(1907) Archives de neurologie [3ème série, tome 02, n° 07-12] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1907) Archives de neurologie [3ème série, tome 02, n° 07-12] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

ARCHIVES

DE

NEUROLOGFE £

REVUE MENSUELLE .

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

Fondée par .1.-111. CHARCOT & BOUJINEVILLE

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE MM.

V. MGNtIN \

Membre de l'Académie de médecine. 1

Médecin de l'Asile clinique (Ste-Anne). I

1> l'il (l 1 ? à -%

Professeur de clinique des maladies du

système nerveux à la Faculté de

médecine de Bordeaux.

COLLABORATEURS PRINCIPAUX :

MM. ABAME (J.), ARNAUD, AXÉMAR, DADINSKI, BALLET, BALLIART, RENON,

BLANCHARD (il.), Dizain, DOISSIER (F.), BONCOUR (P.), DONNE, BOURD1N,

BRIAND (M.), BRISSAUD (E.), CAMUS (P.), CARRIER (G.), CAUDRON, CESTAN,

CHARDON, CHARON, CHARPENTIER, CHRISTIAN, CLÉRAMBAULT (DE), COLOLIAN,

COULONJOU, CULLERRE, DEDOVE derny, DEVAY, DROMARD, DUUAR, DUBOS,

DUCOSTÉ, FÉRÉ (CH.), FENAYROU, FERRIER, FRANCOTTE, GARNIER (S.),

GRASSET, HARTEMBERO, KOUINDJY, KOVALESKY (P.), LADAME, LAGRIFFE,

LANDOUZY, LEGRAIN, LÉPINE (J.), LEROY, LEVASSORT, LIPINSKA, MABILLE,

MARIE (A.), Mu' REINE MAUGERET, MEZIE, MIERZEJEWSKI, MIRALLIÉ,

MOURATOFF (W. A.), MUSGRAVE-CLAY, NOICA, PACH : 1NTONI, PAN11EIt, PARIS (A.)

MUr PASCAL, PERRIN, PICQUÉ, PIERRET, RAVIART, RAYNEAU, RÉGIS,

REGNARD (P.), RENDU (A.), RICHER P ? RODIET, IIOLET(J.), RO'L11 \V.j, SIMON,

SÉGLAS, SÉRIEUX, SOLLIER,SOUKHANOFF, SOUQUES, TOmRIEW,THULIÉ (H.),

11SS0T, URRIOLA, VALLON, VIGOUROUX, STCHERBAK, VILLABD, VOISIN (J.),

VOISIN (R.), YVON (P.).

Rédacteur en chef : BOURNEVILLE

Secrétaires de la rédaction : J.-B. CHARCOT Er J. NOIR

Troisième série, tome II. 1907.

Avec 8 figures dans le texte.

PARIS

BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL

14, rue des Carmes.

1907

Vol. II. 3e Série. Juillet 1907. No '1 i

ARCHIVES DE NEUROL09Ji

ASSISTANCE

Du placement des enfants arriérés dans les

Colonies familiales.

Par le Dr TRUELLE, médecin en chef,

Directeur de la Colonie familiale de Dun-sur-Auron (Cher)

Le 23 décembre lf)0;j, le Conseil général de la Seine

invitait l'administration préfectorale « à effectuer, à titre

d'essai, le placement dans les colonies familiales de 15 à20

enfants arriérés de à il 1;) ans. » En vertu de cette délibé-

ration ? } fillettes, choisies dans le service de M.le Dr J.

Voisin, à la Salpêtrière, étaient transférées le 11 juillet

1 ! )OG à la colonie familiale de Dun sur-Auron.Vcrs la mê-

me époque un nombre à peu près égal de garçons, pris à

l'asile de Vaucluse, dans le service de M. le Dr Blix,

étaient envoyés il Ainay-Ie-Château..Je ne m'occuperai

pas de ceux-ci, la colonie d'Ainay étant indépendante de

celle de Dun;mais je ne doute pas que, dans les grandes

lignes, ce qui est vrai des filles, ne le soit également des

garçons.

Les enfants désignées pour ce transfèrement à la Co-

lonie avaient été soigneusement choisies par lis. le Dr

.1. 'oisin ; même le distingué médecin de la Salpêtrière

axait pris la peine de venir quelque temps auparavant,

se rendre compte surplace, des conditions d'existence

qui seraient faites ici à ces nouvelles pensionnaires. De

plus, il avait bien voulu me recevoir dans son service et

me soumettre, avant de l'arrêter définitivement, la

liste qu'il avait établie. Or, malgré ces précautions pri-

ses dans le choix des petites malades, deux d'entre elles

ont rapidement présenté des troubles qui ont nécessité

leur renvoi. C'est une preuve que, pour les enfants, aussi

si bien que pour les adultes, il est impossible de prévoir

Archives, 3° série, 1907, l. II. 1

2 ASSISTANCE. ,

dans tous les cas et à coup sûr quelles réactions se ma-

nifesteront en vie familiale libre.

' Sans doute, il est, dans le choix des malades, des élimi-

nations que l'on peut faire à priori. C'est ainsi qu'avec

M. J. Voisin,com nedll reste avec M. le Dr BOURNEVILLE

qui, lui aussi, m'avait largement ouvert son service de

la Fondation Vallée et m'avait éclairé de sa très haute

compétence, c'est ainsi, dis-je, qu'il avait été tout de

suite établi que les enfants complètement invalides et

gâteuses ne sauraient retirer aucun bénéfice de leur pla-

cement en colonie familiale.

Les soins minutieux exigés par cette catégorie de ma-

lades ne peuvent en ell'et leur être donnés d'une manière

convenablement surveillée que dans des établissements

spéciaux. ' .

A Dun, l'on avait commencé par placer en groupes

dans des familles celles de nos pensionnaires adultes qui

devenaient gâteuses : c'était un système déplorable : les

malades étaient mal soignées, les locaux mis a leur dis-

position, recrutés forcément parmi ceux des nourriciers

les plus misérables, étaient des taudis pour la plupart.

Aussi, dès le début de l'année 1 ! job, ces malades furent-el-

les hospitalisées au siège central de la colonie, dans un

pavillon spécialement construit il cet usage.

A priori, nous avions encore admis et ceci allait de

soi qu'on ne pouvait, sans courir vers un échec cer-

tain, recevoir ici les enfants habituellement violentes

ou précocement vicieuses (tendances au vol, perversions

génitales ou développement anormal de l'instinct sexuel,

impulsions pyromaniaques, etc. ) Enfin nous avions ju-

gé dangereuse pour elles-mêmes et compromettante pour

l'avenir de la colonie l'admission des épileptiques il cri-

ses convulsives fréquentes, surtout quand les crises

s'accompagnaient de troubles intellectuels graves.

Ce fut d'après ces données générales que furent choi-

sies nos treize petites pensionnaires. Malgré ces précau-

tions, ainsi que je le disais au début, deux de ces en-

fants n'ont pu être gardées .t la colonie. Voici, résumées,

leurs observations et les circonstances qui ont motivé

leur renvoi.

DU PLACEMENT DES ENFANTS ARRIERES. 3

()]3s 1. -- Céline.... me 40691, âgée de 11 ans, en traitement

à la Salpetriere depuis 8 ans, atteinte « d'imbécillité avec cris

et turbulence ; microcéphalie ; strabisms» dit le certificat d'ad-

mission (.7juillet 1898). Cette enfant, constate M..1. Voisin, dans

son certificat de transferement en date du 11 juillet 1906, est

« turbulente par moments, mais a fait des progrès depuis son

entrée ". Effectivement, les trois premiers jours qui suivirent

son admission, Céline..., placée en observation à l'infirmerie

centrale, en compagnie de ses petites camarades, apparaît calme,

obéissante et passive. Elle saisit les questions simples, connaît

les objets usuels, et bien que son langage soit très rudimentaire,

elle parvient se l'aire assez bien comprendre. Elle ne sait ni lire,

ni écrire. Placée dans un des villages annexes, la journée n'était

pas écoulée qu'elle nous était rendue par la nourricière : tout (le

suite l'enfant s'était montrée turbulente, touchant à tout au ris-

que de se blesser, cherchant continuellement à s'échapper. Mise

de nouveau en observation à l'infirmerie, Céline reste en effet

très remuante et indocile ; deux fois en dixjours, clic a des cri-

ses d'excitation désordonnée au cours de l'une desquelles elle

se coupe légèrement un doigt en cassant un carreau ; elle mange

malproprement, urine au lit au moins une nuit sur deux. A

diverses reprises on la surprend buvant son urine, emplissant

sa bouche de la boue qu'elle peut ramasser dans la cour. Kilo

est rebelle à toute direction, Cuit ceux qui l'approchent, n'est ac-

cessible à aucune caresse ni à aucun raisonnement. A cette époque

toutes les autres enfants, sauf une, avaient quitté l'infirmerie.

Bien que la surveillance incessante exigée par coite petite lut

effectivement difficile, je voulus tenter un nouvel essai. Placée

il Dun chez une autre nourricière particulièrement patiente, Cé-

line.... ne put y demeurer que 5 jours ; aucune amélioration

n'était survenue. Pendant un mois encore elle fut gardée à l'in-

firmerie ; elle y resta toujours aussi turbulente et difficile à sur-

veiller ; ses périodes d'agitation devenaient plus fréquentes, sou-

vent elle cherchait à frapper les au très malades. Ainsi je me trou-

vai dans l'obligation delà réintégrer dans un asile fermé (.'8

août). Celle enfant n'avait pas de famille qui s'intéressât à elle.

('Bs.H.Germaine..... N° Mlc4l3 ? S.;igéede 14 ans. on trai-

tement à la Salpêtrière depuis 4 ans,atteinte·< d'imbécillité ; per-

versions instinctives, vols, colères, impulsions » (Certificat d'ad-

mission du 24 juillet 1902).

A la Salpètrière, les mauvais instincts avaient disparu ; l'enfant

ne présentait plus que des « périodes d'excitation ». Son inlel-

ligence, faible, cstcepcndant active : elle est constamment à la

hicte des petits événements qui peuvent survenir dans son en-

tournage. et elle en fuit aussi tôt le récif à celles des personnes qui

4 ASSISTANCE.

ont su gagner sa confiance ; tout l'intéresse, elle questionne sur

tout, veut savoir le pourquoi elle comment de chaque chose.

Ces dispositions lui avaient même valu à l'hospice le surnom de

« Concierge ». Elle sait écrire son nom, connaît l'addition des 3

ou 4 premiers chiffres, coud un peu. Mais sa grande occupation

est de jouer, sauter, courir et questionner. Dès .son entrée, elle

se montre ici plutôt turbulente, un peu entêtée ; elle ne reste

pas en place, taquine volontiers ses petites camarades ; au de-

meurant elle est affectueuse, contente du nouveau genre de vie

qui se prépare pour elle. Chaque matin à la visite, elle demande

à être envoyée chez une nourricière.

Placée à Dun avec une de ses compagnes, elle s'attache vite à

la personne à qui nous l'avons confiée ; en deux jours elle fait

connaissance avec tous les voisins du quartier et va leur racon-

ter ses petites affaires. Mais elle reste indisciplinée, faisant vo-

lontiers ce qu'on lui défend, très capricieuse. En quelques jours

la famille qui l'a recueillie n'a plus sur elle une autorité suffit-

sante. Notre intervention directe est souvent nécessaire. Si la

nourricière s'oppose à ses fantaisies, il est vrai peut-être, pas avec

le tact et la patience qui conviendraient, Germaine... a des

crises décolère ; elle devient pale, trépigne et se roule à terre.

A plusieurs reprises elle déclare à sa nourricière qu'elle ne veut

pas manger pour « la foire enrager » ; elle débile il celle-ci et

aux voisins, qui ont le tort de s'en amuser, des grossièretés énor-

II1C ? relève ostensiblement ses jupes dans la rue. L'instant d'a-

près, d'ailleurs, elle se jette dans les bras de sa « grand'mère »

l'embrassant avec une effusion exagérée, protestant qu'elle va

être sage et qu'elle ne vert pas la quitter. Mais ce» bonnes ré-

solutions ne durent qu'un moment. Le 12 août, la nourricière,

excédée et complètement brûlée », nous la rend. Pendant 10

jours, Germaine reste à l'infirmerie, toujours sans méchanceté

réelle, mais toujours aussi turbulente et fantasque. Néanmoins

un nouvel essai futfait ; le 22 ao'i[.ic laconliai à une autre nom-

ricière de tempérament très calme. L'enfant devait s'y trouver

avec une pensionnaire adulte, également palicnte. )lais (;Cl"

maine ne se modifia point. Elle bouleversait tout dans la mai-

son et dans le jardin, n'obéissant à aucune prière, ne se soumet-

tant pour un temps suffisamment long à aucune injonction.

Elle risquait à chaque instant de se blesser avec les objets de

toutes sortes qui fatalement se trouvaient; ! sa portée et qu'elle

s'obstinait à manier en dépit de toutes les rccommandalions.Aus,

si quatre jours après nous fut elle rendue.A l'infirmerie son état

ne litclu'emliirer. Le service n'étant point organisé pour ce gen-

rende malades, l'enfant suffisait elle seule à le troubler tout

entier. La surveillante en était réduite à se faire accompagner

d'elle dans toutes ses courses. Quand on la laissait dans la salle

DU PLACEMENT DES ENFANTS ARRIÉRÉS. 5

commune, Germaine ? y taquinait les autres malades, ou bien

voulait s'entremettre dans ce qui se faisait ; elle s'opposait

d'autre part à ce qu'on voulait d'elle, puis se fâchait et se rou-

lait il terre en poussant 'lies cris si l'on insistait. C'était un pla-

cement volontaire; sa mère lui était très attachée, je la prévins

lui conseillant de reprendre l'enfant pour la faire admettre de

nouveau à la Salpfifrière- C'est ce qu'olle fit , et c'est dans ces

conditions que Germaine... quitta la colonie le 8 octobre 1906.

Voici donc deux enfants qui, à la Salpêtrière, en dépit

de quelques moments d'excitation et de mauvaise hu-

meur, étaient suffisamment tranquilles et dociles en ap-

parence pour qu'on ait jugé non indispensable à leur

égard une surveillance spéciale et continue dans un éta-

blissement fermé. Cependant dès qu'elle fut séparée de

ses compagnes, Céline.... se montra d'une turbulence,

telle qu'il devint absolument impossible de la conserver

en colonie. Il semble que cette enfant réduite à une vie

intellectuelle très rudimentaire, sortie de son entourage

coutumier, privée des habitudes dans lesquelles elle vi-

vait auparavant calme, indifférente et docile, n'étant

plus, pour ainsi dire, encadrée dans un milieu spécia-

lement organisé, il semble, dis-je, que cette enfant se

soit trouvée subitement désorientée et affolée par toute

cette nouveauté que percevaient ses sens mais qu'elle ne

comprenait pas.

Peut-être si nos infirmeries avaient été mieux aména-

gées, aurions-nous pu la garder plus longtemps parmi

nous, l'acclimater peu à peu, l'apprivoiser pour ainsi

dire, et, peut ètre-aurait-elle fini comme ses compagnes

par pouvoir rester en placement familial. Toujours est-

il qu'à l'asile de Bcauregard (Cher) où elle a été transfé-

rée, l'enfant, après quelques semaines d'agitation sem-

blable à celle qu'elle avait ici, s'est peu à peu calmée, et

elle y vit suffisamment tranquille. Par surcroît j'ajoute-

rai qu'aucun symptôme physique n'a coïncidé avec cette

excitation qui, autant qu'on en pouvait juger.ne s'accom-

pagnait pas davantage de troubles sensoriels, et semblait

bien quelque chose d'artificiel dû au changement brusque

de vie survenu dans l'existence de notre petite malade.

Quant il Germaine.... son impossibilité de vivre en

colonie parait résulter d'un processus différent . Son in-

Ci ASSISTANCE.

telligenco était éveillée, mais son humeur très mobile,ses

instincts capricieux. Tantôt elle se montrait affectueu-

se, tantôt irritable et quelque peu perverse. Seule, une

autorité étrangère multiple et variée, de plus scientifi-

quement organisée, avait pu la maintenir dans une voie

à peu près normale. Il n'y avait pas deux heures que sa

mère était arrivée ici, et déjà la pauvre Germaine ......

avait commis je ne, sais quelle incartade quilui avait va-

lu une giffle magistrale, devant qui, je dois le dire, la

nourricière s'était extasiée en déclarant que c'était là en

effet ce qu'il lui fallait. La vérité, c'est quil fallait à l'en-

fant, non pas des giffles, ni-mème une contrainte morale

excessive, mais au contraire une direction éclairée et

bienveillante, et surtout ouvrir a son activité trop insta-

ble des débouchés toujours nouveaux; il aurait fallu pou-

voir, tout en la maintenant dans une discipline non appa-

rente,l'occuper et la distraire continuellement. Tout,cela

avait bien été expliqué,répété et môme rabâché à la nour-

ricière, mais c'était vraiment trop demander à cette fem-

me qu'aucune éducation préalable n'avait formée, et à qui

d'ailleurs les soins inéluctacles de son ménage laissaient L

trop peu de temps disponible. Comme celle de l'enfant,

sa nature fruste et primesautière l'entraînait à des excès

de complaisance ou de sévérité; bien vite elle fut débor-

dée dans sa tâche et Germaine.... n'eut plus vis-à-vis

d'elle aucune retenue.

La liberté qu'on lui octroyait, l'enfant en abusait ; les

instants où sa nourricière, prise par ses occupations per-

sonnelles, la laissait livrée à elle-même, elle en profitait

pour commettre dans le quartier des escapades fâcheuses

et si nous avions laissé les choses en l'état, celles-ci, gros-

sies par les mauvaises langues, qui ne chôment pas plus

ici qu'ailleurs, auraient bien vite donné à ces enfants,

point de mire de tous les nourriciers, une réputation dé-

testable qu'elles sont loin de mériter. A l'infirmerie, faute

d'organisation spéciale, nous ne pûmes pas davantage

canaliser cette activité désordonnée ni remettre l'enfant

dans le bon chemin ; il ne restait donc qu'une chose à fai-

re c'était de la rendre à la Salpètrière puisqu'elle s'y était

améliorée et qu'elle y avait vécu en somme fort heureuse :

c'est ce dont la mère voulut bien se charger.

DU PLACEMENT DES ENFANTS ARRIÉRÉS. 7

Il serait manifestement puérile d'incriminer dans ces

deux cas le choix fait à l'asile. Rien à l'hôpital ne pouvait

faire prévoir en toute certitude que ces deux enfants ne

pourraient s'acclimater à la colonie telle que celle-ci est

actuellement organisée. Même après les premiers jours

d'examen ici,à l'infirmerie, je ne prévoyais nullement,

notamment en ce qui concerne Céline ce qui allait se

passer.

Parmi les onze autres enfants,certaines se présentaient

avec des troubles morbides qui me préoccupaient bien

davantage,et je n'étais pas sans escompter des difficultés

dans leur placement, Et cependant une seule a jusqu'ici

donné-lieu à un incident de quelque valeur. Voici le résumé

de son observation :

Rosa.... 14ans,internée le 18 avril 1902," atteinte d'imbécillité,

irritabilité morbide et violences par intervalles, Epilepsie » (signé

Magnan). Le certificat délivré au moment de son transfèrement

à la Colonie indique : « débilité mentale avec accès rares d'épi-

lepsie ; n'en a pas eu depuis au moins une année » (signé J. Voi-

SINI. L'enfant m'avait déplus été signalée comme ayant des habi-

tudes d'onanisme très accentuées. Elle est bien développée, sait

un peut lire, écrire, compter et coudre. Mise en observation à l'in-

lirmerie pendant 8 jours on ne remarque chez elle rian de spécial

en dehors de quelques vertiges légers,très courts et sans chute.

Pas d'onanisme ; disons immédiatement que jusqu'à présent elle

n'a rien présenté de semblable. Placée dans un village annexe,

cela \a d'abord très bien ; la nourricière se déclare satisfaite ;

l'enfant est douce et généralement docile. Le 7 août, presque un

mois après son entrée, survient une crise épileptique avortée : cri

initial,chute à terre , mouvements convulsifs limités à la face.Ce-

la dure quelques secondes etl'enfant revient immédiatement à

elle,sans troubles mentaux : consécutifs. Mais la nourricière avait

été un peu effrayée de ces symptômes ; je dus aller la rassurer.

Comme elle commençait à s'attacher à l'enfant elle ne fit pas de

difficultés pour la conserver. Un traitement bromure fut institué

dès l'abord et -ceci est d'ailleurs une mesure générale prise pour

tous les enfants - j'avais proscrit formellement l'usage de tout

excitant tel que vin pur,café,etc.Mais les crises ne firent qu'aug-

menter de fréquence. Le plus souvent c'étaient de simples ver-

tiges, parfois cependant il y avait des attaques complètes avec

perte momentanée de connaissance, relâchement des sphincters,

et convulsions toujours limitées à la face. Alors, malgré tous les

conseils,la nourricière se détacha peu à peu de l'enfant, elle ne sor-

8 ASSISTANCE.

taitpresclue plusjamais avec elle et même elle en arriva à ne

plus l'admettre à la table où elle et son mari prenaient leurs re-

pas. Dès que ceci me l'ut connu je ramenai la petite Rosa...à l'in-

firmerie centrale (10 octobre), il suffit d'un séjour d'une semaine

avec traitement approprié pour que les crises se fussent espacées

et notablement atténuées dans leur forme.

.Iluitioul-s après, l'enfant était replacée, mais chez une autre

nourricière, à Dun cette fois ; et depuis lors, bien qu'elle ait

toujours de temps en temps des vertiges, elle est gardée très vo-

lontiers pas sa nouvelle nourricière qui la déclare douce et facile

à diriger (1).

Ce n'est pas d'ailleurs la seule épileptique que nous

ayons parmi ces enfants. Deux autres ont, l'une des ver-

tiges très fréquents, la seconde des crises convulsives ra-

res. Après quelques hésitations, les nourricières de l'une

comme celle de l'autre,ont fini par s'accoutumer àcés ma-

nifestations et par ne pas s'en effrayer. Je dois ajouter

que ces deux fillettes sont placées à Dun où les nourriciè-

res et elles le savent bien peuvent compter sur l'in-

tervention immédiate du médecin. Pour les autres il n'y

a pas eu d'incident digne d'être relevé. Est-il nécessaire

en effet de signaler deux assiettes cassées par l'une d'elles

dans un petit moment d'irritation !

Ainsi, 11 des 13 enfants admises à la colonie se sont en

somme vite et bien acclimatées. Elles se trouvent heureu-

ses ici, et ne semblent nullement regretter leur séjour

dans un hospice fermé. Elles ne quitteraient pas sans re-

gret et sans larmes leur nourricière. Presque toutes ap-

pellent celle ci « maman » ou « grand'mère » donnant aux

autres membres de la famille les noms qui leur convien-

nent dans la parenté fictive quelles se sont créées cons-

ciemment. Toutes nos petites pensionnâmes prennent

leurs repas à la table commune. Elles jouent avec les en-

fants de la famille ou avec ceux des voisins , quelques-

unes font des courses, allant aux «commissions». Les di-

manches et les jours de fête, les nourricières les promè-

nent, les font assister aux divertissements qui peuvent

'' Il) Depuis l'époque où ceci acte livré à l'impression t'entant. a dû

une seconde l'ois être changée de placement : elle ne s'entendait.

pas avec sa compagne, une autre petite malade à qui les nourriciers

réservaient toute leur affection et toute leur complaisance.

DU PLACEMENT DES ENFANTS ARRIERES. 9

se présenter. Physiquement les enfants se portent bien,

elles ont toutes augmenté de poids ; nous n'avons eu à

intervenir. thérapeutiquement que pour 3 d'entre elles ;

. les trois épileptiques dont il a été question plus haut et

dont l'une était en outre porteur d'un toenia.

Chez beaucoup les nourricières ont elles-mêmes cons-

taté une certaine amélioration dans l'état mental. Cinq

d'entre elles notamment, enfants retardataires, qui déjà

d'ailleurs avaient fait de grands progrès à l'asile, sont de-

venues plus éveillées, plus ouvertes, plus dociles aussi et

plus susceptibles de s'occuper à quelques petits travaux

(couture, épluchage des légumes, ménage, courses chez

les fournisseurs). Je citerai en particulier :

Marcelle ? 12 ans, « atteinte de débilité mentale avec périodes

d'excitation par intervalles » (,1. Voisin), qui, les premiers jours,

à l'infirmerie, taquinait ses compagnes, cherchait à les piquer, à

les mordre, se montrait turbulente, 'avait des rages avec colères

et pleurs, et qui, placée isolément, ne quitte pas sa nourricière,

est très attachée à elle, lui rendquelques services.

Elle a bien encore de temps en temps de petites poussées de

révolte, mais « cela va bien mieux qu'au commencement» dit

elle-même la femme à qui elle a été conliée.

Gabrielle... 13 ans. « imbécillité avec turbulence (.1. Voisin),

placée à Dun avec une pensionnaire adulte. Les premiers jours

elle était un peu sauvage, causant à peine. A plusieurs reprises

elle avait uriné au lit. Maintenant elle est propre, gaie, ouverte,

fait de la couture, la nourricière en est enchantée.

Lucienne... Il ans, débilité mentale et périodes d'excitation.

Onanisme ». Placée à Usmery avec une pensionnaire adulte, n'a

pas présenté ici d'onanisme. Au début elle était maniériée, gri-

macière, se contentant le plus souvent de rire en se contorsion -

nant et sautillant sur une jambe quand on lui parlait. Aujour,

d'hui elle se tient plus convenablement, elle s'est très dévelop-

pée physiquement, elle a pris en affection l'enfant de la maison

et ne sait que l'aire pour lui être agréable; elle est douce et al'-

fectueuse », dit la nourricière. z

Deux seulement ont de la tendance à devenir plus dé.

sobéissantes : très gâtées par leur « grand'père » elles

savent trouver en lui un défenseur inlassable, toujours

prêt à pardonner leurs petits caprices, même ceux qu'il

faudrait réfréner ; et à deux ou trois reprises la nourri-

10 ASSISTANCE.

cière a dû avoir recours à l'intervention du médecin, pour

rappeler à ces enfants qu'elles doivent rester soumises à

certaines règles. Une dernière enfin n'a pas fait de pro-

grès appréciables.

Quant aux conditions dans lesquelles ces enfants sont

placées, elles sont très variées. Pour elles d'ailleurs, au

contraire de ce qui arrive pour la majorité des adultes,

ce qui importe au premier chef, ce ne sont pas les condi-

tions matérielles du logement ; le point le plus délicat est

le choix de la nourricière elle-même ; les dispositions de

la chambre où elles couchent ne venant qu'en second or-

dre. Les unes sont placées isolément et couchent soit

dans une chambre à part en communication immédiate

avec la pièce,où se tient la nuit la famille qui les héberge,

soit dans la chambre à coucher même de la nourricière ;

les autres sont par deux dans une même pièce, ou bien

cohabitent avec une pensionnaire adulte. Or de cette

diversité aucun inconvénient n'est encore apparu. C'est

qu'en effet, tandis que beaucoup d'adultes, aiment à s'i-

soler le jour dans leur chambre et à s'occuper de leurs

petites affaires, tout en n'ayant que très peu de contact

avec la famille qui les .hospitalise, les enfants vivent au

contraire continuellement dans cette famille ; leur cham-

bre, quand elles en ont une qui leur est spéciale, elles ne

l'habitent que pour dormir.

Les nourricières ont très bien accepté ce nouveau genre

de malades. Non seulement un certain nombre de celles

antérieurement désignées pour avoir des adultes ont de-

mandé des fillettes de préférence, mais une dizaine de

familles se sont fait inscrire uniquement pour recevoir

des enfants. Je dois avouer toutefois qu'il est un point

capital sur lequel les nourricières réclament : c'est sur le

prix qui leur est payé.

Le taux journalier fixé par l'administration est de

0 fr. 85 (1 fr. 10 pour les adultes). Pour les garçons pla-

cés à Ainay-le-Château, le prix de journée accordé aux

nourriciers est 1 fr. ; on le sait fort bien à Dun. De là

certaines réclamations. Et à la vérité je ne vois pas qu'il

y ait une différence appréciable, dans la dépense qu'ils

nécessitent, entre les garçons et les filles. Au moins au-

tant que celles-ci, ceux-là sont susceptibles do rendre à

DU PLACEMENT DES ENFANTS ARRIÉRÉS. 11

la famille qui les reçoit quelques petits services, et en

tout cas ils exigent certainement une surveillance moins

grande et surtout ils exposent à moins de responsabilité.

D'un autre côté, ces enfants en pleine période de déve-

loppement, consomment une quantité de nourriture qui

n'est pas sensiblement inférieure à celle nécessaire aux

malades âgées, nombreuses àla colonie ; et la différence,

si elle existe, se trouve largement compensée par la sur-

veillance plus étroite et les petits soins plus nombreux

el plus délicats qu'elles exigent. Si en effet, l'essai tenté a

réussi jusqu'à présent, nous le devons certainement à la

conscience avec laquelle, en général, les nourricières ont

rempli les devoirs souvent difficiles qui leur incombent.

C'est dire que l'on est obligé de faire un choix parmi ces

nourricières ; or tout se paye.

Est-ce à dire que le mode actuel de procéder dans le

placement familial des enfants arriérées soit parfait et

définitif ? Je ne le pense pas.

Nous avons vu que malgré toutes les précautions pri-

ses dans le choix des petites malades destinées à vivre

en colonie, il est impossible d'éviter les méprises. Il

no suffit pas de faire cette constatation, il convient d'en

tirer les conséquences. Et je les vois au nombre de

deux.

Tout d'abord il conviendrait d'organiser le centre co-

lonial, de telle façon que la présence d'une seule enfant

turbulente ne vienne pas entraver le service. Sans doute,

nous avons ici des locaux un peu prétentieusement ap-

pelés « infirmeries centrales ». Mais en fait, ils ne sont

guère disposés ni aménagés pour y traiter et y surveil,

lerdes aliénés. Actuellement l'immense majorité de nos

malades ne sont plus ces « démentes dont l'état mental

nejustifiait pas d'une façon absolue le maintien dans un

asile » dont parlait la lettre ministérielle du mai 18(12 ;

ce sont des aliénées présentant toutes les formes de la

pathologie mentale, la plupart délirantes et beau-

coup en pleine activité délirante. Or. si les deux

bâtiments qui nous servent encore d'infirmeries étaient

jadis tout au plus bons pour aliter quelque vieille affai-

blie ou malade, ils n'ont jamais convenu pour l'hospitali-

sation d'aliénés que leur état mental ne permet pas de

12 ASSISTANCE.

placer dans une famille de nourriciers. Mais ce n'est pas

le lieu d'insister sur ce sujet.

Une autre leçon que nous enseignent les deux cas pré-

cédemment relatés, et plus particulièrement celui de

Germaine c'est la difficulté pour les nourricières, de

savoir occuper et distraire les enfants et de rester douces

et patientes vis-a-vis d'elles, tout en conservantune auto-

rité suffisante. Or ceci, qui s'est manifesté l'état aigu

pour la petite Germaine est également vrai, bien

que dans une fonne heureusement atténuée, pour la plu-

ralité des autres enfants. Ce n'est pas, en effet, une chose

facile que de pouvoir diriger par une contrainte pure-

ment morale et jamais opprimante ces enfants au cer-

veau rudimentaire, toujours capricieuses, souvent im-

pulsives. Non seulement, il faut une patience à toute

épreuve, mais encore, à défaut d'une culture profession-

nellée, et celle-ci ne peut s'acquérir en colonie familiale

que très difficilement et à la longue, un tact inné qu'il

n'est pas commun de rencontrer ici.

La continuité d'une surveillance parfois pénible, tou-

jours absorbante, risque d'énerver les nourricières à cer-

tains moments. D'ailleurs il ne leur est vraiment pas

possible de consacrer tout leur temps aux petites pen-

sionnaires ; elles ne peuvent abandonner ni leur ména-

ge ni leurs occupations habituelles. Même il n'est pas

bon, pour les enfants, de rester perpétuellement sous l'u-

nique tutelle de leur nourricière. Il est à craindre que

certaines d'entre elles n'arrivent il prendre sur cette

nouvelle famille autant d'empire qu'elles en avaient sur

la leur propre et qu'elles ne finissent par ne pas garder

vis-à-vis de leur nourricière plus de retenue qu'elles

n'en montraient chez elles.

Ce sont ces considérations qui m'ont déterminé récem-

ment à réunir au centre colonial toutes les enfants pla-

cées à Dun - elles sont la majorité, 8 sur 11 pendant

quelques heures, cinq jours de la semaine. Cela crée une

diversion dans leur existence ; les petits agacements qui

ne peuvent manquer de naître par le fait d'une cohabita-

tion constante se trouvent atténués dans la mesure du

possible ; de plus, échappant momentanément à la sur-

veillance de leur nourricière, les enfants retombent plus

L'HOMME EST-IL SYMÉTRIQUE OU DOUBLE. 13

volontiers sous celle-ci et usent moins vite leur faculté

d'obéissance. Mais ce n'est pas tout encore. Ces fillettes,à à

la Salpctrièi'e. avaient reçu une instruction et une édu-

cation médico-pédagogique. Sans doute leur bagage lit-

téraire et scientifique était léger et l'on ne pouvait espé-

rer l'accroître beaucoup. Toujours est-il cependant que

sur les 11 enfants que nous avons actuellement, '.) savent

écrire d'une façon presque suffisante, une dixième arrive

copier il peu près correctement quelques mots, enfin la

dernière, atteinte d'hémiplégie droite, trace de la main

gauche les lettres de l'alphabet. Sans parler de la crainte

qu'en ont exprimée avec insistance plusieurs familles, il

serait évidemment fâcheux de laisser perdre les bénéfi-

fices du progrès réalisé en ne continuant pas dans la

mesure du possible l'oeuvre d'instruction et d'éducation

commencée. Sans doute, on ne peut pas songer il fonder

de suite pour ces enfants un service qui puisse être

comparé, même de loin, il l'oeuvre admirable créée par

M. Bourneville il Bicêtre et il la fondation Vallée ; cepen-

dant il faudra bien, dans l'avenir, si le nombre de ces

petites pensionnaires s'accroît à la colonie, instituer ici

une sorte d'école médico -pédagogique, aussi simple

que l'on voudra.

l'our le moment, nous nous contentons, pendant le

tempsoùles enfants sont réunies au siège central, sous

la surveillance d'une de nos anciennes infirmières, de

les distraire et de les occuper comme nous pouvons, tout

en nous efforçant de poursuivre leur instruction et leur

éducation dans la mesure où nos moyens le permettent.

PSYCHOLOGIE

L'homme est-il symétrique ou double ?

Réponse de M. C. St\l3aTlLU à 1\1. le Dr Bonne.

M. le Dr Bonne a fait l'honneur à mon petit livre « Le Dupli-

cisme humain» (1) de quatre longs articles de critique : encore la

(1) Le Drylicisme humain, p : .r C-uiiille al : airr avec introduction

J)ai ? Aimions, professeur du physiologie à l'Univ. de Toulouse

P. 2,50. Alcan, 1907, Paris.

14 PSYCHOLOGIE.

majorité des pages est-elle en petit texte. Est-ce à dire que mon

livre vaille qu'on s'occupe si longuement de lui ? Non certes,

puisque M. Bonne ne le présente que comme un monument d'i-

gnorance et d'inexcusable légèreté. Pas une ligne, paraît-il, qui

ne contienne une erreur : rien n'y vaut, ni fond ni forme.

. Or voici bien chez mon Aristarque une première inconséquence :

le livre ne valant rien, M. Bonne eut encore fait acte de générosité

en lui consacrant quelques lignes. Mais il est dans la nature de

M. Bonne d'être serviable même quand il ne le veut pas. Le ser-

vice que sa longue critique a valu à la thèse du Duplicisme est

d'autant plus grand que cette critique a été plus acerbe et que son

auteur est plus érudit ; car si le lecteur s'aperçoit, comme bien

j'espère, que les objections ne portent pas, ne pouvant incriminer

l'insuffisance du critique, il en concluera que la théorie en est con-

firmée.

Aussi bien suis-je convaincu que le -jeune savant, de parfaite

éducation et d'entière sincérité qu'est M. Bonne a déjà regretté

les emballements désobligeants de sa plume, emballements dûs

à une passagère nervosité. Loin d'en garder rancune, je reste l'o-

bligé très grand de mon critique.Tandis qu'en mon esprit s'ébau-

chait la théorie dupliste, j'avais pu, grâce aux objections dès lors

véhémentes de M. Bonne, faire le tour de mon sujet et obtenir un

contrôle de mes idées. Je l'en avais remercié dans la préface du

livre. Je le remercie aujourd'hui de me valoir une confirmation

dans mes idées, et de me permettre de prouver au lecteur que

les arguments invoqués contre le Duplicisme ne sont pas sans ré-

plique.

C'est en un seul article que je répondrai aux quatre articles de

M. Bonne. J'écarterai le détail et ne m'arrêterai qu'aux objections

maîtresses sur le terrain de la physiologie et de la biologie. Je

craindrais d'abuser de l'hospitalité des Archives en suivant M.

Bonne sur le terrain philosophique et sociologique.

Sur quoi, qu'il me soit d'abord permis de présenter le coupable

à mes juges : Qu'est-ce que le Duplicisme ? M. Bonne essaye de le

décrire et il le fait en toute loyauté. Cependant je reconnais ma-

laisément mon enfant dans le signalement qu'il en donne.Le Du-

plicisme est une doctrine suivant laquelle l'homme est composé de

deux co-êtres longitudinalement accolés et soumis à une existence

conjuguée. Voulez-vous l'idée sous une autre forme ? Voici : De

même que chaque branche de l'astérie constitue un individu, un

zonite,de même je crois que chaque hémisphère cérébral avec la

moitié du corps qu'il régit, constitue un individu, mais que ces

deux individus sont soumis à une existence conjuguée et ont

adapté leur organisation à cette existence conjuguée,d'où leur nom

de co-être.

C'est donc une théorie biologique. Quels sont vos titres en

L'HOMME EST-IL SYMÉTRIQUE OU DOUBLE. 15

biologie. Quelles sont en cette matière les preuves d'une suffisante

compétence pour que nous puissions hasarder quelques heures à

vous lire ?

- Oh ! je le confesse : je n'ai ni titres, ni autorité ni compétence.

Je ne suis qu'un pauvre sociologiste qu'une téméraire curiosité a fait

s'aventurer sous les couverts du champ biologique. Mais j'ai tâché

du moins, si fatuité il y avait à aborder une science en laquelle j'é-

tais si peu versé, à doubler ma témérité de modestie. J'ai posé d'a-

bord aux maîtres de simples questions. Je me suis pénétré de

leurs conseils, y compris ceux de M. Bonne lui-même, tout en n'é-

tant pas convaincu par lui sur tous les points. Mon livre est né de

cette enquête sur l'idée fondamentale du duplicisme,idée qu'après

deux ans d'hésitations j'ai présenté au public, sous le patronage

tout à fait honorable pour moi, d'un savant physiologiste.

- Que n'êtes-vous resté dans la sociologie, me dira-t-on !

Tout est dans tout ; et c'est en sociologiste que j'ai été conduit à

interroger la biologie. Voici comment :

Comme sociologiste je crois : 1° Que l'homme est fait pour vivre

en Société ; 2° Que la Société ne peut subsister sans règles morales

3° Qu'il ne saurait y avoir de morale sans quelque libre arbitre. Or

la société se perpétue. C'est donc qu'il y a des règles morales ; c'est

donc qu'il y a quelque libre arbitre en nous.

Je me" disais à l'appui de cette opinion libéraliste : les hommes

de tout temps et de tout pays ont tenu leurs semblables pour

responsables du tort que chacun pouvait causer. Or, il ne saurait

y avoir de responsabilité là où il n'y a pas de liberté. C'est

donc que tous les hommes ont toujours cru à la liberté, et se sont

pratiquement conduits comme s'ils ne pouvaient pas ne pas y

croire les farouches déterministes compris.

Contre cette croyance en la liberté ceux-ci pourtant- s'élèvent :

ils crient : Illusion ! illusion ! Et ils redisent le mot de Schopen-

hauer. « Le sentiment de la liberté est une politesse que la Nature

a faite à l'homme «.Etrange raisonnement qui oblige qu'on imagine

la Nature humaine comme autre chose que l'homme ; qui place

celle-là en dehors et en face de celui-ci ; qui fait agir l'une contre

l'autre !

Or, pourquoi, s'il vous plaît, cette négation de la liberté ! Sur

quoi repose-t-elle cette doctrine déterministe qui se dresse -ainsi

contre l'instinct universel de l'Humanité, et qui oriente logique-

ment toute la conception sociologique, indifféremment, vers le

despotisme ou vers l'anarchie ?

Eh bien cette doctrine repose sur un raisonnement. Ce raison-

nement le voici : « L'homme est un. Dans un milieu un, on ne con-

çoit pas qu'il puisse naître simultanément des activités, des im-

pulsions, ou, si l'on veut, des motifs différents d'origine et de ten-

dance. Les motifs intérieurs de l'Homme ne le détermineront donc

1Ci PSYCHOLOGIE

jamais simultanément, qu'en un seul sens, et ne lui laisseront

ainsi aucune option. D'où pas de liberté. Que si les impulsions

viennent des forces extérieures à l'Homme.ces forces en le frappant

dans son unité essentielle, produiront ce que produisent les forces

agissant sur un même plan : une résultante unique qui sera pour

l'Homme son unique motif..., d'où encore ni option, ni liberté ».

Je me disais encore : « Pour être libre il ne faut pas seulement

avoir à opter entre deux conduites ; il faut encore pouvoir délibérer

son choix. Or pour délibérer il faut être deux... et je suis un ! Ah

que ne suis-je deux ! Comme la science sociologique s'éclairerait

si l'Homme n'était pas un, et si n'étant pas un, il retrouvait de-

vant la logique le droit d'être libre ! Il y a deux hommes en moi,

disait Saint-Paul. L'indécision, les combats intérieurs sont les

phénomènes les plus fréquents de notre vie psychique. Comme

tout s'expliquerait aisément si effectivement, il y avait deux

hommes en chacun de nous ! Pourquoi faut-il que la biologie nous

enseigne ce dont la Religion de son côté veut nous persuader :

l'Unité de l'Homme !

Mais au fait : cette Unité est-elle démontrée ? ... Le doute, subit

m'en vint ; et sur la table de dissection je revis en pensée l'Homme

avec ses deux hémisphères,ses membres et ses organes pairs, ses

sens en double. Puis dans l'oeuf à peine né j'aperçus, comme pre-

mier phénomène de son développement, la division fondamentale

de la masse dans le sens méridien, la division blastomérique. Eh

mais,serait-il possible ? L'homme serait-il biologiquement double ?

Tout au moins la Biologie me fournirait-elle des motifs pour douter

assez de mon unité,pour que je puisse croire à ma liberté, postulat

nécessaire en morale et en sociologie ?

Comprend-on maintenant ce que je demandais à la biologie ?

Ce n'est pas une démonstration du Duplicisme, c'est seulement

de me permettre de douter que l'Homme soit essentiellement un.

Après la lecture attentive du long réquisitoire de M. Bonne contre

le Duplicisme, je me sens plus rassuré ; décidément il ne sera pas

impossible de réconcilier la biologie et la liberté, grâce à cette for-

mule que la discussion tend plutôt à confirmer : l'homme est com-

posé de deux individualités conjuguées ; et c'est précisément dans

le conditionnement de cette conjugaison que l'Homme prend

conscience de son Unité.

Ah ! je sais bien que tel n'est pas l'avis de M. Bonne. Pour lui

la biologie affirme l'unité essentielle del'IIomme. Oui, elle aflîrme,

elle prouve, elle démontre absolument et, par des raisonnements

aussi péremptoircs les uns que les autres, par des faits tous pro-

bants et pertinents. J'apprends ainsi qu'il y a en biologie des tas

de certitudes. Allons, tant mieux ! Mais hélas ! Cette foi de M.

Bonne en la biologie ne serait-elle pas zèle de néophyte. J'en con-

nais des biologistes, de bien authentiques, de ceux qui ont été

L'HOMME EST-IL SYMÉTRIQUE OU DOUBLE ? 17

consacrés ; ils m'ont tous dit : « Si ce n'est que des motifs de doute

que vous venez demander à la biologie, oh ! elle vous en fournira ! »

Mais trêve aux digressions ; il est temps que je me défende.

.1. -A PROPOS DE L'INDÉPENDANCE fONCTIONNELLE DES DEUX

CERVEAUX.

Prétendre, dit M. Bonne en substance, que l'Homme est formé

de deux parties distinctes, gardant dans leur conjugaison leur in-

dividualité, c'est a fortiori admettre l'indépendance fonctionnelle

des deux hémisphères cérébraux. Or cette théorie, qui fut soutenue

par Dumontpalier, Magnan, Bérillon, Myers, etc., est fausse, et a

été démontrée telle. Donc le Duplicisme, qui la contient nécessai-

rement comme le plus contient le moins, est lui-même une faus-

seté.

Sur quoi, pour justifier son assertion sur l'inanité de la théorie

de Dumontpalier et de ses amis. M. Bonne, toujours érudit, com-

mence par un intéressant historique et fait en particulier l'éloge

mérité de la thèse de Bérillon. L'historique continue pendant trois

pages et demie de petit texte. Vient enfin la réfutation : elle continue

dans cette ligne : ? Cette théorie, et celles qui s'y rattachent

(attribution de chaque personnalité ou état de conscience à l'un

des hémisphères, etc., ont été facilement réduites à néant par P.

Janet (1894, page 415 à 419).

Réduite à néant ! Rien que ça ! Et le monstre de M. Bonne

qui ne daignait même pas m'indiquer par quels arguments souve-

rains la théorie de l'Indépendance fonctionnelle des deux cerveaux

et par suite mon duplicisme, étaient anéantis !

Je courus à la Bibliothèque et demandai : P. Janet, 1894, page

'sil5. Le bibliothécaire ne trouva pas. Un millésime pour toute

indication, dans l'oeuvre volumineuse de P.Janet, c'était un rensei-

gnement plutôt insuffisant. Je m'enhardis alors jusqu'à écrire à

l'illustre savant dont M. Bonne invoquait l'autorité et le priai de

vouloir bien me faire connaître dans quel de ses livres se trouvaient t

les pages où il avait réduit à néant la théorie de l'indépendance

fonctionnelle des deux cerveaux. Je lui avouais ne connaître de lui

sur ce sujet que deux ou trois passages de son Automatisme psychi-

que, dont un, que j'indiquais de mémoire, m'avait particulièrement

frappé. La lettre mise à la poste, et en attendant la réponse, je

n'eus d'autre ressource que de retrouver et de relire ces passages de

l'Automatisme psychologique, dont le plus significatif disait : « Je

suis très disposé à expliquer de la même manière, à considérer

comme de simples hallucinations avec point de repère, les

phénomènes intéressants qui ont été signalés par plusieurs au-

teurs comme Dumontpalier, Magnan, Bérillon, etc. Ces auteurs

tirent de ces faits des conclusions qui me paraissent bien graves

Archives, 3' série 1907, t. 11. 2

ils PSYCHOLOGIE.

sur l'indépendance fonctionnelle des deux hémisphères. Sans pré-

juger de la théorie en elle-même, je crois qu'il faut renoncer à em-

ployer ce fait particulier comme moyen de démonstration »... M.

Bonne est-ce là la page décisive où P. Janet réduisait à néant ?

Eh ! mais il déclarait au contraire ne vouloir préjuger en rien de la

théorie. Assurément, il'devait y avoir un autre texte. Comment

admettre que M. Bonne, si affirmatif, si précis, si tranchant, avait

rêvé ? M. Janet allait lui-même trancher la question : Voici ce que

ce savant me faisait l'honneur de m'écrire le 7 mai :

« Je n'ai pas présents à la mémoire les passages où je discute

les théories de Dumontpalier et de Bérillon sur le fonctionnement

indépendant des deux hémisphères. Je crois en avoir parlé dans

divers endroits de mes livres. Vous faites sans doute allusion à un

passage de 1' « Automatisme psychologique », page 153, où je montre

que ces expériences de prétendu dédoublement sont simplement

des suggestions à point de repère je ne crois pas que l'on pos-

sède aujourd'hui un fait psychologique bien établi, qui puisse être

nettement rattaché à la dualité anatomique des cerveaux. En tous

les cas les expériences de suggestion à ce propos sont nettement in-

signifiantes ».

En vérité que nous apprend cette lettre ? Rien que nous ne

sussions déjà : les arguments de Dumontpalier et de ses amis n'ont

pas convaincu M. Janet, et n'ont pas réussi à lui faire abandonner

son hypothèse à lui, son explication par le point de repère, pour

lui faire adopter l'explication du fonctionnement indépendant.

Sans doute il n'est pas sans importance qu'en face de Dumontpa-

lier, de Magnan, de Bérillon, de Myers, se dresse le sentiment con-

traire de P. Janet. Mais ce n'est pas à un « avis contraire que;\1,

Bonne se référait. C'était à une démonstration qui d'après lui

avait réduit à néant. Cette démonstration, nous savons mainte-

nant qu'elle n'a jamais été faite. Aujourd'hui comme hier, M. P.

Janet n'attache pas de signification aux hallucinations unilatérales

qui paraissent au contraire très significatives à d'autres. Aujour-

d'hui comme hier, M. Janet estime « qu'il n'existe pas un seul fait

bien établi qui puisse être nettement rattaché à la dualité anatomi-

que du cerveau ». Mais aujourd'hui comme hier, M. Janet ajoute

« En tous les cas ». Aujourd'hui comme hier. M. Janet paraît bien

comme à l'époque où il écrivait 1' « Automatisme psychologique »,

refuser de s'engager à fond. Sa réserve subsiste : « Sans préjuger de

la théorie en elle-même ».

Il appert donc très nettement de ce qui précède que la question

de l'indépendance fonctionnelle des deux cerveaux reste pendante;

qu'aucune démonstration ne l'a réduite à néant. Cette théorie est

aujourd'hui aussi vivante que jamais : M. Bonne qui dans son

premier article la déclarait abandonnée, cite lui-même les adhé-

sions, toutes récentes et très formelles, de Bleurlet et d'Abraham.

l'homme EST-IL symétrique ou double ? 19

§. 2. CONNEXIONS NERVEUSES ET ENTRECROISEMENTS.

Le Duplicisme suppose l'indépendance fonctionnelle en même

temps que l'activité coordonnée des deux cerveaux. Mais il va

plus loin que cela : il admet l'indépendance fonctionnelle sous obli-

gation de coordination des deux moitiés latérales de l'être, c'est-

à-dire des deux co-êtres... ? à quoi M. Bonne réplique triomphale-

ment : Votre théorie « ne tient pas compte des connexions bilaté-

rales motrices et sensitivo-sensorielles de chaque moitié du sys-

tème nerveux. Elle serait incapable d'expliquer les entrecroise-

ments partiels ou totaux des voies de conduction, et les variétés

que présentent les entrecroisements dans la série des vertébrés ».

Mais vraiment M. Bonne me comble ; et je ne saurais trop 1er e-

mercier du soin avec lequel il me prépare mes arguments. Eh oui !

eh oui ! Entre les deux moitiés du système nerveux, les deux moi-

tiés' latérales, il faut des connexions, précisément parce qu'elles

sont distinctes. Si elles étaient, si elles constituaient un bloc un, un

tout unique, il n'y aurait pas besoin de connexions nerveuses,

Ces connexions sont, sous la direction des cerveaux, des organes

de coordination comme les entrecroisements sont des garanties

contre l'incoordination. Elles assurent manifestement entre la moi-

tié droite et la moitié gauche l'échange des impressions et sensa-

tions. Mais pour qu'il y ait lieu à cet échange, il faut logiquement

que les deux parties soient distinctes. Grâce à ces connexions ner-

veuses la gauche cause avec la droite et réciproquement. Mais c'est

alors que ces mots gauche ou droite signifient bien plus qu'une si-

tuation topographique : ce sont deux activités distinctes psychi-

quement, deux co-êtres. C'est notre duplicisme, M.Bonne, non-

votre unicisme, qu'expliquent au contraire connexions nerveuses

et entrecroisements.

Dans la critique aussi touffue que longue que M. Bonne consa-

cre au Duplicisme, je m'efforce de dégager les objections importan-

tes. Je rencontre maintenant celle qui est incontestablement la

plus sérieuse, la plus capable d'impressionner contre notre théorie.

M. Bonne conteste formellement la duplicité organique.

§ 3. DUPLICITÉ organique.

Voilà bien une question de grande importance et propre à in-

téresser même en dehors de toute préoccupation de duplicisme.

Mais étudiée en particulier au point de vue de notre thèse, en quels

termes précis se posera-t-elle ? Sera-ce dans les phénomènes de la

primitive formation des organes qu'il faudra reconnaître la du-

plicité, ou suffira- t-il de la constater, comme état secondaire,

chez l'être pleinement formé ?

J'ai fait confidence au lecteur que c'est pour éclairer le problème'

20 PSYCHOLOGIE.

de la liberté humaine que je me suis enquis de l'unité physiologi-

que. A ce point de vue il suffit de constater que la liberté a été ren-

due possible, par un dualisme physiologique, quand l'homme a

besoin de cette liberté. Que dans le sein de ma mère où je n'avais

que faire de liberté ou de morale, j'aie été simple ou double, je

puis le tenir pour indifférent. Or, chez l'homme,pleinement formé,

la dualité anatomique du cerveau, la disDosition paire des sens,

des membres, des ovaires, ou testicules et de nombre d'autres or-

ganes (malgré certaines exceptions que des circonstances expé-

dienles, des conditions de convenance biologique communes aux

deux co-êtres justifieraient), suffiraient à établir la thèse de la dua-

lité organique,tandis que l'existence des connexions nerveuses et

des entrecroisements témoignerait de la conjugaison d'existence

imposée aux aeux co-êtres et organisée en chacun d'eux.

Toutefois la curiosité scientifique reste éveillée sur le problème

des origines ; et j'ajoute que sa solution n'est indifférente ni au

psychologue ni au sociologiste. Si la dualité est originelle, on conce-

vra mieux la diversité d'aptitudes entre les deux co-êtres, l'am-

plitude des incertitudes de l'âme, l'âpreté des combats intérieurs,

et aussi l'intensité des réactions réciproque; des co-êtres l'un sur

l'autre ou du Milieu sur chacun d'eux, et du même coup, les lois

de l'éducation de l'être complet.

Eh bien, ne vaut-il pas mieux poser le problème dans toute son

ampleur ? Si oui, voici ce que je crois : je crois jusqu'à plus ample

informé que l'homme (et avec lui les Artiozoaires) est dou-

ble :

Quatre catégories de faits s'observent dans la formation des or-

ganès, les unes paraissent provenir d'une ébauche simple et deve-

nir doubles par phénomène de formation secondaire;d'autres, dou-

bles à l'origine, soudent leurs parties et se transforment en

organes simples. Beaucoup d'autres naissent et restent doubles.

Un au moins, la rate, paraît naître et rester simple.

Rappelons au lecteur maintenant la définition duplis te : «l'Hom-

me est composé de deux co-êtres soumis à une existence conjuguée Il

et demandons-nous en quoi chacune de ces quatre catégories de

laits l'infirment ou la confirment.

Le Duplicisme peut énumérer en sa faveur les organes très

nombreux qui naissent doubles et le restent. Il n'est nullement

gêné non plus par les phénomènes d'évolution qui transforment

en un organe unique deux organes d'abord doubles/comme le pan-

créas ou le coeur. Il est tout naturel que deux êtres s'accolant pour

vivre eu une existence conjuguée et se développant en un con-

tact réciproque,forment enLr'eux les dispositions les plus conve-

nables à l'existence conjuguée qui les attend. Ces phénomènes de

formation secondaire sont dus à de pures convenances biologi-

ques. Ils ne s'expliqueraient pas si l'Homme était un et homogène

L'HOMME EST-IL SYMÉTRIQUE OU DOUBLE ? 21

et si son développement était de même ordre que celui d'un cristal

ou d'une macle. Tout serait régulier comme il advient dans une

cristallisation non troublée ; et sauf les accidents, on ne constate-

rait ni- déviation, ni inégalité, ni atrophie.

Par contre, la théorie dupliste intégrale, celle qui voit dans

l'Homme l'union de deux individualités originellement différentes

semble contredite par la présence d'organes dont l'ébauche primi-

tive est indiquée par les embryologistes comme ayant été simple,

et plus encore par ceux qui naissent simples et le restent.

Au seuil de cette discussion faisons d'abord deux'observations,

A la première le lecteur n'attachera que l'importance qui lui plaira;

mais nous le prions surtout de garder la seconde en sa mémoire.

La première observation, c'est que si l'on faisait l'énumération

des organes humains, la liste de ceux qui naissent doubles serait

beaucoup plus longue que celle de ceux qui paraissent naître sim-

ples. La règle serait avec les premiers ; les autres seraient l'excep-

tion. La seconde et plus importante observation est que tous les

organes qui paraissent naître d'une ébauche simple sont placés sur

la ligne médiane, Il n'y a pas un seul organe non médican simple ;

et je dis dès maintenant que si M. Bonne en découvre un seul, qui

soit en même temps nettement simple et nettement latéral, je

passe condamnation au Duplicisme.

Ceci dit, je. vais m'occuper de quelques organes que M. Bonne

considère à tort comme nés simples. Parmi eux, et particulière-

ment cité par lui se trouve le canal thoracique. Vraiment le choix

de M. Bonne n'est pas heureux '

Canal thoracique. Cet organe est manifestement double chez

les oiseaux (poulet) ; et si, chez l'Homme, on ne parle que d'un

seul canal thoracique cela tient à une simple habitude de langage.

Deux organes formant paire existent dont l'un, celui de gauche

a reçu le nom de canal thoracique, dont l'autre, à droite, a été ap-

pelé grande veine lymphatique. Celle-ci se comporte, au niveau de

son abouchement dans le système veineux, exactement de la même

façon que le canal gauche. Assurément le territoire de la grande

veine lymphatique est moins étendu que celui du canal thoracique;

mais comme les renseignements concernant les premiers dévelop-

pements du système lymphatique chez les Mammifères nous font

absolument défaut, nous ignorons si ces différences ne proviennent t

pas de modifications secondaires, comme on en observe au cours

du développement des veines caves supérieures par exemple. ,

Poumons. -J'avais dit du poumon, ce que tout le monde sait,

qu'il constitue un organe double chez l'adulte. Je répète à cette

occasion que d'ailleurs la constatation du duplicisme chez l'a-

dulte, que ce duplicisme soit une conséquence de formations se-

22 PSYCHOLOGIE.

condaires ou un phénomène d'origine primitive, suffit pour que

l'instinct qui nous impose à tous la foi en la liberté cesse d'être

antinomique à la logique. Mais M. Bonne tient à signaler l'uni-

cité primitive du poumon, et en cela nous croyons qu'il a tort.

Les deux bourgeons pairs et bilatéraux qui se développent ul-

térieurement en poumons gauche' et droit procèdent bien, il est

vrai, du tube respiratoire. Mais ce tube respiratoire n'est qu'un pro-

longement du tube digestif, et se forme comme celui-ci. Or nous

expliquerons tout à l'heure comment la formation de ce tube

digestif est en réalité double. Nous l'aurons du même coup démon-

tré pour le tube respiratoire et par suite pour les poumons.

Nous signalerons en outre, en passant, l'opinion toute récente

(1903) de MM. Weber et Duvigneux, d'après laquelle « les pou-

mons sont dus à une réapparition d'une paire de poches branchia-

les ancestrales ». Si cette opinion est fondée, la question serait dès

lors vidée dans le sens de la dualité originelle.

Mais me voici en péril d'hérésie : la simplicité des organes

médians n'est qu'une apparence, et la réalité est la duplicité.

Je vois M. Bonne s'indigner d'une telle et si audacieuse proposi-

tion, et je lis le nom des nombreux organes dont il affirme en son

étude la simplicité originelle. Eh bien ! je commence par le plus

important d'entr'eux, par le tube nerveux.

Tube nerveux, névraxe. M. Bonne a consacré plusieurs pages

à défendre l'unité organique et systématique du névraxe. Voici

une page du professeur Prenant, de Nancy, qui lui démolit joli-

ment toute sa thèse. Je me borne à la reproduire.

« Bien que le tube nerveux, passe habituellement pour une for-

mation impaire, on doit le considérer comme présentant typique-

ment une constitution bilatérale. Cela résulte de trois faits prin-

cipaux d'ordre différent. En premier lieu, ainsi que l'anatomie em-

bryonnaire vient de nous l'apprendre, la forme du tube nerveux

définitivement constituée est manifestement bilatérale, à cause de

l'importance de ses parties latérales (parois latérales), et de la ré-

duction de ses portions axiles et juxta-axiles (paroi dorsale et

ventrale). Ensuite l'étude de la genèse du tube nerveux nous mon-

tre que l'épaississement ectodermique nerveux, la plaque médul-

laire qui doit s'incurver en gouttière,puis se reployer en un tube,

est une formation plus ou moins nettement paire, et dans quelques

cas. amphibiens, par exemple -, jusqu'à l'évidence. Enfin la

constitution paire et bilatérale du tube médullaire est un des ré-

sultats fournis par la tératologie de cet organe. Elle ressort en

effet de la constatation faite par O. Hertwig sur des larves

monstrueuses d'amphibiens de la disjonction du système ner-

veux central en deux moitiés parallèles ».

a « On est alors tenté de rapprocher cette conformation bilaté-

l'homme EST-IL SYMÉTRIQUE OU DOUBLE ? a 23

raie primitive qu'offre l'axe nerveux des vertébrés de celle qui ca-

ractérise le système nerveux central ou chaine ganglionnaire des

Annélides». (Eléments d'Embryologie, tom. II, page 316, 1896).

En attendant que M. Bonne renverse les arguments d'un cm-

hryologiste dont il ne contestera d'ailleurs pas l'autorité, je tiens

le système nerveux central, le névraxe, pour primitivement dou-

ble, et je passe à la corde dorsale.

Corde dorsale. - Est-elle double ? Non, répond M. Bonne,

elle est primitivement simple ; et il estime que pour conclure à la

duplicité originelle j'ai dû mal interpréter les expériences de Cha-

bry. Je ne puis mieux faire que de placer sous les yeux du lecteur

le texte même de l'expérimentateur. M. Bonne le retrouvera dans

la thèse de Chabry, page 134 et 135, Paris 1887.

« En ce qui concerne l'Ascidia aspersa, j'ai reconnu avec sûreté

que chacune des moitiés de l'oeuf (pris au stade II) contenait en

puissance une corde dorsale. L'anatomie comparée, comme je l'ai

fait voir, témoignait déjà de la duplicité primitive de cet organe

puisque la corde de l'Ascidia canina et celle du Bothryllis sont

formées de deux rangées de cellules. La tératologie parlait dans

le même sens par suite de l'existence de larves à double queue,

c'est-à-dire de notocordes bifioles. L'embryologie normale don-

nait encore la même indication en montrant que le rudiment de

la corde est formé de deux rangs de cellules, alors même que cet

organe n'en forme plus tard qu'une seule ; et avec ce surcroît de

preuves on peut dire qu'il n'était pas besoin de la tératologie ex-

périmentale pour faire accepter la duplicité typique de lanotocorde.

La tératologie nous donne une connaissance bien plus déterminée

et précise, car elle montre que la corde est double,non pas virtuel-

lement chez un être de raison qui s'appelle genre ou Famille,

mais double réellement dans tout oeuf, et que chacune des cellu-

les du stade II contient en puissance l'une des moitiés de cet or-

gane. »

A ce texte de Chabry, si catégorique et si net, il convient d'a-

jouter que, chez les Reptiles et chez les Oiseaux, la corde dorsale

est manifestement double au niveau du canal neuranténique qui

fait communiquer, comme on sait, l'extrémité inférieure du tube

médullaire avec la gouttière intestinale. La duplicité de la corde

dorsale chez les oiseaux est reconnue par tous les auteurs.

Les organes médians en généra}. Au point où nous en sommes

et à la clarté des observations faites par Prenant et par Chabry,

n'avons-nous pas le droit de douter véhémentement de l'unicité

primitive de tout organe médian quelque apparente que soit cette

unicité ? Ne croyait-on pas avant Chabry la corde dorsale une d'ori-

gine ; et de même, aujourd'hui encore, malgré la démonstration de

24 PSYCHOLOGIE.

Prenant, n'accepte.-t-on pas couramment que le névraxe naît d'une

ébauche simple ! Nous verrons tout à l'heure ce qu'il faut penser

également du tube digestif.

Observons du moins dès ce moment que M. Bonne, et avec lui

tous ceux qui parlent d'unicité primitive, font une confusion fâ-

cheuse, entre l'unité physiologique d'un organe, et son unité ana-

tonique.11 n'y a qu'une corde dorsale dans l'Ascidie de Chabry.

Si l'observateur la tient pour double, c'est qu'il la découvre ana-

tomiquement formée de deux rangées de cellules, chacune de ces

deux rangées étant provenue d'une des moitiés de l'oeuf : « Cha-

cune des cellules du stade II contient, dit-il, l'une des moitiés de

cet organe ». Ainsi est-ce précisé : en sa réalité physiologique la

corde dorsale est simple ; et on peut dire qu'il n'y en a qu'une ;

mais cette corde est anatomiquement constituée d'éléments cel-

lulaires accolés en deux rangées, et dont les uns lui sont venus de

la moitié droite de l'oeuf, les autres de la moitié gauche. Au point

de vue de la théorie dupliste c'est là que git l'essentiel ; c'est par

là que se manifeste l'individualité de chacun des blastomères pri-

mitifs. Quand d'un organe médian vous me dites, M. Bonne,qu'il

provient d'une ébauche simple, j'ai donc le droit de dire que cela

ne me suffit pas. Dites-moi encore, et prouvez-moi, qu'il est né

d'une cellule unique ; car si je le puis croire constitué primitive-

ment par deux cellules dont l'une sera née dans la partie droite de

l'oeuf, l'autre dans la partie gauche, comme Chabry l'a vu pour la

corde dorsale de l'Ascidie, j'y verrai un organe double né de la

croissance simultanée, parallèle et harmonique des deux co-

êtres.

En science naturelle on raisonne de ce que l'on sait à ce que l'on

ne sait pas. Cette méthode expose à des erreurs ; mais encore est-ce

la seule possible.De ce que la corde dorsale a apparu à Chabry se

constituer par un apport cellulaire bilatéral, je n'ai pas le droit

d'affirmer que tous les organes médians se constituent de même ;

mais j'ai celui, raisonnant par analogie, de le supposer. Ce n'est pas

certain ; mais c'est plausible ; et de cette plausibilité j'ai bien le

droit de tirer argument en attendant preuve contraire.

Quand donc vous me parlerez d'un organe médian, ne me dites

pas seulement : cet organe est né d'une ébauche simple ; mais

ajoutez encore, avec preuve à l'appui, que les cellules qui ont

formé cette ébauche lui sont toutes venues d'un seul et même côté

de l'oeuf, d'un seul des blastomères primitifs. Or cette preuve vous

ne la rapporterez pas. Déjà, dès avant Chabry, il était tout naturel

de penser qu'un organe médian se formait aux dépens des deux £

côtés de l'oeuf. C'était une présomption logique, mais il est vrai,

ce n'était qu'une présomption. Aujourd'hui une telle opinion n'est

pas seulement plausible en elle-même : elle s'autorise d'un fait

constaté ; elle se laisse induire par analogie, d'autant plus

L'HOMME ES1'-IL SYDIÉI'121QU1; OU DOUBLE ? 't 2.

qu'en sens contraire il n'existe aucune sorte'd'observation. Con-

cluons donc -qu'en l'état actuel de la science il y a lieu de croire

que tous les organes médians, même ceux nés d'une ébauche sim-

ple, sont nés d'éléments cellulaires bilatéraux et sont ainsi formés

d'une manière conforme à la doctrine dupliste.

Tube digestif. Après ce qui précède, je pourrais cesser de

parler des organes médians : la question qui les concerne se trouve

tranchée par une formule générale, commune à tous.Toutefois M.

Bonne paraissant attacher une particulière importance aux or-

ganes nés du tube digestif, nous ne croyons pas devoir nous re-

fuser à l'étudier sommairement. Si dans le « Duplicisme hu-

main » je passais condamnation à son unicité, c'est que je l'ob-

servais seulement dans l'être pleinement formé ; et j'expliquais

cette inicité secondaire, d'une façon qui a pu paraître simpliste à

M. Bonne qui est lui, toujours savant, mais en laquelle je persé-

vère malgré sa critique : Il est tout naturel qu'il n'y ait pour les

deux co-êtres qu'un seul tube digestif.- Pourquoi en effet y en au-

rait-il deux ? Le tube digestif n'est, en ses fins, qu'une route ou

un égout. Or une route dessert en même temps ses deux rives, et

de même un égout. Topographiquement d'ailleurs qu'est-ce que le

tube digestif, si ce n'est un vide. Or un vide n'est ni simple, ni

double. -Au contraire, les organes glandulaires placés dans l'épais-

seur des parois du tube sont pairs et distribués également entre

les deux moitiés latérales, les deux co-êtres.

Mais, puisque M. Bonne y paraît tenir, étudions le tube digestif

en ses origines. Nous savons déjà que lorsque mon critique le

déclare formé par une ébauche médiane simple, il n'a avancé qu'un

fait sans signification réelle. En sus nous est avis qu'il s'est

trompé. Nous croyons que le tube digestif est originellement dou-

ble :

Le tube digestif est, comme chacun sait, un organe impair et

médian avant les torsions et déplacements qu'il subit.

La partie essentielle, fondamentale du tube digestif est évi-

dem ment, représeiitée par son épithélium dérivé de l'endoderme,

véritable membrane d'absorption. A l'origine, à l'époque de la

tache embryonnaire, le feuillet endodermique s'étale symétrique-

ment à droite et à gauche de la ligne médiane ; et ses deux moitiés

latérales, pendant le développement du tronc, sont séparées l'une

de l'autre, sur la ligne médiane, par la plaque cordale. Ce n'est

qu'ultérieurement, lors de la constitution de la corde dorsale,

que les deux moitiés se rejoignent et s'accolent le long de la ligne

médiane. On peut donc être autorisé à considérer l'épithélium in-

testinal comme formé de deux parties distinctes, l'une droite,

l'autre gauche.

Or ce qui précède n'est pas spécial à cette partie du tube qui

2G PSYCHOLOGIE.

formera chez l'adulte l'appareil proprement digestif.La même ex-

plication vaut pour les prolongements supérieurs du tube diges-

tif, c'est-à-dire pour le tube respiratoire et pour ses prolongements

inférieurs, allantoïde, vessie, etc. On voit combien est étendu le

territoire physiologique que cette explication intéresse.

Colonne vertébrale. Nous ne dirions rien de la colonne verté-

brale dont lI. Bonne ne conteste pas la duplicité primitive, si,

à propos de l'explication trop simple à son gré, que nous avons

donnée dans le « Duplicisme humain » de sa formation secondaire

en organe simple, il ne s'était complu à critique. Nous répétons

que nous nous en tenions à signaler, comme pour le tube digestif,

les raisons de convenance biologique, qui, chez l'être pleinement

formé, en avaient fait un organe simple. Disons donc en passant

qu'en sa formation protovertébrale la colonne vertébrale est essen-

tiellement double ; et de même en est-il pour le crâne. M. Bonne

ne le contestera certainement pas.

Organes génitaux. M. Bonne me fait grief de n'avoir point

parlé de l'utérus et du vagin,comme si ces organes prouvaient en

quoi que ce soit contre le Duplicisme.Il ne nous gêne aucunement

de rechercher au contraire, sommairement, ce que sont, au point

de vue qui nous occupe, les organes génitaux.

Constatons d'abord la parité, dès l'origine, des organes génitaux

internes : ovaires ou testicules. Tout aussi certaine est celle des

organes connexes à ces glandes génitales, le canal de Wolf ou le

conduit de Muller. Aux dépens du canal de Wolf vont se former

dans la suite, le canal de l'épidydime, le canal déférent et le canal

éjaculateur avec les vésicules séminales ; de même qu'aux dépens

du conduit de llluller se formeront les oviductes, l'utérus et le va-

gin. Il n'est pas douteux que tous ces organes sont doubles à l'ori-

gine, utérus et vagin compris. Pour ces deux derniers, la dualité

ne persiste pas dans la femme ; mais on la constate néanmoins dans

les cas anormaux fréquents. Enfin à cette liste des organes mani-

festement doubles à l'origine il faut joindre les bourrelets génitaux

qui chez la femme donneront naissance aux grandes lèvres et aux

bourses chez l'homme.

Que reste-t-il à mentionner ? Le canal de l'urèthre, organe assuré-

ment plus urinaire que génital, et annexe véritable du tube diges-

tif, médian d'ailleuis. Chez la femme, il est tout entier formé aux

dépens du sinus uro-génital (portion antérieure du cloaque) ;

chez l'homme son segment profond a la même origine, tandis que

c'est la gouttière creusée à la face inférieure du tubercule génital,

qui fait les frais du second segment, du segment antérieur.

Fleischmann et d'autres auteurs, considèrent la gouttière de

la face inférieure du canal génital comme dérivée de l'épithélium

cloacal. C'est donc à cet épithélium cloacal, prolongement de ce

L'HOMME EST-IL SYMÉTRIQUE OU DOUBLE ? ` ? 27

tube digestif dont nous connaissons déjà la formation originelle-

ment double, que nous en revenons ; c'est à lui qu'il faut demander

le point de départ de la formation de l'urèthre, organe d'ailleurs

médian.

Le système des organes génitaux est donc double et double dès

l'origine tout entier.

Autres organes, rate. Je suis partagé entre la crainte d'abuser

du lecteur et celle de paraître esquiver un argument de M. Bonne.

C'est ainsi que mon critique paraît m'incriminer à propos du thy-

mus que je signalais comme originellement double. Mais c'est M.

Bonne qui commet l'erreur. Les travaux de Tourneux, Verdun,

Weber, Soulié, etc., ne permettant pas de douter de la duplicité

originelle du thymus. C'est ensuite à propos de la langue et aussi

de la glande thyroïde que M. Bonne me prend à partie. M. Bonne

a encore tort : j'ai dit de ces organes qu'ils sont doubles ; mais je

n'ai pas dit qu'ils le fussent à l'origine, car pour ma thèse, telle

que je la présentais, pour étayer ce que j'appelle la preuve mor-

phologique, j'avais simplement besoin de démontrer que les deux

co-êtres dans l'homme pleinement formé constituent des êtres '

morphologiquement distincts. Mais puisque M. Bonne souhaite

qu'on parle des origines de la langue et de la glande thyroïde,

donnons-lui satisfaction : l'un et l'autre de ce, : organes naît d'une

ébauche médiane d'apparence simple.Puis se forment des parties

latérales qui prennent un développement graduel tandis que

disparaît assez rapidement l'ébauche primitive.Si l'on veut notre

réponse qu'on relise ce que nous avons dit plus haut de la corde

dorsale et des organes médians.

Voici enfin la rate ; et c'est certainement par l'exemple de cet

organe que M. Bonne peut le mieux étayer son objection à la

thèse de la duplicité originelle des organes : .la rate n'est-elle pas

un organe impair et latéral dont la seule existence va ruiner le

Duplicisme ? Eh bien non, l'exemple de la rate laisse le Dupli-

cisme debout. En effet la rate se développe dans le repli gastro-

colique, repli qui représente le mésogastre postérieur, c'est-à-dire

la cloison conjonctive médiane qui unissait primitivement l'esto-

mac à la paroi postérieure' du tronc. La rate a donc été conçue,

- que M. Bonne excuse cette image,- sur la ligne médiane. C'est L

là qu'a commencé sa formation qui dès lors a, à l'origine, été celle

de tous les organes médians. Qu'un phénomène secondaire l'ait

ensuite rejetée par côté, comme il est advenu du coeur et du foie,

cette latéralité secondaire n'infirme en rien les caractères de la

médianité originelle ni ses conséquences.

4, -DIFFÉRENCIATION DES DEUX CO-ETIlES PAR LES aptitudes.

A la preuve morphologique, c'est-à-dire au témoignage des yeux

28 PSYCHOLOGIE.

qui voient sur le marbre de l'Amphithéâtre deux cerveaux, deux

poumons, etc., j'avais, très en passant, ébauché un autre argu-

ment, celui de la différenciation. suivant aptitudes des deux par-

ties latérales. Mais M. Bonne qui ne laisse rien passer,m'incrimine

encore à ce sujet. Voici la phrase que M. Bonne me reproche; «L'in-

dividu auquel appartient le cerveau gauche est probablement plus

intellectuel ». L'idée que présente cette phrase est banale; et M.

Bonne n'ignore pas qu'on la rencontre en vingt auteurs. Mon

critique aurait dû remarquer en outre toute la réserve que compor-

tait l'expression : probablement.Mais qu'ai-je besoin de m'émouvoir

lorsque M. Bonne lui-même, citant Van Bliervliet, constate que

le côté droit du corps, celui qui est régi par le cerveau gauche

est 1° musculairement plus fort et il ajoute quatre lignes plus bas

surtout mieux excercé-, ce qui implique une plus grande acti-

vité dans la direction cérébrale ; 2° que le langage siège dans le

cerveau gauche.

Mais au surplus, que signifie cette querelle relative au plus ou

moins d'intellectualité du cerveau gauche relativement au Dupli-

. cisme ? Ce qui importe c'est de constater qu'entre les deux parties

du corps, chacune commandée par son cerveau, il existe des ap-

titudes différentes. M. Bonne les énumère lui-même : différence au

moins de degré, dans les formes de l'activité qui exigent une

dépense musculaire ; 2 Différence de sensibilité ; 3° Spécialité

fonctionnelle en ce qui concerne le langage. Si l'on rapproche de

ces différences d'aptitudes, celles que révèle l'anatomie, c'est-à-

dire la différence de poids entre le système nerveux dépendant

d'un hémisphère et celui dépendant de l'autre hémisphère, la po-

sition différente de chaque cerveau par rapport à l'axe, enfin, les

différences dans le relief topographique de la superficie de l'é-

corce cérébrale suivant les hémisphères, on reste frappé de la non.

identité des deux moitiés du corps, de leurs caractères particuliers

et distincts en contradiction avec l'idée d'une unité essentielle et

originelle. Par une étrange contradiction c'est au Duplicisme que

M. Bonne fait grief de ne pas expliquer « la persistance d'aptitudes

et tendances différentes chez les co-êtres, persistance en contra-

diction avec la communauté forcée du milieu intérieur du milieu

extérieur le plus souvent, et de toute la vie affective ». Mais c'est

contre le principe de l'unité d'origine et de l'unité d'essence que

l'argument se retourne et se retourne lourdement Comment M.

Bonne ne le voit-il pas ? En effet, les aptitudes différentes des deux

côtés du corps et des deux cerveaux sont plus ou moins nombreuses

et considérables ; mais du moins elles existent puisque M.Bonne

lui-même en reconnaît trois. Admettons le Duplicisme et avec lui

la diversité d'origine et d'individualité, la différence d'aptitudes et

de tendances entre co-êtres apparaît toute naturelle, et l'on con-

çoit qu'elle puisse résister à l'action uniformisante que pourrait

l'homme EST-IL SYMÉTRIQUE OU LOUBLE ? 29

entraîner la conjugaison d'existence et la communauté du milieu

extérieur, d'autant mieux que cette différence d'aptitude est

profitable à l'être complet, comme dans l'industrie est profitable

la différence d'aptitudes entre ouvriers. Mais si l'on admet l'unité

essentielle et originelle quel moyen, je vous prie, de concevoir

qu'entre les deux moitiés de cet être identique à lui-même en sa

substance, en son essence,et en son origine,et dont le développe-

ment se poursuit dans un milieu identique, aient pu se créer des

différences d'aptitudes ? Comment admettre que ces différences

d'aptitudes auront pu aller jusqu'à s'accuser par des différences

très visibles sur le relief topographique de l'organe psychique ?

Avec la théorie dupliste tout apparaît au contraire logique, ration-

nel. Il y a donc là pour le Duplicisme un argument dont mon livre

laissait à peine soupçonner l'existence, et que je ne précise que

sous la pression de l'adversaire. Que M. Bonne soit remercié ?

5. - Du PLAN DE SEGMENTATION DE L'OEUFET DU PLAN DE

DÉVELOPPEMENT' DE ^ L'ETRE.

M. Bonne reconnaît bien que le premier plan de segmentation de

l'oeuf est méridien. « Il indique, d'après lui, le plan de la future

symétrie bilatérale ». alois critique me fait même l'honneur de re-

produire cette phrase de mon livre : « Dès que l'oeuf humain est

né, sa masse va se diviser, se séparer en deux petites masses

ovoides qu'on nomme blastomères. Dès ce moment, c'est-à-dire

ab initia, le dualisme s'institue ».

Mais contre la dernière de mes deux phrases, le lecteur s'attend

bien à ce que M. Bonne proteste : or voici en quels termes la pro-

testation surgit : « Cette dualité qui n'aurait de valeur pour le Du-

plicisme que si elle était persistante, ne disparaît-elle pas bientôt

pour une période souvent très longue ; car elle est sans rapport

direct avec le mode de progression. » En plusieurs passages, M.

Bonne revient sur cette idée que les cellules de l'embryon en for-

mation vont s'enchevêtrant et se mêlant pendant tout le temps

que l'oeuf se développe quelque soit d'ailleurs le blastomère dont

chacune d'elles est née.

Si M. Bonne a raison, la division blastomérique initiale perd

toute signification, ce qui contrariera le Duplicisme ; mais elle

perd en même temps toute raison d'être, ce qui contrarie l'esprit

scientifique si habitué à voir que dans la nature il ne se fait rien

sans but. Mais si au contraire il a tort ; si la division blastoméri-

que initiale, méridienne se maintenait ; si elle persistait, M.

Bonne reconnaît lui-même par avancé, qu'il y aurait là pour le

Duplicisme un argument de quelque valeur,

Eh bien, il est sur la formation de l'oeuf une théorie qui a déjà

quelque ancienneté, et qui est plutôt en progrès. 11 suffit de dire

30 PSYCHOLOGIE. '

que dûe à Lereboullet, elle fut développée par His, acceptée par

Rauber, Roux, 0. Hertwig, Hatschak. Enseignée en Amérique par

S. Minot, en Russie par Kowalewsky, elle paraît avoir en France

les préférences de Prenant, Suivant cette théorie autour du blasto.

pore de la gastrula qui vient de se former et dont les cellules sem-

blent être encore disposées, par rapport au plan méridien, suivant

qu'elles proviennent de l'un ou de l'autre des blastomères primi-

tifs, autour disons-nous, de ce blastopore se trouve un « bourrelet

germinatif ». C'est de ce bourrelet que naîtront successivement

tous les organes, en commençant par le système nerveux. Ce bour-

relet formant anneau autour du blastopore, de telle sorte que cha-

que moitié de cet anneau appartient à un côté différent de l'oeuf

et par conséquent à un blastomère primitif différent, se referme,

juxtaposant ses deux moitiés. A la formation des organes qui nai.

tront de lui les deux côtés.de l'anneau primitif participeront. Les

organes seront donc de formation cellulaire double. Leur dévelop.

pement se poursuivant ainsi avec le concours des deux moitiés de

l'oeuf, se produira naturellement à égale distance des deux côtés,

c'est-à-dire dans le sens méridien, sur la ligne médiane. Tous les

organes, système nerveux compris seront donc doubles et médians

cependant que leurs cellules se disposeront, pendant le cours du

développement à droite ou à gauche de l'axe de l'oeuf, suivant

qu'elles seront nées de la moitié droite ou de la moitié gauche de

l'anneau.

Donc si la théorie défendue par Lereboullet, His, Hertwng,

Hestchak, Rauber, Roux, Minot, Kowalewsky et Prenant est

exacte, non seulement la duplicité originelle de tous les organes

est établie, mais encore il devient certain que chacun des deux

côtés de notre corps appartient au même blastomère primitif et

en procède,

Pas n'est besoin au surplus d'être partisan de la théorie de la

concrescence pour identifier le plan médian de l'animal avec le

premier plan, le plan méridien de la segmentation blastomérique

primitive. Cette identification est si naturelle qu'elle s'impose à

l'esprit, même à celui de M. Bonne qui nous apprend que cette

première division méridienne entre les deux premiers blastomères

« indique le plan de la future symétrie bilatérale ». Ou bien les

mots n'ont aucun sens ou cela signifie que la segmentation blas-

tomérique initiale est le point de départ, le premier acte de la sy-

métrie bilatérale. Si M. Bonne avait dit formellement cela, si,

le disant, il en avait tiré la conséquence logique et avait ajouté

que ce premier plan de segmentation va régir tout le processus

ultérieur du développement, dès lors bilatéral de l'être, M. Bonne

n'eût rien avancé qui n'ait été constaté expérimentalement. Cha

bry le constate, (page 31) en ces termes : « Le premier plan de seô

mentation devient le plan médian de, la larve, et constitue durant

L'HOMME'EST-IL SYMÉTRIQUE OU DOUBLE ? z 31

toute la segmentation un plan de symétrie manifeste. Ce fait a été

vu ou soupçonné par beaucoup d'observateurs ». Je prie le lecteur

de remarquer que les mots soulignés le sont dans le texte même de

Chabry. )11. Bonne voudra bien remarquer en outre les trois mots ;

durant toute'la segmentation.

Mais voici bien qu'avec Chabry M. Bonne va avoir fort à faire.

Que je remercie donc mon critique de m'avoir fait étudier de plus

près la thèse du jeune savant. Le lecteur jugera par le chapitre

suivant de la valeur des arguments que ses étonnantes expérien-

ces fournissent au Duplicisme.

§ 6. Expériences DE Chabry. Hémi-individus artificiels.

M. Bonne aborde maintenant une autre face du sujet et s'atta-

que à un de mes arguments : « Sous le titre de preuve tératologique

expérimentale, dit-il, l'Auteur rapporte les classiques expériences

de Chabry sur les oeufs d'Ascidie, piqûre d'un des deux blastomères,

formation d'une larve monstrueuse ;·. Puis, il cite ma phrase : -.

« Un seul blastomère fut tué, tandis que l'autre continuant à se

développer, donne naissance à un demi-individu dans le sens longi-

tudinal, c'est-à-dire à un des deux co-êtres simples dont la conju-

gaison constitue l'être double ». Sur quoi M. Bonne, très en hu-

moursur mon ignorance, et après quelques variations fantaisistes à

ce sujet, termine par cette phrase : « Est-il besoin d'ajouter que

jamais en réalité, l'expérience de Chabry n'a abouti au résultat

auquel l'Auteur fait allusion, et dont il tire les déductions qui se

trouvent par conséquent radicalement fausses ».

En vérité ce démenti de M. Bonne m'a renversé : qu'il relise

donc avec des yeux moins prévenus, l'observation de la page 143

de la thèse de Chabry, celle dont le titre est : TYPE 34 : DEUX

quarts d'individus droit; et il verra si la larve monstrueuse née

dans l'oeuf dont il avait piqué au stade IV, les deux blastomères

gauches, ce qui revient ainsi que l'observe Chabry, au même

résultat que de tuer le blastomère gauche au stade II, ne re-

présentait pas réellement, dans la pensée de Chabry lui-même, un

demi-individu complet. Le lecteur jugera lui-même, car je vais re-

produire le texte complet de l'observation.

Mais supposons un instant qu'avec Chabry lui-même je me

trompe plus ou moins dans l'interprétation ; le fait du moins reste

très net sur un point, c'est qu'un des deux blastomères (stade II),

ou deux, des quatre, mais du même côté (stade IV), ayant été tué,

Il est resté dans la ou les cellules vivantes, un animal ascidie

susceptible de se développer en propre. Le résultat étant le même,

quel que fut le côté que Chabry frappait de mort,il est évident que

l'oeuf contenait de chaque côté un individu susceptible de se dé-

32 LsocHOr.oclc.

velopper, un co-être. Donc un co-être existe dans chaque côté

et deux dans l'oeuf entier. Voilà l'essentiel.

S'il n'eut contenu qu'un seul individu, tué à droitc,l'oeuf était

tué à gauche. Tout au plus pourrait-on admettre que les cellules

non atteintes, auraient pu conserver une vie cellulaire et se déve-

lopper plus ou moins en tant que cellules ; mais on ne concevrait

pas qu'elles eussent pu donner naissance à un animal organisé.

Et maintenant voici les passages importants du texte : « Dans

un oeuf au stade II, l'un des blastomères vient d'être piqué... Le

stade correspondant à IV a lieu normalement par la division

frontale du blastomère vivant ». Chabry décrit ensuite l'évolution

et le mouvement des cellules au stade VIII puis au stade X\'I.I1 Il

termine ainsi : « Ce sujet devint une larve dont la queue avait

la forme, la longueur et la structure habituelle. Les trois feuillets

du blastoderme étaient distincts, et le système nerveux représenté

par une tache pigmentaire..... Cette larve commençait à sécréter

sa tunique de cellulose lorsqu'elle mourut. »

Est-ce net ? Est-ce probant ? Oui, et d'autant plus que Chabry.

dont la sincérité est indiscutée, ajoute : « Je possède six observa-

tions plus ou moins semblables à la précédente». De deux d'entr'-

elles il donne d'ailleurs les figures.

Mais comment l'être monstrueux méritera-t-il d'être appelé ?

Sera-t-il un demi-individu ou individu dimidié ou bien sera-t-il

un individu complet ? Le mot complet est-il exact ? N'y aura-t-il

pas quelque organe qui manque ? Chabry ne le dit pas. Toutefois

il faut remarquer qu'il n'a décrit qu'une seule forme de dimidiation

au stade II, celle où le blastomère gauche est tué. Il prévoit l'au-

tre forme, celle qui, le blastomère droit étant tué, donnerait

naissance à un dimidié gauche. Il pense que ce monstre aurait les

mêmes organes que le précédent à l'exception toutefois de l'oto-

thite. Cette hypothèse est de pur détail. Il reste constant que dans

chacun des deux blatosmères il y avait deux êtres en puissance.

Un seul se développe et devient individu. Si l'autre se fut égale-

ment développé, c'est deux individus qu'il y aurait eu sous une

seule peau. C'est un être double qui serait sorti de l'oeuf.

De tout ceci, Chabry va nous faire d'ailleurs une démonstration

nouvelle. Tout à l'heure il avait tué un blastomère dans un oeuf

au stade II, maintenant il va tuer deux blastomères dans un oeuf

au stade IV, c'est-à-dire celui où les deux blastomères primitifs

se sont déjà segmentés dans le sens méridien. Tour à tour il

tuera ou bien les deux cellules nées du blastomère primitif de

droite, ou les deux nées du blastomère primitif de gauche. Voici en

quels termes il décrit les monstres qu'il appelle : deux quarts d'in-

dividu droit.

« Ces monstres se rapprochent naturellement des demi-individus

droits, dont ils ne diffèrent à l'origine qu'en ce que la moitié gau-

l'homme EST-IL symétrique OU DOUBLE ? P 33

che du corps a été détruite au stade IV au lieu de l'avoir été au

stade II. La figure 132 représente une jolie larve obtenue par cette

mutilation. Malgré sa ressemblance frappante avec une larve or-

dinaire, elle n'est pourtant que la moitié d'une larve. La forme gé-

nérale est assez bonne. Le tronc et la queue sont distincts. Le tronc

présente à l'extrémité antérieure une papille de fixation et. du

côté dorsal, une petite involution atriale. A la base de la queue

et dans la concavité de son point d'attache, c'est-à-dire à l'endroit

habituel, est une cellule pigmentaire superficielle représentant

l'oeil. Cet oeil est un peu plus rapproché du flanc gauche, au con-

traire l'atrium est plus rapproché du droit. Si on considère que

le flanc gauche d'un tel animal correspond morphologiquement au

plan médian d'une larve complète, on voit que l'atrium droit est par

rapport à la notocorde dans sa situation normale, c'est-à-dire en

avant, en dehors et à droite ».

Voilà bien une larve qui est aux larves ordinaires ce que serait

un individu humain n'ayant qu'un cerveau. un poumon, un bras,

une jambe, un testicule, etc. Or cette larve dimidiée est née d'un

des deux blastomères primitifs ; elle a vécu, s'est développée et a

ainsi affirmé son individualité. La mort d'un blastomère dans

l'oeuf humain au stade II entraînerait certainement celle de l'au-

tre blastomère, car à mesure que les organismes deviennent com-

plexes ils deviennent plus fragiles et délicats. Mais comment à la

clarté de l'expérience de Chabry qui précède, méconnaître que

chaque blastomère du stade II apporte en soi un individu, un co-

être ?

Chabry opère ensuite sur les deux cellules du côté droit qu'il tue.

Il obtient «un demi -individu gauche analogue aux précédents

« dont ils sont, d'après la théorie, les symétriques ». Puis il opère

sur de nouveaux oeufs en tuant non plus les deux cellules du stade

IV nés d'un même blastomère (' ! ) initial des stades II, mais

deux cellules de ce stade IV nées chacune d'un blastomère ini-

tial différent. Dès lors le résultat est tout autre. Les cellules res-

pectées restent encore plus ou moins longtemps vivantes ;

mais le résultat est « celui qui se produit, nous dit seulement Cha-

bry, dans le cas de déviation des facettes de segmentation », un

choas. C'est de la fructification cellulaire, mais nullement la for-

mation d'une organisation déterminée, d'un être organisé.

A qui s'adressait donc votre « jamais », Monsieur Bonne ? Ce

n'est pas à moi,car je cite mon auteur : c'est à Chabry. Je ne pensais

pas d'ailleurs que ce démenti fût possible, car M. Yves Delage

ayant eu en main les épreuves de ce passage de mon livre où je re-

latais les expériences de Chabry, en avait implicitement constaté

la réalité et aussi l'interprétation que j'en donnais, en inscrivant

une annotation ainsi conçue : «Dans les expériences ultérieures, le

résultat a été le plus souvent différent de celui de Chabry ». Le

Archives, 3" série, 1907, t. II. 3

34 PSYCHOLOGIE. -

plus souvent... On voit la différence : M. Delage dit : l'expérience

ultérieure a échoué le plus souvent ; M. Bonne dit : l'expérience

indiquée par Chabry n'a jamais réussi ni par lui ni par autre.- Eh

bien, dussé-je blesser M. Bonne, je préfère croire M. Yves Delage.

Il me suffit d'ailleurs, pour ma thèse, que l'expérience ait réussi

un seule fois ; et c'est pourquoi M. Bonne dit : Jamais.

Le malheur pour M. Bonne c'est qu'il a un défaut dont il ne se

dépouillera jamais, celui d'être loyal. Aussi tandis qu'il oppose

aux expériences de Chabry celles très récentes de Van Maas, ne

se défend-il pas de rapporter et d'analyser celles-ci.Or que nous

apprend-il ? « Driesch (Van Maas, 1903, puis Campton, ont-ci

effet surabondamment démontré que, chez les Ascidies, chaque

blastomère séparé de son congénère donnait naissance, non pas

à une demi-larve mais et toujours (que le lecteur remarque ici le

mot« «toujours «comme tout a l'heure, il remarquai le mot« jamais»),

à une larve complète mais plus petite et dépourvue seulement de

quelques organes secondaires dont l'absence n'est d'ailleurs pas

constante, otolithe, tache oculaire, etc. ». Mais, M. Bonne, les lar-

ves de Maas ressemblent furieusement à celles de Chabry. Chez

Chabry aussi les larves dimidiées tâchaient de se constituer, en

individu aussi complet que possible, en individu voulant vivre et

elles modifiaient en conséquence leur forme dans le sens de la larve

normale : simple question d'adaptation; mais elles ne puuvaientse

fabriquer les organes qui leur manquaient. L'important en tout

cas, c'est que Maas comme Chabry, et Campton comme Maas, nous

apprennent que de chaque blastomère, sort toujours un individu.

C'est donc qu'il y a un individu dans chaque blastomère ; c'est

donc que l'oeuf contient deux individus. Si je raisonne de l'Asci-

die à l'Homme, je conclurai que l'oeuf humain contenant deux in-

dividus, l'Homme est double. Que je vous remercie donc, Mon-

sieur de m'avoir signalé ces expériences de Van Maas et de

Campton !

J'ai peur, quelque topique que soit cette démonstration du du-

plicisme de l'oeuf, qu'en l'esprit de quelques lecteurs il reste une

équivoque : La question, en effet, n'est pas tranchée de savoir si les

individus monstrueux obtenus dans les expériences dont nous

parlons ont été des demi-individus comme les nomme Chabry ou

des individus complets à quelques organes près, M. Bonne paraît

y attacher de l'importance. Nous aussi, car nous allons y trouver

une nouvelle manière de nous défendre contre la théorie mécani-

que qui ne voit dans la symétrie bilatéralo qu'un phénomène de

cristallisation.

Ecoutons Chabry nous contant le processus du développement

de l'oeuf : « La division du vitellus dure environ deux minutes ;

et à l'instant précis où elle se termine, les deux globes vitellins,

(les deux premiers blastomères) ont la arme d'ovoïdes simplement

L'HOMME EST-IL SYMÉTRIQUE OU DOUBLE ? 35

juxtaposés, tangents par une petite facette. (C'est sous ce nom

de facette que Chabry désigne les surfaces de contact entre cel-

lules blast9mériques). Ces ovoïdes ont souvent une extrémité

plus grosse dirigée du côté où est apparu le sillon de segmenta-

tion Ces deux premiers globes vitellins demeurent à peine quel-

ques instants à l'état tangent. Sitôt individualisés, ils se rappro-

chent à nouveau. et s'appliquent l'un contre l'autre en modifiant

peu à peu leur contour. Comme Robin qui l'a découvert, je dési-

gne cet important phénomène par le nom de réaccollement ».

A chaque stade de l'évolution de l'oeuf,Chabry décrira des phé-

nomènes analogues. Les cellules blastomériques iront tantôt se

fuyant, tantôt s'accolant. tandis qu'en proie à un travail intérieur,

s'étendant en sens variés ou se réfractant, elles varieront incessam-

ment de volume et de forme. La cavité de segmentation qui au

stade XVI naîtra dans l'intérieur de l'oeuf, ne les séparera qu'im-

parfaitement et d'une distance incessamment variable. Jusque-là,

ces cellules se seront heurtées, repoussées ou au contraire étreintes,

et suivant le mot de Chabry, pétries. Comment en serait-il autre-

ment. puisqu'il faut que dans le cadre de l'oeuf, deux individus se

développent par des accolements et des réaccolements successifs ?

Le résultat sans nul doute ne sera obtenu qu'au prix d'ajustages.

d'encoignements, et même de sacrifices qui iront jusqu'à l'avorte-

ment de certains organes chez l'individu de droite ou celui de gau-

che, organes qui, si les deux individus s'étaient développés sans

contact, auraient subsisté. Il importe donc peu que, dans les ex-

périences de Van Maas, on ait obtenu des larves monstrueuses dé-

passant plus ou moins la richesse en organes de purs demi-indivi-

dus, c'est-à-dire de larves purement dimidiées. Il n'y a aucun argu-

ment à en tirer pour la thèse de M. Bonne.

Mais combien suggestive au contraire, et conforme à notre thèse

que cette activité séparée et rivale des deux globes vitellins ; ce

processus autonome des deux blastomères primitifs en leur

développement poursuivi comme à travers une série de pugilats et

d'étreintes ! Ce n'est plus seulement un dualisme ; c'est un duel.

C'est bien un prélude à la vie ; c'est bien un phénomène biologique,

et ce phénomène n'a rien de commun avec ce qui se passe dans

une cristallisation. Les irrégularités, les déviations, les atrophies

partielles qui ne peuvent, dans les cristallisations se produire qu'à

la suite de trouble venu de l'extérieur, sont au contraire ici la rè-

gle et le résultat du processus normal et interne.

Eu résumé, plus affirmatif et précis que je ne l'étais dans mon

livre, je puis dire, après la critique, et sur la foi de M. Bonne,

que des expériences de Chabry et de celles qui ont suivi, il appert

qu'en chaque oeuf, il existe deux individus qui, au cours de leur

développement contigu, auront, dans une série d'accollements et

de réaccollements successifs à s'ajuster et s'adapter fùt-ce au

36 PSYCHOLOGIE.

prix de déviations et même d'atrophies d'organes, aux conditions

de l'existence conjuguée qui les attend. Quod erat demonstrandun.

- CONCLUSION

Je crois avoir répondu aux principales objections de M. le doc-

teur Bonne. Je n'ai guère laissé sans réponse que celles relatives

à la place que je supposais, d'ailleurs avec des formules plei-

nes de réserves et tout à fait dubitatives. pouvoir être attri-

buée à un co-être humain dans la série phylogénique. J'ai pu

me convaincre que dans l'état actuel de la science zoologique, au-

cune hypothèse n'est encore permise. Je retire donc purement

et simplement ce que je n'avais avancé qu'à titre d'hypothèse. Le

sort de cette hypothèse est d'ailleurs tout à fait indifférent à celui

du Duplicisme qui reste tout entier avec toutes ses preuves et tou-

tes ses conséquences, et qui reste fortifié par les précisions que M.

Bonne m'a incité à apporter.

Les conséquences du Duplicisme,le lecteur les trouvera exposées

dans mon livre. M. Bonne les raille ou s'en scandalise tour à tour.

Mais quant aux preuves, je souhaite qu'au bout du présent travail

le lecteur puisse les trouver résumées.C'est à quoi je consacre les

dernières pages.

Preuve sociologique.

a) L'histoire et le spectacle des sociétés montrent que les hom-

mes ont eu de tout temps et en tout pays le désir de la liberté tant

dans leur vie publique qu'en leur privée. L'amour de la liberté est

donc un instinct universel qui a rendu le despotisme toujours dou-

loureux aux hommes.

b) L'homme ne peut vivre qu'en société ; mais la société ne peut

exister sans un certain nombre de règles de conduite régissant les

rapports des hommes entr'eux. Ces règles elles-mêmes sont vaines

si elles ne sont pas sanctionnées ; mais l'application des sanctions

suppose la responsabilité chez ceux qui les encourent, et cette res-

ponsabilité suppose elle-même quelque liberté ou libre arbitre.

La liberté est donc un postulat nécessaire au fonctionnement de

la nécessaire Société.

c) Tous les hommes, d'ailleurs, ont toujours cru, y compris

ceux qui, se disant déterministes ou fatalistes, ou menés par l'or-

dre divin, même quand ils raisonnaient contre elle, à la liberté

des autres hommes, puisqu'ils ont toujours tenu pour responsa-

bles donc libres, les auteurs du préjudice qui pouvait leur être

causé. La croyance en la liberté est donc un sentiment invincible.

Eh bien ! cette liberté que l'Humanité poursuit par un instinct

éternel, cette liberté, condition nécessaire de la nécessaire Société,

cette liberté en qui tous les hommes ont toujours cru. cette liberté

se heurte à un raisonnement de pure logique qui est irréfutable si

L'HOMME EST-IL SYMÉTRIQUE OU DOUBLE ? 37

l'Homme ne peut au même instant être impulsé que par un motif.

Il en est ainsi si, en tout son être, il est un, c'est-à-dire identique

et homogène. Au contraire, ce raisonnement s'effondre si l'Homme

est double, -et si entre ses deux co-êtres impulsés parfois par des

motifs différents, il faut, à peine de mort de l'être entier, qu'il s'éta-

blisse une formule de conciliation, une Raison. Le champ de

l'option aura pour cette Raison toute l'étendue qui ira d'un motif

à l'autre, étendre que pourront étendre ou restreindre les motifs

nouveaux qui surgiront souvenirs évoqués ou sensations nou-

velles, au cours de la délibération entre les deux co-êtres. Telle

sera donc l'étendue de la Liberté.

C'est ainsi que le raisonnement sociologique conduit à la notion

de l'homme double (1).

Preuves psychologiques.

lrc preuve. Tous les hommes ont eu l'occasion de dire : je

délibère en moi-même, j'hésite, j'opte. Or pour délibérer il faut

être deux ; pour opter il faut avoir à choisir entre deux motifs si-

multanés, circonstance inconciliable avec l'unité essentielle et

absolue de l'homme. L'hésitation. l'incertitude vont parfois

jusqu'à l'angoisse ; le combat intérieur va jusqu'au supplice,

Tous les romanciers ont fait dire à leurs personnages, et nous avons

eu tous occasion de dire nous-mêmes : « Je sens deux hommes en

moi ».

2° preuve. Toutes nos facultés psychiques, sensibilité, volonté,

jugement, imagination, etc.,sont à deux degrés. Les premières im-

pressions qu'elles nous laissent sont plus ou moins obscures, con-

fuses. Une deuxième opération dont l'attention est le point de dé-

part, institue le contrôle sur ces impressions obscures, les illumine

et les intensifie. Cette dualité d'opérations successives ne se con-

cilie pas avec l'idée d'un être un dont l'activité ne peut être tou-

jours logiquement qu'identique à elle-même. Elle s'éclaire à l'hy-

pothèse de deux co-êtres percevant chacun des impressions puis

pouvant les soumettre au contrôle de la Raison instituée par

eux et entr'eux.

3e preuve. Les sensations peuvent être subies inconsciem-

ment, subconsciemment ou consciemment ; de même en est-il

quand il s'agit des actes qui peuvent être purement automatiques,

ou imparfaitement voulus ou délibérés. L'existence des cas phéno-

(1) Il est d'autres preuves fournies parla sociologie, preuve tirée

de l'existence d'une solidarité morale entre les hommes, celle tirée

du pouvoir et des conditions de l'rducalion, celle de la permanence

de certaines institutions sociales opposées à l'instabilité des autres.

Mais non est hic locus.

38 PSYCHOLOGIE.

mènes d'inconscience, de subconscience ou de conscience. admira-

blement analysés et décrits par P. Janet et autres auteurs, mais

très insuffisamment expliqués, se conçoivent bien plus aisément

dans la théorie dupliste qui permet de supposer tantôt l'activité

isolée d'un co-être. tantôt l'interactivité des deux co-êtres sans

contrôle de la Raison supérieure, tantôt et enfin lapleine conscience

née de la mise en jeu de la Raison.

4° preuve. Le Duplicisme rend compte de la distinction à faire

entre la conscience simplement psychique et la conscience morale

en qui se formule le Devoir ; elle explique le sentiment de la Liberté

et correspond ainsi à des formes nécessaires de notre vie psychique.

Preuve psycho-pathique.

Complétant logiquement la théorie de l'indépendance fonction-

nelle des deux cerveaux, le Duplicisme explique les hallucina-

tions unilatérales de façon plus satisfaisante à notre avis que la

théorie des points de repère de P. Janet. Elle explique les faits

de dédoublement de la personnalité juqu'ici restés réellement, inex-

pliqués. Elle favorise enfin les explications qui ont été tentées des

phénomènes de suggestion, de spiritisme et du rêve.

Preuve biologique.

Le Duplicisme rend mieux compte, ainsi que l'a fait remarquer

M. le professeur Abelous, des phénomènes d'hérédité tels que

l'atavisme et les ressemblances successives.

Preuves anatomiques, physiologiques ou embryologiques.

Ire preuve. Cette preuve résulte du simple aspect de l'être

arrivé à son développement. La symétrie bilatérale accompagnée

de la dualité organique ne s'explique en effet ni par la polarisa-

tion qui n'est qu'une hypothèse gratuite, ni par la théorie de la

cristallisation. Les phénomènes de cristallisation sont en effet ma-

thématiquement réguliers, tandis que la symétrie des êtres vivants

se subordonne à de3 convenances biologiques qu'accusent de fré-

quentes irrégularités telles que déviations, torsions, désaxations,

atrophies, dédoublements ou soudures, différences de poids, de vo-

lume, variations superficielles ou entrecroisements.

2e preuve. Les expériences de Chabry confirmées au témoi-

gnage de M. Bonne par celles de Van Maas et de Campton, expli-

quant cette dualité morphologique de l'être adulte.Elles démon-

trent en effet qu'en chacun des deux blastomères primitifs existe

en germe un individu susceptible. dans les espèces animales d'or-

ganisation peu complexe, de se développer isolément. On ne peut

donc concevoir l'oeuf que comme le milieu dans lequel vont se dé-

L'HOMME EST-IL SYMÉTRIQUE OU DOUBLE ? 39

velopper deux individus destinés à vivre, sous une même enveloppa

cutanée, d'une vie conjuguée, c'est-à-dire deux co-êtres.

3e preuve. La théorie du développement particulier de chaque

blastomère'ne heurte en rien les notions scientifiques actuelle-

ment acquises sur l'évolution de l'oeuf. Elles sont au contraire en

parfaite concordance avec ce qu'enseignent les savants partisans

de la théorie de la Concrescence.

4e preuve. En outre du développement autonome de chaque

blastomère primitif. la théorie de la Concrescence aboutit à re-

connaître à chaque organe une dualité originelle. une formation

primitive double. Mais même ceux qui n'admettent pas la con-

crescence. sont obligés de reconnaître la duplicité originelle du

plus grand nombre des organes, ceux qui sont latéraux puisque

tous naissent d'ébauches paires ; et pour les autres, tous médians,

ils ne peuvent tirer argument de ce que l'ébauche primitive pa-

raît simple alors que anatomiquement cette ébauche a été for-

mée de cellules fournies par l'un et l'autre côté de l'oeuf s'accolant

sur la ligne médiane. '

5 preuve. Le caractère d'individualité de chaque côté du

corps est attesté par la différence d'aptitude qui existe manifeste-

ment entre chacun d'eux : différence de force musculaire, diffé-

rence de sensibilité, localisation du langage dans l'hémisphère

cérébral gauche. Ces différences d'aptitudes sont accompagnées

d'autre part de différences anatomiques : de poids, de volume, de

position par rapport à l'axe, de dimension, enfin de topographie

superficielle du cerveau.

6° preuve. Si réelle est cette individualité de chaque côté que.

pour établir entr'eux des communications sans lesquelles les deux

côtés se fussent ignorés, la Nature a institué des connexions ner-

veuses allant de droite à gauche et d'autres allant de gauche à

droite. De même pour protéger contre les tendances exagérées des

deux co-êtres à l'indépendance les conditions de la conjugaison

d'existence, et pour assurer à l'être complet une perception unique

et conjuguée du milieu extérieur, la Nature a-t-elle entrecroisé les

deux systèmes nerveux.

Voilà bien toute la thèse du Duplicisme dans l'ordre des faits

biologiques. L'ignorant que je suis ne prétend pas avoir prouvé

cette thèse ; mais il croit l'avoir posée. Je renvoie à mon livre ceux

qui veulent savoir comment par le Duplicisme la vie psychologique

de l'Homme et aussi ses états psychologiques anormaux,sa liberté,

son unité de conscience, sa vie morale, sa faculté d'éducation et sa

vie sociale, sont expliqués et régis.

A ce travail de synthèse j'ai été contraint en quelque sorte par

un besoin de mon esprit. Après quarante ans d'études sociologie

40 PSYCHOLOGIE.

ques qui ont fortifié en moi les idées de liberté et des règles morales

nécessaires, je souffrais réellement del'inconciliabilité apparente

entre les enseignements des sciences sociales et ceux des sciences

biologiques. J'ai cherché une doctrine qui me permît de relier

entr'elles mes idées.

C'est avec la plus entière bonne foi que j'étudierai les objections

qui me seront opposées ; et je me sentirai l'obligé de celui qui m'au-

ra démontré mon erreur. Ce service M. Bonne, malgré une bonne

volonté dont je lui sais gré, ne me l'a pas rendu.

Camille SABATIER.

Un dernier mot sur la symétrie;

Par Cn. BONNE.

M. Sabatier a précisé. C'est bien,de la part d'un orateur. Il a éla-

gué ; c'est encore mieux. Il a même douté ; c'est parfait.Essayons

d'en faire autant.

Segmentation de l'oeuf. S'il le peut, cette fois-ci, sans perdre

l'équilibre, qu'il « relise avec des yeux moins prévenus » la phrase

qu'il cite lui-même et celle qui la suit (p. 198). Où trouver un dé-

menti ? Je ne vois, pour ma part,dans l'étonnement de l'Auteur,

que le désir d'allonger sa réponse par une longue citation et d'en

justifier ainsi l'insuffisance. Chabry croyait avoir créé des hémilar-

ves ; les recherches de Driesch et Campton ont montré que ces lar-

ves étaient en réalité complètes, sauf quelques défectuosités non

caractéristiques. Mais ces larves, dit-on, cherchent à ressembler

à l'individu normal. L'individu que l'A. considère comme simple a

donc besoin d'une symétrie bilatérale ; bien plus,il parvient à l'é-

tablir, d'après les expériences mentionnées. Je vais plus loin que

l'A., j'admets, d'après Conklin (Arch. f. Ent.-mech., XXI, 1906),

que les résultats obtenus par Driesch et Campton sont sujets à cau-

tion. Il ne manque pas d'espèces où la régularisation est complète

et où l'individu né d'un seul blastomère est absolument normal.

La régularisation varie : limitée dans quelques classes,elle est nulle

chez les Cténophores, les Mollusques, les Annélides ; elle est tardive

chez les Oursins, les Batraciens pour lesquels Roux l'attribuait

même à une « post-génération », opinion combattue par 0. Hert-

wig ; elle est,par contre,immédiate et absolue chez les Méduses et

chez nombre d'Artiozoaires, tels que l'Amphioxus et les Téléos-

téens. (Voir O. Hertwig, Hanbd. etc., 1906, I, 1, p. 568 à 688.)

C'est chez les animaux de cette dernière catégorie que réussis-

sent le mieux les expériences analogues à celles rapportées p. 199

UN DERNIER MOT SUR LA SYMÉTRIE. 41

a

et 200, et sur lesquelles on regrette d'autant plus d'ignorer encore

l'opinion de l'A.,que celui-ci n'a pas « craint d'abuser» par ailleurs.

Aux exemples déjà cités je : pourrais ajouter d'autres, pris non seu-

lementchez les Invertébrés mais aussi chez les Poissons(voir liaas .

Si donc le nombre dès individus contenus dans l'oeuf était égal à ce-

lui des blastomères qui, une fois séparés de leurs congénères, don-

nent chacun un adulte : entier,il faudrait admettre que.chez les Ar-

tiozoaires dont les quatre premiers blastomères sont encore a toti-

potents », chez la Truite, par exemple, il existe de chaque côté de

la media deux individus placés côte à côte ou l'un devant l'autre.

Chez les Phytozoaires quintiradiés,dont les quatre premiers blas-

tomères présentent la même totipotence, on devrait compter un

nombre d'individus égal au commun multiple de 5 et de 4, s'il

existait réellement entre la symétrie de l'adulte et les premières

segmentations un lien tel que le suppose l'A. L'absurdité de la

Doctrine est ici si profonde qu'il m'a fallu descendre jusqu'à un

dogme chrétien pour en trouver l'équivalent.

D'autre part,l'oeuf de l'Artiozoaire que l'on dit contenir deux in-

dividus, sinon préformés, du moins' en puissance, avant la seg-

mentation, a été, à ce stade même, l'objet d'expériences nom-

breuses et variées dont on trouvera l'exposé dans le livre déjà cité

de Maas. L'A. les ignorait-il ou lui a-t-on conseillé de les laisser de

côté, parce qu'elles sont contraires à la Doctrine, comme les précé-

dentes ? Celles-ci en font d'ailleurs prévoir le résultat, quoique le

mode de segmentation ne corresponde pas toujours et rigoureuse-

ment à la répartition dans l'oeuf des substances protoplasmiques

différenciées. Ces substances, dont de nombreuses expériences de

résection partielle, de fragmentation, etc., suivies de l'étude de

l'évolution ultérieure de l'oeuf démontrent la différenciation pré-

coce, sont quelquefois distinguibles à la simple observation de

l'oeuf entier; tel est le cas de l'oeuf d'Oursin où l'on reconnaît trois

zones superposées. Leur répartition ne correspond d'ailleurs jamais

qu'approximativement à celle des organes, des feuillets, des ré-

gions qui en dérivent ; elle est en outre très variable et est établie,

tantôt par rapport à un axe (que l'on peut artificiellement

différencier de l'axe géométrique), tantôt par rapport à un ou à

plusieurs plans de symétrie, enfin par rapport à un point central.

Dans ce dernier cas, l'oeuf est dit isotrope. Or, il existe, non seule-

ment chez les Phytozoaires et notamment chez les Coelentérés,

mais encore chez les Poissons osseux, des oeufs ou la répartition

des diverses substances protoplasmiques est absolument uniforme

et reste telle pendant les premières segmentations, de telle sorte

que, dans les cas nombreux où les premiers blastomères sont

de taille inégale, chacun peut encore donner un embryon complet,

ce qui est encore le cas. a-t-on vu, pour les quatre blastomères ré-

sultant de la deuxième division .

42 . PSYCHOLOGIE'

«

On a pu, dans certains cas, étudier au point de vue de la répar-

tition des substances l'ovule non encore fécondé. Or, dans tous ces

cas, quels que fussent le mode de répartition et la nature des subs-

tances différenciées, on a pu constater que la répartition était la

même que dans l'oeuf fécondé. Je rappelle à ce propos l' « argu-

ment de la dualité d'origine » si élégamment présenté (voir p. 197)

tout d'abord, puis repris dans la réponse. (p. 28 et 29).

Plan de segmentation. « Le premier plan indique celui de la

future symétrie bilatérale ». C'est là un fait général, mais, on ne

peut en conclure à une participation nécessairement égale des deux

premiers blastomères à la formation des ébauches médianes. Dans

l'oeuf insegmenté les répartitions constatables ne correspondent

qu'approximativement à la répartition ultérieure des feuillets ou

organes qui dérivent de chaque substance. On sait encore que la

première segmentation est suivie chez des Phytozoaires quintira-

diés d'une 2e segmentation également méridienne (p. 197). Chez

les Poissons osseux, les Urodèles etc., les deux premiers blasto-

mères sont souvent très inégaux, sans que l'être, une fois le dé-

veloppement terminé, présente la moindre anomalie. Chez les Mam-

mifères, l'amas vitellin dont dérive tout le corps de l'embryon, ne

présente pas de relation topographique précise avec la couche su-

perficielle qui seule, grâce au blastopore, qui disparaît d'ailleurs

bientôt, conserve encore quelque souvenir de l'orientation pre-

mière. L'aplatissement de l'amas contre la couche superficielle

n'aboutit jamais à une disposition rigoureusement symétrique ; il

est souvent très irrégulier et paraît s'être fait au hasard. Enfin

chez les espèces (Triton, Grenouille etc.) où l'on a pu vérifier expé-

rimentalement (Endres, Herlitzka, Spemann, Hertwig etc.) les

rapports du plan de segmentation avec le plan de symétrie de l'a-

dulte, on a constaté que la coïncidence est l'exception,que les deux

font entre eux des angles divers, sans toutefoisque le dernier soit l

jamais perpendiculaire au premier, ainsi que le croyaient les pre-

miers expérimentateurs, qui pensaient même que telle était la rè-

gle et que la première segmentation séparait l'une de l'autre la

moitié ventrale et la moitié dorsale de l'animal.

Duplicité organique. A mes remarques sur la phylogenèse (p.

185), l'A. ne répond que par ces mots : « hypothèse gratuite » (p.'

av. dern. pl. 3), sans faire connaître les « motifs de doute » dont

la biologie est pourtant si prodigue. Mais l'étude des conditions

naturelles dans lesquelles les deux symétries se superposent et les

faits de production d'un animal complet par un seul blastomère

me parurent z - et me paraissent encore enlever toute force aux

considérations présentées par l'A. sur les organes doubles et ne

leur laisser qu'une valeur documentaire particulière que je cher-

chai à mettre en lumière par des citations.Je montrai, en outre, en

UN DERNIER MOT SUR LA SYMÉTRIE. 43

m'appuyant sur l'exemple de quelques organes de formation tar-

dive et sur des processus secondaires de création de systèmes com-

plexes, que le mode de locomotion, qui régi la symétrie, gouverne

aussi, directement ou non, tout le développement ontogénique.

L'A. qui, chose naturelle pour un sociologue, voit toujours

(p. 19) dans la dualité des organes le meilleur argument, «le

plus capable d'impressionnner », s'est efforcé de donner un sens à

ses premiers raisonnements : « Double l'homme : double le pou-

mon, double le coeur etc. ». Il était très juste, en effet, qu'il profi-

tât'de mes critiques ; il l'étaitunpeu moins de m'attribuer l'idée

d' « une liste d'organes simples », si j'ose m'exprimer ainsi, et de

m'adresser, à propos de la formation des organes médians des im-

putations que rien n'autorise. On comprend bien qu'il fallait sau-

ver.la face et que l'A. ait pour cela sollicité et obtenu le concours

de personnes auxquelles il dut promettre l'anonymat. Mais cette

collaboration fut-elle bien récompensée ? Une franche substitution,

qui ne laissât rien à faire aux lumières de l'assisté et ne s'en remît

pas à sa bonne foi, n'aurait-elle pas mieux valu ? .

J'ai cité (p. 201) les phrases suivantes : « La langue, double dans

ses bases, l'est anatomiquement dans le corps médian.La thyroïde,

le thymus sont bilobés dans l'embryon». C'est là, disais-je, « citer

sans discernement des organes dérivés d'ébauches doubles ou d'é.

bauches simples primitivement ou par coalescence.. Cette accu-

mulation sous-entend de grossières erreurs. » L'A. parle, cette

fois-ci, d'une part, du thymus, d'autre part, de la langue et de la

thyroïde ; et il ajoute, ce qui est doublement faux, en parlant de ces

deux dernières : « J'ai dit de ces organes qu'ils sont doubles, mais je

n'ai pas dit qu'ils le fussent dès l'origine. » Puis il part de là pour

apprendre à ses lecteurs, et à moi-même tout d'abord, l'histoire

des dérivés branchiaux. Est-ce là de la sincérité : '

J'ai remarqué (p. 199) que, d'après Driesch et Campton, chez les

Ascidies produites par un seul blastomère, la corde est « multi-

strafifiée (mehrschichtig) comme chez la larve normale » ; ce n'est

donc pas un « hémiorgane » puisqu'elle se forme puis évolue com-

me dans les conditions habituelles. J'ai noté (p. 202) que, « la pro-

mière ébauche de la corde étant, sur coupe transversale,multicel-

lulaire, rien n'empêchait l'A. d'appliquer ici le « sublime raison-

nement » qui, s'appuyant sur ce qui est à prouver, prend chaque

moitié pour un individu, affirme qu'elle forme, au lieu de dire qu'elle

est formée, et voit dans la formation du système nerveux la col-

laboration des co-êtres. Comment justifiera-t-on le passage qui

commence ainsi : « La corde est-elle double ? Non répond M. B... »

( p. 23). ).

J'ai mentionné l'unicité primitive do la rate pour l'opposer, avec

celle d'autres organes, à celle des gros vaisseaux (p. 201) ; j'ai en-

suite (p. 203) comparé son évolution à celle du poumon.en essa-

44 PSYCHOLOGIE.

yant de dégager les causes de son caractère impair et asymétrique.

Mais au lieu de s'enquérir de l'histogenèse de la rate et d'essayer

de lui appliquer la principe de la « formation cellulaire double »

en montrant que ses « cellules se disposent pendant le développe-

ment à droite et à gauche de l'axe de l'oeuf (p. 25,-30) », l'A. com-

bat une erreur imaginaire. Quand la rate se forme, le mésogastre

est-il déjà oblique ou encore sagittal ? C'est là un détail si futile

que les auteurs que j'ai consultés, pour exposer la structure et le

développement de cet organe, il y a une dizaine d'années, ne le

mentionnent même pas. Je ne sais si depuis il a été fixé. Mais, puis-

que l'A. tenait à réparer son omission, que n'a-t-il insisté un peu

plus sur l'histogenèse ?

Je mentionne sans m'y arrêter quelques-unes des erreurs com-

mises au cours de la mise en oeuvre des matériaux fournis : « le

tube respiratoire se formant comme le tube digestif », le canal

thoracique « formant paire avec la grande veine lymphatique »

(p. 21). Ne fallait-il pas remplacer l'histoire de la dame qui vient

de New-York et d'autres perles moins solidement serties que celles

que contiennent encore le tube digestif et le canal épendymaire,

et tombées au nettoyage ? '

Quand l'A.,à son réveil, imagina le vide digestif, il savait bien

que les deux moitiés de l'entoderme se rejoignent après énucléa-

tion de la corde, comme il savait que le coeur est double,'à l'instar

du foie, du poumon et même de la colonne, elle qui pourtant pour-

rait ne pas l'être. Mais, modeste autant qu'ingénieux, il ne dit que

« ce que tout le monde sait » grâce à une expérience journalière.

C'est méritoire et incontestable. Mais où ai-je « déclaré que le

tube digestif se forme par une ébauche médiane simple » ? Vous

avez pris, Monsieur Sabatier, votre pensée pour la mienne ; je n'ai

parlé du tube digestif (p. 204), après vous avoir cité (p.202), qu'à

propos des analogies évolutives qui le rapprochent du « vide ner-

veux », analogies peut être inconnues ou méprisées de vous, mais

qui valent bien, je pense, celles d'une route et de l'intestin. Quand

vous alliez de laboratoire en laboratoire quêter les miettes que vous

destiniez à nourrir votre chimère, vous auriez dû exposer plus

clairement vos besoins. Il vous fallait une dualité ab ovo ; mais

pourquoi vous arrêter en chemin,pourquoi vous tenir à la corde ?

Vous avez donc maintenant peur du vide ? Si « un vide ne peut

être ni simple, ni double », le tube digestif, au moment de la

formation de la corde, ne l'est pas autrement qu'il ne le sera chez

l'adulte et que la cavité gastruléenne, dont il est l'homologue et

le continuateur physiologique, ne l'était chez l'Amphioxus,

après comme avant la formation de la corde : à ce moment, les

parois de la cavité offrent partout la même structure, comme l'en-

- toderrm des Mammifères, au début du développement.

- « Ma thèse est l'unité organique du névraxe : je leveux bien,

UN DERNIER MOT SUR LA SYMETRIE. 45

mais c'est aussi celle du Pr Delage,qui s'étonnera peut-être de la

façon cavalière dont il est remercié, après les protestations de la

page 10 du livre (voir p. 204 et 205), d'autant plus que cet auteur

a pris quelque part aux expériences de tératogénie qui « satisfont

la curiosité sur la question des origines » et qu'il avait aussi, de son

côté, « posé le problème dans toute son ampleur Pourquoi donc

l'A. n'a-t-il pas persisté dans sa première explication : le tube ner-

veux est double puisqu'il s'est formé sur la ligne médiane ? Que

nous importe « le grand développement des parties latérales » ? V

Pourquoi citer sans les comprendre les expériences d'un embryo-

logiste(O.Hertwig) qui est précisément l'adversaire le plus autorisé

de la théorie de la mosaïque et de celles qui s'y rattachent ? Pour-

quoi surtout résumer,et d'une façon si baroque, la « théorie de la

concrescence » ? Si le « système nerveux est double «chez les Mam-

mifères parce que, chez d'autres Vertébrés, la moelle se forme par

suture progressive, le lung de l'axe, des bords du bourrelet em-

bryogène, au sur et à mesure de l'extension des feuillets, on n'a pu

laisser ignorer à l'A. que cette suture ne s'étend presque jamais en

avant de la vésicule auditive et que souvent même elle n'atteint

pas le cerveau postérieur ; l'encéphale presque tout entier pré-

existe à la concrescence et se forme dans la portion des parois du

blastopore qui est située en avant de l'orifice. Quelle différence

établir alors entre l'encéphale et la moelle au point de vue de la

« duplicité » ? Je soumets à l'inventeur les équations suivantes :

Moelle = co-êtres ; encéphale= moi supérieur. C'est un peu vague,

mais l'A. sait préciser.

Le duplicisme est avant tout une doctrine psychologique : la

duplicité des organes n'a donc pour lui quelque prix que lorsqu'une

cerlaine dualité physiologique la relie, pour ainsi dire, à la

dualité que la « Doctrine » veut introduire en psychologie. L'A.

n'a pas répondu aux remarques faites à ce sujet (unité physiologi-

que assurée par l'innervation, par la communauté des voies de nu-

trition et d'excrétion des organes de chaque paire, etc.) Il lui

suffit que la dualité fonctionnelle « des membres, des ovaires ou

testicules et de nombre d'autres organes » soit « constatée chez

l'être pleinement formé... quand l'homme a besoin de la liberté »

(pl. 20). Or, au temps où l'enfant, encore indifférent a la

1( notion de cause à effet ? monte ses petites mains à hauteur de

ses yeux», il y a déjà longtemps que son coeur, sa moelle.sa route

et son égout ont perdu leur dualité primitive. Il lui reste encore

les organes doubles réservés par la nature pour la liberté de

l'âge adulte et l'épanouissement d'une « raison supérieure ».

Il est en effet indispensable à l' âpreté des combats intérieurs »

que l'homme ait deux narines, deux poumons et « deux coeurs »,

mais n'aurait-il pas mieux valu que chaque co-être eût son esto-

mac et l'humeur qui en provient ? '

46 ' PSYCHOLOGIE.

Indépendance des hémisphères. Expériences d'hypnotisme. - Je

me suis efforcé, à différentes reprises, de marquer les limites de

l'indépendance fonctionnelle : à propos de la physiologie des cen-

tres sensoriels (voies et centres optiques p.189 à 196, auditifs,

etc.,p.212)et de celle des centres du langage(p.209,216)et d'autres

centres de souvenir. J'ai cité à cette occasion les agnosies unilaté-

rales (p. 211) et plusieurs exemples d'apraxie (p. 301) et conclu que

cette indépendance, bien moindre même que ne le croyait Ribot,

ne pouvait aucunement justifier' la théorie qui attribue à chaque

hémisphère une personnalité distincte, à l'état normal ou à l'état

pathologique. J'ai rappelé dans l'historique que cette théorie sim-

pliste avait d'ailleurs été victorieusement combattue par Séglas

(p. 180, 310) et par P. Janet (p. 181,304),puis ai examiné un àun

tous les exemples cités par Hibolet repris par l'A. en faveur de

sa Doctrine. 11 n'y eut guère de mérite, je l'avoue, à faire ressortir

l'enfantillage de foutes les explications proposées, à montrer, par

exemple, que, dans une observation citée par l'A. comme cas de

trouble alternatif des deux hémisphères, certains symptômes té-

moignaient du trouble de celui supposé sain (p. 308) ; à rappeler

que les personnalités possibles, dont l'A. avait triomphalement

porté le nombre à trois, avaient été fréquemment plus nombreu-

ses, de l'avis même d'un « illustre savant ». (p. 304). Il y avait là,

comme dans les remarques concernant la physiologie du cerveau,

« des tas de certitudes ». Celles-ci ont sans doute échappé au bio-

logiste enthousiasmé qui avait mis dès la première heure au ser-

vice de la Doctrine ses connaissances physiologiques et ses idées

sur le corps calleux. Aussi, l'on confond encore ; on m'accuse de

changer d'avis (p. 18) ! Je n'insiste pas.

Quant aux expériences de Dumonspallier et autres semblables,

dont l'A. fit dès le début la 1( preuve directe » do sa Doctrine,

n'ayant pas à apprécier leur valeur iuLriusùquc,ju m'étais contenté

d'en faire l'historique (p. 178 et 179). ? lIais j'apprends aujourd'hui,

à n'en pouvoir douter, que ces expériences » sont nettement insi-

gnifiantes. » C'est un comble qu'on me devait bien.

Aptitudes. Entrecroisements. - Même confusion - à détermi-

ner pour les aptitudes et tendances. Après avoir exposé les

différences physiologiques (p. 206, 207), je me suis demandé, en

termes on ne peut plus explicites (p.208),si elles représentaient

un substrat physiologique suffisant pour des tendances ou même

.simplement des aptitudes upposées ; puis j'ai mis en lumière les ca-

ractères qui distinguent les deux groupes (évolution onto et phy-

logénique, influence de l'exercice etc.); j'ai ensuite démontré (p.

210 et sqq.) que l'hypothèse de l'innéité de tendances opposées est

contredite par la primordiale etcollslantecommunauté de milieuet

d'origine ; que la persistance de ces tendances est semblablement

UN DERNIER MOT SUR LA SYMÉTRIE. 47

en désaccord avec l'unité fonctionnelle de la plupart des organes

doubles, avec l'énorme prépondérance des acquisitions communes

aux deux hémisphères (p. 212) et avec la nécessité de leur collabo-

ration, même dans des cas-où l'on croyait jadis la disjonction pos-

sible. Mais, sans même avoir l'idée de critiquer la distinction natu-

relle entre les différences et les tendances; l'A. confond les deux

choses. Le résultat est pénible (cf. p. 210 et p. 28) et a effecti-

vement quelque gravité. Mais la fin du paragraphe laisse bien

réapparaître ce fond de joyeuse humeur, dont un livre souvent cité

laissait déjà soupçonner l'existence.

Quant à ma « querelle» (v. p. 28), en voici le sens : je deman-

dais au moins un exemple de tendances opposées. On me renvoie

à vingt auteurs ; mais ceux-ci n'étaient pas, que je sache, initiés,et

n'avaient nulle cure des tendances opposées. L'A. se reconnaît

maintenant incapable d'imaginer une tendance ou aptitude oppo-

sée à « plus intellectuel » ; il avoue ainsi qu'il avait effectivement

pensé à celle que je lui ai soumise en lui rappelant toutefois que

les muscles les plus forts et les mieux exercés sont au service du

cerveau « plus intellectuel ». L'exemple demandé reste donc en-

core à trouver : dois-je conclure qu'il est introuvable ?

L'inégalité des poumons est maintenant rayée de la liste des dif-

férences anatomiques, mais l'A. a retenu « les différences très visi-

bles sur le relief topographique de l'organe psychique », sans tou-

tefois essayer de les rattacher aux différences physiologiques : il

eût été indiscret d'exiger des collaborateurs les recherches néces-

saires à la solution du problème. Mais pourquoi ne pas tenir comp-

te des différences, très visibles aussi, dans la disposition des lym-

phatiques sous-pleuraux ou dans celle des lobes des reins du nou-

veau-né ? D'autre part, si les différences des circonvolutions, à

droite et à gauche, expriment des différences innées dans les ten-

dances de deux individus accouplés, pourquoi le cerveau où sont t

localisés les souvenirs verbaux, par exemple, est-il, dans la règle,

placé à gauche ? Les inégalités dans la vascularisation n'expli-

quent pas tout, je le veux bien, mais quelle est cette force mys-

térieuse qui préside à la mise en place des co-êtres en formation ?

Autre méprise. La Doctrine, a-t-on remarqué, « ne tient pas

compte des connexions bilatérales motrices et sensitivo-sensorielles

de chaque moitié du système nerveux etc. » (p. 219 et p. 19). On

me répond que « le duplicisme explique seul les connexions ner-

veuses... grâce auxquelles la droite cause avec la gauche, et les

entrecroisements... qui sont des garanties contre l'incoordina-

tion. » Il est évidemment permis à un sociologue, même sustenté

de quelques biologistes, de confondre les chiasmas sensoriels et les

voies pyramidales avec les voies commissurales. Mais à qui défen-

dra-t-on de savourer ces « deux moitiés auxqualles il faut des con-

nexions etc. » et de trouver un peu risqué le dialogue signalé plus

48 RECUEIL DEFAITS.

haut. quand l'A. spécifie que « ces mots gauche et droite signifient

bien plus qu'une situation topographique» ? On ne voit guère, en

effet, qu'une situation à la Chambre...

Je ne m'attarderai pas à énumérer toutes mes remarques laissées

sans réponse quoiqu'elles ne concernent « ni la philosophie, ni

la sociologie ». Je ne chercherai pas non plus à savoir comment la

Doctrine explique, mieux qu'aucune autre, les « déviations, iné-

galités ou atrophies et« les ressemblances successives» (p 35 et38).

L'A. a fait flèche de tous bois et à élevé à la dignité de preuve un

aperçu au moins un peu vague, mais qu'il préciserait au besoin.

C était là, du reste, faire acte de reconnaissance.

Inutile également de qualifier les tendances nettement ma-

nifestées dès les premiers chapitres du livre comme elles le

sont aujourd'hui dans certaines phrases do l'apologie terminale :

j'ai en effet vainement cherché dans la réponse proprement dite

une seule assertion qui ne fût erronée ou mensongère, un seul dé-

veloppement qui ne fût amené par le besoin d'égarer le jugement

du lecteur ou basé sur des méprises bien dignes, il est vrai, de qua-

rante années d'études préalables. Je ne doute pas que l'A. n'ait

d'autres «arguments » en réserve; mais je doute que nulleamplifi-

cation arrive à masquer la niaiserie de son idée mère ; je doute

même, s'il y persiste, et quoiqu'il se vante de connaître, outre la

sociologie, « l'état actuel de la science zoologique »(p. 36), que sa

trouvaille l'aide jamais « à relier ses idées entre elles. n

RECUEIL DE FAITS

Sur un cas d'oedème à évolution d'apparence

spontanée chez un paralytique général (1).

PAR

G. DItO\fARD et L. DALMAS

médecin interne

à l'Asile SI Picrre (Marseille)

Les troubles trophiques et vaso-moteurs fournissent

à la paralysie générale des symptômes aussi importants

que variés. L'oedème compte au nombre de ces symptô-

mes et il faut reconnaître pourtant que la plupart des

auteurs lui ont accordé une faible mention. Bien étudié

dans l'hémiplégie (Raymond, Marie, Gombault, Oppen-

(1) Service du U' Journiac.

SUR UN CAS D'OEDEME A EVOLUTION [('APPARENCE SPONTANEE. 49

heim, Féré, Monakow, Strumpell, ( : rouzon, Parrhon et

Golstein etc.1, et dans les affections médullaires telles que

le tabes ou la syringomyelie (Noth, Hoffmann, Louazel,

etc.) ; l'oedème n'est que signalé avec un commentaire

plusoumoins restreint dans les travaux de Bonnet (I),

Durante (2), Athanassio (3), Villard (4), Namadier (5) lié

rissey (G) sur les troubles trophiques chez les paralyti-

ques généraux, et cette parcimonie de détails n'est pas

sans étonner en présence d'une maladie qui intéresse

l'axe cérébro-spinal dans son ensemble. L'observation

suivante, nous a paru digne d'intérêt comme contribution

à l'élude clinique des oedèmes dans la paralysie générale.

A... Jules, 42 ans, marchand de nouveautés à Constantine, ne

présente rien de particulier à signaler au point de vue des anté-

cédants héréditaires . Le père et la mère sont. bien portants ; la

famille nie toute tare nerveuse tout alcoolisme chez les ascen-

dants.

A... a toujours été d'un tempérament nerveux et impres-

sionnable mais il n'a jamais eu de maladie grave. Toutefois, la

syphilis, sans être absolument confirmée, semble probable

d'après les renseignements recueillis auprès de l'entourage.

Le 10 Juin 190 ? le malade subit un premier internement pour

une crise d'exaltation avec idées vagues de grandeur et de per-

sécution. Il pousse des cris inarticulés, tient des propos incohé-

rents et insulte à tort et à travers les membres de sa famille. Il

' est riche, il a la plus jolie femme du monde, et fait un éloge exa-

géré des personnes qui l'entourent. Toutefois cet état s'améliore

et la sortie est signée le z9 septembre de la même année. A noter

qu'au cours de ce premier internement le sujet avait présenté

des troubles vaso-moteurs caractérisés par l'cccléme des régions

mallêolaires et une coloration marbrée de la p ! m ! , au niveau des

quatre membres.

Il) Bonnets Troubles trophiques dans la paralysie générale

{Encéphale, 18S3).

(2) DU11.\NTE.- Troubles trophiques dans la paralysie générale

(Ga; he6d.1894).

(3) .1·ru,vv.wslo ? I roubles trophiques dans la paralysie générale

(Arch. neurol., nov. 1897.)

(41 Vu.LAi ! )). De quelques complications dans la paralysie gé-

nérale (Thèse Paris, 1869). ,

(3) Namadier. Contribution à l'élude des troubles trophiques

dans la paralysie générale (Thèse Paris, 1884).

16) Ukhissey. Elude clinique sur les troubles trophiques dans

la paralysie générale (Thèse de Paris, 1903).

Archives, 3' série, 1907, t. II. 4

50 RECUEIL DE FAITS.

Le 25 mars 1906 le malade est réintégré à l'asile pour une

nouvelle crise d'exaltation. Au bout de quelques jours, les phé-

nomènes bruyants s'atténuent, mais il persiste un état assez ac-

centué de confusion mentale avec désorientation dans le temps

et dans l'espace. Puis un affaiblissement intellectuel de plus en

plus évident succède à la simple conlusion et les signes physi-

ques de la paralysie générale apparaissent.

Aujourd'hui A.. présente des troubles profonds de la mémoire.

Il est incapable de répondre aux questions qu'on lui pose et

reste immobilisé dans son lit où il mène une vie végétative.

L'examen physique révèle la parésie des membres inférieurs

avec abolition presque totale des réflexes patellaires. Les trou-

bles de la parole sont très accentués. Les pupilles sont égales

mais réagissent paresseusement à la lumière. II y a paralysie de

l'oculo-moteur commun du côté droit avec déviation du globe de

l'oeil en dehors et ptose de la paupière supérieure. On constate

également des mouvements de trombone et du tremblement

fibrillaire delà langue.

Le 10 septembre au matin, A... qui depuis une quinzaine de

jours avait un léger oedème malléolaire du côté gauche présente

subitement un cedénme énorme du membre supérieur droit. La

veille, cette région était absolument normale dans son aspect

aussi bien que dans ses dimensions.

A l'inspection, et par comparaison avec le membre supérieur

du côté opposé, on est immédiatement frappé a) de la déforma-

tion apparente, b) de l'augmentation de volume, c) de la différence

de coloration.

à) La déformation apparente se traduit par un raccourcisse-

ment du segment brachial au profit du segment antihraclaial.

Mais cette illusion est due à ce que le maximum d'empâtement

siège au niveau du coude avec effacement du pli de flexion et

gonflement énorme de la région olécranienne. 11 est facile de

constater iL la palpation que le squelette est intact. La tête bu-

mérale est à sa place; la mensuration montre que les différentes

apophyses sont à leurs distances respectives. Au reste, le malade

fait avec aisance et sans douleur les mouvements de supination

et de pronation de l'avant bras ainsi que tous les momementsde

flexion, d'extension, d'adduction et d'abduction du bras- 11 n'y a

ni luxation,ni fracture.

b). L'augmentation de volume porte à la fuis sur l'épaule, le bras,

le coude, l'avant-bras et le poignet. La main n'est pas modifiée

d'une façon sensible. Le maximum d'augmentation est au niveau

du coude ; le minimum au niveau du poignet. Le volume du

bras estplus marqué dans son tiers inférieur : celui de l'avant-

bras dans son tiers supérieur. Des mensurations exactes, donne-

SUR UN CAS D'OEDÈME A ÉVOLUTION D'APPARENCE SPONTANÉE. 51

neront une idée plus précise de ces modifications ; surtout si on

les compare aux mensurations pratiquées sur les régions corres-

pondantes du membre sain, qui est le siège d'une atrophie mus-

culaire assez avancée :

Circonférence du bras à sapartie moyenne : -A gattche,25 c. ;

à droite, 3G c. 1/2.

- Circonférence de 'avant-bras à sa partie moyenne : - A gauche

2c.; à droite 28 c. 1/2.

Circonférence du coude : - A gauche 24 c. 1/2 ; à droite 36 c.

c)La différence de coloration est marquée par la .présence de

surfaces ecchymotiques dont la disposition est assez diffuse mais

qui pourtant semblent prédominer en trois points. Une bande vio-

lacée occupe tout le bord cubital de l'avant bras. Un croissant à

concavité supérieure décoloration moins foncée occupe la partie

antéro-externe du bras à l'union de son tiers supérieur et de ses

deux tiers inférieurs. Une troisième ecchymose moins bien dé-

finie marque le rebord postérieur de l'aisselle et se perd sur la

partie supéro-latérale du thorax. -

rI la palpation, l'oedème dont nous venons d'indiquer les ca-

ractères primordiaux.se présente comme une tuméfaction dure et

tendue ; le doigt y laisse néanmoins son empreinte sous forme de

godet.La' pression est indolente.1l est impossible de découvrir un

point d'élection douloureux.

L'élévation de température locale est frappante ; elle est nette-

ment perceptible à la main et se révèle d'une façon plus évidente

encore par une comparaison thermométrique.

Le thermomètre placé soit au niveau du pli du coude. soit au

niveau de l'aisselle marque 37.2 du côté sain et 39.6 du côté ma-

lade. Cette élévation de température concorde avec une hyper-

hydrose manifeste : la-sueur perle et ruisselle le long du membre.

La motilité n'est pas diminuée ; le malade résiste avec autant

de force du côté droit que du côté gauche aux mouvements

forcés de flexion et d'extension qu'on imprime au membre.Par

cnnfre,la sensibilité à la piqûre paraît obtuse du côté correspon-

dant à l'oedème. Le coeur est normal ; il n'y a dans l'urine ni

sucre ni albumine. Ni lièvre ni modification de l'état général.

Du 10 aul7,la situation est sensiblement stationnaire.Nous pra-

tiquons des massages matin et soir. Du 17 au : 20,continuation des

massages,L'oedème s'atténue légèrement et devient surtout beau-

coup plus souple. Les ecchymoses subsistent et conservent leur

coloration violacée.L'hyperhydrose et l'hyperthermie locales sont L

encore nettement perceptibles.

Du 20 au 25, l'oedème continue à s'améliorer. Les ecchymoses

pâlissent et diminuent d'étendue, l'hyperhydrose et l'hyperther-

mie ne sont plus appréciables. ,

52 . RECUEIL DE FAITS.

Le 25, les chairs ont presque recouvré leur souplesse normale;

les différences du volume entre les deux membres ne sont plus

que de 3 cm. au niveau du bras, au niveau de l'avant-bras,

5 cm. au coude- Les ecchymoses continuent à régresser.Du ?

au 30, l'amélioration s'accentue,

Le 30, il ne reste plus qu'un empâtement local de la région

olécranienne et une ecchymose encore visible bien que très atté-

nuée, sous forme débande cubitale. La surface ecchymotique a

disparu dans la suite, mais il subsiste un certain dcgré d'oedème

chronique dans la partie moyenne du membre et particulière-

ment à la lace postérieure du coude.

L'enquête soignée à laquelle nous avons cru devoir

nous livrer en présence des phénomènes précédents ne

nous a révélé aucune pression ni aucun choc au niveau

des surfaces ecchymotiques ou oedématiées. Le malade

parfaitement calme, demeurait constamment au lit, sans

liens, sans entraves, sans moyens de contention, et la chambre

qu'il occupait au pavillon du pensionnat était de jour et

de nuit l'objet d'une surveillance à laquelle une chute

n'eût pas échappé. Les accidents en question ne semblent

donc pas attribuables à un traumatisme. Nous insistons

particulièrement sur ce fait, car il est bien évident que

la première hypothèse qui nous vint a l'esprit fut celle

d'un accident passé inaperçu et ayant eu pour conséquen-

ce des réactions in loco. Toutefois, l'absence complète

d'anamnèse, la disposition même de l'oedème et des ecchy-

moses, leur caractère physique et leur indolence, enfin

l'intégrité parfaite de tous les mouvements du membre,

voilà autant de traits susceptibles de nous éloigner d'u-

ne contusion. A plus forte raison ne pouvons-nous son-

ger à une luxation ou une fracture, tout en faisant la part

de l'allure torpide qu'affectent ces accidents chez les ta-

bétiques et les paralytiques généraux. Nous n'en avons

découvert aucune trace, à l'examen le plus minutieux, et

en dépit des déformations apparentes dont toute la res-

ponsabilité revient aux parties molles.

En joignant à ces considérations négatives quelques re-

marques positives, on est tenté d'accorder aux phénomè-

nes que nous venons d'étudier un caractère de spontanéité

dont le mécanisme est à découvrir. Nous rappelons en ef-

fet l'hyperthermie et 1'liyperh,)-drose localisées qui ont

SUR UN cas 1)'(EDi ? MF A ÉVOLUTION d'apparence SPON7 ANÉE. 53

accompagné les phénomènes au début de leur évolution :

nous rappelons également la coexistence d'un oedème locali-

sé de la région malléolaire. survenu en avant-coureur, ainsi que

¡'existence de troubles analogues ou assimilables au cours d'un

internement antérieur.

Ces différentes circonstances nous font incliner à pen-

ser que nous sommes enprésence de troubles vraisembla-

blement en rapport avec des modifications de l'innerva-

tion vaso-motrice. Il est à peine besoin d'ajouter que la

nature de cette influence nerveuse nous échappe aussi

bien que les transformations intimes qu'elle commande.

Stofella.pour expliquer un certain nombre de cas plus ou

moins analogues au nôtre, mais accompagnés de névralgie

cervico-brachiale, suppose des phénomènes névritiques

à l'origine de pareils accidents. L'hypothèse est évidem-

ment soutenable mais il ne nous semble pas nécessaire

d'invoquer une lésion du système nerveux périphérique

pour expliquer des troubles vaso-moteurs ou trophiques

chez un paralytique général. Kralft-Ebing attribue un

rôle important aux altérations du centre vaso-moteur

dans la pathogénie et l'évolution clinique de la maladie.

Klippel et Dumas ont signalé les rapports de l'état affec-

tif des paralytiques généraux avec leur paralysie vaso-

motrice et tendent à considérer la vaso-dilatation péri-

phérique comme entièrement liée à l'état de satisfaction

dans la variété expansive. On observe dans la paralysie

générale un certain nombre de symptômes qu'il faut en-

core attribuer à l'état des centres vaso-moteurs ; tels

sont les attaques syncopales,les ictus apoplectiformes,

les accès épileptiformes, etc.Enfin Klippel et Durante ont

insisté sur les lésions vaso-paralytiques des viscères, et

il n'est pas plus étrange de rattacher à un mécanisme

analogue, à côté de la tache méningitique et du dermo-

graphisme, certains cas d'oedème paralytique avec ecchy-

mose spontanée. Il convient d'insister cependant sur la

prudence que doit revêtir toute interprétation de ce gen-

re. Comme le dit Klippel, «il faut se rappeler que la pa-

ralysie générale qui a suivi toute son évolution est à la

fois une cachexie, une maladie du système nerveux, et

une infection qui ouvre la porte à toutes les infections

secondaires n. C'en est assez pour rendre la vérité coin-

54 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

plexe en matière de pathogénie symptomatique et pour

entacher de suspicion toute. théorie exclusive.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES

I. - Ueber den Schaefer'schem antagonistischen Reflex (sur

le réf. ant. de Schaefer) ; par W. L.\sARE\v, de Hies. (Neurol.

Ctrbl. XXV, f. 7, p. 291, à 293, 1er avril 1906.)

Chez l'homme sain une compression forte du tendon d'Achille

entre le pouce et l'index produit, par simple action mécanique, une

flexion très légère du gros orteil et la flexion plantaire du pied.

Dans cinq cas de lésion cérébrale organique, Schaefer (Neurol.

Ctrbl. 1899, p. 1016) obtint par la même manoeuvre l'extension des

orteils. Il attribua ce résultat à l'excitation des nerfs sensitifs du

tendon d'Achille et l'appela « le réflexe antagonistique », parce

que le muscle qui se contracte n'est pas celui sur le tendon duquel

a porté l'excitation, mais bien son antagoniste. Dans un cas de

coma profond, où aucun signe de lésion locale ne pouvait être

décelé, S. diagnostiqua grâce à ce réflexe une lésion en foyer qui

fut ensuite vérifiée.

L. retrouva ce symptôme chez 7 hémiplégiques et chez 3 pa-

raplégiques par lésion spinale en voie d'amélioration, mais il pense

que le point de départ de l'excitation n'est pas le tendon mais la

peau ; le réflexe variait en effet d'un individu à un autre, ce qui est

un des caractères des réflexes cutanés (Strumpell), et était pro-

duit, d'autre part, par simple pincement de la peau au niveau du

tendon d'Achille, Les 10 malades de L. présentaient en outre le

signe de Babinski : la « zone réflexogène » du phénomène des or-

teils n'est donc pas localisée à la plante du pied et le signe de Schae-

fer ne diffère de celui de Babinski que par le mode d'excitation.

C11. BONNE.

II. Ueber den Fussrückenreflex (sur le réf. du dos du pied),

pal' Kurt MENDEL de Berlin. (Neural. Centralbl. XXV, f. 7,

p. 293 à 297.)

Chez les individus sains ou atteints d'une maladie nerveuse

fonctionnelle, la percussion du dos du pied produit une flexion

plus ou moins nette des quatre derniers orteils. Chez plusieurs

sujets atteints d'affections organiques du système nerveux, M.

(Neural. Ctrbl., 1904, nez 13) obtint au contraire par le même mo-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 55

yen la flexion plantaire ; plusieurs de ces malades présentaient en

outre le signe de Babinski.

Une nouvelle série d'examens permit à M. de compléter ses pre-

mières recherches. Dans 85 cas d'hémiplégie organique, il y eut 26

fois flexion plantaire, 59 fois flexion dorsale : dans 13 ca,, la fle-

xion pkntaire était plus accusée quand la percussion portait sur

le dos du pied près du bord externe. Le signe de Babinski fut né-

gatif 48 fois, mais, dit l'auteur,un grand nombre de sujets ne pré-

sentaient qu'une légère hémiparésie.

Dans 59 cas de paraparésie organique (44 myélites et 15 scléro-

ses en plaques), il y eut 35 fois flexion plantaire. Dans 45 cas le

signe de Babinski fut positif. Le réflexe pathologique du dos du

pied serait donc plus,fréquent dans les cas de lésion de la moelle;

dans les paraparésies, il serait,en outre, plus accusé et plus facile à

produire du côté le plus atteint : ainsi dans les cas de syndrome

de Brown-Séquard, il est plus net du côté où prédominent les trou -

blés moteurs.

Le réflexe de Mendel aurait une certaine valeur dans les cas où

se pose la question d'une lésion du faisceau pyramidal malgré

l'absence du signe de Babinski. M. rapporte l'histoire d'un malade

pour lequel l'absence de ce signe avait fait porter le diagnostic de

neurasthénie, diagnostic qu'il mit en doute à cause de la présence

du réflexe pathologique du dos du pied ; on vit.en effet, après quel-

ques mois, apparaître successivement plusieurs signes de sclérose

en plaque et, notamment, le signe de Babinski.

M. passe en revue plusieurs cas d'hémiplégie capsulaire ou cor-

ticale, de lésions pontiques, de « paralysie progressive » de l'enfant

et de l'adulte, où le signe de Babinski manquait, tandis que le ré-

flexe du dos du pied était positif (flexion plantaire), mais sans in-

sister sur cette discordance. Ch. Bonne.

III. Experimentelle Untersuchungen aus dem Gebiete der

Anatomie und Physiologie der hinteren Spinalwurzeln. Vorlau-

fige Mitteilung (Recherches exp.sur l'An. et la Phys. des racines

postérieures des nerfs rachidiens. Communication préliminaire);

par Stanislaus IiOPCZYNSKI, de Varsovie. (Neurol.Ctrbl. XXV,

fasc. 7, p. 297 â 300).

Section des racines postérieures chez 4 Macacus rhesus, puis su-

ture de la dure-mère ; dans tous les cas, réunion per primat, Les

animaux furent tués un mois après l'opération.

La section d'une seule racine postérieure ne produit pas le plus

léger trouble moteur dans le membre correspondant. La section

de plusieurs des racines postérieures correspondant à un membre

produit des troubles ataxiques, une certaine gaucherie, surtout

dans les doigts, qui disparaissent complètement au bout de quel-

ques jours. La section de toutes les racines postérieures d'un

56 REVUE n'ANA10MIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

membre est suivie de faiblesse et d'atrophie des muscles de ce

membre.

Quoique la 8° racine postérieure cervicale pré, ide à la sensi-

sibilité d'une grande partie de la main, son rôle n'est que secon-

daire dans la motricité du membre : quand la 1 racine postérieure

dorsale et « vraisemblablement » plusieurs autres des racines du

plexus brachial sont épargnées, on peut assister à la disparition des

troubles moteurs consécutifs à la section de toutes les autres ra-

cines, y compris la 8e.

Après section d'une série ininterrompue de racines postérieures

correspondant à un membre, les mouvements de préhension au

moyen de la main anesthésique sont d'abord impossibles, mais

l'animal peut exécuter avec le bras, l'avant-bras, et même la main

et les doigts divers mouvements, qui se perfectionnement par

l'exercice. Il court, mais péniblement, ét s'appuie souvent sur la

face dorsale de la main anesthésique.

Le S. N. C. des 4 animaux opérés fut examiné par l'A. au Marchi

et au Pal. Voici les conclusions les plus importantes :

La virgule de Schultze est formée presque uniquement des bran-

ches descendantes des racines postérieures. Le siège et l'étendue

en hauteur de sa dégénération dépendent du siège des racines

postérieures sectionnées. Pourtant, après section des dernières cer-

vicales et des 5 premières dorsales, la dégénération n'atteint pas

la moelle lombaire.

Après section unilatérale des racines postérieures, il n'y a ja-

mais dégénération dans le cordon postérieur du côté opposé.On

observe, par contre, dans les cordons antérieurs.des dégénérations

disséminées dues à des troubles circulatoires de la subsance grise

ou à des lésions opératoires de la périphérie de la substance blan-

che.

La division des cordons postérieurs en cordon de Goll et cor.

don de Burdach ne s'applique exactement qu'à la moelle cervi-

cale supérieure. Dans les segments cervical inférieur et dorsal supé-

rieur, le septum paramédian ne représente pas la limite entre les

deux cordons : il décrit en effet un S, tandis que le bord interne

du champ de dégénération est le plus souvent rectiligne. Dans cer-

tains cas, une partie des fibres des cordons postérieurs passe par

les noyaux de ces cordons, s'engage directement dans le ruban de

Reil du côté opposé et se dirige aussitôt vers l'écorce.

Après section des racines postérieures, les cellules motrices des

cornes antérieures ne présentent pas de modifications et les raci-

nes antérieures ne sont qu'à peine altérées, on ne peut donc in-

voquer une lésion secondaire de ces racines et de leurs cellules

pour expliquer les troubles moteurs.

Dans le bout médullaire des racines postérieures sectionnées,

l'auteur ne trouva pas de fibres saines, et,30 jours après l'opéra-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 57

tion,le bout ganglionaire ne contenait pas une seule fibre dégéné-

rée. L'auteur en conclut que,chez le singe, les racines postérieures

ne contiennent pas de fibres médullifuges. Ce résultat, que l'on

peut considérer comme négatif, car les éléments sains du bout cen-

tral et les fibres dégénérées du bout ganglionnaire sont en très petit

nombre et difficiles à mettre en évidence, est en désaccord avec celui

que j'ai obtenu chez le chien, il y a une dizaine d'années (Thèse

de Lyon 1896-1897). Mais, ayant constaté moi-même que la pro-

portion des fibres centrifuges diminue régulièrement à mesure

que l'on remonte la série animale, je tiens pour plausible jusqu'à

plus ample informé la conclusion de K. Cet auteur constata, enfin,

que, au 30e jour, les ganglions spinaux ne présentaient pas trace

de dégénération. ' Ch. Bonne.

VI. Ueber das Wachstum mikrocephaler Schaedel. (Sur la

croissance des crânes m.) ;par Heinrich VoGT, de Gottingues.

(Neurol. Ctrbl, XXV, f. 7, p. 300 à 312. Longue bibliographie.)

Recherches statistiques dont voici quelques conclusions : On

peut considérer dans le crâne microcéphale trois parties plus

ou moins distinctes : l°une partie dont la croissance n'est influen-

cée que par les processus dont le cerveau est le siège ; chez le mi-

crocéphale ses dimensions restent stationnaires dans presque tous

les cas (hauteur de la tête, arc biauriculaire, diamètre bipariétal).

2" Une partie dont la croissance est déterminée principalement par

les organes des sens (largeur de la base du crâne au niveau des ar-

ticulations temporo-maxillaires). Sa croissance est moindre qu'à

l'état normal mais ne subit pas d'arrêt complet (diamètre fronto-

occipital, circonférence de la tête, et diamètre transversal de la

tête). Le pourtour horizontal de la tête dépend à la fois des orga-

nes des sens et du cerveau. 3° Le «crâne facial » proprement dit

dont la croissance s'effectue à peu près suivant la normale, et

opposé par Carl Vogt au « crâne cérébral ». Ch. BONNE.

V. Zur Frage der trophischen Nervenfunktion ; par Wilhelm

TRENDELENBURG, de Fribourg-en-Brisgau. (Neurol. Ctrbl.

XXV, fasc. 9, p. 386 à 391, 3 fig., 1er mai 1906) (1).

On sait que la section des racines postérieures produit dans le

membre correspondant des troubles dits trophiques que l'on rat-

tache généralement à la perte de la sensibilité ou à la maladresse

des mouvements. On sait, d'autre part, que, chez les mammifères,

les racines postérieures contiennent des fibres vasomotrices dont t

l'interruption joue probablement un certain rôle dans la produ-

tion des troubles dits trophiques. Les expériences de T. mettent

ce point en lumière d'une facon inattendue.

(1) Sur la question de la fonction nerveuse trophique.

58 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Chez le pigeon domestique, la section des racines postérieures

d'une patte entraîne des troubles moteurs, tantôt passagers et à

peine marqués, tantôt plus accuséset plus durables; les doigts traî-

nent sur le sol et la patte se pose souvent sur la face dorsale ; dans

ce cas seulement on voit apparaître les troubles dits trophiques :

excoriations, callosités, épaississement oedémateux, chute des on-

gles et des phalanges etc. Quant à l'aile, la section de ses racines

postérieures ne cause jamais le moindre trouble dans ses mouve-

ments ni dans l'état apparent de ses divers tissus. Pourtant,après

la mue, T. a remarqué que, constamment, la pousse des plumes

était beaucoup plus lente du côté opéré que du côté sain. Ce fait

ne paraît actuellement comporter qu'une seule explication : la

croissance rapide des plumes serait normalement accompagnée

d'un certain degré d'hyperhémie de la peau, et nécessiterait une

intervention particulière des vaso-dilatateurs. En dehors de cette

période, l'action de ceux-ci serait pour ainsi dire nulle ou tout au

moins difficile à mettre en évidence, tandis que, après la mue, les

conditions particulières du régime circulatoire local ne pourraient

plus être remplies. Ch. Bonne.

VI. Ueber einseitiges Fehlen und ueber die Wiederkerhr

des verschwunden gewesenen Kniephaenomens (sur l'absence

unilatérale et sur la réapparition du phénomene du genou) ; par

Gaston WFIIRUNG, de 13onn.(Neurol. Ctrbl.,XXV, fas. 9, p. 391

à 401, 6 fig.)

