et quoi de
plus curieux que ce que, de nos jours et sous nos yeux, nous avons 'u se passer en
matière d'hystérie.
« Ici encore, Sydenham va nous servir de témoin, quand, dans sa disserlation sur
l'affection hystérique, il nous déclare que celle-ci « est la plus fréquente de toutes
« les maladies chroniques » et que « les affections hystériques font la moitié du
« troisième tiers des maladies, c'est-à-dire la moitié des maladies chroniques».
Ainsi un sixième des cas de maladies lui paraissait imputable à l'hystérie ! Et pour
voir à quel point Sydenham connaissait bien il il sullit de lire cet admi-
rahle chapitre qui lui est consacré.
« Nous aussi, nous avons, sous l'influence d'un autre maître, de Charcot, connu
une grande époque de l'hystérie, et pendant des années nos services nous ont
montré chaque jour les plus beaux types de l'hystérie telle qu'on la décrivait à la
Satpptrierp.
2JR i)YSTËM ! ) ? P ! Tf)iAT)SME
« Prenons l'exemple de l'hystérie mâle. En la seule année de 188g, dans mon
service de Broussais, mon interne d'alors, mon collègue d'aujourd'hui, \I. Souques,
relevait « dans une salle de 3a malades, 26 cas d'une authenticité indiscutable »,
avec anesthésie sensitivo-sensorielle partielle ou généralisée, anesthésie pharyngée,
rétrécissement concentrique du champ visuel ; et h ces stigmates classiques s'ajou-
taient tous les accidents possibles de tremblement, d'hémiplégie, monoplégies,
hémispasme glosso-labié, attaques apoplectiformes, etc.
« Et Broussais n'était pas, croyez-le bien, un hôpital privilégié en matièred'hys-
térie masculine. A la même époque, dans le service de 11. Raymond, à Saint-
Antoine, huit cas étaient observés dans les deux seuls mois de février et mars
1890; à Bordeaux, dans le service du Professeur Pitres, en quatre années, dans
une salle de clinique générale de 38 lits, passaient 22 cas d'hystérie mâle indis-
cutable.
« Et maintenant ? Par un singulier changement à vue, il n'y a presque plus
d'hystérie dans nos services, pas plus chez les femmes que chez les hommes, et,
pour ma part, je crois bien qu'il a plus de dix ans que je n'en ai observé un cas
sérieux dans mes salles.
« C'est que, depuis Charcot, nos idées se sont profondément modifiées, en
grande partie, par le fait de la critique objective à laquelle M. Babinski a soumis
la doctrine de l'hystérie. Ces hystériques si nombreux, si démonstratifs, si typi-
ques, c'est nous, médecins, qui, par nos méthodes imprudentes d'examen, en
faisions la culture artificielle et intensive. Aujourd'hui que nous sommes avertis,
l'hystérie a à peu près disparu de notre clinique hospitalière, pour se réduire à
un substratum mental sur lequel l'avis des plus compétents que moi est encore
très partagé. »
Enfin, Ph. Chaslin, dans son livre : «Eléments de sémiologie et clinique men-
tales », paru en l()'2, termine ainsi l'article consacré à l'hystérie :
« Conclusion. Seulement... il y a un seulement à tout ce que je viens de dire,
et cela me ramène aux idées de Babinski et aux résultats pratiques importants qui
en sont découlés : on ne voit presque plus d'hystériques. Dans mon service à la
Salpélrière, je n'en reçois plus; il n'y en a plus, et les anciennes hystériques, qua-
lifiées telles, sont seulement des débiles, des arriérées, des instables, voire des
épileptiques vraies, qui avaient eu aussi des attaques, mais qui n'ont plus aucune
des manifestations qui florissaient si aisément du temps de Charcot, et même un
peu après lui. C'est à peine si j'ai rencontré cinq hystériques à la consultation
externe de la Salpèlrière depuis dix-huit mois. Et ce qu'on rencontre c'est de la
toute petite hystérie. »
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
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(Journal des connaissances médicales, 19 et 26 octobre 1882).