Trois cas de paralysie générale avec état variable des réflexes :

1° Femme de 50 ans; douleurs fulgurantes. Pendant 10 mois on

constata une exagération notable, qui persista jusqu'à la mort, du

phénomène du genou à gauche, et son absence complète à droite.-

Autopsie : Moelle lombaire supérieure : légère dégénérescence de la

zone radiculairedaWestphallàdroite ; légère dégénérescence bilaté-

rale des faisceaux pyramidaux croisés, beaucoup plus accusée à

gauche dans la moelle lombaire supérieure.

2° Femme de 35 ans ; signe de Romberg ; les phénomènes du

genou manquent des deux côtés ; trois mois plus tard, le réflexe pa-

tellaire droit reparaît, 3 jours après une attaque paralytique et

persiste, variable, jusqu'à quelques jours avant la moit ; le ré-

flexe gauche manque constamment. Autopsie : Moelle cervi-

cale : légère hypertrophie conjonctive dans les F. Py. C. et -D.

des deux côtés ; plusieurs hémorrhagies dans la corne postérieure

droite. Moelle dorsale : D à à D 7j dégénération symétrique, en vir-

gule, dans les deux cordons postérieurs. Moelle lombaire : hémor-

rhagies dans la corne postérieure gauche ; dégénération diffuse

très légère des deux cordons postérieurs.

3° Homme de 38 ans; les réflexes patellaires varient d'abord par

périodes d'un mois environ; puis, pendant les 3 derniers mois,ils

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. ! )'>

demeurent très accusés à droite et nul à gauche.- Autopsie : Dé-

génération diffuse des cordons postérieurs, légère, dans la moelle

cervico-dorsale, plus accusée dans la moelle lombo-sacrée : à ce

niveau et mieux encore un peu plus haut, la dégénération plus ac-

cusée à gauche et les fibres allant à la colonne de Clarke manquent t

presque complètement. Au Marchi, les faisceaux pyramidaux croi-

sés présentent une dégénération récente très légère, qui échappe

au Pal, tandis que les cordons postérieurs paraissent sains.

L'auteur remarque que dans les cas I et III, il y avait dans la

moelle lombaire supérieure,du côté où manquait le réflexe patellaire

de la dégénération de la zone de Westphall (« zone de pénétration

des racines »), incomplète mais plus accusée que du côté opposé.Il

rappelle à cette occasion un cas d'Achard et Lévi : tabes, conser-

vation des réflexes patellaires ; dégénération des cordons posté-

rieurs bien accusée mais respectant la zone de pénétration des ra-

cines. Il rapproche le IIe cas du cas de Pick et de Nonne et pense

avec ces auteurs que la dégénération des cordons postérieurs peut

être quelquefois assez légère pour permettre le retour du réflexe

patellaire sous l'influence d'une cause exagérant les réflexes ; la

dégénération quelque légère qu'elle fût, était pourtant plus avan-

cée à gauche (côté où manquait le réflexe.) Cn. Bonne.

VII. Tabes dorsalis und das Kniewinkelphaenomen (T. d. et

le phén. de l'angle du genou); parJ. G. ORSCiIANSKr,de Char-

kow. (Neurol. Centralbl, XXV, fas. 9, p. 401 à 405.)

Tabétique couché sur le dos ; d'une main on fixe un genou sur

le plan du lit ; de l'autre on soulève le pied ; la jambe arrive à faire

avec le plan horizontal un angle de 16 à 20°. Ce signe est constant

quand il y a ataxie des membres inférieurs ; toujours plus accusé

du côté où prédominent l'ataxie et les troubles du sens musculai-

re et la diminution du réflexe rotulien ; peut être- masqué par les

hyperostoses fémoro-tibiales ; coïncide souvent avec la possibilité

de mouvements forcés d'abduction de la jambe,la cuisse étant fixée,

et avec une mobilité anormale de la rotule.

L'A. l'a rencontré dans quelques cas de myélite chronique, as-

socié à la paralysie et à l'atrophie musculaire et à la perte des ré-

flexes tendineux et aponévrotiques; - chez des enfants atteints de

paralysie infantile à forme hémiplégique ou de rachitisme grave.

En général tous les états spastiques s'opposent à sa production.

L'A. se demande si le trouble de la coordination ne dépend pas

en partie des changements des conditions mécaniques du fonc-

tionnement des articulations, par perte de l'élasticité des ligaments

et des muscles, en faisant abstraction du trouble des sensations

dues au fonctionnement (Signalempfindungen). Des tabétiques

chez lesquels la laxité des tissus articulaires était corrigée par des

60 REVUE d'.ANATOMIE CI- DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

appareils appropriés présentaient plus de stabilité et marchaient

avec plus d'assurance. Cu. Bonne.

VIII. -Tumor in der Marksubstanz der motorischen Zone (Arm-

region.) Zur Differentialdiagnose zwischen kortikalem und sub-

' kortikalem Sitz des Herdes.) (T. dans la subst. blanche de la z.

m. (région du bras). Sur le diag. diff. du siege cortical ou sous-

cortical du foyer) par C. E. van V ALKENB URG, de la clinique de

Monakow, à Zurich (Neurol. Centralbl, XXV, f. 13, p. 594 à

605, 1r juillet 1906.)

Femme de 30 ans ; en 1903, attaques d'épilepsie jacksonnienne

commençant par des convulsions des 4e et 5e doigts de la main

droite, qui s'étendaient à tout le membre avant la perte de con-

sance. En 1904,parésie du bras droit. En 1905, cessation des grandes

attaques avec perte de connaissance, des maux de tête, des verti-

ges, etc. : les convulsions restaient localisées au membre supérieur

droit et même à un seul de ses segments. En mai 1905, légère atro-

phie musculaire générale du bras droit ; tous les mouvements vo-

lontaires sont limités ; aux mouvements passifs on ne perçoit pas

de résistance. Jusqu'en décembre les convulsions du membre supé-

rieur droit persistèrent, limitées le plus souvent aux muscles de

l'épaule, plus rarement il ceux des doigts. Paralysie du

grand dentelé droit, qui s'améliora spontanément dans la

suite. A partir d'octobre, à plusieurs reprises, on observa

de l'étranglement des papilles, du nystagmus, de la profusion de

l'O. D. De plus,la sensibilité de la main droite à la chaleur était lé-

gèrement diminuée ainsi que le sens musculaire et la steréognosie.

La sensibilité au contact et à la douleur était normale.

On posa le diagnostic de « foyer sous-cortical limité de Fa

gauche. Une opération, suivie de succès fit effectivement décou-

vrir dans la substance blanche de'Pa une tumeur (sarcome à cel-

lules fusiformes) qui se prolongeait en avant et dépassait même

légèrement la limite antérieure de Fa au niveau du pied de r2,c'est-

à-dire,en effet, du centre du membre .supérieur. Voici les éléments

principaux du diagnostic topographique :

Siège dans la région rolandique, à l'exclusion de la région fron-

tale qui, d'après Dieulafoy, pourrait donner des symptômes d'épi-

lepsie jacksonienne semblables : Parésie persistante et limitée du

membre supérieur droit ; convulsions toujours limitées à ce mem-

bre ; dan le cas de Dieulafoy, en effet, les convulsions commen-

çaient tantôt par le bras, tantôt par la face.

Siège sous-cortical. Dans le type jacksonien pur, les convul-

aions commencent régulièrement par le même groupe musculaire

parétique ; la lésion en foyer met tout d'abord un centre en acti-

vité, puis, successivement, tous les centres voisins. Dans le cas de

l'A. les convulsions commencèrent d'abord par les doigts, puis par

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 61

l'épaule, le bras ou l'avant-bras, et souvent, simultanément par

deux segments, surtout l'épaule et les doigts ; beaucoup de petites

attaques furent de simples monospames du bras droit ; quand les

convulsions ne s'étendaient pas immédiatement à tout le membre,

elles se propageaient, non pas régulièrement d'un groupe muscu-

laire au groupe voisin, mais irrégulièrement, sautant un segment t

ou un autre, qui alors n'entrait en contractions spastiques qu'a-

près tous les autres. Dans certaines attaques, l'excitation partie

de la lésion trouvait, dans son cheminement dans le cortex, cer-

tains centres inexcitables, c'est-à-dire incapables de conduire en

sens centrifuge l'excitation reçue. Il fallait donc attribuer à la lé-

sion en foyer un siège extracortical (différences avec letypejackson-

nien vrai) et tel qu'elle pût exciter l'écorce d'une facon diffuse(mo-

nospasme du membre) et diminuer ou supprimer t'excitabilité des

centres particuliers de la zone du membre supérieur, probablement

par compression jointe à la réaction des parois du crâne : une lésion

dans la substance blanche, excitant l'écorce par sa face profonde

(von unten) sans interrompre complètement la conduction vers la

périphérie, remplissait au mieux toutes les conditions énumérées.

Siège primitif dans les circonvolutions centrales, à l'exclusion de

celles situées en arrière, et notamment dans Fa : légèreté et courte

durée des troubles de la sensibilité, d'après Monakow (Gehimpatho-

logie, 1905, et F. Muller, les foyers limités à Fa ne donnent pas de

troubles de la sensibilité. Chez le singe, Brodmann (1905), à vu

l'ablation de Fa ou de Pa suivie des mêmes troubles graves de la

sensibilité, mais ce résultat, contraire aux vuesde l'A., paraît à ce-

lui-ci sans valeur parce que la sensibilité a été examinée trop tôt

(5 et 6 jours) après l'opération. Ch. Bonne.

IX. Akute Encephalitis und apoplektische Narbe des Klein-

hirns. (Enc. aiguë et cicatrice apop. du cervelet); par F. \'1TTE,

de Grafenberg. (Neurol. Centralbl. XXV, 16. p. 748 à 753,

16 août 1906.) ,

Homme de 75 ans, nombreuses lésions viscérales, profond affai-

blissement intellectuel. Les seuls symptômes nerveux consistaient

en tremblement de la parole sans troubles de l'articulation et en

une démarche chancelante sans lancement des jambes, le corps

étant penché en avant et à droite. Mort en 2 jours d'une pneumo-

nie réduite à peu près à ses signes physiques, sans aucun phéno-

mène nerveux nouveau.

L'intérêt du cas réside dans la gravité de l'encéphalite et dans

ie mode de généralisation de l'infection.

L'A. rattache les signes nerveux mentionnés plus haut à l'an-

cienne hémorrhagie de l'hémisphère cérébelleux droit. Il décrit,

d'une façon peut être un peu confuse, les lésions histologiques et

leur topographie ; nombreux foyers de la moitié droite du pont et

62 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

du bulbe. Hémisphères cérébraux sains sauf aplatissement des

circonvolutions et dilatation des ventricules. Au microscope, lé-

sions chroniques de l'écorce cérébrale « habituelles dans la dé-

mence artério-scléreuse », notamment épaississement hyalin des

parois des artérioles, et prolifération névroglique tout autour ; lé-

sions semblables dans le pont, le bulbe et le cervelet et, de plus,

nombreuses thromboses récentes : leucocytes polynucléaires et

amas de pneumocoques ; peu d'hémorrhagies dans les gaines lym-

phatiques.

L'A. fait remarquer que le pneumocoque, cause fréquente de

lepto-méningites et d'abcès cérébraux, a été moins souvent ren-

contré dans des encéphalites telles que celle qu'il rapporte. cite

quelques cas dans lesquels l'infection se serait faite par les lympha-

tiques et conclut qu'elle peut également se propager par les vais-

seaux sanguins. Ch. Bonne.

X. Sur une localisation de fonction cérébrale ; réponse au

Dr Shan Bolton. par Alfred W. CA 111PBELL. (The Journal ouf

mental Science, janvier 1907.)

Ce travail a pour objet de réfuter sur un point particulier un

travail du Dr Shaw Bolton. Nous jugeons préférable de ne l'analy-

ser que lorsque nous donnerons l'analyse du très important travail

de M. Bolton,qui est en cours de publication depuis deux ans dans

le Journal of mental Science et n'est pas encore terminé. R. M. C.

'XI. Tumeurs du corps calleux; par RAYMOND, LEJOlYNE

et LHERMITTE. (L'Encéphale, 1906, n° 6.)

Communication faite au Congrès de Neurologie de Ligie,1906;

dont on trouvera le résumé dans les Archives de Neurologie, 1906,

n° 129, p. 204. F. T.

XII. Recherche sur la dégénérescence de la moelle ; par

1lIARrNSSCO et MINA. (Nouv. Icon. de la Salp. 1906, no 5.)

Résumé bibliographique de la question et exposé de recherches

personnelles expérimentales et anatomo-pathologiques. Il n'y a

pas de différences sensibles, au point de vue des résultats obser-

vés, entre les sections expérimentales et les compressions patholo-

giques de la moelle épinière ; dans les deux ordres de faits il se pro-

duit une régénérescence suivant un double processus ; d'une part

accroissement des fibres anciennes, d'autre part formation de nou-

velles fibres qui se multiplient par des ramifications successives et

de plus en plus minces. Ces fibres néoformées doivent leur nutri-

tion à des cellules spéciales qui apparaissent en colonies au niveau.

des sections nerveuses et par leurs propriétés chimiotaxiques alti-

rent à elles les jeunes fibres nerveuses et les nourrissent ; ces cellu.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 03

les, dont le rôle apparaît important dans les processus de régéné-

ration nerveuse, ont reçu le nom de « cellules apo trophiques».IVIaI-

gré ces efforts combinés la moelle ne reprend pas ses fonctions et

les paralysies persistent jusqu'au dernier moment ; il y a donc ré-

générescence anatomique sans restauration fonctionnelle ; c'est

que dans le trajet qu'ils ont à parcourir le faisceaux et les fibres

de nouvelle formation n'arrivent pas à rétablir des connexions

utiles. F. TisSOT

XIII. De l'influence de la section expérimentale des racines

postérieures sur l'état des neurones périphériques. Contribution

à l'étude des fibres centrifuges des racines postérieures ; par Roux

et HEITZ. (Nouv. Icon. de la Salp. 1906, n° 4.) ,

Ces auteurs ont expérimenté sur le chat : la section des racines

postérieures produit des réactions bien différentes dans les deux

prolongements de la cellule ganglionnaire ; le prolongement péri-

phérique, moins fragile,dégénère seulement dans sa portion ter-

minale selon le type Wallérien ; le prolongement central subit un

processus d'atrophie rétrograde jusqu'au voisinage de la cellule.

Les recherches ont mis en évidence l'existence, dans les racines

postérieures,de fibres myéliniques à trajet centrifuge. Il est impos-

sible de partager l'opinion de Koster que la section expérimentale

des racines postérieures détermine des altérations des nerfs péri-

phériques et des ganglions semblables à celles du tabes; la diffé-

rence n'est pas seulement dans l'évolution ; tandis,en effet,que le

processus tabétique apparaît comme essentiellement chronique,

le processus de section expérimentale est beaucoup plus aigu ; elle

est aussi dans la nature des lésions ganglionnaires décrites dans le

'tabes ; dans les nerfs périphériques et les racines postérieures l'a-

trophie simple à type segmentaire du tabes n'a rien de commun

avec la névrite expérimentale qui est une dégénérescence wallé-

rienne (les fibres dégénérées à type wallérien sont rares dans le ta-

bès). F. Tisser

XIV. Epilepsie et stupeur symptomatiques d'un glio-sarcome

du lobule sphénoidal chez un chien;par Marchand et PETIT.

(Nouv. Icon. de la Salp. 1906, n° 5.) 4 -

Les accidents constatés doivent être rapportés à l'excès de pres-

sion intracérébrale développé par la présence de la tumeur.

F. TISSOT.

YV. - Phlébite infectieuse du sinus caverneux ; par YERSIN.

(Rev. med. de la Suisse Romande, 1906, n° 8.)

Relation d'un cas de phlébite du sinus caverneux qui put être

diagnostiqué pendant la vie grâce à la netteté de ses symptômes.

64 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Il s'agit d'une jeune fille chez laquelle le frottement d'une paire

de lunettes détermina un petit abcès à la racine du nez. Malgré

l'incision de cet abcès on nota le lendemain une augmentation de

la fièvre et un vomissement. L'oedème de la paupière supérieure

de l'oeil droit s'accru rapidement et quelquesveinules dilatées ser-

pentaient sous la peau. La conjonctive faisait en outre saillie en-

tre les paupières, et le globe de l'oeil était légèrement projeté en

avant.

Le troisième jour,il survenait un léger délire et la température

s'élevait à 41°.

Le 4° jour, on constatait une hémiplégie faciale et la persis-

tance des phénomènes généraux : la mort eut lieu le 6° jour.

A l'autopsie du crâne,on trouva les sinus caverneux et le sinus

circulaire remplis d'une masse crémeuse, purulente, mélangée de

sanie. Il n'y avait pas de thrombus organisé,ni d'abcès du cerveau.

L'hémiplégie faciale était probablement la conséquence des petits

amas purulents qui tapissaient les méninges au niveau de la fosse

cérébrale moyenne. G. Deny

XVI. Quelques types de plaies pénétrantes du crâne par les

projectiles modernes ; par Matignon. (Nouv. Icon. de la Salp.

1906, n° 5.) F. TISSOT.

XVII. Sur les rapports des réflexes cutanés avec la sensibi-

lité ; par Noic.l. (Journ. de Neurologie, 1906, n° 24.)

On sait que les auteurs sont divisés sur la question de savoir

si ce sont les mêmes éléments nerveux ou des éléments différents

qui servent à la conductitibilité de la réflectivité cutanée et de la

sensibilité générale. Les deux faits que rapporte l'auteur vien-

nent à l'appui de la seconde opinion :

Il s'agit dans le premier cas d'un jeune homme qui fut atteint

de paraplégie spasmodique il la suite d'un coup de baïonnette qui

le blessa au niveau de la 4e vertèbre dorsale. Un an après l'acci-

dent, il existait encore, outre la paralysie des membres inférieurs,

une perle complète de lasensibihté générale dans tousses modes et

une intégrité de tous les réflexes cutanés sauf les crémastériens.

D'autre part chez un malade auquel on avait injecté deux cen-

tigr. de cocaïne dans le canal rachidien on a constaté, quatre mi-

nutes après l'injection, une abolition de tous les réflexes cutanées

avec conservation de la sensibilité superficielle et profonde ainsi

que des réflexes tendineux.

De ces deux faits l'auteur conclut à l'existence de voies de con-

duction différentes pour les réflexes cutanés et pour la sensibilité

générale, conformément à l'opinion de Fnrannini. G. D.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

I. Anatomie pathologique et pathologie de l'épilepsie ;

par John TURNRR. (The Journal of mental Science, janvier 1907.)

L'auteur fait connaître dans ce travail les résultats de l'exa-

men microscopique du système nerveux dans quarante et un cas

d'épilepsie idopathique ;ces données servent de base à la thèse qu'il

soutient, à savoir : que l'épilepsie est une maladie qui survient chez

les sujets atteints d'une défectuosité du système nerveux,soit con-

génitale,soit involutionnelle, et chez lesquels il existe aussi un état

anormal du sang, caractérisé par une tendance spéciale à la coa-

gulation intra-vasculaire, et que les attaques, qu'il s'agisse du

grand mal ou du petit mal, ont pour cause déterminante une stase

soudaine du courant sanguin, dans une portion (généralement li-

mitée) de l'écorce cérébrale, stase due aux caillots intra-vasculaires

ci-dessus indiqués.

Dans les conclusions suivantes, il résume les preuves de l'in-

fluence de la stase ou anémie cérébrale sur la détermination des

phénomènes convulsifs.

1° Ligature des artères cérébrales chez les animaux. Astley

Cooper lie les deux carotides chez un lapin et comprime les deux

artères vertébrales ; il en résulte un spasme immédiat. En 1857,

Kussmaul et Tenner constatent que, chez le lapin, en liant brus-

quement la sous-clavière gauche et le tronc innominé, on provoque

des convulsions généralisées dans un délai de 3 à 45 secondes.

Il n'y a pas de différence essentielle dans les symptômes quand

l'apport artériel est supprimé et quand le courant veineux est in-

terrompu. En liant la veine cave supérieure et la veine azygos,les

veines de la moelle et du canal vertébral, Hermann et Escher ont

obtenu un spasme typique, survenant toutefois un peu plus tardi-

vement.

Ferrari injecte de la cire dans les sinus veineux et lorsque tous

les sinus sont bouché", une crise épileptique survient.

Léonard Hill déclare qu'il a répété les expériences de Kussmaul et

Tenner et que presque tous les lapins sont morts de la manière

indiquée par ces auteurs : des chats sont morts exactement delà a

même manière dans la proportion de 40 %.

2° Compression des carotides chez l'homme. Kussmaul et Ten-

ner ont comprimé les deux carotides chez six hommes. Chez deux

seulement, et ces deux là, disent-ils, étaient des faibles d'esprit, z

la compression a donné lieu à des spasmes généralisés et à tous les

phénomènes d'une attaque légère d'épilepsie. Schiff, en compri-

Arcuives, 3- série, 19C7, t. IL 5

66 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

mant sa propre carotide, a provoqué des spasmes du côté opposé

du corps, spasmes précédés d'une sensation d'engourdissement et

de fourmillements. L. Hill a provoqué deux fois sur lui-même des

spasmes cloniques en compriment l'une des carotides, et déclare

que « l'occlusion brusque d'une carotide produit le déroulement

d'un spasme épileptique précédé d'une aura ».

3 Injection infra-veineuse de substances huileuses. On sait

depuis bien des années que l'injection intra-veinouse d'absinthe

donne naissance à des crises épileptiformes.

L. Pierce Clark dit que Joffroy a pu provoquer des convulsions

chez le lapin, au moyen d'injections de furfurol, mais seulement

dans la proportion de 69 fois sur 97 lapins injectés.

L'auteur lui-même a vu se produire des convulsions épileptifor.

mes bien accusées chez un lapin deux jours après une injection in-

tra-veineuse d'essence de girofle. Toutes ces expériencosdémontrent

que des convulsions simulant les convulsions de l'épilepsie peuvent

être provoquées par une stase soudaine de la circulation cérébrale,

mais elles démontrent en même temps la nécessité d'un facteur

autre que la stase, sans quoi ce ne serait pas seulement dans deux

des cas de compression de la carotide de Kussmaul et Tenner, et

dans 71 % seulement des cas de Joffroy, mais bien dans tous, que

l'on aurait vu apparaître l'état convulsif. L'auteur pense que cet

autre facteur est un état approprié des cellules nerveuses, et pro-

bablement un état d'extrême instabilité, tel qu'on peut s'attendre

à le rencontrer dans des formes organiques -en quelque sorte ina-

chevées.

M. Turner croit avoir démontré que dans les cas qui servent de

base à son travail, 70 % présentaient une structure défectueuse,

et 90 %, sous la forme de thrombus, un état du sang capable d'agir

à la manière d'un facteur déterminant des convulsions. Si l'on ad-

met provisoirement l'exactitude de cette hypothèse, un grand

nombre de phénomènes demeurés jusqu'ici isolés et sans corréla-

tion connue peuvent se grouper sous une seule et même cause.

L'enchâssement de thrombus dans les capillaires expliquerait la

dégénérescence en plaque des cellules nerveuses ; leur enchâsse-

ment dans les petits vaisseaux ou l'obstruction des vaisseaux plus

gros, par un mécanisme analogue, rendrait compte des aires isolées

de sclérose et d'atrophie, et l'auteur estime que l'obstruction vei-

neuse pourrait aboutir à la formation d'angiomes, et cliniquement,

que l'état particulier du sang qui crée cette tendance à la coagu-

lation rapide (mais non massive) expliquerait la facilité avec la-

quelle les plaies guérissent chez les épileptiques.

Les divers phénomènes qui remplacent quelquefois les crises

convulsives, les attaques du petit mal et les faits que l'on désigne

sousletermed' « équivalents psychiques de l'épilepsie » nesontpas

sérieusement en désaccord avec la théorie; suivant le mécanisme

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 61

du thrombus intra-vasculaire, il ne faut pas oublier certaines con-

ditions qui influent réciproquement les unes sur les autres ; d'a-

bord le siège du caillot, qui peut correspondre à une zone silen-

cieuse ou explosive de l'écorce. Dans le premier cas, on conçoit que

les phénomènes prendront le caractère du petit mal ou se traduiront

par des équivalents épileptiques. , .

En second lieu, il faut tenir compte de l'intensité du stimulus et

de la rapidité de son application ; caronne peutpassupposer qu'un

thrombus de volume très faible, n'intéressant qu'une aire capil-

laire corticale très limitée puisse produire, toutes choses égales

d'ailleurs, des effets aussi accentués qu'un thrombus volumineux

supprimant l'afflux sanguin d'un territoire cortical plus étendu

et des caillots placés de facon à n'obstruer qu'un seul vaisseau au-

ront des effets bien moins marqués que ceux qui, en bouchant

complètement plusieurs vaisseaux, empêchent brusquement et

complètement l'afflux sanguin. En troisième lieu, et c'est proba-

blement ici le point le plus important, il faut avoir égard au degré

plus ou moins prononcé de défectuosité initiale des tissus céré-

braux, degré suivant lequel l'équilibre des cellules nerveuses va-

riera de telle facon que les unes seront incomparablement plus

susceptibles que les autres de répondre sous une forme explosive

à la stimulation. Il est possible aussi, en ce qui concernece facteur,

que, à certains moments et dans certains cas particuliers, les cel-

lules nerveuses soient particulièrement irritables, si bien que dans

un cas la stase provoquera une crise unique, alors que dans un au-

tre elle donnera naissance à une série de crises, voire même à l'état

de mal.

Sauf dans les cas qui se compliquent de maladies générales in-

flammatoires ou de paralysie générale, l'auteur a constaté que,

dans les autres formes d'aliénation mentale, on ne rencontrait pas

communément les thrombus qu'il a décrits dans l'épilepsie.

Cependant ils s'observent quelquefois en grande quantité sur-

tout parmi les imbéciles, chez lesquels on n'a jamais constaté d'é-

pilepsie. Ce fait pourrait être considéré comme en désaccord avec

la théorie soutenue par l'auteur ; mais celui-ci se demande à ce

propos quel est l'aliéné que l'on ne peut pas considérer comme un

épileptique en puissance. Il pense qu'un grand nombre de fous, et

particulièrement ceux qui présentent des défectuosités congénita-

les, rentrent dans cette catégorie d'épileptiques virtuels, par le

fait qu'ils portent en eux quelques-uns des facteurs, mais non tous

les facteurs qu'ils a indiqués comme générateurs de l'épilepsie,

quelquefois c'est l'état indispensable du système nerveux qui man-

que ; d'autres fois, ce sont les qualités du sang nécessaires à la genè-

se de l'épilepsie qui font défaut.

L'expérience de l'auteur, et il pense qu'elle est d'accord avec

celle de tous ceux qui ont observé des malades présentant des dé-

68 REVUE bE PATHOLOGIE NERVEUSE.

fectuosités mentales,- lui a montré que les malades de cette caté-

gorie, alors même qu'on ne leur a jamais connu d'attaques, peu-

vent être pris de crises épileptiques à n'importe quel moment ;

quelquefois ils atteignent le milieu de la vie sans en avoir eu une

seule ; d'autres fois pendant leur vie tout entière, ils n'auront

qu'une seule crise ou une seule série de crises.

C'est aussi un fait très commun de voir apparaître l'épilepsie

chez les aliénés âgés. Ces cas sont intéressants en ce que le mé-

canisme de leurs crises convulsives reconnaît ici encore deux

facteurs tout comme dans l'épilepsie idiopathique, et ces deux

facteurs sont, d'abord, l'état d'instabilité des cellules nerveuses,

la dissolution sénile du système nerveux, et ensuite un état de

stase ou d'anémie cérébrale résultant des lésions artérielles. Dans

plusieurs cas où M. Turner a pu faire l'autopsie, il a constaté la

présence d'une endartérito oblitérante.

Ce très important et très intéressant travail, qui contient de

très nombreuses observations et plusieurs planches, se termine

par une note additionnelle consacrée aux recherches de l'auteur

sur la coagulabilité du sang chez les épileptiques.

R. de PIUSGItAV)J-CL.11.

II. Nackenkrampf als Analogon zum Schreibkrampfe (cram-

pes de la nuque comme analogues à la crampe des écrivains); par

P. NAECKE, d'Hubertusburg, (Neural. Centralbl. XXV, fasc. 9,

p. 405 à 407.)

Auto-observation. L'A. présentait depuis 2 ans un degré léger

de crampe des écrivains quand survinrent des contractures des

muscles de la nuque qui se répétèrent 6 fois seulement en 2 ans, à

l'occasion de lectures prolongées ; la tête se tournait à gauche en

s'inclinant un peu ; le menton était reporté à droite. L'A. pense

que,outre le spinal, plusieurs nerfs cervicaux étaient intéressés ; il

cite l'opinion de Bernhardt qui mentionne la « crampe de l'acces-

soire » dans l'hystérie, l'épilepsie, et celle de Binswanger qui la

donne comme assez fréquente dans la nenrasthénie.Cu.BoNNE,

III. Un cas d'ophtalmoplégie unilatérale totale et complète

avec cécité du même côté ; par BoucHAUD.(.7ot ? M. de Neurologie,

1906, n° 21.)

Observation d'un malade qui a présenté successivement de la

céphalalgie, surtout nocturne, des vomissements, une série d'ictus,

et finalement une paralysie de tous les nerfs moteurs de l'oed droit

avec cécité complète. Tous ces accidents ont été rattachés à une

méningite héréditaire d'origine spécifique limitée au côté droit.En

faveur de ce diagnostic on peut invoquer les résultats obtenus par

le traitement mercuriel sous l'influence duquel on constata la dis-

parition rapide et complète de la céphalalgie et de la paralysie des

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 6J

divers muscles de l'oeil. Seule, la cécité persista sans modifications,

sans doute parce que le nerf optique était plus gravement atteint

que les autres nerfs. L'examen ophtalmoscopique a en effet établi

que l'affaiblissement graduel de la vision était dû à une atrophie

blanche de la pupille qui, légère au début, est devenue rapidement

totale.

Cette atrophie,qui est le signe d'une altération profonde du nerf

optique semble indiquer que l'inflammation des méninges s'est

propagée à l'origine de ce nerf et s'est ensuite étendue sous forme

de névrite interstitielle, à la pupille.Ce processus inflammatoire

s'est limité au nerf optique droit,le chiasma n'a 'pas été envahi et

le nerf optique du côté gauche est resté indemne. G. D.

IV.-Ueber Hyperoesthesle der peripherischen Gesichtsfeldpartien

(sur l'hyp. des portions per. du champ visuel) ; par A. PICK,

de Prague. (Neurol. Ctrbl., XXV, fas. 11, p. 498 à 501, 1eT juin

1906.)

L'hypoesthésie périphérique, seule étudiée jusqu'ici à l'état nor-

mal ou pathologique,serait en quelque sorte providentielle, quelle

que fût son origine, rétinienne ou, bien plus vraisemblablement,

cérébrale. Elle permet au sujet de reporter toute son attention sur

les objets situés dans le champ de la vision distincte. Que la pé-

riphérie du champ devienne plus sensible que normalement, le

malade se plaindra d'être aveuglé «par la trop grande quantité de

rayons qui pénètrent dans l'oeil ». Effectivement il percevra avec

la même netteté les objets qu'il regarde et le grand nombre de ceux

situés à la périphérie du champ,qu'il ne regarde pas. L'A.rapporte

un autre cas, moins convaincant, où, chez une débile, le même

trouble physiologique aurait abouti à des idées de persécution ; en

tout cas, les deux champs visuels étaient beaucoup plus étendus

que normalement pour le blanc et pour les couleurs.

Ch. BONNE.

V. Zum bulbaeren Syndrom : Dissoziation der Sinne in Ver-

binding mit cerebellar-ataktischen Stdrungen (Sur le syndrome

bulbaire : diss. des sensibibilités, conjointement avec des trou-

bles cérébello-ataxiques); par E. HENSCIIEN, de Stockholm

(Neurol. CentralbL, XXV, f. 11, 2 fig., p. 502 à 513, 1« juin

1906.)

Observation très importante pour la systématique bulbaire,

malgré l'absence d'autopsie, à cause de ses étroites analogies avec

celle de Babinski et Nageotte, suivie de vérification et rapportée

comparativement par l'A. -

Homme, 43 ans; pendant trois ans au moins présenta plusieurs

symptômes bulbaires qui ne varièrent que très peu et dont voici

les principaux :

70 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Domaine du trijumeau gauche : perte complète de la sensibilité

à la douleur, au chaud et au froid ; conservation de la sensibilité

tactile ; portion motrice du nerf intacte. Moitié droite du tronc et

membres droits : même dissociation syringomyélique.

Ataxie peu prononcée, nettement cérébelleuse : connaissait

exactement la situation et la position de ses membres ; le sens

musculaire était conservé ; mais la démarche était oscillante : il

penchait et tombait souvent à gauche.

Nerfs crâniens. Odorat très affaibli à gauche à cause de l'anes-

thésie du V. ; légère parésie de l'abducens et nystagmus de l'O.G.

La pupille et la fente palpébrale gauches sont plus petites qu'à

droite ; le réflexe cornéen manque ; abolition du goût sauf pour

les saveurs amères ; pouls rapide ; paralysie du récurrent droit

(peut-être due à un anévrysme concomitant de l'aorte, ou à une

lésion du noyau spinal du XI ou du noyau ambigu du X (Wallen-

berg).

Localisation probable de la lésion . Moitié gauche du bulbe : dis-

soc. croisée avec paralysie de V,VI et XI ; ne dépasse pas en haut

l'extrémité supérieure du noyau sensitif du V et du noyau du

VI : intégrité de III,IV et V moteur ; -- s'étend en bas jusqu'à un

niveau impossible à préciser du noyau moteur du X ; sectionne

les fibres olivo-cerébelleuses (de l'olive bulbaire au noyau denté) qui

cheminent au voisinage immédiat de la racine descendante du V :

troubles cérébello-ataxiques que Babinski et Nageotte, l'A. lui-

même en 1890, Rossolimo, avaient déjà rattachés à la lésion de ces

fibres.

Dans 8 cas antérieurs semblables, l'ataxie coïncidait avec une dis-

sociation croisée de la sensibilité ; la lésion était donc toujours très

limitée. De plus, comme dans la moelle, les fibres intervenant dans

les sensations de température et de douleur, cheminent dans le

bulbe à côté les unes des autres,et en arrière et en dehors des olives.

Les troubles oculo-pupillaires notés dans le cas de l'A. et dans

celui des auteurs français cités s'observent, suivant la remarque

de ces derniers, après la section du sympathique cervical, la piqûre

du bulbe ou l'hémisection homomère de la moelle cervicale.

L'A. discute encore la pathogénie du nystagmus (lésion du no-

yau de Deiters) ; des troubles du goût, et, à propos de ceux-ci,

le trajet central des fibres de la corde : leur noyau serait dans le

voisinage immédiat du noyau sensible du V et,par conséquent dis-

tinct de celui des fibres gustatives du tiers postérieur de la langue ;

- des symptômes de vertige de Méniere (vertige rotatoire,.sensa-

tions auditives subjectives, vomissements) présentés par le ma-

lade : excitation des nerfs vestibulaire ou cochléaire ou du noyau

de Deiters. Il rapporte ensuite, mais très brièvement, un cas qu'il

rapproche du précédent et également sans autopsie.

Ch. Bonne.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 71 L

VI I. - Die Prognose der Tetanie der Erwachsenen. (Le pronos-

tic de la t. des adultes); par L.V.FRANKL-HocHWART.de Vienne.

(Neurol Centralbl, XXV, f. 14, p. 642 à 651, 16 juillet,et f. 15,

p. 694 à 704, 1er août 1906.)

L'A. élimine la tétanie strumiprive,la tétanie gastrique,la téta-

nie dans les empoisonnements et la tétanie des maladies infectieu-

ses fébriles : dans une monographie (1891),il montra que cette der-

nière forme ne s'observe que dans les villes où la tétanie est endé-

mique (Vienne, Heidelberg), à peu près exclusivement pendant

une certaine saison (février à mai) et chez certaines catégories d'in-

dividus qui y paraissent particulièrement sujets, notamment les

tailleurs et cordonniers de 15 à 25 ans. Il s'en tient à deux formes

endémo-épidémiques, la tétanie de la maternité et la tétanie des

manouvriers. D'une enquête méticuleuse qui porta sur 55 des 160

cas autrefois examinés et décrits par l'A., celui-ci conclut que le

pronostic est beaucoup plus grave qu'il ne l'avait pensé lui-même,

déjà plus pessimiste que tous les autres nosographes. Les obser-

vations sont rapportées in extenso,groupées suivant leur affinités

évolutives. Mais qu'appeler tétanie chronique ? Il est rare que les

accès se produisent pendant plusieurs années tous les jours où à

peu près;le plus souvent,ils n'apparaissent que dans certains mois

(surtout février à mai), et, dans les périodes intermédiaires, il y a

souvent des paresthésies, des signes de myxoedème, plusieurs ou

la totalité des signes de la triade (voir plus bas); ces cas pourraient

être considérés aussi bien comme des formes à récidives aiguës.

Quant à la symptomatologie, le signe de Trousseau (que l'A. re-

cherchait en comprimant le plexus brachial) manque dans un tiers

des cas, mais il serait pathognomonique ; tout au plus, dans l'hys-

térie, pourrait-on quelquefois parler d'un «pseudo-Trousseau »; il

coexiste souvent mais non toujours avec la surexcitabilité galva-

nique des nerfs « sensitifs et sensoriels » (signe d'Erb) ; la surexci-

tabilité faradique n'est pas co nstante ; elle peut même manquer

quand il y a surexcitabilité galvanique, surtout dans la tétanie

chronique. Le signe de Chvostek (percussion du facial en avant de

l'oreille : secousses de tous les muscles de la face, ou des muscles

de l'aile du nez et de l'angle de la bouche, ou de ces derniers seule-

ment) est presque constant dans la tétanie aiguë, peu accusé ou

absent dans la tétanie chronique; on peut le rencontrer chez des

sujets sains, dans la neurasthénie, l'hystérie, l'épilepsie, etc. Le

signe d'Hoffmann (percussion d'un tronc nerveux : sensations ir-

radiées dr.3 le domaine de ce nerf) n'est pas constant et surtout

pas caractéristique.

L'évolution fut assez variable ; sur 55 malades, 11 moururent re-

lativement jeunes; des 41 survivants examinés par l'A. 9 seule-

ment furent trouvés en parfait état de santé ; 7 étaient atteints de

72 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

tétanie chronique ; 19 présentaient des états tétanoïdes ; 6 étaient

dans un état rappelant le myxoedème. Ch. Bonne.

VII. Epilepsie mit Halbseitenerscheinungen. (Ep. à sympto-

mes unilatéraux); par BRATZ et LEUBUSCIIER, de Wuhlgarten,

Berlin. (Neurol. Centralbl. XXV, f. 16, p. 738 à 741, 16 août

1906.)

Homme mort en crise en 36 ans, observé depuis l'âge de 23 ans,

à « lourde hérédité »; 1re crise à 16 ans, sans perte de connaissance :

il lui sembla que quelqu'un «le tournait à gauche». Dans les crises

ultérieures, de fréquence très variable, parmi d'autres symptômes,

chute à gauche, rotation des yeux à gauche au début des crises,

secousses cloniques plus fortes à droite. Dans l'intervalle des ac-

cès, et surtout immédiatement après, les yeux étaient légèrement

déviés à droite, comme si les muscles qui avaient participé à la

déviation extrême à gauche étaient légèrement parésiés ; légère

déviation de la langue à droite.

A l'autopsie pas d'autre lésion des centres nerveux que sclérose

de la corne d'Ammon gauche, beaucoup plus dure et plus petite

que la droite. Persistance du thymus ; exiguïté remarquable de

tous les viscères, notamment du coeur et des gros vaisseaux.

Ch. BONNE.

VIII. -Zur Aetiologie der progressiven spinalen Muskelatrophie.

(Sur l'étiologie de l'atrophie musc. prog. spin.\ " par V.

VITEK, de Prague. (Neurol. Centralbl. XXV, fasc. 16, p. 753

à 755, 16 août 1906.)

Homme. Paralysie spinale infantile à droite, à 4 ans : paralysie

rapidement établie de fout le membre supérieur droit puis retour

de quelques mouvements, mais l'écriture fut toujours impossible

de la main droite; puis contractures qui ,à 16 ans, avaient fixé le

bras en adduction, l'avant-bras et la main en flexion et pronation.

Atrophie musculaire progressive à gauche, à 28 ans, du type de

Vulpian ; extension du bras vers la main.

Examen à 29 ans; quelques signes bulbaires : légère parésie du

facial inférieur gauche, légère atrophie « du bord de langue » : mus-

cles du cou plus faibles et plus flasques à anche. Atrophie considéra-

ble avec R. D. de tous les muscles du membre supérieur droit, des

muscles du côté droit du thorax ; légère scoliose à concavité gau-

che.

Membre supérieur gauche.-Atrophie des deux tiers inférieurs

du trapèze, des sus et sous-épineux, deltoïde, grand et petit rond,

biceps ; atrophie moindre des rhomboïde, grand dentelé, grand

pectoral, triceps, brachial antérieur avec R. D. partielle ou totale;

motilité au prorata de l'atrophie et secousses fibrillaires. Muscles

de l'avant bras et de la main normaux.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 73

L'A. a trouvé dans la littérature une dizaine de cas analogues.

Il suppose qu'une cause accessoire qui aurait échappé à l'attention

du sujet (effort musculaire, refroidissement, infection) aurait agi

sur les cornes antérieures gauches respectées par la poliomyélite

de l'enfance, mais déjà en état de moindre résistance, et que,dans

ces conditions, le processus inflammatoire atrophique se serait

propagé de la moitié droite à la moitié gauche de l'axe gris.

Ch. BONNE.

IX. Sclérose en plaques et syphilis ; par CATALA. (Nouv. Icon.

de la Salpêtrière,1906, n° 4.)

La question des rapports de la sclérose en plaques et de la syphi-

lis est loin d'être résolue ; la plupart des auteurs nient ou contes-

tent à la syphilis un rôle étiologique dans le développement de la

sclérose, alors que toutes les autres infections sont susceptibles de

la produire ; quelques-uns cependant ne lui dénient pas toute ac-

tion. L'examen histologique ne semble pas devoir éclairer beau-

coup le problème, attendu que des lésions que l'on considérait au-

trefois comme caractéristiques de' la myélite syphilitique en pla-

ques (destruction des éléments cellulaires et des cylindraxes, lé-

sions vasculaires, dégénérescences secondaires) ne sont pas rares

dans la sclérose en plaques vraie. Rien n'autorise donc à éliminer

la syphilis de l'étiologie de cette affection. L'auteur apporte une

observation de sclérose en plaques légitime avec autopsie chez un

syphilitique, et une observation de myélite syphilitique à foyers

disséminés réalisant les caractères histologiques de la sclérose en

plaque vraie, et il conclut que la syphilis peut jouer un rôle impor-

tant dans l'étiologie de la sclérose en plaques et qu'on est fondé à

admettre une forme de sclérose en plaques syphilitique tout à fait

comparable aux formes de n'importe quelle autre origine infec-

tieuse. F. Tisser.

X. Deux cas d'hémorrhagie protubérantielle. Hyperthermie.

Mort rapide ; par Marie et Moutier. (Nouv. Icon. de la Salp.

1906, n° 4.)

Dans les deux cas, début brusque, évolution rapide, myosis'

hémiplégie sans anesthésie, contracture précoce, hyperthermie.

En présence d'hémiplégie à début apoplectique,à marche rapide,

s'accompagnant de myosis et de fièvre, il y a lieu de songer à une

lésion mésocéphalique. F. TISSOT.

XI. Poliomyélite diffuse subaiguë de la première enfance

(amytrophie chronique d'origine spinale d'Hoffmann) ; par Ar-

mand DÉLILLE et BouDET.(Nou(J. Icon. de la Salp.,1906,n° 5.)

Affection fort rare, dont les autopsies publiées sont peu nom-

74 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

breuses. L'observation actuelle concerne un enfant de six mois

chez lequel la maladie a évolué très rapidement. Sous le microsco-

pe, on a trouvé de l'atrophie musculaire simple, de l'atrophie des

cellules radiculaires motrices, de la dégénérescence des racines an-

térieures et des nerfs moteurs. L'auteur passe en revue les quelques

cas épars dans la littérature médicale, tous sont relatifs à des en-

fants de plus d'un an. F. TissoT.

XII. - Syringomyélie ou lèpre ; par Gausse et L>;vY. (Nouv.

Icon. Salp., 1906, n° 5.)

Observation d'un homme de 26 ans présentant de l'amyotrophie

des membres et des placards cutanés érythémateux à bords bru-

nâtres, où l'on constate la chute des poils et la dissociation syrin-

gomyélique de la sensibilité. L'amytrophie et les troubles de la

sensibilité sont en faveur de la syringomyélie, les troubles cutanés

appartiennent à la lèpre. Le diagnostic n'a pu être tranché par au-

cune investigation biopsique. F. TISSOT

XIII. Un cas d'acromégalie avec lésion de l'hypophyse et

de la selle turcique ; par GAUSSEL.(Nouv. Icon de la Salp.,1906,

n° 4.)

Observation confirmant une fois de plus la loi de coïncidence

anatomo-clinique entre l'acromégalie et l'altération du corps pi-

tuitaire.. F. TISSOT.

XIV. Arthropathies séniles des doigts; par PARISOT et ET1EN\E.

(Nouv. Icon. de la Salp. 1906, n° 4.)

Bien distinctes du rhumatisme noueux, les arthropathies séni-

les consistent essentiellement en un épaississement de la base des

articulations phalangiennes, sans déviation des doigts, sans dou-

leurs au niveau des jointures, sans contractures ni atrophies mus-

culaires. L'étiologie et la pathogénie de cette arthropathie sont

obscures, celle-ci semble être un trouble de trophicité osseuse et

articulaire. F. TissoT.

XV. Etude complémentaire sur un cas de gigantisme pré-

coce.Contribution à l'étude de l'ossification ; par HUDOVERNIG.

(Nouv. Icon. Salp., 1906, n° 4.)

L'observation a été publiée dans la Nouvelle Iconographie, 1903,

n° 3. L'auteur rapporte aujourd'hui les résultats de l'opothérapie

chez son malade en vue d'agir sur la débilité mentale et d'arrêter

la croissance exagérée des os en cherchant à accélérer l'ossification.

Or si l'hyperfonction hypophysaire active la croissance osseuse,

l'augmentation de la sécrétion interne des organes génitaux accé-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 75

1ère le processus d'ossification. L'auteur avait cru possible de mo-

dérer la sécrétion hypohysaire et d'exciter la sécrétion génitale

interne par l'intermédiaire de la thyroïde ; mais le traitement thy-

roïdien continué pendant vingt mois ne donna aucun résultat.

Par contre l'usage de l'ovarine amena d'heureuses modifications :

l'état psychique fut grandement amélioré l'hypophyse ne fut pas

modifiée, mais l'ossification fit de remarquables progrès et le ra-

lentissement de la croissance fut plus appréciable que pendant le

traitement thyroïdien.. F. TISSOT.

"

XVI. Agénésie totale du système radial ; par Français et

EGGER. (Nouv. Icon. Salp., 1906, n° 5.)

Le radius, le pouce et son métacarpien, le trapèze et le scaphoï-

de, les muscles qui s'insèrent à ces os, les vaisseaux et les nerfs qui

s'y rapportent, semblent constituer un système anatomique et

physiologique ayant vraisemblablement son origine dans un

noyau spécial. le noyau radial; le non-développement de ce noyau

produit l'agénésie du système embryologique correspondant.

F. TISSOT.

XVII. Aphasie par surdité verbale ; par SCII1VARTZ

(L'Encéphale, 1906, n° 6.)

Observation clinique avec autopsie.

XVIII. Les aphasies musicales ; par Ingegnieros. (Nouv.

Icon. de la Salp. 1906, n° 4.) ,

Charcot est le premier à avoir établi les bases cliniques des amu-

sies : il l'a fait dans cinq leçons qui ont été publiées en 1885 par

une revue italienne et que l'on ne trouve pas dans l'édition fran-

çaise de ses oeuvres. Ce point d'histoire valait d'être déterminé.

Les centres du langage musical ne sont pas les mêmes que ceux du

langage ordinaire ; dans les mêmes conditions anatomiques ou

fonctionnelles de ces centres,les amusies présentent les mêmes va-

riétés cliniques que les aphasies : comme pour celles-ci d'ailleurs

les formes simples (surdité, cécité, agraphie, amusie musicales)

Sont rares, le plus souvent l'amusie est complexe, c'est-à-dire

qu'elle comporte la suppression de plusieurs modes du langage

musical. De même,en dehors de l'hystérie,les amusies pures sont t

rares en règle, il y a association aux aphasies, si intime est en effet

la corrélation entre les deux modalités musicale et verbale du lan-

gage, au double point de vue psychophysiologiqaj et pathologi-

que. L'auteur termine en donnant une nouvelle nomenclature cli-

nique des amusies et en disant quelques mots des perturbations

diverses du langage musical (hypermusies, paramusies).

F. Tisser.

76 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Yin. - Sur un cas d'aphasie-apraxie; par d'HoLLANDER, (Bull,

de 'a Soc. de méd. ment, de Belgique, 1906, n° 129.)

Il s'agit d'un homme de 45 ans qui a succombé à une paralysie

générale atypique, variété Lissauer, démontrée par l'examen his-

tologique du cerveau. L'intérêt de cette observation réside surtout

dans les symptômes de foyer présentés par le malade. Il était at-

teint à la fois, d'aphasie et d'apraxie motrices. Dans les der-

niers temps de sa vie en effet, il ne parlait plus, ne répé

tait plus aucun mot prononcé devant lui, était incapable d'écrit ?

spontanément ou sous dictée, pouvait seulement copier pénible

ment une lettre ou un dessin, mais cependant avait conservé intact

la compréhension des mots. Malgré cette absence de surdité ver-

bale le malade était incapable d'exécuter correctement aucun des

ordres qu'on lui donnait, ni de reproduire aucun de ceux qu'on

accomplissait devant lui. Sa physionomie indiquait cependant

d'une façon très nette qu'il avait compris ce qu'on lui demandait

et que l'incapacité ou il était de le faire lui causait un réel dépit.

L'inexécution des actes ou des gestes n'était donc pas due à l'état

démentiel mais à cette incapacité spéciale à mouvoir les membres

conformément au but proposé malgré la conservation de la motili-

té, que Liepmann a décrite sous le nom d'apraxie. G. Deny.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

I. - Sur la combinaison des états dépressifs aigus avec pro-

cessus psychiques obsédants ; parSOUKHANOFF.(L'E7LCéjJJtaIe

1906, n° 6.)

Association de mélancolie, sur le terrain d'un caractère scrupo-

lo-inquiet, avec des obsessions, des hallucinations. L'auteur voit

dans ce cas la combinaison de deux états psychopathologiques

dont chacun aurait pu exister indépendamment de l'autre et il

pose le diagnostic de mélancolie avec états psychiques obsédants.

En France,nous dirions tout simplement : état mélancolique chez

un dégénéré ; en effet,le malade de Soukhanoff semble n'être qu'un

dégénérescerit présentant des stigmates indiscutables (émotivité,

obsessivité, aboulie, caractère scrupulo-inquiet) ; de plus.la psy-

chose qui éclôt sur ce terrain ne paraît pas être de la mélancolie

vraie, mais bien un état de dépression en rapport avec la nature

des troubles épisodiques et survenu en même temps qu'eux à la

suite d'un choc moral. F. TI s SOT.

REVUE DE PATHOLOGiE MENTALE. 77

II. - Délire des préjudices préséniles, par Pascal et

CouRBON. (L'Encéphale, 1906, n° 6.)

;

Syndrome mental dont.Kroepelin fait une forme spéciale et qu'il

range, avec la mélancolie, dans les psychoses d'involution, qui dé-

bute vers la cinquantaine, de préférence chez la femme,et qui se

caractérise par des idées délirantes de préjudice, l'affaiblissement t

du jugement, l'exagération de l'irritabilité affective. Quoique pro-

gressif, l'affaiblissement intellectuel n'atteint jamais à la démence

complète, il ne survient jamais de guérison ni même d'améliora-

tion durable. Considérant les difficultés qu'il y a de différencier ce

délire des préjudices avec les phénomènes délirants initiaux de la

démence sénile, d'autre part de préciser des limites entre l'involu-

tion proprement dite et la sénilité, les auteurs proposent de regarder

le délire des préjudices, non comme une entité morbide spéciale,

mais comme une forme atténuée et prématurée de démence sénile.

F. TISSOT..

III. Les fugues dans la démence précoce. Revue générale ,

par DucosTÉ. (L'Encéphale, 1906, n° 6.) -

Les caractères jusqu'ici attribués à la fugue (irrésistibilité, état

de la conscience et du souvenir) sont loin d'être généraux, il sem-

ble qu'un seul possède les conditions de généralité qui convienne

à une définition, c'est l'absence de motif, aussi la fugue serait-elle,

mieux définie a un accès de vagabondage sans motif » ; par là se

trouvent éliminées les fuites exécutées sous l'influence de délire

ou d'hallucinations. La connaissance des fugues dans la démence

précoce a une double importance, psychiatrique et médico-légale,

survenant fréquemment en effet tout au début de l'affection, alors

que le déficit intellectuel est peu évident.

L'auteur les classe en quatre catégories : fugues d'instabilité

(crises de marche, de mouvement), fugues d'impulsion (sembla-

bles aux impulsions subites des épileptiques), fugues de déficit in-

tellectuel (ce sont celles du début,elles se caractérisent par une ap-

parence de but, la conservation de la conscience et du souvenir,

des tentatives d'explication de la fugue), fugues de démence pro-

fonde (sans but, inconscientes, amnésiques).

Pour le diagnostic différentiel, se reporter à un travail du même

auteur : « Les fugues dans les psychoses et les démences,>J(Archives

de Neurologie, 1907, nez 1 et 2.) F. TissoT.

1\'. Ueber graphisch-kinaesthetische Halluzinationen. (Sur

les hallucinations graphiques cinesthésiques), par Alexander

Marguliés, de Pragues. (Neurol, Centralbl ? XXV, f. 14, p. 651

à 654, 16 juillet 1906.)

Les hallucinations motrices graphiques sont particulièrement-

78 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

rares (Séglas),car les images mises en jeu ont normalement peu de

vivacité et sont le plus souvent liées étroitement aux images mo-

trices phémiques. -

Homme 18 ans, interné pour tentative de suicide effectuée sous

l'influence d'idées délirantes mystiques. Intelligence normale ; s'é-

tait récemment adonné avec succès à des pratiques spirites, et

notamment à l'écriture médiumnimique. Les hallucinations con-

sistaient en mouvements ou sensations de mouvements de l'une

ou de l'autre main indifféremment, sensations grâce auxquelles il

connaissait ce que sa main écrivait, à l'exclusion de tout autre

intermédiaire : jamais le sujet n'aurait eu en même temps connais-

sance des mots écrits par une perception surajoutée auditive ou

visuelle. L'amélioration fut rapide : après 8 jours d'internement,

les idées délirantes avaient cessé et le malade se rendait parfaite-

ment compte de la nature morbide des symptômes disparus.

L'A. rappelle, d'après les déclarations mêmes de son sujet, cor-

roborant la description de Séglas, les différences entre les halluci-

nations motrices graphiques et l'écriture des médiums ou psycho-

graphie : dans celle-ci le sujet se croit le simple instrument d'une

volonté étrangère, tandis que,dans l'hallucination, il est lui-même

la personnalité à laquelle une volonté étrangère se fait connaître ;

l'acte d'écrire n'occupe pas toute la conscience,mais quand les per-

ceptions dues à l'intermédiaire des représentations graphiques

* pénètrent dans la conscience, elles sont prises pour une influence

étrangère. La psychographie est réveillée par la volonté du sujet;

l'hallucination se produit sans l'assentiment et même contre la

volonté du sujet; son contenu arrive aussitôt à la conscience par

les images motrices graphiques ; la psychographie est automati-

que : la « conscience supérieure » n'en connaît le sens qu'après lec-

ture. ' · ' Ch. Bonne.

V. Sensibilitütstaerungen bei Paralysis progressiva incipiens

(Troubles de la sensibilité au début de la p. g.) ; par J. Prr,TZ,de

Cracovie. (Neurol. Centralbl. XXV, f. 15, p. 690 à 694, 8 sché-

mas topographiques, leur août 1906.)

La sensibilité à la douleur est souvent diminuée dans la paraly-

sie générale ;mais cette modification a peu de valeur diagnostique,

car elle est diffuse et, à l'état normal, la sensibilité à la douleur est

très variable. L'A. aurait observé des troubles localisés, analogues

à ceux du tabes,par exemple à l'hypoalgésie du thorax et de la face

interne des membres supérieurs, mais présentant une topographie

différente, et assez fixes pour avoir une certaine importance dia-

gnostique (16 fois sur 20 cas) : 1° hypo- ou analgésie générale res-

pectant tantôt le cou, tantôt une zone plus ou moins large du tronc,

en forme de ceinture ou de corset, et la face postérieure des mem-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 79

bres pelviens avec la plante des pieds. Ces 3 régions peuvent être

respectées simultanément ; au tronc il y a même souvent de l'hy-

peralgésie ; 2° exagération de la sensibilité tactile ou hyperes-

thésie dans une zone de là région lombaire ou de la face postérieure

du thorax, ou dans une zone du tronc en forme de corset ou de

ceinture plus ou moins large. Ch. Bonne.

VI. De la confusion mentale aiguë et de ses particularités

chez les soldats russes ; par S. Soukhanoff. (Journ. de Neurolo-

gie, 1906, no 22.)

L'auteur dit n'avoir pas observé une seule fois la forme mania-

que de la confusion mentale aiguë chez les soldats lusses.

La grande majorité d'entre eux se trouvait en état de dépres-

sion : ils présentaient la forme stuporo-mélancolique, la forme mé-

lancolique et la forme délirante. On a noté en outre,au cours de la

maladie des oscillations, des troubles psychiques, beaucoup plus

marquées que chez les malades n'appartenant pas à l'armée.

D'autre part les idées délirantes étaient toujours vagues, péni-

bles et ne laissaient aucun souvenir dans l'esprit des sujets. Il en

était de même des hallucinations qui intéressaient surtout le sens

de l'ouïe.

Il ne semble pas qu'il y ait eu un rapport quelconque entre le

contenu des idées délirantes et des hallucinations et les événe-

nements de la guerre russo-japonaise. Beaucoup de malades vi-

vaient hors le temps et l'espace. Le confus s'imagine en effet sou-

vent dans son délire assister aux scènes du commencement du

christianisme, à la persécution des chrétiens, etc.

Cependant dans les cas de confusion mentale aiguë où l'obnubi-

lation n'est pas très prononcée, les événements de la vie courante

peuvent prendre place dans le tableau de l'état délirant d'halluci-

natoire.

En somme la guerre russo-japonaise n'a pas créé une nouvelle

psychose et l'on peut rattacher à la confusion mentale aiguë, à

]'amentia de lfeynert,la plupart des états psychopathiques ob-

servés chez les soldats ramenés de l'Extrême-Orient. G. DENY.

VII.- Eunuchisme et érotisme; par Marie. (Nouv. Icon. de la

Salp. 1906, iio 5.)

Psychose à caractère érotique et hallucinatoire chez un eunuque

intoxiqué par le haschisch ; hallucinations érotiques génitales

s'accompagnant d'orgasme et d'éjaculation. Aspect physique des

eunuques par castration totale avant la puberté complète, persis-

tance des vésicules séminales. Cette observation démontre l'indé-

pendance possible entre l'érotisme psychique et les aptitudes fonc-

80 revue bE PATHOLOGIE MENTALE.

tionnelles périphériques. Il est d'ailleurs connu que les psychopa.

thies sexuelles naissent souvent sur des fonds d'insuffisance géni-

tale plus ou moins complets. F. TISSOT.

VIII. Contribution à l'étude des troubles mentaux de la ma-

ladie de Basedow ; par Parrhon et llAnBG.(L'Encéphale,190G,

n° 5.)

La question des rapports de la maladie de Basedow et des trou-

bles mentaux concomitants est loin d'être résolue. P. et M. appor-

tent deux observations en faveur de l'origine thyroïdienne de ces

troubles ; bien plus, ils émettent l'hypothèse que dans les cas de

Basedow avec troubles psychiques et dégénérescence, l'ensemble

des troubles peut reconnaître pour point de départ une modiiica-

tion primitive de la fonction thyroïdienne. Si les troubles mentaux

du basedowisme apparaissent fréquemment à la ménopause, ce

n'est pas, comme le pensent d'autres auteurs, que celle-ci déclan-

che le déséquilibre latent des dégénérés, c'est bien plutôt en raison

de l'antagonisme qui existe entre les fonctions ovarienne et thy-

roïdienne ; la ménopause agit en supprimant un élément modéra-

teur de la fonction thyroïdienne, y a hyperthyroidisme et trou-

bles mentaux symptomatiques. Les troubles psychiques basedo-

wiens apparaissent surtout dans le ton maniaque ou mélancolique,

ce qui peut être interprété comme une confirmation des idées de

Kroepelin sur l'unité nosologique de la manie et de la mélancolie

constituant la psychose maniaco-dépressive ; qui sait même si cer-

tains cas de cette psychose ne relèvent pas d'une perturbation

dans la fonction thyroïdienne. C'est un fait que la mélancolie

d'involution et la psychose maniaco-dépressive prédominent d'une

facon manifeste dans le sexe féminin précisément comme le myxoe-

dôme et le goitre exophtalmique, maladie du corps thyroide.

F. TissoT.

IX. Les ictus dans la démence précoce ; par Pascal. (L'Encé-

phale, 1906, n° 5.)

Revue générale, bibliographique et critique, où l'auteur établit

la fréquence et la pathogénie des ictus dans la démence précoce.

L'ictus convulsif est le plus fréquent, il se rencontre surtout dans

la forme catatonique, à la période de début. Les ictus appartien-

nent-ils en propre à la démence précoce ou ne sont-ils que les ma-

nifestations de l'hystérie ou de l'épilepsie concomitantes ? Les

deux opinions ont leurs défenseurs. La vérité semble être dans un

sage éclectisme,vers lequel l'auteur se trouve porté par la discus-

sion des opinions et ses observations personnelles ; il y a des cas

d'association manifeste de l'hystérie ou de l'épilepsie avec la dé-

mence précoce ; mais il paraît certain que celle-ci peut à elle seule

revue de Pathologie mentale. Si

produire des ictus convulsifs isolés, indépendants de toute autre

cause, et qui sont souvent les signes précurseurs de l'affection.

Comme d'autres,ces ictus représentent des décharges provoquées

par la saturation toxique du cerveau sous l'influence de l'auto-

intoxication (l'auteur fait ressortir l'importance de l'auto-intoxi-

cation d'origine gastrique). Ils sont peu graves,en général, ne com-

promettent pas la vitalité de la cellule, et ce à cause de l'intégrité

des vaisseaux qui assurent un drainage facile des toxines ; cette

absence, bien constatée par Klippel, de lésions vasculaires dans la

démence précoce explique la longue évolution et les rémissions de

la maladie. Si les ictus sont d'ailleurs assez rares dans le cours de

l'évolution de la démence précoce, c'est que, comme le dit Sérieux,

le poison a une action élective sur les centres psychiques supérieurs

et qu'il respecte ou ne trouble que passagèrement et au début les

centres de projection. F. TISSOT

X. Observation clinique et anatomo-pathologique des yeux

d'une paralytique générale ; par Rosier et BRICKA. (L'Encé-

phale, 1906, 110 5.) .

Paralytique générale présentant une névrite optique. Examen

histologique de la rétine. F. TISSOT ;

XI. Apraxie et démence ; par Vander VLOET. (Journal de

Neurologie, 1906, n ? 23 et 24.)

On sait que Liepmann a décrit sous le nom d'apraxie certains

troubles dans l'exécution des mouvements volontaires qui s'ob-

servent en l'absence d'aucun symptôme de paralysie des membres.

Il ne faut pas confondre cette apraxie motrice avec la perte

de la reconnaissance intellectuelle des objets qui a été également

désignée à tort sous le nom d'apraxie bien qu'elle soit en réalité

une agnosie. L'auteur de ce travail s'est proposé de démontrer

que, contrairement à une opinion récemment émise par P. Marie,

l'apraxie de Liepmann n'est pas liée à un état démentiel. Sur 1'1

malades pris au hasard et qui étaient tous dans un état de démence

profonde un seul était apraxique. En outre, chez les malades dont

Liepmann a publié les observations, l'intelligence était relative-

ment peu touchée. Lorsqu'exceptionnellement l'apraxie existe

chez une démente, elle n'est pas fonction de la perte des facultés

mais d'une interruption des communications entre les neurones

sensoriels et les neurones moteurs. G. D.

Archives, 31 séi-io, 1907, L. II. 6

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 24 décembre 1906. Présidence de M. CHRISTIAN,

ancien président.

Le secrétaire général annonce quo le Présidt,wt,111.11larcel Briand.

empêché, ne peut venir présider la séance.

Election du Bureau pour 1907.

Après élection, le bureau se trouve ainsi composé :

Président : M. DENY ; vice-président : M. Si;GLAS ; secrétaire gé-

néral : M. RITTI ; secrétaires des séances : MM. DUPAIN et VIGOU-

roux ; trésorier : M. ANTHEAUME ; bibliothécaire-archiviste : M.

BoiSSIER. Conseil de famille : les membres du bureau auxquels sont

adjoints les deux derniers présidents, MM. VALLON et Briand ;

Comité de publication : MM. ARIVAULD, LEGUAS et POTTIER ; Com-

mission des finances : MM. Moreau de TOURS et SEMELAIGNE.

Séance du 28 janvier 1907. Présidence de MM. BRIAND et

DENY.

Installation du Bureau.

M. Marcel BRIAND donne le résumé des ouvrages présentés aux

diverses séances de l'année qui vient de s'écouler et adresse un

mot de félicitations à ceux, qui ont bien voulu apporter à la So-

ciété le concours de leur science en la tenant au courant de leurs

observations et souhaite la bienvenue à M. Deny en l'invitant à

prendre place au fauteuil de la présidence.

MM. DENY adresse des remerciements aux membres de la So-

ciété qui l'ont élevés à la présidence et remercie son prédéces-

seur de ses souhaits.

M. Séglas remercie ses collègues de son élection au Bureau.

Les interprétations délirantes chez les aliénés persécutés non

hallucinés.

M. CouRBON communique en son nom et en celui de M. PACTET

deux observations de malades persécutés, dont toute l'activité, de-

puis plusieurs années, se dépense en récriminations de toutes sor-

tes contre de prétendus ennemis. L'un d'eux a eu recours plusieurs

fois au revolver et au poignard. Si l'autre n'a pas encore employé

la violence, c'est uniquement grâce à l'impossibilité matérielle

sociétés savantes 83

dans laquelle il s'est trouvé jusque-là, du fait de son emprisonne-

ment d'abord, de son internement ensuite.

N'ayant jamais eu d'hallucinations, leur délire s'est constitué

uniquement à l'aide d'interprétations et n'a pas subi d'évolution

systématique. Les auteurs se demandent si ces deux aliénés doi-

vent être considérés comme des persécutés-persécuteurs ou comme

atteints de psychose systématisée chronique à base d'interpréta-

tion délirante. La discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Le placement des aliénés difficiles.

M. VIGOUROUX présente l'observation de deux sujets tour à tour

considérés par les aliénistes comme responsables et comme irré-

ponsables, comme devant être internés ou comme pouvant vivre

en liberté, suivant que les médecins chargés de les examiner agis-

saient comme experts ou comme chefs de services.

Tandis que les experts qui les ont vus en prison fatigués, dépri-

més par une vie antérieure irrégulière et peut-être aussi exagérant

un peu leur défectuosité mentale, les jugeaient irresponsables, les

chefs de services, qui ont suivi ces' mêmes individus à l'asile, les

considéraient comme des débiles moraux, vicieux, rusés, instables

et nullement à leur place dans un service d'aliénés où ils causent t

le désordre.

M. Vigouroux désirerait, à cette occasion,que M. Colin lui don-

nât quelques renseignements sur l'entrée, le maintien et la sortie

des malades appartenant à cette catégorie et susceptibles d'être

admis à l'Asile spécial.

Entreront-ils dans son service à la suite des conclusions des

médecins experts ou après examen des médecins de l'admission ?

S'ils sont placés dans les services ordinaires, les médecins pourront-

ils demander leur transfert dans ce service spécial ? Et qui déci-

dera de la sortie ?

M. Colin demande que la discussion soit renvoyée à la prochaine

séance.

De l'involution présénile dans la folie maniaque dépressive.

L'involution présénile, dit M.Maurice DucosTÉ,joue dans l'évo-

lution et le pronostic de certaines psychoses un rôle considéra-

ble. Les intermittents entrent dans les asiles surtout à la puberté

et à l'involution.

D'après les relevés des cas publiés par les auteurs français et

étrangers, on voit que,d'une part,100 malades sont internés de 15

à 25 ans, d'autre part 56 le sont de 45 à 55; de ces derniers 22 en-

viron sont internés par la première fois, 14 ont eu leur premier ac-

cès à la puberté ; il reste 20 malades qui ont eu, avant leurs accès

actuels,des accès intercalaires. L'involution reste donc évidente

chez nombre de sujets, la manie mélancolie, mais évidente et non

84 sociétés savantes.

créée, car il faut admettre que c'est une affection congénitale, où Ú

ou rencontre l'hérédité dans 90 % des cas, et qui ne se développe

souvent qu'aux deux points extrêmes de la vie complète de l'hom-

me ; aussi certains sujets,normaux en apparence, sont-ils des cir-

culaires frustes pour qui l'involution constitue une période critique

Il est à noter que les accès de manie-mélancolie persistent plus long-

temps au moment de l'involution qu'au moment de la puberté :

huit mois au lieu de trois mois et peuvent se prolonger au point de

prendre une allure chronique. C'est ainsi qu'on voit dans les asiles

s'améliorer des soi-disant paralytiques généraux qui ne sont en

réalité que des intermittents à la période d'involution ;c'est là,dit

M. Ducosté, un cas dont la connaissance est d'un intérêt capital ;

elle empêchera de considérer comme des rémissions de paralysie

générale la guérison réelle de ces intermittents.

Dans le même ordre d'idées, on peut avancer que certains cas

rapportés à la paralysie générale à double forme sont des cas

' de folie intermittente dans lesquels la période normale a été prise

pour une période de dépression,et le diagnostic peut en présenter

des grandes difficultés.

Mélancolie sénile,athérome aortique et gangrène symétrique des

, membres inférieurs.

M. Deny présente en son nom et en celui de Mule LANDRY l'ob-

servation d'une mélancolique avec gangrène dont l'autopsie leur

révéla la cause anatomique. Les caractères du syndrome mélanco-

lique de la malade le font classer par les auteurs de la communi-

cation dans les manifestations de mélancolie effective délirante

qui seraient l'expression psychopathique de l'involution sénile du

cortex. A l'appui de ce diagnostic, ils invoquent l'apparition de

la gangrène symétrique des membres inférieurs, à début et à

évolution classiques, conséquence de l'oblitération de l'iliaque

primitive gauche pour un-caillot formé au niveau d'une plaque

athéromateuse ulcérée de l'aorte, et de l'iliaque droite par un cail-

lot formé consécutivement et sans doute sur place.

Sans entrer dans les discussions pathogéniques, M. Deny rap-

proche les troubles vasculaires des troubles psychiques, la cardio-

' pathie pouvant à la longue, par ses symptômes sensitifs, retentir

sur le fonctionnement des neurones corticaux.

Séance du 25 février 1907. Présidence de M. DENY.

Le placement des aliénés difficiles (discussion).

M. H. Colin répond à M. Vigouroux qui lui avait demandé à la

dernière séance dans quelles conditions se feraient l'entrée et la

sortie des malades dans le service des aliénés difficiles de Villejuif.

Ce service était à l'origine destiné aux aliénés vicieux, c'est-à-dire

sociétés savantes. 85

présentant,à côté des leurs troubles mentaux,des perversions, des

manies impulsives, des habitudes de vagabondage et de paresse ;

plus tard,le Conseil général y ajouta les aliénés criminels en atten-

dant la création d'un asile d'état spécial. Comment se fera l'ad-

mission de ces malades ? Il n'existe pas actuellement de texte de

loi décidant que tel aliéné délinquant doive être interné dans un

asile spécial ; d'autre part les individus de cette catégorie se font

volontiers placer de leur propre mouvement ; quant au placement

spécial, proposé par le chef de service, des aliénés difficiles, fous

moraux et déséquilibrés exigeant une surveillance spéciale, il se

fera, de l'avis de la Commission de surveillance, après un nouveau

passage à l'admission.

La sortie enfin de ces malades se fera par intervention de la Pré-

fecture de Police pour les criminels, du médecin traitant pour les

aliénés difficiles.

M. Vallon insiste sur la nécessité d'éliminer les dangereux de

l'Asile ordinaire si l'on veut, par l'open door, en faire de vérita-

ble hôpitaux de traitement.

M. Christian est d'avis que, pour ces malades, les mesures

disciplinaires sévères sont, plus actives qu'un traitement moral

par la persuasion.

M. SÉGLAS pense que la question de sortie est plus délicate que

celle de l'entrée, car ces malades ne peuvent se modifier à l'asile

et on ne peut prendre la responsabilité médicale d'un interne-

ment définitif ; en pratique. ces professionnels exploitateurs des

asiles, relèvent bien plus des tribunaux que de la médecine, de la

prison que de l'asile.

M. CIIASLii; désire voir combattre la tendance qu'ont les ma-

gistrats à envoyer ces individus dans les asiles ; c'est aussi l'avis

de M. PACTET. Des voeux résumant la discussion seront rédigés

par une commission spéciale et proposés au vote de la Société.

Délire chronique par hallucinations psychiques.

M. Marchand, en son nom et en celui de M. Olivier, apporte

une observation à l'appui de cette théorie que les hallucinations

psychiques sont des pseudo-hallucinations.que les malades atteints

de ces troubles n'éprouvent pas de sensations, n'entendent pas de

paroles, mais qu'on leur parle d'âme à âme, de pensée à pensée ;

chez la malade en question, les hallucinations psychiques dominent t

les autres phénomènes mentaux et agissent sur le délire ; comme

une malade classique citée par l3aillarger,la malade n'entend pas

de voix et n'a pas la sensation de parler ses pensées ; les conversa-

tions se font d'âme à âme, sans paroles.

86 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Séance du 25 mars 1907. Présidence de]\1. DENY.

Action des injections intra-I1Ulsculaires de suc de substance grise dans

les insuffisances de la cellule cérébrale.

Neuf observations à ce sujet sont présentées'par MM. RÉMONEL

(de Metz) et VOIVENEI, ; dans la plupart des cas cette opothérapie

cérébrale paraît avoir donné des résultats satisfaisants.

Le placement des aliénés difficiles (suite de la discussion).

M. PACTET désire éclaircir un malentendu ; dans la séance pré-

cédente, il a déclaré que la place des pervertis moraux lui parais-

sait être la prison plutôt que l'asile,mais en l'absence d'organismes

d'assistance spéciaux ; il n'a pas voulu faire de la prison l'établis-

sement de choix pour ces malades,comme peuvent le penser ses

collègues. Or le mouvement qui mène à l'asile des sujets qu'on

mettait jadis en prison est la conséquence de la diminution de la

notion du libre arbitre et de la liberté morale et du développe-

ment de l'ascendant du déterminisme.

Or s'est ainsi engagé dans une voie qui mènera, dans un avenir

plus ou moins éloigné à faire englober la criminologie tout entière

dans la biologie pathologique.

Toutefois, si la détermination de la responsabilité est délicate,

la société ne doit pas rester désarmée contre ceux qui sont pour

elle une cause de danger ; à ce point de vue nous sommes dans une

période de transition du système pénitentiaire et la spécialisation

des asiles dont nous nous occupons constitue encore pas en avant :

il y a entre l'aliéné simple et le criminel banal toute une série de

transitions dans lesquelles resteront les aliénés difficiles qui ne

sont justiciables ni de l'asile actuel ni de la prison pure et simple,

c'est pour eux que s'impose un asile tel que l'asile spécial qui va

s'ouvrir à Villejuif et dont l'initiative revient à BRoussr et

COLIN.

M. Marcel BRIAND, - Une des raisons pour lesquelles l'asile de

sûreté serait préférable à la prison résulte de ce fait qu'on peut

retenir ces sujets à l'asile jusqu'à preuve d'amendement et de

quasi-guérison.

M. GiMBAL est d'avis que les aliénés criminels sont souvent les

plus difficiles de tous et que leur place est assurément dans l'asile

spécial dont il est question.

M. BRIAND insiste sur la nécessité qu'il y a de séparer les aliénés

difficiles des délirants criminels ; il devrait y avoir quatre catégo-

ries d'établissements : pour les psychoses aiguës,les aliénés chroni-

ques, les aliénés difficiles et les aliénés criminels.

M. Vigouroux donne lecture, sur la proposition de M. Colin,

d'un voeu émis par la Commission.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 87

Les interprétations délirantes chez les aliénés persécutés non

hallucinés (discussion).

M. JUQUPLIER communique en son nom, ainsi qu'au nom de

M. VICOURO1JX, un cas de délire de persécution sans hallucina-

tions et il insiste à ce propos sur la difficulté du diagnostic diffé-

rentiel entre la psychose à base d'interprétation et le délire des

présentés persécuteurs.

M. DUPRÉ ne voit pas l'intérêt qu'il y aurait à établir cette dis-

tinction nosologique ; mais il propose,pour éviter une confusion

de remplacer le terme d'idée obsédante des persécutés persécuteurs

pour celui d'idée prévalente.

Cet avis est celui de MM. Vallon et DENY ; ce dernier pense

qu'il est relativement facile de distinguer la psychose à base d'in-

terprétation des autres variétés de délire systématisé chronique,

car elle est basée, comme l'a dit Baillarger, sur des sensations ex-

ternes ou internes parfaitement réelles et généralement normales.

Séance solennelle du 29 avril 1907. Présidence de M. DENY

Nécrologie : LE PRÉSIDENT annonce la mort de M. Ch. Féré,

médecin de Bicêtre.

Palmarès : prix Belhomme : La démence épileptique chez les en-

fants et les jeunes gens; MM. DOUVRY, 1\IARCHAND et Roger Voisin.

Prix Moreau (de Tours) : M. Charpentier : Les empoisonneuses,

étude psychologique et médico-légale et Mlle Pascal : formes atypi-

ques de la paralysie générale.

Prix Semelaigne ; M. BussARD : Des sorties provisoires à titre

d'essai, au point de vue clinique, législatif et administratif.

Le placement des aliénés difficiles (vole d'un voeu).

M. le Président donne lecture du voeu déposé par M. Vicou-

roux au nom de la Commission chargée d'étudier les modifications,

à apporter au projet de loi sur les aliénés, en ce qui concerne le

placement des aliénés difficiles ou dangereux, et qui est ainsi conçu :

« La Société médico-psychologique de Paris, toutes réserves faites

sur l'opinion de ses membres sur l'ensemble de la loi, considérant

que,dans l'intérêt des aliénés traités dans les asiles, et afin que les

asiles, ces hôpitaux de traitement des maladies mentales, puissent

se rapprocher, dans la mesure du possible, des hôpitaux ordinaires,

il importe que les asiles soient déchargés des malades particuliè-

rement dangereux en raison de leurs tendances aux réactions vio-

lentes, ainsi que des aliénés difficiles qui comptent souvent plu-

sieurs internements et dont le caractère indiscipliné et les tendan-

ces perverses sont une cause permanente de troubles pour les au-

tres malades et pour le fonctionnement des services, présente à la

88 sociétés savantes.

Commission sénatoriale chargée d'étudier le projet du Dr Dubief

sur la loi des aliénés, le voeu que les modifications suivantes soient

introduites dans le projet :

« 1° Que dans l'article II du projet de loi il soit prévu des quar-

tiers spéciaux destinés aux aliénés difficiles, en même temps que

des asiles spéciaux destinés tu traitement des arriérés, épilepti-

ques et alcooliques ;

« 2° Que les dispositions de l'article 40,concernant la sortie des

aliénés criminels, soient applicables aux aliénés difficiles ;

« 3° Qu'au paragraphe I de l'article 39,énumérant les catégories

de malades pouvant être placés dans les asiles de sûreté, il soit

ajouté : Les aliénés qui,n'ayant pas commis d'actes qualifiés crimes

ou délits contre les personnes,sont déclarés particulièrement dan-

gereux par un rapport médical motivé,en raison de leurs tendances

aux réactions violentes ;

« 4° Que dans l'article 35 ainsi conçu ;

« Les individus de l'un ou l'autre sexe condamnés à des peines

afflictives et infamantes ou à des peines correctionnelles de plus de

un an et un jour d'emprisonnement qui sont reconnus épileptiques

ou aliénés

sont retenus jusqu'à leur guérison ou jusqu'à l'expiration de leur

peine dans les asiles ou quartiers de sûreté ;

« Les mots « de plus d'un an « et un jour d'emprisonnement

soient supprimés. »

Séance du 27 mai 1907. Présidence de M. DENY.

Surdité complète par lésion bilatérale des lobes temporaux. Troubles

aphasiques concomitants.

llI.ClitRPENTIER et HALBERSTADT apportent une observation

qui contribue à l'étude d'actualité du rôle du lobe temporal dans

la perception des sensations auditives ; les points de cette observa-

tion qui leur semblent surtout dignes d'attention sont les sui-

vants :

1° Surdité complète succédant à une attaque de ramollissement

cérébral et vraisemblablement attribuable à des lésions bilatéra-

les des lobes temporaux ; 2° surdité verbale survivant à la surdité

corticale ; 3° cécité psychique des mots.

Déficit intellectuel, lésion de la région de Weernicke, lésions pro-

ductrices d'anesthésie : tout est réuni ici pour la mise en applica-

tion de la théorie de Pierre Marie aux troubles aphasiques qu'a

présenté leur malade.Mais à l'égard de la surdité, le cas observé

semble contredire cet auteur, lorsqu'il dénie au lobe temporal

toute ingérence dans la perception des sons.

Marcel BnInNn..

SOCIÉTÉS SAVANTES. 89

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

\ .

Séances des 16 avril et 21 mai 1907 : Présidence de \I. Voisin.

1

- Timidité morbide guérie par la suggestion.

M. DAMOGf.ou (du ( : aire).- Un jeune employé était incapa-

ble, non seulement d'obtenir un emploi, mais encore de le de-

mander, tellement tout interlocuteur lui faisait peur et annihi-

lait ses moyens. Un jeune étudiant bégayait au point de ne

pouvoir se faire comprendre dès qu'il parlait à une personne qui

n'était pas de ses intimes. Tous deux ont recouvré le calme et la

maîtrise de soi, grâce à la suggestion hypnotique. Le succès se

maintient depuis trois mois.

Introduction à la psychologie de la vieillesse. 1

M. Pachantoni (de Genève). La vieillesse comporte des per-

turbations dans le domaine des sentiments et dans celui des idées ;

on constate surtout le rétrécissement du champ affectif, la dis-

parition des sentiments supérieurs et généraux, le manque de

dignité, la servilité, l'égoïsme, la pusillanimité, la simulation.

M.Lionel DAURIAC. - Je dirais volontiers que le vieillard pré-

sente une mosaïque de vieillesses partielles. La déchéance se fait

pièce par pièce, mais non pas au hasard. La régression continue

va du supérieur à l'inférieur, du complexe au simple, de l'insta-

ble au stable, du moins organisé au mieux organisé.

M. Bérillon. On a vu de grands esprits, tels que Thiers, Glads-

tone, Pasteur, Berthelot, ne pas vieillir et rester sur la brèche

jusqu'à leur dernier jour. Cela tient à ce qu'ils se sont défendus,

ils ont continué à travailler comme quand ils étaient jeunes.

M. Paul 1 AaEZ.- .Te joindrai à ces exemples celui de Renou-

vier qui, après quatre-vingts ans, écrivait encore ces livres

étonnants par la profondeur et la lucidité de la pensée.

M.Lionel DAURiAC.Nombreux sont les savants ou les pen-

seurs qui conservent une très grande vivacité d'esprit jusqu'à un

âge avancé, mais seulement quand ils soutiennent leurs idées fa-

vorites et restent cantonnés dans leur domaine spécial. Quand ils

ensortent, il n'en est plus de même; ils deviennent plus imper-

méablesaux objections, ils ne réagissent plus d'une façon person-

nelle aux études nouvelles ; ils ont souvent la même acuité de vi-

sion centrale, mais non de vision périphérique.

. L'extase religieuse.

M. 11 ROL..I. , expose les résultats du voyage qu'il a entrepris au-

tour du monde et pendant lequel il a fait une étude complète

des religions, au point de vue sociologique. Chez les divers peu-

ples, barbares ou civilisés, on recherche l'extase parce qu'elle

90 SOCIÉTÉS SAVANTES.

rend heureux. Les danses ou les chants sacrés semblent avoir

pour but de plaire à Dieu ; en réalité ils sont exécutés en vue des

joies que procure l'extase.

M. Bérillon. L'extase est une sorte d'état de charme, de

fascination ; elle réalise un état superficiel de l'hypnose, avec

monoidéisme et, souvent, anesthésie.

M. Jacques CI3RTILLON.- Les Arabes trcmbleurs se livrent à

leurs pratiques en dehors de tout idéal moral ou de préoccupa-

tion religieuse, uniquement pour être heureux.

Le trac des chanteurs.

M. BÉRILLON présente un chanteur que le trac rendait inca-

pable d'exercer sa profession et qu'il a guéri par la suggestion

hypnotique;il insiste sur lesdétails de technique que comporteun

cas de ce genre, en particulier sur la production fictive, en état

d'hypnose,des conditions dans lesquelles le trac survientet eu pré-

sence desquelles le traqueur est entraîné àne plusse sentir émo-

tionné.

Le diagnostic de la suggestibilité.

M. CARILLON précise les différents moyens par lesquels on

pcut déceler la suggestibilité du sujet ; il est indispensable d'a-

voir diagnostiqué cette dernière pour pouvoir donner des indi-

cations précises sur la durée et l'efficacité du traitement,comme

aussi pour être renseigné sur la forme desuggestion qui convient

à chaque malade.

Epilepsie ou hystérie.

\I.IAh(ART présente un maladequi fut soigné par divers mé-

decins comme épileptique et qui est aujourd'hui pratiquement

guéri de ses crises par la méthode liypnotliéi,apiclue.Done,ceitains

cas présentant tous les caractères de l'épilepsie peuvent se

rapporter a l'hystérie épileptiforme. L'hypnotisme est un moyen

ultime de diagnostic.comme aussi de traitement.Il faudrait, dans

l'intérêt des malades, soumettre à cette épreuve tous les épilepti-

ques ou soi-disant tels, tant est imprécise la limite théorique qui

sépare l'hystérie épileptiforme de l'épilepsie vraie.

\1.IAGNIN ? Il : llle chez l'épilcptiquc vrai, l'hypnotisme est

utile. car il le rend II1oinsémotif et diminue l'action des causes

occasionnelles de ses crises.

M. RÈRfLLON. L'hypnotisme accroîL aussi, chez l'épileptique,

la volonté, l'empire sur soi,la force de résistance.t3on nombre de

remèdes populaires recommandés contre l'épilepsie n'ont d'autre

valeur que celle que leur confère la suggestion dont on les ac-

compagne. Quant au traitement bromure intensif, il a trop sou-

vent pour résultat de diminuer progressivement l'intelligence, la

mémoire et la volonté.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 91

M. Jules Voisin expose les règles qui doivent présider au trai-

tementbromuré pour qu'il soit efficace et n'occasionne ni bro-

misme;ni amoindrissement des facultés intellectuelles.

1

- Les états affectifs neutres

M.Lionel I)AUacAC.-Les états affectifs sont, d'ordinaire, définis

en fonction du plaisir et de la douleur ; dépouillés de l'un ou

l'autre deces phénomènes ils paraissent s'évanouir. Or il existe

des états affectifs, sans plaisir et douleur, qui ne sont pas repré-

sentés, mais réellement éprouvés. Ainsi, dans la coenesthésie,nous

nous éprouvons, avant de nous connaître. Pour se conformer à la

réalitédes faits,il convient donc d'introduire le verbe éprouver,

au sens neutrc,llans le vocabulaire de la psychologie.

Le miracle et la critique historique.

t.SAMT-YvEs. Le croyant qui raconte une histoire miracu-

leuses'auto-sugâestionne inconsciemment ; il agrémente, embel-

lit.déforme et modifie les faits. Il faut apporter une sévérité par-

ticulière à l'égard des matériaux.hagiographies ou mémoires, ri-

ches en faits miraculeux, de manière à dépister le mensonge in-

conscient ou serni-conscient auquel se sont laissé entraîner, en

particulier,les historiens des saints et même ceux des fondateurs

de religions. '

Séance annuelle du mardi 18 juin 1907. Présidence de M. Jules

Voisin. '

Les enfants indisciplinés : procédés nzédico-pédagogiquesqui, leur

sont applicables. : U. Bérillon. La suggestibilité, la réceptivité aux idées am-

biantes sont le propre de l'enfance. Les idées bonnes et les idées

mauvaises y trouvent donc un terrain également favorable. Il faut

par conséquent convenir que les suggestions de l'entourage joue-

ront un rôle prépondérant dans la formation du caractère de l'en-

fant. t.

Lorsqu'on se trouve en présence d'un enfant indocile, se mon-

trant rétif, porté à la désobéissance, on doit se demander si ces

dispositions d'esprit ne résultent pas d'une mauvaise influence

qui aura été exercée sur son esprit. Comme l'a dit justement J.-Jac-

quesRousseau, le caprice des enfants n'est jamais l'ouvrage de la

nature, mais celui d'une mauvaise discipline.

Cela est vrai non seulement pour les enfants dont la tendance à

l'indiscipline à son point de départ dans une mauvaise éducation,

mais même pour ceux dont l'impulsivité est symptomatique d'une

névrose. Chez les enfants atteints d'hystérie, d'épilepsie, de chorée

et même de dégénérescence mentale, l'indocilité peut toujours être

rattachée à des vices de l'éducation. En effet l'éducation doit être

92 sociétés savantes.

d'autant plus ferme que les dispositions de l'enfant à l'impulsivité

sont plus apparentes. C'est généralement le contraire qui arrive.

Quand l'indocilité est confirmée, quand l'enfant se montre véri-

tablement réfractaire à la direction familiale ou scolaire, il con-

vient, pour le transformer, de recourir à des procédés médico-pé-

dagogiques, au premier rang desquels il faut placer la suggestion

hypnotique. Par elle, dans l'état d'hypnose il devient possible de

cultiver le réflexe de l'obéissance qui par beaucoup d'aspects pré-

sente des analogies frappantes avec le réflexe de la suggestibilité

que nous avons précédemment étudié. Il est même très remarqua-

ble d'observer avec qu'elle intensité le reflexe d'obéissance se ma-

nifeste dans l'état d'hypnotisme chez des sujets qui à l'état de

veille en paraissaient dépourvus. A la culture du réflexe de l'obéis-

sance, il convient d'ajouter d'autres interventions suggestives.

En particulier il faudra par des suggestions appropriées modifier

les dispositions à la vanité et à certain égoïsme dans lesquels l'in-

docilité trouve son principal fondement.

Le pronostic de l'idiotie.

M. Voisin. L'idiotie complète, absolue, congénitale ou acqui-

se est incurable. L'idiotie incomplète, congénitale ou acquise est

susceptible d'amélioration. Toutefois le pronostic est tout à fait

différent selon qu'il s'agit d'idiolie congénitale ou acquise.Contrai-

rement à ce qu'on suppose, l'idiotie acquise est plus grave ; les en-

fants qui ont le visage régulier et peu de signes de dégénérescence

sont réfractaires à l'éducation ; il semble qu'une cause extérieure

est venue interrompre définitivement l'évolution de leur vie psy-

chique ; tandis que les enfants qui naissent avec des tares, même

très accentuées de dégénérescence, sont capables de quelque dé-

veloppement intellectuel.

Considérations sur l'éducation des aveugles.

M. MULOT. - Il est erroné de croire que, chez les aveugles,

l'ouïe et le toucher sont, naturellement, plus développés que chez

les voyants. Ceux-ci ont, d'ordinaire, plus d'acuité auditive et

tactile que les aveugles. Même le doigt lecteur d'un aveugle pré-

sente une sensibilité tactile moindre que celle de ses autres doigts,

à cause du durcissement de la peau. Comme le sens musculaire

doit, chez les aveugles, suppléer celui de la vue, il doit être exercé,

dirigé, discipliné de bonne heure, méthodiquement et constam-

ment. Une certaine éducation du sens musculaire permet aux aveu-

gles d'écrire lisiblement pour les voyants et de lire par le toucher

l'écriture des voyants.

Les anormaux pauvres.

M. HuRTREA. - Les anormaux pauvres se recrutent surtout

v

sociétés savantes. 93

parmi les pupilles de l'assistance publique ; ce sont des enfants

abandonnés par des parents qui ne leur ont souvent donné que de

mauvais exemples, ou des orphelins que l'alcoolisme et la débau-

che des géniteurs a dotés de diverses tares de dégénérescence. Ce

qui leur convient, c'est l'assistance dans des établissements ad hoc

une pédagogie appropriée et un traitement psychothérapique, le-

quel est surtout indiqué chez les pervers, instables, fantasques,

impulsifs, voleurs, paresseux, arriérés moraux, dégénérés supé-

rieurs.

La lecture chez les arriérés.

M. QUINQUE expose les résultats remarquables qu'il a obtenus

chez les arriérés par une méthode spéciale de lecture dont le prin-

cipe est de supprimer toute épellation ou syllabation et d'appeler

les lettres, même les consonnes par le son qui leur est propre.

La craniectomie chez les enfants arriérés.

M. DovEx. Il faut distinguer aussi promptement que possible

si l'enfant rentre dans la catégorie des sujets où l'intelligence a ac-

quis un premier degré de développement, ou bien s'il s'agit d'un

véritable cas d'ioditie incurable où l'opération n'offriraient aucune

chance de succès. La seule opération qui puisse être pratiquée est

la craniectomie à volet, soit unilatérale, soit bi-latérale. Le sou-

lèvement d'un ou deux centimètres seulement du grand volet os-

seux augmente la capacité crânienne dans une proportion consi-

dérable. Les résultats opératoires sont souvent rapides et surpre-

nants. M. Doyen présente un enfant arriéré qui a été opéré dix

jours auparavant et décrit la technique personnelle qu'il emploie

dans les cas de ce genre.

Les anormaux dans l'antiquité.

M. Félix Régnault étudie l'iconographie des anormaux surtout

dans l'art égyptien antique. Il présente la photographie de figuri-

nes ou de statues très curieuses surtout par la netteté de leurs

malformations pathologiques.

L'hypnotisme dans le traitement de la stérilité. r

M. Paul JoiRE. Si l'on élimine ceux qui ressortissent de la

chirurgie, il reste que la plupart des cas de stérilité sont dus à des

troubles fonctionnels de la circulation, des organes sécréteurs, du

système musculaire ou moteur,du système nerveux ou de la sensi-

bilité. Ces troubles fonctionnels sont susceptibles d'être traités

par l'hypnose et la suggestion. La femme stérile, trop souvent

abandonnée par les médecins, doit être considérée comme une ma-

lade, et dans beaucoup de cas elle trouvera sa guérison dans le

traitement psychothérapie.

94 bibliographie.

Les « lllucker » de Koenigsberg.

M. V'urnY (de Trêves) expose l'épidémie érotico-religieuse qui

sévit à Koenigsberg chez des piétistes (lucker). L'instigateur en

fut un jeune et beau pasteur protestant qui se faisait passer pour

une réincarnation du Christ, les adeptes se recrutaient parmi les

membres de la noblesse et de l'université, ainsi que parmi les jeu-

nes et jolies femmes de la haute société.. Les adeptes de cette

secte se livraient en commun à des pratiques scandaleuses, d'une

ingénieuse variété, soi-disant pour mater la chair et résister aux

tentations sensuelles.

Un sommeil de trente ans.

M. Paul FAREz.- Bénita F..., est née en 1843. En 1876, elle

est poursuivie, avec ses enfants, par un taureau furieux. Boule-

versée par cette émotion, elle se plaint de céphalée violente. Un

rebouteur lui annonce les plus grands maux ; elle cesse de parler,

de manger, s'alite, reste immobile, comme endormie. Elle ne pré-

sente pas un sommeil hystérique, avec dissociation des diverses

activités sensorielles, suspension des unes et inhibition des autres,

comme chez Gésine ou chez Argentina. Il s'agit d'une obnubilia-

tion psychique à peu près complète, consécutive à un certain état

mental, accompagnée des seules manifestations physiologiques

suivantes : sortes de grognements ou mouvements du bras, pour

demander à boire, et déglutition de cent vingt-cinq grammes d'eau

par jour. C'est un nouveau cas de jeûne, plus prolongé toutefois

que ceux, déjà nombreux, relatés jusqu'ici. Au bout de trente ans,

Bénita se lève, parle, se souvient des personnes et des choses ;

pour toute nourriture elle se contente d'un peu de lait et d'eau.

BIBLIOGRAPHIE

I. Séméiologie du système nerveux ; par le Dr Henri Duroun,

et médecin des hôpitaux de Paris. Oct. Doin éditeur,Paris, 1907.

Cet ouvrage est le second paru des volumes de la « Bibliothèque

de neurologie et de psychiatrie» qui est elle-même une section de

l'Encyclopédie scientifique publiée par M. Doin sous la direction

du docteur Toulouse. Le premier était celui du Dr Grasset sur la

thérapeutique des maladies du système nerveux.

On sait déjà que dans l'esprit de ces auteurs la neurologie et la

psychiatrie, qu'il était classique jusqu'à notre époque de considé-

rer comme deux sciences distinctes, doivent être réunies, au moins

varia. 95

dans les vues d'ensemble sur la pathologie du système nerveux.

Il n'y a pas entre les psychoses et les névroses de démarcation

tranchée ; les transitions existent, et le domaine des psychonévro-

ses s'étend chaque jour.

On voit donc la grande innovation apportée par le Dr Dufour

dans le plan de son ouvrage : réunir dans une même étude les af.

fections nerveuses et les affections mentales, en montrant les

symptômes justiciables de l'une et l'autre pathologie. Dans un

bref avant-propos, M. Dufour en avertit le lecteur et en même

temps le prévient du groupement discutable de certains chapitres ;

il est certain qu'à parcourir la table des matières le médecin non

spécialisé ne voit pas d'une façon bien nette le lien qui réunit les

vingt-six chapitres et leurs subdivisions et l'on peut regretter que

le Dr Dufour ne nous l'explique pas. On s'en rend compte cepen-

dant quand on a parcouru ces pages intéressantes sur l'apoplexie,

les diverses perversions, les troubles de la perception de la person-

nalité, de l'intelligence, les troubles moteurs et sensitifs, les chapi-

tres spéciaux et d'actualité sur les modifications du sang, du li-

quide céphalo-rachidien, du fonctionnement des organes dans leur

retentissement sur le système nerveux, pour ne citer que les prin-

cipaux.

Citons à la fin de l'ouvrage une longue et complète bibliogra-

phie où l'on peut trouver l'énoncé des publications récentes, si-

gnées des neurologistes et des aliénistes les plus illustres etjes plus

compétents ou d'autres pour les efforts de qui elles'est avec raison

montrée hospitalière. J. RoLeT.

VARIA

La révision DE la LOI DE 1838 au Sénat.

La Commission du Sénat, chargée d'examiner la proposition

de loi votée par la Chambre et relative aux modifications à ap-

porter it la loi de 1838 sur le régime des aliénés, poursuit active-

ment ses (ravaux sous la présidence de M. Rolland. Dans le texte

voté par la Chambre des dépulés, une disposition avait été intro-

duite qui avait fait naître les plus vives appréhensions dans l'es-

prit des médecins actuels des asiles et surtout des docteurs se

préparant au concours d'adjuvat ; elle édictait que ces médecins

pourraient, demeurer extérieurement et se consacrer librement a

l'exercice de la médecine en dehors des asiles par assimilation

aux médecins des hôpitaux. Après avoir recueilli de nombreux

et concordants témoignages, et conformément il. l'avis du minis-

9G varia.

tre de l'Intérieur, considérant qu'il y avait intérêt à ce que les

futurs candidats au concours d'adjuvat connussent sur ce point

son avis, qui sera, sans aucun doute, l'avis du Sénat lui-même. la

Commission a décidé de se prononcer dès maintenant sur la dis-

position sus-visée ; à l'unanimité elle a résolu d'effacer de la pro-

position de loi la disposition relative au libre exercice de la mé-

decine et de faire de la résidence du médecin dans l'asile le régi-

me normal auquel il ne pourrait être dérogé qu'exceptionnelle-

ment et sous des garanties spéciales.

LES aliénés EN LIBERTÉ.

La folie.- Cette nuit, une femme àgéc se présentait au poste

de police de la rue cles ProU\ aires et demandait à être hospita-

lisée. Je m'appelle dit-elle, Emilie de La Pagerie, je suis âgée

de 72 ans, et mon père et ma mère qui ont 64 et 59 ans, m'ont

chassé de chez eux, parce que je veux me marier avec mon cou-

sin Pierre qui a seize ans et qu'ils trouvent trop jeune pour

moi.

Les gardiens de la paix gardèrent cette malheureuse au poste

et ce matin M. Bureau, commissaire de police essaya de connaî-

tre son adresse. Elle lui raconta successivement qu'elle demeu-

rait chez sa fille, Lucie Carreau, 57, rue Boursault, mariée à un

employé de la Cie générale des eaux, puis chez sa tante, Mme

Rousseau, (i, rue Thérèse. A ces différentes adresses, la malheu-

reuse femme était inconnue. Elle a été conduite à l'infirmerie du

Dépôt.

- Ce matin, à neuf heures. un individu correctement vêtu

d'un complet jaquette noir, se presentaitaucommissariat du quai

de Oestres et. demandait à parler à 11. Picot, commissaire de po-

lice, ayant à lui faire une communication confidentielle.

Mis en présence de ce magistrat.il lui déclara qu'il le priait de

l'arrêter pour l'empêcher de tuer quelqu'un.

Toute la nuit, dit-il, j'ai lutté contre mon désir d'ôter la vie

à un être humain, mais je ne puis résister plus longtemps. Ap-

pelez des gardiens, sinon je vous étrangle. Je suis à bout de ma

résistance. Et ce disant, il s'approcha du commissaire d'une façon

menaçante.

M. Picot appela aussitôt des agents qui mirent ce malheureux

hors d'état de nuire. C'est un négociant de la rue de Hivoli, qui,

il y a trois ans, a déjà été interné à la suite de circonstances ana-

logues.Sa famille prévenue va le faire conduire dans une maison

de santé.

Le rédacteur-gérant : I)OURNEVILLE.

Clermont (Oise). Imprimerie Daix frères et Thiron.

Vol. II. 3e Série. Août 1907. 1 N°

ARCHIVES- DE NEUROLOGIE

MEDECINE LEGALE

Une hystérique incendiaire pendant l'état

- somnambulique ;

, Par 1(3 Dr A. CULLERRE

Médecin-directeur de l'Asile de la Roclie-sur-7 ou.

Les actes délictueux ou criminels accomplis en état de

somnambulisme hystérique ou de condition seconde

n'existent qu'en bien petit nombre dans la littérature

scientifique. En 1881, M. Motet fait connaître un cas d'at-

teutat à la pudeur. En t 1 SS'i, Garnie : 'publie l'observation

d'un individu ayant, en condition seconde, déménagé la

boutique d'un brocanteur. En 1889, Proust communique

à l'Académie des sciences morales le cas d'un jeune

homme condamné pour escroqueries faites en état de

vie somnambulique. 13ernhcim relate le fait d'un jeune

hystérique de seize ans qui. en 1898, étant en état second,

s'approprie un chèque, qu'il avait été chargé de toucher,

et s'en sert pour opérer une fugue de plusieurs jours au

milieu des circonstances les plus romanesques. En 1904,

l31autc donne la relation d'un meurtre accompli par une

femme sur son amant pendant une crise de somnambu-

lisme.

Dans l'intéressant rapport de M. Raoul Leroy au Con-

grès de Lille sur la responsabilité des hystériques, on

peut glaner quelques observations analogues dues à

divers auteurs, où les actes délictueux ou criminels com-

mis par des hystériques ont été exécutés dans un état de

subconscience crépusculaire ou dans un accès de som-

nambulisme avec amnésie consécutive (1).

Il) MOTET. - Annales d'hygiène publique ci de médecine légale,

1`31 -- G \IINIEH, ibid., 1W î. 1'uou.;t. Académie des sciences mort.

Archives, 0' série, 1907, l. IL 7

'.{8 MÉDECINE LEGALE.

A cette maigre collection d'observations plus ou moins

dramatiques, l'incendie fait à peu près défaut : c'est une

raison pour que je me décide à donner ici un fait de ce

genre, intéressant non seulement au point de vue médi-

co-légal, mais plus encore peut-être au point de vue cli-

nique et psychologique. 1

Observation. MadameX...,28 ans, est admise le 18 mars

1891. Elle appartient à une famille de nerveux et a toujours

manifesté elle-même un tempérament névropathique et un carac-

tère extrêmement susceptible et difficile. Mariée depuis dix ans

à un homme bien équilibré, mais peu sentimental et peu cultivé,

obligée de vivre avec ses beaux-parents pour lesquels elle n'é-

prouvait que de l'antipathie, elle devint rapidement, au moral,

ce qu'on est convenu d'appeler une femme incomprise.

Dans les sept premières années de son mariage, elle lit cinq

grossesses qui ne contribuèrent pas médiocrement à l'altération

de sa santé. Des cinq enfants qu'elle eut, trois seulement sont

vivants : deux garçons inintelligents (2) et une lillc idiote ; le

quatrième est mort de brûlures à la suite d'un accident ; le cin-

quième a succombé en naissant.

Il y a trois ans survint une sixième grossesse- A partir de ce

moment, sa santé devient tellement précaire qu'on redoute une

issue fatale et que l'on juge nécessaire de provoquer l'expulsion

prématurée du foetus. A la suite de cette opération, métrite

aigué, métl'olThagies répétées qui motivent des cautérisations au

chlorure de zinc et deux cureftages consécutifs.

1° Développement de l'hystérie. Pour calmer les douleurs

qu'elle éprouve, la malade se fait des injections de morphine et

ne tarde pas à devenir morphinomane et à prendre 50 à no cen-

tigrammes par jour de ce médicament. Puis la grande hystérie

se développe sous la forme de crises convulsives auxquelles

s'ajoutent, dans la suite, des crises de somnambulisme ou d'état

second pendant lesquelles elle se livre à des fugues inopinées qui

jettent sa famille dans la plus vive inquiétude ; il lui arrivait de

s'enfuir au milieu de la nuit et, malgré son extrême faiblesse, de

t taire plusieurs lieues nu-pieds et à peine vêtue.

lcs "1 politiques, 1580. - l3ennt;tr.l. L'hypnotisme ci Il suggestion

dans leurs rapports avec la médecine légale (XII* Congrès inlernalio-

nal de médecine, 1897). B1.1UTE. Annales 111édico-psycllOlogiques,

11.)o4. K. LrRoy. Lu responsabilité des lzystrriques, rapport au

XVI" Congrès des aliénistes et neurologistes, Lille, 1906.

(2) L'un de ces jeunes gens vient d'être poursuivi pour aLLcnlnl

à la pudeur ([9013), Reconnu hystérique nl irresponsable, il a béné-

ficié d'une ordonnance de non-lieu.

HYSTÉRIQUE INCENDIAIRE PENDANT l'ÉTAT SOINAN113ULIQUE. 99.

Enfin, un troisième ordre de phénomènes, contemporains de

l'hystérie, s'ajoute à ce tableau : c'est une perversion profonde de

la sensibilité affective, une véritable folie morale. Elle s'ingénie

à jeter l'inquiétude au milieu des siens, à les affoler par des actes

bizarres, énigmatiques, laissant supposer de mauvais desseins,

refusant pendant plusieurs jours la nourriture, simulant des ten-

tatives de suicide en faisant semblant d'avaler des flacons entiers

de solution de morphine, des boîtes de pilules d'opium, etc. Elle

a aussi contracté la manie d'écrire à une foule de personnes pour

les entretenir de ses malheurs domestiques et leur dénoncer ses

griefs contre son mari et sa famille. C'est dans ces conditions

qu'elle est amenée à l'Asile.

Un se trouve en présence d'une femme amaigrie, au teint jau-

nâtre, à l'air épuisé et languissant. Elle s'exprime péniblement

et, avec effort, nous fait connaître en quelques mots qu'elle est

\ictimc de la haine de son mari, qu'elle n'est point folle, mais

que, en raison de son état de santé, elle se résigne à la séques-

tration qui lui est imposée. Elle prévient d'avance qu'elle ne se

pliera pas facilement à la règle, Lien qu'au fond elle désire faire

son possible. La langue est sale, y a une anorexie presque com-

plète, de la constipation. Un constate une anesthésie généralisée,

sauf à la région abdominale qui est douloureuse et qui présente

plusieurs points hystérogènes. Il y a une dyschromatopsie des

deux yeux, surtout du droit qui ne reconnaît aucune couleur ;

le gauche n'est sensible qu'au violet. Tout examen méthodique

est rendu d'ailleurs impossible par l'indocilité de la malade.

La démorphinisalion progressa est d'abord instituée. Elle fut

laborieuse en raison de la ruse avec laquelle la malade, les pre-

miers jours, a \ ait réussi à dissimuler aux } eux d'un personnel

insuffisamment stylé seringues, aiguilles et solutions ; toutefois,

elle suivit son cours sans incident notable.

Les accidents mentaux qui se déroulent pendant les quatre

premières semaines consistent : 1° en petits accès d'excitation

maniaque pendant lesquels elle se livre à mille extravagances,

se jetant il. bas de son lit, chantant, protestant qu'elle ne mangera

pas, barricadant la porte de sa chambre ; ? en attaques d'hys-

térie le plus souvent limitées à la période délirante. Ces crises

délirantes, extrêmement fréquentes, durent de quelques heures à

une nuit entière. Soudain les yeux deviennent fixes et hagards,

les pupilles se dilatent, elle est le jouet d'une hallucination ter-

rifiante; elle s'écrie : ·< .I'ai peur ! j'ai peur ! cachez-moi ! »

pousse des cris, prononce des paroles entrecoupées, et cherche

à se faire du mal en se serrant le cou avec un mouchoir. Quand,

elle revient à elle, elle n'a gardé aucun souvenir de ce qui s'est

passé.

En dehors de ces troubles mentaux, elle se montre acariâtre

100 MEDECINE LÉGALE.

irritable, se plaint de névralgies, a de petites attaques d'hystérie

sous forme de spasmes de toux, de tremblements, de grincemenls

de dents, de contractions. Bien qu'elle refuse à peu près conti-

nuellement de manger, son état physique s'améliore néanmoins,

car on profite de ses crises délirantes pour lui faire prendre de

la nourriture. Elle a eu ses règles.

2° Convulsions, somnambulisme, délire. A partir du second

mois, l'accès délirant prend une forme en quelque sorte systéma-

tique : Objectivant ses propres pensées, elle oiL subitement un

individu à face repoussante et terrible qui lui rappelle sans cesse

ses chagrins domestiques et l'excite à y mettre fin par la mort

volontaire. Ue là des tentatives incessantes de suicide par stran-

gulation à l'aide des objets les plus hétéroclites qu'elle réussil à

dissimuler : licelles, cordons de vêtements, fils de fer, lacets de

bottines, débris de linge, etc., jusqu'à ses propres cheveux : ten-

tatives ayant lieu en crises suivies d'amnésie, qui n'ont échoué

que grùce à une surveillance étroite et continue. Bientôt, cette

auto-suggestion, n'aboutissant pas, change déforme : c'est l'ob-

jet de l'hallucination lui-même qui intervient pour l'exécution

du suicide et pendant plusieurs semaines. Mme X... a, chaque

nuit, de grandes crises cloniques alternant avec des crises asphyxi-

'lues subintrantes, pendant lesquelles elle se croit étouffée dans

les bras du fantôme. Elle est parfois une heure en état d'apnée;

les tissus violacés, la langue tuméfiée, pendant hors de la bou-

che. Ces attaques de forme asphyxique n'amenant pas le résul-

tat attendu, sont suivies par des attaques syucopales. La \ision

disait : tu vas mourir ; et la malade, perdant l'usage de tous ses

sens, entrait dans une pâleur de mort avec suspension presque

complète de la circulation et de la respiration.

A un moment donné il arma la suite de ces attaques à

forme syncopale, Mme \... .. revenait à elle sans recouvrer l'u-

sage de ses sens, demeurant aveugle, sourde et muette; il fallut

alors a\oir recours à la suggestion par les images motrices gra-

phiques pour mettre fin à cette situation des plus pénibles, quila

retranchait complètement du monde extérieur et s'opposait à

l'alimentation, les muscles de la langue et du pharynx étant

paralysés (1).

A partir du mois d'octobre, les phénomènes hystériques s'a-

mendent ; les'journées sont bonnes, le caractère est meilleur,

elle s'occupe à de gros ouvrages, comme de frotter, récurer. Elle

(i) A. CULLEIlIlr : . De l.i suggestion par l'intermédiaire des

images motrices graphique, chez une hystérique jappée simultané-

ment de cécité, de surdité et de mutisme. (Revue de l'hypnotisme,

lb'J;3)..

HYSTÉRIQUE INCENDIAIRE PENDANT l'ÉTAT SOMNAMBULIQUE. 10L

se plaint de quelques troubles neurasthéniques, dyspepsie,

névralgies abdominales, leucorrhée. Le soir elle est moins bien,

appréhende l'approche de la nuit, éprome quelques hallucina-

tions de l'ouie et de la me aussitôt couchée. La nuit cependant t

se passe bien.

3° Personnalités multiples. Le 18 octobre s'ouvre une nou-

velle phase. Les crises de délire nocturne reparaissent, mais sous

une nouvelle forme : plus d'hallucinations terrifiantes, plus de

tentatives de suicide, ni d'attitudes passionnelles, mais un délire

calme, avec transformation de la personnalité. Tantôt elle est

Madame V... sa belle-soeur ; tantôt elle est Mlle P... sa cou-

sine ; elle parle d'elle-même à la troisième personne, s'apprécie

avec sévérité, comme pourraient le faire ces parentes, passant

en revue les phases de son existence passée. C'est un véritable

délire de mémoire à personnalités multiples. Cette phase dure

un mois, les journées étant bonnes, sauf quelques grandes atta-

ques conduis ! vos.

A partir du 17 novembre, crises de somnambulisme actif avec

. retour des perversions morales et des impulsions au suicide. A

deux reprises, en quelques jours, étant en condition seconde,

elle dérobe avec une adresse infernale la clef de l'infirmière avec

qui elle s'occupe et la cache en deux endroits différents. On

essaye, en provoquant l'hypnose, de lui faire découvrir ses

cachettes, mais en* vain. On n'y arrive qu'en lui suggérant

qu'après tout, puisqu'elle veut se pendre, on est décidé il la lais-

ser faire. Aussitôt elle bondit vers les endroits où elle a caché la

clef et s'en empare et on ne la lui arrache qu'avec peine. Revenue

à l'état prime, elle est heureuse d'apprendre que l'inlirmière a

retrouvé sa clef et qu'elle ne sera pas punie.

A la même époque, on note encore le retour de l'hallucination

terrifiante qui lui ordonne le suicide. Tentatives répétées par

strangulation; toujours en condition seconde. Le 30, ayant pu

échapper à la surveillance, elle s'introduit dans un dortoir et

avec une cravate fixée à la barre supérieure d'un lit, elle cher-

che à s'étrangler en se glissant dessous. C'est dans cette situation

qu'on la trouva à demi-asphyxiée. Elle dérobe tout ce qui peut

servir à se faire du mal, couteau, aiguilles, épingles, et s'intro-

duit tout cela dans le vagin pour s'en servir en temps opportun,

On est désormais obligé d'explorer pendant chaque attaque cette

singulière cachette. Les nuits sont toutes délirantes, elle recom-

mence à avoir des accès d'apnée, et à chercher il. s'étrangler avec

les mains.

A partir de mars 189 ? , les manifestations hystériques s'atté-

nuent de nouveau. Les journées sont bonnes et se passent sans

accès somnambuliques et sans hallucinations. Ces dernières se

102 MÉDECINE LÉGALE.

produisent encore de temps en temps la nuit, surtouL au moment

du premier sommeil.

Les mois suivants, l'amélioration s'accentue encore et en août

on constate la disparition de toute crise, comulsive ou délirante.

Seul l'état neurasthénique se révèle par des phénomènes nom-

breux : céphalalgies, cryesthésie, vomissements, sueurs profuses,

impotence musculaire, congestion des glandes mammaires avec

commencement de sécrétion lactée, leucorrhée. Depuis trois

mois, cependant les règles sont régulières.

4° Vie somnambulique. - Le 28 août, un incident curieux se

produit. Chagrinée de ce que la religieuse qui s'occupait d'elle

était partie en retraite, hantée par l'idée de la revoir, elle s'écada

très adroitement pendant un office religieux, se rendit à la gare,

prit un billet d'aller et retour pour L..., et arrivée dans cette

ville, se rendit au couvent où se trouvait la religieuse et la fit

demander. Elle l'attendit vainement pendant plusieurs heures,

sortit, fit plusieurs visites en ville, écrivit une lettre il la soeur

pour s'excuser de no pas pouvoir l'attendre plus longtemps et

revint la déposer au cornent. A ce moment, la religieuse, pré-

venue, la fit entreret constatant qu'elle était en condition seconde,

s'efforça, par diverses manoeuvres d'hypnose, de la ramener à

l'état normal. Elle n'y réussit qu'au bout de plusieurs heures.

La malade, auparavant, lui avait raconté les péripéties de son

odyssée, son évasion, son voyage et ses circonstances.

Cet accès de somnambulisme actif ou vigilambulisme ne res-

tera pas isolé. Le G septembre, Mme X..., à la suite d'une con-

trariété de famille, tomba en condition seconde. Pendant toute

cette période, elle eut des crises convubiles et délirantes alter-

nant avec des périodes de calme et d activité, en apparence

normale. Le 18 septembre, à la suite d'une attaque convulsive,

elle revient à l'état prime, très étonnée d'apprendre qu'on n'est

pas au (j septembre, comme elle le croyait, mais au 18. Dans

la suite, elleeutencore plusieursde ces crises de vigilambulisme

d'une durée de plusieurs jours.

5° Ecrits de la malade : idées obsédantes de vengeance, principa-

lement d'incendie. Un point sur lequel il est très important de

revenir ce sont les écrits de Madame X" , pendant son séjour il

l'Etablissement. Ainsi que son mari nous en avait averti, elle a

toujours aimé iL s'épancher la plume a la main. Nous avons

recueilli beaucoup de ses lettres ; et un phénomène extrême-

ment intéressant s'y fait remarquer : un certain nombre d'entre

elles, commencées il l'état normal, ont été conlinul'esdans 1 ? laL

de délire somnambulique et tournent toutes autour de deux

idées fixes : celle du suicide et de la vengeance..Mais alors qu'en

état de délire parlé, elle est surtout hantée' par l'idée du suicide,

HYSTÉRIQUE INCENDIAIRE PENDANT L'ÉTAT SOMNAMBULIQUE. 103

dans l'état de délire écrit, elle exprime de préférence avec une

énergie sauvage le désir de se venger, dempoisonner ses beaux-

parents et surtout d'incendier leur habitation.

Quelques citations, aussi courtes que possible, tirées de ces

écrits, nous paraissent nécessaires. En voici quelques-unes :

« Décembre 1891 (à son mari), Mon cher ami, deux mots seule-

« ment : je suis un peu fatiguée; j'ai bien peur d'une affaire,

«que le remède soit pire que le mal. Je souffre beaucoup. I.'igu-

tt re-Loi... (ici l'écriture devient moins régulière) oh ! ce train ! ce

« train me fascine, m'attire. Un ! quelle lâcheté ! souffrir les in-

« famies d'un homme qui s'appelle mon mari, les horreurs d'un

« bonhomme X..., mon cauchemar, oh ! si je pouvais le faire

« disparaître sans le faire souffrir, car j'exècre faire souffrir les

« autres, soit bêtes, soit gens ! Mais si jepowais l'imbiber de pé-

« trole puis les fourrer tous les trois dans ces tombeaux dans les-

« quels il m'enleire, moi et mes enfants, je mettrais une torche

« à l'acétylène avec plaisir... Cachez-vous ou je fais un malheur

« Lâche ! lâche ! répétez «folle » une fois de plus et je jais brûler

« vofrebicoque, vous qui n'aimez que l'argent, ça vous touchera.). h

Dans une lettre qu'elle m'adressait en août 1892, après m'avoir

exposé d'une façon correcte pendant deux pages, son état physi-

que et moral et avoir beaucoup insisté pour qu'on redouble de

surveillance iL son égard parce qu'elle craint plus que jamais

de faire un malheur, elle continue en délirant de la façon suivan-

te : " C'est pourquoi des femmes comme moi ont assez existé ;

«si j'axais seulement un petit moment de liberté, laisse faire...

si je peux- chiper une corde, mais quelque chose de solide, je

« connais un petit endroit où, avec un petit moment de manque

« de surveillance... Car j'espère qu'elle se lassera, cette soeUI ? )) »

Le 28 juin 1893, elle m'adresse une lettre dont voici quelques

extraits : « Malgré le grand désir que j'ai d'être unie à mes en-

filants, je constate avec peine que ce n'est pas l'amitié qui tait

« mon mari me rappeler auprès de lui. 11 est évident, d'après sa

« dernière visite qu'il n'avait pas la moindre intention de me faire

« sortir et qu'il a fallu qu'on lui rappelle que je ne pouvais de-

« meurer éternellement aux aliénés...» La lettre se poursuit pen-

dant trois pages sur ce ton raisonnable et soudain continue ainsi :

« Mais je ne veux pas retourner avec ma belle-mère et comme

« je ne veux pas revenir à l'asile, alors je l'empoisonnerai, puis

« il y un puits vis-à-vis chez moi, c'est là où j'irai finir mes

« malheurs, .le ne regretterai que mes chers petits. Tu crois qu'ils

on du cour ! Ma petite Charlotte est morte seule ; trouvée

« morte, je l'ai su.lls m'ont privée d'aller l'embrasser une dernière

*' lois. Puisque tu es Directeur et que tu n'es pas méchant, toi,

« lais donc venir mes petits enfants, puis quand je les aurai, je

o m'en irai me cacher loin, bien loin. Tu verras si je les aimerai

104. MÉDECINE LÉGALE.

« bien et si je les élèverai bien ; je travaillerai tant que je pour-

« rai pour gagner leur le, mais si on me force à retourner avec

« mabelle-mère, je mettrai le/eu chez elle, je l'empoisonnerai et

« je me tuerai ! ....»

6- Amélioration. - En avril 1893, en effet, elle a perdu sa pe-

tite fille. Cet événement n'a été l'occasion d'aucune manifesta-

tion hystérique. Son chagrin a été contenu, modéré, normal pour

ainsi Le 30 juin, une amélioration réelle persistant, elle

est retirée par son mari.

Au bout de sept ans. Rechute et incendie en état somnam-

bulique.- Après un intervalle de sept ans passé dans sa famille,

MmeX... nous est ramenée le 10 septembre 1900 pour cause de

« morphinomanie avec troubles mentaux hystériques ». Elle est

retirée au bout de trois semaines titre d'essai par son mari, dé-

barrassée de ses habitudes d'intoxication, mais non de ses trou-

bles hystériques consistant surtout, comme la première fois, en

crises de délire avec oubli total au réveil.

Deux jours après, le 1er décembre, elle était ramenée, aprèsavoir

allumé un incendie dans les dépendances de l'habitation de ses

beaux-parents et occasionné des pertes importantes.

Dans quelles conditions la malade a-t-elle succombé à une im-

pulsion dont elle était subconscicmmenL hantée depuis dix ans.

c'est ce qu'elle-même va nous apprendre. Voici en effet ce qu'elle

m'écrirait quelques jours après sa nouvelle admission : ç

«Décembre 1\)UO, Monsieur le Directeur. Comme j'ai confiance

« en vous, vous me permettrez de vous demander des explica-

tions, que jusqu'ici je n'ai pu avoir que sommairement ; encore

« je ne puis y croire; les uns, disent oui les autres non.

« Comment cela se fait-il que je sois tombée dans ce lit de la

« Grimaudière, et que ce soit un mardi, quand je me croyais chez

" moi vendredi vers 3 heures ? Comment cela se fait-il que les

« hommes me répondent à ces questions que j'ai mis le (eu chez

«moi dans.du foin ou de la paille Si cela était vrai, mais tout

«doit-être brûlé chez nous vu la quantité de fourrage qui est près

« des habitations qui sont agglomérées près les unes des autres.

« Eh bien Si c'est vrai, je suis bien perdue c'est le comble à la

«mesure, il me semble voir les X....lamaisj'oserai reparaître chez

«nous. le n'osais vous en parler, je craignais que ce soit vrai ; ce-

«pendant je veux savoir..le trouve très drôle que l'on m'eût ame-

canée ici, sans que je m'en rende compte, d'autant plus que je

«me souviens très bien que je me suis trouvée dans mon lit chez

«moi, mercredi soir et yue,jeucli,je n'ai pu me ! e\nr,j'étais brisée,

« je me sowiensaussi de vendredi jusqu'à midi, heure ou je me

« suis levée et j'ai essayé de travailler; il est vrai que je travail-

HYSTÉRIQUE INCENDIAIRE PENDANT l'ÉTAT SOMNAMBULIQUE. 105

« lais dans du rouge, qui me fascinait, j'ai même cousu à la ma-

.chine et à la main puis après plus rien que la nuit. ,

«.le vous prie, Monsieur le Directeur, de me dire la vérité, vous

« devez tout savoir, j'étais furieuse mardi (puisque je me croyais

« samedi) après mon mari, et je lui en veux de m'avoir amené là

« sans chet cher à me réveiller, j'étais tellement surprise de ce

«qu'on me disait, et que j'étais sûre de n'avoir rien dit, que dans

«un moment de colèrej'ai manqué grossièrement aune personne

«qui cependant n'avait eu que des égards, c'est M. l'interne ; j'é-

« lais si irritée de ce qu'il médisait que je me suis complètement

« oubliée, j'en ai bien regret, mais c'est fait, car je vous assure

« que j'étais énervée ce jour-là, il a fallu que ce soit Monsieur

« l'interne, qui ne le méritait pas, qui subisse mes nerfs irrités.

«,le prie Monsieur le Directeur de bien vouloir me dire ce qui

«s'est passé, je vous affirme que ceci me tourmente, et je l'en re-

«mercierai sincèrement.» »

Le 14 décembre elle écrivait encore à son mari : «Jusqu'à pré-

«sent j'étais fort étonnée et fort en colère d'être dans un lit de

«l'asile, je croyais bien être citez nous, d'autant plus que, depuis

«l'heure où je me suis retrouvée le mercredi soir dans la chambre

«je me rappelle bien ce que j'ai fait jusqu'au vendredi dans l'a-

« près-midi, heure où j'étais devant le feu qui me fascinait, il est

«vrai. Je ne pouvais m'en détacher; enfin j'ai pris le parti de sortir

« seule pour la 1re fois faire un four, pour y voir si toute ma

«basse-cour se portait bien. Lorsque j'ai ouvert la porte, l'air vif

a m'a frappé au visage ; j'ai vu rouge, depuis je ne me souviens de

«rien jusqu'au mardi. »

Le souvenir .le cet acte va désormais intervenir dans ses crises

délirantes, qui sont de plus en plus fréquentes. On recueille des

paroles comme celles-ci : «,le songe que tout brûle là-bas ; que

Mme X... a incendié chez elle... C'était bien beau ; elle me l'a

dit. Si tu savais comme cela fait peur... c'est pénible, pourtant.

C'est un grand malheur... j'en frissonne rien que d'y penser. »

Ou bien encore : « Mme X... a eu si peur qu'elle s'est fourrée

volontairement dans un cercueil toute vivante... elle est morte

il y a belle heure... Le feu purifie tout... c'est fini je veux mou-

rir... oh ! c'est beau ce feu ... quel malheur tout de môme ...

avec une allumette etun boutde bougie je mettrai un beau l'eu.,

que d'allumettes enflammées : c'est féerique, mais c'est un grand

malheur ! Quel beau feu ! Mais laissez-moi donc ! ...»

Pendant plusieurs semaines. les crises délirantes sont inces-

santes, la malade ne prend presque aucune nourriture, tant l'a-

norexie est complète. fille le contracte en outre l'habitude de se

larder le corps et en particulier les seins d'aiguilles qui chemi-

nent et viennent sortir en de nombreux points du corps.

106 MÉDECINE LÉGALE.

8° Décès.- En mai, elle est prise d'entérite aiguë et succombe

en quelques jours.

Ainsi, il ressort très nettement des écrits de la malade

que c'est dans une période d'état second, de somnam-

bulisme délirant en un mot, qui a duré du vendredi au

mardi, c'est-à-dire quatre jours, qu'elle a mis le feu aux

dépendances de l'habitation de ses beaux-parents.

Uncoupd'oeil d'ensemble jeté sur cette longue observa-

tion nous montre deux phases bien distinctes dans l'exis-

tence pathologique de Mme X... : 1° celle où la sympto-

matologie de l'hystérie s'épanouit sous toutes les for-

mes ; 2° les périodes intercalaires où domine la neuras-

thénie pure et simple : phénomènes nerveux polymor-

phes et incessants, troubles utérins, névralgies, cépha-

lalgies, dyspepsie, anorexie, vomissements, myasthénie

cryesthésie elc. Dans cet état, la mentalité ne semble

pas foncièrement altérée ; la malade devient, à la vérité,

morphinomane, ce qu'explique son état de souffrance

habituel et sa déséquilibration nerveuse originelle,

mais ses sentiments affectifs ne sont pas pervertis. Elle

est convaincue, certes, qu'elle a des griefs sérieux con-

tre son mari et la famille de ce dernier, elie juge sévè-

rement leur conduite et leurs procédés à son égard, mais

elle ne manifeste contre eux ni haine, ni désir de ven-

geance. Si elle éprouve, au fond, des sentiments de ce

genre, elle sait, comme toute personne normale, les dis-

simuler et les taire, ayant conscience de leur caractère

immoral et répréhensible.

Dans les périodes d'hystérie, tout change : une deu-

xième personnalité émerge, violente, impulsive,haineuse

et vindicative : une véritable psychose se développe,

sorte de folie morale où dominent alternativement les

idées de désespoir, de suicide, d'homicide, et les impul-

sions nuisibles les plus variées. Dans cet état, qui est

toujours un état second, un élat de crise avec vie som-

nambulique, la malade se fut certainement suicidée sans

la surveillance étroite qui l'entourait et malgré laquelle

il s'en fallut de peu qu'elle ne réussit. Nous la voyons dé-

rober tous les objets qu'elle suppose pouvoir lui servir

pour accomplir ses dessins, clefs, couteau, aiguillcs,épin-

HYSTÉRIQUE INCENDIAIRE PENDANT LETAT SOMNAMBULIQUE. 107

gles : exécuter des fugues compliquées et prolongées et

enfin s'abandonner à un véritable délire de vengeance

avec impulsion py·rcmaniaquc qu'elle finit par mettre

a exécution, bien qu'après un délai fort long, puisque,

près de dix ans auparavant, ses écrits nous révèlent

qu'elle en était déjà obsédée.

Et ainsi nous apparaît nettement le rôle de l'hystérie

comme facteur de criminalité. L'hystérie, à la vérité, ne

fait pas acception de caractères ni de moralités : elle se

développe aussi bien dans les natures vertueuses que

dans les vicieuses ; mais, si chez ces dernières, elle peut

se borner à découvrir et libérer les impulsions mauvai-

ses, chez toutes, elle est susceptible de créer de toutes

pièces par retranchement, diminution, altération de la

personnalité et de l'intelligence normales, une véritable

mentalité criminelle.

Pour comprendre quel était l'état de notre malade au

moment où elle a commis l'incendie en question, es-

savons de reconstituer l'enchaînement des faits. Mme X.

est chez elle assise et, tout en cousant;' s'abandonne à ses

rêveries habituelles, rumine son éternel chagrin ; elle

s'apitoie sur son propre sort, trouve sa destinée injuste,

les gens qui l'entourent, odieux et coupables. Sera-t-elle

toujours leur victime ? Les idées de révolte se font jour

dans son esprit, puis des idées de vengeance. Comment

se venger ? Les atteindre dans ce qu'ils ont de plus cher :

leur fortune, leurs biens. Si tout cela brûlait, comme ils

seraient punis ! Mais tout ulcérée qu'elle puisse être,

toute persuadée qu'elle soit de l'immensité non moins

que de la légitimité de ses griefs, elle sait qu'il est mal de

se venger, elle possède en son entier le faisceau d'idées

morales qui sont l'attribut commun des individus nor-

maux : elle a aussi pleinement le sentiment de la con-

servation personnelle, qui la met en garde contre des ac-

tes punis par les lois ; elle a en un mot la conscience

claire de ce qu'elle est en réalité, une honnête femme au

fond, épouse du fils de ces gens qu'elle haït d'une façon

si exclusive, la mère de leurs petits enfants.

Soudain, du fait de cet état émotif intense et systéma-

tisé, aidé sans doute de quelques circonstances extérieu-

res, comme l'action de la couleur rouge, celle de l'air

108 MÉDECINE LÉGALE.

frais qui frappe subitement son visage, un phénomène

brusque se produit : c'est une sorte de vertige,de transe,

de perte rapide de connaissance dont elle revient avec

une personnalité réduite, une conscience rétrécie, des

fonctions psychologiques diminuées. L'idée de ven-

geance n'est plus désormais combattue par l'ensemble

des idées antagonistes qui la neutralisent habituellement

dans la conscience normale : elle se transforme en une

véritable impulsion automatique et l'acte s'ensuit.

Il nous semble tout à fait digne d'intérêt de noter le

long espace de temps qui s'est écoulé entre l'éclosionde

l'impulsion morbide dans l'esprit de Mme \ ? et 1 é-

cliéance de l'acte criminel. Ses écrits nous montrent que

pendant plus de dix ans elle a été hantée par le désir

de la vengeance et que, pendant ces dix ans, malgré les

altérations incessantes de sa personnalité, malgré ses

crises continuelles de délire et de somnambulisme, par

suite sans doute d'une résistance obscure et tout instinc-

tive de son être subconscient répugnant aux violences

coupables, elle a résisté victorieusement à l'impulsion.

lia fallu quelque circonstance imprévue, peut-être cette

sorte de fascination par le rouge qu'elle dit avoir éprou-

vée, avec l'action de l'air frais sur son visage au moment

où elle sortait de chez elle pour que, dans un amoin-

drissement suprême de sa personnalité réduite à l'état

d'automate, elle succombât enfin à l'obsession.

Toutes choses égales d'ailleurs, n'est-ce pas ainsi que

les choses se passent chez les obsédés non hystériques

qui succombent à une obsession criminelle ? N'est-ce

pas par suite d'un amoindrissement progressif de la cons-

cience personnelle,d'une sorte d'état monoïdéique amené

par l'angoisse, que l'impulsion se déclanche Le terme

de folie avec conscience, employé pour désigner l'état

mental de ces malades, est donc assez impropre, puisque

c'est précisément quand la conscience claire tend chez

eux à disparaître que l'obsession aboutit à l'acte impul-

sif devenu soudain irrésistible.

Il convient d'ailleurs de remarquer que beaucoup d'ob-

sédés conscients sont des hystériques en puissance.S'il

est rare de voir l'hystérie être, par les altérations de la

personnalité qu'elle provoque, directement responsable

HYSTÉRIQUE INCENDIAIRE PENDANT L'ÉTAT SOMNAMBULIQUE. 1os

des actions criminelles et en particulier de l'incendie,

il est commun, au contraire, d'après ma propre expé-

rience, de la voir intervenir d'une façon indirecte dans

la mise en oeuvre de ces impulsions, en abaissant la to-

nalité psychique et en diminuant la force de résistance

des sujets (1). '

Quelle que soit l'opinion que l'on ait sur le rôle de

l'hystérie comme agent provocateur des actes antiso-

ciaux, professât-on même - ce'qui pourrait être soutenu

- qu'elle ne peut créer de toutes pièces une mentalité

criminelle et que son rôle se borne, dans tous les cas, à

libérer des tendances vicieuses latentes au fond de l'in-

dividu, il n'en résulterait pas moins, au point de vue mé-

dico-légal, que l'existence, au moment de l'acte, des ma-

nifestations psychiques de l'hystérie, crise délirante,

somnambulisme, état second, doit être considérée

comme exclusive de toute responsabilité. Dans ces di-

vers états, la conscience est altérée,pervertie ou réduite

à telpoint,parfois, que toute personnalité peut être con-

sidérée comme absente et que l'exercice des facultés de

l'attention, du jugement et de la volonté sont aussi im-

possibles que dans les états crépusculaires de l'attaque

épileptique.

On pourrait objecter, à la vérité, que la personnalité,

dans les états seconds ou somnambuliques, loin de se

présenter toujours sous cet aspect d'indigence psycho-

logique, peutrevêtir des formes innombrables et tout à

fait opposées ; que loin d'être toujours affaiblie, troublée,

diminéue, elle semble parfois accrue, élargie et forti-

fiée. Certains sujets, dans l'état second ont une mémoire

plus complète, une sensibilité plus vive, une activité in-

tellectuelle plus développée, un caractère plus heureux

et plus sociable. Certaines hystériques sont positivement

plus intelligentes en état de sommeil qu'en ce qui pa-

raît être chez elles l'état de veille et quand il existe des

personnalités multiples, on peut être extrêmement em-

barrassé pour dégager la personnalité normale de l'in-

dividu et faire, dans ses diverses manières d'être au

point de vue mental, le départ de l'élément sain et de

z) A. CuLmuuE. Infanticide et hystérie (Archives de Neurologie

1S95.)

110 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

l'élément pathologique- Mais qui ne voit que l'existence

même de ces personnalités diverses, de ce fractionne-

ment du moi, ne fait que déplacer la question et que le

seul fait de ne pouvoir tracer les limites exactes de la

personnalité normale rend incertaine et arbitraire toute

attribution de responsabilité ? 't

DE : MÉDECINS ALIÉ1TÊS & NEUMLGITE

(Genève, 1VII session, août 1907.)

Séance d'inauguration.

La séance d'inauguration a eu lieu le matin, à neuf

heures, à l'Université, devant une nombreuse assemblée

de médecins venus de France, deBelgique et de la Suisse

romande. Les claires et élégantes toilettes d'un grand

nombre de dames égayaient heureusement les sombres

etquelque peu tristes murs de l'Aula.Surl'estrade avaient

pris place : M. le conseiller d'Etat Besson, représentant

le gouvernement de Genève ; M. Princam, président du

Conseil administratif de la Ville de Genève ; M. le prof.

Prévost, président du Congrès ; M. le Dr Drouineau, ins-

pecteur général au ministère de l'intérieur, délégué du

gouvernement fiançais ; M. le prof. Francotte.de Liège,

délégué de la Belgique ; M. le prof. Laskowski,représen-

tant de l'Université de Genève; M. Barthélemy.consul

de France à Genève.

M. le conseiller d'Etat Tesson, qui préside, se lève

pour souhaiter la bienvenue aux membres du congrès.

Il les remercie d'avoir choisi Genève comme siège du

XVIIe congrès de psychiatrie et de neurologie et espère

que leséjour da Genève leur sera des plus agréables.

Il relève les progrès accomplis dans le traitement des

aliénés. Il rappelle la violence et les procédés de bruta-

lité avec lesquels on croyait guérir autrefois ces mal-

heureux et rend hommage à Pinel, ce grand bienfaiteur

de l'humanité, qui a su briser les chaînes dont, jusque

lui, on avait chargé les pauvres déments.

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES, 111

Genève, dit M. Besson, n'est pas resté en arrière dans ce

mouvement généreux et s'est, il y a quelques années, encore

imposé de lourds sacrifices pour élever un asile d'aliénés mo-

derne,digne de notre pays Mais la science n'a pas dit son der-

nier mot et ce sont des réunions comme celle d'aujourd'hui

qui sauront donner aux pouvoirs publics des avis éclairés et

autorisés pour fairetoujours mieux dans la voie du progrès

et pour le plus grand bien de l'humanité.

M. Barthélémy, consul de France à Genève, apporte

les regrets de M. Jullemier, consul général, de ne pouvoir-

assister à cette séance.

Je suis heureux de voir ce congrès, d'origine française, ve-

nir tenir ses assises à Genève ce pays privilégié sous tous

les rapports. Car Genève est en effet une capitale et de plus

une capitale gaie, grâce à sa belle et riante nature, àla cour-

toisie et à l'amabilité de ses habitants. Cela est si vrai que je

ne puis m'empêcher de rappeler, un souvenir, celui d'un sa-

vant venu à Genève avec l'intention de mettre finà ses jours

et qui reprit goûta la vie en contemplant le lac bleu et ses

riants coteaux. Je suis persuadé que les congressistes, qui

ne sont pas venus avec ces idées, n'en trouveront pas moins

de charmes à parcourir les rives du beau Léman.

M. le prof. Francotte (de Liège) apporte le salut de la

Rclgiquc que tant de points communs rapprochent delà

Suisse. M. le professeur Laskowski souhaite la bienve-

nue aux membres du congrès au nom de l'Université de

Genève. Il excuse M. le recteur, absent de Genève pour

un voyage scientifique en Ecosse.

Comme médecin et comme professeur, je suis hcu reux,dit- il,

de constater les sacrifices que s'impose Genève pour les étu-

des médicales. Malgré la modicité de ses ressources financiè-

res, ce petit canton a su, entre autres, élever un asile d'aliénés

digne d'un grand pays.

La psychiatrie et la neurologieont fait des progrès rapides

et énormes (l'orateur les rappelle) pendant ces trente derniè-

res années, grâce à des savants dont la plupart sont réunis

dans cette salle. Un concours de circonstances toutes particu-

lières ont aidé ces progrès. La technique microscopique, sur-

tout, a été un des facteurs les plus importants. Mais aussi

une compréhension plus haute, plus humaine du traitement

des aliénés, compréhension qui a abouti à une étude attenti-

ve des causes de la folie et des moyens d'y remédier. De là

112 CONGRÈS DES MEDECINS ALIÉNISTES ET INLU1101OGIS-rES.

sont sorties les belles oeuvres de solidarité sociale telles que

la lutte contre l'alcoolisme et la tuberculose.

M. le DrDrouineau, délégué du gouvernement français,

remercie le président du Conseil d'Etat d'avoir bien

voulu accepter la présidence de cette séance et d'avoir

montré ainsi le grand intérêt que prend l'Etat de Ge-

nève à la réalisation de progrès, ce que désirent les mé-

decins aliénistes.

Je suis heureux, dit l'orateur, d'avoir été délégué par le

gouvernement français pour le représenter ici, dans ce beau

pays où tout concourt à rendre le séjour agréable et qui a

vraiment créé le beau terme de tourisme scientifique. C'est

lui qui nous permettra, et d'admirer une nature merveilleu-

se et d'étudier ce qu'on fait en Suisse pour l'enseignement

psychiatrique, le bien-être des aliénés, l'organisation des

asiles et de puiser dans cette pratique des arguments pour

solliciter en France des réformes et peut-être provoquer des

amendements à la loi sur les aliénés, actuellement en discus-

siondevant le Pailement français.

C'est avec la plus grande bienveillance et la plus scrupu-

leuse attention que les pouvoirs publics accueillent et étu-

dient les voeux des médecins aliénistes dans l'organisation

des lois sur les aliénés.

En terminant, M. Drouineau rend l'hommage à la mé-

moire duD° Christian, un des anciens et premiers pré-

sidents du congrès de psychiatrie, que la maladie a ar-

raché il y a quelques jours à l'affection des siens.

M. le professeur Prévost (Genève) remercie l'assem-

blée de lui avoir fait l'honneur de le choisir pour prési-

der ses travaux. Il rend hommage avant tout au dévoue-

ment et au zèle des excellents secrétaires généraux, MM.

les docteurs Long, Perdez et Vuillemier, auxquels re-

vient le grand mérite de l'excellente organisation de ce

congrès. Il remercie aussi de leur présence M. le Dr

Drouineau, dégué du ministère de l'intérieur français

et les présidents du Conseil d'Etat et du Conseil admi-

nistratif de Genève.

Il rappelle les liens d'amitié qui unissaient de tous

temps les médecins de Paris et de Genève et,qui aujour-

d'hui encore constituent pour beaucoup de médecins gé-

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIENISTES' ET NËURÔLOGISTËS. 113

ncvois de doux souvenirs de leur temps d'études, passé

dans les hôpitaux de Paris.

- , L'épilepsie expérimentale.

Suivant l'usage, le président entretient ensuite l'as-

semblée d'un sujet scientifique. Il expose ses idées et

les résultats de ses dernières expériences sur « l'épilep-

sie expérimentale ».

Des expériences, qui ont été faites dans le laboratoire

de M. le Prot. Prévost, par lui ou ses assistants, les D"

Batelli et Samaja, permettent de produire des convul-

sions épi10ptifol' ! nes au moyen d'un courant électrique

appliqué sur le cerveau, procédé qui a l'avantage de ne

pas sacrifier l'animal en expérience. Il résulte de ces ex-

périences que la mort par le courant électrique n'est pas

due à l'inhibition du système nerveux, mais à une para-

lysie du coeur. Ces courants sont plus souvent mortels

à faible tension qu'avec des tensions élevées (au-dessus

de 600 volts , fait qui peut paraître paradoxal au premier

abord.

Les crises cloniques sont dues à l'excitation de la cou-

che corticale du cerveau. Quelquefois les crises toniques

subsistent seules ; c'est que la paralysie du coeur a

occasionné une anémie cérébrale qui a annihilé l'action

de la couche corticale, d'où absence de crises de convul-

sions cloniques. Cette expérience a été vériiiée par un

autre assistant, qui a obtenu l'anémie cérébrale en liant

les artères cérébrales.

Chez le chien pris comme type, l'application d'un courant

alternatif de 70 à 110 volts (électrodes bouche et nuque,

procédé du Dr l3attelli) provoque une crise épileptiforme of-

frant : 1° une phase tonique de 15 à 20 secondes ; 2° une phase

clonique de 10 à 50 secondes; 3° une phase d'affaiblissement ;

4° une phase d'agitation et de colère, plus ou moins longue.

La phase clonique est duc à l'excitation de la zone corticale-

motrice. Elle manque : a) quand on enlève les zones motrices ;

b) quand on anémie la couche corticale par compression des

artères (carotides et vertébrales) ; c) quand le courant appli-

qué de la bouche à l'anus paralyse le coeur en provoquant

des trémulations fibrillaires de cet organe; d) elle manque

chez les nouveau nos, dont la couche corticale n'est pas en-

core excitable.

Archives, 3° série, 1907, t. II. 8

111 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOQISTES.

Chez les lapins et les cobayes le siège des convulsions clo-

niques est l'isthme de l'encéphale. L'excitation de la moelle,

ne provoque chez tous les mammifères et les oiseaux que des

convulsions toniques. Chez les grenouilles, l'excitation de la

moelle provoque des convulsions tonico-cloniques, tandis

que chez les crapauds, les tortues, les orvets, les couleuvres, on

n'observe que des convulsions toniques.La durée des convul-

sions est variable selon les espèces animales, et selon l'éner-

gie du courant et la durée du contact. Les convulsions pure-

ment toniques n'atteignent jamais la durée des convulsions

tonico-cloniques : c'est l'addition d'une phase clonique qui

prolonge la durée totale de la crise convulsive. -

M. le Prof. Prévost se propose de faire une démons-

tration de ses intéressantes expériences et invite les

congressistes qui désirent les voir à se rendre, samedi

matin, à 9 heures, à la Faculté de médecine. '

Le Dr Gaspard de la Rive.

M. le Dr Ladame (Genève) fait une communication des plus

intéressantes sur un médecin aliéniste genevois, Gaspard de

la Rive, qui vécut de 1770 à 1834.Cet éminent médecin fut un

des précurseurs de génie de nos aliénistes modernes et méri-

terait d'être placé à côté des Pinel,des Esquirol et des Daquier.

Il fit d'abord des études de droit, puis fut exilé par les ter-

roristes de 1794. Il émigra en Ecosse, y fit ses études médi-

cales et s'intéressa particulièrement à l'étude des maladies

mentales. C'est en visitant les asiles d'Angleterre qu'il acquit

la conviction de l'importance que pouvait avoir l'isolement

dans le traitement des psychoses. Dans son « Journal », il

insiste sur les bienfaits qu'on peut retirer du travail agricole

chez les aliénés tranquilles.

De retour à Genève en 1797, de la Ilive fut agréé au Collège

des médecins et peu après chargé de la direction de la section

des aliénés à l'hôpital, dépendance dénommée la « Disci-

pline ». Cette annexe, qui donnait sur la promenade Saint-

Antoine actuelle,servait en même temps de maison de, correc-

tion. Abraham Joly y avait depuis quelque tempq, en l7J',

soit six ans avant Pinel, à Paris, supprimé les chaînes et les

colliers de fer avec lesquels on attachait les fous furieux.

Malgré cela, les aliénés y étaient traités comme des crimi-

nels. De la Rive y supprima tout traitement de force et toute

violence. En 1817, il proposa au Conseil d'Etat de bâtir un

nouvel asile d'aliénés plus en harmonie avec les idées mo-

dernes. Mais l'émeute qui éclata peu après empêcha les pou-

voirs publics de s'occuper de ce projet. En 1S3 1 , il fit un nou-

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIENISTES ET NEUROLOGISTES. 115

veau mémoire sur un changement indispensable dans le trai-

tement et l'hospitalisation des aliénés.

La venue en Europe du choléra l'aida dans la réalisation

de ses projets. En effet, le Conseil d'Etat décréta l'évacuation

de la « Discipline » par les aliénés pour en faire un hôpital

d'isolement en cas de choléra. On transféra alors les aliénés à

Corsier où on les logea provisoirement dans une ferme amé-

nagée hâtivement (lS3 ? ). Là il put faire profiter ses malades

des progrès réalisés par lui dans le traitement des aliénés.Iln'y

eut que deux individus sous clef, les autres se promenaient li-

brement, ou « travaillaient aux champs ». Il applique dans

cet Asile primitif toutes les idées nouvelles, qui sont d'ail-

leurs encore en cours actuellement. On peut l'appeler vrai-

ment un précurseur.

Le Du de la Rive mourut en 1834, après avoir rempli gra-

tuitement pendant trente-deux ans, avec zèle, les fonctions de

médecin du département des aliénés de l'hôpital de Genève.

Il n'eut pas la satisfaction de voir ses efforts couronnés de

succès avec l'inauguration du nouvel asile des Vernets, qui

eut lieu le 31 mai 1S3S· Cet exposé historique plein d'intérêt,

pour ceux de Genève surtout, termine la séance, qui est levée

à 11 heures.

Séance du ICI' août [soir).

L'expertise médico-légale et la question de la responsabilité ;

par le Prof. GILBERT Ballet.

Il importe, en matière médico-légale, de préciser ce qu'on

entend par responsabilité. Il faut à ce point de vue distinguer

la responsabilité morale et la responsabilité sociale ; quant

à la responsabilité pénale, elle n'a pas d'individualité propre

et n'est que subordonnée à la précédente.

Or les questions de responsabilitité morale ne regardent

pas le médecin ; elles sont subordonnées à l'opinion qu'on

peut avoir sur le libre arbitre ou le déterminisme ; si l'on

n'admet pas la liberté, il n'y a pas de véritable causalité et

l'homme ne peut être responsable qu'en tant qu'il est con-

sidéré comme une cause libre ; ces questions sont donc

d'ordre métaphysique et non d'ordre médical.

Tout autre est la responsabilité sociale ; elle vise non des

fautes, mais des préjudices, elle comporte non des peines,

mais une réparation ; elle n'implique pas nécessairement la

précédente; elle existe donc aussi bien pour les aliénés que

pour les criminels ordinaires. Au surplus, l'article 64 du Code

He CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

pénal, en vertu duquel le médecin est invité à donner son

avis, vise un point de fait.d'ordre exclusivement médical et

non la question de responsabilité ; c'est arbitrairement qu'on

a pris l'habitude, contrairement à la lettre et à l'esprit de

la loi, d'introduire cette question dans les ordonnances, les

jugements à fin d'expertise ou les rapports médico-légaux.

Il est possible, d'ailleurs, que ce soient les médecins eux-

mêmes qui aient les premiers introduit dans leurs rapports

un vocable qui a plu aux magistrats ; et le terme est adopté

aujourd'hui couramment même par ceux qui se rendent

compte que les questions de responsabilité ne sont pas du

domaine médical ; la responsabilité devient ainsi, selon l'ex-

pression de M. Grasset, une responsabilité physiologique.

Cette manière de faire, dans beaucoup de cas, ne présente

pas, il est vrai, de gros inconvénients ; par suite d'un con-

sentement général, en effet.on est d'accord pour oublier ce

qu'en fait signifient les mots responsable et irresponsable et

pour considérer ces mots comme simplement synonymes

des mots normal ou malade. Mais dans d'autres cas.elle en-

traîne des conséquences fâcheuses ; on a pu dire, en effet.que

si le médecin pensait tout homme privé du libre arbitre et

aliéné du fait même qu'il a commis un délit, il devrait, pour

rester logique avec lui-même, refuser toute expertise ayant

pour but d'établir la responsabilité ou l'irresponsabilité d'un

prévenu.

Mais sans être aussi catégorique on peut s'arrêter à cette

considération : le législateur, en supposant arbitrairement

qu'en dehors des aliénés dits irresponsables, il n'existe que

des criminels punissables contre lesquels la société est suffi-

samment protégée par l'application d'une peine proportion-

née à la gravité de la faute/a méconnu l'existence d'un nom-

bre considérable de délinquants qu'on n'est en droit de tenir

ni pour des aliénés complètement irresponsables, ni pour

des sains d'esprit responsables. Ce sont ces délinquants que

les médecins ont pris la fâcheuse habitude de considérer

comme atteints de responsabilité atténuée. Outre que cette

expression n'a pas de signification médicale, elle a l'incon-

vénient d'entraîner comme sanction l'atténuation de la

peine, la seule qu'elle paraisse logiquement comporter ; or,

si de tous côtés on constate l'accroissement de la récidive

on constate en même temps le rôle néfaste qu'y joue la no-

tion de la responsabilité atténuée ; la plaie de notre système

judiciaire est l'abus des courtes peines, qui ne remplissent

ni l'ollice répressif, ni l'office curatif ; on les applique préci-

sément à un grand nombre de délinquants dits à responsabi-

lité atténuée, ce qui ne les empêche pas d'être, au point de

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 117

vue social, plus dangereux que beaucoup de criminels dits

à responsabilité complète.

La notion de leur nocuité, qui résulte de l'examen médi-

cal, ne peut pas, parce que notion médicale, être négligée

par le médecin expert, celui-ci, dès lors, ne sort pas de ses

attributions en s'efforçant de faire ressortir devant les ju-

ges le degré de cette nocuité. S'il n'a pas à s'immiscer di-

rectement dans la question d'application de la peine, il

doit s'abstenir pourtant de se servir, dans son rapport ou

sa déposition, d'expressions, non prévues d'ailleurs par le

Code, qui seraient de nature à déterminer une pénalité qui

aurait un double défaut : celui d'imprimer une marque infa-

mante à un délinquant qui relève de la médecine, et celui de

protéger insuffisamment la société contre un délinquant

redoutable. C'est le cas de l'expression de responsabilité

atténuée.

L'usage abusif et contraire à la lettre du Code qu'on fait

aujourd'hui des mois : responsable, irresponsable, à respon-

ponsabilité atténuée, tient,en partie, au légitime désir qu'a le

médecin expert de répondre à la question posée par les ju-

ges, dans la forme même où elle est posée. Les objections

que ces mots soulèvent sont valables pour le juge, dans ses

ordonnances, aussi bien que pour le médecin. Il est désirable

que médecins et juges,s'en tenant aux termes de l'article 64

du Code pénal, renoncent à les employer.

En résumé, le médecin légiste aura rempli son mandat

lorsque, chez un aliéné criminel, il aura démontré ou la na-

ture pathologique des motifs d'action (c'est-à-dire que ces

motifs répondent à une idée délirante, à une impulsion irré-

sistible, ou à une hallucination), ou bien l'affaiblissement du

jugement et de la mémoire, qui rend le dément incapable

d'apprécier la valeur morale de ses actes. J. RoLET.

Discussion du rapport du Dr Gilbert Ballet sur l'expertise mé-

dicale et la question de responsabilité ;

Par le Dr Grasset (de Montpellier).

Dans le très beau rapport qu'il a bien voulu rédiger pour le

Congrès et qu'il a eu la grande amabilité de nous faire distri-

buer dès le leur juillet, notre éminent collègue le Dr Gilbert

Ballet pose admirablement la question comme le Congrès de

Lille le souhaitait : En matière d'expertise mentale, les ques-

tions de responsabilité sont-elles du domaine médical ? Et,

avec sa grande autorité, le rapporteur répond nettement :

non, il n'appartient pas aux médecins, mais uniquement aux

magistrats, de se prononcer sur la responsablité ou sur le de-

gré de la responsabilité d'un inculpé ; « les questions de res-

118 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

ponsabilité ne sont pas du domaine médical ». La réponse

est aussi franche que la question est nette. -

Avec la même franchise et la même conviction scientifique,

je me permets de venir défendre devant le Congrès l'opinion

diamétralement opposée : à mon sens, le médecin est parfaite-

ment qualifié et il est seul qualifié pour éclairer les magistrats

sur l'irresponsabilité ou la responsabilité et degré de la res-

ponsabilité d'un sujet donné.

1. Il n'y a que deux responsabilités, dit Gilbert Ballet, la

responsabilité morale et la responsabilité sociale. La première

appartient au philosophe, la seconde au magistrat ou au lé-

gislateur ; aucune n'est question médicale ; donc, le médecin

n'a rien à voir dans l'appréciation d'une responsabilité. Pour

la responsabilité morale, nous sommes d'accord pour l'élimi-

ner.

Quant à la responsabilité sociale, jecrois due c'est une chose

complexe, que la responsabilité physiologique ou médicale en

est un élément et que par suite le médecin, s'il ne peut pas

résoudre à lui seul toute la question, doit intervenir et apporte

un document précieux, en étudiant cet élément spécial que,

seul, il peut connaître et apprécier.

La responsabilité sociale ou culpabilité comprend beaucoup

d'éléments divers,tels que la matérialité, les circonstances ex-

térieures du fait, la provocation et la légitime défense, etc.,

toutes choses qui ne sont nullement de la compétence du mé-

decin. Mais il y a un autre élément, celui même que vise le

magistrat quand il pose ses questions au médecin expert : ce

sujet est-il ou non responsable médicalement ? C'est-à-dire"

dans la bataille prévolitive qui a précédé le crime, était-il ou

non dans les conditions physiologiques et normales pour dis-

cuter et décider cet acte ? Etait-il ou non en état de démence» JI

au sens actuel de l'article 64, c'est-à-dire était-il ou non ma-

lade ? Etait-il, pour employer encore les expressions de l'ar-

ticle 64, dans les conditions normales nécessaires pour « ré-

sister » aux forces qui le sollicitaient vero le mal ? Voilà

une question qu'il faut résoudre pour établir la responsabilité

sociale du sujet. Le magistrat ne peut la poser qu'au médecin.

Le médecin a donc le droit et le devoir d'y répondre.

Gilbert Ballet nous dit que, dans cette question, le magis-

trat ne devrait pas employer le mot « responsabilité ». Je

veux bien, pourvu qu'or propose un mot meilleur. - Ce que

je me refuse à admettre, c'est que, sous prétexte que ce mot

est mauvais et prête à confusion, on le supprime sans le rem-

placer et qu'on dise au médecin ; donnez-nous seulement votre

diagnostic ; voilù votre seul rôle ; nous nous débrouillerons

ensuite. - Pas du tout. Le médecin doit non seulement dire

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 119

au magistrat la maladie du sujet (s'il en a une) ; mais il doit

dire l'influence que cette maladie a sur la fonction responsa-

bilité du sujet.

Car, et c'est là un point sur lequel je me permets d'insister,

la responsabilité médicale (cet élément de la responsabilité so-

ciale sur lequel le magistrat nous interroge)est une fonction

de nos neurones psychiques : la responsabilité correspond à la

normalité, l'irresponsabilité à la maladie de ces neurones.

Gilbert Ballet me reproche, avec quelque malice, de n'a-

voir pas indiqué les moyens cliniques d'apprécier la norma-

lité ou la maladie des neurones psychiques. Mais, ces moyens,

je n'ai pas à les lui apprendre, il me les enseignerait plutôt.

Que faisons-nous quand nous examinons un inculpé, que

nous analysons ses sentiments affectifs, son sens moral, ses

impulsions, son intelligence, sa mémoire, ses maladies anté-

rieures, etc. ? Nous essayons d'établir l'état normal ou ma-

ladif de ses neurones psychiques. Si nous n'y réussissons pas

toujours, je peux bien dire qu'en tous cas les non-médecins y

réussiraient encore moins bien.

Donc, je le répète, l'expert n'a pas seulement à poser un

diagnostic ; il doit dire si, comment et dans quelle mesure,

cette maladie influe sur la fonction responsabilité, quelle est

la responsabilité médicale ou physiologique. Cette responsa-

bilité médicale ne suffit pas à établir la responsabilité sociale,

mais elle est nécessaire aux magistrats pour qu'ils puissent

établir cette responsabilité sociale. Il me semble qu'il n'y a

pas là des « distinguo subtils » comme me le reproche Gilbert

Ballet, mais bien une doctrine médicale scientifique et précise.

Donc, quand les magistrats nous interrogent sur la respon-

sabilité ou l'irresponsabilité d'un sujet, nous n'avons pas le

droit de nous dérober et nous avons le devoir de répondre. On

peut, si l'on veut, avant de conclure, bien préciser le sens mé-

dical que l'on va donner au mot responsabilité dans ses con-

clusions et on doit dire ensuite nettement si le sujet examiné

est responsable ou non.