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départ un kyste dermoide de l'ovaire (Id.).
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les cornes antérieures de la moelle (Revue de Médecine, 1884).
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bacilles dans les crachats (en collaboration avec Dejerine. Revue de Ifédeciiie, 188b).
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plaques (Académie des Sciences, 8 juin 1884).
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Revue de Médecine, 188ô).
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constitué par des groupes de petites fibres musculaires entourées d'une gaine
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disposition de certains muscles à la myopathie et la rapidité de leur développe-
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51. Sur une forme de paraplégie spasmodique consécutive à une lésion orga-
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53. Du phénomène des orteils dans l'épilepsie (Société de Neurologie, 6 juillet
1899)'
5Cr. De l'abolition des réflexes pupillaires dans ses relations avec la syphilis (en
collaboration avec Charpentier. Société de Dermatologie, 13 juillet 18(0)'
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222 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
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et hémiplégie croisées (en collaboration avec Nageolte. Nouvelle iconographie de la
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médicale des Hôpitaux, 24 avril igo3). z
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`3 : 4 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
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129. Sur les injections de sels mercuriels insolubles (Id.).
13o. Lésion bulbaire unilatérale : thermo-asymétrie et vaso-as)métrie; hémi-
anesthésie alterne à forme syringomyélique. Hypothèse nouvelle sur la conduction
des divers modes de la sensibilité (Société de Neurologie, 5 décembre 1 gong).
r3t. De l'action de la scopolamine sur la chorée de Sydenham (Id., janvier
'907).
132. Du champ visuel et de la vision centrale dans l'atrophie tabétique'des
nerfs optiques (en collaboration avec Chaillous. Comptes rendus de la Société
d'Ophtalmologie de Paris, 7 février 1 907).
133. De la radiothérapie dans les paralysies spasmodiques spinales (Société médi-
cale des Hôpitaux, ter mars igo7).
134. Suggestion et hystérie. A propos de l'article de M. Bernheim intitulé :
« Comment je comprends le mot Hystérie » (Bulletin médical, 3o mars tgo7).
135. Quelques remarques sur l'article de M. Sollier intitulé : « La définition et
la nature de l'Hystérie » (Archives générales de Médecine, mars tgo).
136. Sur la rachicentèse dans les tumeurs cérébrales (Société de Neurologie,
2 mai 1907).
137. Résultats thérapeutiques de la ponction lombaire dans les névrites opti-
ques d'origine inlra-crânienne (en collaboration avec Chaillous. Société d'Ophtal-
mologie, mai igo7).
138. De l'abduction des doigts dans l'hémiplégie organique (Société de Neuro-
logie, 4 juillet 1(07)'
13g. De la pronation de la main dans l'hémiplégie organique (Id.).
t4o. Sur le réllexe cutané plantaire. Différences dans les réactions correspondant t
il des différences dans le siège d'excitation (Id.).
r41. Emotion, suggestion et hystérie (Id.).
r4z. Sur la définition de l'hystérie (Congrès de Lausanne, aoùt 1907).
t 43. Section de la branche externe du spinal dans le torticolis dit mental (Société
de Neurologie, 7 novembre 1907).
13mvsm, nô
226 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
144. A propos du pemphigus hystérique (Id., 5 décembre 1907).
t45. Sur les prétendus troubles trophiques de la peau dans l'hystérie (Société
médicale des Hôpitaux, 6 décembre 1907).
14G. Quelques remarques sur l'article de M. Cruchet intitulé : ^ Définition de
l'Hystérie en général et Hystérie infantile » (Presse médicale, 21 décembre 1(07)'
147. Sur le prétendu pemphigus hystérique (Société de Neurologie, g janvier igo8).
t48. Instabilité hystérique (pithiatique) des membres et du tronc (Id., 5 mai
1\)08).
149- Spondylose et douleurs névralgiques atténuées à la suite de pratiques
radiothérapiques (Id.).