2. Je passe à la notion de responsabilité atténuée qui est tout

aussi énergiquement. repoussée par Gilbert Ballet. Certes, l'é-

minent rapporteur ne nie pas les faits qui motivent cette qua-

lification : il admet très bien des malades, non irresponsables,

qui sont cependant inférieurs dans la lutte contrôles sugges-

tions criminelles. Mais il ne veut pas parler pour eux de res-

ponsabilité atténuée parce qu'il ne veut pas que le médecin

prononce jamais ce mot de responsabilité.

Je crois avoir répondu à cette objection en définissant le

sens médical que les experts doivent donner au mot respon-

sabilité. Avec ce sens, la notion de responsabilité atténuée

120 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

s'impose à tous les médecins ; car, c'est une loi générale de la

physiopathologie, applicable aux neurones psychiques

comme aux autres parties du corps, qu'il y a des degrés dans

la maladie ; il y a donc des degrés dans le trouble de la fonc-

tion ; si la responsabilité est une fonction, la responsabilité

atténuée s'impose comme une notion logiquement nécessaire,

d'ailleurs démontrée cliniquement par les faits.

On m'objectera que tout le monde aura dès lors une respon-

sabilité atténuée et on répètera la boutade d'Emile Faguet

« ah ! oui Demifou ! Je connais ; tout le monde l'est ! Et par

conséquent je m'en f... ou plutôt je m'en demif... » ; ou celle

d'Anatole France dans l'Histoire Comique « sur les médecins

qui distinguent des moitiés de responsabilité, des tiers de

responsabilité et des quarts de responsabilité et qui coupent

la responsabilité par tranches comme la galette du Gym-

nase ».

Plus sérieusement, on m'objectera les difficultés qu'il y a

à doser cette atténuation de la responsabilité. Je ne les nie

certes pas. Mais elles n'empêchent pas le fait scientifique

d'être vrai et cette appréciation difficile, c'est bien encorde

médecin qui peut l'essayer dans les meilleures conditions, i

Cette notion de la responsabilité atténuée est d'ailleurs ac-

ceptée par nos plus éminents aliénistes. Noire collègue Régis

l'expose dans un passage que Gilbert Ballet cite avec éloge

dans son rapport, et mon collègue Mairet vient d'écrire :

Chez ces malades qui ne sont pas irresponsables la fonction

dont la responsabilité « est l'expression est trop atteinte pour

que, au point de vue de la lutte, ils puissent être placés sur

le même pied que l'homme normal ; leur responsabilité par

rapport à celle de celui-ci est, de ce fait, amoindrie, atténuée...

Les atteintes à la fonction étant plus ou moins profondes,

cette responsabilité a naturellement des degrés... Ce degré,

le médecin peut s'en rendre compte ».

3. Aux raisons précédentes, qui me paraissent déjà bien

justifier l'intervention du médecin dans les questions de res-

ponsabilité, je demande la permission d'en ajouter une autre

d'ordre encore plus élevé.

Dans la doctrine de la responsabilité sociale qu'il adopte,

la société, dit Gilbert Ballet, doit uniquement «se préoccuper

du danger que l'inculpé fait courir à la société dans le pré-

sent ou l'avenir et des moyens propres à se mettre à l'abri de

ce danger ». La responsabilité et la culpabilité se confondent

avec la nuisance ou la redoulabilifé du criminel ; la société ne

punit pas, elle se protège et se gare. '

Je veux bien adopter cette doctrine, mais à une condition

absolue, c'est que, pour les moyens de se garantir, pour les

CONGRÈS DES MEDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 121

procédés de défense, il y a des distinctions à faire entre les di-

vers inculpés. Comme le reconnaît Gilbert Ballet, si c'est au

même titre, ce n'est pas « par des moyens identiques » que

la société devra « se protéger... contre un criminel et contre

un malade dangereux ». Et alors si on accepte ces différences

de traitement des divers criminels, voici un nouveau et

grave rôle dévolu au médecin : lui seul peut désigner les ma-

lades et les non-malades, ceux qui sont médicalement respon-

sables ou demiresponsables, ceux qui, par suite, ne méritent

que la prison, ceux qui ont besoin de l'hôpital.

C'est bien là une conséquence du verdict de responsabilité

et c'est bien sur des arguments purement médicaux que ce

verdict peut être rendu. Il appartient au médecin de bien in-

sister sur cette idée. Une des conquêtes les plus positives de la

sociologie contemporaine est laproclamationindiscutéedu de-

voir qu'a la société de soigner ses malades. Ce devoir est aussi

strict vis-à-vis des malades du psychisme que vis-à-vis des ac-

cidentés du travail ou des tuberculeux, et ce devoir ne dis-

paraît pas parce que le malade psychique aura commis un

crime ou un délit. Il est inadmissible qu'on veuille assimiler

un malade nocif à un animal nuisible et qu'on écrive, comme

on l'a récemment fait à propos d'un grand criminel : « Pour-

quoi dépenser l'argent des contribuables à nourrir des mons-

tres pareils ? Quand un chien est enragé, on le tue. » Oui,

quand un chien est enragé, on le tue, tandis que, quand un

homme est enragé, on le soigne, même s'il a déjà mordu et au

risque de se faire mordre soi-même. Il ne faut donc pas dire,

comme me l'a dit M. Pierre Baudin : « nous avons un meilleur

emploi à faire de notre pitié, de notre argent et de notre phi-

losophie médicale que d'immuniser et d'hospitaliser des dé-

traqués coupables..... Ce problème intéresse les médecins et

les psychologues. Il doit laisser indifférents les juristes et les

magistrats. »

Ceci ne paraît-il pas écrit au moyen âge ou même plus an-

ciennement à l'époque des grandes batailles de la vie des ca-

vernes ? Pourquoi ne pas sacrifier alors tous les vieillards de-

venus des bouches inutiles et ne pas jeter à l'Eurotas tous les

enfants souffreteux qui ne seront qu'une charge pour la so-

ciété ?

Je parais m'être éloigné du Rapport de Gilbert Ballet, et

certes, ce sont là des doctrines qu'il répudie et réfute par sa

vie et ses écrits de tous les jours. Mais voilà où on en arrive

en voulant réduire le rôle et l'intervention du médecin dans

ces questions de responsabilité, alors que le progrès social me

paraît être intimement lié au développement croissant et

indéfini de ce rôle et de cette intervention.

122 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIENISTES ET NEUROLOGISTES.

Trélat a cité cette phrase écrite en 1826 à propos de l'habi-

tude qu'ont les magistrats d'interroger les médecins sur les

sujets suspects de folie : « De bonne foi, il n'est aucun homme

d'un jugement sain qui n'y soit aussi compétent que M. Pinel

ou M. Esqtùrol et qui n'ait encore sur eux l'avantage d'être

étranger à toute prévention scientifique. » Et, en 1907, M.

Pierre Baudin écrit : «La société n'apas à connaître du combat

intérieur qui s'est livré dans l'âme du criminel au moment de la

prévolition. Cela ne la regarde pas... Et quand la science, sor-

tant de son domaine, aboutit à de telles conséquences,la scien-

ce n'est plus qu'un paradoxe. Il convient alors de la surveiller.

C'est aux magistrats de la consigner dans les laboratoires et de

ne l'admettre dans les prétoires que pendant ses intervalles

lucides. » C'est donc nous qu'il faut enfermer, dont il faut

se garer. Il n'y a plus qu'à employer le million proposé à la

ville de Paris à constituer, pour juger la responsabilité, une

commission qui ne contienne aucun médecin.

Non. La société reste juge de la responsabilité sociale

d'un sujet ; mais elle ne peut l'apprécier qu'en demandant au

médecin son avis sur la responsabilité médicale de ce sujet.

Si le médecin se refusait à l'éclairer sur ce point, elle ne pour-

rait plus traiter les criminels que comme des bêtes nuisibles,

un chien enragé ou un serpent venimeux.

4. Je n'ai plus qu'un mot à ajouter.Gilbert Ballet fait très

justement remarquer que le mot responsabilité n'est pro-

noncé nulle part dans la loi et il conseille de s'en tenir au

vieux texte de l'article 64.

Evidemment, il faut s'en tenir à ce texte, tant qu'il n'y en

a pas d'autre. Mais il serait désirable, je crois, que la loi fût

modifiée à ce point de vue et il appartient aux médecins, spé-

cialement à ceux qui sont réunis dans ce Congrès, de formuler

des voeux dont la réalisation serait peut-être moins lente

que ne l'a été la réforme de la loi de 1838.

Je voudrais donc qu'au lieu de solliciter le retour pur et sim-

ple à l'article 64, les médecins demandent la consécration par

la loi de l'usage établi par les magistrats de demander aux

médecins leur avis sur la responsabilité médicale des

inculpés, c'est-à-dire sur leur santé psychique. La loi pourrait

dire nettement que,soùs le nom de responsabilité, elle n'envi-

sage ni la responsabilité morale,qui lui échappe, ni la respon-

sabilité sociale qu'elle appellerait culpabilité, mais unique-

ment, la responsabilité médicale telle que nous l'avons définie.

Les rôles seraient ainsi bien précisés : aux médecins on deman-

derait si l'inculpé est irresponsable, responsable ou a une

responsabilité atténuée ; ceci serait un élément d'appré-

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 123

ciation pour le jury à qui on continuerait à poser la question

de culpabilité. .

Le verdict de responsabilité par les médecins n'entraîne-

rait pas le jugement- de culpabilité, mais serait nécessaire

pour que la peine ordinaire soit infligée à l'inculpé. Quand le

verdict médical porterait irresponsabilité ou responsabilité

atténuée, le jury devrait tenir compte dans la fixation de la

nature de la peine et des conditions dans lesquelles cette peine

devrait être appliquée. Le traitement obligatoire dans un asile

spécial pourrait être prononcé par les magistrats et de cette

manière la société se défendrait aussi bien des fous et des

demi-fous criminels que des criminels responsables, mais sans

perdre de vue son devoir de les soigner et de les traiter on

même temps.

Ne pensez-vous pas, Messieurs, qu'en introduisant ces pré-

cisions dans la loi, on la rendrait plus scientifique et plus hu-

maine, qu'en même temps nous serions bien près de nous en-

tendre tous et que partis avec Gilbert Ballet des mêmes prin-

cipes médicaux et du même amour du malade, nous arrive-

rions ainsi à des conclusions pratiques, sinon identiques, du

moins très voisines ?

S'il en était ainsi on pourrait discuter le voeu suivant :

Après avoir lu et discuté l'important Rapport du Professeur

Gilbert Ballet sur l'expertise médico-légale et la question de

responsabilité : .

Le XVIIe Congrès des médecins aliénistes et neurologistes

de France et des pays de langue française, réuni à Genève le

le' août 1907 émet le voeu :

1° Que dans la loi française soit expressément introduite

la notion de responsabilité, d'irresponsabilité et de responsa-

bilité atténuée, en précisant que ce mot est pris exlusive-

ment dans le sens de responsabilité médicale ou physiologi-

que ; . 1

2 Que la loi permette que dans certaines circonstances, le

jugement ordonne comme complément ou en remplacement

de la peine, le traitement obligatoire, dans des établisse-

ments spéciaux des condamnés dont la responsabilité a été

reconnue atténuée ou abolie. -

M. Jorrnor (de Paris). Comme l'a fait remarquer M.

Ballet, il n'y a pas d'inconvénients graves à se servir du terme

d'« irresponsable » lorsqu'on se trouve en présence d'un ma-

lade avéré, mais les difficultés commencent lorsqu'il s'agit

d'inculpés congénitalement tarés et qui ont cependant agi

avec un certain discernement. La conduite à tenir devient alors

aussi embarrassante qu'en présence d'un convalescent pas

124 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

assez malade pour garder le lit, trop malade pour vaquer à ses

occupations habituelles.

Ce qu'il faudra à ce demi-malade, au point de vue de l'ali-

mentation, en particulier, ce ne sera pas un régime plus ou

moins abondant que celui d'un sujet normal, ce sera un

régime spécial. De même ce qui convient souvent à un demi-

fou, c'est-à-dire à un demi-responsable, c'est l'asile plutôt que

la prison, mais jamais le non-lieu.

Bref, je crois que, pour atténuer les divergences d'opinions

qui séparent actuellement MM. Ballet et Grasset, il faudrait

remplacer le terme de responsabilité par un autre mieux ap-

proprié, qui ne serait d'ailleurs pas très difficile à trouver.

M. GIRAUD (de Rouen), - J'estime, avec M. Ballet, que les

médecins ne doivent pas dans un expertise, faire de la méta-

physique ; mais le principe de la responsabilité pénale sert de

base à toutes les législations et la jurisprudence sur la respon-

sabilité civile des aliénés est fort intéressante à considéra-.

L'aliéné peut être exonéré de la responsabilité civile aussi

bien que delà responsabilité pénale.. On ne fait pas de la

métaphysique en disant comme déduction du diagnostic mé-

dical que l'individu doit être considéré comme responsable

ou irresponsable et on est obligé de tirer des déductions du

diagnostic médical quand on conclut au placement dans un

asile d'aliénés, car l'autorité administrative demande à l'ex-

pert d'affirmer la nécessité du placement. On nous fait un

grief de ce que quelques médecins admettent plus facilement

que d'autres l'existence de la folie; cela fient non à une ma-

nière différente d'envisager la question de responsabilité,

mais bien à des divergences dans le diagnostic.

M. Ballet a eu raison de signaler les inconvénients des cour-

tes peines infligées aux délinquants dont on déclare la respon-

sabilité atténuée. Pour faire disparaître ces inconvénients, il

ne suffit pas que les experts renoncent au mot de responsabi-

lité,il faut provoquer une réforme de la législation. En atten-

dant l'expert devra continuer à se servir des mots « responsa-

ble » et « irresponsable », mais en ayant soin de noter que ses

déclarations sur la responsabilité ne sont que le corollaire de

son diagnostic médical.

M. Régis (de Bordeaux). L'expert n'a pas seulement à

porter un diagnostic médical,il doit conclure,il faut une dé-

duction médico-légale à son rapport. Pourquoi le terme de

responsabilité ne subsisterait-il pas ?

M. I RnNCOTTL (de Liège). Je suis d'avis que la question

de responsabilité pénale est de la compétence de l'expert alié-

niste.Le Codepénalbelge,pas plus que le Code pénal français,

dont il procède, ne fait mention expresse de la responsabilité

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNÎSTES ET NEUROLOGISTES. 125

pénale ; mais il l'implique d'une façon indéniable. Sous le nom

d' infractions , désigne les actes qui, normalement, sont pu-

nissables ; or, la « punissabilité », si l'on veut bien accepter ce

néologisme,n'est autre chose en fait que la responsabilité telle

que doit l'envisager l'expert aliéniste,puisque l'aliéniste an-

glais Mercier la définit «la qualité en vertu de laquelle on est

fortement susceptible de punition ».

Cette punissabilité, d'après le Code, disparaît dans certai-

nes condition ? , notamment par le fait de démence ou d'alié-

nition mentale ; il y a alors justification ; et c'est là l'irres-

ponsabilité pénale de l'aliéné.

La punissabilité peut être amoindrie. Indépendamment

des excuses le Code pénal admet des circonstances atténuan-

tes qu'il ne définit pas, mais au nombre desquelles 13 sens com-

mun et la pratique ont toujours compris les états intermé-

diaires entre la santé mentale et la folie.

1\.Ballet concède de la part de l'expert la conclusion de res-

ponsabilité quand il s'agit d'un individu sain d'esprit, la con-

clusion d'irresponsabilité quand il s'agit d'un aliéné, et il

convient lui-même que, dans ces cas, la conclusion s'impose

d'elle-même sans qu'il soit besoin de la formuler. Il y a pres-

que pléonasme à joindre à la déclaration d'intégrité mentale

celle de responsabilité, à la déclaration de folie celle d'irres-

ponsabilité.

C'est précisément quand une appréciation pourrait être

nécessaire afin d'éclairer le juge que M. Ballet recommande

surtout l'abstention; je veux dire dans les cas intermédiaires

entre l'aliénation et la normalité mentales, en d'autres termes

quand il s'agit des demi-fous de M. Grasset ou des mastoïdes

de M. Lombroso.

L'existence de demi-fous ne saurait être contestée que par

des théoriciens,M. Ballet remarque très justement qu'ils four-

nissent le contingent le plus considérable des expertises psy-

chiatriques. ri j

Dire de quelqu'un qu'il appartient à cette catégorie, ce sera

le taxer de responsabilité atténuée. On pourra même spéci-

fier le degré de l'atténuation, l'estimer faible ou forte selon

qu'il apparaîtra que le sujet se rapproche plus de la raison

que de la folie.

Il incombe, en particulier, au médecin de montrer l'influen-

ce que des antécédents psychopathiques héréditaires, dela ner-

vosité, de la débilité mentale ont pu exercer sur les détermi-

nations du sujet, sur sa résistance morale, son jugement ; or,

tout cela revient à apprécier la responsabilité, la punissabilité.

Je reconnais que laconclusion de responsabilité atténuée en-

traîne parfois des mesures judiciaires inopportunes, dangereu-

126 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

ses peut être au point de vue de la sécurité sociale. Mais il y a

un moyen, même dans l'état actucl de la législation, do parer,

dans une certaine mesure à ces inconvénients. Tout en cons-

tatant qu'un individu présente une responsabilité atténuée,

l'expert peut fort bien indiquer qu'à son avis il convient de

n'en point tenir compte pour l'application de la peine. Si l'on

s'en tient à la lettre des mots, je conviens que des conclusions

de cette espèce sont un peu boiteuses, mais je les crois fondées

en justice et en raison.

M. Paris (de Nancy). Je pense que tout en se mainte-

nant sur un terrain rigoureusement médical, l'expert aliéniste

peut répondre aux questions de responsabilité. J'estime,

en outre, qu'il serait désirable que l'expert, en présence d'un

inculpé qu'il ne considère ni comme un véritable malade, ni

comme un sujet normal, ne formulât que des conclusions pro-

visoires, remettant ses conclusions définitives après l'audition

de tous les interrogatoires qui précèdent immédiatement les

plaidoiries.

M. BARIL (de Genève). - Je ne puis qu'approuver lapropo-

sition de M. Ballet de renoncer à l'emploi du terme de res-

ponsabilité dans les rapports médico-légaux destinés à la jus-

tice pénale. De quelque épithète qu'on l'amende, quelque

définition restreinte qu'on en veuille donner, le terme de res-

ponsabilité éveille inévitablement la notion do libre arbitre

et de droit de punition. Le terme de responsabilité atténuée

est passible naturellement des mêmes critiques.

Les difficultés présentes résultent de l'existence de délin-

quants dits à responsabilité atténuée, délinquants qui, d'une

part, sont les plus dangereux et, d'autre part augmentent

sans cesse de nombre. L'intérêt social exige absolument qu'on

cesse de ne voir dans les états dits intermédiaires à la raison

et à la folie qu'une simple circonstance atténuante assimilable

à toutes les autres et justifiant comme elles l'application de

courtes peines.

Les peines infligées par les tribunaux aux délinquants anor-

maux ne doivent plus être considérées comme des punitions,

mais simplement comme des mesures de protection ou de dé-

fense sociale ; par suite, leur graduation et leur application

doivent s'inspirer uniquement de données pratiques. La so-

ciété doit se protéger contre les demi-fous sans miaulé inu-

tile, mais avec foute la rigueur suffisante pour se protéger

efficacement. La courte peine, en pareil cas, va à rebours du

bon sens, c'est l'augmentation de durée qui s'impose. On peut

compenser cette augmentation de durée par des modifications

dans les modalités d'application. Tant qu'un anormal a assez

de discernement cérébral pour que la crainte de la répression

CONGRÈS DUS MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 127

pénale entre au nombre des facteurs de ses actes, il est justi-

ciable de son application, et, pour ma part, c'est sous cette

forme que je voudrais voir poser aux experts les questions

qu'ils ont à résoudre sur la capacité mentale de leurs ressor-

tissants. J'ajouterai que, à ce point de vue, la gravité des peI-

nes doit être non pas proportionnelle au degré de culture ou

de discernement, comme le voudrait la notion de la respon-

sabilité morale, mais inversement proportionnelle à ce degré,

comme le démontrent l'évolution des peines au cours des âges

et leurs différences actuelles dans les divers pays.

Je ne saurais cependant suivre M. Ballet quand il soutient z

qu'on peut se passer du terme de responsabilité sans le rem-

placer par aucun autre. N'étant ni psychiatre, ni médecin

légiste, je n'espère pas réussir à trouver ce terme, mais faute

de mieux ne pourrait-on pas se servir de celui de discernement

qui permet des degrés et que l'on emploie déjà dans des cas

analogues lorsqu'il s'agit de délinquants encore enfants ? Je

ne liens pas plus à ce terme qu'à un autre, mais il me paraît

évident qu'à une notion directrice nouvelle doivent corres-

pondre des mots nouveaux.

M. Dupré (de Paris).- J'abonde dans le sens de M. Ballet.

J'esthl1e que la notion de responsabilité n'est pas d'ordre mé-

dical. L'expert doit se cantonner dans sa mission, qui, à mon

avis, comprend trois parties : un diagnostic, un pronostic, un

traitement.

Le diagnostic comprend la détermination de l'état mental

de l'inculpé et du rôle joué par les lacunes ou les troubles psy-

chiques dans la perpétration du délit. Le pronostic comprend

la fixation du degré de faillibilité de l'accusé, c'est-à-dire la

probabilité du récidivisme, et pour ainsi dire, le coefficient de

nocivité, pour l'avenir, du délinquant.

Le traitement, dicté par les considérations précédentes,

consiste dans l'indication des mesures de protection utiles à

l'individu et à la société ; actuellement ces indications peuvent

être difficiles à remplir, parce que nous manquons de l'or-

gane administratif nécessaire à la défense de la société, l'Asile

de Sûreté.

M. Bernheim (de Nancy). Nous n'avons pas le moyen

de résoudre la question de responsabilité atténuée et je serais

prêt à répondre au magistrat qui m'interrogerait à cet égard

qu'il m'est impossible de formuler une opinion.

M. VALLON. - Le terme de responsabilité était le trait

d'union entre les médecins et magistrats. Pourquoi le suppri-

mer ? Il restera seulement entendu pour les médecins qu'en

aucun cas il ne saurait impliquer une idée philosophique, de

métaphysique.

128 CONGRES DES MEDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

A la suite de cette discussion, M. Ballet a soumis à l'appro-

bation du Congrès le projet de résolution suivant :

Voeu soumis au vote du Congrès, lundi malin.

Le Congrès des aliénistes et neurologistes de France et des

pays de langue française réuni à Genève et Lausanne, consi-

dérant : -.

10 Que l'article 64 du code pénal, en vertu duquel les

experts sont commis pour examiner les délinquants ou incul-

pés suspectés de troubles mentaux, dit simplement qu'il n'y a

ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence

au moment de l'action; que le moL«responsabilitér,n'y est pas

écrit ;

2° Que les questions de responsabilité,qu'il s'agisse de la

responsabilité morale ou de la responsabilité sociale, sont

d'ordre métaphysique ou juridique, non d'ordre médical ;

3° Que le médecin, seul compétent pour se prononcer sur la

réalité et la nature des troubles mentaux chez les inculpés, et

sur le rôle que ces troubles ont pu jouer sur les déterminations

et les actes desdits inculpés, n'a pas à connaître de ces ques-

tions ;

Emet le voeu : Que les magistrats dans leurs ordonnances,

leurs jugements ou leurs arrêts s'en tiennent au texte de l'ar-

ticle 6-1 du code pénal et ne demandent pas au médecin expert

de résoudre les dites questions qui excèdent sa compétence.

Le témoignage des experts-médecins (1) ;

- , Par CLARK BELL, L. L. D.

Président de la Société de médecine légale de New-York.

Le salut du système de témoignage par l'expertise médi-

cale,surtout par rapport aux cas criminels, où la vie humaine

est en danger, est en jeu,et seulement une loi peut prévenir

son élimination de notre procédure criminelle. C'est seulement

en soulevant le sentiment public et l'opinion publique aux

exigences de la situation que nous pourrons attendre ou même

espérer une délivrance quelconque.

Le degré jusqu'où elle est tombée, principalement dans le

procès récent de Tiiaw, est l'une des plus déplorables phases

du sujet. C'est nécessaire de considérer la question bien en

face. L'experf-médccin,quand il paraît comme témoin rélri-

(1) Nous publions le texte du l'auteur en priant nos lecteurs

d'excuser les incorrections. (13.). .

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 129

hué ou par l'Etat ou par l'accusé, perd toute considération

et toute confiance.

C'est une véritable honte pour la médecine que maintenant

plus aucun cas important de démence homicide n'est jugé

sans que les quatre ou six témoins de l'un des partis ne

soient confrontés et équilibrés par un nombre égal de l'autre

parti.

Les juges ne considèrent plus du tout l'expert-médecin

comme un facteur important,et les jurés prétendent ne plus

s'apercevoir de sa présence, et n'y accorder la moindre atten-

tion aussi ils n'hésitent pas à le déclarer publiquement de

leurs sièges de jurés. Telle que la loi est à présent et tel que

le rapport est présenté devant le jury, il n'a plus aucune

valeur et les jurés ont parfaitement raison en leur refusant

même de le prendre en considération.

Dans l'esprit du public, il est à peu près universellement t

accepté que l'expert-médecin rétribué, jure pour le parti qui

l'engage et lui donne une compensation. C'est incroyable que

la profession médicale soit tombée dans un tel abîme, comme

tout ceci l'implique.

Nous sentons que les hommes honnêtes et bons de cette

noble profession ne veuillent pas subir une telle critique et

ne peuvent y être obligés, non plus qu'ils ne doivent suppor-

ter la tache qui souille le nom de leur profession et qui est due

aux actions des personnages haut placés qui ont aidé à établir

la condition telle qu'elle est maintenant, qui a permis à quel-

ques médecins peu scrupuleux et cupides de se couvrir de

honte et en même temps d'entacher la réputation de toute

leur profession. .

Une loi abolissant la question de l'hypothèse comme fac-

teur dans les cas criminels aurait bien pu être appelée loi

pour diminuer la quantité de parjures par les témoins-mé-

decins dans de tels cas. Les experts-médecins sont des hom-

mes comme les autres. Ils ne méritent pas la haine attachée

au nom de leur profession. Ils ne sont ni faux, ni malhon-

nêtes, et tous, comme un seul homme, ne consentiraient pas

qu'un tel état de mépris général continuerait d'exister. La

faute est au système lui-même et non à la profession de la

médecine. La loi devrait être changée de telle manière qu'elle

rende impossibles des conflits d'opinion aussi scandaleux

sur ce que le public et le jury considère comme une et même

question.

Tout conseil sait que les médecins en général ne sont pas

disposés à jurer sur une opinion qu'ils ne partagent pas.

L'expert-médecin, proprement dit, et éclairé, n'hésite pas à

dire confidentiellement au conseil qui l'a appelé après avoir

Archives, a. série 1907, t. il. 9

130 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES LT NEUROLOCISTES.

étudié le cas : « Ce n'est pas nécessaire de m'appeier dans ce

cas, mon rapport ne serait pas à l'avantage de votre client ».

Chaque avocat qui est un peu familiarisé avec la pratique

criminelle aura'entendu cela souvent. Ce n'est pas cette

classe de témoins qui a créé la situation actuelle. C'est l'hom-

me corrompu qui fait son métier de former et de vendre ses

opinions à raison d'une compensation et ceci ne doit pas être

attribué aux hommes de science, mais à des experts-méde-

cins corrompus qui ne font que témoigner. Le contrôleur

Metz a découvert des faits marquants, sur ceux qui sont

appelés experts de biens immobiliers dont les noms sont bien

connus et qui s'étaient vendus à la ville de New-York dans de

récentes condamnations, pour jurer que la valeur de la pro-

priété n'était que la dixième partie de sa valeur réelle, et dans

quelques cas, dont j'ai eu connaissance, pour jurer que ces

propriétés n'avaient aucune valeur. Aussi peu importe quelle

conclusion est atteinte par la commission quant à l'évalua-

tion, la propriété du possesseur est confisquée, parce que là

où il y a un différend sur une valeur disputée, la cour ne veut

pas interjeter d'appel et il n'a droit à aucune réparation, à

cause de la corruptibilité et du parjure délibéré des ex-

perts.

J'ai connaissance de deux de ces experts qui ont détourné

d'énormes sommes d'argent du trésor de la ville, en compen-

sation de leurs services comme témoins dans des procès de

condamnation, où dans quelques cas où ils juraient que des

lots n'avaient que peu ou pas de valeur du tout, quand les

honorables commerçants et éminents hommes dans cette

branche les estimaient à D. 4.000, à D. 5.000 le lot, et qui

maintenant pourraient être vendus le double même, mais ce

crime amène le propriétaire à se soumettre aux conditions

indiquées dans la loi, sur les valeurs contestées.

Le contrôleur connaît ces hommes.Leurs noms sont inscrits

dans ses livres, et peut-être réussira-t-il à prévenir et arrêter

leurs travaux. et à les enfermer dans les prisons'comme ils le

méritent, mais il est en lutte avec la même question qui con-

fronte actuellement les cours,et que la loi proposée par mon-

sieur le juge Emery de la Cour suprême du Maine suggère

comme un remède. La Société médico-légale a attaqué la ques-

tion énergiquement et essayera de la faire écouter et d'obtenir

quelque résultat.

A la dernière réunion de la Société,le président avait été

autorisé à nommer un comité pour considérer le sujet dans

son ensemble et toutes les communications faites ou à faire

devaient lui être référées.

Le premier juge (chief judge) L. A. Emery. du Maine, a

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 131

accepté la présidence de ce comité. Le chancelier Joarr R.

NICHOLSON, du Tribunal suprême de l'Etat de Delaware; le

juge CHARLES G. GARRIsoN du Tribunal suprême de New-

Jersey et JOHN W. POVEILL, premier juge (chief de justice)

de la Cour Suprême de Vermont ont consenti à faire partie

de ce comité.

Quelques hommes éminents du tribunal de la Cour su-

prême de plusieurs Etats ont été invités à agir et le comité

est maintenant en voie de formation.

Des renseignements de plusieurs sources ont été sollicités

afin d'être envoyés au comité, et leur rapport arrivera après

les vacances de l'été, en automne, pour la considération et

l'action de la Société médico-légale pour qu'il puisse atteindre

les législations des différents Etats, les Associations du bar-

reau, les hommes célèbres des deux professions de droit et de

médecine et les juristes médico-légaux et experts médicaux

les plus capables,afin de voir si quelque amélioration ne pour-

rait être trouvée pour relever l'expertise médicale de la si-

tuation dégradante où elle est manifestement tombée.

Lu nécessité de l'expertise médico-légale contradictoire ;

- Par le Dr Paul Archambault (de Tours),

Médecin en chef de l'asile des aliénés.

Aujourd'hui encore, dans la jurisprudence française,* le

pouvoir du médecin expert est effrayant : il tient au bout de

sa plume la vie ou l'honneur d'un individu. Tout en étant de

très bonne foi, il peut se tromper, mal voir ou mal interpréter.

Une telle puissance doit être partagée : l'appréciation d'une

seule partie ne doit pas suffire. Toute expertise médico-légale

devrait être contradictoire, et tout particulièrement les au-

topsies judiciaires ; un médecin choisi par la défense devrait

assister aux opérations de l'expert et avoir la faculté, comme

en matière civile, de faire connaître ses observations. Les

contre-expertises actuelles, en matière d'autopsie, se font

dans des conditions absolument défectueuses : le sujet autop-

sié depuis un temps plus ou moins long, a été sectionné, les or-

ganes ont été dilacérés, la décomposition est avancée, les

constatations manquent fatalement de certitude. Il est donc

de toute nécessité que dès la première autopsie l'expert soit

contrôlé par un contre-expert : tous les médecins' légistes

doivent le désirer pour mettre leur responsabilité à l'abri de

tout soupçon.

132 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

Séance du 2 août.

Les psychoses périodiques ;

Par le Dr A. AN'I'IIAU11L (de Paris).

Que faut-il entendre par psychoses périodiques ? Si la pério-

dicité et l'alternance sont, comme le soutenait 1\'IOIIEL, « des

situations pathologiques observées dans toutes les variétés

de folie en général», est-il légitime de définir par ces caractè-

res un groupe spécial de psychoses ?

Sans doute, la périodicité, c'est-à-dire la reproduction de

phénomènes de même nature à des intervalles plus ou moins

réguliers, paraît être une loi qui régit tous les phénomènes

de la physiologie, de la psychologie et de la pathologie hu-

maine (menstruation, température, rêves, humeur, etc.),

mais certaines psychoses offrent cette caractéristique ma-

jeure de se manifester seulement par des phénomènes d'ex-

citation et de dépression dont la périodicité et l'alternance

sont non plus accessoires mais essentielles. « Des accès de ma-

nie ou de mélancolie, tantôt isolés, tantôt conjugués, se re-

produisant à intervalles plus ou moins éloignés, souvent un

très grand nombre de fois durant la vie des malades » (G.

Ballet). Définissons donc les psychoses périodiques qu'on

peut désigner sous le ferme global de « folie périodique ».

La périodicité et l'alternance de la manie et de la mélanco-

lie ont été reconnues de tout temps, mais c'est à Baillakger

et à J.-P. Falret que revient l'honneur d'avoir isolé, en 185 1,

de la manie et de la mélancolie simples, la folie à double forme

et la folie circulaire, variétés de la même entité morbide. Ces

deux auteurs tracèrent le tableau clinique de la nouvelle ma-

ladie, en fixèrent l'étiologie, les symptômes essentiels et le

pronostic.

En 1890, Magnan rattache à la folie intermittente les cas

de manie et de mélancolie récidivantes, englobant ainsi dans

une même entité tous les états d'excitation et de dépression

qui n'appartenaient pas aux diverses psychopathies organi-

ques, à la folie des dégénérés, à la mélancolie et à la manie

idiopathiques. Magnan étudie avec bcaucoup de soin l'héré-

dité de ces malades et estime qu'elle est moins grave chez les

intermittents que chez les dégénérés. Il fixe la conception

française de la folie périodique dans laquelle n'entrent point la

manie et la mélancolie simples, idiopathiques, non récidivan-

tes qui demeurent l'une et l'autre des entités au même titre

que la folie intermittente.

KRAEPELI.N,en 1899, rattache tous les cas de manie à la folie

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 133

périodique, pour laquelle il propose le terme de folie maniaque

dépressive ; et il y fait entrer encore tous les cas de mélanco-

lie, sauf ceux qui ne se développent pas au moment de l'in-

volutioh présénile (mélancolie d'involution).

En somme, de 1854 à 1899, la nouvelle entité s'est consti-

tuée au détriment de la manie et de la mélancolie dont le

champ s'est rétréci de plus en plus. L'oeuvre de dissociation a

commencé avec Baillarger et J. P. Falret ; elle s'est accentuée

avec Magnan.en même temps que se constituait une oeuvre de

synthèse qui devait trouver dans les travaux de Kraepelin

sa plus complète expression.

La folie périodique des auteurs français et la folie maniaque

de Kraepelin se distinguent par certains points qui nécessi-

tent de faire pour chacune d'elles une définition spéciale.

La folie périodique se définit par son étiologie,sa symptoma-

tologie et son évolution. Au point de vue étiologique, cette

psychose est essentiellement héréditaire, et cette hérédité

est souvent similaire. Elle se développe de 25 à 35 ans et gé-

néralement sans cause occasionnelle bien nette. Le sexe fé-

minin y est plus prédisposé.

Les symptômes de l'accès de manie ou de mélancolie de la

folie périodique ne sont pas absolument ceux des accès de

manie ou de mélancolie simples. Cependant, ils ne s'en dis-

tinguent que par des nuances parfois si indécises, que certains

auteurs ne leur accordent aucune valeur. Le début est le plus

souvent brusque, bien que parfois on note un « signal-s ympfom

qui avertit de l'imminence de l'accès. La dépression et l'ex-

citation sont atténuées ; les malades sont généralement luci-

des, bien orientés ; les idées délirantes, la stupeur, la surex-

citation sont rares : « C'est, ainsi que le dit J.-P. Falret, le

fonds de la manie et de la mélancolie sans leur relief ». Les

périodiques sont particulièrement malveillants ; ils s'aftlublent

volontiers de costumes étranges et collectionnent toutes

sortes d'objets, etc.

L'évolution des accès est tout à fait caractéristique. Les

accès isolés affectent une périodicité plus ou moins régulière,et

généralement sont identiques entre eux ; les accès conju-

gués s'associent selon divers modes qui permettent de dé-

crire la folie à double forme; la folie circulaire, la folie alterne.

Entre les accès, les auteurs français admettent généralement

un intervalle lucide au sens strict du mot. Cependant, au sur

et à mesure que la maladie progresse, l'intervalle lucide de-

vient de plus en plus court et de moins en moins complet.

La terminaison par la démence n'est que le fait de compli-

cations. La maladie évolue en une succession d'accès mania-

ques ou mélancoliques. Certains de ces accès sont tellement

134 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

peu accentués que le malade n'est pas interné : ce sont « les

degrés atténués de la folie périodique observés dans le monde»

dont J. Falret a laissé une magistrale description.

Le diagnostic de l'accès de manie et de mélancolie de la

folie périodique doit être fait avec l'accès de manie et de mé-

lancolie simples, avec les accès d'excitation ou dépression des

dégénérés, des confus, des neurasthéniques, des hystériques,

des épileptiques, des paralytiques généraux.

La conception de Kraepelin (la folie maniaque-dépressive)

a été élevée sur le trépied de la psychologie, de la sympto-

matologie et de l'évolution. A la base de leur synthèse har-

die, Kraepelin et son école ont placé une profonde étude psy-

chologique qui leur a permis de montrer que la manie et la

mélancolie, loin d'être des états contraires comme on le

croyait généralement, sont des états homologues caractéri-

sés l'un et l'autre par la diminution de l'attention volontaire,

le ralentissement de l'association des idées, l'insuffisance des

perceptions et l'indifférence émotionnelle. La paralysie des fa-

cultés psychiques supérieures se rencontre donc dans la manie

comme dans la mélancolie, mais dans la première les facultés

psychiques automatiques sont exaltées, tandis qu'elles sont

inhibées, comme les supérieures, dans la mélancolie. '

D'autre part, il n'y a pas, d'après Kraepelin, de manie et

de mélancolie simples ; en effet, leurs symptômes sont sem-

blables à ceux de la manie et de la mélancolie périodiques ; ils

récidivent toujours ; les accès ne sont jamais uniquement ma-

niaques ou mélancoliques, mais toujours à double forme ;

enfin des malades présentent à la fois des symptômes de ma-

nie ou de mélancolie, des « états mixtes ».

La folie maniaque-dépressive peut donc se définir « une

psychose constitutionnelle, essentiellement héréditaire, ca-

ractérisée par la répétition, l'alternance, la juxtaposition ou

la coexistence d'états d'excitation et dépression ». (Deny et

Camus).

La conception de Kraepelin a soulevé diverses objections,

qui ne paraissent pas essentielles ; elle a par contre rallié un

grand nombre d'adeptes ; elle semble gagner chaque jour du

terrain ; elle permet de se faire de la folie périodique une idée

très séduisante.

Au point de vue symptomatique, Kraepelin a enrichi

cette psychose de la description des étals mixtes. Ces états

mixtes se rencontrent principalement au moment du passage

d'un état mélancolique à un état maniaque, ou inversement ;

ils peuvent encore se montrer à l'état isolé et constituer tout

l'accès du malade.Dans ces états, les symptômes jusqu'ici

rapportés à la manie et à la mélancolie se mélangent intime-

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. loi

ment, démontrant, dit G. Ballet : « la commune origine et la

nature identique de phénomènes en apparence opposés, c'est-

à-dire de l'excitation et de la dépression ».

Kraepelin a décrit les six états mixtes suivants : la manie

coléreuse ; la manie dépressive ; la manie improductive ; la

stupeur maniaque ; la dépression avec fuite des idées ; l'in-

hibition maniaque.

La folie maniaque-dépressive est héréditaire dans 80, 90 %

des cas et peut-être dans tous. Elle est plus fréquente chez

la femme. Elle se développe dans les deux tiers des cas avant

25 ans, le premier accès apparaît généralement à la puberté ;

souvent encore à l'involution présénile.A ce propos, Kraepelin

atout récemment mis en doute la légitimité de sa propre con-

ception de la mélancolie d'involution et penche considérer

les faits qui lui avaient permis de décrire cette psychose,

comme des cas de folie maniaque-dépressive développés au

moment de l'involution. La plus récente conception de la

folie maniaque dépressive semble donc être celle d'une psy-

chose constitutionnelle en puissance dans l'individu et que

mettent particulièrement en évidence la puberté et l'involu-

tion.

Pour Kraepelin et la grande majorité des auteurs étran-

gers, il n'y a pas, entre les accès, d'intervalle à proprement

parler lucide. On y observe toujours certains phénomènes

anormaux constants, tels que dépression de l'énergie psychi-

que, irritabilité anormale, etc.

Le diagnostic différentiel particulièrement délicat est celui

des accès d'excitation et de dépression de la démence précoce.

Le diagnostic des états mixtes peut être très difficile. Le

pronostic se résume en la formule paradoxale : « Les accès

passent, mais la maladie reste ». La terminaison par l'affai-

blissement intellectuel n'est le fait que de complications :

artériosclérose et traumatismes notamment.

La pathogénie de la folie périodique et de la folie maniaque-

dépressive est encore problématique. L'anatomie pathologique

n'a donné jusqu'ici que des renseignements incertains. Ce-

pendant ANGLADE et ,ACQUI ? vT ont essayé de définir anatomi-

quement quelques cas de folie périodique par « la prolifération

névroglique dans toutes les régions de l'écorce cérébrale,

mais prédominant très nettement : 1° au niveau de la zone de

Wernicke et du lobe temporal tout entier ; 2° au niveau du

lobe occipital ».

Au point de vue thérapeutique,les différentes formes de la

folie périodique ou de la folie maniaque-dépressive relèvent

jusqu'ici du seul traitement symptomatique. Au point de

vue médico-légal, les difficultés abondent en cette matière et,

136 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

selon la juste remarque de FALRET fils : « La médecine légale

de cette affection sera toujours l'une des plus difficiles de la

pathologie mentale, à cause des fréquentes variations d'état

chez le même individu d'un moment à l'autre, à cause des in-

tervalles lucides plus ou moins complets ou plus ou moins pro-

longés, à cause de la difficulté de distinguer l'intervalle lucide

vrai de la simple rémission et surtout à cause du séjour habi-

tuel de ces malades dans le monde et dans la famille et non dans

les asiles d'aliénés.» n J. ROLET.

- M. Régis (de Bordeaux). Je tiens à défendre la concep-

tion française. La théorie de Kraepelin ne peut être acceptée.

Il est indéniable que dans cette maladie il y a des rémissions,

des retours à l'état normal. J'appuie cette affirmation sur une

statistique où, sur 181 malades atteints de folie maniaque.

26 pour 100 seulement ont récidivé et cela pendant une pério-

de de vingt-cinq années. Ce serait d'ailleurs un geste gros de

conséquences que de supprimer ces rémissions, car du même

coup on rejetterait ces malades dans la classe de ceux aux-

quels on a retiré leur personnalité civile.

M. G. Ballet. Je suis un peu surpris de la statistique de

M. Régis, d'après laquelle 70 à 80 % des cas de manie ou de

mélancolie qu'il a observés appartiendraient aux formes sim-

ples, non récidivantes,de ces affections. Cette proportion me

paraît considérable ; elle est en tout cas de beaucoup supé-

rieure à celle de la plupart des auteurs. En ce qui me concerne,

je n'oserai pas aller jusqu'à nier ces formes simples non réci-

divantes, mais je dois dire que je ne les ai rencontrées que tout

à fait exceptionnellement. Du reste, à mon sens, il n'y a là

qu'une constatation secondaire au point de vue de la question

qui divise actuellement les aliénistes, à savoir si désormais

nous devons substituer l'expression de«folie maniaque-dé-

pressive à celle de"folies pétiodiquesn.Ehbien : je n'hésite pas

à déclarer que je suis l'adversaire du mot et de la chose : du

mot, parce que l'épithète « maniaque-dépres.-ive » n'est pas

gtammaticalement construite : il faudrait dire, pour être cor-

rect : « excito-dépressive » ou « maniaco-mélancolique », mais

ces expressions manquent vraiment trop d'élégance pour

qu'elles aient quelque chance d'être adoptées.

J'estime, en outre, que nous devrions absolument bannir

du langage scientifique le mot « folie» et cela avec d'autant

plus de raison que ce terme de folie ne saurait en aucune fa-

çon s'appliquer à la grande majorité des malades que nous

visons ici : on peut dire d'eux qu'ils sont atteints de psycho-

ses,mais ils ne méritent pas le nom de fous. Je rappellerai que

ces psychoses étiquetées : alternes circulaires, à double forme

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 137 î

etc., ne sont, en réalité, comme l'a fait justement observer

M. Magnan au dixième Congrès international des sciences mé-

dicales (Voir Semaine-Médicale, 1890, p. 297), que les diffé-

rentes modalités d'une seule et unique maladie à laquelle je

propose d'attribuer désormais le nom de « psychose périodi-

que ». Et cela parce que la véritable caractéristique de cette

affection est de se reproduire par accès.

Quant aux périodes intercalaires, quelquefois très longues,

qui séparent ces accès, je ne si is pas convaincu qu'elles soient

toujours aussi franches et aussi complètes que le soutient M.

Régis.

Pour montrer combien il eit facile à cet égard de commettre

des erreurs, jepuis citer d'abord l'existence des étals mixtes si

bien étudiés par M. Krâpelin, états de beaucoup les plus nom-

breux, dans lesquels les phénomènes d'excitation et de dépres-

sion coexistant, se mélangent et s'enchevrêtent, au lieu de se suc-

céder comme dans la folie à double forme ou dans la psychose

circulaire ; c'est ensuite ce fait, corollaire du précédent, mais

capital dan, l'espèce, que malgré des apparences opposées,

les phénomènes d'excitation et de dépression ont la même

origine et reconnaissent le même mécanisme psycho-patholo-

gique.. ,

Ces considérations, si brèves qu'elles soient, permettent.

je crois, de conclure que l'expression de psychose maniaque

dépressive est doublement justifiée, puisque l'association de

l'excitation à la dépression est vraie non seulement pour l'en-

semble des accès qui constituent cette psychose, mais encore

pour chacun de ses accès envisagé isolément.

M. Vallon (de Paris). Je suis de l'avis de M. Ballet.

L'attention du psychiatre devrait surtout être attirée sur

l'importance des prodromes qui permettent souvent de pré-

voir les accès.

M. DUPRÉ. - Il est intéressant de rappeler au cours de

cette discussion sur les psychoses périodiques l'observation

de deux musiciens connus. Schumann eut six accès de manie

pendant lesquels il écrivit ses plus belles pages. Hugo Wolf

eut quatre accès au cours desquels il composa des volumes

entiers de musique et quelques crises de mélancolie pendant

lesquelles il lui était impossible de rien produire. Ils mouru-

rent d'ailleurs tous deux dans des asiles d'aliénés.

M. DENY (de Paris). La théorie de Kraepelin est la seule

qui cadre avec les faits d'observation clinique. On ne peut

faire qu'un seul reproche au nom de « folie maniaque dépres-

sive », celui de ne pas être élégant. Je ne crois pas qu'au cours

de cette affection il puisse exister des périodes de rémission et

de lucidité complète.

138 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIENISTES ET NEUROLOGISTES.

M. PAILHAS (d'Albi). La périodicité et l'alternance peu-

vent être considérées comme l'expression d'une loi biologique

réglant au sein des organismes la distribution successive des

stades antagonistes de l'activité et du repos, de l'excitation

et de la dépression. Elles sont essentiellement tributaires de

l'automatisme. D'après cela, on conçoit que les troubles men-

taux les plus affectés de périodicité régulière soient ceux qui,

comme la folie menstruelle, empruntent et surbordonnent la

périodicité de leur rythme aux mouvements périodiques de

fonctions entièrement assujetties à l'automatisme. J'estime,

par contre, qu'il ne faut pas faire rentrer dans le cadre des

folies périodiques les accès maniaques ou mélancoliques qui

sont séparés par des intervalles de plusieurs années. Il s'agit

là de simples récidives. Il faut distinguer aussi avec soin d'a-

vec les états vraiment périodiques les affections mentales

dont l'intermittence se rattache à des circonstances étiologi-

ques fortuitement survenues avec des apparences de périodi-

cité ; succession de traumatismes physiques ou psychiques,

puerpétalité, excès alcooliques, etc.

Si l'on peut conserver le terme de folie périodique pour in-

diquer des unités vésaniques où prédomine plus ou moins le

symptôme périodicité, je crois avec Morel que la périodicité

et l'alternance sont des éléments nosologiques trop compré-

hensifs pour servir de caractère spécifique à un ou plusieurs

groupements ayant la valeur d'une entité morbide et méritant

le nom de psychose périodique.

Circularisme et génie musical.

MM. Dupré et Nathan. Il est intéressant de déterminer

l'influence qu'a exercée, dans ses accès opposés, la psychose

périodique sur la fécondité et l'orientation du génie littéraire,

artistique ou scientifique. Cette influence apparaît des plus

manifestes dans l'oeuvre de Schumann et de Hugo Wolff.

La vie de Schumann a été traversée par six grandes crises

de dépression mélancolique, entre lesquelles on retrouve des

périodes de suractivité productive, avec expansion de l'hu-

meur, qui correspondent à des crises d'excitation.

Dans les dernières années, l'oeuvre inégale et tourmentée

du grand artiste reflète des oscillations plus marquée; dans

l'activité psychique qui diminue ; puis apparaît du délire

hallucinatoire, une tentative de suicide et Schumann meurt

d'une encéphalopathie diffuse chronique de nature mal déter-

minée.

Hugo Wolf, mort de paralysie générale, présenta, de vingt-

sept à quarante ans, quatre crises d'excitation, au cours des-

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 139

quelles il composa des centaines de lieder : entre les crises,

longues périodes d'inactivité et de silence musical absolu.

Ces deux observations sont intéressantes à rapprocher à

cause de l'analogie des effets de la psychose périodique sur le

génie des deux musiciens, morts tous deux d'une affection

organique du cerveau, d'ailleurs étrangère à la folie intermit-

tente.

Sur les psychoses d'origine cardiaque ;

Par les Drs Henri Français (de Paris) et Gustave Darcanne

(de Fougères).

Les trois malades que nous avons étudiés sont atteints

d'insuffisance mitrale. L'absence d'antécédents urémiques et

le balancement qui s'est établi entre les aggravations de symp-

tômes cardiaques et les troubles cérébraux montrent bien le

rapport intime existant entre la maladie du coeur et l'état

psychique. Chez nos deux premiers malades, des accidents

de dépression caractérisés par une diminution de l'activité

mentale, de l'apathie, de l'aboulie, un caractère sombre ont

dominé la scène durant la première phase des troubles men-

taux. Durant la seconde période, les phénomènes d'excitation

ont tenu la plus grande place. Ils étaient caractérisés par une

agitation vive, un délire diffus dominé par des idées d'orgueil

et de grandeur. Il convient de noter,en outre, l'existence de

tentatives de suicide qui ont été la conséquence des idées déli-

rantes,et qu'on a souvent signalés dans la folie cardiaque. Chez

notre troisième malade, les troubles psychiques ont consisté

seulement dans un accès de puérilisme mental. Ce syndrome

bien décrit par M. Dupré est constitué par une sorte de régres-

sion de la mentalité au stade del'enfance. Iln'apas été signalé

jusqu'ici au cours du délire cardiaque. Ce syndrome n'appar-

tientà aucune espèce morbide déterminée et n'a pas de signi-

fication étiologique précise. Nous croyons qu'il convient de le

considérer ici comme un témoin de l'affaiblissement intellec-

tuel engendré par les troubles de la circulation cérébrale ou

par l'intoxication. Il a la valeur d'un phénomène de dépres-

sion portant uniquement sur l'intelligence. Nos deux autres

malades ont présenté un mélange de phénomènes d'excitation

et de dépression portant sur l'ensemble des fonctions psychi-

ques. Telle est, sans doute, la raison du caractère diffus et mo-

bile de leur délire.

Nous ne pensons pas qu'il soit possible de décrire une folie

cardiaque ayant ses symptômes propres. Les phénomènes ob-

servés consistent en général en des phénomènes d'excitation

et de dépression plus ou moins étendus et diversement com-

140 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

binés. Les accidents dépressifs sont cependant les plus fré-

quents et peuvent exister à l'état isolé. Quelle que soit la

forme revêtue.par les perversions de l'état mental, excitation

ou dépression, il ne s'agit en somme que de modalités réac-

tionnelles différentes à des troubles de nature et d'origine

identique. ,

Contribution anatomo-palhologique à l'étude des localisations

motrices corticales. A propos de trois cas de sclérose laté-

rale amyotrophique avec dégénération de la voie pyramidale

suivie au Marchi de la moelle au cortex ;

Par les D'" Italo Rossi (de Milan) et Gustave Roussy

(de Paris).

On admettait jusqu'à ces dernières années,comme une don-

née classique et définitivement acquise, que la zone motrice

corticale occupe chez le singe et chez l'homme la région ro-

landique, à savoir les circonvolutions frontale et pariétale

ascendantes, le lobule paracentral et peut-être aussi le pied

d'insertion des trois circonvolutions frontales. Grùnbaum et

Scherrington (1901),au moyen de la faradisation unipolaire,

(préférable selon eux à la méthode bipolaire jusqu'ici em-

ployée), ont montré que la zone excitable (motrice) chez le

singe anthropoïde ne s'étend pas en arrière du sillon de Ro-

lando, c'est-à-dire que la pariétale ascendante ne fait pas par-

tie de la zone motrice corticale.

Ces résultats ont été confirmés chez le singe, par les expé-

riences de Vogt, de Brodmann, et chez l'homme, par l'exci-

tation faradique unipolaire du cortex au cours de trépana-

tions (Krause, Mills, Frazier, Cusching, Lloyd). En outre des

recherches histologiques toutes récentes (Kolmer 1901, Brod-

mann, 1903, Campbell, 1905) sont venues appuyer ces résul-

tats expérimentaux en montrant qu'il existe, aussi bien chez

le singe que chez l'homme,des différences cytologiques nota-

bles entre les deux circonvolutions rolandiques. Ce dernier

fait permet de supposer que ces deux circonvolutions ont une

fonction différente.

De là est née une nouvelle doctrine qui tend à admettre,

que, chez l'homme aussi, contrairement à la doctrine clas-

sique, la circonvolution pariétale ascendante n'est pas mo-

trice.

L'étude des lésions corticales dans la sclérose latérale amyo-

trophique, - affection uniquement systématisée au neurone

moteur -peut fournir, elle aussi, un argument plaidant en

faveur de cette nouvelle conception.

; Nous avons pu suivre, dans trois cas de sclérose latérale

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 141

umyotrophique, la dégénération de la voie pyramidale (au

Marchi et au Weigert) de la moelle sacrée jusqu'au cortex, à

travers le bulbe, la protubérance le pédoncule.et la cap-

sule. Dans les trois cas, l'étude de la topographie des lésions

corticales (des fibres et des cellules) montre qu'il existe entre

Fa et Pa un contraste des plus frappants. On note en effet,

dans Fa la dégénération des fibres radiaires très nette au Mar-

chi, plus légère, mais évidente au Pal ; altérations cellulaires

(grandes cellules pyramidales et cellules géantes de Betz) ;-

dans Pa au contraire, aspect tout à fait normal des fibres, par

la méthode de Pal ; pas de lésion cellulaire ; présence de quel-

ques très rares fibres radiaires dégénérées, décelables seule-

ment par la méthode de Marchi.

Ces constatations, analogues à celles de Probst et de Camp-

bell, parlent d'une façon générale en faveur de la nouvelle

conception sur la topographie de la zone motrice corticale et

montrent que, conformément aux recherches expérimen-

tales et histologiques sus citées, il faut revenir aujourd'hui

des données jusqu'ici classiques sur la délimitation de cette

zone.

Nos cas personnels nous autorisent à admettre que, très

vraisemblablement, l'origine de la voie pyramidale, et, par-

tant, la zone motrice corticale, se trouvent chez l'homme

presque exclusivement limitées dans Fa. Nous disons presque

exclusivement, par ce que la présence de quelques rares fibres

dégénérées dans Pa (au Marchi) ne nous permet pas d'être

aussi absolus que Campbell pour refuser à Pa toute représen-

tation motrice. En effet, nous croyons qu'on doit faire quel-

ques réserves en faveur d'une participation, quoique très mi-

nime, de Pa à la zone, motrice corticale.

Nervosisme thyroïdien. Formes cliniques ; ,

par les Drs Léopold Lève et H. DE ROTHSCHILD.

D'un travail fondé sur 76 observations nous concluons : Le

nervosisme est souvent en relation avec le mal fonctionne-

ment de la glande thyroïde et peut se présenter sous les for-

mes suivantes : 1° Hyperthyroïdie nerveuse. L'expérimen-

tation animale, le thyroïdisme alimentaire chez l'homme, la

clinique, permettent de rattacher l'état de santé à la maladie

de Basedow par toute une série d'états intermédiaires de ner-

vosisme : hyperthyroïdie minima continue, ou paroxys-

tique, hyperthyroïdie bénigne, chronique, disséminée ou

10eilisée.r-i,isedow fruste. 2° Hypothyroïdie nerveuse. Le ner-

vosisme accompagne tous les degrés de l'insuffisance thy-

roïdicnne; et a son expression la plus flagrante dans la neu-

142 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

rasthénie thyroïdienne. 3° Instabilité nerveuse thyroïdienne.

4° Dysthyroïdie avec hyperthyroïdie. 5° Dysendocrisies cou-

plées (thyroovarienne) Lricouplées thyrohypophysoova-

rienne. -

Le nervosisme sexuel chez la femme, tout en mettant en

relief une notion étiologique importante, synthétise les for-

mes que nous avons analysées. Un traitement opothérapique

approprié sera la sanction de la notion pathogénique du ner-

vosisme thyroïdien.

Confusion mentale chez un CLC)20rlClr'Oj)ZCISe. Glycosurie.

Acétonurie;

Par MM. Chaumier et TATY (de Lyon).

MM. Chaumier et TATY (de Lyon) présentent l'observa-

tion d'un achondroplase de 28 ans qui, ayant éprouvé de la

polydipsie, fit quelques abus de boissons alcooliques et eut de

la confusion mentale après une courte période prodromique

de mélancolie anxieuse avec tentative de suicide.

L'observation montra que ce malade avait du diabète sucré

et de l'acétonurie légère. En vingt jours, sous l'influence du

bromure et des alcalins, la glycosurie et l'acétonurie dispa-

rurent et la confusion mentale alla en s'atténuant peu à peu.

Deux périodes de traitement par l'iodothyrine en cachets à

dose progressive de O.gr. 30 à 1 gr. par jour achevèrent la

cure. Le malade sortit de l'asile au bout de trois mois et demi

très amélioré. Quinze jours après la sortie la guérison est

complète. Le malade présente encore du diabète insipide.

(polyurie, polydipsie).

Les auteurs estiment qu'en raison des antécédents héré-

ditaires et personnels du malade, son observation vient à

l'appui de l'opinion qui assigne à la tuberculose un rôle im-

portant dans la genèse de l'achondroplasie. Ils pensent aussi

que la confusion mentale épisodiqueaété due à une intoxica-

tion d'origine diabétique qui, chez un malade non prédisposé,

ou bien en l'absence de soins opportuns, aurait pu amener le

coma diabétique.

Séance du 5 août.

Le Congrès des médecins aliénistes, après avoir tenu ses

assises à Genève, s'est transporté le 5 août à Lausanne. Ce

fut au palais de Rumine qu'eut lieu la séance où le 3e rapport

portant sur « la nature et la définition de l'hystérie » devait être

discuté.

Le rapport concernant l'hystérie : Définition' et nature

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 143

de l'hystérie : a été confié à deux co-rapporteurs. M.

Schnyder de Berne,et M. Claude,de Paris. Il était utile

qu'une question aussi délicate fût étudiée et mise au

point par deux spécialistes également autorisés mais

d'école différente. La lecture de ces deux rapports nous

permet,en effet, d'avoir sur la nature de l'hystérie une

vue d'ensemble aussi complète et aussi consciencieuse

que possible.

Définition et nature de l'hystérie.

Résumé du rapport de M. CLAUDE.

L'auteur français constate, comme son collègue suisse, du

reste, la grande difficulté à délimiter le cadre des accidents

hystériques. Aussi essaie-t-il de caractériser les manifesta-

tions auxquelles on doit appliquer l'épithète d'hystérique. Il

expose et critique avec beaucoup de justesse les propositions

de M. Pitres et les idées connues de M. Bernheim et de M. Ba-

binski : « La conception de M. Bernheim est tout arbitraire

et ne peut être justifiée par aucune raison pathogénique, car

si toute l'hystérie réside dans le paroxysme nerveux créé par

l'émotion pourquoi déclarer que celui-ci sera limité à la crise

convulsive dramatique. L'hémiplégie, la paraplégie, le mu-

tisme, l'amaurose, sont des équivalents de la crise d'origine

émotive.... Je crains que la définition de M. Babinski n'assigne

au domaine de l'hystérie des limites trop étroites. Elle n'est

pas justifiée par une démonstration du trouble psychique

inhérent à l'hystérie. Certes, elle s'accorde avec la généralité

des faits, mais elle ne peut s'appliquer à un certain nombre

d'entre eux ; rejeter de parti pris ces derniers du cadre de

l'hystérie au nom d'une définition qui n'est nullement l'ex-

pression de la nature des troubles qui constituent la névrose,

c'est faire une classification commode pour les besoins de la

nosographie, mais arbitraire ».

L'anatomie pathologique et l'étude de la nutrition chez

les hystériques ne peuvent pas éclairer la physiologie patho-

logique de la névrose. n'y a pas de formule urinaire de l'hys-

térie,mais le microscope peut déceler des lésions organiques

qui resteraient facilement latentes si l'hystérie.amplifiant le

trouble fonctionnel, ne le faisait apparaître d'une manière

éclatante.

\I. Claude passe en revue les théories psychologiques de

l'hystérie (MM. Janet, Grasset, Binswanger, Claparède, Ber-

nheim) et montre combien ces conceptions sont fragiles. Les

théories physiologiques ne donnent pas une meilleure expli-

144 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIlihISTES ET NEUROLOGISTES.

cation. Une définition scientifique de la nature de l'hystérie

ne peut être donnée actuellement. On ne peut que tenter de

grouper les caractères paraissant essentiels pour différencier

les manifestations qualifiées d'hystériques. En se basant sur

l'état constitutionnel et les aptitudes psychiques du sujet on

peut donner de l'hystérie la définition suivante : L'hystérie

peut être considérée comme une diathèse prenant, en général,

son origine dans un état constitutionnel du système nerveux, le

nervosisme caractérisé par un défaut de régulation dans les pro-

cessus réflexes élémentaires. Elle lire son caractère propre de lu

faculté qu'acquiert le sujet d'isoler, d'une façon consciente ou

inconsciente, certaines perceptions ou aperceplions, et de leur

laisser prendre, pendant un temps plus ou moins long, en

dehors de l'activité psychique supérieure, une importance telle

qu'elles exercent une action dynamogénique considérable sur

certaines fonctions, et cela, grâce à la modification primitive des

processus réflexes et aux dépens d'autres perceptions et aper-

ceptions laissées dans l'ombre. R. LFRoy.

Tant que MM. Claude (de Paris) et Schnyder (de Berne)

occupent la tribune, l'assemblée est calme ; mais il n'en sera

pas de même lorsque M. Babinski viendra soutenir ses théo-

ries. Une discussion assez vive s'engage en effet entre lui et

M. Sollier.

La science suisse ne s'est pas montrée inférieure à la science

française, et le co-rapporLcur de M. Claude a su tout aussi

bien que l'agrégé de Paris intéresser l'Assemblée.

Résumé du rapport de M. SCHNYDER.

Tous les efforts tentés jusqu'ici pour faire rentrer les innom-

brables troubles qualifiés d'hystérie dans le cadre d'une entité

morbide ont été infructueux. L'hystérie considérée de la sorte

apparaît comme un protée gigantesque et échappe à toute dé-

finition. M. Bernheim va même jusqu'à revendiquer pour la

crise seule la dénomination d'hystérique.

L'hystérie est la manifestation psycllopaLhologiduc par

excellence, l'expression la plus primiLive la plus ordinaire des

faiblesscs inhérentes à la mentalité humaine. Il n'y a pas de

mentalité hystérique proprement dite. Elle se présente sous

des aspects différents suivant les conditions ethnologiques et

sociales des individus (hystérie infantile, hystérie féminine).

Les états hystériques dérivent par des transitions insen-

sibles de la mentalité ordinaire. La modification hystérique

de la mentalité est constituée par l'exagération et la perver-

sion de réactions psychiques et psycho-psychiques qu'on

rencontre chez l'individu normal, en particulier les réactions

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 145

émotionnelles et les manifestations de la suggestibilité. On

peut retrouver dans la mentalité de l'enfant la base de toutes

les manifestations hystériques et parler d'une hystérie in-

fantile physiologique. Chez l'adulte, l'hystérie est étroitement

liée à certaines conditions psychiques qui représentent, en

somme, une régression de la mentalité vers le type infantile, ca-

ractérisé surtout par un défaut de jugement logique.

L'hystérique se laisse entraîner par ce défaut initial dans

un système d'auto-suggestions qui finissent par troubler pro-

fondément sa personnalité. M. Schnyder montre l'importance

des causes morales pour le développement des états hysté-

riques et considère même l'hystérie comme un mode de réac-

tion anormal de l'individu à l'égard des exigences de la vie.

Ce mode de réaction anormal est souvent la conséquence des

entraves que l'ordre moral et social apporte à l'expression

des tendances naturelles humaines, d'où la fréquence de la

psychonévrose chez la femme.

L'hystérie est avant tout une maladie d'évolution de l'es-

prit humain ; elle représente une brisure dans le développe-

ment de la mentalité. Aussi l'hystérie, dans sa forme pure,

est-elle la maladie des individus jeunes, comme elle est

aussi la maladie de l'enfance de l'humanité. On la rencontre

rarement chez le vieillard dont la mentalité a terminé son

évolution. Elle apparaît dans l'histoire chaque fois que les

opérations de l'esprit humain sont contenues et réprimées par

les lois d'airain de l'ordre établi, dans les périodes qui pré-

cèdent les grandes révolutions morales, sociales et politiques.

Elle n'appartient pas aux périodes de décadence des peuples.

Elle se manifeste chez les individus dont la mentalité repré-

sente un stade primitif dans l'évolution mentale de l'espèce,

ainsi chez l'enfant.

Certaines classes d'individus présentent également une

mentalité qui constitue pour l'hystérie un terrain de culture

favorable. Cette maladie psychique est la réponse ordinaire

aux exigences de la vie chez tous les déracinés et les désen-

chantés qui présentent encore la simplicité des réactions

psychiques de l'enfant.

D'' Terrien (de Nantes).- Je ne veux pas apprécier, dis-

cuter les définitions données par les deux rapporteurs MM.

Claude et Sclmeyder, parce que, je le déclare bien sincère-

ment, je n'ai pu parvenir, malgré tous mes efforts, à les com-

prendre. Elles sont peu claires, ces définitions, elles ne font

qu'embrouiller une question déjà fort embrouillée d'avance.

Je retiendrai dans le rapport de M. Schneyder, mais pour

la critiquei, une phrase qui m'a fort étonné. J'y trouve, en

Archives, 3° série, 1907, t. IL 10

140 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

effet,cette affirmation : la suggestion agit beaucoup plus chez

le neurasthénique que chez l'hystérique et M. Schneyder nous

indique dans quelles proportions : 70 % chez les nelli asthéni-

ques et 43 % seulement chez les hystériques.

Eh bien ! Si je dois m'en rapporter à mon expérience per-

sonnelle, à mon expérience déjà longue, d'autant plus longue,

que le hasard m'a jeté pendant plus de dix an. dans un véri-

table foyer d'hystérie, et, à moins que mes hystériques et

neurasthéniques vendéens et bretons ne ressemblent pas aux

hystériques et neurasthéniques suisses, non seulement' je

dois renverser les proportions, mais je dois aller plus loin et

dire : la suggestion, la persuasion agit peu ou pas dans la neu-

rasthénie, agit beaucoup et presque toujours dans l'hysté-

rie.

D'ailleurs j'étais mieux placé que personne pour apporter

une saine appréciation dans cette question, car je n'avais pas

en face de moi cette hystérie cultivée,éduquée, comme on est

exposé à la rencontrer dans les hôpitaux, dans les grands cen-

tres chez des populations moins primitives que celles au

milieu desquelles j'ai vécu, mais j'avais en face de moi l'hys-

térie « nature ».

Ceux d'entre vous qui ont parcouru le livre que j'ai publié

récemment sur l'hystérie et la neurasthénie des paysans, ont

pu voir avec quelle facilité je supprimais instantanément, par

la persuation, les gros accidents de l'hystérie, ils ont pu égale-

ment remarquer le peu d'efficacité de la suggestion chez mes

neurasthéniques.

J'apporterai donc ici ces mêmes conclusions que je formu-

lais déjà au Congrès de 1900. Car les faits dont j'ai été depuis

le témoin n'ont pu que me confirmer dans ma première ap-

préciation.

La suggestion, la persuasion est le véritable traitement des

accidents de l'hystérie, le seul qui soit réellement efficace tan-

dis qu'elle est presque sans effet dans la neurasthénie.

Je ne veux point m'étendre sur la façon avec laquelle on a

critiqué la définition donnée par mon maître Babinski. Il est

là, il la défendra lui-même, il la défendra mieux que je pour-

rais le faire.Je dirai simplement que c'est à cette définition que

je me rattache, parce qu'elle est la plus claire, la plu : , nette, et

qu'elle répond le mieux à la conception que je me suis faite de

l'hystérie.

Cependant je me séparerai de M. Babinski sur un point im-

portant. Je fui dirai, avec fout le respect que j'ai pour sa hau-

te autorité scientifique, avec fout le respect que j'ai pour son

nom, qui représente une des gloires les moins contestées les

plus sympathiques de la médecine Française, je lui dirai qu'il

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 147

a tort, de ne vouloir accepter comme phénomène hystérique

que le phénomène qu'il a pu provoquer lui-même, par sug-

gestion, où effacer lui-même, par persuasion.

Je lui ferai remarquer qu'il n'a pas vu tous les hystériques

qu'il verra peut-être demain l'hystérique chez qui il pourra

provoquer tel phénomène qu'il nie jusqu'ici, et cela, parce

qu'il n'a pas encore trouvé l'hystérique pouvant le produire

sous son commandement.

Ainsi M. Babinski nie la fièvre hystérique, nie les troubles

vaso-moteurs dans l'hystérie, nie les troubles trophiques dus

à l'hystérie.

Je lui ai cité un cas de fièvre hystérique. Je vous dirai sa

réponse : « le cas est impressionnant, a-t-il écrit, et il entraî-

nerait ma conviction, si j'avais pu provoquer, par suggestion,

un de ces accès ? » Je ne l'ai pas fait, parce que je n'avais pas

le plus léger doute sur la nature de cette fièvre. Si j'avais eu

de l'hésitation, il est probable que j'aurais songé à faire ce que

désirait Babinski.

En quelques mots voici le fait :

Je suis appelé près d'une jeune fille de ferme, qui présentait

de la fièvre. L'état général était satisfaisant, je pensai à la

grippe, et j'allais rédiger l'ordonnance lorsque la mère me dit :

« C'est certainement la lune qui a produit cet accès, comme

elle a produit l'accès du mois dernier, et l'accès d'il y a deux

mois. Voilà trois mois consécutifs, qu'au premier quartier, ma

on..., à la fièvre, pendant deux ou trois jours. »

Vous savez tous, messieurs, l'influence qu'à la campagne

on attribue à la lune, sur l'éclosion de certaines maladies :

convulsions, fièvre, etc.

En entendant ce langage je déchirai vite mon ordonnance,

et me tournant vers la malade, je lui déclarai que je ne lui ins-

tituerais pas aujourd'hui de traitement, je reviendrai le mois

suivant, à la même époque, constater la fièvre, vous voyez

quelle mauvaise psychothérapie je faisais, c'était de la psy-

chothérapie à rebours, cette fois je serai fixé sur la nature de

cette fièvre et je formulerai la médication qui la guérira. »

Le mois suivant, au premier quartier de la lune,je retourne

près de la malade que je trouve au lit et avec la fièvre T° 39.

C'est moi-même qui, par deux fois, ai mis le thermomètre.

Je lui ordonnai aussitôt, à notre malade, des pilules de

Bleu de méthylène, en lui tenant le petit discours d'usage, je

la persuadai que,grâce à ce médicament, et malgré la lune ; la

fièvre ne reparaîtrait plus, et, elle n'a plus reparu.

A quoi attribuer, sinon à l'hystérie, une fièvre qui revient

tous les mois, pendant quatre mois consécutifs, et toujours au

moment du premier quartier ?

14 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIENISTES ET NEUROLOGISTES.

Le premier accès était, sans doute, de nature grippale,

mais par une simple coïncidence, il avait lieu au premier quar-

tier de la lune ; il n'en fallut pas davantage pour que la mère

y vit une relation de cause à effet, pour qu'elle communiquât

son impression à sa fille, et, par un phénomène d'autosugges-

tion, le second accès se produisait,de nature hystérique celui-

là, puis le troisième, celui que j'ai constaté, enfin le quatrième

celui que j'ai peut-être contribué à provoquer.

Quant aux troubles vaso-moteurs dans l'hystérie, j'en ci-

terai un cas type. M. Babinski ne m'adressera pas ici le re-

proche qu'il me faisait au sujet de la fièvre, car, en dehors

des crises spontanées d'asphyxie locale des extrémités, j'ai pu

provoquer, par suggestion, un de ces accès.

Voici le fait. Un jeune homme présentait, deux ou trois fois

par jour, le phénomène de « la main de cadavre » avec le froid,

la paleur du cadavre, les ongles violacés, l'insensibilité du

cadavre. Ces crises duraient trois quarts d'heure à une heure

environ. Désirant présenter le malade à la Société de méde-

cine de Nantes, et craignant qu'au moment de la présenta-

tion, un accès ne se produisit pas, j'ai essayé de provoquer le

phénomène ; j'y suis parvenu. Je dois dire néanmoins, pour

être exact, que je n'ai pas obtenu les ongles violacés du cada-

vre, mais j'avais le froid, la paleur, l'insensibilité du cadavre,

j'obtenais en un mot, la main de cadavre. C'était donc bien

un phénomène hystérique.

Dès lors, puisque l'hystérie peut produire des troubles vaso-

moteurs dans le sens de la vaso-constriction, l'hystérie, il est

rationnel de le penser, pourra produire des troubles vaso-mo-

teurs dans le sens de la vaso-dilatation. Et, si cette vaso-dila-

tation est poussée assez loin, nous pourrons avoir rupture

vasculaire, nous pourrons avoir une hémorrhagie qui sera de

nature hystérique.

Je n'ai pas vu d'hémorrhagie hystérique, mais tout m'in-

dique qu'elles peuvent exister parce qu'elles sont très expli-

cables, nous venons de le voir. '-'

Enfin, je puis présenter un cas assez remarquable de trou-

bles trophiques de la peau chez une hystérique et dus à l'hys-

térie. C'est une malade qui a présenté de nombreuses manifes-

tations hystériques.

C'est d'abord de l'anorexie avec vomissements hystériques,

si incoercibles que le médecin traitant dut substituer à l'ali-

mentation stomachale, inutile et douloureuse, l'alimentation

sous-cutanée, sous la forme de cacodylate de soude, 4 eentigr.

en injections, et l'alimentation rectale, sous la forme du lave-

ment peptonisé.

En dehors de ce phénomène, la malade a été aveugle pen-

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 149

dant 108 jours, mais ce n'était pas de la cécité proprement

dite, la malade ne voyait pas, parce que les yeux demeuraient

absolument clos. Pour -voir, pour se diriger, elle était obligée

de soulever, avec les doigts ses deux paupières qui étaient

complètement paralysées. Il y avait paralysie de la branche

du moteur oculaire commun qui préside aux mouvements

d'élévation de la paupière supérieure et seulement de cette

branche puisqu'il n'existait pas de strabisme, et pas de

modifications pupillaires. La psychothérapie faite, avec un

courant électrique, l'a débarrassée instantanément de cette

paralysie.

Cette malade a présenté des troubles trophiques de la peau

très caractéristiques. Sur divers points du corps, des phlyctè-

nes apparaissaient d'une façon irrégulière, quelques unes at-

teignaient le volume d'un oeuf de poule, et ces troubles de la

peau ont persisté pendant trois mois environ.

J'ai pu provoquer une de ces phlyctènes. Discrètement je

pressais un point circonscrit de la peau, déterminant ainsi de

la rougeur et je disais à la malade : « Ici va se produire une

phlyctène, car je remarque déjà de la rougeur. » La malade,

tourmentée à la pensée qu'une nouvelle phlyctène va appa-

raître, a les yeux constamment fixés sur ce point, et le lende-

main la phlyctène se dessinait, petite d'abord, puis atteignait

les dimensions des phlyctènes spontanées. Je n'en veux pas

dire davantage, j'arrive aux conclusions.

1° Il ne faut pas voir l'hystérie partout, mais il faut la voir

là où elle se trouve. On ne doit pas, comme le fait Babinski,

rayer du cadre de l'hystérie tel phénomène, parce que l'on ne

sera pas parvenu à le provoquer soi-même, par suggestion, ou

effacer soi-même par persuasion.

2° On ne doit pas,comme vient de le dire M. le Professeui

Bernheim, réserver à l'hystérie que les convulsions,n'accepter

que l'hystérie convulsive, s'il en était ainsi, je me trouverais

dans cette situation singulière, moi qui avais conscience d'a-

voir vu tant d'hystériques, tant de paralysies considérées com-

me hystériques, tant d'astasie-abasie, de contractures, d'a-

phonie, de cécité hystériques, que je n'aurais pas vu d'hysté-

riques, ou très peu d'hystériques, puisque l'hystérie à crises

est très rare en Vendée, 3 cas sur 300 environ, voilà la propor-

tion.

3° C'est à la définition de Babinski que je me rattache par-

ce qu'elle est la plus claire, ainsi que je l'ai dit parce qu'elle

s'accorde le mieux avec les faits, et surtout parce qu'elle indi- z

que bien le caractère essentiel véritablement pathognomoni-

que de cette maladie ; l'obéissance à la persuasion.

M. BABINSKI (de Paris). Il n'est pas nécessaire,avant de

150 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

définir l'hystérie, d'en définir le mécanisme. Il faut, avant

tout, délimiter l'objet que l'on se propose d'étudier sous peine

de tomber fatalement dans la confusion, et délimiter un objet

n'est-ce pas le définir ? Cette définition doit être exclusive-

ment basée sur des caractères cliniques.

J'ai pensé qu'il y avait lieu d'établir une classe spéciale

pour des manifestations ayant comme caractères de pouvoir

être reproduites par suggestion, chez certains sujets, avec une

exactitude rigoureuse et d'être susceptibles de disparaître

sous l'influence exclusive de la persuasion.

Il ne suffit pas qu'un trouble se développe sous une in-

fluence psychique, telle qu'une émotion, une tension d'esprit,

pour qu'on soif en droit de l'attribuer à la suggestion. Il faut,

pour cela, que la volonté soit réellement maîtresse des plié-

mènes en question, c'est-à-dire qu'elle soif capable d'en déter-

miner et d'en faire varier à sa guise le siège, la forme, l'inten-

sité et la durée. C'est ce qui a lieu, par exemple, pour les pa-

ralysies, les contractures, les anesthésies, les attaques dites

hystériques. Il ne suffit pas, non plus, qu'un trouble dispa-

raisse à la suite d'une intervention psychothérapique pour

qu'on soit en droit de soutenir que c'est la persuasion qui l'a

fait disparaître. Il faut que la guérison soit immédiate, afin

d'écarter l'influence possible du temps et du repos ; il faut en-

fin se défier de la possibilité des coïncidences.

Ce groupe de manifestations auxquelles j'ai donné l'épi-

thète de pilhialiques (guérissables par persuasion) me semble

bien délimité.

Il est un certain nombre de troubles morbides qu'il est im-

possible de mettre sous la dépendance de l'hystérie. Il est im-

possible de modifier par suggestion l'état des réflexes tendi-

neux, cutanés, pupillaires.

Les troubles circulatoires, les troubles dans les réflexes

vaso-moteurs peuvent, il est vrai, apparaître sous l'influence

d'émotions, mais émotion et suggestion sont choses distinctes

et on s'accorde maintenant généralement pour reconnaître

que la suggestion expérimentale ne peut les produire par ses

propres forces.

En admettant que des oedèmes aient pu naître et dispa-

raître sous l'influence de fortes émotions, ce caractère ne les

assimilerait nullement aux phénomènes pithiatiques.

1 J'en dirai autant des hémorragies cutanées, des hémopty-

sies, des hématémèses, du méloena, des hématuries, de l'albu-

minurie, de l'anurie, de la fièvre. Ces divers phénomènes, qui

d'ailleurs ne sont pas tous assimilables les uns aux autres)

constituent, un deuxième groupe qu'il y a lieu d'opposer au

premier groupe, Celui des phénomènes pithiatiques.

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 151

Les phénomènes du premier groupe sont-ils indépendants

des phénomènes du deuxième groupe ou y a-t-il un lien entre

eux ' ? . , --

M. Claude, d'accord avec M. Raymond, croit avoir trouvé

ce lien dans une « modification plus ou moins durable du ré-

gime des réflexes cérébraux » qui, suivant qu'ils seraient inhi-

bés ou excités, pourraient engendrer des accidents apparte-

nant aux deux groupes.

Mais pour les raisons que j'ai énoncées au début, on ne

peut trouver là un caractère de délimitation.

En résumé, les troubles du premier groupe, que j'appelle

pithiatiques, se distinguent des troubles du second groupe et

aucun fait clinique ne permet de rattacher ces deux groupes

l'un à l'autre. Si l'on veuf conserver le mot hystérie, qu'il vau-

drait peut-être mieux abandonner, car étymologiquement il

ne répond nullement à l'objet qu'il désigne, il doit s'appliquer

exclusivement au premier groupe.

Je crois donc pouvoir dire que la définition de l'hystérie

que j'ai donnée est fondée sur l'observation et la critique des

faits, qu'elle ne constitue en rien, comme certains l'ont dit,

une pétition de principe et que ce n'est pas arbitrairement

que j'ai retracé le champ de l'hystérie.

M. CLAPAIIÈDE (de Genève). Il me semble que nous ne

pourrons avoir une vue d'ensemble des manifestations de

l'hystérie que si nous nous élevons un peu au-dessus des faits

bruts, de l'atmosphère purement clinique, afin de les envi-

sager non seulement au point de vue psychologique, comme

l'a fait M. Janet, mais encore au point de vue de la biologie

en général. Il ne faut pas oublier, en effet, que l'organisme est

l'aboutissant d'une longue série de formations et que nous ne

pouvons le comprendre que si nous le comparons à celles-ci.

On peut concevoir les manifestations hystériques de deux

façons : ou bien comme des phénomènes morbides nouveaux,

de néoformation, ou bien comme l'exagération de phéno-

mènes physiologiques normaux. C'est à cette seconde ma-

nière de voir que l'on paraît se rallier. M. Bernheim a insisté

fout à l'heure sur le fait que la plupart des troubles dits hys-

tériques se rencontrent sous une forme plus ou moins atté-

nuée chez tout le monde, par exemple lors des manifestations

émotives. Notre collègue et quelques auteurs avec lui

considère les réactions hystériques comme des réactions nor-

males exagérées. Mais quelles sont ces réactions ? Quel est

leur caractère commun ? Leur nature ? Quelle ost leur signi-

fication biologique ? C'est ce que personne n'a envisagé

aussi je me permets de vous soumettre l'idée suivante :

Les réactions hystériques sont des réactions ayant la signi·

152 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

fication de réactions de défense ou des phénomènes symboli-

sant une défense. Mais ce sont, pour la plupart, des réactions

qui ne sont plus usitées chez l'individu normal qu'à l'état ru-

dimentaire ; quelques-unes d'entre elles ne sont peut-être que

la réviviscence de réactions ancestrales dont l'utilité biolo-

gique ne se laisse saisir que chez les animaux qui les pratiquent.

Le propre de l'hystérie apparaît comme une anomalie

(constitutionnelle ou acquise, ce point est à trancher) du

système nerveux caractérisée par une tendance à l'exagé-

ration de l'activité réactionnelle de défense. L'influence bien-

faisante de la psychothérapie et de la confiance, qui agissent

principalement en relâchant les réflexes de défense des ma-

lades, s'expliqueraient facilement avec l'hypothèse ci-dessus.

Il est natmellement possible que le déséquilibré mental

produit par ces troubles (primaires) de réaction inhibitive

engendre des symptômes secondaires qui n'aient, eux, rien à

faire avec des réactions de défense.

M. Bon (Rome) a fait une enquête dans tous les hôpitaux

de Paris pour savoir 1° si les chefs de service pourraient lui

montrer des hystériques présentant des troubles trophiques

et vaso-moteurs tels qu'oedème, phlycthène, hémorragie,

fièvre ; 2° quelle était l'opinion de chacun d'eux sur la nature

hystérique de ces troubles. Il résulte de ces recherches que,

dans aucun service, on a pu lui montrer un cas de ce génie, et

que tous les spécialistes de la peau, à l'exception du prof.

Gaucher, ne croient à la nature hystérique de pareils troubles.

M. Sollier (de Boulogne-slr-Seine). - Ce qui cause la

confusion actuelle sur la question de l'hystérie, c'est l'intro-

duction dans son étude des conceptions philosophiques,

psychologiques, morales et même métaphysiques. Il nous

faut rester sur le terrain anatomique et physiologique, si nous

ne voulons pas tomber dans des discussions scolastiques sur

des mots que nous sommes incapables de définir, comme

conscience, idée, image, représentation, etc. Tout le monde

semble s'accorder à reconnaître, cependant, que pour faire

des accidents hystériques il faut un terrain spécial. Ce terrain

peut être constitutionnel ou acquis. Acquis, c'est l'ébranle-

ment nerveux, choc physique ou moral, c'est l'émotion

ou encore les arrêts de fonctions qui les déterminent. C'est

donc une question de résistance du système nerveux d'abord,

qui permet à certaines réactions de se produire, réactions qui

sont peut-être plus intenses, mais non différentes de ce qui se

produit à l'état normal. Seulement il s'y ajoute quelque chose

et c'est ce quelque chose qui constitue l'état hystérique. C'est

qu'une fois produit il a tendance à persister (idée ou accident

somatique), Cet état ainsi fixé amène, suivant le degré de l'ac-

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 153

tivité cérébrale auquel il correspond, les différents symptô-

mes de l'hystérie selon les régions du cerveau atteintes.

L'hystérie présente -en effet des manifestations motrices,

sensitives, vasomotrices, viscérales et psychiques et ces der-

nières n'ont pas plus d'importance que les premières. Toutes

sont au même titre fonctions de l'activité cérébrale. J'ai con-

sidéré comme une sorte de sommeil d'inhibition, d'engour-

dissement peu importe le mot cet état hystérique es-

sentiellement caractérisé par de l'amoindrissement de l'ac-

tivité cérébrale, en ajoutant que cet état a une tendance à

res'er le même une fois produit, au lieu que le système ner-

veux revienne à son activité normale.

Pour le démontrer je ni- suis adressé à l'expérimentation

et j'ai procédé, par des excitai ions psychiques, motrices, ou

sensitives surtout, au réveil des fonctions enrayées. A la suite

de ces excitations qu'on varie suivant les cas, suivant la pré-

dominance de telles ou telles manifestations hystériques, les

troubles disparaissent en général très rapidement.

L'hystérie n'est donc pas une entité morbide. C'est un

mode spécial de réagir du système nerveux et particulière-

ment de l'écorce cérébrale, qui a tendance à rester fixé dans

les états de moindre activité où il se trouve amené par diffé-

rentes causes, physiques ou morales.

. J.-J. Rousseau jugé par .) ! . Régis.

Un congrès de médecins aliénistes ne pouvait se réunir à

Genève sans parler de J-J. Rousseau. A maintes reprises,nous

avons publié dans le Progrès des articles sur la médecine his-

torique et plusieurs fois nous avons souhaité de voir se mul-

tiplier ces études sur l'histoire au point de vue médical. En

cela d'ailleurs, nous le reconnaissons volontiers,. nous ne fai-

sons que prêcher les idées émises depuis longtemps par les

Cabanes. Witkowsky, Villardet autres ? l. Régis, dont tout le

monde sait la vivacité curieuse de l'esprit, vient d'ajouter

une nouvelle page au travail qu'il a entrepris sur J.-J. Rous-

seau dont il a mervcilleusementjugéle caractère,jetant ainsi,

par la recherche des causes, un jour tout nouveau sur les

actes et les écrits du grand philosophe.

Je me représente très bien le Prof. Régis débarquant à la

gare de Genève et oubliant bagages, congrès et famille,courant

à la recherche de ses amis de la société Jean-Jacques, les ren-

contrant et passant avec eux une nuit de débauche, débauche

de souvenirs, débauche dont profitèrent le lendemain les

membres du Congrès.

On ne peut vraiment juger un homme qu'à condition d'a-

voir le plus d'éléments pour formuler son opinion sur lui.

154 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

Pour juger un contemporain, c'est tout d'abord sur son allure

physique, sa tenue,son veston ou son nez que l'on établit ses

idées. Après, quelquefois, mais pour ce faire, on passe pour

un esprit à fois taquin et profond,on recherche ce qu'il a fait,

quelles sont ses idées,quelleest son intelligence.L'ourunhom-

me du passé on fait tout le contraire, on le juge sur ses écrits

ses actes et on oublie de le juger sur sa personne. Dans les deux

cas, le médecin, particulièrement le médecin psychologue,

vient combler cette lacune. Pour le contemporain, il passe

superficiellement sur le veston pour approfondir l'esprit, et

pour l'autre, il n'insiste pas sur les fruits de l'intelligence et

décrit, avec la netteté que'lui permet la patine du temps, l'al-

lure physique et physiologique de l'homme des siècles pas-

sés. Dans les deux cas il fait oeuvre d'historien et de savant.

Je crois que l'on comprendra ainsi toutl'intérêt de l'originale

communication de M. Régis sur J.-J. Rousseau dont nous

reproduisons, malheureusement trop résumées,les idées prin-

cipales. M.B.

Après avoir parlé des antécédents héréditaires de Rousseau,

\I. Régis insiste sur l'état neurasthénique constitutionnel dont

Rousseau a souffert toute sa vie et auquel s'associait un assez

fort degré d'artério- sclérose. Voilà son état pathologique fon-

damental. Mais il y a eu autre chose. Rousseau a eu des pha-

ses délirantes avec idées de persécution. Il n'a jamais eu d'hal-

Iucination.Dans les dernières années de sa vie (phase présénile,

il arrive à une période moins aiguë, moins intense avec quel-

que chose de tranquille et de resséréné. comme ' le récit d'un

vieillard qui évoquerait dans un lointain adouci les dramati-

ques événements de sa vie d'autrefois.

C'est la période où il écrit son dernier ouvrage : les «Rêve-

ries d'un promeneur solitaire ». Il avait à ce moment G4 ans

(deux ans avant sa mort).

L'affaiblissement lent de l'intelligence chez Rousseau n'a

pas été bien signalé, mais il est certain. L'auteur de

l'Emile était bien trop pénétrant analyste et trop bon

observateur de lui-même pour s'y tromper, et il a noté les

premiers signes de sa décadence intellectuelle en termes

d'une précision et d'une justesse admirables. Il n'est pas pos-

sible de dépeindre mieux que dans ses dernières lettres et

dans ses « Rêveries » le début de la décadence intellectuelle

avec ses doux caractères fondamentaux : la faiblesse de trans-

formation des sensations en idées ; le rétrécissement du

champ cérébral.

L'affaiblissement mental existait donc déjà à un certain de-

gré chez Rousseau sur la fin de ses jours. Il est présumable

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 155

que si l'ictus dont il est mort n'avait brusquement coupé

court à cette décadence commençante, il fût tombé, par

degrés, dans la démence par ramollissement lent des artério-

scléreux.

Le trouble psychopathique de J.-J. Rousseau n'est donc en

rien, comms on le voit, incompatible avec l'existence d'une

artério-sclérose neurasthénique ; il vient même la confirmer.

On s'est demandé si l'affection mentale de Rousseau était

curable. Cette affection, mélancolie à délire de persécution,

greffée sur une artério-scléroscncl1rasthéniquc, était suscep-

tible de se modifier de façon relative sous la double in-

fluence du traitement moral (repos d'esprit, éloignemen'.

du monde, renoncement à tout, que Jean-Jacques s'est si ju-

dicieusement imposé à lui-même) et du traitement physique,

à la fois antitoxique et vasculaire. 11 est certain qu'une telle

thérapeutique eût pu amender notablement l'ensemble des

symptômes morbides. ,

Nous citerons en outre les communications qui ont été fai-

Les dans,les séances des 3,4 et 5 août,de M. ARNAUD (de Van-

nes) Psychasténie et délire : Dupré et Camus, les coenesthopa-

ihies, Prof.MAHAiM : A propos de 1'aphasiel3ovJOUR(Lausanne;

Diagnostic différentiel des crises épileptiques'et des crises hysté-

riques. Mlle Dr RouBixown-cH (New-York) fait deux communi-

cations très intéressantes sur la pression sanguine dans les

états épileptiques et sur les moyens de rappeler à la vie les ani-

maux électrocutés.

51. le Dr Long (Genève; fait défiler en projections une

nombreuse série de coupes d'une moelle épinière pour ser-

vir de contribution à l'étude analomo-clinique du tabès dorsa-

lis.

le D1' Long et Nicki (Genève) présentent en projections

d'intéressantes photographies et coupes d'un cas d'agénésie

cérébrale par transformation kystique d'un cerveau pendant la

vie intra-utérine.

M. le Dr ANGLADE(Vaucluse) parle de la méniiigo-corticalite dif-

fuse dans la paralysie générale. M. Courtellemont (d'Amiens) :

Paraplégie spasmodique familiale. P. Bernheim : Concep-

tion du tabès. M. RETIENNE (Nancy) : Les cellules des cornes

antérieures dans les arthropathies nerveuses.- Ataxie oculo-

motrice d'origine labyrinthique dans le tabès. Ecchymoses

spontanées zoniformes. M. RoYET (Lyon) : Neurasthénie et

maladies du rhino-pharynx. Mule ROUBINOWITCH : La genèse du

génie. MM. RAYNEAU et Nouet : Délire chronique de grossesse

chez une débile. M\1. ,INrHDaar,cE et Roger-Mignot : Néphrite

canttaridienne et délire toxi-alcooliquc tardif.

156 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGIS 1 ES,

Trois cas d'hypothermie d'origine nerveuse.

MM. L. Marchand et M. Olivier. A côté des hyper-

thermies dues à des lésions du système nerveux, il y a lieu

de décrire des hypothermies. Contrairement aux hyperther-

mies, qui sont généralement en rapport avec des lésions ai-

guës encéphaliques, les hypothermies sont en rapport avec

des lésions cérébrales à évolution lente, et sont un signe

précurseur d'un dénouement fatal. Elles s'observent fré-

quemment chez les paralytiques généraux et chez les déments

dont l'affection cérébrale a suivi un cours régulier et lentement

progressif. Les auteurs rapportent les trois cas suivants :

1° Obs. : Début de la paralysie générale à 54 ans, hémipa-

résie droite. Démence. Idées de richesse et de satisfaction.

Inégalité pupillaire. Crises d'excitation. Mort à l'âge de 57 ans.

La température rectale est tombée la veille de la mort à 28° ;

elle s'est abaissée progressivement pour tomber au moment

de la mort à 23°. L'examen des urines n'a décelé ni sucre, ni

albumine. A l'autopsie, lésions classiques de la paralysie gé-

nérale. Pas de lésions du foie, de la rate et des reins.

2° Obs. : Début de la paralysie générale à 35 ans. Troubles

du caractère et de la mémoire. Léger ptosis double. Embar-

ras de la parole et inégalité pupillaire. Crises d'agitation. Dé-

mence progressive. Hallucinations visuelles. Ni albumine ni

sucre dans les urines. Mort à 40 ans. La température rectale

est tombée trois jours avant la mort à 29°, pour s'abaisser pro-

gressivement à 28°5 au moment de la mort. A l'autopsie,

lésions de méningo-encéphalite diffuse subaiguë. Pas de

lésions microscopiques des reins et du foie.

3° Obs. : Développement intellectuel tardif. Caractère or-

gueilleux. Premier internement en 1884, à l'âge de 35 ans;

deuxième internement en 1886 ; troisième internement en

1887 ; quatrième internement en 1892. Idées de grandeur et

idées de persécution. Violences. Deux ictus en 1902 troisième

ictus en 1904 ; quatrième ictus en 1905. Démence et idées de

grandeur absurdes. Cinquième ictus en 1906. Pas de sucre,

pas d'albumine dans les urines. Mort à 57 ans. Du 18 au 24

mai 1906, époque du décès, la température rectale est tombée

progressivement de 36° à 30°7. Autopsie : méningite chro-

nique et sclérose de la couche moléculaire du cortex ; athéro-

matie cérébrale et nombreux foyers lacunaires. Pas de lésions

microscopiques du foie, des reins, de la rate. Emphysème

pulmonaire. Athérome de l'aorte, sclérose de la glande

thyroïde.

D'après les auteurs, ces hypothermies sont d'origine ner-

CONGRÈS DES MEDECINS ALIENISTES ET NEUROLOGISTES. 131

veuse. Les urines des sujets ne contenaient aucune substance

pathologique ; dans un seul cas, elles renfermaient des traces

d'indol. Les examens histologiques n'ont révélé aucune lé-

sion appréciable des principaux organes thoraciques et ab-

dominaux.

La paralysie générale progressive et la folie alcoolique en Grèce.

M. YANNiris (d'Athènes) présente un résumé d'une étude

statistique sur la paralysie générale et la folie alcoolique en

Grèce. De ce travail résultent les conclusions suivantes :

1° La paralysie générale est assez fréquente en Grèce (15-

20 %). 2° La paralysie générale est très rarement observée

chez la femme en Grèce, car parmi les 380 paralytiques géné-

raux, 19 9 seulement étaient des femmes ; 3° La paralysie gé-

nérale est dans 75 % des cas de nature syphilitique ;

Les conclusions sur l'étude de la folie alcoolique sont : 1° La

folie alcoolique est très rare en Grèce, 4,11 % ; elle compte

83 cas, dont 3 femmes seulement, sur un total de 2.000 alié-

nés ; 2° La rareté de la folie alcoolique en Grèce doit être attri-

buée à la bonne qualité des boissons alcooliques ; 3° La folie

alcoolique est très rarement rencontrée chez la femme en

Grèce ; 4° La proportion de la folie alcoolique chez la popu-

lation hellénique de l'Empire ottoman est beaucoup plus éle-

vée, 15 % (asile des aliénés helléniques de Constantinople), ce

doit être attribué au grand usage de la boisson connue sous le

nom de « raki » et à l'usage des alcools provenant ordinaire-

ment des substances amylacées ; 5° La paralysie générale de

nature alcoolique est très rare en Grèce.

A propos de la syphilis cérébrale diffuse.

M. Ch. Ladame (asile de Saint-Pirminsberg). - La

syphilis cérébrale diffuse appartient au groupe des formes

vasculaires de la lues cerebralis. Ses lésions sont diffuses et

d'intensité variable ; elles se portent principalement sur les

petits vaisseaux et les capillaires de l'écorce. Certains symp-

tômes cliniques et certains faits anatomiques la font distin-

guer de la paralysie générale avec laquelle on peut la confon-

dre. Les symptômes cliniques principaux de la syphilis céré-

brale diffuse sont : a) S. somatiques : Rigidité pupillaire à l'ac-

tion de la lumière, irrégularité du contour, anisocorie, réac-

tion paradoxale. Exagération des réflexes musculo-tendineux

anesthésies ou hyperesthésies. Parésies et paralysies de loca-

lisation variée, agraphie, aphasie, etc. Pas de paralysie pro-

gressive, marche lente, par poussées. Attaques apoplectiques

avec séquelles.

b) S. psychiques : Affaiblissement intellectuel plus ou

158 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

moins accentué, partiel et stationnaire, n'atteignant pas les

fonctions de la vie de relation.

Le malade conserve des notions très suffisantes de sa per-

sonne ; l'orientation dans le temps et le lieu est bonne. Le

malade n'acquiert pas des notions nouvelles, mais le stock

des connaissances acquises reste stationnaire. Les fonctions

supérieures (l'intellect, etc.) sont très réduites.

Les lésions anatomiques sont : a) macroscopiques : Leptu-

méningite chronique, atrophie cérébrale, parfois plus mar-

quée au niveau de certaines circonvolutions. L'ependyme

ventriculaire présente souvent du chagrincmenl. Pas de lé-

sions en foyer. b) microscopiques : Artérite et phlébite obli-

térante. Obturation des petits vaisseaux et des capillaires par

des thrombus hyalins. Dégénérescence hyaline des parois des

artères de petit calibre. Hémorragies capillaires. Infiltration

des gaines lymphatiques des petits vaisseaux de l'écorce des

lymphocytes, des plasmazellen. Envahissement des subs-

tances grise et blanche par les éléments sus-mentionnés et

par les cellules en bâtonnets. Hyperplasie névroglique dissé-

minée. Atrophie des fibrilles nerveuses. Dégénérescence, neu-

ronophagie et destruction des cellules ganglionnaires.

La syphilis cérébrale diffuse se distingue essentiellement

sinon toujours aisément de la paralysie générale par les carac-

tères suivants : 1. Les attaques apoplectiques avec résidus.

2. Les symptômes en foyer à localisation variée. 3. La marche

de la maladie qui procède par poussées et reste enfin station-

naire. 4. La réduction des facultés intellectuelles et non leur

anéantissement. 5. La conservation des notions de la person-

nalité, de l'orientation, etc. 6. Les lésions vasculaires inflam-

matoires oblitérantes des artérioles et veinules de l'écorce. 7.

L'infiltration accentuée des substances grise et blanche. 8.

L'efficacité du traitement spécifique.

Abolition des illusions du goût par l'emploi local de l'acide

gymnémique.

MM. les Drs 1\1. 13ELLGTRUD et E. Mercier. L'acide

gymnémique, principe de la Gymnemu slaestrls, est

doué de la remarquable propriété de déterminer, lorsqu'on

en frotte la langue, une aguslie complète pour le sucre

et l'amer. Les auteurs ont recherché, chez plusieurs malades

présentant des illusions du goût, quel était l'effet du

badigeonnage de la langue à l'aide d'une solution de cette

substance. Ils ont obtenu dans plusieurs cas une dispari-

tion momentanée des illusions, et les malades ont mangé

avec appétit des aliments qu'ils rejetaient habituellement

avec dégoût. -

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 159

Effets des rayons X sur la moelle et le cerveau après laminec-

tomie et craniectomie chez le chien.

MM. SicARD et Bauer. Après avoir, chez le chien, mis à

nu le cerveau sur une étendue de 2 centimètres carrés, ou la

moelle sur une largeur de 2 centimètres environ et suturé en-

suite les plans musculaires et cutanés, nom avons fait agir

localement les rayons X en séances répétées et prolongées. Les

rayons étaient dosés et projetés directement à travers la fe-

nêtre d'une lame de plomb destinée à préserver l'animal des

irradiations locales.

Or nous n'avons jamais observé d'accidents nerveux im-

putables à des lésions médullaires ou cérébrales. Quand l'ani-

mal succombe, la mort est imputable à des escarres cutanées

de radiodermite et à des infections consécutives. On est donc

autorisé, nous semble-t-il, à user de ce traitement chez l'hom-

me, au cas de néoplasies cérébrales ou médullaires, traitées

opératoirement et récidivantes ou insuffisamment extirpées.

Laroentgénisation pourra être pratiquée à travers la brèche

osseuse, à seule charge pour le radiothérapeute de ne pas pro-

voquer de troubles trophiques de la peau, l'ectoderme ner-

veux, dans des conditions expérimentales (au-dessous des

plans~cutanés et musculaires) paraissant moins sensible que

l'ectoderme cutané à l'action des rayons X.

Certains éléments diagnostiques et pronostiques de la méningite

cérébro-spinale tirée de l'examen du liquide cépltalo-raclti-

disert.

MAI. Sicard et Descomps. - La coloration d'apparence

laiteuse du liquide céphalo-rachidien permet d'éliminer avec

certitude le diagnostic de méningite tuberculeuse. Cette co-

loration se rencontre, au contraire, avec une certaine fré-

quence au cours de la méningite cérébro-spinale. C'est d'une

teinte pseudo-lactescente qu'il s'agit, due à la désagrégation

des globules blancs, puisque la centrifugation suffit à préci-

piter au fond du tube ces éléments et à éclaircir le liquide sus-

jacent. -

Au point de vue pronostique, on doit tenir compte des

signes suivants qui militent en faveur de la guérison pro-

chaine et qui sont basés sui l'examen en séries du liquide

céphalo-rachidien : substitution transitoire de polynucléai-

res avariés ; entrée en scène des cellules endothéliales et de

mononucléaires petits ou moyens ; diminution de l'albumine

et retour progressif au taux b. ¡cosurique normal, 50 centi-

grammes à 60 centigrammes de glycosurique rapporté au

litre de liquide céphalo-rachidien.

100 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

Conception du tabès.

\

M. Bernheim (de Nancy). Le tabès dans sa symptoma-

tologie ne peut être uniquement conditionné par la lésion des

cordons postérieurs ou par celle des nerfs périphériques. Le

tabes est une affection générale toxi-infectieuse. Les arthro-

pathies, les troubles trophiques cutanés, les crises gastriques

' etc., sont sous la dépendance d'une imprégnation directe :

c'est mi virus toxique encore inconnu qui intervient à côté de

la syphilis dans le déterminisme de cette affection.

M. L. LÉvi. - J'ai grande tendance, comme des exemples

cliniques m'en ont fOL rni la preuve, à m3 ranger à l'opinion de

M. Bernheim.

M. Thomas. L'anatomie pathologique peut nous expli-

quer par les seules lésions du système nerveux la symptoma-

tologie si variable de l'affection tabétique. Il faut tenir compte

de la phase irritative des racines qui succède au stade dégé-

nératif. Il faut également songer à la possibilité d'une régé-

nération possible des fibres nerveuses.

M. CRocQ (Bruxelles) remercie M. le prof. Bernheim de son

intéressante communication et le félicite d'avoir renouvelé

l'aspect d'une question qui semblait classée. Il croit aussi que

l'infection joue un grand rôle et il regrette que le mercure ne

donne aucun résultat dans le tabès ou même soit nuisible, de

l'aveu de tous les neurologistes.

M. A. Charpentier (Paris) proteste contre cette double

assertion du distingué président, à savoir que tous les neuro-

logistes repoussent le traitement mercuriel dans le tabes et

aussi que ce traitement est inefficace ou nuisible. Il rappelle

que Erb, en Allemagne,due Babinski et lui-même traitent les

tabétiques par le mercure et obtiennent d'excellents résultats.

Il ne faut pas s'attendre à voir des résurrections dans les cas

avancés, alors que les lésions destructives sont nombreuses et

indélébiles, mais dans les cas pris au début, chez les malades

présentant le signe d'Argyll uni ou bilatéral, avec ou sans

l'abolition des réflexes et quelques douleurs' fulgurantes, les

injections de calomel répétées aussi longtemps que possible

arrivent à améliorer plusieurs symptômes, les douleurs no-

tamment et à entraver certainement la marche de la maladie.

Et c'est d'ailleurs parce que, depuis les campagnes médicales

et extra-médicales contre la syphilis, cette affection est mieux

et plus longtemps soignée qu'on voit moins de tabétiques

incoordonnés, de ces grands malades incapables de se tenir,

même assis et, davantage de cas de Labes frustes et dont beau-

coup restent frustes avec le traitement spécifique. il n'en est

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. ICI

pas de même dans la paralysie générale où le traitement mer-

curiel est, en effet, inefficace.

M. Dsa>Jttlrr. (Paris). Pour sa part, l'auteur ne croit pas

à l'action du traitement mercuriel dans le tabes. Il pense de

plus qu'il y a tout autant d'ataxiques incoordonnés qu'autre-

fois, mais que l'on diagnostique aujourd'hui le tabès plus-tôt

et que c'est pourquoi il y a plus de tabès frustes. Il donne ce-

pendant le traitement mercuriel à ses tabétiques, plutôt par

acquit de conscience que par conviction. Il pense même,

comme M. Crocq, que le mercure, joignant une intoxication

à la maladie peut être nuisible dans le tabès.

M. Duphé (Paris) pense que le traitement mercuriel est

inutile dans le tabcs et nuisible certainement dans la para-

lysie générale.

M. minou (Moscou) représente au tableau par un schéma

les périodes de syphilis simple chez les malades et celles de

syphilis tabétique. Il donne du mercure naturellement dans

la première période, mais il tâte le terrain dans la seconde,

dans le tabès où le mercure peut être dangereux. Il ne soigne

pas le tabès, mais il soigne des tabétiques.

Un cas d'agénésie cérébrale par transformation kystique du cer-

veau pendant la vie intra-utérine.

MM. LONG et WiKi (de Genève). A l'autopsie d'un en-

fant né à terme et ayant survécu deux ans, en présentant un

état de contracture permanente des membres et du tronc,

nous avons trouvé un cerveau avec sa forme conservée, mais

des circonvolutions mal développées par des scissures et des

sillons peu profonds. L'écorce cérébrale n'est en effet qu'une

mince membrane recouvrant des poches multiples commu-

niquant entre elles. Les cavités ventriculaires sont cependant

indépendantes de ces cavités kystiques qui ne peuvent être

que le résultat d'une résorption de la substance cérébrale

sous-corticale à la suite d'un processus inflammatoire de la

vie intra-utérine.

Les coupes sériées montrent les mêmes lésions que dans les

agénésies ordinaires. Les régions conservées : noyaux de la

base, isthme de l'encéphale, bulbe et moelle, ont développé

leurs fibres qui ont leur place normale, mais tout le système

des fibres de projection fait défaut, il n'y a pas de fibres des-

cendantes dans la capsule interne et la voie pyramidale

manque totalement. On retrouve, par contre, dans les régions

thalamiques moyenne et supérieure les fibres thalamo-cor-

ticales étudiées dans des cas comparables par M. et 1\11110 Dé-

jerine.

Archives, 3' série, 1907, l. II. 11

102 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

Epilepsie expérimentale.

M"0 Raumovrrctt (de New-York). Je me suis occupée

beaucoup d'épilepsie expérimentale et ai pu me convaincre

que, lors des convulsions toniques, le ccivcau présentait un

aspect rosâtre, tandis qu'au cours de la période clonique,

l'écorce cérébrale avait une coloration rougeâtre.

J'ai étudié un point intéressant de l'histoire des électro-

cutions expérimentales. Il est possible de ramener à la vie les

animaux électrocutés par l'application ultérieure non de cou-

rants induits, mais de courants alternatifs : les faits de labo-

ratoire peuvent avoir en clinique humaine une sanction pra-

tique.

llyosclérose atrophique et rétractile des vieillards.

MM. Dupré et RIBIERRE (de Pari'). Nous proposons de

donner ce nom, qui synthétise les grands caractères anatomo-

cliniques de l'affection, à la maladie entrevue par M. Hayon

et récemment décrite par MM. Lc,)Otttte et Lhermitte sous le

nom de paraplégie par rétraction des vieillards. Dans le cas

que nous avons observé il existait une amyotrophie relrac-

tile, à peu près diffuse, qui donnait à la malade, une femme de

quatre-vingts ans, l'attitude d'une momie péruvienne : l'al-

tération des muscles cervicaux et scapulaircs déterminait un

opisthotonos permanent. Il n'existait pas de paralysie véri-

table et aucun signe ne permettait de rapporter l'affection à

une lésion cérébrale médullaire ou névritique.

Tubes ataxo-spasmodique sans lésions des cordons latéraux ; ta-

bes dorsalis avec faibles altérations des racines postérieures.

M. Long (de Genève). - A l'autopsie d'un homme mort à

soixante-trois ans et tabétique depuis l'âge de quarante-huit

ans, dont les réflexes rotuliens n'ont disparu qu'à la fin de la

maladie, j'ai constaté l'absence de sclérose des cordons laté-

raux, mais la moelle, atrophiée dans les régions dorsale et

lombaire supérieure, était le siège de lésions vasculaires dis-

séminées. Ce malade qui a eu avant le début de son tabès une

syphilide tertiaire a dû, par le fait de ses lésions vasculaires.

subir une dystrophie médullaire dont le résultat a été l'exa-

gération des réflexes.

Ce cas était, en outre, remarquable par la faible intensité

des altérations des racines postérieures dans la région lombo-

sacrée.

J'ai constaté la même particularité chez un homme devenu

tabétique à soixante-cinq ans (chancre à vingt-deux ans) avec

ataxie très nette des membres supérieurs et inférieurs, aboli-

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 163

tion des réflexes rotuliens, troubles viscéraux et signe d'Ar-

gyll-Robertson. Ici encore les racines postérieures de la moelle

étaient très peu altérées.

Ces faits donnent à penser que dans le tabès dorsalis les lé-

sions périphériques, dont l'existence est bien connue à pré-

sent, peuvent avoir parfois une plus grande importance que

les lésions radiculaires. " z

Nouvelles recherches sur l'histologie fine des ganglions et des

racines postérieures dans le tabès.

MM. MARINESCO et J. 1-11Nr- : L (de Bucarest). -Nous venons

d'examiner les ganglions spinaux et les racines postérieures

dans 5 nouveaux cas de tabès simple ou associé à la paralysie

générale. ,

On remarque, en général, un rapport inverse entre le nom-

bre des fibres dégénérées et celui des fibres de nouvelle forma-

tion à l'intérieur du ganglion et du nerf radiculaire interne.

Dans les ganglions sacrés, où le processus tabétique est plus

ancien,on constate que les fibres épaisses ont disparu en grande

partie, et qu'à leur place il s'est formé un nombre considé-

rable de fibres fines, disposées en faisceaux et séparées par des

cellules apotrophiques. Ces fibres finissent par une massue ter-

minale, soit à l'intéiieur du ganglion, soit dans le nerf radicu-

laire ; on les tiouve exceptionnellement dans les racines pos-

térieures, et quelques-unes offrent une marche rétrograde.

Avant d'arriver au faisceau nerveux, les fibres de nouvelle

formai ion affectent les dispositions les plus variables. Soit à

cause des obstacles mécaniques, soit que la source des forces

chimiotactiques se trouve à différentes distances nous les

voyons décrire des détours et donner naissance à des images

les plus singulières : elles constituent des plexus ganglionnai-

res des pelotons et des plexus interstitiels, des enroulements

sur place ; elles donnent aussi des ramifications collatérales

pouvant se ramifier à eur tour en Y. Les lésions dégénérati-

ves consistent dans la présence de renflements moniliformes

sui tout le trajet de la branche centrale jusqu'à l'intérieur du

ganglion, renflements dus à l'accumulation de substances in-

terfibrillaires e1 dans l'axolyse lésions qu'on rencontre égale-

ment dans le bout périphérique des nerfs sectionnés. Néan-

moins le processus tabétique ne peut pas être comparé aux

phénomène, qui ;c passent dans un nerf .ccüonné ou com-

primé car d'une part il existe dans l'iiitérieui du ganglion

des fibres en état de dégénérescence et plus lard régénérées

telles qu'on n'en voit pas dans le bout central des nerfs sec-

tionnés et d'autre part les fibres de nouvelle formation dans

104 CONGRÈS DES MEDECINS ALIENISTES ET NEUROLOGISTES.

les racines postérieures n'anivent jamais à leur maturité et

gardent toujours le caractère des fibres embryonnaires.

Ceci tend à prouver que la cause première de la dégénéres-

cence 1 abétiquc consiste dans l'intoxication de la branche

centrale des racines postérieures, qui empêche les fibres de

nouvelle formation d'arriver à leur dernier degré de dévelop-

pement.

La méningo-cérébellite dans la paralysie générale. : .\11\I. ANGLADE et LATRIiILLR (de Bordeaux). Si le cer-

velet a été si peu étudié dans la paralysie générale, cela tient à

l'insuffisance de nos connaissances sur l'anatomic et la phy-

siologie de cet organe.

La cellule de Purkinje a été bien vue, mais nous pouvons

dire que les descriptions de la charpente névroglique sont

toutes inexactes.

D'une manière générale, le réseau névroglique est, dans le

cervelet, fort peu dense et les plus faibles exagérations patho-

logiques sont très aisément reconnaissabbles.

C'est ainsi que la couche moléculaire, tapissée à l'état nor-

mal par quelques fibrilles à peine visibles, se recouvre d'un

réseau progressivement plus dense qui envoie des fibres, d'une

part, à la méninge pour réaliser la symphyse méningo-cor-

ticale, d'autre part, vers les couches profondes de l'écorce

cérébelleuse.

Pour ne parler que de cette localisation du processus, nous

pouvons dire qu'elle s'offre sous un aspect absolument carac-

téristique. Le cervelet sénile présente seul quelques ressem-

blances avec le cervelet du paralytique ; mais la méningo-ror-

ticalite y est absente.

Le cervelet se prête admirablement aux constatations ana-

tomo-pathologiques. Dans la paralysie générale, les lésions

du système nerveux s'y schématisent et s'y éclairent.

On peut, d'ores et déjà, dire qu'on y trouve la preuve que

la paralysie générale est bien, avant tout, une méningo-corti-

calite interstitielle. (A suivre.)

Hôpital départemental d'aliénés DE Sainte-Gemmes

(Maine-et-Loire.) Une place d'interne en médecine à l'asile

d'aliénés de Sl-Gemmes-sur-Loire, près Angers, se trouve vacante.

Les étudiants en médecine désirant occuper celte fonction sont

invités à adresser immédiatement, leur demande au directeur

médecin en chef de l'établissement. Les internes reçoivent un

traitement annuel de 700 lianes. Ils ont droit en outre aux

avantage en nature : Logement, nourriture, chauffage-éclairage.

SOCIETES SAVANTES

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE. '

Séance du 6 juin 1907.

Présidence DE OI..T. J. Babinski.

Myopathie atrophique progressive ou myotonie améliorée par

l'opothérapie hypophysaire.

MM. Léopold-Levi et H. DE Rothschild présentent l'obser-

vation d'une enfant atteinte de troubles musculaires de nature et

d'origine discutables,mais qui ont été améliorés par le traitement

par l'hypophyse ; d'après leurs observations précédentes et celles

analogues de M1\L Delille et 'incent; ils pensent que l'hypophyse

joue un rôle sur la trophicité et sur le fonctionnement muscu-

laires.

OEdème chronique unilatéral.

Ml4f.' KI.IrrEI, et Monier-Vinard présentent l'observation

d'une malade atteinte d'un oedème progressif de la moitié droite

du corps, accentué au membre supérieur,différent des infiltrations

séreuses banales et accompagné d'hémiparesthésie. ·

Discussion par MM. Babinski, Pierre Marie, CLAUDE, RaY-

MOND, Souques et Klippel.

Tabes avec arthropathie vertébrale.

MM. P. LEJONNE et GOUGEROT présentent un malade tabétique

avéré atteint d'une arthropathie vertébrale qui semble imputable

au seul tabes.

Gangrène symétrique.

1\lM. RAnroND et GOUGE ROT présentent un malade atteint de

gangrène symétrique des extrémités ayant nécessité des interven-

tions chirurgicales.

Double parésie des extenseurs de l'avant-bras chez un enfant dégénéré

débile, catatonique.

M. ARMAND DELILLE présente un sujet dont les membres ont

l'attitude de la double paralysie radiale. S'agit-il d'un certain de-

gré d'agénésie des cellules radiculaires des groupes correspondants

ou bien y a-t-il un rapport entre ce symptôme et l'arriération in-

tellectuelle du sujet ? Discussion par MM. Dupré etDuFoUR,

166 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Un cas de névrite ascendante.

M. AYN.auD présente une malade du service de \I. Déjérine, à

la Salpêtrière, atteinte de cette affection assez rare.

Ataxie des muscles oculo-moleurs et paralysies oculaires dans un cas

de tabès juvénile.

lII,CANTONNET,présente un malade qui présente comme points

d'un intérêt capital : l'hérédité syphilitique et tabétique, la pré-

sence au complet des signes du tabes, la paralysie des deux mus-

cles oculo-moteurs, enfin l'ataxie des oculo-moteurs sans ataxie

locomotrice.

Les lésions radiculo-ganglionnaires du zona.

M. André Thomas lit un travail du laboratoire de M. Déjérine : \ la Salpêtrière; c'est l'examen histologique d'un cas de zona tho-

racique, suivi d'autopsie.

Contribution à l'étude du phénomène des orteils.

M. Noïca (de Bucarest) apporte une observation clinique à l'ap-

pui de son opinion émise antérieurement que le signe de Babinski

est un réflexe cutané. dont l'arc est formé par la 5e racine lombaire

et le centre réflexe par le 5e segment médullaire lombaire.

Danger des injections d'alcool dans les nerfs sciatiques au cours des

névralgies sciatiques.

1\11\1. DnIssAuD, Sicard et TANON n'ont pas obtenu par l'in-

jection d'alcool dans ces cas les résultats satisfaisants vantés par

Schlosser,de Munich ; c'est que sans doute ce dernier faisait des in-

jections extra-tronculaires qui peuvent avoir un certain effet thé-

rapeutique ; au contraire les injections intra-tronculaires ont une

action destructive déjà constatée par les auteurs.

Séance du 4 juillet 1907.

Présidence DE M. Babinski

Syndrome de 73enedickt.

Ltvi et P¡';CIIIN présentent un malade atteint d'hémiparé-

sie gauche intéressant la face et les membres,d'hémi-LremhlemenL L

surtout marqué dans les mouvements volontaires et de paralysie

totale de la 3e paire droite avec parésie dissociée de la 3e paire gau-

che ; lésion vraisemblablement unique intéressant la 3° paire droi-

te et le pédoncule cérébral et empiétant sur la 3e paire gauche. Le

tremblement est-il ici de l'asynergie cérébelleuse, par lésion du pé-

doncule ? En tout cas l'affection est progressive, peut être de nature

bacillaire,

Forme osléo-hypei-li-ophique de l'artltropathie tabétique

Communication de MM. Klippel et IONIER-VINAI\D.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 167

11 émiata.rie et hémiathétose t1'aWnatiqles.

MM. Dupiié et Lemaire présentent un individu atteint, à la

suite d'une blessure par balle de revolver, d'un syndrome hémia-

taxique-et hémiathétosique à gauche; c'est d'ailleurs un déséqui-

libré constitutionnel. ·

7ye;))te/ ! 0;'ee post-hémiplégique alterne.

MM. Dupré et Léger présentent un vieillard hémiplégique

avec hémichorée du côté opposé et absence de troubles sensitifs

du côté choréique.

Syringomyélie avec phénomènes bulbaires et troubles trophiques

intenses.

MM. Raymond et LE.TONNE ' présentent' un syringomyélique

avec phénomènes bulbaires constituant un syndrome de Jackson

et des troubles trophiques caractérisés par sclérose, arthropathie

scapulaire et chiromégalie droite.

Paralysie alterne associée à un syndrome spasmodique dû

probablement à une lésion du faisceau géniculé.

MM. H. CLAUSE et LEJONNE présentent la malade; ils pensent à

une irritation du faisceau géniculé au niveau de la région sous-op-

tique ou du pédoncule cérébral.

. Spasmes et parésie dans le territoire du facial.

M. Thomas présente deux malades qui ont cette association de

spasme et de parésie.

Présentation d'un aphasique sensoriel, ancien professeur de

musique.

M. Henry Lui présente ce malade qui joue, lit.copie et com-

pose la musique ; mais sa composition est sans suite, et sans unité - ·

par suite de sa perte de mémoire.

Hystérie et troubles trophiques ; simulation.

MM. BRISSAUD et Sicard communiquent les observations de

deux hystériques avec manifestations trophiques simulées (pem-

phigus, et oedème).

Suggestion et hystérie.

M. BAmNSxc présente une malade chez qui l'excitation de la

plante du pied provoque le phénomène de chair de poule sur un

territoire limité; il ajoute, propos du réflexe cutané plantaire que,

quand il n'est pas net.on peut par excitation du bord externe du

pied, produire un écartement du gros orteil, signe d'atteinte du

faisceau pyramidal, comme le réflexe classique.

Réaction hémioptique de Wernicke.

M. Dupuys-DuTEMPS montre une acrumégalique chez qui la

168 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pupille ne réagit pas par l'éclairement de la moitié anesthésiée de

la rétine ; M. Déjérine a vu cette réaction très nette dans un cas

de lésion calcarine.

Anatomie pathologique de l'hystérie.

M. CLAUDE a trouvé dans deux cas des lésions d'épaississement

méningé et d'atrophie médullaire localisée ; il ajoute à propos de

l'hystérie qu'il n'a pas constaté les formules urologiques décrites

précédemment.

Radiculite lombaire (névrite crurale radiculaire).

1\11\L. JEANSELME et SÉZARY présentent un malade souffrant

apparemment de névrite crurale, mais avec des troubles spéciaux

montrant qu'il s'agit d'une radiculite, améliorée d'ailleurs par le

traitement mercuriel.

Tabes avec atrophie musculaire des deux membres supérieurs.

MM. F. RAYMOND et H. Rendu présentent l'observation de la

malade tabétique chez qui l'amyotrophie semble due à une mé-

ningo-myélite confirmée par la ponction lombaire.

Deux cas de sclérose latérale amyotrophique à début tardif.

MM. Rossi et Roussy présentent deux cas.

La méthode psycho-analytique et les « abwehr-psychoseni) de Freud.

MM. SCHMIERGELD et PROVOTELE concluent que les idées de

Freud contiennent une part de vérité, mais qu'il a eu tort de géné-

raliser sa conception de l'origine sexuelle de ces psychoses; qu'en

tout cas,la méthode a l'avantage d'éclairer l'état mental du mala-

de et exerce sur la maladie une influence thérapeutique.

Un cas de syringomyélie avec chiromégalie suivi d'autopsie.

Communication de M. LnEnwTTE.

Deux cas d'arthrite réflexe d'origine nasale.

Cas communiqués par M. BONNIER qui ont guéri l'un par le

traitement du coryza, l'autre par une cautérisation du cornet ; cas

à rapprocher de l'asthme des foins et de certaines dysménorrhées.

J. ROLET.

Asile d'aliénés DE SAINTE-CATIIERINE A YZEURE, prés

)IOULINS.-Une place d'interne est vacante à cet asile. Lescondi-

tions pour être admis sont les suivantes : 1° Envoi d'une demande

au médecin-directeur ; 2° Certificat de scolarité constatant 10 ins-

crisptions au moins ; 3° Certificat de bonnes vie et moeurs. 11 sera

de plus tenu compte, dans une large mesure, pour la nomination,

.de toutes les références qui pourraient être produites.

S'adresser à )1. le médecin-directeur M. )lonestier.

BIBLIOGRAPHIE

IL L'écorce cérébrale ; par le Dl Ch. Bonne, médecin-adjoint

des asiles publics d'aliénés ; ire partie : développement, mor-

phologie et connexions des cellules nerveuses (tome II, fascicule

6, de la Revue générale d'Histologie, publiée sous la direction de

Renaut et Regaud, de Lyon); 1 vol. de 293 pages, avec 72 fig.

dans le texte ; chez A. Storck, Paris, 1907.

- Ce fascicule est exclusivement consacré au développement et

à la morphologie des cellules nerveuses du pallium ; un prochain

fascicule traitera de la cytologie (neuro-fibrilles, corps de Nissl,

centrosomes, etc.), des variations régionales et des fibres myélini-

ques.Le chapitre premier (développement) est divisé en deux arti-

cles, dans le but de séparer les données encore incertaines de la

neurhistogenèse générale, de celles, mieux assises, quoiqu'incom-

plètesencore,qui concernent spécialement l'édification du cortex.

Le chapitre II traite de la morphologie et des connexions des cel-

lules ; il comporte 3 articles : 1° leur étude analytique et strati-

graphique ; 2° leurs connexions ; 3° quelques notions d'histologie

comparée. '

A chaque description anatomique sont annexés la discussion

des théories histophysiologiques et quelques aperçus physiologi-

ques et psychologiques.Les figures empruntées aux mémoires cités

sont schématisées ou groupées en dessins d'ensemble, pour rap-

procher des descriptions ou des opinions contraires ; quelques des-

sins originaux y sont joints, destinés à attirer l'attention sur des

détails peu connus ou discutés. Enfin l'index bibliographique qui

termine l'ouvrage est minutieusement établi en plusieurs parties

se rapportant chacune aux divers chapitres ou articles.

Il faudrait une plume plus autorisée que la nôtre pour donner

l'analyse d'un travail aussi consciencieux que celui de notre dis-

tingué confrère Ch. Bonne. Aussi bien, les histologistes, auxquels

il est destiné, sauront-ils l'apprécier. Mais nous avons tenu à tenter

d'en signaler l'esprit dans cette Revue, comme d'une mise au point

scrupuleuse et tout à fait actuelle, dont le besoin se faisait sentir

en France, et comme d'une critique essentiellement claire et auto-

risée.

Dans le premier chapitre, avons-nous déjà dit, l'auteur a eu

soin de séparer l'histogenèse générale de l'histogenèse propre du

cortex ; les questions soulevées dans chacune sont en effet très

distinctes et malheureusement, pour la plupart, encore irrésolues.

La neurhistogenèse a été profondément bouleversée dans ces

170 BIBLIOGRAPHIE.

dernières années : d'après l'opinion ancienne et la plus répandue,

chaque cellule et ses prolongements dérivent d'un seul élément

primordial (neuroblaste).

Cette manière de voir, justifiée dès les premiers mémoires de His

fut confirmée par les recherches de Cajal (1890), Lenhossek, Koel-

liker, Van Gehuchten (méthode de Golgi, mammifères), de Ramon

(batraciens) etc... La deuxième opinion, dérivée d'une observation

de Balfour, et soutenue par Apathy, Nissl, etc., admet la con-

tribution de plusieurs éléments à la formation de ce que l'on con-

sidère comme représentant la cellule et ses prolongements. Mais la

deuxième opinion ne fait qu'expliquer et compléter la première,

ou bien s'appuie sur des faits encore incertains.

C'est donc d'après les travaux qui ont servi de base aux concep-

tions anciennes que l'auteur va étudier : l°le stade épithélial (mul-

tiplication active, à caractère épithélial, puis transformation en

spongioblastes, éléments de soutien) ; 2° le stade neuro-épithélial

(les descendants des cellules se différencient et deviennent des

cellules nerveuses ou névrogliques); 3° la filiation ontogénique et

phylogénique des espèces cellulaires ; 4° les théories récentes et

encore discutées (participation d'éléments de nature diverse à la

formation d'une seule cellule).

Ces données primitives servent de guide à l'auteur dans l'étude

de la stratification dûe au myélosponge.importante pour la corres-

pondance ou l'équivalence des diverses stratifications qui se succè-

dent au cours du développement ; pour la filiation et l'évolution

des éléments libres : C. germinatives, C. indifférentes, neuroblas-

tes, C. névrogliques de deuxième venue. Le problème est rendu

difficile par ce fait que les différenciations se font à des stades

très inégalement distants du début du développement, suivant

les espèces considérées. Il y a ainsi un nombre plus ou moins

grand de formes intermédiaires à l'élément primitif et au neuro-

blaste vrai. En général, la différenciation est d'autant plus lente

que l'animal est plus élévé et le segment à forme plus complexe.

L'auteur accorde une place importante à l'examen de la question

des genèses tardives,et de celle de la valeur des caryocinèses obser-

vées dans les centres et notamment dans l'écorce, au cours de la

réparation des plaies expérimentales aseptiques. L'opinion clas-

sique est que les éléments déjà différencies, précocement ou tar-

divement, sont incapables de subir la division mitotique ; cepen-

dant cette possibilité a été admise par Valenza qui rencontra dans

le lobe électrique de la torpille, à un stade postérieur à la diffé-

renciation des neuroblastes, des neuroblastes à deux noyaux ;

mais elle est niée par plusieurs auteurs récents, qui ont étudié

l'histogenèse chez le foetus et le nouveau-né et la réparation des

pertes de substance. .

Les phénomènes mitotiquos cessent, pour dans l'ordre

BIBLIOGRAPHIE. 171

suivant : bulbe, moelle, cerveau intermédiaire, corps strié, cer-

veau moyen, parois des hémisphères, et toujours au moment de la

naissance. Mais on observe encore la caryocinèse pendant les pre-

miers jours de la vie (numérations de Hamilton) dans la substance

grise, chez le foetus et le nouveau-né, et aussi dans la substance

blanche. D'ailleurs, pour Hamilton, ce ne sont pas des C. germina-

tives proprement dites ; il y a des différences morphologiques.

Mais quoique déjà différenciées, elles ne sont pas complètement

formées. On n'a jamais vu les C. nerveuses se diviser ; mais on peut

faire l'hypothèse d'un mode de multiplication propre aux der-

niers stades de développement.

On ne rencontre jamais de C. nerveuses jeunes dans les organes

centraux chez l'adulte. Il peut y avoir des C. à différenciation tar-

dive, indifférentes (Schaper),mais elles ne donnent naissance qu'à

des C. névrogliques. On pourrait, grâce à elles, expliquer les proli-

férations névrogliques (gliomes) ou consécutives aux lésions en

foyer. Les auteurs qui ont tenté d'élucider la question en étudiant

les phénomènes histologiques de la réparation des plaies du cortex

(Lévi,1896) concluent que les C. nerveuses pleinement différenciées

ne peuvent se diviser ; les cinèses rencontrées ont un caractère

atypique et abortif. Il est d'ailleurs une foule d'arguments en fa-

veurde cette conclusion.

Enfin, dans la dornière partie de ce premier article, l'auteur se

contente d'énumérer les principales théories histogénétiques ré-

centes, qui supposent la participation de plusieurs éléments d'ori-

gines diverses à la constitution de la C. nerveuse. Elles ne différent

de l'ancienne théorie que dans la description des stades intermé-

diaires.

L'article II traite du développement du cortex en particulier.

Les documents étant encore très incomplets, l'auteur a dû les grou-

peren trois périodes caractérisées chacune par le processus histogé-

nétique prédominant : 1° Période de préparation (les deux premiers

mois, avant la migration centrifuge des neuroblastes qui vont for-

mer la couche corticale ; multiplication des cellules ; déblaiement

des voies) ; 2° Période de différenciation, jusqu'à la moitié de la

vie intra-utérine ; la couche corticale se différencie des couches in-

ternes plus voisines de l'épendyme ; 3° Période de stratification (2e

moitié de la vie foetale et 2 premiers mois de la vie extra-utérine) ;

les cellules du cortex deviennent adultes et constituent des cou-

ches différenciées. A chaque période sont rattachées, en des para-

graphes distincts, l'embryologie comparée et l'étude de certaines

questions encore neuves et très controversées. Ainsi, en se basant

sur le développement, l'auteur détaille les homologies stratigraphi-

ques du cortex et de la moelle, la substance blanche de celle-ci

étant représentée dans le cortex par la couche zonale, homologie

quo confirmera au chap. II l'étude détaillée de cotte couche chez

172 BIBLIOGRAPHIE.

l'adulte. Il examine également la question du changement de direc-

tion des neuroblastes pendant leur migration ; question encore dis-

cutée, les uns admettant la rotation pour les seules cellules dont

l'axone est dirigé en dehors, les autres, au contraire, pour toutes

les cellules, sauf celles-ci. Il semble qu'il faille s'en tenir en tous cas

à l'opinion classique, qui considère le prolongement nerveux

comme le premier formé. L'auteur a eu soin de matérialiser ces

questions par des schémas, où il met en présence les opinions

opposées.

Le chapitre II est consacré tout d'abord à l'étude des cellules de

chaque couche d'après les données des méthodes de Golgi et d'Ehr-

lich, c'est-à-dire des méthodes qui donnent, l'une exclusivement,

l'autre surtout, la forme des cellules et de leurs prolongements.

éléments nécessaires, sinon suffisants, à la connaissance de leurs

rapports réciproques. Il ne faut pas oublier, en effet, que toutes les

fibres nerveuses, toutes les cellules nerveuses de l'écorce, ne con-

tiennent pas des neurofibrilles, lesquelles ont du moins échappé

jusqu'ici à l'imprégnation ; tels sont les grains.

De plus, on ne connaît pas encore définitivement la disposition

des neurofibrilles terminales à la périphérie des cytosomes (corps

de la cellule) et des dendrites ; ou plutôt, ce qu'on sait, tend à

faire penser, comme le dit l'auteur, que la disposition n'est pas

quelconque, qu'il n'y a pas réseau diffus au sens de Golgi. Il faut

donc tenir compte des dispositifs révélés par le chromate d'ar-

gent, de la silhouette des cellules, pour ainsi dire.

L'étude de chaque couche est précédée de considérations sur la

nomenclature et sur les types nouveaux introduits ces derniers

temps : cellules névrogliformes, bipenicillées, etc. L'auteur rem-

place les termes défectueux de cellules à cylindraxe court et à cy-

lindraxe long, par ceux de cellules à neurite corticicole et à neurite

corticifuge. Avant les connexions, d'après les données exposées

dans l'art. le' sont étudiées d'abord les fibres corticipètes de pro-

jection, puis d'association, puis les fibres autochtomes ; puis, les

connexions des cellules à neurite corticifuge ; à ce sujet, est exa-

minée la question du sens de la conduction dans les axones, den-

draxones, dendrites, etc ? encore discutée. Enfin, l'auteur exa-

mine la façon dont les voies corticipètes se raccordent aux voies

corticifuges grâce aux collatérales et aux cellules à court axone ;

puis, les hypothèses émises sur la marche du courant principal et

des courants dérivés,et sur le rôle des cellules à neurite corticicole.

Il réserve pour le fascicule suivant (chap. III) la critique de« l'ami-

boïsme » et de ce qui s'y rattache. Quelques chiffres ayant trait au

nombre, au volume et au poids total des cellules nerveuses du cor-

tex terminent l'article ; mais leur peu d'importance actuelle per-

met encore de les négliger.

L'article III et dernier contient un rapide aperçu d'anatomie

VARIA. 173

comparée; cet aperçu sert à illustrer par des exemples tirés de la

cytogénèse, certaines notions acquises par l'étude du cortex de

l'homme et des animaux supérieurs ; par exemple, le balancement

entre le centre ovale et la couche zonale, la différenciation pro-

gressive des cellules à neurite corticifuge, etc. Quelle que soit l'at-

tention apportée à leur confection, dit l'auteur, des revues de ce

genre ne sauraient dispenser toujours de recourir aux originaux.

Aussi comme tous les fascicules parus, de la Revue générale d'Histo-

logie, celui-ci se termine-t-il par un index bibliographique rigou-

reusement établi par ordre chronologique,et divisé en deux parties

se rapportant chacune à un chapitre de l'ouvrage. Les citations les

plus importantes sont accompagnées d'une rapide analyse, desti-

née à mettre en lumière l'idée principale. E. COULOIYJOU.

VARIA

UN enfant qui promet. A l'âge de treize ans il a commis cinq

vols, a tenté un déraillement et a assassiné un laitier.

Un enfant de treize ans, Jean-Marie Lacrouts-Borie, dit l'Au-

rore du 10 août, vient de comparaître devant la cour d'assises des

Basses-Pyrénées, sous l'accusation d'assassinat. Un laitier, nom-

mé Lanusse-Majoureau, âgé de soixante-sept ans, avait installé it

Saint-Macourbe une échalassière.à quelque distance de la fontaine

publique. Le 6 mai au soir, des voisins entendirent une violente

détonation et le lendemain trouvèrent dans un sentier le cadavre

du laitier. Le gilet de Lanusse avait été déboutonné ; sa montre

avait disparu, mais son porte-monnaie n'avait pas été dérobé.

Les soupçons se portèrent sur le jeune Lacroust-Borie, qui, le

matin du crime,avait envoyé son frère acheter un sou de capsules

et s'était servi du fusil piston de son père pour commettre le

crime. Le coup de feu avait été tiré de bas en haut, particularité

qu'explique la différence de taille entre l'accusé et sa victime. La-

croust-Borie, malgré son jeune âge, a déjà cinq vols, sur la cons-

cience et a comparu devant le tribunal correctionnel de Pau pour

tentative de déraillement. L'accusé nie tout avec une incroyable

audace. Le jury l'a déclaré coupable, mais parce que le meurtrier

a agi sans dicernement. il l'a acquitté et envoyé dans une colonie

pénitentiaire jusqu'à sa majorité.

Il est probable qu'il s'agit là d'un enfant malade dont la vraie

place serait dans un asile-école d'où la nécessité de tels établis-

sements départementaux, ou interdépartementaux à cause des

174 VARIA

dépenses, mais il y a matière à un asile de 2 ou 300 malades

dans chaque établissement.

UN rapport d'experts aliénistes.

Le prévenu Thirion est-il un t'eu ? Cette question posée aux mé-

decins aliénistes les plus éminents a reçu des solutions contra-

dictoires. D'après les uns, Thirion est totalement irresponsable ;

d'après les autres. Thirion a la responsabilité de ses actes.

Poursuivi devant la onzième chamhre correctionnelle sous l'in-

culpation de vol d'une malle, Thirion, qui a déjà subi une quin-

zaine de condamnations, et qui, une quinzaine de fois également

a été interné dans des maisons de santé,fut condamné à six mois

d'emprisonnement.

Sur appel, l'affaire revint, y a quelques mois, devant la cham-

bre des appels correctionnels, présidée par M. Saint-Aubin. A l

la demande de M.Marx, l'avocat du prévenu, la cour ordonna un

nouvel examen qui fut confié à MM. les docteurs Vallon, .loffruv

et Séglas. A l'audience d'hier, lecture a été donnée des conclu-

sions, ainsi conçues, du rapport des experts :

« Nous avons montré ce qu'est Thirion. Costaux magistrats

qu'il appartient définitivement de prendre les mesures qu'ils ju-

geront les plus efficaces pour présetver la société de ses méfaits

toujours renouvelés.

M. le président Saint-Aubin a souligné d'une observation iro-

nique ces conclusions : « Il est, dit, impossible de se sous-

« traire plus scientifiquement à des conclusions. «Après réquisi-

toire de M. l'avocat général Fernand Rome et plaidoirie de M.

Marx, la cour a prononcé l'acquittement de Thirion. (Le Jour-

nal, 15 août.)

S'il est exact queïhiriona été interné une quinzaine fois, il en

résulte qu'il a été l'objet d'au moins 45 certificats de médecins

le considérant comme aliéné. Chaque internement a dû compor-

tercertificat de l'infirmerie du' dépôt certificat immédiat

du bureau d'admission. - certificat de quinzaine et, comme il

est probable qu'il a été transféré dans d'autres asiles, il y a en-

core eu d'autres certificats. L'énumération de ces certificats, l'in-

dication de leurs auteurs seraient intéressantes à connaître.

La folie DU croque-mort

Léon (tuit, porteur aux pompes funèbres, donnait, depuis

quelques semaines des signes de dérangement cérébral. Hier soir,

comme il venait de se mettre à table, dans sun logement, rue

bouvet, il fut pris d'une crise de folie furieuse et, se précipitant

sur sa femme, se disposa à l'étrangler.

Aux cris d'effroi poussés par cette dernière, des voisins accou-

rurent, mais leur vue mit le comble à l'exaspération du forcené.

VARIA. 175

S'emparant d'une lam pc allumée, il la lança contre les rideaux,

qui s'enflammèrent. On réussit às'empal'el' du fou, au moyen

d'un noeud-coulant, et afin de le maîtriser définitivement, on

le ligota solidement. A l'aide de seaux d'eau, le commence-

ment d'incendie fut ensuite éteint. Léon lluolt a été dirigé sur

l'infirmerie spéciale du dépôt. (Petit Parisien, 16 août.)

Ce fait justifie une fois de plus l'opinion des médecins qui re-

commandent le placement des aliénés dès le dé butde leur alié-

nation. Que de malheurs seraient évités si on suivait leur avis,

si l'on ouvrait largement les portes des asiles, si on y entrait

aussi facilement que dans un hôpital. Le spectre des séquestra-

fions arbitraires fait que les administrations, y compris celle de.

la police, dressent des obstacles aux entrées des aliénés au lieu

de les faciliter. Admissions faciles, examen par le magistrat

seul- ou assisté d'un expert, dans les 24 heures qui suivent l'ad-

mission. Telle est la solution vraie, à notre avis.

Nécessité DE l'assistance des IDIOTS

Deux soldats, Faure et Beladier, du 16e de ligne, en garnison à

Montbrison, ont maltraité et violenté une pauvre idiote. Ils ont

été mis en cellule. (Liberté, du 25 août.) .

Si la municipalité avait fait son devoir, c'est-à-dire hospitalisé

et traité cette idiote, il n'y aurait pas eu de viol et peut-être

crainte d'une grossesse et d'un enfant assister outre la mère.

Mise EN liberté d'une aliénée homicide.

Clermont (Oise). MlleMaxencc Amelot,qui en mai 1893, tua

à coups de de revolver l'abbé Paul do Gro;lie, ancien officier de

marine, professeur à l'Institut catholique de la rue de Vaugirard,

vient d'être libérée. L'examen médical ayant conclu à l'irrespon-

sabilité de la meurtrière, celle-ci ne comparut pas devant la

cour d'assises et fut internée à Sainte-Anne puis à Clermont. La

malade ne présentant plus aucun danger pour la sécurité publi-

que, le docteur Boiteux, médecin de ce dernier établissement, a

signé son exeat. Mlle Amelot est aujourd'hui âgée de 60 ans. Elle

a fixé sa résidence à Beauvais. (L'Aurore, 19 août 1907.)

Nous citons ce fait parce(lu'il s'agit d'une aliénée dite crimi-

nelle et que, en pareil cas. l'Administration et la magistrature

mettent généralement des entraves à la sortie de ce genre de

malades.

Suicide d'un ADOLESCENT. - Un enfant de quinze ans, qui

était apprenti mécanicien dans une usine à Trappes, près Mon-

ligny-le-Bretonneux et demeurant -liez ses parents, les époux

Paty, établis marchands de vin, a été trouvé pendu hier matin

dans un grenier. Les motifs de cet acte de désespoir demeurent

une énigme.

FAITS DIVERS

Asiles D'ALIÉNÉS. - Mouvement d'août 1907. - ))'' lino-

quère, médecin de l'Asile d'Evreux, est nommé médecin en chef

de t'Asile d'aliénés de Montdevergne (Vaucluse) en remplacement

de M. le Dr PICHENOT, admis sur sa demande à faire valoir ses

droits à la retraite et nommé médecin en chef honoraire des

asiles publics d'aliénés. M. le D* LALLEMANT, Directeur méde-

cin de d'asile d'aliénés de (. ! uatre-)lares (Seine- Inférieure) est

nommé Directeur médecin de l'asile des aliénés de Saint- Yon

(S-.Inférieure) en remplacement de M. le 1)'' lIISAUD, admis,

sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite et nommé

Dilecteur-médecin chef honoraire des asiles publics d'aliénés.

1. le Dr Uamel, Directeur-médecin à l'asile d'aliénés d'Auxerre.

est nommé Directeur-médecin de l'asile d'aliénés de Qualre-Mares

(S- -Inférieure) en remplacement de ;\1, le Dr Lallemant.

M. le Dr DINDE, médecin-adjoint à l'asile de Rennes, est nommé

Directeur-médecin de l'asile d'Auxerre, en remplacement de M.

le Dr Hamel.

Révolte dans un asile d'aliénés. - A D(lllenl0l·a (Etat

de New-York), dans l'asile de fous criminels, 300 pensionnaires

ont attaqué les gardiens, qui durent faire usage de leurs armes,

tuant un de leurs assaillants et en blessant plusieurs. (La liberté,

2't août.) .

Nécessité de l'hospitalisation des ÉPILEPTIQUES. - Chute

mortelle. Louis-.lean-Baptiste, charretier, demeurant 22, rue de

l'Evangile, passait hier soir vers sept heures rue Saint-Denis. Il

était sur le siège de sa charrette. Tout-à-coup une crise d'épilep-

sie le lit tomber du siège sur le sol. Dans sa chute il se fractura

le crâne et ne tarda pas à expirer.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

TIIIYET -Rapport médical sur le service de la division des hommes.

Imprimerie Daix et Thiron, il Clermont (Oise).

BOIT4UX. - Rapport médical sur le service de la division des femmes de

Clermont, pour l'année 1906. ClcrntonL-tlo-l'Oisc, imprimerie Daix

frères et Thiron.

SI7AI(ET. - Rapport médical de l'asile d'aliénés de Rennes, pour

l'année 1900. Hennés, 1907. 01)ei-Lliui-.

RoyEit (M.). De l'absolue nécessité de l'assistance des enfants

anormaux et de,ses résultats au point de vue social. In-18 de IY-152

pages avec-11 lig. et une planche hors texte, prix 8 fr.- Pour nous

abonnés, 4 fr. Librairie du Progrès Médical et Jacquier, éditeur,

rue IIaulefeuille, 11.

Le rédacteur-gérant : 130U121VEVILLE.

Clermont (Oise). Imprimerie Daix frères et Thiron.

Vol. II. 3e Série. Septembre 1907. N° 9

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE

Les auras visuelles des épileptiques ; i

Par

A. IIODIET F. CANS

médecin adjoint interne

de l'Asile de Clermont. de l'Asile de Mon tdevergues.

L'aura est l'ensemble des phénomènes du début de

l'accès. Suivant que ces phénomènes sont moteurs, sensi-

tifs, sensoriels ou intellectuels, Delasiauve (1) a divisé les

auras en motrices, sensitives, sensorielles ou intellectuel-

les. C'est ainsi que, du côté des yeux, on observera un

clignotement convulsif, lors d'une aura motrice, ou une

impressionnabilité douloureuse à la lumière, si c'est une

aura sensorielle.

Certains auteurs ont étudié cette question des trou-

bles oculaires précurseurs de l'accès épileptique. Ainsi

que Delasiauve l'a fait pour les autres signes prodro-

miqucs de l'attaque, on peut diviser les manifestations

oculaires qui se produisent à ce moment en : symptômes

prodromiques éloignés, et symptômes prodromiques im-

médiats, Mais cette division adoptée par Pichon dans son

travail (2) nous paraît toute conventionnelle en ce qui

concerne les signes visuels, car les troubles prodromiques

immédiats font partie de l'attaque elle-même. Pour nous,

troubles prodromiques, veut dire toute manifestation

oculaire précédant l'attaque dans l'intervalle compris

(1) DELASIAUVE. Traité de l'épilepsie, 1851. 1.

( : 1 Pichon. De l'épilepsie dans ses rapports avec les fonctions vi-

stielles. Thèse de Paris, 1885.

Archives, 3' série, 1907, L. II. 12

178 clinique nerveuse.

entre une demi-heure avant l'accès et le moment où le

malade entre en crise ou subit son vertige.

On a signalé, pendant cette période, des paralysies di-

verses et passagères des muscles de l'aeil. Knies et Rach-

man, cités, dans la thèse d'agrégation de Robin (1) au-

raient observé des troubles de l'accommodation. Despa-

gnet (2) rapporte le cas d'une malade atteinte de lour-

deur des paupières avec tension oculaire, puis photopsie

et enfin amblyopie progressive se terminant par une cé-

cité complète durant quelques secondes. Ainsi que le fait

remarquer Pichon, à propos de cette observation, il s'a-

git très probablement du vertige épileptique lui-même

ainsi décrit, d'autant plus que le malade n'est jamais

tombé à la suite de ses troubles visuels.

Du reste, à cause de l'obnubilation intellectuelle, le

malade étant sous le coup d'un ictus cérébral, dont le

trouble visuel est pour ainsi dire la première manifesta-

tion, l'examen est très délicat. Cependant, en tenant

compte non pas seulement des réponses du sujet, mais

encore du jeu de sa physionomie et de ses exclamations,

on arrive à se faire une notion exacte des manifestations,

du côté des yeux, qui précèdent la crise.

Féré (3) a insisté sur la fréquence des manifestations

oculaires qui peuvent annoncer l'attaque. Le seul signe

qui signale parfois Une aura motrice est un clignotement

convulsif plus ou moins rapide des paupières ou encore du

nystagmus spasmodique ; certaines auras sensitives se

manifestent par du larmoiement, des picotements du côté

des yeux.

Les auras sensorielles les plus fréquentes sont celles de

la vue. On note parfois l'anesthésie plus ou moins com-

plète des deux yeux. D'autres fois, l'aura se présente

sous forme de dysesthésie rétinienne avec impossibilité

pour le malade, de supporter la lumière du jour. Cette

sensation désagréable entraîne souvent le blêpharospas-

(1) HOBIN, - Thèse d'agrégation 1880.

(2) DESPAGNET. Cécité temporaire pendant l'attaque. (Rcccuil

d'ophtalmologie, 1880, p. 51.) , .

(3) Féré. Amblyopie croisée et hémianopsie dans l'hystéro-épi-

epsic, 1882. '

LES auras VISUELLES 'DES ÉPILEPTIQÙES, 179

me, bientôt suivi par la convulsion généralisée. D'autres

fois, le blepharospasme est accompagné de nystàgmus ;

cette association, est, du reste, bien moins fréquente chez

les épileptiques que chez les hystériques.

Quelquefois, il s'agit d'une obnubilation de la vision

sous toutes ses formes, parfois même de cécité plus bu

moins complète. Dans ce cas, il convient de sè demander

s'il ne s'agit pas du vertige épileptique lui-même, comme

dans l'observation de Despagnet.

Le plus souvent, c'est l'hyperesthésie sensorielle qui

est observée. Jackson d'abord, puis Haminond (1) ont

décrit cette impressionnabilité particulière et excessive

à toutes les sensations visuelles et pour Bermutz, c'est

une véritable photo phobie. D'après Pichon, cette dernière

manifestation prémonitoire de l'attaque n'est pas fré-

quente. Axenfeld et Huchard (2) ont même nié qu'il y ait

hyperesthésie avant la crise. Et ces auteurs se refusent

aussi à admettre l'anesthésie corhéenne ét conjonctivalo

que Hammond, Jackson, Pichon, Féré ont observée

plus souvent encore que l'hyperesthésie. Tout en accep-

tant leur théorie, qu'il ne faut pas se fier d'une façon

absolue aux dires des malades qui entrent en crise, il

convient aussi de tenir compte de leurs, gestes, de leurs

cris, de leur attitude. Enfin on ne peut douter que l'exa-

men direct ne donne d'utiles renseignements. Dès lors,

l'anesthésie constatée qui ne peut être mise sur le compte

de l'alcoolisme ou de l'hystérie est bien un trouble pro-

dromique de l'état de mal.

Pour noter les troubles visuels colorés pendant l'aura,

la difficulté est encore plus sérieuse ou l'absence de procé-

dés d'investigation exacts et surtout à cause de l'affai-

blissement intellectuel des malades. Huglius Jackson

est le premier qui ait signalé cette sensibilité rétinienne

exagérée pour certaines couleurs avant les attaques.

D'après lui, c'est le rouge qui est la couleur la plus nette-

ment perçue et quelquefois aussi le bleu. Pour Hammond

(1) Hammond. Traité du système nerveux, Trad Labadie. La-

grave, 1879.

(2) Axenfeld et 1 IUCIL112U. - Traité des névroses, 1883.

180 CLINIQUE nerveuse.

ce serait même le rouge,la seule couleur pour laquelle il y

aurait hypéresthésie rétinienne.

D'autres fois; au contraire, l'aura sensorielle se mani-

feste par la perte de la notion des couleurs. L'exemple le

meilleur est donné par Pichon d'une malade épileptique

occupée à un ouvrage de tapisserie et qui, tout-à-coup, au

milieu de son travail, ne distingue plus la couleur des lai-

nes. Son aiguille s'égare ; elle n'a plus devant elle qu'une

couleur floue uniforme. Elle abandonne la tâche com-

mencée, et après un laps de temps variable, la crise ainsi

prévue et annoncée éclate. Cette cécité des couleurs ob-

servée en tant que symptôme prémonitoire éloigné de la

crise,ressemble au même trouble constaté au début de la

crise d'hystérie. En pareil cas, « les objets n'apparaissent

« plus aux yeux de la malade que sous l'aspect qu'ils re-

« vêtent dans une peinture de camaïeu ou dans une aqua-

« relie à la sépia. »

L'anesthésie chromatique de la période d'aura pré-

sente des caractères qui ont été mis en valeur par Pichon

et Féré :

1° Chez le même malade, la dyschromatopsie se pré-

sente de la même façon avant chaque attaque.

2° Cette dyschromatopsie est purement temporaire et

la crise passée, elle n'existe plus.

3° On ne peut établir aucune corrélation entre les alté-

rations chromatiques et qui font partie dessignes prémo-

nitoires du paroxysme épileptique au même titre que les

engourdissements, fourmillements, etc., et la dyschro-

matopsie existant chez certains malades dans l'intervalle

des attaques.

Il peut arriver que l'aura visuelle s'accompagne de

macropsie ou de micropsie, ou bien les objets s'éloi-

gnent et s'avancent ; ce sont des lumières, des étoiles.

Cette difficulté de l'accommodation varie sans cesse chez

certains malades, et parfois amène chez eux de la diplo-

pie.

L'aura psychique ou intellectuelle peut-être purement

visuelle, lorsqu'elle consiste par exemple en une réminis-

cence d'objets ou de personnages qui ont été vus et dont

le souvenir se reproduit à ce moment avec des détails plus

ou moins nets de contour, de costume, d'éclairage. Ces

LES AUKAS VISUELLES DES ÉPILEPTIQUES. 181

visions panoramiques sont analogues, comme le dit Féré

à celles qui se présentent chez les mourants ou plussou-

vent encore chez les individus qui se noient (1). Très

souvent c'est la même hallucination visuelle qui repa-

rait.

Le meilleur exemple de ces hallucinations visuelles

se produisant avant l'accès, est l'observation rapportée

par Peyron, d'un épileptique qui craignait d'être écrasé

par une voiture arrivant sur lui à fond de train et dans la-

quelle se trouvait un petit homme coiffé d'un bonnet

rouge.

En effet, lorsqùe l'aura visuelle se présente sous forme

de vision colorée, ainsi que Gowers et Féré (2) l'ont si-

gnalé, c'est le plus souvent la couleur rouge qui se pré-

sente aux yeux du malade. D'autres couleurs peuvent

aussi apparaître. C'est ainsi qu'une de nos malades se voit

poursuivie par des hommes habillés de bleu, de blanc,

de rouge. '

On trouve des exemples nombreux dans les auteurs de

ces hallucinations visuelles colorées. Déjà en 1803, Mai-

sonneuve (3) rapporte que les épileptiques, au début de

leurs crises, voient des traînées lumineuses. Voisin (4) cite

le cas d'une jeune fille qui, avant l'attaque, voyait des

figures grimaçantes et d'une autre qui regardait avec

frayeur autour d'elle, se croyant environnée de flammes.

Bail (5) enseignait que les troubles hallucinatoires vi-

suels sont les plus communs dans l'épilepsie et que tel

malade aperçoit, au moment de l'accès, une roue dentée

au milieu de laquelle se trouve une figure grimaçante.

Motet rapporte qu'à l'état de symptômes précurseurs

ce sont les hallucinations de la vue qu'il observe le plus

souvent, flammes, globes de feu qui passent devant les

yeux du malade.

Enfin Magnan (6) raconte le fait d'un militaire blessé

à la tête pendant la campagne du Mexique et qui voyait

(1) Féré. - Comptes rendus de la Société de biologie, p. 108-109.

(2) Féré. Epilepsie partielle, aura érytropsie, p. 469.

(3) '1\1 ? ISONNEUVE. Thèse de Paris. 1803.

(4) VoisiN. - Art. Epilepsie du Dictionnaire Jaccoud.

(5) BAL7,. Leçons de clinique mentale.

(6) M.\nxAx. Leçons sur l'cpilcpsic.

182 CLINIQUE NERVEUSE.

au début de ses' attaques les'objets- scintiller devant lui.

Puis ce malade présentait des abberrations visuelles, de

la macropsie, car les hommes prenaient des dimensions

gigantesques ; il voyait encore du sang, et toujours sur

sa main gauche ; il apercevait deux yeux, qui s'avan-

çaient en s'agrandissant, se rapprochaient de plus en

plus et au bout de quelques instants, il tombait, perdant

connaissance.

Dans ses cliniques à l'Infirmerie du Dépôt, Paul Gar-

nier insistait sur ce fait que la sensation de brouillard

rouge perçue par certains épileptiques est souvent le

seul prodrome qui annonce l'attaque, et c'est pour eux

un trouble de la vue dont ils gardent le souvenir.

M. Magnan cite encore le fait d'un épileptique prévenu

de sa crise par des lueurs rouges ou jaunes. Pichon (1)

rapporte aussi l'histoire d'une malade qui, avant d'avoir

une attaque, voyait « un grand noir » s'approchant d'elle

insensiblement. Le D1' Paris dans son travail : « Epilepsie

et indications thérapeutiques » (2), rapporte trois exemples,

chez des épileptiques, d'auras avec hallucinations du

sens génital, observations déjà publiées par Ducosté (3)

et interprétées par Vaschide et Piéron. La plus intéres-

sante est la suivante :

(( Marie, 35 ans, épileptique. C'est le soir : le soleil se couche

en illuminant en rouge la campagne et le ciel. Elle est debout

dans un champ de trèfle. Un taureau monstrueux qui galope

dant le champ,veut la frapper à la poitrine, sans que, le lais-

sant venir, elle pense à se défendre. Elle saisit l'animal par

ses parties sexuelles qu'elle lui arrache. Un flot de sang s'écou-

le alors ; le taureau se retourne alors et lui enlève la tête au

bout de ses cornes. »

Nos recherches personnelles s'appliquant à 20 malades

nous ont donné les résultats suivants, en accord avec les

observations des auteurs. ,

(1) PICHON. Observation III de si llièse : de l'Epilepsio dans ses

rapports avec les fonctions visuelles. Ollier, éditeur, 1885.

(2) Archives de Neurologie, 190 1.

(3) Journal de Médecine de Bordeaux : « Les songes d'attaque dos épi-

leptiques ». '

LES AURAS VISUELLES DES ÉPILEPTIQUES. 183

Observation I. Madame Ga..., âgée de 27 ans, en-

trée le 20 janvier 1905 à l'asile de Montdevergues pour épi-

lepsie à attaques fréquentes et, après les attaques, accès de

violence. 1 ..

Aucune hérédité. Pas de passé pathologique connu, sauf

des lésions tuberculeuses du 2e degré aux sommets des pou-

mons. La première crise s'est montrée quelques jours après

le mariage. Voici comment Mme Ga..., en explique la venue.

Quand elle était jeune fille, elle gardait des moutons dans la

Lozère, elle allait alors se cacher dans les fossés et en se mas-

turbant elle éprouvait des sensations voluptueuses. Quand

elle a été mariée, elle n'a plus osé se livrer à ses pratiques et

c'est cette contrainte qui serait l'occasion des premières

crises. '

L'aura qui précède la crise est constituée par une sensation

voluptueuse que la malade sent monter d'un genou dans le

bas-ventre. En même temps, la nuit se fait devant ses yeux,

tout devient noir et la perte de connaissance arrive.

Observation II. - Mademoiselle Us..., entrée à l'asile

le 25 juin 1896. Elle est âgée de vingt ans. Diagnostic : épilep-

sie avec accès quotidiens. Très souvent, dans la grande atta-

que- l'aura est visuelle et consiste en hallucinations effrayan-

tes très analogues à celles des alcooliques, la malade voit des

souris et des serpents.

Observation III. Mlle R. de C..., entrée le 15 décem-

bre 1903 venant de la maison d'épileptiques de la Teppe à

Tain (Drôme). La malade est alors âgée de 33 ans.

La malade a constamment peur du diable qu'elle se représente

habillé de rouge et environné de flammes rouges. Aussi n'aime-t-

çlle pas les objets dont la couleur est rouge.

Observation IV. Mlle Mi..., épileptique.

Environ une heure à l'avance, les crises s'annonceraient par

des battements des paupières, mais surtout par des sensations

hyperesthésiques que la malade localise au côté de la conjonc-

tive ; elle éprouve la même impression désagréable que si :

« on lui jetait du sel ou du vinaigre dans les yeux. » En même

temps se font entendre des sifflements dans les oreilles et la

tête devient lourde, pesante, comme si Mlle DIi, ? avait

sommeil.

.Quelques secondes ou quelques minutes au plus ayant

le début de l'accès, apparition de picotements dans les yeux,

qui deviennent, malgré la cuisson déjà signalée, le siège d'une

« impression de froid glacé » fort pénible. La vision se trouble,

comme « si le temps se. faisait sombre ». La malade.se trouve

184 CLINIQUE NERVEUSE.

alors dans une sorte de- crépuscule, et la crise débute aussitôt

par un cri strident et la chute.

OBSERVATION.V. Mlle Ta..., entre à l'asile le 27 janvier

1891 pour épilepsie avec accès de violence après la paroxys-

mes. Elle était alors âgée de 17 ans.

Quelques minutes avant l'attaque, elle sent comme un souf-

fle lui monter du ventre vers la tête, pas de sensation d'étran-

glement. Il lui semble alors voir du feu et pour l'éviter ell3 se

met à courir devant elle une centaine de mètres. Elle se voit,

alors poursuivie par « quelqu'un qui ressemble au Bon Dieu,

avec une petite figure sans barbe,les yeux doux, et tenant un pis-

tolet à la main ». elle entend dire en outre qu'elle ne guérira

jamais et perd connaissance.La chute est brusque, inattendue,

presque toujours elle se blesse. Morsures de la langue,inconti-

nence d'urine.

Observation VI. M. Math..., âgé de 35 ans, interné

pour la deuxième fois le 31 mai 1902. Il est atteint d'épilepsie

avec crises fréquentes. A l'occasion d'excès alcooliques,

Math...,a réalisé du délire épileptique, avec hallucinations

auditives et visuelles, idées de persécution et accès d'excita-

tion dont les moindres détails lui échappent ensuite.

Avant la crise, il ne ressent jamais de constriction à la gor-

ge. Mais à ce moment il éprouve des impressions visuelles

assez bizarres, qu'il ne peut bien préciser : « il voit venir quel-

chose de très dur, très pénible, très mauvais, qui lui fait une

grande peur, mais il ne peut en distinguer ni les formes, ni la

couleur ; ce « quelque chose » s'avance rapidement vers lui »

Math..., se frotte alors les yeux et se détourne pour ne plus

voir. Quelquefois par ce subterfuge, il aurait pu éviter cer-

taines crises, mais le plus souvent, ce procédé n'empêche pas

le paroxysme de se produire. A partir de ce moment, l'amné-

sie est complète.

Souvent, au moment de ses attaques, il sent sa vue se trou-

bler et il survient de la diplopie ; si à ce moment, dans la rue,

il rencontre une voiture sur son chemin, il lui semble voir deux

voitures, et ne sait de quel côté se garer.

Colorées ou non, ces visions de l'épileptique avant la

crise sont donc le plus souvent effrayantes et le jeu de la

physionomie, les exclamations des malades indiquent de

leur part la plus vive frayeur. Ou bien encore les mouve-

ments de défense et la fureur qui résultent de ces visions

terribles, sont la cause d'actes impulsifs, inconscients,

LÉSIONS ANATOMIQUES ATTRIBUEES A LA DEMENCE PRÉCOCE. 185

qui rendent l'épileptique dangereux pour son entourage.

Il est vrai que, comme le dit Voisin « l'attaque convulsive

est le plus souvent suivie que précédée de délire ». Et

même les impulsions violentes ont lieu plus souvent pen-

dant le vertige même, surtout dans les épilepsies larvées

mais elles peuvent aussi, sous l'influence de l'état hallu-

cinatoire, se montrer comme symptôme prémonitoire

de l'attaque et prévenir toute précaution de la part de

l'entourage par leur apparition soudaine et imprévue.

REVUE CRITIQUE

Des lésions anatomiques attribuées à la démence

précoce ;

Pah riche, barbé, WICKERSHEIMER.

La conception clinique de la démence précoce,telle du

moins qu'elle est comprise aujourd'hui par un grand

nombre d'aliénistes à la suite de Kroepelin,a suscité des

recherches anatomiques . Celles-ci ont eu pour objet

de trouver des lésions dont la constatation pût confirmer

l'existence d'une entité morbide en appuyant sur des

données certaines ce que cette conception clinique pou-

vait avoir de hardi et de discutable.

Il nous a paru intéressant.dans un travail d'ensemble,

de résumer et de comparer les lésions décrites par les

auteurs dans les cas intitulés par eux-mêmes « Démence

précoce ». Nous rechercherons ensuite à quelles conclu-

sions ils ont été conduits dans l'interpiétation de ce syn-

drome admis comme entité morbide par les uns, nié

encore absolument par d'autres.

Dans les chapitres nouveaux que les traités classiques

consacrent à la démence précoce comme dans les mono-

graphies qui traitent de cette affection, l'anatomie pa-

180. REVUE CRITIQUE.

thologique, lorsqu'elle n'est pas passée sous silence (1 et

2) est considérée comme complètement à faire (3) ou

comme à peine commencée (4, 5, et 6).

Parmi, les travaux français qui mentionnent les re-

cherches faites à ce sujet,il convient de signaler le récent

précis de Régis (7),le chapitre consacré par Gilbert Bal-

let (8) à l'anatomie pathologique de la démence précoce

et le mémoire de Deny (9) au Congrès de Pau. Mais c'est

dans les comptes rendus (10, 11, 12,13,14, 15) de sociétés

et de congrès qu'il faut chercher les observations isolées

et vraiment utilisables.

Quant aux auteurs étrangers cités par les classiques

français ils se réduisent aux noms de Rush Dunton (16)

(1) Rogues de FunsAc. Manuel de Psychiatrie, 1903.

(2) AnxAUD. In Traité de pathologie mentale de Gilbert Ballet

1904.

(3) Masselon. La Démence précoce, Paris 1904.

(4) Gilbert Bai.i.et. In Traité de médecine Bouciinrd-Brissaud 2°

édition, tome X. ,

(5) Régis. Précis de Psychiatrie, 3° édition 1906.

(G) V>JYCnt·In'r-IouBIr\ovITCII : Allas manuel de Psychiatrie

1904.

(7) Régis. Loc cil.

(8) GILBERT Ballet. - Loc cit.

(9) DENY. - Les démences vésaniques, Congrès de Pau, 1904.

(10) KuppEL et L ! IEmIITTE. Démence précoce : anatomie patho-

logique et; pathogénie. Revue de psychiatrie, février 1904. Les Démen-

ces : Anatomie pathologique et pathogénie. Repue de psychiatrie.

décembre 1905. Klippel. Anatomie pathologique et nature de la

démence précoce ; in Congrès de Pau, 1901. 1.

(11) DouTREI3RVTF et Marchand. Considérations sur l'anatomie

pathologique de la démence précoce à propos d'un cas. In Revue neu-

rologique, 15 avril 1905.

(i2) Laignel-Lavastine et Leroy. Dénient précoce, mort phti-

sique avec stéatose hépatique et lésions cellulaires toxique de l'écorce

cérébrale. Bulletin de la Société unalomique, novembre 1905.

Un cas dedémence précoce avec autopsie, in Congrès de Pau, 1904.

(13)Legrain et Vigouroux. - Observation de démence précoce

survenue chez un dégénéré, avec autopsie et examen histologique

(Séance du 3 octobre 1905) In Annales n2édico-psgclzologiques. Jan-

vier-février190G. Dans la même séance, Vigouroux cite un cas de dé-

mence précoce dont il a fait également un examen histologique.

(14) Doutrebente et Deux cas de démence précoce

avec autopsie et examen histologique (Société médico-psychologique,

séance du 30 octobre 1905. In Annales médico-psychologiques, janvier,

février 190G).

(15) Marchand. In Bulletin de la Société anatomique (octobre

1905,page 7G0). Méningite chronique et aliénation mentale chronique

(Observations 11, 12 et 1-1).

(16) William Rush DuKTOx. American Journal o/ Insall/til

1903.) ,

LÉSIONS ANATOMIQUES ATTRIBUÉES A LA DÉMENCE PRÉCOCE. 187

Nissl (1) et Alzheimer (2), Neisser (3), Lubouschine z

(4). Les recherches allemandes sur des cas clinique-

ment bien définis sont beaucoup plus rares qu'on

ne l'imagine généralement et nous n'avons rencontré

que des considérations sur les psychoses en général,

considérations émises par Cramer (5), Gaupp (6),

Kôppen (7) Heilbronner (8), Meyer (9), Nissl (10),

Weber (11) et Sander (12),auteurs cités et analysés dans

un travail d'ensemble (13) et dans un autre travail d'Alz-

heimer(14). Il est question dans ces ouvrages de lésions

trouvées principalement dans les cas de catatonie. Le

terme de Dementia precox n'apparaît que dans les

diverses éditions du traité de Kroepelin et même dans ces

éditions ce n'est qu'à la fin du chapitre Katatonie

que l'on trouve quelques données histo-pathologiques.

Ces données elles-mêmes ne correspondent pas et ne ré-

sument pas des travaux et ,des recherches systémati-

ques, mais elles consistent simplement dans la répétition

(1) Nissl. Ueber die sog. funktionellen Geisteskrankeiten (Miin

clzener med. Woehenschrilt 1899-S-1453. Ueber einige Beziehungen

zwischcn ncrvcnzcllenpr ltranl : ungen und gliosen Erscheinungen bei

verschiedenen Psychosen (11reh. f. 7's;/p/). Bel. 92. II. 2.)

(2) Alzheimer. Jlonatschrilt sur Psychiatrie und Neurologie,

1807.

(3) Neisser (Clemens). Ueber die Katatonie. Ein Bei/rag sur

l.'lil11sche¡¡ Psychiatrie (Stuttgart, Enke 1887.)

( Lubouschine. Modifications anatomo-pathologiques de l'é-

COITC cérébrale dans deux cas de démence précoce. (In Journal de Neuro-

logie et de Psychiatrie du nom S. S. Korsakoff 1902, liv. 1, 2, p. Ol-72.

(5) Cramer. Pathologische Anatomie der Psychosen. In Ilanrl-

buek der palhol. Anatomie des NelVellsyslems hrrnusq, YOI1 Plato\\'

.lnl : obsohn und Miunr, Berlin 1904.

(8) Gaupp. - a Organisch a uncl Funklionell '1 Zentrallbl. fiir : OVe ?

Ilcnheilkii und Psych. 1900. 1. 129.

(7) Koppex. Beitrage ? c/). /u7' Psycl1. Bd. 28, S. 931.

(8) Heilbronner. Ueber den heutigen Stand der patliol. An,1to-

mie ders°¡5enannten funktionnellen Psychosen. Referai aus der Jahrs-

11crs, des 1 CI'. deutse/wn I ? enær=tc. Berlin 1901.

(9) MEYEH. Pathologische Anatomie der Psychosen. Feslschr, f.

Oorih. 1902. Ganglienrellen versendcrungen, insbesondre bei Psycho-

sen. Berlin. lalin. Wochenschl, 1900. S. 697.

' (10) Nissl. Loc. cil.

(11) Weber. Ueber akute létal verlau fende Psychosen (Monalsch.

lur Psyeh. und Neusol. 1901).

(12) Sander. Zur /Etiologie und pathologischen Anatomie aku-

ter Geisstesliir llllgcm. Zeitschr. Pseh. Bd. 57 1-I. 4.

(13) Ergebnisse der allgemeimcn Pathologie 1903. 1" volume p. 190.

(14) Jlonalçehrilt Iii/' Psychiatrie und Neurologie, 1897.

iss REVUE CRITIQUE.

des termes d'une communication d'Alzheimer (1) sur

les lésions anatomiques trouvées dans des cas de délire

aigu. En ce qui concerne la catatonie, nos recherches

montrent qu'il faut être circonspect car il pourrait être

question dans nombre d'observations de syndromes

cliniques catatoniformes plutôt que de catatonie véri-

table. Dans les thèses de 16ttgen (2) et dans celle de

Morawitz (3) par exemple on a trouvé à l'autopsie des

altérations pathologiques nettement caractérisées de

paralysie générale et de méningite tuberculeuse.

Si aux considérations qui précèdent on ajoute le fait

de l'apparition de techniques histologiques nouvelles, il

nous semble difficile de faire état des recherches anté-

rieures à la conception de Krcepelin et à la méthode de

Nissl. Aussi, laissant de côté les anciennes observations

de Hecker (4) et de Kahlbaum (5) dont nous ne men-

tionnerons que l'intérêt macroscopique, n'avons nous cru

devoir étudier que les observations nettement données

par les auteurs comme cas de démence précoce et dont

nous avons pu nous procurer l'examen détaillé.

Avant d'entrer dans l'étude de lésions proposées

comme substratum anatomique de la démence précoce

un certain nombre de constatations critiques doivent être

mises en évidence. D'abord on ne peut s'empêcher de

remarquer le peu d'importance attachée par les auteurs

aux lésions pouvant dépendre de l'affection intercurrente

ayant déterminé la mort. Comment, en effet, peut-on,

dans ces cas, faire la part d'une affection secondaire qui

n'a rien à voir avec les lésions démentielles.

D'après le résumé clinique des observations étudiées

par nous on s'aperçoit, en effet, que, dans la plupart des

cas les malades ont été exposés pendant un temps plus

ou moins long à des causes toxiques ou infectieuses.De

même, chez plusieurs, l'alimentation a été défectueuse à

plusieurs périodes comme à la phase terminale de la ma-

ladie.

(1) Alzheimer. - Loc. cil.

(2) KOTTGH1V (Anna). - lilinische Kalalonien bei orgnnisrher Er

krankung des Schaedelinhalls (Thèse de Zurich 1900).

(3) AIOI%AWIT7 (Lucia).- ]{linisehe tllisch/ornun von Katatonie und

Epilepsie. Thèse de Zurich 1900.

(4) I IrcI.rlt. Die 1 Icbcphrenie. Virchow Arch, T. L. II.

(5) Kahlbaum. - Gmppirllng der pscl(ischen liranlcheilert 1863.

\

LÉSIONS ANATOMIQUES ATTRIBUÉES A LA DÉMENCE PRÉCOCE. 189

A la vérité certains auteurs ont senti le danger qu'il y

aurait à vouloir conclure trop vite sans tenir compte de

ces facteurs pathologiques (1). C'est ainsi que Victor

Parant'fils comparant les lésions du cas de Dunton avec

celles décrites par Alzheimer dit : « Les modifications

anatomiques qui ont été trouvées confirment les don-

nées déjà acquises, avec des différences provenant sans

doute de l'état de délire aigu dans lequel sont morts les

malades d'Alzheimer. Et il ajoute : « la tuberculose,cause

immédiate de la mort, n'était pas en cause, puisque

l'auteur remarque qu'il n'a pas trouvé les altérations

nerveuses notées dans cette maladie... »

Dans le cas publié par Laignel-Lavastine et Leroy au

Congrès de Pau, ces auteurs font suivre leur relation

histologique d'un résumé des altérations cérébrales que

l'on trouve dans la tuberculose pulmonaire (2) et ils

concluent : « Chez la démente précoce que nous avons

examinée, il existait seulement des modifications dans la

forme et l'aspect de quelques cellules surtout du lobule

paraoentral dont beaucoup étaient neuronophagées. Or

cette femme mourut phtisique ; les lésions cellulaires

sont généralement de cet ordre, elles sont moins mar-

quées, mais il peut n'y avoir qu'une différence de degré. »

Dans la deuxième observation publiée' par Laignel-

Lavastine et Leroy les auteurs disent que « l'aspect de

l'écorce rapprochée de l'état de dégénérescence grais-

seuse massive du foie, permet de rattacher les lésions

cellulaiies à un processus toxique lié à l'insuffisance

hépatique et sans rapport avec la démence précoce.

Or si nous examinons les causes de mort dans les cas

que nous avons cités, nous voyons que sur un total de 22

observations cliniques on en trouve 7 dont la cause de

mort n'est pas indiquée,4dus à une affection autre que la

tuberculose et 11 qui ont succombé à la tuberculose pul-

monaire soit exactement la moitié.

Si l'on envisage d'autre part que les lésions décrites

par les auteurs sont principalement des altérations cel-

(1) Annales méclico-yschologiques, septembre, octobre 1903, p.

(2) - Note histologique sur l'écorce ccrébraledes tuberculeux, par

Laignel-Lavastine. Tribune médicale, 21 mars 1906.

190 REVUE CRITIQUE.

lulaires, une seconde observation se présente également ;

quelle est la durée du temps écoulé entre le décès et l'au-

topsie ? On sait maintenant l'importance de la rapidité

des fixations quand il s'agit d'études de désintégrations

cellulaires (1). Voyons donc les temps qui se sont écoulés

entre les décès et les prélèvements de pièces dans les cas

qui nous occupent :

Dans le cas de Dunton, l'autopsie aurait été faite huit

heures après la mort.

Dans le cas de Laignel-Làvastineet Leroy publié aux

Congrès de Pau, le malade est mort le 27 octobre 1903,

et l'autopsie fut pratiquée le 29 octobre. Dans le cas de

Laignel-Lavastine et Leroy relaté dans le Bulletin de

la Société anatomique, le décès eut lieu le 21 mai 1904

et l'autopsie fut faite le 23 mai 1904.

Dans la seconde observation de Doutrebente et Mar-

chand (Société médico-psychologique, octobre 1905) l'au-

topsie fut pratiquée 24 heures après la mort. Quant au

autres auteurs, Klippel et Lhermitte, Legrain et Vigou-

roux, Vigouroux, Doutrebente et Marchand, Morawitz,

Neisser, Marchand et Kottgen, ils ne donnent aucun

renseignement sur les temps écoulés entre le décès et

le prélèvement des pièces.

On peut dire que c'est des figures données par la mé-

tlrode de Nissl que les déductions des auteurs ont été

tirées. Les nouvelles méthodes de Cajal n'ont été appli-

quées que dans quelques cas; (Doutrebente et Marchand,

Laignel Lavastine) (2). Or tous ceux auxquels l'histo-

logie fine du cerveau est familière savent l'inconstance

de certaines méthodes et la variabilité des résultats ob-

tenus par les techniques de Nissl, Weigert, et Ramon y

Cajal.

Au point de vue topographique, il paraît difficile de

tirer des conclusions absolument précises en ce qui con-

cerne la comparaison des lésions par régions. Ce sont les

zones de projection et d'association qui ont été étudiées :

(1) Govibauli- et PHILIPPE, -1 1 lislologie pathologique du système

nerveux central. (In Manuel d'Histologie pathologique de Cornil et Hau-

vier tome II.

(2) L. marchands Lésions des neuro/ibrillcs des cellules p ! Jl"lIllll-

dales dans quelques maladies lnelttalcs.(Socitlé de Biologie, 22 octobre

1904 et Congrès de 1906.)

LÉSIONS ANATOMIQUES ATTRIBUÉES A LA DÉMENCE PRÉCOCE. 191

circonvolutions frontales et pariétales ascendantes droite

et gauche (Doutrebente et Marchand) ; lobule paracen-

tral, pied de la troisième frontale, cunéus (Laignel-

Lavastine et Leroy) ; lobes frontaux, temporaux, parié-

taux et occipitaux, circonvolutions motrices, noyaux

du corps strié (Klippel et Lhermitte). Il faut bien avouer

que si nos connaissances sont assez précises en ce qui

concerne les fibres à myéline tangentielles et radiées,

elles sont par contre beaucoup moins nettes en ce qui

concerne les couches cellulaires. Les classifications va-

rient suivant les différents auteurs et l'on n'a actuelle-

ment aucune donnée certaine à ce sujet.

Si laissant de côté les restrictions précédentes,on envi-

sage les lésions nerveuses rapportées dans les différents

travaux que nous avons cités plus haut concernant des

cas intitulés : « démence précoce », on constate qu'il a été

rencontré d'abord des lésions extra-cérébrales. Ellespor-

tent le plus souvent sur l'appareil cérébelleux et sont

à rapprocher des malformations cérébrales sur lesquel-

les les auteurs ont insisté et qu'ils rattachent à des al-

térations congénitales plus qu'à une encéphalopathie ac-

quise.

Les lésions les plus importantes portent sur les mé-

ninges et l'écorce cérébrale et ce sont celles-là qui ont

donné naissance aux interprétations des auteurs.

Les conclusions histologiques auxquelles ils ont été

amenés peuvent se résumer dans les observations sui-

vantes que nous empruntons à quelques-uns d'entre eux.

Dans leurs cas, Laignel-Lavastine et Leroy n'ont

trouvé aucune lésion inflammatoire, aucune réaction

méningée,ni conjonctivo-vasculaire; il existait des modi-

fications dans la forme et l'aspect de quelques grandes et

petites pyramidales ; beaucoup présentaient des alté-

rations de neuronophagie.

D'après Klippel et Lhermitte, les lésions se localise-

raient sur les centres d'association, tandis que les élé-

ments constitutifs des groupes de projection demeure-

raient intacts. Il y aurait absence de réaction méningée,

absence de toute lésion vasculaire : on ne trouverait pas

de réaction des parois endothéliales, pas de diapédèse,

pas de modifications des éléments conjonctifs, par

192 REVUE CRITIQUE.

conséquent pas d'altération du tissu vasculo-conjonctif.

En revanche, on trouverait toujours des modifications

d'importance variable des éléments nerveux de l'écorce;

en certains points restreints il y aurait des modifications

de la névroglie. Pour Klippel et Lhermitte, ce dernier

fait est accessoire et pourrait s'expliquer, disent-ils, par

l'étroite parenté histologique qui unit la névroglie et les

cellules. En somme, l'altération porterait sur le tissu

neuro-épithélial. '

Dans les cas publiés par Alzheimer,et qui sont rangés par

cet auteur sous le titre de « catatonie », il a décrit des mo-

difications graves de l'écorce, particulièrement dans les

couches profondes. Les noyaux des cellules semblaient

gonflés à un haut degré ; la membrane nucléaire forte-

ment plissée; le corps cellulaire très ratatiné, montrait

une tendance à la destruction. Dans la névroglie, il y

avait une augmentation modérée des noyaux, mais

en revanche une néoformation pathologique des fibrilles ;

les cellules étaient enserrées par le tissu de soutien.

Nissl, dans des cas d'évolution plus lente, sans rétrac-

tion apparente de l'écorce, a noté des modifications

qu'il a désignées sous le nom de dégénérescence granuleuse

Il a décrit des altérations, névrogliques importantes.

Dans les couches pi ofondes par exemple, il a vu de nom-

breuses et grandes cellules de névroglie tendant à la

régression et semblables à celles que l'on rencontre

normalement dans la partie tout à fait superficielle de

l'écorce. L'écorce se trouvait ainsi infiltrée de très gros

noyaux de névroglie, d'une coloration pâle particulière;

ces noyaux se trouvaient en grand nombre auprès des

cellules malades, et semblaient même les pénétrer non

seulement à la base, mais aussi aux endroits les plus di-

vers.

Krcepelin, rapportant ces faits et reproduisant des

figures empruntées à Nissl etAlzheimer, insiste aussi sur

ces modifications de la névroglie : « Le résultat de Nissl

coïncide, dit-il, très bien avec la notion de l'enlacement

qu'Alzheimer avait déduites des images de la glia ».

De ces données anatomiques, certains auteurs con-

cluent aux remarques physiologiques suivantes :

Nissl est amené par la présence constante de lésions cel-

LÉSIONS ANATOMIQUES ATTRIBUÉES A LA DÉMENCE PRECOCE. 193

lulaires à repousser la distinction généralement admise

entre les psychoses fonctionnelles et les psychoses orga-

niques. Pour lui, il y a toujours un fondement anato-

mique ; il consiste en phénomènes de gliose, en lésions des

vaisseaux sanguins et lymphatiques, en action phagocy-

taire de certaines cellules.

Klippel et Lhermitte voient dans la démence précoce

une affection à localisation toute spéciale, portant sur le

neurone d'une façon élective contrairement à ce que

l'on voit dans nombre d'inflammations, ou de dégéné-

rescences du cerveau, où les lésions portent sur l'ensem-

ble des tissus de l'organe. Cette lésion élective du neu-

rone appartiendrait exclusivement à la démence précoce

et non aux autres démences. Pour ces auteurs, les ca-

ractères anatomiques pourraient ainsi servir à limiter

deux ordres de psychoses ; les unes dites organiques, les

autres dites vésaniques. Les premières auraient un subs-

tratum anatomique qui atteindrait l'ensemble des tissus

composant l'encéphale ; à côté des altérations du neurone

et de la névroglie (tissu neuro-épithélial), on trouverait

des lésions des éléments vasculo-conjonctifs (leucocytes,

endothélium vasculaire, cellules conjonctives). Les dé-

mences vésaniques au contraire seraient liées à des alté-

rations atrophiques du neurone, tandis que les autres

tissus de l'encéphale, sauf parfois la névroglie, ne par-

ticiperaient pas au processus pathologique. Klippel et

Lhermitte interprètent de la façon suivante les lésions

trouvées par eux aux autopsies, cette interprétation cor-

respondant à l'ordre chronologique de leur développe-

ment.10 Lésions préalables inconstantes, d'origine congé-

nitale ; anomalies du développement. Elles démon-

treraient que le sujet était préalablement taré. 2° Lé-

sions immédiates développées au. moment même et

au cours de la période d'état de la maladie ; atrophie

du neurone avec évolution granulo-pigmentaire antici-

pée. 3° Lésions consécutives ; arrêt de croissance portant

sur les neurones et, à des degrés divers, sur l'organisme

tout entier. Il y aurait enfin des lésions relevant de la

maladie intercurrente.

Pour Laignel-Lavastine et Leroy qui ont étudié com-

parativement des cerveaux de tuberculeux et des cer-

Archives, 3° série, 1907, t. II. 13

194 REVUE CRITIQUE

veaux de déments précoces, les lésions sont souvent com-

parables entre elles s'ils en jugent par leurs deux cas

examinés. Ils pensent que ces lésions sont de même or-

dise, et si elles ont été moins prononcées chez les déments

précoces, il pourrait n'y avoir là qu'une simple question

de degré. De même, ils tiennent, avec raison, un grand

compte d'autres lésions dégénératives, en particulier

du foie, et ont tendance à rattacher les altérations céré-

brales trouvées à un processus toxique ou toxi-infectieux

lié à l'insuffisance hépatique et sans aucun rapport avec

la démence précoce.

Doutrebènte et Marchand insistent sur la lésion mé-

ningée qu'ils ont trouvée dans le cas publié par eux, et

ils discutent les rapports de cette lésion avec la démence.

Les caractères histologiques des épaississements ménin-

gés montrent que l'on est en présence d'une lésion ar-

rêtée dans son évolution ; malgré les quelques amas de

cellules embryonnaires encore visibles au milieu du tissu

méningé, il s'agit du reliquat d'un processus inflamma-

toire ancien, car les phénomènes actifs d'inflammation

sont réduits au minimum. La nature ancienne des lé-

sions cortico-méningées n'est pas non plus en rapport

avec la tuberculose survenue tardivement chez le ma-

lade. D'après ces auteurs, il y aurait donc eu dès le début

de l'affection mentale de leur malade une inflammation

méningée qui guérit, mais qui laissa après elle des lé-

sions de voisinage irréparables.

Cette hypothèse n'est guère conciliable avec les exa-

mens de liquide céphalo-rachidien des déments précoces.

Les auteurs n'y ont pas trouvé 'd'éléments figurés ; de

nouvelles recherches entreprises par nous à Bicêtre et

portant sur 10 cas ont de même été constamment néga-

tives. tùillain et Parant n'ont point non plus trouvé

dans ce liquidé d'albumine pathologique. Seuls, Camus et

Lhéimitte ont constaté par quelques ponctions une

lymphocytose modérée, mais il s'agissait à vrai dire

de malades arrivés à une période terminale et chez

lesquels là lymphocytose pouvait être due à une

affection concomitante. On peut donc penser avec la

majorité des auteurs que si le processus anatomo-pa-

thologique existe à la période confirmée de la démence

LÉSIONS ANATOMIQUES ATTRIBUÉES A LA DÉMENCE PRECOCE. 195

précoce, ce processus n'intéresse pas ou fort peu les

méninges.

Mais Doutrebente et Marchand expliquent de la façon

suivante les lésions méningées trouvées par eux et cette

absence ordinairement constatée de lymphocytose : la

démence qui survient chez les jeunes gens est le résul-

tat d'une méningite chronique ancienne ; c'est l'aboutis-

sant, la période terminale d'une maladie. A l'époque où

le diagnostic de démence précoce peut se poser par l'évo-

lution chronique, les phénomènes inflammatoires sont

réduits à leur minimum ou ont disparu ; de là vient l'ab-

sence de réaction lymphocytaire. Ils pensent que les

constatations seraient tout autres si on examinait le

liquide ' céphalo-rachidien chez des sujets atteints de

confusion mentale aiguë.

Lorsque les cas de confusion mentale guérissent avec

intégrité de l'intelligencè, les lésions n'ont pas été suffi-

samment prononcées ou n'ont pas eu une durée assez

longue pour altérer d'une façon irrémédiable les cellules

de l'écorce. Si, au contraire, le cortex a été altéré, on a

les cas qui constituent les troubles mentaux chroniques

de la démence précoce. Doutrebente et Marchand arri-

vent à conclure que le syndrome démence précoce re-

lève de deux ordres de lésions bien distinctes : des lé-

sions portant sur les méninges et les différents tissus du

cortex ; des lésions exclusives des cellules pyramidales.

Il y aurait dès lors une démence précoce accidentelle,

affection cortico-méningée chronique d'origine inflam-

matoire ou toxique survenant chez les jeunes sujets, et

une démence précoce constitutionnelle survenant chez de

jeunes sujets débiles ou ayant des tares héréditaires

chargées. Il s'agirait d'une adultération des cellules psy-

chiques pendant la vie intra-utérine ou dans les pre-

mières années de la vie. Les éléments mal développés,

chétifs, succomberaient rapidement dans la suite à l'oc-

casion d'un surmenage intellectuel ou physique, au mo-

ment de la puberté, ou bien encore à la suite de troubles

puerpuéraux. '

Conclusions. En réalité se montre, chez les diffé-

rents auteurs qui ont rapporté des autopsies de déments

196 asiles d'aliénés.

précoces, la perplexité où conduit en matière de système

nerveux,la constatation de l'absence de caractères anato-

miques nets, alors que cliniquement il s'agissait de syn-

dromes assez caractéristiques. Ils ont invoqué successi-

vement comme substratum anatomique de la démence

précoce ; la méningite, des altérations inflammatoires

ou dégénératives portant sur les tissus conjonctivo-

vasculaires ou sur les éléments nerveux et névrogliques.

En dehors de la pathologie mentale, des évolutions

pathogéniques analogues peuvent être relevées pour cer-

taines affections très bien caractérisées cliniquement,

la maladie de Parkinson par exemple. A la vérité il n'y

a pas lieu de s'étonner outre mesure de notre igno-

rance puisqu'on connaît en pathologie nerveuse notam-

ment des maladies dégénératives avec lésions facilement

visibles, mais dont l'explication nous échappe complète-

ment encore ; sclérose latérale amyotrophique, atrophies

musculaire myo- et myélopathiqucs.

Mais nous pensons que les hypothèses émises par cer-

tains auteurs sur la pathogénie et l'anatomie pathologi-

que de la démence précoce, pour être séduisantes, n'en

sont pas moins uniquement théoriques et par ce carac-

tère même,dangereuses dans une certaine mesure. Il ne

faut pas oublier en effet qu'en matière de système ner-

veux, l'anatomo-physiologie pathologique tend à fixer

l'anatomie et la physiologie normales.

ASILES D'ALIENES

Les retraites des médecins d'asiles. - Un acte

officiel. Un.précédent à invoquer.

Limoges, le 25 août 1907.

Jusqu'en z, seuls, les commissaires de police du

département de la Seine, recrutés par un concours spé-

cial, jouissaient d'une retraite. Les z0 commissaires de

police communaux n'en avaient pas. Il y avait Paris d'un

côté et la France de l'autre. Les commissaires de police

communaux fondèrent une association, et, lors du vote

LES RETRAITES DES MEDECINS D'ASILES. 197

du budget de 1895, ils obtinrent des chambres que les

dispositions de l'art. 4 de la loi du 9 juin 1853 leur

seraient appliquées tout comme aux commissaires de

police de la Seine. De là, la circulaire suivante adressée

à la date du 30 octobre 1895 par le Directeur général de

la Comptabilité publique aux préfets et aux trésoriers

généraux :

Commissaires de police communaux. - Retenues à verser pour

le service des pensions civiles, par application de l'article 29

de la loi du 16 avril 1895.

L'article 29 delà loi des finances du 16 avril 1895, est ainsi

conçu : « A partir du le, janvier 1895, les dispositions de l'ar-

ticle 4 de la loi du 9 juin 1853 seront appliquées aux commis-

saires de police autres que ceux du département de la

Seine.

« Pour la liquidation de leur pension, ces fonctionnaires

seront admis à faire valoir la totalité de leurs services, même

antérieurs à la présente loi, qu'ils aientété rémunérés par les

communes ou par l'Etat. En sus des retenues réglementaires

qu'ils devront subir dans l'avenir, les commissaires de police

verseront le douzième de leur traitement actuel, lorsque

leurs services seront exclusivement communaux, et le dou-

zième de la différence entre le dernier traitement payé par

l'Etat et leur traitement communal actuel, lorsqu'ils auront

passé du service de l'Etat dans le service des communes. »

Les commissaires de police communaux sont donc assujet-

tis, depuis le 1er janvier 1895, aux retenues réglementaires

du vingtième de leur traitement, et ils ont en outre à subir

la retenue d'un douzième du traitement dont ils jouissaient

à cette époque ; toutefois, en raison du chiffre relativement

élevé qu'atteindrait le prélèvement à exercer sur les traite-

ments mensuels de ces fonctionnaires, s'ils étaient astreints à

acquitter en un court espace de temps la somme totale dont

ils se sont trouvés redevables au Trésor au momentde lapro-

mulgation de la loi du 16 avril 1893 (les départements n'ac-

ceptaient pas leurs retenues), il a paru indispensable de leur

accorder un délai pour se libérer; d'un autre côté, comme le,

produit des retenues prescrites parcette loi a été compris dans

les prévisions de recettes du budget de 1895, le délai en ques-

tion ne pouvait dépasser la durée de l'exercice financier ; le

ministre des Finances a en conséquence décidé, de concert

avec son collègue de l'Intérieur, qu'il serait fait une masse de

la retenue du premier douzième et des retenues de 5 % dues

par les commissaires de police communaux pour les cinq

198 asiles d'aliénés.

premiers mois de ! 895, et que, à partir du mois de juin inclu-

sivement, le dixième du total ainsi obtenu serait ajouté à la

retenue de 5 % à effectuer mensuellement, de telle sorte que

le dernier prélèvement pour retenues arriérées pût être effec-

tué sur le traitement du mois de mars 1896.

En outre, les commissaires de police étant considérés comme

agents du ministère de l intérieur en service détaché, et rétri-

bués sur les fonds communaux, il a été reconnu qu'il y avait

lieu de faire application, pour la constatation des dites rete-

nues dans les écritures, des mesures de comptabilité tracées par

la circulaire du 31 mars 1890, ri l'égard des agents de l'Etat en

service détaché, rétribués sur les fonds départementaux.

Les mandats émis au nom des commissaires de police ne

comporteront donc que le net du traitement, et les retenues

seront mandatées en bloc, tous les trois mois, à partir du

30 septembre 1895, au moyen d'un mandat délivré au nom

du trésorier général, à charge par lui d'en faire recette au

compte : Agents en service détaché, 1/c de retenues pour pen-

sions civiles encaissées pour le compte du receveur central de

la Seine. Le mandat sera appuyé d'un état nominatif des fonc-

tionnaires au nom desquels les versements seront effectués,

indiquant la somme afférente à chaque traitement, et pré-

sentant la distinction des retenues relatives au premier dou-

zièmeet des retenues de 5 ^ia .

Des instructions en ce sens ont été adressées aux préfe ts par

deux circulaires du ministre de l'Intérieur en date des ` ? 'c

juin et 15 septembre lez15. ? La seconde de ces circulaires

rappelle que les fonds destinés au payement des traitements

des commissaires de police communaux doivent réglemen-

tairement être centralisés à un paragraphe spécial du compte

des cotisations municipales et particulières (art. 611 de l'Ins-

truction générale). Cette centralisation permettra de contrôr

1er avec exactitude le versement des retenues dues au Trésor,

puisquela liquidation des dites retenues sera faite par la

préfecture pour l'ensemble du département, et que le man-

datement en sera effectué, ainsi qu'il est dit plus haut, par

le préfet, au nom du trésorier général, à des époques fixes,

avec états détaillés à l'appui..... Le Directeur général de la

Comptabilité publique, signé : Vuarnier.

Il y a lieu sans doute de se demander si ce précédent

ne pourrait pas s'appliquer aux médecins des asiles.

Nos retenues, au lieu d'être versées dans les caisses

départementales qui, le plus souvent ne les rendent pus,

seraient versées dons les caisses des trésoriers géné-

ASILES D'ALIÉNÉS DE LA SEINE. 199

vaux, à charge par eux d'en faire recette au cqmpte :

Agents de l'Etat en service détaché, rétribués sur les

fonds départementaux, leur compte de retenues pour

pensions civiles pour le compte dû receveur central de

la ? eine. Nous aurions ainsi des retraites assurées par

l'Etat.

Pourquoi ce qui a été fait pour les commissaires de

police ne serait-il pas fait pour les médecins des asiles ?

Ne sommes-nous pas, nous aussi, agents du Ministère

de l'Intérieur, rétribués sur les fonds départementaux ?

Qu'en pensent nos collègues ? P '

Dr DE\VARTE.

Médecin-directeur de l'asile de Naugeat (IlauLe-Vienne).

Nous remercions beaucoup notre excellent collègue M.

le Dr Df}wart0 de la communication du document qui pré-

cède et nous faisons appel à tous nos collègues des asti

les pour nous adresser leur opinion sur l'organisation

de la retraite des médecins directeurs et en chef des asi-

les d'aliénés.

Asiles d'aliénés de la Seine : Recrutement des médecins.

Le président du conseil, ministre de l'intérieur, vu la déliré;

ration du conseil général de la Seine en date du 26 dépembre 190G ;

vu le rapport du préfet de la Seine en date du 21 mars 1907, ar-

rête : .

Art. 1er. Le préfet de la Seine est autorisé à recruter par un

concours spécial les médecins des asiles d'aliénés de la Seine.

Art. 2. Seront admis à prendre part au concours les médecins

en chef et les médecins adjoints des asiles publics, asiles privés

faisant fonctions d'asiles publics, à la condition qu'ils aient occupé

effectivement un poste dans un de ces établissements pendant une

période d'au moins deux ans.

Art. 3. Les conditions du concours et la cpmposjtjon du jury

seront fixés par un arrêté ministériel.

Art. 4. Le directeur de l'assistance et de l'hygiène ppbliques

et le préfet de la Seine sont chargés, chacun en ce qui le concerne

de l'exécution du présent arrêté. Fait à Paris, le 31 juillet 1907.

G. C ? 11ENCAU.

Cet arrêté connu à l'ouverture du Congrès a provoqué parmi

tous les aliénistes présents à Genève une émotion .considérable et

200 asiles d'aliénés.

fort légitime, écrit l'Informateur. Cette émotion s'est traduite en

séance publique, à l'Asile de Céry, par le vote du voeu suivant :

« Les médecins aliénistes français réunis au 17e Co ngrès des mé-

decins aliénistes et neurologistes de langue française, à la séance

tenue à l'asile de Céry, s'en référant au voeu adopté par le Congrès

de Rennes, en 1905 ;

Considérant que l'arrêté ministériel du 31 juillet 1907 constitue

abusivement une mesure d'exception, qui accorde à Paris un régi-

me de faveur au détriment de la province, en autorisant le Préfet

de la Seine à recruter les médecins d'asiles dans des conditions

différentes des préfets des autres départements, c'est-à-dire par un

concours spécial ;

Considérant que la scission entre les médecins aliénistes qui sera

la conséquence de cette mesure est contraire aux intérêts bien com-

pris de la psychiatrie française ;

Considérant que les aliénés traités dans les asiles de province

ont droit aux mêmes garanties scientifiques que les aliénés traités

dans les asiles de la Seine ;

Considérant que l'arrêté ministériel du 31 juillet 1907 est sus-

ceptible de léser gravement dans leurs intérêts moraux et matériels

des médecins ayant des droits acquis par l'application du décret

dut août 1906, décret qui se réfère au recrutement par voie de

concours unique de tous les médecins d'asiles ;

Appellent respectueusement la bienveillante attention de M. le

Président du Conseil, Ministre de l'Intérieur, sur les conséquences

variées que peut avoir pour les médecins d'asiles l'arrêté du 31 juil-

let 1907, et demandent avec énergie l'observation rigoureuse du

décret du 1er août 1906 relatif au concours des médecins d'asiles et

à leur recrutement pour toute la France par voie de concours uni-

que et annuel ».

Le vote de ce voeu a été le dernier acte du Congrès et

l'on peut dire que cet acte est de toute première impor-

tance. En somme, les aliénistes français ont maintenu

énergiquement l'opinion qu'ils avaient émise au Congrès

de Rennes, opinion soutenue en 1906 et cette année en-

core par M. 1 inspecteur Drouineau, représentant du mi-

nistre de l'Intérieur. D'où vient la contradiction entre

cette opinion que l'on pouvait considérer comme officielle

et l'arrêté que nous venons de reproduire ? Nous l'igno-

rons. Nous ignorons aussi les démarches faites au minis-

tre de l'intérieur, qui semble définitivement décidé à

organiser un concours spécial, ainsi qu'en fait foi l'arrêté

ci-après publié dans le Journal officiel du 18 septembre.

asiles d'aliénés DE la SEINE. 201

Arrêté relatif à un concours pour le poste de médecin en

chef des asiles public d'aliénés de la Seine.

Le président du conseil, ministre de l'intérieur, vu l'arrêté

ministériel du 31 juillet 1907 ; vu le rapport du préfet de la Seine,

en date du 3 août 1907 ; sur la proposition du directeur de l'as-

sistance et de l'hygiène publiques ; arrête :

Art. 1er. Un concours sera ouvert toutes les fois qu'il y aura

lieu de pourvoir à un poste de médecin en chef des asiles publics

d'aliénés de la Seine, à l'exclusion des postes de directeur-médecin

des colonies familiales, dont les titulaires continueront à être nom-

mé comme par le passé.

Art. 2.- Par mesure transitoire, un poste sur deux sera réservé

au sur et à mesure des vacances dans les asiles de la Seine aux di-

recteurs médecins des colonies familiales actuellement en fonctions.

Art. 3. - Les concours, dont les opérations s'effectueront à Pa-

ris, par les soins de la préfecture de la Seine sont annoncés au

moins un mois à l'avance par des affiches qui sont apposées à

Paris et dans la banlieue, dans les endroits publics les plus appa-

rents ; dans les départements, au siège de la préfecture et, s'il y

a lieu, à la faculté de médecine et à l'asile départemental d'aliénés.

Art. 4. Sont admis à prendre part au concours les directeurs-

médecins des colonies familiales de la Seine ; les directeurs-méde-

cins et médecins en chef et les médecins adjoints des asiles publics,

asiles privés faisant fonctions d'asiles publics et quartiers d'hospi-

ces de France, à la condition qu'ils aient occupé effectivement

un poste dans un de ces établissements pendant une période d'au

moins deux ans etqu'ils n'aientpas dépassé l'âge de cinquante ans

au moment de l'ouverture du concours.

Art. 5. - Les candidats qui désirent prendre part au concours

doivent se présenter à la préfecture de la Seine (direction des af-

faires départementales, service des aliénés, le-- bureau, 2, rue Lo-

bau, Paris), pour obtenir leur inscription, en déposant les certifi-

cats ou diplômes constatant qu'ils remplissent les conditions

d'exercice prescrites par l'article 4. Les candidats absents de Paris

ou empêchés peuvent demander leur inscription par lettre re-

commandée. Toute demande d'insciiption faite après le jour fixé

pour la clôture des inscriptions ne peut être accueillie.

Art. 6. La liste des candidats admis à prendre part au concours

est arrêtée par le ministre de l'Intérieur, après avis du préfet de

la Seine et close quinze jours avant la date de l'ouverture du

concours.

Art. 7.- Dès que la liste des candidats est close, les membres du

jury qui doivent être ainsi désignés conformément aux dispositions

de l'article 9, sont tirés au sort par les soins d'une commission com-

posée d'nn inspecteur général des services administratifs du minis-

202 asiles d'aliénés.

tère de l'intérieur, président; d'un délégué du préfet de la Seine et

de deux membres délégués par la commission de surveillance des

asiles publics d'aliénés du département. Chaque candidat peut se

présenter à la préfecture de la Seine pour connaître la composition

du jury.

Art. 8. - Tout degré de parenté ou d'alliance, jusque et y com-

pris le sixième degré, entre un concurrent et l'un des membres du

jury, ou entre les membres du jury, donne lieu à récusation d'office

de la part de l'administration. Si les concurrents ont à proposer

des récusations, ils forment immédiatement une demande motivée,

par écrit et cachetée, adressée au préfet de la Seine. Les candidats

ont cinq jours, à partir de la constitution définitive du jury, pour

formuler leurs réclamations.

Art. 9. - Le jury est composé comme suit : un inspecteur gé-

néral des services administratifs du ministère de l'intérieur, nommé

par le ministre, président ; un professeur ou agrégé, choisi par le

minstre de l'intérieur sur une liste de trois noms présentée par la

faculté de médecine de Paris ; deux médecins en chef des asiles

publics d'aliénés de la Seine ; - un médecin en chef appartenant :

soit à la maison nationale' de Charenton, soit aux quartiers d'hos-

pice de Bicêtre ou de la Salpètrière, soit à l'infirmerie du dépôt

près de la préfecture de police ; - deux directeurs médecins ou mé-

decins en chef des asiles publics des départements autres que la

Seine; - deux suppléants.dont l'un pris parmi les médecins en chef

des asiles de la Seine, et l'autre parmi ceux des asiles des autres dé-

partements.

Les listes des médecins parmi lesquels sont tirés au sort les mem-

bres du jury sont arrêtées par le ministre, sur la proposition du di-

recteur de l'assistance et de l'hygiène publiques, après avis du pré-

fet, et ne doivent comprendre que des médecins comptant au

moins cinq années de grade et n'ayant pas pris part aux opérations

du précédent concours, aucun juge, sauf le président, ne pouvant

faire partie de deux jurys consécutifs.

Sont adjoints au jury, avec voix consultative : Le chef du ser-

vice des aliénés de la préfecture de la Seine et le chef du 1 cr bureau

de la direction de l'assistance et de l'hygiène publiques au minis-

tère de l'intérieur. En outre, un secrétaire administratif est dési-

gné, par arrêté préfectoral, pour assister le jury dans les diverses

opérations du concours.

Art. 10. - Si un membre du jury, pour un motif quelconque, ne

peut assister à une séance du concours, il ne pourra plus continuer

à siéger dans le jury dudit concours ; mais le jury devra, pour dé-

libérer, être composé de cinq membres au moins.

Art. 11. - Les épreuves du concours sont réglées de la manière

suivante :

ASILES D'ALIÉNÉS DE LA SEINE. 203

le Une épreuve épreuve écrite de pathologie mentale, pour la-

quelle il sera cccordé quatre heures ; -

2° Une épreuve clinique sur deux malades d'un service d'alié-

nés. Le candidat aura une heure pour l'examen des deux malades,

vingt minutes de réflexion et trente minutes d'exposition.

3o Une épreuve écrite sur l'examen de deux aliénés dont l'un sera

l'objet d'une consultation, l'autre l'objet d'un rapport médico-lé-

gal. Il sera accordé au candidat trente minutes pour examiner cha-

cun des malades et trois heures au total pour rédiger le rapport et la

consultation ;

4° Une épreuve écrite sur une question relative aux soins à don-

ner aux différentes catégories d'aliénés pour laquelle il sera accordé

deux heures ;

5° Une épreuve de clinique médicale ordinaire portant sur un ma-

lade. Il sera acordé au candidat vingt minutes pour l'examen, vingt-

minutes de réflexion et vingt minutes d'exposition ;

6° Une épreuve sur titres. Les points de l'épreuve sur titres sont

donnés au début du concours.

Art. 12. Le maximum des points attribués à chacune des

épreuves est fixé à 30.

Dans le cas où le nombre des candidats ayant pris part aux deux

premières épreuves est supérieur au quadruple du nombre des pla-

ces, ces deux premières épreuves peuvent être considérées comme

éliminatoires pour la moitié des candidats.

Art. 13.- La police générale du concours est confiée au jury

qui détermine notamment les règles à appliquer au choix des co-

positions, à la lecture et à la remisé des copies, désigne les services

où doivent être subies les épreuves cliniques, fixe le choix des ma-

lades qui seront l'objet de ces épreuves et prend toutes dispositions

utiles pour assurei la régularité et la sincérité du concours.

Art. 14. En dehors du jury et du secrétaire administratif

sont seuls admis dans les locaux consacrés aux épreuves écrttes,

les candidats appelés à prendre part au concours. Les épreuves ora-

les sont publiques.

Atr. 15. - A la fin de chaque séance, il est publiquement donné

connaissance aux candidats du nombre des points qui leur sont

attribués.

Art. 16. Les candidats qui ont passé avec succès les épreuves

du concours sont, en cas de plusieurs places vacantes, classés par

le jury dans l'ordre de mérite ; ils font alors choix des places à at-

tribuer, suivant leur ordre de classement.

Art. 17. - Les arrêtés préfectoraux investissant les intéressés

de leurs fonctions, les arrêtés ministériels déterminant le traite-

ment à leur allouer, et la date de leur entrée en fonctions sont pris

dans les mêmes formes que les arrêtés relatifs aux médecins des

asiles des autres départements.

204 asiles d'aliénés.

Art. 18. - Les frais du concours sont à la charge du département

de la Seine.

Art. 19. Le directeur de l'assistance et de l'hygiène publiques

au ministère de l'intérieur et le préfet de la Seine sont chargés, cha.

cun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté. Fait à

Paris, le 11 septembre 1907. G. CLÉMENCEAU,

Le service des infirmières hollandaises à

l'Asile Fort Jaco ;

PAR LES D" LI' ET SANO.

La séance de juin de la Société de médecine mentale de

Belgique a eu lieu à l'asile Fort Jaco. M. Ley a donné à

ses collègues les renseignements suivants :

Lors de notre nomination, à mon ami Boulanger et à moi, on

nous a ouvertement reproché de n'avoir pas passé parles asiles

avant d'entrer ici; nous tenons à déclarer que nous sommes heu-

reux de n'avoir pas eu l'occasion de nous abîmer dans ce milieu

déprimant des établissements belges d'aliénés, où l'on voit

bafouer l'autorité du médecin et où l'on arrive peu à peu à ne

plus savoir s'indigner devant les camisoles, les entraxes et les

punitions infligées à de malheureux malades. Nous vous mon-

trerons donc modestement ce que nous sommes arrivés à réali-

ser ici.

Le personnel qui débuta au « Fort Jaco », était absolument

incompétent en fait des soins à donner aux aliénés.

Les soeurs qui le composaient étaient d'anciennes institutrices,

quelques-unes anciennes infirmières d'hôpital, mais elles n'avaient

jamais soigné les maladies mentales. L'échec fut complet, mal-

gré des tentatives d'éducation professionnelle, très mal acceptées

d'ailleurs, comme c'est malheureusement le cas fréquent. Il y n

certes là une leçon à retenir pour ceux qui voudraient créer un

asile d'aliénés à extension rapide ^qu'ils prennent un personnel

déjà au courant, car l'éducation après un court laps de temps

d'un personnel profane est difficile, sinon impossible.

Le dévouement, les sentiments les plus purs de charité, ne ser-

vent de rien dans la réalisation d'un traitement humanitaire et

scientifique de l'aliéné, si l'éducation professionnelle n'est interve-

nue, large et approfondie. Et j'en suis artivé à constater que l'in-

firmerie en général est bien moins une question de dévoue-

ment qu'une question de connaissances rationnelles du malade.

Donnez-nous des infirmières capables, instruites, et le dévoue-

ment leur viendra tout naturellement parce que l'altruisme

LE SERVICE DES INFIRMIÈRES HOLLANDAISES. 205

est un sentiment naturel à tout être normal, et qu'il n'est le pri-

vilège d'aucune caste.

Nous avons donc été forcés, vu la mauvaise marche du service

dans rétablissement, de nous adresser à un personnel hollandais,

spécialement éduqué. Nous eûmes au début une vingtaine, puis

ensuite une quarantaine de zusters ayant passé de deux à dix et

même douze ans dans les asiles. Le changement fut rapide.

Quelques mois après leur arrivée, le service n'était plus à recon-

naître, une propreté méticuleuse régnait partout; le traitement

des malades était organisé scientifiquement et d'après les ordres

du médecin, ce qui n'avait jamais pu être obtenu auparavant.

Vous jugerez tantôt par la visite de nos salles des résultats

obtenus, toutefois je désire vous donner en deux mots les carac-

téristiques de notre organisation :

1° Le service infirmier est, chez nous, entièrement dans les

mains du médecin ; c'est lui qui nomme les infirmières, fixe leur

traitement, régle leur service et exerce la discipline.

L'administration de l'établissement, en laquelle règne d'ailleurs

l'esprit médical, a compris que la bonne marche du service néces-

site l'autorité absolue du médecin sur le personnel de l'asile.

2° vous n'avons pas de servantes dans les salles des malades ;

l'entrée de celles-ci est interdite à toute personne non éduquée

eomme 'i1¡firmière; nous savons tous combien désastreuse est

l'influence des domestiques grossiers sur les aliénés, et c'est

dans le but d'éloigner ces éléments mauvais que nos infirmières,

bien qu'appartenant à une classe où les jeunes filles reçoivent une

éducation assez relevée, acceptent de faire, aidées d'ailleurs par les

malades, tous les travaux des sections, y compris les gros nettoya-

ges. Ce sentiment les honore.

C'est d'ailleurs à leur demande que les servantes furent ren-

voyées, car elles existaient à l'établissement du temps de l'ancien

personnel.

3° Il existe une hiérarchie parmi les infirmières avec une auto-

rité attachée aux di\ers grades ; nous avons deux infirmières en

chef, une s'occupant des malades payants, l'autre des indigents.

Ce sont elles qui règlent et surveillent le service des zusters. A

la tête de chaque section se trouve une première infirmière sous

les ordres de laquelle travaillent les infirmières diplômées et les

élèves.

Au début, nous avons eu besoin d'un grand nombre d'in-

firmières expertes et diplômées ; actuellement. nous pouvons

prendre assez bien d'élèves-infirmières dont l'éducation se fait

au contact des autres et dans des cours spéciaux. 1

4° Nous avons dès le début organisé la veille de nuit. Six inlir-

mil'res veillent actuellement la nuit et se reposent le jour. Ce

chiffre représente une garde de nuit par cinquante malades.

206 Ô ' asiles d'aliénés.

. Ces gardes font un service très actif, surveillent et soignent les

malades comme pendant le jour. Une des gardes fait toute la nuit

la ronde, et se charge de porter des boissons chaudes et des ali-

ments à ses compagnes.

Nous sommes loin par conséquent de l'ancienne conception de

la garde de nuit par un paysan mal dégrossi ou une servante mi-

endormie, circulant par l'asile, armée d'une lanterne, en quête

- d'un incendie éventuel.

5° L'éducation professionnelle des infirmières a été organisée

dès le début. Des cours de chimie, physique, anatomie, physio-

logie, infirmerie, psychiatrie, ont été donnés par 111. Boulanger

et moi-même. Ces cours, jusqu'à présent libres,ont été suivisméme

par les infirmières diplômées qui y trouvaient toujours matière à

apprendre. Des cours de français ont également été organisés.

G° L'Administration de l'établissement a cherché à donner à

ces jeunes filles un certain confort ; chacune d'elles a sa cham-

brette, les infirmières en chef ont en plus un petit salon-

bureau. Une maison que vous verrez, leur est réservée. Dans

le austerhuis elles peuvent se réunir le soir ; elles y ont une

salle à manger, un salonnet avec piano, jeux, journaux.

Nous sommes arrivés en somme, grâce à ce personnel, à établir

très vite le no-restraint, le traitement au lit et les procédés

modernes de thérapeutique des maladies mentales. Au début

cela fut évidemment difficile ; nous avons eu une période de

transition du restraint au no-restraint pendant laquelle nous

nous sommes bien trouvés de l'enveloppement humide froid

cousu au moyen de ficelles. Actuellement ce procédé hydrolhé-

rapique est employé dans les conditions plus conformes aux

règles thérapeutiques modernes, et ne rappelant plus en rien la

contrainte violente de jadis. Notre expérience a bien prouvé, je

pense, que le personnel est dans un asile chose primordiale. La

réforme de celui-ci fait partie intégrante d'ailleurs de la réforme

du régime médical des asiles ....,si urgente. Je veux attirer aussi

votre attention sur la satisfaction que nous avons de devoir

pratiquer fort peu l'isolement. En ce moment nous n'avons pas

une seule malade isolée et, sauf la nuit, il en est souvent ainsi.

Il est certain que l'isolement, surtout en cellule, est encore un

procédé barbare et irrationnel destiné à disparaître. Vous allez

faire le tour de l'établissement et j'espère que vous pourrez cons-

tater la possibilité d'avoir, sans liens et sans entraves des mala-

des calmes, tranquilles, ne rappelant en rien la foule hurlante

et grimaçante des asiles où sévissent les moyens de contrainte.

Le confrère d'Ilollander écrivait 1 écemment que la visite de la

clinique de Ivraepelin à Munich, l'avait frappé par le fait qu'on

n'y entend pas un cri. Et notre excellent confrère Cuyslits, qui

semble n'avoir pas -vu beaucoup d'asiles étrangers, de se moquer

LE SERVICE DES INFIRMIERES HOLLANDAISES. 207

et de plaindre la naïveté de ceux qui croient à ces contes mer-

veilleux. J'espère vous l'aire constater, Messieurs, que ce conte

est chez nous aussi, devenu quelque peu une réalité.

Après cette communication, a eu lieu la visite de l'éta-

blissement dont on a admiré l'ordre et la bonne tenue et

surtout le calme dans le quartier des agités. La visite

achevée, le président, M. SANO, a remercié en ces termes :

Messieurs avant déterminer la séance,je tiens au nom de vous

tous à adresser nos meilleures- félicitations à tous ceux qui ont

quelque responsabilité dans la bonne marche de l'établissements

que nous venons de visiter. Si quelque critique pouvait se pré-

senter à notre esprit, en voyant ces locaux et cette organisation

modèle du personnel, il nous suffirait de nous rappeler le chemin

parcouru en si peu de mois, pour avoir confiance dans l'avenir

et dans la réalisation des projets annoncés.

Comparons ce que le souvenir d'une visite antérieure nous a

laissé avec le calme, la propreté, l'aspect riant d'aujourd'hui ! Le

docteur Ley nous a dit quels furent les meilleurs moyens pour

arriver à de rapides progrès. J'y ajouterai qu'il fut secondé par

un propriétaire médecin, dont la bonté de coeur est au-dessus de

tous éloges, et qui sut comprendre que l'assistance des aliénés

doit être une question essentiellement et purement médicale,

c'est-à-dire avant tout scientifique et humanitaire.

C'est grâce à cet esprit de désintéressement que le docteur Ley a

pu se donner entièrement et exclusivement à la réorganisation de

l'asile. Il habite cet Asile, il y est toute la journée, au milieu de son

personnel ; il se tient même la nuit à là disposition des malades

qui peuvent nécessiter des soins. Mais il est un moyen décisif

dont notre ami a pu disposer pour arriver à des résultats cer-

tains : la direction médicale du personnel infirmier. Ce personnel

a eu en Ilollande une éducation d'élite et notre confrère conti-

nue à l'améliorer encore» C'est donc bien à l'union de toutes les

forces vives qui agissent ici dans la pleine conscience de leur mis-

sion de charité et de science que nous devons nos encourage-

ments et notre admiration.

Puissions-nous les rencontrer encore souvent dans cette même

et salutaire bonne entente : ce sera toujours pour le plus grand

profit des aliénés etpour notre propre éducation scientifique.

De tels résultats pourront être facilement réalisés

dans notre pays en nous plaçant dans les mêmes con-

ditions. Direction médicale, pleine autorité du médecin

par conséquent sur le personnel ; éducation sérieuse,

208 CONGRÈS DES MEDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

méthodique de ce personnel, habitation réelle du méde-

cin dans son asile. B.

CONGÉS DES MÉDECINS ALIÉNISTES & NDUROLOGISTES

(Genève, XVIIe session, août 1907.)

Du siège anatomique de l'aphasie.

M. l\IAHAIM (de Céry).- D'après M. Pierre Marie, l'insula

et les parties sous-jacentes sont l'organe moteur du langage

articulé. Leur destruction détermine l'anarthrie dans le sens

nouveau que lui attribue M. Pierre Marie, c'est-à-dire le syn-

drome appelé jusque-là aphasie motrice pure. Pour le même

auteur, l'aphasie motrice est une aphasie de Wcrnickc doublée

d'une anarthrie dans le sens sus-indiqué.

A cette nouvelle conception de l'aphasie, je crois pouvoir

opposer les faits suivants :

a) Un cas d'aphasie sensorielle ; le malade était bavard,

paraplégique et jargonaphasique.A l'autopsie on trouva une

lésion temporale double ; à gauche l'insula ainsi que l'avant-

mur, la capsule externe et la couche adjacente du putamen

étaient détruits dans leurs quatre cinquièmes postérieurs.

Pas trace d'anarthrie dans le sens de M. Pierre Marie.

b) Un cas de destruction complète de l'insula, sauf la pre-

mière circonvolution antérieure, l'avant-mur et la capsule

externe ; le malade ne présentait pas trace d'aphasie motrice.

c) Un cas d'aphasie totale avec intégrité apparente de la

troisième frontale. A l'examen des coupes en séries microsco-

piques, toute la projection frontale fut trouvée coupée dans

le centre ovale. Il n'y avait plus aucune relation entre la troi-

sième frontale et le lobe temporal.

Les cénesthopathies.

MM. Dupré et P. Camus (de Paris). - Les cénesthopa-

Lhies sont des troubles de la sensibilité générale, à localisations

variées, caractérisées par des sensations étranges, indéfinissa-

bles, pénibles plutôt que douloureuses, dont la nature insolite

inquiète et trouble les malades.

Ce syndrome, propre aux dégénérés, est une forme sensitive

spéciale de la déséquilihration constitutionnnelle du système

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 209

nerveux, indépendante de toute lésion saisissable et souvent

rebelle à tout traitement.

Secondairement aux malaises sensitifs, peuvent apparaître

des réactions variées, d'ordre anxieux ou hypocondriaque.

Le diagnostic des cénesthopathies doit et peut être fait d'a-

vec les diverses douleurs, d'ordre névralgique ou autre ; d'a-

vec les hyperesthésies et les topoalgies des hystériques et des

neurasthéniques.

Les cénesthopathes se distinguent de^ hypocondriaques par

le caractère primitif ei souvent unique de leurs malaises, in-

dépendantes des troubles de l'humeur et de l'intelligence, par

le manque de convictions délirantes, par la fixité régionale et

l'absence d'évolution clinique du syndrome.

De l'influence exercée par les sels de calcium et de sodium sur

l'évolution de la tétanie expérimentale.

MM. PARHON et Uréché (de Bucarest). Après avoir ex-

tirpé l'appareil Lhyroparalhyroïdien chez 20 chiens, nous

avons injecté à quelques-uns de ces animaux des sels de sodium

ou de calcium.

Il résulte de nos expériences que les sels de sodium déter-

minent, en général, une exacerbation des phénomènes con-

vulsifs ; en outre, la plupart des animaux injectés ont survécu

moins longtemps que les témoins. Les sels de calcium nous

ont paru avoir au contraire une action sédative. La plupart

des chiens qui ont reçu des injections de ces sels ont survécu

également moins que les témoins, mais ici il faut incriminer

à ce qu'il semble la dose employée (1 gramme),car un animal

qui n'avait reçu que 0 gr. 50 centigr. a survécu douze jours.

On peut conclure de ces recherches que dans l'évolution des

troubles consécutifs à la thyroparathyroïdectomie il faut te-

nir compte de certains facteurs individuels.

Sur les suites éloignées des paralysies oculo-motrices.

M. ANTOtELLI (de Paris). - On sait que les paralysies du

nerf de la sixième paire ayant duré plus ou moins longtemps

sont suivies, surtout chez les. jeunes sujets, d'un strabisme

convergent qui présente tous les caractères du strabisme or-

dinaire, dit concomitant. Les anciennes paialysies du nerf de

la troisième paire s'accompagnent un peu plus rarement d'un

strabisme divergent, ou tout au moins d'une insuffisance ma-

nifeste de la convergence, analogue à la divergence,dite con-

comitante, des myopes. Quant aux paralysies isolées du nerf

de la quatrième paire, elles sont trop rares pour que nous

puissions en fixer les suites éloignées.

A la suite des paralysies guéries du moteur oculaire externe

Archives, 3° série, 1sot, l. II. 14

210 CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

et du moteur oculaire commun,la déviation précoce du globe

de l'oeil est uniquement due à la perte de tonicité du ou des

muscles paralysés et à l'exagération du tonus du muscle an-

tagoniste. A lalongue, ce muscle antagoniste peut présenter un

raccourcissement par adaptation, qui ne représente pas non

plus, à proprement parler, une contracture. La déviation pro-

voque ou aggrave dès son apparition la diplopie,et alors la neu-

tralisation de la fausse image entre en jeu. Cette neutralisa-

tion s'oppose d'abord au développement de la diplopie ; mais,

plus tard, quand le trouble moteur a cessé ou diminué, c'est

cette neutralisation qui devient la cause du défaut de rétablis-

sement de la motilité binoculaire proprement dite.

La psychothérapie chez les neurasthéniques.

M. HARTENBERG (de Paris). Chez les neurasthéniques

vrais, chez ces malades nombreux et de type clinique très net,

qui présentent, à la suite d'une intoxication et d'un surme-

nage émotionnel associés le plus souvent, des symptômes de

grave fatigabilité physique etmentale, de céphalée, de troubles

digestifs, d'émotivité exaltée, la psychothérapie, sous quel-

que forme qu'on l'applique. hypnotisme, suggestion ou

persuasion, ne procure que des résultats médiocres, parce

que cette neurasthénie n'est pas une maladie psychique, due

à une représentation mentale, mais exprime un trouble fonc-

tionnel de la cellule nerveuse. Quant aux troubles psychiques

qui l'accompagnent, - anxiété, scrupules, hypocondrie, etc.,

- ils ne réclament pas davantage la psychothérapie, car ils

ne sont que l'exagération, à la faveur de la dépression céré-

brale et de l'émotivité exaltée, des tendances morbides du ca-

ractère habituel de ces sujets, et ils disparaissent spontané-

ment lorsqu'un traitement hygiénique, physique ou médica-

menteux a redressé l'épuisement nerveux. J'estime donc que

la psychothérapie n'a que peu d'action dans ces cas. Les ma-

lades qu'elle a paru améliorer ou guérir ont bénéficié en réalité

soit de la cure de repos et de suralimentation qu'ils subissaient

concurremment, soit de la disparition de leurs symptômes

auto-suggérés.

M. DÉJERINE. - Je pense que la neurasthénie n'est pas

une maladie de la cellule, qu'il s'agit avant tout de troubles

fonctionnels et que tout malade qui mérite le nom de neuras-

nique est susceptible d'une très large amélioration par le trai-

tement psychothérapique seul.

M. BERNHEIM (Nancy).-Pour. lui, il n'y a pas de neuras-

thénie ; il y a des troubles nerveux qui sont émotifs, auto-

suggestifs. Ceux-là, il peut les guérir par l'éducation en défai-

sant la suggestion médicale qui a été souvent nuisible aux ma-

CONGRÈS DES MÉDECINS' ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES. 211

lades. On leur â donné des régimes impossibles, on leur a in-

culqué des idées fausses sur leur état. La psychothérapie peut

les guérir très vite' : Quant aux malades de M. Hartenberg, il

les considère comme des intoxiqués, des mélancoliques, plu-

tôt que des neurasthéniques, il peut les consoler, il ne peut les

guérir par la psychothérapie.

M. SoLLIER (Paris). M. Hartenberg a raison de définir ce

qu'il appelle la neurasthénie, car c'est parce qu'on ne parle

pas des mêmes choses, qu'on ne s'entend pas. Je ne suis pas

aussi exclusif que M. Hartenberg, au sujet de la psychothéra-

pie. Je pense qu'il faut traiter ces malades-là par tous les bouts,

physiquement et moralement. '

M. Ll : oroLD-LÉVI (Paris) pense qu'il y a intérêt à recher-

cher la pathogénie dans chaque cas de neurasthénie. Sans in-

sister, puisqu'il fera une communication spéciale sur le sujet,

il rappelle qu'avec M. H. de Rothschild, il a étudié la neuras-

thénie thyroïdienne, et il cite des cas de malades neurasthéni-

ques qui étaient des hypo-thyroïdiens, guéris par l'absorp-

tion de corps thyroïde.

1 Revue critique de la thérapeutique du tabès dorsalis.

11 : HIRSCHSERG (de Paris) réhabilite dans une certaine me-

sure la suspension comme méthode de traitement des tabéti-

ques, et montre que la méthode de rééducation de Frenkol,

plus complexe qu'on ne pense, doit toujours être confiée à un

médecin, et ne doit pas coïncider avec une cure thermale

comme Nauheim ou Lamalou.

Kleptomanie chez une hystérique ayant présenté à différentes

époques de son existence des impulsions systématisées de dU

verses natures.

l\1.1BERNARD LEROV. - Il s'agit d'une femme de 49 ans,

venue me trouver spontanément pour que je la guérisse d'im-

pulsions irrésistibles à voler aux étalages des objets dont elle

n'avait nul besoin.

L'intérêt particulier de cette observation consiste d'abord

en l'existence d'une confession écrite par la malade et très dé-

taillée ; suffisamment instruite pour s'analyser assez bien, elle

n'avait d'autre part jamais eu maille à partir avec la justice,

et, par suite, ne cherchait nullement à déguiser, soit les faits,

soit son état d'esprit ; les observations que l'on publie géné-

ralement ont, au contraire, pour la plupart, été recueillies à

l'occasion d'enquêtes médico-légales et présentent par suite

une valeur très différente.

En second lieu, cette malade n'en était pas à sa première

212 CONGRÈS DES MEDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

perversion passionnelle : depuis une dizaine d'années, elle en

avait présenté au moins quatre, assez bien caractérisées :

D'abord une sorte de dégoût et de haine irrésistible pour

son mari, sentiments nullement motivés, tout à fait contraires

à ses tendances normales et profondes, et engendrant cepen-

dant des velléités de crime longuement méditées qui abouti-

rent à un commencement d'exécution. Puis, une aveugle pas-

sion pour tous les individus portant un uniforme quelconque,

passion dépourvue, semble-t-il, de caractère sexuel et qui a

entraîné la malade, précisément à cause de cela, à des aven-

tures bizarres.Je signalerai ensuite une impulsion à boire de

l'absinthe qui a, pour ainsi dire, avorté immédiatement, et

enfin, une sorte de fausse dévotion présentant les mêmes ca-

ractères d'illogisme que les autres passions morbides. Ces dif-

férentes tendances ont présenté dans leur mode d'évolution

et de guérison des ressemblances frappantes.

Ecchymoses spontanées oni/ormes.

M. ETIENNE (Nancy) communique un cas d'éruption ecchy-

motiquc, occupant nettement le territoire du nerf frontal,

survenue spontanément après une période de vives douleurs

névralgiques. Ce type morbide se rapproche beaucoup du

zona et peut être attribué à un phénomène de vaso-dilata-

tion par lésion des filets sympathiques.

Ataxie oculo-motrice d'origine labyrinthique dans le tabes.

M. ETiENNE. Il s'agit d'un tabétique présentant le signe

de Romberg et des phénomènes d'ataxie oculo-motrice d'ori-

gine labyrinthique. Le malade a une diminution de l'acuité

auditive, des bourdonnements à gauche, et aussi un strabisme

avec diplopie qui ne peut être expliqué par un trouble névri-

tique ou musculaire, mais par le mécanisme étudié par P.

Bournier (Rapports entre le noyau de l'O. M. E., du pathéti-

que, de l'O. M. C. du même côté et l'O. M. G., de l'autre côté).

Anxiété, morphine et démence.

M. i\1ÉZIE présente les résultats du traitement morphini-

que appliqué dans le service du Dr Charon, à l'asile d'Amiens.

La technique a été surveillée avec soin, enregistrée méthodi-

quement et comporte les précautions et moyens adjuvants

utiles pour assurer dans les meilleures conditions la comparai-

son des effets et des rapports.

L'observation porte sur 24 cas de mélancolie anxieuse, dif-

férente par l'âge et la gravité symptomatique, qui tous, con-

curremment avec l'alitement et la cure de désintoxication,

ont été soumis à l'action du chlorhydrate de morphine par la

CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES, 213

voie sous-cutanée et selon le mode croissant et décroissant de

1 à 10 centigrammes par jour. Le point intéressant qui se dé-

gage de cette observation et que l'auteur tient seulement à

souligner c'est la valeur diagnostique et pronostique que pré-

sente ce traitement au point de vue de la démence. Les ma-

lades seuls, dont la quantité intellectuelle est intacte, réagis-

sent favorablement au traitement : ceux qui sont en voie de

processus démentiel y restent indifférents.

Le chlorhydrate de morphine mériterait donc d'être consi-

déré, dans les états anxieux qui masquent le fond psychique

et rendent souvent le diagnostic difficile,non impossible, com-

me un réactif fidèle de la démence. La considération pronos-

tique importante qui s'en dégage n'a pas besoin d'être déve-

loppée.

Paraplégie spasmodique familiale.

M. Courtellejiont (Amiens). Il s'agit d'un homme de

51 ans. Les symptômes de paraplégie ont débuté à l'âge de 36

ans,sans antécédents personnels à noter en dehors d'une érup-

tion furonculeuse qui laissa aux membres inférieurs des cica-

trices ne prêtant d'ailleurs à aucune discussion sur leur na-

ture. -

Ce malade présente une démarche spasmodique, avec exa-

gération des réflexes, trépidation épileptoïde, signe de Ba-

binski. Cette paraplégie s'accompagne de troubles génito-uri-

naires. Impuissance totale et légère incontinence d'urine. La

ponction lombaire ne révéla pas de lymphocytose. Ce qui

constitue l'intérêt de ce cas, c'est que la mère, la soeur et le

frère du malade sont également atteints de paraplégie spas-

modique. Chez le frère, on constate une insuffisance cérébrale

très marquée. La soeur présente une paraplégie accompagnée

de troubles urinaires.Lesparents de ces malades ne sont pas des

consanguins, et comme la syphilis ou tout autre infection

paraît devoir être écarté, pour expliquer l'origine de cette

paraplégie chez ce sujet, l'étiquette de paraplégie familiale

s'impose. Il faut noter l'apparition tardive de la maladie,

sauf chez un sujet, dans la famille, et on peut se demander

s'il s'agit d'une anomalie congénitale ou d'une sclérose évo-

luant très lentement vers la sclérose en plaques.

La séance de samedi après-midi est ouverte à 2 h. 30,

à l'Aula, sous la présidence de M. le Dr CULLERRE, vice-

président du Congrès.

Après l'approbation du compte-rendu financier du

dernier Congrès, l'Assemblée décide que le prochain

214 CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE.

C- pngu'ès aura lieu, l'année prochaine, à Dijon. Elle nom-

me M. le Du' Vallon, de Paris, comme vice-président et

le Dr GARNIER, de Dijon, comme secrétaire général du

futur Congrès. Nous rappelons que le Président dési-

gné l'an dernier est M. le Dr CULLERRE. Enfin elle fixe

les trois questions qui seront l'objet de rapports au Con-

grès de 1J0. Ce sont :

1° Les troubles mentaux par anomalie des glandes à sé-

crétion interne. Rapporteur : Dr 1,AIGNr--L-LkVASTINE (Pa-

ris). 2° Diagnostic et formes cliniques des névralgies. Rap-

pqrteur : Dr VERGER (Bordeaux). 3° Assistance des enfants

anormaux . Rapporteur : D Charron (Amiens).

Le président prend la parole pour remercier M.le pro-

fesseùr Weber de l'amabilité avec laquelle' il a reçu et

fait visiter au Congrès l'Asile de Bel-Air. Il se fait un

devoir de rendre hommage au zèle et au dévouement de

M. le professeur Prévost, président et de M. le Dr Long,

secrétaire général du Congrès et il les remercie de l'ac-

cueil sympathique que les congressistes ont reçu à Ge-

nève, ainsi que des charmantes promenades et des mer-

veilleuses réceptions qui leur pnt été offertes. L'assem-

blée tout entière approuve les paroles du président et

sjassocie à ses éloges par d'unanimes et chaleureux ap-

plaudissements.

CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE

. de Neurologie, de Psychologie et d'Assistance des Aliénés

Amsterdam, 2-7 septembre 1907. f

La première séance du Congrès a été présidée par le prof. Jel-

gersma, en présence de S. M. la Reine et de S. A. R. le Prince llen-

drik dçr Nederlandep. - Le ministre de la Justice, le Dr Van Raakt

ouvre le Congrès gL souhaite 1a bienvenue aux délégués des Gouver-

nements étrangers et explique le but et la tendance de ce Congrès,

après, le Prof.Jelgersma fait une conférence sur l'influence de la vie

moderne sur, les maladies des systèmes nerveux. La plupart des dé-

légués des gouvernements, Dr A. Marie pour la France, prennent; la

CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE. 215

parole. Du discours du président nous reproduisons les pages sui-

vantes qui indiqueront le but poursuivi :

En vérité,messieurs, n'est-ce pas un signe du développement'de

la courtoisie internationale, une application tout moderne de l'i-

dée classique de la comitas gentiuna, que les divers gouvernements

autorisent et délèguent quelque-sunes de leurs illustrations de la

science ou quelques uns de leurs hauts fonctionnaires afin qu'ils

apportent à l'oeuvre collective le concours de leurs talents et de leurs

connaissances.

Aussi je m'acquitte de grand coeur d'une double tâche bien agréa-

ble, d'abord en vous souhaitant au nom du gouvernement de S.

Plia Reine la bienvenue dans la capitale de notre pays,à vous,Mes-

sieurs les délégués des Gouvernements et à vous tous, Messieurs

les membres du congrès, et ensuite en remerciant les Gouverne-

ments qui ont voulu reconnaître la haute utilité de la collaboration

internationale dans le domaine de la science et ont donné suite à

l'invitation du gouvernement Néerlandais d'envoyer à ce con-

grès leurs représentants.

Permettez-moi que je tâche de tracer en quelques traits géné-

raux où réside la haute importance du congrès et quelle est l'idée

maîtresse qui se dégage du programme étendu de ses délibérations.

Et bien, j'espère ne pas me tromper en disant que c'est la représen-

tati6n- synthétique de toutes les branches de la science qui s'oc-

cupe de l'étude de la vie mentale, qui forme le caractère principal

de ce congrès international,qui le distingue de ses devanciers et qui

on peut l'affirmer sans aucune exagération le relève à la

hauteur d'un fait historique dans les annales de la science.

Car s'il est vrai que déjà aux différents congrès internationaux

précédents, voués soit à l'anthrologie criminelle, soit à la psychia-

trie, soit plus spécialement à l'assistance familiale des aliénés, nom-

bre de sujets furent mis à l'ordre du jour, qui de nouveau appel-

leront toute l'attention du présent congrès c'est maintenant que

pour la première fois nous voyons dans ce congrès,se manifester, par

les faits cette conviction commune ; à savoir : que le psychiatre le

neurologue, le psychologue et le criminaliste se voient contraints de

s'unir, de collaborer, d'échanger les résultats de leurs recherches et

de leur observation, des phénomènes qui se produisent sur le ter-

rain spécial de leurs études,la conviction qu'ils doivent se soutenir

mutuellement, se compléter pour ainsi dire, s'ils veulent réussir

à résoudre les questions difficiles que non seulement la science,mais

aussi la pratique de la vie et le législateur leur soumettent de jour

en jour en plus grande mesure.

C'est au présent congrès que sont combinés pour la première fois

toutes les différentes branches de la biologie du système nerveux

d'une part, avec la doctrine de l'assistance des aliénés,avec la thé-

rapie, d'autre part, combinaison qu'on ne peut trop apprécier,lors-

216 CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE.

qu'on se rend compte des relations intimes par lesquelles ces diver-

ses branches d'étude et d'application pratique sont liées - de l'a-

tion réciproque qu'elles exercent. Ceci se rapporte spécialement au

lien reconnu de nos jours entre la psychiatrie et la psychologie,

lien qui s'écoule clairement des observations récentes,par lesquelles

il est démontré qu'entre l'état mental normal et l'état mental mor-

bide les différences ne sont souvent que graduelles. Dès lors le psy-

chiatre et le psychologue sont devenus indispensablement coopé-

rateurs. '

La psychologie pourra aider le psychiatre à comprendre les anor-

malités mentales, à pénétrer dans ces phénomènes, ce qui suppose

toujours, qu'on a éprouvé soi-même, même à un beaucoup moin-

dre degré d'intensité, des sensations analogues : comme Goethe l'a

déjà dit dans son « Faust» : « Du gleiclist dem Geist,den du begreisst.

D'un autre côté la psychiatrie apprend à connaître des symptô-

mes et des états psychiques dans de telles proportions et dans une

telle pureté, dans lesquelles ils ne se manifestent pas chez l'homme

normal. Comme le fait remarquer un des rapporteurs du présent

congrès, M. O. GROSS, la psychologie n'est pas seulement la patho-

logie, mais aussi ce qu'il appelle la microscopie de l'âme.

Non moins grande est la valeur heuristique que les recherches du

psychologue et relies du neurologue ont les unes pour les autres ;

souvent ce sont les résultats de la psychologie qui procurent au

neurologue des indices précieux sur la manière dont se déroule le

procès psychologique dans le système nerveux central malade. I

Et enfin lorsque nous nous plaçons sur le point de vue de la pra-

tique et de l'application des leçons de la science, nous pourrons

regarder la doctrine de l'assistance des aliénés et des nerveux

comme le résultat final de toutes ces recherches scientifiques.comme

le couronnement de l'édifice. -

Mais c'est spécialement le Ministre de la Justice - j'espère que

vous me permettez cette observation quelque peu utilitaire qui

a des raisons personnelles de se réjouir de l'heureuse collaboration

des membres de ce congrès. Le Département à la tête duquel il est

placé sera un des premiers à profiter, tant en ce qui concerne son

travail législatif, qu'en ce qui regarde sa tâche administrative, de

la lumière,qui indubitablement va jaillir de vos savants débats ;

car est-il besoin de le dire,ce sont quelques-uns des. sujets dont vous

allez traiter qui,chez nous comme ailleurs intéressent vivement et

préoccupent le législateur. Des raisons impérieuses conduisent le

législateur en matière pénale et pénitentiaire à compter avec les

expériences biologiques, qui se sont produites sur le terrain de la

psychologie et de la neurologie. Ne peut-on pas aujourd'hui regar-

der comme incontestable qu'il n'est pas rare que le crime trouve sa

racine dans certaines déviations mentales du délinquant ou du

moins se rattache à un état mental morbide ? Et bien, que les doc-

CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE. 217

trines d'un LOhiBROSO, l'homme'génial.'qui'est réputé lejpère de

l'anthropologue criminelle, ne trouvent plus, du moins'dans leur

forme primitive, que..peu de défenseurs, la législation des états mo-

dernes civilisés admet de nos jours à peu près sans exception, que

la procédure à l'égard des réfractaires aux normes de la loi pénale

et leur traitement, doivent de toute nécessité tenir compte des ré-

sultats que l'aetiologie criminelle nous a démontrée et continue à

nous démontrer.

Au moins le législateur Néerlandais n'a-t-il pas négligé sur le ter-

rain pénitentiaire les conseils de la science psychologique. Les me-

sures législatives, qui sont entrées en vigueur depuis le 1 décembre

1905 sur la procédure à l'égard des mineurs et de l'éducation des

jeunes délinquants qui en vertu d'un jugement sont mis à la dispo-

sition du Gouvernement, réservent un rôle bien important au psy-

chiatre ; je cite comme exemple significatif ce fait, que les méde-

cins placés auprès de nos écoles publiques de discipline sont tous

des psychiatres. La descendance, le milieu, l'état mental et phy-

sique de l'enfant criminel ou moralement abandonné forment des

sujets de profond examen,et dont on tâche à se rendre un compte

exact, quand il s'agit du traitement, de la classification au choix

d'un métier et du reclassement après sa libération. Le psychiatre

est devenu le conseiller permanent qui assiste quotidiennement

l'éducateur public dans l'accomplissement de presque toutes ses

fonctions.

Tout ce que le congrès nous apprendra en matière psychiatrique

pourra donc pour ainsi dire être immédiatement utilisé chez nous,

dans l'intérêt de la jeunesse criminelle et de l'éducation des enfants

mentalement arriérés.

Mais aussi en ce qui concerne le traitement par le législateur na-

tional des criminels adultes,les débats de ce congrès seront d'une

grande actualité. d

Je pense à la procédure à l'égard des personnes de responsabilité

atténuée qu'un auteur français dans un ouvrage récent comprend

sous le terme général de : demi-fous demi-responsables - sujet

qui récemment entre les jurisconsultes Néerlandais a donné lieu

à d'intéressantes discussions. Et ce n'est pas un secret, que le Mi-

nistre de la Justice s'occupe en ce moment des études préparatoires

nécessaires, tendant à ce que la législation en se conformant aux

idées modernes sur le traitement des aliénés dangereux reconnaisse

dans l'intérêt de l'individu, aussi bien que dans l'intérêt de la so-

ciété, que quant à ces malheureux la solution du problème doit être,

cherchée dans l'assistance plutôt que dans la peine.

Je nomme encore l'assistance des aliénés qui ont comparu en jus-

tice. Sur cette matière une commission, royale, composée de psy-

chiatres et de criminalistes a publié en Avril 1904 un rapport im-

portant. De ce rapport sont puisées en partie les données, d'après

219 CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE.

lesquelles o n projette de régler le traitement : des prisonniers, qui

pendant leur détention, ont montré des symptômes de vie mentale.

Assez de raisons pour conclure que c'est avec la plus grande at-

tention et le plus vif intérêt que le législateur de notre pays suivra

vos débats, non seulement sur le domaine de la psychiatrie pure

mais aussi sur celui où se rencontrent les diverses branches de

la science et leur application pratique.

L'association Néerlandaise pour la psychiatrie était donc bien

heureusement inspirée, lorsqu'elle se proposait de convoquer le

Congrès dans notre pays, où à côté de cette association qui déploie

une grande activité, nous voyons à l'oeuvre, - et avec beaucoup de

succès - sur le terrain qui nous occupe, l'association dite « Wil-

helmina-Vereeniging », pour le relèvement de l'assistance des alié.

nés, «l'association contre l'Epilepsie » et plusieurs autres institu-

tions du même genre.

En outre surtout dans les derniers vingt ans nombre d'hôpitaux

bien organisés pour le traitement des aliénés ont remplacé chez

nous les vieux établissements, et en général l'assistance des alié-

nés en son entier a fait des progrès sensibles.

Tout porte à croire qu'aussi bien pour l'assistance des aliénés et

le traitement les nerveux entre autres des épileptiques et des

alcooliques - que dans les autres questions le congrès produira des

résultats fructueux. Puissent vos travaux être profitables au pro-

grès de la science, à l'intérêt de la société, à l'humanité souffrante !

C'est en formant ce voeu que je déclare lo congrès ouvert.

SECTION I

L'Hystérie maladie mentale

Par le Dr Pierre JANET

Depuis une trentaine d'années il semble entendu par tout le

monde que l'Hystérie est une maladie mentale, mais cette déclara-

tion me semble rester le plus souvent souvent lettre morte, car

après avoir adopté une formule psychologique quelconque « l'hys-

térie est une maladie psychique, une maladie par imagination, une

maladie par idée, une maladie par suggestion, ou par persuasion »

on n'en tient plus compte le moins du monde et on étudie cette né-

vrose comme une maladie organique quelconque. Il faudrait cepen-

dant s'entendre : si l'hystérie est une maladie mentale, elle rentre

dans le domaine de la psychiatrie : on doit pour l'étudier, adop-

ter les méthodes de cette science, analyser les caractères psycho-

logiques de chaque symptôme et surtout comparer cette maladie

avec les autres maladies mentales connues.

Cette discussion ne doit pas porter sur des symptômes rares et

douteux, mais sur les phénomènes les plus simples do tous, qui de

CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE. 219

tout temps ont caractérisé l'hystérie. A ce point de vue je mettrai

au premier rang un fait à la fois banal et célèbre ,ce déliré bizarre

qui à certains moments envahissait l'esprit des pythonisses, des

sybilles, des prophétesses, des extatiques, des possédées. C'est le

délire que la littérature même a consacré comme tout à fait carac-

téristique ; le délire de lady MACBETH quand elle frotte sa main pour

y enlever la tâche de sang et quand elle dit tout haut sans soupçon-

ner la présence des témoins : « Damnée tâche ! tous les parfums de

l'Arabie ne l'enlèveront pas... qui aurait pu croire que le vieillard

eut tant de sang... » Ce genre de délire n'a pas disparu, sur 600

observations d'hystériques que j'ai recueillies je relevais dernière-

ment au moins 120 cas très nets dans lesquels on retrouve ce délire

tout particulier sous des formes diverses complètes ou incomplètes'.

Ce sont des malades qui à certains moments se mettent à répéter

une scène à laquelle ils ont assisté ou à mettre en action une idée

fixe quelconque.

Ce délire est à mon avis extrêmement original : il rentre bien dans

les maladies mentales ; mais dans toute la pathologie mentale je ne

crois pas que l'on puisse trouver un délire semblable qui ait les mê-

mes caractères et qui puisse être confondu avec celui-ci. D'abord

ce délire est extrême, il s'accompagne d'une conviction intense que

l'on retrouve bien rarement, il détermine une foule d'ac-

tions et,si je ne me trompe,amène quelquefois de véritables crimes.

(t). Il donne naissance à une foule d'hallucinations de tous les sens

extrêmement intenses. Le développement de ce délire est étonnam-

ment régulier : la scène de la crucifixion ou la scène du viol se

répètent cent fois de suite exactement, avec les mêmes gestes, les

mêmes mots au même moment.

D'autres caractères en quelque sorte négatifs sont plus curieux

encore : Pendant le développement de son délire, le sujet, non seule-

lement ne croit rien, n'accepte rien qui soit en opposition avec son

idée dominante comme on le voit dans des délires systématiques,

mais il ne voit même rien, n'entend rien en dehors du système d'i-

mages de son idée : « ses yeux sont ouverts mais ils ne voient rien;

disait déjà le médecin de lady MACBETH ». Quand le délire se ter-

mine le sujet revient à la vie normale et semble avoir complète-

ment oublié ce qui vient de se passer. Dans bien des cas, comme

j'ai essayé de le montrer ' (2), cette amnésie est plus complète en-

cote ; elle s'étand non seulement sur la période remplie par le dé-

lire mais encore sur l'idée même qui a rempli le délire et sur tous

(1) Cf. l'Observation- remarquable du 1)° BIA,-4TE (Nantes). Des

maladies du sommeil et des crimes commis dans le somnamhulis-

iiie.A ? Inales médico-psychologiques, 1904, II, 3W.

(2) Dissociation des souvenirs par l'èfiiolioh. Journal de ps),cho-

Jagie normale et pathologique, 1906.

220 CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE.

les événements précédents auxquels cette idée a été mêlée. Sans

doute cette amnésie comme cette anesthésie a des caractères

étranges : elle n'est ni définitive, ni bien profonde, mais elle n'en

est pas moins très réelle, elle n'est ni inventée, ni voulue par le su-

jet qui a l'idée fixe de l'événement auquel il pense dans son délire,

mais qui n'a aucunement l'idée de tous ces caractères du délire

qui se reproduisent cependant depuis des siècles dans le pays les

plus divers.

En résumé ce premier grand symptôme de l'hystérie pourrait se

caractériser ainsi : c'est une idée, un système d'images et de mou-

vements qui échappe au contrôle et même à la connaissance de

l'ensemble des autres systèmes constituant la personnalité. D'un

côté il y a développement exagéré, régulièrement déterminé, de

cette idée émancipée, de l'autre il y a une lacune .amnésie ou in-

conscience particulière dans la conscience personnelle.

Si l'on veut bien y faire attention, on reconnaîtra aisément que

bien que ces caractères n'existent dans aucune autre maladie

mentale, il n'y a pas à rapprocher ce syndrome des confusions

mentales ou des démences : la dissociation existe bien dans les

syndromes démentiels, mais elle est alors beaucoup plus profonde

et désagrège les systèmes psychologiques eux-mêmes au lieu de les

séparer seulement les uns des autres. Personne ne confondra ces

phénomènes avec les délires systématiques où il n'y a pas anes-

thésie, ni amnésie ,où le délire remplit la vie entière au lieu d'occu-

per seulement un moment séparé des autres.

La véritable comparaison qui s'impose et qui n'est pas sans dif-

ficultés c'est celle de ces idées à forme somnambulique ou à forme

médiamique avec les diverses obsessions des psychasthéniques. Je

crois que ce sont des phénomènes voisins, mais qu'il y a cependant

lieu de distinguer : les obsessions ont un développement moins com-

plet et moins indépendant. Elles ne parviennent ni à l'acte, ni à

l'hallucination ; elles ne s'isolent pas au même degré et ne s'accom-

pagnent ni d'anesthésie, ni d'amnésie. En un mot les idées fixes

que présentent les hystériques constituent un symptôme extrême-

ment original et important.

Considérons un phénomène très voisin de l'idée, de langage.

Dans bien des cas nous voyons des crises singulières de logorrhée

dans lesquelles le sujet parle indéfiniment, à tort et à travers de

toutes espèces de choses sans pouvoir s'arrêter. Ces crises de lan-

gage qui peuvent porter sur la parole ou sur l'écriture ont revêtu

bien des formes. On retrouve ici la même exagération, la même

régularité que dans les crises d'idées fixes : on y retrouve les mêmes

caractères négatifs : le sujet ne peut plus arrêter sa parole, mais ce

qui est le plus curieux, ne peut plus non plus la produire volontai-

rement. A mon avis les phénomènes de mutisme hystérique doivent

être étroitement rapprochées des cas de parole et d'écriture automa-

CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE. 221

atique dont ils ne sont que la contre partie. Beaucoup d'auteurs

ont signalé ces muets qui parlent en rêve en crise, en somnam-

bulismé : j'en ai recueilli une vingtaine d'exemples.

En un mot il se passe pour la fonction du langage, quelque chose

d'analogue à ce que nous avons observé pour l'idée fixe. Après tout,

qu'est-ce qu'une fonction si ce n'est un système d'images associées

les unes avec les autres exactement comme une idée ? Le système

est plus considérable, il est surtout plus ancien, mais c'est quelque

chose de semblable : une idée est une fonction qui commence, une

fonction est une idée de nos ancêtres qui a vieilli. Le même trouble

peut s'appliquer aux deux phénomènes et le mutisme hystérique

est une lacune dans la conscience personnelle déterminée par l'é-

mancipation d'un système d'images exactement comme l'amné-

sie consécutive au développpement de l'idée fixe.

Les mêmes remarques peuvent s'appliquer à tous les accidents.

Le vrai caractère de toutes les paralysies hystériques, c'est d'être

accompagnées ou suivies de l'agitation indépendante de la même

fonction ; c'est l'acte subconscient qui caractérise la paralysie hys-

térique, comme j'ai essayé de le'montrer il y a déjà plus de vingt

ans.Ce fait s'observe dans les paralysies systématiques portant sur

de petites fonctions motrices dans lesquelles le système d'images*

qui s'émancipe est bien visible ; le même fait se retrouve encore

dans ces grandes paralysies qui portent sur un côté du corps ou sur

les deux jambes. Il y a encore là des fonctions psychologiques, la

fonction des deux membres d'un même côté du corps, la fonction

des deux membres d'un même segment qui ont une certaine

unité et une certaine indépendance psychologique de même

qu'elles ont une unité et un siège anatomique ; les fonctions très

anciennes sont devenues des unités anatomiques, mais elles n'en

sont pas moins restées des unités psychologiques et dans certains

cas elles s'émancipent dans leur ensemble.

Mais ici nous rencontrons une grande difficulté.qui existait d'ail-

leurs dans les études précédentes, mais qui devient ici plus visi-

ble. Ces idées, ces fonctions qui se séparent ainsi de la conscience

personnelle ou de la volonté, subsistent cependant cela est entendu

mais est-ce qu'elles subsistent sans aucune altération ? Est-ce que

les fonctions psychologiques en s'unissant les unes avec les autres

n'acquièrent pas par leur union certains perfectionnements et peu-

vent elles se dissocier sans dommage ? En un mot n'y a-t-il pas une

dégradation en même temps qu'une dissociation des fonctions ?

Sans doute on ne constate pas dans ces paralysies de grosses alté-

rations des réflexes et il y a déjà vingt ans que j'ai répété qu'il n'y

avait pas de clonus dans les paraplégies, pas de signe d'Argyll dans

les troubles de la vision. J'ajouterai aujourd'hui qu'après l'avoir re-

cherché je n'ai pas trouvé non plus le signe de l'extension des-

orteils dans les paralysies nettement hystériques. Cependant je

222 CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE.

ne suis pas bien convaincu qu'une certaine exagération des réfle-

xes rotuliens qui est si fréquente, que certaines dilatations des pu-

pilles ne soient pas en rapport avec ce trouble de la fonction disso-

ciée.Quoiqu'il en soit, c'est dans ce sens qu'il faut chercher pour

expliquer deux phénomènes très bizarres; la contracture et le trem-

blement.Il y a dans la contracture quelque chose qui rappelle l'ac-

tion et l'entêtement,je l'ai montré il y a bien longtemps en étudiant

les contractures systématiques, mais je n'oserais pas conclure bru-

talement que la paralysie soit identique à l'immobilité volontaire

et la contracture identique à la conservation volontaire de l'atti-

tude. La disparition de la fatigue, la lenteur de la décontraction, la

forme de la courbe de contraction dans ces membres disposés à la

contracture me semblent montrer que la fonction du mouvement

rétrograde en quelque sorte en même temps qu'elle s'estémanci-

pée.

Certains troubles viscéraux sont indiscutables et ont exacte-

ment les mêmes caractères. La fonction de l'alimentation ,la fonc-

tion de la respiration ou certaines de leurs subdivisions peuvent

présenter des exagérations automatiques et des dissociations analo-

gues à celles des idées et du langage. Cela est possible, parce que

ees fonctions sont en grande partie psychologiques et conscientes.

Mais en est-il de même pour des fonctions plus profondes qui d'or-

dinaire ne dépendent pas de notre conscience, la digestion, la cir-

culation du sang dans les vaisseaux.C'est le problème qui se pose à

propos de la constipation, à propos des palpitations du coeur, à

propos des troubles vaso-moteurs et en particulier des lésions cuta-

nées comme du pemphigus.Vous savez que beaucoup d'auteurs re-

fusent de considérer ces phénomènes comme hystériques et que

d'autres leur accordent une grande importance. Je ne puis vous ca-

cher mon hésitation : ces phénomènes existent chez beaucoup d'au-

tres malades qui n'ont pas du tout l'état mental hystérique, je crois

qu'ils peuvent se développer dans beaucoup de névroses et qu'ils

ne deviennent hystériques que d'aine manière indirecte, quand l'é-

tat mental qui les détermine est lui-même hystérique c'est-à-dire

présente nettement les caractères de la dissociation précédente.Si

nous sommes amenés à les rattacher nettement à l'hystérie dans

certains cas,il faudra pour les comprendre faire intervenir la notion

de la dégradation, de l'altération des fonctions dont nous venons

de parler à propos des contractures. H

On devrait faire porter la même analyse non plus sur les symp-

tômes isolés,mais sur les états hystériques, sur les périodes de la

vie pendant lesquelles se groupent un grand nombre dessymptô-

mes précédents,on verrait que ces symptômes proprement hystéri-

ques ne se développent pas chez n'importe quel individu à propos

d'un phénomène banal ou même de ce qu'on veutappeler suggestion

mais qu'il faut une modification générale de tout l'état nerveux

CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE. 223

pour que de telles dissociations puissent se réaliser. On retrouvera

de plus en plus les phénomènes que j'ai analysé à propos d'une au-

tre maladie sous le nom de crises de psycholepsie,de diminution de

la tension psychologique, d'abaissement du niveau mental. Ces

phénomènes forment une préparation indispensable aux accidents

hystériques. Inversement à la suite de changements organiques à

la suite de traitements particuliers comme les pratiques aesthésio-

géniques, à la suite de diverses excitations on constatera un relè-

vement général de toute l'activité mentale qui rend impossible

l'apparition de phénomènes précédents.

Nous n'avons pas actuellement de conception anatomique ou phy-

siologique de tous ces phénomènes : malheureusement il n'existe pas

aujourd'hui de théorie anatomo-physiologique de l'hystérie de

la maladie du doute ou du délire de persécution. Les théories qui

s'affublent de ce nom ne sont que des traductions grossières des

théories psychologiques en un langage vaguement anatomique.

L'hystérie ne peut être définie que psychologiquement par compa-

raison avec les autres maladies de l'esprit. Les expressions de a ma-

ladie par représentation, par idée, par imagination » me semblent

bien peu précises et pouvoir s'appliquer à toutes sortes de troubles

mentaux.

Les définitions dans lesquelles on fait entrer le mot « suggestion »

sont-plus embarrassantes, car tout dépend du sens que l'on donne

à ce mot « suggestion ». Si on l'entend d'une manière vague comme

désignant une idée quelconque, entrant dans l'esprit d'une manière

quelconque on retombe dans le défaut précédent, on répète sim-

plement l'affirmation banale que l'hystérie est une maladie men-

tale et on ne la distingue d'aucune autre de ces maladies. Si on con-

sidère la suggestion comme une conséquence de ce développement

indépendant, de cette dissociation des idées dans l'esprit de l'hys-

térique, si on la rattache au rétrécissement du champ de la con-

science qui résulte de cette dissociation, on donne alors à cette dé-

finition un sens précis et intéressant. Elle devient alors assez vraie

pour un certain nombre d'accidents ; elle n'est pas vraie d'une ma-

nière générale, parce que comme je viens de le faire remarquer,

l'hystérique à l'idée fixe de certaines scénes de sa vie, mais n'a pas-,

l'idée de la manière dont ces scènes se reproduisent, des lois qui

gouvernent ces divers accidents, de cette dissociation même des-

cendant jusqu'à certain niveau et n'allant pas au-delà, de cette

émancipation des systèmes psychologiques qui restent cependant

relativement intacts, caractères qui sont l'essentiel de la maladie.

Je crois qu'il est plus important de faire entrer dans la définition

de l'hystérie ces caractères eux-mêmes qui résument plus de symp-

tômes et qui comprennent l'explication de la suggestion elle-même.

En un mot l'hystérie me semble être une forme de la dépression

mentale caractérisée par la tendance au rétrécissement du champ

224 .CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE.

de la conscience et à la dissociation des systèmes d'images et des fonc-

tions qui par leur synthèse constituent la conscience personnelle.

Cette définition est évidemment provisoire et la seule conclusion

utile que l'on puisse aujourd'hui tirer de ces discussions un peu

prématurées sur la définition de l'hystérie, c'est la nécessité main-

tenant reconnue par les neurologistes comme par les psychiatres

d'une étude psychologique approfondie.Les symptômes psychologi-

ques doivent être analysés avec autant de soin et de précision que

les symptômes physiologiques. Tous les observateurs sont au-

jourd'hui convaincus, qu'il faut distinguer avec précision des ré-

flexes cutanés en tendineux, des réflexes inférieurs ou supérieurs,

qu'il est puéril de confondre sous le.même nom des amaigrisse-

ments et des atrophies, des tics et ses spasmes, des secousses émo-

tives et du clonus ; il faut se décider comprendre qu'un ne doit pas

davantage employer à tort et à travers les mots, démonstration,

persuasion, suggestion, association, idée fixe, obsession, etc., qu'il

faut distinguer dans les délires les idées fixes de telle ou telle

espèce, les divers degré de la dissociation pschyologique. Cette pré-

cison du langage permettra seule de reconnaître nos erreurs inévita-

bles, de comprendre mieux et de traiter mieux les malades et de

faire faire à la psychiatrie des propres analogues à ceux qu'ont

accomplis les études de neurologie.

La nature de l'Hystérie

Par le Docteur Paul Joinc.

Pour bien comprendre les manifestations si nombreuses et si

variées de l'hystérie, il faut se rendre compte exactement de ce

qu'est cette maladie, et pour cela en donner une bonne définition,

c'est-à-dire une définition claire et précise, qui puisse s'appliquer à

toutes les formes que présente celte maladie. -

Nous considérons ici l'hystérie comme un trouble dynamique du

système nerveux. Et d'abord, il n'est pas du tout anliscientIfiql1e

de supposer que l'organisme peut subir des modifications purement

dynamiques. Nous avons trop l'habitude en médecine de nous lais-

ser envahir par une anatomie pathologique qui veut toujours voir

sous son microscope quelque lésion. On oublie trop qu'à côté de

l'anatomie pathologique il y aussi la physiologie pathologique et

même la psychologie pathologique. Mais s'il ne fallait admettre que

ce que l'on voit sous le microscope, où serait l'hypnotisme et où

serait la suggestion ? Du reste, les exemples ne sont pas rares de

forces qui existent à l'état de fonction de la matière, sans la modi-

fier quant à son aspect et à ses qualités physiques ou chimiques.

Nous définirons donc l'hystérie en disant que c'est une modifica-

tion de l'équilibre normal du système nerveux, modification telle

que l'activité ou le potentiel du système nerveux se trouve dimi-

CONGRÈS ]-4TLI,NAliON ? L DE PSYCHIATRIE. 22o

nué sur certains points et augmenté sur d'autres, au détriment des

premiers, sans qu'il, ait, en réalité,augmentation ni diminution

absolue dans le total de l'activité nerveuse disponible. C'est cette

proposition que nous' allons démontrer.A l'état normal, le potentiel

du système nerveux est réparti régulièrement en vue du fonctionne-

ment normal. L'hystérie est un simple trouble de l'équilibre du sys-

tème nerveux, cela ressort clairement des symptômes principaux

que nous constatons ? Nous allons d.*abord diviser en trois

groupes toutes les manifestations de l'hystérie et nous verrons que

l'on peut y classer tous les symptômes observés :

1° Groupe des anomalies de la sensibilité ; 2° Groupe des anoma-

lies de la motricité ou de la force ; 3° Groupe des anomalies psychi-

ques.

En résumé, quand il y a le phénomène douleur, ou toute autre

exagération de la sensibilité, toujours vous trouverez une diminu-

tion de la sensibilité dans un autre point du corps, qui se manifes-

tera sous une forme quelconque,de sorte que l'ensemble de la sensi-

bilité se retrouve toujours ; ce qui est exagéré d'un côté est en dimi-

nution d'un autre côté ; il n'y a pas d'augmentation mais déplace-

ment.

La diminution de la force portée à l'excès aboutira à l'impossibi-

litéjibsolue de contracter les muscles ; d'abord sous l'influence do

la volonté, puis même sous l'influence d'une excitation réflexe ;

c'est la paralysie.

D'autre part, l'exagération de la force également portée à l'ex-

trême sera une contraction musculaire permanente, et telle que

la volonté même sera devenue incapable de la modifier ; elle prend

alors le nom de contractuie.

Il y a encore d'autres combinaisons plus complexes en apparence

mais qui donnent toujours raison à la formule schématique que

nous avons donnée à l'hystérie.

Il faut considérer que la sensibilité et la force ne sont que des mo-

dalités différentes de l'activité du système nerveux; elles peuvent,

par conséquent, se compenser l'une par l'autre, et nous pouvons

trouver leurs troubles combinés ; ainsi, une contracture, augmen-

talion de la force, peut avoir pour contre-partie une anesthésie, di-

minution de la sensibilité ; une douleur, exagération extrême de la

sensibilité, peut avoir pour contre-partie, une paralysie, dispari-

tion complète de la force ; une parésie peut être mise en regard d'une

hyperesthésie, etc.

Les crises ou convulsions hystériques peuvent être considérées

comme des décharges périodiques de la force. Quand ces convul-

sions sont violentes et générales, on voit presque toujours qu'il il

leur succède une paralysie aussi momentanée de tous les muscles

qui se manifeste par une période de dépression absolue, d'inertie,de

archives, : 1" série 1907, t. Il. lô -)

226 CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE.

sommeil, et l'émission involontaire des urines montrent que les

muscles de la vessie eux-mêmes participent à la paralysie.

Quand les crises sont moins violentes et se bornent à des trem-

blements, des accès de rire et de larmes ou toute autre manifesta-

tion, elles retrouvent toujours leur équilibre dans une anesthésie

quelconque que l'on trouve soit dans les organes internes, soit dans

la sensibilité cutanée du sujet.

Si nous considérons l'état psychique des hystériques, nous ver-

rons également que l'état psychique peut être troublé par des va-

riations d'exagération ou de diminution dans les fonctions telles

qu'elles doivent se trouver proportionnées pour que l'individu soit

normal.

Nous avons à l'état normal, comme régulateurs de l'état psychi-

chique, deux grandes fonctions qui doivent être combinées l'une

avec l'autre, et se trouver dans de bonnes conditions relatives l'u-

ne à l'autre pour que la fonction psychique soit normale.

La volonté et le raisonnement doivent dominer d'une façon ha-

bituelle, tandis que la sensibilité, qui s'éveille par l'impression res-

sentie, laisse les impulsions automatiques soumises d'une façon

normale à la volonté.Or, nous devons constater que ces fonctions

peuvent être troublées; nous pouvons voir des personnes dont les

impulsions automatiques sont supérieures aux facultés psychiques

volontaires, des personnes qui agissent sous l'influence de ces im-

pulsions automatiques,sans les soumettre à l'influence modératrice

de la volonté.

C'est ce qui se présente chez les hystériques.

On voit donc que, si l'on soumet l'hystérique à une exploration

suffisamment complète de sa sensibilité et de sa force de motri-

cité,on trouve toujours que le déplacement de l'équilibre de la fon.e

nerveuse, diminuée d'une pii,t,atigmeitée de l'autre, trouve dans

tous les cas,sa compensation dans un trouble opposé, ce qui donne

raison à la définition que j'ai donnée de la maladie. Un nouveau

moyen nous permet de plus de constater, d'une façon pour ainsi

dire mathématique, ces déplacements de la force nerveuse, c'est

l'exploration au moyen du sthénomètre.

i 1

Résumé.

Prof. G. JELCERs.ii, Leyde.

1. Il est recommandable do suivre la division des symptômes

hystériques des auteurs français en stygmates et en accidents.

2. Les stigmates ne sont pas des symptômes déterminés psy-

chologiquement, cela veut dire causés par des représentations,ils

sont des événements mentaux isolés, déterminés par une disposi-

tion héréditaire défectueuse du système nerveux central. Ils sont

comparables à des processus mentaux évoluant par le plus court

CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE. 227

chemin, (Kurzschluss des auteurs allemands) et ne représentant

que des processus mentaux trèssimples.

3 : Les stigmates sont des symptômes fonctionnels d'anihilation

dans ce sens, qu'ils n'y existent pas,ou très peu, de voies d'associa-

tions, qui unissent le stigmate avec les autres parties de l'esprit;

ils sont par conséquent des symptômes d'annihilation qui ne sont

pas localisables.

4. Dans la vie normale, les stigmates montrent des analogies

nombreuses avec les processus mentaux simples.

5. L'hystéiie avec stigmates nous montre une simplification

très prononcée de la vie mentale.

6. Les accidents sont des stigmates dans lesquels l'intensité du

processus mental est considérablement renforcé, beaucoup au-des-

sus de l'intensité moyennne.

7. L'intensité du processus psychique, cela veut dire son émo-

tionalité, la complexité d'un processus psychique,c'est son intellec-

tuali té.

- , Guérit-on l'hystérie ? P

D. Terrien, de Nantes,

Il ne suffit pas d'étudier la genèse de l'hystérie, la nature de

l'hystérie, il importe beaucoup d'être fixé sur ce point : guérit-on

l'hystérie ?

Je répondrai nettement : On guérit les accidents de l'hystérie,

mais on ne guérit pas l'hystérie, pas plus que l'on guérira un arthri-

tique de son arthritisme, un hérédo-syphilitique, de son hérédo-

syphilis.

Par une médication appropriée, une hygiène sévère, un arthri-

tique, un hérédo-syphilitique se mettra dans des conditions telles

qu'il sera le plus souvent à l'abri des manifestations de l'arthn-

tisme ou de l'hérédo-syphilis. De la même façon, par une excel-

lente hygiène physique et morale.l'hystérique pourra ordinairement t

se soustraire aux accidents de la névrose, mais il n'en conserve pas

moins en lui la graine hystérique, si je puis me servir de cette

image. Je pourrais citer vingt, trente exemples à l'appui de cette

thèse : des malades que j'avais guéris de leur paralysie,de leur con-

tracture hystérique, qui jouissaient depuis lors d'une excellente

santé et chez qui je pouvais pourtant reproduire par suggestion ces

mêmes accidents d'autrefois. Or je prétends que si j'ai pu réussir

ainsi,c'est parce que mes anciens malades étaient toujours en puis-

sance d'hystérie, c'est parce qu'ils avaient l'hystérie latente. J'ai

essayé, au contraire, de donner des paralysies, des contractures à

des individus non hystériques, jamais je n'ai pu réussir et je ne crois

pas qu'on puisse réussir. Je dis donc que l'hystérique l'est et le

sera. On n'a guéri que ses accidents.

13 CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE.

, Hystérie et sommeil (Théorie physiologique de l'hystérie)

Par le Dr Paul SOLLIER.

En résumé, la théorie physiologique que j'ai proposée est la seule

qui repose sur l'expérimentation en même temps que sur la clini-

que. Elle consiste essentiellement en ceci : l'hystérie est constituée

par un état d'activité moindre depuis la légère diminution jus-

qu'à l'inhibition complète- des centres fonctionnels de l'écorce cé-

rébrale. L'hystérie n'est donc que l'exagération de ce qui se produit

constamment à l'état normal, avec cette différence seulement que

l'inertie ou l'inhibition peuvent se généraliser à toute l'écorce et

persister indéfiniment. Qu'on appelle engourdissement, sommeil,

inhibition, cet état de l'écorce, peu importe (1), l'essentiel est de le

constater et cela pour deux raisons : la première c'est que cela per-

met de comprendre le double caractère physiologique et psycholo-

gique des troubles hystériques ; la seconde, c'est que cela nous four-

nit une thérapeutique pathogénique, laquelle sert en même temps

de contrôle et de confirmation à la théorie physiologique. Quant à

rapporter rigoureusement aux centres anatomiques du cerveau

tels qu'on les délimite actuellement les troubles fonctionnels hys-

tériques, j'abandonne d'autant plus volontiers cette question se-

condaire que je l'ai représentée avec beaucoup de réserve d'une part

et que, d'autre part, toutes mes recherches de psychologie générale

m'amènent à défendre de plus en plus une conception dynamique

et non purement mécanique de l'activité cérébrale, dans la-

quelle l'autonomie étroite des centres corticaux telle qu'on la con-

çoit encore disparaît en grande partie.

· - , . The Clinical Signi ficance of Allochiria .

' ' Ernest JoNr.s, M. D.

La Genèse du Génie.

Par Mademoiselle Louisr G. 110BlI'iOVITCII, de \'cw ? ol,l : ·

Dans une étude de 74 biographies de grands hommes, il n'y en

a que 10 de premier-nés. Ces 74 biographies sont groupées en trois

divisions. La première comprend 42 biographies de poètes, écri-

vains, historiens, politiciens, etc..., dont 6 seulement sont des pre-

(1) Je dois rappeler ici que le professeur I. épine, dès 1894 de

3lécl., p. 726) et en 189G (111'1'. de Méd., p. 651) établissait l'analogie

qui apparaît entre le sommeil et la paralysie hystérique, en les rap-

portant l'un et l'autre à une cause mécanique, à une interruption de

l'influx nerveux au niveau des extrémités de deux neurones conli-

gus. Cette théorie mécanique de l'hystérie, essentiellement physiolo-

gique, elle aussi, montre un des aspects sous lesquels on peut se

placer pour édifier une théorie physiologique complète comme j'ai

essayé de le faire.

CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE. 29

micr-nés, (Gibbon, MILTON, ARAGO, HEINE, ADDISON, J OIIN

ADAM s). Dans la seconde division, comprenant 17 artistes-pein-

tres ; un seulement.(LÉONARD DA VINCI) est un premier-né. Dans

la troisième division, parmi 15 musiciens, deux seulement

(BRAHMS et ANTOINE R UBIN STEIN) sont des premier-nés.

Les grands hommes sont rarement des produits de jeunes pa-

rents. La mère d'un grand homme est, dans la majorité des cas

entre 25 et 35 ans, et le père entra 30 et 45 ans, que d'un âge moins

avancé.

Quand les grand hommes sont des premier-nés, leurs parents

sont. dans la majorité des cas, d'un âge mûr (le père de Léonard

DA Vinci avait 25 ans quand le grand artiste est né ; on ne sait pas

quel âge avait sa mère ; Léonard DA VINCI était un enfant natu-

rel). ·

Dans mon étude de la Genèse du génie (The Genesis of Genius,

The Journal of Mental Patlzology, Vol. VII, N° 5), j'ai souligné le

fait que les parents des grands hommes sont d'un âge mûr au mo-

ment de la conception de leurs enfants, qui deviennent célèbres ;

c'est-à-dire, le potentiel cellulaire des parents est au maximum,

tant au point de vue physique que mental, comme on peut le juger

des faits présentés dans mon étude ; parmi 74 grands hommes .46

étaient autres que premier-nés, contre 10 de premier-nés.

Quand les parents sont des alcooliques, la formule de généologie

est renversée : les parents étaient des gens doués, leurs premier-nés

seuls ont des chances d'être grands hommes. Ainsi le père de BEE-

thoven était un alcoolique ; le grand BEETHOVEN était le second

enfant, et ses frères cadets étaient des imbéciles moraux dans le

sens large du mot, et ses frère et soeurs nés plus tard encore - sont

mort en bas âges (Auguste est mort à deux ans ; Anne, à 4 jours,

Marie Margaretha à un an).

De faits pareils sont complètement d'accord avec les faits obser-

vés dans la clinique psychiatrique ; plus les parents s'alcoolisent,

plus ils dégénèrent et plus leurs descendants sont des dégénérés.

Pression sanguine générale et cérébrale dans l'épilepsie électrique.

Par Mlle le Docteur LouiSE G. RoBINOVITCx, de New-York,

1° L'épilepsie électrique dont je parle ici est celle produite

par un courant continu, ayant 110 interruptions par minute et à

1 /10 de période, comme cela est expliqué dans ma thèse de Paris,

1906, Sommeil électrique, Epilepsie électrique et Electrocution).

2° On produit l'épilepsie électrique en faisant passer à travers le

corps de l'animal un courant de 55 volts (pour un lapin) ou de 110

volts (pour un chien) pendant quatre secondes.

3 La pression sanguine commence à augmenter au commence-

ment de la phase clonique de l'attaque ; cette pression augmente

230 CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHIATRIE.

progressivement et aboutit à son maximum quand les convulsions

cloniques sont à leur maximum d'intensité. Puis commence l'a-

baissement de la pression sanguine, qui descend à son niveau nor-

mal quand les convulsions cloniques cessent.

Pression sanguine cérébrale. On expose le cerveau d'un

chien par trépanation et l'on produit l'attaque épileptique par le

courant Leduc, comme cela est expliqué dans ma thèse citée ci-

dessus. ·

1° Au moment du passage du courant (pendant quatre secondes)

le cerveau me paraissait pâlir (un des deux collègues qui assis-

taient à cette expérience ne trouvait pas cette pâleur assez définie

pour se prononcer affirmativement là-dessus).

Après la rupture du circuit et pendant la phase clonique de l'atta-

que, la substance cérébrale devient de plus en plus rose, les vais-

seaux cérébraux se dilatent sensiblement à mesure que les convul-

sions cloniques augmentent d'intensité et ces vaisseaux sont aug-

mentés de deux ou trois fois leur volume normal au moment où

les convulsions cloniques sont au maximum de leur intensité.

Comment se comporte la masse cérébrale pendant l'attaque d'épi-

lepsie électrique ? . 1° La masse cérébrale exposée par la trépana-

tion commence à augmenter de volume aussitôt que commence la

dilatation des vaisseaux cérébraux après la rupture du circuit. Et

à mesure que les vaisseaux cérébraux se dilatent progressivement

pendant que les convulsions d'abord toniques et puis cloniques se

manifestent, la masse cérébrale augmente de volume de plus en

plus jusqu'à ce qu'elle fasse hernie en dehors de la boîte crânienne ;

le maximum de cette hernie correspond au maximum de l'intensité

des convulsions cloniques.

2° La hernie cérébrale commence à diminuer de volume avec la

diminution de l'intensité des convulsions cloniques, et la masse

cérébrale rentre dans la boîte crânienne à sa place normale, quand

les convulsions cloniques cessent.

3° Dans l'épilepsie électrique, la pression sanguine générale est

présentée graphiquement dans ma thèse citée ci-dessus.

4° La pression sanguine cérébrale a été étudiée et publiée il y a

trente ans, par mon excellent Maître, M. le Docteur V. Magnan

(Leçons Cliniques sur les Maladies Mentales) ; ces expériences fu-

rent faites sur l'épilepsie absinthique chez le chien. Nos expériences

sur l'épilepsie électrique chez le chien donnent les mêmes résul-

tats.

Qu'il me soit permis d'exprimer ici ma reconnaissance bien sin-

cère à M. le Professur Roux EAUX, de Nantes, qui a bien voulu

m'aider dans ces expériences, et à M. le Docteur CIIASTENET de

Géry, de Nantes, pour avoir trépané les animaux.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 31

Expérimental and histological examination of the cortex of the Le-

mur's brain and a comparaison with that of the Primates in rela-

tion to the functional and structural evolution of the convolutional

pattèrn'.

13y Dr F. 1\IoTT, London. `

On the Evolution of the Vertébrale Central nervous System.

Synopsis of lecture by W. H. GasKELL,

, M. A., M. D., L. L. D., F. R. S.

Reflexstudien.

Vortrag von Herrn Dr Z. BI CIIO\VSICI.

Sur l'anatomie du faisceau longitudinal postérieur.

Par le Docteur S. J. de Lange.

M. le Dr A. Marie fait ensuite des communications dont voici les

titres : Ophtalmo-réaction en psychiatrie;' - Atoxyl et paralysie

générale ; - Anticorps et microbes dans la P. G. V ; - Le régime

international des aliénés. Voeu : « Il y a lieu de constituer une

commission internationale à l'effet d'étudier les conditions d'assis-

tance des étrangers aliénés dans les différents pays en vue d'amé-

liorer et unifier ces conditions sur les bases de la réciprocité de ga-

rantie morale et matérielle d'internement ainsi que des droits à

l'assistance et au rapatriement ». (Dr. A. Marie et LADAME).

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

XX. Sur le syndrome vestibulaire ; par M. Raymond.

(Académie de médecine, 5 février 1907) ·

On sait que le nerf vestibulaire,l'une des branches de la VIGIE

paire est le nerf du sens de l'orientation et aboutit aux canaux

semi-circulaires, organe périphérique de ce sens.

On connaît également le syndrome de Ménière. Nous rappelle-

rons seulement que ce syndrome comprend d'une facon accessoire

outre les bruits, les vertiges, et les vomissements,qui en sont les

symptômes cardinaux, des troubles de l'équilibre et du nystag-

mus. L'insuffisance vestibulaire dont parle le professeur Raymond

peut être mise en évidence par un dispositif spécial dû à Mack de

Wien. Normalement, lorsqu'un sujet est soumis à une rotation dans

le plan horizontal, a conscience de ce mouvement.Lorsque la ro-

L32 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

tation s'arrête, il semble au sujet qu'il tourne en sens inverse, ces

états anesthésiques sont en relation avec des variations de

pression du liquide dans les canaux semi-circulaires,qui sont trans-

mises au cervelet par les nerfs de la huitième paire. Ces troubles

s'accompagnent, dans l'état normal, de nystagmus dit de rota-

tion. Lorsque l'un des nerfs auditifs, par exemple le gauche, est

complètement détruit, il en résulte de la surdité unilatérale et, si

l'on soumet le patient à l'appareil de Mack.la sensation de rotation

dexlrorsum continuera à être perçue, mais à l'arrêt il ne semblera

plus au malade qu'il tourne en sens inverse,le nystagmus lui-même

sera supprimé. Le sujet étant mis à tourner sinistrorsum, il n'a

plus conscience de ce mouvement giratoire, il aura des vertiges

pendant la marche et à l'arrêt de l'appareil. La lésion bilatérale

de la Ville paire explique comment il se fait que les sourds-muets,

qui n'ont pas la notion du sens de l'espace se noient lorsqu'ils

plongent. La lésion unilatérale du nerf vestibulaire se compense à

la longue grâce aux centres musculaires d'Ewald ; on conçoit qu'il

ne saurait en être de même si la lésion est bilatérale.

L. WAIIL.

XXI. - Sur un cas de maladie des plongeurs ; hématomyélie chez

un scaphandrier pécheur d'éponges ; par MM.Bondet et Piéry.

(Bulletin de 1 t Soc. méd. des Hôp., de Lyon.) 30 juin 1905.

Il s'agit d'une observation d'hina'om3 élie par décompression

brusque chez un scaphandrier pêcheur d'éponges. Le sujet qui fait

l'objet de cette observation est un homme de 25 ans, éthylique,qui

présenta brusquement des accidents après une plongée faite,revêtu

d'un scaphandre.à 72 mètres de profondeur et où il ét lit resté qua-

tre à cinq minutes sous l'eau, durée normale à cette profondeur.

Les accidents nerveux présentés par ce malade réalisent le type

clinique de beaucoup le plus fréquemment observé, la forme spi-

nale latérale de Catsaras.

L'explosion des accidents n'a eu lieu que quelques minutes après

la décompression et l'enlèvement du casque. Ils ont consisté, au

début, en bourdonnements d'oreilles, sensation de chaleur à l'ab-

domen avec nausées, étourdissements sans perte de connaissance;

Puis paralysie progressive des quatre membres qui fut réalisée

au bout de quatre heures une fois les symptômes de début éteints.

La paralysie des membres supérieurs ne persista pas et disparut

au bout de quinze jours. Dès le début f nesthésie complète au ni-

veau des membres inférieurs. Rétention d'urine qui dura un mois

et troubles trophiques au niveau des membres inférieurs.

A partir du quatrième mois à la période de paraplégie flaccide,

succéda une période de paraplégie spasmodique que l'on constate

actuellement. A signaler l'intensité de la contracture qui raidit

les deux mem' res inférieurs en extension, avec une rigidité qui

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 233

résiste à toute épreuve. La station debout est possible, mais la

marche est extrêmement difficile, démarche « en canard ». Exagé-

ration des réflexes -rotuliens, trépidation épileptoïde, réflexe de

Babinski.

Les phénomènes sensitifs concomitants sont très intenses. Anes-

thésie totale, absolue, sensibilités superficielles pour le tact, la tem-

pérature, la douleur et les courants électriques sont abolis ; la sen-

sibilité profonde est aussi supprimée. Anesthésie osseuse et perle

des attitudes segmentaires. En 1901, le malade eut déjà, à la suite

d'une plongée à 40 mètres de profondeur, des accidents qui furent

essentiellement fugaces.

Au point de vue des lésions anatomiques les auteurs pensent

qu'il s'agit en l'espèce d'une lésion atteignant la presque totalité

des systèmes médullaires, à l'exception des cornes antérieures.

Quant au diagnostic du siège en hauteur des lésions on ne peut guè-

re en fixer que la limite supérieure. Les limites supérieures de la

zône d'anesthésie cutanée permet aux auteurs d'affirmer que les

ésions médullaires ne dépassent pas en hauteur le niveau du deu-

xième segment dorsal de la mo lle.

La nature de la lésion, d'après les rares autopsies faites dans ces

cas, semble être des foyers d'hémorragie (hématomyélie) et de né-

crobiose intra-médullaire. Les expériences faites par les auteurs

(P. Bert, Blanchard et Reynard, Catsaras, J. Lépine) ont confirmé

les constatations anatomo-cliniques.

La pathogénie de cette hématomyélie est fort bien connue à l'heu-

re actuelle. Les accidents qui prédominent sur la moelle mais qui

peuvent atteindre d'autres organes, sont dus à une décompression

atmosphérique trop brusque. Sous l'influence de l'augmentation

de la pression atmosphérique, les gaz du sang, oxygène, acide car-

bonique, azote, se dissolvent en quantité anormale, d'après la loi

de Dalten ; survienne une décompression brusque, et le dégage-

mentgazeux.au lieu de se faire progressivement, se fait en quantité

anormale au point qu'il en résulte la formation de véritables em-

bolies gazeuses dans -les vaisseaux artériels. Ces embolies seraient

constituées exclusivement par l'azote (P. Bert). Elles produisent

au niveau des artères médullaires un arrêt de la circulation, une

ischémie avec ramollissement puis un infarctus hémorrhagique.

D'après J. Lépine, on peut invoquer un second mécanisme hémor-

rhagique, dégagement brusque du gaz au niveau des vaisseaux

médullaires créant ainsi des ruptures vasculaires, d'où hémato-

myélie primitive.

Les conditions étiologiques sont à signaler comme classiques :

degré de la compression, sa durée, rapidité de la compression, et

profondeur de la plongée. Causes prédisposantes : excès alcooliques

excès vénériens, refroidissement, affections pulmonaires, repas co-

pieux avant l'immersion, fatigue. G. Carrier.

? 4 Zi REVUE t J, P : 1T.IOLU Il : NERVEUSE.

XXII. Sur un cas de rhumatisme cérébral ; recherches bactério-

logiques ; ponction lombaire; par MM. Cade et Jambon (Bulletin

de la Soc. méd. des hôp. de Layon, 30 juin 1905.)

Rhumatisme cérébral chez un sujet de 33 ans, nerveux et sur-

mené au décours d'un rhumatisme articulaire aigu, relativement

bénin, très localisé, sans atteinte cardiaque. Le début fut marqué

par un délire d'abord nocturne et léger, puis rapidement violent,

ultérieurement coma. La fièvre ne fut, jamais bien élevée, mais les

températures des premiers jours n'ont pas été connues. Coïnci-

dence avec les accidents cérébraux d'une éruption cutanée qui

pour les auteurs doit être attribuée à la tovi-infection causale.

L'examen bactériologique du sang fut négatif. Pas de réaction

leucocytaire dans le liquide céphalo-rachidien, mais hypertension

de ce liquide qui s'écoule en jet. Le traitement, qui consista en

l'association de la médication arLirhumatismale par l'antipyrine,

avec la médication calmante réalisée par la balnéation tiède, eut

un résultat rapidement favorable. La ponction de Quincke semble

aussi avoir eu une action sédative. Dans la discussion, M. Bondet

insiste sur les succès très remarquables que donne, l'antipyrine

dans le traitement du rhumatisme. G. C.

XXIII. Atrophie musculaire progressive d'origine myélopathi-

que ; par MM. LECLERC et Roubier. (Société de médecine de Lyon,

25 février 1907. in Lyon méd., 28 avril 1907.)

Il s'agit d'un homme exerçant la profession de comptable, ne

présentant pas d'antécédents héréditaires. On note dans ses anté-

cédents personnels une pneumonie à 19 ans, plusieurs blennorra-

gies et la syphilis probable, mais non absolument certaine.

Le début de la maladie se fit au milieu de 1903 par des douleurs

névralgiques dans le bras droit. Ce membre commença à s'atrophier

en juin 1905. Cette atrophie a débuté par le deltoïde. L'atrophie

du membre supérieur gauche ne date que du milieu.de 1906 et pré-

senta la même évolution, de la racine du membre à l'extrémité.

Le membre inférieur gauche s'est un peu atrophié, depuis le

mois d'octobre 1906, le droit ne présente aucune modification ap-

préciable. En résumé : Atrophie musculaire progressive à peu

près totale aux membres supérieurs, commencant actuellement

a apparaître au membre inférieur gauche.

- Début par la racine du membre pour descendre jusqu'à

son extrémité, avec contractions fibrillaires, réaction de dégéné-

rescence. Presque pas de troubles sensitifs et absence absolue de

tout phénomène bulbaire. Le diagnostic porté par M. Leclerc est

celui d'atrophie musculaire progressive du type Aran-Duchenne,

à forme scapulo-)zumérale.

M. Leclerc, à propos du diagnostic avec les myopathies primi-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 235

tives, insiste sur l'avenir de la myopathie primitive dont le chapi-

tre, pense-t-Il, n'est pas définitif. Il appartient peut-être à la myé-

lopathie ou à la névrite.

Cette façon très sympathique de comprendre la pathogénie des

myopathies dites primitives permettrait de la réunir aux atrophies

musculaires secondaires à des lésions médullaires ou névritiques,

de telle sorte que toute atrophie musculaire progressive serait

au fond une maladie du neurone moteur périphérique avec des ty-

pes cliniques différents. G. C.

XXIV.- Coexistence d'un rétrécissement mitral et d'une hémor-

lhagie cérébrale ; par : MJ\I. BÊRIEL et P. Savy. (Soc. des sc.

itéd.16 janvier 1907, in Lyon méd., 31 mars 1907.

Observation : Hémiplégie gauche ; hémorrhagie cérébrale re-

montant à cinq jours chez une éthylique de 55 ans,avec gros foie

cirrhotique sans splénomégalie et atteinte d'un rétrécissement mi-

tral peu serré et ancien. Albuminurie.

1 Les cas de ce genre sont excessivement rares, car on ne rencon-

tre généralement pas l'hémorrhagie cérébrale au cours du rétré-

cissement mitral. Dans ce cas le rétrécissement mitral semble être

resté au second plan, tandis que se développait une néphrite chro-

nique dont l'évolution aboutit à élever la tension artérielle et à fai-

re d'un cardiopathe valvulaire, un brightique. Ainsi s'explique

l'hémorrhagio cérébrale et la lésion mitrale y est tout à fait étran-

gère. G. C.

XXV. Tumeurs des méninges médullaires ; par l'II. CHAVIGNY.

(Lyon médical, 30 décembre 1906.)

Deux observations de tumeurs des méninges médullaires dont

le diagnostic n'a été fait qu'à l'autopsie. Dans la première obser-

vation il s'agit d'une tumeur siégeant au niveau de la 4e vertèbre

dorsale. Elle était située à la partie antéro-latérale droite de la

moelle et avait une forme allongée, mesurant 4 cent. de hauteur

et 2 cent. de largeur. Elle est constituée microscopiquement par

un endothéliome. Elle avait donné comme symptôme une paraly-

sie soudaine des membres inférieurs avec abolition complète de la

motricité et de la sensibilité, une paralysie des sphincters. Dans la

deuxième observation il s'agit d'une tumeur qui occupait la partie

antérieure et la partie latérale droite du bulbe et d'une portion de

la moelle cervicale. Elle s'étendait sur une hauteur de 8 cent. 5

dont 2 cent.5 accolés au bulbe et 6 le long de la moelle cervicale.

Elle siégeait presque exclusivement sur le côté droit de la moelle

dépassant à peine la ligne médiane. Dans le sens de la hauteur

les extrémités supérieures et inférieures s'amincissent progressive-

ment, tandis que la portion la plus épaisse située à la portion mo-

yenne correspond aux racines de la 1re et de la 2e paire cervicale.

3G REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Au point de vue histologique, c'est un sarcome. Cliniquement,on

avait observée une paralysie presque complète du bras droit avec

diminution notable de la force du bras gauche. Oppression assez

marquée avec sensation de compression de la cavité thoracique.La

tête est déviée à gauche, les muscles du cou immobilisent la colonne

cervicale, qui ne présente aucun point douloureux. La sensibi-

lité du bras droit est exagérée, celle du bras gauche est presque

abolie (syndrome de Brown-Séquard).

L'auteur met en relief les symptômes particuliers qui dans les

cas de tumeurs des méninges médullaires doivent mettre sur la

piste du diagnostic. Pour lui, le vrai caractère clinique, qui doit,

d'après les observations publiées attirer l'attention, c'est la pré-

dominance des symptômes moteurs sur les symptômes sensitifs,

prédominance qu'on ne rencontre pas à un aussi haut degré dans les

autres cas de méningo-myélites ou de myélites transverses.

G. C.

XXVL- Un cas de tumeur des méninges rachidiennes ; par MM.

Lannois et Durand. (Lyon médical, 30 décembre 1906, n'- 52.)

L'observation publiée parles auteurs est intéressante à plus d'un

titre, d'abord par la rareté des tumeurs de la moelle, puis par la

marche de l'affection. Il s'agissait d'une femme de 51 ans dont le

début de l'affection remontait à deux ans. La marche de l'affec-

tion semblait s'être laite par poussées successives embarras-

santes pour le diagnostic. Apre des douleur; vives de la région

lombaire droite et des deux jambes, la malade fut confinée au lit.

Elle put marcher à nouveau puis redevint impotente une seconde

fois pour remarcher encore.

A son entrée à l'hôpital, elle présentait une paraplégie totale

avec atrophie marquée des muscles de la jambe et de la cuisse. Les

membres inférieurs étaient en flexion avec contracture que l'on

arrivait à vaincre. Les réflexes rotuliens étaient très affaiblis.

Mais il existait une trépidation épileptoide inépuisable de l'un

et l'autre côté, le phénomène du genou était très accentué et

le signe de Babinski se faisait en extension. Réflexe achilléen con-

servé.

La malade se plaignait toujours de douleurs vives. Sensibilité

objective troublée, hyperesthésie plus marquée aux extrémités et

remontant jusqu'un peu au-dessous de l'ombilic. Pas de dissocia-

tion thermique. Constipation accentuée. Pas de troubles vésicaux

actuels. Rétention d'urine il y a un an. Intelligence intacte. Eschar-

re assez étendue à gauche à la région sacrée. A droite, entre le coc-

cyx et l'ischion, tuméfaction dure, percée de trois fistules donnant

issue à du pus mal lié. L'examen sans anesthésie révéla une lésion

osseuse inattendue, les t"ajets fistuleux conduisaient à une ouver-

ture du sacrum assez large correspondant à la première vertèbre

REVUE DE- PATHOLOGIE 1ERVLUSf'. 237

raGrée et paraissant conduire dans le canal sacré. Autre ouverture

sacrée que l'on constatait par le toucher rectal et par laquelle le

pus avait fait irruption dans le tissu cellulaire rétro-rectal. Drai-

nage de la cavité et des parties molles.

Malgré cette intervention, l'état général de la malade s'aggrava

elle présentait les mêmes signes somatiques. Nouvelle interven-

tion partant de la lésion reconnue et remontant le long du canal

rachidien. Le canal sacré est ouvert largement, on n'y trouve ni

séquestre, ni pus, ni fongosité, les nerfs de la queue de cheval pa-

raissent normaux le cul-de-sac dorsal, exploré au doigt, est souple

et paraît sain.

L'intervention ne produisit aucun changement du côté des

membres inférieurs et la malade succomba après avoir décliné

progressivement.

A l'autopsie,on trouva au niveau de l'union de la 10e et de la 11

dorsale une petite tumeur composée de deux parties. La première

plus compacte, du volume d'une grosse bille, d'aspect blanc rosé

à l'extérieure et sur la coupe, reposait sur la partie postérieure de

la moelle qu'elle avait creusée d'une dépression appréciable et ad-

hérait au côté droit de la dure-mère. La deuxième extérieure, à la

dure-mère, mais à travers celle-ci, faisait corps avec la première ;

était d'aspect plus spongieux et englobait quelques filets nerveux

appartenant à la 11 paire dorsale. Dégénérescence ascendante au-

dessus de la tumeur dans les faisceaux postérieurs et la moelle.

Au point de vue histologique, la tumeur présentait la structure

du fibro-sarcome. Elle avait une membrane d'enveloppe ayant la

.structure d'une paroi fibreuse banale. La méninge était infiltrée

ce qui indiquait une certaine malignité de la part de la tumeur.

Les éléments cellulaires de la substance grise étaient tous en chro-

matolyse. Pour les fibres, les gaines myéliniques étaient à l'état

vacuolaire et les cylindraxes irréguliers et déformés.

L'évolution surprenante de l'affection ne peut s'expliquer que

par les accroissements successifs de la tumeur ; à chacun d'eux

correspond une augmentation de la compression médullaire et une

aggravation des symptômes.

XXVII. Epanehement sanguin sous dure-mérien par fracture

du crâne ; par M. GADOURD. Bull. méd., na 86, 1906.)

L'auteur est un chaud partisan du trépan préventif et il cite des

exemples où cette intervention a été. suivie de succès dans deux

cas d'épanchoment sanguin sous dure-mérien.

Si l'hémorrhagie continue malgré le trépan et le débridement,

l'auteur conseille la ligature de la méningée moyenne, de la caroti-

de interne,opérations relativement bénignes et en dernier lieu celle

de la carotide primitive opération très grave. L. Il L.

23S BIBLIOGRAPHIE.

BIBLIOGRAPHE

111. - De- l'absolue nécessité de l'assistance des enfants

anormau r et de ses résultats au point de vue social, par le Dr

Maurice Royer. In-8° de IV - 152 pages, avec 41 figures

et un plan hors texte. Prix : 8 fr. Pour les abonnés du Progrès

Médical et des Archives de Neurologie : 4 fr.

Nous croyons utile en guise de compte rendu de cette

thèse, de reproduire la Préface que nous avons écrite à

la demande de notre très dévoué collaborateur M. Royer.

Mon cher 110YEIl.

Presque chaque jour et surtout le jour de la consultation, pre-

nant en détail l'histoire des enfants de toute catégorie de la Fonda-

tion Vallée, admis ou en instance d'admission, entendant les ré-

clamations et les plaintes des familles, vous avez constaté la né-

cessité impérieuse de leur hospitalisation.

Alors que tout devrait être fait pour faciliter les placements,

mettre promptement fin à des situations douloureuses, dangereu-

ses, vous avez enregistré les difficultés qu'éprouvaient les familles,

souvent l'insuffisance des médecins peu au courant de la clinique

de l'enfance anormale, ne connaissant pas ou ne connaissant que

vaguement les établissements où on peut placer ces enfants, les for-

malités à remplir pour arriver vite au but. Vous avez constaté la

même ignorance chez des employés d'assistance, la mauvaise vo-

lonté des bureaux de police où l'on considère la loi du 30 juin 1838

exclusivement comme une loi de police, tandis qu'elle est en outre

et surtout une loi de bienfaisance.

Au lieu des portes largement ouvertes pour l'accueil de ces misè-

res, vous avez vu les portes fermées. Votre esprit d'humanité, votre

désir d'être utile, vous a fait accepter de suivre nos conseils, véri-

fier les dires des familles, les aider . Vous avez agi, vous êtes inter-

venu pour des parents,vous les avez accompagnés dans toutes leurs

démarches, vous avez monté leur calvaire, vous avez vu souvent

que ce qui pouvait paraître au premier abord de la mauvaise vo-

lonté, le dédain du pauvre, le mépris du malheureux, reconnaissait

pour cause ou l'insouciance, ou l'ignorance, ou l'interprétation

erronée d'instructions inspirées par des sentiments d'économie mal

placés, par le désir d'assister le moins possible, parce que cela coûte

et ne rapporte pas.

Les rédacteurs ou les inspirateurs de ces instructions oublient

qu'il s'agit d'assistance, qu'il n'est pas d'habitude de considérer

les établissements hpspitaliers comme des moyens d'alimenter,

d'enrichir les budgets, comme des moyens de rapports ; ils oublient

que le devoir de la Société est de venir, d'accourir en aide à toutes

BIBLIOGRAPHIE. 239

les misères sociales, quel que soit le sexe, l'âge, du nouveau-né au

vieillard, et la nature 'de la misère (maladie aiguë ou chronique,

infirmités physiques, intellectuelles et morales, absence de travail).

A en croire ces égoïstes, ces utilitaires, on ne s'occuperait que des

malades atteints de maladies aiguës, et des blessés, on abandonne-

rait les chroniques. D'ailleurs, ils n'ont pas visé seulement les en-

fants idiots, ils ont proposé de se débarrasser des cancéreux, des

phtisiques, des épileptiques, des vieillards. Hier encore, mettant

en pratique cette théorie, un fils tuait par économie son vieux père

envers lequel il avait pris l'engagement de servir une pension men-

suelle de quelques francs. Les auteurs de ces propositions sont des

inconscients ou des monstres.

Imbu des principes de la Révolution, que vous avez rappelés,

qu'a souligné votre Président de thèse, notre ami le Professeur

BIIISSAUV, nuus avons toujours demandé, dans les postes divers

que nous avons remplis, qu'on s'occupât de tous les malheureux,

qu'au lieu de dresser des obstacles au secours, on prît les mesures

pour assister vite et bien qu'on réduisît les formalités, qu'on les fit

connaître à tous les citoyens.

Témoin des résultats obtenus.grâce au dévouement de nos colla-

])orateurs, des dégradations disparues, des utilisations conquises

pour les enfants eux-mêmes (marche, habillement, toilette, mé-

nage, -etc.), et pour la Société (couture, lavage, repassage pour les

filles, ateliers divers pour les garçons), instruction, éducation, mo-

ralisation, vous avez voulu les faire connaître.

Révolté par les critiques dont l'ignorance le dispute à la mau-

vaise foi et qui ont entre autres conséquences néfastes, - antihu-

maines celles d'arrêter le mouvement favorable d'assistance et

d'éducation que nous avions provoqué, de troubler l'esprit des mé-

decinsetdesadministrateurs en y semant doute, vous avez entre-

pris la tache rude et ingrate d'arrêter ce mouvement de recul, cette

défaveur, de ranimer le mouvement altruiste, d'exciter les bonnes

volontés, en démontrant la nécessité de l'assistance, du traitement

et de l'éducation des enfants idiots, le devoir social qui s'impose

d'atténuer leur dégradation, humiliante pour tous, de les rendre

utiles à eux et à la Société, en diminuant par leur travail, quelque

minime qu'il soit, les dépenses qu'ils occasionnent.

Vous avez, les chiffres en main, mis hors de doute le prix de re-

vient très modéré de la Section, et pour sa construction et pour son

fonctionnement, et fait une comparaison démonstrative entre les

services comparables de la Salpêtrière, de la Fondation Vallée et

de la colonie de Vaucluse.

Vous avez étudié par le menu tous les procédés qui composent

le traitement médico-pédagogique, parlé du traitement physique, du.

travail manuel, du traitement moral, en un mot vous avez suivi'

attentivement le fonctionnement des services que nous avons créés

2H BIBLIOGRAPHIE.

à Bicêtro et à la Fondation Vallée, vous en avez tracé sommaire-

ment l'histoire,mettant ainsi en relief les efforts accomplis, les lut-

tes soutenues.

Vous avez énuméré les différents modes d'assistance que nous

n'avons cessé de préconiser et, à l'appui, vous avez largement mis

à contribution les innombrables faits que nous avons accumulés.

Ces modes d'assistance, vous l'avez dit, forment deux groupes.

Le principal comprend les asiles-écoles, les classes ou les écoles spé-

ciales (classes de perfectionnement) ; le second comprend les secours

à domicile, le passage dans les divisions d'un hospice comme infir-

mes physiques et les colonies familiales. Pour les deux, les Sociétés

de patronage ou les Sociétés protectrices de l'enfance anormale. Pour

les adultes la création d'un asile spéciale (idiots et épileptiques)

avec des cours primaires et des ateliers.

.Ce que deviennent nos malades, vous avez essayé de le faire con-

naître en vous servant des documents rassemblés par nous et par

tout notre personnel et c'est là un des chapitres les plus curieux de

votre thèse.

Aux yeux de toute personne équitable vous avez justifié notre

oeuvre.Personnellement nous sommes heureux des éloges que vous

en faites et vous en remercions du fond du coeur. Toutefois nous

serions injustes si nous n'en reportions point la plus grande part

sur tous ceux de nos collaborateurs qui ont compris notre but, ont

eu confiance et ont agi.

Quant à vous, mon cher Royer, vous avez le droit d'être fier, car

vous avez non seulement fait une oeuvre scientifique, expression

que nous avons le droit d'employer puisque vos examinateurs vous

ont accordé la note très bien, mais encore une bonne action.

DOURNEVIJ.LE,

IV. Rapport médical sur le service de la division des femmes

de l'Asile de Clennont (Oise), pour 190G ; par M. le D' Boiteux,

Médecin en chef.

Population au 1er janvier 1906, 819 femmes. Admissions pen-

dant l'année 211l, dontS alcooliques. Population totale traitée

1088. Décédées 148, dont 11 par tuberculose. Parmi les maladies

intercurrentes, nous trouvons 18 cas de tuberculoses diverses.

Parmi les sorties figurent 45 transferts. Ces transferts dans d'au-

tres asiles comprennent 35 malades de la Seine qui, en mai et

juin, ont été évacuées sur l'asile d'Albi. Cette mesure de désen-

combrementjbien que limitée,a été un réel bienfait pour les ma-

lades restantes. Elle est survenue à un moment où le manque

de places et même des moyens de couchage se faisait sentir

d'une façon inquiétante. M. Boiteux termine son rapport par

quelques considérations générales ; nous relevons les suivantes :

« La nécessité d'améliorer la situation du personnel des infil-

BIBLIOGRAPHIE. ' 241

mières, et du personnel des surveillantes etdes sous-surveillan-

tes dont le recrutement devient de plus en plus difficile.

« La transformation du système des vidanges qui existe encore

dans la plupart de nos quartiers (moins deux), et qui n'est pas

conforme à l'hygiène. La suppression progressive des paillasses

en varech, à remplacer par des sommiers métalliques. »

« Nos quartiers d'enfants, nous a écrit le D' Boiteux, nous don-

nent toujours satisfaction. L'année 1905, surtout, a été favorable

au point de ue des sorties et nous avons pu rendre à la vie ordi-

naire d'assez nombreuses jeunes lilles qui se sont bien débrouil-

lées. L'année 1906 a donné moins de sorties, mais un bien-être

général à nos enfants. Nous vous en sommes tous bien reconnais-

sants. » -

V. Rapport médical SU1' le service de la division des hommes

de l'asile de Clermont-de-l'Oise, par le D 7'HIVET, médecin

en chef. - Clermont, imprimerie Daix frères et Thiron.

Aliénés présents le 1er janvier IrJC6, 894 ; entrés, 278 ; sortis,

160 ; décès, 123 ; aliénés présents le 31 décembre 1906, 880 :

De 1897 à 19ut, les admissions ont monté de 242 à 278. Signa-

lons 31 admissions pour alcoolisme, 7 pour idiotie, 15 pour épi- -

lepsie et 10 pour imbécillité. - Sorties par guérison 69 ; 41 par

amélioration..

« Plusieurs fois nous avons proposé des sorties d'essai (congé

d'un mois) et tous les malades qui en ont bénéficié ont pu ache-

'CI' de se rétablir dans leur famille ».

« Tandis que la moyenne des admissions, de 1897 à 1906 a été

de 253. la moyenne des sorties durant la même période n'a été

que de 113 ; celle des décès a été de 133. En 19C6, sur 123 dé-

cès il y en a eu 7 par tuberculose.

« Le nombre des maladies intercurrentes tant médicales que

chirurgicales a été assez élevé bien qu'aucune épidémie n'ait sév i

sur notre population. Deux cas de lièvre typhoïde, dont un mor-

tel, ont été observés sans que nous puissions isoler les malades,

qui ont été traités dans la salle commune d'infirmerie. Il en fut

de même pour 4 cas d'érysipèle et chaque fois nous avons re-

gretté amèrement l'absence d'un local approprié nous permet-

tant de les soustraire au contact des autres malades.

« Notons enfin l'apparition du scorbut qui, comme on le sait,

se manifeste surtout chez les individus vivant dans des condi

tions hygiéniques défectueuses n.

Au sujet des modifications qu'il convient d'introduire dans la

division des hommes de l'asile de Clermont, 1\1. Thivet s'exprime

ainsi :

« J'estime qu'il est de mon devoir d'insister sur les conditions

défectueuses de certaines parties du service telles que : 1° l'infir-

ARCmves, 3' série, 19C7, t. II. 1G

242 législation.

meric, privée de salle d'isolement, de salle d'opération, de wa-

ter-closet, de lavabos, en un mot de tout ce qui est indispensable

à son bon fonctionnement,

2° L'encombrement de certains quartiers, de certains dortoirs

surtout, où les malades onL à peine le fiers du cubage d'air ré-

glementaire.

3° Les dangers permanents d'infection résultant du système

de vidange pratiqué journellement au moyen de tinettes mobi-

les qui circulent dans toutes les parties de l'établissement.

« 11 conviendrait de remédier dans le plus bref délai il chacun

de ces desiderata, dont la simple enumeration suffit à montrer

pourquoi l'ob sen ation des prescriptions hygiéniques les plus élé-

mentaires est impossible alors qu'elle de\ rail être plus rigoureuse

que partout ailleurs au sein d'une population aussi dense que

celle de l'asile. » Nous ne saurions trop approuver les récla-

tions de M. le Dr Thivet. Nul doute que l'inspection générale ne

l'aide à obtenir pleine satisfaction. Il y va de l'intérêt des mala-

des et de l'hygiène publique. H.

LEGISLATION

L'éducation des pupilles difficiles ou vicieux de l'Assistance Publique

Application de la loi du '8 juin 1904.

Avant 1880 les services d'assistance ne comprenaient guère que

des enfants trouvés, des orphelins, des enfants abandonnés par

leurs parents. Les vicieux et les difficiles étaient rares et consti-

tuaient des exceptions. Pour ces quelques cas isolés, le court sé-

jour dansune colonie comme .\leLtray suffisait pour remettre

les mauvaises tètes dans le bon chemin.

La création des services d'enfants moralement abandonnés

et la promulgation de la loi du 24 juillet 1889 ont fait changer

complètement la situation ; des enfants, victimes de parents in-

dignes, ayant vécu dans un milieu déplorable, victimes de mau-

vais exemples répétés, étaient soustraits à l'autorité de leurs pa-

rents sans autre limite d'âge que leur majorité. Ils apportaient un

fort contingent d'éléments plus que douteux'. Ce contingent de-

vint énorme avec la loi du 19 avril 1898. Elle autorisait les tri-

bunaux à confier à l'Assistance publique des mineurs auteurs de

crimes ou de délits. Aussitôt l'Assistance se vit encombrée, peut-

être par une indulgence trop grande des juges, d'une foule de vi-

cieux et de difficiles.

C'est pour fournir à l'Administration des moyens de correc-

LEGISLATION. 2-l3

lion qu'a été édictée la loi du 28 juin 1904. Aux termes de l'arti-

cle premier : «Les pupilles de l'Assistance publique, qui à rai-

son de leur indiscipline ou de leurs défauts de caractère, ne peu-

vent pas être confiés à des familles, sont placés, par décision du

préfet, sur le rapport de l'inspecteur départemental, dans une

école professionnelle. H

Les écoles professionnelles peuvent être des établissements

départementaux ou des établissements privés agréés par le mi-

nistre de l'Intérieur.

Les enfants vicieux sont visés par l'article 2 : « Lorsqu'un

pupille de l'Assistance, par des actes d'immoralité, de violence

et de cruauté, donne des sujets de mécontentement très graves,

le tribunal civil peut, sur le rapport de l'inspecteur des enfants

assistés, et, sur la demande du préfet, dans les départements, ou

du directeur de l'Assistance publique de Paris, dans la Seine, dé-

cider sans frais qu'il sera confié à l'Administration pénitentiaire».

Enfin, la loi indique que dans un délai de 3 ans (ail t. 3) cha-

que département devra posséder un établissement pour ses pu-

pilles difficiles, soit à lui seul, soit en commun avec un ou plu-

sieurs départements, ou à défaut avoir passé un traité avec un

établissement départemental ou un établissement privé, pour le

placement des pupilles. L'Etat assure son concours jusqu'à concur-

rence dé la moitié des frais occasionnés par la construction des

écoles professionnelles. (art. 4).

C'est pour satisfaire au règlement d'administration publique

qui devait déterminer certains points restés un peu vagues (édu-

cation et patronage des pupilles difficiles et vicieux) que le

président du conseil a rendu l'arrêté suivant le 11 mai 1907.

Le conseil supérieur de l'assistance publique, dans sa ses-

sion de mars 19011, a pris en considération un voeu tendant à

ce qu'une commission d'études,composée notamment du di-

recteur de l'assistance et de l'hygiène publiques, et du direc-

teur de l'administration pénitentiaire, de médecins spécia-

listes, de pédagogues ayant déjà élevé des dégénérés, de di-

recteurs de colonies pénitentiaires, de directeurs de maison

de préservation ou de réformes organisées et soutenues par

l'initiative privée, soit nommée pour établir le programme

d'éducation et d'enseignement médico-pédagogique, Le Con-

seil d'Etat auquel a été soumis le projet de décret portant rè-

glement d'administration publique en ce qui concerne l'ap-

plication de la loi du 28 juin 1904 sur l'éducation des pupil-

les difficiles ou vicieux, demande, avant de donner son avis,

que les résultats des délibérations de la commission d'études

lui soient communiqués. Il y aurait donc intérèt à désigner

sans tarder les membres de cette commission.

Le président du conseil, ministre de l'intérieur, sur la pro-

241 l LÉGISLATION.

position du directeur de l'assistance et de l'hygiène publi-

ques, vu les délibérations du conseil supérieur de l'Assistance

publique en date des 28, 29 et 30 mars 1906, arrête : Art. 1er.

- Il est institué au ministère de l'intérieur une commission

chargée d'établir le programme d'éducation et d'enseigne-

ment médico-pédagogique des pupilles difficiles de l'as-

sistance publique et d'examiner les différentes questions qui

pourront lui être renvoyées.

Art. 2. Cette commission est composée de :

Président. M. Coulon, vice-président du conseil d'Etat.

Membres. MM. Albanel, juge d'instruction près le tribunal de

première instance de la Seine. Le docteur Bourneville, mem-

bre du Conseil supérieur de l'assistance publique. Brun, an-

cien directeur delà colonie des Douaires. Le docteur de Fleu-

ry (Maurice). Granier, inspecteur général des services admi-

nistratifs. Grimanelli, directeur de l'administration péniten-

tiaire. Le docteur Janet, professeur au Collège de 1'rance,di-

recteur du laboratoire de psychologie à la Salpêtrière. Mir-

man,directeur del'assistanceet de l'hygiène publiques. Ogier,

conseiller d'Etat, directeur du contrôle et delà comptabilité.

Le docteur I'aul-l3oncour (Georges). Le docteur Philippe,chef

des travaux au laboratoire de psychologie de la Sorbonne.Le

Prof. Raymond, professeur à la faculté de médecine, mem-

bre de l'Académie de médecine. Ilollet, président de la société

de patronage de l'enfance et de l'adolescence. Le docteur Rou-

binovitch, médecin de la Salpêtrière. Le docteur Thulié, vi-

ce-président du conseil supérieur de l'assistance publique.

Voisin, conseillerai courde cassation. -Secrétaire : DI. Tur-

quan, chef du bureau des services de l'enfance. - Secrétaires-

adjoints : MM. Alcindor, rédacteur au bureau des services de

l'enfance. lmbert,rédacleur au ministère de l'intérieur.Art. 3

- Ledirecleur de 1 Assistance et de l'hygiène publiques est

chargé de l'exécution du présent arrêté.

Cette première tentative pour l'application de la loi de 1\J04 ar-

rive tardivement, mais en matière d'éducation des anormaux,

une grande, très grande patience est de rigueur. Aussi considé-

rons-nous comme un succès celle première manifestation et fai-

sons-nous des voeux pour qu'elle ne reste pas la première et l'u-

nique.

Il ne semble pas en effet que la promulgation de la loi ail réussi

à amener la création de nouveaux établissements destinés à l'é-

ducation et à la réforme des vicieux et des difficiles, La fin du dé-

lai accordé aux départements est proche, peu de constructions

sont en train, et sauf quelques trop rares personnes, nul ne s'est

préoccupé du travail considérable que nécessite l'application de

la loi du 28 juin 1904. D. P.