15o. Traitement du vertige de 1\Iénière pour la ponction lombaire (Leçon faite
à la Pitié. Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 10 juin 1908).
151. Tumeur méningée unilatérale. Hémiplégie siégeant du même côté que la
tumeur (en collaboration avec Clunet. Société de Neurologie, 2 juillet igo8).
152. Section du cubital et du médian à la partie inférieure de l'avant-bras.
Causes d'erreur dans l'exploration de la sensibilité (en collaboration avec Tournay.
Société de Neurologie, Id.).
io3. Quelques remarques sur le mémoire de M. Gordon intitulé : « Troubles
vaso-moteurs et trophiques de l'Hystérie » (Revue neurologique, 3o octobre igo8).
r 54. Quelques remarques sur le mémoire de M. Valobra intitulé : « Contribu-
tion à l'étude des gangrènes cutanées spontanées chez les sujets hystériques» (Nou-
velle Iconographie de la Salpêtrière, novembre et décembre igo8).
r 55. Démembrement de l'hystérie traditionnelle. Pithiatisme (Semaine médi-
cale, 6 janvier igog).
156. Quelques remarques sur le mémoire de M. Ettore Levi intitulé : « Nou-
velles recherches graphiques sur le phénomène de la trépidation du pied » (Encé-
phale, janvier 1909).
157. Monoplégie brachiale organique. Mouvements actifs et mouvements passifs
(Société de Neurologie, 5 février igog).
158. Sur la fièvre et les troubles trophiques attribués à l'hystérie (Id.).
15g. Deux cas de tumeur cérébrale (Id., 4 mars igog).
160. Deux cas de tumeur cérébrale du lobe frontal (Id., G mai igog).
161. Quelques documents relatifs à l'histoire des fonctions de l'appareil céré-
belleux et de leurs perturbations (Revue de médecine interne et de thérapeutique,
mai igog).
162. A propos d'un travail de M. Ettore Levi intitulé : « Quelques nouveaux
faits relatifs à un cas d'Hystérie avec exagération des réflexes tendineux. Réponse
aux critiques de M. Babinski » (Encéphale, 7 juillet 1909).
c 63. Quelques remarques sur la ponction rachidienne et la ponction céphalique
comparées entre elles (Société médicale des Hôpitaux, 3o juillet J (09)'
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 227
Il)4. Trépanation pour tumeur cérébrale. Ablation de la tumeur. Grande amé-
lioration (en collaboration avec de Martel. Société de Neurologie, 2 décembre
1909')'
165. Sur la localisation des lésions comprimant la moelle. De la possibilité d'en
déterminer le siège au moyen des réflexes de défense (en collaboration avec Jar-
kowski. Académie de Médecine. Bulletin médical, 17 janvier igio).
166. Hypotonicité musculaire et réaction de dégénérescence (Société de Neuro-
logie, 10 février igio).
167. Vertige voltaïque et lésions auriculaires (Bulletins el Mémoires de la Société
de Laryngologie, d'Olologie et de Rhinologie de Paris, 12 février igio).
168. Remarques sur la persistance de zones sensibles à topographie radiculaire
dans les paralysies médullaires avec anesthésie (en collaboration avec Barré et
Jarkowski. Société de Neurologie, 10 février et 4 avril igio).
16g. Craniectomie décompressive (Société de Neurologie, 14 avril igio).
170. De la craniectomie décompressive (Académie de Médecine. Bulletin médical,
20 avril igio).
171. Sur la possibilité de déterminer la hauteur de la lésion dans les paraplé-
gies d'origine spinale par certaines perturbations des réflexes (en collaboration
avec Jarkowski. Société de Neurologie, 12 mai igio).
172. Contribution à l'étude de la syphilis familiale. Recherches à l'aide de la
réaction de Wassermann (en collaboration avec Barré. Id.).
173. Utilité de la craniectomie décompressive dans les tumeurs cérébrales (Leçon
faite à la Pitié. Journal de Médecine et de Chirurgie pratiques, 10 juin igio).