LÉGISLATION. 245

Surveillance à exercer sur les comptables des asiles d'aliénés.

Paris, le 30 mars 1907.

Le Président du Conseil, Ministre de 1 Intérieur, à Messieurs

les Préfets.

Des faits récents et dus observations formulées, à plusieurs re-

prises, par mon Collègue, M. le ministre des Finances, ont déno-

Lé une certaine négligence de la part des Directeurs des asiles

publics d'aliénés dans l'exercice de leur droit de contrôle sur la

gestion des comptables de ces établissements. Cette négligence

trouverait sa raison dans une fausse interprétation de l'Instruc-

lion Générale du 20 juin 1859, d'après laquelle la surveillance et

la vérification de la comptabilité des receveurs spéciaux incom-

beraient exclusivement aux Receveurs des Finances.

Il y a là, sans nul doute, une interprétation inexacte, car l'Ins-

truction Générale n'a pas voulu porter atteinte au droit de con-

trôle des Directeurs, nettement déterminé par des lois, ordonnan-

ces et décrets, mais au contraire le confirmer et en assurer à l'ai-

de de garanties nouvelles la parfaite exécution.

L'article 1320 de ce code de la comptabilité administrative sti-

pule, en effet, qu'en appelant les ttece%eurs des Finances à sur-

veiller la gestion des receveurs spéciaux des établissements

publics, la loi a en vue d'offrir aux autorités compétentes un

concours permanent pour faciliter la marche du service par d'u-

tiles directions. D'où il résulte que l'obligation imposée aux Di-

recteurs d'asiles par l'article si de l'ordonnance du 18 décembre

1839 demeure entière. «Le Directeur est chargé de l'Administra-

tion intérieure de l'établissement et de la gestion de ses biens et

revenus » .

Le décret du 31 Mai 1862, postérieur à I« Instruction Générale, a

reproduit, en son article .')73, cette disposition que l'article : ri2

spécifie du reste, d'une façon spéciale, on déclarant, le Directeur

responsable.

Le mot de contrôle n'a pas été prononcé en fait, pas plus que

n'a été fixée la nature des rapports de ce fonctionnaire avec les

comptables. Mais les termes employés ne laissent subsister, au-

cun doute, la surveillance de toutes les parties de l'asile d'une

pari, et de l'autre la gestion des biens et revenus ne pouvant être

exercés par le Directeur d'une manière efficace et sous le couvert

de sa propre responsabilité, on dehors d'un contrôle réel et con-

tinu à l'égard des agents des différents services, et de ceux : en

particulier dont la charge est essentiellement d'accomplir les ac-

tes de gestion ou d'effectuer les opérations de recettes et de dé-

penses qui en résultent.

Cela n'est pas douteux en ce qui concerne les receveurs spé-

ciaux dont le Directeur Cht tenu de certifier les comptes ; une pa-

24j3 LÉGISLATION.

rcille mission implique nécessairement un droit de vérification

et de contrôle. « Il est prescrit expressément auv Directeurs, dit

l'article 15 de l'arrêté ministériel du ` ? 0 mars 1857, de procédera à

la erificafion de la caisse, à l'époque de la clôpl'e de la gestion

ot de l'exercice, ainsi qu'à des époques indéterminées ».

[1 confient, d'ajouter que le Directeur de l'asile n'est pas seul

assujetti à des obligations do ce genre ; quoiqu'à un degré moin-

dre, les membres de la commission ont aussi un rôle de surveil-

lance à remplir, tôle également méconnu et pourtant défiui par

l'article 572 de l'Instruction générale : « Les établissements pu-

blics consacres au\ : aliénés sont administrés sous l'autorité du Mi-

nistre et des préfets, et sous la surveillance de commissions gra-

tuites, par un Directeur responsable». C'est à peu de chose près

la répétition de l'article 4 de l'ordonnance de 1839, où figurent.en

détail, les attributions de ces assemblées : K Elles sont chargées

de la surveillance générale, de toutes les parties du service des

établissements ; elles sont appelées à donner leur avis sur les ac-

tes relatifs à l'administration, tels que le mode de gestion des

biens.... » Les commissions outrepasseraient certainement

leurs droits, en se livrant à des vérifications de caisse et à des

examens d'écritures dans les mêmes conditions que le Directeur

et le Receveur des Finances ; mais elles ont le devoir de se l'aire

présenter par le Receveur et de consulter toutes les pièces de

comptabilité, au moment de la préparation des différents budgets

de l'établissement. Leurs tondions consistent moins à contrôler

chacun des services, en particulier qu'à émetlre ses avis sur les

différents points énumérés à l'article 4 de l'ordonnance précitée.

Les membres 'des Commissions ont la surveillance générale

sur tout l'établissement, et cette surveillance s'exerce notam-

ment sur l'administration du Directeur, en ce qui concerne l'asi-

le. Ces opérations semblent comporter par elles-mêmes un droit

sur la gestion des comptables. Ce droit n'est pas douteux et de

là résulte le devoir de s'assurer que le Directeur s'acquitte cons-

ciencieusement de ses attributions de vérificateur-

Vpus voudrez bien, vous inspirant de ces considérations, rap-

peler aux intéressés, par des instructions très précises, à quelles

obligations ils sont astreints parleurs fonctions de commissaires

et de Directeurs. Vous indiquerez à ces derniers, 'en particulier,

dans quelles conditions peut et doit d'exercer leur droit de sur-

veillauce ettle contrôle, en les prévenant que toute négligence

sur ce point serait de nature à engager gra\emen, leur responsa-

bilité. Il y aura lieu également d'examiner l'opportunité de con-

denserces indications un quelques articles clairs etprecisà insérer

dans le règlement inférieur de l'Asile et dont, vous soumettriez le

texte à mon approbation.

Je vous prie de m'accuser réception de cette circulaire, en mo

LÉGISLATION. 247 Î

faisant connaître quelles mesures vous aurez adoptées en vue de

son application.-Le Président du Conseil, Ministre de l'Intérieur.

- Pour le Ministre, le Directeur de l'Assistance et de l'Mygië-

ne publiques. )IIR1L\N.

Révision de la loi de 1838 au Sénat.

La Commission du Sénat, chargée d'examiner la proposition

de loi votée par la Chambre et relative aux modifications àappor-

ter à la loi de 1838 sur le régime des aliénés, poursuit active-

ment ses travaux sous la présidence de M. Rolland. Dans le texte

volé parla Chambre des députés, une disposition avait été

introduite qui avait fait naître les plus vives appréhensions dans

l'esprit îles médecins actuels des asiles et surtout des docteurs

se préparant au concours d'adjuvat ; elle édictaitque ces méde-

cins pourraient habiter extérieurement et se consacrer libre-

ment à l'exercice de la médecine en dehors des asiles par assi-

milation aux médecin» des hôpitaux. Après avoir recueilli de

nombreux et concordants témoignages, et conformément à l'avis

du ministre de l'Intérieur, considérant qu'il y avait intérêt à ce

que les futurs candidats au concours d'adjuval connussent sur ce

point son avis qui sera, sans aucun doute, l'avis du Sénat lui-

même, la Commission a décidé de se prononcer dès maintenant

surla disposition sus-visée ; à l'unanimité, elle a résolu d'effa-

cer de la proposition de loi la disposition relative au libre exer-

cice de la médecine et de faire de la résidence du médecin dans

l'asile le régime normal auquel il ne pourraitêtre dérogé qu'ex-

ceptionnellement et sous des garanties spéciales.

Parmi les dérogations exceptionnelles devraient fi-

gurer à notre avis les rapports médico-légaux, les

consultations spéciales. Quant aux garanties spéciales,

nous n'en voyons guère d'autres que celles d'accomplir

consciencieusement ses obligations envers les malades.de

leur assurer tous les soins nécessaires pour enregistrer

une proportion de plus en plus grande de guérisons et

d'améliorations. Quant à l'Administration, elle a le devoir

de se montrer d'une justice complète envers le personnel

médical, de ne prendre envers lui aucune mesure qui ne

soit tout à fait justifiée ; de se montrer généreuse en

récompense des services rendus pendant de longues

années, des dangers auxquels expose cette profession

spéciale, de placer les médecins dans de bonnes condi-

tions matérielles ; de leur assurer des retraites convena-

bles, uniformes pour tous les asiles.

248 VARIA.

La nouvelle loi relative aux aliénés; par 11. GRAN JUX. (Bull.

mée., 1907, n° 8.) (Analyse et commentaires sur le travail de

Régis publié dans l'Informateur).

Outre les objections que présente le savant professeur de Bor-

deaux, Granjux fait remarquer qu'il y aurait là pour les prati-

ciens de nouveaux concurrents officiels qui seraient mieux placés

que quiconque pour obtenir « des fixes ». Est-ce bien sûr ? L'au-

teur proteste contre la disposition légale qui soumet à l'autorisa-

tion administrative l'établissement des maisons de santé particu-

lières. L. Wahl.

Le nouveau projet de loi sur les aliénés et le principe du médecin

défenseur des intérêts de son client ; par M. Paul Gallois.

(Bull, méd, n° 8, 1907.)

L'mternement, dit l'auteur, provoque souvent le «roman chez

la portière ». D'autres fois des aliénés criminels sont condamnés,

comme Vacher, malgré les médecins experts. On se préoccupe trop

dans ces sortes d'affaires.d'après Gallois, du côté juridique et pas

assez du côté médical,c'est pourquoi il demande qu'avant l'inter-

nement il y ait une consultation entre un médecin désigné par la

famille et un médecin désigné par le malade. Après l'internement

le malade aurait le droit de soumettre son cas à un praticien appelé

et payé par lui. Que cela est beau en théorie, mais en pratique ?

. L. Waiil.

VARIA

Drame DE la folie.

Il y a quelques semaines. Crouv, près de Soissons, une femme

Lefour, condamnée à quarante jours de prison, se rendait à

Laon pour purger sa peine. Son mari étant parti en « bombe »,

elle dut laisser le soin de ses deux enfants, Marius, âgé de neuf

ans, et René, âgé de sept ans, à sa soeur, Juliette 'l'irfoin, âgée

de quarante-trois ans, qui était sortie il y a quelques jours de

l'asile d'aliénés de Montreuil. Elle paraissait guérie et l'adminis-

tration de l'hospice lui avait délivré un congé régulier.

Un des fils Lefour, âgé de quinze ans, employé dans une ver-

rerie à Vauxrot, vint réclamer de l'argentà sa tante, menaçant

de tout briser s'il n'obtenait pas satisfaction.

La malheureuse eut une telle frayeur que son cerveau se dé-

rangea à nouveau et qu'une nouvelle crise de folie la reprit. Elle

conçut le projet de tuer ses petits-neveux.

llier matin, elle les saisit et les frappa à coups redoublés avec

varia. 249

une hachette. Mais la vue du sang lui lit reprendre raison ; elle

se mit alors à panser les pauvres petits un versant des torrents

de larmes. Mais la crise reparut et elle les frappa encore. Les

coups meurtriers elles soins se succédèrent et alternèrent durant

toute la journée.

Enfin, dans un instant de lucidité elle s'arracha à ses victimes,

et courut à la gendarmerie, suppliant qu'on l'arrêtât. On la

garda. Un gendarme cycliste se rendit à Crouy, où personne

n'avait rien appris, n'avait rien remarqué. Pénétrant alors dans

l'habitation, le gendarme trouva les victimes de la démente.

L'un d'eux était dans son lit, agonisant. On le lit conduire aus-

sitôt à 1'IIôlel-Dieu. L'autre fut envoyé à l'hospice.

- La malheureuse folle avait été internée à Prémontré pendant

douze ans, et c'est depuis le 12 août dernier seulement qu'elle

était sortie de l'asile.

Statistique au 1er janvier 1907 DE la population aliénée ET

DU PERSONNEL MÉDICAL EN FRANCE

Nombre des asiles 117. - Lps asiles publics renieraient 4.792

malades; - Les quartiers d'hospices 7.546 - Les asiles privés

faisant fonctions d'asiles publics 14.707 ; Les maisons de san-

té particulières 1.3tirs. - Le nombre total des aliénés à la dato

indiquée est de 71.547. - Placements d'office 56.28S ; Place-

ments volontaires 15.261. Le nombre des médecins 236 ; - Le

nombre des internes en médecine 145.

Concours le l'internat des asiles d'aliénés de la seine.

Le nombre des candidats n'a pas été aussi considérable qu'on

l'avait espéré lorsqu'on a déplacé la date du concours, en la re-

portant du 1 CI' décembre au mois d'avril, c'est-à-dire après la fin

du concours de 1 internat des hôpitaux. En faisant celte modi-

fication, on pensait attirer au concours de l'internat des asiles des

candidats ayant échoué à l'internat des hôpitaux. Quelques-uns

attribuent cette pénurie de candidats à ce qu'on exige d'eux seize

inscriptions. Personnellement nous avons combattu cette condi-

tion et demandé qu'on exigeât moins d'inscriptions. Les obliga-

tions du stage à taire dans les hôpitaux a décidé la majorité de

la Commission à adopter le chiffre de seize inscriptions,nous pen-

sons qu'on pourrait faire comme dans les hôpitaux, c'est-à-dire

n'exiger que douze inscriptions.

LE TROISIÈME congrès international POUR l'assistance

des aliénés aura lieu à Vienne, le 7,-11 cctobre 1908, sous la

présidence de M. le Professeur OBERSTEINER, conseiller aulique.

Les déclarations d'adhésions, des rapports et des démonstra-

tions doivent être adressées jusqu'au premier juillet 1908 au

250 valti v

secrétaire général dûcen Dr Alexandre PILCZ, M7 ! eii, IX., Laza-

rettgasse 14, qui donnera tous les renseignements voulus. Los

détails du programme seront publiés plus lard. » Président, profs-

seur Dr Oi3rRSTEINErt, conseiller aulique; secrétaire général : Do-

cent Dr Alexandre PILCZ.

COMITÉ CONSTITUÉ SOUS LE HAUT PATRONAGE DE M. LE PRÉ-

SIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET DE M. LE MINISTRE DE

L'INSTRUCTION PUBLIQUE POUR ÉLEVER UN MONUMENT

AU PROFESSEUR BROUARDEL.

Le Président, les Vice-Présidents et les Membres du comité

constitué pour perpétuer la mémoire du Professeur Blzouaa-

pEI. par l'érection d'un monument à Paris viennent vous de-

mander votre concours. P. l3ltooaanrl. a consacré sa vieà la

science, à son pays,à l'humanité ; il a été le type accompli du

grand savant et de l'homme de bien : son nom mérite d'être

conservé.Nous osons espérer que vous voudrez bien collabo-

rer à notre oeuvre. M. PUECH, Membre de l'Institut, a bien

voulu se charger de l'exécution du monument. Les souscrip-

tions sont reçues dès maintenant par MM.J.-B. 13fLLIFtH : et

Fils, libraires-éditeurs à Paris, 19, rue llautefeuille. L,e Pré-

sidgnf : E. Loubet.

LA Danse DE SAINT-CUY A (aASSEI.

La ville de Cassel et ses environs sont, depuis quelques jours,

le théâtre de bizarres manifestations qui paraissent a,oil' leur

origine dans une exaltation religieuse. ;Elles ont commencé dans

le local de la Croix-Bleue. Le scandale a été tel que les autorités

sont intervenues. C'est une véritable épidémie d'exaltation fana-

tique.

Les adeptes se rassemblent pour écouter des sermons, 'confes-

sent leurs péchés à haute voix et chantenlles cantiques... Cela

continue dans un bruit assourdissant. Et quand un assistant

tombe en extase, s'étend sur le plancher, le corps agité de trem-

blements convulsifs, les autres se réjouissent, car ils voient la

manifestation de l'esprit divin. Bientôt la frénésie gagne toute

l'assemblée. Hommes et femmes se jettent sur le sol en battant

des mains et en poussant des clameurs. L' esprit » opère. Puis

ce sont des conversions subites. Un homme se redresse, enlève

son col et ses manchettes et les dépose sur l'estrade, en signe de

renonciation. Lps femmes enlèvent leurs chapeaux pour don-

ppr libre pours à leur agitation. Les convertis se prennent aux

épaules et dansent en ? )'1(ljn8.fll].'iL épuisement complet. A la

suite de ces incidents, la police de Cassel a fermé le local de la

Croix-Bleue. Ces scènes carnavalesques ont lieu maintenant dans

VARIA. V ? RIA. ? 51

le ? villages voisins. Ce sont, parajt-il deux Suédoises qui ont im-

porté ces étranges pratiques à Cassel et qui président ces séan-

ces, qui rappellent la danse de Saint-Guy du Moyen-âge. [Petit

Parisien, lu août;)

. la FOLIE EN ANGLETERRE

Le livre bleu que l'on vient de publier à Londres donne d'in-

téressants renseignements sur les progrès incessants que fait la

folie en Grande-Bretagne. '

Au 1er janvier 1907, ily avait 123.9f8 aliénés en Angleterre,

2.009, de plus qu'au le janvier 1906. Le chiffre avait déjà aug-

menté de z'.150 en 1905, 2.630 en 1901, 3.235 en 1903.

En 1859, il n'y avait en Angleterre que 36.762 fous; l'accroisse-

men de leur nombre ayant été, depuis cette époque, de 237. 2 °'o

tandis que, durant la même période, la populatioq ne s'augmen-

tait que de 77.5. %. '

On voit que, depuis un demi-siècle, les asiles d'aliénés voient

leur population croître trois fois plus \ite que celle de l'ensemble

du pays : c'est une proportion inquiétante. {Le Petit Var 15 oc-

tobre 1907.)

Les aliénés en liberté

Le crime d'un fou, Mende : Un nommé Albert Paris, culti-

vateur, demeurant- à Sai¡1l-[<rézal-de Ventalon, donnait depuis

quelque temps des signes non équivoques de dérangement céré-

bral. Aussi sa famille avait-clip jugé prudent de l'enfermer dans

une pièce dont les fenêtres étaient munies d'épais barreaux de

fer.

Ilier,le dément réussit à tromper la surveillance dont il était

l'objet et se sauva à travers champs. Un de ses frères se mit à sa

poursuite ; il allait le saisir,lorsque le fuyard s'arma d'une pelle

et asséna sur la tête de son frère un coup si violent que pe der-

nier roula par terre le crâne ouvert. Le malheureux mourut

quelques minutes après, sans avoir repris connaissance. (L'Au-

rore du 27 juin) .

Il l'aimait trop. Saint-Etienne. Mme Lachize, modiste,

âgée de quarante-cinq ans, était dans un état de santé mentale

que son internement dans une maison de santé par mesure admi-

nistrative était devenu inévitable. Je n'accepterai pas qu'on

l'emprisonne de la sorte, avait dit son fils, jeune soldat au 16e de

ligne. Je la tuerai plutôt. Et vendredi soir, en effet, le malheureux

garçon s'étant armé d'un revolver, abattit la démente de deux

balles, se logea un troisième projectile dans la tête et se jeta par la

fenêtre de lepr appartement commun. L'état de la mère et du fils

est désespéré. (L'Aurore du 13 juillet.)

2o2 varia.

Bagnolet. Un journalier, M. Joseph Grimouille, âge de cin-

quante-six ans, demeurant sentier des Houes, était depuis quel-

que temps atteint de troubles cérébraux. Seul, hier soir, dans son

logis, il en profita pour se pendre. Lorque sa femme rentra quel-

ques instants plus tard, le désespéré était mort. (La Petite Répu-

blique 30 juillet.)

LFS CRIMES DE L'ALCOOLISME

A Toulon, un soldat du 48 régiment d'infanterie coloniale,

nommé Klaurens Bené, sous l'influence de l'alcool, a blessé huit

personnes à la Seyne iL coups de baïonnette.

Parmi les blessés se trouvent plusieurs enfants atteints àla

poitrine et au dos. Le forcené a été arrêté non sans peine. (La

Liberté du 2 juillet.)

Asile public d'aliénés de la ItOCfiE-GAN17UN, A Moyenne.

Un emploi d'interne est disponible à l'asile public d'aliénés de

la Hoche-Gandon, à Mayenne (Mayenne). Les candidats à cet

emploi devront être français, êlre de 21 ans au moins et

avoir dix inscriptions de doctorat. Le titulaire de l'emploi rece-

vra un traitement annuel de huit cents francs et aura droit en

plus à la nourriture, au chauffage, à l'éclairage et au blanchis-

sage. Les demandes devront être adressées à 11. le Directeur-Mé-

decin en chef de l'asile de la Roehe-Gandon, à Mayenne, chargé

de les centraliser et de les transmettre à M. le Préfet de la

Mayenne. Chaque demande devra être accompagnée des pièces

suivantes : 1° acte de naissance ; 2° certificat de scolarité ; 3° ex-

trait du casier judiciaire.

Une mégère IMBÉCILE condamnée A mort.

Berlin, 24 juin.- Le tribunal de Bromberg a condamné à mort

Casimira Chmieleeicz âgée de 20 ans, et originaire de I-Iohensal.

Cette mégère avait tué à coups de sabot une petite fille de deux

ans, Marie Noeak qui avait été confiée à ses soins. Elle l'avait au-

paravant affreusement maltraitée. Casimira- Chmieleeicz étant

extrêmement bornée, les jurés ont signé un recours en grâce. (La

Journal, 25 juin 1907.)

UN épileptique

Où est le ¡acteur ? - Montmorency. - Le facteur des postes,

Dubois, de la petite commune de llontlignon, non loin de Mont-

morency, a disparu depuis lundi à cinq heures du soir ; il sortit

à ce moment-là, se dirigeant sur Eaubonne, de la buvette tenue

par une dame I>arLhuy, et plus personne depuis ne l'a aperçu.

Est-ce une fugue ' ? D'aucuns volontiers l'avanceraient. Mais

on sait que le disparu était épileptique. N'aurait il pas trouvé la

mort dans un fourré où il se serait dissimulé sentant venir une

crise ? Une enquête paraît s'imposer. (L'Aurore, 8 septembre).

varia. 253

Asile d'aliénés DE LFS-1-Ll.l-.C, pues Vannes (Morbihan).

Un poste d'interne en médecine est vacant à l'asile d'aliénés de

Les\eHec près Vannes. Conditions : Avoir 12 inscriptions et avoir

passé sa pathologie externe. Avantages : Logement, nourriture

chauffage, éclairage et blanchissage, 800 francs la première

année, 900 francs la deuxième et 1.000 francs la troisième année.

Ecrire au directeur de l'asile, médecin de l'établissement. Nota.

Gratification de fin d'année, facilité de passer ses examens.

L'asile possède deux internes. -

Séquestration arbitraire

Un drame de famille. Une mère volée et séquestrée par son fils.

L'opinion publique, à Béziers, est vivement émue par la sé-

questration, dans une maison de santé située près de Toulouse,

d'une riche rentière de Itédarieux, Mme veuve B..., qui se serait

vue, auparavant, enlever toute sa fortune par son fils, un magis-

trait de la région, agissant avec la complicité d'un médecin.

M. L..., après avoir surpris le mot du coffre-fort de sa mère,

aurait attiré celle-ci dans la \ille où il habite, de concert wec le

docteur P..., puis il serait revenu a Hëdarieux, aurait retiré du

coffre-fort 350.000 francs en valeurs et 10.000 Irancs en or, et

les aurait déposés dans une succursale d'un grand établisse-

ment de crédit. La mère, ayant constaté le vol, déposa une

plainte au parquet de Béziers.

M. IL, aurait alors simulé la folie, et le docteur P... aurait

persuadé la mère de faire interner son fils près de Toulouse. Mais

une fois arrivés il destination, les deux complices auraient fait

interner comme folle la malheureuse femme. Il parait que Mme

Il..., femme du magistrat, ayant appris ce qui s'était passé, et

ne voulant nullement être complice de ce %ol et de cette sé-

ques(ration, s'est retirée chez ses parents, dans l'Aude, et va

demander le divorce. (Journal des Débals, 17 septembre.)

D'après des journaux plus récents, ce récit de séquestration

arbitraire où seraient compromises gravement la médecine et la

magistrature est controversé. La justice serait saisie.

Drame de l'alcoolisme.

Louis Carrière, trente ans, marchand de poissons, qui habite

27, rue .Iules-Parent, à Hued, est un ivrogne invétéré ; il lui ar-

rive fréquemment du boire jusqu'à sept absinthes. Jeudi,comme

il rentrait chez lui, il tua un chat qui rôdait dans son jardin : il

rechargea son arme, un vieux fusil de chasse à deux coups, rem-

plit sa carnassière de poudre, de plomb, du pain, de cartouches

de revolver et y ajouta un énorme couteau à découper. .le

pars dans la forêt de Marly, dit-il, et je tuerai tout ce que je

trouverai, hèles ou gens, car on m'en veut trop.

254 FAITS DIVERS.

Il s'arrêta 'chez plusieurs marchands de vins et à 9 heures du

soir'on le vit dans les rues mettant en joue plusieurs personnes,

des femmes, des enfants. liue du Gué,deux jeunes gens, Romain

Pruvost et Pautrat, voulurent le désarmer. Carrière se dégagea

et lit- feu à bout portant. Mais PruvosL releva le canon de l'arme

lui arracha le fusil des mains et lui cassa net la crosse sur la

tête.

L'alcoolique sortit un revolver qui ne le quittait jamais et fit

feu à six reprises. Pruvost fut blessé au bras droit et au bas-

ventre ; on le transporta à Laénnec, où l'interne constata que

les intestins étaient perforés en plusieurs endroits. Le blessé a

refusé de porter plainte : « Ça nu me retirerait pas les baltes que

j'ai dans le ventre, a-t-il déclaré ; j'arrangerai cela avec Car-

rière n. Le marchand de poissons, qui a été arrêté, n'a dû son

salut qu'à l'intervention énergique de la gendarmerie : la foule

voulait l'assommer. (Les Débats, 16 septembre 1907.)

FAITS DIVERS

Suicide D'ADOLESCENTS. - Un enfant de 15 ans, le jeune

Manel (de (ironuhte), ayant, à la suite d'une plaisanterie, blessé

grièvement son frère en lui lançant une bouteille il la tète,

s'arma d'un revolver et. se rendant sur les bords du Drac, se

tua en se tirant deux balles à la tempe. (Liberté, 19 sept.)

Fou furieux. Elie Ophal, âgé de cinquante-six ans, ouvrier

charpentier demeurant (le la Héllnion, donnait depuis quel-

que temps des signes d'aliénalion mentale. Il était l'objet d'une

surveillance spéciale de la part de sa famille, qui est en instance

pour le faire interner. Hier soir, vers dix heures, il harvinl iL

s'échapper et, tenant d'une main un formidable nerf de hoeuf et

de l'autre un long compas de charpentier, il s'élança dans la rue,

insultant et menaçant les gens qu'il rencontrait. Tout le monde

fuyait devant lui et des incidents étaient à craindre quand, rue

du Temple, deux gardiens se jetèrent sur lui et purent après une

lutte des plus vives le maîtriser. acte envoyé 1 l'infirmerie du

Dépôt. Ce fait montre encore une lois la. nécessité d'une hospita-

lisalion rapide. y va de l'intérêt des malades et de la société.

Tentative de suicide. - Le beau-père de M. Malguy, chef

de gare au Theil, qui, depuis quelque temps, n'avait pas toutes

ses idées à lui, s'est précipité du haut de la fenêtre de sa clIaI11-

faits divers. \ 255

hure, et est venu s'abattre lourdement sur le sol, tombant d'une

hauteur de plus de six mètres. Le docteur mandé aussitôt cons-

tata une fracture du lémur gauche et du bassin et déclara que

l'état était très grave. (Bonhomme normand, juin.)

Un drame sur une locomotive. Un drame émouvant s'est

déroulé cette nuit sur la plateforme d'une locomotive. Le méca-

nicien d'un train de marchandises, qui stationnait en gare du

Nord, à Bruxelles, a lancé son train à toute vitesse sur la voie

d'Anvers, et le convoi, malgré tous les signaux, franchit à une

allure vertigineuse une dizaine de gares. Le chauffeur, compre-

nant que le mécanicien était de\enu fou et qu'une catastrophe

allait se produire, engagea une lutte terrible avec lui et réussit à

le maîtriser au moment où le train dépassait Malines. Il arrêta

alors le train. C'est miracle qu'aucun accident ne se soit produit,

car sur cette voie il passe cinq ou six trains à l'heure. (3lessi-

dor, 3 juillet).

La folie d'un CANOKMER. - Pris d'un accès de folie subite

provoquée, croit-on, par l'abus de l'alcool, un canonnier du 5

d'artillerie dégainait hier brusquement, rue Saint-Simon, à Ver-

sailles et se jetait sur un officier qui passait. La foule intervint et

le canonnier qui avait pris la fuite fut arrêté et conduit au poste.

Après interrogatoire, M. Payen, commissaire central* l'a fait

mettre en observation à l'hôpital militaire. (Le Journal, 3 juil-

let)

Les aliénés en liberté. A i\1O11CCat1-SUI ? allll)l'e, un jour-

raller, le nommé Bâcle, pris subitement de folie, a tué sa mai-

d'esse dans des circonstances horribles.. Il l'a frappée dans le côlé

gauche d'un coup de couteau de cuisine ; puis, laissant son arme

dans la plaie, il s'empara d'une paire de ciseaux dont il frappa

il cinq reprises la malheureuse. La cinquième fois, il laissa

encore l'arme enfoncée dans la plaie. Son crime accompli, Bâcle

prit la fuite vers le canal de la Sambre, où l'on pense qu'il s'est

noyé. (La Liberté, 3 juillet).

L'ALC JOLISME. - dans la statistique de l'alcoolisme, c'est le

Calvados qui tient la tète avec une moyenne annuelle de 19 litres

73 d'alcool par habitant. La Creuse n'accuse qu'une consomma-

tion annuelle de 1 lil. 61. Ce chiffre est encore supérieur à la

moyenne de toute la France, il y a 27 ans. Celte moyenne est

aujourd'hui de près de 5 litres par habitant. En 1885, il n'y avait

en France que 56.000 débits. Eu 1905 le nombre en est de 230.000

Asile public d'aliénés de CHATEAU-hICON (Bordeaux).

Le concours d'internat s'est terminé par la nomination de MM.

Latreille et Calmettes. internes des Hôpitaux de Bordeaux.

256 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE."

Statistique DES établissements hospitaliers de FRAI'Cl,.

- Yoici quelques renseignements dus à l'obligeance de M. Mir-

man :

Vol. II. 3'Série. Octobre 1907. N 10

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE z

Contribution à l'étude des perversions sexuelles :

\Cf.

Parle prof. Alexandre STCI1ERI3AK (Varsoie)t,

OBs. I. Un cas d'hypoesthésie sexuelle avec fétichisme chez

une femme. Le fétichisme « du dégoûtant ».

Mme., âgée de 30 ans, très intelligente et fort élégante,

n'ayant pas il se plaindre de sa santé, est venue me consulter

dans le but spécial d'obtenir des éclaircissements sur quelques

a anomalies » de sa vie sexuelle. La malade ayant répondu très

franchement et .d'une façon précise à toutes les questions qui lui

avaient été posées, il est devenu possible de résoudre le problème

d'une manière plus ou moins satisfaisante.

Mme X. est mariée depuis G ans, elle a quatre enfants mais

elle n'a jamais éprouvé dans le coït ni la moindre excitation, ni

aucune satisfaction sexuelle. Au moment de immissio pénis plu-

tôt superliciel elle n'éprouve que des douleurs, pendant l'enfon-

cement plus profond il lui semble, que « quelque chose se soit

écroulé » et elle commence à rire inyolontailement, en éprou-

vant en même temps un malaise général semblable à un éva-

nouissement. Il faut noter que ces sensations n'ont rien de com-

mun avec l'orgasme et ne coïncident pas du tout avec le point

culminant du coït. Au moment de ejaculatio hominis elle ne re-

çoit aucune sensation particulière. L'embrassement et les ca-

resses du mari ne réveillent pas non plus le sens génésique chez

la malade ; ces caresses lui sont agréables, sans doute, mais seu-

lement comme la preuve ccrLaine de l'amour de son mari. Vrai-

ment, Mme X. s'est mariée par amour ; pendant li ans ce senti-

ment s'est alTermi et ses relations journalières avec son mari sont

excellentes. Chose à noter et Mme X. elle-même souligne

cette circonstance qu'elle n'est pas exempte de jalousie, ce

sentiment pourtant n'existant que « dans le sens immatériel».

Elle a été plusieurs fois jalouse de son mari quand elle remar-

quait qu'il avait des attentions pour une autre femme ; mais les

Archives, 3° série, 1907, t. II. 17

258 CLINIQUE MENTALE.

rapports sexuels de son mari avec une femme ne lui causaient

aucune jalousie. Son mari ne lui a pas caché qu'une fois pendant

sa longue absence il avait pratiqué plusieurs fois le coït avec une

dame connue d'elle, mais ces « relations physiques », comme les

appelait Mme X., n'ont provoqué chez elle aucune jalousie et

n'ont produit aucun changement dans la vie conjugale qui conti-

nue à s'écouler tout à fait tranquillement et paisiblement.

Jusqu'à l'âge de 18 ans, selon le récit de la malade, les ten-

dances sexuelles ne se manifestaient pas chez elle. Depuis l'âge

de 18 ans elle a commencé à éprouver le désir de plaire et às'in-

téresser à la société des hommes mais elle n'éprouvait pas les

tendances sexuelles dans le sens strict du mot ; les romans, les

tableaux et les conversations suggestifs qui produisaient un effet

spécial chez ses amies n'éveillaient chez notre malade aucun

sentiment, ni tendance sexuels. En revanche, à partir de 18 ans

elle s'est aperçue quelquefois qu'elle éprouvait une émotion tout

à fait particulière et non désagréable, quand elle voyait quelque

chose de repoussant, d'abominable, par exemple, un liquide dé-

goûtant répandu, des matières vomies, etc. ; en regardant ces

choses, elle éprouve aussi le sentiment de dégoût auquel se mêle

singulièrement un vague sentiment de plaisir. Le caractère pure-

ment sexuel de ces vagues sentiments s'est manifesté chez elle

peu à peu ; elle avait beaucoup d'admirateurs et elle a remar-

qué qu'une déclaration d'amour d'un homme désagréable et

même dégoûtant provoquait chez elle des sentiments semblables

à ceux qu'elle avait éprouvés en regardant quelque chose de

« très vilain ». Après le mariage le caractère sexuel de ces sen-

timents est devenu encore plus net et plus précis. Lorsque la

malade voit quelque chose de très dégoûtant, elle éprouve l'ex-

citation sexuelle ; l'aspect d'une grenouille écrasée dont les en-

trailles s'échappent de l'abdomen, peut même parfois provoquer

des sensations spécifiques dans la profondeur des organes géni-

taux (sensation de chaleur el de chatouillement). A la pensée

qu'un homme « dégoûtant» » vienne lui faire une déclaration

d'amour, la malade éprouve le sentiment, dont lecal'actèl'e sexuel

est évident pour elle-même. Le principe de sa domination sur l'

cet homme ou, au contraire, de sa soumission à cet homme ne

joue, comme il semble, aucun rôle pour la malade ; ce n'est que

son aspect qui a une importance.

L'idée d'avoir des rapports sexuels avec un « homme dégoû-

tant « ne vient jamais à la malade et la représentation de ces

rapports n'a rien qui excite le sens génésique et rien d'agréable.

Il faut remarquer que la malade éprouve très rarement les sen-'

timents sexuels particuliers dont nous venons de parler, et ces

derniers n'atteignent pas une intensité considérable ; la malade

ne s'en préoccupe pas beaucoup et, à proprement parler, ce n'est

contribution A l'étude DES perversions sexuelles 259

qu'au moyen d'une série de questions spéciales qu'on a pu éta-

blir chez elle les sentiments originaux qui remplacent pour ainsi

dire les sentiments sexuels normaux. La chose principale sur

laquelle insiste Mme X. elle-même, c'est son indifférentismecom-

plet dans les relations .sexuelles avec son mari bien aimé.

Mme X. n'a jamais senti de tendances sexuelles à l'égard des

femmes : il est tout à fait inadmissible et bizarre pour elle d'ai-

mer une femme de la même manière, qu'elle aime son mari.

L'aspect des « femmes dégoûtantes » ne l'excite pas non plus.

Parmi les hommes de sa connaissance quelques-uns lui plaisent

plus que les autres, mais ces sentiments n'ont rien de commun

avec ceux qu'elle éprouve en se représentant les « hommes dé-

goûtants ». La malade affirme catégoriquement qu'elle n'a jamais

pratiqué l'onanisme et qu'elle n'a jamais eu de rêves érotiques.

Son mari est un homme assez fort et doué de rigueur sexuelle ;

il faut ajouter qu'il n'y a entre eux aucun abus de coït.

Pas d'antécédents héréditaires. Le père et la mère de notre

malade sont bien portants ; il faut noter seulement une grande

différence d'âge entre les parents.

Mme X. est une brune au teint basané, de frôle constitution ;

la peau est un peu trop velue : les organes intérieurs sont sains.

Quant aux organes génitaux, on trouve l'hypéresthésie dans la ré-

' gion du clitoris (peu développé) et, par endroits, à introitus vagi-

nae, où il y a aussi des plaques d'auesthésie et d'analgésie. Pas

d'autres troubles objectifs du côté du système nerveux. La ma-

lade n'a jamais été affectée de maladies gynécologiques.

La description ci-dessus montre bien que le sens géné-

sique chez Mme X.,sans doute, ne manque pas complè-

tement, mais il est peu développé (hypoesthésie sexuelle) ;

en même temps on observe ici le fétichisme particulier

consistant dans l'association pathologique du sentiment

de dégoût avec le sentiment sexuel. Le cas décrit se dis-

tingùe des cas ordinaires de fétichisme en ce que le sens

génésique chez notre malade est excité non par les ob-

jets précis, mais par tout ce qui est dégoûtant. Ainsi,c'est

le sentiment du dégoût, c'est le « dégoûtant » en général

qui paraît ici «le fétiche », sous la dépendance exclusive

duquel se produit l'orgasme génital. A cause de cela on

pourrait nommer cette forme de fétichisme - « féti-

chisme du dégoûtant ». La nature originale des associa-

tions psychiques (association du sentiment du dégoût

avec le sentiment sexuel), ainsi que le manque de déve-

loppement du sens génésique doivent être considérés,

260 clinique mentale.-

certainement, comme un stigmate psychique de dégéné-

rescence chez notre malade. En ce cas, nous avons dans

la sphère des sentiments un phénomène tout à fait ana-

logue aux associations anormales connues dans la

sphère des sensations comme, par exemple, l'audition

colorée, etc.

L'histoire du fétichisme dans ses développements chez

Mme X. montre aussi assez nettement que l'association

anormale des sentiments est en ce cas originaire et non

acquise ; cela est démontré par le fait que c'étaient les

impressions tout à fait indifférentes dans le sens sexuel

(l'aspect d'un liquide dégoûtant, etc.) qui ont provoqué

chez notre malade pour la première fois de sa vie le sen-

timent spécial, dont le caractère sexuel n'est devenu évi-

dent que plus tard.

La perversion sexuelle n'atteint pas chez la malade

une intensité considérable et, semble-t-il, n'engendre

pas du tout les tendances sexuelles perverties. En effet,

elle éprouve un sentiment sexuel agréable, en voyant les

objets et les hommes dégoûtants, mais elle n'a pas d'as-

pirations vers ces stimulants. Ainsi le phénomène fon-

damental, c'est-à-dire le manque de développement du

sens génésique, non seulement se manifeste dans l'in-

différentisme de la malade pour les relations sexuelles

normales, mais il se manifeste aussi dans sa perver-

sion sexuelle assez peu développée et sans intensité.

Quant au caractère singulier du fétichisme, il est inté-

ressant de noter le contraste frappant qui existe entre

ce caractère et l'individualité psychique de la malade.

Mme X. est une artiste peintre non dépourvue de ta-

lent. Il faut donc supposer que le sentiment esthétique,

lié surtout aux impressions visuelles, doit être bien déve-

loppé chez elle ; et pourtant justement les impressions

visuelles les moins esthétiques pour tout le monde (la vue

d'une grenouille écrasée par exemple) provoquent des

sentiments ayant un fond agréable. Le contraste dont

nous parlons ne peut être expliqué autrement que par une

disharmonie dégénérative du développement de l'appa-

reil d'associations psychiques en général. Considéré de

ce point de vue, le contraste ci-dessus mentionné pré-

sente une analogie complète avec les différentes formes

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES PERVERSIONS SEXUELLES 261

des idiosyncrasies psychiques qu'on observe très sou-

vent chez les dégénérés.

Le fétichisme chez Mme X. se présente cliniquement

sous une forme assez pure, parce que dans le tableau cli-

nique,nous ne trouvons aucuns symptômes de sadisme ni

de masochisme. Il n'est pas non plus question d'inver-

sion sexuelle. '

OBs. Il. Un cas d'hyperesthésie sexuelle avec fétichisme chez une

femme. La coquetterie pathologique fétichiste.

Mme .1., âgée de 25 ans, d'une famille névropathique où il y a

eu plusieurs cas de psychose,est venue me consulter sur les nom-

breux symptômes de la nature hystérique y compris même les

grandes attaques convulsives.

Depuis son enfance la malade est très nerveuse et'très impres-

sionnable ; elle a passé les premières années de sa vie dans une

famille de moeurs douteuses et n'apas reçu une bonne éducation.

Les tendances sexuelles se sont manifestées très tôt; elle prati-

quait l'onanisme solitaire et l'onanisme réciproque avec des amies.

Déjà à l'âge de 13-14 ans elle se livrait à des polissonneries et à

des tentatives, de coït avec les jeunes garçons ; son imagination

était toujours occupée de choses érotiques; ses études allaient

très mal. A l'âge de 17 ans, la malade se marie, mais bientôt elle

quitte son mari et commence une vie irrégulière en changeant

très souvent d'amants. A une époque, la malade dut faire une cure

très prolongée à cause d'une maladie gynécologique d'origine

probablement blennorrhagique ; elle n'a jamais, semble-t- il, eu

la syphilis. Dans les derniers temps, surtout après l'apparition

des symptômes de la maladie gynécologique, la malade a com-

mencé à souffrir d'attaques hystéro-épileptiques accompagnées

d'automatisme ; on dut même la placer dans un établissement

spécial, mais elle n'y est pas restée longtemps et elle en est sor-

tie avec une légère amélioration seulement.

Pendant la consultation de la malade on était frappé de la voir

se préoccuper des sujets et des tendances érotiques. Son costume

etses manières avaient un caractère provocant. La malade tâ-

chait toujours d'amener la conversation sur les questions con-

cernant les organes génitaux et manifestait un goût singulier pour

certains termes anatomo- physiologiques trop précis (les mots :

« matrice » « vagin»,» clitoris », « accouplement » reparaissaient

très souvent dans sa conversation sans aucun besoin apparent). La

malade ne cache pas ses « chutes » nombreuses mais elle cher-

che toujours à les justifier ; elle les attribue à son état temporaire

d'inconscience ou à la « faiblesse de ses nerfs» de laquelle profitent

262 CLINIQUE MENTALE

les hommes; une autre fois elle dit qu'elle considère les abus se-

xuels comme un moyen de « s'oublier»... Lamalade avait consulté

auparavant beaucoup de médecins : elle les accuse presque tous

« d'assiduité auprès d'elle» mais en même temps elle se bâte d'ex-

pliquer l'attention de la part des médecins par sa belle constitution

corporelle dont ces derniers avaient subi le charme. Bref, malgré

le désir de voiler plus ou moins ses propres tendances exagérées,

la malade les manifestait malgré elle très clairement.La malade

changé tout de suite de note, quand je lui ai dit que ses parents

m'avaient raconté son histoire et quand j'ai exigé d'elle une pleine

franchise comme condition indispensable du traitement. Quant

aux parents de la malade, ils m'avaient exposé que Mme.).,à leur

avis, souffre d'une « fureur de la matrice », qu'elle provoque (,ou-

jours presque tous les hommes et même ne peut pas se défendre

de séduire les jeunes garçons des familles consanguines où elle

réside temporairement. Ceci bien établi, la malade a changé de

système; elle a commencé à parler bien sérieusement et franche-

ment et manifesta un vif désir de se débarrasser de la maladie

nerveuse dont elle-même rejette la cause sur ses abus vénériens

et dont les symptômes en ces derniers temps rendent sa vie in-

supportable.

Alors j'ai pu établir que les tendances sexuelles chez Mme .1.

sont extrêmement fortes, qu'elles s'adressent exclusivement aux

hommes et qu'elles ne peuvent être satisfaites que pour une cour-

te durée. L'aspect d'un homme et son approche excite presque

toujours notre malade, mais l'acte du coït ne lui donne aucune

satisfaction. La malade éprouve le maximum de l'excitation et

de la satisfaction sexuelles non pendant le colt, mais en voyant de

près un homme très excité sexuellement. Ce n'est que dans ces cir-

constances bien précises que la malade éprouve « le bonheur su-

prême », quant au coït suivant, elle s'y trouve tout à fait indiffé-

rente et elle l'éviterait très volontiers. Mme .1. dit tout franche-

ment qu'en réalité elle ne se refusait pas à le subir ; ainsi on ne

peut pas interpréter son récit comme ayant pour but d'affaiblir

les couleurs et de se représenter plus pure qu'elle ne l'est. On ne

peut pas croire non plus que Mme .1. simule la particularité

( « bizarrerie ») mentionnée et veuille de cette manière attirer

l'attention sur elle. Elle racontait alors son histoire avec tant de

détails et de précision que sa franchise et sa sincérité étaient

évidentes; on voyait très bien qu'elle faisait tousses efforts pour

faire bien connaître ses « bizarreries » et sa « fureur utérine » ;

en même temps elle parlait de sa « bizarrerie principale » avec

un entrain démontrant d'une façon indiscutable les sentiments

sexuels très forts, éveillés chez elle par une seule représentation

mentale de sa « bizarrerie » ; ce sentiment spécial, manifesté par

la malade dans son récit, me parait être 'la raison la plus forte

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES PERVERSIONS SEXUELLES 263

pour exclure catégoriquement la simulation de ladite particula-

rité. De tous les récits bien détaillés de la malade il ressort ma-

nifestement que ses aspirations sexuelles se réduisent au fond

à une seule chose, c'est-à-dire à un besoin très vif de voir près

d'elle un homme excité, de considérer l'expression caractéristique

de la physionomie et des yeux de cet homme. C'est le vrai but

intime de ses tendances sexuelles. La nudité de l'homme no l'ex-

cite pas. Dans ses rêves érotiques accompagnés de « pollutions »

nocturnes elle voit toujours les hommes excités ; ces rêves se

produisent surtout après les règles. La malade a remarqué que la

vue d'un nouvel amant excité l'excite elle-même au plus haut

degré et c'est pourquoi elle tâche toujours d'attirer à elle des

nouveaux amants. Parfois l'excitabilité de la malade diminue un

peu et alors elle peut vivre assez tranquillement pendant 1 1/2 à 2

mois, surtout si elle se trouve à la campagne ; mais après, tout

revient au premier état ; la malade va dans une grande ville et y

mène la vie très irrégulière en abusant des relations sexuelles et

prenant part aux vraies orgies.

L'examen objectif de la malade n'a pas fait reconnaître des si-

gnes morphologiques de la dégénérescence; les organes intérieurs

sont sains. Du côté du système nerveux on ne trouve aucun signe

de lésion organique, quant aux troubles de la nature hystéro-

dégénérative il faut noter : hémihypoesthésie sensitivo-senso-

rielle du côté gauche, une zone d'hyperesthésie du tronc en forme

de ceinture, large de 10-12 centimètres, exagération des réflexes

rotuliens, absence des réflexes abdominaux et plantaires. Les

organes génitaux n'ont pas été examinés.

En analysant les anomalies sexuelles dans ce cas,nous

devons noter, avant tout, le fond principal consistant en

une exagération très prononcée des tendances sexuelles

(hyperesthésie sexuelle) ; une autre anomalie qui s'est dé-

veloppée sur ce fond d'hyperesthésie est caractérisée

par le lait que la malade trouve la satisfaction sexuelle

complète non pas dans le coït normal,mais à la vue seule

d'un homme très excité sexuellement et se trouvant

près d'elle. La phase, pour ainsi dire, préliminaire de

l'acte remplace tout, devient le but principal des ten-

dances sexuelles, devient pour la malade son fétiche qui

est pour elle un excitant nécessaire et exclusif de l'or-

gasme voluptueux; au point de vue psychologique le

fétiche, dans ce cas, est une représentation visuelle

complète et d'un caractère très précis (l'aspect d'un

homme excité).

264 CLINIQUE MENTALE.

Par conséquent, l'anomalie décrite ci-dessus doit être

rangée dans les cadres du fétichisme. On ne peut pas

expliquer le phénomène de manière que l'orgasme vien-

ne ici trop tôt à cause de l'irritabilité exagérée du senti-

ment sexuel. Comme je l'ai dit plus haut, l'aspect d'un

homme excité est, pour la malade, le vrai but de ses ten-

dances sexuelles, le but tout à fait indépendant ; elle se

représente juste ce tableau bien précis, quand elle est en

proie à ses désirs sexuels; elle voit le même tableau dans

ses rêves érotiques, tandis que le coït n'est pour elle

qu'un mal inévitable ou un mal difficile à éviter.

Pour satisfaire ses désirs sexuels, la malade emploie

des manoeuvres différentes ayant pour but d'exciter le

sens génésique chez les hommes et de les attirer à elle,

en d'autres termes, la malade a recours à la coquetterie.

Mais dans notre cas la coquetterie a le caractère évi-

demment pathologique, parce qu'elle est le résultat des

tendances sexuelles pathologiques, perverties ; outre

cela, ce caractère pathologique dépend encore d'une au-

tre cause, c'est-à-dire de ce que la coquetterie dans notre e

cas est intimement liée à l'élément essentiel de la perver-

sion même. En effet, l'élément essentiel de la perversion

consiste justement en ce que les résultats immédiats ob-

tenus parla coquetterie même - l'état d'excitation se-

xuelle chez l'homme - donnent à la malade la satisfac-

tion complète. Ainsi, dans notre cas, la coquetterie ren-

ferme en elle-même le moyen de satisfaire immédiate-

ment et complètementles tendances sexuelles patholo-

giques du fétichisme. A cause de cela on pourrait nom-

mer cette espèce de fétichisme : la coquetterie pathologi-

que fétichiste.

Outre le fétichisme, « l'exagération » de la coquetterie

peut être, bien entendu, d'origine différente. On observe

ce phénomène très souvent dans les états d'excitation

psychique générale (état maniacal); le même phénomène

se produit sous l'influence de certaines idées délirantes,

d'hallucinations, etc.; les formes grossières et évidem-

demment pathologiques de la coquetterie s'observent

aussi dans les troubles de la conscience, dans la dé-

mence ; enfin, l'exagération de la coquetterie devient

parfois un signe d'exagération des tendances sexuelles

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES PERVERSIONS SEXUELLES 265

- normales ou anormales - en général. Mais dans tous

ces cas, « la modification » de la coquetterie n'est qu'un

symptôme partiel des troubles plus étendus, si elle n'a

pas une origine secondaire, tandis que la coquetterie pa-

thologique fétichiste a le caractère clinique bien indé-

pendant et est intimement liée, comme nous l'avons dit

plus haut, à l'élément essentiel de la perversion précise.

La coquetterie pathologique fétichiste présente, d'un

autre côté, une certaine analogie avec un phénomène

« normal » qui s'observe assez souvent et qui consiste

en ce qu'une femme très coquette, étant gouvernée par

des considérations et des sentiments quelconques, se dé-

fend toujours de dépasser certaines limites dans ses ma-

noeuvres de coquetterie. Ces cas diffèrent du fétichisme,

bien entendu, par le manque de caractère pathologique.

Le cas queje viens de décrire doit être considéré comme

un exemple exclusif de cette perversion sexuelle. La co-

quetterie pathologique fétichiste s'observe assez souvent

chez les femmes dégénérées, mais ordinairement la co-

quetterie pathologique a le caractère plus mitigé et ne

se manifeste-pas sous une forme si grossière, si maté-

rielle que chez Mme Y. (1).

Il est difficile de déterminer avec précision l'origine

du fétichisme dans ce cas ; mais il est hors de doute que

les tendances purement sexuelles et très intenses exis-

taient chez la malade dès son enfance ; n'étant âgée que

de 13-14 ans, la malade éprouvaitdéjà uneforte tendance

pour les relations intimes avec les garçons, quoiqu'elle

ne se représentât pas bien de quelle façon, à proprement

parler, elle pourrait satisfaire ses vagues désirs ; il est

bien possible que les associations psychiques qui font

la base du fétichisme se soient formées justement à cet

âge tendre au cours des tentatives de coït et des autres

manoeuvres intimes avec les garçons. La malade ne

peut pas (ou ne veut pas) nous donner des renseigne-

ments précis concernant les circonstances et le mo-

ment où elle s'est aperçue pour la première fois de sa

« bizarrerie », mais en tout cas nous avons certaines rai-

(t) V. les observations à propos de coquetterie pathologique dans

mes « Leçons cliniques sur les maladies nerveuses et mentales Il. Var-

sovie 1901, p. 482 (en russe.)

266 CLINIQUE MENTALE

sons d'admettre que cette « bizarrerie » c'est-à-dire le

fétichisme particulier, chez Mme Y., est acquis et non

originaire, comme c'était le cas dans l'observation pré-

cédente (Mme X.). Quant à l'exagération des tendances

sexuelles, celle-ci a le caractère originaire bien évident ;

le fond dégénératif très grave est non moins évident.

Cas. 111. - Un cas de sadisme et de fétichisme chez un adolescent.

Fétichisme d'origine sadistique.

1

Z., jeune homme âgé de 17 ans, très intelligent et développé

dans le sens psychique plus qu'on pourrait s'y attendre pour son

âge, est venu me consulter sur une série de symptômes neuras-

théniques banals (irritabilité et impressionnabilité très exagérées,

mauvaise humeur, insomnie, mal de tête, impossibilité de tra-

vailler etc.), la cause de tous ces troubles, pourtant, n'était pas

banale, surtout pour le malade, même, qui expliquait « sa neu-

rasthénie » par ses anomalies sexuelles étranges Jusqu'à présent

le malade n'a parlé à personne de ses anomalies, il n'a même ja-

mais entendu parler ni n'a jamais trouvé dans les livres mention

de rien concernant les anomalies sexuelles en général.

L'examen de l'état psychique et physique du malade a donné

les résultats suivants :

Le malade, encore enfant, à l'âge de 5-6 ans, avait été vive-

ment impressionné par les récits concernant les criminels qui

avaient été garrottés et envoyés à la prison. C'était justement le

garrottage qui attirait son attention dans toutes les histoires pa-

reilles, et non le crime commis quel qu'il put être, même le

plus grave et le plus extraordinaire. Un peu plus tard, à l'épo-

que où il avait déjà appris à lire, lorsque le malade rencontrait

dans un livre ou dans un journal la description de cas pareils, il

lisait et relisait plusieurs fois ces récits en éprouvant un très

vague plaisir. Le malade se souvient très bien que, dans toutes

les occasions de ce genre,ce n'était que le garrottage qui l'inté-

ressait. Il se demandait toujours : : de quelle manière

garrotte-t-on les criminels, quelles sensations éprouvent ces der-

niers, mais les autres circonstances du crime ne le touchaient

pas. A cette époque, le sexe des personnages garrottés lui était

indifférent. Ses pensées, invinciblement portées vers les personna-

ges garrottés sans distinction du sexe, poursuivaient le malade

pendant de longues heures et il ne pouvait pas débarrasser son

imagination de ces tableaux. Parfois d'autres idées de même

nature se présentaient à son esprit ; tout à coup et sans aucuns

motifs, le malade commençait à penser à la Sibérie, aux forçats

qui y travaillent et c'était toujours l'état intérieur, psychique des

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES PERVERSIONS SEXUELLES 267

forçats qui intéressaitle plus Z. Les mots tels que : « garrotter »

« ligoter », « les chaînes », même répétés mentalement, provo-

quaient chez le malade une émotion particulière. Parfois le

malade rêvait-qu'il était forçat lui-même et qu'il éprouvait

les sensations d'un homme mis aux fers.... Lorsque le ma-

lade lisait une histoire d'aventures arrivées en pays indien,

ce qui l'intéresait le plus c'étaient les scènes de capture et de

ligotement des prisonniers par les indiens, il relisait toujours ces

passages plusieurs fois. Dans les romans illustrés de Mainright

et de Gustave Aymard,les gravures représentant les prisonniers

ligotés provoquaient chez lui un intérêt très vif ; le malade ne

pouvait pas s'arracher à ces pages, il sentait un besoin de les re-

garder encore et encore cherchant les détails restés peut-être ina-

perçus ; parfois il ne cherchait aucuns détails nouveaux dans ces

gravures, mais lorsqu'il les contemplait tout simplement il

éprouvait un vague plaisir et une émotion tout à fait particu-

lière ; parfois dans ces circonstances le malade songeait : « com-

me ce serait bien si moi-même je ligotais les prisonniers ou si

les Indiens me ligotaient de la même manière n. Une fois Z. a lu

dans le journal que des malfaiteurs avaient entouré la maison

d'un propriétaire, avaient forcé la porte et avaient ligoté le pro

priétaire et sa femme ; «le monsieur et la dame ligotés» pen-

dant longtemps ne laissaient pasnotre malade tranquille et ils

attiraient toujours ses pensées. Une pièce de théâtre a produit

sur le malade encore plus grande impression. Dans cette pièce

un acteur et une actrice ligotés ont paru sur la scène ; à cette

vue le malade a cessé complètement de s'intéressera tout ce qui

se passait autour de lui et ne pouvait pas détourner ses yeux des

artistes ligotés. Avec l'âge les pensées de « garrottage » deve-

naient de plus en plus persistantes et de plus longue durée ; leur

intensité s'est accrue surtout à l'âge de 14 ans ; alors il était

rare qu'il passât 1 ou 2 jours sans être poursuivi par ces pensées.

A partir de 14 ans, un changement sensible s'est produit dans

ses pensées concernant « le garrottage »; auparavant le sexe des

gens garottés lui avait été indifférent, mais à ['tige de 14 ans c'é-

taient les femmes garottées qui excitaient le malade beaucoup plus

que les hommes. Les récits, la lecture et surtout les gravures

concernant le garrottage desfemmes ont commencé à influencer

le malade de la façon la plus intense. En même temps, il remar-

quait peu à peu l'apparition d'une particularité qui n'existait pas

auparavant, c'est-à-dire de la passion des femmes riches, élégan-

tes et surtout des femmes chaussées de bottines vernies ; la beauté

des femmes et la beauté de leurs pieds ne l'intéressaient pas ; ce

n'était que l'élégance féminine qui attirait le malade d'une ma-

nière spéciale : à la vue seule de ces dames il éprouvait à l'ins-

tant un vif désir secret de les garrotter ou de les mettre aux fers.

268 CLINIQUE MENTALE.

A partir de cette époque, selon l'expression du malade, a com-

mencé « le drame de sa vie En suivant une rue il était tou-

jours préoccupé de rencontrer des dames élégantes, chaussées

de bottines vernies, et se livrait à ses rêves habituels. Mais les

pensées d'autrefois concernant les forçats, malgré cela, n'ont

pas quitté le malade. Ayant remarqué dans la rue un convoi de

condamnés mis aux fers, il le suivait de près et ne pouvait pas

s'abstenir de l'accompagner aussi loin, qu'il lui était possible. Si une

dame élégante passait en voiture près de ce convoi triste, le ma-

lade éprouvait le plus grand plaisir à rêver au garrottage de

cette aristocrate,séparée par un abîme profond des hommes ordi-

naires. La différence de position sociale entre cette dame très chic

, jouissant de la liberté et un homme de basse origine mis aux

fers décuplait le plaisir du malade. Après une rencontre pa-

reille il songeait pendant longtemps qu'il enlevait avec ses com-

plices deux riches et élégantes « comtesses » chaussées de botti-

nes vernies, les garrottait, les amenait chez lui et les forçait de

se promener ainsi dans la cour de sa maison. Le malade se re-

présentait toutes ces scènes dans leurs derniers détails et cela

lui causait comme il dit, « un plaisir sexuel et particulièrement t

cordial ».

A partir de 15 ans le malade est devenu très irritable et évi-

tait d'aller au théâtre et de fréquenter les lieux publics, parce

que les dames portant des toilettes élégantes leurs pieds sur-

tout l'excitaient énormément. Dans les rues, même la vue des

animaux ligotés provoquait chez lui une émotion. Parfois le

malade essayait de se ligoter lui-même et de se promener, les

pieds ligotés avec des chaînettes, dans sa chambre, mais ce

moyen le satisfaisait très peu...

A l'âge de 15 ans, le malade a fait la connaissance d'une femme

ayant dix ans de plus que lui, qui n'était pas belle mais d'une in-

telligence assez remarquable d'après le récit du malade. Après

être entré en relations plus étroites avec cette dame, le malade

s'est permis en tête à tête des libertés avec elle : il la saisissait

souvent par les mains et regardait de temps en temps ses pieds ;

alors il profita d'un bon moment, la saisit par les mains qu'il

lui ligota derrière le dos. Lorsque, dit le malade, « j'ai ligoté pour

la première fois de ma vie les mains d'une femme, j'ai éprouvé

une violente commotion psychique, mais en même temps, une

espèce de délice du coeur ». Le malade ne voulant pourtant pas

confier son mystère à cette femme, tâchait de tourner tout en

plaisanterie. Le lendemain, Z. a visité de nouveau ladame et tout

de suite il lui aligoté les mains, malgré sa résistance qui toute-

fois n'était pas sérieuse. Pendant qu'il se rendait à son second

rendez-vous avec cette femme le malade a résolu fermement de

ligoter, coûte que coûte, pour cette fois les pieds de la femme.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES PERVERSIONS SEXUELLES 269

Et vraiment, après avoir ligoté les mains de sa compagne, le

malade l'a fait asseoir sur une chaise, et ayant posé sur ses ge-

noux les pieds chaussés de bottines de cette dame, les a ligotés au

moyen d'une corde ; la femme n'opposait pas de résistance.

Alors le malade a commencé à dénouer la corde et éprouvait

pendant cette opération le même plaisir qu'en ligotant lespieds.

Au moment, où Z. tenait sur ses genoux les pieds tout à fait im-

mobiles de la femme, dont les bottines touchaient légérement ses

parties sexuelles, il éprouva fout à coup une érection qui fut

suivie peu après d'une éjaculation. D'après le récit du malade

il a ressenti à ce moment le plus grand plaisir sexuel qu'il eût

jamais éprouvé de sa vie (l'orgasme) ; ensuite, une espèce d'af-

faiblissemenl général s'étant manifesté, le désir de « ligoter» a

disparu et le malade a causé avec, la dame de choses indifféren.

tes et a oublié pour quelque temps sa « manie ».

Alors le malade a trouvé un moyen pour satisfaire ses tendan-

ces, moyen qu'il ne connaissait pas jusque-là et, bien entendu,

il profitait largement de ce moyen en demandant des rendez-

vous à la dame le plus souvent possible. Peu à peu le malade

s'est convaincu que le ligotement des pieds n'était pas le moyen

indispensable devant lui procurer pleine satisfaction ; pour res-

sentir l'orgasme il suffisait alors au malade de garder sur ses ge- .

noux les pieds immobiles de la dame, chaussés de bottines qui

touchaient très légèrement ses parties génitales (non découver-

tes) ; au bout de quelques minutes,le malade se trouvait dans un

état très agréable d'excitation sexuelle qui s'augmentait peu à

peu, et une fois arrivée à son maximum d'énergie, elle aboutis-

sait à une éjaculation. Quelquefois le malade ligotait les pieds

de la dame avec des chaînettes et la forçait de se promener ainsi

dans la chambre : ce tableau qui réalisait à peu près ses rêves

d autrefois, procurait au malade « un plaisir cordial énorme »

mais le plaisir dans ce cas n'était pas suivi d'éjaculation. Si la

dame était chaussée non pas de bottines, mais de pantoufles-tout

l'intérêt pour ses pieds -disparaissait complètement chez le ma-

ladre. Dans ces conditions, ni le ligotement ni le contact des pieds

avec ses parties génitales ne produisaient aucun effet ; alors le ma-

ladeligotait les mains de sa compagne mais il ne trouvait pas

dans cet acte de complète satisfaction et il ne s'en suivait pas

d'éjaculation. Les parties génitales eL- en général la nu-

dité de la dame le laissaient indifférent et il ne se sentait jamais

porté ni à des attouchements indécents, ni à des regards indis-

crets, quoiqu'il ne rencontrât pas, comme il semble, de résis-

tance de la part de sa compagne ; lui-même au cours de ses ren-

dez-vous ne se dévêtait jamais et ne découvrait non plus ses par-

ties génitales.

La représentation des parties sexuelles de la femme en géné-

270 CLINIQUE MENTALE.

rai produit chez notre malade un sentiment de répugnance qui

se manifestait très bien, même dans l'expression de sa physiono-

mie, quand il parlait sur ce sujet. Pareillement la vue d'une

femme demi-nue ou même nue ne l'excite pas du tout et provo-

que chez lui plutôt un sentiment de dégoût ; le malade a aussi

de la répugnance pour le coït qu'il n'a jamais pratiqué, mais

qu'il connaît théoriquement. Par conséquent, pendant ses ren-

dez-vous intimes avec la dame, le malade se bornait strictement

aux manoeuvres que nous venons de décrire : il échangeait des

baisers avec elle, mais ces baisers ne produisaient sur lui aucune

impression particulière. Chose à noter que dans cette période de

sa vie le malade ne faisait aucune attention dans les rues aux £ -

dames élégantes, aux bottines vernies, aux forçats mis aux

fers, etc.

Après quelques mois sa compagne est partie et les rendez-

vous ont cessé brusquement. Dans les premiers temps le malade

restait assez tranquille, parfois il oubliait même sa « manie

étrange », mais après quelques semaines tout allait comme au-

paravant et même d'une manière plus accentuée. Ayant déjà

éprouvé la satisfaction sexuelle complète, le malade naturelle-

ment retourne toujours à ses pensées concernant « les moments

vécus les plus heureux » et il ne peut pas, malgré tous ses ef-

forts, se débarrasser de ses souvenirs ; il est devenu très irrita-

ble et emporté, se querelle souvent avec ses parents ; il a perdu

l'appétit et le sommeil. En même temps il a commencé de nouveau

à se tenir à l'affût des dames élégantes et à les garotter mentale-

ment ; les forçats l'intéressent de nouveau. Un nouveau symptôme

afaitausssi son apparition : le malade prend dans sa chambre les

bottines de ses parentes et en les regardant de près se rappelle

ce qu'il a éprouvé avec sa compagne et pense à ce que doivent

sentir les hommes et les femmes au cours des manoeuvres, ana-

logues à celles pratiquées par lui avec la dame. Pendant ces

rêves, d'après son récit, il n'éprouve pas d'éjaculation ( ? )

Maintenant Z. commence à s'apercevoir confusément qu'il

est atteint « d'une anomalie psychique ou physique quelcon-

que » ; l'idée du mariage et des relations sexuelles normales

le remplit d'effroi. Ses conversations avec ses amis le convain-

quent de plus en plus qu'ils comprend les questions de la vie

sexuelle tout autrement que tout le monde ; de là - la crainte

qu'on pourrait le considérer comme un fou. Enfin, tout à fait

désespéré, le malade a résolu de consulter le médecin. Lorsqu'il

a appris que les phénomènes de ce genre sont connus depuis

longtemps, qu'ils sont les symptômes d'une maladie suscepti-

ble de traitement - il se réjouit sincèrement.

Depuis l'âge de 14 ans, le malade a des pollutions nocturnes

qui sont accompagnées de rêves, dans lesquels le malade voit

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES PERVERSIONS SEXUELLES 271

les hommes et les femmes garrottés. Une fois, il a eu une pollu-

tion pendant le songe, où il se voyait lui-même « mis aux fers».

Le malade affirme catégoriquement qu'il n'a jamais pratiqué

l'onanisme ni le coït.

Pas d'antécédents héréditaires, pas de signes morphologiques

de dégénéresence, pas de troubles du côté des organes internes ni

du côté du système nerveux. Les organes génitaux sont bien

développés.

Le diagnostic de perversion sexuelle, sous la forme de

sadisme compliqué de fétichisme, est bien clair dans ce cas

et ce diagnostic n'a pas besoin de commentaires. Mais no-

tre observation offre un certain intérêt dans le sens

qu'elle nous donne une possibilité d'examiner d'une ma-

nière asse détaillée le développement graduel des dites

anomalies sexuelles et de les analyser au point de vue

psychologique.

Les tendances sadistiques chez notre malade apparais-

sent comme un vrai équivalent des tendances sexuelles

normales. Le malade décrit en détail la naissance vague

de ses tendances sadistiques dans son enfance, et il

n'est pas difficile de voir que cette période rudimentaire

de développement de l'anomalie est tout à fait analogue à

la même période de développement des tendances se-

xuelles normales qui sont aussi, au commencement, très

vagues et inexplicables pour le sujet même. Le malade

dit que dans son enfance un je ne sais quoi attirait son

attention sur les récits « du garrottage », sur les gravu-

res concernant ce sujet, - sur les rencontres avec des

gens garrottés ou ligotés. Eh bien ! au fond c'est la

même chose qu'on observe chez les garçons d'un cer-

tain âge qui sont attirés comme par une force incompré-

hensible vers tout ce qui touche la vie sexuelle. A l'ap-

proche de l'époque de la puberté, la vue de la nudité

d'une femme, les images et les récits y afférant produi-

sent sur ce garçon une impression toute particulière, que

lui-même ne comprend pas bien. Au commencement, no-

tre malade se comportait de la même manière au sujet

du garrottage; peu à peu le caractère sexuel de ces ten-

dances et de ces sentiments s'est éclairci pour lui. Enûn,

il a rencontré une femme, avec laquelle il a trouvé la sa-

tisfaction complète de ses tendances sadistiques : le ré-

272 CLINIQUE MENTALE.

sultat était tout à fait analogue à la satisfaction des ten-

dances sexuelles normales très intenses. La description

de l'état psychique dans lequel se trouvait le malade

pendant les rendez-vous avec sa compagne est très ins-

tructive à ce point de vue ; elle montre nettement que

cet état est bien conforme à celui d'un adolescent pas-

sionné normal. Comme ce dernier, notre malade, après

la satisfaction sexuelle a été en mesure de s'intéresser il

des choses indifférentes, n'étant pas détourné à chaque

instant par les représentations érotiques.

En somme, les tendances sadistiques très vagues

au début et très précises par la suite -, ainsi que la pé-

riode de satisfaction tout cela présente au point de

vue psychologique une analogie complète avec les ten-

dances sexuelles et la satisfaction normale chez un jeune

homme ayant le sens génésique prématurément et peut-

être trop intensivement développé. La période suivante

d'abstinence involontaire, après le départ de la compa-

gne, présente le même caractère : le malade éprouvait

justemènt ce que ressent un adolescent très passionné

qui a déjà goûté les plaisirs charnels et qui s'en est trouvé

privé brusquement.

L'onanisme, dans le sens ordinaire du mot, n'existait

pas chez le malade ; mais il y avait un vrai onanisme

sadistique, d'une nature physique (le garrottage de soi-

même) ; le malade a cessé cette manoeuvre, parce

qu'elle lui procurait trop peu de plaisirs, surtout après

ses entrevues avec sa compagne (la dernière cirons z

tance est soulignée par le malade lui-même) ; quant, a

l'onanisme psychique sadistique, Z. s'y livrait très sou-

vent en « se représentant le garottage », en « rêvant aux

enlèvements et au ligotement des comtesses », etc. Il

n'est pas difficile de voir ici une fois de plus l'analogie

complète des phénomènes de la vie sexuelle normale.

Nous trouvons ici juste les mêmes particularités de

l'onanisme qu'on observe chez les adolescents très pas-

sionnés, mais en même temps exempts des altérations

pathologiques du sens génésique (la préférence pour les

relations sexuelles normales quand ces dernières sont

devenues possibles et la prépondérance de l'onanisme

psychique.)

CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DES PERVERSIONS SEXUELLES 273

Enfin, il n'est pas sans intérêt de noter le fait que no-

tre malade, même en son enfance, avait honte de ses

pensées concernant le garrottage et n'en parlait à

personne ; insconsciemment il traitait ces pensées

comme quelque chose qu'on doit cacher aux autres. -

Ainsi, tous les détails du développement des tendan-

ces sadistiques dans notre cas démontrent bien,

qu'au point de vue psychologique nous- avons ici un

réel équivalent des tendances sexuelles normales. Cette

conclusion est confirmée parle fait que les particularités

sexuelles des femmes, l'acte du coït, enfin tout ce qui

concerne la vie sexuelle normale, tout cela n'intéresse

nullement le malade et, au contraire, lui cause des sen-

timents de dégoût.

Z... était influencé surtout par les dames riches, élé-

gantes, par « les comtesses », mais cette catégorie de

femmes l'intéressait plus que les autres, à proprement

dire, non à cause de leur élégance, comme telle, ni de

leurs charmes féminins ; elles ne l'intéressaient, si on

peut dire ainsi, qu'au point de vue sadistiqzce. Dans ce

sens, le récit du malade au sujet d'un convoi de con-

damnés près duquel passait une dame élégante est sur-

tout instructif ; la représentation de l'abîme profond

séparant une aristocrate des hommes ordinaires mis

aux fers, décuplait le plaisir du malade qui se disait

avec joie : comme il serait agréable de garrotter cette

dame de haute position, de l'amener chez soi, de la

faire marcher, les pieds ligotés. Faire descendre une

femme de sa haute position sociale à l'état d'un détenu

ligoté, dont on peut disposer librement - voilà ce qui

attirait le malade dans ce cas et non les attraits d'une

comtesse, comme femme.

Nous avons comparé plus haut l'état psychique du

malade à un état érotique très exagéré d'un adolescent

normal. Pour bien apprécier cette comparaison il faut

prendre en considération une circonstance qui n'est pas

sans importance pour l'étude non seulement de ce cas,

mais de plusieurs formes des anomalies sexuelles. Il s'a-

git de ce que l'acte d'humilier une femme,de la priver de

sa liberté et de la ligoter se présente dans l'esprit du ma-

lade comme un acte sexuel, qui est tout à fait analogue à

Archives, série, 1907, 1. II. 1S

274 CLINIQUE MENTALE.

l'acte d'accouplement d'un homme avec une femme. Ainsi

toutes les représentations-très nombreuses et très variées

- qui sont mises en connexion plus ou moins étroite,

par les voies d'association, avec le « garrottage » sont ac-

compagnées,elles aussi,du sentiment sexuel.h;li bien ! sou-

mis à l'influence de cette anomalie particulière d'associa-

tions psychiques, notre malade a passé toute la période

de sa puberté dans un milieu où de pareilles choses sont

tout à fait indifférentes dans le sens sexuel ; par consé-

quent on ne cache pas ces choses au garçon,on en expose

tous les détails devant lui, on lui donne des images où

sont représentées les femmes garrottées (c'est-à-dire des

scènes qui sont pour le malade analogues aux actes très

proches du coït) ; le malade voit ces scènes au théâtre, il

les voit souvent,même dans les rues.

Il n'est pas difficile de se figurer de quelle manière se

développeraient les tendances sexuelles a normales» chez

un garçon «normal» contemporain qui se trouverait dans

des circonstances analogues ; et dans ce cas « ces cir-

constances analogues» consisteraient en ce que devant le

garçon quia honte de ses tendances sexuelles on parle-

rait en toute liberté des actes charnels, qu'il trouverait

toujours dans les livres les descriptions et les illustrations

concernant les choses les plus scabreuses et les plus in-

décentes,qu'il verrait au théâtre et dans les rues à peu

près le coït même !

Il est difficile d'admettre que, dans ces circonstances,

les tendances chez un garçon normal ne se développeraient

pas prématurément et trop intensivement. Et cependant,

notre malheureux malade vivait justement dans de telles

conditions respirant toujours l' air malsain de l'atmosphère

érotique qui l'enveloppait ; rien d'étonnant que ses ten-

dances sadistiques aient atteint un tel degré d'intensité,

qu'elles l'absorbaient complètement et qu'elles gâtaient

ainsi sa vie. Le développement de la neurasthénie grave

dans ces circonstances, c'est-à-dire dans ces excitations

perpétuelles et très fortes du sens génésique, est aussi,

bien entendu, très naturel.Dans notre première observa-

tion, chez Mme X., c'étaient aussi les objets indifférents

au point de vie sexuel et les objets qu'on rencontre sou-

vent dans la vie ordinaire,qui excitaient ses sentiments

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES PERVERSIONS SEXUELLES. 275

sexuels. mais cette malade-là fut protégée contre le déve-

loppement excessif des tendances sexuelles par une hy-

poesthésie sexuelle concomitante, si fortement prononcée

que les sentiments sexuels anormaux,comme nous l'avons

dit,neproduisaient même pas du tout chez la malade de

- tendances sexuelles pathologiques; chez Z. l'hypoesthésie

sexuelle n'existait pas et c'est à la particularité spéciale

de la perversion qu'on doit attribuer, en partie, le déve-

loppement prématuré et excessif des tendances patholo-

giques.

L'histoire du développement des tendances sadistiques

chez Z.est intéressante aussi à un autre point de vue : cet

exposé démontre très clairement la nécessité de bien sur-

veiller l'évolution de la vie sexuelle chez les garçons et

lesjeunes filles et de les diriger dans ce sens. Notre ob-

servation prouve en tout cas qu'on ne peut pas laisser le

développement sexuel des enfants à la merci des circons-

tances accidentelles,comme cela se fait ordinairement ;

si une direction de ce genre avait existé chez Z. son ano-

malie'sexuelle sans doute se serait éclaircie beaucoup

plus tôt et le malade serait exempt des conséquences fâ-

cheuses du développement non refréné de sa perversion.

Passons maintenant au mécanisme psychologique d'o-

rigine du fétichisme en ce cas. En fin de compte, notre

malade, d'un sadiste s'est transformé à un certain degré

en un fétichiste assez banal du pied et surtout des botti-

nes de femme. Au premier aspect le fétichisme, des botti-

nes et le sadisme seraient as sez éloignés l'un de l'autre,

mais dans notre cas il existe entre les deux phénomènes

une relation psychologique assez étroite.

Le fond principal des anomalies des tendance sexuel-

les chez Z. se caractérise par les tendances sadistiques :

humilier la femme, la ligoter, la garrotter, la priver de sa

liberté,la mettre aux fers, disposer d'elle très librement.

Eh bien ! à ce point de vue, le ligotement des pieds, le

garrottage des pieds, sans doute, est plus effectif que le

ligotement des mains; de là cette particularité, remar-

quée par le malade même, qu'il accordait plus d'impor-

tance au ligotement des pieds qu'à celui des mains.

Se rendant à son deuxième rendez-vous avec sa com-

pagne et lui ayant déjà une fois ligoté les mains, il se

zig CLINIQUE MENTALE.

disait que cette fois-ci il serait plus hardi et plus décidé,

qu'il parviendrait a atteindre son but principal et, que

coûte que coûte, il lui ligoterait les pieds.

Encore au moment où les tendances sadistiques préci-

ses se formaient dans l'esprit du malade, il portait une

attention toute particulière sur les dames parées, élé-

gantes, mais en ce temps-là déjà, c'étaient les pieds qui

jouaient un rôle prépondérant.

Plusieurs fois dans ses récits le malade soulignait les

bottines vernies, évidemment comme l'indice le plus im-

portant pour lui de l'élégance et, par conséquent, le si-

gne de la haute position sociale d'une femme. En effet, s'il

s'agit de la domination sur une femme, la domination

plus complète (le ligotement des pieds), et la domination

sur une femme plus haut placée (les pieds élégamment

chaussés) doit provoquer un plaisir plus grand.Ainsi chez

le malade s'est formée peu à peu une association du

sentiment sexuel avec des représentations du ligotement

des pieds de femme et surtout des pieds élégamment

chaussés. Dans la formation de ces associations jouait

un certain rôle la circonstance que le malade faisait ses

observations dans les rues,au théâtre et non en famille ;

à cause de cela les associations ci dessus mentionnées

devaient se former avec la représentation des pieds de

femme chaussés.

Les associations psychiques d'un caractère précis étant

formées, le contact occasionnel des bottines de femme

avec les parties génitales du malade (sans aucun frotte-

ment) a provoqué l'éjaculation et l'orgasme voluptueux ;

cet incident très important de la vie sexuelle du malade

s'est produit juste au moment où le malade satisfaisait

pour la première fois de sa vie ses tendances sadistiques

très intenses avec une femme.On voit bien que c'étaient

les circonstances extrêmement favorables pour la forma-

tion d'une nouvelle espèce d'association, c'est-à-dire de

l'association du sens génésique avec la représentation du

contact des pieds de femme chaussés et des bottines

mêmes. Les nouvelles associations se sont formées, et

cliniquement, le malade est devenu dans une certaine

mesure « fétichiste des bottines».

A l'appui de ce mode d'explication du fétichisme de Z.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES PERVERSIONS SEXUELLES 277

il faut noter le fait qu'avant la rencontre avec la compa-

gne, comme affirme catégoriquement le malade, jamais il

ne lui est venu l'idée de prendre chez soi les bottines de

femme et «d'en jouir» comme le font ordinairement les

létichistes des bottines; le malade n'a jamais fait cela, à

moins qu'il fut très excité sexuellement, qu'il tâchât de

trouver une issue à son excitation et qu'il rêvât toujours

au ligotement des pieds des femmes chaussés de bottines

vernies.

En résumant tout ce que nous avons dit au sujet du fé-

tichisme chez le malade, il faut noter que le fétichisme,

dans ce cas se présente comme le fétichisme acquis, mais

son développement est étroitement lié aux tendances sa-

distiques, évidemment originaires.

On ne peut pas reconnaître dans notre cas l'élément

homosexuel, quoique l'aspect des hommes garrottés ré-

veillât chez le malade le sens génésique, et cela non seu-

lement au début, mais dans les derniers temps encore,

pendant l'abstinence involontaire, après le départ de sa

compagne. En appréciant ce phénomène, il ne faut pas

oublier les causes analysées plus haut qui déterminaient

chez le malade l'intensité excessive des sentiments éro-

tiques (sadistiques), grâce à ce que dans la vie ordinaire

le malade trouvait partout et toujours les stimulants

très forts de son sens génésique perverti. Dans ces cir-

constances, c'est-à-dire dans l'exagération énorme d'ex-

citabilité sexuelle,tout ce qui a un rapport au ligotement

au garrottage ( acte charnel du point de vue du malade)

pouvait bien l'exciter, comme l'excitait même l'aspect

des animaux garrottés. La justesse de notre interpréta-

tion en ce cas est démontrée par le fait que le malade

ayant toute possibilité de ligoter à discrétion, «pour plai-

santer», les garçons, ses camarades,n'a.jamais fzitcela ;

de ce fait il résulte que l'élément d'inversion sexuelle

n'existe pas dans notre cas.

En dernier lieu, il faut observer que, dans ce cas, com-

me d'ailleurs dans un certain nombre d'autres cas, nous

trouvons le stigmate psychique de dégénérescence très

net (perversion sexuelle originaire) et en même temps

nous n'avons pas d'indications formelles,pour ainsi dire,

de la dégénérescence : les renseignements sur les anté-

278 ' LÉGISLATION.

cédents héréditaires nous manquent complètement ; il

n'y a pas non plus de signes morphologiques de dégéné-

rescence chez le malade même.

LEGISLATION

La loi Dubief et la résidence des médecins

d'asile ;

par JEAN LÉPINE

Agrégé à la Faculté de médecine de Lyon.

Médecin-adjoint de l'asile de Bron. ,

Depuis six mois qu'elle est votée par la Chambre, les cri-

tiques n'ont pas manqué à la nouvelle loi sur le régime des

aliénés, et spécialement aux dispositions de l'article 6, ac-

cordant aux médecins traitants le libre exercice de la mé-

decine, et indiquant qu'ils seront logés, ou non, suivant la

décision prise par le préfet, après avis du conseil général.

En voyant se succéder sur cette question, sous forme

d'articles ou de délibérations, les avis individuels ou collec-

tifs, je ne pensais pas avoir à mon tour à exprimer une

opinion que je sais ne m'être pas exclusivement person-

nelle. J'attendais qu'une voix plus autorisée s'en fût char-

gée. Mais comme le temps a passé, et que je n'ai point ren-

contré jusqu'ici l'expression de cette opinion, on voudra

bien m'excuser d'apporter brièvement cette pièce nou-

velle à un dossier sur le point d'être clos.

On a jusqu'ici considéré, avec raison, deux éléments du

problème : l'intérêt du corps médical d'une part, et celui,

d'autre part, des aliénés. Mais l'intérêt des malades n'est

pas aussi simple qu'il paraît au premier abord. Seules, des

personnes ne sachant rien de la médecine peuvent croire

qu'il se réduit à la désignation d'un médecin aussi rigou-

reusement spécialisé que possible.et à la quasi-permanence

de ses services. Tous ceux qui ont quelque expérience de

l'art délicat, parfois décevant par sa complexité, mais sans

cesse en progrès, qu'est la psychiatrie, voudront bien con-

venir que le premier devoir de l'Etat, légiférant sur les alié-

LA LOI DUBIEF ET LA RÉSIDENCE DES MEDECINS D'ASILE. 279

nés, est d'assurer à ses malades des soins aussi éclairés que

possible, en développant au maximum les connaissances

psychiatriques. z

Ainsi il n'est pas possible de parler de l'intérêt des mala-

des sans songer à l'enseignement, et à cet égard une distinc-

tion me semble nécessaire, au point de vue de la situation

des médecins, entre les asiles ruraux et ceux qui font partie

de l'agglomération d'une grande ville.

Pour les asiles ruraux, et qui n'offrent dans leur voisi-

nage aucune ressource au point de vue de l'enseignement

médical, il me paraît naturel que les médecins traitants con-

tinuent à y résider. La clientèle de campagne, outre la fati-

gue physique et la perte de temps qu'elle entraîne, procure

au médecin plus d'ingéniosité pratique que de véritable

expérience et de savoir raisonnné. Les observations qu'elle

provoque sont incertaines, parce qu'elles portent sur des

malades insuffisamment surveillés, et les diagnostics restent

souvent contestables, faute de contrôle. Il est d'autre part

infiniment vraisemblable que le plus souvent une telle clien-

tèle ne rapporterait pas au médecin d'asile des avantages

matériels suffisants pour compenser une diminution quel-

conque de son traitement actuel.

Si cette clientèle n'est pas en général recommandable

pour le médecin d'asile, il me paraît juste néanmoins, pour

des raisons d'ordre général que j'indiquerai plus loin, de ne

pas interdire à celui-ci le libre exercice de la médecine. Il

convient donc de lui en donner, comme l'a fait la Chambre,

la faculté expresse, étant entendu que pour les médecins

d'asiles ruraux cette faculté vient simplement s'ajouter aux

avantages de divers ordres dont ils bénéficient actuelle-

ment.

Quant aux asiles situés dans l'iniérieur ou au voisinage

immédiat d'une grande ville, et avant tout de celles où se

trouve une Faculté de médecine, il me semble nécessaire

que la majeure partie de leur personnel médical soit exté-

riorisée. Je dis la majeure partie, admettant volontiers que

sur trois à cinq médecins que renferme leur cadre, l'un

garde à l'asile même son domicile. Ce médecin résidant,

qu'il sera toujours facile de désigner, en tenant compte' des

convenances personnelles, servira, non pas au service de

garde, mais à assurer un avis médical dans la surveillance

280 LÉGISLATION.

générale de l'établissement. C'est surtout avec une direction

purement administrative que ce médecin résidant aurait sa

raison d'être ; avec un directeur-médecin il ferait double

emploi. -

Tous les autres médecins de l'asile seront.au contraire,

dans l'organisation qui me paraît la meilleure, non seule-

ment autorisés, mais invités à loger hors de l'asile, et j'ajoute

pourvus dans ce but d'indemnités de logement raisonna-

bles. Ce que je souhaite pour eux, en effet, ce n'est pas la

clientèle de quartier,lucrative à force d'efforts absorbants,et,

il faut bien le dire, stérilisants c'est simplement la vie

médicale, la fréquentation des milieux médicaux.opposée à

la vie administrative qui les attend à l'intérieur des murs

de l'asile.

Ce n'est pas pour eux que je souhaite leur extériorisation,

c'est pour leurs malades. L'exposé des motifs de la loi et

les diverses interventions de M. Dubief au cours de la dis-

cussion ont éloquemment démontré que,pour être bon alié-

niste,il faut être bon médecin, j'ajoute qu'il faut d'autant

plus être avant tout médecin que l'on a charge d'ensei-

gner la psychiatrie. Or l'enseignement de la psychiatrie

n'est pas dans notre pays ce qu'il devrait être. Il est à faire,

et son avenir ne dépend pas seulement de l'activité de

quelques titulaires d'une chaire de clinique mentale ; il est,

est-il besoin d'y insister dans la constitution de

véritables foyers scientifiques, dont la place naturelle se

trouve dans ces asiles des grands centres universitaires.

Ces asiles contiennent, en effet,des ressources presque

illimitées pour les travailleurs, mais une bonne partie de ces

ressources ne peut être exploitée qu'au dehors. Ce sont des

recherches histologiques, pour lesquelles nos laboratoires

d'asiles sont insuffisamment outillés, et qui pourraient être

fructueusement poursuivies dans un laboratoire de la Fa-

culté voisine. Ce sont des recherches de médecine expéri-

mentale, pour lesquelles le conseil général, dont l'éducation

n'est pas faite, n'est pas disposé à accorder à l'asile des

installations spéciales.

C'est beaucoup plus naturellement encore la simple et

banale clinique de l'aliénation, qui, sous peine de végéter

dans une tradition chaque jour plus indigente, a besoin

d'être éclairée par l'usage de la médecine générale, avertie

LA,LOI DUBIEF ET LA RÉSIDENCE DES MEDECINS D'ASILE. 281

par des lectures non exclusivement psychiatriques, par des

études de biologie et de médecine.

M. Lefort, député de Rouen, qui a beaucoup soutenu à la

Chambre 1' « internement » des médecins, a dit qu'il tom-

bait sous le sens que, devenus moins spécialistes, les méde-

cins d'asile seraient des aliénistes inférieurs. Mais M. Lefort

est un esprit trop avisé pour ne pas se rendre compte, à la

réflexion, que ce qui était vrai autrefois ne l'est plus au-

jourd'hui.

Heureusement la psychiatrie ne va plus autant à l'aveu-

glette, le médecin n'y est plus le spectateur impuissant de

la souffrance mystérieuse d'une âme inaccessible. Nous

dissertons moins sur les qualités de l'esprit, mais nous

savons mieux que l'esprit est affecté par les maladies du

corps. Si M. Lefort avait plus fréquenté les services où

l'on traite les aliénés suivant les méthodes modernes, il

n'aurait pu manquer d'être- frappé par ce fait que pour

apprécier l'état du cerveau, c'est bien souvent à l'ensemble

des organes internes ou à certains d'entre eux seulement

qu'il faut nous adresser, de même que, pour agir sur lui, ce

sont des procédés thérapeutiques détournés qu'il nous faut

mettre en oeuvre.

Tout cela ne s'apprend pas sans effort, sans conseils et

sans guides. Si l'on veut que les médecins de nos asiles le

sachent, suffisamment pour le pratiquer dans leurs services,

pour donner à leurs élèves l'exemple de cette psychiatrie

vivante, il faut qu'ils aient l'occasion de fréquenter les bi-

bliothèques,les laboratoires, les sociétés médicales des villes

où ils se trouvent. Or l'expérience est là pour dire que, do-

miciliés à l'asile même, ils en subiront l'ambiance, quels que

soient leur zèle et la sincérité de leur effort. Je ne veux pas

dire que, dans cette vie monotone, ils s'abandonneront né-

cessairement à ce scepticisme un peu indolent que l'on a

parfois reproché à quelques-uns de nos collègues. Je crois

plutôt que, d'une entière bonne foi, ils se créeront des oc-

cupations moins médicales, des devoirs absorbants et pé-

nibles parfois, comme ceux qu'entraîne par exemple une

statistique minutieuse, mais qui vaudra moins pour la

science qu'une seule observation médicalement étudiée.

Et puis, il n'est même pas besoin, en pareille matière,

de procéder par hypothèse, de discuter sur ce qui sera. Le

282 LÉGISLATION.

présent est là pour nous dire de quel côté, en France, se

trouve le plus grand nombre des maîtres de la psychiatrie,

de ceux qui tirent leur autorité de leurs travaux plus encore

que de leurs fonctions. Est-ce parmi les nombreux alié-

nistes logés, ou parmi le petit nombre de ceux qui ne le

sont pas ? Pour prendre un nom, M. le Professeur Régis,

qui a tant fait pour cette conception nouvelle de la psy-

chiatrie scientifique, et que l'on s'étonne de trouver parmi

les partisans de l'internat des médecins, puisqu'il est un

exemple si éclatant des avantages de la situation inverse,

est-il logé ? Sont-ils logés, les autres professeurs de clini-

que mentale ?

Je sais bien que l'on me répondra que ce sont là des pro-

fesseurs de clinique, et que, pour la plupart ils n'appar-

tiennent pas au cadre des asiles. Mais qui dirait que cette

situation ne changera pas ? Qui ne souhaiterait de voir les

chaires de clinique mentale occupées toutes par des méde-

cins du cadre ? Qui donc pourrait considérer comme une

chose désirable qu'il y ait en France deux psychiatries :

celle du ministère de l'instruction publique, et celle du mi-

nistère de l'intérieur ?

En réalité, il faut coordonner les efforts. Pour vivre, pour

avoir autour d'elles l'émulation nécessaire,à plus forte raison

pour être entourées d'un certain prestige, nos chaires de

psychiatrie ne doivent pas faire contraste avec les services

d'aliénés des villes où elles se trouvent. Elles ont tout à ga-

gner à ce que les titulaires de ces services soient des alié-

nistes de valeur, et si possible des savants. Ce qu'il faut sou-

haiter, pour l'instruction des élèves et pour le bien des alié-

nés, c'est que des services de Faculté aux services départe-

mentaux voisins, se fasse un échange incessant de docu-

ments, d'observations, de malades, c'est qu'il existe une

collaboration scientifique de tous les instants, facilitée par

la confraternité cordiale qui unit naturellement les méde-

cins issus d'un concours commun.

Tout le monde trouvera son compte à un tel état de

choses ; les chaires de psychiatrie y recruteront leurs titu-

laires, parmi des médecins d'asile ayant conquis l'agré-

gation. Et pour ceux des médecins du cadre que ne tentera

pas l'enseignement, ce n'est pas seulement une juste renom-

mée que leur vaudront leurs travaux, mais aussi, si l'on s'en

LA LOI DUBIEF ET LA RÉSIDENCE DES MEDECINS D'ASILE. 283

rapporte à une circulaire de M. Clémenceau, certains avan-

tages pour l'avancement.

Il ne faut véritablement pas s'arrêter à l'argument par

lequel on affecte de craindre que des médecins non logés

n'apportent pas dans leur service une assiduité. suffisante.

Pour assurer la régularité des fonctions, il y a des autorités

et du reste, en dehors de l'exemple déjà réalisé des pro-

fesseurs de cliniques, n'avons nous pas les titulaires des

quartiers d'hospice de Bicêtre et de la Salpêtrière et de

divers services de province ?

Craint-on que ces médecins d'asile extériorisés ne se lais-

sent absorber par la clientèle générale plutôt que par des

travaux scientifiques ? Nous n'avons à cet égard aucune illu-

sion ; nous savons tous que, pour un malade, c'est une tare

que d'être soigné par un aliéniste. Leur clientèle sera donc

fatalement réduite à des nerveux et des aliénés ; pour la plu-

part d'entre eux elle sera plus une occasion de s'instruire

qu'une source de bénéfices importants, et il me paraît dès

lors peu légitime,de la part du législateur,d'escompter cette

clientèle sous forme de réduction notable du traitement.

C'est ici que l'on vient nous dire-et l'argument part tout

aussi bien des rangs des aliénistes « libres » que de ceux de

nos collègues du cadre : « Mais puisque vous n'avez pas

grand'chose à espérer de cette clientèle, refusez donc ce

droit nouveau que l'on vous présente comme une faveur.

Restez dans vos asiles, ne vous occupez pas des malades de

la ville, ne donnez jamais de consultations ».

Que les aliénistes « libres » se rassurent, la clientèle, je

viens de le dire, ne peut être à tous égards pour nous qu'un

accessoire. Mais il me semble qu'il y a des raisons de loyauté

à nous attribuer légalement le droit à l'exercice. Voilà des

hommes auxquels l'État reconnaît, par l'intermédiaire des

juges qui leur confient des expertises, une capacité profession-

nelle spéciale. Il est d'autre part censé avoir pris, dans le

concours qui leur ouvre la carrière des asiles, toutes les ga-

ranties désirables pour que ces aliénistes soient les meilleurs,

en théorie tout au moins. Comment pourrait-il, leur devoir

de fonctionnaires une fois accompli, les empêcher de ré-

pondre à une demande de conseils,de donner une consulta

tion ? De fait, je ne sache pas que certains de nos collè

284 LÉGISLATION.

gues aient été mis administrativement dans l'impossibilité

de donner jamais de tels avis.

Je ne crois pas non plus qu'aucun des législateurs dispo-

sés à nous refuser le droit d'exercer hésiterait. le cas échéant,

à auppeler après de l'un des siens le médecin des asiles dont L

la renommée lui inspirerait confiance.

Dès lors, puisqu'il n'est pas juste d'interdire, pourquoi

hésiter à donner l'autorisation expresse ?

Certains ont proposé de restreindre l'exercice de la méde-

cine à la pratique de la psychiatrie. Mais outre l'impossibilité

absolue des sanctions, qui ne voit que, pour les malades de

la ville comme pour ceux de l'asile, la psychiatrie n'est

qu'une partie de la médecine générale, et ne peut être

exercée sans l'expérience de celle-ci ?

Ces raisons, qui me paraissent plaider en faveur du libre

exercice de la médecine par les médecins d'asile, acquièrent

toute leur valeur dans le cas des asiles de grande ville que

j'ai surtout envisagé. Mais le médecin de l'asile rural, même

s'il n'use pas du droit d'exercer (et j'ai dit que la clientèle

ne me semblait pas indiquée pour lui) a tout avantage à être

en possession de ce droit, d'abord parce qu'il représente

pour lui la seule solution franche, et aussi peut-être parce

qu'il peut contribuer à lui rappeler le caractère particu-

lier de ses fonctions. : Je me permets d'y insister en terminant : le devoir du

médecin d'asile est d'être avant tout médecin. Il se ferait

certainement une idée fâcheuse de son rôle s'il le concevait

un peu dans la manière de celui d'un archiviste ou d'un chef

de division de préfecture. On voit encore parfois, dans

l'armée, quelques-uns de nos confrères qui croient devoir

être plus militaires que médecins, Leurs goûts personnels, et

aussi le désir de s'assurer au maximum la considération des

officiers les. poussent à exagérer dans leur tenue, leurs

préoccupations et leurs propos ce qui n'est que l'indice de

leur affectation spéciale et non l'exercice de leur profession.

Chacun sait qu'ils ne gagnent rien à ces efforts et que cha-

que fois qu'ils sont trop militaires, ils se diminuent comme

médecins. Ce travers est commun à bien des situations ad-

ministratives. qui appellent à collaborer des hommes diver-

sement spécialisés.

On raconte qu'il a existé autrefois dans nos asiles, et que

LA LOI DUBIEF ET LA RÉSIDENCE DES MÉDECINS D'ASILE. 285

la monotonie d'une existence réglée comme celle d'un

bureaucrate, l'indifférence absolue de l'administration

supérieure d'alors à tout ce qui était recherche scientifique

ou même pratique médicale, avaient doucement poussé

certains aliénistes à se croire bons fonctionnaires parce qu'ils

n'étaient plus médecins.

Ce temps est loin heureusement, je suis trop jeune pour

l'avoir connu, mais craignons toujours qu'il ne revienne.

Nous avons la certitude d'être compris des législateurs et

des quelques hautes personnalités qui, au ministère, ont la

garde de la psychiatrie française. N'hésitons donc pas à

leur dire une fois de plus que les aliénés ont besoin, avant

leur internement, de médecins suffisamment familiarisés

avec les maladies mentales pour pouvoir rédiger d'une

manière à peu près convenable le rapport détaillé que la

nouvelle loi exige.

Les aliénés ont en outre besoin, une fois à l'asile, d'être

médicalement traités. L'éducation psychiatrique des pra-

ticiens du dehors et la thérapeutique scientifique de l'aliéna-

tion découlent l'une et l'autre des connaissances médicales

des médecins d'asile et de l'esprit dont ils seront animés. Il

ne dépend pas d'eux seulement d'avoir ces connaissances et

cet esprit. Il faut leur en fournir les moyens.

En leur permettant le libre exercice de la médecine, en

admettant qu'ils fussent mêlés à la vie médicale du dehors,

ce qui dans ma pensée s'applique surtout aux asiles degran-

des villes, la loi nouvelle marquait des intentions généreu-

ses et un sens avisé du progrès.

Le médecin dont elle était l'oeuvre ne se dissimulait

certainement pas les difficultés de détail, mais il avait vu

plus loin. Aussi, quand tant de nos collègues, s'arrêtant seu-

lement à ces difficultés, critiquent si sévèrement, non point

tant l'insuffisance des avantages prévus pour eux, ce qui

serait entièrement légitime, que le principe même de leur

sortie de l'asile,j'ai quelque étonnement.et un peu de regret

aussi.

286 LÉGISLATION.

Projet de loi. ,

Ayant pour objet la création de classes de perfectionnement

annexées aux écoles élémentaires publiques et d'écoles auto-

nomes de perfectionnement pour les enfants anormaux.

Présenté au nom de M. Armand Fallières, président de

la République française, par M. CLEMENCEAU, Président

du conseil, ministre de l'intérieur, par M. Aristide BRAN d

ministre de l'instruction publique, des beaux-arts et des

cultes, et par M. CAILLAUx, ministre des finances.

Messieurs,

La loi du 28 mars 1882 déclare que l'instruction primaire

est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six

ans révolus, et elle stipule qu'un règlement déterminera les

moyens d'assurer l'instruction primaire aux enfants sourds-

muets et aux aveugles. Une commission nommée à cette

époque examina les documents statistiques concernant les

jeunes sourds-muets et aveugles qui lui furent soumis par le

Ministre de l'Intérieur et elle estima que le nombre de ces

enfants restant privés de toute instruction était insignifiant.

Par suite, il parut alors au Gouvernement qu'en fait les

prescriptions légales étaient réalisées et qu'il suffirait d'ac-

croître au besoin le nombre des bourses accordées dans les

établissements spéciaux où les jeunes sourds-muets et aveu-

gles peuvent recevoir l'enseignement. '

La question ayant été reprise en 1904, une Commission

fut constituée sous la présidence de M. Léon Bourgeois, sé-

nateur, à l'effet d'étudier les moyens à employer pour assu-

rer l'instruction primaire non seulement aux aveugles et aux

sourds-muets, mais, d'une manière générale, à tous les en-

fants anormaux et arriérés.

D'une statistique dressée au début de 1905, il semble ré-

sulter que le nombre des enfants aveugles et sourds-muets

qui ne fréquentaient ni les écoles publiques, ni les écoles pri-

vées et qui n'ont pas été recueillis dans les établissements

hospitaliers s'élèverait à 1.200 environ. Si ce chiffre est exact,

il est nécessaire de faire un sérieux effort, mais le Parlement

l'a rendu possible par l'insertion d'un article (1) dans la loi

des finances du 17 avril 1906 (2), aussi l'entente entre les

(1) Article 82.

(2) Seront imputées sur ce crédit (chap. 97 du budget du Minis-

tère de l'Instruction publique. Créations d'écoles et d'emplois dans

les écoles élémentaires publiques, 1.125.000 fr.) les créations d'écoles

et de classes publiques destinées à donner aux enfants sourds-muets

PROJET DE LOI. 287

Administrations de l'Intérieur et de l'Instruction publique

va-t-elle s'établir sur les bases que paraît avoir approuvées le

Parlement ; les questions concernant les sourds-muets et les

aveugles continueront à relever, au point de vue adminis-

tratif, du Ministère de l'Intérieur, mais les instituteurs,

chargés de l'enseignement dans les nouveaux emplois, seront

détachés des cadres de l'Instruction publique et rétribués

sur les crédits de cette administration.

Toutefois, à côté des sourds-muets et des aveugles, il existe

une autre catégorie d'enfants anormaux ; ce sont les enfants

qui ne sont, il est vrai, privés d'aucun sens (vue, ouïe), mais

qui ne s'en trouvent pas moins, au point de vue intellec-

tuel ou moral, hors des conditions normales qui permettent

de recevoir l'enseignement en commun. Les prescriptions

de la loi de 1882 ne leur sont pas appliquées, ils ne suivent les

classes ni des écoles publiques, ni des écoles privées ou, s'ils

sont inscrits et parfois présents dans les écoles primaires

publiques, ils ne tirent pour ainsi dire aucun bénéfice de leur

scolarité ; ils restent presque tous pendant leur existence

une charge pour la collectivité.

C'est d'eux spécialement que s'est préoccupée pendant

l'année 1905 la Commission dont il a été parlé plus haut ;

leur nombre est considérable, il paraît atteindre 20.000 et il

à remarquer qu'on n'a pas compris dans ce nombre les en-

fants que la Commission a rangés sous le titre d'anormaux

médicaux (idiots, crétins, imbéciles, épileptiques, hystéri-

ques, choréiques, paralytiques, hémiplégiques, etc..) qui

ne peuvent être soignés et éduqués collectivement que sous

la responsabilité du médecin et dont le plus grand nombre est

et restera hors d'état d'acquérir une véritable instruction.

Si ces anormaux médicaux doivent rester dans le domaine

de l'Assistance publique, comme ils le sont aujourd'hui, pour

une part du moins, il n'en est certainement pas de même

des enfants arriérés et des instables. Les arriérés, sont, il est

vrai, en état de débilité mentale, ils ne possèdent qu'une in-

telligence ou qu'une responsabilité atténuée qui ne leur per-

mettent pas d'acquérir à l'école commune et par les métho-

des ordinaires de l'enseignement la moyenne d'instruction

primaire que reçoivent les autres élèves, mais, avec une éduca-

tion spéciale, un enseignement approprié à leurs facultés, : on,

et. aveugles l'instruction obligatoire prévue par la loi du 28 mars

1882. Les traitement ! ) et suppléments de traitements dus aux insti-

tuteurs et institutrices attachés à ces établissements sont à la charge

de l'Etat dans les conditions déterminées par les lois des 19 juillet

1889 et 25 juillet 1893.

288 LÉGISLATION.

pourrait le plus souvent les mettre en état de ne pas être,

durant leur vie d'adulte une charge pour la société.

Il en est de même des instables, c'est-à-dire des enfants

affectés d'une incohérence de caractère, d'un manque d'équi-

libre mental qui leur rendent insupportable la discipline

générale et qui nécessitent leur éloignement de l'école publi-

que.

C'est pour cette population de 20,000 enfants qu'il y a lieu

d'organiser des établissements spéciaux, si les prescriptions

de la loi du 28 mars ,1882, instituant l'obligation de l'instruc-

tion, ne doivent pas rester lettre morte à leur égard.

Malheureusement, la législation actuelle de l'enseignement

primaire ne permet pas à l'Etat de fonder, soit seul, soit avec

le concours des communes et des départements, des écoles

spéciales aux enfants arriérés et instables. Ces écoles, en effet,

devront avoir un internat avec des bâtiments assez considéra-

bles, des maîtres et maîtresses possédant une instruction spé-

ciale que constatera un diplôme particulier, enfin une popu-

lation scolaire âgée de six à seize ou dix-sept ans.

Or, en ce qui concerne les frais de première installation, la

loi de 1885 ne permettrait pas à l'Etat la participation aux

dépenses pour les établissements fondés par les départements,

la loi n'ayant visé que les écoles primaires élémentaires et

les écoles primaires supérieures, c'est-à-dire des établisse-

ments fondés par les communes. Cependant, il est à présu-

mer que c'est auprès des Conseils généraux que l'on aurait le

plus de chances de trouver des concours efficaces, si l'Etat

leur faisait connaître qu'il est disposé à les aider dans

les dépenses d'installation ; les assemblées départementa-

les, assurées du concours de l'Etat, ne refuseraient sans doute

pas d'organiser des établissements où serait reçue une popu-

lation appartenant à tous les arrondissements, à toutes les

communes du département.

Il est à remarquer, d'autre part, que si, comme il y a lieu de

l'espérer, des agglomérations importantes, des communes

peuplées, des villes populeuses sont disposées, elles aussi, à

créer des établissements spéciaux, elles demanderont la par-

ticipation de l'Etat ; mais cette participation serait nulle, si

le Parlement n'autorisait pas une dérogation aux prescrip-

tions de la loi de 1885 et des tableaux annexes.

Cette loi, en effet, n'a eu en vue que des écoles dans les-

quelles le service du pensionnat n'existe pas ou n'a que peu

d'importance ; c'est dans ces conditions qu'elle a fixé, les

maxima de dépense pouvant entrer en ligne de compte pour

la participation de l'Etat ; enfin elle n'a prévu ni l'installa-

tion d'ateliers, ni l'acquisition de jardins et de champs,

PROJET DÉ LOI. , 299

d'outils, etc., elle a même interdit toute participation du

Trésor dans le cas où la valeur du centime communal dépasse

6,000 francs. Or, il y a quarante villes en France dont le cen-

time a une valeur supérieure à 6.000 francs, et il est évident

que c'est à peu près exclusivement auprès de ces quarante

villes que des démarches auraient des chances de succès si

l'Etat pouvait promettre de participer aux frais de pre-

mière installation.

D'autre part, il est évident que le personnel de la direction

de l'enseignement et de la surveillance des écoles destinées

aux arriérés devra être choisi avec un soin particulier, qu'un

apprentissage spécial est nécessaire, qu'un stage dans un éta-

blissement où se trouvent déjà réunis des anormaux devra

être imposé, qu'à une population scolaire toute particulière

devra correspondre un corps d'instituteurs et d'institutrices

préparés aux méthodes et aux procédés qui conviennent à

cette catégorie d'enfants.

Certes, le nombre et le dévouement des fonctionnaires de

l'enseignement primaire permettent d'affirmer que les maî-

tres et maîtresses ne feront pas défaut pour les nouvelles

écoles, encore faut-il, sinon les encourager à se consacrer

à l'oeuvre dont il s'agit, du moins leur tenir compte de la

préparation spéciale qui sera exigée et du temps de service

considérable qui leur sera demandé chaque semaine, les ar-

riérés devant être placés le plus longtemps possible sous la

direction quotidienne du maître. Comme les émoluments des

fonctionnaires de l'enseignement primaire ont été fixés par

la loi, toute augmentation doit être autorisée par une loi.

Nous ferons remarquer enfin que les lois en vigueur ne

visent évidemment que les enfants normaux et que le légis-

lateur doit prendre une décision nouvelle concernant la sco-

larité des arriérés ; si, comme pour les élèves de nos écoles pu-

bliques, la scolarité des arriérés devait prendre fin à treize

ans, elle serait notoirement insuffisante pour la plupart d'en-

tre eux ; d'un autre côté, la loi seule peut indiquer par quel

procédé, sous réserve de quelles garanties, les arriérés qui ne

peuvent suivre les classes des écoles ordinaires seront en-

voyés, admis aux classes spéciales.

Il est donc indispensable de légiférer en la matière et le

présent projet a pour objet de déterminer la nature des éta-

blissements à fonder, les conditions dans lesquelles les cons-

tructions seront élevées ou appropriées, le mode de recrute-

ment et de fonctionnement des écoles nouvelles.

Conformément à l'avis exprimé par la Commission d'étu-

des constituée ainsi qu'il a été dit plus haut, il nous a paru

Archives, 3' série, 1907, L. II. 19

290 LÉGISLATION.

qu'il y aurait lieu d'organiser sous le nom d'écoles de perfec-

tionnement, deux types d'établissements, savoir :

1° Des classes spéciales qui seraient annexées aux écoles

ordinaires publiques ; 2° des écoles spéciales avec plu-

sieurs classes, un internat et un demi-pensionnat.

Le principal avantage des classes spéciales annexées aux

écoles ordinaires est de n'exiger qu'un minimum de frais

d'organisation et, par suite, de permettre leur multiplication

dans les centres de population où elles seront jugées utiles,

de manière à ne pas éloigner les enfants du domicile des pa-

rents.

L'Etat payerait les traitements des nouveaux maîtres dans

les conditions ordinaires, par prélèvement sur les crédits

votés annuellement par le Parlement pour créations d'écoles

et d'emplois. Quant aux indemnités de résidence et au loge-

ment ou à l'indemnité représentative, ils seraient, comme

d'ordinaire, à la charge des communes.

Pour les dépenses de première installation (bâtiments,

mobilier, etc.), elles seraient très peu importantes lorsque le

groupe scolaire laissera une classe disponible. On ne se dissi-

mule d'ailleurs pas les inconvénients que présenteront, dans

certains cas, ces créations.

En réunissant, dans un même local, sous la direction d'un

seul maître, tous les enfants anormaux de l'école et même de

la ville, c'est-à-dire des enfants qui n'ont ni le même âge (il

peut varier de six à treize ans) ni le même degré d'instruc-

tion, on opère une réunion regrettable au point de vue péda-

gogique et on rend l'enseignement collectif bien difficile.

D'autre part, on signale les anormaux à l'attention et -

on peut du moins le craindre aux moqueries, à l'hostilité,

même des enfants normaux de la même école ; on augmente

les souffrances des arriérés et de leurs parents.

A un autre point de vue, on doit prévoir qu'on ne retirera

pas d'une semblable organisation tous les avantages qu'on

peut attendre de la spécialisation des maîtres et de l'adoption

de procédés particuliers, car :

1° Les maîtres chargés d'instruire cette population spé-

ciale se trouveront un peu isolés, ils ne pourront échanger

avec des collègues chargés de fonctions identiques ou analo-

gues, leurs vues et leurs idées ; ils seront privés de l'expé-

rience, des conseils, des avis des directeurs spéciaux et des

maîtres plus âgés ;

2° Les élèves, si on leur appliquait le régime commun do

l'externat, ne viendraient pas en classe le jeudi et ne passe-

raient que trente lieures par semaine à l'école, or, une aussi

large liberté est dangereuse pour certains sujets, surtout

PROJET DE LOI. 291

dans certaines régions en raison de leur état de débilité et

d'instabilité. "

On pourra toutefois, trouver les moyens de supprimer une

partie de ces inconvénients : on exigera si cela paraît

nécessaire que la classe annexée à l'école communale ait

une entrée particulière, une cour distincte, un préau spécial,

que les heures d'entrée et de sortie soient différentes des

heures réglementaires de l'école, que la durée de la scolarité

' hebdomadaire soit plus grande, que des études surveillées,

des récréations spéciales, des jeux soient organisés avec l'as-

sentiment des parents et le concours financier des communes;

enfin les maîtres pourront être de temps en temps réunis

dans une école de perfectionnement de la région pour y rece-

voir les conseils et les directions indispensables.

Sous réserve d'un ensemble de mesures ainsi appropriées

au but poursuivi, il semble bon de prévoir et d'encourager la

création, pour l'éducation des anormaux, d'un organisme

aussi simple que la classe spéciale annexée à l'école primaire

communale.

L'Ecole spéciale de perfectionnement avec internat et demi

pensionnat, tel est le second type de perfectionnement qu'on

se propose d'organiser et celui dont l'adoption paraît indis-

pensable. En fondant ces écoles de perfectionnement, les

communes, les départements et l'Etat assumeraient des

charges qui dépassent les obligations que la loi scolaire déter-

mine ; aussi ne s'agirait-il pas d'imposer une obligation, on

réglementerait le fonctionnement d'établissements faculta-

tifs dont la création serait autorisée par le législateur, ainsi

qu'il l'a fait pour les écoles primaires supérieures et les collèges

communaux de garçons et de filles.

Les écoles spéciales recevraient, outre les externes et les

demi-pensionnaires de la région, des internes dont les famil-

les habitent loin de toute classe spéciale, puis, les enfants gra-

vement malades atteints dans leurs fonctions intellectuelles

et morales qui ont besoin d'une éducation, d'un dressage

continus, enfin ceux qu'il est utile d'enlever à un milieu fami-

lial dangereux (absence complète de surveillance, mauvais

exemples,indignité des parents, familles névropathiques, etc.)

Dans les écoles spéciales de perfectionnement, on pourrait

conserver les enfants pendant 2,3 ou même 4 ans au-delà de

l'âge ordinaire de la scolarité (6 à 13 ans), afin de leur donner

des connaissances professionnelles telles qu'ils ne deviennent

pas une charge pour la société, et surtout qu'ils ne soient

pas entraînés à prendre rang dans la catégorie des nuisibles

et des criminels.

Il est désirable que le plus grand nombre des écoles de per-

292 LÉGISLATION.

fectionnement soit établi à la campagne et c'est dans ce sens

que seraient conduites toutes les négociations de l'Admi-

nistration de l'Instruction publique avec les départements et

les communss.

En ce qui concerne les dépenses de l'Etat, elles seraient

limitées, comme pour les écoles primaires supérieures et les

collèges, par les crédits que le Parlement mettrait chaque

année à la disposition du Ministre de l'Instruction publique,

aux chapitres des constructions scolaires et des créations

d'écoles et d'emplois.

En résumé, l'adoption des propositions que nous présen-

tons à votre examen permettrait de faire observer les pres-

criptions de la loi de 1882 sur l'obligation de l'enseignement

primaire ; il n'y aurait plus exclusion des bienfaits de l'ins-

truction pour les enfants arriérés ou instables, c'est-à-dire

pour ceux dont l'intelligence lente ou incomplète ne peut

s'accommoder de la discipline et des programmes des écoles

primaires publiques, c'est-à-dire pour ceux-là même qui en

ont peut-être le plus besoin. En ne traitant plus ces enfants

comme des incurables, en leur donnant, dans leur propre in-

térêt, comme dans l'intérêt de la collectivité, une éducation

appropriée à leurs facultés, la République fera un nouveau

pas en avant dans l'accomplissement de son devoir social.

PROJET DE LOI

Le Président de la République française, décrète : Le

projet de loi dont la teneur suit sera présenté à la Chambre

des Députés par le Président du Conseil, Ministre de l'Inté-

rieur, par le Ministre de l'Instruction publique, des Beaux-

Arts et des Cultes, et par le Ministre des Finances, qui sont

chargés d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discus-

sion :

Article premier. Sur la demande des communes et des

départements peuvent être créées pour les enfants anormaux,

arriérés et instables des deux sexes : 1° Des classes de per-

fectionnement annexées aux écoles élémentaires publiques ;

2° Des écoles autonomes de perfectionnement qui pourront

comprendre un demi-pensionnat et un internat. Les écoles

autonomes et les classes annexées sont mises au nombre des

établissements d'enseignement primaire public.

Art. 2. Les classes annexées recevront les enfants de 6 à

13 ans. Les écoles autonomes pourront en outre continuer la

scolarité jusqu'à 16 ans, donnant à la fois l'instruction pri-

maire et l'enseignement professionnel. Les élèves des classes

annexées qui, vers 13 ans, seront reconnus incapables d'ap-

PROJET DE LOI. 293

prendre une profession au dehors pourront être reçus dans

les écoles autonomes. Les enfants trop gravement atteints

pour que leur éducation puisse se faire dans la famille sui-

vront de préférence le régime de l'internat.

Art. 3. Dans aucune classe de perfectionnement, ne

seront admis des enfants de sexes différents.

Les écoles autonomes pourront grouper sous une même

direction deux sections différentes, l'une de garçons, l'autre

de filles.

Art. 4. La subvention accordée par l'Etat pour les dé-

penses de première installation, d'appropriation, et d'agran-

dissement sera fixée dans les proportions déterminées par

l'article 7 de la loi du 20 juin 1885. Les travaux devront être

exécutés conformément aux plans approuvés par le Ministre

de l'Instruction publique et régulièrement reçus.

Art. 5. Les dépenses ordinaires des écoles de perfection-

nement et des classes annexées sont supportées par les com-

munes et départements fondateurs sous déduction des sub-

ventions accordées par d'autres départements et communes.

Les dépenses de l'enseignement sont à la charge de l'Etat

dans les conditions prévues pour les écoles primaires élémen-

taires et supérieures.

- Art. 6. Une école de perfectionnement peut être fondée

par une commune sur le territoire d'une autre commune

après accord des communes intéressées. Dans le cas où

l'école autonome de perfectionnement n'est pas située

dans le même département ou dans la même commune que

l'Administration départementale ou communale qui l'a fon-

dée, les autorités compétentes pour exercer les attributions

leur appartenant en exécution des lois scolaires sont, sous

réserve, de l'article 11 ci-après, les autorités du département

ou de la commune où siège ladite administration.

Art. 7. Les directeurs et directrices, maîtres et maîtres-

ses, appelés à exercer dans les écoles de perfectionnement et

dans les classes annexées, jouissent des mêmes droits et avan-

tages que les fonctionnaires des écoles élémentaires publiques.

Les fonctions de surveillants et surveillantes dans les inter-

nats peuvent leur être confiées. Les directeurs et directrices

sont nommés par le Ministre. Les instituteurs et institutrices

chargés de classe sont proposés par l'inspecteur d'académie

et nommés par le Préfet ; ils doivent être choisis de préfé-

rence parmi les candidats pourvus du diplôme spécial créé

pour l'enseignement des arriérés. Les surveillants et surveil-

lantes sont proposés par le chef de l'établissement et nom-

més par le Préfet.

Art. 8. - En sus des émoluments légaux, le personnel des

294 LÉGISLATION.

écoles de perfectionnement et des classes annexées recevra

des indemnités ou des avantages en nature, à raison du ser-

vice supplémentaire qui lui sera imparti. Ceux qui justifie-

ront du diplôme spécial créé pour l'enseignement des arrié-

rés recevront un supplément de traitement de 300 francs sou-

mis à retenues pour la retraite pendant qu'ils exerceront

dans les écoles de perfectionnement ou les classes annexées.

Art. 9. La décision ministérielle portant création de la

classe annexée ou de l'école autonome déterminera pour

chacune d'elles les conditions spéciales de son organisation et

de son fonctionnement, notamment : 1° Le nombre maxi-

mum d'élèves à admettre dans chaque division ; 2° Le nom-

bre hebdomadaire de jours d'enseignement, la durée des

classes et des exercices quotidiens ; 3° Les conditions dans

lesquelles des institutrices pourront être attachées aux diver-

ses classes et sections de l'établissement.

Art. 10. Les internats et demi-pensionnats des écoles

de perfectionnement peuvent être administrés en régie di-

recte au compte du directeur ou de la directrice en vertu

d'un traité par lequel la gestion est remise au chef de l'éta-

sement qui s'en charge à ses risques et périls. Les traités ne

sont exécutoires qu'après avoir été approuvés par le Ministre

de l'Instruction publique sur l'avis préalable des Préfets ; il

en est de même des modifications des traités . Les tarifs

maxima exigibles des familles et des fondations de bourses

pour les frais de pension et demi-pension dans chaque éta-

blissement sont fixés par le Ministre de l'Instruction publi-

que sur la proposition du Conseil général ou du Conseil mu

nicipal, après avis du Préfet.

Art. 11. Les classes et écoles de perfectionnement se-

ront soumises : 1° A l'inspection exercée dans les conditions

prévues par l'article 9 de la loi 30 octobre 1886 ; 2° A une

inspection médicale organisée par la commune fondatrice

ou le département fondateur. Elle portera sur chacun des

enfants qui seront examinés au moins chaque semestre. Les

observations seront consignées sur un livret scolaire et sani-

taire individuel.

Art. 12. Une Commission composée de l'inspecteur pri-

maire, d'un directeur ou maître d'une école de perfectionne-

ment et d'un médecin, déterminera quels sont les enfants

qui ne peuvent être admis ou maintenus dans les écoles pri-

maires publiques et pourra autoriser leur admission dans

une classe annexée ou dans une école de perfectionnement si

l'enseignement ne doit pas leur être donné dans la famille.

Un représentant de la famille sera toujours invité à assister à

l'examen de l'enfant.

PROJET DE LOI. 295

Art. 13. Un comité de patronage sera constitué auprès

de chaque école de perfectionnement. Les membres seront

nommés par le Ministre de l'Instruction publique après avis

du Préfet, et, si l'Etablissement est communal, après avis

du maire. Des dames en feront nécessairement partie. Un

Conseil d'administration nommé par le Conseil municipal, si

l'établissement est communal, ou par le Conseil général si

l'établissement est départemental, sera institué auprès de

chaque école de perfectionnement, il comprendra toujours un

représentant du Préfet du département dans lequel est situé

l'établissement et au moins un médecin.

Art. 14.- Des décrets et arrêtés rendus après avis du Con-

seil supérieur de l'instruction publique, détermineront la

nature du programme d'enseignement et les conditions du

certificat spécial.

Art : 15. Il sera statué par des règlements d'administra-

tion publique sur les conditions dans lesquelles : 1° Seront

rétribués les maîtres auxiliaires, chefs de travaux et maîtres

ouvriers, employés dans les écoles de perfectionnement et

classes annexées ; 2° Les employés et agents inférieurs des

écoles de perfectionnement et des internats seront astreints

à la possession d'un livret de la caisse nationale de la vieil-

lesseet à des versements réguliers.

Art. 16. Les dispositions précitées, concernant la sub-

vention de l'Etat pour constructions d'écoles à l'usage des

enfants anormaux et le recrutement des maîtres chargés de

cet enseignement s'appliquent aux établissements de sourds-

muets et d'aveugles dépendant exclusivement du Ministère

de l'Intérieur et aux maîtres détachés dans ces établisse-

ments. Fait à Paris, le 7 juin 1907. Signé. A. FALLIÈRES.

Par le Président de la République :

Le Président du Conseil,

Ministre de l'Intérieur,

Signé : G. CLEMENCEAU,

Le Ministre de l'Instruction publique

des Beaux-Arts et des Cultes,

Signé : A.BRIAND.

Le Ministre des Finances.

Signé : J. CAILLAUX.

RECUEIL DE FAITS

Eschares de la région sacrée et méningite

cérébro-spinale purulente ;

Par le D' D. l'AGIlATONI

{Clinique psychiatrique de Genève)

Parmi les complications fréquentes des maladies ca-

chectisantes et qui confinent longtemps le malade au lit,

on a avec raison signalé les eschares de la région sa-

crée. L'influence du système nerveux sur les échanges

nutritifs ne s'exerce plus que d'une façon très défectueu-

se ; partant les tissus deviennent plus vulnérables et leur

force de régénération est presque annulée. La pression

du corps sur les points qui lui servent d'appui dans le dé-

cubitus dorsal suffit pour que ces parties se meurtris-

sent,se sphacèlent et donnent naissance à de larges ulcè-

res qui souvent se produisent avec une rapidité incroya-

ble. Il n'est môme pas rare de constater la nécrose d'a-

bord dans la profondeur des' tissus et de la voir s'ache-

miner vers la surface non encore lésée de façon apparente.

Ces plaies parfois très profondes, si difficiles à gar-

der propres et si rebelles à tout traitement, sont généra-

lement d'un pronostic fatal ; elles enlèvent le malade

par l'infection générale à laquelle elles servent de

porte d'entrée. On sait que Gudden les attribua exclu-

sivement au manque de soins (propreté, changement

de position, etc.) et il est certain que sa campagne eut

pour heureux résultat que l'on s'occupa de façon

beaucoup plus soigneuse de cette catégorie de malades.

Cependant l'affirmation de Gudden est trop péremptoire ;

nous savons aujourd'hui que, par exemple chez les para-

lytiques généraux et les myélitiques, les eschares peu-

vent se produire en dépit des précautions les plus exac-

tes.

Il est beaucoup plus rare que les eschares deviennent

une source d'infection directe du système nerveux.Diffé-

HSCHAHES DE LA REGION SACREE.

297

rents auteurs signalent ce mode d'étiologie de la ménin-

gite purulente. Nous nous permettons d'en donner un

exemple pour en discuter quelques points.

lls'agit d'un paralytique général, âgé de 45 ans, qui avait acquis

la syphilis au moins 10 a.ns auparavant.Il est entré à Gel-Air le 29

novembre 1904. Bien que très dément,il était encore suffisamment

orienté. Les réflexes étaient presque abolis, la démarche lente

el titubante. Gâtisme. Environ deux semaines après son en-

trée, on remarque la formation de nécroses dans la profondeur

de la région sacrée et,quinze jours plus tard,les téguments étaient

exulcérés ; il en sortait du pus en quantité incroyable. A cette

époque, X... pouvait encore marcher et se mouvoir dans son lit.

Dès lors, il passa les journées au bain, couché sur un drap ten-

du au travers de la baignoire. Exitus en état de marasme le 26

février 1905.

L'autopsie nous réservait une surprise. Poids du cerveau avec

méninges 1170 gr. Dure-mère assez tendue. La fosse cérébrale

postérieure et la selle turcique sont couvertes de pus jaune grisâ-

tre répandant une odeur infecte. Aux endroits correspondants

la pie-mère était imbibée de matières purulentes et soudée il la

dure-mère par de nombreux filets. Contrairement à ce que l'on

trouve habituellement chez les paralytiques généraux, les circon-

volutions n'étaient pas séparées par de larges sillons ; le cerveau

faisait l'impression d'une balle élastique bien tendue. Les ventri-

cules contenaient un liquide trouble ; la surface des ganglions de

la base était veloutée.

Après durcissement, le diagnostic de paralysie générale fut con-

firmé par l'examen microscopique. La méningite purulente était

restée avant tout superficielle et limitée aux endroits indiqués

plus haut. Les ventricules étaient passablement dilatés ; au pour-

tour du ventricule latéral, la substance blanche était semée de

petites vacuoles analogues à celles que l'on rencontre dans les

cerveaux comprimés. Il y avait aussi de petites hémorrhagies.

Des coupes faites à différentes hauteurs de la moelle, toutes

portent des amas purulents, mais les fibres nerveuses ne sont

pas détruites ou même seulement altérées de façon constatable

par les colorations Weiget-Pal et carmin.Les cordons postérieurs

ne sont pas sclérosés. A la cauda equina, les faisceaux nerveux

sont soudés par des masses de pus, mais à mesure que la

moelle se [orme, le processus inflammatoire se limite à l'espace

sis entre la dure-mère et la substance nerveuse avec prédomi-

nance postérieure. La dure-mère est aussi infiltrée ; on trouve

même des traces depéripachyméningite.

A défaut d'altérations tabétiques dans la moelle, pour expli-

298 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

quer l'abolition des réflexes patellaires, il faut supposer que les

ganglions intervertébraux ou les nerfs périphériques étaient lé-

sés. 11 est regrettable que ces parties du système nerveux n'aient

pas été conservées. Ces lésions facilitèrent sans doute la produc-

tion des eschares il une époque où le malade n'était pas encore trop

gâteux et se mouvait assez facilement. La forme spéciale de cel-

les-ci : grande étendue dans la profondeur, petites ouvertures,

conduisit à une forte rétention du pus. Le poids du corps refoula

les matières infectieuses le long des faisceaux nerveux et jusque

dans le canal vertébral.

Deux points méritent encore d'être mentionnés : 1° La

tente du cervelet arrêta la marche de la méningite, qui ne

put se propager qu'à la base. 2° Le passage de l'infection

par l'aqueduc de Sylvius dans les cavités ventriculaires,

d'où résulta un hydrocéphalus actif. Les altérations des

scissures, des ventricules et de la substance blanche qui

les entoure étaient analogues à celles que l'on rencontre

dans les cas de tumeurs, d'empyème ventriculaire, etc.

Il n'est donc point question ici d'un hydrocéphalus ex

vacuo. Bien des points de cette observation sont incom-

plets ; on croit quelquefois pouvoir s'occuper moins d'une

« banale paralysie » ; à tort comme on le voit.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES

XVII I. Ist die Kreuzung des Trochlearis eine totale oder partielle ?

(L'entrecroisement du tr. est-il total ou p. ? ) ; par L. Bncn, de

Marburg, (Ctrbl. f. Nervenh. u. Psych., XXIX, f. 204, p. 16 à 18

1er janvier 1906.)

B. avait affirmé que, chez le lapin, le chat, le singe, une petite

partie des fibres ne se rend pas dans le voile médullaire antérieur

où à lieu l'entrecroisement, que ces fibres se dirigent en bas et en

avant pour aller probablement se mêler aux faisceaux de l'oculomo-

teur (III). Cette opinion, contredite par Bernheimer, fut confir-

mée par Siemerling et Boedeker, qui démontrèrent, en outre, que

l'extrémité supérieure du noyau du IV est en rapport étroit avec le

III ; ils constatèrent la lésion des deux noyaux du IV dans des cas

de paralysie unilatérale du gland oblique ; ils admirent enfin que

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 29

dans le voile médullaire le croisement est vraisemblablement total.

D'après de nouvelles Iecherches sur l'homme, le singe, le chat, le

lapin, le rat, B. confirme de nouveau ce dernier point, en notant t

aussi que les fibres formant le tronc qui subit l'entrecroisement to-

tal proviennent surtout de l'extrémité inférieure du noyau du IV ;

que l'extrémité supérieure a «des rapports étroits et faciles à cons-

tater avec le noyau du III ; enfin, que de chaque noyau du IV nais-

sent des fibres qui se dirigent d'arrière en avant entre les faisceaux

de la bandelette longitudinale postérieure et dans l'espace com-

pris entre les bandelettes 'des deux côtés. Ch. B.

XIX. - Ueber das Verhalten der motorischen Kerngebiete nach

laesion der peripheren Nerven und über die physiologische Bedeu-

tung der Edinger-Westphal'schen Kerne Que deviennent les

noyaux moteurs après lésion des n. pér., et sur le rôle des noyaux

d'E. W. ; par L. BACH, de Marburg, (C-M. f. Nervenh u. Psy-

ch., XXIX, f. 207, p. 140 à 150, 15 fév. 1906.)

B. rappelle que la destruction du territoire périphérique d'un

nerf moteur peut n'avoir aucun effet sur les cellules du noyau de ce

nerf ; que, chez l'homme, après énucléation d'un oeil, il constata lui-

même l'intégrité des noyaux du III et notamment des noyaux

d'Edinger-Westphal que l'on a rattachés, à tort, à la musculature

interne de l'oeil.

De nouvelles expériences confirmèrent ses premières recherches,

lapin : arrachement d'un long segment de III, énucléation de l'oeil,

résection des muscles externes ; survie beaucoup plus longue : sept

mois au lieu de 90 jours : Intégrité des noyaux d'E. W. ; dans la

partie supérieure du noyau, disparition presque complète des cellu-

les du même côté ; dans la partie inférieure, lésion plus accusée

dans le territoire dorsal du noyau du côté opposé.

B. fait ensuite une critique longue et minutieuse des récents tra-

vaux des auteurs qui voient dans les noyaux d'E. W. le centre du

sphincter de la pupille (Kostenitsch, Boedeker, Westphal, Sachs,

Pacetti, Bernheimer, Levinsohn ; il en donne la bibliographie), et

conclut qu'aucun des faits donnés en faveur de cette opinion ne

résiste à la critique. Il passe ensuite en revue les travaux (bibl.) où

est soutenue la doctrine contraire, travaux d'où il tire les argu-

ments suivants :

Intégrité des noyaux d'E. W. après énucléation, chez toutes les

espèces examinées, contrairement à Bernheimer.

Recherches d'anatomie comparée de Koelliher, de Panegrossi

etc. ; absence chez plusieurs singes.

Configuration de leurs cellules qui ne réalisent pas le type mo-

teur.

Intégrité de ces noyaux dans des cas de paralysie durable du

sphincter et de l'accommodation, soit chez l'homme, soit chez les

300 REVUE D'ANATOMIE ET de PHYSIOLOGIE pathologiques.

animaux (botulisme expérimental chez le singe), qu'il y ait eu ou

non, simultanément, ophthalmoplégie extérieure et lésion des au-

tres noyaux oculomoteuis.

B. conclut que les centres des sphincters pupillaires sont repré-

sentés par les cellules du segment proximal du noyau du III les

plus voisines de la ligne médiane ; que les noyaux d'E. W. ne font

très probablement pas partie du noyau du III, conformément à

l'opinion de Koelliker, et que leurs fonctions sont encore mal con-

nues. Ch. B.

XX.- Ueber Begriff und Lokalisation der reflektorischen Pupillen-

starre. Sur l'immobilité réflexe de la pupille et sa localisation ;

par L. BACH, de Marburg. (Ctrbl. f. Nervenh. u. Psychi., XXIX,

f. 218, p. 596 et 597) ; ·

XXI. Ueber die pathologische Anatomie der reflektorischen

Pupillenstarre ; par BuMKE, de Fribourg. en-B. Ibid., p. 597.

(31 Réunion des neurologues et aliénistes du sud-ouest, à Baden-

Baden, 26-27 mai 1906.)

D'après Bach, on ne sait pas encore si l'immobilité réflexe de la

pupille (à l'excitation lumineuse directe ou indirecte, à toutes les

excitations psychiques ou nerveuses) peut se transformer en immo-

bilité absolue (perte de la réaction à la convergence).

La localisation de la lésion productrice de l'imm. réfl. dans la

substance grise centrale, ou dans le toit mésencéphalique, ou dans

la moelle cervicale, ne serait pas démontrée.B. repousse en outre les

localisations : dans un faisceau allant de la bandelette optique au

noyau de M. 0. C ? dans ce noyau lui même, dans le noyau

d'Edinger-Westphall, - dans le faisceau radiculaire et le tronc du

M. O. C ? dans le ganglion ciliaire, - dans les nerfs ciliaires,

dans le nerf optique.

L'im. réfl. est, dans la règle, accompagnée de myosis, celui-ci ren-

drait vraisemblable l'existence de lésions de la moelle cervicale et

d'un faisceau allant de l'écorce cérébrale au bulbe ; l'imm. réfl. au-

rait pour cause la dégénération d'un faisceau allant des quadriju-

meaux au bulbe. B. rappelle enfin que ses recherches avec L. Meyer

sur le chat ont démontré l'existence, dans la partie inférieure de la

moelle cervicale, d'un centre d'inhibition pour le réflexe lumineux et

la dilatation pupillaire.

Bumke remarque que tous les auteurs admettent une voie ré-

flexe ayant son centre dans la région des quadrijumeaux, tandis

que la deuxième voie réflexe admise par Bach est tout hypothéti-

que. La cause est donc vraisemblablement une lésion du cerveau

postérieur, ou bien un trouble de l'arc réflexe cérébral générale-

ment admis. B.a vu souvent manquer,dans la pégé avec Argyll, la

lésion que plusieurs auteurs (Reichardt, Gaupp et Wolff), considé-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 301

rèrent comme la cause de ce symptôme (zône intermédiaire aux

cordons de Goll etde Burdach, dans la moelle cervicale supérieure).

Pourtant on ne peut nier la coexistence fréquente, aux périodes

avancées de la pégé de l'im'm. réfl. et des lésions des cordons posté-

rieurs et l'on sait que dans la partie supérieure de la moelle cervi-

cale, toutes les fibres ascendantes dégénérées des'cordons posté-

rieurs,cheminent ensemble. Enfin la zone incriminée par Reichardt

appartient à un segment du névraxe dont, d'après les recherches de

Bach, l'ablation est sans action sur les mouvements de la pupille.

Ch. B.

XXII. Contribution à l'étude anatomo-pathologique de la dé-

mence précoce ; par J. Zaplachta. (Revista stûntelor médicale, no,

7-10, 1906.)

L'examen histologique des cerveaux de quatre déments préco-

ces a permis à l'auteur de constater des lésions de tous les éléments

constitutifs de l'écorce cérébrale.

Les lésions les plus accentuées occupent la courbe la plus pro-

fonde des grandes cellules pyramidales, les cellules de Betz et les

cellules polymorphes. Ce sont des lésions chroniques de Nissl avec

atrophie et déformation des corps cellulaires, disparition des élé-

ments chromatiques, dépôts pigmentaires.etc. En outre de ces alté-

rations cellulaires, on constate une prolifération abondante de la

névroglie aussi bien des cellules satellites que des éléments périvas-

culaires. Il existe enfin une infiltration considérable des parois des

vaisseaux par des granulations pigmentaires de nature encore in-

déterminée ; mais cette dernière altération est considérée par

l'auteur comme étant probablement en relation avec les affections

intercurrentes, notamment la tuberculose, présentées par les ma-

lades.

En somme, la démence précoce serait fonction d'un processus

lent de destruction des cellules nerveuses, prédominant surtout au

niveau des couches profondes de l'écorce des lobes frontaux et des

zones centrales, ainsi qu'en témoigne l'abondante prolifération

des cellules satellites que l'on rencontre dans ces régions.

Ces lésions cellulaires, qui sont vraisemblablement d'origine

toxique ou toxi-infectieuse, n'ont aucun caractère spécifique ; on

les observe, en effet, dans d'autres psychoses, mais ce qui est spécial

à la démence précoce c'est 'leur topographie et leur localisation

dans les couches profondes de l'écorce frontale. G. DENY.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 7 ovembre 1907. Présidence de M. Babinski

Apoplexie bulbo-protubérantielle circonscrite, à la suite d'une

émotion provoquée par un traumatisme.

MM. F. Rose et 1.LEfAITRE présentent l'observation d'un hom-

me qui offrit une hémiplégie palatolaryngée avec paralysie laciale

périphérique, du côté gauche, immédiatement après un trauma-

tisme ; or il s'agissait d'un simple coup de canif dans le pavillon

de l'oreille gauche : mais l'hémorragie très abondante avait vi-

vement ému lo malade ; ces troubles et ceux du même ordre qui

subirent, d'origine intrabulbaire, ne peuvent s'expliquer que par

une hémorragie circonscrite due à l'hypertension émotive. A si-

gnaler au point de vue de la médecine des accidents du tra-

vail.

Paralysie de l'élévation des globes oculaires pour les mouvements

volontaires ; intégrité des mouvements réflexes.'

MM. CANTONNET et M. LANDOLT citent le cas d'un sujet de

cinquante-quatre ans, hogdsonien, qui, à la suite d'un ictus, vit

persister comme reliquat de son hémiparésie des troubles ocu-

laires ainsi caractérisés ; ils attribuent à cette paralysie une ori-

gine supranuclaire.

Inutilité du traitement chirurgical dans un cas de torticolis mental

de Brissaud.

MM. SICARP et Desbomps ont essayé sans résultat durable la

destruction par l'alcool de la branche externe du spinal et la

section des muscles de la nuque.

Discussion par MM. BABINSKI et 13RISSAUn, à propos d'une ma-

lade atteinte de torticolis mental guérie par l'excision de la bran-

che externe du onzième nerf ;effet de suggestion, dit M. Brissaud

qui réserve le pronostic quant à la récidive.

Syringomyélie.

MM. II. FRANÇAIS et F. Rose présentent une malade atteinte de

paralysie flasque avec amyotrophie des membres supérieurs et du

thorax et dégénérescence vallérienne ; ils écartent le diagnostic

de polimyoélite antérieure subaiguë et de sclérose latérale amyo-

trophique en raison de l'évolution ; quoiqu'ils n'aient pas relevé

de troubles sensitifs, ils admettent une syringomyélie lésant sur-

tout les cornes antérieures delà moelle cervicale et dorsale, à

cause de la marche et du début par les trois derniers doigts.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 303

Diplégie cérébrale infantile à type pseudo-bulbaire.

M. P. ARMAND DCLILLE et Mlle GIRY présentent deux enfants

de quatre ans offrant ce type ; à noter lecontraste de leur facies

et de leur dysarthrie a\ec leur mentalité,qui paraît normale pour

leur âge.

Méningite chronique syphilitique tardive.

L\l. G. 13ALLET et LÉvy VuENSi présentent un épileptique

âgé de soixante-trois ans, chez qui la ponction lombaire a permis

de révéler, par l'existence de lymphocytose,une méningite chro-

nique d'origine syphililidue;et c'est à dix-huit ans que le malade

eut son accident initial.

Paralysie myélopatique des vieillards.

IIJI. DuraÉ, LHERMITE et GiNOUx donnent une complète des-

cription anatomique du système nerveux d'une malade atteinte

de paraplégie spastique progressive ;les lésions sont limitées àla

moelle.

Injections arachnoïdiennes de fibrolysine dans le tabes.

MM. LHERMITE et 1<'. LÉvy ont obtenu par ce procédé une amé-

lioration notable : disparition des troubles de la sensibilité, pos-

sibilité de la marche.

M. SICARD pense que l'injection de toute substance irritante

peut avoir son utilité. ,

Arthropathies tabétiques localisées par des traumatismes.

M. CLAUDE présente un tabétique dont les phénomènes articu-

laires portent sur la hanche droite, le pied et le genou gauche,

qui avaient été traumatisés dans sa jeunesse.

Monoplégie crurale. Lésion cérébrale congénitale.

.)I.LONG lit le procès-verbal de deux autopsies faites par lui;dans

un cas de monoplégie crurale, il s'agissait d'une lésion typique du

lobule paracentral et des parties supérieures des circonvolutions

frontale et pariétale ascendante ; dans l'autre, c'est une lésion de

l'hémisphère droit, produite dans la vie infra-utérine assez tôt

pour que les libres de projection voisine aient pu suppléer à la

lacune anatomique, sans qu'il subsistât de manifestations physio-

logiques.

Malformations congénitales ; syringomyélie congénitale ou lésions

diffuses du système nerveux.

Il. DUFOUR présente le malade qui a fait l'objet de sa com-

munication àla Société médicale des.110pitam.

Poliomyélite antérieure aiguë.

11\I. IIUET et LEJONNE présentent un malade à allure de myo-

304 SOCIÉTÉS SAVANTES.

patbique, a, ee atrophie des muscles des régions pehienneet lom -

baire, et chez qui le début brusque, la paralysie avec rétrocession

ultérieure lit diagnostiqueur une poliomyélite.

Monoplégie brachiale droite.

ALQUIER et Ciovini on[ trouvé à la suite un ramollisse-

ment de la partie moyenne de la frontale ascendante, ce qui con-

firme la théorie des localisations corticales.

Myélomalacie chez un opéré d'un néoplasme ulcéré de la verge.

j\1 : \I. ALQUIER et ? 1F.NDICINI n'ont trouvé, dans le cas de pa-

raplégie dû à la myélomalacie, que des traînées cellulaires avec

réactions scléreuses ayant amené le processus anatomopathologi-

que.

Tumeur opérée de la queue de cheval.

Communication de M. DUMOI,I,ARD.

Effet de l'opothérapie hypophysaire sur le syndrome de Parkinson.

Communication de MM. Parhon et URECHiE présentée par

M. KUPPEL, ,1. BOLET.

SOCIÉTÉ D'ILYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.

Séance du mardi 15 octobre 1907.- Présidence de M. le Dr Jules

Voisin.

Troubles trophiques dans l'hystérie ; brûlures par suggestion.

M. Paul FAREz rapporte, avec photographies à l'appui, deux

cas inédits de brûlure par suggestion, dus l'un à Podiapolsky (de

Saratow et l'autre à Wetterstrand de Stockolm). Rapprochant ces

cas de ceux précédemment publiés, en particulier par Virchow,

Krafft-Ebing, Rybfdkin et Szollôzy, il passe en revue les diverses

circonstances qui conditionnent le succès ou l'insuccès dans la pro-

vocation suggestive des troubles trophiques chez les hystériques :

la suggestion expérimentale ne doit solliciter une sensation et son

trouble trophique concomitant que si l'une el l'autre ont été emma-

gasinés déjà dans l'acquis psycho-physiologique du sujet ; le trouble

trophique que l'on voudra obtenir par suggestion sera d'autant plus

aisé que l'hystérie sera en pleine floraison, que les accidents seront

surtout cutanés et que, parmi les accidents cutanés, ce seront sur-

tout des troubles trophiques qui se seront manifestés ; on devra

disposer d'une hypnose profonde, encore faut-il cependant qu'elle

ne soit pas trop profonde et que toute communication sensorielle

ne soit pas interrompue entre l'hypnotiseur et le sujet ; enfin, il

conviendra de prolonger le sommeil hypnotique pendant plusieurs

heures après la suggestion ; mieux encore, on devra faire la sugges-

tion le soir, de manière que le sommeil nocturne la maintienne, la

renfonce et lui ser ve en quelque sorte de caisse de résonance.

, SOCIÉTÉS SAVANTES 305

M. VOISIN.- Refuser d'admettre les brûlures par suggestion,

comme le font certains, c'esL nter des faits patents. Un de mes ma-

lades était très sensible à l'action de l'or. Fasciné par ma chaîne de

montre, il ne pouvait plus la quitter des yeux et finissait par y por-

ter la main. A la suite de ce contact, il présentait régulièrement des

phlyctènes provoquées par autosuggestion. Dans un autre cas, j'ai

provoqué par suggestion une phlyctène large comme une pièce de

cinq francs ; il n'y eut aucune supercherie et le contrôle fut très ri-

goureux.

M. Paul Chez Charcot, des hystériques reproduisaient

par imitation les troubles trophiques qu'elles voyaient survenir

chez leurs voisines. Chez DumonLpallier,la smapisation suggérée

était un phénomène banal ; la négation actuelle de certains auteurs

est inadmissible ; on n'a pas le droit de dire : je n'ai pas vu par

moi-même, donc ce n'est pas vrai.

M. Jacques BERTin.oN. Pour trancher le débat ne pourrait-

on pas nous renouveler la production expérimentale des stigmates

hystériques par la suggestion hypnotique ?

M. Paul FAREz.- Nos préoccupations journalières sont d'ordre

thérapeutique et non expérimental ; dans notre pratique médicale,

nous nous appliquons à guérir ou à soulager nos malades le plus

vite et en le moins de séances possible ; une telle expérimentation

n'est pas de mise. .

Toutefois si quelque grande hystérique avait besoin d'un révul-

sif, je n'hésiterais pas, le cas échéant, à provoquer la sinapisation

ou la vésication suggestive et à communiquer le cas à la société.

M. DEMONCHY. A-t-on essayé de guérir ou d'influencer par la

suggestion des brûlures vraies ?

M. B1'sRrT.LO^L- Delboeuf y est parvenu d'une façon tout à fait

démonstrative. Il fit, avec un fer rouge, une brûlure vraie à chaque

bras, en s'appliquant à la faire de même intensité à droite et à gau-

che. La brûlure pour laquelle il avait suggéré une guérison rapide

n'a presque pas été douloureuse et a guéri très vite ; celle de l'autre

côté traînait en longueur et ne s'est terminée que lorsque la sug-

gestion eut accéléré le processus réparateur. La même expérience

fut renouvelée avec le même succès dans le dos.

M. P AMART.- A le clinique du Dr Bérillon, toutes les fois qu'un

malade est porteur de verrues, systématiquement j'en suggère la

guérison prochaine, et très souvent la suggestion se réalise.

Faux cas de suggestion mentale.

M. Félix RcGNAULT. Un alcoolique refuse de se laisser traiter.

Sa femme supplie son médecin de lui donner un produit qui puisse

le guérir à son insu.

Après avoir refusé, le médecin se décide à donner à cette femme

un produit quelconque, inoffensif et inactif en lui-même. L'alcoo-

Arciiives, 3' série, 19C7, t. II. 20

306 SOCIÉTÉS SAVANTES.

lique cesse de boire pendant un mois. Cette femme soutient qu'elle

n'a nullement averti son mari du but qu'elle attendait de ce pro-

duit, car il aurait cessé de le prendre.S'agit-il donc d'un fait de sug-

gestion mentale ? Il ne le semble pas : car cette femme est som-

nambule ; elle parle* la nuit, et selon toute vraisemblance,elle aura

fait à son mari, pendant qu'elle dormait, la suggestion que le dit

produit devait l'empêcher de boire.

M. BERILLON. Ces différents cas de suggestion étaient exa-

minés avec l'esprit critique qui convient ; on ne s'en rapporterait

pas à de vaines apparences et l'on dévoilerait les supercheries que

comportent si souvent les pratiques ne l'occultisme ; c'est le rôle

des psychologues de propager la défiance à l'égard de la manie mé-

taphysique actuelle et de déraciner les erreurs qu'elle propage.

Le larmoiement volontaire.

M, Félix IEGNAULT.- J'ai vu à l'étranger une petite fille que

ses parents, concierges d'un musée, avaient chargée de m'accom-

pagner parmi les salles.

Tout à coup elle éclata en sanglots et me raconta toute une his-

toire dont la conclusion était que si elle ne rapportait pas à ses pa-

rents une pièce d'argent elle serait battue. J'ai appris, par la suite,

qu'elle avait l'habitude de jouer la même comédie auprès des vi-

siteurs de ce musée. Saint-Saëns m'a rapporté avoir été té-

moin de faits analogues. Il y aurait donc chez ces personnes un fait

de larmoiement volontaire.

M. Lionel Dauriac Ce n'est pas par simple volonté que ces

personnes pleurent, mais par l'intermédiaire d'images représenta-

tives ; elles se représentent l'état qu'elles désirent reproduire.

M. Paul Fartez.- Elles peuvent aussi évoquer le souvenir de

quelque évènement douloureux qui leur a arraché des larmes, re-

vivre cet évènement dans leur imagination et susciter ainsi de

vraies larmes.

M. BERILLON.- On peut aussi provoquer les larmes chez les ani-

maux ; pour faire pleurer une vache, il suffit de battre son veau

sous ses yeux.

Action de la suggestion sur la longévité-

M. CLARK BELL (de New-York). On voit des personnes

âgées se retirer des affaires, cesser de travailler et se préparer à

la mort. Or la pensée constante et la crainte de la mort dimi-

nuent leur résistance ; elles s'autosuggestionnent tous les jours,

pour une mort prématurée. Si elles éliminaient la crainte et la

pensée de la mort, si elles écartaient de leur esprit l'inquiétude et

l'anxiété, si elles travaillaient et se rendaient utiles, si elles exal-

taient en elles la joie de vivre, elles réveilleraient leur vitalité et

prolongeraient leur existence.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 307

Faits de psychothérapie hypnotique.

M Domingos JAGUARIBE (de Sao-Paulo, Brésil) rapporte les cu-

res qu'il a réalisées à son Institut et qui intéressent les cas sui-

vants : neurasthénie, hystérie, paralysies diverses, incontinence

d'urine, impuissance, névralgie, alcoolisme, dipsomanie, mutisme

hystérique, etc.

La pédagogie à l'avancement des sciences.

11. BÉRILLO\ résume les divers travaux présentés à la section

des pédagogie qu'il a présidée, à l'Association pour l'Avancement

des Sciences (Reims, août 1907). Ces travaux ont trait aux sujets

suivants ; paresse et mollesse chez les enfants, les procédés médi-

co-pédagogiques applicables aux indisciplinés, les anormaux dans

l'antiquité, les travaux manuels dane l'éducation des arriérés,

l'émulation scolaire, etc. Il présente le questionnaire très détaillé

qu'il a établi pour l'examen rapide et complet, médical et psycho-

logique, des enfants anormaux.

Le Congrès de Genève-Lausanne ; l'expertise médico-légale et la

question de la responsabilité.

M. Paul FAREZ, délégué de la Société au 17e Congrès des Alié-

nistes et neurologistes de France et des pays de langue française

tenu à Genève et Lausanne en août 1907, dépose un rapport sui les

travaux du Congrès et insiste paiticulièrement sur le voeu qu'y a

fait voter M. Ballet. Ce rapport sera imprimé in-extenso dans la

Revue de l'hypotisme afin de pouvoir être discuté à la séance

de novembre. 1

ASSOCIATION DES MÉDECINS DES ÉTABLISSEMENTS

PUBLICS D'ALIÉNÉS

Le 3 août 1907, au cours du Congrès annuel des Médecins alié-

nistes et neurologistes de langue française, les médecins des établis-

sements publics d'aliénés se sont réunis dans une salle de l'Univei-

sité de Genève, dans le but de fonder une association amicale.

L'assemblée comprenait des médecins directeurs, des médecins en

chef et adjoints d'asiles publics, des médecins de quartiers d'hos-

pice et des asiles pi ivés faisant fonctions d'asiles publics,d'anciens

médecins d'asiles. M. l'Inspecteur général, délégué du Ministère de

l'Intérieur, assistait à la séance. Par acclamation, M. le Dr Giraud,

médecin-directeur de l'asile Saint-Yon (Rouen), est nommé pré-

sident. M. le Dr Charon, médecin-directeur de l'asile r'Amiens, est

désigné comme secrétaire.

Le Président expose le but de la réunion,il rappelle qu'en 1895, à

l'occasion du Congrès annuel, l'utilité de former une union amicale

des médecins aliénistes avait été discutée et que, l'année suivante,

le projet avait eu un commencement d'exécution par la création, au

Congrès de Nancy, d'une association dont les statuts avaient été

adoptés dans une réunion avec l'adhésion de 33 membres fonda.

308 SOCIÉTÉS SAVANTES

teurs, comportant un comité de 8 membres, dont plusieurs sont

présents à la réunion d'aujourd'hui. Cette union n'a pas fonctionné.

Le Président expose que les motifs qui militaient en 1895 en fa-

veur de la créationd'une association n'ont fait que s'accuser da-

vantage d'année en année, et demande à l'assemblée de se pronon-

cer tout d'abord sur le point de savoir s'il y a lieu de créer au-

jourd'hui cette association. Par un vote à mains levées, l'assemblée

décide qu'il y a lieu de créer une association.

Le Président propose ensuite, pour arrêter les statuts de cette

association,de reprendre et discuter article par article les statuts de

l'union de 1895. Un membre de l'assemblée fait remarquer que la

situation n'est plus aujourd'hui la même qu'en 1895. Récemment,

les directeurs et médecins des maisons de santé privées ont créé

une association pour la défense de leurs intérêts professionnels ;

il semble donc que l'association nouvelle ne peut être ouverte, au

moins pour les membres actifs, qu'aux médecins de tous grades des

asiles publics et des établissements faisant fonctions d'asiles pu-

blics, c'est-à-dire à tous ceux dont le recrutement est soumis aux

mêmes conditions et qui sont placés sous la même autorité admi-

nistrative. Après échange d'observations, l'assemblée adopte à

mains levées et successivement les articles suivants des statuts de

l'association.

Article premier. Les médecins des établissements publics

d'aliénés forment entre eux une association dite : Association ami-

cale des Médecins des établissements publics d'aliénés.

ART. 2. Celte association a pour but : 1° De prendre en mains

les intérêts généraux et particuliers de ses membres en leur donnant un

appui quand ils en auront besoin et en contribuant aussi activement

que possible à améliorer leur situation morale et matérielle. ; 2° de

créer et de maintenir entre ses membres des liens de bonne confrater-

nité, de favoriser tout ce qui peut les amener à se bien connaître les

uns et les autres et de veiller à ce qu'ils observent les règles essentiel-

les de l'honorabilité professionnelle ; 3° d'étudier les questions qui se

rapportent aux divers modes d'assistance des aliénés.

ART. 3. L'association comprend des membres actifs et des mem-

bres honoraires.

ART. 4. Sont de droit membres actifs, après en avoir adressé la

demande au comité, tous les médecins et anciens médecins en chef et

adjoints des asiles publics, des colonies familiales, des asiles privés

faisant fonctions d'asiles publics et des quartiers d'hospices affectés

au trailement des aliénés.

ART. 5. Le titre de membre honoraire peut être donné par un

vole de l'assemblée générale à toute personne, docteur en médecine ou

non, qui aura rendu des services éminents soit à l'assistance des alié-

nés, soit à l'association elle-même.

ART. 6. Tout membre actif de l'association doit une cotisation

annuelle dont la quotité est fixée à 5 francs.

ART. 7. - Celui qui, pendant deux années consécutives, aura

négligé ou refusé de payer sa cotisation, sera considéré comme démis-

sionnaire.

ART. 8. Pourra être exclu de l'association tout membre qui au-

rait commis une faute contre l'honorabilité professionnelle ou dont les

SOCIÉTÉS SAVANTES. 309

agissements tendraient à compromettre la bonne harmonie entre les

membres de l'association. L'exclusion sera proposée par le comité à

une assemblée générale avec exposé des motifs. Elle ne pourra être

prononcée que si elle est votée par les deux tiers au moins des mem-

bres- présents.

ART. 9. - L'association est administrée par un comité qui com-

prend un président, un vice-président, un secrétaire-trésorier et quatre

membres.

ART. 10. Le président, le vice-président, le secrétaire-trésorier

sont nommés pour un an, et rééligibles. Les quatre autres membres

sont élus pour deux ans et renouvelables annuellement par moitié.

Ils ne sont pas immédiatement rééligibles. Les élections se font au

bulletin secret, au cours de l'assemblée générale annuelle prévue à

l'article 11.

ART. 11. L'assemblée générale annuelle concorde avec le Con-

grès des médecins aliénistes et neurologistes de langue française.

ART. 12. En dehors de cette assemblée annuelle et en cas de

besoin urgent, le président peut, sur avis conforme du comité, provo-

quer la réunion d'une assemblée générale extraordinaire. L'assem-

blée générale devra toujours être convoquée lorsque la demande en

aura été adressée au président, par lettre recommandée signée de 10

membres dé l'association.

ART. 13. Pour qu'un vole émis en assemblée générale soit vala-

ble, il faut que le quart au moins des membres de l'association soit

présent et que le vote ait été exprimé par la majorité des membres pré-

sents.

ART. 14. Le président dirige les travaux et les assemblées gé-

nérales de l'association. Il convoque le comité toutes les fois qu'il le

juge utile. Il représente l'association en toutes circonstances. A son

défaut il est suppléé par le vice-président ou, à défaut de celui-ci, par

un membre du comité désigné par lui.

ART. 15. Le secrétaire-trésorier perçoit les cotisations, paie les

dépenses faites pour le compte de l'association, garde les archives et

la caisse. Toute correspondance se fait par son intermédiaire Chaque

année, il présente un état de la caisse, et ses comptes de gestion sont

vérifiés par deux membres désignés par le comité.

ART 16. -En cas de dissolution de l'association, les sommes qu'elle

pourrait avoir en caisse seront versées à l'association de prévoyance

et de secours mutuels des médecins aliénistes

ART. 17. Toute discussion politique ou religieuse est formelle-

ment interdite pendant les réunions de l'association.

ART. 18. Le siège social de l'association est fixé à Paris.

Les statuts dont les articles précédent sont adoptés à l'unani-

mité des membres présents, après une deuxième lecture. Le prési-

dent propose ensuite l'élection de chacun des membles du comité ;

l'élection a lieu au sciutin seciet et donne les résultats suivants :

Président : M. le Dr Giraud, médecin-directeur de l'asile Saint-

Yon ; Vice-président , M. le Dr Vallon, médecin de l'Asile clinique

(Sainte-Anne) ; Secrétaire-trésorier, M. le Dr Antheaume, médecin

honoraire de la Maison nationale de Charenton ; Membres, MM.

les Drs Charon, médecin directeur de l'asile d'Amiens ; Rayneau,

médecin du quartiei d'hospice d'Orléans ; Mercier, médecin ad-

310 BIBLIOGRAPHIE.

joint de l'asile de Pienefeu ; Vurpas, médecin adjoint, chef de

clinique à la Faculté de Paris.

Les membres du comité élus remercient l'assemblée de la mar-

que de confiance qui vient de leur être témoignée et l'assurent de

leur dévouement aux intérêts de l'association. M. l'Inspecteur

général Drouineau est, par acclamation, nommé membre honoraire

de l'association. Le Président annonce que le compte rendu de la

réunion sera imprimé et adressé, avec une formule d'adhésion, à

tous les médecins qui remplissent les conditions spécifiées à l'arti-

cle 4, pour faire partie de l'association.

L'envoi de ce document était accompagné d'une lettre d'appel

qui se terminait ainsi :

Nous venons d'affirmer notre droit à l'existence par un premier

acte : l'introduction, devant le Conseil d'Etat, d'un recours contre les

arrêtés ministériels des 31 juillet et 12 septembre 1907, arrêtés mé-

connaissant, contre toute équité, les droits de la province pour créer,

en faveur de Paris et de la Seine, un régime d'exception absolument

inacceptable.

Si vous estimez que nous sommes dans la bonne voie, nous vous

demandons d'être des nôtres et de ne pas oublier que le plus grand en-

nui de l'aliéniste, c'est l'isolement où il a si souvent le tort de se com-

plaire.

BIBLIOGRAPHIE

VI. Les dégénérés dans les bataillons d'AJrique ; par le Dr

R. JUDE 1907.

Sous ce titre M. le Dr Jude, médecin aide-major aux hôpitaux

de Tunisie publie à lalibrairie Le Beau,de Vannes, une étude des

plus intéressantes. L'auteur montre les soldats du Bataillon « les

Joyeux » avant leur incorporation, puis il expose comment ils

se conduisent au corps soit entre eux,soit vis-à-v is de leurs chefs.

D'après lui, presque tous les joyeux sont des dégénérés qu'il

classe en diverses catégories puis étudie en groupe, «enfouie» »

se demandant quelle influence cette foule exerce sur la mentalité

individuelle. Il conclut que l'organisation actuelle est insuffisan-

te surtout parce qu'elle ne tient aucun compte de la mentalité

du soldat.

Une organisation nouvelle devrait, pense-t-il, pour donner

de bons résultats avoir pour base un examen mental approfondi

des recrues qui pourraient être ensuite réparties en deuxclas-

ses :

Les rares normaux et les dégénérés à tares peu accentuées

qu'on traiterait en soldats; et les plus tarés qu on tenterait de

relever par la vie agricole, sans leur confier la moindre arme. Le

BIBLIOGRAPHIE. 311

régime des punitions actuelles devrait être réformé, la cellule

transformée, la prison commune radicalement supprimée.

L'examen mental approfondi permettrait, dit l'auteur, non seu-

lement de traiter chaque homme suivant son nheau mentai,mais

encore d'éliminer des bataillons tous les aliénés. Pour conclure,

M. Jude réclame l'institution d'une expertise médicale obligatoi-

re pour tous les justiciables de Conseil de guerre et aussi la créa-

tion d'une poste d'aliéniste militaire expert près des Conseils de

guerre d'Afrique. T.

VII. La responsabilité; étude psycho-physiologique ; par A.

MAIRES. Masson et Cie, Paris, et Coulet et fils, Montpellier,

éditeurs, 1907.)

On n'a pas oublié le succès du livre du professeur Grasset : De-

mi-fous et demi-responsables; un an après sa publication, l'école

de Montpellier, qui semble devoir faire autorité en matière de

psychologie, se signale par l'étude nouvelle que vient de faire sur

la question le professeur Mairet.Elle paraît à un moment où la

responsabilité est plus que jamais une actualité à l'étude, puis-

qu'elle passionne non seulement les spécialistes, mais la masse

du public, dont la curiosité est mise en éveil par lapresse à l'oc-

casion de débats judiciaires qui sont d'hier et d'aujourd'hui.

'L'analyse scientifique s'est emparée à bon droit du problème de

la responsabilité ; s'il est d'ordre métaphysique en ce qui

concerne l'essence de cette dernière, il ne peut plus être consi-

déré comme une abstraction pure, car il est d'ordre biologique en ce

qui concerne ses manifestations.Considérant donc la responsabi-

lité comme une véritable fonction à laquelle concourent l'intelli-

gence et la sensibilité,lI. Mairet en dégage, au début de ses con-

sidérations, les éléments constitutifs, et montre que les éléments

dont se sert l'impulsif pour lutter contre son impulsion sont

les memesqueceuxdontse sert l'homme normal contre les mo-

biles qui l'entraînent.

La suite est consacrée à l'étude psycho-physiologique de ces

éléments : intelligence, peur de la punition, sensibilité morale,etc.

envisagés soit en eux-mêmes, soit par rapport aux mobiles qui

entraînent l'homme pourqui ils constituent à l'état normal des

moyens de délense suffisants.

Ces actions sur la responsabilité sont intéressantes au point de

vue de la médecine légale des aliénés ; du fait de la maladie, ré-

sulte une altération de la fonction responsabilité dont l'auteur

envisage lesgrandes conséquences ; après le point de vue médi-

co-légal, nous voyons l'ouvrage se terminer par des considéra-

lions philosophiques sur l'innéité du bien et du mal, sur le rôle

de l'éducation dans le développement de l'intelligence et de la

sensibilité morale. J. BOLET.

CORRESPONDANCE

Retraites des médecins d'asile.

Dijon, le 18 novembrel907.

Jlon cher rédacteur en chef,

Je viens répondre à l'appel contenu dans le n° 9 des Archives

et vous donner mon sentiment sur la question des retraites des

médecins d'Asile. Voici bientôt dix-huit ansque j'aifait,au Con-

grès de médecine mentale de Iloueii,une première communica-

tion sur ce sujet etj'y suis revenu au Congrès de dois. Depuis,

les choses en sont restées là ; de temps autre paraissent dans

les journaux spéciaux les doléances de quelques confrères, et de

nouveau le silence se fait. Cependant un desideratum se précise,

c'est celui de l'unification des retraites et leur mise à la charge

de l'Etat. Serait-ce un bien ?

J'ai démontré jadis que si nos retraites devaient être payées

par l'Etat, nos intérêts seraient gravement lésés du fait que, de-

vant être compris dans la section 111 du Tableau annexe de la loi

de 1853, notre rattachement pur et simple à la caisse des retraites

civiles nous ferait perdre, toutes choses égales d'ailleurs, une

somme pouvant varier de 1550 à 186G 1'1'. ,suivant les cas,et rétro-

grader de la moitié au tiers la pension des veuves.

J'affirmais que ce que les fonctionnaires des Asiles pourraient

gagner en sécurité relative serait trop amplement contre-balancé

par un amoindrissement certain et considérable de leur pension

de retraite, celle-ci devant être ramenée au taux uniforme de

4000 fr. Le mot de spoliation ne m'avait même pas paru exces-

sif pour caractériser la mesure, très libérale d'apparence, uni-

formisant nos retraites servies alors par l'Etat et j'avais proposé

de pallier ce que j'avais appelé une spoliation par un relèvement

du taux de la retraite devant porter celle-ci de 'lOOOà 4500 fr.,ma-

ximum nous faisant encore perdre d'ailleurs une moyenne de

825 fr. Pour obtenir ce dernier résultat, je suggérais l'idée d'un

remaniement de nos traitements et de la création d'une classe

exceptionnelle de 9000 fr.,non compris les avantages en nature.

Les arguments en faveur de ce relèvement ont été suffisamment

exposés dans mon travail de 1890 pour qu'il ne soit pas utile de

les reproduire ici et j'ajoutais que tous les médecins d'asile de-

vaient atteindre cette classe de 9000 fr. deux ans au minimum

avant la retraite.

La solution que j'apportais m'avait alors paru concilier à la

fois nos intérêts et ceux de l'Etat, mais je supposais préalable-

ment, définitivement acquis par voie législative, notre rattache-

ment à la Caisse des rclraites civiles. Or il y a toujours loin de

CORRESPONDANCE. 313

la coupe aux lèvres et rien ne permet d'espérer qu'aujourd'hui,

vu l'état actuel do nos finances françaises, nos législateurs en

quête d'économies -voudront augmenter le chiffre budgétaire

des pensions civiles, alors qu'il peuvent si facilement s'en dis-

penser. Or,à tout prendre, avons-nous bien intérêt à ce rattache-

ment ? a .le réponds : non, sans hésiter, ayant une solution bien

plus élégante, si je puis m'exprimer ainsi, à fournir aujourd'hui.

Et en effet, sur quel hugdet,en définitive, sont payés nos trai-

tements ? N'est-ce pas sur celui de l'Asile alimenté par des re-

cettes de toute nature ? Eh bien ! Ne serait-ce pas plus juste que

ce soit le budget de l'Asile qui paie aussi notre pension de retrai-

te ? Où serait la difficulté ? Où serait l'inconvénient ? Cela évi-

terait toutes les complications législatives et fiscales, si la loi

nouvelle disait par exemple : « Les traitements et les pensions

de retraites des médecinsfonctionnaires des asiles sont à la charge

de chaque établissement et doivent figurer à leurs budget.

( : 'est au budget de l'asile que seront versées toutes les .retenues

faites sur les traitements et avantages en nature. En cas de chan-

gement de résidence, le montant des retenues déjà faites sera re-

versé obligatoirement dans la caisse de l'Asile où le médecin est

appelé à exercer ses fonctions. La liquidation des pensions se

fera. d'après les règles et les tarifs de la caisse des pensions ci-

a îles (loi de 1853). Cette mesure aura son effet dans le mois qui

suivra la promulgation de la loi, mais ne sera applicable qu'à

ceux qui auront alors 15 ans de services révolus et aux débutants.

Avant l'âge de 65 ans, s'il est valide, aucun fonctionnaire ne

pourra être mis à la retraite, sans l'avoir demandé.

Voilà, mon cher rédacteur en chef, très sommairement expo-

séela solution libérale, équitable, facile à appliquer, sans à coups

budgétaires, qui apporterait à tous la sécurité réclamée. Il y au-

rait sans doute beaucoup à dire là-dessus, mais je ne eux pas

abuser de votre hospitalité et d'ailleurs le peu que je viens d'indi-

quer suffira amplement à provoquer les réflexions de ceux qui

auraient mieux à proposer sur la matière. Quant à l'as31milation

de notre situation avec celle des commissaires de police, elle ne

me paraît ni heureuse, ni désirable.

Veuillez agréer, mon cher Rédacteur en chef, l'assurance de

meilleurssenliments confraternels. Dr CARNIER.

Quartier d'aliénés de Nantes, le 29 mars 1907.

Monsieur le Président de la Commission administrative

des Hospices,

Au moment où les travaux d'agrandissement touchent à leur

fin dans la division des femmes et où ils vont commencer dans la

division des hommes, je considère comme urgent de proposer à la

Commission administrative une nouvelle organisation du service

314 CORRESPONDANCE.

médical, conformément au texte de la loi sur le régime des aliénés

qui vient de passer par une première délibération devant la Cham-

bre des députés et conformément aux voeux du Conseil supérieur

de l'Assistance publique.

Depuis le transport des aliénés de l'Hospice du Sanitat au quar-

tier de l'Hospice Saint-Jacques, c'est-à-dire depuis 1834, le ser-

vice a été fait par un seul médecin, jusqu'en 1853 par le docteur

Bouchet, décédé dans sa fonction, de 1854 à 1883 par le docteur

Petit, décédé aussi dans sa fonction, et enfin depuis 1884 par moi.

Peu à peu le nombre des malades s'est encore accru et, par suite

du défaut de places, l'administration préfectorale a été dans l'o-

bligation d'envoyer, à plusieurs reprises, des aliénés indigènes

dans d'autres asiles. Le Conseil Général, enfin, en 1901, rejetant

tout autre projet pour obvier à l'encombrement, construction

d'un asile départemental, placement familial, transferts collectifs,

accepta l'agrandissement et la transformation du quartier de

l'Hospice général suivant les plans proposés par la Commission

administrative.

Les travaux ont commencé en mars 1903 et ne doivent être

effectués que dans l'espace de neuf ans afin de n'apporter aucune

gêne dans le service, ou le moins possible.Leur exécution doit être

complète en cinq ans dans la division des femmes, c'est-à-dire en

1908, et ensuite en quatre ans dans la division des hommes, c'est-

à-dire en 1912.

A l'époque où le conseil général prit sa décision, il ne m'apparte-

nait pas de faire remarquer la lourde tâche qui m'incombait avec

une population de 700 malades, ni la tâche encore plus lourde qui

m'incomberait dans l'avenir avec les 1.050 aliénés que contien-

drait l'asile agrandi et reconstruit. Mais l'administration supé-

rieure ne consentit à laisser donner suite à cette décision qu'à cer-

taines conditions et, parmi elles, la création de deux emplois de

médecin-adjoint. Un premier titulaire, le docteur Houeix de la

Brousse, fut aussitôt nommé, la nomination du second ne devait

se faire que lorsque tous les travaux seraient très avancés ou com-

plètement terminés.

Le personnel médical comprend donc aujourd'hui un médecin

en chef, un médecin-adjoint et deux internes. La population est

de 760 malades et le mouvement de l'année dernière s'est fait re-

marquer par 345 admissions, 189 sorties et 140 décès.

Le médecin-adjoint n'a qu'un service réglementaire, il n'a au-

cune action dans l'exécution des prescriptions de la loi de 1838,

il n'a aucune responsabilité. Son rôle, ainsi défini, a été très dis-

cuté dans l'exposé des motifs du projet de loi Dubief, ancien minis-

tre de l'Intérieur et par le Conseil supérieur de l'Assistance pu-

blique à la suite du rapport de M. le docteur Bourneville. La loi

change son titre et augmente ses attributions, le Conseil supérieur

CORRESPONDANCE. 315

propose de conserver le titre mais d'augmenter, néanmoins, ses

attributions.

Actuellement, le m.édecin-adjoint est assimilé en quelque sorte

à un chef interne ; il ne peut mettre en valeur son expérience pro-

fessionnelle si le médecin en chef est actif et tient à remplir toutes

ses obligations réglementaires et légales ; il ne peut, en tout cas,

prêter son concours au médecin en chef dans les devoirs que lui

impose la loi, devoirs fort lourds quand la population est nom-

breuse et que le mouvement est élevé. Tel ne devrait pas être le

rôle effacé de ce fonctionnaire qui a déjà donné les preuves de son

savoir scientifique par des concours, celui de l'internat d'abord,

celui de l'adjuvat ensuite. Son service, accompli selon les règle-

ments en vigueur, ne lui est guère profitable et ne diminue en

rien les charges journalières du médecin en chef. Il ne semble avoir

d'utilité que lorsqu'il remplace le médecin en chef pendant ses ab-

sences ou pendant les vacances de l'emploi, c'est peu.

Le projet de loi et le conseil supérieur de l'Assistance publique

proposent avec raison de relever l'importance de la fonction des

médecins adjoints, qu'ils soient dénommés médecins traitants ou

qu'ils conservent le même titre. Dans l'un et l'autre cas, ces fonc-

tionnaires devront avoir une participation réelle et autonome dans

la pratique médicale et légale des asiles.

On-obtiendrait le résultat en sectionnant le service sèlon le nom-

bre des médecins adjoints ou traitants et en en confiant une part à

chacun d'eux. Dans sa part, le médecin adjoint ou traitant sera

soumis aux mêmes prescriptions réglementaires et légales, aura les

mêmes devoirs, les mêmes droits et la même responsabilité que le

médecin en chef dans la sienne. Celui-ci n'aurait en plus dans ses

attributions que le contrôle, l'étude et les propositions de toutes

questions intéressant le service médical dans l'asile entier, dans

toutes les sections.

Je reconnais que c'est avec justice que l'on agrandit ainsi les

fonctions des médecins-adjoints, ils méritent cette confiance. Ils

ne perdront pas un temps précieux dans un stage de plusieurs an-

nées et ils contribueront efficacement aux résultats qu'on doit at-

tendre d'un traitement vraiment scientifique des maladies men-

tales.

Le fonctionnement de ce système a déjà été tenté dans quelques

établissements, à l'asile d'Aix et à l'asile de Bordeaux, où le mé-

decin-adjoint a un service dans lequel il a la responsabilité régle-

mentaire et légale, c'est-à-dire qu'il remplit les fonctions de

médecin en chef dans le sectionnement qui lui a été confié. *

Je demande donc à la Commission, administrative de vouloir

bien approuve : l'organisation de ce système dans le quartier d'alié-

nés. Avec le personnel médical actuel, il y aurait deux services,

le service de la division des hommes et le service de la division des

316 CORRESPONDANCE.

femmes. Le médecin en chef exercerait dans la division des fem-

mes, la plus importante à cause de son agrandissement, des nou-

veaux modes de répartition et de surveillance et des nouvelles rè-

gles de thérapeutique qu'il y aura lieu de mettre en pratique ; le

médecin-adjoint, conservant son titre et gardant son rang dans le

cadre, exercerait dans la division des hommes et y remplirait les

fonctions de médecin en chef. Au médecin en chef reviendrait en-

core l'étude et la solution des questions générales intéressant les

deux services à la fois.

Quand le quartier aura son développement complet, lorsqu'il

pourra contenir 1.050 malades et que le second médecin-adjoint

aura été nommé, celui-ci devra avoir le service des infirmeries. Je

propose aussi qu'il y ait alors,d'après l'avis du Conseil supérieur de

l'Assistance publique, 1 interne pour 100 admissions annuelles, ce

qui porterait le nombre à 4. Je laisse à l'administration des Hos-

pices et à l'administration supérieure le soin de décider si c'est

plus tôt, ou seulement au temps fixé par les conventions, qu'il y

aura lieu d'augmenter le nombre des fonctionnaires du service

médical. ,- .

Tant que l'Asile n'aura qu'un médecin en chef et un médecin-ad-

joint, chacun chargé d'une division, il sera bon que, en cas d'ab-

sence ou d'empêchement de l'un d'eux, le service soit confié tem-

porairement à un des médecins suppléants des Hôpitaux, comme

au temps où j'étais seul, afin que l'autre n'ait pas un surcroît d'oc-

cupations le détournant fâcheusement du service quotidien de sa

division.

Quand l'asile possédera deux médecins adjoints, celui qui aura

les Infirmeries fera les suppléances dans les divisions, car son ser-

vice légal sera nul pour ainsi dire, et, quand il sera lui-même ab-

sent ou empêché, il sera suppléé par les médecins divisionnaires.

Les médecins adjoints ou traitants comme les médecins en chef,

doivent résider dans les établissements. Le commissaire du Gou-

vernement en a soutenu et démontré la nécessité à la Tribune de la

Chambre des députés. Peu après et pour bien marquer sa manière

de voir et sa volonté sur ce point, M. le Ministre de l'Intérieur, a

préféré laisser un des médecins de la maison nationale de Charen-

ton donner sa démission, plutôt que l'autoriser à résider au dehors.

J'estime urgente l'organisation que je propose pour le présent et

pour l'avenir. C'est le seul moyen de répondre aux volontés de la

nouvelle législation, aux voeux du Conseil général de l'Assistance

publique et de pouvoir suivre en tous points les instructions de la

circulaire ministérielle du 10 novembre 1906.

Si la commission administrative approuve l'exposé que je viens

de lui présenter, j'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien sou-

mettre ce projet de nouvelle organisation du service médical à l'a-

vis de M. le Préfet et à la sanction de M. le Ministre de l'Intérieur.

' VARIA. 317

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de mon plus

profond respect. Le médecin en chef.

. Signé : Dr A. BIAUTE.

La sanction ministérielle est encore attendue ce jour, 22 juin

1907.-

VARIA

Les aliénés EN LIBERTÉ.

Horrible mutilation. - Un jeune cultivateur de St-Etienne-la-

Thillaye, près Pont-l'Evêque, le sieur Léonce Dossin, 26 ans, at-

teint de dérangement cérébral, s'est tranché la jambe droite à

coups de serpe, dans un herbage voisin de sa maison. Un l'a re-

trouvé mort le lendemain matin. Il avait encore pu se traîner

pendant une dizaine de mètres. (Bonhomme Normand, 14 no-

vembre 1907.) .

Nancy, Pour attirer l'attention, des individus détruisent,

les chefs-d'oeuvre de nos musées, Un fou n'a pas trouvé autre

chose que de se livrer à des voies de faits sur un général.

Le général Gauthier, commandant la brigade de cavalerie du

20e corps d'armée, sortait hier matin vers onze heuies de son do-

micile, lue Saint-Georges, lorsqu'un homme correctement vêtu,

qui stationnait depuis quelque temps devant la maison se préci-

pita sur lui et lui porta un violent coup de parapluie à la tête. Le

coup fut porté avec une telle violence que le manche du parapluie

fut brisé.

Le général riposta par un coup de poing en plein visage de son

agresseur, qu'il maîtrisa et conduisit au bureau de police voisin.

Là, l'homme a déclaré se nommer Victor Barbier, quarante-

quatre ans, représentant de commerce à Nancy, Il ajouta qu'il

avait frappé le général pour attirer l'attention sur lui et pouvoir

ainsi exposer des griefs qu'il a à faire valoir contre un de ses pa-

rents, officier supérieur dans l'Est.

Barbier semble être un déséquilibré. Il a été interné dans un

asile de fous pendant quelques mois. Il a été mis à la disposition

du parquet. {L'Aurore du 29 oct.)

UN FOU assommé par ses gardiens.

Un certain Désabres, originaire du Cher, après avoir dans un

accès de folie subite, égorgé sa petite fille, était interné depuis

plusieurs années à l'asile de Beauregard, près de Bourges. Il avait

la réputation d'être le plus dangereux pensionnaire de la maison.

Aussi, vivait-il la plupart du temps en cellule.

Plus calme depuis quelques semaines, il avait obtenu du direc-

teur de l'asile l'autorisation de piendre ses repas en commun,

318 FAITS DIVERS.

lorsque, lundi soir, il se prit de querelle avec un de ses voisins.

Le gardien de service dans la salle. Auguste Gaumet, intervint

pour séparer les adversaires, mais le fou tourna aussitôt sa colère

contre lui et le frappa avec sa cuiller. Gaumet appela à son se-

cours trois camarades pour maîtriser Desabres, qui fut traîné

hors de la salle et transporté dans une cellule.Là, se passa une

scène de sauvagerie inouie ; les gardiens Gaumet et Cassier, irri-

tés de la résistance de l'insensé, l'assommèrent à coups de sabot

et de soulier, et lui brisant deux côtes, le laissèrent pour mort.

Le docteur Homery, directeur de l'asile de Beauregard, fit aussi-

tôt transporter le malheureux fou à l'infirmerie, où il lui prodi-

gua ses soins, et s'empressa d'informer le parquet de Bourges, qui

donna l'ordre d'arrêter Gaumet et Cassier.

FAITS DIVERS

Asile d'aliénés. Mouvements de septembre et d'octobre.

M. le Dr GI1,IBAL, médecin adjoint à Prémontré (Aisne), nom-

mé médecin adjoint à Lvreux (Eure.) M. le Dr Guyot, dir.

médecin de l'asile d'aliénés de Chàlons-sur-Jlarne, admis à faire

valoir ses droits à la retraite, est nommé directeur médecin en

chefhonorane des Asiles publics d'Aliénés. M. le Dr CHARUEL,

médecin en chef à l'asile de Jlaréville (Meurthe-et-Moselle) nom-

mé directeur médecin de l'Asile d'aliénés de Chalons-sur- : \la1'lle.

- M. le Dr PASTUREL, médecin adjoint il Naugeal (Ille-Vienne), pro-

mu à la lre classe du cadre. M. le Dr VERNET, médecin adjoint

à l'Asile de Moulins, promu à la classe exceptionnelle du cadre.

Asiles d'aliénés. -Mouvement de novembre hui07. M. Je

Dr Pain, Directeur-médecin à l'asile de la Roche Gandon (Mayen-

ne), promu à la 2c classe du cadre. M. le Dr Colin, médecin

en chef de l'asile des aliénés de Villejuif (Seine); promu à la 1 ? ,'C

classe du cadre, M. le Dr \'IALLON, médecin en chef de l'asile

des aliénés de Dron (Rhône), promu à la lre classe du cadre.

M. le D'' Dezmakte, directeur de l'asile des aliénés de Naugeat

(Haute-Vienne, nommé médecin en chef de l'asile des aliénés de

Maréville (Meurthe-et-Moselle). M. le Dr Papillon, médecin-

adjoint, nommé médecin en chef à l'asile de Brion (Rhône), poste

créé. - M. le 1) I)oDrRo, médecin-adjoint, nommé médecin en

chef à l'asile de Cron (Rhône), poste créé. M. le Dr BRUNRT, mé-

decin-adjoint de l'asile d'aliénés de Saint-Yon (Seine-Infé-

rieure), nommé directeur médecin de l'asile d'aliénés de Nau-

geai, (Haute-Vienne). - il. le Dr Rodiet, médecin-adjoint à l'a-

sile de Clermont (Oise), nommé médecin-adjoint à Saint- Yon

FAITS DIVERS. 319

(Seine-Inférieure). M. le Dr DR01 ! ARD, médecin-adjoint à l'a-

sile de Marseille, nommé médecin-adjoint à l'asile de Clermont

(Oise). M. le Dr Aubin, directeur de l'asile de Bassens (Savoie)

nommé directeur de.l'asile de Marseille, en remplacement de M.

Denizet; retraité. M. V AULBERT, nommé directeur de l'asile

de Bassens (Savoie), en remplacement de M. le Dr Aubin.

Distinctions honorifiques.- Médaille d'argent de l'Assistan-

ce publique. M. DAVY (François-Louis), gardien à l'asile privé

d'aliénés de Lehon (Cûtes-du-Nord), faisant fonction d'asile pu-

blic, 32 ans de services au quartier des malades agités et dange-

reux de cet établissement ; M. le Dur GIR.1UD, directeur médecin

de l'Asile d'aliénés de Saint-Yon (Seine-Inférieure).

Médaille de Bronze de l'Assistance publique. - JI. Boucher.

(Victor), infirmier reposant à l'asile des aliénés du Mans.

Asiles DE la SEINE. - Concours pour la nomination aux

places d'interne titulaire en pharmacie dans les asiles publics

d'aliénés du département de la Seine. Asile clinique, asiles de

Vaucluse, Ville-Evrard, Villejuif et Maison Blanche.- Le lun-

di li janvier 1 ! ils, à une heure précise, il sera ouvert, à l'asile

clinique, rue Cahanis no 1, à Paris, un Concours pour la nomi-

nation aux places d'Interne titulaire en pharmacie dans lesdits

établissements. Les candidats qui désirent prendre part à ce con-

cours devront se faire inscrire à la Préfecture delà Seine, service

des aliénés, 1er bureau, annexe de l'Hôtel de Ville, 2, rue Lobau,

tous les jours. Dimanches et fêtes exceptés, de dix heures à midi

et de deux à cinq heures. Le registre d'inscription sera ouvert

du lundi 9 au samedi 21 décembre 1907 inclusivement.

'lEaaISLS drame de la FOLIE. -Depuis plusieurs semaines, le

sculpteur Van Beylen, qui jouit à Anvers d'une certaine noto-

riété, présentait des symptômes de dérangement cérébral. La

nuit dernière, il demanda à sa femme d'aller lui chercher un ha-

reng.Lorsque sa femmere vint avec le poisson demandé. le sculp-

teur se mit soudain en fureur et s'écria, en roulant des yeux ha-

gards : « Mangez-le vous même ; mais que vois-je ? Vous avez

la manche droite retroussée ? Cela signifie que vous devez mourir.

Puis il s'empara d'un énorme couteau, et se jeta sur sa femme.

Un corps à corps s'engagea, tandis que les enfants, terrorisés,

s'accrochaient à la jupe de leur mère. Après une lutte déses-

pérée Mme Van Beylen parvint à se dégager, et se sauva en em-

portant un de ses enfants. Quatre agents accoururent à son do-

micile, où le fou brisait tout dans son ménage. Les enfants s'é-

taient cachés sous le lit. Le malheureux décrocha dans une pano-

plie une lance congolaise et fondit sur les agents. L'un d'eux eut

la main droite traversée, tandis qu'un autre était atteint au ven-

320 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

tre. Voyant qu'ils ne parviendraient pas à s'emparer du fou fu-

rieux, les agents se retirèrent. Dans la rue, l'agent blessé au ven-

tre s'affaissa, et il fallut le transporter d'urgence à l'hôpital, où

il arriva mourant. Le commissaire de police envoya alors douze

agents qui, sabre au clair, gardèrent jusqu'au malin la maison

de l'aliéné.A cinq heures du matin, un agent en bourgeois péné-

tra dans l'appartement. 11 parvint à emmener les deux enfants. A

huit heures enfin, la police parvenait à s'emparer du malheureux

fou. On le ligota, et on le conduisit à l'hôpital. (La Liberté du 1er

Novembre. )

CONCOURS POUR la place de médecin suppléant dk 131CITRE.

Ce concours s'ouvrira le 25 novembre. Le jury est définitivement

composé de : MM. Houloche, Bourneville, Charpentier, Letulle,

LwolI, llénon et Roubinowitch. Les candidats sont MM. Bernard

Leroy, Juquelier et Vurpas.

NECROLOGIE. - Nous avons le if regret d'annoncer la mort

du Dr N. VASCHIDr ? directeur adjoint du laboratoire de psycho-

logie expérimentale de l'Ecole des Hautes Etudes à l'asile de

Villejuif, décédé le 13 octobre, à l'âge de 33 ans, à Paris.

EpRATUM.A l'occasion d'un fait divers que nous avons pu-

blié page 249 sous le titre : Drame de la folie, il a été dit que la

nommée Juliette Tirfoin avait été internée à l'Asile de Prémon-

tré pendant 12 ans et était sortie de l'Asile le 12 août. «Cette infor-

mation n'est pas exacte, et notre honorable collègue, M. le Dr Pil-

leyre, nous écrit que Juliette Tirfoin n'avait jamais été internée

à Prémontré avant son acte de folie.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

BEN;-] ! \nDE. La Neurasthénie. Les vrais elles faux neurasthé-

niques. Vol. in 8° de 510 p. Prix : 8 J'r.

CuLLÉHE. Rapport du directeur-médecin de l'Asile d'aliénés

de la Hochc-siU'Yon. ]3rocli. de 343 pages. Servanl-Maliaud, édi-

Leur à la Itoche-sur-l'on.

LADAMR (V.). Le nouvel asile des aliénés à Genève elles ques-

lions qui s'y rattachent. Historique de la création de l'Asile de

Bel-Air. 13rocli. de 110 pages. Georg. libraire à Genève.

Mairet (A.). La jalousie. Elude psycho-physiologique. Vol.

in-S' de 194 pages. Chez Coulel el fils (éditeurs) Montpellier el

chez M. Masson,édileur à Paris.

Le rédacteur-gérant : Houhnen ille.

Clermont (Oise). Imprimerie Daix frères et Thiron.

Vol. II. 3= Série. Novembre 1907. N° Il

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE; ,

Sur un cas de délire à deux avec modes dëaébút f

et de collaboration un peu spéciaux. Intoxica..

tion suraiguë par l'alcool à brûler chez l'une

des codélirantes.

Par LE DT G. G. DE CLI : ItA111BAUL1',

Médecin-Adjoint de l'infirmerie Spéciale des Aliénés près la

Préfecture de police.

L'observation qui va suivre est celle de deux délirantes

présentant des vésanies distinctes, mais un thème déli-

rant commun, et n'ayant eu qu'une collaboration inter-

mittente, mais s'étant donné l'une à l'autre une stimu-

lation énergique et des idées à mettre en oeuvre.

I. - A l'Infirm erie spéciale du Dépôt, le 14 sept. 1906 un

femme de 43 ans, débile, persécutée mélancolique et réticente, di-

sait à propos des injures que lui adressaient dans la rue des incon-

nus : «M ? Granet peut en témoigner ; elle en a reçu aussi sa part».

M",c Granet était une dame qui l'avait jadis employée,avec laquelle

elle restait liée, et qui était « beaucoup plus pieuse qu'elle ».L'inté-

rêt de cette liaison entre deux persécutées, joint au besoin d'être

renseigné sur les actes de notre malade, décida notre chef, M. le

Dr Legras, à faire convoquer M ? Granet pour sa visite du len-

demain. Elle s'y rendit très volontiers, ayant elle même beaucoup

à dire, et nous raconta avec verve tout un roman.

Vers l'âge de 18 ans, elle avait fait la connaissance chez ses pa-

rents, alors aisés, d'un ingénieur, client assidu du café dont ils

étaient propriétaires ; il l'enleva, et vécut maritalement avec elle,

aux environs de Paris, pendant 10 ans. Mère de trois enfants,

elle menait une vie bourgeoise, pensait à régulariser sa si-

tuation, et s'estimait en somme heureuse, lorsque survint une

catastrophe. Son amant, l'ingénieur Briquet, ayant fait de grosses

pertes d'argent dans une affaire industrielle, crut se rétablir ne

Archives, 3' série. 1907, t. II. 21

322 CLINIQUE mentale

falsifiant des titres frappés d'opposition,et fut condamné aux tra-

vaux forcés pour 10 années, avec interdiction de séjour pendant

12 ans. Elle même, soupçonnée de complicité, aurait été détenue

à Saint-Lazare quinze jours, en compagnie de ses trois enfants ( ? )

puis déclarée hors de cause. Au cours de l'instruction, elle aurait

connu un certain magistrat dont l'attitude hostile lui aurait laissé

une vive impression, bien qu'il ne lui ait dit que quelques phrases

et soit celui qui, semble-t-il, l'aurait fait remettre en liberté.

Après sa condamnation, Briquet aurait dit à sa maîtresse qu'il

se faisait fort de s'évader, que bientôt on le reverrait, et qu'il pos-

sédait encore certains titres, ceux-là authentiques, titres contenus

dans une valise en consigne à la gare du Nord. Ceci se passait en

1888. Au bout de quelques mois, les journaux annonçaient l'éva-

sion du forçat Briquet, qui est resté depuis lors introuvable.

En 1889, 11 ? Granet vit paraît-il entièrement seule, puis vend

ses meubles et se cherche un ou des protecteurs,«car il faut nourrir

ses enfants ». Mais depuis l'affaire Briquet, elle n'a plus que des

malchances, et de la galanterie élégante elle tombe à la prostitu-

tion. D'ailleurs elle se flatte d'y avoir apporté un esprit d'ordre et

une décence exceptionnels. Elle ne ramenait chez elle que des hom-

mes distingués, qui lui revenaient comme par roulement; jamais

nul n'est resté chez elle jusqu'au matin; elle n'aeu que des rapports

d'estime avec ces messieurs de la police, et sa santé est excellente.

Le jour elle faisait de la couture,ets'adonnaità à la piété. Dans tou-

tes les églises de Paris elle connaît les noms des abbés, quêteuses,

bedeaux, vendeuses de cierges, ainsi que des dévotes principales.

Et elle payait un prix élevé pour l'éducation de ses fillettes, pla-

cées par elle en Angleterre, dans un couvent.

Nous n'avons pas de données précises sur ses parents. Elle est

certainement une dégénérée, peut-être aussi une hystérique. Su-

perstitieuse, elle aurait éprouvé de tout temps ce qu'elle appelle

des intuitions. Par là, elle désigne indistinctement des interpré-

tions fortuites, des associations d'idées soudaines, peut-être des

hallucinations psychiques (nous ne disons pas psycho-motrices),

des visions plus ou moins précises, ou encore un mélange de tout

cela. Ainsi, qu'elle se représente subitement telle personne accom-

plissant tel acte, c'est signe que tel acte a eu lieu, telle autre vision

sera le symbole de tel évènement réalisé, telle autre voudra dire

simplement qu'elle a raison.«Ces intuitions ne la trompent jamais ».

Un jour de l'année 1901, comme elle pensait à des choses indiffé-

rentes, simultanément il lui vint la vision du capitaine Dreyfus,

emprisonné à l'Ile du Diable, et l'impression d'une grande souf-

france. « Cet homme souffre trop, est innocent» pense-t-elle.

Une de ces intuitions les plus anciennes lui avait montré le juge

d'instruction, son ennemi, tenant en main une valise, la même e

dont lui avait parlé son amant, et qui devait contenir des valeurs.

Elle n'aurait compris qu'en 1903 toute l'importance de cette vision

SUR UN cas DE délire A deux 323

survenue en 1888. Nombre de ses intuitions furent d'origine cé-

leste ; jamais elles n'ont pris le caractère de voix. Elles ont tou-

jours été plus vives et plus nombreuses dans les moments de ma-

laise moral (1888, procès ; 1901, rupture avec un protecteur et

mécontentement au sujet de ses filles ; 1903, persécutions.) Brus-

ques et intermittentes, elles ne sont reliées entre elles par nulle

image et nulle idée. Il leur arrive seulement plus tard d'être objet

d'interprétations syllogistiques. Un sentiment superstitieux,

cependant, occupe d'une façon continue NI"'e Granet, celui d'une

fatalité acharnée contre elle : « Rien ne lui réussit plus, de tous

côtés on la tracasse et on l'espionne ; tout cela dure depuis 14 ans,

depuis le procès qui a tout changé. » Un de ses enfants est mort ;

les deux autres tournent mal, trompant ainsi des espérances de

près de vingt ans, un amant précieux l'abandonne ; des dis-

putes avec ses deux filles viennent lui porter un dernier coup

elle vieillit, et se trouve moralement très seule (1902).

A ce moment elle fait la rencontre de sa future codélirante qui

lui plaît instantanément. C'est notre malade, Marie Forel, domes-

tique, alors à la recherche d'une place. C'est une débile, avec dis-

positions mélancoliques, peut-être un peu déprimée à cette époque,

mais néanmoins capable d'une bonne activité, sujette à des colères

durables, plus que violentes, à dès crises de suffocation et de lar-

mes durant parfois « un jour entier ». Elle paraît avoir traversé, il

y a quinze ans, une période vaguement délirante, réduction de son

état actuel. Un amant, d'un rang supérieur au sien, et qui habitait

dans sa maison, lui ayant défendu sans succès de fréquenter telle

ou telle autre femme de la maison, et lui ayant dit, par jalousie,

qu'elle se donnait l'air d'une lesbienne, elle aurait pensé très long-

teps que diverses personnes, dans l'entourage, portaient la même

accusation. Cela avait pris dans la maison. » Longtemps les gens

n'y ont plus pensé, on a recommencé depuis quatre ans. » Elle

semblait donc pencher vers la mélancolie plutôt que vers la per-

sécution. En 1902, elle n'était pasdénuée de ressources; trois vieilles

filles, dont l'association ne manquait sans doute pas de pittores-

que, lui avaient sous-loué une de leurs chambres'; elle passait ses

après-midi à bavarder dans un certain bureau de placement, et se

créait de petits bénéfices en tirant les cartes aux autres femmes,

sans places comme elle.

L'histoire de sa jonction avec Mme Granet·illustre cette donnée

bien connue des attractions qui réunissent pour ainsi dire aux

mêmes ronds-points, et des sympathies qui signalent les uns aux

autres les dégénérés de types divers (Morel, Magnan,

Blanche). Cette notion se retrouve à chaque pas dans l'étude de

la pathologie collective (toxicomanie, criminalité, ou codélire).

Marie Forel tirait les cartes chez une fleuriste, accessoirement

manucure et peut-être autre chose encore, quand se présenta Mme

324 CLINIQUE MENTALE.

Granet, qui, après quelques mots lui dit : « Venez chez moi

vous me ferez mon ménage le matin, et en outre vous me tirerez

les cartes. » Marie vint quelques heures chaque jour, et au bout de

deux semaines elle disait à sa maîtresse. « C'est drôle comme tout t

le monde me connaît dans votre quartier, je n'y comprends rien,

je croirais qu'on me suit «. « C'est comme moi ; dit M ? e Granet.Je e

ne voulais pas vous en parler. »

Nous nous sommes fait redire par l'une et par l'autre,

séparément, nombre de fois cet épisode, et le récit fut tou-

jours le même. Quinze jours après l'entrée en service de

Marie, dialogue entre elle et sa maîtresse. La servante dit

de son propre mouvement : « Je crois être suivie ». La

maîtresse répond aussitôt : Je le suis aussi ; je ne voulais

pas le dire la première ». Après quoi,la maîtresse raconte

l'histoire du père de ses enfants, toutes les deux sont très

ennuyées, mais à ce moment-là ne tentent rien pour se

défendre, etc. Leur conclusion est : aucune de nous d'eux

n'a été suivie la'première ; nous l'avons été en même

temps ».

On pourrait se demander si la réponse de Mme Granet

« Je le suis aussi » ne serait pas le fait d'une intuition ins-

tantanément transformée en illusion rétrospective. Mais

divers traits déjà cités et la tendance paranoïaque si accu-

sée à l'heure actuelle prouvent qu'elle a devancé son

amie dans la voie de l'interprétation et de la méfiance.

Comme aucune confidence notable n'avait encore été

échangée jusqu'à ce dialogue, il faut admettre que la

maîtresse a suggestionné sa servante à son insu. Elle a dû

1 e faire par l'attitude, par diverses remarques incidentes,

par des recommandations spéciales. Marie Forel déclare

nettement : «Avant de connaître Mille Granet, je n'avais

pas été espionnée, ni tracassée, j'étais tranquille ». Est-

ce à dire que NI ? Granet fut cause principale du délire

qui se déclarait chez sa servante ? Nous ne le pensons

pas.

La servante se trouvait d'avance en imminence mor-

bide, cela à un degré tel qu'un adjuvant extérieur quel-

conque pouvait déterminer chez elle le déchaînement

d'une vésanie et cette vésanie eùt contenu, sans douto

bien qu'à un degré un peu moindre, quelques idées de

persécution. Les preuves de l'imminence morbide, nous

SUR UN CAS DE DÉLIRE A DEUX 32G

les trouvons dans les antécédents de la malade, dans son

malaise moral, dans la rapide éclosion de son délire, enfin

dans l'évolution ultérieure. Sans la rencontre de Mme

Granet, elle serait entrée à coup sûr plus tardivment

dans sa vésanie dépressive, elle aurait débuté peut-être

par des idées mélancoliques, au lieu d'idées de persécu-

tion, l'appoint qui restait nécessaire pour déterminer

l'éclosion de la vésanie aurait pu être fourni par un plus

long chômage, par la diminution de ses ressources, ou par

quelque incident fortuit ; il pouvait arriver aussi que,

malgré cette imminence aiguë, nul délire ne se fût déclaré

à cette époque : il n'en serait pas moins vrai que l'im-

minence existait, et que toute cause pouvait déclancher le

délire, autrement dit, que pour la naissance de ce délire

un processus de contagion n'était pas spécialement néces-

saire. Ordinairement, dans les délires communiqués pro-

prement dits, le sujet passif apporte pour quote-part

l'aptitude morbide, mais non l'imminence morbide ; celle-ci

lui est conférée peu à peu par la vie commune avec lesujet

actif. Ici le sujet qui semble passif arrive au contact de

l'actif pourvu de son imminence morbide. La genèse de

l'état délirant s'est donc faite, chez le sujet passif, pour la

plus grande part spontanément, et pour la moindre, par

influence. Entre nos deux codélirantes, il y a simultanéité

pour ce qui est de l'imminence morbide, communication

pour l'idée seulement.

Déjà sous ce rapport, notre cas participe de deux pro-

cessus et ressortit à deux prototypes. Mais il faut en

outre remarquer que l'idée délirante n'est pas tout le

délire. Notre sujet, à demi-passif, nanti d'une idée déli-

rante, y réagira d'une façon si personnelle qu'elle nous

prouve qu'il était porteur non seulement d'une diathèse

psychique héréditaire, mais encore de cette même dia-

thèse dans un état d'activité.

II. Marie Forel est restée au service de M'Ile Granet en-

viron sept mois (du milieu de mai 1902 au 14 décembre de la même

année). La découverte de l'espionnage eut lieu quinze jours, au

plus trois semaines, après le début de leurs relations, et cela, bien

qu'elles ne se vissent que deux ou trois heures par journée.Pendant

les six mois qui suivirent, elles furent constamment espionnées, on

surjetait des regards suspects. « Nous étions intriguées, nous

cherchions d'où pouvait venir cet espionnage, nous ne savions

326 CLINIQUE MENTALE.

rien, nous pensions que cela finirait. Pour Marie Forel, c'était

du nouveau ; elle n'avait jamais connu ça ( ? ). Avant de me con-

naître elle était tranquille ( ? ) Depuis, elle ne l'a jamais été.

, Bientôt les deux femmes sont certaines que leurs espions for-

ment une bande ; on cherche quel en peut être le chef ; au bout

de quelques mois, la servante déclare « sûrement c'est le père de

vos enfants ». En octobre 1902, M"'e Granet change de quartier,

tout en gardant Marie Forel à son service.

Chez celle-ci, le délire avait progressé plus rapidement que chez

sa maîtresse. Nous croyons aussi que celle-ci, par nature

était assez peu portée à chercher logiquementles raisons de la

conspiration ambiante, qu'elle ne posait pas les questions, et

qu'elle y répondait seulement par intervalles, avec son ima-

gination. Mais elle tirait de son propre fond une crainte spé-

ciale, celle d'être accusée d'habitudes lesbiennes. De plus, en moins

de trois mois (juillet 1902) des hallucinations surviennent; les gens

qui la croisent dans la rue murmurent des insultes « entre leurs

dents ». Elle est seule à entendre les sons et à voir le mouvement

de la bouche. Sa maîtresse n'entendra des voix quel'année suivante

Par contre, toutes deux ont en commun, après octobre 1902,

une grande vigilance auditive, allant jusqu'à des illusions. Ainsi

elles entendent simultanément dans les logements voisins du leur

« des toussements, des crachements, et des cognements». Tou-

jours plus positive, 1\1 ? Granet voit sa vie menacée, on jette un

boulet à l'étage au-dessus, on essaie de forcer sa porte ; d'octobre

1902, à janvier 1903, on met de l'arsenic sur son pain.

Marie Forel plus déprimée, plus résignée, était aussi plus silen-

cieuse. Elle n'a pas fait savoir qu'elle entendait des mots grossiers,

ni qu'on la soupçonnait de lesbisme. Elle ne se cherche pas d'enne-

mis personnels, ne voit que ceux de M'"e Granet ; elle commente les

persécutions, sans être personnellement méfiante : elle a honte

d'être mal jugée, elle est très humble.

Dans leur idéation commune, les prières jouent un très grand

rôle ; beaucoup de convictions viennent du ciel. La cartomancie

les confirme ou les prépare. Les confidences ne vont peut-être pas

jusqu'à apprendre à la servante la petite industrie vespérale de la

maîtresse, elle connaît seulement ! l'amant principal, Comte de Cam-

bert, à qui d'ailleurs elle ne plaît pas et qui veut la faire congédier

« Le comte ayant quitté madame », l'argent manque, aussi la per-

sécution redouble, et les deux femmes doivent se quitter ; la maî-

tresse assure que c'est faute d'argent, et la servante pour mettre

fin aux accusations de moeurs saphiques, dont d'ailleurs elle ne par-

le pas à sa maîtresse (elle n'y fera allusion que plus tard).

Séparées, les deux femmes se rendent visite de temps à autre ;

le plus souvent 1\i"'c Granet vient dîner chez Marie Forel, qui ne

travaille pas. 1\l'lle Granet, active, méfiante, sans cesse occupée de

SUR UN CAS DE DÉLIRE A DEUX 327

raisonnements, voit se multiplier sesennemis; mais elle n'a d'hal-

lucinations qu'après un an de délire actif, et peu nombreuses, Marie

Forel, au contraire, a des intervalles d'accalmie, est généralement

déprimée ; elle raisonne peu, n'a pas de tendance à organiser son

délire ; en revanche elle a de riches hallucinations, et d'autres i'or-

mes'd'idéation automatique. M ? Granet, toujours de mise correcte

et d'élocution abondante, s'adonne à ses occupations sans que rien

dans ses allures ordinaires trahisse son délire ; parfois seulement

une plainte lui échappe, ou elle fait une démonstration intention-

nelle et limitée ; Marie Forel, au contraire, dans toutes ses allures,

trahit ses préoccupations, son apathie, son déséquilibre ; mais elle

ne fera d'acte médico-légal qu'en des tentatives de suicide. Mada-

me Granet, nous l'avons vu, a donné le coup de pouce décisif aux

tendances délirantes de l'autre ; celle-ci prend sa revanche actuel-

lement en fournissant par intervalles des éléments au travail inter-

prétatif de son amie, en l'orientant à son insu vers le romanesque,

en l'incitant aux hallucinations et peut être en accélérant l'évolu-

tion négalomane ; car elle l'admire et volontiers(penchant heu-

reux pour une cartomancienne) elle est optimiste pour autrui. Son

ex-maîtresse lui garde une vive reconnaissance pour lui avoir four-

ni telle donnée dont elle fait ultérieurement un grand usage.

'» En 1903, dans la nouvelle maison de 1\I"'e Granet, fréquentent

des individus mystérieux, qui usent de perruques et de fausses bar-

bes, simulent des voyages, des absences. Leur manège semble se

ralentir quand revient un peu de prospérité, c'est-à-dire quand le

Comte reparaît. Mais celui-ci veut défendre à 1\i"'e Granet de rece-

voir les visites de Marie Forel ; en conséquence, il deviendra per-

sécuteur dans quelque temps. Le Comte repart, 111 ? Granet est in-

juriée par les personnes de sa maison, elle s'en plaint à Marie Forel

qui lui répond : « Et moi, on vient de m'appeler soulotte. Pour

quoi ne me l'aviez vous pas dit ? ». En octobre 1903, un grand jeu-

ne homme, très distingué, se fait remarquer pas ses déguisements.

En avril 1904, 111"'e Granet veut donner congé ; ses ennemis furieux

frappent sa porte, lui envoient des mots orduriers, crachent sur son

palier, l'enferment, font tomber de la poussière par les fenêtres.

Par crainte des insultes de la rue, elle reste deux mois sans sortir

sa concierge lui apporte à manger. Le 15 juillet, lendemain du

terme, on l'expulse. Elle se loge en hôtel meublé, puis part en pro-

vince, près de sa mère, pour obtenir un peu d'argent ; car ses meu-

bles sont sous séquestre.

Durant le même temps, Marie Forel logeait encore chez ses vieil-

les filles ; mais elle s'aperçoit qu'un Monsieur, elle devinera plus

tard lequel, habite une chambre « exceptionnelle » d'où il l'observe.

Obsédée, distraite et dolente, elle ne fréquente plus les églises. En

mars 1904, elle trouye un emploi chez une jeune femme, qui reçoit

z28 CLINIQUE MENTALE

des messieurs et à qui elle tire quelquefois les cartes. Ses services

sont peu appréciés, on la trouve quelque peu bizarre ; les visites

qu'elle reçoit de M ? Granet indisposent contre elle sa maîtresse,

finalement, la scène suivante se produit. La maîtresse, Mme Nelly

Dor, en entendant que M" Granet veut voir Marie, défend à celle-

ci de la recevoir ; et Mme Granet l'entend dire : « Ah partez, mais

qu'elle ne monte pas », Marie Forel perd sa place (juillet 1904), et

Nelly Dor, dans quelque temps, va devenir une persécutrice.

En août 1904, M"'0 Granet, qui a déménagé encore, aperçoit

dans un restaurant deux femmes suspectes ; l'une est la mère.l'au-

tre est la soeur de Nelly Dor.

En septembre 1904, soit six semaines après son renvoi, comme

Marie Forel parlait de Nelly Dor à son amie, elle ajouta incidem-

ment. « Que je vous dise, elle a au Crédit Lyonnais un coffre-fort.

Mais je ne sais si tout le contenu lui appartient, à plusieurs reprises

elle a dit : Quel malheur, s'il arrivait quelque chose à ce coffre-fort,

ma soeur Marguerite a mis différentes choses dedans, tout serait

perdu. »

M'°e Granet en conclut vite que les valeurs de ce coffre fort lui

appartiennent. Apprenant par Marie Forel que Nelly Dor a habité

rue du Printemps elle fait dans cette rue une enquête sur le passé

et sur les relations de Nelly Dor. Des concierges plus ou moins ru-

sés lui fournissent des indications illimitées. Dans les descriptions

qu'on lui fait, elle reconnaît diverses personnes, et tout un roman

s'organise, avec, pour centre, l'idée de richesse.

En octobre 1904, on l'enfume, on urine à sa porte, on s'étonne

de la voir vivante ; les figures se renouvellent sans cesse autour

d'elle. Dans toutes les églises de Paris, dont elle visite plusieurs

chaque jour, des prêtres toussent ou font des signes.De même les

bedeaux, les quêteurs et les dévotes ; des femmes déguisées en re-

ligieuses simulent la truie ou la brebis et un Ministre radical

les encourage ; il tient en main un chapelet rouge, un homme fait

le coq pendant la messe. etc. De sa chambl e, elle entend des voix

dans les chambres voisines ; un éditeur et un magistrat, qui la

regardent comme la personne la plus dépravée de l'univers, exci-

tent ses filles à l'injurier et probablement abusent d'elles.

Ce même mois, elle adresse une plainte au Procureur, cherche à

intéresser à sa cause la direction d'un grand journal, puis pensant

que.pour toucher les fonds qui l'attendent au Crédit Lyonnais, il

lui faut un extrait de son acte de naissance, elle part dans son pays

natal. Durant tout le trajet, elle rencontre des gens que d'une pa-

role, d'un geste, d'un regard, elle fait pâlir, ou met en fuite. En

décembre 1904, deuxième plainte au Procureur. En janvier 1905,

troisième plainte ; puis démarche auprès d'un publiciste.

En février 1905, plainte au Commissaire de Police de son quar-

tier. Quatrième lettre au Procureur, et départ soudain pour Dun-

kerque, à la recherche d'un docteur Mollenbecque, ancien médecin

' SUR UN CAS DE DÉLIRE A DEUX 329 9

de l'armée. En mars, lettre au ministre de la justice, visite à un

grand avocat.

Le 2 avril 1905, manifestation dans la rue. Mme Granet attend

la sortie de Nelly Der, et,la saisissant par le bras, lui dit : « Vous

êtes une voleuse, vous ne vivez qu'avec ma propre fortune, ve-

nez avec moi chez le commissaire ». Les concierges dégagent Nelly

Dor, et Il", Granet, sortant de sa poche une nouvelle lettre au

Procureur,la lit aux passants rassemblés dont plusieurs lui donnent

ce conseil : « Portez donc cela à tel journal. » Elle est laissée en li-

berté, sous promesse de ne pas recommencer ; elle a d'ailleurs, dit-

elle, voulu faire un peu de bruit, mais non se livrer à des violences.

En août 1905, le Comte de Cambert lui donne rendez-vous au

Trocadéro, mais il a soudoyé des gens pour l'étrangler, elle n'y

va pas. A la même date, elle met à la porte ses deux filles, qu'elle a z

continué de recevoir jusqu'à maintenant. Vers novembre 1905 on

commence à l'appeler « Lesbienne », comme son amie. En 1906, on

installe auprès de son lit un appareil électrique, grossière imitation

de celui qui fonctionne chez Marie Forel ; celui là se contenue de

chauffer la tête, et d'exhaler des « odeurs d'hommes », elle doit

coucher la fenêtre ouverte : c'est miracle si elle vit encore. D'ail-

leurs, depuis longtemps, elle ne chauffe plus sa chambre ; ce qui,

joint à ses réclusions intermittentes, a nui beaucoup à son com-

merce. '

En résumé, aux interprétations se sont ajoutées des illusions

auditives nombreuses, quelques hallucinations auditives, des trou-

bles de la sensibilité générale. L'exemple de Marie Forel n'a pas

été sans activer la genèse des hallucinations et influer sur leur con-

tenu.

Un trait curieux est celui-ci : des clients de passage, anciens ou

actuels, aucun n'a été enrôlé dans la bande des persécuteurs. Don-

née explicable sans doute par l'occupation de l'attention en leur

présence, et par une sorte d'indifférence professionnelle à leur

égard, eux disparus. En termes d'école, elle les pense sans un rap-

port exclusivement, sans prendre la peine de leur trouver une per-

sonnalité quelconque.

De la vérité de ses conceptions, elle trouve des preuves par l'in-

duction, l'intuition ; les assurances formelles de certaines gens.

Preuves inductives : les airs effarés de tel concierge, le silence subit

de tel prêtre à qui elle montre deux doigts en croix, l'air de surprise

de telle personne qui s'étonne de la voir debout, ou encore l'absence

de telle autre. Ainsi quand elle se rend dans son village natal pour

avoir un extrait de son acte de naissance, aux fins de toucher une

certaine somme qui peut être bien est à elle, comme le secrétaire de

la Mairie chicane un peu sur les prénoms, comme en outre le maire

est absent, et qu'il y a une contradiction entre son secrétaire, qui

le prétend sorti pour une affaire sérieuse, et lui qui dit en arrivant

" Je reviens de la chasse »,' aussitôt ses doutes disparaissent, le

330 CLINIQUE MENTALE.

coffre-fort est bien à elle. De telles sautes d'idées dépassent les li-

mites de la paralggie banale.

Voici des preuves par intuition : En 1888, j'ai vu la valise entre

les mains de Prévost.Une autre fois, j'ai revu Prévost et la valise

juste sur le pont Saint-Michel, par conséquent il arrivait de la

gare du Nord, car il habite rue Bonaparte, il a donc volé la valise.

En mars 1905, j'ai vu Briquet déguisé en Mollenbecque. J'ai vu

Briquet en train de consigner tous ses actes tels, que jeles raconte,

sur un registre. J'ai vu Prévost avec une clef, ce]qui veut dire sûre-

té de la chose. D'autres intuitions sont seulement suggestives (ainsi

celles relatives à l'affaire Dreyfus, au général de Cambert,etc.).

Voici enfin,comme preuves, certains aveux formels des affiliés de

la bande Prévost.« Dans l'église Saint-Michel,une jeune fille blonde,

18 ans, me suivait. Je lui ai demandé ce qu'elle me voulait, alors

elle m'a demandé pardon pour tout ce qu'elle m'avait fait « j'étais

forcée de le faire ». Je dis : « C'est la bande à Prévost » ? Elle me

répondit « Oui madame, pardonnez-moi ». A Saint-Roch, j'étais

suivie par un homme âgé, à qui j'avais souvent donné des pièces

de cinquante centimes. Je lui dis un jour.« Vous n'êtes pas assez

payé pour cette besogne-là.« Je n'ai que vingt sousnjmerépondil-il.

J'ai dit à Blanche Briquet elle-même, un jour ; « A bas ces crimi-

nels ! » je le lui ai dit tout bas à l'oreille, dans une église ; la vendeuse

de cierges m'a dit aussitôt : « Elles sont quatre ou cinq comme

celle-là,mais moi je dois me taire. » Une autre fois dans une église,

en province, elle rencontre Nelly Dor, qui disparaît, et une autre

jeune femme effarée qui reste pour lui demander pardon.Ce sont

là de véritables « hallucinations du souvenir » (Krafft-Ebing).

Malgré les troubles sensoriels, le délire reste à prédominance in-

tellectuelle. La sensibilité profonde n'y entre pas en jeu, il n'y a au-

cune tendance à la dépression, la délirante conserve sa santé qu'elle

regarde comme exceptionnelle, et une sérénité d'esprit mêlée d'un

certain enjouement. Optimiste, elle a des moyens de défense qui

sont tout d'abord des neuvaines, ensuite des gestes conjuratifs

tels que les deux doigts mis en croix, des élévations spirituelles »

des oraisons jaculatoires. « Combien de fois ai-je dit ces paroles :

Dieu Tout Puissant, faites arrêter ces criminels, qu'ils soient con-

fondus, terrassés, obligés d'avouer tous leurs crimes ! » Alors les

gens disparaissaient blêmes comme la mort. Enfin elle compte sur

la police qui veille tout spécialement sur elle. « La bande à Prévost

voulait venir dans ma maison ; mais la Police y a porté ordre ».

L'optimisme lui est si inhérent qu'elle étend ses idées de richesse

hors des limites de son roman, de persécution. En plus du trésor

qui est la cause de ses tribulations, il existe une deuxième fortune

à elle léguée par un Monsieur Pieratoni, et une troisième probabl-

ment, appartenant à une demi-soeur qu'elle s'est découverte, et

qu'elle cherche. Un ton orgueilleux se manifeste, accessoirement,

dans des pensées telles que celles-ci : « J'ai dû renvoyer mes deux

1 SUR UN CAS DE DÉLIRE A DEUX 331

filles ; le monde comprendra ma souffrance. » Peut-être des idées

de grandeur se feront-elles jour incessamment. t.

Grâce à cet optimisme, elle reste dans l'hôtel où on veut sa mort.

Un appareil fonctionne la nuit, contre son lit, elle a entendu les

patrons dire un jour, en enlevant ses draps. « Quand sera-ce fini ?

mais persuadée qu'elle survivra, elle n'essaie pas de changer d'hô-

tel, nous donnant pour cela comme raison « que là au moins on lui

fait crédit ». Bien des persécutés, à sa place,tomberaient dans le-

vagabondage plutôt que de rentrer dans leur chambre; bien d'au-

tres,dans des crises d'anxiété, fuiraient ou appelleraient au secours ;

jamais elle n'a fait rien de semblable.

Elle passe les journées renfermée, no vivant,dit-elle,que de pain

sec, grâce à quelques pièces que lui prête une couturière qui est

sa voisine. Sa mise est pauvre, mais reste soignée.Bien éloignée de

la réticence.elle expose volontiers son cas,soit oralement soit par

écrit. Nous ayant proposé elle-même de nous rédiger ses mémoires

« en vingt-cinq pages », elle ajoute « ce sera pour la vingtième fois

j'en ai donné dix-neuf copies aux magistrats et journalistes. Ils se-

ront finis pour demain soir ».

Au service de la sûreté, où elle s'est rendue « plus de cent fois »

elle se flatte de recevoir toujours un accueil aussi favorable ; ces

visites l'occupent, la rassurent et lui donnent à ses propres yeux

une. importance, autant ou plus peut être que ses visites aux gens

d'église. Elle appartient à cette série des aliénés encore tranquilles

bien connus du 5e Bureau de la Préfecture, où ils ont déjà leur

dossier, et dont ils sont,qu'on nous permette cette expression, les

malades libres.

Voici l'exposé global de sa thèse : Son ancien amant,l'ingénieur

Briquet, s'est lié, après son évasion,avec son ancien juge d'instruc-

tion, actuellement le conseiller Prévost, et il a acheté la personna-

lité du Dr Mollenbecque. Prévost a jadis enlevé la valise pleine de

titres laissés par Briquet à la gare du Nord.

Lorsque Nelly Dor habitait rue du Printemps, elle recevait les

visites d'un ancien ami de Briquet, nommé Piératoni et surnom-

mé dans la maison le « Petit Bossu », d'un monsieur surnommé le

Petit Vieux, et qui n'était autre que Prévost, d'une grande dame

d'un grand avocat, etc. Nelly Dor a déménagé, les visites se sont

continuées, au temps où elle avait pour servante Marie Forel. Le

Petit Vieux semblait entretenir cette Nelly Dor; le Petit Bossu se

donnait-pour son professeur ; en réalité tous vivaient sur le contenu

du coffre-fort,,propriété de 1\11110 Granet. Pour toucher ses titres, il

s'étaient munis d'un extrait de son acte de naissance, que sa mère

leur avait livré. Marie Forel a été congédiée parce qu'elle avait

livré. trop de secrets. Un procès a lieu en ce moment, on ne sait pas

bien à quel sujet, mais l'ingénieur Briquet et le conseiller Prévost

sont tous les deux sous les verrous, ce qui n'a d'ailleurs nullement

amoindri leur influence.

332

CLINIQUE MENTALE.

Accessoirement, ils sont intervenus dans l'affaire Dreyfus pour

mettre des faux en circulation ; le général de Cambert, frère du

Comte, s'est joint à eux ; ils ont des complices dans diverses villes.

Par contre, ll"'e Granet a une soeur de père qui est riche. Un an

cien ami de Briquet, M. Piératoni a légué à Mlllc Granet la propriété

d'une grande fabrique, parce qu'il a eu pitié d'elle et de ses enfants

et s'est repenti de ce qu'il a jadis dénoncé les faux Briquet.

Enfin, pendant ces derniers temps, 1\1'11C Granet a découvert qu'un

certain comte de Brinois, qui habite dans la maison de Marie Forel,

est l'auteur de l'installation des graphophones dont elle se plaint.

Ce personnage est le seul persécuteur non anonyme attaché à Marie

Forel : c'est un cadeau de 111"'e Granet.

III.

Marie Forel a de tout ce roman une connaissance très impar-

faite. Elle ne sait pas si on tracasse 1\I"'E Granet en raison de ses

richesses, ou en raison de leur amitié, ou pour toute autre cause ;

elle se rappelle mal la date des faits ; en les exposant, elle ne leur

cherche pas de liaisons, elle ne s'anime pas, elle semble même se

souvenir à regret ; ratiociner sur l'imbroglio n'est pas pour elle un

travail familier et nécessaire. Elle rencontre rarement sur son che-

min les chefs de ses persécuteurs, ce n'est pas elle qui les a recon-

nus, elle ne cherche pas à nommer leurs suppôts nombreux etobs-

curs, qui sont partout. Tous ces ennemis lui sont communs avec sa

maîtresse et amie, un seul lui appartient en propre, et porte un nom

mais elle ne l'a pas découvert (comte de Brinois). Les locataires de

sa maison, à part ce comte, ne sont pas les auteurs certains des

bruits et des menaces qui l'entourent. Bien qu'ils aient fait une

pétition aux fins de lui voir donner congé, et qu'elle le sache, elle

n'a contre eux aucune haine.

Cet état d'esprit a deux causes, d'ailleurs connexes : La malade

est mélancolique, et son délire n'est pas à base intellectuelle. L'hostilité

ambiante l'a dès le début affligée plutôt que révoltée ; naturelle-

ment humble, elle se sent à charge à ceux qui la méconnaissent

elle est prête même à se trouver des torts, nous la verrons en der-

nier lieu s'accuser de fautes imaginaires. Son vague délire d'il y a

douze ans (la crainte d'être accusée de lesbisme) était déjà d'un

être inerme, disposé à l'humilité.

Conjointement à la dépression, de nombreux phénomènes d'au-

tomatisme se sont emparés d'elle et la font vivre dans un état de

passivité. « Elle a toujours été beaucoup plus injuriée que moi» dit

l\l'nc Granet.Ce ne sont pas seulement des mots isolés qu'elle lit sur

la bouche des passants, ce sont des phrases et des discours qu'elle

entend, sans'discontinuer (un phonographe est installé dans sa

chambre). La désagrégation mentale se traduit encore par l'écho

de la pensée, par des obsessions impulsives, et par ces association s

' SUR UN CAS DE DÉLIRE A DEUX a33

psycho-sensorielles spéciales dont le résultat est de prêter des voix

aux choses. Son réveil lui tient des discours.

En dernier lieu, les dessous dépressifs du délire se font jour for-

mellement dans des phrases ; la malade croit à certaines accusa-

tions, s'accuse par exemple d'avoir jadis frappé et peut-être fait

mourir sa mère. Elle se regarde comme une criminelle. Son réveil

lui donne à présent des ordres. « Fais tes paquets, va-t-en, jette-toi

par la fenêtre, empoisonne-toi.Effectivement,elle fait plusieurs ten-

tatives de suicide.

Bien différente du persécuté ; elle a une demi-conscience de l'ir-

réalité des voix. « On aurait dit que c'était une voix, quelque chose

me parlait à l'oreille comme une voix d'homme, on énonçait ce-

que j'allais faire, ou ce que je pensais. Quand j'avais faim, il me-

semblait que des gens dans la cour disaient : « Je vais manger, j'ai

faim ». Quand j'allais au lit, on disait : « Je vais me coucher ». « On

a dit aussi qu'on connaissait mes pensées, mais je ne savais que

croire, ce n'était peut-être qu'une idée à moi, Je n'y suis plus. »

La malade dit ceci avec hésitation, par suite de son état de doute

et de malaise, mais sans réticence.

Quand elle sort,elle est peut-être moins entourée que Mme Gra-

net,étànt moins interprétative. Elle ne se livre plus à aucun travail;

au bureau de placement on la regarde comme inutilisable ; mais

elle continue de s'y rendre, souvent accompagnée de M'"e Granet,

pour tirer les cartes aux domestiques sans place. Ses ressources

sont épuisées, mais Mû Granet paie son loyer,par reconnaissance

pour les indications capitales qu'ellelui a fournies. Finalement elle

reste enfermée toutes ses journées ; 111'ne Granet lui conseille de so-

tir, de se fatiguer, afin d'échapper à ses insulteurs, pendant la nuit,

par le sommeil ; elle lui conseille aussi de ne jamais leur répondre,

de garder toujours son sang-froid (Marie Forel lui donne, d'ailleurs

le même conseil, sans qu'elle le suive). Plusieurs fois, Marie Forel se

précipite échevelée et peu vêtue dans l'escalier, la concierge cons-

tate qu'elle ne se nourrit plus, les locataires demandent son expul-

sion. Un jour, elle entend la voix d'une voisine lui ordonnant de se

précipiter par la lucarne de sa mansarde,mais la lucarne trop étroite

ne la laisse pas passer entièrement, on est forcé de la dégager. Le

lendemain, elle essaie de s'empoisonner. « J'ai bu une grande tasse

d'alcool à brûler et j'ai dû rester trois jours endormie. A mon ré-

veil la tasse n'était plus à sa place et beaucoup d'objets avaient été

dérangés. Pendant mon sommeil on était entré chez moi et on m'a-

vait opérée. On m'avait coupé, puis recousu les deux talons, en

outre on m'a enlevé une fesse, et on l'a recousue je l'ai bien senti.

Peut être étaient-ce des malfaiteurs,peut être a-t-on voulu me sou-

lager. « Quand je me suis réveillée, il y avait dans mes draps comme

un liquide gommeux et visqueux. On m'avait peut être fait vomir

J'ai été autrefois domestique chez un chirurgien des hôpitaux, il

334 CLINIQUE MENTALE.

était peut-être avec ces gens. » Dix jours plus tard, elle était ame-

née à l'infirmerie spéciale du Dépôt.

Toute la portion mélancolique de son délire et une

partie de -ses hallucinations apparaissent à son amie

MUle Granet comme de la folie pure et simple : mais cette

folie elle-même était l'oeuvre des persécutés.

« Songez qu'à la fin elle dialoguait avec son réveil. Elle se di-

sait une criminelle, elle croyait qu'on lui avait coupé et recousu

une fesse. C'est ce phonographe qui l'a rendue folle. Elle aurait

dû sortir, se fatiguer, dormir, et surtout faire comme moi, ne

pas répondre aux voix ». '

Dans le délire de Marie Forel, il n'y a pas place pour

la mégalomanie : elle ne croit pas à la possibilité d'un

évènement heureux pour elle, elle croit seulement à la

richesse de son amie, et encore, s'en préoccupe peu. Cette

faible portion de ses convictions constitue un fragment

de délire imposé, c'est-à-dire une idée délirante reçue

d'autrui, mais sans aptitude délirante connexe, par con-

séquent, inerte et stérile. Aucun travail d'esprit anté-

rieur, aucune tendance personnelle ne la préparait à s'as-

similer l'idée de richesse, même après quatre années de

délire, alors que dès avant la rencontre de M""1 Granet.

elle était mûre pour les idées de persécution.

IV.

Les délires des deux associées sont bien différents dans

leur base, leur composition, leur nature. Le délire de

MUle Granet semble au premier abord répondre au concept

de la paranoïa persecutoria,au sens de Krafït-Ebing(7Va/-

té de Psychiatrie, trad. franc., p. 444 et 599) et de Kroe-

pelin (Lehrbuch der Psychiatrie, 6e éd., allemande, vol.II,

p. 437) en raison de la prédominance intellectuelle, de la

mise en jeu toute superficielle des sensibilités, de l'origine

assez personnelle de certaines tendances, du peu d'éten-

due des hallucinations, enfin de la progressivité jus-

qu'ici continue ou très faiblement rémittente.

Mais, à l'examiner de plus près, le degré avancé de dis-

sociation intellectuelle sur lequel le délire s'est fondé, le

rôle important des phénomènes d'automatisme intellec-

tuel, l'oubli facile des conceptions et leur facile renouvcl-

. SUR UN CAS DE DÉLIRE A DEUX 335

lement, la systématisation trop faible, le fonds de mé-

fiance originelle trop peu marqué, obligent à le laisser en

dehors du cadre de la paranoïa. D'autre part ce n'est

point un délire polymorphe. Le titre de délire de persécu-

tion chez un dégénéré lui convient indéniablement, mais

il s'agit d'un délire de dégénéré avec des caractères spé-

ciaux, dont plusieurs rappellent la paranoia.

L'absence de tout élément érotique est ici remar-

quable. Comme particularité, nous noterons la rapide

apparition des idées de grandeur, qui si elle a pu être ai-

dée par le fait du délire à deux, n'en a pas moins son ori-

gine dans le caractère même de la malade. Il est à remar-

quer en effet que la malade n'est par nature ni acariâtre

ni haineuse, que le sentiment de sa résistance miracu-

leuse, ébauche d'une mégalomanie, a existé dès le début,

et que son optimisme, dès le début, va de pair avec sa

tendance interprétative. Il y a certainement un lien entre

la stabilité du tonus, chez certains délirants, et leur ten-

dance aux idées de grandeur. Un intermédiaire non syl-

logistique, mais psychologique, est le sentiment de leur

infrangible résistance. Les syllogismes s'adaptent au sen-

timent de grandeur, marquent son développement et le

consacrent ; mais il était préétabli. Cette donnée empli-

querait peut-être qu'une partie seulement des paranoïa-

ques (un tiers pour Krafft Ebing) verse dans la méga-

lomanie.

Cette égalité du tonus contraste avec la dysesthésie,

qui se signale dès le début du délire chez Marie Forel.

Nous ne saurions l'appeler exactement; mélancolie avec

idées de persécution, puisque les idées de persécution ont

été précoces; les idées mélancoliques tardives, que la ma-

lade a conservé longtemps une activité notable, qu'ac-

tuellement encore elle n'a pas atteint ce degré de souf-

france morale avec inhibition, qui est le fait capital dans

la mélancolie vraie. C'est une sorte de persécution mé-

lancolique, avec crainte, humilité, sentimert d'innocence

côtoyant la tendance à l'indignité, troubles de la nutri-

tion importants dans l'étiologie, confusion légère, enfin

probabilité de marche rémittente.

Si nous examinons ces délires au point de vue de leur

genèse, nous verrons, de suite que MUle Granet a incubé le

sien sans auxiliaire, que tout au plus Marie Forel l'a ai-

336 CLINIQUE MENTALE.

dée à en mieux prendre conscience, à la manière d'un

confident qui ne nous sert qu'à parler tout haut avec

nous-même. Sans Marie Forel, elle eût déliré à peu de

chose près à la même date.

En est-il de même pour Marie Forel ? A la date de mai

1902,elle était en imminence de délire, l'imminence était

à la limite, mais un appoint était encore nécessaire, pour

que le délire se déclarât. Cet appoint pouvait être interne

(fièvre, névralgies, chagrins intimes) ou exogène (choc

moral, accident, chômage). En l'absence de cet appoint,

l'échéance morbide pouvait être ajournée ou ne pas su

produire.

Dans l'espèce, l'appoint fut fourni par quelques heures

de conversation avec son amie nouvelle, Mme Granet.

L'idée nette de persécution, déposée en elle par cette der-

nière, fut un terme assorti à son malaise et l'aidant à en

prendre conscience, à le faire durer. L'idée, telle qu'elle,

n'était qu'un ferment assez faible, qui n'a vécu et pros-

péré que parce qu'il tombait dans un esprit déjà rempli

de ferments analogues ; qu'on nous permette cette ex-

pression : il a réveillé des cultures. L'idée a pu être com-

muniquée, mais non à proprement parler l'idéatioll. Le

terme de « délire'communiqué», au sens intégral du mot,

ne convient donc pas à un tel cas, il n'est que partielle-

ment admissible. En effet, pour une contingence de plus

ou de moins, tout le délire de Marie Forel se fût développé

isolément, sans auxiliaire, sans témoins même. Le terme

de « délire simultané» ne serait pas exact,lui non plus,

(malgré l'isochronie notoire) parce qu'il désigne généra-

lement des délires issus des mêmes causes au même mo

ment. Or, ici les délires sont bien contemporains, mais les

préparations des deux délires se sont faites, pour la plus

grande part, séparément. Ce sont presque deux aliénées de

foime différente qui sont venues en contact,et dont l'une

a exercé sur l'autre une induction, en ajoutant à sa dé-

pression commençante une trame de persécution plus

solide que celle qu'elle aurait tissée à elle seule. Nous

renonçons à dépeindre d'un mot une relation aussi ténue,

et en même temps aussi complexe ; nous nous contente-

rons de constater, grosso modo, que l'importance de

l'apport psychique a été réduit, dans notre cas, au mini-

nimum imaginable.

· SUR UN CIS DE DÉLIRE A DHU'X 337

Etudions maintenant leur évolution. Marie Forel n'a

pas contribué à la direction du délire, ce serait même plu-

tôt malgré elle qu'il a pris une allure, expansive, chez

MmeGranet. Elle a fourni ingénûment quelques détails

(adresses, description de personnages) que VI`°e Granet a

seule mis en oeuvre.

Ce rapport n'a jamais été qu'intermittent et parcel-

laire. Elle a accéléré le délire par le contact de son émo-

tion, par son adhésion aux conceptions, par les sugges-

tions innombrables et les confirmations puissantes tirées

de sa science cartomantique. Par les cartes peut-être, et

par là seulement, elle a pu seconder l'optimisme de

M'"e Granet (si nous ne comptons pas l'influence trop

vague d'une amitié réconfortante et d'une constante ad-

miration).

Leur entente a été aidée, au début, par un ton de fami-

liarité assez fréquent, dans les milieux de la galanterie,

entre la maîtresse et la servante, mais aussi par le carac-

tère affectueux et expansif (malgré ses méfiances sub-

sidiaires) de Mme Granet, et par leurs suggestibilités res-

pectives, dues chez l'une à l'humilité déjà connue, chez

l'autre aux troubles de l'association des idées (paralogie,

intuitions etc.). Ces conditions ont suppléé à la coha-

bitation continue (leurs contacts n'étaient au début que

de deux à trois heures par jour ; ils ont été ensuite plus

prolongés, mais par contre plus espacés).

La communauté de délire entre maître et domes-

tique (tous modes de contagion compris) est relativement

rare (3 %) ; entre amis ou amies, elle est plus rare encore

(pas un seul cas sur une série de 72) ; alors que entre

soeurs elle est de 28 % et entre mère et fille 29 %. (Ma-

randon de Montyel : Des conditions de la contagion mor-

bide, A. M. P. 1894 1 p. 481).

Les évolutions des deux délires étaient nettement

préétablies. Les différences mêmes qu'ils ont montrées

dès le début sont une preuve entre autres de l'indépen-

dance de leur genèse. Ce sont deux imminences morbides

et non pas seulement deux constitutions pathologiques,

qui se sont rencontrées et associées. Marie Forel n'a pas

d'activité mégalomane, 11 ? Granet a peu de troubles de

la sensibilité générale, elle ne connaît pas non plus l'écho

Archives, 3° série, 1907, l. 11. 22

338 ' ' CLINIQUE MENTALE.

de la pensée ni le langage des choses.Les symptômes dif-

férents correspondent à des substratums organiques

différents. Aucun des co-délirants n'a éprouvé par le seul

fait de l'imitation, un seul des phénomènes auxquels il

n'était pas constitutionnellement préparé. Seulement

Marie Forel croit à la richesse de M'ue Granet, et celle-ci

croit au phonographe de son amie ; leurs croyances dé-

passent donc un peu les limites de leurs aptitudes ; ces ap-

titudes toutefois tendent à limiter leurs croyances; M"'s Gra-

net ne croit pas au langage du réveil, ni aux résections

mystérieuses ; elle ne croit pas non plus à la culpabilité

de Marie Forel, et elle n'a aucune tendance à se rechercher

cher une culpabilité à elle-même. L'aptitude limite donc

l'envie d'imitation et en même temps la crédulité. De

son côté Marie Forel, si elle croit à l'existence des ri-

chesses de lt ? Grasset, n'en fait pas un objet de pensée

bien important ; à fortiori ne s'est-elle cherché à elle-

même ni des richesses ni des grandeurs. Dans le cas par-

ticulier, aucune n'a créé à l'autre d'aptitude. La commu-

nication du délire est restée pour chacune limitée aux sé-

ries d'idées qu'elle aurait pu produire elle-même. Nous

comptons pour rien en effet la transmission de certaines

conceptions fabuleuses, si elle n'est pas accompagnée ou

précédée de la transmission de l'aptitude à les exploiter.

Par certains traits notre cas se distingue des cas ha-

bituels. Les deux codélirant vivent la majeure partie du

temps séparées, elles n'ont aucun intérêt commun ;

même leur solidarité morale était encore peu accusée

quand leur délire s'est révélé (preuve nouvelle d'une pré-

paration déjà très avancée chez le sujet même le moins

actif) ; l'idée de l'hostilité ambiante a satisfait d'emblée

chez l'une des deux une tendance mélancolique plutôt

qu'un caractère paranoïaque. Elles ont toutes deux les

mêmes ennemis ; mais ces ennemis ont pisé pendant très

longtemps une seule d'entre elles. Enfin elles n'ont jamais

éprouvé en même temps d'hallucinations auditives (seu-

lement des illusions auditives).

Par contre des données bien classiques sont l'influence

considérable de la misère soit dans l'éclosion du délire

soit dans son accélération (recrudescences,hallucinations).

La misère a d'ailleurs agi différemment chez les deux de- ' z

SUR UN CaS DE DÉLIRE A DEUX 339

lirantes ; Mille Granet, seulement irritée, a gardé sa santé

intacte; Marie Forel, toujours profondément affectée, a

présenté rapidement toutes les suites physiques et psy-

chiques de la malnutrition.

A considérer chez 111 ? Granet les conceptions méga-

lomanes et chez Marie Forel les phénomènes de désagré-

gation on reconnaîtra que l'évolution a été plutôt rapide.

Elle l'est d'ordinaire, semble-t-il, dans les cas de délire

collectif. Dans tous les modes de délire, les délirants col-

lectifs, suivant la remarque de Marandon de Montyel

« brûlent les étapes ». En particulier l'évolution mé-

galomane semble être, chez eux, plus précoce. Elle semble

en même temps plus fréquente.

Peut-être le passage de l'idée délirante aux actes mé-

dico-légaux est-il pour cette raison plus prompt. Sans

l'exaltation qu'elle a reçue de ses dialogues avec son amie

peut-être 1\I°e Granet ne se serait-elle pas livrée à l'agres-

sion contre Nelly Dor.

Nous avons dit renoncer à qualifier d'un mot le mode

de collaboration de nos deux délirantes. Un grand nom-

bre des cas de délire collectif présente cette même diffi-

culté, et cela pour une raison bien claire. S'il est relative-

ment facile de dénommer une maladie due à un pro-

cessus unique, il est par contre très difficile de résumer

en un seul mot les éléments disparates, et pour une part

contingents qui constituent une individualité (un sur-

nom, par exemple,n'est jamais entièrement satisfaisant)

à plus forte raison est-il impossible de synthétiser les

modes de réaction de plusieurs individualités connexes.

Pour cette raison, nous croyons que les délires, en tant

que collectifs, offrent une infinie variété ; si les types

simples existent, et doivent servir de repères, autour des-

quels grouper les autres, par contre, les cas intermédiai-

res, contrairement à ce qui se passe ailleurs, sont forcé-

ment les plus nombreux.

Dans chaque cas, les individualités s'influencent par

leurs qualités psychologiques, autant que par leurs traits

délirants, et l'ensemble, pour cette raison, appartient

à la peinture de moeurs presque autant qu'à la psychia-

trie.

8o CLINIQUE MENTALE.,

V.

Il nous reste à dire quelques mots de la tentative d'empoi-

sonnement accomplie par Marie Fore). Pour avoir ingéré environ

un tiers de litre d'alcool à brûler, elle est jetée dans un état de nar-

cose dont elle estime la durée à trois jours et qui en tout cas a dé-

passé 36 heures. Cette période de narcose semble s'être installée

brusquement sans période initiale d'excitation motrice, ni de dé-

lire. Elle a été accompagnée, au début, de vomissements copieux.

Celle marche des phénomènes est-elle allribuable seulement à la

massivité de la dose ? faut-il mettre en ligne de compte la compo-

sition même du produit ? Cette dernière hypothèse mérite d'être

examinée. L'alcool a brûler contient, outre l'alcool éthylique ordi-

naire qui en constitue environ les 8 /9, du méthylène. 1 /9, de la ben-

zine 4 /20e. (Barbe). Notre malade aurait absorbé ainsi environ

quinze centimètres cubes de benzine et trente ou trente-cinq cen-

timètres cubes de méthylène. Il semble que la benzine ne soit

pas toxique à faible dose pour les animaux supérieurs (8 gr. par

jour absorbés sans inconvénient par doses de 2 gr. Manquât). In-

gérée, elle serait moins active qu'inhalée. Enfin elle serait convul-

sivante. Le méthylène contient 65 % d'alcool méthylique, 15 % de

matières organiques et 20 % d'acétone. Notre malade aurait ingéré

8 gr. d'acétone. De nombreux auteurs, entre autres Iiüssmaül,

Cantani, Marro, ont attribué à l'acétone la production du coma

diabétique. Pour Albertoni, West, etc. la toxicité de l'acétone est

assez faible ; 6 à 8 grammes par kilogramme d'animal seraientune

dose à peine nuisible (voir Lailler, Annales Médico. Psych. 1892, I,

206.) Cependant, d'après Joffroy et Servaux, la dose de 5 grammes

par kilogramme serait déjà toxique. (llrch. de Méd. Exlér. et

d'Anal. PatJr. 1895).

Peut être aussi existe-t-il parfois dans l'alcool à brûler une no-

table quantité d'alcools dits supérieurs) ? Il yaurait alors lieu d'in-

criminer ces derniers, leur toxicité étant énorme (alcool amylique

40 fois plus toxique que l'alcool méthylique ; 0,63 pour 1 kg.) et

précisément leur action est spécifiquement narcogène (Magnan et

Laborde 1887. Magnan. Recherches sur les centres nerveux 2e sé-

rie, p. 65. Eaux-de-vie de maïs et de betterave).

Les doses actives d'acétone,de benzine,et d'alcools uni été d'ail-

leurs beaucoup moindres que les doses ingérées puisque la malade

a vomi abondamment : mais par suite de sa malnutrition, elle

présentait évidemment une résistance très affaiblie.

Cette rapidité de l'intoxication, avec dose infinie de toxique,

celle absence d'agitation, celle narcose durable, se retrouvent dans

une observation du docteur Barbe {Arch. de Méd. navale, mai

1906. Compte-rendu Journal des Praticiens, 27 juin 1906, et

Revue Pratique des Connaissances Médicales, septembre 1906.)

· SUR UN CAS DE DÉLIRE A DEUX 341

Il s'agit d'un adulte ayant pris en lavement deux cuillerées d'al-

cool àbrûler (croyant prendre de la glycérine) Narcose immédiate

et prolongée, trismus, myosis, cyanose, réflexe aboli, analgésie.

Pendant 48 heures déglutition impossible. '

L'examen physique de notre malade réservait des surprises. Ses

talons présentaient, au premier aspect, des ampoules sous lesquel-

les il était facile de reconnaître un processus gangréneux au début.

L'odeur en était caractéristique. La fesse gauche, dans la région

rétro-trochantérienne,porte un placard ecchymotique compact et

beaucoup plus large que la main. Enfin dans le pli interfessier,

nous découvrons sur la fesse gauche deux lésions exactement con-

tiguës : l'une est une plaque de gangrène sèche, violacée, de forme

vaguement trapézoïde, avec un de ses côtés bien rectiligne, l'autre

une ulcération ovalaire légèrement creusée en entonnoir, et exha-

lant comme les talons une odeur de gangrène humide.Nous cher-

châmes inutilement à cette dernière lésion une origine syphilitique.

De plus.selon toute vraisemblance, cette ulcération, la plaque de

gangrène sèche, l'ecchymose fessière et les lésions calcanéennes de-

vaient être contemporaines et avoir une même origine.Nous pro-

posons cette hypothèse : durant sa période de narcose la malade est

tombée de son lit ; après cette chute, plusieurs points ont été, grâce

à son immobilité, soumis à. une pression prolongée ; les talons et

la paroi gauche du pli interfessier.En ce dernier point,il y a lieu de

croire qu'un objet dur,reposant sur le sol,a produit une compression

toute locale (ulcération circonscrite, placard a été rectiligne). La

mortification des tissus a été aidée par l'inanition, la cyanose, l'in-

toxication générale, et sans doute, consécutivement, par un cer-

tain degré de névrite.

Un fait digne de remarque est l'indifférence de la malade pour

ses lésions. Elle marche, enlève et remet ses bas sans paraître au-

cunement souffrir. La piqûre est à peine perçue. Pour comporter

un tel degré d'insensibilité et d'apathie, il faudrait une mélancolie

bien plus profonde (la malade va et vient, se prête volontiers aux

dialogues,sourit,etc.).Seul un certain degré de névrite nous les ex-

plique. 11 est à remarquer que cette analgésie ne s'accompagne pas

de douleurs spontanées. Ce fait, assez fréquent dans les névrites

dues à l'alcoolisme éthylique chronique,ne doit pas nous surpren-

dre dans ce cas suraigu.L'absence de douleurs spontanées sert jus-

qu'à un certain point de signe distinctif entre la névrite alcoolique

et des névrites d'autre origine, la névrite arsenicale par exemple.

(Prof. Raymond, Journal des Praticiens 1906, 14 juillet.) Lé-

gère dysphasie au début.aucune douleur dans les jambes ; seule-

ment quelques douleurs gastriques. Réflexes rotuhens presque nul

hypoalgésie à la piqûre et hypoesthésie très, marquée : Légers

troubles de l'équilibre vraisemblablement dénués de toute origine

centrale.

Le lecteur se rappelle sans doute que durant sa période de nar-

342 CLINIQUE MENTALE.

cose, notre malade u cru se sentir opérée. Ses talons et ses fesses ont t

été coupés, puis rajustés et recousus (elle a senti très bien les ti-

raillements de la couture), C'est là une illustration bien nette de

l'origine périphérique de certaines hallucinations de la sensibilité

générale, causes elles-mêmes d'idées de persécution corporelle ou

d'idées hypochondriaques.Ces sensations nous montrent d'ailleurs

que les lésions ont eu sûrement leur origine dans le cours de la nar-

cose toxique.

En résumé, ce cas met bien en évidence certains traits de l'into-

xication par l'alcool à brûler. Ce sont ; l'effet intense d'une dose

peu élevée, la narcose brusque, en coup de massue, l'absence de

motricité et de délire, et la névrite consécutive (analgésie, gan ·

grène.)

Il convient en outre de remarquer l'atteinte d'une portion du

pneumogastrique (innervation des voies digesLives supérieures) at-

teinte ici légère, beaucoup plus marquée dans le cas de Barbe. Peut L

être y aurait-il là une sorte de localisation élective qu'il convien-

drait de rechercher désormais dans les cas d'intoxication par l'al-

cool à brûler. Cette même localisation a été signalée dans un'cas

d'intoxication massive par de l'eau-de-vie de bonne qualité. La pa-

ralysie se serait manifestée dès le début par de l'inertie stomacale,

les filets respiratoires et cardiaques du pneumogastrique restant

intacts. Guérison infiniment plus rapide'et plus complète que dans

nos deux cas d'intoxication par l'alcool à brûler. (Voir observation

et commentaire in Bulletins de la Société de ntérl. légale de France.

T. VI, 1881, p 294. Dr Leblond. Besançon.)

VI.

L'observation de ces deux malades était entièrement

rédigée, lorsquo, le 24 octobre 1906 M'"o Granet fut à son

tour amenée dans notre service. Son interrogatoire con-

firma notre opinion touchant la genèse des deux délires ;

il ne nous apprit rien d'essentiel quant à la trame des

conceptions ; par contre, l'attitude de la malade fut un

peu différente descelle qu'elle était six semaines avant, et

ses propos nous révélèrent une curieuse variabilité du

délire. '

1. Le début des deux délires associés a été bien celui

que nous avons exposé. Chez ïVI ? Granet existait une ten-

dance interprétative ancienne, à plusieurs reprises elle a

été suivie pendant de courts laps de temps, deux ou trois

jours par exemple. Après quoi elle restait huit ou quinze

jours tranquille. (Ainsi la tendance interprétative a mani-

festé dès le début une allure nettement rémittente, que

. SUR UN CAS DE DELIRE A DEUX 343

nous retrouvons à quelque degré, bien plus tard, dans le

délire lui-même.

Ces suivages ont été particulièrement continus et fréquents en

janvier, février et mars 1902 ; elle s'en est aperçue un soir,

seule, comme elle revenait du Cirque ; ils étaient à leur maximum

au début d'avril 1902, époque où elle a rencontré Marie Forel. « A

ce moment, Marie Forel ne se doutait absolument de rien, elle ne

supposait pas de pareilles choses, elle était à cent mille lieues d'y

.penser. Quand elle m'en a parlé, elle a bien pensé tout de suite

qu'elle était suivie uniquement à cause de sa liaison avec moi. Je

lui ai dit : ma pauvre fille comme je suis contrariée ! En bonne per-

sonne, elle a continué à me servir. Nous nous sommes parlé de cela

au bout d'une quinzaine de jours (ici, réédition textuelle des récits

déjà entendus). Je lui ai expliqué plus tard l'histoire du père de

mes enfants. Depuis lors, nous avons été très suivies. »

2° Les hallucinations auditives ont été chez Mine Gra-

net, relativement rares, toujours courtes et peu distinctes.

Ce sont des cris d'animaux égorgés, des injures comme « vache,

sorcière, cougnotte » de courtes formules,comme « elle déménage »

ou encore « ça brûle les bicots » (c'est-à-dire elle va mourir). Ces

phénomènes ont été plus accusés il y a 6 mois. Jamais elle n'a en -

tendu de phrase un peu compliquée. Des chuchotements prolongés,

se sont fait entendre une fois ou deux dans la chambre voisine,

tout récemment, ce devaient être les voix des gens bien intention-

nés, les fonctionnaires de la police, en train de surveiller l'appareil.

Les hallucinations, en un mot, semblent être restées toujours pro,

ohes de l'illusion, Une chose diminue, d'ailleurs, l'importance de

ses affirmations quant aux faits hallucinatoires, à savoir la facilité

avec laquelle elle transforme ses idées en convictions, et ses con-

victions en souvenirs; la preuve en est dans les variations de ses ré-

cits dont nous donnerons plus loin des exemples. Les notions

importantes sont celles-ci : jamais elle n'a entendu de phrases; un n

processus d'illusion semble figurer à l'origine de ses quelques hal-

lucinations ; ces dernières ont été incomparablement moins nom-

breuses que celles de Marie Forel. Enfin, jamais nos deux malades

n'ont entendu simultanément les mêmes voix, mais seulement

parfois les mêmes bruits. '

3° La déformation des conceptions et des souvenirs se

montre bien, avons-nous dit, dans les divergences des

récits faits à quelques semaines d'intervalle.

Lors de notre premier entretien, il était admis que le Comte de

344 CLINIQUE MENTALE.

Cambert avait soudoyé des individus dans le but de la faire étran-

gler, dans un guet-apens en plein air. Maintenant, nous apprenons

qu'il a voulu l'étrangler desespropresmains,etla scène s'est passée

dans un cabinet particulier d'un restaurant ; après lui avoir serré

la gorge inutilement, il aurait dit. ; « Voilà longtemps qu'on a voulu

te tuer ; Prévost aurait pu et dû le faire ; on a tué déjà plus de cent

bêtes dans l'appartement proche du lien ». Elle répond : « Je le sais

bien, j'en ai été malade. »

. Certains numéros du feuilleton sont oubliés. La malade est très

étonnée quand nous lui demandons des nouvelles de l'héritage de sa

demi-soeur. » On ne m'avait jamais parlé de ça. J'ai bien une demi-

soeur, que j'ai perdue de vue, mais j'ignore si elle est riche, je ne

compte pas sur sa succession, je n'en ai jamais parlé. Seulement

j'attends toujours le legs Piérantoni. » De même, au sujet des deux

principaux persécuteurs : « Comment ? Prévost et Briquet ont été^

à la Conciergerie ? en prison ? Je ne me le rappelle pas, je ne savais

pas, je ne l'ai pas dit, j'ignore ce qu'ils sont devenus.

4° Depuis notre entretien elle a écrit au ministre de

l'intérieur, à un député, à divers personnages de la pré-

fecture de police, enfin au procureur.

« Elle est persécutée depuis 4 ans, un instrument surchauffe sa

chambre, et répand une odeur de poisson ; le Comte de Cambert et

les hôteliers lui ont enlevé ses filles. Elle est sans ressources.

une amie à elle a vu des multitudes de changement de monde, tant

et si bien que la voilà folle».

A bout de ressources,mais toujonrs confiante dans la police,elle

adresse au Commissaire de son quartier une demande de secours.

Le secrétaire la prie de revenir le lendemain lundi, ce qu'elle fait

volontiers ; on l'envoie alors à l'Infirmerie spéciale.

Parmi les dépositions recueillies, celle de l'hôtelier est à citer.

« Elle mène une vie régulière, je n'ai rien remarqué d'anormal chez

elle ; elle sort pendant la journée, à mon avis, elle doit posséder de

petites rentes ; elle est toujours calme et correcte. » Ainsi, elle ne

s'était livrée à aucune manifestation d'animosité même minime,

contre cet important persécuteur.

Dans notre service, elle s'étonna modérément d'être gardée

nourrie, logée ; sa confiance en la Préfecture restait entière. Nous

la revîmes optimiste, souriante, améliorée, comme on va le voir,

sous quelques rapports, mais physiquement fatiguée, vieillie, se

plaignant de troubles dyspeptiques. » Je ne vis plus, depuis des

mois, que de croûtes de pain. Une bonne personne me prêtait de

temps à autre une pièce blanche, c'est une des marchandes de cier-

ges de telle église, j'étais une de ses bonnes clientes, et elle sait bien

que je lui rendrai son argent. N'en parlez pas, à cause de son

mari. »

· SUR UN CAS DE DÉLIRE A DEUX 345

5° Une accalmie remarquable s'est produite dans les

persécutions ambiantes.

Depuis six semaines, on ne m'insulte plus dans la rue ; dans les

églises on ne fait plus de toussements ni de crachements ; tout le

monde est très poli maintenant, il faut que j'en convienne,je suis

juste. Je rencontre même des gens qui ont des airs de repentir ; ils

voudraient me demander pardon de ce qu'ils ont simulé la truie,

et ils se rangent avec courtoisie. Chez moi, l'électricité chauffe

moins, l'odeur de poisson a diminué, les hôteliers ne causent plus

entre eux comme auparavant. Quelle est la cause de ces change-

ments ? Je suppose que vous aurez eu la bonté de faire un'rapport.

C'est la police qui modère le chauffage, je me demande seulement

pourquoi on ne l'arrête pas tout à fait. J'ai adressé des remercie-

ments par écrit à MM. W... et B... (de la Préfecture et du Parquet).

Je comprends tout ce que vous avez fait pour moi, je vous rémer-

cie mille fois, je vous en serais toujours reconnaissante ».

Non seulement les phénomènes sensoriels, mais les

intuitions même sont devenues rares.Ce doit être encore la

police qui s'oppose à ce qu'on les lui envoie.

Les intuitions ont fonctionné cependant au service de

ses protecteurs. On lui a donné à entendre que Nelly

Dor était arrêtée, que nombre d'individus de la bande

avaient été chassés de leurs places, etc.Dans l'ensemble,

tous les phénomènes morbides ont diminué.

Mais l'euphorie actuelle ne provient pas seulement de

la suppression de divers malaises. Pour une part, elle est

positive. Elle marque selon nous l'accroissement de l'op-

timisme morbide, qui a déjà produit des idées de riches-

ses et qui produira peut-être des idées de grandeur. Mais

par un contraste curieux,tandis que l'optimisme aug-

mentait, les idées optimistes sont devenues plus vagues,

elles ont en outre changé d'orientation. La malade n'at-

tend plus autant de richesses,et cependant elle a plus de

confiance dans son avenir. Elle a écrit, avec l'espoir (mais

non encore la certitude) de trouver en eux des protec-

teurs, à divers personnages en vue, notamment au com-

mandant Dreyfus, qui l'a tant occupée jadis. Elle ne se-

rait pas étonnée s'il lui prêtait des fonds, elle le rembour-

serait après procès gagné.

7° Le plus curieux de ses changements consiste dans

un certain état de doute au sujet de ses tourments passés.

346 CLINIQUE MENTALE.

r a Je me trompe peut-être, on peut se tromper sans être folle,

j'espère bien que je ne me suis pas mise dans l'erreur. J'avais pour-

tant des raisons sérieuses de croire ; l'attitude de M. W..., (Ser-

vice de la Sûreté) m'a bien fait voir que j'étais dans le vrai ; au su-

jet de mes enfants, toutes mes intuitions se sont réalisées (ainsi les

filles ont mal tourné, etc, Le célèbre avocat Me D. ne m'aurait pas

reçue s'il m'avait jugée démente ; au service de la Sûreté on m'a

bien donné à entendre qu'il s'agissait de plusieurs centaines de mille

francs ; la concierge de Nelly Dor a dû convenir qu'il y avait passé

beaucoup de monde. Si je me suis trompée qu'on me le dise, je vous

croirai, je vous promets de ne plus écrire, je travaillerai. Je ferai

n'importe quoi ; je me mettrai fille de salle, j'en ai assez de la mi-

sère, il est temps de penser à gagner mon pain, je vais chercher une

place quelconque, les choses suivront leurs cours toutes seules. »

Ces déclarations faites spontanément, dès les premiers

mots de l'entretien, nous ont paru dénués de toute hypo-

crisie. Motivé sur le moment, par la conviction que la

police voulait son bien et d'autre part ne pouvait se

tromper en la conduisant chez les folles, l'état de doute

avait été préparé par l'optimisme et l'accalmie.

L'accalmie était due. certainement pour une part, à

l'éloignement de Marie Forel : la stimulation réciproque

n'existait plus. Il faut donc admettre, comme nous

l'avons dit, que Marie Forel, si activement suggestionnée

au début, avait à son tour influencé M°*6 Granet par

l'écho de son approbation, par le spectacle de sa tristesse,

par le récit émouvant de ses hallucinations, enfin par la

cartomancie, cette dernière constituant une source iné-

puisable d'hypothèses, de renseignements, d'incitations

à une collaboration inventive.

D'autre part, l'accalmie pouvait aussi se produire, par

la seule tendance rémittente propre au délire.

Enfin l'optimisme morbide, bien différent par son ori-

gine de l'accalmie véritable et d'un pronostic juste in-

verse, avait pu collaborer avec elle pour favoriser mo-

mentanément, grâce aux conceptions énoncées, cet

état de doute.

8. Nous avons dit que le délire nous semble sujet à

des rémittences spontanées, suivies d'une reprise du

même thème. Ce thème Jui-même,à chaque reprise,paraît

devoir subir des additions et suppressions telles, que*dans

, UN CAS DE DÉLIRE D'INTERPRÉTATION 347

quelques années il pourrait être (à ne parler que de per-

sécution) méconnaissable.,

La variabilité du délire a pour cause non pas un travail

de logique, mais £ l'instabilité intrinsèque des conceptions.

Celle-ci est visiblement en rapport avec la facilité de leur

formation. Mais il y a plus.

Les troubles les plus délicats de la perception et de

l'idéation, illusions, fausses reconnaissances, intuitions,

déformation du souvenir, nous semblent avoir un lien

originel commun, à savoir l'instabilité des synthèses élé-

dentaires. Cette lésion du mécanisme mental doit avoil

joué un rôle primordial dans la production du délire,

comme aujourd'hui dans son décours.

Etudier de plus près cette lésion et ses effets nous

entraînerait à comparer, au point de vue de la patho-

genèse, les différentes formes des délires de persécution ;

travail d'analyse et de synthèse peut-être en soi trop am-

bitieux, en tout cas impossible ici.

PATHOLOGIE MENTALE

Un cas de délire d'interprétation ;

Par le D' R. BENON.

Médecin légiste de l'Université de Paris.

MM. Sérieux et Capgras, à la séance du 24 février 1902

de la Société médico-psychologique, dans la Revue de Psy-

chiatrie de juin 1902, et dans l'Encéphale de mars-avril

1906, MM. Deny et Camus, à la séance du 28 mai 1906

de la Société médico-psycholoyique,ont attiré l'attention tout

spécialement sur le délire d'interprétation, qu'ils considè-

rent comme une forme clinique spéciale. Nous avons eu

l'occasion, durant notre séjour à Ville-Evrard, d'observer

plusieurs malades de ce genre dans le service du Dr Sé-

rieux. Nous en rapportons ici une observation, que nous

avons prise à l'Asile Clinique.

Observation, Idées délirantes de persécution ; hypothèses

nombreuses. Interprétations erronées multiples et incessantes,

Pas d'hallucinations. Pas d'affaiblissement démentiel, soit

z PATHOLOGIE MENTALE.

quantitatif, soit qualitatif des facultés intellectuelles. Réactions :

menaces et violences ; idées de suicide, refus d'aliments. - Début il

y a six ans : évolution progressive. '

Louise K., veuve D ? âgée de 34 ans, entre à l'Asile clinique

le 26 juillet 1907 ; elle a exercé les diverses professions de bonne à

tout faire, de femme de journée, de cuisinière ; elle a même dirigé

avec son mari un café-brasserie des boulevards extérieurs. Placée

d'office, elle vient de l'Infirmerie Spéciale du Dépôt où elle a été

conduite, à la suite de bris de carreaux dans un bureau de pla-

cement.

C'est une femme assez grande, bien constituée, en bon état de

santé générale ; d'une mise très correcte, elle se présente à nous

ordinairement avec un peu d'excitation intellectuelle, cause avec

volubilité, répond avec précision aux questions posées. Alsacienne

d'origine, elle parle et écrit très bien, l'allemand ; elle parle bien

le français mais l'écrit moins correctement que l'allemand.

Louise K ? nous fournit tous les renseignements nécessaires

sur ses antécédents et sa maladie. Sa soeur n'a fait que confirmer

ce que nous avait dit la malade.

A. H. Son père, qui était armurier en Alsace, est mort à 51 ans

d'une affection pulmonaire non déterminée ; il se livrait à quel-

ques excès de boissons, mais ne se trouvait jamais ivre. Sa mère,

qui a eu huit enfants, a succombé à la suite d'une péritonite à

l'âge de 61 ans. Des huit enfants, trois sont morts en bas-âge ; sur

les cinq autres, quatre sont vivants et l'autre est mort à Paris

de la. tuberculose à 40 ans. Il reste à la malade un frère et deux

soeurs ; elle a, à Paris, un frère et une soeur, l'aînée actuellement ;

son autre soeur habite l'Alsace ; les uns et les autres sont bien

portants. Dans les collatéraux, il y a une tante paternelle qui offre

des symptômes de déséquilibration psychique, de bizarrerie, mais

qui n'a pas été l'objet de séquestration dans un asile.

A. P. La malade, a été élevée en Alsace, son pays d'origine ;

elle y est restée jusqu'à 18 ans. C'était une enfant assez chétive :

elle n'a cependant pas offert d'accidents rachitiques et s'est bien

développée plus tard. A l'âge de neuf ans, elle a été atteinte d'une

fluxion de poitrine qui l'a beaucoup affaiblie ; elle en aurait res-

senti les effets durant près d'une année.

A l'école, elle apprend avec une grande facilité. De bonne heure,

elle manifeste un caractère détestable, exécrable, dit sa soeur; très

orgueilleuse, elle veut dominer tout le monde ; elle n'écoute au-

cuns conseils, pas même ceux de ses parents ; sans cesse elle se

vante de travailler mieux que qui que ce soit. Ni avant, ni après

ses règles, apparues à l'âge de treize ans et demie, elle ne présente

de crises nerveuses.

Elle avait quatorze ans, quand son père vient à mourir ; elle

. UN cas de délire d'interprétation 349

désire vivement partir à Paris, pour y rejoindre son frère et ses

deux soeurs aînées qui y travaillent.

Elle avait 18 ans, quand elle y arrive, en 1891 ; elle est placée,

comme bonne, dans de nombreuses maisons ; dans une seule elle

est restée 18 mois.

Quelques années après, deux ans environ, elle entre en relations

avec un garçon d'hôtel, à l'insu de sa famille, et vit avec lui durant

trois années, sans être mariée. Elle a un enfant de lui et bientôt

ils régularisent leur situation en 1896.

De 1896 à 1901, le ménage vit tant bien que mal ; le mari ne

travaille pas chaque jour; la malade, très active, supplée par son

labeur à l'insuffisance des ressources de la maison. Durant cette

période, ils ont de nouveau deux enfants, l'un d'eux, le second,

meurt de méningite tuberculeuse ; l'autre a actuellement 9 ans ;

l'aîné lui a aujourd'hui 14 ans. Plus tard, en 1902, ils auront un

quatrième enfant, âgé maintenant de 5 ans. Ces trois enfants,

sont bien portants.

En 1901, il se produit, dans l'existence de la malade, un fait

important ; elle s'installe, à Paris, avec son mari, boulevard D...

dans une brasserie, dite la « Brasserie A..., » qui dépend d'une

grande brasserie de la banlieue, la « Brasserie des M..., » dirigée

par MM. Paul A... et V...

Les affaires ne marchent pas; c'est en vain qu'ils font tous leurs

efforts pour réussir dans ce commerce , ils n'arrivent pas à réali-

ser des bénéfices. La malade laisse entendre que son mari ne

travaillait peut-être pas suffisamment. D'autre part, à cette

époque, ils ont un quatrième enfant, ce qui augmente leurs char-

ges. En outre sa soeur, qui leur avait prêté une somme de 1000

francs, pour les aider, lors de leur installation, leur réclame son

argent avec insistance. Finalement, ils sont obligés de vendre en

juillet 1903, pour ne pas être déclarés en faillite. La vente se fait

dans des conditions particulières ; la grande brasserie de la ban-

lieue, la « Brasserie des Bol. », qui avait avancé trois ou quatre mille

francs dans l'affaire, s'était, au préalable, « nantie », de telle sorte

que les garanties exigées par cette maison, absorbent la plus

grande partie du prix de vente. La malade refuse d'accepter les

deux ou trois mille francs qui restaient et elle veut aller en justice.

Entre temps, son mari exécute une signature qui met fin à cette

affaire.

A l'occasion de ces difficultés, qui se terminent en juillet

1903, la malade est l'objet d'un véritable surmenage, autant phy-

sique que moral et c'est plus particulièrement à la suite de ces

ennuis que les troubles mentaux deviennent très apparents.

Il est difficile de fixer très exactement le début de ces troubles à

cause du délire rétrospectif actuel de Louise K...

Mais déjà, avant cette dernière date, dès 1902, sa soeur, son

frère, ses amis, avaient remarqué chez notre malade, des réflexions

350 . pathologie mentale.

bizarres, des réponses inattendues, des paroles à double entente,

au sujet de ses places, au sujet de sa maison, au sujet de son tra-

vail ; on lui veut du mal, on se moque d'elle,on lui fait des misères,

elle soupçonne les uns et les autres, se méfie constamment, etc.

Réduite à la misère par leurs mauvaises affaires, dans la brasse-

rie, Louise K.... se place de nouveau comme bonne à tout faire ;

elle va de maisons en maisons,sans rester plus de 6 mois dans aucu-

ne d'elles; cette situation occupe toute la période qui va de juillet

1903 à juillet 1907. En décembre 1905, elle perd son mari, qui

meurt de tuberculose, nous dit la soeur, à l'hôpital Lariboisière.

A ce moment, elle était elle-même à l'hôpital de La Charité, pour

des accidents pleurétiques ; elle n'a pas appris de suite la mort do

son mari, elle ne l'a pas vu, et aujourd'hui, comme tout ce qu'on

lui raconte est très suspect, elle se demande, malgré les papiers

qu'on lui a fournis, papiers qu'il est bien facile de se procurer,

dit-elle, elle se demande s'il est réellement mort. '

Entrée à l'asile le 26 juillet 1907, à la suite de bris de carreaux

dans un bureau de placement, elle présente des idées délirantes

de persécution et voici le thème de son délire. On lui fait toutes

sortes de misères. On l'envoie de place en place « en cachette »,

au lieu de lui dire franchement et simplement que c'est telle

personne qui l'y a envoyée. Dans tous les bureaux de placement

où elle va, dans les maisons où elle travaille, on se moque d'elle,

on fait allusion à sa vie par des paroles, par des gestes ; tout de

suite cela lui indique qu'ils Sont venus là avant elle, ou que l'on

continue « à la mettre à l'épreuve pour voir ce qu'elle vaut ».

Parfois même, on lui fait ordonner par ses maîtres des besognes

qu'une bonne, quelle qu'elle soit, n'a vraiment pas à accomplir.

Ils sont toute une « bande » qui la tourmentent ; quelques-uns

se préoccupent plus particulièrement de sa personne : un des di-

recteurs de la Brasserie des 1\L." 111. Paul A..., et les parents de son

mari. Mais il y a aussi sa soeur, son frère, ses créanciers du boule-

vard D..., et même d'anciens amis intimes, avec lesquels elle est

en relations depuis près de 15 ans.

Et dans quel but lui impose-t-on ces épreuves ? Elle cherche,

cherche, mais elle ne sait au juste. Peut-être désire-t-on la remettre

avec son mari qu'elle ne croit pas mort, puisque les papiers qu'on

lui a fournis, sont vraiment trop faciles à se procurer ? Peut-être

veut-on la marier, dans le cas où son mari serait mort, ce qui se

peut, mais ce qu'elle ignore, avec quelqu'un de son pays natal

qu'elle a vu une ou deux fois à Paris dans son commerce, ou

encore avec une autre personne de Paris, celle-la, et qu'elle refuse

de nommer, moins par réticence que par difficulté de précision :

« je me doute, Je me doute, je ne sais au juste», répètc-t-elle 'e

toujours, quand on la presse de questions.Quoi qu'il en soit, si

elle ne trouve pas exactement le but poursuivi par ses persécu-

UN cas DE délire d'interprétation 351

teurs, elle se rend bien compte qu'on veut quelque chose; les

présomptions ne manquent pas.

Le Directeur de la Brasserie des M ? M. Paul A ? et les parents

de son mari jouent un rôle prépondérant dans son affaire; tantôt

Paul A... occupe le premier rang, tantôt ce sont les parents de son

mari. C'est la Brasserie des M ? dont l'un des directeurs est Paul

A ? qui l'avait installée avec son mari boulevard D ? mais ils

n'ont pas réussi dans cette assez grosse affaire qui aurait pu les

tirer des difficultés de la vie. Elle a pourtant déployé là tous ses

efforts ; elle travaillait du matin au soir. Son mari était peut-être

un peu paresseux et il consommait peut-être un peu trop dans la

maison, mais elle a fait véritablement tout ce qu'elle a pu. Le

directeur de la Brasserie. M. Paul A..., s'en est évidemment bien

aperçu. II venait en effet souvent à la maison. Il y dînait quel-

quefois même, car il n'est pas fier comme elle dit. Il l'estimait

donc beaucoup, et il s'est intéressé à elle ; à maintes reprises,

il lui a procuré des places. Pourquoi toutefois les lui donne-t-il

toujours « en cachette », sans la prévenir directement ? Et puis,

pourquoi, à peine entrée dans ces places, a-t-elle des

ennuis avec les uns et les autres ? Pourquoi ses maîtres

quittent-ils Paris quelques jours après son arrivée ? Qu'est-ce

que cela signifie ? Pourquoi « l'essayer » ainsi, aussi long-

temps ? Il faut que tout cela cesse ; elle finirait par se ven"

ger ou se tuer. Elle ne saurait affirmer, que M.Paul A.. est la

cause de tous ses malheurs. « Ce serait bête, dit-elle, de tout lui

rapporter et que ce ne soit pas lui ! » Le doute envahit toujours son

esprit.

Elle place parmi ses persécuteurs, à côté du brasseur

et aussi souvent sur le même plan, les parents de son mari. Ce

sont deux oncles qui habitent Paris. L'un d'eux, marchand de

vins, ne se préoccupe peut-être guère de sa personne, quoiqu'elle

n'en soit pas sûre. Mais l'autre, un ancien sergent de ville retraité

actuellement employé de banque, il sait tout celui-là et elle nous

dit ce qu'elle a remarqué.

Son frère et sa soeur sont aussi au courant ; ce sont eux proba-

blement qui ont provoqué son internement. Elle rappelle des

phrases, dites par sa soeur, qui prouvent bien qu'elle n'est pas

étrangère à ses ennuis. Ses créanciers du boulevard D... où elle

avait son commerce, doivent être de la « bande ». Cela se com-

prend, puisqu'elle n'a pu les payer lorsqu'elle a vendu sa mai-

son.

Jusqu'à ses vieux amis, les W ? qu'elle fréquentait depuis si

longtemps, qui connaissent son affaire, sans rien lui en dire fran-

chement ; elle en a assez observé chez eux ; maintenant elle voit

clair. Enfin, un jour, elle nous dit que des milliers de personnes

à Paris sont chargées de lui « en faire voir de toutes les cou-

leurs ».

352 pathologie mentale.

Ces idées de persécution, banales en somme, se basent

sur de multiples interprétations délirantes.La malade inter-

prête. spécialement les mots, les paroles qu'elle voit ou

entend, et les gestes, les signes qu'elle observe. Il est diffi-

cile de savoir exactement quelles sont les premières en date

parmi les nombreuses interprétations erronées auxquelles

elle se livre. Les renseignements de l'entourage, l'interro-

gatoire de la malade ne permettent pas de préciser ce point.

Si on ajoute à cela l'activité délirante rétrospective de

Louise K..., on comprendra mieux encore la difficulté de

classer ces interprétations. Ici, nous suivrons autant que

possible l'ordre chronologique. Nous ne rapporterons que

les plus saississantes ; nous ne saurions d'ailleurs les donner

toutes, puisque chaque interrogatoire en révèle de nou-

velles.

La malade Louise K..., se place au mois d'octobre 1904, avenue

W..., n° 20, chez un monsieur seul, un américain du nom de B ?

C'est une très bonne maison. « Je me doute que c'est le brasseur

qui m'a envoyée là ». Voilà pourquoi elle s'en doute. Un jour, cet

américain regarde des images du journal Femina et il lui dit,

en lui montrant ces images : « On dirait qu'ils font l'amour par le

téléphone ». Elle se sauve et comprend tout de suite.Elle n'a jamais

téléphoné qu'avec une personne, M. Paul A ? le brasseur. Alors

cette allusion au téléphone devient claire ; le brasseur lui a pro-

curé cette place.

D'ailleurs quand cet américain l'a prise chez lui, il devait la

connaître. En effet,au bureau de placement, il avait le choix entre

plusieurs domestiques bien plus jolies qu'elle, comment se fait-

il que c'est elle qu'il a quand même retenue... ?

Et puis, chose étrange, ce monsieur B.. décide de partir en Amé-

rique une quinzaine de jours après l'entrée chez lui de Louise K...

Il le savait bien qu'il partirait, quand il l'a gagée. Pourquoi la

prendre alors pour quinze jours ?

Enfin, au moment de quitter Paris, ce Monsieur la charge

de faire l'inventaire de son appartement avec la propriétaire.

Or elle en a fait un autre inventaire autrefois, c'est à la brasserie

du boulevard D ? avec son acquéreur. Inventaire, brasserie, tout

cela lui rappelle le passé et vient grossir le faisceau de ses doutes,

sinon de ses preuves.

Durant l'année 1905, elle va rue de B., chez une demi-mondaine.

Elle n'y reste que neuf jours, car elle ne tarde pas à remarquer

que la cuisinière lui fait des méchancetés. Cette demi-mondaine,

dit-elle, doit être la maîtresse du brasseur. En effet, plus lard,

quand elle se rend à la Brasserie des 11 ? pour demander à M.

UN CAS DE DÉLIRE D'INTERPRETATION 353

Paul A ? une place, elle lui exprime ses suppositions et il devient

tout rouge. « II se disait sans doute que je savais tout, réfléchit-

elle ; mais c'est bien vrai, je sais tout ».

Un soir, dans celle maison, elle était dans sa chambre, il était

environ 10 heures et demie, elle a entendu une voix et elle a re-

connu la voix de son mari. Elle ne sait pas ce qu'il a dit, mais elle

a reconnu sa voix. Il devait être avec le brasseur. Du reste, quand

elle en a parlé à son mari, il est devenu lui aussi tout rouge.

C'est le brasseur, sans doute, qui lui avait procuré cette place,

conclut-elle. Il savait bien chez qui il la mettait.

En 1905 encore, dans une autre place, rue des P...-C ? n° 87,

elle a encore là des preuves de l'influence manifeste du brasseur.

Et d'abord comment entre-t-elle dans cette maison ? Elle ren-

contre un jour un des cochers livreurs de la brasserie des M.,

qu'elle connaissait. Elle lui parle un instant et le prie, en le quit-

tant, de souhaiter le bonjour à M. Paul A... Or, deux jours après

cette rencontre, elle obtenait cette place dans un bureau de pla-

cement. C'était une bonne situation ; elle préparait la cuisine

pour des ouvrières d'une grande maison de couture et elle réali-

sait de gros bénéfices. Mais elle était à peine depuis plusieurs

jours dans cette nouvelle place, que la voiture de la Brasserie des

M ? vient se ranger devant la maison. De plus, à dater de ce mo-

ment-là, toutes les clientes qui d'ordinaire boivent du vin, lui

demandent de la bière des M.. Dès lors, les difficultés surgissent; on

se plaint de la cuisine, on dit que les portions sont plus petites

qu'au début, on trouve que le service ne va pas assez vite, etc..

elle doit partir.

En 1906, elle est chez M. A ? boulevard M ? n° 85; ce monsieur

avait une maîtresse, une cocotte bien connue. La malade observe

en passant que le brasseur la place presque toujours chez des

femmes de cette sorte. Un jour, dans cette maison, on téléphone ;

étant seule, elle doit aller écouter. On demandait la soeur de M.

A... Or on savait bien que la soeur de M. A.. n'était pas là. C'est

le brasseur qui lui a téléphoné. D'ailleurs « j'ai reconnu sa voix,

dit-elle ; et je le lui dirai bien que c'était lui ? sans doute il par-

lait au nom d'une autre personne, mais c'était bien lui ».

Du reste, qu'a-t-elle vu à la cuisine, quand elle est arrivée

chez ce M. A.. ? Il y avait sur la table une mayonnaise tournée.

Or, un jour, elle avait invité le brasseur a dîner chez elle, et la

mayonnaise qu'elle a servie était tournée. Elle a dû quitter cette

place du boulevard M ? parce que, dans cette maison, il y avait

le père de la maîtresse de M. A., qui lui faisait la cour, l'embras-

sait par surprise ou de force dans la cuisine, derrière les portes.

C'était assez l'essayer. On a vu qu'elle était suffisamment sérieuse.

La même année 1906, placée chez deux vieillards, l'homme et la

femme, rue de la L.,n° 8, elle exécute là quelques travaux qu'elle *e

apprécie d'une façon toute particulière. Ainsi, un jour, l'homme

Archives, 3' série, 1907, l. II. S3

354 PATHOLOGIE MENTALE.

lui demande de lui laver les pieds. Il était très gros, et il ne pou-

vait certainement pas le faire lui-même. C'est la malade qui

nous le raconte. Néanmoins, était-ce à elle à faire cette besogne ?

Cet homme était retroussé jusqu'au dessus des genoux. N'était-ce

pas à sa femme à le laver ? S'ils ne le pouvaient ni l'un ni l'autre,

ils n'avaient qu'à prendre un homme pour ce travail ; mais ils ne

devaient pas demander cela à une femme comme elle. Elle n'est

qu'une bonne, mais elle veut être respectée.

Malgré cela, elle a exécuté cette besogne. Elle s'est rappelée en

effet que sa soeur, masseuse,lui avait dit que parfois on est obligé

dans les hôpitaux ou autre part d'accomplir des travaux très sa-

les. En somme, c'était une manière, de la part de sa soeur, de lui

annoncer l'avenir. Cette nouvelle « épreuve » lui paraît suffi-

sante et elle quitte sa place.

Au cours de cette année 1906, il lui arrive un jour quelque chose

d'assez particulier. Elle se rend chez le brasseur, à l'usine, pour

l'entretenir de ses ennuis. Vêtue d'un costume noir, elle portait à

la taille une ceinture noire, fixée en avant avec une épingle ordi-

naire à tête blanche. En sortant, le brasseur lui fait remarquer

qu'elle aurait dû fixer cette ceinture avec une épingle à tête noire.

Or quelques jours après, on lui vole cette ceinture dans un hôtel

avec un tablier. Est-ce que cela n'est pas drôle ? D'ailleurs la

veille de ce vol, elle avait rencontré dans Paris une voi ture portant

le nom de Paul Fouillée. « Eh bien, oui, Paul (c'est le prénom

du brasseur), Paul fouillait ».

Au commencement de l'année 1907, elle se place boulevard

SL-M ? 87, chez Mme W... C'était une place très dure. On la met

d'ailleurs presque toujours dans des places très pénibles. A peine

est-elle arrivée qu'on lui dit et fait des méchancetés. Mais ce qui

l'agace surtout, ce sont les gestes qu'on exécute devant elle, gestes

significatifs à son avis. Parmi ces gestes, l'un d'eux revient plus

fréquemment, c'est le geste de se prendre doucement de haut en

bas, l'extrémité du nez, entre l'index et le pouce de la main gau-

che ou de la main droite.

Un autre geste, qu'on accomplit encore à dessein devant elle,

c'est celui de se passer l'extrémité des doigts des mains droite ou

gauche un peu au-dessous de la paupière inférieure de l'oeil corres-

pondant. t.

Elle quitte sa place et attache désormais une grande impor-

tance à l'attitude qu'on a devant elle. C'est ce qui, en effet,

provoqua son internement.

D'autres gestes, outre ceux que nous venons de décrire, lui

paraissent suspects : celui de se prendre le menton, celui de se

gratter l'oreille, etc.Les gens qui crachent ou toussent devant elle

ou quand elle passe, sont aussi des personnes renseignées, con-

naissant son affaire.

Dans une des dernières places qu'elle occupe, chez une cocotte,

' UN cas DE DÉLIRE d'interprétation 355

rue V...-M..., n° 15, un soir on lui prédit très exactement ce qui

va lui arriver. Sans doute on ne s'adresse pas directement à elle,

mais plus tard elle a bien compris. Cela est venu de la femme de

chambre ; elle a dit en effet d'un air entendu à un petit chien qui

était dans la cuisine : « Allons, va-t-en, chien ; tu n'es d'ailleurs

pas pour rester ici. Bientôt, tu seras dans une cuisine très chaude,

auprès d'un fourneau, et à côté il y aura un grand bois ». Or

quelques jours après elle partait de cette maison, pour aller dans

une autre, située près du Bois de Boulogne, où la cuisine était

étouffante. D'ailleurs rue V...-M..., elle a remarqué encore autre

chose. C'est là, en effet, qu'elle eut l'occasion d'apprécier tout

particulièrement la valeur de la sauce très réputée du homard à

l'Américaine. Elle n'en avait jamais mangé d'aussi bonne jus-

qu'ici. Or, autrefois, le brasseur lui avait dit, à la maison de la

brasserie du boulevard D ? un jour où ils causaient du homard

et de la manière de l'apprêter : « une fois, je vous emmènerai dans

une maison où on mange de la bonne sauce de homard à l'Améri-

caine ». Elle n'est restée que 28 jours rue V.-M ? car la dame est

partie encore en voyage.

Il lui est arrivé également dans la rue de saisir une fois une con-

versation qui avait trait à sa personnalité. Deux individus incon-

nus d'elle causaient sur le bord d'un trottoir et ils ont dit très

nettement, devant tout le monde : « elle a un mauvais caractère,

on lui donnera un mari comme elle ». On veut me marier, c'est

pour me prévenir.

Le soir du 14 juillet 1907,elle s'attarde sur les boulevards.Elle

regarde si les marchands de vin vendent bien. Cela l'intéresse,

puisqu'elle a été auparavant dans le commerce. Elle s'attarde

même jusqu'à 1 heure du matin à voir le monde danser, chanter.

« Eh bien, figurez-vous dit-elle, qu'à cette heure-là, quand je suis

rentrée, une voiture de la brasserie des il.. s'est mise à courir

après moi. On n'a jamais vu cela, une voiture de la brasserie, avec

des fûts, à une heure du matin ! »

Un matin, elle achète le Journal pour les annonces. Il y avait

cette fois-là plus de dix places de bonne. Elle est allée se présenter

dans toutes ces places, partout on a exécuté les gestes que nous

savons. Depuis quelque temps, deux ou trois mois, elle pense

qu'on lui intercepte sa correspondance. Même, quand M. Paul A..

a appris cela, il s'est trouvé tout gêné ; il était tout tremblant.

A propos des V..., cette vieille famille de ses amis, elle raconte

que la grand-mère lui a dit plusieurs fois que son mari était mort;

or chaque fois elle lisait sur sa figure, dans ses yeux, que ce n'était

pas vrai. D'autre part, elle a lu chez les V..., un roman du Petit

Journal qui répond tout à fait au tableau de son existence per-

sonnelle. Et puis il y avait toujours sur le bureau un livre intitulé

« Louise et Paul ». Louise est le prénom de la malade et Paul

celui du brasseur. Qu'est-ce que cela signifie ? Elle ne sait pas au

356 PATHOLOGIE MENTALE.

juste ce qu'il y a dans ce livre, mais pourquoi était-il toujours là ?

C'est qu'ils étaient, eux aussi, au courant de ses misères.

Quand elle parle du retour à Paris de son mari qui était allé se

soigner à la campagne, elle se rappelle que dans la rue, elle voyait

toujours marcher devant elle quelqu'un avec une serviette sous le

bras. C'était pour lui faire comprendre qu'elle aurait dû s'adresser

aux hommes de loi lors de la vente de sa maison.

Dernièrement, elle a cru à un empoisonnement. Elle a déjeuné,

sans le savoir, dans le même restaurant qu'un des parents de son

mari, l'ancien sergent de ville. C'est en sortant qu'elle s'est trou-

vée face à face avec lui. Ils s'entretiennent un court instant ; elle

venait de le quitter, quand elle ressent des coliques atroces, suivies

de selles nombreuses. « Je me doute qu'ils sont allés à la cuisine

dire d'ajouter quelque chose dans les plats que j'ai mangés ».

Ici, à l'asile, elle continue à interpréter. Il lui est arrivé de voir

quelquefois des malades se déshabiller et se mettre presque nues,

mais dans les journaux achemina», "Je sais tout»,qu'elle regardait

parfois chez ses amis les V ? il y avait aussi des femmes nues.

Les malades émiettent du pain, pour les oiseaux. Mais la grand-

mère V...émiettait aussi du pain pour les moineaux. «Tout cela,

ce sont des signes ». Les infirmiers, les malades, exécutent eux

aussi les gestes qu'elle a si souvent observés.

A propos de ses compagnes à l'asile, elle fait remarquer : « il y

des folles qui ont de petits moments de connaissances ; il y en a

qui vous lancent des coups de patte ; on ne me parle pas, mais

c'est pour moi quand même llle conclu t : (Touscesgeiis-làdoivenL t

s'entendre... On dirait que ce sont des physiciens... Ils me font

voir d'avance tout ce qui va m'arriver... Partout où je vais, ils

sont là avant moi...Ils feraient bien marcher le Président de la

République ».

On ne trouve pas chez la malade de troubles hallucinatoires ; à

aucun moment nous n'avons observé soit dans ses paroles, soit

dans ses attitudes quelque chose, pouvant être, après examen,

considéré comme des troubles sensoriels.

De même les facultés intellectuelles de Louise K..., ne sont en

aucune manière affaiblies.

Au point de vue de l'activité, la malade a accompli un certain

nombre d'actes et elle manifeste certaines tendances qui ont,

dans le cas présent, une grande importance symptomatique et

diagnostique.

C'est une de ces réactions, bris de carreaux dans un bureau de

placement, qui a amené son internement. Il est intéressant de

rechercher comment elle a été amenée à cet acte. Elle venait d'en-

trer dans le bureau de placement, et la conversation était à peine

engagée, que la placeuse se met à exécuter les fameux gestes signi-

ficatifs. Elle serait peut-être partie sans rien dire, si cette femme

n'avait pas continué ces gestes avec une exagération, une mal-

' UN CAS DE DÉLIRE D'INTERPRÉTATION 357

veillance évidentes.C'est alors que Louise K... s'est emportée; on

s'est disputé et elle a cassé des vitres. -

A l'asile, la malade jusqu'ici a été calme. Elle s'isole et proteste

rarement auprès des infirmières, D'ailleurs, elle travaille en géné-

ral activement soit à la couture, soit à la cuisine, soit au repassage,

Elle livre peu ses pensées. Assez réticente, soit par défiance, soit

par crainte, soit peut-être aussi à cause du doute qui l'envahit

sans cesse, du manque de fixité de ses idées morbides, elle ne

nous a communiqué qu'après de longues conversations; son délire

et ses interprétations.

On observe chez elle deux tendances réactionnelles opposées.

Tantôt elle s'excite,s'emporte contre ses ennemis,notamment con-

tre le brasseur, M Paul A ? tantôt confie les parents de son mari

et elle dit qu'elle devrait se venger. Elle en a assez ; si on veut

l'essayer encore, qu'on la mette en prison, mais qu'on ne la garde

pas avec des fous. Une fois, à piopos du brasseur, elle nous a dit :

« J'aurais dû le tuer, après tout ce que j'ai souffeit ». Il est vrai

d'ajouter qu'elle nous a dit cela'en riant, dans une sorte d'explo-

sion, et qu'aussitôt après elle s'est demandé si le brasseur ne lui-

donnerait pas finalement une bonne place où elle gagnerait bien

sa vie.

Tantôt elle se propose des fins tout autres : elle refuse de

^manger. Sa soeur nous a déjà dit du reste qu'elle était restée cinq

jours sans s'alimenter, en 1905. Elle nous annonce qu'elle va re-

commencer. Et puis, elle dit aussi : « Quand je vois çà, je vou-

drais être morte ; je suis dégoûtée de la vie, je me tuerai... je-me

tuerai... je me tuerai; je me jetterai sous une automobile ».

Ces tendances au suicide nous paraissent actuellement plus fré-

quentes,au cours de l'examen, que les tendances homicides.

Ajoutons,chose à laquelle nous avons déjà fait allusion, que la

malade offre des alternatives de confiance et de désespoir. C'est

ainsi qu'elle dira que le brasseur,qui la connaît pour une femme

travailleuse et honnête, lui trouvera enfin la place qu'elle désire.

Puis quelques instants après, elle exprimera que ce n'est plus

possible, qu'elle devait se venger ou se tuer parce qu'elle n'a

plus rien à espérer.Le premier état émotif semble être, d'une ma-

nière générale, celui que, au fond, la malade éprouve le plus

souvent et le plus longuement.

Nous avons enfin observé chez la malade des gestes que nous

croyons devoir considérer comme une réaction de défense. Ce

sont d'ailleurs les mêmes que ceux qu'elle a observés chez ses

ennemis. Elle répondrait donc au geste accompli devant elle

par un geste identique ; elle se prend par exemple l'extrémité

nasale, si la personne qui lui parle se prend cette même extré-

mité.

D'autre part elle a certainement exécuté devant nous ce geste

spontanément quand on la pressait de questions sur un point

358 PATHOLOGIE MENTALE.

donné, notamment sur le pourquoi' de toutes les épreuves aux

quelles on la soumettait. Interrogée à ce sujet, elle ne s'explique

pas.

En somme, voilà donc une malade qui a des idées déli-

rantes de persécution depuis 6 ans environ et qui se présen-

te avant tout, cliniquement, avec des interprétations erro-

nées. Celte évolution progressive et ces interprétations sont

si nombreuses, si riches, si incessantes, si on peut s'exprimer

ainsi, qu'elle semble bien constituer une forme spéciale des

psychoses délirantes, le délire d'interprétation, forme diffé-

rente des autres psychoses délirantes chroniques qui peu-

vent s'accompagner aussi d'interprétations délirantes, et

notamment du délire des persécutés-persécuteurs.

En dehors de la débilité mentale qui n'est pas un diagnos-

tic clinique, mais un diagnostic étiologique, nous élimine-

rons d'abord les maladies dans lesquelles les interprétations

délirantes sont purement symptomatiques : psychoses chro-

niques hallucinatoires, démence précoce, confusion mentale,

folie périodique, paralysie générale, etc. Nous ne retien-

drons ici que les premières, les délires chroniques halluci-

natoires, parmi lesquels on pourrait être tenté de ranger

notre malade. Quelques-unes de ses interprétations sans

doute font songer à des troubles psycho-sensoriels. Ainsi,

elle a entendu la voix de son mari dans une de ses places ;

elle a entendu des hommes sur le trottoir dire qu'elle avait

un mauvais caractère et qu'il fallait lui donner un mari

comme elle ; sa réaction de défense enfin pourrait être

envisagée comme le résultat d'une hallucination, etc. Toute-

fois, lorsqu'on examine avec attention, à plusieurs reprises,

ces troubles, on n'y trouve rien de sensoriel. Elle n'a pas

entendu à proprement parler la voix de son mari ; elle a re-

connu le timbre de sa voix. Elle ignore ce qu'il a dit. Elle

ne l'a jamais entendu d'autres fois. Les hommes étaient sur

le trottoir, à causer, tout le monde les a vus et entendus.

Quant à son geste de défense, c'est en vain que nous lui

avons cherché une source hallucinatoire. D'ailleurs, à aucun

moment, durant les heures que nous avons consacrées à

l'examen de Louise K ? elle n'a laissé échapper une parole,

ou pris une attitude qui puisssent faite songer à des troubles

psycho-sensoriels. MM. Sérieux, Deny, admettent, du reste,

qu'il peut y avoir dans le délire d'interprétation de très

courts épisodes hallucinatoires.

UN cas DE DÉLIRE d'interprétation 359

Les psychoses délirantes chroniques sensorielles étant

éliminées, il importe de dire maintenant en quoi notre

malade se différencie des persécutés-persécuteurs.

1° Louise K... n'a pas d'idée obsédante ou pour mieux

dire d'idée fixe, prédominante, prévalente. Si ses idées de

persécution systématisées forment un tout il y a, dans la

manière délirante de la malade, une mobilité et une varia-

bilité incessante. Sans doute on la persécute, sans doute

on la met à l'épreuve, mais pourquoi ? Est-ce pour la re-

mettre avec son mari ? Est-ce pour la marier avec telle ou

telle autre personne ? Elle ne sait au juste ; il n'y a là rien

de fixe, rien de précis. Elle s'interroge continuellement. Elle

cherche : « je me doute de ceci.... je me doute de cela, » dit-elle.

Rien n'est absolument immuable. L'intellect de la malade

est comme une épave.ballottée au gré de'ses erreurs de juge-

ment. L'activité délirante du patient n'est pas figée en un

unique concept conduisant à un but lumineux, mais au

contraire elle offre des formes variées, elle se présenle sous

des aspects divers, quelquefois opposés. N'a-t-on pas vu

notre malade tantôt confiante, tantôt déprimée ? C'est le

doute, entretenu par la multiplicité de ses interprétations,

qui engendre cet état.

En vain donc on chercherait chez elle l'idée prévalente

des persécutés-persécuteurs.

2° Notre malade a des idées qui sont vraiment de nature

délirante, qui traduisenl l'abolition de son sens critique.

Or les idées délirantes proprement dites n'existent pas

chez les persécutés-persécuteurs. C'est ainsi que LouiseK...

dit qu'elle a affaire à des physiciens. De plus, elle a pré-

senté des idées d'empoisonnement, et elle a actuellement

des idées de suicide, par intervalles. On ne voit jamais de

telles idées chez les persécutés persécuteurs qui savent avec

précision ce qu'ils veulent et où ils vont. Enfin un persé-

cuté-persécuteur dirait-il que la voiture de la brasserie des

M.. s'est mise à courir après lui, à une heure du matin ?

Dirait-il que les fous lui lancent des coups de patte ?

3° Chez les persécutés-persécuteurs les conceptions mor-

bides sont fixes. Or.chez notre malade, il y a une évolution

manifeste. L'affection a débuté vers 1902, nous a dit la

soeur, et, depuis, l'état délirant n'a fait que s'aggraver.

D'ailleurs, l'étude de la psychicité de la malade, à laquelle

nous nous sommes livrés, montre que toujours il y a quel-

360 pathologie mentale.

que chose de nouveau clans son délire. Il n'est pas possible

de noter toutes ses interprétations ; elle en présente tou-

jours de nouvelles. C'est qu'elle travaille son délire ; infa-

tigable, elle élabore, raisonne, réfléchit sans jamais cesser.

4° Les réactions enfin de notre malade diffèrent de celles

des persécutés-persécuteurs. Elle avait pourtant de nom-

breuses raisons de réagir. A-t-elle assez souffert ! Que

d'épreuves elle a subies ! Or, au lieu de trouver la cause de

son internement dans une réaction contre ses persécu-

teurs, elle la trouve dans un acte destructif chez une

placeuse ? Et pourquoi ? Parce que celle-ci n'a cessé de

faire devant elle les gestes connus.

Enfin nous devons faire ressortir que, sans doute, la

malade nous a dit,en riant d'ailleurs, qu'elle se vengerait du

brasseur, qu'elle aurait dû le tuer, mais aussi elle a affirmé

des idées de refus d'aliments et de suicide : « Je ne mangerai

plus, je me tuerai, je me tuerai » a-t-elle dit maintes fois.

Sont-ce là des paroles de persécuté-persécuteur ?

En terminant, nous voulons rappeler ici les symptômes

qui, d'après MM. Sérieux et Capgras (1), différencient le

délire d'interprétation du délire des. persécutés-persécu-

teurs :

Délire d'interprétation.

1° Multiplicité des conceptions;

2° Existence d'idées délirantes

(mégalomanie, etc.) ; : 3 Evolution progressive du

délire ;

4° Contingence des réactions

pourtant mieux en rapport

avec leur mobile.

Délire des

persécutés-persécuteurs.

1° Idée obsédante unique ;

2° Absence d'idées délirantes

proprement dites ;

3° Fixité des conceptions mor-

bides ;

4e Constance des réactions

disproportionnée à leur

mobile.

« En résumé, concluent les auteurs (2) dans la folie des

persécutés-persécuteurs, on a affaire à une idée obsédante.

à u'i trouble de la volonté. Dans le délire d'interprétation.

c'est une perversion du jugement qui est le fondement de la

psychose ».

' (1) et (2). -SÉRIEUX et. CAPGRAS, Revue de Psychiatrie, juin 1901.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

- PATHOLOGIQUES

XXI Iï Ueber die Entwicl;lung der Neurofibrillen in der Pyramiden-

bahn des Menschen (Développement des n. dans la voie pyr. de

l'homme , par GIERLICII, de Wiesbaden. (Ctrbl. f.Nervenla.u.

Psychi., XXIX, f. 218, p. 606 et 607, 15 août 1906.)

Sept foetus du 3e au 10e mois lunaires ; méthode de Bielchowsky.

Foetus à terme à voie pyr. encore.amyélinique ; les axones sont

bien développés dans toute la moelle et dans le tronc cérébral,

tandis que la formation des fibrilles est encore très en retard dans le

centre ovale elles circonvolutions centrales ; quelques fibriles on-

duleuses dans les dendrites des cellules de Betz,mais leur cytosome

n'en contient pas encore et elles sont à peine visibles dans l'axone.

Deux foetus du 6e et du 7e mois les fibrilles apparaissent simul-

tanément sur toute la longueur de la moelle et dans le tronc céré-

bral. Les cellules pyr. n'ont pas encore de fibrilles, même dans

leurs dendrites. Dans les cellules des cornes antérieures et dans les

' racines antérieures, les fibrilles sont complètement développées.

G. se refuse à admettre la pénétration par croissance des axones

des cellules pyr. dans la voie pyr. 11 considère comme étant en fa-

veur de l'origine multicellulaire des neuro-fibrilles, la simultanéité

de leur apparition dans toute la portion médullaire de la voie, leurs

renflements primordiaux en forme de noeud et de réseau, leur union

pai des ponts protoplasmiques enfin, les « masses protoplasmiques

striées, teintes en noir », unissant deux cellules, qu'il aurait sou-

vent rencontrées à cette période du développement (13e Réunion

des neurologistes et aliénistes du S 0 à Baden-Baden,27 mai 1906).

Ch. B.

XXIV. - Kuenstlich hervorgerufene Halluzinationen. H. produites

artificiellement; par Ernst MoRAvcsm, de Budapesth. (Ctrbl. f.

Nervenh. u.Psychi., XXIX, f. 209, p. 209 à 216, 15 mars 1906.)

On sait que les excitations périphériques peuvent produire des

h. complexes. M. étudia leur action chez des alcooliques en évitant

toute suggestion, par exemple en faisant vibrer un diapason à por-

tée de l'ouïe, mais non de la vue du malade,non prévenu d'ailleurs.

L'expérience produisit toujours (4 cas) des h. semblables ou iden-

tiques aux h. habituelles du sujet, variant avec la qualité et la for-

ce de l'excitant, le plus souvent visuelles, souvent terrifiantes et

complexes, souvent sans rapports avec le sens excité, quelquefois

enfin cessant brusquement en même temps que l'excitant. Malgré

l'existence d'une perception originelle, M. pense qu'il s'agissait

362 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

bien d'h. et non d'illusions ; les sujets perçurent normalement l'ex-

citation causale ; les représentations pathologiques leurs parais-

saient en être indépendantes et avaient toute la réalité et l'objecti-

vité des h.-D'autre part, plusieurs fois l'excitation périphérique

modifia seulement le cours et l'intensité des h. déjà excitantes sans

produire de perception nouvelle.

Donc une excitation sensorielle peut « donner l'impulsion » à des

h., quand les fonctions du cortex sont déjà troublées. Ces h. peu-

vent être sans rapport aucun de nature ou de forme avec leur cause

occasionnelle ; ce ne sont pas des perceptions faussées mais des

perceptions nouvelles. Ch. B.

XXV. Lipomatose symétrique et lipomatose périostique ; p ar

M. MAYEN. (Bull. méd., ne 22 1907.)

Nous ne rappellerons pas ici la symptomatologie de la maladie

de Launois-Bensaude, nous nous contenterons de rappeler que,

pour les uns, elle est due à une lésion d'ailleurs inconnue du systè-

me nerveux, tandis que les auteurs qui l'ont les premiers décrite y

voient une affection primitive des ganglions lymphatiques, Mayer

a rencontré chez un même sujet la maladie de Launois-Bensaude et

un lipome périostique. Est-ce une coïncidence ? ou bien y a-t-il

une relation quelconque entre les deux états,comme le pense con-

jecturalement le Prof. Reclus. Quelle est la pathogénie d'une

telle affection, ne serait-ce point un état congénital ?

L. VA II L.

XXVI. Le mécanisme de la réaction électrique de Jolly ; par

M. Dott. Alberto SALOON (Firenze). (Policlinico sez. medica, Vol.

XIV 1907.)

La réaction de Jolly par ses particularités bien définies par

Jolly, Murri, Goldflam,Flora, Grocco, doit se distinguer de la réac-

tion myasthénique proprement dite d'origine musculaire, qu'on

observe dans les myopathies primitives, dans les atrophies mus-

culaires d'origine médullaire, cérébellaire etc. Dans la réaction

myasthénique on observe l'épuisement électrique musculaire non

seulement au courant faradique mais aussi aux stimulis galvani-

ques. Récemment Borghesini (Padova) a décrit un cas de myas-

thénie dans laquelle l'examen histologique des muscles démon-

trait une lésion très profonde des fibres striées et dans ce cas on

observait une prompte réaction myasthénique galvanique. La

réaction de Jolly au contraire se caractérise seulement par la ra-

pide perte de la contraction tétano-faradiques ; les muscles ce-

pendant apparemment épuisé réagissent parfaitement aux stimu-

lis volontaires et galvaniques ; l'inexcitabilité même musculaire

au faradisme se borne aux points directement excités par l'élec-

trode sans influer du tout l'excitabilité des points contigus du

muscle ou du nerf correspondant ; caractéristique est enfin la va-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 363

riabilité de la réaction et pas toujours sont constantes ses relations

avec l'asthénie (Grocco). Si pour les modifications électriques ob-

servées dans le premier cas la définition réaction myasthénique est

très exacte parce qu'elle révèle l'épuisement du muscle, on ne peut

pas dire de même de la réaction de Jolly,dans laquelle nous obser-

vons la normale excitabilité de l'appareil moteur périphérique.

En effet, le muscle, apparemment épuisé par le faradisme donne

avec la stimulation galvanique une prompte et vigoureuse contrac-

tion. Le galvanisme non seulement est impuissant à produire la

réaction de Jolly mais aurait une influence favorable sur l'épuise-

ment faradique (Murri). D'ailleurs dans la réaction de Jolly on ne

peut pas admettre l'épuisement des terminaisons nerveuses motri-

ces intra-musculaires (placche motrici) quand on voit que le mus-

cle épuisé par le faradisme obéit parfaitement à la stimulation

indirecte par le nerf.

La réaction de Jolly même qu'on observe par la faradisation des

nerfs périphériques (Coldflam, Murri) qui sont toujours inépuisa-

bles au faradisme, ne peut pas s'expliquer par leur épuisement. A

cette conception,s'oppose la parfaite excitabilité des terminaisons

nerveuses intramusculaires, qui, on sait, s'épuisent toujours avant

le nerf, ainsi le fait que,dans la réaction de Jolly, les nerfs, dans les

points même inexcitables par le faradisme, répondent normale-

ment aux stimulis galvaniques. On devrait alors supposer une mo-

dification qualitative du nerf épuisé aux deux stimulis électriques

ce qu'on observe très rarement dans les affections du nerf. Le mé-

canisme cependant de cette intéressante réaction serait parfaite-

ment éclairci en supposant que les nerfs cutanés, qui sont les meil-

leurs conducteurs du faradisme dans la peau, s'épuisent et perdent

rapidement la propriété de transmettre les stimulis faradiques à

l'appareil moteur neuro-musculaire, voire son inexcitabilité.

Un symptôme très précieux révélerait dans la myasthénie la

fatigue des nerfs cutané au faradisme,le rapide épuisement de la sen-

sibilité famdo-clltanée. Ce symptôme fut observé par Flora, Alber-

toni et par l'A. dans trois cas avec la réaction de Jolly. Notre hy-

pothèse expliquerait toutes les particularités autrement inexpli-

cables de la réaction de Jolly ; c'est-à-dife : 1° la perte d'excitabi-

lité des nerfs et des muscles se borne aux points cutanés directe-

ment excités par l'électrode.

2° L'épuisement obtenu par le faradisme sur le muscle ne modi-

fie nullement son excitabilité par le nerf et vice versa.

3° L'indépendance maintes fois observée de la réaction de Jolly

avec l'asthénie, sa présence dans les muscles qui démontrent par-

fait leur ton musculaire.

4° Le manque d'influence de l'épuisement farado-musculaire

sur les stimulis volontaires et galvaniques.

La réaction de Jolly, essentiellement due à l'épuisement des

nerfs cutanés au tétano-faradique, doit très vraisemblablement

364 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

son origine à la dépression fonctionnelle des centres corticaux qui

président à l'appareil nerveux de la peau. L'origine corticale de la

réaction de Jolly,déjà admise par Goldflam, s'accorderait tout à

fait avec l'expérience clinique qui démontre la fréquence du phé-

nomène électrique dans la névrasthénie.dans l'hystérie, dans les

névroses traumatiques, dans la maladie d'Erb, affections qui bien

souvent s'associent au grave épuisement des centres corticaux

sensorio-moteurs.

XVII.-Weitere Mitteilung ueber eine besondere Form von fami-

liarer amaurotischer Idiotie. (Nouvelle communication sur une

forme particulière d'I. A. par Spielmeyer, de Fribourg-en-B.

(Ctrbl. f. Nervenh. u. Psychi., XXIX, f. 205, p. 67 et 68, 1" jan-

vier 1906.)

Chez quatre enfants nés des mêmes parents, une maladie carac-

térisée par un profond affaiblissement intellectuel et de la rétinite

pigmentaire apparut au même âge et présenta absolument la

même évolution ; elle serait, d'après S., radicalement distincte, au

double point de vue clinique et anatomique, de l'idiotie de Sachs.

Chez deux des quatre enfants, l'autopsie permit de faire les mêmes

constatations : pas de lésions macroscopiques ; lésions microscopi-

ques complexes, intéressant les fibres myéliniques, les fibrilles, les

fibres et cellules névrogliques, les vaisseaux, mais surtout les cellu-

les nerveuses toutes gonflées par une masse granuleuse contenant

cà et là du pigment. (36e Réunion des aliénistes de l'All. du S. 0. à

Karlsruhe, 1905.) Ch. B.

XXVIII. Audition et clignotement réflexes, par le Dr J. Sn-

BRAZES (Gaz. hebd. des sciences méd. de Bordeaux, 2 juin).

Un enfant arrêté dans son développement psychique, incapa-

ble de fixer son attention, très arriéré ou idiot, en proie à une agi-

tation motrice continue est-il, en outre, atteint de surdité com-

plète ? Il importe, au point de vue de la mise en oeuvre des mé-

thodes d'éducation des idiots et des imbéciles, de répondre à cette

question. Or cela n'est pas toujours facile. On pourra recourir au

stratagème suivant : A une certaine distance de l'enfant on produit

à son insu, un bruit fort et subit : son de cloche, de cor de chasse,

de trompe, coup de sifflet etc., etc.Si l'ouie n'est pas perdue, un

clignotement palpébral réflexe marque immédiatement chaque

bruit. Dr SABRAZES.

XXIX.-Experimentell erzeugte Gehirn-Atrophie und damit verbnn-

dene Schadel-Atrophie. (Atr. cérébrale expérimentale- et a. crâ-

nienne en résultant ; par G. d'ABUuNDo, de Catania. (Ctrbl)

f. Nervenhi. u. Psych., XXIX, f. 219, p. 625 à 629,15 août 1906.,

Chiens et chats d'un jour : 1° résections latérales partielles de la

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 365

voûte crânienne : pas d'hémiatrophie consécutive du cerveau ni du

crâne ; 2° résection cranienne partielle, ablation du cortex mis à

nu : hémiatrophie du cerveau et du crâne. Mêmes expériences

mais avec lésion bilatérale : atrophie des deux hémisphères et mi-

crocéphalie.

Dans tous les cas de longue survie, hydrocéphalie ventriculaire.

Chiens et chats d'un mois : les mêmes séries de lésion n'entraînè-

rent que des résultats bien moins marqués. A. insiste sur cette dif-

férence et sur les applications que l'on peut en faire à la pathologie

humaine. Ses recherches justifient en effet l'importance que l'on

attache en psychiatrie à l'asymétrie cranienne ; elles condamnent

la craniectomie dans l'idiotie ; elles expliquent aussi comment des

traumatismes subis par le crâne très peu de temps après la nais-

sance peuvent avoir pour suite des troubles intellectuels tardifs,et

constituent une nouvelle objection à la théorie de Virchow qui

voit dans la microcéphalie l'effet d'une soudure prématurée des

os du crâne. " Ch. B.

YXX.- La théorie des neurones,la fatigue,le repos et le sommeil;

par M. W. BEVAN Lewis. (Tlae Journal of mental Science, octo-

bre 1906.)

Travail très nourri de faits et de citations dont les conclu-

sions pratiques visent surtout l'étude de la fatigue chez les ado-

lescents. L'auteur constate qu'il y a des variations diurnes à pério-

dicité rythmique dans la capacité intellectuelle des enfants ; tel

enfant produira à tel moment de la journée une somme de travail

bien supérieure à celle qu'il est capable de fournir à un autre mo-

ment,et cela avec une moindre fatigue.il faudrait donc que les maî-

tres se familiarisent avec les courbes de fatigue,afin d'intercaler au

moment utile des périodes de repos entre les périodes d'effort ; ils

auraient besoin de savoir aussi que la fatigue résiduale que pré-

sentent les enfants dont le sommeil est insuffisant va continuelle-

ment croissant et aboutit à une diminution importante de la capa-

cité de travail, pouvant chez des sujets à tare névropathique, con-

duire aux formes graves de la folie des adolescents.

R. DE MUSGRAVE CLAY.

XXXI. Définition et nature de l'hystérie ; par CROC. (Journ. de

neurologie, n° 8, 1907.)

L'hystérie, d'après l'auteur, est caractérisée surtout par une sug-

gestibilité maladive. Le fait que la suggestion thérapeutique, dé-

signée par M.Babinski sous le nom de «persuasion», peut guérir tou-

tes les manifestations hystériques prouve d'une façon éclatante

que la plupart de ces manifestations, notamment les paralysies,les

anesthésies, les contractures, les idées fixes,etc.,sont les résultats

de la suggestion ou de l'auto-suggestion. Il n'est cependant pas

possible d'admettre que toutes les manifestations hystériques

366 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

soient le produit direct de la suggestiblité. L'hyperimpressionna-

bilité et la diminution du contrôle cérébral qui sont la cause vraie

de la suggestibilité des hystériques peuvent aussi provoquer direc-

tement des phénomènes morbides.

L'accès convulsif n'est-il pas dans bien des cas l'expression pure

et simple de l'hyperimpressionnabilité ? La versatilité, l'irréflexion

des hystériques,ne sont-elles pas la conséquence directe de la dimi-

nution de leur contrôle cérébral ? L'exagération des réflexes tendi-

neux niée par M. Babinski, mais acceptée par la plupart des clini-

ciens, n'est-elle pas le résultat de ces deux perturbations simul-

tanées. L'auteur est ainsi conduit à conclure que trois facteurs

caractérisent l'hystérie : l'hyperimpressionnabilité, la diminution

du contrôle cérébral et l'hypersuggestibilité ; ce dernier facteur

résulte des deux autres mais son importance clinique est telle

qu'il peut nous frapper d'une manière toute spéciale. En se

basant sur ces notions, on peut donner de l'hystérie, la définition

suivante : l'hystérie est un état psycho-pathologique caractérisé

par l'hyperimpressionnabilité, la diminution du contrôle céré-

bral et l'hypersuggestibilité. G. DENY.

XXXII. Die hysterischen Dissoziationen im Lihckte der Lehre von

der Energie-Absorption. (Les d. h. à la lumière de la doctrine de

l'absorption d'é.) par R.VoGT, de Kristiania, (Ctrbl. f. Nervenh.

u. Psychi., XXIX, f. 210, p. 249 à 255, le'- avril 1906.)

V. s'inspire des idées bien connues de Lipps sur l'association :

quand deux territoires cérébraux A, B, sont associés, il y a d'abord

écoulement d'énergie de B à A : il y a donc dissociation de B, ou

absorption d'énergie, puis l'énergie va de A à B., c'est là le proces-

sus d'association proprement dit ; il y a dérivation d'énergie. Sui-

vant les circonstances,l'un quelconque des deux courants peut pré-

dominer.

D'autre part,un processus en A aura en B une action dissociante

d'autant plus forte (inhibitrice, paralysante) que les voies asso-

ciant A à B auront été mieux préparées par l'hérédité et l'exercice;

la similitude des fonctions de A et de B a le même effet.

V. rappelle ensuite quelques exemples certains d'ass. structurel-

lement préformées, congénitales pour ainsi dire : champ de projec-

tion d'un membre, centres de fonctions déterminées, que les pro-

cessus inhibitifs de l'hystérie peuvent exclure en masse de la vie

consciente : telle la paralysie isolée des mouvements de l'écriture.

Ces mêmes processus dissociateurs peuvent étendre leur action à

plusieurs fonctions semblables : excitation sexuelle produisant

l'anesthésie des organes génitaux et de la mamelle.Quand,après un

trauma, un membre est immobilisé un certain temps, et qu'il se

produit une paralysie ou une anesthésie hystériques, il est inexact

de dire que l'idée de cette paralysie en ait été la cause : il ne s'agi-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 367

rail que d'un symptôme psychologique secondaire du processus

dissociateur (absorbant de l'énergie).

La persistance des symptômes hystériques produits par une cau-

se .passagère peut aussi s'expliquer par l'hypothèse de Lipps : les

processus corticaux se prolongent tant que l'énergie mise en jeu

dans leur territoire n'a pas été absorbée par les territoires associés.

Dans l'hystérie, les ass. sonL pauvres et insuffisantes ; les processus

(souvenirs) gardent donc plus longtempsleur énergie et leur pou-

voir inhibiteur. Ch. B.

XXXIII. ZurPrüfung derPupillenreaktionén. (Sur l'examen des

réactions pupillaires) ; par HEDDAEUS, d'Essen. (Ctnbl. f. Ner-

vent. u. Psy. chi. XXIX, f. 213, p. 385 et 386, 15 mai 1906.

L'absence de la réaction de convergence ou réaction à l'accom-

modation d'un seul côté, indique une lésion du M. 0. C., seul

nerf que parcourt alors l'excitation.

La réaction à la lumière intéresse au contraire deux nerfs (II et

III) dont on peut examiner séparément les fonctions. On soumet

alternativement les deux yeux à la lumière et à l'obscurité : si les

deux pupilles ou une seule réagissent normalement, les M. O. C.

sont intacts ; si une pupille ne réagit pas quand on soumet les deux

yeux à la lumière puis à l'obscurité, on dit qu'il y a immobilité réflexe

ou absolue,suivant que la réaction à la convergence est conservée

ou a disparu. Quand les deux pupilles réagissent à la convergence,

mais non à l'éclairage alternatif, le diagnostic se pose entre l'im-

mobilité réflexe des deux pupilles et le trouble fonctionnel des fi-

bres pupillaires centripètes des deux yeux. En général, en soumet-

tant les deux yeux alternativement à la lumière et à l'obscurité, on

met en évidence les troubles du M. O. C.;en appliquant la même

manoeuvre à un seul oeil, on peut déceler les troubles du nerf op-

tique. Ch. B.