174. De la dégénération et de la régénération du sterno-mastoïdien et du tra-
pèze à la suite de la section de la branche externe du spinal (Société de Neurologie,
7 juillet igio).
175. De l'hypnotisme en thérapeutique et en médecine légale (Semaine médi-
cale, 27 juillet igio).
176. Inversion du réflexe du radius (Société médicale des Hôpitaux, 14 octobre
igio).
177. Paraplégie spasmodique organique avec contracture en flexion et contrac-
tions musculaires involontaires (Société de Neurologie, 12 janvier 19 1 1).
178. Syndrome cérébelleux (en collaboration avec Jumentié. Id.).
17g. Radiothérapie de la sciatique (en collaboration avec Charpentier et Del-
herm. Ici, 6 avril 1 91 1). ,
180. Sydrome de Brown-Séquard (en collaboration avec Jarkowski et Jumentié.
Id., 4 mai 19 11).
181. Sur l'excitabilité idiomusculaire et sur les réflexes tendineux dans les myo-
pathies progressives primitives (en collaboration avec Jarkowski. Id., 1 ? juin
1911).
228 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
182. Du vertige voltaïque dans les affections de l'appareil vestibulaire (Société
de Neurologie, le." juin 101 1).
183. Syndrome de Brown-Séquard par coup de couteau (en collaboration avec
Jarkowski et Jumentié. Revue neurologique, 15 septembre 1911).
184. Réapparition provoquée et transitoire de la motilité volitionnelle dans la
paraplégie (en collaboration avec Jarkowski. Société de Neurologie, g novembre
I(I1).
185. Modification des réflexes cutanés de défense sous l'influence de la com-
pression par la bande d'Esmarch (Société de Neurologie, Id.).
186. Tumeur méningée. Paraplégie crurale par compression de la moelle.
Extraction de la tumeur. Guérison (en collaboration avec Lecène et 1l0urioL..société
de Neurologie, Id.).
187. Pachyméningite cervicale h) pertrophique (en collaboration avec Jarkow ski
et Jumentié. Id., 25 janvier igia).
188. Des réflexes cutanés de défense dans la maladie de Fricdreich (en collabo-
ration avec Vincent et Jarkowski. Id., 7 mars 1912).
18g. Leucocytose du liquide céphalo-rachidien au cours du ramollissement de
l'écorce cérébrale (en collaboration avec Gendron. Société médicale des Hôpitaux,
22 mars 1(12).
190. Contribution à l'étude de la réaction de dégénérescence. Excitabilité fara-
dique latente. Possibilité de la faire apparaître au moyen de la voltaïsation (en
collaboration avec Delherm et Jarkowski. Société française d'Électrothérapie, mars
19 1,2).
19 ! . Emotion et hystérie (en collaboration avec Jean Dagnan-Bouveret. Journal
de Psychologie normale et pathologique, mars-avril igi2).
192. Tumeur méningée de la région dorsale supérieure, Paraplégie crurale par
compression de la moelle. Extraction de la tumeur. Guérison (en collaboration
avec de Martel et Jumentié. Société de Neurologie, 25 avril 1912). -
193. Stase papillaire bilatérale. Cécité presque complète. Craniectomie décom-
pressive avec incision do la dure-mère. Guérison (en collaboration avec Chaillous
et de Martel. Id.).
zig4. Contracture tendino-réflexe et contracture cutanéo-réllexe (Id., 9 mai
1912).
195. Contribution à l'étude de l'hémorragie méningée (en collaboration avec
Jumentié. Société médicale des Hôpitaux, 31 mai igi2).
r96. Élude comparative des limites de l'anesthésie organique et de l'aneslhésie
psychique (en collaboration avec Jarkowski. Société de Neurologie, I 1 juillet
I CJ I 2).
197, Réflexes tendineux : et réflexes osseux (Leçons faites à la Pitié. Bulletin
médical, numéros des 19 et 26 octobre, 6 et 23 novembre IcJI2).
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 229
Ig8. Méningite cervicale hypertrophique (en collaboration avec Jarkowski et
Jumentié. Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, janvier-février igi3).
igg. Contracture liée à une irritation des cornes antérieures de la moelle dans
un cas de syringomyélie (Société de Neurologie, 6 février igi3).
200. Vertige voltaïque. Perturbation dans les mouvements des globes oculaires
à la suite de lésions labyrinthiques expérimentales (en collaboration avec Vincent
et Barré. Id.).
2oi. Vertige voltaïque. Nouvelles recherches expérimentales sur le labyrinthe
des cobayes (En collaboration avec Vincent et Barré. Id., 6 mars igi3).
202. Un cas de crises gastriques tabétiformes liées à l'existence d'un petit ulcus
juxta-pylorique (en collaboration avec St. Chauvet et G. Durand. Id.).
203. Désorientation et déséquilibration spontanées et provoquées. La déviation
angulaire (en collaboration avec G.-A. Weill. Société de Biologie, 26 avril igi3).
204. Sur un syndrome de Brown-Séquard par coup de couteau (en collabora-
tion avec Chauvet et Jarkowski. Id., 8 mai igi3).
205. Pseudo-coxalgie et appendicite (en collaboration avec Enriquez et Gaston
Durand. Société médicale des Hôpitaux, 16 juillet IgI3).
206. Mouvements réactionnels d'origine vestibulaire et mouvements contre-
réactionnels (en collaboration avec G.-A. Weill. Société de Biologie, ig juillet
IgI3).
207. Les symptômes des maladies du cervelet et leur signification (en collabo-
ration avec Tournay. Congrès de Londres, août igi3).
TABLE DES MATIÈRES
Pages.
Avertissement 5
PREMIÈRE PARTIE
Histologie normale et Physiologie. Pathologie expérimentale.
Faisceaux neuro-musculaires................... (j
Des modifications que présentent les muscles après section des nerf» qui s'v v
rendent........................ la 2
De la contractilité électrique des muscles striés après la mort 14
De la paralysie pyocyanique 15
Arthropathies expérimentales Il
Paralysie diphtérique . 17
Vertige voltaïque. Lésions labyrinthiques expérimentales 18
Réflexes tendineux et réflexes cutanés 2 1
Réflexes pupillaires. - De l'influence de l'obscuration sur le réflexe à la lumière ;
étude comparative du réflexe à la lumière chez les oiseaux de jour et les oiseaux
de nuit 22
DEUXIÈME PARTIE
Clinique et Anatomie pathologique.
I. - Sémiologie 27
Réflexes tendineux et réflexes osseux 27
Réflexes cutanés 37
Phénomène des orteils 37
De l'abduction des orteils (signe de l'éventail) 52
Réflexes de défense 5G
Réflexes pupillaires 58
De l'abolition des réflexes pupillaires dans ses relations avec la syphilis.... 58
Do la pseudo-abolition du réflexe des pupilles à la lumière ti1 i
Troubles de la contractilité électrique 64
Excitabilité faradique latente 64
Contracture 65
Crampes 68
Cytodiagnostic du liquide céphalo-rachidien 69
2.12 TAULE DES MATIÈRES S
II. - FI'EC'rI0\5 DES MUSCLES 73
Myopathie primitive 7
Corrélation entre la prédisposition de certains muscles à la myopathie et la rapidité