XXXIV.-Ueber den Abbaudes Nervengewebes.(Surladésintégra-

lion du tissu nerveux) ; par lLZn>;tntEn,de Munich. (Ctrbl. f. Ner-

venh. u. Psychi., XXIX, f. 216, p. 526 à 528, le, juillet 1906.)

A.doute que les méthodes « qui permettent de distinguer facile-

ment les lésions de la P. G. de celles de la démence sénile, l'artério-

sclérose de la syphilis cérébrale » arrivent jamais à déceler des dif-

férences anatomo-pathologiques entre les cerveaux d'individus

atteints de «psychoses simples» et puissent un jour aider la psy-

chiatrie à débrouiller le chaos des formes observées.

Les quelques lésions notées dans les psychoses dites fonctionnel-

les sont essentiellement régressives, dégénératives, d'où l'impor-

tance de l'étude et du classement des produits de désintégration :

certains,des premiers connus, ceux que met en évidence la méthode

de Marchi ne présentent rien de caractéristique dans aucune psy-

chose. Par contre, dans toutes les psychoses conduisant à la dé-

363 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES

mence, on voit la graisse s'accumuler dans les cellules de l'adven-

tice après avoir pris naissance dans d'autres éléments ; on la ren-

contre aussi dans les cellules nerveuses et névrogliques.

Dans l'idiotie amaurotique,elle est particulièrement abondante

mais n'existe toutefois que sous forme d'une très fine poussière

dans les cellules nerveuses ; il existe en même temps un autre pro-

duit de désintégration, protagonoide,très abondant dans les cellu-

les nerveuses, dont la coloration exige des méthodes spéciales. Ce

corps fut retrouvé dans des psychoses fonctionnelles. Il y a

d'autres, mais pour lesquels la technique n'est pas encore fixée.

Quant à la névroglie, elle présente dans différents cas de troubles

psychiques des cellules à cytosome volumineux, ressemblant à

des cellules amiboïdes (Eisath), contenant des granulations « myé-

linoïdes, fibrinoides et de la graisse ; on peut souvent suivre leurs

prolongements jusque dans l'espace lymphatique de l'adventice :

peut être est-ce là la voie par laquelle la graisse arrive dans les

cellules de l'adventice.

A. insiste, en terminant, sur la nécessité d'améliorer les moyens

de fixation et de durcissement. {Réunion annuelle de la société de

Psychiatrie de Munich, 20 et 21 avril 1906.) Ch. B.

XXXV. Ueber pathologische Beeinflussung des Bewegungsab-

laufs bei Erkrankung des Stirnhirns. (Trouble des mouvements

par lésion du lobe frontal) ; par HARTMANN, de Graz. (Ctrbl. /.

Nervenh. u. Psychi., XXIX, f. 216, p. 534 et 535, 1" juillet 1906.)

Homme 34 ans; début brusque par vomissements, céphalée, stu-

peur. d droite, les excitations ne sont pas suivies de leur effet ordi-

dinaire, ainsi pas d'occlusion des paupières à l'approche brusque

d'un objet pointu. Sensibilité cutanée et « sens musculaire » nor-

maux. Les mouvements du côté gauche pouvaient d'abord être

répétés à droite après leur accomplissement ; plus tard,ils ne purent

être exécutés par le côté droit que pendant qu'ils l'étaient par le

côté gauche. Les actes dont les mouvements devaient être dirigés

par plusieurs organes sensoriels étaient mal exécutés par le côté

gauche ; à droite, akinésie complète. Les mouvements d'ensemble.

tels que la marche, étaient conservés ; pas de phénomènes spasti-

ques. Anosmie bilatérale.

On peut dire que,dans ce cas,les impressions sensorielles fournies

par le côté droit ne pouvaient pas une fois parvenues dans l'hé-

misphère gauche, servir au mouvement, même avec l'intervention

des centres de l'hémisphère droit : complètement incapables d'ex-

citer l'hémisphère gauche, elles ne représentaient pour l'autre que

des excitants insuffisants et désordonnés.

Autopsie : Tumeur dans la substance blanche du lobe frontal

gauche, ayant vraisemblablement son point de départ dans le

genou du corps calleux. Intégrité du reste de l'hémisphère, notam-

ment des circonvolutions centrales et de la capsule interne.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 369

H.propose l'interprétation suivante : normalement les circonvo-

lutions centrales ne sont pas dirigées directement par les centres sen-

soriels postérieurs : elles le sont toujours par l'intermédiaire du

lobe frontal. Elles jouent dans les mouvements du corps un rôle

analogue à celui du centre de Broca dans ceux du langage. Ce cas

montre la grande importance des représentations cinesthétiques,

qu'il faut localiser dans le lobe frontal ; il réalise exactement

l'apraxie motrice indiquée par Liepmann dans son schéma (VI :

perte des représentations cinesthétiques) et prouve que cette

apraxie est un trouble transcortical. (Réunion annuelle de la Soc. de

Psychiatrie de Munich, 20 et 21 avril 1906.) Ch. B.

XXXVI. Ein Beitrag zur Histopathologie des Tabes dorsalis.

Contribution à, etc. ;par P.ScHROEDER, de Breslau.(Ctrbl. f.Ner-

venh. u. Psychi., XXIX, f. 218, p. 585 à 593, 1er août 1906.)

S.rappelle que la lésion du tabes est bien moins systématisée

qu'on le croyait ; qu'Alzheimer a constamment trouvé la pie-mère

épaissie et infiltrée de cellules plasmatiques et de leucocytes, tan-

dis que ces éléments manquaient dans la moelle autour des vais-

seaux, conformément, du reste, à l'opinion la plus 1 épandue.

Dans cinq cas de tabes, dont un au début, S. constata, au con-

traire,des signes évidents d'inflammation dans tout l'appareil con-

jonctivo-vasculaire que la pie-mère envoie dans la moelle, signes

plus nets dans le cas de tabes incipiens, mais existant encore dans

des cas datant de plusieurs dizaines d'années. L'infiltration n'était

pas limitée aux cordons postérieurs mais s'étendait sur toute

l'épaisseur de la moelle ; dans un cas où elle fut recherchée dans

tout le névraxe, S. la retrouva dans le nerf optique et le tronc céré-

bral, mais non dans l'écorce cérébrale. Elle manqua dans un cas de

pseudo-tabes alcoolique et dans la dégénération des cordons posté-

rieurs secondaire à la compression. ·

S. remarque que la même lésion se retrouve dans la P. G., no-

tamment dans le cortex que rien ne permet encore de distinguer des

lésions purement dégénératives des éléments nerveux de leur dégé-

nération consécutive à un processus inflammatoire ; qu'il est enfin

impossible de préciser la part des lésions qu'il constata dans la pio-

duction de la dégénération des cordons postérieurs. Ch. B.

XXXVII. - Ueber Hemiplegie bei intakter Pyramidenbahn. Sur

l'h. sans lésion de la voie pyr. par SPIELMEYER,de Fribourg-en-

B. (Centrbl. f. Nervenh. u. Psychi., XXIX, f. 218, p. 600 et 601,

1er août 1906.)

Femme; épilepsie génuine sans convulsions jacksoniennes, sans

paralysies postparoxystiques ; démence progressive.Deux ans avant

la mort (à 41 ans), après un état de crises, hémiplégie gauche qui

présenta constamment les caractères de l'hémiplégie cérébrale.

Intégrité absolue des fibres pyramidales dans le pont, le bulbe,

Archives, 3° série, 1901, t. II. il

370 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

la moelle,mais atrophie considérable de l'hémisphère droit surtout

dans la région rolandique. Dans la lèvre postérieure de Fa, la 'cou-

che des pyramidales géantes est seule conservée dans toute son

étendue et ses cellules sont absolument semblables en tout à celles

de l'hémisphère gauche. Il existe encore un assez grand nombre de

grandes pyramidales dans l'étage profond de la 3e couche. Les au-

tres couches ont plus ou moins disparu, et sont remplacées par de

la névroglie bien caractérisée.

L'intégrité de la voie pyramidale s'explique facilement par celle

des cellules pyramidales géantes et grandes que l'on considère

comme l'origine de ses fibres. L'hémiplégie relève donc de lésions

siégeant au-delà des cellules de projection. (33e Réunion des neuro-

logistes et aliénistes du S. O. à Baden-Baden, 27 mai 1906.)

Ch. B.

XXXVIII. Deux tumeurs de l'hypophyse; étude histologique ;

par ALQUIER et Schmiergeld. (L'Encéphale, 1907, n° 5.)

L'hyperplasie glandulaire ne semble pas devoir être considérée

toujours comme une tumeur proprement dite : suivant les caractères

histologiques constatés, cette hyperplasie répond à une hypertrophie

simple par fonctionnement exagéré de la glande, (Observation I),

ou bien elle est associée avec des lésions dégénératives de la glande

dont l'état des cellules révèle le non fonctionnement (Observ. II).

F. TISSOT.

XXXIX. L'influence physiologique des vibrations mécaniques

sur le système nerveux; par STCIEUR13AK. (L'Eiicéphale, 1907,

n° 3.

L'application locale de vibrations mécaniques (diapason, vibra-

teur électrique) est capable de « charger » d'énergie nerveuse cer-

tains appareils du système nerveux que l'on peut alors » déchar-

ger » à l'aide de certaines manoeuvres (mouvements passifs, fixa-

tion immobile). En appliquant le vibrateur dans le domaine de

l'articulation du genou, l'auteur a pu produire artificiellement chez

l'homme l'exagération unilatérale du réflexe rotulien ; bien mieux,

il l'a produite chez un tabétique dont les réflexes rotuliens étaient

considérablement affaiblis. Ce clonus vibratoire a une origine cen-

trale, c'est-à-dire que sa production nécessite l'intégrité des con-

nexions entre les terminaisbns nerveuses périphériques et la moelle,

ainsi que de celles entre la moelle et le cervelet, celui-ci se montrant

comme un accumulateur important d'énergie nerveuse. La nature

de ces phénomènes vibratoires semble résider non dans un afflux

d'énergie venu de l'extérieur,mais dans une nouvelle distribution de

l'énergie nerveuse propre : sous l'influence des vibrations, des voies

sinon nouvelles,du moins plus faciles.seraient créées au passage de

l'influx nerveux. Au point de vue thérapeutique l'auteur a obtenu

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 371

de bons résultats de l'emploi des vibrations dans un cas de myo-

pathie atrophique progressive. F. TISSOT.

XL. L'encéphalite aiguë non suppurée ; par Ciiartier. (L'En-

céphale, 1907, n° 3.)

Importante revue générale, bibliographique et critique, qui met

au point et à sa place la question des encéphalites aiguës dégénéra-

tives.Il y a identité complète de nature entre celles-ci et les myéli-

tes diffuses, l'association des deux n'étant d'ailleurs pas rare sous

la forme d'encéphalomyélite. Malgré la confusion qui pendant un

temps a englobé l'encéphalite aiguë dans le ramollissement céré-

bral, il existe des différences anatomiques réelles entre le ramollis-

sement inflammatoire de l'encéphalite et le ramollissement isché-

mique. F. TISSOT.

XLI. Examen des centres nerveux dans deux cas d'hystérie ;

par CLAUDE. (L'Encéphale,1907, n° 7.)

Le système nerveux de certains sujets hystériques est loin d'être

normal, sans qu'il soit possible cependant de déterminer dans

quelles mesures les lésions constatées sont responsables des phéno-

mènes hystériques. Il paraît probable que souvent les accidents

hystériques se greffent sur des lésions organiques plus ou moins

accusées et trouvent dans cette association la raison de leur longue

durée et de leur ténacité. F. TISSOT.

XLII. Des altérations de la moelle épinière chez le lapin sous

l'influence de la vibration intensive. Valeur diagnostique du clo-

nus vibratoire. Contribution à l'étude de la commotion de la moel-

le épinière ; par STCHERBAK. (L'Encéphale, 1907, n° 5.)

Travail faisant suite à un premier paru dans l'Encéphale 1907,

n° 3 et où l'auteur expose les effets cliniques et les désordres anato-

miques que peut produire dans la moelle la commotion prolongée

de celle-ci sous l'influence de vibrations mécaniques intensives. Il

résulte de ses expériences que seule l'absence du clonus vibratoire

peut avoir une importance pour le diagnostic parce qu'elle indique

une lésion organique ; mais la présence de ce phénomène réflexe

n'exclut pas la possibilité d'une lésion médullaire. F. TISSOT.

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REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

XXVIII. - Les maladies nerveuses dans la pratique journa-

lière ; par Albert Charpentier. (Bulletin médical, 26 juin.1907.)

Ce sont des conseils que l'auteur donne aux praticiens sur lafaçon

d'examiner un nerveux : il n'attache pas à l'interrogatoire l'im-

portance qu'on lui attribue ordinairement et, cela, pour des raisons

sérieuses : un interrogatoire trop approfondi facilite souvent les er-

reurs de diagnostic. Il insiste sur la possibilité des simulations

conscientes,si difficiles à reconnaître parfois en médecine légale,et

celle des simulations inconscientes si fréquentes dans l'hystérie, il

rappelle également l'importance de l'usage de l'ophthalmoscope et

du laryngoscope dans l'étude des maladies nerveuses; il insiste sur

les troubles sensitivo-sensoriels pour éclairer le diagnostic.

L. WAHL.

XXIX.-Suggestionet hystérie. Réponse à l'article de M.Bernheim :

« comment je comprends l'hystérie » ; par Babinski. (Bulletin

médical, 11 mars 1907. )

Article de polémique assez virulent entre les deux savants mai-

tres au sujet des questions relatives à la pathogènie de l'hystérie.

M. Bernheim a répondu à son contradicteur et maintient sa facon

de voir L WAHL.

XXX.- A propos du traitement des méningites otitiques suppurées;

par LAPOINTE. (Bulletin médical, 10 avril, 1907.)

Une ponction lombaire pratiquée sur une jeune femme de 21 ans

atteinte d'otite moyenne suppurée permit de reconnaître 95 % de

polynucléaires, contre 5 % de lymphocytes ; le diagnostic d'abcès

sous-dure-mérien s'imposait. Opération en un seul temps, malgré

les classiques qui recommandent de la faire en deux temps. Gué-

rison. L. WAIIL.

XXXI. Considérations générales sur l'hystérie ; lecons du Prof.

RAYMOND. (Bulletin médical, 29 mai et 19 juin 1907.)

Après avoir rappelé la vieille théorie utérine qui a régné dans la

science depuis Hippocrate jusqu'à Landouzy, de Reims, le Prof.

Raymond résume les théories de Charcot, Pitres, Sollier. Bern-

heim, Grasset, Pierre Janet,Claparède,Ziehen et Babinski.Il insiste

avec Charcot sur le caractère spécial de l'hystérique, sur les anes-

thésies bizarres qui ne répondent point à des trajets anatomiques et

ne sont point toujours dues, quoi qu'on en puisse dire,à des sugges-

tions médicales ou imilatives,mais qui sont en rapport avec le sub-

conscient, aussi bien que les hyperesthésies.les troubles systémati-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 373

sés du mouvement, les tremblements et les chorées.qui ont com-

me substratum un souvenir latent d'un acte professionnel mis en

branle par un concept mental lui-même subconscient, les troubles

circulatoires et trophiques qui ne doivent point être rayés du cadre

de l'hystérie, mais vis-à-vis desquels on doit se mettre en garde

contre la simulation.

Le Piof. Raymond rapporte deux observations, l'une de pem-

phigus qui lui paraît authentique, l'autre d'oedème hystérique dia-

gnostiqué par Charcot après que des praticiens des plus distingués

eussent commis des erreurs. Ces états semblent. eux aussi,dus à une

absence de contrôle correctif de l'intellect sur le subconscient. En-

fin Raymond rappelle la grande attaque hystérique qui est un

phénomène de réévocation consciente ou non,les désagrégations

du moi le somnambulisme et la fugue, l'amnésie, l'aboulie et les

troubles de caractère.

Le Prof.Raymond définit ainsi l'hystérie : «La psychonévrose hys-

térie résulte d'une modification du dynamisme nerveux caractéri-

sée par un trouble du régime des réflexes corticaux ou sous-corti-

caux. Ceux-ci, inhibés ou excités, engendrent la dissociation des

opérations psycho-physiologiques et leur fonctionnement isolé et

sans contrôle. Ainsi sont créés des syndromes nerveux plus ou

moins durables dans les divers domaines qui règlent ces réflexes ».

Le Prof. Raymond établit le diagnostic de l'hystérie et de la psy-

chasthénie ;cette dernière évolue sur le terrain dégénératif,ses trou-

bles vont en progression croissante et sont appréciés par le sujet

lui-même avecune consciente suffisante. Il rappelle l'influence désas-

treuse des agglomérations d'hystériques dans un même service, les

grandes épidémies de démonopathie, des possédées et jusqu'à celle

de Savoie (1857).Enfin il présente deux malades,l'une appartenant

au service du Prof. Déjérine et atteinte de contractures multiples,

l'autre, un homme, atteint d'astasie-abasie. On doit éviter de con-

fondre l'hystérie avec la démence précoce. Les cas de grande hys-

térie,que l'on ne voit plus comme autrefois s'accumuler dans les hô-

pitaux se rencontrent encore à l'état sporadique chez des prédispo-

sés. L'isolement est le meilleur traitement de cette psychonévrose.

Au point de vue du traitement,l'hystérique doit être soigné indi-

viduellement pour éviter les contagions mentales et les exemples.

La prophylaxie de cette redoutable affection doit tout d'abord con-

sister dans une éducation rationnelle. On doit séparer de leur mère

aussitôt que possible les jeunes prédisposés,les surveillant avec le

plus grand soin au moment de la puberté. La maladie déclarée, le

malade doit être isolé suivant la méthode de Weir Mitchell et de

Charcot; à l'hôpital, suivant celle de Déjérine, l'alitement est in-

dispensable surtout chez les anorexiques, puis on doit procéder à

une rééducation psychique et physique soit par la suggestion à

l'état de veille soit, pour détruire l'idée fixe, à la suggestion h y

pnotique qui est sans danger lorsqu'elle est judicieusement emplo-

374 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

yée ; les courants électriques faibles, l'exercice méthodique, la

gymnastique rhytmique et suédoise, le massage sont indiqués. La

médication tonique et l'hydrothérapie sont d'excellents adjuvants

du traitement. L. WrII,.

XXXI. - Paralysie isolée du muscle grand dentelé ; par CLAUDE

et Descomps. (L'Encéphale, 1907, n° 1.)

Affection rare se révélant par les déformations de l'épaule dans

les diverses positions du bras, la réaction électrique de dégénéres-

cence, la conservation de la force musculaire, les déformations

thoraciques et rachidiennes. En ce qui concerne ces dernières, la

déformation thoracique semble bien être secondaire à la déviation

vertébrale qui est elle-même symptomatique de la paralysie du

grand dentelé et dans la production de laquelle intervient en outre

l'action réflexe et compensatrice des muscles voisins. La cause de

cette paralysie réside dans une infection localisée sur le muscle sur-

mené et sur la bourse séreuse d'articulation sous-scapulaire qui est

en contact direct avec lui ; comme le nerf'thoracique long chemine

précisément tout contre cette bourse, l'infection a gagné le nerf

d'où la névrite consécutive progressivement croissante jusqu'à

aboutir à la paralysie complète du muscle. F. Tisser.

XXXIII Les accidents nerveux du mal de Pott chez les adultes ;

(Revue générale), par ALQUI>;R. (L'Encéphale, 1907, in n° 1.)

Plus fréquents chez l'adulte que chez l'enfant, plus fréquents

aussi dans les localisations dorsales, ces accidents relèvent de plu-

sieurs causes : la compression osseuso (peu fréquente mais non

complètement négligeable), la péripachyméningite externe tuber-

culeuse constituée par le foyer tuberculeux et l'inflammation envi-

ronnante, et agissant sur les racines et sur la moelle. Les méninges

molles et la moelle sont rarement envahies par la tuberculose ; sou-

vent la moelle présente des lésions d'oedèmo qui peuvent aboutir en

foyers de nécrose. Les douleurs à caractères radiculaires marquent

lo début des manifestations nerveuses ; leur siège n'est pas toujours

en rapport avec celui de la lésion ; puis surviennent los signes de

compression radiculo-médullaire consistant en paralysies spasmo-

diques ou flasques. Le diagnostic est facile quand les signes rachi-

diens sont nets,. en est autrement quand ils manquent : les trou-

bles douloureux du début donnent fréquemment lieu à des erreurs

de diagnostic. La paraplégie des membres inférieurs pourra être

attribuée à une méningo-myélite, à une compression médullaire.

Le mal de Pott cervical donnera parfois le change avec la pachy-

méningite cervicale hypertrophique. Le pronostic du mal de Pott

avec troubles nerveux n'est pas toujours mauvais, la guérison s'ob-

serve parfois, mais les récidives sont fréquentes. La réparation

anatomique est très longue à s'effectuer (plusieurs années). Le

traitement chirurgical est peu roeommamiahle. F. TisSOT.

, REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 375

XXXIV-La compression radiculo-ganglionnaire dans les tumeurs

de l'encéphale ; par LEJONNE. (L'Encéphale, 1907, n° 3.)

Les tumeurs de l'encéphale qui produisent une forte compres-

sion cérébrale, s'accompagnent fréquemment d'un syndrome parti-

culier, le syndrome de compression radiculo-médullaire, qui recon-

naît pour cause des lésions des racines et des cordons postérieurs.

Le signe principal est la diminution puis la disparition des réflexes

tendineux ; les autres signes, moins constants et d'appréciation

plus difficile, consistent en phénomènes ataxiques, troubles divers

des sensibilités subjective et objective, et sont parfois assez accen-

tués pour évoquer l'idée d'un tabès. La ponction lombaire met en

évidence l'hypertension du liquide céphalo-rachidien qui, mesurée

au manomètre, peut atteindre 40 cent. d'eau. La lésion primitive,

uniquement mécanique, siège au niveau des racines rachidiennes,

surtout de la postérieme, elle consiste en une dislocation des tra-

vées conjonctivo-vasculaires de ces racines ayant son maximum à

leur point de passage dans le canal durai (« zone fragile » de Na-

geotte). Secondairement se produisent des lésions parenchyma-

teuses (désintégration granuleuse, démyélinisation) ; les cylindra-

xes peuvent être plus ou moins altérés, ils persistent toujours. Ce

syndrome est amené par l'hypertension du liquide céphalo-rachi-

dien qui agit en disloquant les fascicules nerveux. F. Tissot.

XX<TV. - Contribution à l'étude de l'incontinence nocturne; par

M . PERRON. (Rev. med. de la Suisse Romande, 1906, n° 8.)

L'incontinence nocturne essentielle de l'urine n'implique nulle-

ment, d'après l'auteur, une faiblesse organique du sphincter ; s'il

en était autrement,cette faiblesse devrait également se manifester

au même taux à l'état de veille.

Neuf fois sur dix, c'est à un sommeil trop profond qu'est due

l'incontinence nocturne d'urine. Ce profond sommeil,en éliminant

l'action des centres cérébraux qui pendant l'état de veille règlent les

fonctions vésicales, transforme la miction en un réflexe médullaire ;

le sommeil anormal étant constaté on en recherchera les causes

dans chaque cas particulier, il est dû souvent, d'après l'auteur, à

la présence de végétations adénoïdes qu'il suffit d'enlever pour

rétablir les mictions anormales.

Dans le cas contraire on aura recours à des massages tonifiants

du muscle sphincter par l'intermédiaire du courant faradique à in-

terruptions lentes. G. DENY.

XXXVI. - Sur deux cas de fièvre hystérique;par M. 1 SSAÏLO-

VITCII-DusclArl. (Rev. med. delà Suisse Romande, 1906, n° 9).

L'auteur relate les observations de deux sujets, une femme

de 26 ans et un homme de 28 ans, qui ont été atteints de fièvre

hystérique et qui ont, guéri l'une sous la menace d'un divorce,

376 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'autre à la suite de la frayeur qu'il a éprouvée en assistant à un

lavage de la vessie, opération à laquelle il redoutait d'être lui

même soumis.

La fièvre hystérique serait caractérisée par son irrégularité et sa

résistance-aux antithermiques.par l'absence de troubles généraux

concomitants ou la discordance de ceux-ci et enfin par l'existence

d'antécédents et de stigmates hystériques. G. DENY.

XXXVII. - Einige Bemerkungen zur Lehre von den traumatis-

Chen-Neurosen. Quelques remarques sur les névrose tr.; paru.-

HELrr-SPECHr, deTubingen. (Ctrbl. f.Nervenheilk.u. Psychiat.,

XXIX, fasc. 204, p. 1 à 15, 1er janvier 1906.)

Etude des courbes de fatigue de l'association (additions) et du

travail musculaire (à l'ergographe) chez deux sujets atteints de

névrose traumatique.

Homme de 64 ans, présentant, consécutivement à un accident,

de l'affaiblissement de la mémoire, de la dépression, une moindre

résistance à la fatigue, de l'insomnie. Les deux courbes descendent

rapidement, mais après une pose, la courbe de travail intellectuel

récupère et au-delà son niveau originel. C'est en somme une courbe

à peu près normale.

Homme de 48 ans, maladif; consécutivement à une chute, dou-

leurs précordiales survenant par accès avec dyspnée; triste,excita-

ble, aboulique,incapable de toute occupation ; tachypnée et nom-

breux stigmates hystériques. Les deux courbes s'écartent à peine

de l'horizontale ; d'après S., ce serait là l'effet, non pas d'une résis-

tance amoindrie à la fatigue, mais de troubles des processus voli-

tionnels ou de la vie affective ; peut être sentiment ou idée confuse

d'incapacité.

Les différences des courbes correspondraient à des différences

fondamentales dans les personnalités. L'A. dit avoir observé les

mêmes particularités chez sept autres sujets qu'il classe en deux

groupes représentés chacun par un des cas cités : l'hystérie serait

en cause pour le deuxième groupe ; quant au premier, s'élimine la

neurasthénie acquise qui n'apparaît guère, d'après Krapeln, que

lorsque la cause déprimante a prolongé pendant longtemps son

action ; il incrimine la nervosité au sens de Krapelin, c'est-à-dire

la forme constitutionnelle originelle de faiblesse nerveuse, en fai-

sant des réserves sur la préexistence de la psychopathie originelle

et de lésions organiques. Ch. Bu z

XXXVIL-Des principaux signes objectifs que la volonté, la sug-

gestion etl'hytérie ne peuvent reproduire ; par Albert CIIARPEN-

TIER. (Bulletin médical, 10 juillet 1907.)

Ce sont d'abord les réflexes que l'on doit rechercher sur le mem-

bre nu, avec un marteau à réflexes et les muscles étant placés

dans le relâchement ; on doit détourner l'attention du sujet et

· REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 377

comparer attentivement les deux côtés. Les reflexes obéissent aux

deux lois suivantes dues à Babinski : 1° loi des différences indivi-

duelles : un même réflexe n'est pas d'intensité égale chez tous les

sujets ; 2° égalité bilatérale.Il est parfois impossible de décider si

les réflexes sont simplement forts ou s'ils sont exagérés, mais on

sera en droit de déclarer qu'ils sont exagérés quand on observera

soit la trépidation épileptoïde légitime et pai faite du pied soit de

trépidation de la rotule, soit la trépidation de la main. Si mainte-

nant il y a inégalité entre les réflexes des deux côtés et si du côté ou

les réflexes sont les plus faibles, ils paraissent égaux ou supérieurs

à la normale, on pourra dire que de l'autre côté ils sont exagérés.

En ce qui concerne le réflexe rotulien on ne devra affirmer l'exis-

tence de l'exagération de réflexe et en faire état pour le diagnos-

tic que si on constate d'autres phénomènes objectifs indiquant

également une excitabilité pathologique des ce-ities nerveux exa-

gérée exagération des réflexes achilléens; trépidation épileptoïde

du pied légitime et parfaite signe de Babinski. Pour les réflexes

achilléens il faut tenir compte des causes d'erreur qui sont au nom-

bre de trois principales : 10 Le réflexe existe et paraît aboli par con-

traction permanente consciente ou inconsciente du biceps sural ;

2° le réflexe aboli paraît exister, on constate même parfois le ré-

flexe du paradoxal la contracture réflexe des fléchisseurs du pied

étant prise pour celle des extenseurs ; 3° enfin une contiacture

volontaire tardive due à la simulation,il faut aussi étudier le re-

flexe des adducteurs et au membre supérieur ceux des muscles

biceps brachial, biceps et muscles de l'avant-bras. Le clonus du

pied doit être recherché avec soin, il s'accompagne parfois de tré-

pidation épileptoïde de la rotule, il ne faut pas confondre ces phé-

nomènes (Babinski) avec ceux qui sont dus à un tremblement hys-

térique ; si la lésion est organique la trépidation cesse aussitôt qu'on

en supprime la cause; elle persiste quelque temps encore chez les

névroses Enfin il faut faire attention à la possibilité d'un élément

névrosique surajouté à une lésion organique, ce qui n'est pas tou-

jours facile. L. WAHL.

XXXIX.- Rupture du coeur, ralentissement du pouls, crise épi-

leptiforme ; importance pathogénique des lésions cardiaques ; par

MM. OuLUOVT et LÉON (Bull. méd" n° 96, 1906.)

Très intéressante observation d'une vieille femme de 75 ans qui

mourut subitement pendant une crise épileptiforme après deux

jours de maladie : elle présenta une légère élévation de température

avec un ralentissement du pouls dont les paroxymes coincidaient

avec des crises épileptiformes. A l'autopsie, on trouve le coeur

rompu au niveau de la face antérieure du ventricule droit avec

présence de caillots dans le péricarde. L'examen histologique du

cerveau et du bulbe resta négatif ; seuls les vaisseaux du bulbe

378 8 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

furent trouvés athéromateux. Est-ce à cela que sont dus les vo-

missements. L. `'VAxL.

XL. Sur deux cas d'épilepsie jacksonnienne; par M. DURAND.

(Société de Chirurgie de Lyon, 8 novembre 1906, in Lyon médical.

n°49 )

Deux observations d'épilepsie jacksonnienne que M. Durand

a rapportées.

Observation I. Epilepsie jacksonnienne à la suite d'un coup

de feu par carabine Flaubert dans la région frontale, balle intra-

cérébrale, détermination et extraction de la balle ; kyste post-

traumatique. L'auteur met en relief dans cette observation l'in-

fluence des kystes posl-traumatiques dans la production des crises

jaksonniennes et d'autre part avec quelle précision les rayons X

peuvent déterminer le siège d'un projectile intra-cérébral et en per-

mettre la facile extraction.

Observation Il. Méningite aiguë ancienne, épilepsie jakson-

nienne (côté droit) avec hémiparésie et hémi-dysesthésie, large

volet cutanéo-osseux ; lésions méningo-encéphaliques incurables ;

guérison opératoire ; persistance des crises. L'intervention permit

de voir sur le vivant des lésions anciennes résultant de méningite

et cette observation n'a d'autre intérêt que colui d'une constatation

anatomo-pathologique. G. C.

XLI. Paralysie ancienne de la branche temporale du nerf

facial gauche consécutive à une incision d'abcès dentaire; par M.

Bichelonne (Bull. méd., n° 98 de 1906.)

Avant son incorporation, un soldat fut victime de cet accident,

d'ailleurs très rare à la suite d'une intervention malheureuse qui

coupa une branche du facial et le canal de Sténon.La fistule de ce

canal guérit par des cautérisations répétées avec une facilité rela-

tive, mais la paralysie persista avec occlusion complète des pau-

pières de l'oeil gauche épiphora, léger degré d'exorbitis et rides

frontales (paralysie du sourcilier). Bichelonne a tenté de prati-

quer une anastomose entre la branche sectionnée et un autre filet

moteur. L. WAIIL.

XLII. Hyperesthésie en pathologie générale et en clinique ;

par M. LEVEN. (Bull. méd., n° 19, 1907.)

Depuis longtemps ; Leven père avait signalé une hyperesthésie

spéciale chez les dyspeptiques, et le prof. Weil, de Lyon, chez les

tuberculeux. Récemment, Jacquet a constaté,en outre, chez ces su-

jets,des phénomènes vaso-moteurs,thermiques, pupillaires et tro-

phiques que sont sujets à transfert. Un de ses élèves, Lebard, a

montré qu'il existe tout particulièrement chez ces sujets des épis-

taxis, et surtout des lésions cutanées, herpès urticaire, impétigo,

· REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 37p

érythème noueux, pelade, pemphigus, eczéma nummulaire. On

rencontre des troubles de même nature du côté de l'épanchement

chez les pleurétiques, chez les rhumatisants, dans les amygdalites

chez les femmes atteintes de pelvi-péritonite et de salpingite. Ces

faits ne relèvent pas de l'hystérie, au sens que Babinski donne à ce

mot.Mais on peut y voir une application de laloi de Brown-Sequard

qu'on peut formuler ainsi : « une irritation quelconque du systè-

me nerveux exalte la sensibilité du même côté, l'abaisse de l'autre

une irritation ultérieure tire à elle, transfère l'hyperesthésie .f. Il

n'est guère possible d'irriter une partie sensible de l'organisme

sans modifier plus ou moins complètement l'équilibre dynamique

de la presque totalité du système nerveux. Il y a lieu de tenir

compte de ces phénomènes en clinique ce qui est assez générale-

ment négligé aujourd'hui. L. WAHL.

XLIII. Hyperesthénie gastrique et épilepsie ; par M. Albert

ROBIN. Bull. méd., nu 15, année 1906.)

Un jeune épileptique héréditaire, tuberculeux au début, vit ses

crises augmenter sous l'influence des troubles dyspeptiques ca-

ractérisés par de l'hyperchlorhydrie . ,

Le professeur Robin lui prescrivit son régime déchloruré et le

mélange suivant à la dose de vingt-cinq gouttes par jour.

380 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

deux membres inférieurs paraît être due à un affaiblissement ou à

une paralysie des muscles qui fixent le tronc et le bassin sur le plan

du lit. La preuve en est dans le fait que si on permet au malade

de s'appuyer avec les mains sur le lit ou si on fixe le bassin ou les

épaules à l'aide des mains l'élévation simultanée des membres infé-

rieurs redevient possible. G. DENY.

XLV. Les affections qu'on confond souvent avec la neuras-

thénie ; nécessité d'un diagnostic précis préalable pour instituer

un traitement rationnel ; par M. GILBERT Ballet. (Bull. méd.

n° 88, 1906.)

Le Prof.Dubois.de Berne,formule à nouveau la vieille objection :

«A quoi bon un diagnostic précis qui coûte tant de peine et ne chan-

ge rien au résultat final du traitement.» M.Ballet s'élève avec rai-

son contre ce geste de découragement«.Si,il faut un diagnostic pré-

cis quand ce ne serait que pour éviter de confondre la neurasthé-

nie avec les états qui lui ressemblent et dont le pronostic est tout

différent.» Que peut faire la psychothérapie sur une P.G. dépres-

sive au début ? sur la dépression mélancolique de Lange,qui n'est

qu'une variété de la folie circulaire ? sur les tumeurs cérébrales ?

sur les auto-intoxications rénales ou hépatiques ? Non, il ne faut

pas que la neurasthénie de Beard devienne ce qu'était le nervo-

sisme de Bouchut,une sorte de caput mortuum dans lequel on classe

ce que l'on ne sait où placer. Il faut aussi distinguer, au point

de vue du pronostic et du traitement, la neurasthénie de l'hypo-

condrie, de la mélancolie vulgaire, des scrupules, doutes et phobies

pathologiques, de la névrose d'angoisse ou d'anxiété de Bris-

saud. Ballet indique les éléments d'un diagnostic qui pour n'être

pas toujours facile, a besoin d'être fait avec précision. L. WAHL.

XLVL-Les abcès du cerveau d'origine otique ; par M. CAussADe

`VICART et V1.ILIIET. (Bulletin médical, 1906, numéro 89.)

Le diagnostic de cette affection n'est pas toujours possible lors-

qu'elle siège dans le lobe sphénotemporale ce qui est relativement

fréquent à cause des rapports intimes qui unissent l'oreille

moyenne et ses annexes avec cette partie du cerveau. Lorsqu'il y a

des symptômes, ce sont les suivants : céphalée, vomissement, amai-

grissement ; ce dernier est très important; de plus, la ponction lom-

baire est précieuse pour le diagnostic. Le signe de Kernig,au con-

traire, est des plus trompeur. Pour arriver au diagnostic.il faut exa-

miner avec soin les fonctions de l'audition et celles du sens de l'es-

pace ainsi que l'état de la région mastoïdienne, du fond de l'oeil et

celui du sang dans lequel les globules blancs peuvent tomber à

15.000.Si le pus qui s'écoule par l'oreille aun aspect stéatomateux,

il faut penser à l'envahissement des os du crâne. Parfois un abcès

du cervelet succède à une lésion de voisinage du sinus latéral. Con-

tre les abcès du cerveau d'origine otique, fait d'abord pratiquer

· REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 381

une attico-antrotomie ; puis examiner au stylet et avec le

plus grand soin le fond de la plaie ; s'il y a lieu, on fera sauter à la

gouge, le toit de l'autre, on examinera alors la dure-mère que l'on

ouvrira largement si l'on constate un abcès. Les auteurs citent

une très intéressante observation dans laquelle un sujet paraissant t

guéri mourut subitement. A l'autopsie, on constata un abcès du

lobe sphénoïdal des caillots dans les ventricules latéraux et

médians, de la sclérose des noyaux gris,ce qui indiquait une lésion

ancienne. L. WAHL.

XXVII. Ein Fall von Erb'scher Krankheit. (Myasthénie). ( Un cas

de maladie d'Erb); par A. KNOBLAUCH, (Ctrbl. f. Nervenh. u. Psy-

chi., XXIX, f. 218, p. 605, 15 août 1906.)

Homme 40 ans ; biopsie du biceps gauche, particulièrement at-

teint : infiltration surtout circumvasculaire de petites cellules à

noyau volumineux et fortement basophile. siégeant surtout autour

des vaisseaux, mais formant aussi des anneaux autour des fibres

musculaires ; celles-ci ne présentent ni multiplication de leurs

noyaux ni aucune modification de leur volume, de leur striation.In-

tégrité des nerfs, des fuseaux et du tissu conjonctif. Pas de cellules

épithélioïdes. Il existait peut-être une tumeur médiastinale. K. ra-

pelle que dans un grand nombre des cas publiés il y avait des néo-

formations dans différents organes : Laquer, Hunn, Burr : tumeurs

ou hyperplasie du thymus : Goldflam lymphosarcome des poumons;

Dreschfeld : kyste dermoide de l'ovaire ; Sossedorf : lipome du rein.

Simple coïncidence ? (33e Réunion des neurologistes et aliénistes du

S. 0., à Baden-Baden, 27 mai 1906.) Ch. B.

XLVIII. - Ueber den sogenannten Hemispasmu glossolabialis der

Hysterlsehen.(Sur le sot disant,etc; parMnx EDEL,de Charlotten-

burg. (Ctrbl. f. Nervenlz. u. Psychi., XXIX, f. 219, p. 637 à 640

15 août 1906.)

Hémiplégie et hémianesthésie droites dues à un traumatisme

datant de 17 ans ; l'hémianesthésie respecte la main et le pied,

mais s'étend à la moitié droite de la face, de la langue, de la mu-

queuse buccale, et s'accompagne de diminution de l'odorat et du

goût à droite. La langue,très déviée à gauche, ne peut être rame-

nés sur la ligne médiane que lorsque la volonté est aidée par

la suggestion (faradisation sans courant). Signes évidents de

parésie de la moitié droite de la face,mais d'une parésie bien diffé-

rente de celles que produisent les lésions du nerf facial, et telle, au

contraire, que pourrait la réaliser un simulateur étranger à la phy-

siologie : immobilité absolue de la joue pendant le souffler, parti-

cipation du nerf masticateur, sens de la déviation de la langue ; le

vulgaire ignore en effet le mode d'action des muscles de cet organe.

D'autre part.il n'y avait pas de spasme des muscles du côté gauche.

E. conclut que, contrairement à l'opinion, maintenant d'ailleurs

382 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

abandonnée, de Charcot, il y a bien parésie hystérique d'un côté

(ordinairement celui de l'hémiplégie) et non spasme glosso-lalJ1é de

côté opposé.

Kunig rappelle à propos de ce cas ses travaux sur la question

(Nrlg. Ctrbl., 1892 et Arch. f. Psych.,XXXI) ; il note que la langue

peut être déviée du côté opposé au spasme, et que, pour diagnos-

tiquer le spasme, le sens de la déviation est moins important que

l'impossibilité de ramener lalangue sur la ligne médiane ; dans cer-

taines formes frustes, les deux moitiés de la face peuvent être at-

teintes. (Berlin. Ges. f. IVervenk., 7 mai 1906). Ch. B.

XLIX. Zur Kasuistik der vasomotorisch -trophischen Neurose

(Sur la symptomatologie de la névrose v-) ; par M. ROSENFELIJ, de

Strasbourg.(Clrbl. f. Nervenh. u. Psychi., XXIX, f. 220, p. 665 à

680, 1er sept. 1906.)

5 cas de troubles vasomoteurs,moteurs et trophiques rappelant,

par leur nature, leur groupement et leur sériation chronologique,

les symptômes accessoires tantôt unilatéraux,tantôt bilatéraux de

la maladie de Basedow.

I. Homme 32 ans, début brusque par sueurs profuses et faiblesse

extrême ; puis crampes dans le bras gauche; puis signes de tétanie

et hémianesthésie gauche, puis paresthésies à gauche avec sueurs

profuses, sensations subjectives anormales et abolition du sens de

la position des membres; céphalée à gauche. Accès d'angoisse ;

état cachectique. Pas d'hystérie.

II. Femme : 29 ans, début par vertiges, céphalée et troubles vi-

suels ; diplopie, etc. La parole devient lente ; pause après chaque

syllabe ; faiblesse et maladresse des membres supérieurs ; l'identifi-

cation des petits objets par le toucher est incomplète : sueurs pro-

fuses fréquentes ; troubles de la pigmentation de la face. Pas d'hys-

térie.

III. Femme 20 ans, guérie de chlorose. Début par pareslhésie,

puis maladresse puis astéréognosie de la main droite. Léger goitre,

très légère exophtalmie, rien au coeur. Sueurs continuelles des ex-

trémités ; puis céphalée, troubles de la vue, paresthésie de la main

gauche; paralysie transitoire de l'abducens à gauche. Aucun signe

d'hystérie.

IV. Femme 37 ans : début par oedème du dos des mains avec

exacerbations. Plus tard, l'oedème forme des bosses distantes les

unes des autres, indolores, même à la pression ; puis céphalée, ver-

tiges, poussées d'urticaire, amaigrissement ; sueurs anormales, trou-

bles de la pigmentation de la face, faiblesse extrême, paresthésies

pénibles des extrémités ; tumeur sous l'extrémité inférieure du

sterno-mastoidien droit. Rien au coeur. Pas d'hystérie

V. Femme 55 ans : début par sensation permanente de froid aux

extrémités, palpitations ; puis akinésia algera des deux jambes pen-

dant 2 mois. Troubles de la vue à droite, puis l'amaurose probable-

. REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 383

ment sans névrite optique, qui dura six semaines ; la vision fut ré-

tablie d'abord dans la périphérie du champ visuel 2 ans après, ver-

tiges, vomissements, douleurs dans les extrémités, faiblesse extrê-

me. Pouls habituellement faible, souvent à 60, souvent à peine

perceptible, ainsi que les bruits du coeur, ou même tout à fait im-

perceptible pendant plus ou moins longtemps.

R. fait une longue critique de chacun des symptômes des 5 cas :

« combinaison de formes communes de la névrose vasomotrice

avec presque tous les signes accessoires du goitre, exophthalmi-

que, mais sans les symptômes cardinaux». L'existence de signes

cardiaques, dans un cas et, dans deux autres,de troubles physiologi-

ques des 2e et 6e nerfs crâniens,tend à démontrer qu'un trouble des

nerfs périphériques peut être ramené à des troubles vasomoteurs.

D'autre part dans 4 cas, l'hystérie ne pouvait être mise en cause,

d'après l'anamnèse, l'évolution, l'état psychique,tant dans le cours

que dans l'intervalle des accès. Ch. B.

L. Ueber abnorme Bewegungserscheinungenn am Kopfe

nach Schaedelbasisfraktur.(Sur des symptômes moteurs anormaux

dans le domaine des nerfs crâniens après fracture de la base du

crâne) par Bunttcta, de Fribourg-en-B., (Ctrbl. f. Nervenh. u.

Psychi., XXIX, f. 213, p. 386 à 394, 15 mai 1906).

Homme, 27 ans ;trauma violent; alitement de 4 semaines ; trois

mois après on constate : à gauche amaurose avec atrophie papil-

laire ; mydriase ; paralysie de l'abducens ; paralysie faciale,surdité;

à droite parésie du facial et de l'abducens ; forte diminution de

l'acuité auditive ; abolition du goût daiis les deux tiers antérieurs

de la langue ; otite moyenne suppurée des deux côtés (fracture des

deux conduits auditifs externes).

B. reprend en détail chacun de ces symptômes ; il insiste notam-

ment sur les mouvements des paupières, l'examen électrique

des muscles, les réflexes consécutifs à la percussion des muscles

et du périoste, le signe de Hitzig-Cassirer du côté simplement

parésie : tension tonique persistante des muscles,produite par des

chocs longtemps répétés ou des frictions, les contractions mus-

culaires d'une moitié de la face par excitation de l'autre moitié, ou

de la partie supérieure d'un des trapèzes par percussion au niveau

de l'émergence du nerf sous-orbitaire et du nerf mentionner du

côté opposé. Il rappelle à ce propos les travaux d'Oppenheim,

Hoffmann, Bernhardt, Bénédikt et surtout de Hitzig ; ce dernier

parvint, dans la paralysie faciale, par excitation du trijumeau ou

de l'optique,à produire des réflexes anormaux : mouvement brusque

de la tête en arrière, remplaçant, pour ainsi dire, l'occlusion des

paupières devenue impossible ; il compara ces mouvements réflexes

aux mouvements de défense que l'on peut observer chez la grenouille

décapitée. B. adopte les vues du physiologiste et admet que,con-

sécutivement à la suppression de la conduction par le nerf facial

3H4 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

le centre réflexe de ce nerf, c'est-à-dire le bulbe, devient particu-

lièrement excitable et permet une diffusion anormale des excita-

tions. B. donne la bibliographie des nombreux travaux qu'il cite.

Ch. B.

LI. Syndrome hémi-tonoelonique post-hémiplégique ; ses rap-

ports avec les autres troubles moteurs post-hémiplégiques ; par

Etienne. (L'Encéphale, 1907, n° 7.)

Hémiplégique présentant un état permanent de contracture ac-

tive, d'hypertonisme musculaire que la moindre excitation péri-

phérique transforme en paroxysmes myotoniques douloureux ac-

compagnés de crises myocloniques ces accès se produisant surtout

à l'occasion des mouvements automatiques et non volontaires.

Une véritable hypertrophie musculaire s'est produite à la faveur

de cette contraction continue. Cet état s'écarte complètement de la

contracture post-hémiplégique habituelle, il est d'ailleurs rare

après l'hémiplégie. Il est vraisemblablement lié à des lésions des

cellules motrices, la simple excitation de fibres de transmission pa-

raissant a priori insuffisante à le produire. La lésion peut être loca-

lisée dans la région thalamique. F. TISSOT.

LU. Sur les variétés «en largeur » du syndrome de Brown

Séquard ; par KLIPPEL et Chabrol. (L 'Encéphale, 1907, n° 7.)

La forme complète, classique, du syndrome de Brown-Séquard

est rare, parce que l'hémisection expérimentale de la moelle qui la

détermine n'est presque jamais réalisée en clinique. C'est donc sur-

tout des formes partielles, atypiques, que l'on observe ; celles-ci

peuvent être groupées en trois variétés principales suivant la pré-

dominance des symptômes et la localisation des lésions : formes

frustes sensitives comprenant les trois sous-variétés syringomyéli-

que, tactile, avec modifications du sens musculaire ; formes où pré-

dominent les troubles sympathiques (syndrome sympathique) ;

formes avec troubles trophiques (syndrome des cornes antérieu-

res.) F. T.

LUI. Syringomyélie spasmodique douloureuse à évolution ra-

pide ; par Verger. (L'Encéphale,1907, n° 7.)

Observation intéressante par : l'association de phénomènes

spasmodiques dus à la propagation de la sclérose névroglique aux

faisceaux pyramidaux ; l'existence de douleurs vives spontanées

affectant la topographie et le type sensitif des douleurs d'origine

radiculaire ; la rapidité d'évolution (vingt-un mois). F. T.

LIV. Aeromégalie sans gigantisme ayant débuté avant vingt

ans ; par CLAUDE. (L'Encéphale, 1907, n° 3.)

L'acromégalie produit le gigantisme tant que les cartilages juxta-

épiphysaires ne sont pas soudés. La malade qui fait l'objet de l'ob-

. REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 385

servation, toute jeune et acromégale qu'elle est, n'a pas fait de gi-

gantisme parce que la soudure de ses cartilages s'est faite de très

bonne heure dans la période de croissance. F. TissoT.

LV. Obésité familiale; par RosE. (L'Encéphale 1907, n°.3.)

Cas intéressant par la précocité de soudure des épiphyses, par

l'influence manifeste qu'ont exercée les fonctions ovarienne et

thyroïdienne sur le développement de la polysarcie. F. T.

LV. Note sur l'état actuel de la pellagre dans les Landes. Un

cas de pellagre avec confusion mentale stupide; par RÉGis.(L'Eiz-

céphale, 1907, n° 4.) · ·

La pellagre, même dans les Landes où elle avait son dernier

l'oyer,est une rareté.L'auteur en apporte un cas très caractéristique

avec sa triade symptomatique : érythème cutané, diarrhée, trou-

bles psychiques à forme de confusion mentale, la psychose pella-

greuse se manifestant sous la forme confusionnelle avec ou sans

délire hallucinatoire, comme c'est la règle dans les psychoses toxi-

ques. La femme qui fait l'objet de l'observation ne mangeait de

maïs en aucune façon. F. TISSOT.

LVI Les paraplégies organiques des vieillards ; par LE JONN et

LHERNIITTE (L'Encéphale 1907, n° 7.) .

Revue générale où les auteurs font l'étude clinique,anatomo-pa-

thologique et pathogénique des trois formes bien distinctes de pa-

raplégies séniles : lacunaire, myélopathique et myopathique. Ces

paraplégies peuvent rester flasques, ou s'accompagner de contrac-

tures ou se compliquer de rétractions. F. Tissot.

LV11. - Quelques considérations sur les troubles oculaires de l'épi-

lepsie et de l'hystérie au point de vue médico-légal; par P ANSIER,

RODIET et GANS (L'Encéphale, 1907, n° 8.)

Il est facile de simuler l'épilepsie dans ses manifestations con-

vulsives, il est plus difficile de reproduire les symptômes oculaires,

de la crise dont les plus intéressants au point de vue médico-légal,

parce que les mieux constatables, sont les modifications des pupil-

les et le rétrécissement du champ visuel Quoique plus rare, la si-

mulation de l'hystérie est possible ; là encore ce sont les phénomè-

nes oculaires qui permettront de dépister la simulation ; or la po-

lyopie monoculaire et le rétrécissement du champ visuel avec in-

version des couleurs sont des signes faciles à observer, impossibles

à simuler. Dans l'épilepsie larvée, dans les états hystéro-épilepti-

ques, la recherche de ces symptômes oculaires peut avoir une réelle

importance. Les auteurs relatent l'observation d'un homme qui se

plaignait d'accès d'amblyopie passagère, fut d'abord considéré

comme un simulateur et chez lequel un examen attentif révèle

Archives, 3' série, 1907," I. Il. 25

386 REVUE de Pathologie nerveuse

de nombreux signes d'hystérie entre autres la polyopie monoculaire

par interposition d'un verre coloré. F. TISSOT.

LVIII. - Un cas d'atasie-abasie choréiforme ; par Lejonne et

ConnTmR. (L'Encéphale, 1907, n° 5.)

Hystérique chez laquelle le syndrome nerveux constaté ne pa-

raît pas être sous la dépendance de la perte du sens musculaire et

articulaire, mais bien d'une idée fixe subconsciente de chute possi-

ble qui détermine, pendant la marche seulement, une gesticulation

désordonnée destinéo à éviter la chute. Guérison par l'hypno Lisrne.

F. TISSOT.

LIX. Contribution à l'étude clinique de l'équivalent épilep-

tique (manie transitoire) ; par l\IONDIO. (L'Encéphale,1907, n° 4.)

L'observation que rapporte l'auteur l'autorise à considérer la

manie transitoire comme un équivalent épileptique. Les caractè-

res essentiels de la manie transitoire sont : l'apparition subite ou

quasi telle de l'accès au cours d'une santé parfaite, sa durée qui

varie de quelques heures à deux jours, la tendance aux réactions

violentes, l'amnésie de tout ce qui est survenu pendant l'accès, sa

terminaison par le sommeil, le retour plus ou moins brusque à

l'état de santé, la fréquence de l'absence de récidive. F. TissoT.

LX. - Aphasie motrice avec troubles psycho-sensoriels au cours

de la démorphinisation ; par Belletiiud. (L'Encéphale, 1907,

n° 4.)

Observation d'aphémie pure et transitoire survenue chez un

vieillard démorphinisé. F. T.

LX . L'aphasie motrice et sa localisation corticale ; par DÉJE-

RINE. (L'Encéphale, 1907, ho 5.)

Depuis Broca, on admet généralement que le centre moteur du

langage a sa localisation corticale dans le pied de F\ mais dans les

rares cas publiés d'aphasie motrice pure l'examen macroscopique

seul a été pratiqué, ce qui est insuffisant ; il n'existe aucune obser-

vation d'aphasie motrice suivie d'autopsie dans laquelle une lésion

limitée à la circonvolution de Broca et à la substance blanche sous-

jacente, sans propagation de la lésion à la substance blanche des

régions voisines, ait été étudiée par la méthode des coupes micros-

copiques sériées. Or cette méthode est absolument indispensable

pour étudier la topographie et l'étendue de n'importe quelle lésion

cérébrale, les lésions corticales en foyer, même les plus minimes,

étant en effet beaucoup plus étendues en surface et en profon-

deur que l'inspection seule dela corticali(épeuL le faire présumer.

En sorte que l'on peut dire avec vérité que la localisation du

langage articulé n'est pas histologiquement démontrée. C'est pour

combler cette lacune que le professeur publie deux observations

' bibliographie. 387

montrant clairement que l'aphasie motrice dite corticale ou de

Broca peut être produite par une lésion limitée à la partie anté-

rieure de la zone du langage, c'est-à-dire à la zone de Broca,

sans participation aucune à la lésion primitive de l'opercule rolan-

dique, des circonvolutions motrices, de la zone de Wermcke, des

noyaux gris centraux. Mais c'est aussi pour réfuter avec de con-

vaincants arguments l'opinion récente de P. Marie d'après la-

quelle F3 ne jouerait aucun rôle dans la fonction du langage anti-

culé, l'aphasie motrice n'étant pour lui qu'une aphasie sensorielle

accompagnée d'anarthrie. F. TISSOT.

LXII. - Etude clinique et anatomo-pathologique d'un cas de sclé-

rose en plaques ; par RAYMOND et GUÉVARA-RAJAS. (L'Encé-

phale, 1907, n 3.)

Cas de sclérose en plaques bien établi par les phénomènes clini-

ques et les constatations anatomiques et comportant quelques par-

ticularités intéressantes : début sans cause occasionnelle par para-

plégie insidieuse, précocité et intensité des troubles sphinctériens

oedème trophique des membres inférieurs, lymphocytose abon-

dante, existence de lésions diffuses à côté des plaques de sclérose,

dégénérescence myélinique et cylindraxile très prononcée coinci-

dant avec une sclérose peu avancée, altérations destructives

des éléments nerveux, périvascularite évidente. Pour expliquer r

la présence de lésions diffuses à côté des plaques scléreuses, il

faut peut être admettre l'association d'une sclérose en plaques pri-

mitive avec des lésions de myélite secondaire. F. TISSOT.

BIBLIOGRAPHIE

VIII. La physionomie humaine. Son mécanisme et son rôle so-

cial ; par le Dr Waynbaum. (1 vol. 300 p. F. Aican, éditeur.)

Le but de l'auteur est double ; d'abord montrer pourquoi la

physionomie présente toutes ses manifestations émotives ; ces

mouvements sont devenus,grâce à leur symbolisme, des agents

dynamiques considérables, non seulement pour l'individu, mais

aussi pour la société, au milieu de laquelle vit celui-ci.

«Le vieux dicton populaire, présentant la face comme l'envers du

cerveau ou l'expression de l'âme, est, dit l'auteur, tout à fait exact.

Pour avoir une idée schématique de la manière dont sont enchaî-

nés le cerveau et la face au point de vue de la circulation, il f aut se

figurer deux arbres sortant du même tronc ; imaginons-nous que

v388 . bibliographie.

quelques branches terminales de ces deux arbres se réunissent de

nouveau.

La circulation intra-crânienne peut être représentée par un ar-

bre interne, l'extra-crânienne par un arbre externe. L'arbre interne

est rigide, mais l'arbre externe est souple, élastique.

Différents muscles peuvent le contracter, le presser, soit à la base

soit aux extrémités.

Pendant qu'il est ainsi pressé, la sève coule, avec une plus gran-

de abondance, dans l'arbre interne, et c'est le cerveau, naturelle-

ment, qui a la faculté d'ordonner ces contractions et pressions. Tel

pourrait être le résumé schématique et représentatif de la théorie

vasculaire ou sanguine de la physionomie ».

Cet extrait des conclusions de l'auteur donne une idée assez

exacte du style général de l'ouvrage.

Quoi qu'il en soit, l'auteur insiste longuement sur le pouvoir vi-

suel de la physionomie, comme cause génératrice des grimaces.

En parlant des aveugles, il montre qu'étant bien animés, ils font

naturellement des grimaces, presque comme les voyants ; mais

arrivés à un certain âge, ils sont tout de même moins ridés que les

hommes ordinaires, parce que, n'ayant pas leurs yeux à protéger,

la physionomie, chez eux, est plus immobile. D'ailleurs, dit l'au-

teur, on ne remarque pas assez que beaucoup de grimaces sont fai-

tes pour garantir les yeux.

Dans la première partie de son ouvrage, le Dr Waynbaum s'est

attaché à prouver par quelles causes organiques constitutionnelles

le langage émotif fut formé dans l'espèce humaine.

Une fois cette démonstration faite, il a fait ressortir l'immense

rôle que joue, soit dans la vie sociale de l'homme, soit dans sa vie

individuelle, le sentiment, avec ses différentes manifestations, qui

ont presque toujours pour siège la physionomie.

Une fois devenue, dit l'auteur, grâce à notre constitution anato-

mique, le centre des manifestations affectives, la physionomie ac-

quiert ainsi une valeur sociale énorme, parce que tout ce qui se

rapporte au sentiment se trouve incarné en elle, et comme en de-

hors de ses sentiments,rien ne nous intéresse dans l'homme, nous

pouvons aussi dire que dans tout l'homme, nous ne connaissons el

ne nous occupons que de sa physionomie.

En résumé, l'auteur fait reposer le principe fondamental de la

physionomie dans une théorie vasculaire ou sanguine.

« Tout phénomène psychique possède sa base anatomique et

pour que la physionomie humaine fût devenue cet organe psychi-

que si actif, dans toute l'espèce humaine, avec des manifestations

absolument identiques et universellement pareilles, il fallait une

raison capitale, majeure, pour lui faire jouer ce rôle : celte raison

ne peut être autre que celle indiquée par l'auteur. La physionomie

seule était apte à manier le sang, dont dépend naturellement la

psychicité cérébrale elle-même. »

· bibliographie. 389

De l'ensemble de l'ouvrage.intéressant sans aucun doute et riche

en idées, il résulte que la physionomie humaine, par sa structure

et par sa situation topographique, devient un organe actif, impor-

tant pour les manifestations affectives, cérébrales.

L'extension de la vie individuelle de l'homme, dans son atmos-

phère sociale, contribua à intensifier, dans de fortes proportions,

l'énergie de cet organe. La dynamisme de la physionomie humame

est donc ainsi devenu double : individuel et social. E. BLIN.

1 X. L'amnésie au point de vue séméiologique et médico-légal ;

par DROMARD et LEVAS SORT. (1 vol. 200 p. Couronné par l'Acadé-

mie de Médecine. F. Alcan, éditeur.

On sait qu'il n'y a pas une mémoire mais des mémoires et quand

on se borne à énoncer le mot » mémoire », il doit être sous-entendu

que ce n'est là qu'un terme générique servant à désigner tout un

ensemble d'opérations amnésiques, souvent assez dissemblables,

d'ailleurs.

En l'absence d'une classification bien établie, que les auteurs

estiment prématurée,' en l'état actuel de nos connaissances, on

peut, en utilisant la pathogénie comme indexclassificateur, séparer

les amnésies fonctionnelles ou dynamiques des amnésies organi-

ques ou destructives.

I. Le caractère fondamental des amnésies fonctionnelles est

d'être essentiellement paroxystiques ; elles débutent avec la

soudaineté d'un accès et disparaissent généralement de même.

Les auteurs divisent les amnésies fonctionnelles en : 1° amnésies

de commotion, avec les subdivisions d'amnésie rétrograde et

d'amnésie antérétrograde;-2° amnésies d'intoxication; - 3° am-

nésies dans les névroses.Le rapport qui existe entre le mal comitial

et l'amnésie est tellement étroit et de notion si courante que, dès

qu'une éclipse totale de la mémoire est signalée, l'esprit évoque

immédiatement l'idée de l'épilepsie et de ses grands caractères es-

sentiel ; l'inconscience et l'amnésie corrélative.

Cet amnésie, en quelque sorte obligatoire pour tout acte com-

pris dans un paroxysme comitial, est, d'ailleurs,[l'objet de contro-

verses ainsi que le prouvent les thèses de Hennocq, de Ducosté,

et de Maxwell.

Les hystériques perdent aussi le souvenir de leurs attaques con-

vulsives d'une façon moins radicale que les épileptiques, mais com-

plète néanmoins, en ce qui concerne le laps de temps qui s'étend à

partir de la perte de connaissance. Par contre, ils se souviennent

bien des prodrômes et de la facon dont ils sont tombés, au lieu que

chez l'épileptique, le souvenir de l'aura et du cri initial ne laisse

une trace dans la mémoire que dans un petit nombre de cas.

4° Amnésie dans les vésanies. Cette partie de la question est

plus intéressante au point de vue psychologique qu'au point de vue

séméiologique et médico-légal, car, en présence d'une vésanie, le

39.) bibliographie.

clinicien a d'autres éléments que l'amnésie pour conclure à un dia-

gnostic nosographique ou à une irresponsabilité judiciaire.

II. - La part la plus importante, dans le groupe des amnésies

organiques, revient à la paralysie générale et à la démence sénile.

Les auteurs étudient l'amnésie dans les lésions organiques cir-

conscrites et dans les lésions organiques disséminées. '

Aux fonctions amnésiques, il faut rattacher les illusions du sou-

venir ; les paramnésies de certitude peuvent se présenter sous deux

formes ; ou bien le sujet n'est pas sûr d'un fait qui s'est réellement

produit (folie du doute); ou bien, au contraire, il est certain d'un fait

qui n'a pas eu lieu réellement (illusion de'fausse reconnaissance).

Illustré, en quelque sorte, d'observations personnelles, le livre

de MM. Dromard et Levassort est des plus intéressants.

Il se termine par un chapitre, non le moins important, sur la

médecine légale des amnésies.

La médecine légale des amnésies est, à coup sûr, un des chapitre.

les plus délicats de la psychiatrie. Fréquents sont, en effet, les cas

où la perte du souvenir, alléguée par un inculpé, sert de base à une

discussion qu'il n'est pas toujours facile de trancher par une ré-

ponse ferme. Au point de vue médico-légal, l'amnésie n'est pas seu-

lement à examiner chez l'inculpé, mais encore chez le témoin.

Quoi qu'il en soit, les amnésies paroxystiques forment le groupe

principal au point de vue médico-légal : ce groupe comprend, en

effet, la plupart des cas se rattachant à l'épilepsie, à l'hystérie, à

l'alcoolisme et au traumatisme.

Puis, après les amnésies paroxystiques, viennent les dysmnésies

progressives parmi lesqueiles la paralysie générale tient la plus

grande place.

A l'étude de l'amnésie se rattache celle de la simulation de l'am-

nésie et, à tout instant, l'expert est aux prises avec de grandes

difficultés afférentes à ce sujet.

MM. Dromard et Levassort apportent à l'étude de ce point spé-

cial le même soin qu'à celle de tout L'ouvrage, lequel constitue une

remarquable contribution à la pathologie de la mémoire.

E. BLIN.

X. Psychologie morbide. (Des vésanies religieuses ; erreurs,

croyances fixes, hallucinations et suggestions collectives) ; par

le Dr E. Dupouy, de Saint-Cloud ; 1 vol. de 232 p. ; Libr. des

sciences psychiques, Paris 1907.)

Le but de cette intéressante étude est, dit l'auteur dans la pré-

face, de rattacher les superstitions, les idées fausses, les croyan-

ces fixes collectives des peuples, à la psychologie morbide, et

de les envisager dans leurs rapports avec les vésanies, sous l'in-

fluence de la contagion, des suggestions et de l'automatisme. A

la psychologie morbide se rattachent,dans l'antiquité,les supers-

titions jusqu'au moyen âge. Après les premiers mages, disciples

bibliographie. 391

de Zoroastre, qui fixèrent l'astronomie, elles mages chaldéens,

la magie irradia en Judée, Grèce, Egypte, Italie, Gaule. A Rome,

les prêtres incitaient le peuple à la crainte, qui pousse au culte :

p1'Ímus in orbe deos fecit timor. Comme Sergi et Maxwell, le

Dr Dupouy domie comme origine à la religion, la peur ; mais

nous avons vu, dans un ouvrage récent, Grasset refuser d'ad-

mettre cette grande vérité. Les médecins de l'antiquité eurent

aussi recours à la magie ; de même, les premiers docteurs de

l'église mêlèrent aux dogmes la doctrine des démons. En Gaule,

les druides furent des sorciers et Saint-Augustin admit la pré-

sence des génies malfaisants autour des dolmen. Les erreurs col-

lectives des peuples ont été entretenues par suggestion, par une

contagion psychique, qui s'accentua encore au moyen âge. L'au-

teur examine ensuite les causes des hallucinations et suggestions

collectives ; les premières peuvent être physiologiques et com-

patibles avec la raison (Socrate, Pascal, Napoléon) ; on doit les

admettre, malgré Condillac, comme des idées conçues et con-

servées dans l'esprit ; chez les sorciers se rencontraient les hal-

lucinations télépathiques, qui donnent les pressentiments, les

rêves lucides Ces phénomènes ont des rapports étroits avec

les névroses, surtout l'hystérie. Les suggestions peuvent être

déterminées dans les collectivités, comme chez les individus ;

le moyen âge en offre des exemples (démonomanie). z

La débilité mentale du moyen âge a sa cause dans les cala-

mités qui fondirent sur la Gaule à partir du Xe siècle (peste,

guerres, faminel. La corruption des moeurs, surtout dans le

clergé, aggravait encore la prédisposition aux contagions men-

tales, quand éclatèrent les épidémies dedémonolàtrie et les folies.

religieuses. Du Vllle au XV. siècle, les caractères de la folie re-

ligieuse furent : la dépression dans la sorcellerie ; l'expan-

sion dans la théomanie ; le caractère convulsif dans la démono-

pathie. Elle conduisait au bûcher comme étant une possession ;

(de nos jours, cette opinion que la folie a son origine dans le

pêché, est encore représentée par Heinroth). L'imagination

passive, que Voltaire considère comme commune aux hommes

et aux animaux, joua un grand rôle dans l'influence des sorciers

sur leurs adeptes. -

Les cas de sorcellerie furent d'abord isolés, puis ils prirent l'al-

lure épidémique ; l'inquisition les traita par les bûchers. Le pape

Innocent Vlll reconnut l'existence des démons incubes et succu-

bes dans une lettre apostolique ; des religieuses, comme Ger-

(rude, citée par Jean Wier, couchaient avec Satan et lui écri-

vaient des lettres enflammées. En 1485, 41 femmes furent brû-

lées en Allemagne, pour démonolatrie et anthropophagie ; elles

avouèrent les pratiques du sabbat. Il en fut de même, dans des

proportions beaucoup plus fortes en France : en 1574, on brûlait

ainsi 400 paysans en Languedoc et 900 à Avignon. Calmeil fait

392 bibliographie.

remarquer que ces épidémies se produisaient après de longues

souffrances moralesou physiques. LeDr Dupouy rapporte toute une

série d'épidémies de ce genre, jusqu'en 11110, ainsi que l'histoire

de la lycanthropie, qui conduisait les malades à des crimes

réels. Dans une autre forme de folie religieuse, l'hystéro-démo-

nopathie, on notait une série de troubles sensitifs et moteurs

particuliers à l'hystérie : son caractère était le rapport direct en-

tre les idées mystiques et erotiques ; elle s'observait dans les

couvents, où les religieuses couraient la campagne, montaient

aux arbres, contagionnaient tout autour d'elles. Mais à Cologne

(15.14), J. Wier, qui les examina, reconnut qu'elles étaient pos-

sédées seulement du démon de la lubricité ! La théomanie lui

une autre forme de folie religieuse, où l'on observait des atta-

ques convulsives, des auesthésies ; de même, la théochoréoma-

nie, en Allemaône.Les con mlsionÍ1ail'e ? de 5aint-\Iédard, à Paris

en 1727, présentaient de l'anesthésie et de la xénoglossie (l'a-

culté de parler dans une langue étrangère). Après la relation de

quelques cas isolés et de contagion des exorcistes, l'auteur

parle de l'inquisition : Elle usa des bûchers contre les démonia-

ques, et il existe une lettre du pape Grégoire IX, remplie d'inep-

ties, aux évoques, pour décrire l'investiture des sorciers. Les

pourvoyeurs des bûchers furent des juges, des procureurs (comme

P. de Lancre et .1. Bodin, qui, après des ouvrages de grande va-

leur, comme ses Constitutions écrivait la Démonomanie, qui fixa

la jurisprudence en fait de crimes de sorcellerie;. Selon l'auteur,

de Lancre et Bodin étaient des aliénés, dans le sens métaphysi-

que de Platon.

Des médecins furent aussi des pourvoyeurs de bûchers : Sa-

vonarole, Paracelse, Van llelmont, Fernel, A. Paré. Mais Jean

Wier, qui croyaitaux sorciers, plaide la maladie, ainsi que Th.

Willis, Bayle : d'autres nièrent la magie et luttèrent contre l'é-

glise : Alciat, Zacchias, Gassendi. D'autre part, Calmeil a rapporté

plusieurs faits, mal interprétés au XVIe siècle, et qu'il place dans

le domaine de la force psychique de W. Croolies (apparition de

spectres de parents morts ; xénoglossie, ou don des langues ;

phénomènes de lévitation). Les rapports entre l'hystérie et la

médiumnité paraissent aujourd'hui accessibles ; et le Dr Dupouy

parle de Jeanne D'Arc, qui n'est pas une vésanique, comme le

veut l'école deCharenton (Calmeil), mais dont les hallucinations

n'étaient pas pathologiques ; elles étaient des perceptions dé-

terminées par l'extériorisation de sa pensée et qui arrivaient à

son entendement par ses sens.

Les conclusions de l'ouvrage sont que les croyances religieu-

ses reposent sur le merveilleux et le fanatisme sacerdotal, et sont

perpétuées par la contagion et les suggestions, par l'influence pré-

pondérante de l'inconscient, surtout dans les couvents de non-

nes ; la vie médullaire est prépondérante. Certaines croyances

, bibliographie, , 393

s'implantent de nos jours de la même façon ; les collectivités ont

une mentalité spéciale, faite de suggestibilité, d'automatisme,

comme les sujets hypnotisés. Entre cet état d'hypnose et le

moment où le cerveau reprend ses fonctions, il y a la période des

rêves incohérents, qui peut se prolonger avec des suggestions

post-hypnotiques, des impulsions. Devant la puissance de l'in-

conscient dans certains cas, on peut se demander, dit Dupouy,

si ce n'est pas une erreur de la philosophie, de nous attribuer

une raison indépendante, des idées acquises par nos seuls ef-

forts ; n'aurions-nous - pas. pour tout patrimoine psychique,

les idées, les jugements de nos ancêtres, de notre race, de la

collectivité '/ E. COUIONJOU.

La Responsabilité, étude psycho-physiologique, par A.

1\IAIRRT, 1 vol. 133 pag. Masson, 1907.

L'homme normal est responsable; non parce qu'il porte en

lui une puissance nommée libre-arbitre, mais la fonction res-

ponsabilité résulte de l'action d'éléments multiples, intellectuels

et sentants. L'auteur découvre ces éléments dans : l'étude psy-

chique des prévenus soumis à l'expertise, et celle des impulsifs.

Ils peuvent se grouper ainsi : 1° conscience de la valeur morale

de l'acte ; 2° intelligence ; 3° peur de la punition ; 4° sensibili té

morale; 5° détermination et vouloir. Et les moyens dont se sert

"l'homme normal pour lutter et sur lesquels reposesa responsa-

bilité sont les mêmes que ceux dont se sert l'impulsif. envi-

sagés au point de vue physiologique, les éléments constitutifs de

la responsabilité apparaissent comme formanlun tout, une fonc-

tion, ayant pour base la conscience de la valeur morale de l'acte

auquel entraine le mobile et dont l'exercice aboutit à une o-

lonté. Donc, la responsabilité met en activité des éléments di-

vers ; il s'établit une lutte entre les moyens que déploie le mo-

bile et ceux que déploie la responsabilité pour résister. D'où la

nécessité, pour préciser son étude, de comparer les moyens dé-

ployés par les mobiles à ceux que déploie la responsabilité.

1° Les mobiles : ceux-ci, très nombreux, sont étudiés d'après

l'un d'entre eux, très puissant, la colère. L'auteur rappelle la ma-

nière de voir de James et Lange sur le mécanisme des émotions,

résultats de tous les phénomènes organiques qui les accompa-

gnent et que l'on croyait être des effets. La colère est un état

psychique où domine l'exaltation du tonus vital et qui s'accom-

pagne d'effets physiologiques parmi lesquels des forces actives,

avec poussée en avant, jouent le principal rôle.

2° Les éléments de la responsabilité sont étudiés ensuite dans

leurs rapports avec le mobile colère, dans l'ordre ci-dessus, et

l'auteur établit les relations étroites entre la conscience morale

et ces éléments : A). La conscience de la valeur morale de l'acte

repose sur un double fond, intellectuel et sentant (sensibilité

394 BIBLIOGRAPHIE.

physique transformée et sensibilité morale). B). Par cette seule

conscience de la valeur morale d'un acte, se mettent automati-

quement en activité trois des éléments constitutifs de la respon-

sabilité : l'intelligence, la sensibilité morale et la peur de la pu-

nition. C). Enfin, ces trois éléments sollicitent la détermination

et le vouloir.

L'auteur examine alors le mode d'action de ceux de ces élé-

ments qui font corps avec la conscience morale : intelligence;

peur de la punition; sensibilité morale ; sentiments tendres (af-

fection, bonté, pitié) ; ils agissent tous à l'inverse de l'état psy-

chique et des forces dégagées par les mobiles. Donc, le mode d'ac-

tion des éléments intellectuels et sentants de la responsabilité

par rapport à celui des mobiles se résume en ceci : l'intelligence

éclaire sur les conséquences de l'acte, et tandis que les forces

dégagées par le mobile sont des forces actives, celles de la sensi-

bilité sont des forces d'arrêt ou répulsives. Ces données, présen-

tées sous forme de tableau, permettent de concevoir la responsa-

bilité comme la capacité de lutter contre le mobile et d'opposer à

ses moyens d'attaque des moyens de défense contraires. Il y a

lutte et la réactivité sensitive est en rapport avec la gravité de

l'acte à commettre et la force du mobile : on en trouve la preuve

chez les impulsifs. Mais ces moyens seraient insuffisants, et

l'homme ne reste libre que s'il peut opposer une volonté à celle

que détermine le mobile, volonté qui résulte de l'influence d'élé-

ments multiples, et qui est aidée par l'idée sentiment du devoir.

La responsabilité apparaît donc comme constituant une fonction

aboutissant à une volonté :

11 s'agit maintenant de démontrer que l'homme peut exercer

cette fonction, qu'il est responsable. Le fatalisme le nie ; mais

notre état social et nos lois sont basés sur le libre arbitre. Le dé-

terminisme enseigne notre irresponsabilité, parce que nos vo-

lontés ne sont que le résultat du travail de nos cellules cérébra-

les, dont l'action est déterminée. Pour démontrer que l'homme

est responsable, c'est-à-dire qu'il possède les moyens pour lut-

ter contre ceux employés par les mobiles et pour arriver à une

volonté bridant celle née de ceux-ci, M. Mairet en revient à l'é-

tude des impulsions. 11 se pose la question de savoir si l'impulsif

pur avec lutte peut résister à son impulsion : Les faits disent :

oui (observations d'Esquirol. in Monomanie homicide, de .Magnan,

et personnelles). Mais ceci n'est vrai que si l'impulsif n'est pas un

arrêté dans son développement, et s'il peut remplir son devoir

à temps. Donc, dit l'auteur, puisque l'impulsif peut résister à

son impulsion, l'homme normal le peut de même, et ainsi se

trouve résolue par l'affirmative la question de savoir si l'homme

est responsable. On nous permettra cependant de faire remar-

quer que cet essai de démonstration clinique, comme l'appelle

Mairet, ne réfute nullement le déterminisme : en effet, l'au-

BIBLIOGRAPHIE. 395

teur reconnaît lui-même que seul, l'impulsif avec lutte est com-.

parable à l'homme normal ; il admet donc que les autres im-

pulsifs sont déterminés par leur organisation cérébrale à obéir

aux mobiles. Or, qu'est-ce que l'impulsif avec lutte, sinon un

demi-normal, constamment placé dans cette alternative de céder

aux mobiles comme un dégénéré, ou de suivre les ordres de ce

qu'on nomme la raison Ces ordres, que dicte la raison, com-

ment prouver qu'ils ne sont pas eux-mêmes des impulsions,

dans le sens rationnel du mol Sans doute ils semblent résulter

d'un acquiescement à un ensemble de règles morales qui consti-

tuent le bien ; mais comment savoir si ce sont pas aussi des idées

innées, déterminées ' ! Ces idées normales seraient déterminées

par une organisation normale, comme les impulsions au mal le

sont par une organisation déviée ou incomplète. Alors l'impulsif

avec lutte, selon le déterminisme, serait simplement un être as-

sez organisé pour connaître les impulsions rationnelles, mais

pas assez pour ne pas connaître les autres ; ce serait un demi-

normal, tantôt déterminé à résister à celles-ci, tantôt à leur obéir.

Nous ne voyons dans les faits que cite Mairet, de résistances

aux impulsions mauvaises, aucune argumentation nouvelle con-

tre le déterminisme. Le libre-arbitre ne saurait être établi qu'a-

natomiduement, par la preuve que l'homme peut gouverner ses

centres moteurs par ses centres intellectuels et surtout par la

preuve que ces derniers sont normalement autonomes, produi-

sent la pensée indépendamment de la constitution des autres

centres. Cette démonstration ne paraît pas possible, tant que

nous ne pourrons pas imaginer une fonction indépendante d'un

organe.

Les conséquences médico-légales de cette étude sont que l'é-

tude de la responsabilité appartient bien au physiologiste, au mé-

decin, et que ses altérations relèvent de la pathologie : ou bien,

la fonction responsabilité n'entre pas en activité (idiots, vésani-

ques, déments) ou bien ses éléments sont altérés (arrêts de dé-

veloppement). Les effets de ces altérations ont trait : 1° à l'état

de la responsabilité, irresponsabilité dans le premier cas, atténua-

tion à divers degrés dans les autres; 2° à la notion de la sensibi-

lité morale, dont les modifications doivent entrer en ligne pour

apprécier la responsabilité.

Les conséquences philosophiques sont relatives : à la question

de l'innéité du bien et du mal, et à celle de l'éducation. L'auteur

conclut que le bien et le mal ne sont pas innés, mais seulement

les aptitudes ; si le bien et le mal étaient innés,on ne verrait pas

des peuplades, comme les Polynésiens, s'enorgueillir d'avoir tué

ou mangé beaucoup d'hommes ; les règles morales seraient les

mêmes sur la terre. Mais, M. Mairet est-il bien sûr que les peu-

ples dits civilisés aient une morale bien différente des Polyné-

siens ne font-ils pas la guerre ? Au point de vue de l'éducation, la

39G BIBLIOGRAPHIE.

conséquence est que le bien et le mal.étant ce que l'intelligence

montre il la sensibilité morale être tel. l'éducation devra aussi

s'adresser il celte sensibilité. 1 ? C')ULONJOU.

XII. Rapport médical de l'asile d'aliénés de Rennes, pour l'an-

née 1906, par le Dr SIZARE1'. Oberthur, imprimeur à Rennes.

Population totale au 1er janvier 1906, 1010 (H. 417 : F : 593).

- Entrées, 219, dont 25 cas de folie toxique et 11 cas d'imbé-

cillité et d'idiotie. - Sorties : 167, dont 68 par guérison, S't par

amélioration. Décès : 87, dont 12 par tuberculose. Population

au 31 décembre 1906, 975. 33 fois l'alcoolisme est invoqué com-

me cause déterminante. Nous avons continué à appliquer la

méthode des sorties et congés d'essai. Cette méthode, précédem-

ment suivie, est demeurée féconde en heureux résultats » dit M.

Sizaret.

Nous avons à noter encore neuf cas de fièvre typhoïde, dit M.

Sizaret. Parmi les causes possibles, il faut incriminer l'eau. Nos

bains, nos lavabos, très insuffisants, ne sont desservis que par

l'eau de rivière. La cuisine est alimentée par l'eau de source ex-

cellente de la ville. En théorie, nos malades ne devraient pas

en consommer d'autre, mais en pratique, il est impossible, mal-

gré la surveillance, d'empêché) les aliénés de boire de l'eau du

bain ou de l'eau destinée aux lavages. Enfin, le nivellement et

le pavage des cours étant très défectueux, surtojt chez nos in-

digents, souvent des flaques d'eau sale s'amassent ; la surveil-

lance la plus assidue n'empêche pas toujours les aliénés de boire

à ces sources répugnantes.

.I'ai, à force d'instances, réussi, dans la plupart des quartiers,

à obtenir du personnel de surveillance comme des malades spé-

cialement exhortés à cet effet, de mettre tout leur.soin à laisser

créer ou rétablir et entretenir en bon état les modestes pelouses

et parterres qu'on a pu installer dans les préaux ».

Le rapport se termine par la reproduction d'un travail de l\l.

le Dr Sizaret à la Société scientifique et médicale de l'Ouest, inti-

tulé : Consommation de l'alcool et nombre d'aliénés dans le dé-

partement d'Ille-et-Vilaine. B. 1).

SUICIDE ^'enfant. A Dunkerque, un enfant de 10 ans,

Maurice Roger, s'est noyé de désespoir. Il avait perdu sa mère, il

y a quelques mois, et, depuis, il avait, plusieurs reprises, déclaré

qu'il se suiciderait.

Hospice DE CICÉTRE. A dater du 26 décembre dernier, le

docteur Jacques Roubinovitch, médecin adjoint de la Salpêtrière

passe en qualité de médecin en chef à l'hospicede Bicèlre, en

remplacement du docteur Charles Féré, décédé.

VARIA

Pour METTRE FIN A ses souffrances UN épileptique se NOIE A

- . Bordeaux.

On a retiré, aujourd'hui (21-) décembre) de la Garonne, près de

la passerelle du Midi, le corps d'un homme paraissant àgé d'une

trentaine d'années ; dans ses poches on trouva un billet déclarant

qu'il se nommait Edmond Tougne, qu'il était atteint d'épilepsie

et qu'il priait ceux qui le trouveraient de le ramener à ses parents

`'3, rue du \Ioulin-d' Ars, à Bègles. De l'enquête qui été faite, il

résulte que ce malheureux avait échappé à la surveillance de sa

famille et qu'on se trouve vraisemblablement en présence d'un

suicide. (Petit Parisien, 26 décembre).

CONCOURS d'adjuvat des asiles publics d'aliénés

Le président du conseil, ministre de l'intérieur, vu le décret

du 1 C,. août 1906, instituant un concours annuel pour le recrute-

ment des médecins adjoints des asiles publics d'aliénés, et visant

en ses articles 3 et 5, la constitution et la composition du jury

de ces épreuves ; vu l'arrêté ministériel du 6 novembre IJ07.

' fixant au lundi 3 février 1908, la date du concours de l'année

1908, et spécifiant que les candidatures seront reçues au minis-

tère de l'intérieur, du 10 décembre 1907 au 6 janvier 1 ! IOS, inclus;

vu l'avis du comité des inspecteurs généraux des services admi-

nistratifs du ministère de l'intérieur en date du 26 novembre

1907, arrête :

Art. 1 CI'. Sont nommés membres du jury du concours du 3 z

février 1908, pour l'emploi de médecin adjoint des asiles publics

d'aliénés, savoir : Président. AI. le docteur Drouineau, inspec-

teur général des services administratifs au ministère de l'inté-

rieur. Membres titulai1'es. : \DI. le docteur Mairet, professeur

doyen de la faculté de médecine de Montpellier (Hérault). Gilbert

Ballet, professeur à la faculté de médecine de Paris, Régis, pro-

fesseur adjoint à la faculté de médecine de Bordeaux (Gironde).

Itamadier directeur-médecin d l'asile public d'aliénés de Blois

(Loir-et-Cher). Sérieux, médecin en chef à l'asile public d'alié-

nés de Ville-Evrard (Seine-et-Oise). Charon, directeur-médecin

de l'asile public d'aliénés de Dury-lès-Amiens (Somme). Membres

suppléant. "LIe docteur \'iallon, médecin en chef à l'asile public

d'aliénés de Bron (Rhône). Art. 2. M. Valette, sous-chef du

1 l'" bureau de la direction de l'assistance et de l'hygiène publi-

ques au ministère de l'intérieur, est nommé secrétaire du jury,

sans voix consultative ni délibérative. Il lui est adjoint M. Lopin,

attaché au ministère de l'intérieur. Art. 3 Le directeur de

398 VARIA.

l'assistance et de l'hygiène publique est chargé de l'exécution

du présent arrêté. Fait à Paris, le 6 décembre 1907.

G. Clemenceau.

concoursannuel DE l'internat EN MÉDECINE DES asiles DE la

SEINE.

Une conférence gratuite, faite par des internes des Asiles de

la Seine, commencera dans les premiers jours de janvier à l'A-

sile Sainte-Anne, à Paris. Peuvent prendre part au concours,

tous les étudiants en médecine ayant 16 inscriptions prises dans

une Faculté de l'Etal. Les docteurs en médecine sont admis

également. Une seule condition est imposée, c'est de ne pas dé-

passer l'âge de 30 ans. Le concours a lieu chaque année dans

les derniers jours de mars pour finir dans le courant d'avril. Il

a lieu à la Prélecture delà Seine. Les épreuves sont écrites et

orales.

Les internes titulaires et provisoires, nommés, choisissent à

la Préfecture de la Seine, suivant leur rang de classement et

sont répartis en mai de chaque année dans les différents services

des Asiles de la Seine.

L'internat est de quatre années. Une cinquième année est

accordée aux internes docteurs ayant subi avec succès le con-

cours annuel de médecin adjoint des Asiles d'aliénés. Les inter-

nes peuvent passer leur thèse pendant leur internai. «

Nos lecteurs trouveront des renseignements très dé-

taillés sur les concours, dans le Numéro des Etudiants

de nov. 1907, notamment les questions données à l'é-

crit et à l'oral depuis une dizaine d'années. Nous ne sau-

rions trop encourager les étudiants à suivre des confé-

rences, excellent exercice pour réussir. '

Enfants anormaux : INSPECTION médicale DES Ecoles DE

Bordeaux

Par arrêté de M. le Préfet de la Girondejen date du 17 août 1907,

sanctionnant l'arrêté municipal du 26 juillet 1907, M. le Dr E.Re-

GIS professeur de psychiatrie à la Faculté de médecine, est nommé

médecin-inspecteur spécial des écoles primaires de la ville de

Cordeaux. A ce titre, M. le Professeur Régis est chargé de l'ins-

pection médicale des enfants des écoles pour tout ce qui concerne

les affections du système nerveux et en particulier, de l'inspection

médicale des classes et écoles d'enfants anormaux.

Le Dl Régis a demandé à l'administration municipale de lui

adjoindre pour cette lâche, deux suppléants : 1. le 1)1' J.cc2urn

ancien chef de clinique des maladies mentales à la Faculté de

médecine de Lyon, médecin-adjoint de l'asile d'aliénés de Bor-

deaux et 111. le 1)- AaADIE,IIrofesseur agrégé à la Faculté de médo-

, ' FAITS DIVERS. 399

cine des hôpitaux, deux de ses principaux collaborateurs dans

l'oeuvre bordelaise d'études sur les enfants anormaux.

Ajoutons que la municipalité de Cordeaux vient de nommer

en même temps, dans chacune des branches importantes de la

médecine et delà chirurgie infantile, un médecin-inspecteur spé-

cial des Ecoles : Oto-Rlzino-Laryngologie : Prof. MounE ; Derma-

tologie : Prof. \V. DosRSUmx ; Oculistique : Prof, agrégé Caban-

nes ; Odontologie : I)r DUNOGIER ; Chirurgie des enfants : Prof.

DENUCÉ ; Orthopédie : Dr GOURDON.

FAITS DIVERS

Hospice de la Salpêtrière. Clinique des maladies du système

nerveux. M. le Professeur RAYMOND reprendra ses leçons le

mardi 7 janvier 1908 à 10 heures 1/4 et les continuera les vendre-

dis et mardis suivants à la même heure. Examen des malades

externes le mercredi et le jeudi à 9 heures 1/2, visite dans les

salles le samedi iL 0 heures 1[2. M. le docteur Henri CLAUDE,

agrégé, continuera ses leçons de neuropathologie avec démons-

trations anatomiques et cliniques, le mardi 7 janvier 1908 à 4

'heures (amphithéâtre de la Clinique de la Salpêtrière). Le Dur

Jules Voisin commencera ses conférences cliniques sur les mala-

dies mentales et nerveuses, spécialement chez les enfants, le

jeudi 9 janvier 1908, à 10 heures, et les continuera les jeudis

suivants à la même heure.

Hystérie MACABRE. - La Tri6ttn2 raconte qu'à Baia Latina

dans la province de Caserte, un certain Alessandro, très affecté

par la mort de sa fiancée, alla au cimetière et, ayant déterré son

corps, l'emporta dans sa maison. Le malheureux fit des injec-

tions de formaline au cadavre, le revètit de ses habits de noces

etse livra à des actes abominables. Surpris un jour par des voi-

sins, Alessandro, devant leur colère, dut prendre la fuite et l'on

croît qu'il estallé se jeter dans le lac Fusaro. Le parquet a fait

procéder aux constatations médicales, puis il a fait inhumer de

nouveau le cadavre de la morte. On a trouvé un carnet dans

lequel Alessandro raconte sa macabre lune de miel. (La Liberté

du 1er novembre).

Drame de la FOLIE. - Un drame causé par la folie vient de

se déroulera Varennes-sur-Allier. Depuis quelque temps, Mme

Vichy, femme du propriétaire du café du Champ -de-Mars, don-

nait des signes de dérangement d'esprit. Hier matin, alors que

son mari dormait encore, elle s'approcha du lit qu'il occupait

au premier étage delà maison et y mit le feu, après l'avoir préa-

400 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

lablement arrosé de pétrole. I. Vichy se réveilla aussitôt, mais

déjà il était complètement entouré de flammes. 11 sauta précipi-

tamment à bas de son lit, mais, à ce moment, sa femme qui

était demeurée dans sa chambre, tira trois coups de revolver sur

lui, sans heureusement l'atteindre. Sans perdre son sang-troid,

M. Vichy se précipite sur sa femme et réussit à lui enlever

l'arme dont elle allait continuer à se servir contre lui. Au bruit

des détonations, les voisins accoururent. A leur arrivée,

Mme Vichy s'enfuit à l'étage supérieur et se précipita par

une fenêtre dans la rue. Dans sa chute, elle se brisa une

jambe. (La Liberté au ^ novembre).

Asile public d'aliénés D'EVREUX. - Place vacante d'interne.

- Traitement 900 fr., logement, nourriture, etc. Il faut au moins

dix inscriptions non-périmées. S'adresser au directeur.

NÉCROLOGIE. - Nous avons le très vif regret d'apprendre la

mort du Dr Goujon, sénateur de l'Ain. Né à Pont-de-Veyle (Ain).

le 20 avril 1840, M. le Dr Goujon se distingua pendant l'épidémie

cholérique de la Nièvre en 1866 et fit la campagne 1870-71 en

qualité de médecin-major. Elu conseiller général de l'Ain en

1883, président de cette assemblée quinze années durant, il était

entré au Sénat en 1885 et faisait partie du groupe de l'union ré-

publicaine. Médecin aliéniste réputé, le docteur Goujon dirigeait

la maison de santé de la rue du Picpus dans le 12° arrondisse-

ment, dont il a été maire durant de longues années. Son iiis,-Nl.

Pierre Goujon, avocat à la cour de Paris, conseiller général de

l'Ain, a épousé la fille de M. Joseph Reinach député des Casses-

Alpes.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

BELLE1'IIU : J et Mkkcier. Quelques réflexions sur le recrutement

des infirmiers dans les asiles.

Mercier (P.). - Etude sur les variations de la pression artérielle

dans les maladies nerveuses et particulièrement les psychoses. l3roclt.

de 88 pages. liey, imprimeur layon.

Lucien LA&mFFE ? ig'tafe anatomiques de dégénérescence dans

un groupe d'aliénés.

Lorts (.1.). La dynamique des phénomènes de la vie. Préface de

M. le Professeur A. Gi.mtu, vin-8" de 401 pages. Félix Alcan, édi-

Leur.

Le rédacteur-gérant : 13OUR4E%'ILIL.

Clermont (Oise). Imprimerie Dalx' frères et Thoron.

Vol. II. 3- Série. Décembre 1907. N° 12

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE

Empoisonnement par les homards conservés en

boîtes.Ataxie aiguë, polynévritique associée à de

l'acronévrite. Troubles partiels de la sensibilité

articulaire. Guérison.

Par le Prof. Alcxasdue STCHERUAK (Varsovie).

Observation. Le malade,âgé de 35 ans, célibataire, n'habi-

tant pas Varsovie, pas d'antécédents héréditaires.

Antécédents personnels. Des excès éthyliques très forts depuis

l'adolescence. Abus vénériens. Pas de syphilis. Il y a deux ans, le

malade avait eu de l'insomnie, parfois il ne dormait pas cinq nuits

de suite ; depuis cette date, il est devenu très nerveux, très irrita-

ble ; de temps en temps,il éprouvait la sensation d'un serrement et

d'une anxiété dans la région du coeur ; quelquefois il ressentait aux

extrémités des sensations particulières désagréables,semblables à

celles d'un liquide répandu sous la peau et « paraissant se déplacer

dans différentes directions ».

Histoire de la maladie. Il y a à peu près 12 jours, le malade a

soupe chez lui en compagnie de ses amis et il a mangé du homard

de conserve et en plus grande quantité que ses convives. Après le

souper, il avait mal au coeur et les nausées l'empêchaient de dor-

mir, mais, vers le matin, tout était passé, et, le lendemain, il se

sentait tout à fait bien ; après le souper, quelques-uns de ses

amis ressentirent aussi des nausées dans la soirée, mais ils ne sont t

pas tombés malades. "

Le lendemain, le malade a mangé au dîner en quantité assez-

grande des parties du homard, qui étaient restées dans la boîte ou-

verte la veille. Les conserves paraissaient être bien fraîches et

étaient assez agréables au goût ; les autres plats étaient très ordi-

naires et les domestiques,qui en ont mangé aussi, sont restés in-

demnes. Bientôt, une heure à une heure et demie environ après le

dîner, malade a ressenti des hoquets, des nausées et alors il fut

pris de vomissements très fréquents et très tenaces : d'abord de

,\Clll\ï : S, 3' 3" série, 100T, 1. Il. 2G

402 CLINIQUE NERVEUSE.

nature alimentaire puis bilieux et enfin mélangés d'une petite

quantité de sang ; pendant les vomissements, le malade éprou-

vait des douleurs très vives (crampes) localisées au creux de l'es-

tomac,inais dans les intervalles des'vomissements, il n'y avait pas

de douleurs. Immédiatement, on a fait appeler les médecins. Vers

le soir, les vomissements cessèrent et le malade s'endormit pour

4 à 5 heures ; le sommeil était troublé souven par des cauche-

mars, il y avait du délire aussi. Le jour suivant, les douleurs au

bas-ventre ont apparu avec la diarrhée qui avait une couleur fon-

cée presque noire, si singulière que le malade lui-même y a

fait attention ; pendant la journée, à plusieurs reprises, le malade

a vomi de nouveau. Vers le soir, la température s'est élevée

jusqu'à 38° ; affaiblissement des forces, vertige ; pas de dysp-

née, de cyanose, de douleurs ni de crampes dans les membres ;

l'intelligence restait tout à fait lucide. Les médecins ont fait con-

naître aux proches du malade leurs craintes pour sa vie à cause

de l'affaiblisssement cardiaque ; la nuit il a eu le délire. Troisième

jour de la maladie. Température normale, pas de vomissements ;

la diarrhée et les douleurs de ventre diminuèrent, mais la couleur

des matières fécales était toujours très foncée, presque noire. Qua-

criènce jour. Pas de vertige, de diarrhée ; température normale

(elle n'est jamais descendue au-dessous de la normale); la cou-

leur des matières fécales est devenue normale aussi, mais l'affai-

hlissement général était si prononcé que le malade dut garder le

lit encore quelques jours, n'ayant pas assez de forces pour se lever.

Les premiers jours, lé malade éprouvait une sensation de séche-

resse dans la bouche et dans le pharynx mais il n'y avait pas

de troubles de la déglutition ni de la parole ; pas d'exanthème,

pas de diplopie ni de (roubles de la vision. Le traitement, d'après

le récit du malade, consistait en huile de ricin, petits morceaux de

glace, opium et excitants du coeur ; chose à noter : on ne lui a

pas administré de préparations de bismuth.

Le quatrième jour après l'empoisonnement, lorsque les troubles

gastro-intestinaux n'existaient plus, le malade a ressenti une sen-

sation d'engourdissement dans l'extrémité inférieure gauche, sur-

tout dans le pied gauche puis dans l'extrémité inférieure droite ;

le malade a perdu la sensibilité de la langue et du palais. Le joui-

suivant, l'engourdissement et les fourmillements ont envahi aussi

les extrémités supérieures ; la sensibilité de la langue et du palais

s'est rétablie. Dès ce jour, le malade s'aperçut, que ses extrémités

obéissaient mal à sa volonté et qu'il ne pouvait pas faire de mou-

vements réguliers et précis.11-12 jours après l'empoisonnement, le

malade est venu me consulter.

Le premier examen objectif (8 octobre 1903) a donné les résul-

tats suivants : l'état généra ! de la nutrition est bon ; pas de trou-

bles gastro-intestinaux ; pas a'altératlOns des gencives ; l'examen

EMPOISONNEMENT PAR LES HOMARDS CONSERVES EN BOITE. 403

vjscéral ne relève rien d'anormal, sauf que les bruits du coeur

sont un peu étouffés. Système nerveux. La marche a le caractère

ataxique très prononcé; les yeux fermés, le malade ne peut pas du

tout marcher ; le signe de Romberg est aussi très net. Tous les mou-

vements des extrémités supérieures s'exécutent avec une ataxie

évidente.l'ataxie des extrémités inférieures est un peu moins pro-

noncée mais on la constate aussi très facilement dans les mouve-

ments au niveau de toutes les articulations. Les pupilles sont nor-

males. La force musculaire est partout conservée. Sensibilité. Des

paresthésies très pénibles (engourdissement, fourmillements, 1)rü-

lements) dans les mains et dans les pieds. Hypoesthésie sur les

paumes de la main et sur la face palmaire de toutes les phalanges ;

tandis qu'à la face dorsale de la main la sensibilité est intacte ; à

gauche, l'hypoesthésie est plus prononcée qu'à droite. La sensibi-

lité articulaire (le sens des mouvements passifs) est nulle dans la

flexion (passive) des doigts et elle est conservée dans l'extension et

dans les mouvements d'écartement et de rapprochement des

doigts. Hypoesthésie vibratoire sur les extrémités inférieures en

entier et sur le bassin. Abstraction faite des troubles signalés, la

sensibilité est normale. Chose à noter : la perception stéréognostique

est conservée et on ne trouve aucun trouble objectif de la sensi-

bilité aux membres inférieurs, sauf l'hypoesthésie vibratoire men-

tionnée ; entre autres, la sensibilité articulaire au niveau des

orteils est intacte. La sensibilité de la langue et du palais est nor-

male. Les grands troncs nerveux et les plexus ne sont pas dou-

loureux à la pression, mais les branches périphériques des nerfs

des extrémités sont très sensibles à la pression ; les pressions pro-

fondes qu'on exerce dans les espaces interosseux de la face dorsale

de la main et du pied avec un doigt ou avec un porte-plume pro-

voquent chez le malade de vives douleurs et des paresthésies qui

s'irradient dans les doigts. Les réflexes olécraniens et les réflexes

des poignets sont conservés, ils sont un peu plus forts, du côté

gauche, surtout le réflexe olécranien ; les réflexes roluliens ont une

moyenne intensité à égal degré des deux côtés. Les réflexes achil-

léens sont abolis. Les réflexes pharyngien et conjonctival, ainsi que

les réflexes cutanés, sont normaux.

Pas de troubles de la miction ni de la défécation,, les fonctions

génitales sont normales. L'analyse de l'urine est négative. J'ai re-

commandé au malade de se rendre tout do suite dans une maison

de santé,niais il ne put pas suivre ce conseil et il retourna chez lui.

Ordonnance : le repos complet (alitement) et abstinence de l'al-

cool ; bains salés, iodure de potassium à l'intérieur. Après huit

jours, j'ai reçu du malade une lettre dans laquelle il me dit que son

état s'est aggravé ; qu'il marche avec peine et qu'il écrit avec beau-

coup de difficultés (en effet,l'écriture du malade avait un caractère

Mtnxique si prononcé que sa lettre était très difficile il lire) ; les

401 i clinique Nerveuse.

paresthésies des mains et des pieds, dit-il, sont devenues encore

plus fortes et plus pénibles.

Le 22 octobre.il est venu me consulter de nouveau.

Le deuxième examen (22 octobre) a démontré le progrès évi-

dent de la maladie, l'ataxie des extrémités supérieures et infé-

rieures, ainsi que le signe de Romberg,sont encore plus manifestes.

Tous les réflexes profonds des extrémités supérieures sont abolis ;

les réflexes rotuliens sont très faibles et difficiles à provoquer. La

force musculaire reste très bien conservée partout, sans excepter

les muscles de la main et du pied ; dans les muscles de la main, on

trouve un peu d'asthénie (la fatigue se produit trop vite).

Sensibilité. Membres inférieurs. La sensibilité musculo-arti-

culaire des orteils est abolie complètement. Hypoesthésie des pieds;

(face plantaire et dorsale), hyperalgésie sur la face dorsale du pied,

anesthésie vibratoire complète sur les extrémités inférieures en en-

tier et sur le bassin ; douleur et engourdissement assez vifs dans

les pieds ; les branches périphériques des nerfs sont très sensibles

à la pression. Membres supérieurs. Anesthésie vibratoire des extré-

mités supérieures en entier ; hypoesthésie sur la face palmaire et

dorsale de la main ; hypalgésie sur la face dorsale de la main ;

hyperalgésie et dysesthésie aux bouts des doigts (le simple attou-

chement produit une douleur brûlante) ; douleurs fulgurantes dans

les doigts, sensation de la sensibilité diminuée dans les mains et en

même temps sensation de la peau (C mise à nu ». Le sens stéréognos-

tique est diminué : le malade éprouve de grandes difficultés à ap-

précier les différentes monnaies. La sensibilité articulaire au ni-

veau des articulations des doigts est diminuée encore davantage,

mais les troubles ont toujours le caractère partiel : la sensibilité

articulaire est abolie complètement pour la flexion (dans l'articu-

lation métacarpo-phalangienne et dans les articulations des pha-

langes) et pour le mouvement latéral vers le côté radial ; en même

temps, la sensibilité est conservée pour le mouvement latéral

vers le côté cubital et pour l'extension des doigts. Les troncs ner-

veux, comme auparavant, ne sont pas douloureux à la pression ;

par contre, les nerfs de la main sont excessivement sensibles à la

pression. Cette fois encore, le malade n'a pas eu la possibilité Je

rester à Varsovie malgré mes conseils très fermes ; il est parti.

Par ses lettres, j'appris que la maladie continuait à faire des

progrès pendant 3-4 semaines encore ; les douleurs et les pares-

thésies dans les mains et surtout dans les pieds le tourmentèrent

énormément, la marche devint plus difficile, les troubles de la per-

ception stéréognostique s'augmentèrent aussi. Ce n'est que vers la

fin du mois de novembre que le malade s'est aperçu d'une certaine

amélioration et, chose curieuse, précisément à ce moment, il se

décida à venir à Varsovie pour suivre un traitement systématique

Le troisième examen objectif (22 nov.) a établi les changements

EMPOISONNEMENT PAR LES HOMARDS CONSERVÉS EN BOITE. 405

suivants dans l'état du malade par rapport aux examens précé-

dents : l'ataxie, le signe de Romberg, les douleurs et les paresthé-

sies persistent toujours, mais sont d'une intensité moins grande ;

la marche, le sens stéréognostique et la sensibilité vibratoire se sont

améliorés ; au lieu d'anesthésie vibratoire envahissant les mem-

bres supérieurs, inférieurs et le bassin, on constatait alors l'hypoes-

thésie vibratoire, localisée aux parties périphériques des extré-

mités. En revanche, les réflexes rotuliens ont disparu complètement

et la parésie des muscles des orteils est apparue : l'extension et

l'écartement des orteils manquent tout à fait, la flexion est très

faible. Les troubles objectifs de la sensibilité cutanée et articulaire

ont conservé le même caractère et la même localisation ; entre au-

tres, le caractère partiel des troubles de la sensibilité articulaire au

niveau des articulations métacarpo-phalangiennes et intra-pha-

langiennes persiste toujours. Macroesthésie (1) et polyesthésie

manquent, comme auparavant. Le malade est entré dans une mai-

son de santé et y a été observé par le Dr A. Naouman. Ordon-

nance : alitement, bains salés, galvanisation, massage; à l'intérieur

nitrate de strychnine à 0,001 pro dosi, 0,003 pro die.

40(i CLINIQVE NERVEUSE.

marche s'est améliorée, le signe de Domberg est moins prononcé ;

les troubles de la sensibilité cutanée et vibratoire saris change-

ments (les mêmes résultats que dans les 2e et 3e examens). La sen-

sibilité articulaire, au niveau des doigts, commence à se rétablir,

surtout du côté gauche, mais le caractère partiel de ces troubles

reste toujours, comme le montre le tableau suivant, représentant t

les altérations de la sensibilité articulaire dans les divers mouve-

ments passifs des doigts de la main droite et de la main gauche.

Les nerfs de la main et du pied sont douloureux à la pression.

Après 8 jours, le cinquième examen (16 déc.) a montré une cznmé-

lioration considérable : la motilité des orteils s'est améliorée ; le ma-

lade fléchit les orteils assez bien; l'extension, qui manquait aupara-

vant, se fait maintenant ; l'écarlement ne se fait qu'avec une

grande difficulté. L'ataxie des extrémités supérieures ne se mani-

feste pas du tout ; l'écriture s'est améliorée considérablement :

l'ataxie des extrémités inférieures existe encore, mais à un degré

moindre qu'auparavant. La marche conserve encore le caractère

atactique mais elle s'est améliorée aussi. Pas d'atrophies muscu-

laires. Les réflexes profonds des membres supérieurs et inférieurs

font défaut. Sensibilité. L'hypoesthésie et l'hyperalgésie de la lace

dorsale de la main ont disparu. L'hypoesthésie de la face palmaire

et l'hyperalgésie avec la dysesthésie aux bouts des doigts restent en-

core. La sensibilité musculo-articulaire au niveau des doigts s'est

rétablie complètement. L'hypoesthésie des pieds reste; sur la face

dorsale des pieds existe, outre l'hypoesthésie,l'hyperalgésie avec la

dysesthésie. La sensibilité articulaire au niveau des orteils s'amé-

liore.La sensibilité vibratoire aux parties périphériques des extré-

mités est un peu affaiblie. Les nerfs de la main et du pied ne sont

plus douloureux à la pression ; les douleurs spontanées ont cessé,

les paresthésies des mains et des pieds persistent. t.

Le sixième examen (23 déc.) a montré une amélioration ulté-

i ioure. Tous les mouvements des orteils se font bien ; on peut obte-

nir un faible réflexe rotulien et olécranien. L'ataxie des extrémités

inférieures a presque disparu. L'écriture est normale. La sensibi-

lité articulaire des orteils s'améliore manifestement, sur Lotit du

côté gauche.

Le septième examen (30 déc.) a donné presque les mêmes résul-

tats que le sixième

La sensibilité articulaire des orteils du côté gaucho est prpsque

rétablie ; du côté droit, elle existe aussi presque dans tous les mou-

vements. Le signe de Bamberg et le caractère ataxique de la mar-

che peuvent à peine être constatés.

Le huitième examen (I5 janv.194) démontre l'amélioration con-

tinuelle de la sensibilité : l'hypoesthésie et l'hyperalgésie de la face

dorsale des pieds ont disparu ; il nd reste que l'hypoesthésie de la

face plantaire des pieds ; la sensibilité articulaire dos orteils conti-

EMPOISONNEMENT PAR LES HOMARDS CONSERVÉS EN BOITE. 407

nue toujours à s'améliorer, nnn seulement du côté gauche, mais

aussi du côté droit. Quant, aux mains, il ne reste que l'hypoesthésie

de la face palmaire avec l'hyperalgésie peu marquée aux bouts

des doigts. Les paresthésies des mains et des pieds incommodent, t

encore le malade, mais leur intensité a beaucoup diminué.

n neuvièmeeaanaen(`38,janv.lon a constatéle rétablissement pres-

que complet de la sensibilité articulaire des orteils dans tous les

mouvements ; les troubles de la sensibilité cutanée des mains on t.

disparu ; quant aux pieds,il ne reste que l'hypoesthésie cutanée peu

prononcée de la face plantaire et l'hypoesthésie vibratoire.

L'ataxie et le signe de Romberg ont disparu. L'état général du ma-

la(le est tout à fait satisfaisant. Le malade a quitté l'hôpital et a

repris ses occupations. Ordonnance : abstinence de l'alcool.

Le dixième examen (10 juil.) a eu lieu 6 mois après,lorsque le ma-

Inde est venu me demander des renseignements au sujet du trai-

MmCL't d'été. D'après le récit du malade, de tous les symptômes il

n'est l'esté que des paresthésies (engourdissement, brûlemenl) peu

prononcées dans les doigts et dans les orteils. Dans l'examen ob-

jectif, on n'a constaté ni ataxie, ni troubles quelconques de la sen-

sibilité cutanée et profonde. Les réflexes rotuliens et les réflexes

profonds des extrémités supérieures sont assez faibles, mais on les

obtient. très facilement. Le réflexe achilléen, très faible, es apparu

du côté gauche seulement ; il est absent du côté droit. '

.1 ai recommandé au maladp les bains salés et les bains de boues

minérales d'Odessa.

L'observation décrite qui, malheureusement, ne se dis-

tingue pas par sa plénitude et son exactitude cliniques,

n'est pas néanmoins dépourvue d'intérêt. Quant à la ma-

ladie du système nerveux, son début, son évolution pro-

gressive et sa disparitipn graduelle -- toutes ces phases,

claies leurs grands traits au moins - sont passées presque

sous mes yeux. Le caractère général de la maladie comme

d'un cas do polynévrite était évident après le premier

examen du malade; la marche ultérieure delamaladie,

ayant bien confirmé ce diagnostic, a mis en même temps

à jour quelques particularités intéressantes dont nous

nous occuperons maintenant.

A une certaine période de la maladie, les symptômes

névritiques, chez notre malade, étaient localisés presque

exclusivement aux mains et aux pieds ; c'est ici qu'on

constatait la sensibilité exagérée des nerfs à la pression,

les douleurs et les paresthésies locales, les troubles objec-

40S CLINIQUE NERVEUSE.

tifs locaux de la sensibilité, de la motilité et en partie de

,la coordination des mouvements. La polynévrite, qui

affecte principalement ou exclusivement les branches

périphériques des nerfs des extrémités n'est'pas, d'après

mon expérience, fort rare dans les cas des intoxications

et auto-intoxications diverses ; et depuis longtemps dans

l'examen des mains et des pieds, j'apporte une attention

particulière à la sensibilité à la pression des branches

périphériques des nerfs, laquelle sensibilité peut être

explorée bien simplement, en exerçant une pression pro-

fonde dans les espaces interosseux de la face dorsale de

la main à l'aide d'un doigt ou d'un porte-plume ; il se

produit alors de l'irradiation des douleurs et des paresthé-

sies dans les doigts laquelle est très caractéristique pour

l'inflammation des nerfs de la main et du pied, inflamma-

tion qu'on peut nommer l'acronévrite ; les grands troncs

nerveux dans ces cas ne sont pas du tout douloureux à la

pression, et tous les symptômes névritiques sont localisés

ordinairement aux mains et aux pieds. En partie, ce

syndrome acronévritique s'observe également dans notre

cas, mais on ne peut évidemment pas admettre ici la for-

me pure d'acronévrite, parce qu'il existe, outre le syn-

drome nommé chez notre malade, plusieurs signes qui

démontrent clairement la localisation beaucoup plus

étendue du processus névritique. Ce sont les symptômes

suivants : 1° l'ataxie se manifestant dans les mouve-

ments au niveau de toutes les articulations des extré-

mités ; 2° l'abolition graduelle des réflexes profonds (ro-

tulien, olécranien), avec lesquels les branches périphé-

riques de la main et du pied n'ont aucun rapport ; 3° le

développement graduel de l'anesthésie vibratoire, enva-

hissant les membres inférieurs et supérieurs en entier ;

4° le signe de Romberg, qui a été constaté au moment où

il n'y avait aucun trouble de la sensibilité ni de la mobi-

lité dans les membres inférieurs.

Les symptômes que nous venons d'énumérer appa-

raissent dans notre cas comme un complément clinique de

l'acronévrite et tous ces symptômes ont quelque chose

de commun entre eux, tous indiquent notamment l'af-

fection des fibres nerveuses provenant non de la peau

mais des parties profondes, les os et les articulations y

EMPOISONNEMENT PAR LES HOMARDS CONSERVES EN si 01 TE. 400

compris. Ainsi il est possible d'admettre que,dans notre

cas ce sont plutôt les branches profondes des nerfs qui'

sont prises par le processus névritique, et non les grands»

troncs mixtes-. Et vraiment,excepté les mains et les pieds ?

(l'acronévrite avec sa symptomatologie mixte), nous ne

trouvons pas dans les autres régions des symptômes or-

dinaires de la névrite : les troncs nerveux et les plexus ne

sont pas douloureux à la pression, il n'y a pas de dou-

leurs ni de paresthésies,ni de troubles objectifs de la sen-

sibilité cutanée, ni de parésie. Mais soit que la polyné-

vrite affecte les grands troncs nerveux ou qu'elle n'affecte

que les petites branches toujours est-il que le carac-

tère partiel des symptômes est très prononcé dans notre

cas. Même les branches plus petites, les branches « pro-

fondes » des nerfs contiennent, comme on sait, les fibres

centripètes et centrifuges d'une fonction physiologique

très différente,tandis que les symptômes de la névrite

généralisée chez notre malade indiquent l'affection de

certaines fibres centripètes. Le caractère partiel des

symptômes est encore plus fortement souligné dans

,1'acronévrite, notamment dans les troubles de la sensi-

bilité articulaire (sens des mouvements passifs) ; on pou-

vait constater ici le phénomène particulier que je n'ai

jamais rencontré jusqu'à présent et qui consiste en ce

que, pendant tout le cours de la maladie, les troubles de la

sensibilité articulaire se manifestaient exclusivement ou

principalement dans les mouvements passifs, bien déter-

minés des doigts.

Vraiment, lors du premier examen, le malade ne per-

cevait pas la flexion des doigts (dans l'articulation mé-

tacarpo-phalangienne et dans les articulations des pha-

langes), tandis qu'il percevait bien les autres mouve-

ments des doigts ; après quinze jours (deuxième examen),

au moment de l'aggravation de tous les symptômes, est

venue se joindre à la perte de perception de flexion la

même altération de la sensibilité articulaire par rapport

à un mouvement latéral déterminé, c'est-à-dire au mou-

vement vers le côté radial, tandis que les autres mouve-

ments des doigts étaient comparativement bien perçus

par le malade. Un mois après (troisième examen), au

moment où l'amélioration a commencé, le même carac-

410 CLINIQUE NERVEUSE.

tère partiel persistait toujours ; 8 jours après (4° exa-

men) on a constaté aussi le même caractère ; enfin au

cinquième examen, plus de 2 mois après, au moment de

l'amélioration considérable de tous les symptômes né-

vritiquos, les troubles de la sensibilité articulaire ont

disparu complètement.

On ne pourrait expliquer ce phénomène curieux de

l'acronévrite dans notre cas, si on n'admettait pas l'af-

fection des filets nerveux les plus minces innervant les

territoires déterminés des articulations mêmes et des

parties profondes voisines. Qu'il s'agisse des parties pro-

fondes, cela est prouvé par le manque de parallélisme

entre les troubles de la sensibilité cutanée et les altéra-

tions de la sensibilité articulaire dans notre cas : au mo-

ment de la disparition des troubles de la sensibilité arti-

culaire (cinquième examen) l'hypoesthésie de la face pal-

maire de la main existait toujours et elle a été constatée

encore au sixième et au septième examen ; de l'autre

côté, l'hypoesthésie diffuse de la face palmaire et dor-

sale de la main étant présente, nous ayons observé (21',

3e et 4e examens) les troubles partiels de la sensibilité ar-

ticulaire, c'est-à-dire que le malade percevait bien quel-

ques-uns des mouvements passifs des doigts et ne perce-

vait pas les autres.

Quant à l'affection des filets nerveux terminaux, il de-

vient indispensable de la reconnaître si on se rappelle la

complexité de l'innervation sensitive des doigts et les

anastomoses extrêmement riches entre les différentes

branches nerveuses; dans ces circonstances anatomiques,

l'affection simultanée par le processus névritique de plu-

sieurs branches des nerfs plus ou moins fqrtes pourrait

provoquer tantôt une diminution diffuse de la sensibilité

articulaire au niveau des doigts, tantôt - on cas du pro-

cossus plus léger et non étendu - pourrait exister sans au-

cun trouble de la sensibilité articulaire. Mais los troubles

partiels et en même temps constants dp ladite sensibilité,

troubles qu'on observait pendant une longue durée et

dans les mouvements des doigts bien déterminés, ces

troubles ne peuvent pas dépendre d'une lésion des bran-

ches des nerfs digitaux plus ou moins fortes et ils ne sont

compréhensibles que comme un symptôme de la lésion

EMPOISONNEMENT PAR LES HO ? 1RDS CONSERVÉS EN 1301TC. 411

des filets nerveux les plus minces qui sont atteints au-

delà de leurs dernières anastomoses.

Anatomiquement, l'innervation scnsitive des articu-

lations et des parties profondes de la main en général

avait été très peu connue jusqu'à ces derniers temps

parce que les auteurs qui étudiaient l'innervation sen-

sitive de la main et des doigts portaient leur attention

particulièrement sur les filets nerveux sensitifs de la

peau (Arloing et Tripier, Brooks, Kraure, Hedon, Zan-

der, Morestin et autres), laissant de côté les articulations

et les parties profondes. Cette lacune est suppléée à un cer-

tain degré par le travail récent du Dr Saposchkof (1).

Dans cet ouvrage, basé sur l'examen anatomique de 120

mains d'hommes et 32 extrémités antérieures de diffé-

rents animaux, le Dr Saposchkof décrit et représente par

des images les filets nerveux les plus minces qui provien-

nent des nerfs dorsaux internes et externes des doigts

(/ ? . n. dorsales dlgitorlam interni et exteiqi) et innervent

les territoires déterminés des articulations (métacarpo-

phalangiennes et interphalangiennes) et du périoste, les

territoires tels que le côté radial ou. le côté cubital des ctrti-

culations par exemple. Ce sont justement les filets ner-

veux dont l'affection est démontrée par les symptômes

cliniques dans notre cas. Dans ce cas, simultanément,

sont affectées des branches nerveuses plus fortes (les

troubles diffus de la sensibilité cutanée de la main, sensi-

bilité à la pression des espaces interosseux, etc.),mais les

troubles partiels de la sensibilité articulaire montrent

bien que, outre ce processus, il faut reconnaître encore

une lésion des filets nerveux les plus minces dans le voi-

sinage des articulations mêmes {2}.

Ainsj les troubles partiels.de la sensibilité profonde (ar-

ticulaire), considérés à ce point de vue, semblent à leur

tour témoigner dans nqtre cas en faveur dp la tendance

du processus névritjquo a affecter exclusivement ou prin-

(1) Sur l'innervation (le la face dorsale de la main. Thèse de doctoral,

Varsovie, 15)03 (en russe). 1

(2) Il serait intéressant de porter l'attention sur le§ troubles, par-

tiel plus nu jupius constants du la sensibilité nrtjrutaire (Iziils les Illec-

tinns diverses du système'nerveux central et périphérique ; d'après

l ? n : mm : (Srl1¡Nn/pllir, 'III système nerveux, p. 88 : 3) on trouve fré-

qneuuenL des n|ié|ipméi)ps pareils chez les, /11f¡Í'liqllC (la s'na ! iq]1 de

mouvement et la sensation de direction de ce mouvement pissociees).

412 CLINIQUE NERVEUSE.

cipalement certaines petites branches périphériques. Les

données que nous avons sur les troubles objectifs de la

sensibilité cutanée sont aussi favorables à cette opinion.

Parmi les symptômes de ce genre, le plus persistant était

sans doute l'hypoesthésie de la face palmaire de la main

et de la face plantaire du pied. Au cours de la maladie,

nous avons observé l'apparition et (relativement) la

prompte disparition des différents troubles de la sensi-

bilité à la face dorsale de la main et du pied (hypoesthésie,

hypoalgésie, hyperalgésie, dysesthésie), mais l'hypoes-

thésie de la plante du pied et de la paume de la main per-

sistait toujours et disparaissait en dernier lieu. Le ma-

lade, tout à fait .bien portant déjà, est parti conservant

même son hypoesthésie affectant la plante des deux

pieds; ce ne fut que le mois suivant qu'on pût constater

enfin la disparition de cette hypoesthésie. Ainsi les

branches nerveuses destinées à la face palmaire de la

main et à la face plantaire du pied ont été plus fortement

affectés que les branches prenant part dans l'innervation

de la face dorsale de la main et du pied.

En résumant maintenant tout ce que nous avons dit

plus haut, nous pouvons noter le double mode d'action

de la substance toxique sur les nerfs périphériques de

notre malade : d'un côté nous voyons l'action plus géné-

ralisée étendue sur le grand territoire de nerfs périphé-

riques, de l'autre côté est non moins évidente une autre

action de la même substance, action plus restreinte et

plus spéciale sur les nerfs de la main et du pied. La

première forme d'affection des nerfs périphériques ca-

ractérisée par l'ataxie, le signe de Romberg, l'abolition

des réflexes profonds et l'anesthésie vibratoire de toutes

les extrémités en entier n'est rien d'autre que l'ataxie

polynévritique aiguë ou pseudo-tabes polynèvritique aigu ;

la deuxième forme est caractérisée par la sensibilité exa-

gérée des nerfs de la main et du pied à la pression et par

les troubles locaux de la sensibilité, de la motilité et de la

coordination ; nous avons déjà nommé cette forme

l'acronévrite de la main et du pied. L'ataxie polynévri-

tique aiguë a suivi un cours très favorable ; ses symp-

tômes ne progressaient que pendant quelques semaines

et alors les manifestations les plus importantes de la ma-

I : JIS'OISp\\13JI1·,N'l' PAR LES HOMARDS CONSERVES EN BOITE. 41o

ladie commencèrent à diminuer très vite ; les symptômes

acronévritiques se sont montrés, comparativement, plus

tenaces. Dans les deux formes de polynévrite, il existe

une tendance à affecter principalement les branches plus

petites des nerfs et dans les deux formes nous trouvons

aussi le caractère partiel des troubles, ce caractère se

manifestant surtout dans les troubles de la sensibilité

articulaire (l'acronévrite).

Il est impossible d'expliquer l'ataxie aiguë dans notre

cas par une lésion quelconque du système nerveux cen-

tral. « L'ataxie aiguë » en soi n'est pas, sans doute, une

forme clinique déterminée, au contraire, ce n'est qu'un

symptôme, abstraction faite de la polynévrite, des ma-

ladies différentes de la moelle, du tronc cérébral et du

cerveau. Mais, dans notre cas, le manque des symptômes

cérébraux et spinaux, la marche de la maladie, l'amé-

lioration commencée après quelques semâmes, la dispa-

rition consécutive des symptômes, la restitution des ré-

flexes profonds y compris, tout cela nous permet de re-

jeter positivement le processus central comme cause de

l'ataxie et tout cela nous oblige à adopter le diagnostic

de l'ataxie polyizévritique aiguë. La connexion clinique

étroite qui existe entre l'ataxie généralisée et les troubles

locaux dus à l'acronévrite; cette connexion parle aussi en

faveur de ce diagnostic. La perte de la sensibilité de la

langue et du palais qui existait, d'après le récit du ma-

lade, pendant un jour seulement au début de la maladie,

peut être expliquée, si elle existait en réalité,par une par-

ticipation légère des nerfs craniens, qui n'est pas rare

dans les polynévrites.

L'origine fonctionnelle (hystérique) de l'ataxie aiguë

dans notre cas doit être exclue aussi à cause du carac-

tère clinique de l'ataxie même et à cause de l'abolition

graduelle concomitante des réflexes profonds.

Ainsi le diagnostic définitif dans notre cas est le sui-

vant : ataxie polynèvritique aiguë (pseudo-tabes périphé-

rique aigu) associée à l'acronévrite des mains et des pieds.

Au tableau clinique particulier de la polynévrite cor-

respond aussi dans notre cas une étiologie toute par-

ticulière.

Cliniquement, le lien étiologique existant entre la po-

41u CLINIQUE rttvLUSC.

lynévritc et l'empoisonnement aigu par les homards est

bien évident dans notre cas et il ne nous reste qu'à défi-

nir plus exactement l'espèce de cet empoisonnement.

Dans la littérature médicale (1) nous trouvons au

sujet d'intoxication par les homards, des indications très

peu nombreuses et pour la plupart d'un caractère très

général qui se réduisent à ce que des cas pareils d'empoi-

sonnement qui sont parfois mortels, sont très rares et que

cet empoisonnement peut comporter des symptômes

semblables à ceux de l'intoxication alimentaire en géné-

ral et surtout de l'intoxication par les huîtres.

Les faits cliniques qui concernent l'empoisonnement

par les homards et que je pus recueillir sont les suivants :

Jaksch (l. c. p, 585) dans quelques lignes seulement dé-

crit un cas : une nombreuse société avait mangé, le soir,

des homards sans éprouver aucun mal ; mais le lende-

main c'était l'hiver - tous les membres d'une autrc

famille ayant consommé les restes des mêmes homards

sont tombés malades et deux enfants sont même morts.

L'auteur ne dit rien des symptômes de l'empoisonnement

Dans le cas rapporté par Potain (2), « le malade présen-

ta nausées, vomissements, douleurs et contractures dans

les membres, hypertrophie de la rate ». Dans un cas re-

marquable d'empoisonnement collectif rapporté par

Simon (3) sont notés les symptômes suivants : diarrhée,

mal de tête, nausées, vomissements, sentiment d'alour-

dissement dans les membres ; dans les plus graves :

cyanose de la face, syncopes répétées, prostration com-

plète, pouls extrêmement petit, douleurs fortes et cram-

pes des mollets (syndrome cholériforme). En somme,

(1) V. Jaksch. Die Vergiflul1gel1 1897, p. 585. Vihert. Toxicologie.

Deux. édit., ho7, p,. 910. Wuutz. Intoxications alimentaires (\'ou-

rettrt traité de médec, UnousHDEI. et Giluert, XI, 1907, p. 199.)Lk\vin.

Traité de toxicologie, 1903, (traduction franc., p. 919. AitNOU1,I).NOIII.

éléments d'hygiène, 1907, p. 5 18. On trouvc les renseignements les plus

détaillés au sujet de l'empoisonnement par les crustacés en général et

par les homards en particulier dans l'ouvrage de Houccn et DOPTER :

Hygiène alimentaire, 1906, p. 262-265. (I3nouwno>;L et Mosxy. Traité

d'hygiène, t. IV).

(2) Rouget et Dopter 1. c. p. 263.

( : J) Eine Mnssenerkrankung infolge genusses Il. 2 ; (1-iiis le

7cissclw./ürllcisch-ttttd.llrlchlla/llitvt lnhrg. II. 1 1. 2 ; anal, dans le

r7{/;cn.u ? c/t;f ? 1892, p. 205 ((liiez Kolget et Dorrmt est indiqué

par erreur : Il ! lU. liuiidsclictu, 1882).

EMPOISONNEMENT PAR LES HOMARDS CONSERVÉS EN BOITE. 115

85 personnes tombèrent malades après un banquet

solennel où on servit parmi d'autres mets, des homards.

Le lendemain, dans un autre endroit, plusieurs person-

nes ont' présenté les mêmes symptômes d'empoisonne-

ment, ayant Consommé des homards qui ont été achetés

chez le même marchand. On soupçonna alors les homards

comme ayant été la cause de l'empoisonnement collec-

tif ; on les examina et on trouva la vraie cause : les ho-

mards eux-mêmes furent reconnus atteints d'une inflam-

mation aiguë infectieuse du canal intestinal. Malgré les

symptômes très graves dans quelques cas, tous, les 85

malades se sont rétablis..

Dans le cas de Camus (1) l'empoisonnement B' est pro-

duit dans des conditions semblables à celles de notre ob-

servation.Trois membres de la famille d'un officier (père,

mère et fils, âgé de 18 ans) ont consommé au déjeuner une

demi-boîte de conserves de homard (c'est-à-dire à peu

près 250 grammes), sans avoir éprouvé les moindres

conséquences mauvaises ; les restes des conserves ont été

placées dans un endroit froid et ont été servis le lende-

main au déjeuner. Les conserves avaient un aspect tout

à fait bon et étaient même plus agréables au goût que la

veille. Néanmoins, deux heures ne s'écoulèrent pas après

le déjeuner que le jeune homme ressentit tout à coup un

malaise, dut se coucher et fut bientôt pris de vomisse-

ments, d'abord de nature alimentaire puis bilieux aboi-

dants ; presque en même temps, la diarrhée apparut avec

des selles très rapprochées et très copieuses. La sueur

profuse, le refroidissement de la peau, anéantissement

complet et subit des forces accompagnaient les éva-

cuations que rien ne put arrêter. Après une demi-heure

on a observé les mêmes phénomènes d'indigestion brus-

que et violente chez le père. Les domestiques mangèrent

une quantité de conserves très petite ct,en rapport avec

cette consommation, ne présentèrent que des symp-

tômes très peu prononcés. Tous les malades, dans ce cas

aussi, se sont rétablis.

Les observations mentionnées montrent que,dans tous

les cas cités d'empoisonnement, soit par les homards

(1) Note sur l'altération des conserves pur les plumâmes .1reh. de

llléd. ci de fJll(/r11l. militaires, 1886, v. 9, p. 11. ,

416 CLINIQUE NERVEUSE.

consommés frais, soit par les conserves, on a observé les

symptômes assez uniformes, c'est-à-dire les symptômes

d'une gastro-entérite aiguë infectieuse, cholériforme. Dans

l'empoisonnement par les huîtres, qui est beaucoup

mieux connu et étudié (1) les accidents gastro-intestinaux

se présentent aussi sous une forme de la gastro-entérile

aiguë infectieuse, variant d'après son intensité, des cas

les plus légers de gastro-entérite simple jusqu'aux ta-

bleaux cliniques graves, rappelant la dysenterie et le

choléra. Dans les autres « intoxications alimentaires »,la

gastro-entérite se présente aussi sous une forme typhoïde

(Richardière) (2),laquelle doit-on bien distinguer des cas

de la vraie infection spécifique (fièvre typhoide, choléra),

par intermédiaires des huîtres ou des moules.

La gastro-entérite, dans notre cas, a le caractère infec-

tieux assez net (l'élévation de la température, l'affaiblis-

sement des forces, troubles de l'état général) et s'accom-

pagne d'une hémorragie intestinale qui est très fréquente

au cours de nombreuses maladies infectieuses (3). La

couleur diffuse foncée, presque noire,des matières fécales

liquides, observée pendant quelques jours, indique préci-

sément que dans notre cas le sang s'est épanché en petite

quantité dans l'intestin grêle.

Le tableau clinique de l'empoisonnement aigu chez

notre malade présentait une ressemblance extérieure

avec l'intoxication aiguë par les poisons métalliques

(sels de plomb, de cuivre), mais la marche de la maladie,

c'est-à-dire la disparition en quelques jours des troubles

gastro-intestinaux, contredit ce diagnostic. Dans l'in-

toxication aiguë par le cuivre, les troubles gastro-intes-

tinaux restent pendant des semaines et même pendant

des mois (4) ; quant à l'intoxication aiguë par le plomb,

nous savons bien que même dans les cas favorables la

convalescence est très longue et le malade, guéri de son

intoxication aiguë, entre bientôt- dans le saturnisme

(1) V. Rouget et Dopter, p. 268-27â.\fosw.-La nocivité des ! lui,

ires..1 nn. (1'liygièlie I)Ilbl., 1901, p. 159.

(2) Intoxications. 13ouco.nu el 13111SSnUn.-l'r'<fIIC de mèdec.,t.3,

1899.

(3) Courtois-Suffit. Maladies de l'intestin. Chapitre I\., p. 5fi0

566. Hémorragies intestinales. l3oucmnan et J311lSSAUIJ. -Traité de

médec., t. IV, 1900.

( I) V. Jnnsco,l. c.,p. 215.

EMPOISONNEMENT PAR LES HOMARDS CONSERVES EN BOITE. 417 (

chronique (Brouardel) (1). Et cependant, notre malade,

le quatrième jour après l'empoisonnement, était déjà

exempt de ses accidents gastro-intestinaux, bien que le

deuxième jour, son état eût été si grave que les médecins

craignirent pour sa vie. Ce signe clinique très important,

cette particularité de la marche de la maladie nous fait

exclure positivement l'intoxication par le plomb ; ainsi il

est impossible, entre autres, d'expliquer la couleur noire

des matières fécales parla formation de sulfate de plomb,

et comme le malade n'a pris aucune médecine dont pour-

rait dépendre cette couleur des selles, il faut croire que

cette couleur est due à l'altération du sang épanché dans

l'intestin. Et c'est justement l'hémorrhagie intestinale qui

se présente comme une particularité clinique de lagastro-

entérite aiguë infectieuse dans notre cas. Ainsi, ce n'est

pas une gastro-entérite cholériforme, dysentériforme ou

typhoïde, c'est plutôt une gastro-entérite infectieuse hé-

morrhagique qui caractérise cliniquement notre cas

d'empoisonnement par les homards.

Outre les troubles gastro-intestinaux, on observe sou-

vent dans « l'empoisonnement alimentaire» les symptô-

mes dus à l'action des alcaloïdes et de corps semblables

aux alcaloïdes qui, tantôt sont produits par les microbes

c'est-à-dire font partie des toxines microbiennes (toxine

de bacillus botulinus, par exemple), tantôt se repré-

sentent comme une substance sécrétée par les animaux

malades, vivant dans des conditions de vie anormale

(par exemple les moules malades, sécrétant la mytilo-

toxine). L'absence de symptômes apparents du côté du

cerveau et du tronc cérébral dans notre cas témoigne

contre l'ingérence de ces substances alcaloïdes, mais il

faut prendre en considération que nous ne sommes ren-

seignés sur les symptômes aigus dans notre cas que par le

récit (pourtant très détaillé) du malade ; ainsi les symp-

tômes plus délicats, les symptômes objectifs du côté du

système nerveux (du côté de la pupille, des réflexes, de

quelques nerfs crâniens) très importants pour le diagnos-

tic dans le sens mentionné nous restèrent peut-être in-

connus ! 1

La circonstance que, dans notre cas, il s'agit de l'em-

(1) Les intoxications, 1961, p. 360. .

Archives, 3" série, 1907, t. Il. 7

ho CLINIQUE NERVEUSE.

poisonnement non par les homards frais mais conservés

en boîte, ne peut pas influencer notre diagnostic de la

gastro-entérite d'origine infectieuse.. On prépare les

conserves de homards de la manière suivante : les ho-

mards sont cuits à l'eau bouillante, puis placés sans ad-

dition d'huile dans les boîtes fermées après chauffage par

la vapeur durant quelque temps (Arnould) (1).Si la sté-

rilisation a été insuffisante, la vitalité des bactéries peut

être respectée; quant aux toxines microbiennes mêmes,'

la stérilisation suffisante n'a pas toujours raison de ces

produits toxiques qui conservent par là même toute

leur nocivité pour le consommateur(fait de Baudouin)(2).

Ensuite, les germes aérobies qui se trouvent dans les

conserves, la boîte une fois ouverte, peuvent se dévelop-

per par le contact de l'air atmosphérique et ils peuvent

produire des toxines nuisibles malgré l'apparence nor-

male des conserves. Il n'est pas rare précisément que des

conserves dont la consommation ne produit aucun phé-

nomène anormal, deviennent toxiques après être restées

quelque temps dans des boîtes ouvertes. Dans notre

observation, semble-t-il, les conserves avaient été to-

xiques la veille encore (nausées qui empêchaient le ma-

lade de dormir), mais le jour suivant, leur toxicité on

tous cas s'est accrue considérablement. A ce qu'il paraît,

même le premier jour les conserves étaient restées quel-

que temps ouvertes avant qu'elles fussent consommées,

mais on ne peut pas préciser la durée de cette période.

Quoi qu'il en soit, le diagnostic de la maladie à la suite

de laquelle s'est produite la polynévrite dans notre cas

est assez évident dans ce sens pour que nous ayons à

faire ici à la gastro-entérite aiguë infectieuse. Ce diagnos-

tic, d'un caractère plutôt général, est suffisant pour

expliquer le développement de la polynévrite, parce que

nous connaissons bien que la polynévrite peut suivre

chaque maladie infectieuse, quelle qu'elle soit, la plus

grave comme la plus légère. Entre autres, sont connus

les cas précis de i'ataxie polynévritique aiguë qui se dé-

veloppa à la suite de la gastro-entérite aiguë infectieuse,

soi-disant spontanée (Higiei,) (3).

(1) L. c. p. foi 18.

(2) ltoucer et DOPTEH, p. 261.

( : 3) 13eitrag ZlIr pellclo-tabe, f)eufs rncctic.l'ochcnsclu ? 1S91, p.1 007.

DE l'état de MAL épileptique.

41U

Quant à notre malade, outre la cause efficiente très

forte (maladie infectieuse), chez lui existait encore une

espèce de prédisposition spéciale pour la polynévrite,

grâce à l'alcoolisme chronique. Les deux dernières an-

nées, le malade a commencé déjà à éprouver des sensa-

tions anormales complexes (comme celles d'un liquide

répandu sous la peau), sensations qui apparaissent sou-

vent comme un prodrome de polynévrite alcoolique ; il

n'y a rien d'étonnant à ce que, sur de terrain si bien pré-

paré par l'alcoolisme, la gastro-entérite infectieuse ait pu

provoquer tiès facilement la polynévrite.

De l'état de mal épileptique ?

Idiotie congénitale aggravée par des convulsions por-

tant sur lecôté droit. Signes de méningite. Epilep-

sie. Mort en état de mal. Sclérose atrophique et mé-

ningo-encéphalite de l'hémisphère gauche,

par

- HOURNEVILLE el Maurice ROYER

Médecin de la Fondation Vallée Interne du service

(Hospice de 131cêtre)

Sommaire : Père, excès de boisson (absinthe). - Grands-pa-

rents morts vinix. Mère, rien de particulier, ni dans sa

famille. Pas de consanguinité. Inégalité d'âge de 10

ans (père plus âgé). La malade : Conception, grossesse,

naissance, rien de particulier. Accès de cris nuit et jour

pendant trois semaines.- Première dent à dix mois ; denti-

tion complète rl 2 ans. Premières convulsions ci 16 mois,

durée 2 jours ; avec prédominance à droite. Gâtisme.

Marche et parole nulles. Deuxième crise de convulsions à

28 mois, durée 36 heures ; avec prédominance à droite.

Rougeole à 2 ans. Impétigo. A3 ans, secondes convul-

sions ; coqueluche ; épilepsie : accès et vertiges.

Mar.... (Marcelle), née à Paris le 24 octobre 1897, entrée à

la Fondation Vallée le 12 décembre 1900, décédée le 15 sep-

tembre 1906.

Histoire de la famille et de la malade (Renseignements fournis

par la mère de la malade le 29 décembre 1900). ? NTÉCÉDFNT.'3

héréditaires. Père : maçon, âgé de 36 ans ; n'a pas eu

de convulsions ; pas de rhumatismes, pas de chorée ; pas de

4' ? 0 clinique nerveuse.

fièvre typhoïde ; aucun indice de syphilis ; pas de maladies de

peau. Avant d'être marié, « il faisait beaucoup la noce et

buvait beaucoup d'absinthe. II se saoulait souvent. » Il a

d'ailleurs continué à faire des excès de boisson, après son ma-

riage sa liqueur préférée est l'absinthe, mais depuis 2 ans il en

boit beaucoup moins (1).

Après les excès de boisson il est plutôt excité que déprimé,

mais est. cependant d'un caractère généralement doux. S'est

marié à 29 ans. Avant son mariage a reçu au front en tra-

vaillant un coup qui laissa une cicatrice, on ne s : ,iL s'il a perdu

connaissance, mais il serait resté deux mois en traitement à

la Pitié ; ne se serait pas plaint pendant son séjour de cépha-

lalgie. -Son père est mort à 77 ans, n'avait jamais été ma-

lade, cultivateur, on ne sait s'il a fait des excès de boisson.

Sa mère vit encore, elle est bien portante ; n'est pas migrai-

neuse. Les grands-parents tant paternels que maternels

sont morts très vieux, n'auraient jamais été malades. Pas

de renseignements sur les oncles et tantes. 7 frères et 3

soeurs : ils sont bien portants, et ont des enfants intelligents

qui n'ont jamais été malades. Ni les frères et soeurs, ni leurs

enfants n'ont eu de convulsions. Dans le reste de la fa-

mille, on ne relève ni épileptiques, ni aliénés, ni idiots, ni

strabiques, ni sourds-muets. Pas de malformations, pas de

suicidés, pas de prostituées, pas de criminels.

Mère, âgée de 26 ans ; giletière ; n'a pas eu de convulsions ;

pas de rhumatismes, pas de chorée, pas de fièvre typhoïde.

Elle est sobre, de caractère calme, nullement nerveuse. De-

puis un an, est atteinte fréquemment au moment de ses règles

de céphalalgie. N'a jamais été victime de traumatismes cé-

phaliques. Elle est grande, bien portante, et paraît intclli-

gente. S'est mariée à 20 ans ; n'a jamais eu de dartres,nide

traces de maladies de peau. (Père : bien portant, fait quel-

ques excès de boisson (absinthe). Mère : bonne santé :

pas de migraines ; est sobre. Le grand-père paternel est

mort à 45 ans pendant les émeutes de 1848. - La grand-

mère paternelle est morte à 30 ans, on ne sait de quoi. Les 1

grands-parents maternels morts de sénilité, n'avaient jamais i

été malades. Pas d'oncles ni de tantes. A eu sept soeurs, ï

toutes mortes jeunes, on ne sait si elles ont eu'des convulsions. f

Rien à signaler dans le reste de la famille ; pas d'aliénés, pas

d'épileptiqucs ; ni bègues,ni sourds-muets ; ni strabiques ; pas ' : ,

de prostituées, pas de condamnés.

(1) Depuis ces ronseignmnenls le père cbL mort d'une fluxion de l,

poitrine, en 1902. <

DH l'état de MAL épileptique. 421

Pas de consanguinité ; père du Bcrry, mère de Paris. Iné-

galité d'âge de dix ans (père plus âgé).

Trois enfants : 1° un garçon âgé de 5 ans 1 /2, bien portant,

intelligent ; n'a jamais eu de convulsions ; 2° une fille morte à

1-1 mois, aux Enfants-malades, d'une maladie de foie ( ? ). Elle

n'aurait jamais eu de convulsions ; 3° notre malade. La

mère n'a jamais fait de fausses-couches.

La malade. Conception : Bonne santé chez les deux

conjoints, sympathie, pas de misère ; pas de sévices dans les

moments d'ivresse. Vers cette époque, le mari lorsqu'il était

pris de boisson, était très porté aux rapports sexuels. Gros-

sesse : bonne, pas de coups, de chutes, de peurs, d'envies,

de syncopes,d'ennui de se voir enceinte, pas de chagrins, pas

d'albuminurie, de crises de nerfs, d'intoxication, de tentatives

d'avortement. Quelques vomissements assez fréquents pen-

dant les deux premiers mois. Pas de maladies infectieuses.

Mouvements du foetus à 4 mois 1 /2, très forts, beaucoup plus

que dans les deux grossesses précédentes.

Accouchement à terme, naturel ; présentation du sommet ;

la durée du travail ne fut que d'une 1 /2 heure. Perte des eaux

minime. A la naissance l'enfant pesait 4 kilogr., pas d'as-

phyxie, ni de circulaires. Pendant les 25 premiers jours, il a

eu des accès de cris nuit et jour. L'enfant a bien pris le sein

maternel dès le début ; sevrée à 16 mois.

Dentition : Ire dent à 10 mois, toutes ses dents à 2 ans.

Parole : début à un an, n'a jamais dit que les mots : « ma-

man » et « merci ». Elle était éveillée comme les enfants de

son âge, mais elle n'a jamais essayé de marcher, et ne s'est

jamais tenue sur ses jambes. N'a jamais été propre.'

Antécédents morbides. A 16 mois, premières convul-

sions ; elles ont duré deux jours, sans reprise de connaissance ;

ces convulsions, toniques puis cloniques, étaient limitées au

côté droit,mais affectaient toute la hauteur du corps « de la tête

aux pieds ». Les yeux étaient convulsés. L'enfant fut alitée

consécutivement pendant 8 jours. Avant cette première crise

l'enfant se servait de préférence de sa main gauche ; la main

droite semblerait donc avoir été plus faible depuis la nais-

sance, et on ne peut dire si les convulsions ont déterminé chez

la malade de la paralysie. Il en est de même pour la marche,

l'enfant remuait bien les jambes, mais ne marchait pas en

core.

Deuxième crise de convulsions à 2 ans 1 /2 ; toujours limi-

tées à droite, mais s'étendant cependant un peu au côté gauche

elles ont duré 36 heures. C'est à la suite de ces convulsions que

li 22 CLINIQUE NERVEUSE.

l'enfant aurait eu de la paraplégie; et le médecin aurait dé-

claré à la mère que sa fille était atteinte de paralysie infantile.

- L'enfant n'a présenté aucun accès, ni état de mal jusqu'à

son entrée à la Fondation (3 ans).

Caractère très coléreux ; les accès de colère ont débuté après

les premières convulsions ; ils se seraient répétés journelle-

ment, et auraient encore augmenté après la seconde crise.

Déjà même avant la première atteinte on avait remarqué

qu'elle jetait et brisait les objets qu'elle pouvait saisir. La

clastomanie aurait augmenté petit a petit. On ne remarque

pas d'autres perversions ; pas d'onanisme, pas cl'écholalie,

pas de pyromanie.

Les sentiments affectifs paraissent limités à sa mère ; elle ne

connaît qu'elle et voudrait, être constamment avec elle.

Le sommeil n'est pas bon, elle pleure eL « ne dort presque

jamais ». Elle a des cauchemars qui la font tressauter. Déjà

très agitée la nuit avant ses premières convulsions, on remar-

que que l'agitation augmente après la première crise. Elle se

met alors à grincer des dents, et presque fous les soirs, se co-

gne la tête sur les barreaux de son lit. Elle ne présente dans

ces moments d'agitation, ni congestion de la face, ni conges-

tion des oreilles.

Sensibilité générale. La sensibilité au tact et à la douleur

a été longtemps abolie au niveau des membres inférieurs. Les

réflexes rotuliens abolis ( ? ) jusque vers l'âge de 2 ans 1 /2 pa-

raissent réapparus depuis quelque temps. La vue, l'ouïe,

l'odorat, le goût paraissent normaux, l'intelligence est nulle, il

en est de même de la mémoire. L'attention est fugace. M...

n'a jamais parlé, jamais marché, n'a jamais été propre.

Maladies infectieuses : Rougeole à 2 ans ; pas de fièvre

scarlatine ; pas d'oreillons ; pas de variole ; pas de varicelle.

Vaccinée avec succès. Pas de faux croup, pas de diphtérie,

pas de fièvre typhoïde. Pas de maux d'yeux, mais stra-

bisme qui a débuté après les premières convulsions ; pas

d'otorrhée, a eu de l'impétigo limité à la partie postérieure

des oreilles. Pas d'adénites, pas de maladies de peau, pas de

traumatismes, pas de fractures, pas de luxations ; pas de brû-

lures, pas de sévices des parents.

L'enfant ressemble au père. Comme la malade était arrié-

rée avant les premières convulsions, il s'agit vraisemblable-

ment d'un état congénital aggravé par des convulsions.

Ce n'est que vers un an, quand on a vu qu'elle ne se tenait

pas debout, et qu'elle ne commençait pas à parler, qu'on

pensa à l'arriération de l'enfant. Elle ne reconnaissait à ce

moment que son père et sa mère.

DE l'état de MAL épileptique.

423

Elle fut alors examinée au point de vue mental, par le doc-

teur Charpentier, qui rédigea le certificat suivant : « Est

.atteinte d'idiotie congénitale avec strabisme, impotence des

membres inférieurs, défaut de développement de la parole, le

"tout consécutif à des convulsions ». 1.'enfant entra à la

Fondation, le 13 décembre 1900.

Nous donnons ci-dessous le tableau des accès et vertiges

pendant le séjour de l'enfant dans le service. Les 38 crises

accusées en janvier auraient été plutôt des convulsions que

de l'épilepsic franche, elles ont eu lieu dans la même journée

et ont été suivies de sommeil.

Epilepsie ; tableau des accès et dos vertiges.

424 CLINIQUE NERVEUSE.

normale ; les selles sont régulières, sans constipation, ni diar-

rhé. mais l'enfant gâte jour et nuit.

Le sommeil est bon, pas de cauchemars, ni de cris, mais la

petite malade est longue à s'endormir et pleure jusqu'à ce

qu'elle s'endorme.On ne constate aucune tendance à l'ona-

nisme.

L'enfant aime à être propre, elle ne craint pas les bains et

se laisse volontiers laver. Elle ne possède aucune notion d'ha-

billement.

Au point de vue du caractère, elle est douce, semble même

affectueuse envers ses petites compagnes et les personnes qui

l'entourent ; elle joue avec une poupée, et essaie de se rendre

compte de ce qui se passe autour d'elle. Elle aime à être tenue

sur les bras et promenée au dehors, et manifeste par des pleurs

dès qu'elle est mécontente ; elle crie à la moindre contrariété,

et si l'on ne cède pas à ses caprices. Si on la caresse elle sourit.

La malade ne paraît pas souffrir, elle ne grince pas des

dents, et ne présente pas d'onycophagie. Le teint est pâle,

quelquefois frais et rosé jamais congestionné. Dès qu'elle est

assise elle remue perpétuellement ses bras et jambes. Sa vue

paraît bonne mais elle présente un strabisme très prononcé.

L'ouïe paraît normale, l'enfant semble entendre avec satis-

faction le chant et la musique. L'odorat est normal, la ma-

lade reconnaît les bonnes et les mauvaises odeurs. Au point de

vue du goût elle préfère les mets sucrés aux mets salés, le

chocolat lui plaît tout particulièrement.

Nous indiquons ci-dessous les différentes mesures de la tête

de la malade, pendant son séjour, ainsi que le tableau compa-

ratif du poids et de la taille.

1901. 18 mars, l'enfant est prise de toux coqueluchoïde et

entre immédiatement à l'isolement. Elle n'a pas de tempé-

rature et ne présente pas de phénomènes généraux. Elle sort

de l'isolement au mois de mai après une coqueluche bénigne.

Etat actuel (17 mai 1901). L'état général est bon, pas de

pâleur, ni adipose, ni émaciation ; air de santé. L'expression

est souriante. Peau blanche, cheveux châtains implantés

assez haut sur le front, avançant sur les tempes ; deux épis,

l'un à droite, l'autre à gauche. Pas de ganglions, pas de cica-

trices, pas d'éruptions, pas de noevi.

Crâne ovoïde peu volumineux symétrique, pas de saillies

anormales [des bosses crâniennes, fontanelles non perceptibles ;

front d'une hauteur de 6 centimètres sur la ligne médiane

(voir le tableau spécial pour la mensuration des différents

diamètres).

M

r

t ?

H

e

M

>

r

R. 1

P

M

- 4

t5

C.

M

.r,

et c

12c CLINIQUE NERVEUSE.

Face allongée, pas de cicatrices. Arcades sourcilières peu

saillantes ; paupières normales, pas de blépharitc, fentes pal-

pébrales largement ouvertes, cils noirs, obliques en haut et

en avant pour la paupière supérieure. Orbites normaux.

Yeux' "de mobilité normale, pas d'exophtalmie. Strabisme

convergent des deux yeux à un degré fort accusé ; pas de pa-

ralysie, pas de nyslagmus. Iris de couleur marron. Pupilles

égales, réagissant bien à la lumière et il l'accommodation.

L'examen fonctionnel est impossible étant donné l'état in-

tellectuel de la malade.

Nez droit, petit, lobule peu volumineux, pas de bifidifé ni

de déviation de la cloison ; narines petites, normales. Pom-

melles assez saillantes régulières, symétriques, joues roses, un

peu grosses.

Bouche de grandeur moyenne, rectiligne, lèvres peu épais-

ses, la supérieure dépassant, l'inférieure. Palais à voûte arron-

die, voile normal ; dents en bon état, pas de caries, maxillaires

normaux, articulation normale. Pharynx normal, dégluti-

tion normale, pas de tumeurs adénoïdes.

Amygdales peu volumineuses, pas de saillies. Langue

d'épaisseur moyenne, pas de tremblements de la pointe.

Menton petit, ovale, en retrait sur le maxillaire supérieur.- z

Oreilles moyennes, peu écartées de la tête, bien ourlées, à lo-

bule non adhérent.

Cou : circonférence 22 centimètres. Corps thyroïde parais-

sant normal ainsi que le larynx.

Membres supérieurs : de forme, attitude et motilité parais-

sant normales. Sensibilité normale, pas d'onycophagie.

Membres inférieurs. Rien de particulier à l'inspection, ni

à la palpation. Impotence fonctionnelle sans contracture, ni

raideur articulaire. La station et la marche sont nulles. La

voûte plantaire est bien cambrée. Les mouvements volon-

taires, provoqués, ou réflexes sont normaux. Pas de malfor-

mations congénitales ou pathologiques. Le thorax est volu-

mineux mais ne présente pas de saillies anormales. Respira-

tion de type abdominal ; quelques râles de bonchite à l'aus-

cultation. Les bruits du coeur sont réguliers. L'abdomen est

volumineux, saillant ; rien de particulier à la palpation, ni à

la percussion. La sensibilité générale paraît intacte,

Puberté : les aisselles sont glabres, les seins non dévelop-

pés ; duvet roux à la partie médiane et supérieure de la face

postérieure du thorax ; ventre glabre ; léger érythème sur les

fesses dû au contact des matières fécales. Grandes lèvres gla-

bres, petites lèvres peu développées, clitoris rudimentaire ;

hymen falciforme à assez grand orifice. Périnée et région

anale glabres. Membres supérieurs et inférieurs glabres.

DE. L'ÉTAT DE MAL ÉPILEPTIQUF. 4.2Î I

Traitement : Bains salés, sirop d'iodure de fer ; traitement

spécial du gâtisme ; exercices de la marche ; douches et bains.

En juillet 1901, l'état de l'enfant reste stationnaire. Son

vocabulaire est toujours uniquement composé des deux mots :

« papa, maman ». Elle gâte nuit et jour, et ne fait aucun pro-

grès pour la marche ; les jambes sont toujours molles et la sta-

tion debout est rendue impossible. L'appétit est bon, avec

préférence pour les mets sucrés.

L'ensemble de la physionomie est satisfaisant ; l'enfant

sourit et pleure sans motifs bien déterminés ; elle aime il être

caressée, et se met en colère si on la contrarie. Elle joue et

s'amuse seule avec une poupée ou un chiffon.

1902. Janvier. L'enfant reste dans le même état ; la parole

n'a fait aucun progrès ; les jambes sont toujours molles et la

station debout impossible. Pendant ces six derniers mois les

vertiges ont été nombreux (87) et on peut noter 1 accès en

juillet, 4 en septembre, 2 en octobre. Les accès et vertiges

vont suivre au cours de l'année 1902 une progression crois-

sante atteignant en fin décembre 225 accès et 188 vertiges. On

note alors quelques changements dans le facies de l'enfant ;

quoique la physionomie ait un certain air éveillé, elle perd de

jour en jour son expression. Le regard est triste. L'enfant

prend un aspect chétif. L'appétit est moins bon, et la malade

ne semble plus ouvrir la bouche avec plaisir, mais machinale-

ment, et sans avoir l'air de se rendre compte de ce qu'elle

mange. Les jambes toujours molles sont repliées sous le siège.

Le caractère est assez doux, elle pleure cependant plus fré-

quemment et sans aucune raison. Elle ne prononce plus uu

mot, et semble ennuyée, si on essaie de la faire causer. En un

mot l'enfant perd de jour en jour ce qu'elle possédait. Elle est

dans le gâtisme le plus complet et s'achemine vers une dé-

chéance plus complète.

Vers la fin de l'année 1902 les accès et vertiges augmentant

toujours, l'enfant est complètement abattue, dort des jour-

nées entières. Le caractère est de plus en plus maussade. L'en-

fant ayant quelques engelures aux pieds on la garde au

lit, une grande partie de l'hiver. '

1903. La déchéance s'accentue de jour en jour, les accès

augmentent et au mois de mars, l'enfant entre à l'infirmerie,

où l'on est obligé de la garder au lit ; son corps est mou au

point qu'il est impossible de la faire tenir sur une chaise. Pen-

dant ce dernier trimestre on a pu compter jusqu'à 442 accès.

Ceux-ci sont de courte durée et toujours identiques. L'enfant

pousse un cri plaintif et ses membres supérieurs et inférieurs

4 ? CLINIQUE NERVEUSE.

sont animés de violentes secousses cloniques, les paupières

battent vivement, les yeux sont convulsés,la bouche contrac-

Lée : pas de prédominance d'un côté ou de l'autre ; la face est

violacée.

Le traitement est à la fois spécial et général. L'enfant prend

deux bains salés par semaine, avec exercices préliminaires de

la marche. On lui donne en outre du sirop d'iodure de fer, de

l'huile de foie de morue et deux cuillerées d'élixir polybro-

muré. Bains fréquents, hydrothérapie.

1904. On institue le traitement polybromuré associé aux

capsules de bromure de camphre à la dose suivante : pen-

dant la Ire semaine 1 cuillerée d'élixir et 2 capsules, .pendant

la seconde semaine 1 cuillerée 1 /2 d'élixir et 3 capsules ; 3e

semaine 2 cuillerées d'élixir, 4 capsules ; 4e semaine 2 cuille-

rées 1 /2 d'élixir, 4 capsules, pendant la 5e semaine 3 cuille-

rées et 5 capsules. Puis on diminue les doses de la même façon

qu'on les avait augmentées pendant une durée de quatre se-

maines.Les accès sont moins fréquents qu'au printemps der-

nier et l'état général est relativement satisfaisant, mais ce-

pendant la malade marche rapidement vers la déchéance la

plus profonde. La parole est nulle, l'enfant ne prononce au-

cun mot, n'articule pas une seule syllabe ; elle ne cherche ni

par gestes, ni par signes à se faire comprendre.

Au réfectoire, la tenue est déplorable, la malade ne sait

même pas tenir un morceau de pain. Il faut la faire manger,

elle a bon appétit, mange de tout, mais la mastication est

lente. Si on ne lui donne pas les aliments suivant son désir,

elle exprime son mécontentement par des cris ou des pleurs.

Elle ne peut absolument pas se tenir debout et crie dès qu'on

essaie de la soulever. Le caractère est doux, elle aime les ca-

resses, et pleure si on s'éloigne d'elle. Gâtisme complet.

Pendant les années 1905 et 1906, la déchéance s'accentue

de plus en plus, l'enfant s'affaiblit progressivement quoique

s'alimentant assez bien ; elle est constamment somnolente,

surtout après ses accès.