de leur développement 73
Excitabilité idio-musculaire et réflexes tendineux dans la myopathie progressive
primitive 75
III. - AFFECTIONS DES NERFS 76
Névrites 76
Névrite sciatique 77
Scoliose sciatique .... 77
Abolition du réflexe achilléen dans la sciatique 77
Radiothérapie 78
Névrite radiale....................... 7g
Paralysie faciale 80
Ilémispasme facial périphérique 81
IV. - Affections de la moelle 8r.
Paraplégie spasmodique en flexion 86
Tabès 8g
Anatomie pathologique 89
Etudes cliniques go
Réflexe achilléen go
Réflexes tendineux des membres supérieurs 1)2
Du champ visuel et de la vision centrale dans l'atrophie tabétique des nerfs
optiques 92
Cytodiagnostic g3
Ostéopathies, Arthropathies tabétiques g3
Crises gastriques tabétiques 95
Tabes conjugal et tabes hérédo-syphilitique. Tabes et syphilis...... 96
Evolution, Pronostic, Traitement 98
Des pseudo-tabes...................... 100
Sur une forme de pseudo-tabes (Névrite optique rétrobulbaire infectieuse et troubles
dans les réflexes tendineux) 100
Pseudo-tabes spondylosique.................. 101
Sclérose en plaques loi 1
Compression de la moelle. Tumeurs intra-rachidiennes.......... 105
Localisation io5
Traitement chirurgical. Laminectomie 107
Radiothérapie dans les affections spinales 108
V. - Affections des méninges 1 l 1
Méningites lit 1
Méningite cérébro-spinale subaiguo à polynucléaires. Ponctions lombaires. Guéri-
son * III 1
Méningite hémorragique fibrineuse. Paraplégie spasmodique. Ponctions lombaires.
Traitement mercuriel. Guérison 112
Méningite cervicale hypertrophique 113
Hémorragie méningée 11 4
TABLE DES MATIÈRES 233
VL AFFECTIONS DE l'encéphale et DE l'appareil ESTIBULAIRE .... 116
Hémiplégie organique Il G
Diagnostic 1 G
Modifications des réflexes tendineux mi
Phénomène des orteils 117
Hypotonicité musculaire 117
Signe du peaucier II\) kj
Mouvement combiné de flexion de la cuisse et du tronc 120
Griffe de la main 123
Signe de la pronation I z4
Interversion des deux modes de balancement du bras......... Iz4
Parallélisme entre les divers troubles de la motilité volontaire..... 124
Fixité des troubles de motilité 125
Amyotrophie 126
Monoplégie brachiale organique................. 128
Mouvements actifs et mouvements passifs. Balancement actif et balancement passif
du bras (Interversion des deux modes de balancement du bras) 128
Tumeurs intra-cràniennes. OEdème cérébral 130
- Diagnostic 130
Traitement I 33
Médication hydrargyrique. 133
Rachicentèse. 133
' Craniectomie.................... 133
Affections du cervelet 134
Mouvements démesurés. Hypermétrie 136
Adiadococinésie...................... 141
Asynergie 144
Catalepsie cérébelleuse 152
Affections du bulbe 158
Hémiasynergie, latéropulsion et myosis bulbaires avec hémianesthésie et hémiplé-
gie croisées I,iB
Thermo-asymétrie et vaso-asymétrie d'origine bulbaires l6fj
Hémianesthésie bulbaire à forme syringomyélique.. 166
Affections de l'appareil vestibulaire.. 167
Diagnostic 167
Troubles du vertige voltaïque 167
Désorientation et déséquilibration spontanées et provoquées. Mouvements
réactionnels et contre-réactionnels 172
Traitement 1 73
Torticolis spasmodique. Torticolis « mental » 177
Pathogénie 177 î
Traitement 17g
Chorée de Sydenham..................... 180
Pathogénie . 180
Traitement .. 182
VIl. - AFFECTIONS des glandes A SI-CIi13TI0\ ¡¡.¡ II : R1'(I : . 183
Syndrome hypophysaire adiposo-génital. 183
\Ialadie de BasedoH-..................... 187
234 TABLE DES MATIÈRES
Vlll, - ArrECTIO\S DE L'APPAItEIL CABDIO ? ASCULAIBE.. , ..... 18
Ané\risme de l'aorte 189
Anévrisme de l'aorte et troubles pupillaires 180
Cyanose I g a
IX. - Hystérie. - Pithiatisme 193
Index bibliographique 219 g
CIIARTRrS. IMPRIMERIE DURAND, RUE FULBERT.