Etat de mal, mort. Le 13 septembre 1906, l'enfant Mar...

est montée à l'infirmerie à 3 heures de l'après-midi, en étal de

mal, la température est de 37°4, mais elle ne larde pas à s'éle-

ver pour atteindre à 7 heures du soir 40°2 ; de 3 heures à 7

heures l'enfant a eu 93 accès. Ceux-ci sont identiques, très

courts, mais se succèdent pendant un moment à des inter-

valles de deux minutes. Autrefois l'enfant poussait un cri au

moment de l'accès, maintenant elle ne dit rien, elle se tourne

sur le côté droit, puis les membres supérieurs et inférieurs

éprouvent de violentes secousses cloniques et se recroducvil-

. de l'état DE MAL l : l'ILI'l'1QUG. 42'.)

lent ; les paupières battent vivement, la face est violacée, la

bouche contractée laisse échapper une écume blanchâtre. A

la fin de l'accès, on perçoit un petit ronflement, la face devient

livide, et la malade reste absolument inerte ; elle n'urine pas

. sous elle, au cours de ses accès.

De 7 heures du soir à 7 heures du matin (14 septembre)

l'enfant n'a eu que 44 accès ; après une courte rémission de 7 h.

à 9 h. du soir, la température reprend une marchc ascendante

atteignant 41° à 5 heures du matin, puis elle retombe à 39°4

à 7 heures. -

Ail heures du matin, une nouvelle série d'accès reprend la

malade et jusqu'à 7 heures du soir on peut en compter 82,

pendant cette série la température se maintient en plateau

aux environs de 41°. A partir de 7 heures du soir, les accès

s'espacent de plus en plus, et l'on n'en compte plus que 10

jusqu'à 1 heure du matin, moment où l'enfant meurt.

Le dernier accès a été de courte durée, la face de l'enfant

était très cyanosée, les ailes du nez battaient fortement, la

bouche laissa échapper un peu de bave blanchâtre, et après

quelques petites secousses l'enfant a rendu le dernier soupir,

sans râles, ni cris.

Pendant la durée de son état de mal, c'est-à-dire en 18 heu-

res la malade avait eu 229 accès. La température au moment

de la mort était de 40°5, elle tomba ensuite régulièrement

comme l'indique le tableau ci-dessous, atteignant la tempé-

rature ambiante 9 heures après la mort.

430 CLINIQUE nerveuse.

en forme de grosse amande allongée, pèse environ 4 grammes.

Le corps thyroïde qui pèse 5 grammes n'offre rien de particu-

lier.

Pas de liquide, à l'ouverture de la cavité péritonéale. L'es-

tomac est vide, la muqueuse, normale, ne présente aucune ec-

chymose. Pancréas : d'aspect normal, pèse 20 gr. Foie, rien de

particulier, pèse (430 gr.). La vésicule biliaire contient une

petite quantité de bile verte très foncée. Les capsules sur-

rénales sont normales. Les reins pèsent, le droit 45 gr., le

gauche 40 gr. ; ils n'offrent rien de particulier à la coupe et se

décortiquent tous deux avec facilité. La raie est normale (25

gr.). L'intestin grêle, ouvert sur une longueur d'environ 1 mè-

tre à partir du coecum, ne contient aucun parasite. 11 pré-

sente à environ 60 centimètres, à partir du coecum une inva-

gination, sans occlusion. L'appendice mesure 9 centimètres et

contient un petit bourrelet de matières fécales, mais ne pré-

sente aucune inflammation. On n'a relevé à la surface

du péritoine et de l'intestin aucune trace d'ecchymoses.

f Tête. Le cuir chevelu est assez épais, sans ecchymoses. Le

crâne ovoïde, légèrement plagiocéphalique, avec frontal droit

un peu saillant en avant, et occipital gauche un peu plus

saillant en arrière. Les sutures sont finement dentelées. Les

angles antérieurs et postérieurs des pariétaux sont transpa-

rents. Le crâne est un peu épais, fortement coloré à la coupe,

dense, relativement lourd. Pas d'os wormiens. Les bosses fron-

tales et pariétales sont encore grises et comme graisseuses.

(avril 1906). Très peu de liquide céphalo-rachidien. Dure-mère

d'épaisseur moyenne.sans fausses-membranes,ni ecchymoses.

Rien de particulier dans les sinus.Les différentes fosses de la

base paraissent symétriques. La pie-mère du cervelet est un

peu injectée. Les nerfs et les bandelettes optiques sont bien

développés. Tubercules mamillaires petits. Glande pinéalc

normale. Pas de dilatation des ventricules latéraux. On re-

marque une fine injection de la pie-mère, sans ecchymose.

Sclérose trophique d'une partie du lobe occipital et de la par-

tie postérieure du lobe temporal surtout de T 3. La lésion de

la face interne prédomine sur les circonvolutions antérieures

du lobe occipital ; en arrière les circonvolutions sont plus

maigres.

de l'état de MAL 1 : 1LG1'rIQIiC. 431

Hémisphère gauche : tout le lobe temporal est ferme et en

particulier la corne d'Ammon; la couche optique est sclérosée

dans sa partie antérieure. Le corps strié n'offre rien de parti-

culier. Les lésions de mccningo-encèphalile occupent F 1 et F 2,

la partie postérieure et les deux tiers inférieurs de F. A. qui

est maigre. Le sillon de Rolando est tout à fait net. On remar-

que de l'adhérence du pli pariétal inférieur. Insula, rien de

particulier. Sur la face interne, les circonvolutions sont très

grêles. Adhérences de la pie-mère sur la partie postérieure de

F 1 sur la circonvolution du corps calleux sur le tiers pos-

térieur du lobe orbitaire.Les circonvolutions non sclérosées

sont molles. Le corps calleux n'a rien de particulier il est seu-

lement un peu maigre.

Hémisphère droit : La pie-mère s'enlève facilement ; nulle

part on ne trouve d'adhérences. D'une façon générale les cir-

convolutions sont un peu maigres principalement en arrière

de P. A. Sur la face interne même gracilité.

Sclérose très prononcée du lobe quadrilatère ; les circonvo-

lutions sont comme vcrmicellées. Ventricule latéral, cornc

d'Ammon, corps striés normaux.

Nous avons donc à la fois sur l'hémisphère gauche de la

sclérose atrophique et de la méningo-encépluzlile, sur l'hémis-

phérc droit, nous n'avons pas de mcmingo-encéphalite.

I. Au poinl de vue de l'hérédité, nous n'avons à

citer que les nombreux excès de boisson du père (ab-

sinthe) et des excès semblables, moins nombreux chez

le grand-père maternel.

Il. Il s'agit là d'un élalcongénilal, dénoté par les

accès de cris, durant les quatre premières semaines ;

de là un retard de la marche, de la propreté, de la pa-

role. Sinalons aussi l'affaiblissement du bras droit et,

laclastomanie. Cet "élut a été aggravé par des convul-

sions à 16 mois et Ii 2 ans 1/2. Les convulsions prédo-

minaient droite ou étaient limitées à ce côté, Elles ont

été suivies de paraplégie, d'accès de colère, de krouo-

manic, de grincements de dents.

111. =)Jn janvier 1900, l'enfant, qui n'avait pas eu

d'accès d'épilepsie chez elle a une sorte d'état convul-

sif ; l'épilepsie véritable semble débuter en juillet, par

un accès et 18 vertiges. En 1903, on compte 225 accès

et 188 vertiges. La coexistence des accès et des vertiges

- t32 clinique nerveuse.

semble lui faire perdre le peu d'intelligence qu'elle pos-

sédait.

Fiv. -La marche de l'épilepsie a été grave. Les ac-

cès etjes vertiges ont été nombreux, surtout les pre-

miers. Le polybromure et le bromure de camphre ont

été donnés régulièrement sans grand succès. Toute-

Ibis, ce dernier médicament paraît avoir eu une action

sur les vertiges qui sont

ailes en diminuant dans la

dernière moitié de 1905 et

en 1906.

V. Au mois de sep-

tembre 1JU(i il est survenu

un état de mal épileptique

qui va nous permetlrc

d'entrer dans quelques

considérations.

VI. L'état de mal

épileptiqtte, nous le rappe-

lons, est une complication

de l'épilepsie caractérisée

par des accès subintrants,

variant de quelques-uns iL

plusieurs centaines (229

accès dans le cas présent),

survenant d'emblée ou pro-

gressivement, sans retour

de la connaissance, accom-

pagnés constamment d'une

élévation de la tempéra-

ture, comprenant une pé-

riode convulsive et une pé-

riode menil1r¡itiQue, sépa-

rés en général par une rémission plus ou moins courte,

pour se terminer par la mort, après l'une on l'autre

période, ou parla guérison. Ici, il n'y a qu'une période,

la période convulsive. Le nombre des accès a été con-

sidérable. Dans certains cas, il peut être limité à quel-

ques-uns. Au lien de s'accompagner d'une élévation de

température de quelques dixièmes ou d'un degré de

Fig. 1.

DE LETAL DE MAL imLL1>nQt ? ? 3; : )

température, comme c'est la règle, le premier accès se

termine par un accroissement d'un ou deux degrés, la

connaissance ne reparait pas, un second accès apparaît,

la température s'élève, l'état de mal est-constitué et la

mort peut arriver. (Fig. 1). Mais le plus souvent la

période convulsive comprend nous le répétons un grand

nombre de cas.

Archives. 3- série, 1PC7, t. II. 28

434

CLINIQUE NERVEUSE.

Dans d'autres cas, après cette période convulsive, les

accès cessent, la connaissance revient, la température

s'abaisse. Cette amélioration dure 2 ou 3 jours, alors

éclate la période méningitique : contractures partielles,

roideurs de la nuque, injection oculaire, grincement

de dents, raies caractéristiques, etc., la température

s'élève de nouveau, ces deux circonstances peuvent

se produire : l'état de mal se termine par la mort avec

unélévation de la température qui atleint,jusqu'à40o,

(Fig.2), 41° et même 42°, oubien tous les symptômes

se dissipent progressivement, la température redevient

normale (Pif). 3).

Le traitement varie. Naturellement on a recours aux

bromures, au bromure de potassium, que nous avons

prescrit à la dose de 14 gr., aux polybromures, au bro-

l ic. 3.

430 (,') RLVUC CRITIQUE.

mure de camphre, aux purgatifs, spécialement à l'eau

de-vie allemande, aux lavements laxatifs ; au nilrite

d'amyle, à l'éther, au chloroforme, au bromure d'élhyle,

au sulfate de quinine. Parmi les médicaments externes,

citons en tôle la saignée et les ventouses sèches contre

les phénomènes asphyxiques, les lotions vinaigrées, les

sinapismes, les bains sinapisés ; les injections de sérum

ne nous ont pas donné de résultais sérieux. Nous pré-

conisons surtout les drastiques, la saignée, les ven-

touses sèches, la quinine, l'éther prolongé, le chloro-

forme.

VII. Cette observation renferme, comme toujours,

la température pendant les G premiers jours de l'ad-

mission, les tableaux des accès, des vertiges, la mensu-

ration de la tête, le poids et la taille, de manière'à sui-

vre la croissance, le poids des organes, enfin le tableau

de la température après le décès. n

VIII. La figure 4 représente la marche des accès

et la marche de la température. Durant les 6 premières

heures le malade a eu 139 accès ; sa température s'est

élevée à 41°. Ensuite elle a été plusieurs heures sans

accès etla température s'est abaissée 3 3-1. La mort est

survenue après 229 accès. Ici l'état de mal ne s'est com-

posé que d'une période convulsive.

REVUE CRITIQUE

Grundzüge der Psychiatrie, par rx.NZ. C. R. Eschle Berlin et

Vienne, Urban et Schwarzenberg, 1907.

Cet ouvrage est divisé en trois parties respectivement consa-

crées à la sémiologie générale, aux « formes cliniques de la folie »

et à l'étude médico-légale des états mentaux douteux.

La première partie passe successivement en revue les troubles

intellectuels, les troubles affectifs et les troubles originels de la

volonté, sous les titres d'insuffisance distinctive, affective, appé-

titive. Un tel plan, adopté assez fréquemment autrefois, a été

fortement critiqué; il paraît, en effet, mieux convenir à la rigueur

. GRL'N'DZUGE DKR PSYCHIATRIE. 137

d'un psychologue enchaînant les déductions à la manière des géo-

mètres, qu'à la libre sincérité d'un clinicien exposant ses souve-

nirs. Mais l'auteur avait sans doute pour objectif de classer les

symptômes pour la critique ultérieure des formes adoptées, et de

montrer leurs rapports réciproques ; il a volontairement laissé de

côté les descriptions surannées, et les considérations pathogéni-

ques sans application possible ; ses fréquentes restrictions mon-

trent en outre qu'il ne fut jamais dupe de l'exactitude apparente

de sa méthode. Voici d'ailleurs, comme exemple, le résumé du

chapitre concernant les troubles de l'intelligence.

L'insuffisance distinctive qualitative est l'origine des deux

formes de l'erreur pathologique, l'idée délirante et la représenta-

tion obsédante. La première peut résulter d'eneurs des sens (illu-

sions, hallucinations) « grâce à l'action constamment renouvelée

de processus analytiques et synthétiques ». Elle peut aussi prove-

nir de l'absence de contrôle de sensations, récentes par les expé-

riences antérieures. Mais ce manque de contrôle n'est pas toujours

l'effet de la faiblesse du jugement ; sous l'influence de l'élément

affectif morbide qui accompagne régulièrement l'idée délirante,

les souvenirs latents qui, par le mécanisme de l'association, servent

à contrôle ! les sensations nouvelles, ne se présentent plus à la cons-

cience que d'une façon désordonnée. Les impressions nouvelles

sont ainsi non seulement interprétées dans le sens de l'idée déli-

i-aiite, mais encore transformées en illusions. Suit l'étude des idées

délirantes les plus typiques et de leurs rapports avec le moi.

L'obsession diffère de la première forme de l'erreur pathologi-

que par le rôle prépondérant des associations qui servent à juger

les sensations : ce n'est pas la critique qui manque à l'obsédé,

mais la faculté de confiner dans leurs limites normales les repré-

sentations latentes à l'arrière-plan de la conscience, pour ne s'en

servir que lorsqu'elles sont utiles au développement des associa-

tions conscientes.

Les troubles qualitatifs de la mémoire comprennent les défor-

mations et les erreurs de souvenirs, différant les unes des autres

comme les illusions des hallucinations,mais souvent difficiles à dis-

tinguer en pratique : le groupement et la liaison des souvenirs

ont-ils été seuls altérés, ou bien y eut-il liaison associative de sou>

venirs déjà faussés ? D'autre part, ces troubles peuvent être com-

binés avec des troubles quantitatifs. Ceux-ci comprennent l'affai-

blissement de la mémoire de fixation, de conservation, la perte

des images verbales, la faiblesse du jugement.

Enfin au point de vue de ses manifestations psycho-motrices,

l'insuffisance distinctive primitive peut altérer :

Le décours normal des représentations : désorientation, incohé-

rence complète ou dissociation ; troubles de la reconnaissance,

entraînant la pseudo-paraphasie ou mieux la « paraphasie

38 REVUE CRITIQUE.

associative » et la parapraxie consistant en dénomination' et

emploi vicieux des objets, sans qu il y ait des illusions ou des

hallucinations ; désordre des actes, paramimie. L'auteur rappro-

che même de ces troubles les inversions de lettres et de syllabes

à l'intérieur des mots ; mais une longue étude de tous ces symptô-

.mes corrige ce que ce rapprochement offre au premier coup d'oeil

d'un peu forcé et se termine par de prudentes conclusions sur le

- diagnostic de la nature, motrice, sensorielle ou associative, de la

paraphasie.

L'aperception : diminution de l'attention (aprosexie), ou son

exagération (hyperprosexie) se traduisant souvent par de l'incohé-

rence : « l'attention, déchaînée, va de sensation en sensation sans

s'arrêter à aucune. En même temps, les souvenirs latents, plus

faciles à réveiller, permettent à des sensations insignifiantes,

normalement incapables d'attirer l'attention, de la détourner

des sensations fortes et de former des représentations».

Le temps de l'association des idées : ralentissement allant jus-

qu'à l'inhibition de la pensée ; accélération : fuite des idées,

logorrhée, stéréotypie chez les individus mal doués, ou verbigéra-

tion, salade de mots.A l'incohérence primaire, due au trouble dans

la liaison des représentations, est opposée l'incohérence secon-

daire qui comprend les degrés les plus élevés de la fuite des idées.

Dans la deuxième partie, l'auteur s'est appliqué à justifier la

classification généralement adoptée aujourd'hui, au moins dans

les ouvrages didactiques, plus qu'à reprendre ou à modifie) les

descriptions faites antérieurement. Voici l'énumération des for-

mes à chacune desquelles il consacie un chapitre et dont il ne

sera plus fait mention dans ce compte rendu : confusion aiguë

hallucinatoire, démence aiguë ou stupidité curable, folie sénile et

présénile, psychoses toxiques, folie épileptique, hypochondrie,

névroses et psychoses traumatiques.

L'auteur dit n'avoir adopté qu'après de longues hésitations la

conception de Krapelin sur la folie mani-dépressive, « forme pri-

mitive, qualitative, quantitative, et psycho-motrice, de l'in-

-suffisance affective », parfaitement distincte de tous les autres

groupes de troubles mentaux : les seules formes intermédiaires

connues sont certains «états psychologiques qui se développent

sur un fond neurasthénique. » Parmi les troubles secondaires

d'insuffisance distinctive et appétitive, l' « insuffisance dans la

persévérance » de l'état maniaque est opposée, un peu schéma-

tiquement, à l' « insuffisance dans la résolution » de l'état mélan-

colique.

L'historique est très sommaire,notamment au sujet des raisons

pour lesquelles Falret, Baillarger ! (non cités, d'ailleurs) et d'autres

observateurs ont édifié, côté de la manie et de la mélancolie, les

diverses formes, assez mal différenciées les unes des autres, de ce

· GRUNDZUGE DER PSYCHIATRIE. 439

qu'on appela plus tard la folie intermittente. Il est vrai, si l'on

veut, qu'ils considéraient surtout « les cas relativement rares où il

y a retour fidèle des symptômes maniaques et des symptômes

dépressifs, etpassage brusque des uns aux autres mais ils n'igno-

raient aucun des caractèles psychologiques communs aux états

extrêmes ; ils n'ont pas non plus méconnu les parentés cliniques

des accès pour lesquels on emploie aujourd'hui les désignations de

stupeur maniaque, manie coléreuse, excitation dépressive, etc.

L'auteur insiste par contre sur les formes mixtes à brusques alter-

natives, et sur celles où l'on observe un véritable mélange, non pas

des processus fondamentaux communs, tels que l'aprosexie et la

faiblesse de l'idéation, mais des symptômes propres de la manie

et de la mélancolie ; dans ces cas, toutefois, le polymorphisme

affectif présente-t-il un des caractères que la doctrine unificatrice

considère comme essentiels ? Est-il bien primitif ?

La dispute des deux écoles ne serait pas justifiée si elle n'avait

pour pivot qu'une colonne de statistique.Elle rappelle en effet les

discussions célèbres qui, dans d'autres parties de la pathologie,

ont porté sur l'unité ou la dualité de tels facteurs étiologiques ou

de tels substrats anatomiques.'Mais, actuellement du moins, elle

est d'un tout autre ordre.

Pour affirmer, en effet, que « tous les travestissements de la

folie mani-dépressive manifestent un même processus fondamental,

qu'ils sont équivalents, de même que les multiples formes aber-

rantes de l'accès épileptique », que, là où antérieurement on voyait

plusieurs psychoses ou plusieurs syndromes, il n'y a plus qu'une

psychose bien définie, un seul trouble fondamental, commun non

seulement aux deux formes symptomatologiques extrêmes mais à

l'immense variété des formes évolutives, il ne suffit peut-être

pas d'avoir résolu la question de « l'mtervalle lucide ni de cons-

tatei, longtemps après un accès isolé, des troubles)rappelant la

forme affectée par celui-ci et tranchant plus ou moins sur les autres

éléments du caractère du sujet ; il faudrait, semble-t-il : 1° par

l'examen des malades à distance des accès et par la reconstitution

de l'état psychique habituel antérieur à la première manifesta-

tion, mettre en lumière un trouble élémentaire logiquement ca-

pable de présider à la manie et à la dépression ; 2° déceler les con-

ditions étiologiques qui régissent l'évolution de la psychose,

créant tantôt l'alternance régulière, l'intermittence ou la double

forme, etc., tantôt les accès isolés ou les accès récidivant à de très

longs intervalles : si manie et dépression son toujours conjuguées,

pour quelles causes, l'état dépressif est-il, dans certains cas, assez

court et assez vague pour passer inaperçu, tandis que dans d'au-

tres il constitue al lui seul tout l'épisode ? ,

En attendant, la doctrine uniciste n'a que le mérite de rappe-

4<IÛ RI : VLE CHI1 IQUI : .

1er les parentés psychologiques des syndromes extrêmes, et, ainsi

que le fait remarquer l'auteur, d'attirer l'attention de l'investiga-

teur sur certaines particularités symptomatiques, sur les formes

mixtes et de transition, et sur les stades de débul;mais elle ne pénè-

tre pas dans le coeur de la question et ne justifie pas ses préten-

tions à avoir posé et résolu un problème d'étiologie et de patho-

génie. On ne peut nier, mais elle ne peut affirmer la réalité d'une

prédisposition commune et propre à toutes les formes évolutives

de manie et de dépression pures.

Il semblerait, à lire les pages consacrées au « développement t

historique du concept paranoïa », et à parcourir la table des ma-

tières, que cette forme ait effacé jusqu'au souvenir des groupe-

ments nosographiques qui l'ont préparée et des noms d'auteur

qui servent souvent encore à les désigner : les évolutions récentes

de la paranoia, les plus instructives effectivement, sont seules

envisagées : « Faute d'une bonne définition, on alla jusqu'à parler

de paranoia aiguë curable pour des cas de confusion asthénique

hallucinatoire, et de paranoia périodique pour des cas relevant de

la folie maniaque dépressive. » Puisque, aujourd'hui, il n'en est

plus ainsi, les définitions ont prouvé leur utilité, et l'on peut le

collectionner sans avoir à redouter un pronostic désobligeant ;

voici donc celle du concept en question : « Déplacement du-

rable du point de vue duquel le malade envisage le monde exté-

rieur. Les pensées et les vohtions ont conservé dans leur intégrité

leur ordre et leur clarté, que les actes, mettent d'ailleurs en lu-

mière ; mais le sujet en fait usage pour subordonner avec une

certaine logique tous les faits qui le concernent à une représenta-

tion pathologique dominante ; celle-ci est le point de départ

d'un système irrationnel, homogène, inébranlable qui se com-

plète petit à petit Tous les traits de la description qui suit

accentuent encore le contraste avec le délire chronique de Lasègue

et de Magnan : trouble intellectuel (; : o : pC1. vow) exclusive-

ment qualitatif, tout d'abord manifesté par un naturel irritable,

porté au pessimisme ; puis méfiance à l'égard d'une personne ou

d'un groupe de personnes, crainte des préjudices, insuccès divers,

piéoccupation par des problèmes ordinairement insolubles mais

non absurdes, rareté des erreurs sensorielles proprement dites et

prépondérance des souvenirs faussés faciles à prendre pour des

hallucinations ; conduite longtemps irréprochable, affaiblisse-

ment intellectuel assez tardif et assez lent pour permettre au ma-

lade de conserver jusqu'au terme normal une situation même

délicate et de ne manifester son délire que par quelques singularités

auxquelles ne font même pas toujours suite de véritables incon-

séquences ; l'internement n'est le plus souvent pas nécessaire.

Les idées de grandeur peuvent être contemporaines de celles de

dommage subi ou de persécution et collaborer avec celles-ci à la

· GIIUNDZUGI-' bl : R PS1'C : r : L1112t1 : . 11 t

création du système, toujours sans modification du « noyau de la

personnalité ». '

Deux formes connexes : la folie quérulante et la.paranoia hypo-

chondriaque, forme rare, caractérisée par l'existence d' « une idée

de persécution au centre des conceptions délirantes concernant

la santé ». Mais où placer les cas, d'ailleurs extrêmement va-

riés, où, à défaut du vice originel mentionné plus haut, des hal-

lucinations jouent le rôle principal, du moins à partir d'une cer-

taine période, et, par leurs assauts répétés, hâtent plus ou moins

la ruine de l'intelligence ? Quand prendra fin l'interminable match

international qui tient pour le moment à distance de l'échiquier

tant de pièces autrefois casées ! '

Même schématisme, évidemment voulu pour la mélancolie d'in-

volution, effet d'une sénilité précoce, sans aucune analogie avec

l'involution de la femme,... trouble affectif à début lent, mani-

festé par des états d'agitation et d'angoisse qui soumettent la

malade à une véritable torture et rejettent à l'arrière-plan tous

les autres symptômes ». Pourtant, et conformément encore à

l'opinion de Kraepelin, l'auteur admet que les édifications déli-

rantes basées sur l'accablement insurmontable du moi font partie

essentielle du tableau clinique : pas de confusion ; erreurs senso-

rielles rares et ne consistant guère qu'en illusions. La terminaison

habituelle par la démence sénile n'est pas un des traits les moins

' caractéristiques qui- distinguent cette forme des états dépressifs

de la psychose mani-dépressive.

La folie par obsession, « la plus fréquente des psychoses qui se

développent sur le terrain de la neurasthénie », englobe tous les

troubles mentaux pour lesquels les racines grecques sont si vo-

lontiers mises à contribution, dont la « phobophobie » représente

la quintessence, et qui furent autrefois décrites par des auteurs

français sous les titres de « paranoia abortive, folie du doute, folie

avec conscience, folies à idées imposées, pseudomonomanie, im-

pulsions intellectuelles, délire émotif. ». L'auteur insiste particu-

lièrement sur la forme très grave où le sujet n'est débarrassé de

son angoisse qu'après avoir commis l'acte qu'il réprouve et dont il

envisage et redoute les suites, forme qui conduisit à rapprocher les

troubles mentaux par obsessions des états différenciés par Krse-

pelin sous le nom de « folie impulsive ». Cette distinction est légiti-

me ; « elle fut en effet rendue nécessaire par la confusion due à

l'emploi du mot français obsession, -lequel s'applique non seule-

ment aux représentations obsédantes, mais aux impulsions, aux

phobies et aux idées fixes comme synonyme de folie d'obsession

(Zwangsirresein) ». Suit une intéressante critique des substan-

tifs composés qui durent leur formation « à une définition insuf-

fisante » : angoisse obsédante, hallucinations, sensations obsé-

dantes (Zwangsangst, etc.) L'obsession peut d'ailleurs perdre

442 revue CRITIQUE.

quelques-uns de ses caractères pendant des périodes plus ou

moins longues : il arrive alors qu'elle ne réveille plus, en surgissant

dans la conscience, ses réactions habituelles ; le diagnostic est

alors difficile, d'une part, avec certains états hystériques et épilep-

tiques, d'autre part, avec des états catatoniques et paranoïaques.

La définition suivante protégera-t-elle l'hystérie contre les pro-

jets de démembrement qui menacent encore d'en faire un caput

nzortuunz ou tout au moins Mtor[<MyM7H ? « Combinaison de symptô-

mes de nervosisipe et de neurasthénie, avec impossibilité, malgré

l'absence de tout substrat organique connu, de synthétiser en une

unité harmonique et convenable toutes les existences (die Ein-

zelexistenzen) du complexus psycho-somatique ». On peut ad-

mettre que, chez le nerveux, la force musculaire est conservée et

qu'il y a seulement impossibilité de modérer les réflexes et les

actes volontaires ; que, chez le neurasthénique, au contraire, il y

a déficit d'énergie nerveuse, capable d'entraîner des paralysies

passagères pouvant elles mêmes alterner avec les manifestations

de la faiblesse initable.

Nervosiques ou neurasthéniques par une de leurs faces, les

éléments symptomatiques seraient hystériques parce qu '« ils

dépendent de représentations diverses dont chacune est une réac-

tion à une excitation périphérique et se porte ainsi isolément au

piemier plan de la conscience ; mais ces représentations ne trou-

vent pas à se raccorder à celles dont la collaboration est capable

de les modifier et forme seule la totalité de la personnalité consciente

de son moi ». Tout se rapporterait à une perversion de l'inner-

vation : troubles par exagération (algies), perversion ou dimi-

minution passagère de la sensibilité ; troubles moteurs, tous dus

à ce que « les impulsus sont engagés dans une direction en désac-

tcord avec la représentation volontaire réelle ». Ces troubles (pa-

ralysies, tremblement, spasmes, pseudo-contractures) portent

en somme sur la coordination, que ce soit l'aboulie ou bien l'hy-

percinésie qui prédomine. Cette surabondance de vues théoriques

alourdit un peu l'étude des spasmes et des contractures hystéri-

ques et leur comparaison avec certains symptômes de pathogé-

nie analogue (tics, chorées, etc).

Les travaux français sur la débilité mentale congénitale sont éga-

lement laissés de côté, sauf pourtant ceux du Dr Sollier, dont

l'auteur reconnaît s'être inspiré pour opposer les formes apathi-

ques de l'imbécillité et de la ('ébilité (vagabondage, mendicité)

aux formes « versatiles », éré1hiques (crimes et délits, surtout

sexuels). Il préconise pour le traitement des sujets améliorables

un enseignement individuel basé sur un programme strictement

adapté aux défectuosités de l'enfant, grâce à une étude métho-

dique de son intelligence d'après la méthode de Rieger, etgrâce à

. GRUNDZUGE DER PSYCHIATRIE. 443

l'emploi de la méthode de Stadelmann pour déceler la forme d'asso-

ciations prédominante (phonétiques ou avec jugement).

Sous le titre de caractère pathologique sont rangées les « formes

dégénératives, constitutionnelles, de l'insuffisance appétitive »,

des plus graves (folie morale) aux plus légères, que puissent offrir

ces sujets que les auteurs français appellent des déséquilibrés et

auxquels tant d'efforts cherchent aujourd'hui à procurer le béné-

fice d'une responsabilité atténuée. » Dans ses définitions et dans

l'analyse des symptômes, l'auteur se place avec raison au point

de vue social : les conflits entre l'individu taré et la société sont

en effet le meilleur des réactifs pour mettre en évidence le vice de

la volonté qui soustrait celle-ci aux leçons de l'expérience.

La démence précoce conserve ses trois formes classiques et l'on

mentionne seulement les parentés cliniques, la multiplicité des

symptômes et la variété d'allures de chacune d'elles. Tout lec-

teur retrouverait sans doute en ses souvenirs plus d'un cas s'adap-

tant à merveille aux diverses descriptions données ; mais n'au-

rait-il pas à se demander si le nombre des cas non classés, ou

classés par complaisance pour une doctrine bien présente à l'es-

prit, par faute de mieux,si l'on veut,' par nécessité administrative,

est moindre aujourd'hui qu'au temps où rien ne faisait prévoir la

création des nouvelles entités ? Il pourrait alors retenir le signi-

ficatif aveu échappé à l'auteur poui la paranoia, « la maladie uni-

' verselle qui, il y a vingt ans à peine, fournissait 70 à 80 pour cent

de la population des asiles et des cliniques, et qui maintenant ne

comprend guère que le centième du matériel (sic) reçu. »

Démence précoce, paralysie générale, ces deux entités auront-

elles le même sort ? La vieille gloire de notre jeune compatriote

doit-elle voir une rivale en la jeune gloire d'un savant Munichois ?

Le Dr Eschle ne fait pas l'historique. De son article très fourni et

très intéressant je ne relèverai que le rôle secondaire, rôle de sim-

ple « cause occasionnelle «.qu'il attribue à la syphilis dans l'étio-

logie du tabès et de la P. G. : la « cause directe » consisterait en

« la prédisposition congénitale et un facteur social ».

Dans la troisième partie du livre, après un chapitre consacré aux

principes généraux de l'expertise, l'auteur étudie la responsabilité,

la faute et la peine. Il n'a pas craint d'aborder à ce propos « l'an-

tique question de la libre détermination de la volonté », non sans

avoir prévenu le lecteur que « seules, une enfantine ignorance et

une lourde polémique pouvaient exiger ici un simple oui ou un

simple non, et que l'analyse psychologique des préstades de l'acte

volontaire était indispensable pour jeter quelque clarté sur ce

désordre ». C'est là prendre le dilemme par les cornes avec un

courage qu'on n'a guère pendant les chaleurs ; mais point n'était

besoin d'une excursion de quatre grandes pages, àla suite de Kant,

dans le domaine du macrocosme et de la raison pratique pour

? 414 asiles d'aliénés.

finir par conclure ainsi : « Y avait-il, au moment de l'acte, l'état

psychique auquel la conception populaire du droit attribue la

responsabilité pénale ? Telle est en somme la question posée par

le législateur. »

Dans les`deux derniers chapitres, l'état mental au point de vue

pénal, au point de vue civil, on retrouve, au même degré que

dans les précédents, un ordre et une rigueur qui ont ici l'avantage

de rendre particulièrement facile la comparaison des législations

et des jurisprudences allemandes et françaises sur ces points parti-

culiers. Ch. Bonne.

ASILES D'ALIENES

La Maison d'Aliénés de Mombello.

(Province de Milan.)

Parle D' A. MARIE.

La maison d'aliénés de Mombello, dans la commune

de Limbiato se trouve Ù 18 kilomètres de Milan ; elle est

proche de la station du chemin de fer de Bovisio (ligne

de Milan-Erba). Construite sur une hauteur par pavillons

séparés, elle occupe une aire de 109,440 mètres carrés

avec derrière jardin potager de 119,210 mètres carrés.

Toute cette superficie est entourée d'un mur de la lon-

gueur de 2. IGO mètres, haut de 3 mètres ; du côté sud il

est de 600 mètres et au Nord de 700). Dans le centre de

l'aire antérieure, l'entrée de l'Asile a une grande grille

en fer, longue de 28 mètres et haute de 3 ; ajoutons un

terrain de 4S.2' ? 0 mètres carrés cultivable pour pâturage

et lu).000 mètres carrés pour faire un jardin maraîcher

dans l'enceinte. (Fig. 5, 0, 7, 8).

De la maison d'aliénés on a une vue magnifique du

côté de l'ouest sur la pittoresque chaîne du Simplon avec

le .mont Rose et à main droite le mont Generoso, les

montagnes les lacs de Corne et Lugano. Une immense

plaine s'étend vers le sud avec des champs de cultures

sans fin que coupe la silhouette de Milan au loin et celle

des Apennins il l'horizon extrême.

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Fie. 5. Pavillon central (ancien palais), à Mombello.

446 asiles d'aliénés

La maison d'aliénés en 1S93, comptait deux grands

bâtiments réunis, au superbe palais Crivelli, l'un pour

les femmes, l'autre pour les hommes et une autre maison

champêtre en contrebas. Le palais datant du XIVe siècle,

est devenu célèbre par le séjour de Bonaparte de mai

à novembre 1797 ; dans l'oratoire eut lieu le mariage de

ses soeurs Pauline (avec le général Leclerc) et Elisa (avec

le capitaine Baciocchi). Là furent signés les préliminaires

de Leoben et préparé le traité de Campo-formio.

En 1865, Mombello devint la succursale de la maison

principale milanaise d'aliénés ; cela dura jusqu'à la fin

de 1878, elle recevait spécialement les aliénés tranquilles

et travailleurs ; la population composée des deux sexes

montait à 300 en 1867 et 400 en 1870.

C'est en 1873, que furent commencés les travaux ter-

minés en 1878, à Mombello, et qui le transformèrent en

maison d'aliénés unique pour la province, dès 1879. Au

palais historique s'ajoutèrent une maison de campagne,

puis six pavillons indépendants, deux à gauche et quatre

à droite.

Le compartiment masculin a été séparé de celui des

femmes en deux grands édifices : l'un regarde l'entrée

de la direction, et l'autre les bureaux devant lesquels il

y a un grand jardin. Un atelier de tissage fut créé en

1882, une matelasserie en 1884, la cordonnerie, la con-

fection des paillassons et l'atelier de menuiserie datent

de 1905, avec la serrurerie et une nouvelle dépendance

des laboratoires anatomo-pathologiques.

Du côté des femmes se trouvent le vestiaire et les salles

de travail pour la couture et lingerie. Au centre se trouve

un bâtiment à un seul étage contenant deux salles de

baignoires pour les aliénés tranquilles et une spacieuse

salle de théâtre utilisée depuis 1905, pour l'enseignement

des infirmiers. Une villa séparée contiguë au comparti-

ment féminin, a été érigée en 1882, pour l'école et la mise

à part des enfants arriérés.

D'autres constructions élevées en 1 ? 87, dans un point

éloigné du jardin potager sont destinées à l'isolement

des maladies contagieuses et à la chambre de dépôt mor-

tuaire. En 1898, dans l'enceinte du jardin potager, on a

bâti une grande buanderie avec étuves et séchoirs et les

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Fus. G. - Pavillon des aliénés criminels, il Momliplln.

443 asiles d'aliénés.

machines nécessaires il leur fonctionnement ainsi qu'à

la production de l'énergie électrique employée comme

force motrice, pour l'éclairage et l'élévation de l'eau

potable dans un réservoir situé sur une tour du vieux

palais. -

En 1900, vu l'encombrement, furent ouverts trois pa-

villons pour les vieux infirmes chroniques des deux

sexes. En 1904, on a ouvert un service au rez de-chaussée

pour l'observation des malades entrants, avec salles de

réunion, réfectoire, bains, préaux et cours. Enfin un

bâtiment en U avec cours et annexes, préau intérieur à

arcades, et chambres d'isolement et de surveillance a été

consacré aux aliénés dangereux et criminels mâles.

Un système de galeries couvertes, réunit ces divers

pavillons et un réseau de rails pour chariots de trans-

port facilite les diverses distributions.

Une des vieilles constructions à trois étages reste en

service pour les tranquilles ; au rez-de-chaussée sont les

salles de conversation, réfectoires, infirmeries, bains;

au premier sont les chambres il coucher et cabinets de

toilette. Trois cours y servent à la promenade des mala-

des dans la bonne saison, avec des arcades suffisantes

pour s'abriter durant les journées pluvieuses ou trop

chaudes. Les dortoirs jusqu'à la hauteur de deux mètres

au-dessus du sol sont peints en stuc, genre ripolin,

pavage à asphalte, tables de marbre en ciment dans les

réfectoires, fenêtres vitrées avec grilles légères aux agi-

tés, calorifères à air chaud dans les bâtiments anciens,

thermo-siphon dans les nouveaux. L'eau potable est

abondante et pure et un réseau de bouches d'incendies

a été ménagé.

Les lits sont en fer avec toiles métalliques et matelas

de crin végétal qui peut être lavé et est peu inflamma-

ble. Le transport des malades il l'infirmerie et celui

des cadavres à la salle mortuaire se fait avec de solides

et légers chariots en fer avec roues métalliques caout-

choutées. Le linge sale descend à la buanderie et le

propre remonte au vestiaire au moyen d'un funiculaire

sur rails doubles avec poulie circulaire (l'un entraînant

l'autre dans la direction opposée). Les habits des

malades sont en toile, avec caleçons et tricots à mailles.

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Fio. 8. Services généraux. Buanderies el machines.

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T-3 ».

'160 ' asiles d'aliénés.

Les malades ont en outre des capotes de laine l'hiver; il

y a trois repas par jour.

De 1.00) en moyenne de 1875 à 18S0, la population de

l'asile s'est élevée progressivement à 1.743 existants en

1905, avec une moyenne de 700 à 800 entrées annuelles

dans ces cinq dernières années, ce qui porte l'effectif des

malades annuellement traités il plus de 2.500, sur les-

quels on compte de 4 à 500 sorties par guérison ou amé-

lioration, et une mortalité de 10 %0' 1

Le nombre des entrants hommes est d'un quart supé-

rieur à celui des femmes. Les origines des entrants sont

pour un peu plus de moitié de la province milanaise ;

leurs formes psychopa1 hiquesdominantes furent en 1905, z

comme d'une façon générale :

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Fig. 8. ALelier;,cleLissag.

452 REVUE DE MÉDECINE LEGALE.

Depuis 1883, il y a une boucherie dans l'Asile, et de-

puis 1887, la fabrication du pain s'v fait par panification

automatique. La boisson est du vin léger livré à petite

dose et mêlé d'eau. --Les assiettes sont en terre, en

aluminium et les verres en aluminium, Les aliénés se

servent de cuillers et de fourchettes.

Les travailleurs, bien entendu, reçoivent des supplé-

ments et du tabac ; les alités suivent les régimes pres-

crits par les médecins, et une pharmacie spéciale fonc-

tionne dans l'Asile. On n'emploie pas de moyens de

contention depuis 1900. ,

Cet asile, qui répond aux desideratas les plus moder-

nes et les plus essentiels de la science psychiatrique, fait

le plus grand honneur à la province de Milan et à ses

directeurs qui furent successivement, depuis 184,

MM. Verga père et fils, Castiglione, Rualdi et Gonzalès.

Ayant été reçu, avec le dernier Congrès d'assistance

aux aliénés, tenu à Milan, de façon particulièrement t

grandiose par l'administration et le corps médical de

l'Asile de Mombello, nous avons cru devoir en relater

brièvement les grands traits avec des tableaux résumant

la vie courante de cet intéressant établissement.

REVUE DE MEDECINE LEGALE

I. Rapport sur le programme du Congrès pénitentiaire in-

ternational de Washington en 1910 ; par MM. Magnan, Henri

IIZONOD et Motet. (Académie de Médecine, 5 févr. 1907.)

Voici les conclusions de ce rapport : a) de l'utilité d'établir

dans toutes les facultés de droit l'enseignement des notions élé-

mentaires de la psychiatrie ; ces connaissances seraient des plus

utiles aux magistrats et aux avocats pour éviter la méconnaissance

par les tribunaux des délinquants aliénés.

b) De l'utilité d'exiger des médecins des établissements péniten-

tiaires des connaissances psychiatriques étendues leur permettant t

de constater l'état mental des condamnés au moment de leur arri-

vée et au cours de la détention. Cette surveillance régulière aurait

pour résultat de faire connaître ? l'autorité judiciaire et il l'auto-

. REVUE DE TH1 : R : 1PI : U11QUl : . 4 ?

rite administrative les cas d'aliénation mentale constatés à la pri-

son. -

c) De l'utilité de créer des établissements spéciaux intermédiai-

res entre la prison et l'asile d'aliénés où seraient retenus, sans être

condamnés, mais pour un temps que fixerait l'arrêt ou le jugement,

les auteurs de faits qualifiés crimes ou délits graves, dont l'infério-

rité mentale, les anomalies intellectuelles et morales auraient été

reconnues par les cours ou tribunaux, après examen médico-lé-

gal ; la durée de l'internement serait abrégée ou prolongée selon

l'amendement constaté dans l'état du détenu. Il ne prendrait fin

que par une décision de justice rendue sur l'avis d'une commission

spéciale.

d) N'y aurait-il pas lieu d'interdire dans les établissements

pénitentiaires pour les condamnés alcooliques, comme on le fait t

dans les quartiers de traitement des alcooliques, l'usage des bois-

sons alcooliques distillées ou fermentées. L. WAIIL.

REVUE DE THERAPEUTIQUE

I Quelques points du traitement précoce des maladies men-

tales et nerveuses (principalement en ce qui concerne les pau-

vres) ; par A. HELEN BoYLE.(The Journal of mental Science.oc-

tobre 1905.) -

L'objet de ce travail est de montrer la nécessité d'établir sur des

points nombreux du territoire, des établissements pour le traite-

ment des maladies nerveuses et des cas de folie à la période du dé-

but où l'internement n'est pas possible. Le certificat d'interne-

ment estune -frontière arbitraire entre la folie et la santé men-

tale ; c'est donc avant qu'il soit devenu nécessaire qu'il convient

surtout de soigner les malades. Pour employer une formule

moins paradoxale qu'elle n'en a l'air, la folie commence avant

que la personne soit folle et c'est alors qu'il faut savoir la recon-

naître et pouvoir la traiter. Une foule de troubles mentaux légers

passent ainsi inaperçus pour aboutir à un suicide ou à une forme

incurable d'aliénation.

Fait-on,en Angleterre. tout ce qu'il faut pour remédier àun pareil

état de choses, et ce pays, qui possède des ligues contre la vivisec-

tion et la vaccination, qui punit la cruauté envers les enfants et les

animaux et où l'on trouve des refuges pour les chat ? ;\.malades et

des garde-malades pour les chiens invalides, est, à ce point de vue,

fâcheusement en retard. Ici l'auteur donne quelques renseigne-

454 ' REVU},. DE THÉRAPEUTIQUE.

ments intéressants sur les établissements d'Ecosse et d'Allemagne

et sur un petit hôpital qui a été ouvert cette année à Brighton et où

l'on soigne tous les cas nerveux,sauf ceux qui nécessitent l'inter-

nement dans un asile, sans toutefois être exclusivement réservé à

'ces malades. - -

Les malades n'y sont maintenus au lit que lorsque leur santé gé-

nérale l'exige; la surveillance médicale y est exercée par des person-

nes connaissant à la fois'la neurologieetlafolie(notonsqu'ildevrait

toujours en être ainsi, la ligne de démarcation contre la folie et la

neurologie étant pratiquement nulle). Il faudrait dans les hôpi-

taux de ce genre traiter beaucoup de malades à la fois, pas Irop

cependant afin que ceux-ci puissent être bien et personnellement

connus des médecins qui les soignent, il faudrait aussi que les fem-

mes y fussent soujours soignées par des femmes, car elles se com-

prendraient mieux entre elles. ' R. de Musgrave Clay.

II. Ponction lombaire et cyto-diagnostic ; importance de

la numération ; nar Laquelle. (Journ. de Neurologie, 190f,,

110 22.) -

Le cyto-diagnostic du liquide céphalo-rachidien par la numé-

ration des éléments cellulaires est une méthode à la fois plus prati-

que et plus précise que celle qui consiste à centrifuger le liquide

et à en examiner le culot. Cette numération se fait au moyen de

la cellule à compter de Fuchs et Rosenthal.

D'après l'auteur,il y a réaction pathologique,par conséquent cy-

to-diagnostic positif lorsque la numération, répétée deux ou trois

fois sur un liquide frais donne une moyenne supérieure à 5 élé-

ments leucocytaires par millimètre cube.A l'appui de cette opinion,

M. Laruelle relate deux observations qui mettent en relief l'im-

portance de la numération dans les cas où la clinique et un exa-

men imparfait du liquide céphalo-rachidien avaient été impuis-

sants à fournir le diagnostic précoce qui a permis l'intervention

chirurgicale rapide et sauvé les deux malades.

Ce procédé de cyto-diagnostic a en outre l'avantage de nécessi-

ter une très faible quantité de liquide céphalo-rachidien (un cent.

cube au plus, alo s que trois sont nécessaires pour avoir un culot

de centrifugation suffisant). * G. DENY.

II 1. - Un cas d'état de mal épileptique traité par la ponction

lombaire ; par Pichenot et CASTIN. (L'Encéphale, 1907, n° 1.)

L'hypertension du liquide céphalo-racliidien étant la règle dans

l'état de mal épileptique,les ponctions lombaires répétées et abon-

dantes en constituent un traitement rationnel et donnent en fait

des résultats favorables. Observation probante. F.-T.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 453

IV. -La sérothérapie dans le traitement de la dysenterie bacillai-

re ; parVAiLLARD et DopTER (Académie de Médecine, 9 avril

1907.)

Cette méthode a été essayée dans 243 cas,dont 43 ont été suivis

dans les asiles de Maréville et de Quatre-Mares, elle consiste à in-

jecter dans les cas moyens de 20 à 30 c.c. dans les cas graves; de 40 à

80 c. c. de sérum de cheval immunisé contre le bacille de la dysen-

tarie.Dans les cas se rapportant aux asiles, les auteurs ont trouvé

le bacille type Shiga à Quatre-Mares et le bacille type Fleiner à

Maréville, ils auraient donc eu affaire dans ces formes à des états

para-dysentériques d'après la nomenclature de Lippmann et Nié-

ter. Quoi qu'il en soit, la dysenterie bacillaire, qui est toujours très

grave dans les quartiers de gâteux et d'agités, donne un pour ces-

tage élevé de guérison chez ceux de ces malades traités par le

sérum Sur 16 cas à Maréville il n'y a eu que deux décès ; sur 27 cas

à Quatre-Mares, 5 décès dont l'un presque immédiatement après

l'injection. On peut même employer le sérum préventivement.

MM. Widal et Chauvel ont confirmé les heureux résultats de cette

méthode- que nous signalons à nos collègues,car on sait combien

sont faibles les ressources de la thérapeutique dans les cas de dy-

senterie survenant chez les cachectiques : L. Waiil.

. V. Grenouille dans l'intestin. Guérison par suggestion due à

l'emploi d'images radiograghiques; par M. Bosquet. de Ciel'.

mont-Fer'rand. (Bull. nzd., 1907, n° 6.)

Cette grenouille est de la famille du lézard de M. Richelot,dont

la postérité vient ,paraît-il, de s'enrichir d'une salamandre. Une né-

vropathe avec constipation et crises d'auto-intoxication deman-

dait qu'on lui ouvrît le ventre pour lui retirer une grenouille. Le

distingué professeur de Clermont proposa de tuer cet hôte incom-

mode au moyen des rayons X ; il se procura une grenouille en fer

blanc jouet d'enfant commun dans les bazars, la rontgenisa, admi-

nistra à la malade une potion de quassia amara et de colombo, de

la fluorescine et de l'éosmate de soude; les urines prirent une teinte

verte qui indiquait la mort de la grenouille et la malade fut gué-

rie. - L. `V.1HL.

VI. Traitement des paralysies diphtériques par le sérum de

Roux ; par COMDY (Bulletin médical, 18 mai 1907. t

Tout' malade, enfant ou adulte,-atteint de paralysie diphtérique

récente ou ancienne.légère ou grave, localisée ou généralisée, doit

être immédiatement soumis aux injections de sérum antidiphtéri-

que. Ces injections seront répétées en série plusieurs jours de suite,

3, 4, 5 ou 6, suivant la gravité des cas, l'expérience clinique ayant

montré l'efficacité de cette facon de procéder. Les doses employées

456 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

seront de 10 à 20 c.c. de sérum de Roux par injection.la dose totale

pouvant atteindre 60, 70, 80 c.c. Cette sérothérapie intensive et

réitérée n'offre aucun inconvénient. Elle est applicable à toutes les

catégories de malades, à toutes les formes de la maladie, elle doit

intervenir dans tous les cas,même dans ceux qui auraient été trai-

lés préalablement par le sérum à la phase angineuse. Malgré l'em-

ploi réitéré et coup sur coup de doses assez considérables de sérum

de Roux, les accidents dus au sérum (éruptions),d'ailleurs bénins,

ne se sont montrés que deux fois. Cette proportion ne dépasse pas

sensiblement la moyenne. L. WAIIL.

Niai. Traitement de la syphilis par l'anilarsinate de soude sui-

vant le-procédé de M. Paul Salmon; par Halloteau (Académie

de médecine, 4 juin 1907.)

Cette méthode consiste il injecter de deux jours l'un pendant une

douzaine de jours 0 gr. 05 de ce nouveau produit qui devrait être

essayé dans le tabes et la paralysie générale; il faudra surveiller les

phénomènes d'intolérance. L. Waiil.

III. - La dénudation de la fémorale dans le traitement du mal

perforant plantaire; par M. TI IIEUTER, (Soc. des sciences médicales

de Lyon, 14 nov. 1906.In Lyon med. 16 décembre 1906.)

Mal perforant plantaire d'origine myélitique chez un homme de

35 ans, cultivateur. Le traitement par le repos.antérieurement ap-

pliqué, n'avait pas agi. M. Patel pratiqua la dénudation de la fé-

morale, sur 4 à 5 centimètres, dans le triangle de Scarpa, cette in-

tervention a en trois semaines amélioré considérablement le mal

perforant. t.

La dénudation de la fémorale semble, dans ce cas, agir sur les

filets sympathiques qui entourent l'artère, provoquent des modi-

fications vaso-motrices dont se ressent la trophicité du membre.

Ce résultat intéressant concorde avec celui déjà obtenu par M.

Patel dans un cas semblable et avec une observation rapportée par

M. Jaboulay dans son ouvrage sur la chirurgie du sympathique.

G. C.

IX. Contribution à l'étude du traitement de l'épilepsie ; Iley-

NINX. (Journal de Neurologie,l907, n" 6.)

La conclusion que l'auteur tire de ce travail est que si l'épilepsie

peut d'être d'origine réflexe, soit périphérique, soit centrale (com-

me dans l'épilepsie jacksonnienne), elle peut surtout être une com-

plication méningée (les i-lii ni Les,siiiiisi Les supérieures et otites chro-

niques à rétentions intermittentes.

Il s'agit là d'une complication méningée amicrobienne,qui tient

le milieu,pour la gravité,entre les affections oto-rhino-pharyngées

simples et les méningites vraies consécutives à ces affections. Les

revue de pathologie mentale. 4 : : i1

toxines microbiennes pénètrent seules dans le liquide céphalo-ra-

chidien. La suppression opératoire des produits de la sécrétion

nasale etsinusale amène la diminutlonou la suppression des crises

épileptiques. -

L'auteur conclut de ces faits que si les réflexes tendineux sont

complètement abolis,ce qui est toujours en rappoi t avec une lésion

de la moelle correspondant à la racme de leur arc réflexe, ils ne

réapparaissent jamais, même s'il survient une hémiplégie; par con-

tre,si quelques-uns des réflexes tendineux sont encore conservés,

même à l'état faible, ils s'accentuent et peuvent même devenir

exagérés lorsque le tabes se complique d'une hémiplégie. G. D.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE :

XII. -Traumatismes craniens et troubles mentaux; par Jotfroy ?

(L'Encéphale, 1907, n° 2.) -1 *; Î-0

Malgré tous les travaux et discussions qu'a suscités la question, /

le rôle du traumatisme dans la genèse des maladies mentales n'est

; pas nettement élucidé.Pour argumenter son étude, le Prof. apporte

une observation personnelle de traumatisme cranien ayant pro-

voqué une cécité complète (par déchirure probable des lobes occi-

pitaux) et des troubles mentaux à forme de démence précoce hé-

béphrénique chez un syphilitique héréditaire. Cette observation

montre la réalité de l'éclosion d'une démence précoce après un

traumatisme et la difficulté qu'il y a d'établir chez un individu

l'existence d'une prédisposition à des troubles mentaux, surtout de

prévoir vers quelle forme clinique celle-ci évoluera. Jusqu'ici, en

effet, c'est surtout la P.G.qui a été considérée comme la complica-

tion la plus fréquente des traumatismes crâniens ; or dans le cas

présent on était d'autant mieux autorisé à la prévoir que les trou-

bles psychiques survenaient chez un sujet dont le père était syphi-

litique et ayant présenté lui-même dès la naissance des accidents

spécifiques.

Cette question des rapports entre les traumatismes crâniens et

les troubles mentaux, la P. G. en particulier, doit être envisagée au

double point de vue scientifique et médico-légal. Au point de vue

scientifique on doit rester dans le doute, vu la diversité et l'incons-

tance des faits : il y a des cas où les troubles constatés, tout en rap-

pelant la P. G., s'en éloignent cependant par l'évolution ; il y en a

où les relations de causalité sont impossibles à déterminer; il y en a

enfin où la P. G. semble bien être la conséquence directe du trau-

matisme. Dans ces circonstances est-on autorisera dire que le

lrJu' revue de pathologie mentale,

traumatisme a créé la P. G. ? Le Prof. soutient l'opinion que la

P. G. ne se développe jamais en l'absence d'une prédisposition con-

ceptionne)le ; la syphilis, l'alcoolisme, le traumat'sme, etc., seraient t

incapables à eux seuls de la créer. Mais le doute n'est pas de mise

sur le terrain pratique, où la question se réduit à savoir si le trau-

matisme a occasionné la P. G. sans qu'il puisse être fait état d'une

prédisposition impossible à affirmer avant l'éclosion de la maladie

elle-même. Or si le traumatisme devient un jour la cause déter-

minante de troubles pathologiques.'il est évident qu'il devient res-

ponsable de leur éclosion. Il est des cas où la prédisposition peut-

être affirmée, pour les affections à manifestations antérieures par

exemple, il en est d'autres, comme la P. G., pour lesquelles l'expert

ne peut jamais répondre affirmativement au magistrat qui lui de-

mande s'il existait de la prédisposition. - - F. TrssoT.

XIII. La période médico-légale prodromique de la démence pré-

coce ; par ANTHEAUME et ]\fIGNOT.- (L'Encéphale, 1907, n° 2.)

A l'instar de la paralysie générale, la démence précoce peut dé- :

buter par une phase médico-légale plus ou moins longue, qui se'

caractérise par la perversion des facultés morales survenant avant

toute manifestation de troubles intellectuels et déterminant des

actes délictueux. Les auteurs apportent les observations très con-

vaincantes de trois sujets chez lesquels la démence précoce, avant

de s'affirmer et avant de motiver l'internement, ne s'est traduite

pendant un certain temps que par des tendances délinquantes. Il y

a dans la mise au jour de ce fait un argument nouveau pour se met-

tre en garde contre la méconnaissance de l'aliénation chez les pré-

venus., F. TISSOT. 1

XIV. La psychasthénie (psychonévrose autonome) ; leçons du

Prof. RAYMOND. (Bulletin médical, 20 avril et 11 mai 1907.)

C'est un exposé magistral de la psychonévrose autonome si

bien édifiée par les travaux de Pierre Janei dont la connaisance

n'est pas encoie aussi répandue qu'elle le devrait. Elle est caracté-

risée par des obsessions de diverses natures, des mouvements diffus.

tics systématisés,émotions angoissantes ruminations mentales,

ensemble que Janet désigne sous le nom d'agitation forcée et par

de l'insuffisance psychique. Les obsessions, d'après les auteurs,

présentent les caractères suivants; elles sont involontaires, auto-

matiques, irrésistibles, étrangères au cours normal des idées, très

tenaces ; elles constituent un véritable état de besoin psychologi-

que ; elles sont conscientes et peuvent passer à l'acte, ce sont les

impulsions intellectuelles de Ball. Elles ne seraient pas absolument t

irrésistibles d'après Séglas, Pitres et Régis, et seraient incompati-

bles avec les hallucinations. Aux phénomènes d'agitation forcée

se rattacheraient t les « manies » les plus diverses, un état général de

revue de pathologie mentale. 11J3

de doute, la rumination mentale, lès tics de réaction, de perfection-

nement ou de défense,des phobies ; à ce groupe se rattacherait la

névrose d'angoisse de Féré. Les stigmates psychiques com-

prendraient aussi des sentiments d'incomplétude, d'insuffisance

psychique, une aboulie profonde, des émotions retardantes ;

une tendance mélancolique et un intense besoin de direction morale

et intellectuelle. Physiquement, le malade se plaint de névralgies

multiples, d'éblouissements, de vertiges, de troubles digestifs et en

particulier de boulimie, de troubles génitaux qui sont plus peut-

être en relation avec la mentalité dU'sujet qu'avec son état physi-

que. La maladie débute à tout âge; mais chez des prédisposés, des

dégénérés qui ont toujours eu des scrupules,elle évolue lentement,

avec des alternatives de calme et d'accès, les stigmates psychi-

ques restant permanents. La durée en est généralement indé-

finie. Pour Raymond,les principales variétés sont : les scrupuleux,

les criminels par obsession, les toxicomanes, les pervertis génitaux,

les psychasthéniques délirants, qu'il est parfois très difficile

de reconnaît ! e, car en dehors de leur délire, les sujets parais-

sent normaux. Ce qui caractérise ces délires, c'est leur absur-

dité jointe à une conservation presque complète de la cons-

cience, l'intégrité du raisonnement et même la manie de logi-

que dont ils sont atteints. Livrée à elle-même, la psychasthénie

n'a guère de tendance à guérir. Trois théories ont cherché jusqu'à

présent à expliquer cet état : celle de l'idée obsédante, presque

abandonnée actuellement, celle de la réaction émotionnelle, celle

de l'aboulie. L'hérédité, les maladies du foetus et de la première

enfance figurent au premier rang des causes;même l'hérédité simi-

laire qui est loin d'être rare, le sexe féminin, les émotions dépressi-

ves,le surmenage intellectuel. les traumatismes, les maladies infec-

tieuses, les affections chroniques, les troubles génitaux.

Elle peut être acquise ou congénitale. Diagnostic : l'idée ob-

sédante est facile à distinguer de l'idée fixe normale ou pathologi-

que,cette dernière est inconsciente. Le psychasténique a conscience

de son état ; le mélancolique ne l'a généralement pas ; l'hystérie

et la paralysie générale ne sont pas toujours faciles à reconnaître

et à séparer des psychasthénies. Le traitement consiste surtout

dans l'éducation de la volonté,la psychothérapie, l'alitement con-

tinu, les grands bains prolongés. L. WAHL.

XV. -Hérédo-tuberculose et Idioties congénitales ; par ANGLADE

et JACQUIN. (L'Encéphale, 1907, n° 2.) ,

Il existe des relations étroites entre la tuberculose des procréa-

teurs et l'idiotie (lisez : tous les arrêts de développement intellec-

tuel simples ou compliqués) des descendants : à ce titre, l'hérédo-

tuberculose doit être mise sur le même rang que l'alcoolisme et la

syphilis. Un France, on ne lui reconnaît généralement pas l'impor-

400 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

tance qu'elle a en réalité dans l'étiologie des encéphalopathies infan-

tiles ; il n'en est pas de même à l'étranger, où il est bien établi que

la tuberculose parentale prépare un développement imparfait des

centres nerveux et est capable à elle seule, comme l'alcoolisme ou

la syphilis, d'engendrer les différents états d'idiotie chez les des-

cendants. Sur 14 cas d'idoties diverses rapportés par les auteurs

et où l'hérédité a pu être explorée avec soin, 8 comportent des an-

técédents de tuberculose seule (4 cas) ou associée à d'autres causes,

ce qui fait que dans la proportion de 28 fois sur 100 l'idiotie des en-

fants relève exclusivement de la tuberculose des procréateurs, et

c'est celle de la mère qui exerce l'influence la plus certaine. Sur 24

observations empruntées à Bourneville, les auteurs en retiennent

12 où la tuberculose se trouve soit seule,soit associée,chez les ascen-

dants des malades atteints d'idioties à des degrés divers. Des cons-

tatations cliniques comme aussi des recherches expérimentales, -il

ressort donc que la tuberculose parentale est capable de créer l'idio-

tie chez les descendants, de même qu'elle crée des dystrophies de

toutes natures. F. TISSOT. `

XVI ? Sur une forme de délire ambulatoire automatique cons-

cient chez des épileptiques ; par CLA UD et BAUDOUIN. (L'Encé-

phale, 1907, n° 2.) g

Faut-il accepter comme une vérité absolue cette assertion cou-

rante que les manifestations épileptiques comportent toujours

l'absence de souvenir ? Il existe dans la littérature médicale plu-

sieurs observations, et les auteurs en rapportent deux personnelles

qui semblent ne devoir laisser aucun doute sur la réalité de manifes-

tations épileptiques délirantes mnésiques et conscientes.

1 F. TISSOT.

XVII.-Les hallucinations dans la paralysie générale; pai DUCOSTT

(L'Encéphale, 1907, n° 2.)

Revue générale, bibliogiaphique et critique où l'auteiir expose

d'abord les opinions très divergentes émises sur l'existence des

hallucinations dans la P. G. Actuellement la fiéquence de celles-ci

est généralement admise et estimée, d'après un ensemble de statis-

tiques, à 36 pour 100.

Les hallucinations des sens supérieurs sont naturellement les

plus communes ; les hallucinations psycho-motrices sont rares, il

en existe quelques observations probantes. Si dans certains cas il a

été constaté des rapports entre les hallucinations et le siège des lé-

sions sur le cortex, dans d'autres ce déterminisme n'a pu être éta-

bli, en sorte que la théorie de l'origine coiticale des hallucinations

s'est trouvée parfois en défaut.

Il semble donc qu'il faille autre chose qu'une lésion irritative

d'un centre pour produire l'hallucination, il faut la prédisposition

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 461

du sujet, souvent réveillée par les auto-intoxications. Comme leurs

manifestations délirantes, les hallucinations des paralytiques géné-

raux sont marquées au sceau de ladémence.L'intensité des halluci-

nations.dans la P.G. justifie la distinction de deux formes cliniques

de-cette maladie : la forme sensorielle et la forme confusionnelle

hallucinatoire, dans lesquelles les troubles des perceptions com- '-

mandent des réactions motrices diverses (impulsions homicides',

suicides, aulo-mutilatrices). F. TrssoT.

XVIII. Les praticiens et la nouvelle loi sur les aliénés ; par Gnnrr-

. jux (Bulletin médical, n° du 18 mai 1907.)

La nouvelle loi Dubief créerail,si elle était adoptée, une nouvelle

classe de concurrents à situation officielle et privélégiée; de plus, les

aliénés y perdraient certainement, car, comme l'a dit Anglade à la

Commission bordelaise les services d'aliénés où les médecins ne

font que passer à heure fixe sont invariablement des garderies.

. L. Wahl.

XIX. Névrose et psycho-névroses ; par RAYMOND.

(L'Encéphale, 1907, n° 1.)

Dans ce travail, le Prof, fait une mise au point de l'importante

question des névroses. Ce groupepathologiquedesnévrosesenglobe

tout un ensemble disparate d'affections nerveuses, sous le pré-

texte que leurs lésions nous sont inconnues ; aujourd'hui il n'est

plus personne-pour douter que ceslésions existent, mais nous échap-

pent en raison de leur nature particulière et de l'insuffisance de

nos procédés d'investigation. A s'en rapporter aux symptômes cor-

respondants, ces lésions sont assurément moins graves,moins fixes,

moins tenaces que les lésions organiques proprement dites, mais il

y a tout lieu de croire qu'elles nous seront dévoilées un jour. C'est

pourquoi le gioupe des névroses est provisoire, voué à la disloca-

tion avec les progrès attendus de la technique, déjà bien réduit

d'ailleurs par l'exclusion du tétanos, du tabes, et d'autres.

Le Pr va plus loin dans ce démembrement des névroses : il

propose d'en exclure l'épilepsie, le goitre exophtalmique, la para-

lysie agitante et la chorée, parce qu'elles offrent les caractères des

maladies à lésions et que ces lésions sont en partie connues. Il élimine

encore l'hypochondrie et la neurasthénie. pour ne garder comme

psycho-névroses légitimes que l'hystérie et la psychasthénie ; l'hy-

pochondrie,en effet, est une vésanie et à ce titie rentre dans la pa-

thologie mentale ; quant à la neurasthénie, son domaine s'est par

trop élargi, aussi convienf-il de le restremdre aux formes -simples,

acquises, presque toujours curables, constituant un syndrome bien

défini, lié soit à un état fonctionnel, soit à une maladie organique

définie, et dans lequel les signes physiques prennent le premier

plan. Le' terrain ainsi enlevé à la neurasthénie doit être acquis

462 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

à une forme morbide nouvelle, la psychasthénie de Janet, qui est

bien une psycho-névrose vraie, c'est-à-dire une affection éclose sur

des fonds de pl édisposi Lion innée de dégénérescence et où les mani-

festations psychiques sont de beaucoup les plus impôt tantes.

t F. TtssoT.

XX. Les troubles digestifs considérés dans leurs rapports avec

- les troubles mentaux; parM. Page. (Bulletin médical, n° 7 1906.)

C'est une contribution très intéressante à la théorie de l'auto-

in loxiuation comme cause de certaines formes mentales, théorie

qui acquiert chaque jour un nouveau degré de probabilisme. Page

a montré qu'il existe un rapport constant entre les troubles men-

taux et les troubles digestifs; il semble admettre, ce qui peut paraî-

tre un peu. excessif à certains, que, pour avoir des troubles men-

taux, il faut, non seulement une prédisposition héréditaire et une

cause occasionnelle mais encore des troubles digestifs. On peut

faire disparaître ces derniers grâce aux méthodes modernes bac-

tériologiques, en particulier en transformant la flore bactérienne

de l'intestin par la méthode de H. Tissier, cette modification amè-

nerait rapidement la disparition dès troubles mentaux.

L. 'WAHL.

XXI. Crises d'anxiété avec impossibilité de garder la position

assise ou de rester immobile dans la position verticale persistant

depuis plus de cinq ans chez un jeune garçon ; par le Dr Fran-

cotte (Journ. de Neurologie, 1907, n° 14.) .

1 s'agit d'un garçon de 10 ans qui depuis une frayeur que lui a

causé une semonce un peu vive adressée à un de ses camarades,est

sujet à des crises consistant en un état d'inquiétude générale avec

crainte de tomber, eu une difficulté insurmontable à rester assis

ou à garder l'immobilité dans la station debout et en un besoin de

marcher. Chaque crise dure de 15 à 45 minutes. Au début, elles

se renouvelaient tous les jours, peu à peu elles se sont espacées

et ne se reproduisent plus actuellement, que tous les 2 ou 3 mois.

Il s'agit, d'après l'auteur, de crises anxieuses semblables à celles

qui constituent les accès de phobie et qui, malgré quelques ana-

logies, doivent être distinguées de l'akathisie et de l'astasie-aba-

sie. G. D.

XXII. Périodicité et alternances psychiques. Psychoses pério-

diques ; par M. Pailiias. (Journ. de Neurologie, 1907, nor 9,10.

et 11. 1

Voici les conclusions de cet important travail : la périodicité est

l'expression d'une loi étendue à la plupart des phénomènes cos-

miques ; plus étroitement limitée aux fonctions de la vie animale

est l'alternance réglant au sein des organismes la distribution suc-

' REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 463

cessive des stades antagonistes de l'activité et du .repos, de l'ex-

citation et de la dépression, etc.

La périodicité et l'alternance sont tributaires de l'automatisme.

Dans le domaine nerveux, les fonctions les plus automatiques se

montrent les plus aptes à subir et à révéler l'intervention du

rythme périodique. Dans la sphère mentale les manifestations de la

périodicité et de l'alternance s'y mesurent aux degrés même de

l'automatisme participant. On conçoit d'après cela que les trou-

bles mentaux les plus affectés de périodicité régulière soient ceux

qui, comme la folie menstruelle,empruntent et subordonnent la pé-

riodicité de leur rythme aux- mouvements périodiques de fonc-

tions entièrement assujetties à l'automatisme. 1

Si on peut conserver le terme usuel de « folie périodique » pour

indiquer des unités vésaniques ou plus où moins prédomine le

symptôme périodicité, il faut cependant reconnaître que- la pério-

dicité et l'alternance sont des éléments nosologiques trop com-

préhensifs pour servir de caractère à un ou plusieurs groupements

ayant la valeur d'une entité morbide et méritant le nom de

psychose périoilique. Le terme de syndrome périodique ou d'inter-

mittence serait plus exact.

. Au syndrome d'intermittence se rattacheraient, outre la folie

menstruelle, certaines psychoses maniaques et mélancoliques sur-

tout parmi celles ayant des affinités avec l'hystérie et l'épilepsie.

Sous la désignation de syndromes alternants ou maniaques-dé

pressifs prendrait place l'ensemble des états qui représentent les

plus saillantes manifestations de la périodicité et de l'alternance

dans les diverses classes nosologiques. G. DENY.

XXIII. - Sprachstoerungen bei funktionellen Psychosen mit Aus

schluss der aphasisehen Stoerungen (Troubles de la parole dans

les ps. fond, à l'exclusion des troubles aph.), par IIErr.srtoNNEn,

d'Utrecht. (Ctrh/. r Nervenlz. u. Psychi., XXIX, f. 215, p. 465

à 488, 15 juin 1906.) -

Importante revue critique mettant à contribution tous les tra-

vaux parus sur la question et sur les questions connexes, travaux

dont est donnée la bibliographie. Les troubles sont répartis en deux

catégories : symptômes de déficit et symptômes d'excitation. La

deuxième est la plus importante ; elle comprend des modifications

quantitatives : élévation du verbe, accélération de la parole, avec

tendance à pléferer les mots courts. Ces symptômes indiqueraient t

d'après Krapelin l'augmentation de l'excitabilité psycho-motrice.

La parole peut, en outre, être rythmée par scansion de tous les

mots. Toutes les formes d'excitation primaire ou «besoin de parler»

ont ceci de commun qu'elles sont étrangères au but habituel de la

parole et ne servent pas au malade à se faire comprendre. Quel en sera

donc le matériel ? Il sera fourni essentiellement par l'automatisme

de l'appareil sensoro-moteurdu langage; cei faines énumérations

' 461 1 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sues par coeur, réminiscences veibales et surtout consonnance,

allitérations et autres associations de son, propositions dénuées de

sens mais où la foi me fondamentale de la phrase sert pour ainsi

dire de cadre aux divers mots qui se présentent à l'esprit du ma-

lade.

Dans toutes les formes énumérées jusqu'ici, il y a changement

continuel du produit de l'activité élocutoire. Au contraire,dans la

« persévération'» ou verbigération, le besoin de parler se satisfait t

constamment avec les mêmes éléments ; elle est due, non pas à une

certaine suractivité, mais à un déficit,primaire entraînant une pro-

duction insuffisante. (Voir la communication de Pfister, Ibid., p.

489 à 492 : Sur la verbigération chez les catatoniques.)

Le discours n'est que rarement réduit à des éléments endogènes :

souvent y pénètrent des éléments exogènes (hyperaphie, hyper-

métamorphose, hyperprosexie, etc.), dont l'intervention produit ou

la « tendance aux diversions » (Ablenkbarkeit) quand le matériel

n'est pas fourni par des mots entendus ou par toute autre impres-

sion auditive, ou l'écholalie dans les cas contraires. La nature pri-

maire ou secondaire de ces troubles est à discuter dans chaque cas.

On a pu se demander si la fuite des idées est bien un trouble du

langage'; mais il est incontestable que le trouble psychique auquel

elle correspond ne peut se manifester que grâce au « besoin de par-

ler » existant primitivement et dont la pathogénie est d'ailleurs

inconnue.

II. distingue de ce trouble le « besoin de communiquer » des

maniaques ; il compare entre elles les diverses lormes de néologis-

mes et élimine ensuite certains troubles complexes tels que la confu-

sion pseudaphasique de Menert et la paralogie de Kussmaul. Il

remarque enfin que les formes complexes sont encore très mal con-

nues ; que certaines autres,telles que l'incohérence,ne sont établies

que de façon provisoire et d'après des caractères négatifs.

(Réunion annuelle de la Soc. de Psychiatrie de Munich, 20 et 21

avril 1906.) Ch. B.

SOCIETES SAVANTES

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 5 décembre 1907. -PIIÉSIDENCE de M. 13nBrNSxr.

Pseudo-lorticolis mental.

MM. Dufour et Foy présentent un malade atteint d'un torti-

colis qu'on peut faire disparaître par le geste antagoniste efficace

de Brissaud, par simple pression du doigt ; ce n'est pas cependant

un torticolis mental, car il est apparu la suite d'une périoslito

' SOCIÉTÉS SAVANTES. 465

alvéolo-dentaire grave, avec élimination de séquestres ; la dévia-

lion est d'ailleurs l'inverse de ce qu'elle était au début ; elle est

due à un défaut d'équilibre statique de la tête.

Existence du signe d'Argyll Robertson dans la syringomyèlie.

MM. Rose et LEMAÎTI\E l'ont relevé dans deux cas de syrin-

gomyélie, siégeant du même côté que les symptômes médullaires et

évoluant parallèlement. Déjerine, Lévi, Sauvineau, avaient déjà

relevé des cas de syringomyélie sans association de tabès ou de pa-

ralysie générale. M. Babinski admet, quoique la démonstration

en reste à faire, la possibilité de l'existence du signe d'Argyll, sans

syphilis.

Bléphaarospasme.

MM. Rociion-Duvignaud et A. yVEILI, présentent un malade

atteint de cette affection sans photophobie et avec acuité visuelle

normale. Le trouble disparaît la nuit ou dans l'obscurité ; il cesse

un moment par pression sur les nerfs sus-orbitaires,et leur résec-

tion a amené une sédation de quinze jours. S'agit-il d'un tic sus-

ceptible de céder à une rééducation ?

Discussion par MM. 1\lEIGE et Sicard.

Compression de la moelle et de la queue de cheval.

MM. Claude et TOUCIIARD présentent l'observation d'un ma-

lade atteint depuis trois ans de paralysie double avec atrophie

musculaire, troubles des réactions électriques dans la région du

plexus sacré, anesthésie à disposition radiculaire, troubles sphinc-

tériens, perte du sens génital ; flasque à gauche, la paralysie est

spasmodique à droite ; ils concluent dans le premier cas à une

compression de la queue de cheval, dans l'autre à une compression

ou lésion organique de la moelle sacrée.

Sclérose en plaques avec association de polynévrite éthylique

Présentation de malade par MM. Claude et APPEaT.

L'existence du nystagmus dans l'apoplexie cérébrale.

M. Souques signale l'existence, dans le coma apoplectique,

d'un nystagmus à oscillations lentes, régulières, continues et ho-

monymes. 11 en a observé onze cas en deux ans, coexistant tou-

jours avec une déviation conjuguée des yeux et l'hémiplégie dont

il suivait le sens, déterminé par des lésions de siège et de nature dif-

férentes. Son existence est probable dans les comas avec hémi-

plégie, urémique,pneumonique.Si l'on pouvait s'assurer qu'il man-

que dans les comas non hémiplégiques, il y aurait un bon élément

de diagnostic.

Cas de névrite parenchymateuse et de compression dans le rocher,

produisant le spasme facial, dans les cas de paralysie faciale.

Communication de M. Thomas.

Archives, 3- séria, 1007, t. II. 30

466 sociétés savantes.

Radiothérapie de la syringomyélie.

MM. Beaujard et Liiermitte présentent deux malades trai-

tés par les rayons X ; le.premier fut améliorent celte amélioration

persiste depuis 8 mois que le traitement a cessé ; le second, en

cours de traitement, est traité depuis six semaines par la mé-

thode des irradiations juxtaposées de Kicnloek, qui permet de

faire absorber à la moelle dcs doses doubles do celles qu'absorbe la

peau.

Variété congénitale unique dc trophmdème chronique.

Observation rapportée par M. Couhtellemont. On sait que les

cas de trophoedéme chronique peuvent être classés en quatre

groupes : familial non congénital, familial congénital, acquis et

congénital unique. Dans le cas présenté par l'auteur, la dystro-

phio est congénitale unique ; outre les symptômes classiques, il

faut y noter la présence de troubles parestbésiques et douloureux,

la présence de nævi vasculaires, l'épaisseur de la couche celluln-

adipeuse sous-cutanée.

Communication sur le pemphigus hystérique.

Faite par M. RAYMOND, au sujet d'une malade examinée par

MM. Thiroloix et Babinski. Elle présentait des bulles nombreuses

de pemphigus sur la main et l'avant-bras, à la suite d'une blés ?

sure de l'index ; or, une incision dans une collection sanguine

formée au niveau du médius a permis de retirer un fragment

d'aiguille, et les phlyctènes ont cessé depuis ; l'hystérie n'est

donc pas, dans ce cas, la cause du pemphigus : elle n'a fait que lui

donner une modalité particulière ; il s'agit donc d'une réaction

fonctionnelle réflexe. 'J. PIOLET.

SOCIÉTÉ D'Itl'l'0lC1GIC l : 'l' DE PSYCHOLOGIE.

Séances du 19 novembre et du 17 décembre 1907. Présidence

de Jl. Voisin.

L'e.rpertise médico-légale et la question de la responsabilité.

Il. Paul FARez. - Si, comme on le soutient, la question de

la responsabilité est une question de métaphysique, elle sera

également métaphysique pour le magistrat ; celui-ci deviendra

tout aussi incompétent pour la trancher. Lorsque M. Dallet appré-

cie « la puissance de maîtrise de soi et la force de résistance au\ :

incitations passionnelles », il emploie inévitablement un lan-

gage qui comporte pratiquement l'admission d'une certaine

liberté. l'on consent à parler de responsabilité et d'irrespon-

sabilité pour les cas extrêmes et faciles, à plus forte raison

devra-t-on le faire pour les cas difficiles et embrouillés de la

« zone frontière », lesquels nécessitent plus particulièrement

l'intervention de la compétence clinique du médecin. Rejeter la

sociétés savantes. 467

responsabilité atténuée parce qu'il en résulte, étant données les

habitudes actuelles des magistrats, une mauvaise défense sociale,

c'est recourir un argument extra-médical, bien plus,à un argu-

ment de circonstance. Dans la pratique, sous des formes diver-

- -ses, tous les experts admettent des degrés et des atténuations-

il. Ballet recourt même à la quantification mathématique lors-

qu'il dit : «conscience à demi ou au quart obnubilée». Xi punissa-

bililé, ni discernement, ni faillibilité, etc., ne peinent remplacer

avantageusement le terme responsabilité. « \.. ; est-il resloqh-

sable de tel acte » seul dire : Tel acte est-il imputable, doit-il

être attribué à sa personnalité : 1° consciente, 2° libre de tare

permanente ou passagère, ayant pu influer sur ses actes ou

même les déterminer Des lors, l'expert n'aura aucune difficulté

à faire l'une des trois réponses suivantes : 1. Cet acte est pleine-

ment imputable à X... (en raison de la lucidité de sa conscience

et de l'absence de lare ayant déterminé ou influencé l'acte). Il.

Cet acte n'est pas imputable à X... (en raison de... (et ici inLer-

viendra l'énumération des tares physiques et mentales ayant

déterminé l'acte;. III. Cet acte est imputable à X... pour une très

grande part pour une faible part pour une part

très minime (en raison des tares ayant non pas pleinement

déterminé l'acte, mais l'ayant influencé dans une certaine mesure

(I'ail)le ou forte). En somme, l'expert est amené non pas à se

prononcer sur une question de métaphysique, mais simplement

il formuler un jugement d'attribution, c'est-à-dire d'imputabilité

complète, partielle ou nulle, suivant le cas. Il s'agit là- d'une

Il'uyre médico-psychologique, laquelle n'excède pas la compé-

tence du médecin. Celui-ci peut et doit se prononcer non pas,

comme on l'a di(, par servilité à l'égard de la magistrature, mais

parce que, seul, il a la compétence nécessaire à la solution de ce

problème psycho-pathologique.

M. ,LEGR : 1N. - La doctrine antique de la responsabilité est un

anachronisme. Les idées relatives aux choses de la justice évo-

luent et se transforment. Entre les enfants de la tradition et les

enfants de l'esprit nouveau, il y a opposition radicale. Ce qu'on

demande à l'expert, c'est simplement : Tel inculpé est-il ou

n'est-il point un malade ? Les circonstances du crime sont-elles

quelque chose de morbide ? L'acte commis, aux apparences de

crime, pourrait-il avoir une signification pathologique 1 La thèse

des responsabilités partielles ou atténuées a le tort de mettre en

cause un élément grave : la responsabilité, que j'ignore; elle

suppose le problème résolu, alors que la science le pose ; elle

s'accommode de l'unité des sanctions, ce qui fait adhérer à une

justice sommaire et équitable ; elle dissèque l'unie et détruit le

concert d'unité de la personne morale, opération qui d'ailleurs

supposerait multiplicité et variété des sanctions, enlin cela lait

468 sociétés savantes.

jouer au médecin un rôle inattendu, celui déjuge : la conclusion

du médecin arme la main du juge; elle lui dicte la sanction,

1'ious souhaitons, citoyens et médecins, que la société soit débar-

rassée de ses éléments nuisibles et antisociaux ; en quoi nos

conclusions pour ou contre la responsabilité aident-elles à la

solution du problème pratique ? Pour que la société fût pleine-

ment à couvert, il lui faudrait des asiles-prisons, des asiles

d'aliénés criminels, des asiles de sûreté, il lui faudrait une légis-

lation adéquate. La justice de demain sera plus protectrice et

plus défensive que justicière ; le législateur devra donner, au lieu

des maisons de détention, des maisons de rétention ; la société

protégée conservera sine die, jusqu'à réforme, c'est-à-dire jusqu'à

libération d'essai surveillée, les êtres dangereux sur lesquels

s'exerce aujourd'hui notre pitié, armée d'une demi responsabilité

de pure convention.

M. Etienne .IOURU1N (de \Iarseille). - La seule chose à la-

quelle l'expert puisse répondre sans soi tir de son rôle de méde-

cin, c'est de dire si l'individu soumis à son examen est sain ou

malade, il ne peut s'agir que d'un traitement, d'une mesure de

préservation sociale.- La discussion de cette question est main-

tenue à l'ordre du jour de la Société.

La responsabilité dans le droit romain. - .\1. L1H : RILLON. - Le

mot responsabilité » dérive du mot latin respondere. ll signiliela

condition de celui qui est astreint à répondre devant le magistrat

de certains de ses actes et à en subir personnellement des con-

séquences fixées par la loi.

Dans le droit romain, comme dans le nôtre, l'interrogatoire

est le premier acte de la procédure. La condition essentielle

pour que la procédure suive son cours et que l'inculpé soit jugé,

c'est donc qu'il soit capable de comprendre les questions qui lui

sont posées et d'y répondre avec raison. S'il n'est pas responseur

ou, par corruption de mots, responsable, la procédure est parce

lait interrompue et le juge ne peut que rendre une ordonnance

de non-lieu.

Contre l'emploi du mot « responsabilité», on a invoqué des ar-

guments divers. Le premier est qu'il ne ligure pas dans l'article 64

du Code pénal. Cet argument est tout à fait dépourvu de valeur.

Il est même de nature à faire sourire les légistes. Si le mol. res-

ponsable n'est pas prononcé dans l'article 64, il figure dans le

titre du chapitre deuxième du code pénal, ainsi rédigé : « Des

personnes punissables, excusables ou responsables pour crimes ou

pour délits». Les jurisconsultes sont gens laconiques, quelques

mots leur suflisent pour exprimer leur pensée ; à ce point de vue

ils pourraient servir d'exemple aux médecins, car c'est surtout

dans le langage médical que sévit la prolixité. L'idée du législa-

· sociétés savantes 469

leur de diviser les personnes punissables, c'est-à-dire qui se

sont mises dans le cas d'être punies en deux catégories : les

excusables d'une part, les responsables de l'autre, n'est pas dou-

teuse. La notion de la responsabilité est donc nettement exprimée

,dans le code. Bien plus, le fait de placer le mot excusable avant

celui de responsable indique.que la première préoccupation du

juge doit être de penser à des excuses possibles et, le cas échéant,

d'en faire bénéficier l'individu punissable.

Si les médecins commentateurs de l'article 64 n'ont pas com-

pris l'intention formelle du législateur, c'est que, peu familiari-

sés avec la lecture du code, ils n'ont pas attaché assez d'impor-

portance au titre du chapitre. A l'Ecole de droit, dans les exa-

mens, cela vaut une boule noire au candidat.

Le deuxième argument contre le mot de « responsabilité » est

qu'il implique une idée de métaphysique. Or ce mot non seule-

ment dérive du mot latin respondere, mais bien mieux, l'idée de la

responsabilité, telle que nous la concevons, a été entièrement

empruntée au droit romain par notre code pénal. Les juristes

romains se souciaient peu de métaphysique. Ils se bornaient à

tenir compte des faits évidents. C'est ce qui est arrivé pour la

détermination de la responsabilité. Constatant que certains cou-

pables étaient atteints de troubles mentaux, ce qui se traduisait

par des réponses incohérentes, ils ont formulé pour ces malades

des droits à une excuse légale.

L'aliéné, chez les Romains, était désigné sous des dénomina-

tions différentes, telles que furiosus, démens, insanus, mente cap-

tus, alienatus mentis. Tous ces états impliquaient, au point de vue

pénal, une seule et même conséquence, l'irresponsabilité. Sous

ce rapport, tous les textes assimilent l'aliéné à l'infans ou à l'im-

pubère « non doli capax». Dans la loi de injuriis, il est ditque : Hi

pati inju1'iam soient, non facere. En vertu de ce texte, si l'aliéné

vient à causer un dommage à quelqu'un, on ne lui applique

pas la loi aquilia de damne, Les choses doivent se passer, dit

Hpien, comme si ce dommage avait été le fait d'un animal, ou

s'il était dû à la chute d'une tuile ou au hasard d'un événement

quelconque. Le fou échappait à toutes les lois pénales, à la loi

Pompera de parricidiis, à la loi Cornelia de Sicarriis, etc. Il est

excusé'parson malheur, étant déjà assez puni par sa manie (furor),

disait Modestinus.

Lorsque la question de la folie était posée, on prescrivait au

juge de punir l'accusé en cas de simulation, et de le faire inter-

ner si la folie était réelle. Le texte latin est formel. Il indique

même que la distinction entre la prison et l'asile est surtout lé-

gale, car le mot carcel servira pour les deux usages.

Les Romains se faisaient une idée très nette de l'aliénation

mentale, Ils la considéraient comme une véritable maladie, se

470 SOCIÉTÉS SAVANTES.

rendant compte de la continuité propre [à telle tonne et de l'in-

termittence caractéristique d'une autre. L'aliéné était responsa-

ble des cri m es qu'il commettait dans les intenalles, l'aliéné ne

pouvait pas être considéré comme entièrement sain d'esprit. Mais

les Romains ne tombaient pas dans les arguties de la responsabi-

lité dite atténuée. S'ils avaient l'I'é\l1 qu'un aliéné intermittent

ne devait pas être considéré comme absolument sain d'esprit,

cela ne concernait que la vente des esclaves et ouvrait la porte à

une action rédhibitoire.pour le cas où un esclave aurait été vendu

comme sain d'esprit, alors qu'il était simplement dans un Inter-

valle lucide. L'aliénation intermittente était, dans ce cas, as-

similée à la hoiterie intermittence chez le cheval. Le juge ro-

main avait un pouvoir discrétionnaire pour apprécier la res-

ponsabilité de l'aliéné. Il la déduisait de la façon dont il répon-

dait. Cela implique l'idée que ce magistrat possédait une culture

générale supérieure à celle de nos magistrats d'aujourd'hui. A

Home, la profession médicale étant exercée par des affranchis, il

y avait la un motif suffisant pour que le magistrat n'ait pas l'idée

de déléguer une partie de son pouvoir à une personne qu'il con-

sidérait comme un inférieur. Les magistrats français agissent

autrement, bien que leur appréciation à l'égard des experts ne

soit pas sensiblement différente. L'idée de responsabilité, gravée

dans les tahles d'airain du droit romain, est une conception t'éflé-

chie, basée sur une observation rigoureuse des faits positifs. Elle

résistera à toutes les discussions et à tous les paralogismes médi-

caux.

L'infanticide chez les animau.c. - l. LÉPINAY. - Lorsque les

animaux détruisent leurs petits, ou bien ils assurent de meilleures

conditions de reproduction en ne laissant vivre aucun être ché-

tif, malade, estropié, dégénéré, ou bien, par une exagération de

leur instinct de maternité, ils empêchent leurs petits d'être ex-

posés à un danger quelconque. Le plus grand nombre des infan-

ticides chez les animaux ne sont le résultat, ni d'un esprit cri-

minet,ni de préoccupations égoïstes, ni de la disparition des son -

timènls maternels, mais d'une impulsion aveugle, fatale, pro-

duite chez la mère par l'idée des dangers immédiats ou futurs

que peut courir son petit. Il serait utile d'étudier comparative-

ment dans quelles conditions et sous quelles impulsions les

tilles-mères commettent les infanticides et quelle est leur atti-

tude après le crime ; ces cas mériteraient d'être étudiés non pas

seulement par le juge, mais aussi et surtout par les psychologues.

M. DEMONCHY. - J'ai observé un nid ¡1Ï1Ï['oJ1delles lard formé

dans la saison. Cinq petits étaient nés. Au moment de la migra-

tion les hirondelles tuèrent leurs petits elles jetèrent en dehors

du nid. J'ai toujours pensé qu'elles avaient voulu épargner à ces

. SOCIÉTÉS SAVANTES. 471

petits, incapables de faire le voyage, les souffrances auxquelles

les aurait exposés leur faiblesse après le départ de leurs parents.

Education de la volonté et de l'intelligence par l'auto-suggestion.

M. Coste DE L\cr(AV);. L'auto-suggestion méthodique est

une pratique nécessaire pour développer la volonté et l'intelli-

gence, elle grandit les bonnes suggestions, les développe, les aug-

mente, les multiplie ; elle refoule ou fait disparaître les mau-

vaises suggestions et leurs résultats ; elle exalte l'indépendance,

la personnalité, l'initiative, l'esprit de décision. L'individu qui

s'auto-suggestionne rationnellement et méthodiquement obéit à

sa propre volonté ; il n'est plus le jouet d'influences étrangères ;

il devient te véritable auteur de son propre développement. (Sui-

vent de nombreux exemples très détaillés d'auto-sugestions ré-

pétées et efficaces).

Superstitions javanaises. M. LINGBEEK (de la Haye) rapporte

les diverses observations psychologiques qu'il a faites lors d'un

voyagea .lava. Les Javanais présentent une crédulité et une sug-

gestibilité extrêmes ; chez eux fleurissent toutes sortes de supers-

titions, les histoires de maisons hantées, ainsi que le « latah »

sorte d'épidémie psychique analogue à celles du moyen-âge.

Presque tous les Javanais portent en colliers, en ceintures, en

bracelets, en bagues, des amulettes diverses, ayant pour but de

'prévenir ou de guérir les maladies,en particulier les convulsions,

les rhumatismes, la toux, l'asthme, la petite vérole ; d'autres amu-

lettes domptent les chevaux, font peur aux crocodiles, neutra-

lisent le venin des vipères, font dévier les balles des ennemis,pré-

servent du diable, des piqûres de scorpion, etc.

Tic douloureux du pied. M. Maurice l1LOCH rapporte un cas

de douleurs siégeant à la face externe de l'extrémité inférieure

du cinquième métatarsien et. présentant les mêmes modalités

que le tic douloureux de la face ; il propose de dénommer ce

symptôme « tic douloureux du pied » ou « névrite épileptiforme

du pied», suivant une expression empruntée à Trousseau1.

La protection des débiles mentaux dans les campagnes et les ate-

liers. M. Tout-ZAC (de Versailles). Au village, les débiles

mentaux sont exposés aux taquineries et même aux mauvais

traitements ; ils sont faibles et ne savent pas se défendre. La vie

de ces déshérités devient souvent un supplice ; mais parfois, ils

sont pris de l'indignation des timides ; exaspérés, poussés par la

fureur, ils se vengent avec rage de leur persécuteur ; et à leur

propos se posent de délicates questions médico-légales. Un grand

nombre de ces déshérités ne sont ni délinquants, ni criminels ;

ils ont même encore une certaine valeur industrielle et peuvent

rendre des services dans les emplois inférieurs ; ils ne relèvent

472 BIBLIOGRAPHIE.

pas de l'asile et ont hesoin d'être protégés contre leur prochain ;

l'instituteur et le médecin psychologue sont tout désignés pour

recommander cette protection et la rendre efficace.

M. \VYAZEMSK (de Saratow) rapporte l'observation d'une jeune

tille qu'il a, par la suggestion hypnotique, guérie d'une inconti-

nence des matières fécales consécutives à l'opération de l'anus

artificiel.

BIBLIOGRAPHIE

XIlI. - Extrait du compte moral et administratif pour l'année

190G de l'asile d'aliénés de l3oxneral (Eure-et-Loir), suivi du

rapport médical et de ses annexes concernant l'intoxication al-

coolique, par le Dr Déricq, médecin en chef-directeur. (Char-

tres, imp. Garnier.) .

Parmi les améliorations, signalons le creusement d'un puits

( ? 't m. 50) qui donne de l'eau de bonne qualité. La buanderie

s'ost construite et aménagée lentement. Sa mise en service per-

mettra un décrassage, un nettoyage et une désinfection régulière

du linge, en particulier de celui des gâteux dont le nombre aug-

men te.

Une disponibilité importante restera toute prête pour permet-

tre d'entreprendre, sans souci financier, les éludes du quartier à

construire pour les enfants des deux sexes si fâcheusement mé-

langés avec les aliénés adultes.

Le premier janvier 1\10(j, l'effectif de la population présente

s'élevait à 551. Il s'élevait à 505 le premier janvier 1007. C'est

donc, dans la population hospitalisée, une diminution de Ifi uni-

tés. La population, qui avait diminué en 1904, qui n'avait pas

augmenté en 1 ! 10j, a de nouveau diminué en 19011. Le désencom-

brement se poursuit régulièrement.

78 entrées ; 50 décès dont 10 par tuberculose. 31. Déricq a note

dans un tableau à imiter les épiphénomènes observés chez les

tuberculeux.

Le nombre des sorties a été de 44, dont 39 par guérison ou amé-

lioration, 9 sorties d'essai.

« J'ai noté avec le plus de soin possible, écrit 31. les

excès alcooliques et leurs conséquences mentales tant chez les

femmes que chez les hommes. Chez ces derniers, j'ai constaté

une potable augmentation dans le pourcentage que je poursuis

depuis 10 ans et qui, brutalement, vient continuer l'aggravation

brusque que je signalais l'an dernier.

bibliographie. ! 73

« 1G hommes terrassés par l'alcool sur 42 entrants donnent une

proportion de 38 %, exactement 38,095. La proportion de 190 i

était de 27 %, exactement ' ? riz1. Et encore suis-je au-dessous

de la vérité : des renseignements postérieurs. positifs, m'indiquent

comme s'étant livrés il la boisson, d'une façon avérée et prolon-

gée, 3 malades hommes entrés dans le cours d'une paralysie gé-

nérale avancée.

« Il n'est pas toujours facile ni même possible, au moins pour

certaines formes mentales, de faire à l'alcoolisme sa part. Il est

curieux, toutefois, de remarquer, et cela nettement depuis quel-

ques années, combien la notion de l'action méchante qu'exerce

l'alcool est devenue banale, mais il est non moins curieux de

voir que cette notion n'est pas encore devenue assez active pour

refréner les penchants et modifier les habitudes.Si bien que nous

n'en sommes encore qu'à cette période enfantine où l'on croit

que « péché caché est à moitié pardonné » et qu'en n'avouant

pas au médecin l'ingérence de l'alcool, il l'ignorera.

« La préoccupation sur ce point est même si vive, le souci de

ne pas laisser soupçonner « la tare alcoolique » est tel que les

questions sur l'hérédité restent moins souvent sans réponse et

que les familles aiment mieux dévoiler «la tare héréditaire »

que d'avouer l'imbibition alcoolique. Le pourcentage de l'alcoo-

lisme pour les deux sexes ne s'élève plus qu'à 20.512 %, en dimi-

' notion sur 1905 qui avait donné 24,719 %.

Une annexe au rapport médical comprend des statistiques sur

l'alcoolisme : 1° Intoxications alcooliques, causes exclusives de

troubles cérébraux chez les femmes, situation au 1 cr janvier

¡vomi ; 2° Même tableau pour les hommes ; 3° Alcoolisme compli-

qué de dégénérescence ou de débilité mentale ou d'hérédité al-

coolique ; 4° Même tableau pour les hommes : jo Intoxication

alcoolique cause déterminante des troubles cérébraux chez les

femmes ; ! l° Même tableau pour les hommes. Dans tous ces ta-

bleaux, M. Déricq indique la nature des boissons ; elles y figu-

rent toutes. Les renseignements sur l'absinthe sont insuffisants. ? Il. le Dr Déricq termine par une remarque générale concernant

les tableaux statistiques : « On trouve rarement, dit-il, une seule

boisson alcoolique préférée et partant responsable. Le plus

souvent c'est un mélange où il y a une dominante : l'<au-de-vic.

- De plus en plus s'ajoute l'absinthe (11. surtout), mais je n'ob-

serve pas ici de véritables absinthiques purs. Autre remarque.

Malades et entourage s'ingénient il dissimuler ou il nier les habi-

tudes alcooliques. On sait maintenant (c'est à ce qu'il me paraît,

ici, le seul résultat de la campagne contre l'alcool) que les bois-

sons alcooliques nuisent, qu'on est malade volontairement si on

en prend et... on nie, on dissimule... même dans les cas les plus

nets.» II.

474 bibliographie.

XIV. Rapport médical et administratif sur l'asile

d'aliénés de Sl.11nte-Callzerine (A ¡¡icI') pou l' l'année 190li par le D1'

31onestikr, médecin-directeur et le Dr. Vhunet, médecin-a l-

joint. Moulins. (Imprimerie r.ha l'Illei 1).

Existants au la'' janvier, 190(1 : 730; admis en 1906 : 149. C. esten

mai, juin et juillet qu'il yaeu In plus d'entrées. Sortis : 0 ? dont

19 par guérison el 28 par amélioration ; décédés 132, dont 4 par

tuberculose ; restants au 31 (lée. : 7'1'ï.Le transferts des (le

la Seine ont été suspendus.

« Nous signalerons, disent les auteurs, l'admission do 1 T \ ici 1 -

lards âgés de plus de GO ails. La plupart, atteints de démence

sénile ou organique, auraient pu être conservés dans les hospices

en y pratiquant pour eux un isolement relatif, les empêchant de

troubler le repos des autres malades.

Il résulte du tableau des entrées par profession qu'aucune pro-

fession ne meL à l'abri de l'aliénation mentale. Cependant l'on

considère que la population de l'Allier esLen majorité agricole,

il semble que les ouvriers des champs paient un tribut moins fort

que ceux qui, sisant surtout dans les villes, ont des professions

manuelles, commerciales ou libérales. Il faut, sans doute, unifia

l'influence d'une vie plus calme, des conditions d'hygiène difle-

rentes et surtout de la moindre fréquence des habitudes alcoo-

tiques».

Les cas de P. G. chez la femme tendent à se multiplier.

Parmi les maladies intercurrentes, notons 7 cas de tuberculose

pulmonaire.

« En l,lOf, la lièvre typhoïde avait fourni ni cas ; en 1\10,J, 52 ;

nous en avons enregistré, en 1900, 17 cas, dont G chez les llom-

mes et 1 1 chez les femmes.

L'hydrothérapie et la balnéothérapie ont élé employées aussi

largement que possible. Malheureusement, les salles de bains

sont fort mal installées, glaciales enhiver et impossibles àc))auf-

fer,ellessontinutilisahles pendantlesjomsfroids. (L'asile Sainte-

Catherine n'a pas le monopole de ces mauvaises installations mal-

heureusement. Elles nuisent an traitement, ce qui est préjudi-

ciable aux malades et aux financés.)

La division du service médical, sans distinction entre malades

aigus et malades chroniques, a été l'amélioration la plus notable

faite en 1 ! )00. «Depuis le 2j janvier 190(;, ce service est divisé de

la façon suivante, écrit 11. ulonesLier :

" Pensionnat et section des hommes, médecin-traitant : le di-

recteur-médecin ; llaut-Barrieux et section des femmes, mé-

decin traitant : le médecin adjoint.

« Grâce cette division, nous pouvons bien connaître tous

nos malades eL leur donner ainsi des soins plus efficaces. Nous

bibliographie. 471'} -)

n'avons eu qu'à nous louer de la détermination que nous avons

prise. C'est ainsi qu'ayant plus de temps à consacrer à chaque

aliéné, nous avons pu organiser méthodiquement une salle d'ali-

tement dans la section des femmes que nous avons désenculÍ1-

eu installant un dortoir dans la chapelle désaffectée.

Le médecin-adjoint s'occupe, de plus, du laboratoire, pendant

que le médecin directeur surveille et dirige la partie administra-

live et économique de l'établissement. De cette façon, la charge

est également répailie entre eux pour le meilleur fonctionne-

ment de tous les services.

Nos infil'miel'set. nos infirmières ont continué à se montrera la

hauteur de leur lâche ; les cas de fièvre typhoïde qui ont frappé

certains d'entre eux ^un infirmier et 2 infirmières) n'ont occa-

sionué aucune défection et nous n'avons jamais, en vain, fait ap-

pela leur bonne volonté.

Les excellents résultats obtenus par le partage du service entre

le médecin en chef el le médecin adjoint justifient, la mesure

que nous avons proposée au Conseil supérieur de l'Assistance

publique et que ce conseil a adoptés. Utilisation du médecin

adjoint ; entente vraiment confraternelle entre lui et son méde-

cin directeur. Celaexisteà l'asile de Moulins pour le plus grand

bien du malade. Ajoutons que le rapport que nous analysons

est signé de 31. le Dl ? lonestie[',I1lé ! lecin directeur et de 31.Vernet

médecin-adjoin Souhaitons qu'il en soit de même dans tous

les asiles.- Il.

XV. Alcoolisme et criminalité (Statistique) ; par Il. DENON,

médecin-adjoint des asiles publics. (Annales d'hygiène publique

et de médecin ? légale, juin 1907.)

1° Sur 24*13 alcooliques internés à l'asile de Ville-Evrard du

1er mai IS97 au 1'" juillet 1906 (alcoolisme proprement dit; 1710

(GS,59 %) etallrctions mentales avec alcoolisme, 783 ('il, 40 %)

nous en avons trouvé :

a) tt)u4 avec réactions criminelles, soit comme fréquence. Go, 74

alcooliques criminels ou capables de criminalité sur 100 alcooli-

ques proprement dits et :

b) 82') non criminels (33,25%).

2- La criminalité de l'alcoolique est soit, potentielle, soit efler-

tive ; potentielle parce que tout alcoolique est en puissance de

criminalité (91-),Ot %) , elfective quand le malade a été poursuivi i

ou condamné (4,98 %). La moyenne des alcooliques poursuivis,

mais internés, est de 2 ? 8 °. ; celle des alcooliques condamnés

puis une autre fois internés est aussi de 2,28 % ; quelques mala-

des sont tantôt emprisonnés, tantôt internés (0,42 %). ).

30 Toutes les variétés d'actes criminels peuvent être exécutées

par les alcooliques : .

47G varia.

a) dans le milieu familial :

Contre les personnes et les choses : menaces, 10,76 % ; vio-

lences, 1,03 % ; bris d'objets, 1,68 % : saisies d'armes, 3.hri % ;

homicides, 1 ,;¡(j %.

Contre lui-même : idées et tentatives de suicide, 15,86 % ; au-

to-accusation Ui8 %...

b) dans le milieu social : scandales, 8,47 ; fugues ou fuites

(soit inconscience ou subconscience, soit hallucinations et idées

délirantes) 17,66 % ; outrages à la pudeur, 0,81 % ; vols, 1,38%

incendies, 0,90 % .

4° Les modalités réactionnelles criminelles des alcooliques of-

frent relativement une grande variabilité chez le même individu

(l;j,2rJ %). Souvent, ce sont des alcooliques vagabonds 1,80 % ;

ou des alcooliques divorcés ou séparés, 3,Oti .

5° L'alcoolisme, supprimant l'activité volontaire, crée un milieu

essentiellement favorable à la germination de la criminalité :

l'alcoolique automate irresponsable, est en effet capable de tou-

tes les contraventions, délits ou crimes.

VARIA

Décret portant règlement du concours pour l'emploi

de médecin en chef des asiles publics d'aliénés de

la Seine.

Le Président de la République française, vu la loi du 30 juin

1 838, l'ordonnance du 18 décembre 1 839 ; vu le décret du 1er août

19011, sur la proposition du président du conseil, ministre de l'inté-

rieur, décrète :

Art.le. - Un concours sera ouvert toutes les fois qu'il y aura

lieu de pourvoir à un poste de médecin en chef des asiles pu- ! )lies d'aliénés de la Seine, à l'exclusion des postes de directeur-

médecin des colonies d'aliénés, dont les titulaires continueront a

être nommés comme par le passé.

Art. 2. Par mesure transitoire, un poste sur deux sera réservé

au sur et à mesure des vacances dans les asiles de la Seine aux

directeurs-médecins des colonies d'aliénés actuellement en fonc-

tions.

Art. 3.- Les concours, dont les opérations s'effectueront à Pa-

ris, par les soins de la préfecture de la Seine, sont annoncés au

moins six semaines à 1 avance par des affiches apposées dans cha-

que département au siège de la préfecture et, s'il y a lieu, à la fa-

culté ou àl'école de médecine et à l'asile départemental d'alié-

nés,

varia. " 47 ?

Art. 4. Sont admis à prendre part au. concours : 1° les di-

recteurs-médecins et médecins en chef des colonies d'aliénés de

la Seine et des asiles publics de toute la France ; 2° Les méde-

cins adjoints ayant subi avec succès le concours d'adjuvat, les

chefs de clinique de pathologie mentale et des maladies de l'encé-

phale à la faculté de médecine de Paris ayant été, par décisions

antérieures, assimilés aux médecins adjoints reçus auxdits con-

cours. Tous ces praticiens devront justifier de l'occupation effec-

tive pendant une période d'au moins deux années d'un poste, soit

dans les colonies d'aliénés de la Seine, soit dans les asiles publics

d'aliénés, et n'avoir pas dépassé l'âge de cinquante ans, à la date

de l'ouverture du concours.

Art. 5. -Les candidats qui désirent prendre part au concours

doivent se présenter à la préfecture de la Seine (direction des af-

faires départementales, service des aliénés, 1er bureau, 2, rue Lo-

bau, Paris) pour obtenir leur inscription en déposant les certifi-

cats ou diplômes constatant qu'ils remplissent les conditions d'exer-

ci e prescrites par l'article 4. Les candidats absents de Paris ou

empêchés peuvent demander leur inscription par lettre recom-

mandée. Toute demande d'inscription faite après le jour fixé pour

la clôture des inscriptions ne peut être accueillie.

Art. 6. La liste des candidats admis à prendre part au con-

cours est close trois semaines avant la date d'ouverture du con-

cours et arrêtée par le ministre de l'intérieur, après avis du pré-

fet de la Seine.

Art. 7. Dès que la liste des candidats est close, les membres

du jury.qui doivent être ainsi désignés conformément aux dispo-

sitions de l'article 9, sont tirés au sort par les soins d'une com-

mission composée d'un inspecteur général des services adminis-

tratifs du ministère de l'intérieur, président ; d'un délégué du

préfet de la Seine et de deux membres délégués par la commis-

sion de surveillance des asiles publics d'aliénés du département.

Chaque candidat peut se présenter à la préfecture de la Seine

pour connaître la composition du jury.

Art. S. - Tout degré de parenté ou d'alliance, jusque et y

compris le sixième degré, entre un concurrent et un des mem-

bres du jury ou entre les membres du jury donne lieu à récusa-

tion d'office de lapait de l'administration. Si les concurrents ont

il proposer des récusations, ils forment immédiatement une de-

mande motivée, par écrit et cachetée, adressée au préfet de la

Seine. Les candidats ont cinq jours à partir de la constitution

définitive du jury pour formuler leurs réclamations.

Art. 9. Le jury est composé comme suit : Un inspecteur gé-

néral des services administratifs du ministère de 1 intérieur, nom-

mé par le ministre, président. Un professeur ou agrégé choisi par

le ministre Se l'intérieur, sur une liste de trois noms présentée

par la faculté de médecine de Paris. Deux médecins en chef des

asiles publics d'aliénés de la Seine. Un médecin en chef apparte-

nant soit à la maison nationale de Charenton, soit aux quartiers

de l'hospice de Bicètre ou de la Salpêtrière, soit à l'infirmerie du

dépôt près la préfecture de police. Deux directeurs-médecins ou

z varia.

médecins en chef des asiles publics des départements autres que

la Seine ; deux suppléants, dont l'un pris parmi les médecins en

chef des asiles de la Seine, et l'autre parmi ceux des asiles des

autres départements.

Les listes des médecins parmi lesquels sont tirés au sort les

membres du jury, sont arrêtées par le ministre, sur la proposi-

tion du directeur dp l'assistance et de l'hygiène publiques, après

avis du préfet, et ne doivent comprendre que des médecins comp-

tant au moins cinq années de grade et n'ayant pas pris part aux

opérations du précédent concours, aucun juge, sauf le président,

ne pouvant faire partie de deux jurys consécutifs.

Sont adjoints au jury, avec voix consultative : lo chef du fier-

vice des aliénés de la préfecture de la Seine et le chef du fer bu-

. reau de la direction de l'assistance et de l'hygiène publiques au

ministère de l'intérieur. En outre, un secrétaire administratif est

désigné, par arrêté préfectoral, pour assister le jury dans les di-

verses opérations du concours.

Art. 10. - Si un membre du jury, pour un motif quelconque,

ne peut assister à une séance du concours, il ne pourra plus con-

tinuer à siéger dans le jury dudit concours ;mais le jury devra,

pour délibérer, être composé de cinq membres au moins :

Art. 11. Les épreuves du concours sont réglées de la ma-

nière suivante : 1° Une épreuve écrite de pathologie mentale. pour

laquelle il sera accordé quatre heures 2° Une épreuve clinique

sur deux malades d'un service d'aliénés. Le candidat aura une

heure pour l'examen des deux malades, vingt minutes de réflexion

et trente minutes d'exposition ; 3° Une épreuve écrite sur l'exa-

men de deux aliénés, dont l'un sera l'objet d'une consultation, l'au-

tre l'objet d'un rapport médico-légal. Usera accordé au candidat

trente minutes pour examiner chacun des malades,et trois heures

au total pour rédiger le rapport et la consultation ; 4° Une épreu-

ve écrite sur une question relative aux soins à donner aux diffé-

rentes catégories d'aliénés. pour laquelle il sera accordé deux

heures ; 5° Une épreuve de clinique médicale ordinaire, portant

sur un malade. Il sera accordé au candidat vingt minutes pour

l'examen, vingt minutes de réflexion et vingt minutes d'exposi-

tion ;G" Une épreuve sur titres. Les points de l'épreuve sur titres

sont donnés au début du concours (li.

Ar. 12. Le maximum des points attribués à chacune des

épreuves, est fixé à 30. Dans le cas où le nombre des candidats

ayant pris part aux deux premières épreuves est supérieur au qua-

druple du nombre des places, ces deux premières épreuves peu-

vent être considérées comme éliminatoires pour la moitié des can-

didats.

Art. 13. La police générale du concours est confiée au Jury

qui détermine, notamment, les règles à appliquer aux choix des

(1) Il serait peut-être hon de demander que chaque candidat don-

ne aux juges un exposé imprimé de. leurs titres et que ces exposés

soient 1 oljcL d'un rapport égal('lTIcnl 1m]11 imé fait part'un des juges.

Ce n'est qu'à cette condition que celte épreuve sera sérieuse et échap-

pera àla critique. Nous avons toujours plaidé pour t'iusoiptiou de

l'épreuve sur titres avec les mêmes obligation. (B.).

varia. 470 9

compositions, à la lecture et à la remise des copies, désigne les

services où doivent ètre subies les épreuves cliniques, fixe le choix

des malades qui seront l'objet de ces épreuves, et prend toutes

dispositions utiles pour assurer la régularité et la sincérité du

concours.

Art. 14. En dehors du jury et du secrétaire administratifs,

sont seuls admis dans les locaux consacrés aux épreuves écrites

les candidats appelés à prendre part au concours. Les épreuves

orales sont publiques (2).

Art. 15. A la fin de chaque séance, il est donné, publique-

ment, connaissance aux candidats du nombre des points qui leur

sont attribués.

Art 1G.- Les candidats qui ont passé avec succès les épreuves

du concours sont, en cas de plusieurs places vacantes, classés

par le jury dans l'ordre de mérite ; ils font alors choix des places

à attribuer, suivant leur ordec de classement.

Art. 17.- Les arrêtés préfectoraux investissant les intéressés

de leurs fonctions, les arrêtés ministériels déterminant le traite-

ment a leur allouer et la date de leur entrée en fonctions, sont

pris dans les mêmes formes que les arrêtés relatifs aux médecins

des asiles des autres départements.

Art. 1S.- Les frais du concours sont à la charge du départe

ment de la Seine. -

Art. l'J. - Sont abrogés les arrêtés ministériels des 31 juillet

et 11 septembre l'J07,et toutes dispositions contraires au présent

décret.

Art. 20. Le président du conseil, ministre de l'intérieur, est

chargé--de l'exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 12 décembre 1907. A. FALLIÈRES. Par le Prési-

* dent de la République : Le 'président du conseil, ministre de l'in-

térieur, G. Clemenceau.

A'propos d'un diplome de médeein-ali éniste ;par le Dr (Méeus S

Journ. de Neurologie, 1907, n° 14.)

Le médecin d'asile, dit IL Méeus, a non seulement en mains

la santé, mais aussi la liberté et les droits civils de ceux qui lui

sont confiés. Les conditions mêmes de la vie médicale dans les

asiles exigent des garanties spéciales d'honnêteté et de science

professionnelles. Ces garanties pourraient êtie assutées par un di-

plôme spécial ; il convient donc de demander aux pouvoirs publics :

1" que des cliniques psychiatriques largement organisées permet-

tent, dans les Universités belges, un enseignement méthodique et

suivi de la médecine mentale ; 2° que de tout pustulant d'une place

dans un asile, il soit exigé des garanties de compétence profession

nelle, notamment le diplôme spécial. G. D.

Sur la formation du. caractère ; discours adressé au personnel de

gardes-malades de la » Retreat» de York ; par BEVAN Lexis.

(The Journal of mental Science, janvier 1907.)

Dans ce discours l'auteur, en des paroles élevées, explique aux

480 BULLETIN bibliographique

gardes-malades les qualités morales qu'il leur convient de cher-

cher à acquérir en dehors même de la compétence professionnelle,

afin de concourir plus efficacement encore au bien des malades et à

leur propre élévation morale, et, par suite, sociale. R. M. C.

FAITS DIVERS

Les aliénés en liberté

Sous ce titre : « Un Canton désorienté », l'Aurore du 21 septem-

bre publie le récit ci-après : « Depuis sept mois, le riant canton

d'Anizy-le-Château, dans l'Aisne, vit sous le poids désagréable

d'une terreut chronique. En février, un dangereux bandit, moi-

tié déséquilibré, moitié conscient, Lefèvre, dit Braant, s'échap-

pait de l'asile d'aliénés de Prémontré. Depuis, il vit dans les bois. On

ne sait au juste de combien de vols à main armée, avec effraction,

par escalade, de viols. de rapines, attentats au moeurs, poursuites

de paysans attardés, il s'est rendu coupable. Le maire d'Anizy

ne sachant à quel protecteur se vouer, fait appel au public et pro-

met cent vmgt francs à qui lui amènera le monstre. »

Nouveau journal. Nous venons de recevoir les fascicules

1 et II des Annali ciel llanicomio provinciale di Perugia, dirigés

par le professeur Césare AcosTiNr. Trimestrial-Perugia-Typogra-

fia giu Santurci, 1907.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Repolis of the sociely /or Ihe sludy of rliscnse in children. Vol. \'11.

1 vol. in S° de 304 pages. Carpenter Editor, il Londres, 7, Greal llal-

borough Streel.

l3m.r-S.asuLt : . - La folie de Jésus. 1 vol. in-So de 295 pages. Ma-

loine, éditeur, 2ti, rue de l'Ecole-dc-Médecine.

Perreau (E.). Etements de jurisprudence médicale. 1 vol.

in-80 de 190 pages. Prix : 8 fr. Librairie générale de droit f : t, de juris-

prudence, 2U, rue Soul'l1ot.

Le Gendre et 13noCa. -'l'railé. pratique de thérapeutique in l'an z

Lile méclico-chirurgicale. 1 vol. irt-S° Ue70 pages. l'rtx : 15 l'r. Librai·

rie SLeinlicil, 2, rue Casimir-Delavigne.

Terrien (I : ) -1'récis d'alimentation des jeunes enfants. 1 vol.

petit in-S° de 356 pages. Prix : 4 fr. Librairie Sleinlreil, ? , rue Casimir-

Delavigne.

Le rédacteur 'gérant : 130UnNE\ ILLI : .

Clermont (Oise). imprimerie Daix frères et 1'hibou.

TABLE DES MATIÈRES

Aiicès. Les.- du cerveau d'ori-

gine otique, par Caussade,

\Vieart et Milliet, p. 380.

Acétonurie. Voir confusion men-

tale. -

Acide gymnemiquc. Abolition

des illusions du 8odt ltar l'eut-

ploi local de 1' , par Bellelrud

et \Iercicr, p. 158.

.CIIOnn01'L.1SI1·..VOIl' C(Illl(S(01l

mentale.

Acroméc.ai.ie. Un cas d' avec

li·sion de l'hypohhysc ct de la

selle turcique, .par Gausse),

p.7-1.-s : lns gigantisme ayant

débuté avant vingt ans, par

- - Claude, p. 38.1.

Agénésie totale du système ra-

dial, par Français et Kgger, p.

73. Un cas d' cérébrale par

'transformation kystique du

cerveau pendant la vie intra-

ulérinc, p.tr l.ong cL \Vil : i.

Alcoolisme et criminalité, par

Benon, p. 175.

Aliénés. Lcs interprétations

dl'lirantes chez les - l1Prsécu-

tés non hallucinés, par Cour-

bon, p. 82, 87. Le placement

des difficiles, par Vigouroux,

p. 83. par Colin, p. 84, 86, 87.

Les en liberté, p. OS, 251,

317, -I80. Hôpital départemen-

tal d' de Sainte-Gemmes, p.

104. voir asiles. ?

Amnésie. L' au point de vue

séméiologique et médico-légal,

par Dromard et l.evassort, p.

389.

Anormaux. Les pauvres, par

Hurtrea, p. 93. Les dans

l'antiquité, par F. Régnault,

p. 93.

Anxiété morphine et démence,

par Mézie, p. 212.

Aphasie par surdité verbale ; par

Schwartz, p. 75. Les - musi-

cales, par Ingcgnieros, p. 75.

Sur un cas d' apraxie, par

Archives, 3* série, 1907, t. II

Hollander. p. 76. Du siège ana-

tomique de l' -, par )Iahaim,

p. 208. - motrice avec trou-

bles psycho-sensoriels au cours

de la démorphinisation, par

Bellelrud, p. 386. L. motrice

et sa localisation corticale, par

Déjérine, 1). 386.

AplI S¡Q¡1E. Présentation d'llll-

sensoriel, ancien professeur de

musique, par Lamy, p. 167.

Apoplexie bulbo-protubran-

ticlle circonscritc, à la suite

d'une émotion provoquée par

un traumatisme, par Rose et

Lemailrc, p. 303.

Apoplexie cérébrale. Voir Xys-

lugmus. -

Apraxie et démence, par Vloct,

p. 81.

Aroyll-Robertson. Voir Syrin-

gomyèlie.

Arriérés. La lecture chez les-,

par Quinque, p. 93.

AUTIIHOPA TIIll : sséniles des doigts

par Parisot et Etienne, p. 74.

Forme ostéo-hypertrophique

d' tabétique, par Klippel et

Monier-Vinard, p. 166. tabé-

tiques localisées par des trau-

matismes, par Claude, p. 303.

Asiles d'aliénés de Sainte-Ca-

therine à Yzeure, p. 168. --

mouvement d'août, p. 176.

mouvement de septembre,

et d'octobre, p. 318. - - ac-

crutetnent des médecins, p.

199. de la Seine : concours

p. 319. de Rodez, p. 371.

de Mombello, par A.. \Ia-

rixe, 1). 144

Assistance. Voir Enfants.

Association. Voir Médecins.

ATASIE-AI3.\.SIL choréifornle, par

Lejonne et Chartier, p. 380. @

1'l'Aa : des muscles oui110-1110--

teurs et paralysie oculaire dans

un cas de tabès juvénile, par

Gantonnct, p. 166. - oculo-

31

482.

TABLE DES MATIERES.

motrice d'origine labyrinthique

dans le tabès, par Etienne, lt.

212. Voir Empoisonnement.

o\TIILrtO\II ? . Voir Mélancolie.

Atrophie. Sur l'étiologie de l'-

musculaire progressive spinale,

par Vilclc, p. 72. - musculaire

progressive d'origine myclo-

pathque, par Leclerc et Rou-

bicr.

Arthrite. Deux cas d' réflexe

d'origine nasale, par Bonnier,

p. 168.

Audition et clignotement réfle-

xes, par Sabrazès, p. 364.

Auras. Les - visuclles des élu-

leptiques, par RodicL et Cans,

p. 177.

Auro-suggestion. Education de

la volonté et de l'intelligence

par l' -, par Coste de La-

grave, ? .471.

Aveugles. Considérations sur

l'éducation des -, par Mulot,

p. 92.

H sEDOw. Voir Troubles men-

taux.

B 11< ÉDiCKT. Syndrome de ? -,

par Lévi et Péchin, p. lfiG.

par Itochon-

et A. Weill, p. 405.

1311O\\'1<-SÉQuAHn. Sur les varié-

Lés en largeur» du syndrome

de -, par Klippel et Cha-

brol, p. 384.

C¡';1<ESTl ! OPATIlIES. Les -, par

Dupré et Camus, p. 208.

Centres nerveux. Voir Hystérie.

Cervelet. Voir Encéphalite.

CfUROMÈGALiE. Voir Syringomyé-

lie.

Clignotement. Voir Audition'

Colonies familiales. Voir Enfants

arriérés.

Caun. Rupture du-, ralentisse-

ment du pouls, crise épilcpti-

forme ; importance pathogéni-

que des lésions cardiaques, par

Oulmont et Léon, p. 377.

Concours d'adjuvat des asiles

publics d'aliénés, p. 397. - au-

nuel de l'internat en médecine

des asiles de la Seine, p. 398.

Décret portant règlement du

- pour l'emploi de médecin en

chef des asiles publics d'alié-

nés de la Seine, p. 476.

Confusion mentale. De la ai-

guë et de ses particularités

chez les soldats russes, par Sou-

khanoll, p. 79. - - chez un

achondroplasie. Glycosurie.

Acétonurie. par Chaumier el

1). 1-12.

Congrès des médecins aliénistes

et neurologistes, p. 110. - in-

Lernalional de psychiatrie, p.

21.1. Le troisième - interna-

tional pour l'assistance des alié-

nés, p. 249. Le - de Genève-

I.-111%'ilille ; l'expertise médico-

légale et la question de respon.

al)ilité, par Farez, p. 307.

Rapport sur le programme du

- pénitentiaire international

de Washington, en 1910, par

Magnan, Monod (II.) et Motel,

p. 452.

Crânes. Sur la croissance des

crânes microcéphales,par Vogt,

p. 57.

Croissance. Voir Crânes.

Crampes de la nuque comme

analogues a la crampe des écri-

vains, par Nackc, p. 68.

CnAXtHCToMtE. La chez les

enfants arriérés, par Quinque,

p. 93.

Criminalité. Voir Alcoolisme.

Crises d'anxiété avec intpossibi-

lité de garder la position assise

ou d6 rester immobile dans la

position verticale persistant

depuis cinq ans chez un jeune

garçon, par Francotte, p. 462.

Dégénérés. Les dans les ba-

taillons d'Afrique, par Jude,

p. 310.

Dégénérescence. Voir Moelle.

Délire des préjudices prcscniles

par Pascal et Courbon, p. 77.

chronique par hallucina-

tions psychiques, par Mar-

chand, p. 85. Sur un cas de à

deux avec modes de début et

de collaboration un peu spé-

ciaux. Intoxication suraiguë

par l'alcool à brûler chez l'une

des codctirantcs, par Cléram-

bault, p. 321. Un cas de délire -

d'interprétation, par Bénon,

p. 317. Sur une forme de am-

bulatoire automatique cons-

cient chez dcs épileptiques, par

Glande et Baudouin, p. 460.

TABLE DES MATIERES.

483

Démence. Les fugues dans la- 1

précoce. Revue générale, par

DucostC, 1>. 77, - précoce.

Voir7f/t;s.VnirApt'n.t.fe.

Des lésions analomiques attri-

buées à la précoce, par Ri-

che,. Barhé et Wickersheimer,

p. 185. Voir Anxiété. Contri-

bution à l'étude anatomo-pa-

Uiologiquedciaprécoce,

par Zaptachta, p. 301. La pé-

liodemedico-Iegateprodromi-

que de la précoce, par An-

theaume et \liSnot, p. 458.

Dll'LlèGIE cérébrale intanLile à

type pseudo-bulbaire, par A.

Delille cl Mlle Giry, p. 303.

Diplôme. A propos d'un de

médecin aliéniste, par Méeus,

p. 179.

Distinctions 110\OIiIL'I()UI'sS, p.

319.

Dysenterie. Voir Sérothérapie.

Ecchymoses spontanées zoni-

formes, par Etienne, p. 212.

ECORCE CÉRÉBRALE. L' - par

Bonne, p. 169.

Education. L' des pupilles

difficiles ou vicieux, de l'A. P.

'1W B. Pastré. p. 212.

HpAXCttEMEXT.Voir7 ? nc)fe.

lml.r.rslr ct stupcur sy nllttonta-

tique d'un glio-sarcome du 10-

bule spliénoiclal cher un chien,

1)ar \larch.lncl eL l'elit, p. fi3.

Anatomie pathologique et pa-

thologie de 1' , par Turner,

p. 65. à symptômes unilaté-

raux, par Bratz et Leubucher,

p. 72. ou hystérie, par Pa-

mart, p. 90. L' expérimen-

tale, p. 113. expérimentale,

par Habinovitch, p. 162. Sm

deux cas d' jacksonnienne.

par,Durand, p. 378. - Voir

Idiotie. Contribtion à l'étude du

traitement de t ? parIIey-

ninx, p. 450.

Etats dépressifs. Sur la combi-

naison (.les - - aigus avec

processus psychiques obsé-

dants ; par SonkhanofI, p, 76,

Les afiectifs neutres, par

Lionel Dauriac, p. 91. de

mal cpileplique. Voir Idiotie.

de mal épileptique. Voir

Ponction lombaire.

Empoisonnement par les ho-

mards conservés en boîtes.

Alaxie aiguë, polynévritique

associée ài l'aconcvrite. Trou-

bles partiels de la sensibili-

té 'articulaire. Guérison par

Stcherbak, p. 401.

Encéphalite aigué et cicatrice

apoplectiforme du cervelet.

aiguë non suppurée, par Char-

lier, p. 371.

Enfants arriérés. Du placement

des -- dans les Colonies fa-

miliales, par Truelle, p. 1. Les

- indisciplinés, procédés mé-

dico-pédagogiques qui leur sont

applicables, par Bérmon. p. 91.

Voir Crnn7er,lont7e. De l'ab-

solue nécessité de^l'assistance

des - anormaux et de ses ré-

sultats au point de vue social,

par M. Royer, p. 238. - anor-

maux. Inspection médicale des

Ecoles de Bordeaua, p. 398.

Ewucntsnrc et érotisme, par

Marie, p. 79.

Erotisme. Voir 77f17)L ! (Sf77C.

Epileptiques. Voir Auras.

EUI3. Un cas de maladie d' -, par

Kuoblauch, p. 381.

1ac11>nrs de la région sacrée et

méningite cérébro-spinale pu-

rulente, par Pachantoni, p.

296.

Expertise \I1.1)ICO-LÉG1LH. -

et la question de la responsabi-

lité, par G. Ballet, p. 115, par

Grasset, p. 117, par Farez, p.

166. La nécessité de 1' - -

contradictoire, par Archam-

bault, p. 131.

-Experts-médecins. Le témoi-

gnage des - par Clark Bell,

p. 128.

Extase. L' - religieuse, par

Brola, p. 89.

Fatigue. Voir Xelll'Ones.

Fémorale. La dénudation de la

- dans le traitement du mal<

perforant plantaire, par Rheu-

ler, p. 456.

Fibres. De l'influence de la sec-

tion expérimentale des racines

postérieures sur l'état des neu-

rones périphériques. Contribu-

tion à l'étude des centrifu-

ges des racines postérieures,

par Roux et ileitz, p. 63.

Fièvre. Sur deux cas de - hvs-

484

TABLE DES MATIERES,

torique, par Issmlowilch-Dus-

cian, p. 375.

I·'or.tc. Dc l'involution résénilc

dans la - maniacluc dépressi-

vc, par Ducostc, p. 83.

Fonction nerveuse. Sur la --

trophique, par Trendelenburg,

p. 57. Sur une localisation de-

cérébrale, réponse au Dr Sa]m

Bolton, p. 62.

Fracture. Epanchement san-

guin sous-dure-inerien par frac-

ture du crâne, par Gabourd,

p. 237. Sur des symptômes

moteurs anormaux dans le do-

maine des ncrfs crâniens. après

- de la base du crâne, par

Ruml : e, p. 383.

Fugues. Voir Démence précoce.

Ganglions. Voir Tabès.

Gangrené. Voir Mélancolie.

symétrique,par Raymond et

Gougerot, p. 165.

Génie. La genèse du-par : \1111'

Robinovitcb.p.228.

Genou. Sur l'absence unilatérale

et sur la réapparition du phéno-

mène du genou, par Wclirung,

p. 58. Tabes dorsalis et le phé-

nomène de l'angle du , par

Orschansky, p, 59.

Gigantisme. Etude compiemen-

taire sur un cas de précoce.

Contribution à l'élude de l'os-

sification, par Iludovernig, p.

7.1.

(LIO-s.InCOW li. \'oir l : pilepsic.

Glycosurie. Voir Confusion

mentale.

Grenouille dans l'intestin. Gué-

rison par suggestion due a l'em-

ploi d'images radiographiques,

par Bousquet, p. 455.

Hallucinations. Sur les gra-

phiques cincsthésiclucs, par

Varquliès, y. 77. 1es-dans la

paralysie générale, par Ducos-

té, p. 100.

11> : wnTOwLt.n : . Sur uu cav Uc

maladie des plongeurs chez un

scaphandrier pêcheur d'épon-

gés, par Bondet et Piéry, p. 232

II ? M lA 10XIE et h{'mialhélose

Iwull1atiques, par Dupré el

l.cntuirc, p. 1G7.

1 JJlIATII(;TOSE. Voir llérnio-

taxie.

1 [b ! ! CIIOIl ÉE post-hemiptegique

alterne, par Dupré et Léger,

p. 167.

1 [É)IOI\J\IIAGIE. Deux cas d' -

prolubéranlicllc. I typcrthcr-

mie. Mort rapide par Marie et

1'10uLier, p. 73. -, Voir lIé/ré-

cissement milral.

JIÉHLDO-TUBEncULOSE et idio-

ties congénitales, par Anglade

et Jaduin, p. 959.

Homards. Voir Empoisonnement.

HvnutnsTnÉhtngastriquectcpi- ! epsie, par Bohin, p, 379.

1 IVl'EHES111 É'IE cn pathologie

générale et en clinique, par

Le\'en, p, 378.

1 Ivrao'r csnrL. 1.' -- cl.ins l,t W(ri-

lité, par Joire, Ir. 93.

Hypoesthésie. Sur 1'- de, por-

tions périphériques du champ

visuel, par Pick, p. (j ! 1.

Hypophyse. Voir Tumeurs.

Hypothermie. Trois cas d' -

d'origine nerveuse, par Mar-

chand et Olivier, p. 156.

Hystérie. Voir Elnlflstc. Défi-

nition et nature de l' -, par

Claude, p. 143. et troubles

trophiques. simulation, par

Brissaud et Sicard, p. 167.

Voir5t7</f/cs/fO/t.Anatontiepa-

thologique de l' -, par Claude,

p. lfi8. L' - nraladic mcntalc,

par l ? Janet, p. 218. La nature

clc l' -, par .Ioirc, p. 221. Gué-

rit-on l'hystérie, par Terrien.

p. 227. et sommeil, par Paul

Sollier, p. 228. Voir Trou-

bles. Définition et nature de

l' -, par Crocq, p. 365. Exa-

men des centres nerveux dans

deux cas d' -, par Claude, p.

371. Considérations générales

sur l' -, par Rav inond, p. 372.

Des principaux signes objectifs

que la volonté, la suggestion et

l' ne peuvent reproduire,

par Charpentier, p. : n6.

Hystériques. L'ne - incendiai-

re pendant l'état, somnambu-

lique, par Cullerrc, p. 97.

Ictus. Les dans la démente

précoce, par Pascal, p. 80. '

Idiotie. Le pronostic de) ?

par Voisin, p. 92. Nouvelle

communication sur une forme

particulière de l' -, par Spiel-

TABLE DES MATIERES.

- 18G

meyer, p. 361. - congénitale

aggravée par des convulsions

portant sur le côté droit. Signes

de méningite. Epilepsie. Mort

en état de mal. Sclérose atro-

phique et méninge-encéphalite

de l'hémisphère gauche, par

Bourneville et '.NI. Boyer, p.

119.

Incontinence nocturne. Con-

tribution <t l'étude de 1' - ,

par Perrin, p. 375.

Infanticide. L' chez les ani-

maux, par Lépinay, p. -170.

Infirmières. Le service des

hollandaises à l'asile Fort Jaco,

par Ley et Sano, p. 201.

Injections. Action des intra-

musculaires de suc de substan-

ce grise dans les insuffisance

de la cellule cérébrale, par Ré-

monel et Voivencl, p. 86. Dan-

ger des d'alcool dans les

nerfs sciatiques au cours des

névralgies sciatiques, par Bris-

saud, Sicard et Tanon, p. 166.

- arachnoïdiennes de fibrolysi-

ne dans le tabès, par Lhermitle

et F. Lévy, p. 303.

Interprétation délIrantes. Voir i,

Aliénés.

Kleptomanie chez une hystéri-

que ayant présenté à différer-

tes époques de son existence

des impulsions systématisées

de diverses natures, par Ber-

nard Leroy, p. 211.

Larmoiement. Le volontaire,

. par F. Régnault, p. 306.

Lèpre. Voir Syringomyélie.

Lésions. Voir Zona. anatomi-

ques. Voir Démence.

Lipomatose symétrique eL-pé-

riostidue, par \Iayct, p. 362.

LOlm frontal. Voir Troubles.

Localisations, motrices corti-

cales. Voir Sclérose. -

Loi. La révision de la de 1838

au Sénat, p. 95. Les praticiens

et la nouvelle sur les aliénés,

par Granjux, p. 461.

Mal de POTT. Les accidents ner-

veux du -- chez les adultes,

par Alcluicr, p. 374.

Maladies nerveuses. Les - -

dans la pratique journalière,

par Charpentier, p 372. Quel-

ques points du traitement pré-

coce des maladies mentales et

nerveuses (principalement en

ce qui concerne les pauvres),

par Ilclcn Boyle, p. 453.

Médecins. Les retraites des

d'asiles. Un acte officiel. Un

précédent à invoquer, par De-

warte, p. 199. La loi Dubief et

la résidence des d'asiles, par

.f. Lépine, p. 278. Association

des établissements publics

d'aliénés, p. 307. Retraites des

- d'asile, p. 312.

Mélancolie sénile, athérome

aortiquc et gangrène symétri-

que des membres inférieurs,

par Deny. p. 84.

Méningite. Certains éléments

diagnostiques et pronostiques

de la cérébro-spinale tirés

de l'examen du liquide cépha-

lo-rachidien, par Sicard et Des-

comps, p. 159. clironiquc

syphilitique tardive, par Bal-

let et Valensl, p, 303. A propos

du traitement des otiques.

suppurées, par Lapointc, p.

372. Voir Idiotie.

II : \I\GO-CÎ : R);17BL1.1TI : . Voir

Paralysie f/e; ! ft«<e. Voir Idio-

tie.

Miracle. Le et la critique his-

torique, par Saint-Yves, p. 91.

Moelle. Recherche sur la dégé-

nérescence de la -, par Mari-

nesco et Minea, p. ()2, Des alté-

rations de la épinière chez le

lapin sous l'influence de la N i-

bratiou intensive. Valeur dia-

gnostique du clonus vibratoire.

Contribution à l'étude de la

commotion de la épinière,

par Stcherback, p. 371. Coin--

pression de la et de la queue

de cheval, par Claude et'l'ou-

charcl, p. 465.

Monoplégie crurale. Lésion cé-

rébrale congénitale, par Long,

p. 303. brachiale droite, par

.\lquier et Cio, ini. p. 301.

\LoRrum. Voir Anxiété.

Mucker. Les de Koenigsberg,

par \Vitry·, p. 94. ` ,

\Irf : LOV L.cIL chez un opéré

d'un néoplasme ulcéré de la

verge,par Alquier et \icndicini,

p. 304.

486

Myopathie atrophique progres-

sive ou myotonie améliorée

par l'oltolhérapic hvpophvsairc

par Léopold Lévi et 1 de

Rothschild, p. 165.

Myosclérose atrophique et ré-

lractilc clcs vicillards,ltar Du-

pré et Ribierre, p. 162.

Myotonie. Voir Myopathie.

Nécrologie, p. 320, 400.

\r : m : s. Iecherches ey·périmen-

tales sur l'anatontic et la phy-

siologie des racines postérieures

desrnehi(tiens.Communica-

tion préliminaire, par Kopcz-

ynshi,lt.55.-scialiclucs. Voir

Injections. Crâniens. Voir

fractures .

NEltVOSIS\1E thyroïdien. Formes

cliniques, pm'L. Lévi et 1 I. de

Rothschild, p. 1 t 1. '

Névralgies sciatiques. Voir ?

lections.

Névrite. Un cas de ascendan-

te, par Aynaud, p. 166. Cas

de parenebymateuse et de

compression dans le rocher,

produisant le spasme facial,

dans lcs cas de paralysie facia-

le, par Thomas, p. 465.

Neurasthénie. Les affections

qu'on confond souvent avec la

, nécessité d'un diagnostic

précis préalable pour instituer

un traitement rationnel, par

G. Ballet, p. 380.

Neurasthéniques. Voir Psycho-

thérapie.

Neurones périphériques. Voir

Fibres. La théorie des -, la fa-

tiguc, le repos et le sommeil,

par Bevan Lewis, p. 365.

Noyaux moteurs. Que devien-

nent les après lésion des

n. pér. et sur le rôle des d'E.

\1'. par Blaclt, p. 299.

Nystagmus. L'existence du

dans l'apoplexie cérébrale, par

Souques, p. 405.

Névroses. Quelques remarques

sur les par Withem-Specht,

p. 370. Sur la symptomatologie

de la , par Rosenféld, p. 382.

- d ltsycho-névroses, par Ray-

mond, p. 401.

TABLE DES MATIERES.

Obésité familiale, par Rose. p.

385.

OEDÈME. Sur un cas d' - Ù é\ 0-

lution d'apparence spontanée

chez un paralytique général,

par Dromarl el Dalnias, p. 48.

chronique unilatérale, par

IClihltcl et \Ionicr-\'inarcl, p.

105.

Opothérapie. Voir Myopathie.

OrnTm.wor ? ctr. Un cas d'

unilatérale totale et complète

avec cécité du nume côté, par

130uclwud, p. fi8.

Orteils. Contribution à l'étude

du phénomène des -, par Noi-

ca. p. 166.

Paralysie générale. Voir Trou-

bles. La générale progressiv e

el la folie alcoolique en Grèce,

par Yanniris, p. 157. La mé-

ningo-cc]'6bc])c dans la gt'-

n(·rale,par\nglaclecl T.atreille,

p. 164. - allerne assoeiée il un

syndrome spasmodique dû pro-

bnblcmenl il une lésion du fais-

ceau génieulé, par Claude et

Lejonne, p. 167. Sur les suites

éloignées des oculo-molri-

ces, par Antonelli, p. 209. de

l'élévation des globes oculaires

pour les mouvements volontai-

res ; intégrité des mouvements

réflexes, par Cantonnl'l el Lau-

dolt, p. 303. myélopathique

des vil'illards ; p : 11' Lhl'rmille

et F. Levy, p. 303. iSolée du

muscle grand dentelé, par

Claude et Descamps, p. 37 1.

ancienne de la branche, tem-

porale du nerf facial consécuti-

ve à une incision d'abeesden-

taire, par Bicbclonne, p. 378.

Sur un signe de - orgnnique

du membre inférieur, p : 11' Noiea

et Cohen, p. 379. Traitement

des diphtériques par le se-

rum dc lioux, I>..155. - ytui

raie. Voir Hallucinations.

Paralytique général. Voir é1 £ d"-

tnc. Voir Yeux. -

Paraplégie spasmodique fami-

lialc, har Gourlcllemonl, p. 213.

Les organiques des vieillards,

par l.e,jonne cL I,hcrntitle, 1. : ! 85.

Parésie. Double des exten-

seurs de l'avant-bras chez un

enfant dégénéré, débile, cata-

TABLE DES MATIERES.

487

tonique, par Armand Dèlillc,

p. 165. Voir Spasmes.

Pédagogie. La - à l'avance-

ment des sciences, par Béril-

lnn, p. 307.

Pellagre. Note sur l'état actuel

de la dans les Landes. Un

cas de - avec confusion men-

tale slupide, par Régis, p. 385.

Pemphigus hystérique. Com-

munication sur le , par

Raymond, p. 466.

Perversions sexuelles. Con-

tribution à l'étude des - -

par Stcherbak, p. 257.

Phénomène. Voir Genou.

Phlébite infectieuse du sinus

caverneux, par Ycrsin, p. 63.

PtivsioxoMiE.La humaine.

Son mécanisme el son rôle so-

cial, par Waynbaum, p. 387.

Plaies. Quelques types de pé-

nétrantes du. crâne par les pro-

jectiles modernes, par Mati-

gnon, p. 64.

Ponction lombaire. Voir Rhuma-

tisme. et eyto-diaqnostic,

importance de la numération,

par Lamelle, p. 454. Un cas <;

d'état de mal épileptique, trai-

té par la par Pichenot et

Castin, p. 454.

Poliomyélite' diffuse subaigué

de la première enfance, par D.

Delille et Boudet, p. 73. an-

térieur aiguë, par Huet et Le-

jonne, p. 303.

Pseudo-torticolis mental, par

Dufonr el Foy, p, 464.

PsYciiATHÉNiE.La ; leçons par

Raymond, p. 158.

Psychiatrie. Grundzuge der -,

par Eschle, p. 136.

Psychoses. Les périodiques,

par Antllcaume, p. 132. Sur les

d'origine cardiaque, par

François et Dareunne. p. 139.

périodiques. Périodicité et

alternances psychiques, par

Pailhas, p. 462.

PS1'(;IIOTIIl : nPIT.. La chez les

neurasthéniques, par Hartem-

berg, p. 210. Faits de - hypno-

tique, par Domingos Januaribe,

p. 307.

Pupille. Sur l'immobilité réflexe

de la et sa localisation, par

Blach, p. 300. Ihitl., par

Bumke, p. 300.

Racines postérieures. Voir

Fibres.. M, 1

Radiculite lombaire, par Jean-

selme et Sézary, p. 168.

Radiothérapie et syringomyé-

lie.

Rapportmédical sur le service de

la division des femmes de l'n51-

le de Clermont, par Boiteux,

p. 240. sur le même sujet

(hommes), par Tllivet, p. 241.

de l'asile d'aliénés de

Rennes pour 1906, par Sizaret,

p. 396. -. Voir Congrès. Ex-

trait du et administratif

pour l'année 1906 de l'asile

d'aliénés de par Dé-

ricq, p, 472. - sur l'asile d'a-

lténés de Sainte-Catherine (Al-

lier) pour 190G, par Monestier,

p. 474.

Rayons X. Effets des sur la

moelle et le cerveau après la-

minectomie et craniectomie

chez le chien, par Sicard et

Bauer, p. 159. ,

Réaction. Voir 11'erl1lcke. Le

mécanisme de la électrique

de Jolly, p. 362. Sur l'examen

des pupillaires, par Hed-

daeus, p. 367.

Réflexe. Sur le de Schaefer,

par Lasarew, p. 54. Sur le'- du

dos du pied, par Kurt, Mendel,

p. 54. Sur les rapports des

cutanés avec la sensibilité, par

Noica, p. 61. 1.

Repos. Voir Neurones.

Responsabilité. La étude

psy cho-physiologique, par Mai-

ret, p. 311. Voir Expertise.

La - dans le droit romain, par

Bénllon, p. 468.

Responsabilité. La -, par

Mniret, p. 393.

Rétrécissement \IIT ! 1 \I.. Co-

existence d'un et d'une

hémorrhagie cérébrale, par Bé-

riel et Savy, p. 235.

Rhumatisme. Sur un cas de -

cérébral, recherches bactériolo-

giques, ponction lombaire, par

et Jambon, p. 234.

SAI,-IION. \'oir .Syphilis.

Schaefer. Voir Réflexe.

Sclérose en plaques et syphilis,

par Catala, p. 73. Contribution

analol11o-pnthologique à l'étu-

488

TABLE DES MATIERES.

de des localisations motrices

corticales. A propos de trois cas

de latérale amyotrophique

avec dégénération de la voie

pyramidale suivie au Marchai

de la moelle au cortex, par

Rossi et Roussy,lt. 140. Deux cas

de latérale amyotrophique

à début tardif, par Rossi et

Roussy, p. 168. Etude, clinique

et anatomo-pathologique d'un

cas de en plaques, par Ray-

mond et Guérava-Rajas, p. 387

atrophique, voir Idiotie.

Sérothérapie. La dans le

traitement de la dysenterie ba-

cillaire, par Vaillant et Dopler,

p. 455.

Sérum de Roux, voir Paralysies.

Sels. Voir Tétanie.

Sensibilité. Voir Réflexes.

Sinus caverneux. Voir Phlébite.

SOCIÉTÉ \IÉDICO-PSYCIIOLOGI-

QUE, p. 82.

Sommeil. Un de trente ans,

par Farez, p. 94. voir .\'eu-

rones.

SPASMES et parésie dans le terri-

toire du facial, par Thomas,

p. 167.

Stérilité. Voir Hypnotisme.

Suggestibilité. Le diagnostic

de la -, par Bérillon, p. 90.

Suggestion. Voir Timidité.- et

hystérie, par Babinski, p. 167.

Faux cas dé mentale, par

F. Régnault, p. 305. Action de

la sur la longévité, par Clark

Bell, p. 306. et hystérie.

Réponse à l'article de Bern-

heim ; « Comment je comprends

l'hystérie >, par Babinski, p.

372. Voir Grenouille.

Superstitions japonaises, par

Lingbeek, p. 471.

Symétrie. L'homme est-il symé-

trique ou double, par Sabatier,

p. 13. Un dernier mot sur la -,

par Bonne, p. 40.

Syndrome BULB.11RE. Sur le

t ? dissociation des sensibilités,

l' conjointement avec des trou-

bles cérébello-tabiques, par

I Ienschen, p. 69. Sur le ves-

tibulaire, par Raymond, p. 231.

Syphilis. Voir Sclérose. A propos

de la cérébrale diffuse, par

Ladame, p. 157. Traitement de

la par l'anilarsinate de sou-

de, suivant le procédé de Sal-

mon, par Hallopeau, p. 456.

SyiiiNC-0l,iYÉLir, ou lèpre, par

Gaussel et Lévy, p. 74. avec

phénomènes bulbaires et trou-

bles trophiques intenses, par

Raymond el Lejonne, p. 167.

Un cas de avec chiroméga-

lie suivi d'autopsie, par Lher-

mitte, p. 168. -, par Français

et Rose, p. 302. Malformations

congénitales, congénitale ou

lésions diffuses du système ner-

veux,' par Dufour, p. 303. -

spasmodique douloureuse à

évolution rapide, par Verger,

p. 384. Voir Radiothérapie.

Système nerveux; Séméiologie

du-, par Dufour, p. 94. ?

Voir Vibrations mécaniques.

Tabès. Voir Genou. Conception

du -, par Berntieim, p. 160.

ataxo-spasmodique sans

lésions des cordons latéraux.

dorsalis avec faibles altéra-

tions des racines postérieures,

par Long, p. 162. Nouvelles

recherches sur l'histologie fine

des ganglions et des racines

postérieures dans le -, par

Marinesco et 3linel, p. 164.

avec arthropathie vertébrale,

par Lejonne et Gougerot, p.

165. Voir Ataxie. avec

atrophie musculaire des deux

membres supérieurs, par Ray-

mond et Rendu, p. 168. Revue

critique de la thérapeutique du

dorsalis, par Ilirschberg, p.

211. voir Injections. . dor-

salis, par Schroeder, p. 369.

Tétanie. Le pronostic de la

des adultes, par Fraiil1-Ilo-

chwarl, p. 71. De l'influence

exercée par les sels de calcium

et de sodium sur l'évolution de

la - expérimentale, par l'ar-

lion et Uréché, p. 209.

Tic douloureux du pied, par

Bloch, p. 471.

Timidité morbide guérie par la

suggestion, par Damoglu,p. 89.

Tissu nerveux. Sur la désinté-

gration du - -, par Atxhei-

mer, p. 367.

Torticolis. Inutilité du traite-

ment chirurgical dans un cas

TABLE DES MATIERES.

489

de mental de Brissaud, par

Sicard et Desbomps, p. 302.

Trac Le des chanteurs, par

Bérillon, p. 90.

Traumatismes crâniens et trou-

bles mentaux, par JofTroy, p.

457.

Tronc. L'entrecroisement du

est-il pailles ou total, par Bach

p. 298.

Tno['t[OEDEME chronique. Va-

rioté congénitale unique du

-, par Courtellemont, p. 466.

Troubles de la sensibilité au dé-

but de la paralysie générale,

par Diltz, p. 78. Contribution

à l'élude des mentaux de la

maladie de par Par-

rhon et Marbc, p. 80. trophi-

ques dans l'hystérie, brûlures

par suggestion, par Fartez, p.

304. des mouvements par

lésion du lobejironlaLpar Hart-

mann, p. 368. Syndrome hémi-

tonoclonique post-hémiplégi-

que, ses rapports avec les au-

tres moteurs post-hémiplé-

giques, par Etienne, p. 384.

Quelques considérations sur les

oculaires de l'épilepsie et de

-l'hystérie au point de vue mé-

dico-lcgal, par Pansier, Rodiel

et Cans, p. 385. - Voir Trau-

mullsmes. Les digestifs con-

sidérés dans leurs rapports

avec les mentaux, par Page,

p. 462. de la parole dans les

fond, il l'exclusion des

aph. par Ileilbronner, p. 463.

Tumeur dans la substance blan-

che de la zone motrice (région

du bras).Sur le diagnostic diffé-

rentiel du siège cortical ou

sous-cortical'du foyer, par Val-

kenburg, p. 60. du corps

calleux, par Raymond, Lejon-

ne el Lhermitte, p. 62. des

méninges médullaires, par Cha-

vigny, p. 225. Un cas de des

méninges rachidiennes, par

Lannois el Durand, p. 236.

opérée de la' queue de cheval,

par Dumollard, p. 304. Deux

de l'hypophyse, étude his-

tologique, par Alquier et Sch-

miergeld, p. 370. La compres-

sion radiculo - ganglionnaire

dans des de l'encéphale, par

Lejonne, p. 375.

Vibrations mécaniques. L'in-

fluence physiologique sur le

système nerveux, par Stcher-

back, p. 370.

Vieillesse. Introduction à la

psychologie de la -, par Pa-

chantom, p. 89.

Voie pyramidale, par Spielme-

yer, p. 369.

Volonté. Voir Ugslèi ie.

WEHMCKE. Réaction hémiopti-

que de -. par Dupuys-Du-

tcmps, p. 167.

Yeux. Observation clinique et

anatomo-pathologique des

d'une paralytique générale, par

Rodier et Bncka, p. 81.

Zona. Les lésions radiculo-gan-

glionnaires du zona, par Tho-

mas, p. 166.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Abunc1o, (d'), 364.

Alquier, 30-1, 371.

Anglade, 164, .150.

Anlheaiime, 132, .1;;8

Anlonelli, 209.

Al'chambault, 131.

Aynaud, 100.

Babinski, 149, 107.

372.

Bach. 298, 299, 300.

Ballet, 11 ? 303, 380.

Barbé, 185.

Baudoin, 160.

Bauer, 159.

Beaujard, 406.

Bcll, 128, 306.

Bcllctrucl, 158, 38G.

Bcnon, 317, ·175.

Bériel, 235.

Bérillon, 90, 91, 307,

4fui8.

Bernheim, 1(SU.

Biante, 317.

Bichelonnc, 3 78.

Bloch, -171.

Boiteux, 210.

Bondet, 232.

Bonne, 13. 40, 169.

Bonnier, 168.

Bouch.iu<l, G8.

Boudet, 73.

Bournevillc, 212,

419.

- Bousquel, 4.')5.

Boyle, 453.

Bratz, 72.

Briand, 82.

Bricka, 81.

Brissaucl, 166, IG7.

Brola, 89.

Bumke, 300, 383.

Cade, 231.

Caiiipl3ell, 62.

Camus, 208.

Cans, 177, 385.

Canlonnel, 106, 302.

Cas11n, 151.

Catala, 73.

Caussade, 380.

Charpentier, 88, 372,

37G.

Chartier, 371, 380.

Chaumier, 142.

Chavigny, 235.

Ciovini, 30-1.

Claude, 143. lG7,

lGS, 303, 371,374,

384, 460, -16J.

Clérambault, 321.

Cohen, 397.

Colin, 81.

Comby, 455.

Coste, 471.

Bourbon,77,82.

Courlcllenuml, 213,

466.

Crocq, 36J.

Cullerre, 97.

Dalmas, 48.

Damoglou, 89.

Darcanne, 139.

Déjérine, 380.

Dclille, 73, lG.i, : 303.

Deny, 81.

D(riccl, 172.

Desbomps, 302.

Descomps, 159, : 37·l.

Dewarlc, 199.

Dopter, 455.

DO\'en, 93.

Dromard, 48, 389.

1)ucoslé, 77. 83, I(iU.

Dufour, 91, 30 : 3, ·161. 1.

Dumollard, 301.

Dupouy, ;1\)().

Dupré, 138, 162, 167,

208, 303.

Dupuys-Dolcnths,

167.

Durand, 236, 378.

Edcl, 381.

];cr,75.

Eschle, 430.

Etiemn;,7.t,212,384.

Farez, 91, 304, 307,

40G.

Foy, 4G 1.

Français, 75, 139,

302.

Francolte, 402.

Franckl-Iloel1wnrl,

71.

Gabourd, 237.

Gallois, 210.

Gaussel, 71.

GicrJicek, 1G1.

Ginoux, 303.

Giry, 303.

Gougcrot, lG5.

Graujw, '> 18, 1G1.

Grasset, 117.

Guévara-Réjas, 387.

Ilalbcrstadt, 88.

Hallopeau, 450.

I-Iartcmbcrg, 210.

I Iarttnann, 368.

Heddaeus, 367.

IIcilbronncr, 403.

Heilz, 63.

Ileuschen, 69.

I tcyniw, 156.

I Iirschbcrg, 211.

IIollander, 7G.

Iludovernig, 74.

Hucl, 303.

Hurtrca, 92.

Ingegnieroz, 75.

IsaHowilcl1- Dusa n,

375.

Jaccluiu. 459.

Jaguaribe, 307.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

491

Jambon, 231. 1.

Janct, 218.

.Icansclme, 108.

J elecrsli1a, 226.

Joffroy, 457.

Joire, '93, 224.

jolies; 29-8.

.Inde, 310.

Juquelicr, 87.

IClippel, 165, 166,

384. *

ICnoblauch, 381.

ICopczynsl : i, 55.

Ladame, 111, 157.

Lagrave, 471.

Lamy, 167.

Landolt, 302.

Lange, 231.

Lannois, 23G.

Lapointe, 372.

Lamelle, 151. 1.

Lasarcvv, 51.

Latreille, 161. 1.

Leclerc, 231.

Léger, 167.

Lejnnnc, 62,165, 167,

303, 375, 385, 386.

1 leii il i i-e, 167.

Lemaître. 302, 465.

Léon, 377.

Lépinay, 470.

Lépine, 378.

Leroy, 211.

Leubuschcr, 72.

Levassorl, 389.

Leven, 378.

Lévi (L.), 111, 165,

166.

Lévy, 71.

Lé\\ i>, 365, 479.

Ley, 201, 303.

Lhermilte, 62, 168,

303, 385, 466.

Lindbccl : , 471.

Lioncl.Dauriac, 91.

Long, 161, 162, 303.

Magnan, 452.

Maiiaim, 208.

\laircl, 311, 393.

]\farbe,80.

Marchand, 63, 85,

156..

Marguliès, 77.

Marie (A.), -114.

Marie (P.), 73, 79.

Marincsco, 62, 163.

Matignon, 61.

mayen, 362.

Méeus, 479.

Monde), 54.

Mendicini, 30-1.

Mercier, 158.

\Iézic, 212.

Dfilhet, 380.

minés, 62.

Minci, 163.

Monestier, 171.

llondio, 386.

\fonier-Vinard, 165,

166.

Monod (IL), 452. N

1\loravesik, 361.

Motet, 452. : 'I[olt, 231.

Moutier, 73.

Mulot, 92.

Naccl : c, G8.

Nathan, 138.

Noïca, 61, 166, 379.

Olivier, 156.

Orchansky, 59.

Ouhnont," 377.

Pachantoni, 89, 296.

Paclet, 86.

Page, 462.

Pallhas, .162.

Pamart, 90.

Pansier, 385.

Parisot, 74.

Parrhon, 80, 209.

Pascal, 77, 80.

Péchin, 166.

Pcrrin, 375.

Petit; 63.

Pichenot, ·15-1.

Pick, 69.

Piéry, 232.

Piltz, 78.

Provotele, 168.

Quinquc, 93.

1 nabino\'ith, 162, 229

Raymond, 165, 167,

168, 372, 387.

458, 461, 466.

Régis, 153, 485.

Régnault (F.), 93,

305, 306.

Rendu, 168.

Rheuter, 456.

Rihierre, 162.

Riche, 185.

Robin, 379.

Rochon-Duvignaud,

465.

Rodicr, 81.

Rodiel, 177, 385.

Rose, 302, 385, 465.

Roscnfcld. 382.

Rossi, 110, lfi8.

Rothschild (de), 141,

165.

Roubier, 231.

Houssy, 140, 168.

Roux, 63.

Royer (Maurice), 238,

119.

Sablier, 13.

Sahrazes, 364.

Saint-lvcs, 91.

Sa)mon,362.

Sano, 204.

Savy, 235.

Sclimiergeld, 168,

370.

Schmyder, 144.

Schroeder, 369.

Schwartx, 75.

Sézary, 168.

Sicard, 159, 166, 167.

Sizaret, 396.

Sollicr, 152, 228.

Soukhauo fi, 76, 79.

Souques, 465.

Spielmcycr, : ;r 369.

Stcherbal : , 257, 370,

371, -101.

Tanon,166.

Taty, 142.

Terrien, 227.

Thomas (A.), 166,

167. 465.

Thivet, ' ? -11.

Touchard, 465.

Toulzac, 471.

Trendelcmburg, 57.

Truelle, 1.

Tuner, 65.

492 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Uréclié, 209.

Vaillard, 455.

Valensi, 383.

Valkenburg, fi0.

Vauder Vloct, 81.

Verger, 384.

Vigouroux, 83.

Vitek, 72.

VitLe, 61.

Vogl, 57, 366.

Voisin. 92.

Voivenel. 86.

\Ynynbaul11, 387.

Wehrung, 58.

Wcill, 465.

Wicart, 380.

Wickersheimer, 18,i.

Wiki, 161.

Willielm-SI)recllL,

376.

Wilry, 94.

l'anuiris, 157.

Yersin, 63.

Clermont (Oise) - Impr,l1'erie 110lx hères Thiron.